M. le président. La parole est à Mme Catherine Procaccia, pour explication de vote.
Mme Catherine Procaccia. Mme la rapporteur a eu raison de faire remarquer que nous faisions preuve d’une certaine continuité dans la présentation de nos amendements. Je suis fière, depuis neuf ans que je siège au Sénat, de porter la voix des salariés du secteur privé, dont je fais partie, dans les débats sur les retraites.
Mme Cécile Cukierman. Vous n’en avez pas le monopole !
Mme Catherine Procaccia. Je puis vous assurer que les salariés du secteur privé ressentent vraiment très mal ces injustices.
Je le répète : ce qui est en jeu, ce n’est pas le niveau des retraites, mais l’affichage. Il faut examiner comment sont calculées ces retraites ; j’avais déjà posé la question au gouvernement précédent, que je soutenais.
J’ai aussi demandé, pendant des années et jusqu’à ce qu’elle soit réalisée, la réforme des sur-retraites versées aux fonctionnaires en outre-mer.
Je continuerai à demander qu’on aille un peu plus vite dans l’alignement des régimes spéciaux.
Je suis fière de continuer, sous tous les gouvernements, à défendre les mêmes convictions ! (Applaudissements sur les travées de l'UMP. – Mme Sylvie Goy-Chavent et M. Gérard Roche applaudissent également.)
MM. Antoine Lefèvre et Alain Gournac. Très bien !
M. le président. La parole est à Mme la ministre.
Mme Marisol Touraine, ministre. Madame Procaccia, je tiens à vous rassurer : en ce qui le concerne, le Gouvernement défend l’ensemble des salariés et des retraités, qu’ils soient du secteur public ou du secteur privé.
M. Gérard Longuet. En les taxant au maximum !
Mme Marisol Touraine, ministre. Nous ne cherchons pas à opposer les uns aux autres : nous considérons qu’on peut défendre les salariés du privé sans mettre en cause les fonctionnaires, et inversement.
M. Philippe Bas. Très bien !
Mme Marisol Touraine, ministre. Monsieur Bas, puisque, depuis le début de ce débat, vous vous posez volontiers en donneur de leçons (Exclamations sur les travées de l'UMP.), je vous conseille la lecture très attentive du rapport Moreau. En effet, comme cela a été dit à plusieurs reprises, en particulier par Mme Beaufils, seul le taux de remplacement des cadres du secteur public apparaît comme plus favorable, notamment en raison d’un taux de primes relativement important.
En revanche, le rapport Moreau fait apparaître très précisément que, pour toutes les autres catégories, le taux de remplacement est équivalent, qu’il s’agisse des fonctionnaires ou des salariés du secteur privé. Ces éléments sont précisés de manière très fine, contrairement à ce que vous semblez suggérer, en distinguant les différentes catégories socio-professionnelles, ainsi que les hommes et les femmes. Il n’y a donc pas d’avantage donné au secteur public, à l’exception d’une catégorie précise, celle des cadres, principalement masculins, de la fonction publique. Ainsi, conformément à ce qui a été dit tout à l’heure, des règles différentes peuvent garantir des taux de remplacement équivalents. (M. Gérard Longuet s’exclame.)
Par conséquent, monsieur Bas, les données précises que vous appelez de vos vœux existent, il suffit de les consulter ! Au fond, le Gouvernement a disposé des éléments nécessaires pour engager la réforme qui vous est aujourd'hui présentée. (Mme Gisèle Printz applaudit.)
M. le président. L'amendement n° 263, présenté par MM. Longuet et Cardoux, Mmes Boog, Bruguière, Bouchart, Cayeux, Debré et Deroche, M. Dériot, Mme Giudicelli, MM. Gilles et Husson, Mme Hummel, MM. Fontaine, de Raincourt, Laménie et Milon, Mme Kammermann, M. Pinton, Mme Procaccia, M. Savary et les membres du groupe Union pour un Mouvement Populaire, apparentés et rattachés, est ainsi libellé :
Après l'article 4
Insérer un article additionnel ainsi rédigé :
Après le 2° de l’article L. 61 du code des pensions civiles et militaires de retraite, il est inséré un alinéa ainsi rédigé :
« ...° Le taux de cotisation, à la charge des agents visés à l’article L. 2 du présent code et mentionné au 2°, suit la même évolution que le taux de cotisations à la charge des assurés sociaux relevant de la Caisse nationale d’assurance vieillesse. »
La parole est à M. Gérard Longuet.
M. Gérard Longuet. Il s’agit d’un amendement modeste, très technique. En effet, il a simplement pour objet de clarifier les intentions du Gouvernement, dans la perspective d’une hausse de 0,3 % du taux de cotisation des salariés et des employeurs.
Car un certain nombre de déclarations nous laissent penser que le rythme de progression de cette hausse des cotisations ne sera pas le même pour les salariés du secteur privé et ceux du secteur public.
L’objet de cet amendement d’appel est donc d’obtenir une réponse à la question suivante : la progression des cotisations de retraite des salariés du secteur privé et du secteur public sera-t-elle identique ?
Au cours de mon explication de vote, j’aurai par ailleurs plaisir, madame la ministre, à évoquer le rapport Moreau et le taux de remplacement, que vous avez imparfaitement traité.
M. le président. Quel est l’avis de la commission ?
Mme Christiane Demontès, rapporteur. Cher collègue, au travers de cet amendement, vous souhaitez que le rythme d’augmentation des cotisations soit identique dans la fonction publique et le régime général.
Permettez-moi à cet égard de faire un petit rappel. Vous avez raison, il a été prévu d’étaler, dans la fonction publique, la hausse de 0,3 % des cotisations, afin de tenir compte des augmentations déjà décidées pour les fonctionnaires au cours des réformes précédentes. En 2008, on a instauré la convergence de la durée d’assurance ; en 2010, on a aligné les cotisations. Ainsi, les fonctionnaires subissent d’ores et déjà des hausses de cotisations.
Afin de ne pas leur infliger des augmentations trop brutales, il a été décidé que cette hausse de 0,3 % serait étalée différemment pour les salariés du privé et du public. Je rappelle que les fonctionnaires connaîtront, à l’horizon 2020, une augmentation de 3 points de leurs cotisations, ce qui représente une hausse de 40 %.
Telles sont les raisons pour lesquelles la commission a émis un avis défavorable sur cet amendement.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. le président. La parole est à M. Gérard Longuet, pour explication de vote.
M. Gérard Longuet. Je m’apprête bien évidemment à défendre l’amendement présenté par le groupe UMP, tout en vous remerciant, madame Demontès, de votre franchise, qui risque de placer Mme la ministre dans une situation quelque peu difficile.
Vous avez raison de le rappeler, au nom de la convergence, en 2008 comme en 2010, nous avons été amenés à proposer au Parlement, qui l’a acceptée, une hausse des taux de cotisation des salariés du secteur public au regard des écarts existant avec les taux de cotisation du secteur privé, conformément à l’objectif de convergence et d’égalité, pour lequel milite Mme Catherine Procaccia. Je rends hommage à sa persévérance dans ce combat.
Madame la ministre, vous reprochiez à mon collègue Philippe Bas, qui s’est absenté un instant, de donner des leçons. Non ! Philippe Bas est un parlementaire ayant une expérience de la haute administration, particulièrement du Conseil d’État, qui est tout de même une vieille maison, que vous connaissez d’ailleurs. Il y a fait une longue carrière, et il parle, il est vrai, avec toute l’autorité d’un grand juriste.
Il vous a posé à plusieurs reprises une question à laquelle vous n’avez pas répondu : quelles mesures, que vous estimiez scélérates en 1993, en 2003, en 2008 ou en 2010, ce texte de loi vise-t-il à faire disparaître ? Ayant aujourd'hui la responsabilité du pays, vous avez l’opportunité de prendre de telles décisions !
La réponse est très simple, si l’on se réfère aux propos de Mme Demontès. Vous ne faites pas disparaître ces mesures scélérates, parce que, avant d’être scélérates, elles sont surtout pertinentes. (M. Alain Gournac rit.)
Madame Demontès, si les hausses de rattrapage de cotisation des salariés du secteur public étaient scélérates, vous les auriez supprimées ! Or tel n’est pas le cas. Vous savez en effet qu’elles sont pertinentes. Vous acceptez donc aujourd'hui ce que vous combattiez hier. Simplement, encore une minute, monsieur le bourreau, j’accepte ce que je combattais hier, mais ne me demandez pas de garantir le même rythme pour tous. Je vais encore créer un petit avantage, afin de pouvoir dire à certains de mes partenaires que leurs taux de cotisation ne sont pas encore complètement alignés ! Eh bien non, il aurait fallu aller jusqu’au bout.
Cet amendement, que vous avez choisi de rejeter, a l’immense mérite de prouver que vous ne revenez pas sur des mesures que vous jugiez scélérates, mais qui, en réalité, étaient pertinentes. Toutefois, en vertu d’un tropisme dénoncé par Mme Procaccia, vous créez un mini-avantage, qui ne rapportera pas grand-chose aux fonctionnaires, mais les placera encore une fois, de votre initiative, dans une situation de privilège. Or, vous le savez, dans le débat public, il y a parfois des effets disproportionnés par rapport aux faits générateurs. (Applaudissements sur les travées de l'UMP. – Mme Sylvie Goy-Chavent applaudit également.)
M. Jean Desessard. Vous voyez, la gauche est unie ! (Sourires sur les travées de l'UMP.)
M. le président. L'amendement n° 132, présenté par M. Watrin, Mmes Cohen, David et Pasquet, M. Fischer et les membres du groupe communiste républicain et citoyen, est ainsi libellé :
Après l’article 4
Insérer un article additionnel ainsi rédigé :
Dans les six mois qui suivent la promulgation de la présente loi, le Gouvernement remet au Parlement, un rapport évaluant les conséquences financières pour les comptes publics et les avantages pour les assurés sociaux, d’une revalorisation des pensions servies aux personnes en situation de handicap.
La parole est à Mme Isabelle Pasquet.
Mme Isabelle Pasquet. Cet amendement a pour objet l’élaboration d’un rapport évaluant les conséquences financières pour les comptes publics et les avantages pour les assurés sociaux d’une revalorisation des pensions servies aux personnes en situation de handicap.
Sa motivation est simple. On pourrait bien entendu y voir la volonté d’alourdir le travail de l’exécutif en lui demandant la rédaction d’un énième rapport. Tel n’est pas le cas. Nous souhaitons que cette question soit étudiée sérieusement, car les propositions contenues dans ce projet de loi ne remettent pas en cause l’injuste architecture de notre système de retraites, qui ne corrige pas, au moment du départ à la retraite, les inégalités touchant les salariés porteurs de handicap.
Les allocations que touchent les handicapés sont indigentes. Les travailleurs handicapés sont encore trop peu nombreux, dans un environnement de travail non adapté, même si, je l’admets, la progression est certaine. Leur carrière commence souvent plus tard. Ils ou elles peuvent avoir, du fait de certains handicaps, des périodes non travaillées justifiées par leur état de santé.
La loi du 11 février 2005 sur le handicap a eu le mérite de rappeler le principe d’égalité de tous, ce qui constitue une très bonne chose. Mais souvent, les associations qui les représentent sont usées par les sempiternelles promesses.
Concernant les handicapés, des améliorations ont été apportées à ce texte, grâce au travail des députés. En particulier, un amendement visant à faciliter le départ en retraite à taux plein des personnes invalides à 50 %, plutôt qu’à 80 %, comme l’avait décidé la réforme précédente, a été adopté. Nous en reparlerons au moment de la discussion de l’article 23. Mais où et quand pourrons-nous parler de la revalorisation des pensions des personnes handicapées ? C’est pourtant une urgence. Si nous n’étions pas contraints par l’article 40 de la Constitution, qui nous l’interdit, nous aurions proposé nombre d’amendements allant en ce sens. Les sénatrices et sénateurs de gauche ont de tout temps critiqué cet article 40 et le frein qu’il représente dans le juste équilibre qui devrait guider les relations entre les pouvoirs exécutif et législatif. Je regrette d’ailleurs que la réforme constitutionnelle un temps évoquée n’ait pas retenu la proposition d’abrogation de cet article inique.
Mais revenons à notre sujet. Le handicap n’est pas une fatalité. Les personnes concernées veulent être des actrices et des acteurs de la vie sociale, pendant leur vie professionnelle comme durant leur retraite. Nous souhaitons que le rapport prévu par cet amendement nous éclaire et préconise enfin des mesures de rattrapage pour que, une fois retraitées, les personnes handicapées ne soient pas condamnées à une double peine. Faibles allocations, puis faibles retraites, telle est la spirale infernale à laquelle nous vous demandons de mettre fin.
Nous sommes certains que nos collègues auront à cœur de sortir les salariés handicapés de la misère dans laquelle on continue de les enfermer.
M. Pierre Martin. Bravo !
M. Alain Gournac. Très bien ! On votera pour !
M. le président. Quel est l’avis de la commission ?
Mme Christiane Demontès, rapporteur. La commission a émis un avis défavorable…
M. Alain Gournac. Oh non !
M. Philippe Bas. Incompréhensible !
Mme Christiane Demontès, rapporteur. … pour des raisons non pas de fond, mais de forme.
MM. Michel Bécot et François Trucy. Ah !
Mme Christiane Demontès, rapporteur. En effet, il ne paraît pas utile de multiplier les demandes de rapport portant sur des situations particulières, certes préoccupantes, alors que le projet de loi conforte le rôle d’analyse du COR et assigne au Comité de suivi la mission d’effectuer des recommandations à partir de ces analyses, afin de renforcer la solidarité des régimes de retraite, prioritairement au profit des retraités les plus modestes et de la prise en compte des accidents de la vie professionnelle.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
Mme Marisol Touraine, ministre. Le Gouvernement émet un avis défavorable sur cette demande de rapport. Le texte, nous aurons sans doute l’occasion d’y revenir, permet des avancées significatives, que vous avez d’ailleurs soulignées, madame la sénatrice, en direction des personnes handicapées. Nous entendons en effet permettre l’élargissement de l’accès à la retraite anticipée des travailleurs handicapés et le départ sans décote dès l’âge légal de tous les assurés dont le taux d’incapacité est de 50 %, et non pas de 80 %, comme c’est le cas aujourd'hui. D’autres dispositions prévoient que les travailleurs handicapés travaillant dans des ESAT, les établissements et services d’aide par le travail, pourront valider des trimestres d’activité, même lorsque celle-ci ne s’exerce qu’à temps très partiel.
Ce texte comporte donc des avancées importantes en direction des personnes en situation de handicap. Pour cette raison, il ne nous semble pas utile de nous engager dans la voie d’un nouveau rapport.
M. le président. La parole est à M. Philippe Bas, pour explication de vote.
M. Philippe Bas. Nos collègues Claire-Lise Campion et Isabelle Debré ont récemment rendu public leur rapport sur le bilan de l’application de la grande loi du 11 février 2005 pour l’égalité des droits et des chances, la participation et la citoyenneté des personnes handicapées, voulue par le président Jacques Chirac et mise en œuvre par le gouvernement que vous dirigiez, monsieur le président.
Quels sont les enseignements de ce bilan ? Il fait apparaître un progrès gigantesque dans la scolarisation des enfants handicapés ; il fait apparaître l’amélioration très importante des conditions d’accès aux droits grâce à la création des maisons départementales des personnes handicapées ; il fait également apparaître des progrès réels, même s’ils sont encore insuffisants, en matière d’accessibilité. En revanche, ce rapport dresse un bilan malheureusement assez décevant en ce qui concerne l’emploi des personnes handicapées, en dépit du système très original créé par la loi du 10 juillet 1987 en faveur de l’emploi des travailleurs handicapés, qui oblige les entreprises à employer au moins 6 % de personnes handicapées – cette obligation ayant été étendue aux trois fonctions publiques et aux établissements publics en 2005.
Puisque l’emploi des personnes handicapées a malheureusement progressé de manière insuffisante, les conditions d’acquisition de leurs droits à la retraite sont elles-mêmes restées assez défavorables. Je suis heureux que le présent texte comporte un certain nombre de mesures en faveur des personnes handicapées et je crois pouvoir dire que nous serons tous d’accord pour en souligner l’utilité.
Cela étant dit, lors de la discussion de l’article 1er, plusieurs amendements visant à assigner des objectifs d’égalité entre les femmes et les hommes dans l’évolution de nos régimes de retraite ont été adoptés, cette fois avec un avis favorable de la commission et du Gouvernement – curieusement ! De la même façon, il nous semblerait bénéfique de braquer le projecteur sur la situation particulière des personnes handicapées. Par conséquent, l’amendement excellemment présenté de nos collègues du groupe CRC, tendant au dépôt d’un rapport sur les conséquences d’une revalorisation des pensions servies aux personnes en situation de handicap nous paraît utile. En outre, nous ne voyons pas quels pourraient être les inconvénients d’un tel rapport pour le COR, eu égard à ses compétences, à ses prérogatives et à ses missions.
M. Alain Gournac. Absolument !
M. Philippe Bas. Je m’étonne donc qu’on puisse hésiter à voter cet amendement et je serais heureux que la commission et le Gouvernement, à la faveur de cette explication de vote, veuillent bien modifier leur position.
Notre conviction est claire et ferme : nous voterons cet amendement. (Très bien ! et applaudissements sur les travées de l’UMP.)
M. le président. En conséquence, un article additionnel ainsi rédigé est inséré dans le projet de loi, après l’article 4. (Marques de satisfaction et applaudissements sur les travées de l’UMP.)
L’amendement n° 133, présenté par M. Watrin, Mmes Cohen, David et Pasquet, M. Fischer et les membres du groupe communiste républicain et citoyen, est ainsi libellé :
Après l’article 4
Insérer un article additionnel ainsi rédigé :
Dans les six mois qui suivent la promulgation de la présente loi, le Gouvernement remet au Parlement un rapport sur le bénéfice, pour les assurés, d’un retour à la revalorisation des pensions par rapport à l’évolution des salaires. Le rapport évalue en outre l’impact qu’aurait une telle mesure sur la consommation des ménages concernés.
La parole est à Mme Laurence Cohen.
Mme Laurence Cohen. Par cet amendement, nous demandons que soit rendu un rapport évaluant le bénéfice, pour les assurés, d’un retour à la revalorisation des pensions en fonction de l’évolution des salaires, six mois après la promulgation de la présente loi.
Une nouvelle fois, et cela a été dit par plusieurs de mes collègues, pour remplir notre mission de parlementaires, pour influer sur le travail de l’exécutif ou éventuellement le réorienter, nous sommes contraints de demander un rapport, puisque le funeste article 40 de la Constitution nous empêche de démontrer notre capacité de gager sérieusement les dépenses que nous vous proposons d’engager.
Nous pensons qu’il est nécessaire de revaloriser les pensions comme les salaires. La démonstration en a été faite par notre collègue Dominique Watrin dans son intervention au cours de la discussion générale : la sécurité sociale est « plombée » par le chômage, par la faiblesse des salaires dans notre pays et par le déséquilibre structurel entre la part du travail et celle du capital.
Nous voudrions que l’on étudie enfin d’autres pistes que celles qui sont toujours à votre agenda. La logique défendue hélas ! par le Gouvernement depuis un an est celle qui a déjà été suivie, à savoir « on ne gagne en compétitivité que par l’allégement des charges des entreprises ». Quand on traduit en langage courant, cela veut dire que les salaires et les postes de travail seraient les seules marges de manœuvre pour maintenir ou accroître la « compétitivité ».
Nous pensons, pour notre part, comme de nombreux économistes, qui se dénomment eux-mêmes « Économistes atterrés », que c’est la mauvaise répartition entre le capital et le travail qui est à l’origine de nos maux. Si les salaires étaient plus élevés, les cotisations seraient plus importantes et nous poserions différemment, sans doute, la question du financement de nos retraites. Les choix effectués dans ce domaine sont loin d’être innovants. La logique que vous continuez de défendre consiste à taxer les salariés et les retraités eux-mêmes.
Nous pensons qu’il est juste de lier l’évolution des retraites à celle des salaires, même en l’état actuel d’atonie des augmentations salariales. Ce principe ne devrait pas connaître de dérogation.
Madame la ministre, il nous semble important que vous acceptiez ce rapport, lequel pourra peut-être vous décider à revenir sur cette mesure de désindexation, quand vous aurez constaté que l’immense majorité des pensions bénéficient à notre économie. Notre demande d’un rapport ne doit pas seulement être jugée sur la forme, mais aussi sur le fond des propositions que nous demandons d’étudier.
M. le président. Quel est l’avis de la commission ?
Mme Christiane Demontès, rapporteur. Un tel rapport sur l’impact d’une revalorisation des pensions en fonction de l’évolution des salaires nous paraît quelque peu redondant avec les éléments de cadrage, les travaux d’analyse et les recommandations que le COR et le comité de suivi transmettront chaque année au Gouvernement. En effet, le mode d’indexation des pensions est l’un des paramètres essentiels de l’évolution financière des régimes et, de ce fait, il est déjà intégré dans les travaux du COR, comme il devra l’être dans ceux du comité de suivi. Par conséquent, un rapport supplémentaire n’apparaît pas indispensable.
La commission émet donc un avis défavorable.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. le président. La parole est à M. Gérard Longuet, pour explication de vote.
M. Gérard Longuet. Puisque nos collègues communistes ont présenté cet amendement, je ne résiste pas au plaisir de leur rappeler le fait suivant.
Lorsqu’ils siégeaient dans le gouvernement de Lionel Jospin, qui a fait voter par le Parlement la semaine de travail à 35 heures, je n’ai pas le souvenir qu’ils aient demandé que les retraités bénéficiassent d’une revalorisation de 11,4 % de leur retraite, correspondant strictement à l’augmentation salariale que représentait le passage de 39 heures à 35 heures de travail hebdomadaires.
Alors, à tout pécheur miséricorde,…
M. Jean-Michel Baylet. Pas chez les radicaux ! (Sourires sur les travées du RDSE.)
M. Gérard Longuet. … il est permis à chacun de se repentir et ce n’est pas parce qu’on s’est trompé une fois qu’il faut se tromper toujours, mais tout de même ! Vous aviez oublié de le réclamer à cette époque. Soyez réalistes, suivez l’appel à la sagesse de la commission et du Gouvernement.
M. le président. L’amendement n° 261, présenté par MM. Longuet et Cardoux, Mmes Boog, Bruguière, Bouchart, Cayeux, Debré et Deroche, M. Dériot, Mme Giudicelli, MM. Gilles et Husson, Mme Hummel, MM. Fontaine, de Raincourt, Laménie et Milon, Mme Kammermann, M. Pinton, Mme Procaccia, M. Savary et les membres du groupe Union pour un mouvement populaire, apparentés et rattachés, est ainsi libellé :
Après l’article 4
Insérer un article additionnel ainsi rédigé :
Le Gouvernement remet au Parlement un rapport, dans les six mois suivant la promulgation de la présente loi, sur la création d’une caisse de retraite pour la fonction publique d’État, chargée de recouvrer les cotisations et d’assurer le versement des pensions des agents de l’État.
La parole est à M. Dominique de Legge.
M. Dominique de Legge. Nous demandons, par cet amendement, que le Gouvernement remette au Parlement un rapport sur la création d’une caisse de retraite pour la fonction publique d’État.
La création d’une telle caisse se justifierait pour trois raisons, selon nous.
Premièrement, depuis le début de l’examen de ce texte, nous parlons de l’équilibre du système de retraite, singulièrement de celui du régime général. Mais on ne dit pas un mot du financement déficitaire du régime de la fonction publique. Il nous paraît que l’État, en tant qu’employeur, se doit de garantir et de sauvegarder la retraite de ses agents et la création de cette caisse de retraite pourrait y contribuer. Ce serait un signe qu’il adresserait à ses personnels.
Deuxièmement, nous débattons souvent des effectifs de la fonction publique. Faut-il rappeler que l’embauche d’un agent public représente un coût pour la collectivité non seulement pendant la vie active de celui-ci, mais également pendant toute la durée de sa retraite ? Par conséquent, la création de cette caisse permettrait une gestion prévisionnelle à la fois des effectifs et de la dépense publique.
Troisièmement, cette caisse éclairerait le Parlement lorsque celui-ci doit prendre des décisions en matière budgétaire et contribuerait à une plus grande sincérité des comptes.
Telles sont les trois raisons pour lesquelles nous demandons ce rapport dans les six mois suivant la promulgation de la loi.
M. le président. Quel est l’avis de la commission ?
Mme Christiane Demontès, rapporteur. La précédente majorité, la vôtre, mes chers collègues de l’opposition, avait prévu, à l’article 41 de la loi du 9 novembre 2010 portant réforme des retraites, la remise, avant le 30 septembre 2011, d’un rapport relatif à la création d’une caisse de retraite des fonctionnaires de l’État. Le précédent gouvernement n’a jamais rendu un tel rapport.
M. Roland Courteau. Tiens donc !
Mme Christiane Demontès, rapporteur. De nombreux progrès ont été effectués dans la gestion des retraites des agents de l’État, rendue plus transparente grâce au compte d’affectation spéciale « Pensions », qui se distingue d’une caisse essentiellement en ce qu’il n’a pas de personnalité juridique distincte de celle de l’État. Il n’est d’ailleurs pas certain que la création d’une caisse modifierait la situation. En tout état de cause, il n’a pas semblé nécessaire à la commission de demander au Gouvernement un rapport supplémentaire, la question pouvant être abordée dans le cadre des missions générales du COR. Celle-ci émet donc un avis défavorable.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. le président. La parole est à M. Philippe Bas, pour explication de vote.
M. Philippe Bas. Nous sommes évidemment très déçus que ce texte relatif aux retraites ne comporte pas de mesures permettant de réduire à l’horizon de 2020 le besoin de financement des pensions de retraite des agents des trois fonctions publiques.
À cet instant, laissons de côté cette question, car il ne s’agit pas de cela. Si vous décidez de ne pas faire votre part du chemin pour la réduction de ce besoin de financement du secteur public, au moins pourriez-vous faire en sorte de faciliter la tâche de vos successeurs et de les éclairer, comme l’avait fait Michel Rocard quand il était Premier ministre.
En acceptant un amendement qui tend à créer une caisse de retraite pour la fonction publique, vous ne réaliseriez certes aucune économie, mais vous apporteriez de la transparence et de la lisibilité, permettant ainsi une prise de responsabilité. En effet, on créerait une instance où les fonctionnaires seraient représentés et la responsabilité des décisions à prendre pour l’évolution du régime serait partagée avec les représentants des fonctionnaires.
Cette démarche serait donc extrêmement vertueuse. Pourtant, bien qu’elle ne retire rien à aucun fonctionnaire de notre pays, qu’elle ne réduise aucune retraite, vous êtes hostiles à cette initiative visant à introduire davantage de sincérité dans le système. C’est la raison pour laquelle je tenais à plaider la cause de cet amendement.