M. le président. La parole est à M. Philippe Bas, pour explication de vote.
M. Philippe Bas. Monsieur le président, je n’avais pas prévu d’intervenir sur cet amendement mais, en écoutant Mme la ministre s’exprimer à l’instant, je me suis aperçu que sa rédaction pouvait présenter une certaine ambiguïté.
En effet, madame la ministre, vous avez spontanément répondu comme si cet amendement visait à mettre en cause les régimes de la fonction publique.
Je tiens à vous rassurer sur ce point ; au demeurant, la lecture de cet amendement devrait y suffire. Toujours est-il que ni dans sa lettre ni dans l’esprit de ses auteurs ne se trouve l’idée de remettre en cause la spécificité des régimes de retraites de la fonction publique. (Exclamations ironiques sur les travées du groupe socialiste.) Celle-ci n’est d’ailleurs mentionnée ni dans l’amendement ni dans son objet.
Du reste, il est bien des régimes de retraites auxquels on peut songer lorsqu’il s’agit d’établir l’équité : je mentionnerai, par exemple, celui des agriculteurs et de leurs conjoints, celui des artisans ou des commerçants. Eh bien, il s’agit pour nous de dire ici, avec toute la solennité qui s’attache à un texte de loi, que nous réclamons justice pour les agricultrices, pour les agriculteurs, pour les commerçantes, pour les conjoints d’artisans… (Nouvelles exclamations sur les mêmes travées.)
C’est en fait pour tous les Français que nous réclamons justice, car il n’est pas concevable qu’en France, en 2013, alors même que les droits sont les mêmes, les efforts contributifs pour les acquérir ne soient pas identiques.
De plus, quand on constate que ce projet de loi ne fait rien pour combler le déficit prévisible, gigantesque, des régimes de retraites de la fonction publique et que, par conséquent, on s’en remet au contribuable – lequel est déjà exagérément sollicité (Marques d’approbation sur les travées de l'UMP.) – pour couvrir ces déficits à venir, il apparaît encore plus nécessaire et même urgent de prendre des dispositions d’équité, même si, je l’ai rappelé à l’instant, le présent amendement ne vise pas la seule équité entre fonctionnaires et non-fonctionnaires.
En vérité, les raisons réelles de votre opposition à cet amendement s’éclairent d’un seul coup. Elle révèle la gêne profonde que vous ressentez : voilà pourquoi votre réponse a d’emblée porté sur les régimes de la fonction publique, alors que nous ne vous posions aucune question à ce sujet. C’est en effet que, faute de toute décision utile pour préserver les pensions de retraite de la fonction publique, vous n’avez d’autre choix que de recourir à des hausses d’impôts supplémentaires dans les années qui viennent.
Voilà le vice radical (Rires.)… voilà l’un des principaux vices, veux-je dire, de votre projet de loi. Mais il n’est pas trop tard pour l’éliminer : commençons donc par faire figurer dans l’article 1er cet objectif d’équité qui ne devrait choquer aucun Français. (Très bien ! et applaudissements sur les travées de l'UMP.)
M. le président. La parole est à M. Claude Domeizel, pour explication de vote.
M. Claude Domeizel. Chers collègues de l’UMP, il me faudra bien moins de cinq minutes pour vous convaincre de retirer votre amendement. (Exclamations ironiques sur les mêmes travées.)
M. Longuet a déclaré qu’il fallait tout mettre en œuvre pour rapprocher les régimes de retraites de base. Eh bien, je vous invite tout simplement à lire l’article 27 du projet de loi : celui-ci crée l’Union des institutions et services de retraites, organisme chargé d’assurer « le pilotage stratégique de l’ensemble des projets de coordination, de simplification et de mutualisation » entre les régimes, et étend aux régimes complémentaires le projet de répertoire de gestion des carrières uniques.
Vous avez voté contre cet article en commission, alors qu’il va exactement dans le sens de ce que vous souhaitez. (Protestations sur les mêmes travées.) L’amendement que vous proposez est donc inutile : il vous suffira de voter l’article 27 pour qu’il soit satisfait. (Marques d’approbation sur les travées du groupe socialiste.)
M. le président. La parole est à M. Gérard Longuet, pour explication de vote.
M. Gérard Longuet. Jean-Claude Lenoir me souffle que mieux vaut tenir que courir... Nous verrons, au moment de l’examen de l’article 27, s’il est bien inspiré par cet objectif d’équité.
M. Claude Domeizel. Pourquoi donc avoir voté contre en commission ?
M. Gérard Longuet. Pour une raison très simple, monsieur Domeizel : l’institution créée par cet article vise peut-être à rapprocher les différents régimes de retraites, mais aucun des vingt-six articles précédents ne va dans le sens d’un tel rapprochement. À quoi bon créer un nouvel organisme à la fin du texte si l’objectif que vous lui assignez n’a jamais été évoqué plus haut dans le texte ? (Exclamations sur les travées du groupe socialiste.)
Mais je veux surtout répondre à Mme le ministre sur l’historique des régimes de retraites. Comme d’autres ici, je suis élu dans une région minière, qui a ses traditions en la matière, ainsi que cela a été rappelé hier soir à propos de la caisse autonome des mines, par M. Domeizel, me semble-t-il.
M. Jean Desessard. Oui, c’était bien lui !
M. Gérard Longuet. Eh bien, il a eu raison de faire ce rappel.
C’est une évidence, les régimes obligatoires ont un passé, des racines, mais malheureusement les technologies changent, les positions professionnelles évoluent et les différentes professions voient leur importance relative se modifier.
Régulièrement, des journalistes économiques insistent sur les déficits qui affectent tel ou tel régime, par exemple celui des cheminots. Comment le déficit du régime des cheminots s’explique-t-il ? Tout simplement par le fait qu’il y a aujourd'hui moins de cheminots qu’hier !
Pourquoi, à l’inverse, la caisse nationale des barreaux connaît-elle un excédent ? Parce qu’il y a de plus en plus d’avocats jeunes – au barreau de Paris, la moyenne d’âge est actuellement inférieure à trente-cinq ans –, et donc un grand nombre de cotisants en regard du nombre de retraités.
L’égoïsme naturel de chaque profession a tendance à perpétuer sa singularité, jusqu’au jour où, confrontée à des évolutions technologiques et concurrentielles majeures, elle se rend compte qu’elle a perdu sa position confortable. Elle se tourne alors vers la collectivité pour lui demander de contribuer à son équilibre parce qu’elle n’est plus en mesure de l’assurer seule.
C’est toute l’histoire des régimes de retraites, et c’est la raison pour laquelle il faut anticiper ces évolutions, qui sont inévitables. Il est inévitable, en effet, qu’il y ait des égoïsmes professionnels, même s’il faut les combattre et les encadrer. Les professions qui sont en expansion et qui ont une pyramide des âges favorable n’auront de cesse de vous expliquer qu’elles n’ont besoin de personne, jusqu’au jour où elles sont rattrapées par les réalités et où la base de la pyramide s’étiole tandis que son sommet s’élargit. On se tourne alors vers la Nation, même si, cher Jean-Claude Lenoir, c’est en effet l’État qui, à travers les pouvoirs institutionnels, organise la solidarité.
Nous voulons donc rappeler, par cet amendement, qu’un régime de retraites obligatoire, qu’il soit équilibré ou non, doit faire l’objet d’un droit regard de la collectivité, parce que celle-ci bénéficie de la pérennité et a donc le devoir de tenir compte de l’évolution probable de telle ou telle profession.
En 1945, lorsque le général de Gaulle a généralisé la protection sociale et les régimes de retraites…
M. Claude Domeizel. Il n’était pas seul !
Mmes Laurence Cohen et Laurence Rossignol. Avec le CNR !
M. Gérard Longuet. Cette décision fut prise, il est vrai, dans le cadre du tripartisme de l’époque.
Quoi qu'il en soit, en 1945, certaines professions ont refusé de rejoindre le nouveau régime de protection sociale. Ce fut notamment le cas des commerçants. Ils ont eu bien tort ! En effet, ils comptaient, pour assurer leurs vieux jours, sur la revente de fonds de commerce auxquels l’automobile a fait perdre l’essentiel de leur valeur, quand elle ne les a pas fait purement et simplement disparaître. Car c’est l’automobile qui a créé les grandes surfaces, et non pas l’inverse. Bref, les commerçants qui avaient travaillé durement pour se constituer une retraite ont vu en quelques années la valeur de leur patrimoine réduite à néant.
Dans cet amendement, nous proposons que la Nation ait un droit regard sur les régimes de retraites pour y apporter de l’équité et faire en sorte que les professions qui bénéficient de conditions démographiques favorables aident celles pour lesquelles ces mêmes conditions sont dégradées.
M. Jean-Pierre Caffet. C’est déjà ce qui se passe !
M. Gérard Longuet. Notre proposition relève de l’évidence ! Pourquoi diable la récusez-vous ? Vous êtes favorables à l’égalité dans toutes sortes de domaines, vous passez votre temps à formuler des vœux, qu’il vous arrive d’ailleurs vous-mêmes, en dépit de la loi de séparation de l’Église et de l’État, de qualifier de « vœux pieux », mais lorsque nous rappelons cette vérité de bon sens, à savoir qu’il faut rapprocher les régimes obligatoires en équité – et non pas en égalité –, vous récusez cette perspective !
Vraiment, madame le ministre, votre vision de la valeur ajoutée des amendements est pour le moins unilatérale, et c’est la raison pour laquelle nous défendrons avec enthousiasme tous nos amendements, à l’occasion d’un débat dont nous voulons qu’il soit une rencontre collective sur l’avenir des régimes de retraites, au-delà de ce que vous nous proposez, à savoir une pure et simple augmentation des cotisations pour équilibrer à court terme, et seulement de manière partielle, un système que vous ne savez pas réformer. (Très bien ! et applaudissements sur les travées de l'UMP.)
M. le président. La parole est à M. Jean-Pierre Caffet, pour explication de vote.
M. Jean-Pierre Caffet. Il arrive un moment où, à force de s’entendre mis en accusation, on se sent obligé de prendre la parole et de répondre.
M. Jean-Claude Lenoir. Nous avons déjà marqué des points !
M. Jean-Pierre Caffet. Oh, ne vous réjouissez pas trop vite ! En tout cas, monsieur Lenoir, j’ai écouté très attentivement tous les orateurs et je vous demande de bien vouloir me rendre la pareille.
M. Jean-Claude Lenoir. Mais c’est la moindre des choses !
M. Jean-Pierre Caffet. Merci !
Regardons les choses comme elles sont. Dans le cadre de cette réforme, les régimes de base, c'est-à-dire les régimes qui couvrent les trois quarts des actifs français, seront équilibrés en 2020. Et vous en convenez ! M. Bas l’a lui-même reconnu. Mais ce fut pour nous reprocher aussitôt de ne pas nous occuper des autres régimes.
Parlons donc des autres régimes, monsieur Bas, qui sont au nombre de trois : les régimes complémentaires, les régimes de la fonction publique et les régimes spéciaux.
Pour ce qui est des régimes complémentaires, ils sont en déficit et ils le resteront, car, si l’on examine les projections, on constate que les décisions courageuses qu’ont prises l’AGIRC et l’ARRCO au mois de mars 2013 ne suffiront pas à assurer leur équilibre de manière durable.
Est-ce alors à l’État de légiférer à la place des partenaires sociaux, puisque ce sont qui, à l’heure actuelle, je le rappelle, gèrent ces régimes ? La décision de mars dernier était certes courageuse, dans un contexte de sous-indexation des pensions et d’augmentation des cotisations, et cela jusqu’en 2015.
M. Jean-Claude Lenoir. C’était très bien !
M. Jean-Pierre Caffet. Oui, mais qui l’a prise ? L’ensemble des partenaires sociaux, c'est-à-dire les organisations patronales et syndicales, qui se sont mises d’accord.
Toutefois, le problème des régimes complémentaires reste entier puisque, je le répète, les déficits persisteront au-delà de 2020.
Peut-on faire confiance aux partenaires sociaux, qui auront dans quelques années la lourde responsabilité de devoir prendre les décisions qui s’imposent, notamment sur les rendements de ces régimes ? Doivent-ils rester constants ou devenir décroissants ? Je pense que c’est le problème auquel seront confrontés les régimes complémentaires dans les années à venir.
Est-ce donc à l’État, dans cette réforme, de dicter aux partenaires sociaux ce qu’il faut faire ? Je ne le crois pas.
J’en viens maintenant à la catégorie des régimes dont l’équilibre est assuré par des fonds publics, c'est-à-dire les régimes de la fonction publique ainsi que les régimes spéciaux.
Au passage, monsieur Longuet, je vous rappelle que la compensation démographique et même la surcompensation démographique entre régimes, cela existe depuis des décennies ! Vous semblez découvrir aujourd’hui la nécessité d’une compensation…
M. Gérard Longuet. Pas du tout !
M. Jean-Pierre Caffet. ... alors qu’elle a été mise en place dès qu’un certain nombre de régimes ont vu leur rapport démographique se dégrader et menacer l’équilibre de leurs comptes.
M. Gérard Longuet. Le BAPSA, c’est 1962 !
M. Jean-Pierre Caffet. Voilà ! Par conséquent, ne faites pas semblant de découvrir aujourd’hui la nécessité d’une compensation, voire d’une surcompensation démographique, quand de tels mécanismes existent depuis des décennies et que le ministère des finances les met en œuvre chaque année.
Ainsi, le système tend à prendre en compte et à gommer les effets des évolutions démographiques sur les différents régimes, de manière que ceux qui connaissent une évolution favorable de ce point de vue viennent en aide à ceux qui connaissent une évolution défavorable.
Enfin, M. Bas nous dit : « Rendez-vous compte : le déficit du régime de la fonction publique va subsister dans les années à venir ! » Eh oui, monsieur Bas ! Mais que n’avez-vous pris, dans la réforme de 2010, les mesures qui étaient alors nécessaires pour faire en sorte que ces régimes soient équilibrés ! (Vives protestations sur les travées de l'UMP.)
M. Jean-Pierre Raffarin. C'est un peu fort !
M. Philippe Bas. Nous sommes les seuls à avoir fait quelque chose !
M. Jean-Pierre Caffet. En fait, vous le savez bien, monsieur Bas, c'est rigoureusement impossible ! Regardons la situation des régimes. Les fonctionnaires, à l'horizon de 2020, paieront exactement les mêmes cotisations que les autres actifs, c'est-à-dire la cotisation à un régime de base et la cotisation moyenne à un régime complémentaire. C'est la réforme de 2010 !
La durée de cotisation est exactement la même ! Ce qui change, fondamentalement, c'est évidemment le rapport démographique entre des fonctionnaires à la retraite qui sont de plus en plus nombreux et des fonctionnaires en activité qui le sont de moins en moins !
Monsieur Bas, vous pouvez toujours nous dire que nous allons augmenter les impôts…
M. Philippe Bas. De toute façon, c'est votre habitude !
M. Jean-Pierre Caffet. … pour équilibrer les régimes de fonctionnaires, mais vous, vous n'avez pas réglé le problème ! Et si vous ne l'avez pas fait, c'est parce que cela n’est pas possible !
Je récapitule, car je m’aperçois que j’ai dépassé mon temps de parole : …
M. le président. En effet, et je vous remercie de conclure !
M. Jean-Pierre Caffet. … des régimes de base équilibrés, des régimes complémentaires pour lesquels les décisions seront prises par les partenaires sociaux et des régimes de fonctionnaires qui sont d'ores et déjà alignés, pour les principaux paramètres, sur les régimes de base. (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste.)
M. le président. La parole est à M. Jean-Pierre Raffarin, pour explication de vote. (Applaudissements sur les travées de l'UMP.)
M. Jean-Pierre Raffarin. J'ai écouté la dernière argumentation avec une certaine stupéfaction. Je comprends bien que le sujet est difficile, y compris pour les sénateurs qui sont aujourd'hui en responsabilité...
C'est difficile parce que ce qui a été dit est la vérité : entre les différents paramètres, vous avez choisi de jouer sur celui des cotisations. Voilà la stratégie fiscale qui est aujourd'hui la stratégie socialiste ! Le pays l'a compris et il est inutile d'en rajouter… Peut-être faudra-t-il même apaiser les esprits tant les choses vont plus vite qu’il serait souhaitable, et l'on ne peut évidemment espérer l'effondrement de l'économie française. Mais la situation dans laquelle nous sommes nous fait craindre le pire…
Ce qui me fait réagir, c’est que vous arguez de ce que nous n’aurions rien fait s’agissant de la fonction publique !
M. Jean-Pierre Caffet. C’est vous qui nous reprochez de ne rien faire !
M. Jean-Pierre Raffarin. Pourtant, vous avez bien appelé à manifester en 2003 ! C’était la première fois, dans ce pays, qu’il était proposé d’aligner la durée de cotisation des salariés du public sur celle des salariés du privé. Que de cris d'orfraie avons-nous alors entendus !
Mme Catherine Troendle. Eh oui !
M. Jean-Pierre Raffarin. Nous avons néanmoins fait cette première réforme, sur laquelle un certain nombre de partenaires sociaux – et je salue ici la CFDT – avaient eu la clairvoyance de s'engager.
Je regrette qu’il n’y ait pas eu, avec les partenaires sociaux, au moment de l’élaboration du texte que nous examinons, une discussion aussi approfondie que nécessaire. Si notre débat est souvent ambigu, s'il convient de rappeler un certain nombre de vérités, c'est sans doute, précisément, parce que le débat avec les partenaires sociaux sur ce projet de loi a été, disons-le, quelque peu bâclé.
Madame la ministre, dans cette réforme, il est clair que vous avez fait un choix qui n’est pas le nôtre. Mais il n’est pas trop tard. En effet, je suis personnellement convaincu qu’il faudra une réforme des retraites par quinquennat, cela pour des raisons qui tiennent à la croissance, à la démographie, à la complexité du sujet… Dès lors, il n’y aura pas de Grand Soir de la réforme des retraites et je pense qu’il faudra revenir régulièrement sur le sujet.
M. Jean-Claude Lenoir. Très bien !
M. Jean-Pierre Raffarin. En tout cas, quand je regarde la situation avec un peu de recul, force m’est de constater que M. Balladur a fait le travail, qu’avec Jacques Chirac nous avons fait le travail, que François Fillon et Nicolas Sarkozy ont fait le travail, mais qu’aujourd'hui M. Ayrault ne le fait pas. (Applaudissements sur les travées de l'UMP, ainsi que sur plusieurs travées de l’UDI-UC.)
M. Jean-Claude Lenoir. Très bien !
M. le président. La parole est à Mme la ministre.
Mme Marisol Touraine, ministre. Monsieur le Premier ministre, le fait que cette réforme ne soit pas celle que vous auriez proposée au pays si vous aviez été aux responsabilités ne vous autorise pas à dire que nous avons bâclé la concertation.
Mme Marisol Touraine, ministre. Du reste, les organisations syndicales dites « réformistes » ont soutenu et soutiennent encore le projet et, à ma connaissance, le pays a compris le sens de la réforme engagée puisqu'il ne défile pas, par centaines de milliers, voire par millions de personnes, comme il l'a fait en 2010 contre la réforme que vous aviez proposée. (Vives protestations sur les travées de l'UMP. – Mme Éliane Assassi s'exclame.)
Ainsi, je ne crois pas que vous ayez particulièrement intérêt à vous placer sur le terrain de la concertation, car celle-ci a bel et bien été menée et elle a abouti à un texte.
Que vous soyez en désaccord avec ce texte, c'est votre droit le plus strict (Merci ! sur les travées de l’UMP), mais vous ne pouvez pas considérer que la concertation que nous avons menée a été bâclée.
Il nous faut, selon moi, suivre attentivement la situation de nos régimes de retraites. C'est pourquoi nous mettons en place, pour la première fois, un comité de suivi et un système de pilotage – comme l'ont d'ailleurs fait de nombreux pays –, ce qui nous permettra non pas de réformer en permanence, comme certains le souhaitent, mais de suivre attentivement et de dédramatiser, nous l'espérons, le débat sur les retraites en France, car c'est aussi de cette dramatisation que souffre notre pays, du fait de réformes qui ont été parfois trop brutales et mal expliquées.
La réforme que nous proposons – c'est l'occasion pour moi de répondre en quelques mots aux interpellations qui m'ont été adressées – rompt complètement avec la logique qui était la vôtre…
M. Gérard Longuet. Qu’est-ce que vous supprimez ?
Mme Marisol Touraine, ministre. … puisque nous avons clairement indiqué notre volonté de remettre en cause le fait de faire peser les efforts exclusivement sur les jeunes générations, comme vous continuez de le proposer en demandant le report de l'âge légal de départ en retraite à soixante-cinq ans, voire au-delà, ainsi que M. Longuet le suggérait hier dans la discussion générale.
Pour notre part, nous estimons que nous devons tenir compte de la diversité des parcours professionnels. C'est une rupture complète avec la réforme de 2010, et cela correspond à ce que nous avions alors demandé.
De même, nous rompons complètement avec la logique du texte de 2010 en introduisant, en particulier, le mécanisme de prise en compte de la pénibilité. (Protestations sur les travées de l'UMP.)
M. Jean-Pierre Raffarin. C’était déjà le cas dans le texte de 2003 !
Mme Marisol Touraine, ministre. Non, monsieur le Premier ministre ! Je suis au regret de vous dire que même les organisations syndicales avec lesquelles vous avez travaillé en 2003 considèrent que c'est la première fois que l'on prend en compte la pénibilité (Mêmes mouvements.), car la loi de 2010 n’a pris en compte que l’invalidité.
Ainsi, toute la logique de notre texte est en rupture avec la réforme que vous avez présentée dans le passé.
M. Jean-Claude Lenoir. Qu’est-ce que vous abrogez ?
Mme Marisol Touraine, ministre. Vous ne voulez pas l'admettre parce que, au fond, vous considérez que les seules réformes qui vaillent sont celles que vous portez. (Mêmes mouvements.)
M. Jean-Claude Lenoir. Pas du tout !
Mme Marisol Touraine, ministre. Aujourd'hui, nous défendons une réforme. Cette réforme, vous la combattez, mais nous, nous l'assumons parce qu'elle est porteuse de droits sociaux et qu’elle permettra, pour la première fois, de prendre en compte la diversité des parcours professionnels, ce qui nous apparaît comme une nécessité compte tenu de la diversité des situations que connaissent les Français ! (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste.)
M. Jean-Pierre Raffarin. C’est surtout la première fois qu’il n’y a pas de réforme !
M. le président. Je suis saisi de neuf amendements faisant l'objet d'une discussion commune.
L'amendement n° 358, présenté par M. Vanlerenberghe, Mme Dini, MM. Roche et Amoudry, Mme Jouanno, M. Marseille et les membres du groupe Union des Démocrates et Indépendants - UC, est ainsi libellé :
Alinéa 7
Remplacer cet alinéa par trois alinéas ainsi rédigés :
« Afin d'assurer la pérennité financière et l'équilibre entre les générations du système de retraites par répartition, ainsi que son équité et sa transparence, une réforme systémique est mise en œuvre à compter du premier semestre 2017.
« Elle institue un régime universel par points ou en comptes notionnels sur la base du septième rapport du Conseil d'orientation des retraites du 27 janvier 2010.
« Le Gouvernement organise une conférence sociale et un débat national sur cette réforme systémique au premier semestre 2015. »
La parole est à M. Jean-Marie Vanlerenberghe.
M. Jean-Marie Vanlerenberghe. Mes chers collègues, après un tel assaut de talent oratoire depuis hier soir, je crois que je me contenterai d’être bref…
M. Jean-Claude Gaudin. Mais talentueux, comme toujours !
M. Jean-Marie Vanlerenberghe. Bien entendu, monsieur Gaudin ! En tout cas, je m'y efforcerai !
Je pense vous avoir dit hier ce que nous tenait à cœur, à savoir une réforme systémique consistant à passer à un système par points.
Nous sommes très attachés à cet amendement parce nous croyons vraiment qu’il correspond au besoin de clarification – on ne cesse d’en faire état depuis le début de cette discussion –, au besoin de transparence et au besoin de justice des Français concernant le système de retraites.
L'éclatement du système en une myriade de régimes aux règles très différentes ne se justifie absolument plus et il engendre même des injustices que les Français ressentent de plus en plus.
Il n’est que de consulter les résultats d’un récent sondage réalisé sur ce sujet par Harris Interactive et publié en septembre dernier : près de deux Français sur trois ne croient plus en l'avenir du système par répartition. C'est grave ! Nous débattons dans la perspective de sauvegarder un système auquel tout le monde est attaché, le système obligatoire de retraites par répartition, mais auquel les Français ne croient plus.
Que fait-on pour leur redonner confiance dans ce système ? Voilà le problème auquel nous devrions nous atteler…
Nous avons entendu des orateurs des différents groupes s'exprimer sur l'article 1er et, depuis hier soir, une quinzaine d'amendements ont été examinés. Ainsi, nous avons débattu de cet article pendant cinq heures et, pourtant, je n’ai pas le sentiment que nous ayons beaucoup avancé, sinon que nous connaissons maintenant très bien l'historique de notre système de retraites : sur ce point, c’est vrai, nous avons sensiblement avancé, grâce à M. Domeizel, grâce à M. Longuet. Il est toujours intéressant de faire de l’histoire, mais c’est surtout le présent qui nous intéresse !
Précisément, ce que nous proposons aujourd'hui, comme nous l’avions fait lors de la réforme de 2010, c’est d’envisager la mise en place d'un régime universel par points ou en comptes notionnels. Nous demandions déjà en 2010 une réflexion nationale à ce sujet. La loi a d’ailleurs prévu qu’elle serait organisée au premier semestre de 2013. Voilà quelque temps, Mme la ministre, que j’interrogeais sur ce point, m’a répondu qu’elle avait eu lieu. Serais-je le seul à ne pas m'en être rendu compte ? C'est curieux !
Madame la ministre, vous croyez que le débat qui a eu lieu au sein de la commission Moreau suffit vraiment à convaincre les Français que nous sommes sur la bonne voie ? Je crains que vous ne vous trompiez ! J'ai beaucoup de respect pour les douze hauts fonctionnaires qui ont planché sur l'avenir des retraites, qui ont procédé à des auditions, etc., mais je crois que c'est insuffisant !
M. le président. Veuillez conclure, mon cher collègue !
M. Jean-Marie Vanlerenberghe. Il est aujourd'hui indispensable de passer à un débat d’ampleur nationale.
Je pense que la réforme que nous proposons – qui est d'ailleurs calquée sur le modèle mis en œuvre par l'Italie, la Pologne et surtout la Suède (Mme Catherine Génisson acquiesce) – est de nature à garantir la pérennité financière, l'équité et le degré de redistribution auxquels nous sommes tous attachés ; en un mot, cette réforme garantit la transparence du système.
M. le président. Cher collègue, je vous remercie !
M. Jean-Marie Vanlerenberghe. Permettez, monsieur le président, que je prenne une minute supplémentaire.
Mme Annie David, présidente de la commission des affaires sociales. Vous reprendrez la parole en explication de vote. Le règlement s’applique à tout le monde de la même façon !
M. Jean-Marie Vanlerenberghe. J’ai fait, comme les autres membres du groupe UDI-UC, un usage suffisamment modéré de la parole durant ce débat pour ne pas encourir le reproche d’en gêner le déroulement…
M. le président. Je vous accorde quinze secondes pour conclure.