M. Jean-Marie Vanlerenberghe. Alors un dernier mot : 73 % des Français se déclarent favorables à la convergence des régimes du public, du privé et des régimes spéciaux vers un régime unique. Je crois que vous devriez l'entendre ! (Applaudissements sur les travées de l'UDI-UC et de l'UMP.)

M. le président. L'amendement n° 381 rectifié, présenté par MM. Mézard, Barbier, Baylet, Bertrand, Collin, Esnol et Fortassin, Mme Laborde et MM. Mazars, Plancade, Requier, Tropeano, Vall et Vendasi, est ainsi libellé :

Alinéa 7

Rédiger ainsi cet alinéa :

« Dans un délai de trois ans à compter de la publication de la présente loi, le Gouvernement présente au Parlement les conditions d'une mise en place d'un régime universel par points ou en comptes notionnels, dans le respect du principe de répartition au cœur du pacte social qui unit les générations.

La parole est à Mme Françoise Laborde.

Mme Françoise Laborde. Notre amendement va un peu dans le même sens que celui que vient de présenter M. Vanlerenberghe.

Si nous voulons réellement garantir l’avenir de notre dispositif de retraites, il nous faudra, un jour ou l’autre, mettre en place une réforme systémique. Dans une société en pleine mutation, la question des retraites ne peut être éternellement abordée sous le seul angle paramétrique.

En 2010, nous avions été plusieurs à demander qu’une réflexion nationale soit organisée, à compter du premier semestre de l’année 2013, sur le principe d’une réforme systémique des retraites. Mais l’article 16 de la loi du 9 novembre 2010 est finalement resté lettre morte. Nous sommes pourtant convaincus qu’une réforme systémique de la prise en charge collective du risque vieillesse est inévitable.

Depuis plusieurs années, les radicaux de gauche appellent une telle réforme de leurs vœux. Nous avons très tôt plaidé pour une réforme qui consisterait à remplacer les annuités par des points ou des comptes notionnels au sein d’un régime universel. Le rapport du COR publié en janvier 2010 a d’ailleurs montré que le passage à un régime par points ou en comptes notionnels était techniquement possible et permettait notamment d’intégrer des dispositifs de solidarité.

Avec un système par points, par exemple, il serait possible de cumuler, de manière flexible, des droits acquis tout au long de la vie, de gommer les aléas par des points bonus ou des points de compensation et de mettre fin à des régimes multiples et souvent complexes.

C’est ainsi que nous préparerons durablement l’avenir de notre système de retraites.

M. le président. L'amendement n° 34, présenté par M. Watrin, Mmes Cohen, David et Pasquet, M. Fischer et les membres du groupe communiste républicain et citoyen, est ainsi libellé :

Alinéa 7

Rédiger ainsi cet alinéa :

« Le financement du régime de retraite par répartition est assuré par des contributions réparties équitablement entre les générations et, au sein de chaque génération, entre les différents niveaux de revenus. Les financements prélevés sur le capital sont aux moins égaux à ceux assis sur le travail.

La parole est à Mme Laurence Cohen.

Mme Laurence Cohen. Il nous paraît indispensable que deux précisions apparaissent clairement dans la rédaction de l’alinéa 7 de l’article 1er du projet de loi.

Tout d’abord, comme cela a déjà été souligné, la solidarité doit s’exprimer à la fois entre générations et au sein de chaque génération.

En effet, le système de retraites par répartition a été instauré en France pour garantir des ressources à tout affilié après la cessation de son activité professionnelle.

Il s’appuie sur une solidarité intergénérationnelle : les actifs paient des cotisations pour financer les retraites des personnes âgées, tout en acquérant des droits qui, à leur tour, seront financés par les générations suivantes d’actifs. En faisant le choix de ce système, le législateur est devenu garant de sa pérennité sociale.

Mais, dès lors que le dispositif repose sur la règle de la cotisation sociale, il est aussi question de « solidarité horizontale », si je puis m’exprimer ainsi. La contribution de chaque affilié est fonction de ses ressources. C’est tout l’intérêt du principe de la cotisation, qui implique directement le citoyen dans le partage des richesses : à chacun selon ses moyens, à chacun selon ses besoins.

Ajoutons que le financement des retraites est assis sur la richesse produite. Dans les entreprises, cette richesse double tous les trente ans, c’est-à-dire à un rythme supérieur à celui du nombre de retraités. Il y aura donc largement les moyens financiers d’assumer nos retraites futures, à condition, évidemment, que soit répartie équitablement la richesse produite.

À cet égard, il n’est pas acceptable que les revenus tirés du capital soient moins mobilisés pour financer notre système de protection sociale que ceux qui sont tirés du travail. Ces financements doivent, a minima, être également répartis.

Tel est l’objet de cet amendement, qui est un amendement de justice sociale.

M. le président. L'amendement n° 29, présenté par M. Watrin, Mmes Cohen, David et Pasquet, M. Fischer et les membres du groupe communiste républicain et citoyen, est ainsi libellé :

Alinéa 7, première phrase

Remplacer les mots :

La pérennité financière du

par le mot :

Le

La parole est à M. Michel Le Scouarnec.

M. Michel Le Scouarnec. L’article 1er du projet de loi constitue en quelque sorte un préambule puisqu’il tend à préciser les objectifs que nous assignons collectivement à notre système de retraites. Cela n’a rien d’inédit : en 2003 et en 2010, déjà, des articles similaires figuraient en début de texte. Ils affichaient des objectifs parfois ambitieux, dont, malheureusement, certains n’ont pas été réalisés. Disant cela, je pense notamment au traitement équitable des assurés au regard de la retraite, quel que soit leur sexe, ou encore à la réduction des écarts de pension entre les hommes et les femmes, qui reste un vœu pieux.

Depuis 2010, l’équilibre du système de retraites figure également dans la liste des objectifs, avec le succès que l’on connaît puisque, faute de mesures d’ampleur comme celles que nous proposons avec la taxation des revenus financiers ou la modulation des cotisations sociales en fonction de la politique des entreprises, cet équilibre reste virtuel. En revanche, les mesures prises en 2003, en 2010 et aujourd’hui au détriment des salariés sont, elles, bien concrètes. De fait, ces derniers sont les seuls à être mis à contribution.

Tout cela nous conduit à nous interroger sur la pertinence de la rédaction actuelle de l’alinéa 7, lequel tend à préciser que « la pérennité financière du système de retraites par répartition est assurée par des contributions réparties équitablement entre les générations et, au sein de chaque génération, entre les différents niveaux de revenus et entre les revenus tirés du travail et du capital ». Si nous nous réjouissons de ce que, pour la première fois, un article de portée générale fait référence à la taxation des revenus du capital, nous regrettons que le début de cet alinéa fasse de la pérennité financière un objectif en soi.

La recherche de l’équilibre des comptes sociaux et des régimes de retraites ne doit pas constituer pour la Nation une fin en soi. Ce doit être un objectif à atteindre de manière à garantir à nos concitoyens un niveau de pension satisfaisant, permettant aux retraités de vivre dignement.

M. le président. Les amendements nos 249 et 393 sont identiques.

L'amendement n° 249 est présenté par MM. Longuet et Cardoux, Mmes Boog, Bruguière, Bouchart, Cayeux, Debré et Deroche, M. Dériot, Mme Giudicelli, MM. Gilles et Husson, Mme Hummel, MM. Fontaine, de Raincourt, Laménie et Milon, Mme Kammermann, M. Pinton, Mme Procaccia, M. Savary et les membres du groupe Union pour un Mouvement Populaire, apparentés et rattachés.

L'amendement n° 393 est présenté par M. Barbier.

Ces deux amendements sont ainsi libellés :

Alinéa 7

1° Première phrase

Après les mots :

chaque génération

insérer les mots :

entre les différents régimes,

2° Seconde phrase

Après les mots :

suppose de

insérer les mots :

poursuivre l’effort de convergence entre les régimes de retraites des salariés du secteur privé et des fonctionnaires de l’État et de

La parole est à M. Philippe Bas, pour présenter l’amendement n° 249.

M. Philippe Bas. Une très grande majorité de Français manifestent de plus en plus fortement l’exigence d’un traitement identique au regard des droits à la retraite des salariés du secteur privé, auxquels s’applique le code du travail, et des fonctionnaires de l’État, auxquels s’appliquent les lois sur le statut des fonctionnaires.

À l’heure actuelle, bien que Mme la ministre ne cesse de nous rappeler que les taux de remplacement du dernier traitement ou du dernier salaire par la pension de retraite sont équivalents dans le secteur public et dans le secteur privé, on observe des différences importantes.

En effet, le constat avancé, qui porte en réalité sur le taux de remplacement moyen, cache un certain nombre d’écarts : l’écrasante majorité des fonctionnaires se trouvant en catégorie C et, en partie, en catégorie B ne bénéficient pas de primes importantes. Par conséquent, le taux de remplacement qui leur est appliqué une fois qu’ils sont à la retraite est bien supérieur à la moyenne des taux de remplacement que connaissent les anciens salariés du secteur privé.

Un autre point est tout à fait essentiel : dans la fonction publique, ce sont les six derniers mois de la carrière que l’on prend en compte pour calculer le traitement de référence auquel on appliquera le taux de remplacement afin de déterminer le montant de la pension, alors que, dans le secteur privé, on a pris en considération les dix meilleures années jusqu’en 1993 et, depuis, par augmentation progressive, on est passé aux vingt-cinq meilleures années. Or, dans le contexte économique que nous savons et eu égard aux périodes d’inactivité que peuvent subir beaucoup de Français travaillant dans le secteur privé, surtout les plus modestes, ces vingt-cinq années représentent parfois, hélas, la quasi-totalité des années d’activité.

C’est pourquoi il existe aujourd'hui, au-delà même des réalités que je viens de rappeler, un sentiment profond d’injustice, qu’il faut corriger pour rétablir la cohésion sociale dans notre pays. Sans cette cohésion, nous aurons du mal à affronter les différents enjeux financiers, économiques et sociaux qui sont devant nous.

Tel est le sens de cet amendement n° 249, qui se borne, sans grandiloquence, à prévoir que l’effort de convergence entre les régimes de retraites des salariés du secteur privé et des fonctionnaires de l’État sera poursuivi.

M. le président. La parole est à M. Gilbert Barbier, pour présenter l'amendement n° 393.

M. Gilbert Barbier. Nous avons consacré une bonne partie de cet après-midi à parler de lisibilité et de transparence. C’est en ayant à l’esprit ces deux exigences que j’ai déposé cet amendement.

Sans reprendre le développement que vient de faire Philippe Bas, je me permets d’insister sur le fait qu’il y a manifestement, dans l’opinion publique, un malaise lié à une opposition permanente entre secteur privé et secteur public. Les salariés du secteur privé vivent la situation actuelle comme une humiliation, et je crois qu’il faut absolument que nous puissions nous engager sur la voie d’une convergence.

On peut toujours jongler avec les chiffres, les années, l’absence ou non de primes… Pour ma part, je pense qu’il faut tout mettre sur la table et en discuter avec les diverses organisations responsables. Si nous procédons ainsi, nous parviendrons à une certaine vérité. Ce problème doit être abordé avec beaucoup de sérénité et il faut très rapidement avancer des solutions car, dans la période difficile que nous vivons, nos concitoyens attendent un traitement équitable.

Cet amendement, très modeste en lui-même, tend simplement à nous encourager à emprunter cette voie. Nos concitoyens, je le crois, nous en seront reconnaissants. (Applaudissements sur les travées de l'UDI-UC et de l'UMP.)

M. le président. L'amendement n° 38, présenté par M. Watrin, Mmes Cohen, David et Pasquet, M. Fischer et les membres du groupe communiste républicain et citoyen, est ainsi libellé :

Alinéa 7, après la première phrase

Insérer une phrase ainsi rédigée :

Pour ce faire, un décret précise les modalités par lesquelles la part patronale des cotisations sociales est augmentée sur une durée de trois ans dans les proportions de l’augmentation de la part salariale depuis 1980.

La parole est à Mme Brigitte Gonthier-Maurin.

Mme Brigitte Gonthier-Maurin. Alors que l’adoption de ce projet de loi entérinerait un nouvel allongement de la durée de cotisation, synonyme, pour les générations futures, de décotes et de faibles pensions, les amendements que nos collègues du groupe de la Gauche démocrate et républicaine ont déposés lors des débats à l’Assemblée nationale, afin précisément de renforcer le financement de la sécurité sociale, en particulier de la Caisse nationale d’assurance vieillesse, ont été rejetés.

Pourtant, ce n’est pas le caractère solidaire de notre système de protection sociale qui plombe les comptes sociaux. C’est plutôt le tarissement de ses ressources, un tarissement sciemment organisé par des gouvernements de droite qui, pendant dix ans, n’ont eu qu’une obsession : réduire le coût du travail. Ils ont fait leur le discours porté par le MEDEF, selon lequel les salariés seraient, du fait de leur rémunération et des protections sociales, responsables de la perte de compétitivité des entreprises.

Tout cela a conduit à l’adoption de mesures transférant des cotisations vers l’impôt ou les taxes une partie toujours plus grande du financement de la sécurité sociale.

Permettez-moi de citer un très court passage d’un rapport sénatorial d’information élaboré en 2003 par notre ancien collègue Alain Vasselle : « Entre 1990, année précédant la création de la CSG, et 2002, la part de la protection sociale financée par les cotisations sociales est tombée de 85 % à 65 % quand, dans le même temps, la part des recettes fiscales passait de 3,1 % à 23,5 % de ce total. »

Démonstration est faite que, contrairement aux discours répétés à l’envi par la précédente majorité et le patronat, la pression sociale sur les entreprises ne cesse de décroître et que le phénomène de fiscalisation du financement de notre système de protection sociale contribue à réduire considérablement le taux général d’imposition des entreprises. En effet, cette fiscalisation s’opère majoritairement par le biais d’une augmentation de la CSG, essentiellement supportée par les salariés, ou par une hausse de la TVA, essentiellement supportée par les consommateurs.

À terme, le basculement d’un mode de financement reposant sur le travail, c’est-à-dire, en réalité, sur les richesses créées et produites par le travail, à un financement assis sur l’impôt et la consommation engendrera nécessairement un recul de notre couverture sociale. Nous avons déjà commencé à le percevoir avec l’instauration des franchises médicales, le doublement de la taxe sur les mutuelles ou encore la mise en place des décotes.

Afin d’éviter l’érosion de ce formidable outil d’émancipation humaine qu’est la sécurité sociale, nous proposons que, pour permettre à la Nation d’atteindre son objectif de solidarité entre les générations et au sein de chaque génération, les cotisations sociales patronales soient augmentées, sur une durée de trois ans, dans les mêmes proportions qu’a crû la part salariale des cotisations sociales.

M. le président. L'amendement n° 37, présenté par M. Watrin, Mmes Cohen, David et Pasquet, M. Fischer et les membres du groupe communiste républicain et citoyen, est ainsi libellé :

Alinéa 7, seconde phrase

Rédiger ainsi cette phrase :

La pérennisation des régimes de retraite par répartition nécessite la mise en œuvre d’une politique permettant d’instaurer un niveau élevé d’activité et une qualité de l’emploi satisfaisante pour tous les salariés, notamment en pénalisant les entreprises qui ont un recours systématique aux contrats précaires.

La parole est à M. Dominique Watrin.

M. Dominique Watrin. L’article 1er a pour objet de définir les ambitions que nous nous fixons collectivement en matière de retraite en inscrivant dans la loi un certain nombre d’objectifs. Nous souscrivons à la quasi-totalité d’entre eux, exception faite de l’objectif d’équilibre des comptes, car celui-ci doit rester un moyen pour parvenir à un objectif donné, le droit à la retraite dans de bonnes conditions pour toutes et tous, et non une finalité.

Cela étant dit, dès lors que cet objectif figure dans l’article 1er, il nous paraît légitime de prévoir dès cet article les moyens de parvenir à cet équilibre. Car il est évident que tous les moyens ne sont pas bons, dans la mesure où ils peuvent être contraires à d’autres objectifs mentionnés dans ce même article ! À titre d’exemple, la substitution d’une part importante des retraites par répartition par des mécanismes de retraite complémentaire permettrait sans doute d’atteindre l’équilibre financier du régime de base, mais, pour ce faire, il faudrait rompre avec certains principes de notre système par répartition.

C’est pourquoi nous tenons à préciser dès cet alinéa que la pérennisation des régimes de retraite nécessite la mise en œuvre d’une politique d’emploi permettant d’instaurer un niveau élevé d’activité et une qualité de l’emploi satisfaisante, ce qui pose aussi la question du décrochage des salaires et celle des conditions de travail des femmes par rapport aux hommes.

À cette fin, par souci d’égalité et d’efficacité, nous proposons d’inscrire le principe que les entreprises recourant massivement aux emplois précaires soient à l’avenir soumises à des pénalités financières, de telle sorte qu’elles aient intérêt à renoncer à ces derniers et favorisent un emploi de qualité.

M. le président. L'amendement n° 30, présenté par M. Watrin, Mmes Cohen, David et Pasquet, M. Fischer et les membres du groupe communiste républicain et citoyen, est ainsi libellé :

Alinéa 7

Compléter cet alinéa par les mots :

ainsi qu’une juste répartition des richesses tirées de l’activité économique, et notamment par l’élargissement de l’assiette des cotisations et contributions d’assurance vieillesse aux revenus financiers des entreprises

La parole est à Mme Isabelle Pasquet.

Mme Isabelle Pasquet. Cet amendement de notre groupe pose une question de fond.

L’entreprise est naturellement le lieu de création de richesses à partir duquel nous devons financer notre système de protection sociale et, entre autres éléments ou composantes de celui-ci, notre système de retraites.

N’en déplaise à certains, la fiscalisation du financement de la protection sociale n’a jamais ralenti le niveau de ses dépenses et elle n’a, au fond, fait qu’accompagner le lent mais sûr processus d’insuffisance de trésorerie que nous observons année après année, dans un contexte de sous-emploi chronique de la main-d’œuvre disponible.

Il est également évident que nous ne pouvons nous contenter de financer notre régime de retraite avec le seul concours du prélèvement sur la richesse créée que constituent les cotisations sociales calculées par la référence aux salaires. Je dois avouer que cet aspect de la question appelle plusieurs observations, puisqu’il est défendu par la plupart des économistes bien en cour dans l’univers du libéralisme que le prélèvement réalisé pour financer la protection sociale est effectué sur le travail.

À la vérité, cette apparence nous paraît trompeuse, bien que le montant des cotisations figure au bas de la fiche de paie de n’importe quel salarié de ce pays. Car, plutôt qu’un prélèvement sur les salaires, sur le travail, un prélèvement dit implicite, les cotisations sociales ne sont rien d’autre qu’une affectation de la valeur ajoutée créée par le travail, comme peuvent l’être les salaires, les investissements réalisés ou les provisions constituées pour les mettre en œuvre et même, n’en déplaise à certains, les frais financiers versés aux établissements de crédit ou les dividendes partagés entre les actionnaires.

Les dividendes que les assemblées générales d’actionnaires décident d’accorder aux détenteurs de parts sociales d’une entreprise sont d’abord et avant tout un prélèvement sur la valeur ajoutée créée par le travail.

L’observation vaut aussi pour les sommes que l’entreprise décide de placer en trésorerie ou en placements financiers divers, sans les consacrer de manière immédiate à solder les salaires, à investir dans la production, etc. Ces sommes, particulièrement importantes et qui témoignent le plus souvent de la financiarisation de notre économie, méritent d’être regardées avec le plus grand intérêt et de participer, elles aussi, au financement de notre protection sociale.

Souvent, au demeurant, plus la rente du capital s’avère importante dans une entreprise, plus s’y étiole et s’y affaisse la part de la richesse consacrée à rémunérer le travail. C’est donc aussi pour dissuader les entreprises de procéder à un dangereux aventurisme financier que nous souhaitons intégrer les revenus financiers dans l’assiette des cotisations sociales en vue de leur permettre une juste allocation de la richesse créée par le travail au service de l’emploi, des salaires, de la formation, bref, de l’intérêt général.

C’est sous le bénéfice de ces observations, mes chers collègues, que nous vous invitons à adopter cet amendement.

M. le président. Quel est l’avis de la commission ?

Mme Christiane Demontès, rapporteur. Ces neuf amendements sont en discussion commune, car ils portent tous sur l’alinéa 7. Hormis ce point commun, ils posent des problématiques très différentes : la mise en œuvre d’une réforme systémique, la convergence des régimes de retraite, le financement du système actuel de retraites,…

En 2010, la mission d’évaluation et de contrôle de la sécurité sociale, la MECSS, a publié un rapport d’information sur le système de retraites, dont j’étais cosignataire, qui suggérait de remettre à plat notre système de retraites et d’envisager diverses hypothèses, dont la réforme systémique. Depuis, j’ai souvent été interpellée sur le sujet. Or, je le rappelle, ce n’était qu’une hypothèse.

Lors de l’examen du projet de loi portant réforme des retraites de 2010, au détour d’un amendement – Gérard Larcher, le président de séance de l’époque…

M. Jean-Claude Gaudin. Et du Sénat !

Mme Christiane Demontès, rapporteur. … est présent aujourd'hui –, cette proposition a été reprise, en prévoyant un rendez-vous en 2013. J’ai participé aux débats, comme plusieurs d’entre vous, et nous avions alors le sentiment qu’il s’agissait de calmer le jeu.

Je rappelle en particulier à M. Vanlerenberghe, dont l’amendement n° 358 prévoit la mise en œuvre d’une réforme systémique à compter du premier semestre de 2017, que la commission Moreau, dans son rapport, a considéré qu’une telle réforme ne réglerait en rien les questions qui se posent aujourd’hui à notre système de retraites par répartition. Dans le contexte financier et démographique actuel, une réforme systémique n’apporterait aucune réponse à l’urgence que représente la nécessité de résorber les déficits. Comme le montre d’ailleurs le projet de loi, l’élaboration d’une telle réforme ne constitue pas un préalable à la poursuite des projets de simplification déjà engagés. La commission a donc émis un avis défavorable.

L’amendement n° 381 rectifié prévoit que le Gouvernement présente au Parlement, dans un délai de trois ans, les conditions de la mise en place d’un régime universel par points ou en comptes notionnels. Il s’agit donc non pas d’étudier le bien-fondé d’une réforme systémique mais bien de mettre en place une telle réforme. Comme pour l’amendement précédent, l’avis de la commission est par conséquent défavorable.

L’amendement n° 34 porte sur un autre sujet, celui du financement de notre système de retraites partagé à parts égales entre les revenus du travail et ceux du capital. L’alinéa 7 prévoit déjà que les contributions qui financent le système de retraites sont réparties équitablement entre les générations et, au sein de chaque génération, entre les différents niveaux de revenus tirés du travail et du capital. Une répartition équitable étant à privilégier par rapport à une répartition égale, la commission a émis un avis défavorable.

L’amendement n° 29 vise à supprimer la référence à la pérennité financière. Pourtant, la pérennité financière, c’est-à-dire la garantie donnée aux assurés que leurs pensions sont financées et versées, est bien l’un des objectifs du système de retraites par répartition. La commission a donc émis un avis défavorable.

Les amendements identiques nos 249 et 393 ont pour objet d’affirmer la poursuite de l’effort de convergence entre les différents régimes de retraite. Comme nous l’avons déjà dit à l’occasion d’un précédent amendement, ce n’est pas un objectif en soi du système de retraites. La commission a donc émis un avis défavorable.

L’amendement n° 38 tend à prévoir l’augmentation de la part patronale des cotisations sociales. Je rappelle que l’article 1er vise à affirmer les grands objectifs du système de retraites par répartition et non à définir les modalités précises selon lesquelles ces objectifs seront atteints. En conséquence, la commission a émis un avis défavorable.

L’amendement n° 37 a pour objet la mise en œuvre d’une politique permettant un niveau élevé d’activité et une qualité de l’emploi satisfaisante. Pour la même raison qu’à l’amendement précédent, l’avis de la commission est défavorable.

Enfin, l’amendement n° 30 vise à inscrire une juste répartition des efforts de financement du système de retraites à travers un élargissement de l’assiette des cotisations d’assurance vieillesse aux revenus financiers. L’article 1er, je le répète, vise à affirmer les objectifs poursuivis par le système de retraites et non à définir les modalités précises pour les atteindre. La commission a donc émis un avis défavorable.

M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?

Mme Marisol Touraine, ministre. Les amendements nos 358 et 381 rectifié portent tous deux sur la question du régime par points et visent à mettre en place une réforme systémique, l’un étant cependant plus impératif que l’autre.

Je rappelle que ce sujet a fait l’objet de très nombreuses études, et pas simplement depuis quelques mois puisque le premier rapport date de 2002 ou de 2003. Quant au rapport du Conseil d’orientation des retraites le plus approfondi, il remonte à 2010. Ses conclusions sont d’ailleurs extrêmement intéressantes.

L’archétype de la réforme par points – en l’occurrence, il faudrait plutôt parler de comptes notionnels –, c’est celle qui a été engagée en Suède et qui s’est étalée sur une quinzaine d’années avant d’aboutir à la transformation du régime jusqu’alors en place dans ce pays. À cet égard, que dit le rapport du Conseil d’orientation des retraites, que vient corroborer la situation suédoise ? Tout simplement qu’un régime par points ou en comptes notionnels n’est rien d’autre qu’une architecture, une manière d’organiser, de structurer les régimes de retraite. Cela ne change rien au fait qu’en matière de financement il faut jouer sur les mêmes leviers,…