Sommaire
Présidence de M. Jean-Pierre Raffarin
Secrétaires :
MM. François Fortassin, Jacques Gillot.
2. Souhaits de bienvenue à une délégation parlementaire allemande
3. Mise au point au sujet d’un vote
MM. Jean-Pierre Godefroy, le président.
4. Avenir et justice du système de retraites. – Suite de la discussion en procédure accélérée d'un projet de loi
Amendement n° 255 de M. Gérard Longuet (suite). – MM. René-Paul Savary, Dominique Watrin, Mme Laurence Cohen. – Adoption de l'amendement supprimant l'article.
Amendement n° 256 de M. Gérard Longuet. – Devenu sans objet.
Amendement n° 324 rectifié de M. Jean Desessard. – Devenu sans objet.
Amendement n° 396 rectifié de M. Gilbert Barbier. – Devenu sans objet.
Amendement n° 375 rectifié de M. Jacques Mézard. – Devenu sans objet.
Amendement n° 316 de M. Claude Domeizel. – Devenu sans objet.
Amendements nos 257 et 258 de M. Gérard Longuet. – Devenus sans objet.
Amendement n° 100 de Mme Laurence Cohen. – Devenu sans objet.
Amendement n° 406 rectifié de la commission. – Devenu sans objet.
Amendements nos 109, 98, 99 et 102 à 104 de M. Dominique Watrin. – Devenus sans objet.
Amendement n° 325 rectifié bis de M. Jean Desessard. – Devenu sans objet.
Amendement n° 16 rectifié bis de Mme Marie-Noëlle Lienemann. – Devenu sans objet.
Amendement n° 386 rectifié de M. Jacques Mézard. – Devenu sans objet.
Amendements nos 105 à 107 de M. Dominique Watrin. – Devenus sans objet.
Amendement n° 101 de Mme Laurence Cohen. – Devenu sans objet.
Amendement n° 259 de M. Gérard Longuet. – Devenu sans objet.
Amendements nos 110 et 111 de M. Dominique Watrin. – Devenus sans objet.
Amendement n° 326 rectifié de M. Jean Desessard. – Devenu sans objet.
Mme Éliane Assassi, M. Georges Labazée, Mmes Laurence Cohen, Isabelle Pasquet.
Amendements identiques nos 260 de M. Gérard Longuet, 327 rectifié de M. Jean Desessard, 359 de M. Jean-Marie Vanlerenberghe, 376 rectifié de M. Jacques Mézard et 397 de M. Gilbert Barbier. – MM. Gérard Longuet, Jean Desessard, Gérard Roche, Mme Françoise Laborde, M. Gilbert Barbier, Mmes Christiane Demontès, rapporteur de la commission des affaires sociales ; Marisol Touraine, ministre des affaires sociales et de la santé ; Marie-Noëlle Lienemann, MM. Marc Laménie, Dominique Watrin, Philippe Bas. – Adoption, par scrutin public, des cinq amendements supprimant l'article.
Amendements nos 112 à 119 de Mme Laurence Cohen. – Devenus sans objet.
Amendement n° 15 rectifié bis de Mme Marie-Noëlle Lienemann. – Devenu sans objet.
Amendements identiques nos 3 rectifié de M. Jean-Pierre Godefroy, 120 de M. Dominique Watrin et 328 rectifié de M. Jean Desessard. – Devenus sans objet.
Amendement n° 390 rectifié de M. Jacques Mézard. – Devenu sans objet.
Amendements nos 121 à 124 de M. Dominique Watrin. – Devenus sans objet.
Amendement n° 377 rectifié de M. Jacques Mézard. – Devenu sans objet.
Amendements identiques nos 125 de M. Dominique Watrin et 392 rectifié de M. Jacques Mézard. – Devenus sans objet.
Amendement n° 391 rectifié de M. Jacques Mézard. – Devenu sans objet.
Amendements nos 126 à 128 de M. Dominique Watrin. – Devenus sans objet.
Amendement n° 130 de Mme Isabelle Pasquet. – Devenu sans objet.
Amendement n° 131 de M. Dominique Watrin. – Devenu sans objet.
5. Communication relative à des commissions mixtes paritaires
6. Avenir et justice du système de retraites. – Suite de la discussion en procédure accélérée d'un projet de loi
Articles additionnels après l'article 4
Amendement n° 134 de M. Dominique Watrin. – M. Michel Le Scouarnec, Mmes Christiane Demontès, rapporteur de la commission des affaires économiques ; Marisol Touraine, ministre des affaires sociales et de la santé. – Rejet.
Amendement n° 262 de M. Gérard Longuet. – Mmes Catherine Procaccia, la rapporteur, Marisol Touraine, ministre ; MM. Gérard Longuet, Philippe Bas, Mmes Marie-France Beaufils, Marie-Noëlle Lienemann. – Rejet.
Amendement n° 263 de M. Gérard Longuet. – M. Gérard Longuet, Mmes la rapporteur, Marisol Touraine, ministre. – Rejet.
Amendement n° 132 de M. Dominique Watrin. – Mmes Isabelle Pasquet, la rapporteur, Marisol Touraine, ministre ; M. Philippe Bas. – Adoption de l'amendement insérant un article additionnel.
Amendement n° 133 de M. Dominique Watrin. – Mmes Laurence Cohen, la rapporteur, Marisol Touraine, ministre ; M. Gérard Longuet. – Rejet.
Amendement n° 261 de M. Gérard Longuet. – M. Dominique de Legge, Mmes la rapporteur, Marisol Touraine, ministre ; MM. Philippe Bas, Claude Domeizel, Gérard Longuet. – Rejet.
Amendement n° 264 de M. Gérard Longuet. – M. Gérard Longuet, Mmes la rapporteur, Marisol Touraine, ministre. – Rejet.
Amendement n° 329 rectifié de M. Jean Desessard. – Mme Kalliopi Ango Ela. – Retrait.
Amendement n° 135 de M. Dominique Watrin. – Mmes Isabelle Pasquet, la rapporteur, Marisol Touraine, ministre ; MM. Gérard Longuet, Philippe Bas. – Adoption de l'amendement supprimant l'article.
Mme Brigitte Gonthier-Maurin, MM. Alain Milon, Dominique Watrin, Mme Laurence Cohen, M. Claude Domeizel, Mme Gisèle Printz, MM. Roland Courteau, Jean-Yves Leconte, Philippe Bas, Gérard Longuet.
Amendement n° 265 de M. Gérard Longuet. – M. Gérard Larcher.
Amendement n° 137 de Mme Annie David. – M. Michel Le Scouarnec.
Amendement n° 138 de Mme Annie David. – Mme Michelle Demessine.
Amendement n° 139 de Mme Annie David. – Mme Annie David.
Amendement n° 330 rectifié de M. Jean Desessard. – M. Jean Desessard.
Amendement n° 407 de la commission. – Mme la rapporteur.
Amendement n° 141 de Mme Annie David. – Mme Isabelle Pasquet.
Amendement n° 142 rectifié de Mme Annie David. – Mme Laurence Cohen.
Amendement n° 143 de Mme Annie David. –– M. Dominique Watrin.
Amendement n° 423 du Gouvernement. – Mme Marisol Touraine, ministre.
Mmes la rapporteur, Marisol Touraine, ministre ; Annie David, MM. Gérard Longuet, Claude Domeizel, Mme Catherine Procaccia, MM. Jean Desessard, Alain Milon. – Rejet de l’amendement n° 265.
MM. Claude Domeizel, le président. – Rejet des amendements nos 137 et 138.
M. Jean Desessard, Mme Marisol Touraine, ministre. – Adoption de l’amendement n° 139.
Mme Catherine Deroche, M. Jean Desessard, Mme Marisol Touraine, ministre ; M. Gérard Roche, Mme Kalliopi Ango Ela. – Adoption des amendements nos 330 rectifié et 407 ; rejet des amendements nos 141, 142 rectifié et 143 ; adoption de l’amendement n° 423.
Mme Annie David, MM. Jean Desessard, Jean-Marie Vanlerenberghe, Gérard Longuet.
Adoption de l’article modifié.
Article additionnel après l’article 5
Amendement n° 313 de M. Claude Domeizel. – M. Claude Domeizel, Mmes la rapporteur, Marisol Touraine, ministre. – Retrait.
Mme Brigitte Gonthier-Maurin.
Amendement n° 408 de la commission. – Mmes la rapporteur, Marisol Touraine, ministre. – Adoption.
Amendement n° 319 rectifié bis de Mme Laurence Cohen. – Mmes Laurence Rossignol, la rapporteur, Marisol Touraine, ministre ; M. Gérard Longuet, Mme Catherine Génisson. – Adoption.
Amendement n° 350 rectifié bis de Mme Laurence Cohen. – Devenu sans objet.
Adoption de l’article modifié.
7. Communication du Conseil constitutionnel
Suspension et reprise de la séance
présidence de M. Jean-Léonce Dupont
8. Avenir et justice du système de retraites – Suite de la discussion en procédure accélérée d'un projet de loi
Article 5 ter (nouveau). – Adoption
M. Dominique Watrin, Mmes Annie David, Laurence Cohen.
Amendement n° 266 de M. Gérard Longuet. – Mmes Catherine Deroche, Christiane Demontès, rapporteur de la commission des affaires sociales ; Marisol Touraine, ministre des affaires sociales et de la santé ; Kalliopi Ango Ela, M. Claude Domeizel, Mme Laurence Cohen, M. Jean-Marie Vanlerenberghe, Mme Annie David. – Rejet.
Amendement n° 289 de M. Alain Milon. – Mmes Catherine Deroche, la rapporteur, Marisol Touraine, ministre ; M. Claude Domeizel, Mme Laurence Cohen, M. Gérard Roche. – Rejet.
Amendement n° 271 de M. Gérard Longuet. – M. Gérard Longuet, Mmes la rapporteur, Marisol Touraine, ministre ; Catherine Génisson, MM. Dominique Watrin, Jean-Marie Vanlerenberghe. – Rejet.
Amendement n° 269 de M. Gérard Longuet. – M. Gérard Longuet.
Amendement n° 270 de M. Gérard Longuet. – M. Gérard Longuet.
Amendement n° 288 de M. Gérard Longuet. – M. Gérard Longuet.
Mmes la rapporteur, Marisol Touraine, ministre. – Rejet des amendements nos 269, 270 et 288.
Amendement n° 272 de M. Gérard Longuet. – M. Gérard Longuet, Mmes la rapporteur, Marisol Touraine, ministre. – Rejet.
Amendement n° 267 de M. Gérard Longuet. – M. Gérard Longuet, Mmes la rapporteur, Marisol Touraine, ministre. – Retrait.
Amendement n° 268 de M. Gérard Longuet. – Devenu sans objet.
Amendement n° 273 de M. Gérard Longuet. – M. Gérard Longuet, Mmes la rapporteur, Marisol Touraine, ministre. – Rejet.
Amendement n° 274 de M. Gérard Longuet. – Mmes Catherine Deroche, la rapporteur, Marisol Touraine, ministre ; MM. Gérard Longuet, Dominique Watrin. – Rejet.
Amendement n° 275 de M. Gérard Longuet. – M. Gérard Longuet, Mmes la rapporteur, Marisol Touraine, ministre. – Rejet.
Amendement n° 378 rectifié de M. Jacques Mézard. – M. Jean-Claude Requier, Mmes la rapporteur, Marisol Touraine, ministre ; M. Gérard Longuet. – Adoption.
Amendement n° 151 rectifié de Mme Annie David. – Mmes Cécile Cukierman, la rapporteur, Marisol Touraine, ministre ; M. Gilbert Barbier, Mme Annie David, M. Gérard Longuet. – Adoption.
Amendement n° 333 rectifié bis de M. Jean Desessard. – Mmes Kalliopi Ango Ela, la rapporteur, Marisol Touraine, ministre ; M. Gérard Longuet, Mme Annie David. – Adoption.
Amendement n° 334 rectifié bis de M. Jean Desessard. – Mmes Kalliopi Ango Ela, la rapporteur, Marisol Touraine, ministre. – Retrait.
Amendement n° 148 de Mme Annie David. – Mmes Brigitte Gonthier-Maurin, la rapporteur, Marisol Touraine, ministre ; M. Gérard Longuet. – Rejet.
Amendement n° 371 rectifié bis de Mme Catherine Deroche. – Mmes Catherine Deroche, la rapporteur, Marisol Touraine, ministre ; M. Gérard Longuet. – Rejet.
Amendement n° 152 de Mme Annie David. – M. Michel Le Scouarnec, Mmes la rapporteur, Marisol Touraine, ministre ; Mme Annie David, M. Gérard Longuet. – Adoption.
Amendement n° 370 rectifié bis de Mme Catherine Deroche. – Mmes Catherine Deroche, la rapporteur, Marisol Touraine, ministre ; M. Gérard Longuet. – Rejet.
Amendement n° 276 de M. Gérard Longuet. – M. Gérard Longuet, Mmes la rapporteur, Marisol Touraine, ministre. – Rejet.
Amendement n° 13 rectifié ter de Mme Marie-Noëlle Lienemann. – M. Georges Labazée, Mmes la rapporteur, Marisol Touraine, ministre. – Retrait.
Amendement n° 153 rectifié de Mme Annie David. – Mmes Michelle Demessine, la rapporteur, Marisol Touraine, ministre ; Annie David, MM. Jean Desessard, Gérard Longuet. – Adoption.
Amendement n° 154 de Mme Annie David. – Mme Annie David.
Amendement n° 277 de M. Gérard Longuet. – M. Gérard Longuet. – Retrait.
Mmes la rapporteur, Marisol Touraine, ministre ; Catherine Génisson, MM. Jean Desessard, Gérard Longuet, Claude Jeannerot. – Rejet de l’amendement n° 154.
Amendement n° 363 de M. Jean-Marie Vanlerenberghe. – M. Gérard Roche, Mmes la rapporteur, Marisol Touraine, ministre ; MM. Gérard Longuet, Jean Desessard, Mme Catherine Deroche. – Rejet.
MM. Dominique Watrin, Jean Desessard, Gérard Longuet, Claude Domeizel, Gilbert Barbier, Gérard Roche, Claude Jeannerot.
Rejet, par scrutin public, de l’article.
compte rendu intégral
Présidence de M. Jean-Pierre Raffarin
vice-président
Secrétaires :
M. François Fortassin,
M. Jacques Gillot.
1
Procès-verbal
M. le président. Le compte rendu analytique de la précédente séance a été distribué.
Il n’y a pas d’observation ?…
Le procès-verbal est adopté sous les réserves d’usage.
2
Souhaits de bienvenue à une délégation parlementaire allemande
M. le président. Mes chers collègues, je suis particulièrement heureux de saluer en votre nom la présence, dans notre tribune d’honneur, d’une délégation du Bundesrat, conduite par Mme Margit Conrad, ministre plénipotentiaire du Land de Rhénanie-Palatinat et vice-présidente du groupe d’amitié Allemagne-France. (Mmes et MM. les sénateurs ainsi que Mme la ministre des affaires sociales et de la santé se lèvent.)
La délégation est accompagnée par Mme Catherine Troendle, présidente du groupe d’amitié France-Allemagne.
Cette visite s’inscrit dans le cadre des sessions de travail interparlementaire, dont c’est la quinzième édition. Les principaux thèmes abordés sont l’Europe sociale, la politique industrielle et les rythmes scolaires.
La délégation sera également reçue par M. Thierry Repentin, ministre délégué auprès du ministre des affaires étrangères, chargé des affaires européennes.
Cette quinzième session de travail interparlementaire entre le Bundesrat et le Sénat doit contribuer à l’approfondissement, souhaité par les deux présidents, de la coopération entre nos assemblées. Le 9 décembre prochain, M. le président du Sénat recevra le président du Bundesrat et, par la suite, un échange régulier de fonctionnaires devrait être mis en place.
Nous souhaitons à nos amis allemands des débats fructueux ainsi qu’un excellent séjour parmi nous.
Herzlich willkommen ! (Applaudissements.)
3
Mise au point au sujet d’un vote
M. Jean-Pierre Godefroy. Monsieur le président, lors du scrutin n° 34 portant sur les amendements identiques nos 250 et 321 rectifié tendant à supprimer l’article 2 du projet de loi garantissant l'avenir et la justice du système de retraites, j’ai été déclaré comme votant pour la suppression de cet article, alors que je souhaitais m’abstenir comme je l’ai fait en commission. Je souhaiterais que cette rectification puisse être apportée.
M. le président. Acte vous est donné de cette mise au point, mon cher collègue. Elle sera publiée au Journal officiel et figurera dans l’analyse politique du scrutin.
4
Avenir et justice du système de retraites
Suite de la discussion en procédure accélérée d'un projet de loi
M. le président. L'ordre du jour appelle la suite de la discussion du projet de loi, adopté par l'Assemblée nationale après engagement de la procédure accélérée, garantissant l'avenir et la justice du système de retraites (projet n° 71, résultat des travaux de la commission n° 96, rapport n° 95, avis n° 76, rapport d'information n° 90).
Nous poursuivons la discussion des articles.
Titre Ier (suite)
ASSURER LA PÉRENNITÉ DES RÉGIMES DE RETRAITE
M. le président. Au sein du titre Ier, nous poursuivons l’examen de l’article 3, dont je rappelle les termes :
Article 3 (suite)
I. – L’article L. 114-2 du code de la sécurité sociale est ainsi modifié :
1° Le 4° est ainsi rédigé :
« 4° De produire, au plus tard le 15 juin, un document annuel et public sur le système de retraite, fondé sur des indicateurs de suivi définis par décret au regard des objectifs énoncés au II de l’article L. 111-2-1 ; »
1° bis (nouveau) Après le 6°, il est inséré un 7° ainsi rédigé :
« 7° De suivre l’évolution des écarts et inégalités de pensions des femmes et des hommes, et d’analyser les phénomènes pénalisant les retraites des femmes, dont les inégalités professionnelles, les temps partiels et l’impact d’une plus grande prise en charge de l’éducation des enfants. » ;
2° (nouveau) Au huitième alinéa, les références : « aux articles 1er à 5 de la loi n° 2003-775 du 21 août 2003 précitée » sont remplacées par la référence : « au II de l’article L. 111-2-1 » ;
3° (nouveau) Le neuvième alinéa est complété par deux phrases ainsi rédigées :
« Lorsqu’une assemblée parlementaire ou une organisation est appelée à désigner plus d’un membre du conseil, elle procède à ces désignations de telle sorte que l’écart entre le nombre des hommes désignés, d’une part, et des femmes désignées, d’autre part, ne soit pas supérieur à un. Le conseil compte parmi ses personnalités qualifiées autant de femmes que d’hommes. »
II. – La section 6 du chapitre IV du titre Ier du livre Ier du même code est ainsi rédigée :
« Section 6
« Comité de suivi des retraites
« Art. L. 114-4. – I. – Le comité de suivi des retraites est composé de deux femmes et de deux hommes, désignés en raison de leurs compétences en matière de retraite, nommés pour cinq ans par décret, et d’un président nommé en conseil des ministres.
« Le Conseil d’orientation des retraites, les administrations de l’État, les établissements publics de l’État, le fonds mentionné à l’article L. 4162-16 du code du travail et les organismes chargés de la gestion d’un régime de retraite légalement obligatoire ou du régime d’assurance chômage sont tenus de communiquer au comité les éléments d’information et les études dont ils disposent et qui sont nécessaires au comité pour l’exercice de ses missions. Le comité de suivi des retraites fait connaître ses besoins afin qu’ils soient pris en compte dans les programmes de travaux statistiques et d’études de ces administrations, organismes et établissements.
« Un décret en Conseil d’État précise les missions du comité ainsi que ses modalités d’organisation et de fonctionnement.
« II. – Le comité rend, au plus tard le 15 juillet, en s’appuyant notamment sur les documents du Conseil d’orientation des retraites mentionnés aux 1° et 4° de l’article L. 114-2 du présent code, un avis annuel et public :
« 1° Indiquant s’il considère que le système de retraite s’éloigne, de façon significative, des objectifs définis au II de l’article L. 111-2-1. Il prend en compte les indicateurs de suivi mentionnés au 4° de l’article L. 114-2 et examine la situation du système de retraite au regard, en particulier, de la prise en considération de la pénibilité au travail, de la situation comparée des droits à pension dans les différents régimes de retraite et des dispositifs de départ en retraite anticipée ;
« 2° Analysant la situation comparée des femmes et des hommes au regard de l’assurance vieillesse, en tenant compte des différences de montants de pension, de la durée d’assurance respective et de l’impact des avantages familiaux de vieillesse sur les écarts de pensions ;
« 3° (nouveau) Analysant l’évolution du pouvoir d’achat des retraités, avec une attention particulière à ceux dont les revenus sont inférieurs au seuil de pauvreté.
« Dans le cas prévu au 1°, le comité :
« a) Adresse au Parlement, au Gouvernement, aux caisses nationales des régimes obligatoires de base d’assurance vieillesse, aux services de l’État chargés de la liquidation des pensions et aux institutions de retraite complémentaire mentionnées à l’article L. 922-1 des recommandations rendues publiques, destinées à garantir le respect des objectifs mentionnés au 1° du présent II, dans les conditions prévues aux III et IV ;
« b) Remet, au plus tard un an après avoir adressé les recommandations prévues au a, un avis public relatif à leur suivi.
« III. – Les recommandations mentionnées au II portent notamment sur :
« 1° L’évolution de la durée d’assurance requise pour le bénéfice d’une pension sans décote, au regard notamment de l’évolution de l’espérance de vie, de l’espérance de vie à soixante ans en bonne santé, de l’espérance de vie sans incapacité, de la durée de retraite, du niveau de la population active, du taux de chômage, en particulier des jeunes et des seniors, des besoins de financement et de la productivité ;
« 2° Les transferts du Fonds de réserve pour les retraites vers les régimes de retraite, tenant compte de l’ampleur et de la nature d’éventuels écarts avec les prévisions financières de l’assurance retraite ;
« 2° bis (nouveau) En cas d’évolutions économiques ou démographiques plus favorables que celles retenues pour fonder les prévisions d’équilibre du régime de retraite par répartition, des mesures permettant de renforcer notamment la solidarité du régime, prioritairement au profit du pouvoir d’achat des retraités les plus modestes, de l’égalité entre les femmes et les hommes et de la prise en compte de la pénibilité et des accidents de la vie professionnelle ;
« 3° Le niveau du taux de cotisation d’assurance vieillesse, de base et complémentaire ;
« 4° (nouveau) L’affectation d’autres ressources au système de retraite, notamment pour financer les prestations non contributives.
« IV. – Les recommandations mentionnées au II ne peuvent tendre à :
« 1° Augmenter le taux de cotisation d’assurance vieillesse, de base et complémentaire, au-delà de limites fixées par décret ;
« 2° Réduire le taux de remplacement assuré par les pensions, tel que défini par décret, en deçà de limites fixées par décret.
« V. – Le Gouvernement, après consultation des organisations représentatives des employeurs et des salariés, présente au Parlement les suites qu’il entend donner aux recommandations prévues au II. »
III. – La section 8 du chapitre IV du titre Ier du livre Ier du même code est abrogée.
IV. – L’article L. 135-6 du même code est ainsi modifié :
1° Au début du deuxième alinéa, est ajoutée la mention : « I. – » ;
2° Après le quatrième alinéa, il est inséré un II ainsi rédigé :
« II. – Les réserves qui excèdent la couverture des engagements mentionnés au dernier alinéa du I peuvent être affectées par la loi de financement de la sécurité sociale au financement, le cas échéant, de la correction de déséquilibres financiers conjoncturels des régimes de retraite ou du fonds mentionnés au deuxième alinéa du même I, notamment ceux identifiés dans les conditions prévues à l’article L. 114-4. » ;
3° Au début du cinquième alinéa, est ajoutée la mention : « III. – ».
V (nouveau). – Le 3° du I entre en vigueur six mois après la promulgation de la présente loi.
VI (nouveau). – Au 4° de l’article 6 de l’ordonnance n° 96-50 du 24 janvier 1996 relative au remboursement de la dette sociale, la référence : « quatrième alinéa » est remplacée par les références : « dernier alinéa du I et au II ».
M. le président. Au sein de l’article 3, nous poursuivons l’examen de l'amendement n° 255, présenté par MM. Longuet et Cardoux, Mmes Boog, Bruguière, Bouchart, Cayeux, Debré et Deroche, M. Dériot, Mme Giudicelli, MM. Gilles et Husson, Mme Hummel, MM. Fontaine, de Raincourt, Laménie et Milon, Mme Kammermann, M. Pinton, Mme Procaccia, M. Savary et les membres du groupe Union pour un Mouvement Populaire, apparentés et rattachés, et qui est ainsi libellé :
Supprimer cet article.
Sur cet amendement, nous en sommes parvenus aux explications de vote.
La parole est à M. René-Paul Savary, pour explication de vote.
M. René-Paul Savary. Nous avons déposé cet amendement de suppression de l’article 3, dont certains des alinéas concernent le Fonds de réserve pour les retraites.
Je souhaite poser une question à Mme la ministre à cette occasion, ne sachant pas encore quel sera le devenir de l’article 3. En cas de dégradation de la conjoncture économique, précise l’alinéa 24 de cet article, il est possible de prélever des montants supplémentaires sur les réserves gérées par le Fonds de réserve pour les retraites. Cette disposition revient à fixer un passif incertain dans son montant et dans son calendrier. Une telle incertitude ne peut que soulever des difficultés dans la gestion du portefeuille du Fonds de réserve.
En effet, aujourd'hui, ce Fonds de réserve sait qu’il doit verser 2,1 milliards d’euros chaque année à la CADES, la Caisse d’amortissement de la dette sociale, et qu’il devra également verser à la CNAV, la Caisse nationale d’assurance vieillesse, à partir de 2020, la partie de la soulte de la Caisse nationale de retraite des industries électrique et gazière dont la gestion lui a été confiée en 2005. Cette soulte a aujourd'hui une valeur d’environ 4 milliards d’euros.
C’est sur ces bases stables que le conseil de surveillance du Fonds a pu adopter une politique d’investissement à la fois prudente, pour garantir ses versements, mais également ambitieuse, pour obtenir le meilleur rendement des actifs d’ici à 2024, date du dernier versement annuel à la CADES.
Grâce à cette stabilité du passif, le portefeuille du Fonds a bien résisté au cours de l’année 2011, année pourtant difficile sur les marchés financiers, et a produit une très bonne performance en 2012. Pour 2013, les actifs de performance enregistrent également un résultat significatif, mais cet équilibre entre la recherche de bons rendements et de risques maîtrisés n’est rendu possible que par la stabilité du passif dans la durée, madame la ministre. Tout spécialiste raisonnable de la gestion d’actifs le confirmerait, bien sûr.
C’est pourquoi il est indispensable que les éventuels transferts de réserves tels que prévu à cet article 3 du Fonds de réserve pour les retraites vers la CNAV, le Régime social des indépendants, le RSI ou le Fonds de solidarité vieillesse, le FSV, soient limités et, surtout, anticipés le plus en amont possible. Une anticipation des versements correspondant à la soulte de la Caisse nationale de retraite des industries électrique et gazière devrait de toute évidence intervenir en premier lieu – le montant de cette soulte s’élève, je le rappelle, à 4 milliards d’euros – car les versements correspondants ne diminuent pas le surplus disponible pour gérer de manière satisfaisante les risques inhérents à l’investissement des actions.
Est-il nécessaire, madame la ministre, d’ajouter qu’une politique conduisant un investisseur public à diminuer la part des actions qu’il détient dans son portefeuille n’inciterait guère les particuliers à investir dans cette classe d’actifs ? Or aujourd'hui, notre économie a évidemment besoin que les particuliers et les investisseurs placent leur argent dans ces actifs nécessaires à l’amélioration de la compétitivité et de la croissance.
J’ajoute, enfin, que le rapporteur à l’Assemblée nationale, M. Issindou, a bien précisé dans son rapport que les transferts des réserves du Fonds de réserve pour les retraites doivent être « limités et prévisibles » afin que le Fonds puisse continuer à effectuer des placements à long terme et faire ainsi fructifier le capital qui lui a été confié.
Madame la ministre, pourriez-vous, au cours de nos débats, nous apporter des précisions sur les modalités de recours au Fonds de réserve pour les retraites, quel que soit le devenir de l’article 3 ? Je vous en remercie par avance.
M. le président. La parole est à M. Dominique Watrin, pour explication de vote.
M. Dominique Watrin. Je voudrais m’exprimer sur le fond, car depuis le début de ce débat, c’est-à-dire depuis deux jours, le groupe CRC a l’impression d’un dialogue de sourds. J’ai rappelé hier que nous déplorons le peu d’écoute dont fait preuve à notre égard la majorité sénatoriale, alors même que nous formulons de multiples propositions alternatives pour muscler notre système de répartition des retraites. C’est cela le débat de fond.
Dans le cadre de la procédure qui est celle de la Ve République, l’article 40 de la Constitution nous empêche de proposer tous les amendements que nous souhaiterions apporter. La procédure parlementaire est extrêmement contraignante.
De grâce, je souhaiterais que Mme la ministre, à un moment ou à un autre du débat, réponde au groupe CRC sur les propositions alternatives concernant le fond que nous avons portées dès notre intervention dans le cadre de la discussion générale et à maintes reprises dans les interventions que nous avons développées les uns et les autres en séance, sur des points fondamentaux.
Ainsi, madame la ministre, que pensez-vous de notre proposition de taxation des revenus financiers ? Il y a trois ans, ceux qui forment aujourd'hui la majorité sénatoriale n’étaient pas, me semble-t-il, hostiles a priori à cette proposition. Nous ne vous avons pas entendu. (M. Jean Desessard s’exclame.)
Ne pensez-vous pas qu’en taxant les revenus financiers on pourrait augmenter les recettes de 20 milliards à 30 milliards d’euros, ce qui permettrait d’éviter bien des politiques d’austérité que vous nous annoncez ici, ou des reculs par rapport à l’âge de départ en retraite ?
Que pensez-vous de la modulation des cotisations sociales, proposition que j’ai développée hier ? C’est là une proposition de bon sens ; je crois que les Françaises et les Français sont prêts à entendre qu’il peut y avoir une modulation. Dire « ce sont des charges pour les entreprises », c’est le discours du MEDEF, c’est le discours de la droite, mais ici nous sommes la gauche !
M. Alain Gournac. Ah bon ?
M. Dominique Watrin. Plutôt que de dire ça, pourquoi ne pas dire que des cotisations sociales pourraient être intelligentes, c’est-à-dire qu’elles pourraient être modulées, de sorte qu’elles soient moindres pour les entreprises qui créent de l’emploi, qui s’attachent à développer la formation des salariés ou à augmenter les salaires ? Ce serait du même coup, bien évidemment, une source de recettes pour notre sécurité sociale.
Ce débat de fond, je considère que nous ne l’avons pas eu, malheureusement, et je considère aussi que ce manque de débat à gauche ouvre la porte aux propositions catastrophiques que nous avons entendues à droite. Je pense à ce projet qui a été intégré à l’article 1er de réforme de retraites, avec l’aboutissement d’un basculement de notre système de retraites par répartition vers un système par points derrière lequel, on le sait bien d’ailleurs – et je crois que les orateurs du groupe UMP ou d’autres groupes qui ont soutenu cette proposition ne s’en sont pas cachés – il y a la possibilité de développer le système par capitalisation.
Sur l’article 3 tel qu’il est rédigé, nous avons une divergence de fond, madame la ministre.
Laurence Cohen développera la thèse d’un risque de confiscation des pouvoirs par ce comité de suivi. Il sera peut-être plus aux ordres de Bruxelles et n’aura que peu de comptes à rendre au Parlement. Tout cela est contraire à la mission de la Haute Assemblée, qui doit s’exprimer sur ce projet de réforme des retraites.
Sur le fond, dans sa rédaction actuelle, le texte présente un risque plus grand : basculer d’un système de prestations définies vers un système de cotisations définies selon lequel, à terme et même avec une modulation, la variable d’ajustement sera surtout celle du niveau des pensions et du taux de remplacement. C’est de cela que nous ne voulons pas.
Nous ne sommes pas dupes des projets de la droite, qui, au travers de cet amendement de suppression, est cohérente : en proposant la mise en place d’un système de retraites par points,…
MM. François Trucy et Alain Gournac. C’est voté !
M. Dominique Watrin. … elle nous emmène vers un système de capitalisation.
Mais nous voulons avoir un débat sur ce sujet avec vous, madame la ministre. C’est pourquoi nous ne voterons pas cet amendement de suppression.
M. Alain Gournac. Bravo !
M. le président. La parole est à Mme Laurence Cohen, pour explication de vote.
M. François Trucy. Elle va dire la même chose !
Mme Laurence Cohen. Pour qui prenez-vous les membres du groupe CRC ? Nous ne sommes pas monolithiques :…
M. François Trucy. Tant mieux !
M. Alain Gournac. Bravo !
Mme Laurence Cohen. … une analyse commune nous réunit. Nous sommes effectivement communistes, si cela vous a échappé, avec des valeurs de gauche, mais nous avons chacun notre personnalité,…
MM. Alain Gournac et François Trucy. Bravo !
Mme Laurence Cohen. … et nous sommes capables de vous répondre sur plusieurs aspects différents en nous complétant,…
M. Alain Gournac. Très bien !
Mme Laurence Cohen. … parce qu’il n’y a pas de rivalité entre nous. En tout cas, merci de votre sollicitation !
Supprimer cet article pourrait faire écho aux propos que nous avons tenus lors de nos interventions sur l’article 3. Nous avons en effet alors dit que nous étions contre. Mais comme l’a dit mon collègue Dominique Watrin – je le rejoins sur ce point –,…
M. Alain Gournac. Quand même ! Vous n’êtes pas monolithiques ! (Sourires sur les travées de l'UMP.)
Mme Laurence Cohen. … nous n’allons pas tomber dans cette manœuvre. En effet, nous pensons que ce débat doit avoir lieu. Une fois encore, notre groupe, qui est constructif, a élaboré des propositions de remplacement pour améliorer la situation.
Pourquoi sommes-nous hostiles, outre les aspects liés au financement qui ont été rappelés, à ce comité d’experts ? Parce que c’est, comme son nom l’indique, un comité composé d’experts, et une confiscation de la démocratie.
À ce propos, je m’étonne, mes chers collègues, que, dans cet hémicycle, nous ne soyons pas plus vigilants sur le pouvoir législatif. Pourtant, nous nous interrogeons tous sur les pouvoirs réels des sénatrices et des sénateurs, et nous souffrons tous, les uns et les autres, du fait que chaque fois nos propositions tombent sous le marteau, si je puis dire, de l’article 40 de la constitution. (M. Alain Gournac s’exclame.)
M. Jean Desessard. Sous la cisaille ! (Sourires.)
Mme Laurence Cohen. Les dispositions que nous proposons ne peuvent jamais aboutir car, en termes de financement, nous sommes victimes de cet article 40. (M. Alain Gournac s’exclame de nouveau.) Décidément, ça remue dans l’hémicycle !
Le rôle des parlementaires est complètement tronqué. En l’occurrence, qu’un comité d’experts prenne le pas sur le législateur et puisse prendre des décisions à la place des parlementaires, des représentants des assurés sociaux ne semble pas poser de problème.
M. Jean Desessard. Si, si, c’est un problème !
Mme Laurence Cohen. Les membres du groupe CRC estiment au contraire que c’est dramatique. En effet, les réformes sur les retraites ont des conséquences sur la vie de nos compatriotes, et cela a été dit ici même à de nombreuses reprises. Dès lors, il est normal que les assurés sociaux puissent être partie prenante dans les choix opérés, et que nous, parlementaires, en tant que représentants de nos concitoyennes et de nos concitoyens, puissions défendre d’autres positions. Hélas, nous allons assister de nouveau, comme je l’ai dit, à cette confiscation de la démocratie.
Pour ces raisons, tout au long de cette discussion, nous allons défendre des amendements.
M. Jean-Pierre Caffet. Hélas !
Mme Laurence Cohen. Nous espérons que vous y serez attentifs,…
M. Jean Desessard. Oui, oui !
M. Alain Gournac. Les Verts sont attentifs !
Mme Laurence Cohen. … et que vous serez convaincus par la force de notre argumentation. Nous pourrons ainsi modifier complètement cet article 3, afin qu’il n’y ait pas, d’un côté, des experts et, de l’autre, des parlementaires dotés de petits hochets puisqu’ils sont dépourvus de tout pouvoir. (Applaudissements sur les travées du groupe CRC.)
M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 255.
J'ai été saisi d'une demande de scrutin public émanant du groupe UMP.
Je rappelle que l'avis de la commission est défavorable, de même que celui du Gouvernement.
Il va être procédé au scrutin dans les conditions fixées par l'article 56 du règlement.
Le scrutin est ouvert.
(Le scrutin a lieu.)
M. le président. Personne ne demande plus à voter ?…
Le scrutin est clos.
J'invite Mmes et MM. les secrétaires à procéder au dépouillement du scrutin.
(Il est procédé au dépouillement du scrutin.)
M. le président. Voici le résultat du scrutin n° 35 :
Nombre de votants | 346 |
Nombre de suffrages exprimés | 326 |
Pour l’adoption | 170 |
Contre | 156 |
Le Sénat a adopté. (M. Jackie Pierre applaudit.)
En conséquence, l’article 3 est supprimé et les amendements nos 256, 324 rectifié, 396 rectifié, 375 rectifié, 316, 257, 258, 100, 406 rectifié, 109, 98, 99, 102, 103, 104, 325 rectifié bis, 16 rectifié bis, 386 rectifié, 105, 106, 107, 101, 259, 110, 111 et 326 rectifié n’ont plus d’objet.
Pour la bonne information du Sénat, je rappelle les termes de ces vingt-six amendements qui faisaient l’objet d’une discussion commune.
L'amendement n° 256, présenté par MM. Longuet et Cardoux, Mmes Boog, Bruguière, Bouchart, Cayeux, Debré et Deroche, M. Dériot, Mme Giudicelli, MM. Gilles et Husson, Mme Hummel, MM. Fontaine, de Raincourt, Laménie et Milon, Mme Kammermann, M. Pinton, Mme Procaccia, M. Savary et les membres du groupe Union pour un Mouvement Populaire, apparentés et rattachés, est ainsi libellé :
Rédiger ainsi cet article :
Afin de respecter la loi n° 2010–1330 du 9 novembre 2010 portant réforme des retraites, le comité de pilotage des régimes de retraite lance, dès la promulgation de la présente loi, une réflexion nationale sur les conditions d’une réforme systémique de la prise en charge collective du risque vieillesse, en particulier sur les conditions de mise en place d’une plus grande équité entre les régimes de retraite légalement obligatoires et les conditions de possibilité de la mise en place d’un régime par points ou en comptes notionnels.
L'amendement n° 324 rectifié, présenté par M. Desessard, Mme Archimbaud, M. Placé et les membres du groupe écologiste, est ainsi libellé :
Après l’alinéa 5
Insérer deux alinéas ainsi rédigés :
1° ter Après le 4°, il est inséré un 4° bis ainsi rédigé :
« 4° bis De coordonner les recherches menées sur les fins de carrières. Il remet un rapport tous les trois ans présentant le résultat de ces recherches au Parlement. »
L'amendement n° 396 rectifié, présenté par MM. Barbier, Mézard et C. Bourquin, est ainsi libellé :
I. - Alinéas 9 à 31
Supprimer ces alinéas.
II. - En conséquence, alinéa 36
Après les mots :
du même I
supprimer la fin de cet alinéa.
L'amendement n° 375 rectifié, présenté par MM. Mézard, Baylet, Bertrand, Collin, Collombat, Esnol et Fortassin, Mme Laborde et MM. Mazars, Plancade, Requier, Tropeano, Vall et Vendasi, est ainsi libellé :
Alinéa 12
Après les mots :
par décret,
insérer les mots :
de deux députés et de deux sénateurs désignés respectivement par les commissions chargées des affaires sociales de l'Assemblée nationale et du Sénat
L'amendement n° 316, présenté par M. Domeizel, est ainsi libellé :
Alinéa 12
Compléter cet alinéa par une phrase ainsi rédigée :
Pour la durée du mandat, les membres du Comité et son président ne peuvent exercer de mandat auprès d’une caisse de retraite.
L'amendement n° 257, présenté par MM. Longuet et Cardoux, Mmes Boog, Bruguière, Bouchart, Cayeux, Debré et Deroche, M. Dériot, Mme Giudicelli, MM. Gilles et Husson, Mme Hummel, MM. Fontaine, de Raincourt, Laménie et Milon, Mme Kammermann, M. Pinton, Mme Procaccia, M. Savary et les membres du groupe Union pour un Mouvement Populaire, apparentés et rattachés, est ainsi libellé :
Alinéa 16, seconde phrase
Compléter cette phrase par les mots :
ainsi que la qualité de service rendue par les organismes assurant la gestion des régimes de retraite légalement obligatoires ainsi que les services de l’État chargés de la liquidation des pensions
L'amendement n° 258, présenté par MM. Longuet et Cardoux, Mmes Boog, Bruguière, Bouchart, Cayeux, Debré et Deroche, M. Dériot, Mme Giudicelli, MM. Gilles et Husson, Mme Hummel, MM. Fontaine, de Raincourt, Laménie et Milon, Mme Kammermann, M. Pinton, Mme Procaccia, M. Savary et les membres du groupe Union pour un Mouvement Populaire, apparentés et rattachés, est ainsi libellé :
Après l'alinéa 16
Insérer un alinéa ainsi rédigé :
« ...° Étudiant les conditions de faisabilité d’une réforme systémique de la prise en charge collective du risque vieillesse ;
L'amendement n° 100, présenté par Mmes Cohen, Gonthier-Maurin et Cukierman, M. Watrin, Mmes David et Pasquet, M. Fischer et les membres du groupe communiste républicain et citoyen, est ainsi libellé :
Alinéa 17
Après le mot :
analysant
rédiger ainsi la fin de cet alinéa :
l’effet des mesures politiques et des moyens mis en œuvre pour la résorption totale des inégalités salariales et professionnelles entre les femmes et les hommes ;
L'amendement n° 406 rectifié, présenté par Mme Demontès, au nom de la commission des affaires sociales, est ainsi libellé :
Alinéa 20
Remplacer les mots :
aux institutions de retraite complémentaire mentionnées à l’article L. 922–1
par les mots :
aux régimes de retraite complémentaire légalement obligatoires
L'amendement n° 109, présenté par M. Watrin, Mmes Cohen, David et Pasquet, M. Fischer et les membres du groupe communiste républicain et citoyen, est ainsi libellé :
Alinéa 21
Supprimer cet alinéa.
L'amendement n° 98, présenté par M. Watrin, Mmes Cohen, David et Pasquet, M. Fischer et les membres du groupe communiste républicain et citoyen, est ainsi libellé :
Après l’alinéa 22
Insérer un alinéa ainsi rédigé :
« …° L’impact du relèvement de l’âge légal de départ en retraite et de l’allongement de la durée de cotisation sur le nombre supplémentaire d’inscrits à Pôle emploi dans la catégorie des cinquante-cinq à soixante-quatre ans, et sur l’évolution du taux d’emploi des seniors et des jeunes ;
L'amendement n° 99, présenté par M. Watrin, Mmes Cohen, David et Pasquet, M. Fischer et les membres du groupe communiste républicain et citoyen, est ainsi libellé :
Après l’alinéa 22
Insérer un alinéa ainsi rédigé :
« …° L’évolution tendancielle et comparative du rapport entre contribution du capital d’une part et du travail de l’autre au financement de la protection sociale, et sur la répartition et la destination des richesses issues de l’activité économique ;
L'amendement n° 102, présenté par M. Watrin, Mmes Cohen, David et Pasquet, M. Fischer et les membres du groupe communiste républicain et citoyen, est ainsi libellé :
Après l’alinéa 22
Insérer un alinéa ainsi rédigé :
« …° Les pistes de financement permettant l’abaissement de l’âge légal de départ en retraite à soixante ans, et la réduction de la durée de cotisation ;
L'amendement n° 103, présenté par M. Watrin, Mmes Cohen, David et Pasquet, M. Fischer et les membres du groupe communiste républicain et citoyen, est ainsi libellé :
Après l’alinéa 22
Insérer un alinéa ainsi rédigé :
« …° Les pistes de financement permettant d’assurer des pensions au moins égales au salaire minimum interprofessionnel de croissance ;
L'amendement n° 104, présenté par M. Watrin, Mmes Cohen, David et Pasquet, M. Fischer et les membres du groupe communiste républicain et citoyen, est ainsi libellé :
Après l’alinéa 22
Insérer un alinéa ainsi rédigé :
« …° Les pistes de financement permettant la prise en compte des années d’études dans la durée de cotisation ;
L'amendement n° 325 rectifié bis, présenté par M. Desessard, Mme Archimbaud, M. Placé et les membres du groupe écologiste, est ainsi libellé :
Alinéa 23
Rédiger ainsi le début de cet alinéa :
« 1° L’évolution, et notamment la possibilité de modification de la durée d’assurance requise pour le bénéfice d’une pension sans décote, … (le reste sans changement).
L'amendement n° 16 rectifié bis, présenté par Mme Lienemann, M. Godefroy, Mme Claireaux et M. Rainaud, est ainsi libellé :
Alinéa 23
Compléter cet alinéa par une phrase ainsi rédigée :
Cette évolution de la durée d'assurance ne peut conduire à une augmentation au-delà de ce qui est fixé par la loi n° … du … garantissant l'avenir et la justice du système de retraites ;
L'amendement n° 386 rectifié, présenté par MM. Mézard, Baylet, Bertrand, Collin, Esnol et Fortassin, Mme Laborde et MM. Mazars, Plancade, Requier, Tropeano, Vall et Vendasi, est ainsi libellé :
Après l'alinéa 23
Insérer un alinéa ainsi rédigé :
« ...° Les pistes de financement permettant d’assurer des pensions au moins égales à 75 % du salaire minimum interprofessionnel de croissance pour tous les salariés ; »
L'amendement n° 105, présenté par M. Watrin, Mmes Cohen, David et Pasquet, M. Fischer et les membres du groupe communiste républicain et citoyen, est ainsi libellé :
Alinéa 24
Supprimer cet alinéa.
L'amendement n° 106, présenté par M. Watrin, Mmes Cohen, David et Pasquet, M. Fischer et les membres du groupe communiste républicain et citoyen, est ainsi libellé :
Alinéa 24
Rédiger ainsi cet alinéa :
« 2° L’élargissement de l’assiette des cotisations et des contributions sociales ;
L'amendement n° 107, présenté par M. Watrin, Mmes Cohen, David et Pasquet, M. Fischer et les membres du groupe communiste républicain et citoyen, est ainsi libellé :
Alinéa 24
Compléter cet alinéa par les mots :
, ainsi que les ressources notamment issues d’une taxation sur les activités de spéculation financière à affecter à ce fonds pour reconstituer sa capacité à amortir les chocs.
L'amendement n° 101, présenté par Mmes Cohen, Gonthier-Maurin et Cukierman, M. Watrin, Mmes David et Pasquet, M. Fischer et les membres du groupe communiste républicain et citoyen, est ainsi libellé :
Alinéa 25
Après le mot :
permettant
insérer les mots :
d’abaisser l’âge légal de départ en retraite et de réduire la durée de cotisation ouvrant droit à pension sans décote et
L'amendement n° 259, présenté par MM. Longuet et Cardoux, Mmes Boog, Bruguière, Bouchart, Cayeux, Debré et Deroche, M. Dériot, Mme Giudicelli, MM. Gilles et Husson, Mme Hummel, MM. Fontaine, de Raincourt, Laménie et Milon, Mme Kammermann, M. Pinton, Mme Procaccia, M. Savary et les membres du groupe Union pour un Mouvement Populaire, apparentés et rattachés, est ainsi libellé :
Après l’alinéa 27
Insérer un alinéa ainsi rédigé :
« ...° L’âge légal de départ à la retraite.
L'amendement n° 110, présenté par M. Watrin, Mmes Cohen, David et Pasquet, M. Fischer et les membres du groupe communiste républicain et citoyen, est ainsi libellé :
Après l'alinéa 28
Insérer un alinéa ainsi rédigé :
…° Augmenter l’âge de départ à la retraite ou la durée de cotisations ;
L'amendement n° 111, présenté par M. Watrin, Mmes Cohen, David et Pasquet, M. Fischer et les membres du groupe communiste républicain et citoyen, est ainsi libellé :
Alinéas 30 et 31
Supprimer ces alinéas.
Enfin, l'amendement n° 326 rectifié, présenté par M. Desessard, Mme Archimbaud, M. Placé et les membres du groupe écologiste, est ainsi libellé :
Après l’alinéa 30
Insérer un alinéa ainsi rédigé :
« 3° Augmenter la durée d’assurance requise pour le bénéfice d’une pension sans décote sans avoir prouvé sa neutralité sur le nombre de personnes en situation de chômage au sens du Bureau international du travail et sur l’espérance de vie sans incapacité.
Article 4
I. – L’article L. 161-23-1 du code de la sécurité sociale est ainsi modifié :
1° Aux deux premiers alinéas, le mot : « avril » est remplacé par le mot : « octobre » ;
2° À la fin du premier alinéa, les mots : « par une commission dont la composition et les modalités d’organisation sont fixées par décret » sont remplacés par les mots : « dans le rapport économique, social et financier annexé au projet de loi de finances » ;
3° Le dernier alinéa est supprimé.
II. – À la fin de l’article L. 341-6 du même code, les mots : « dans les conditions fixées à l’article L. 351-11 » sont remplacés par les mots : « au 1er avril de chaque année par application d’un coefficient de revalorisation égal à l’évolution prévisionnelle en moyenne annuelle des prix à la consommation hors tabac, prévue pour l’année en cours, le cas échéant corrigée de la différence entre le taux d’évolution retenu pour fixer le coefficient de l’année précédente et le taux d’évolution de cette même année ».
III. – À la fin de l’article L. 816-2 du même code, les mots : « prévues pour les pensions de vieillesse de base par l’article L. 161-23-1 » sont remplacés par les mots : « applicables aux pensions d’invalidité prévues à l’article L. 341-6 ».
IV. – Les montants de l’allocation de solidarité aux personnes âgées mentionnée à l’article L. 815-1 du code de la sécurité sociale et des prestations prévues à l’article 2 de l’ordonnance n° 2004-605 du 24 juin 2004 simplifiant le minimum vieillesse, ainsi que les plafonds de ressources prévus pour le service de ces allocations et prestations, sont revalorisés dans les conditions prévues à l’article L. 816-2 du code de la sécurité sociale.
V. – Le code des pensions civiles et militaires de retraite est ainsi modifié :
1° A (nouveau) L’article L. 27 est complété par un alinéa ainsi rédigé :
« L’intéressé a droit à la pension rémunérant les services prévue au 2° du I de l’article L. 24 du présent code. Par dérogation à l’article L. 16 du même code, cette pension est revalorisée dans les conditions fixées à l’article L. 341-6 du code de la sécurité sociale. » ;
1° L’article L. 28 est ainsi modifié :
a) À la deuxième phrase du troisième alinéa, la référence : « L. 16 » est remplacée par la référence : « L. 341-6 du code de la sécurité sociale » ;
b) À l’avant-dernier alinéa, les mots : « et payée » sont remplacés par les mots : « , payée et revalorisée dans les mêmes conditions que la pension prévue à l’article L. 27 » ;
c) À la première phrase du dernier alinéa, la référence : « L. 16 » est remplacée par la référence : « L. 341-6 du code de la sécurité sociale » ;
2° L’article L. 29 est ainsi modifié :
a) (nouveau) À la seconde phrase, après le mot : « services », sont insérés les mots : « prévue au 2° du I de l’article L. 24 du présent code » ;
b) Est ajoutée une phrase ainsi rédigée :
« Par dérogation à l’article L. 16 du même code, cette pension est revalorisée dans les conditions fixées à l’article L. 341-6 du code de la sécurité sociale. » ;
3° À la fin de l’article L. 30 et de la première phrase des articles L. 30 bis et L. 30 ter, la référence : « L. 16 » est remplacée par la référence : « L. 341-6 du code de la sécurité sociale » ;
4° et 5° (supprimés)
6° L’article L. 34 est complété par une phrase ainsi rédigée :
« Par dérogation à l’article L. 16, la pension versée en application du 2° de l’article L. 6 du présent code est revalorisée dans les conditions fixées à l’article L. 341-6 du code de la sécurité sociale. » ;
7° À la fin de la seconde phrase du I de l’article L. 50, la référence : « de l’article L. 16 » est remplacée par les mots : « prévues à l’article L. 341-6 du code de la sécurité sociale ».
VI. – (Supprimé)
M. le président. La parole est à Mme Éliane Assassi, sur l'article.
Mme Éliane Assassi. On pourrait croire a priori que cet article 4 n’a pas d’incidences financières très importantes et que son adoption serait moins grave que celle de l’article 2, dont l’objet est d’allonger la durée de cotisations et de réduire durablement les pensions.
Il n’en demeure pas moins que l’article 4 est sans doute l’un des plus emblématiques du présent texte.
En effet, à l’affut de toutes les économies et refusant toujours de mettre le capital réellement à contribution, vous avez choisi de « faire les fonds de tiroirs » – pardonnez-moi l’expression –, pour ne pas dire « les fonds de poches », de nos concitoyens.
Quel est, au juste, l’objet de cet article 4 ? Il s’agit de repousser de six mois, du 1er avril au 1er octobre, la revalorisation des pensions. Ce faisant, l’ensemble des dépenses contraintes vont augmenter, celles qui sont liées à la fourniture de gaz et d’électricité, les dépenses de transport, d’alimentation, les mutuelles, les assurances logement et les loyers.
Vous gelez temporairement les pensions. Ainsi, pendant six mois, vous ferez supporter aux retraités une diminution de leur pouvoir d’achat. Ce signal est vraiment dramatique ! Il tend à faire croire que les retraités seraient, en quelque sorte, des nantis qui pourraient pour se voir imposer une telle mesure.
Or les retraités ont subi l’année dernière, pour la première fois, une taxe sur leur retraite destinée à financer la sécurité sociale, et certains d’entre eux devront également faire face, là encore pour la première fois, à l’imposition sur le revenu ainsi qu’à la suppression des droits connexes liés à leur statut fiscal passé.
Le cumul de cette politique fiscale et de cette mesure conduit inévitablement à désespérer nos concitoyennes et nos concitoyens et à les éloigner durablement de l’espoir qu’avait suscité la victoire de la gauche à la dernière élection présidentielle.
Madame la ministre, s’il n’y a pas aujourd’hui des millions de manifestants dans la rue pour se mobiliser contre votre réforme, rien ne serait plus faux que de penser qu’ils sont d’accord avec votre proposition. La situation est plus grave que vous ne pouvez le penser ! Aujourd’hui, dans notre pays, la colère et l’angoisse l’emportent, qui peuvent conduire là où, vous comme moi, nous espérons ne jamais aller.
Au-delà, c’est bien la capacité des retraités à épargner, à soutenir leurs enfants et petits-enfants afin qu’ils puissent bien se nourrir et se soigner correctement, qui est réduite. Les experts ont évalué à 0,9 % la baisse du pouvoir d’achat qu’engendrera cette mesure, laquelle, vous ne pouvez l’ignorer, va s’inscrire dans le temps. En effet, demain, les pensions, si elles restent évaluées sur la seule base du taux d’inflation, seront réévaluées à partir d’une pension minorée dont la revalorisation n’a été que partielle.
En définitive, cette mesure d’apparence technique s’apparentera à un véritable boulet financier à la charge des retraités.
Il suffit pour s’en convaincre de prendre connaissance de l’étude d’impact jointe au projet de loi. Si cette mesure génère 800 millions d’euros d’économie cette année, elle rapportera en 2014 la somme non symbolique de 2,4 milliards d’euros. C’est donc très légitimement que les retraités sont inquiets pour l’avenir.
Il n’en demeure pas moins que nous espérions du premier gouvernement de gauche depuis dix ans qu’il prenne des mesures tout autres, plus conformes à votre engagement de campagne de relever la France dans la justice.
Avec cette mesure, le pouvoir d’achat des retraités sera en berne, rendant encore un peu plus difficile le redressement économique de notre pays. Quant à la justice, dans cet article, où est-elle ?
Tout naturellement, nous voterons donc contre cet article. (Applaudissements sur les travées du groupe CRC.)
M. le président. La parole est à M. Georges Labazée, sur l’article.
M. Georges Labazée. Je souhaite attirer l’attention de l’hémicycle sur la situation de la Caisse nationale de retraites des agents des collectivités locales, ou CNRACL, régime de retraite regroupant les fonctionnaires territoriaux et hospitaliers, géré par la Caisse des dépôts et consignations.
La CNRACL contribue depuis 1974 à la solidarité entre régimes par le biais de la compensation généralisée et a été soumise, entre 1986 et 2012, à la compensation entre régimes spéciaux, aussi appelée « surcompensation ».
Mon collègue Domeizel a évoqué la situation de la CNRACL lors de son intervention dans la discussion générale, lundi dernier. Qui est mieux placé que lui pour alerter sur ce sujet ?
M. Alain Néri. Personne !
M. Georges Labazée. C’est pourquoi j’entends le soutenir et vous redire, madame la ministre, que le système de la compensation généralisée est à bout de souffle.
Depuis 1974, ont ainsi été reversés par la Caisse pour financer les régimes en difficulté 65 milliards d’euros, dont 25 milliards ces dix dernières années, En 2012, la CNRACL a encore été ponctionnée de 1,2 milliard d’euros.
Cette situation était financièrement supportable tant que la Caisse pouvait puiser dons son excédent structurel, aujourd’hui éteint.
Pourquoi la situation du régime s’est-elle autant dégradée ? On a assisté en effet depuis plusieurs années à une dégradation financière continue, liée, d’une part, au blocage de la valeur du point d’indice de la fonction publique depuis plusieurs années et, d’autre part, à la diminution des effectifs des fonctions publiques hospitalière et territoriale.
Il faudra également résoudre le problème du manque de trésorerie. Pour honorer le versement des pensions, la Caisse doit depuis deux ans emprunter tous les mois, et ce parce que, malgré la fonte de ses excédents, elle contribue toujours à la solidarité entre les régimes de retraite. Bien évidemment, ce nécessaire recours à l’emprunt, pour combler le défaut de trésorerie, n’est pas gratuit. Les frais financiers engendrés s’élèvent à plusieurs millions d’euros par an.
Madame la ministre, des solutions budgétaires existent pour remédier à cette situation.
Premièrement, le versement des pensions deux jours plus tard et l’appel des cotisations cinq jours plus tôt, ce qui permettrait d’éviter le défaut de trésorerie pendant sept jours qui implique le recours à l’emprunt.
Deuxièmement, pourquoi ne pas également intégrer les contractuels, CDD et CDI, au régime, afin d’augmenter le nombre de cotisants ?
Vous aurez compris ma démarche, madame la ministre, il s’agit véritablement d’un appel au réexamen du dispositif de solidarité entre caisses de retraite, qui doit être un levier essentiel des réformes en cours et à venir.
La tâche n’est pas facile. Il ne s’agit pas de jouer des oppositions catégorielles, qui nourrissent les individualismes sans rechercher la convergence.
Il s’agit de mettre sur la table tous les aspects de la compensation généralisée : taux et assiette des cotisations, prise en compte des revenus réels, dangerosité, stress, pénibilité physique et psychique de certains métiers.
Pour ces raisons, je me suis permis d’intervenir sur l’article 4, qui crée un dispositif de pilotage annuel du système de retraites. (Applaudissements sur plusieurs travées du groupe socialiste.)
M. le président. La parole est à Mme Laurence Cohen, sur l’article.
Mme Laurence Cohen. Élus de terrain, nous tenons des permanences, nous rencontrons les populations sur les marchés…
M. Alain Gournac. Nous aussi !
M. Philippe Bas. Eh oui !
Mme Laurence Cohen. Ne vous sentez pas visés, c’est très bien si vous le faites aussi ! Il ne faut pas être toujours coupable dans la vie, même si vous avez beaucoup de raisons de l’être !
De plus, certaines de nos mairies gèrent des centres communaux d’action sociale. Aussi, nous savons, sans doute mieux que d’autres,…
Mme Laurence Cohen. … que les retraités, sous les effets des mauvais coups fiscaux portés par la droite – c’est pour cette raison que vous êtes coupables – sont de plus en plus nombreux à boucler difficilement leurs fins de mois.
Loin des images régulièrement véhiculées, la retraite est de plus en plus souvent associée à la notion de précarité.
Les chiffres sont malheureusement éloquents. Une étude menée en 2011, auprès de quarante délégations de la Croix-Rouge française, montre que les retraités représentent environ 15 % des personnes venant solliciter une aide alimentaire ou un soutien financier pour régler leur loyer, ou leur facture d’électricité et de gaz. « Un pourcentage qui, en deux ans, a plus que triplé », souligne Didier Piard,…
M. Jean-François Husson. La gauche !
Mme Laurence Cohen. … le directeur de l’action sociale à la Croix-Rouge.
Plus récemment, le Secours populaire, dans son rapport annuel de 2012, met en avant que, désormais, 10 % des personnes qu’il accompagne socialement sont des retraités.
C’est notamment le résultat de la précarité grandissante, qui s’est traduite de plus en plus souvent par la multiplication des CDD et des temps partiels, ainsi que par des fins de carrières heurtées, comptant des périodes de chômage indemnisées ou non. Indiscutablement, les jeunes retraités d’aujourd’hui payent le prix de l’absence d’une véritable politique de l’emploi et de l’industrie, qui a pris la forme d’une inaction des pouvoirs publics face notamment aux licenciements spéculatifs.
De plus, les revalorisations des retraites menées depuis près d’une décennie n’ont été que partielles. Rien qu’en 2010, alors que l’INSEE estimait que l’inflation moyenne servant de référence au calcul du taux de revalorisation des pensions avait atteint 1,5 %, la revalorisation des pensions pour sa part n’a pas dépassé 0,9 %. Cette différence de 0,6 % s’est traduite, mécaniquement, par une perte notable de pouvoir d’achat, d’autant plus notable que cette sous-revalorisation n’a pas constitué un phénomène isolé.
Au final, ces évolutions, auxquelles participe l’article 4, conduisent à réduire le pouvoir d’achat des retraités, alors même que des solutions plus justes socialement et plus efficaces sont possibles.
Si cet article devait être maintenu au Sénat, comme à l’Assemblée nationale, l’application combinée des mesures prises par ce gouvernement comme par le précédent ferait subir aux retraités un gel des pensions pendant dix-huit mois. Durant cette période, les retraités vivront dans l’angoisse, et se priveront de beaucoup de choses, dont l’essentiel. Les femmes, une fois de plus, seront en première ligne, puisqu’une retraitée sur trois vit sous le seuil de pauvreté.
Voilà ce que vous proposez pour les retraités de notre pays, lesquels ont pourtant, par leur travail, contribué à développer l’économie de notre pays et à créer des richesses.
Ce que vous proposez n’est pas acceptable et le groupe CRC, vivement opposé à cette mesure, souhaite qu’il soit procédé sur l’article 4 à un vote par scrutin public, de telle sorte que chacune et chacun soit, devant nos concitoyens, responsable de ses votes.
M. le président. La parole est à Mme Isabelle Pasquet, sur l’article.
Mme Isabelle Pasquet. Le report de la revalorisation des pensions du 1er avril au 1er octobre traduit une nouvelle fois la volonté du Gouvernement d’inscrire cette réforme des retraites dans un cadre empreint de la même austérité que celle avec laquelle il rédige le budget de la sécurité sociale et celui de l’État.
Sous la pression des technocrates et des libéraux qui dirigent la Commission européenne, le Gouvernement a pris des engagements importants en matière de réduction des déficits publics.
En permettant cette année la réalisation de 800 millions d’économie et de plus de 2,5 milliards en 2014, sur le compte des retraités, vous avez, madame la ministre, indiscutablement trouvé un outil efficace pour réduire la dette sociale. Je devrais plutôt dire « retrouvé », puisqu’une mesure identique a déjà été prise dans le passé, par le gouvernement de M. Fillon, dans le projet de loi de financement de la sécurité sociale pour 2009. Ce choix ne manquera pas de réjouir M. Barroso, même si, de notre côté, nous nous inquiétons plutôt des effets de cette mesure sur les retraités.
Je note également que, en plus de convenir au dogme européen de la réduction des déficits sociaux et publics, il est conforme à ses exigences en matière de compétitivité, car ces économies sont réalisées par le biais d’une ponction sur les retraités, alors que ni les revenus financiers ni les entreprises ne sont soumis à contribution. D’ailleurs, d’une certaine manière, l’article 4 s’apparente à un impôt temporaire, prélevé à la source, ce qui nous éloigne encore un peu plus de la promesse du Président de la République d’une pause fiscale.
Que pour financer les régimes de retraites, il faille trouver des solutions permettant de dégager des ressources est une chose que nous pouvons entendre. Les dix ans de droite au pouvoir ont en effet conduit à un appauvrissement considérable de notre système de protection sociale.
M. Roland Courteau. C’est vrai !
Mme Isabelle Pasquet. Mais que, pour ce faire, vous vous placiez dans la continuité des mesures adoptées en 2010, nous ne pouvons ni l’entendre ni l’admettre, tout simplement parce que les femmes et les hommes qui ont contribué à la victoire de la gauche au second tour n’ont pas voté pour que vous soumettiez les retraités à l’impôt, et que vous réduisiez, même temporairement, leur pouvoir d’achat.
Selon Henri Sterdyniak, économiste à l’Observatoire français des conjonctures économiques, ou OFCE, cette mesure, aux apparences techniques, n’est ni plus ni moins qu’une perte de pouvoir d’achat : « En 2014, par exemple, avec une inflation à 1,2 %, les retraités vont donc passer six mois supplémentaires sans bénéficier de la revalorisation qu’ils auraient eue sans la réforme. C’est 0,6 % de perte de leur pouvoir d’achat. »
La situation sera d’autant plus grave que l’inflation sera grande. Un grand quotidien, Libération, a fait le calcul : en cas d’inflation égale à 2 %, « un retraité avec une pension de 1 200 euros par mois touchera ainsi 144 euros de moins que ce qu’il aurait gagné sans la réforme ». Cette perte se cumulera chaque année, puisque les retraités verront toujours leurs retraites revalorisées avec six mois de retard.
En outre, il nous faut souligner que l’adoption de cette mesure d’austérité, comme bien d’autres d’ailleurs, aura pour effet de réduire considérablement la consommation et, par conséquent, de plomber littéralement notre économie.
La primauté que vous avez donnée à la réduction de la dette publique et sociale se fait au détriment de la consommation, nous privant de fait d’une relance économique durable.
À cet instant, je me souviens qu’en 2009, alors que le Sénat examinait l’article 79 du projet de loi de financement de la sécurité sociale pour 2010, notre collègue Raymonde Le Texier, intervenant au nom du groupe socialiste, avec sa collègue Patricia Schillinger, soutenait cette argumentation et proposait même une indexation semestrielle, afin que ce mécanisme, indispensable pour les petits retraités, corresponde le plus exactement possible aux conséquences de l’inflation.
L’article 4 est à mille lieues de cette proposition et des attentes des retraités, raisons pour lesquelles nous voterons contre cette mesure.
M. le président. Je suis saisi de cinq amendements identiques.
L'amendement n° 260 est présenté par MM. Longuet et Cardoux, Mmes Boog, Bruguière, Bouchart, Cayeux, Debré et Deroche, M. Dériot, Mme Giudicelli, MM. Gilles et Husson, Mme Hummel, MM. Fontaine, de Raincourt, Laménie et Milon, Mme Kammermann, M. Pinton, Mme Procaccia, M. Savary et les membres du groupe Union pour un Mouvement Populaire, apparentés et rattachés.
L'amendement n° 327 rectifié est présenté par M. Desessard, Mme Archimbaud, M. Placé et les membres du groupe écologiste.
L'amendement n° 359 est présenté par M. Vanlerenberghe, Mme Dini, MM. Roche et Amoudry, Mme Jouanno, M. Marseille et les membres du groupe Union des Démocrates et Indépendants - UC.
L'amendement n° 376 rectifié est présenté par MM. Mézard, Baylet, Bertrand, Collin, Collombat, Esnol et Fortassin, Mme Laborde et MM. Mazars, Plancade, Requier, Tropeano, Vall et Vendasi.
L'amendement n° 397 est présenté par M. Barbier.
Ces cinq amendements sont ainsi libellés :
Supprimer cet article.
La parole est à M. Gérard Longuet, pour présenter l’amendement n° 260.
M. Gérard Longuet. L’amendement n° 260 présenté par le groupe de l’UMP ne sera pas pour vous, madame le ministre, une surprise. Nous ne pouvons pas accepter l’idée que la réforme des retraites – ou plus exactement l’absence de réforme des retraites que nous dénonçons depuis lundi dernier – se traduise par un effort demandé principalement aux seuls retraités.
Nous avons apporté la démonstration que le rétablissement, trop partiel, des comptes pour 2020 pèse à près de 70 % sur les retraités. Parmi les dispositions pesant sur les retraités, deux sont essentielles.
La première mesure concerne les retraités ayant eu la chance d’avoir trois enfants ou plus, qui les ont éduqués, et qui ont ainsi contribué à l’équilibre des régimes par répartition, tant il est vrai que ce type de régime ne fonctionne que s’il y a de nouvelles générations riches et abondantes.
La seconde mesure, c’est celle que nous examinons en cet instant, dont la mesquinerie est flagrante. Décaler la revalorisation d’avril à octobre, c’est tout à fait le type de dispositions proposées par des services à court d’imagination,…
M. Jean Desessard. Oui !
M. Gérard Longuet. … pour un ministre qui refuse d’attaquer l’essentiel du chantier.
Qui va payer cette réforme ?
M. Alain Gournac. Ah !
M. Gérard Longuet. Des retraités qui, pour l’essentiel – nous pourrions l’établir statistiquement tout au long du débat – ont mené leur vie professionnelle dans des conditions profondément différentes de celles que les salariés connaissent aujourd’hui. Pour une bonne part, sans doute pour la majorité d’entre eux, ils ont travaillé au-delà des soixante ans et, souvent, au-delà des soixante-deux ans, qui constituent la nouvelle borne. Par ailleurs, ils ont connu la durée de travail des Trente Glorieuses, qui dépassait largement les quarante heures.
C’est à ces salariés, qui se sont montrés actifs à la fois par leur engagement professionnel et par leur engagement familial – à cette époque, la démographie française était largement positive – que le Gouvernement demande aujourd’hui, par une subtilité de trésorerie, de contribuer d’une manière importante à la réduction des déficits à l’horizon de 2020. En effet, selon le rapport de Mme Demontès, cette seule mesure représenterait 2,6 milliards sur les 7,6 milliards d’euros que vous mobilisez pour cette échéance.
Voilà pourquoi nous demandons la suppression de cet article, par solidarité avec les retraités qui ont été les acteurs du redressement et du renouveau de l’économie française durant les Trente Glorieuses ! (Applaudissements sur les travées de l'UMP.)
M. le président. La parole est à M. Jean Desessard, pour présenter l’amendement n° 327 rectifié.
M. Jean Desessard. Mes chers collègues, par un étonnant hasard, je m’exprimerai aujourd’hui, pour la première fois, à l’aide d’un micro situé à la droite de la présidence de séance ! (Exclamations amusées sur les travées de l'UMP.)
M. Michel Bécot. Bienvenue !
M. Jean Desessard. Pour autant, sachez que l’amendement que je vais présenter est de gauche ! (Nouvelles exclamations sur les mêmes travées.) Et même plus que de gauche !
Mme Muguette Dini. D’extrême gauche !
Mme Éliane Assassi. Cet amendement n’est pas d’extrême gauche !
Mme Muguette Dini. Mais M. Desessard, lui, l’est ! (Sourires.)
M. Gérard Longuet. Les formules de gauche sont souvent maladroites…
M. Jean Desessard. En tout cas, cet amendement est assez proche des positions que les membres du groupe CRC ont défendues en prenant la parole sur cet article, qu’il tend à supprimer.
Le 1er avril de chaque année, les pensions sont revalorisées en fonction de l’inflation, afin que le pouvoir d’achat des retraités ne s’érode pas du simple fait de l’augmentation tendancielle des prix.
Cet article reporte ladite revalorisation de six mois, en la fixant désormais au 1er octobre de chaque année. On en attend une économie de 800 millions d’euros dès 2014 et de 1,9 milliard d’euros en 2020.
Cette mesure est profondément injuste.
MM. Pierre Martin et Alain Gournac. Oui !
M. Jean Desessard. Elle est fondée sur un raisonnement froidement comptable.
M. Alain Gournac. Effectivement !
M. Jean Desessard. Les chasseurs d’économies préfèrent toujours manger dans des assiettes larges, et le véritable malheur des pauvres est précisément d’être nombreux !
Ne nous méprenons pas. Cette mesure exclut certes les bénéficiaires de l’ASPA, l’allocation de solidarité aux personnes âgées, mais, parmi les 1 600 000 retraités vivant sous le seuil de pauvreté, seuls 600 000 bénéficient de cette allocation. Avec cette disposition, les 1 000 000 personnes restantes qui se situent sous le seuil de pauvreté seront donc frappées dans les mêmes proportions que les retraités percevant plusieurs milliers d’euros par mois, et alors même que les entreprises ne sont pas concernées par cette réforme. Ce n’est pas acceptable !
MM. Pierre Martin et Alain Gournac. Non, ça ne l’est pas !
M. Jean Desessard. Nous l’avons déjà dit à propos de l’article 2 : l’allongement de la durée de cotisation est un moyen détourné de réduire le montant des pensions. En effet, avec l’entrée de plus en plus tardive dans la vie active, le chômage croissant parmi les plus de cinquante ans, les carrières à trous de plus en plus nombreuses, réunir les annuités nécessaires pour liquider une pension à taux plein est en passe de devenir une gageure.
De surcroît, est-il légitime de retirer ainsi une centaine d’euros par an à des retraités qui, après une vie de labeur, perçoivent une pension mensuelle de 1 000 euros ? Parallèlement, après les 20 milliards d’euros du crédit d’impôt pour la compétitivité et l’emploi, le CICE, on trouve encore les moyens de ne pas faire contribuer les entreprises à cette réforme, dans la mesure où les hausses de cotisations sont, pour elles, intégralement compensées !
Parce que cette disposition est politiquement injustifiable et socialement injuste, les écologistes appellent à sa suppression. (Très bien ! et applaudissements sur les travées de l'UMP, ainsi que sur plusieurs travées du groupe CRC.)
M. François Trucy. C’était bien un amendement de droite !
M. le président. La parole est à M. Gérard Roche, pour présenter l'amendement n° 359.
M. Gérard Roche. À la suite de M. Desessard, qui a parlé avec des accents de ténor, je joins la voix du centre à cette symphonie du refus ! (Sourires sur les travées de l'UDI-UC et de l'UMP.)
Cet amendement tend à supprimer l’article 4, qui reporte du 1er avril au 1er octobre la date de revalorisation des retraites en fonction de l’inflation. Il s’agit là d’une désindexation partielle des pensions qui n’ose pas dire son nom ! Cette absence de clarté vis-à-vis des assurés et de nos concitoyens n’est pas acceptable. Si l’on veut mettre en œuvre une réforme pesant principalement sur le niveau des pensions, il faut le dire. Or ce n’est pas du tout ce que fait le Gouvernement. Ce dernier affirme que l’effort est équitablement réparti entre actifs, employeurs et retraités.
Rien n’est plus inexact. En réalité, cette réforme pèsera pour l’essentiel sur les retraités. Dès que l’on tient compte des mesures déjà prises par les régimes complémentaires et de la future compensation des charges imposées aux entreprises, on constate que, d’ici à 2020, celles-ci ne contribueront qu’à hauteur de 10 % des efforts. Les salariés participeront quant à eux pour 30 % et les retraités pour 60 %.
L’article 4 est emblématique non seulement de l’inégale répartition de la charge mais aussi de l’absence de transparence qui l’accompagne. Sa suppression est donc une question de principe.
Bien sûr, on allègue que la contribution sera faible sur les petites retraites, qu’elle représentera, l’année prochaine, 9 euros par mois pendant six mois pour une retraite mensuelle de 1 000 euros. Mais lorsqu’on manque d’argent, 9 euros, cela compte ! (Applaudissements sur les travées de l'UDI-UC et de l’UMP.)
M. le président. La parole est à Mme Françoise Laborde, pour présenter l'amendement n° 376 rectifié.
Mme Françoise Laborde. Cet amendement va dans le même sens que les précédents. L’article 4 reporte de six mois, du 1er avril au 1er octobre, la revalorisation annuelle des pensions à compter de 2014. Avec cette mesure, les retraités devront patienter dix-huit mois consécutifs sans augmentation. C’est beaucoup, d’autant qu’il s’agit du second report en cinq ans et que cette mesure n’est pas temporaire.
Madame la ministre, vous avez déclaré que les petites retraites seraient préservées. Toutefois, ce sont bien elles que vous mettez à contribution ! Comme les précédents orateurs l’ont relevé, les bénéficiaires de l’ASPA ne seront pas concernés, mais ceux qui sont juste au-dessus du minimum vieillesse seront touchés de plein fouet ; or ils éprouvent des difficultés pour payer leur loyer, pour se soigner, ou tout simplement pour manger. La précarité des retraités est une réalité que nous ne pouvons ignorer.
Parce que ce gel des pensions va pénaliser les retraités les plus modestes, nous proposons de supprimer le présent article. (MM. Jean-Claude Requier et Jean Desessard applaudissent.)
M. le président. La parole est à M. Gilbert Barbier, pour présenter l'amendement n° 397.
M. Gilbert Barbier. Cet amendement vise, lui aussi, à supprimer l’article 4.
M. Alain Gournac. Oh là là !
M. Gilbert Barbier. Les précédents orateurs ont clairement détaillé les problèmes qu’une telle mesure entraînerait, notamment pour les retraités les plus modestes. En dépit des dispositions visant à préserver certains d’entre eux, ce sont bien eux qui seront touchés !
Il faut, bien entendu, élaborer des solutions de remplacement. À ce titre, je rappelle qu’en 2010 M. Vasselle, alors rapporteur général de la commission des affaires sociales, proposait pour sa part d’augmenter la CSG. L’assiette de ce prélèvement, beaucoup plus large, permettrait de récolter l’argent nécessaire et éviterait ainsi de mettre en œuvre une mesure aussi extrême que le report de la revalorisation des retraites du 1er avril au 1er octobre.
D’autres solutions peuvent être mentionnées, comme celles que nos collègues du groupe CRC ont proposées. Toutefois, la CSG est, en la matière, l’instrument le plus approprié ! Je regrette que le Gouvernement refuse de l’entendre. (Applaudissements sur plusieurs travées de l'UMP.)
M. Alain Gournac. Très bien !
M. le président. Quel est l’avis de la commission ?
Mme Christiane Demontès, rapporteur de la commission des affaires sociales. Je ne surprendrai personne en annonçant que la commission émet un avis défavorable sur ces amendements de suppression.
Le retour des régimes de retraite à l’équilibre exige des efforts équitablement répartis entre les employeurs, les actifs et les retraités. Le rapport Moreau le souligne et chacun en convient : malgré de grandes disparités entre eux, les retraités ont bénéficié, depuis quarante ans, d’une amélioration de leur niveau de vie, qui est aujourd’hui – en moyenne, bien sûr – très proche de celui des actifs. Il est donc légitime qu’ils concourent à l’effort de redressement.
Au reste, comme plusieurs orateurs l’ont déjà souligné, la mesure proposée via l’article 4 ne concernera ni le minimum vieillesse, l’ASPA, ni les pensions d’invalidité.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
Mme Marisol Touraine, ministre des affaires sociales et de la santé. Le Gouvernement émet, lui aussi, un avis défavorable sur ces amendements de suppression. Mme la rapporteur a parlé avec beaucoup de justesse, et je n’ai pas grand-chose à ajouter à ses propos.
L’équilibre de cette réforme repose sur la contribution de l’ensemble de la population, toutes générations confondues. Même si, derrière les moyennes, se cachent des réalités individuelles très diverses, on constate que le niveau de vie moyen des retraités s’est considérablement amélioré au cours des dernières décennies, au point d’atteindre celui des actifs.
Étant donné que certains retraités sont placés dans des situations particulièrement difficiles, nous avons tenu à préserver de toute contribution les bénéficiaires de ce que l’on appelait le minimum vieillesse, l’ASPA. Nous avons également pris soin de prendre en compte les situations particulières de certains retraités. Je songe, notamment, aux retraités agricoles.
Cela étant, par souci de solidarité…
M. Alain Gournac. Madame la ministre, regardez-nous ! (Mme la ministre se tourne vers les travées de l’UMP.) Voilà !
Mme Marisol Touraine, ministre. … et pour inscrire cette réforme dans une perspective d’avenir en direction des jeunes, il est souhaitable que les retraités soient également mis à contribution.
Par ailleurs, je voudrais dire au groupe CRC – vous voudrez donc bien que je m’adresse à lui, monsieur Gournac – que, contrairement à ce que j’ai entendu il y a quelques instants, j’ai déjà eu l’occasion de m’exprimer au sujet d’autres modes de financement. J’indique simplement aux membres du groupe CRC que, depuis un an et demi, les revenus du capital ont été mis à contribution de manière très significative en faveur de la sécurité sociale. Aussi le Gouvernement a-t-il souhaité que cette réforme des retraites ne repose pas exclusivement sur des prélèvements fiscaux, fussent-ils assis sur le capital.
Enfin, je répondrai en quelques mots à M. Labazée, même si, en évoquant la situation particulière de la CNRACL, il ne s’est pas exprimé au titre de l’article 4 mais au sujet de la suppression de l’article 3.
Je comprends bien le problème posé. La compensation démographique est une question délicate. Toutefois, M. Labazée, comme M. Domeizel, le sait mieux que quiconque, nous raisonnons à somme nulle : les sommes que nous attribuons d’un côté sont prélevées de l’autre ! Il ne suffit donc pas de déplacer les curseurs pour améliorer la situation financière globale.
J’entends bien les préoccupations exprimées à cet égard par M. Labazée. Elles devront faire l’objet d’une réflexion, à laquelle le Gouvernement est tout à fait disposé. Néanmoins, je le répète, ce critère ne permettrait pas de résoudre la situation globale de nos régimes de retraite.
M. le président. La parole est à Mme Marie-Noëlle Lienemann, pour explication de vote.
Mme Marie-Noëlle Lienemann. Sur ce sujet – une fois n’est pas coutume – j’étais plus modérée que nombre de nos collègues siégeant sur diverses travées de cet hémicycle. En effet, j’ai déposé un amendement tendant à supprimer le seul alinéa 2 du présent article, lequel correspond à la non-indexation des retraites.
Toutefois, je devine que nous n’aurons pas le temps d’arriver à l’alinéa 2. C’est pourquoi je me permets d’intervenir au titre des présentes explications de vote.
Je voterai les amendements déposés par mon collègue Jean Desessard et par mes collègues du groupe CRC,…
M. Alain Gournac. Sans oublier l’UMP !
Mme Marie-Noëlle Lienemann. … et ce pour plusieurs raisons. Premièrement, nous avons besoin du pouvoir d’achat de nos concitoyens pour relancer la croissance.
MM. Pierre Martin et Alain Gournac. Très bien !
Mme Marie-Noëlle Lienemann. Deuxièmement, je rappelle que nous avons protesté lorsque la non-indexation des retraites a été décidée par la droite, au titre de la loi de finances pour 2009.
Troisièmement, le produit de cette taxation, d’après les chiffres que nous a fournis Matignon, est estimé à 600 millions d’euros cette année, et à un peu plus de 1 milliard d’euros pour 2020.
Concernant les 600 millions d’euros de cette année, je vous fais une suggestion, madame la ministre. Vous avez raison de dire qu’une grande inégalité existe parmi les retraités, entre ceux qui possèdent un patrimoine important et ceux qui ne vivent que de leur retraite. Je vous suggère donc de taxer les 500 familles les plus aisées, qui ont vu leur patrimoine augmenter de 25 % et qui représentent 16 % du PIB de la France. Il y a là des marges de manœuvre qui pourraient être utilisées. (Mme Marie-France Beaufils ainsi que MM. Michel Le Scouarnec et Jean Desessard applaudissent.)
M. le président. La parole est à M. Marc Laménie, pour explication de vote.
M. Marc Laménie. Monsieur le président, madame la ministre, mes chers collègues, je soutiendrai bien sûr ces cinq amendements, notamment l’amendement n° 260 présenté, comme à l’accoutumée, avec beaucoup de brio et de sincérité, par notre collègue Gérard Longuet. (Exclamations et marques d’ironie sur les travées du groupe socialiste.)
M. Alain Néri. C’est un ami de vingt ans ! (Sourires sur les mêmes travées.)
M. Marc Laménie. Le problème que pose cet article a également été évoqué par nos quatre autres collègues, qui se sont exprimés avec franchise. (Et avec brio ! sur les travées de l'UMP.) À un moment donné, il faut en effet parler le langage de la vérité.
Tous les jours, nous rencontrons des retraités qui souffrent beaucoup.
M. Alain Gournac. Effectivement.
M. Marc Laménie. Il y a quelques instants, nos collègues du groupe CRC ont employé le mot « précarité », qui est fort et qui doit nous interpeller.
Par ces amendements, on a souligné les problèmes réels de pouvoir d’achat des petits retraités, qui souffrent cruellement. Nous devons aussi garder en mémoire le labeur et les sacrifices de nos prédécesseurs durant les Trente Glorieuses, évoquées par Gérard Longuet et qui s’éloignent aujourd’hui.
Ces problèmes de pouvoir d’achat, de justice et d’équité sociale doivent être abordés avec courage. Nous vivons aujourd’hui dans une société de consommation où, hélas, toutes les charges, notamment le loyer, l’électricité et le chauffage, augmentent alors que de plus en plus de petits retraités rencontrent des difficultés pour boucler leur budget et en sont réduits à faire appel aux associations caritatives et aux bénévoles dévoués.
Je tenais donc à apporter mon soutien à l’amendement présenté par notre collègue Gérard Longuet en y associant nos collègues qui sont intervenus sur ce qui est un véritable sujet de société. (Très bien ! et applaudissements sur les travées de l'UMP et sur plusieurs travées de l'UDI-UC.)
M. le président. La parole est à M. Dominique Watrin, pour explication de vote.
M. Dominique Watrin. L’article 4 complète, si l’on peut dire, l’arsenal de mise en déclin de la dépense publique en matière de retraites.
Après l’article 2, multipliant les décotes et tirant vers le bas le niveau moyen des pensions, voici l’article 4, qui organise leur décrochement vis-à-vis de l’indice des prix à la consommation, y compris, et cela a été dit à raison, pour celles qui sont juste au-dessus du minimum vieillesse.
Nous nous demandons tout simplement ce que les retraités ont commis de si répréhensible pour mériter un tel traitement de la part du Gouvernement.
En 2010, selon l’OCDE, 13,5 % du PIB était redistribué en pensions et retraites. En 2060, selon le même organisme, quelque 14 % de notre PIB y sera consacré, soit une augmentation de seulement 0,5 %. En clair, le poids des retraites dans notre PIB va donc très peu évoluer. Alors, où est le problème ?
Il nous faut, de plus, relativiser cette évolution vis-à-vis des autres pays. Nous ne sommes pas dans la situation du Luxembourg, dont la part du PIB consacrée aux retraites va exploser, passant de 8,6 % à 23,9 %, de la Slovénie, où cette proportion va passer de 10,1 % à 18,6 %, ou de l’Allemagne, de 10 % à 12,8 %, et j’en passe. Nous devons donc mener cette réflexion.
Par ailleurs, un autre aspect du problème, qui a d’ailleurs été évoqué ici même hier, devrait nous conduire à nous interroger, car les chiffres existent : les effets cumulés des réformes Balladur, de 1993, Fillon 1, de 2003 et Fillon 2, de 2010, s’élèvent aujourd’hui à 6 points de PIB.
M. Alain Gournac. Pour 2030 !
M. Dominique Watrin. À droite, vous protestez ici contre la non-revalorisation des pensions. Mais vos protestations sont artificielles : vos actions pendant les dix années où vous avez été au pouvoir ont conduit à retirer 120 milliards d’euros – 120 milliards d’euros ! – aux retraités. (M. Alain Gournac s’exclame.) Vous devriez donc également vous interroger sur les effets négatifs de tout cela sur l’économie. C’est autant d’argent en moins dans le circuit économique, pour l’emploi, pour les cotisations sociales (Mme Brigitte Gonthier-Maurin s’’exclame.), 6 milliards d’euros en moins.
Nous ne devons jamais oublier que les pensions de retraites sont, certes, des dépenses, qu’il faut évidemment parvenir à financer, mais sont d’abord des revenus, producteurs d’impôts, de dépenses de consommation, parfois d’épargne, et donc de ressources pour le budget de l’État et de la sécurité sociale.
Inversement, le rationnement des retraites conduit inévitablement au ralentissement de l’activité économique, ainsi que cela a été dit sur d’autres travées. Toute réforme des retraites dont l’objectif est la maîtrise des dépenses de retraite est donc, par nature, une régression sur le plan de l’économie générale.
C’est pourquoi nous pensons utile, nous aussi, de supprimer cet article 4. Rappelons que cette mesure comptable est tout de même proprement injuste quand, parallèlement, les revenus de la finance sont scandaleusement épargnés, particulièrement les revenus financiers des entreprises. Vous ne nous avez pas répondu sur ce point, madame la ministre, je vous indique donc seulement que les entreprises, globalement, versent en France deux fois plus de fonds en charges financières aux actionnaires et aux banques qu’en cotisations à la sécurité sociale. C’est là qu’il faut aller chercher l’argent ! (Applaudissements sur les travées du groupe CRC.)
Mme Annie David, présidente de la commission des affaires sociales. Très bien !
M. le président. La parole est à M. Philippe Bas, pour explication de vote.
M. Philippe Bas. J’avais d’abord qualifié cette mesure d’astuce de chef de bureau, mais Mme la ministre m’a convaincu l’autre soir qu’il s’agissait bien d’une astuce ministérielle. C’est en réalité bien pire qu’une astuce : il s’agit d’une révision frontale des modes d’indexation des pensions de retraites.
Derrière l’idée de son report, il y a une remise en cause de l’indexation sur l’inflation, que nous ne pouvons pas accepter.
M. Alain Néri. Vous avez pourtant accepté cela, et bien pire encore, en 2003 et en 2010 !
M. Philippe Bas. Il s’agit d’une mesure injuste, qui porte un coup de canif au contrat entre les générations.
J’ai bien entendu les arguments du Gouvernement, ils sont simples, mais ne sont curieusement pas avancés à l’appui d’autres articles : le pouvoir d’achat moyen des retraités est équivalant à celui des actifs et, par conséquent, il n’est pas besoin de préserver cette indexation sur les prix telle qu’elle existe depuis exactement vingt ans.
Mme Catherine Génisson. Il n’est pas question de cela dans l’article 4 !
M. Philippe Bas. Le Gouvernement ajoute qu’il protège les titulaires des plus petites pensions ainsi que les allocataires des pensions d’invalidité, qui resteront, elles, indexées selon les règles actuellement en vigueur.
Ces arguments méconnaissent profondément deux éléments. Tout d’abord, pendant longtemps, les retraites ont été indexées sur l’évolution moyenne des salaires, plus rapide que l’évolution des prix.
Mme Marie-Noëlle Lienemann. Vous les avez désindexées !
M. Philippe Bas. Nous avons en effet, parce qu’il s’agissait de retraites acquises avec une formidable augmentation des revenus liée aux Trente Glorieuses, accepté en 1993 une indexation sur les prix. Mais, en contrepartie, la garantie avait alors été apportée que cette indexation sur les prix serait immuable. Elle n’a jamais été remise en cause depuis, jusqu’à l’arrivée du gouvernement de Jean-Marc Ayrault.
Il s’agit, pour nous, d’un point extrêmement choquant, compte tenu des engagements pris en contrepartie d’une réforme que les retraités avaient finalement acceptée et qui est en vigueur aujourd’hui.
Ensuite, si l’on peut comprendre que les retraités, qui ne sont plus en activité, ne bénéficient pas des fruits de la croissance économique comme les salariés, qui travaillent encore et qui contribuent au financement de leurs retraites, on ne peut accepter pour autant que le revenu des retraités soit indexé à un niveau inférieur à l’inflation. Cela signifie que les retraités perdront régulièrement du pouvoir d’achat.
Le fait que l’on entende protéger les retraités titulaires des plus faibles revenus n’est pas une excuse à cette mesure, car cette vision de la société, que nous récusons, consiste à considérer que les classes moyennes, les retraités à revenus modestes,…
M. Alain Gournac. Exact !
M. Philippe Bas. … qui vont tout de même payer l’impôt sur le revenu, lequel a fortement augmenté ces deux dernières années…
Mme Annie David, présidente de la commission des affaires sociales. Grâce à vous !
M. Philippe Bas. … vont devoir, eux, à la fois financer les prélèvements supplémentaires et subir la désindexation de leurs pensions de retraite. Si vous voulez créer une véritable ligne de fracture dans la société française entre les plus démunis et les plus modestes,…
M. Alain Néri. C’est ce que vous avez fait !
M. Philippe Bas. … qui sont seulement un peu mieux servis, c’est ainsi qu’il faut procéder !
M. Alain Néri. C’est le résultat de votre politique désastreuse ! Vous étiez secrétaire d’État, monsieur Bas, l’avez-vous oublié ?
M. Philippe Bas. Ces mesures d’injustice ne peuvent être acceptées. Je suis heureux d’entendre que, sur presque toutes les travées, on réclame la justice ! C’est la raison pour laquelle notre groupe votera ces amendements, il en a d’ailleurs déposé un, excellemment défendu au nom de la justice, mais aussi de l’efficacité, par notre collègue Gérard Longuet. (Applaudissements sur les travées de l'UMP.)
M. Michel Vergoz. Vous êtes cynique !
M. Alain Néri. Vous êtes un remarquable funambule, monsieur Bas !
M. le président. Je mets aux voix les amendements identiques nos 260, 327 rectifié, 359, 376 rectifié et 397.
J'ai été saisi de trois demandes de scrutin public émanant, la première, du groupe écologiste, la deuxième, du groupe UMP et, la troisième, du groupe de l'UDI-UC.
Je rappelle que l'avis de la commission est défavorable, de même que l’avis du Gouvernement.
Il va être procédé au scrutin dans les conditions fixées par l'article 56 du règlement.
Le scrutin est ouvert.
(Le scrutin a lieu.)
M. le président. Personne ne demande plus à voter ?…
Le scrutin est clos.
J'invite Mmes et MM. les secrétaires à procéder au dépouillement du scrutin.
(Il est procédé au dépouillement du scrutin.)
M. le président. Voici le résultat du scrutin n° 36 :
Nombre de votants | 347 |
Nombre de suffrages exprimés | 346 |
Pour l’adoption | 221 |
Contre | 125 |
Le Sénat a adopté. (Applaudissements sur les travées de l'UMP.)
En conséquence, l’article 4 est supprimé et les amendements nos 112, 113, 114, 115, 116, 117, 118, 119, 15 rectifié bis, 3 rectifié, 120, 328 rectifié, 390 rectifié, 121, 122, 123, 124, 377 rectifié, 125 et 392 rectifié, 391 rectifié, 126, 127, 128, 130 et 131 n’ont plus d’objet.
Toutefois, pour la bonne information du Sénat, je rappelle les termes de ces amendements, qui faisaient l’objet d’une discussion commune.
L'amendement n° 112, présenté par Mmes Cohen, Gonthier-Maurin et Cukierman, M. Watrin, Mmes David et Pasquet, M. Fischer et les membres du groupe communiste républicain et citoyen, est ainsi libellé :
Rédiger ainsi cet article :
Après l’article L. 242-10 du code de la sécurité sociale, est inséré un article L. 242-10-1 ainsi rédigé :
« Art. L. 242-10-1. – Les entreprises d’au moins vingt salariés et dont le nombre de salariés à temps partiel est au moins égal à 20 % du nombre total de salariés de l’entreprise, sont soumises à une majoration de 10 % des cotisations dues par l’employeur au titre des assurances sociales, des accidents du travail et des allocations familiales pour l’ensemble de leurs salariés à temps partiel. »
L'amendement n° 113, présenté par Mmes Cohen, Gonthier-Maurin et Cukierman, M. Watrin, Mmes David et Pasquet, M. Fischer et les membres du groupe communiste républicain et citoyen, est ainsi libellé :
Rédiger ainsi cet article :
Le premier alinéa du II de l’article L. 5125-1 du code du travail est complété par une phrase ainsi rédigée :
« En cas de diminution de la rémunération, l’employeur prend en charge le différentiel de cotisations sociales entre le salaire brut antérieur et celui applicable pendant la durée de validité de l’accord. »
L'amendement n° 114, présenté par M. Watrin, Mmes Cohen, David et Pasquet, M. Fischer et les membres du groupe communiste républicain et citoyen, est ainsi libellé :
Rédiger ainsi cet article :
Le chapitre 7 du titre 3 du livre 1 du code de la sécurité sociale est complété par une section 12 ainsi rédigé :
« Section 12
« Contribution patronale sur la part variable de rémunération des opérateurs de marchés financiers
« Art. L. 137-27. – Il est institué, au profit des régimes obligatoires d’assurance maladie et d’assurance vieillesse, une contribution de 40 %, à la charge de l’employeur, sur la part de rémunération variable dont le montant excède le plafond annuel défini par l’article L. 241-3 versée, sous quelque forme que ce soit, aux salariés des prestataires de services visés au Livre V du code monétaire et financier. »
L'amendement n° 115, présenté par M. Watrin, Mmes Cohen, David et Pasquet, M. Fischer et les membres du groupe communiste républicain et citoyen, est ainsi libellé :
Rédiger ainsi cet article :
Le code de la sécurité sociale est ainsi modifié :
1° Au premier alinéa du I de l’article L. 137-13 et au premier alinéa de l’article L. 137-14, après le mot : « maladie », sont insérés les mots : « et d’assurance vieillesse » ;
2° À la fin de la première phrase du II de l’article L. 137-13, le taux : « 30 % » est remplacé par le taux : « 40 % » ;
3° Au premier alinéa de l’article L. 137-14, le taux : « 10 % » est remplacé par le taux : « 40 % ».
L'amendement n° 116, présenté par M. Watrin, Mmes Cohen, David et Pasquet, M. Fischer et les membres du groupe communiste républicain et citoyen, est ainsi libellé :
Rédiger ainsi cet article :
Le code de la sécurité sociale est ainsi modifié :
L’article L. 137-16 du code de la sécurité sociale est ainsi modifié :
1° À la fin du premier alinéa, le taux : « 20 % » est remplacé par le taux : « 40 % » ;
2° Les deux derniers alinéas sont remplacés par un alinéa ainsi rédigé :
« La clé de répartition du produit de cette contribution est fixée par décret. »
L'amendement n° 117, présenté par M. Watrin, Mmes Cohen, David et Pasquet, M. Fischer et les membres du groupe communiste républicain et citoyen, est ainsi libellé :
Rédiger ainsi cet article :
Le chapitre 7 du titre 3 du livre 1 du code de la sécurité sociale est complété par une section 12 ainsi rédigée :
« Section 12
« Contribution patronale sur les formes de rémunération différées mentionnées aux articles L. 225-42-1 et L. 225-90-1 du code de commerce
« Art. L. 137-27. – Il est institué, au profit des régimes obligatoires d’assurance maladie et d’assurance vieillesse dont relèvent les bénéficiaires, une contribution due par les employeurs assise sur le montant des éléments de rémunération, indemnités et avantages mentionnés aux articles L. 225-42-1 et L. 225-90-1 du code de commerce, à l’exclusion des options et actions visées aux articles L. 225-177 à L. 225-186 et L. 225-197-1 à L. 225-197-5 du même code. Le taux de cette contribution est fixé à 40 %. »
L'amendement n° 118, présenté par M. Watrin, Mmes Cohen, David et Pasquet, M. Fischer et les membres du groupe communiste républicain et citoyen, est ainsi libellé :
Rédiger ainsi cet article :
L’article 244 quater C du code général des impôts est abrogé.
L'amendement n° 119, présenté par M. Watrin, Mmes Cohen, David et Pasquet, M. Fischer et les membres du groupe communiste républicain et citoyen, est ainsi libellé :
Alinéas 1 à 4
Supprimer ces alinéas.
L'amendement n° 15 rectifié bis, présenté par Mmes Lienemann et Claireaux et M. Rainaud, est ainsi libellé :
Alinéa 2
Supprimer cet alinéa.
Les amendements nos 3 rectifié, 120 et 328 rectifié sont identiques.
L'amendement n° 3 rectifié est présenté par M. Godefroy, Mme Lienemann, M. Kerdraon, Mme Printz et M. Labazée.
L'amendement n° 120 est présenté par M. Watrin, Mmes Cohen, David et Pasquet, M. Fischer et les membres du groupe communiste républicain et citoyen.
L'amendement n° 328 rectifié est présenté par M. Desessard, Mme Archimbaud, M. Placé et les membres du groupe écologiste.
Ces trois amendements sont ainsi libellés :
Après l’alinéa 3
Insérer deux alinéas ainsi rédigés :
…° Le premier alinéa est complété par une phrase ainsi rédigée :
« Par dérogation, les pensions de vieillesse des personnes physiques ne payant pas l’impôt sur le revenu tel que défini au 2° de l’article 5 du code général des impôts et ne bénéficiant pas de l’allocation de solidarité aux personnes âgées définie à l'article L. 815–1 du présent code sont revalorisées dans les conditions applicables aux pensions d’invalidité prévues à l’article L. 341–6. »
L'amendement n° 390 rectifié, présenté par MM. Mézard, Barbier, Baylet, Bertrand, Collin, Collombat, Esnol et Fortassin, Mme Laborde et MM. Mazars, Plancade, Requier, Tropeano, Vall et Vendasi, est ainsi libellé :
Après l’alinéa 3
Insérer deux alinéas ainsi rédigés :
…° Le même alinéa est complété par une phrase ainsi rédigée :
« Par dérogation, les pensions de vieillesse pour les personnes physiques ne payant pas l’impôt sur le revenu et ne bénéficiant pas de l’allocation de solidarité aux personnes âgées sont revalorisées dans les conditions applicables aux pensions d’invalidité prévues à l’article L. 341-6. » ;
L'amendement n° 121, présenté par M. Watrin, Mmes Cohen, David et Pasquet, M. Fischer et les membres du groupe communiste républicain et citoyen, est ainsi libellé :
Alinéa 4
Remplacer cet alinéa par deux alinéas ainsi rédigés :
3° Le dernier alinéa est ainsi rédigé :
« Par dérogation aux alinéas précédents, les pensions de vieillesse pour les personnes physiques dont les pensions sont inférieures au seuil de pauvreté et ne bénéficiant pas de l’allocation de solidarité aux personnes âgées, définie à l’article L. 815-1 du présent code, sont revalorisées selon les mêmes conditions applicables aux pensions d’invalidité prévues à l’article L. 341-6. »
L'amendement n° 122, présenté par M. Watrin, Mmes Cohen, David et Pasquet, M. Fischer et les membres du groupe communiste républicain et citoyen, est ainsi libellé :
Alinéa 4
Remplacer cet alinéa par deux alinéas ainsi rédigés :
3° Le dernier alinéa est ainsi rédigé :
« Par dérogation, les pensions de vieillesse pour les personnes physiques bénéficiaires de la majoration prévue à l’article L. 351-10 du code de la sécurité ou bénéficiaires du minimum garanti prévu par l’article L. 17 du code des pensions civiles et militaires de retraite sont revalorisées selon les mêmes conditions applicables aux pensions d’invalidité prévues à l’article L. 341-6. »
L'amendement n° 123, présenté par M. Watrin, Mmes Cohen, David et Pasquet, M. Fischer et les membres du groupe communiste républicain et citoyen, est ainsi libellé :
Alinéa 4
Remplacer cet alinéa par deux alinéas ainsi rédigés :
3° Le dernier alinéa est ainsi rédigé :
« Par dérogation aux alinéas précédents, les pensions de vieillesse pour les personnes physiques qui sont assujetties pour la première fois en 2013 à l’impôt sur le revenu sont revalorisées selon les mêmes conditions applicables aux pensions d’invalidité prévues à l’article L. 341-6 ».
L'amendement n° 124, présenté par M. Watrin, Mmes Cohen, David et Pasquet, M. Fischer et les membres du groupe communiste républicain et citoyen, est ainsi libellé :
Alinéa 5
Supprimer cet alinéa.
L'amendement n° 377 rectifié, présenté par MM. Mézard, Barbier, Baylet, Bertrand, Collin, Collombat, Esnol et Fortassin, Mme Laborde et MM. Mazars, Plancade, Requier, Tropeano, Vall et Vendasi, est ainsi libellé :
Alinéa 7
Après les mots :
et prestations,
insérer les mots :
les montants de pension des bénéficiaires de la majoration prévue à l’article L. 351-10 du code de la sécurité sociale et les montants de pension des bénéficiaires du minimum garanti prévu par l’article L. 17 du code des pensions civiles et militaires de retraite
Les amendements nos 125 et 392 rectifié sont identiques.
L'amendement n° 125 est présenté par M. Watrin, Mmes Cohen, David et Pasquet, M. Fischer et les membres du groupe communiste républicain et citoyen.
L'amendement n° 392 rectifié est présenté par MM. Mézard, Barbier, Baylet, Bertrand, Collin, Collombat, Esnol et Fortassin, Mme Laborde et MM. Mazars, Plancade, Requier, Tropeano, Vall et Vendasi.
Ces deux amendements sont ainsi libellés :
Après l’alinéa 7
Insérer un paragraphe ainsi rédigé :
... – Les montants des pensions non assujetties à la contribution sociale généralisée visée à l’article L. 136-1 du code de la sécurité sociale ainsi que les montants des pensions assujetties au taux réduit de 3,8 % de cette même contribution sociale et visés au III de l’article L. 136-8 du même code, sont revalorisés dans les conditions prévues à l’article L. 816-2 dudit code.
L'amendement n° 391 rectifié, présenté par MM. Mézard, Barbier, Baylet, Bertrand, Collin, Collombat, Esnol et Fortassin, Mme Laborde et MM. Mazars, Plancade, Requier, Tropeano, Vall et Vendasi, est ainsi libellé :
Après l’alinéa 7
Insérer un paragraphe ainsi rédigé :
… – Les montants des pensions non assujetties à la contribution sociale généralisée visée à l’article L. 136-1 du code de la sécurité sociale sont revalorisés dans les conditions prévues à l’article L. 816-2 du même code.
L'amendement n° 126, présenté par M. Watrin, Mmes Cohen, David et Pasquet, M. Fischer et les membres du groupe communiste républicain et citoyen, est ainsi libellé :
Alinéa 24
Rétablir cet alinéa dans la rédaction suivante :
VI. - Par dérogation au I du présent article, les pensions de vieillesse servies par le régime général et les régimes alignés sur lui demeurent, pour les assurés atteints d’une incapacité permanente d’au moins 50 %, revalorisées au 1er avril de chaque année.
L'amendement n° 127, présenté par M. Watrin, Mmes Cohen, David et Pasquet, M. Fischer et les membres du groupe communiste républicain et citoyen, est ainsi libellé :
Alinéa 24
Rétablir cet alinéa dans la rédaction suivante :
VI. - Par dérogation au I du présent article, les pensions de vieillesse servies par le régime général et les régimes alignés sur lui demeurent, pour les assurés parents d’un ou plusieurs enfants en situation de handicap, revalorisées au 1er avril de chaque année.
L'amendement n° 128, présenté par M. Watrin, Mmes Cohen, David et Pasquet, M. Fischer et les membres du groupe communiste républicain et citoyen, est ainsi libellé :
Alinéa 24
Rétablir cet alinéa dans la rédaction suivante :
VI. - Par dérogation au I du présent article, les pensions de vieillesse servies par le régime général et les régimes alignés sur lui demeurent, pour les assurés bénéficiant de l’assurance vieillesse de parents au foyer mentionné à l’article L. 381-1 du code de la sécurité sociale, revalorisées au 1er avril de chaque année.
L'amendement n° 130, présenté par Mme Pasquet, M. Watrin, Mmes Cohen et David, M. Fischer et les membres du groupe communiste républicain et citoyen, est ainsi libellé :
Compléter cet article par un paragraphe ainsi rédigé :
… – Le Gouvernement remet au Parlement avant le 30 mars 2014, un rapport sur les conditions d’amélioration du dispositif de substitution de la pension de vieillesse à la pension d’invalidité.
L'amendement n° 131, présenté par M. Watrin, Mmes Cohen, David et Pasquet, M. Fischer et les membres du groupe communiste républicain et citoyen, est ainsi libellé :
Compléter cet article par un paragraphe ainsi rédigé :
... - Dans les six mois suivant la date d’entrée en vigueur de la présente loi, le Conseil d’orientation des retraites remet aux commissions compétentes de l’Assemblée nationale et du Sénat un rapport évaluant l’impact pour le régime d’assurance vieillesse et les conséquences pour les assurés sociaux, d’une mesure permettant de garantir que le montant de la pension vieillesse visée au second alinéa de l’article L. 341-15 du code de la sécurité sociale soit au moins égale au montant de la pension d’invalidité.
5
Communication relative à des commissions mixtes paritaires
M. le président. J’informe le Sénat que les commissions mixtes paritaires chargées de proposer un texte sur les dispositions restant en discussion du projet de loi et du projet de loi organique portant application de l’article 11 de la Constitution sont parvenues à l’adoption d’un texte commun.
6
Avenir et justice du système de retraites
Suite de la discussion en procédure accélérée d'un projet de loi
M. le président. Nous reprenons la discussion du projet de loi, adopté par l’Assemblée nationale après engagement de la procédure accélérée, garantissant l’avenir et la justice du système de retraites.
Dans la discussion des articles, nous en sommes parvenus aux amendements tendant à insérer des articles additionnels après l’article 4.
Articles additionnels après l'article 4
M. le président. L'amendement n° 134, présenté par M. Watrin, Mmes Cohen, David et Pasquet, M. Fischer et les membres du groupe communiste républicain et citoyen, est ainsi libellé :
Après l’article 4
Insérer un article additionnel ainsi rédigé :
L’article L. 245-16 du code de la sécurité sociale est ainsi modifié :
1° Au I, le taux : « 4,5 % » est remplacé par le taux : « 12 % » ;
2° À l’avant-dernier alinéa du II, le taux : « 2,75 % » est remplacé par le taux : « 10,25 % ».
La parole est à M. Michel Le Scouarnec.
M. Michel Le Scouarnec. Il nous est parfois reproché – trop souvent d’ailleurs ! – une attitude d’opposition systématique, que certains qualifient de « ringarde » ou d’arrière-garde. (Oh non ! et marques d’ironie sur les travées de l'UMP.)
M. Jean Desessard. Plutôt de jeune garde !
M. Michel Le Scouarnec. Il nous est souvent reproché de vouloir dépenser, dépenser encore et encore, sans tenir compte de l’état des comptes publics et de nos difficultés budgétaires.
Attendez la fin de mon intervention, mes chers collègues, et vous comprendrez que tout cela n’est pas vrai !
Comme mes collègues Laurence Cohen et Dominique Watrin l’ont démontré précédemment, nous avons aussi des propositions visant à augmenter les ressources de nos caisses, sans ponctionner les salariés et les retraités eux-mêmes. Nous avons bien compris que celles-ci ne sont pas toujours dans l’air du temps ou ne sont pas « tendance », comme le dit une certaine presse.
Pourtant, nous pensons qu’elles méritent sans doute que nous essayions de les mettre en œuvre. L’une d’entre elles, qui figure dans l’amendement que je défends en l’instant, consiste à relever de 4,5 % à 12 % et de 2,75 % à 10,25 % le taux du prélèvement sur les revenus de capitaux mobiliers et les plus-values, gains ou profits. Cela ne serait que justice.
Ainsi, nous contribuerions à réduire le fossé existant entre les plus riches et les millions de personnes pauvres ou modestes.
Depuis des années, hormis la brève parenthèse ouverte en août 2012 avec les décisions du collectif budgétaire, nous sommes revenus à la litanie de la compétitivité et de la baisse des charges, vieilles lunes du grand patronat, qui, de tout temps, a souhaité revenir sur les acquis sociaux, au nom d’une économie aujourd'hui mondialisée, dont la règle est la déréglementation généralisée.
M. Philippe Bas. C’est le programme du Front national ! (Huées sur les travées du groupe CRC.)
Mme Éliane Assassi. Quand même, monsieur Bas !
Mme Annie David, présidente de la commission des affaires sociales. Un peu de respect !
M. Michel Le Scouarnec. Laissez-moi terminer, monsieur Bas ! Je suis étonné que vous m’interrompiez, car je ne vous coupe jamais la parole !
Mme Annie David, présidente de la commission des affaires sociales. C’est vrai ! D’ailleurs, monsieur Bas, vous demandez toujours qu’on vous écoute ! Vous pourriez faire de même par courtoisie !
M. Michel Le Scouarnec. Je n’interviens jamais ! Je respecte tous les intervenants !
M. le président. Veuillez poursuivre, mon cher collègue.
M. Michel Le Scouarnec. Pourtant, depuis des années, les « allégements de charges des entreprises », comme ils disent, n’ont pas entraîné une augmentation des salaires ni une création massive de postes de travail.
En revanche, la part du capital redistribué aux actionnaires n’a cessé d’augmenter. Je le dis malheureusement, une oreille attentive… Excusez-moi, je suis un peu perdu dans mon discours, car j’ai été perturbé ! C’est un coup bas ! (Rires et applaudissements sur les travées du groupe CRC, du groupe socialiste et sur plusieurs travées de l'UMP. – M. Philippe Bas applaudit également.) La vieille recette du grand patronat, voulais-je dire, a malheureusement trouvé dans ce gouvernement une oreille attentive, que je résumerai en ces termes : « Ne touchez à rien, allégez, compensez. » Mais entendrez-vous, madame la ministre, les arguments avancés par ceux qui disent le contraire ?
Nous pensons, pour notre part, que notre économie et, plus largement, notre société souffrent du rapport inégal existant dans la répartition des fruits de la richesse produite entre le capital et le travail.
Monsieur le président, je vois les minutes s’égrener sur l’afficheur de chronomètre… Qu’on ne s’étonne pas si je dépasse mon temps de parole ! Vous en connaissez la raison ! (Rires.)
Il ne suffit pas de constater la fracture sociale ; il faut agir pour la réduire.
Notre amendement vise modestement à corriger la tendance que je viens de décrire. Acceptez, madame la ministre, cette ressource supplémentaire, et allégez d’autant les ponctions prévues sur les pensions des retraités.
En cette période où vous en appelez à la solidarité, une partie de nos compatriotes s’exonèrent de leurs obligations, alors que d’autres n’ont pas le choix. La solidarité est consubstantielle à l’esprit qui a prévalu à l’instauration de notre système de retraite par répartition. Le législateur d’alors n’avait pas prévu que, désormais, la richesse des entreprises et de celles et ceux qui touchent des dividendes serait de moins en moins liée à la richesse produite et de plus en plus à la spéculation. Si celle-ci est innée au régime capitaliste, rien ne nous empêche de tenter d’en limiter les effets les plus injustes.
Aussi, nous vous demandons, mes chers collègues, d’inverser cette néfaste tendance, en écornant un peu les produits des plus-values et des gains réalisés sur les marchés financiers.
M. le président. Veuillez conclure, mon cher collègue.
M. Michel Le Scouarnec. J’en viens à ma conclusion, monsieur le président.
Outre le caractère de justice sociale évident, l’efficacité économique d’une telle mesure serait de nature à nous sortir des ornières dans lesquelles s’enfonce notre société, qui vit une situation de crise infernale, laquelle brise l’espoir de notre jeunesse et de notre peuple. (Applaudissements sur les travées du groupe CRC et sur plusieurs travées du groupe socialiste et de l'UMP.)
M. Philippe Bas. Très bien !
M. le président. Quel est l’avis de la commission ?
Mme Christiane Demontès, rapporteur de la commission des affaires sociales. La commission a malheureusement émis un avis défavorable sur cet amendement (Exclamations et marques d’ironie sur les travées de l'UMP.),…
M. Alain Gournac. Ce n’est pas gentil ! (Sourires.)
Mme Christiane Demontès, rapporteur. … visant à faire passer de 15,5 % à 23 % les contributions sociales sur les revenus du patrimoine, c'est-à-dire les revenus fonciers et les revenus de capitaux mobiliers notamment, par un relèvement du taux du prélèvement social de 4,5 % à 12 %.
L’adoption de cet amendement aurait pour effet de porter de 64,5 % à 72 % le taux marginal maximal d’imposition des revenus du patrimoine, contre 57 % pour les revenus d’activité, ce qui pourrait être considéré par le juge constitutionnel, au vu d’une jurisprudence récente rendue dans le cadre du projet de loi de finances pour 2013, comme faisant peser une charge excessive sur une catégorie de contribuables en méconnaissance du principe d’égalité.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
Mme Marisol Touraine, ministre des affaires sociales et de la santé. Même avis, pour les mêmes raisons.
M. le président. L'amendement n° 262, présenté par MM. Longuet et Cardoux, Mmes Boog, Bruguière, Bouchart, Cayeux, Debré et Deroche, M. Dériot, Mme Giudicelli, MM. Gilles et Husson, Mme Hummel, MM. Fontaine, de Raincourt, Laménie et Milon, Mme Kammermann, M. Pinton, Mme Procaccia, M. Savary et les membres du groupe Union pour un Mouvement Populaire, apparentés et rattachés, est ainsi libellé :
Après l'article 4
Insérer un article additionnel ainsi rédigé :
Après le premier alinéa du I de l’article L. 15 du code des pensions civiles et militaires de retraite, il est inséré un alinéa ainsi rédigé :
« La période de référence de six mois mentionnée au premier alinéa augmente de deux ans pendant 12,5 ans à compter du 1er janvier 2014. »
La parole est à Mme Catherine Procaccia. (M. Jackie Pierre applaudit.)
Mme Catherine Procaccia. Cet amendement traite d’un sujet récurrent, à savoir la période de référence de six mois retenue pour le calcul des retraites des fonctionnaires.
Vous le savez, madame la ministre, cet état de fait est devenu l’un des marqueurs du sentiment d’injustice des systèmes de retraite.
Dans un souci de justice et d’équité, nous proposons de mettre fin aux différences de calcul des droits à pension entre les secteurs privé et public. On le sait, dans l’administration, la règle des six derniers mois permet en général de bénéficier d’augmentations qui sont de nature à revaloriser les salaires. Le groupe UMP est parfaitement conscient que se pose le problème du calcul des primes pour les fonctionnaires (M. Gérard Longuet opine.), qui peut éventuellement justifier cette situation.
Toutefois, il serait préférable de régler cette question des primes dans les retraites, plutôt que de continuer à laisser coexister deux systèmes totalement différents,…
Mme Marie-France Beaufils. Que ne l’avez-vous fait lorsque vous étiez au Gouvernement !
Mme Catherine Procaccia. … qui ne font que heurter les salariés du privé.
M. le président. Quel est l’avis de la commission ?
Mme Christiane Demontès, rapporteur. L’amendement n° 262 vise à porter progressivement aux vingt-cinq dernières années, au lieu des six derniers mois, la période de référence retenue pour le calcul des pensions dans la fonction publique. C’est une obsession de votre part ! (Exclamations sur les travées de l'UMP.)
Mme Annie David, présidente de la commission des affaires sociales. C’est certain !
Un sénateur du groupe UMP. Ce n’est pas une obsession, c’est une réalité !
Mme Christiane Demontès, rapporteur. Depuis que nous faisons partie de la majorité, vous n’avez cessé de le demander, alors que vous ne l’avez jamais fait ! (Mme Catherine Génisson applaudit.)
Mme Annie David, présidente de la commission des affaires sociales. Tout à fait !
Mme Christiane Demontès, rapporteur. Je vous le rappelle, l’âge légal et la durée d’assurance sont déjà identiques dans la fonction publique et le privé, et les taux de cotisation le seront d’ici à 2020.
M. Philippe Bas. Grâce à nous !
Mme Christiane Demontès, rapporteur. La période de référence retenue pour le calcul de la pension reste différente mais, comme vous l’avez souligné, les primes et les indemnités ne sont pas prises en compte dans le calcul des retraites des fonctionnaires, alors que la totalité des rémunérations est prise en considération dans le privé, au titre de la retraite de base et de la retraite complémentaire.
La commission Moreau a montré, à l’instar d’autres commissions avant elle, que les taux de remplacement du revenu d’activité entre la fonction publique et les salariés du privé sont proches : concernant, par exemple, la génération née en 1942, le taux de remplacement médian est de 74,5 % dans le privé et de 75 % pour les fonctionnaires civils.
En conséquence, l’avis de la commission est défavorable.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
Mme Marisol Touraine, ministre. Madame la sénatrice, j’ai eu l’occasion d’aborder précédemment cette question lors de notre débat. Celle-ci est un sujet de crispation inutile. L’ensemble des études dont nous disposons montrent que les taux de remplacement sont très proches. Au fond, ce qui est important, c’est non pas la règle de calcul, mais la situation qui en résulte.
Or, avec des règles de calcul différentes, il s’avère que les taux de remplacement sont proches.
Mme Catherine Procaccia. Ce n’est pas ressenti comme tel !
M. Philippe Bas. Pas pour tous !
Mme Marisol Touraine, ministre. C’est ce qu’a récemment démontré la commission Moreau.
Voilà pourquoi le Gouvernement a émis un avis défavorable sur cet amendement.
M. le président. La parole est à M. Gérard Longuet, pour explication de vote.
M. Gérard Longuet. Madame la ministre, votre réponse est tout de même bien superficielle.
Vous avez cité le rapport de Mme Moreau, dont la commission était d’ailleurs entièrement composée de hauts fonctionnaires compétents (M. Alain Gournac rit.), et non pas, à ma connaissance, de salariés du secteur privé. Aussi serait-il intéressant d’entrer dans le détail.
En effet, s’il n’y a pas de problème, disons-le très clairement et, ensemble, par un travail d’approfondissement, en jouant cartes sur table, faisons tomber ce qui serait, de votre point de vue, une vieille lune. D’ailleurs, l’idée qu’il s’agit d’une vieille lune me satisfait pleinement. Encore faut-il en avoir la preuve et la démonstration complète !
Mme Christiane Demontès, rapporteur. Oui, nous l’avons !
M. Gérard Longuet. Au travers de cet amendement – nous en défendrons ultérieurement d’autres qui relèvent du même esprit –, nous revenons sur une idée simple : au moment où l’on réfléchit sur le long terme des retraites pour les régimes obligatoires de salariés qui dépendent d’un employeur, que cet employeur soit l’État ou une entreprise privée – une situation évidemment distincte des personnes qui sont leur propre employeur et qui assume un risque économique –, rapprochons les salariés qui ont un employeur et efforçons-nous d’établir ensemble la démonstration que les régimes sont identiques.
Or vous ne parvenez pas à être crus en dehors de vos troupes les plus fidèles. Pourquoi ? Parce que, comme l’a évoqué hier Philippe Bas au cours de la discussion, la situation des fonctionnaires est très variable selon l’importance relative des primes accordées par le ministère. C’est un facteur considérable.
Nous le savons tous, à Bercy, les primes sont importantes. D’ailleurs, ce n’est pas complètement anormal. En effet, les salaires de la fonction publique doivent évidemment tenir compte des salaires du secteur privé pour éviter une très grande évaporation des fonctionnaires. C’est particulièrement vrai pour les fonctionnaires du ministère des finances dans la mesure où un certain nombre d’entre eux, par les responsabilités économiques qu’ils assument, notamment dans les services fiscaux, peuvent être tentés ou séduits par le privé. En tout cas, ils sont courtisés par des employeurs privés, qui recherchent la compétence de ces hauts fonctionnaires. L’État employeur parvient à garder ses hauts fonctionnaires en leur versant des primes, puisque le statut général lui interdit de leur accorder des avantages structurels. Cependant, ces primes disparaissent de l’assiette du calcul des retraites, et seule la prise en compte des six derniers mois leur permet d’avoir une retraite à peu près convenable.
En définitive, il y a peut-être une égalité de traitement, comme vous le soutenez, madame la ministre, mais l’État employeur est contraint, du fait de ses propres défaillances, à rémunérer ses fonctionnaires d’une manière hasardeuse, incertaine et trop peu transparente ; il en résulte qu’au moment de la retraite nos compatriotes salariés du secteur privé éprouvent un sentiment d’inégalité par rapport aux agents du secteur public.
En fait d’explications, madame la ministre, s’autoriser de la commission Moreau me paraît parfaitement insuffisant !
Pour ce qui nous concerne, nous comptons bien poursuivre ce débat en présentant d’autres amendements ayant le même objet que celui-ci. Nous y sommes d’autant plus déterminés qu’une disposition du projet de loi, que nous examinerons ultérieurement, semble créer une nouvelle différence à l’avantage des fonctionnaires ; j’espère qu’il ne s’agit que d’une impression.
Madame la ministre, qu’avez-vous à perdre à jouer cartes sur table ?
En vérité, l’État employeur, en s’arrangeant avec le statut général de la fonction publique pour tenir compte des réalités, place ses fonctionnaires dans la situation d’être mis en accusation.
Mme Catherine Génisson. C’est vous qui les accusez !
M. Gérard Longuet. Cette accusation ne devrait pas exister, mais elle résulte des habiletés de l’État employeur pour contourner le statut général de la fonction publique. (Très bien ! et applaudissements sur les travées de l'UMP. – Mme Sylvie Goy-Chavent applaudit également.)
M. le président. La parole est à M. Philippe Bas, pour explication de vote.
M. Philippe Bas. Je ne crois pas que la question soulevée par cette série d’amendements soit de nature technique ; de mon point de vue, il s’agit d’un problème de cohésion sociale.
Que le taux de remplacement soit toujours le même pour un fonctionnaire et pour un salarié du privé, je ne le crois pas. Supposons toutefois que Mme la ministre, en s’appuyant sur le rapport du Conseil d’orientation des retraites, réussisse à nous en convaincre : dans ce cas, quel inconvénient y aurait-il à faire la clarté entre les régimes ?
M. Antoine Lefèvre. Très juste !
M. Philippe Bas. Partant, on détruirait ce venin toxique…
Mme Catherine Génisson. Que vous avivez !
M. Philippe Bas. … qui provoque des oppositions, parmi les Français, entre les salariés du secteur privé et les fonctionnaires des trois fonctions publiques.
Après tout, si le taux de remplacement est le même pour tous, il devrait être facile d’appliquer à tous les mêmes règles et les mêmes procédures, ce qui aurait l’énorme avantage de donner à chaque Français le sentiment de la justice.
Seulement, je vois bien qu’il y a des vaches sacrées. Hier, en dépit de l’opposition du Gouvernement et d’une partie de sa majorité, le Sénat a adopté le principe du passage à la retraite par points ; cet après-midi, la même opposition se présente parce qu’il est question des fonctionnaires. S’agirait-il d’une catégorie sanctuarisée, dont les règles d’emploi ne pourraient jamais être modernisées ?
Si l’État employeur rencontrait des difficultés pour recruter, je pourrais parfaitement admettre qu’il décide d’instaurer des avantages, afin de s’adjoindre la collaboration des meilleurs d’une génération ; tout employeur peut le faire et les grandes entreprises cotées en bourse n’hésitent pas à offrir des avantages sociaux qui rendent leur régime d’emploi attractif.
Toutefois, je n’entends pas dire que l’État rencontre actuellement de grandes difficultés pour recruter. Je constate, au contraire, que les jeunes gens qui se présentent aux différents concours administratifs sont parfois surqualifiés.
Mme Sylvie Goy-Chavent. C’est certain !
M. Philippe Bas. Par conséquent, il n’y a aucune nécessité de protéger pour l’avenir des éléments de statut qui sont inutiles (Mme Marie-Noëlle Lienemann s’exclame.) si l’on admet, comme Mme la ministre l’affirme, que le taux de remplacement du dernier salaire d’activité par la pension de retraite est le même pour les fonctionnaires et pour les salariés du secteur privé.
Pour ma part, j’estime qu’il y a une sorte d’excès, presque un abus, à raisonner en moyenne et par grandes masses. (M. Gérard Longuet opine.) En effet, les agents de la fonction publique qui ne perçoivent pas de primes importantes bénéficient bel et bien d’un taux de remplacement supérieur à celui des salariés du secteur privé. (M. Gérard Longuet opine de nouveau.)
En réalité, si l’on veut bien prendre le temps d’examiner la situation de manière approfondie et dans le détail, il apparaît que des mesures de justice doivent être prises ; elles ne rendront nullement plus difficiles les recrutements dans la fonction publique et elles amélioreront l’acceptabilité des règles du jeu.
Mes chers collègues, la période actuelle est bien douloureuse pour de très nombreuses familles françaises : le chômage s’envole, notamment depuis dix-huit mois, et atteint un taux sans précédent, supérieur à 13 % de la population active. Dans ce contexte, laisser perdurer le sentiment profond que des injustices existent dans la situation des Français vis-à-vis de la retraite est proprement insupportable : cela aggrave le discrédit de la parole politique et favorise la montée des extrêmes ! (Très bien ! et applaudissements sur les travées de l'UMP. – Mme Sylvie Goy-Chavent applaudit également. – M. Michel Vergoz s’exclame.)
M. Dominique Bailly. Hors sol ! Il n’y a pas que des hauts fonctionnaires !
M. le président. La parole est à Mme Marie-France Beaufils, pour explication de vote.
Mme Marie-France Beaufils. Monsieur Bas, vous avez parlé d’or : il y a un sentiment d’injustice. Seulement, qui l’alimente, sinon ceux qui, comme vous, affirment sans rien démontrer ? (Mme la présidente de la commission des affaires sociales opine.) Prétendre que les fonctionnaires ont une condition privilégiée, c’est facile !
Moi qui participe de temps à autre – pas aussi souvent que je le souhaiterais – aux réunions du Comité d’orientation des retraites, le COR, où siègent à la fois les syndicats patronaux, les syndicats d’ouvriers et les syndicats de fonctionnaires, je vous assure que Mme la rapporteur a bien décrit la situation et que les chiffres qu’elle nous a communiqués sont très justes : le taux de remplacement est équivalent dans la fonction publique et dans le secteur privé.
Chers collègues de l’opposition, si vous voulez consulter les documents du COR, vous les trouverez très facilement sur le site Internet de cet organisme.
Mme Annie David, présidente de la commission des affaires sociales. Qu’ils les demandent à Mme Debré : elle en est membre !
Mme Marie-France Beaufils. Je crois qu’il faut cesser cette campagne injuste que vous menez depuis des années pour opposer les Français les uns aux autres !
Il est exact que de nombreux salariés du secteur privé n’ont pas une carrière complète, parce qu’elle est interrompue par des périodes de chômage très longues. Ceux-là sont durement frappés par les réformes de l’ancienne majorité, puisque le nombre des années prises en compte pour le calcul de la retraite a été augmenté.
Si ce problème se pose, ce n’est pas parce qu’on aurait fait un cas particulier de la fonction publique, mais en raison de la situation de l’emploi et de la façon dont les entreprises prennent en charge leurs salariés. (Mme la présidente de la commission des affaires sociales opine.) Aujourd’hui, le secteur privé ne respecte pas ses salariés et n’a pas le souci de prendre en compte leur situation !
Mes chers collègues, il faut poser les problèmes dans le bon sens. Sinon, on va tirer la fonction publique de plus en plus vers le bas, tandis que la situation du secteur privé, loin d’avoir été améliorée, aura été aggravée !
Mme Annie David, présidente de la commission des affaires sociales. Très bien !
Mme Marie-France Beaufils. Par ailleurs, on a prétendu que les fonctionnaires des ministères auraient des traitements et des retraites très supérieurs à ceux des fonctionnaires territoriaux ; mais quelle part représentent-ils dans le total des fonctionnaires ? (Applaudissements sur quelques travées du groupe socialiste.) Monsieur Longuet, il faut être un peu plus rigoureux dans l’analyse : la grande masse des fonctionnaires est en catégorie C, avec des traitements proches du SMIC !
M. Gérard Longuet. C’est faux : la majorité des fonctionnaires sont en catégorie A ou B !
Mme Christiane Demontès, rapporteur. Dans la fonction publique d’État ! Vous ne connaissez pas la réalité, monsieur Longuet !
Mme Marie-France Beaufils. En outre, le blocage du point de la fonction publique depuis quelque temps a aussi des conséquences sur le niveau des retraites versées aux fonctionnaires.
M. Dominique Bailly. Bien sûr !
Mme Marie-France Beaufils. Monsieur Longuet, examinons la réalité telle qu’elle est et ne faisons pas de déclarations qui alimentent les phénomènes que vous avez dénoncés ; s’il y a des facteurs qui favorisent le Front national, ce sont des propos comme les vôtres ! (Applaudissements sur les travées du groupe CRC et du groupe socialiste ainsi qu’au banc des commissions.)
M. le président. La parole est à Mme Marie-Noëlle Lienemann, pour explication de vote.
Mme Marie-Noëlle Lienemann. Monsieur Longuet, nous ne pouvons évidemment pas souscrire à votre analyse.
La stratégie de l’actuelle opposition est bien connue : comme vous saviez que vos réformes ne passeraient pas en cas de front uni entre le secteur public et le secteur privé, vous avez commencé par remettre en cause les avantages du secteur privé, en faisant valoir que tout le monde n’était pas concerné ; ainsi M. Balladur en ce qui concerne la période de référence pour le calcul de la retraite. Vous avez fractionné ce front afin de pouvoir dire ensuite : il n’y a pas eu beaucoup de réactions quand on a attaqué le privé.
À la vérité, vous savez bien que, dans notre pays, quand on travaille dans le secteur privé, il est difficile de faire grève, de descendre dans la rue, de protester, alors que le monde de la fonction publique défend ses acquis, mais aussi ceux de tous. De fait, on dit souvent que les fonctionnaires font grève pour l’ensemble des Français : il suffit de voir l’adhésion que rencontrent leurs mouvements !
Après avoir fractionné le front et imposé des reculs au secteur privé, vous avez beau jeu de dire : le secteur public doit être aligné.
C’est parce que notre société refuse ce nivellement par le bas et que, jusqu’à présent, la fonction publique est apparue comme un verrou contre le dumping que vous attaquez le front pour diviser les salariés, comme vous avez divisé les Français. (Protestations sur les travées de l'UMP.) Oui, vous avez divisé les Français, en fonction de leurs origines, de leur couleur et de leur religion ; en tout cas, c’est ainsi qu’ils l’ont perçu ! (Nouvelles protestations sur les travées de l'UMP.)
M. Philippe Bas. C’est hors sujet !
Mme Annie David, présidente de la commission des affaires sociales. C’est vous qui êtes hors sujet !
Mme Marie-Noëlle Lienemann. Ce n’est pas hors sujet, mon cher collègue,…
M. Philippe Bas. Si !
Mme Marie-Noëlle Lienemann. … parce qu’il s’agit de cohésion sociale, comme vous l’avez vous-même souligné !
À propos des comparaisons, il y a celles du COR, mais d’autres organismes en ont fait aussi. J’ai entendu sur France Info que si les fonctionnaires de l’État avaient des retraites supérieures à la moyenne, c’est parce qu’ils sont massivement des cadres de catégorie A ! En revanche, si l’on tient compte des fonctionnaires hospitaliers et territoriaux, dont la grande majorité touchent de petits traitements, très proches du SMIC et parfois même inférieurs, les retraites versées aux fonctionnaires sont inférieures en moyenne à l’ensemble des retraites. Mes chers collègues, il faut comparer ce qui est comparable !
Aujourd’hui, le COR a raison d’affirmer qu’il n’y a pas de distorsion d’ensemble.
Il est vrai, chers collègues de l’opposition, que votre propagande a une autre finalité : essayer de faire des jaloux et de monter les Français les uns contre les autres pour empêcher la redistribution des richesses entre le capital et le travail !
Sans compter que vous avez toujours été opposés au statut de la fonction publique : vous avez défendu des idées libérales consistant à individualiser les traitements et à fragiliser le statut en autorisant des contrats de mission. La réalité, c’est que vous voulez mettre à bas la fonction publique, le statut et l’État, ainsi que la cohésion des Français ! (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste et du groupe CRC. – M. Philippe Bas rit.)
M. le président. La parole est à Mme Catherine Procaccia, pour explication de vote.
Mme Catherine Procaccia. Mme la rapporteur a eu raison de faire remarquer que nous faisions preuve d’une certaine continuité dans la présentation de nos amendements. Je suis fière, depuis neuf ans que je siège au Sénat, de porter la voix des salariés du secteur privé, dont je fais partie, dans les débats sur les retraites.
Mme Cécile Cukierman. Vous n’en avez pas le monopole !
Mme Catherine Procaccia. Je puis vous assurer que les salariés du secteur privé ressentent vraiment très mal ces injustices.
Je le répète : ce qui est en jeu, ce n’est pas le niveau des retraites, mais l’affichage. Il faut examiner comment sont calculées ces retraites ; j’avais déjà posé la question au gouvernement précédent, que je soutenais.
J’ai aussi demandé, pendant des années et jusqu’à ce qu’elle soit réalisée, la réforme des sur-retraites versées aux fonctionnaires en outre-mer.
Je continuerai à demander qu’on aille un peu plus vite dans l’alignement des régimes spéciaux.
Je suis fière de continuer, sous tous les gouvernements, à défendre les mêmes convictions ! (Applaudissements sur les travées de l'UMP. – Mme Sylvie Goy-Chavent et M. Gérard Roche applaudissent également.)
MM. Antoine Lefèvre et Alain Gournac. Très bien !
M. le président. La parole est à Mme la ministre.
Mme Marisol Touraine, ministre. Madame Procaccia, je tiens à vous rassurer : en ce qui le concerne, le Gouvernement défend l’ensemble des salariés et des retraités, qu’ils soient du secteur public ou du secteur privé.
M. Gérard Longuet. En les taxant au maximum !
Mme Marisol Touraine, ministre. Nous ne cherchons pas à opposer les uns aux autres : nous considérons qu’on peut défendre les salariés du privé sans mettre en cause les fonctionnaires, et inversement.
M. Philippe Bas. Très bien !
Mme Marisol Touraine, ministre. Monsieur Bas, puisque, depuis le début de ce débat, vous vous posez volontiers en donneur de leçons (Exclamations sur les travées de l'UMP.), je vous conseille la lecture très attentive du rapport Moreau. En effet, comme cela a été dit à plusieurs reprises, en particulier par Mme Beaufils, seul le taux de remplacement des cadres du secteur public apparaît comme plus favorable, notamment en raison d’un taux de primes relativement important.
En revanche, le rapport Moreau fait apparaître très précisément que, pour toutes les autres catégories, le taux de remplacement est équivalent, qu’il s’agisse des fonctionnaires ou des salariés du secteur privé. Ces éléments sont précisés de manière très fine, contrairement à ce que vous semblez suggérer, en distinguant les différentes catégories socio-professionnelles, ainsi que les hommes et les femmes. Il n’y a donc pas d’avantage donné au secteur public, à l’exception d’une catégorie précise, celle des cadres, principalement masculins, de la fonction publique. Ainsi, conformément à ce qui a été dit tout à l’heure, des règles différentes peuvent garantir des taux de remplacement équivalents. (M. Gérard Longuet s’exclame.)
Par conséquent, monsieur Bas, les données précises que vous appelez de vos vœux existent, il suffit de les consulter ! Au fond, le Gouvernement a disposé des éléments nécessaires pour engager la réforme qui vous est aujourd'hui présentée. (Mme Gisèle Printz applaudit.)
M. le président. L'amendement n° 263, présenté par MM. Longuet et Cardoux, Mmes Boog, Bruguière, Bouchart, Cayeux, Debré et Deroche, M. Dériot, Mme Giudicelli, MM. Gilles et Husson, Mme Hummel, MM. Fontaine, de Raincourt, Laménie et Milon, Mme Kammermann, M. Pinton, Mme Procaccia, M. Savary et les membres du groupe Union pour un Mouvement Populaire, apparentés et rattachés, est ainsi libellé :
Après l'article 4
Insérer un article additionnel ainsi rédigé :
Après le 2° de l’article L. 61 du code des pensions civiles et militaires de retraite, il est inséré un alinéa ainsi rédigé :
« ...° Le taux de cotisation, à la charge des agents visés à l’article L. 2 du présent code et mentionné au 2°, suit la même évolution que le taux de cotisations à la charge des assurés sociaux relevant de la Caisse nationale d’assurance vieillesse. »
La parole est à M. Gérard Longuet.
M. Gérard Longuet. Il s’agit d’un amendement modeste, très technique. En effet, il a simplement pour objet de clarifier les intentions du Gouvernement, dans la perspective d’une hausse de 0,3 % du taux de cotisation des salariés et des employeurs.
Car un certain nombre de déclarations nous laissent penser que le rythme de progression de cette hausse des cotisations ne sera pas le même pour les salariés du secteur privé et ceux du secteur public.
L’objet de cet amendement d’appel est donc d’obtenir une réponse à la question suivante : la progression des cotisations de retraite des salariés du secteur privé et du secteur public sera-t-elle identique ?
Au cours de mon explication de vote, j’aurai par ailleurs plaisir, madame la ministre, à évoquer le rapport Moreau et le taux de remplacement, que vous avez imparfaitement traité.
M. le président. Quel est l’avis de la commission ?
Mme Christiane Demontès, rapporteur. Cher collègue, au travers de cet amendement, vous souhaitez que le rythme d’augmentation des cotisations soit identique dans la fonction publique et le régime général.
Permettez-moi à cet égard de faire un petit rappel. Vous avez raison, il a été prévu d’étaler, dans la fonction publique, la hausse de 0,3 % des cotisations, afin de tenir compte des augmentations déjà décidées pour les fonctionnaires au cours des réformes précédentes. En 2008, on a instauré la convergence de la durée d’assurance ; en 2010, on a aligné les cotisations. Ainsi, les fonctionnaires subissent d’ores et déjà des hausses de cotisations.
Afin de ne pas leur infliger des augmentations trop brutales, il a été décidé que cette hausse de 0,3 % serait étalée différemment pour les salariés du privé et du public. Je rappelle que les fonctionnaires connaîtront, à l’horizon 2020, une augmentation de 3 points de leurs cotisations, ce qui représente une hausse de 40 %.
Telles sont les raisons pour lesquelles la commission a émis un avis défavorable sur cet amendement.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. le président. La parole est à M. Gérard Longuet, pour explication de vote.
M. Gérard Longuet. Je m’apprête bien évidemment à défendre l’amendement présenté par le groupe UMP, tout en vous remerciant, madame Demontès, de votre franchise, qui risque de placer Mme la ministre dans une situation quelque peu difficile.
Vous avez raison de le rappeler, au nom de la convergence, en 2008 comme en 2010, nous avons été amenés à proposer au Parlement, qui l’a acceptée, une hausse des taux de cotisation des salariés du secteur public au regard des écarts existant avec les taux de cotisation du secteur privé, conformément à l’objectif de convergence et d’égalité, pour lequel milite Mme Catherine Procaccia. Je rends hommage à sa persévérance dans ce combat.
Madame la ministre, vous reprochiez à mon collègue Philippe Bas, qui s’est absenté un instant, de donner des leçons. Non ! Philippe Bas est un parlementaire ayant une expérience de la haute administration, particulièrement du Conseil d’État, qui est tout de même une vieille maison, que vous connaissez d’ailleurs. Il y a fait une longue carrière, et il parle, il est vrai, avec toute l’autorité d’un grand juriste.
Il vous a posé à plusieurs reprises une question à laquelle vous n’avez pas répondu : quelles mesures, que vous estimiez scélérates en 1993, en 2003, en 2008 ou en 2010, ce texte de loi vise-t-il à faire disparaître ? Ayant aujourd'hui la responsabilité du pays, vous avez l’opportunité de prendre de telles décisions !
La réponse est très simple, si l’on se réfère aux propos de Mme Demontès. Vous ne faites pas disparaître ces mesures scélérates, parce que, avant d’être scélérates, elles sont surtout pertinentes. (M. Alain Gournac rit.)
Madame Demontès, si les hausses de rattrapage de cotisation des salariés du secteur public étaient scélérates, vous les auriez supprimées ! Or tel n’est pas le cas. Vous savez en effet qu’elles sont pertinentes. Vous acceptez donc aujourd'hui ce que vous combattiez hier. Simplement, encore une minute, monsieur le bourreau, j’accepte ce que je combattais hier, mais ne me demandez pas de garantir le même rythme pour tous. Je vais encore créer un petit avantage, afin de pouvoir dire à certains de mes partenaires que leurs taux de cotisation ne sont pas encore complètement alignés ! Eh bien non, il aurait fallu aller jusqu’au bout.
Cet amendement, que vous avez choisi de rejeter, a l’immense mérite de prouver que vous ne revenez pas sur des mesures que vous jugiez scélérates, mais qui, en réalité, étaient pertinentes. Toutefois, en vertu d’un tropisme dénoncé par Mme Procaccia, vous créez un mini-avantage, qui ne rapportera pas grand-chose aux fonctionnaires, mais les placera encore une fois, de votre initiative, dans une situation de privilège. Or, vous le savez, dans le débat public, il y a parfois des effets disproportionnés par rapport aux faits générateurs. (Applaudissements sur les travées de l'UMP. – Mme Sylvie Goy-Chavent applaudit également.)
M. Jean Desessard. Vous voyez, la gauche est unie ! (Sourires sur les travées de l'UMP.)
M. le président. L'amendement n° 132, présenté par M. Watrin, Mmes Cohen, David et Pasquet, M. Fischer et les membres du groupe communiste républicain et citoyen, est ainsi libellé :
Après l’article 4
Insérer un article additionnel ainsi rédigé :
Dans les six mois qui suivent la promulgation de la présente loi, le Gouvernement remet au Parlement, un rapport évaluant les conséquences financières pour les comptes publics et les avantages pour les assurés sociaux, d’une revalorisation des pensions servies aux personnes en situation de handicap.
La parole est à Mme Isabelle Pasquet.
Mme Isabelle Pasquet. Cet amendement a pour objet l’élaboration d’un rapport évaluant les conséquences financières pour les comptes publics et les avantages pour les assurés sociaux d’une revalorisation des pensions servies aux personnes en situation de handicap.
Sa motivation est simple. On pourrait bien entendu y voir la volonté d’alourdir le travail de l’exécutif en lui demandant la rédaction d’un énième rapport. Tel n’est pas le cas. Nous souhaitons que cette question soit étudiée sérieusement, car les propositions contenues dans ce projet de loi ne remettent pas en cause l’injuste architecture de notre système de retraites, qui ne corrige pas, au moment du départ à la retraite, les inégalités touchant les salariés porteurs de handicap.
Les allocations que touchent les handicapés sont indigentes. Les travailleurs handicapés sont encore trop peu nombreux, dans un environnement de travail non adapté, même si, je l’admets, la progression est certaine. Leur carrière commence souvent plus tard. Ils ou elles peuvent avoir, du fait de certains handicaps, des périodes non travaillées justifiées par leur état de santé.
La loi du 11 février 2005 sur le handicap a eu le mérite de rappeler le principe d’égalité de tous, ce qui constitue une très bonne chose. Mais souvent, les associations qui les représentent sont usées par les sempiternelles promesses.
Concernant les handicapés, des améliorations ont été apportées à ce texte, grâce au travail des députés. En particulier, un amendement visant à faciliter le départ en retraite à taux plein des personnes invalides à 50 %, plutôt qu’à 80 %, comme l’avait décidé la réforme précédente, a été adopté. Nous en reparlerons au moment de la discussion de l’article 23. Mais où et quand pourrons-nous parler de la revalorisation des pensions des personnes handicapées ? C’est pourtant une urgence. Si nous n’étions pas contraints par l’article 40 de la Constitution, qui nous l’interdit, nous aurions proposé nombre d’amendements allant en ce sens. Les sénatrices et sénateurs de gauche ont de tout temps critiqué cet article 40 et le frein qu’il représente dans le juste équilibre qui devrait guider les relations entre les pouvoirs exécutif et législatif. Je regrette d’ailleurs que la réforme constitutionnelle un temps évoquée n’ait pas retenu la proposition d’abrogation de cet article inique.
Mais revenons à notre sujet. Le handicap n’est pas une fatalité. Les personnes concernées veulent être des actrices et des acteurs de la vie sociale, pendant leur vie professionnelle comme durant leur retraite. Nous souhaitons que le rapport prévu par cet amendement nous éclaire et préconise enfin des mesures de rattrapage pour que, une fois retraitées, les personnes handicapées ne soient pas condamnées à une double peine. Faibles allocations, puis faibles retraites, telle est la spirale infernale à laquelle nous vous demandons de mettre fin.
Nous sommes certains que nos collègues auront à cœur de sortir les salariés handicapés de la misère dans laquelle on continue de les enfermer.
M. Pierre Martin. Bravo !
M. Alain Gournac. Très bien ! On votera pour !
M. le président. Quel est l’avis de la commission ?
Mme Christiane Demontès, rapporteur. La commission a émis un avis défavorable…
M. Alain Gournac. Oh non !
M. Philippe Bas. Incompréhensible !
Mme Christiane Demontès, rapporteur. … pour des raisons non pas de fond, mais de forme.
MM. Michel Bécot et François Trucy. Ah !
Mme Christiane Demontès, rapporteur. En effet, il ne paraît pas utile de multiplier les demandes de rapport portant sur des situations particulières, certes préoccupantes, alors que le projet de loi conforte le rôle d’analyse du COR et assigne au Comité de suivi la mission d’effectuer des recommandations à partir de ces analyses, afin de renforcer la solidarité des régimes de retraite, prioritairement au profit des retraités les plus modestes et de la prise en compte des accidents de la vie professionnelle.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
Mme Marisol Touraine, ministre. Le Gouvernement émet un avis défavorable sur cette demande de rapport. Le texte, nous aurons sans doute l’occasion d’y revenir, permet des avancées significatives, que vous avez d’ailleurs soulignées, madame la sénatrice, en direction des personnes handicapées. Nous entendons en effet permettre l’élargissement de l’accès à la retraite anticipée des travailleurs handicapés et le départ sans décote dès l’âge légal de tous les assurés dont le taux d’incapacité est de 50 %, et non pas de 80 %, comme c’est le cas aujourd'hui. D’autres dispositions prévoient que les travailleurs handicapés travaillant dans des ESAT, les établissements et services d’aide par le travail, pourront valider des trimestres d’activité, même lorsque celle-ci ne s’exerce qu’à temps très partiel.
Ce texte comporte donc des avancées importantes en direction des personnes en situation de handicap. Pour cette raison, il ne nous semble pas utile de nous engager dans la voie d’un nouveau rapport.
M. le président. La parole est à M. Philippe Bas, pour explication de vote.
M. Philippe Bas. Nos collègues Claire-Lise Campion et Isabelle Debré ont récemment rendu public leur rapport sur le bilan de l’application de la grande loi du 11 février 2005 pour l’égalité des droits et des chances, la participation et la citoyenneté des personnes handicapées, voulue par le président Jacques Chirac et mise en œuvre par le gouvernement que vous dirigiez, monsieur le président.
Quels sont les enseignements de ce bilan ? Il fait apparaître un progrès gigantesque dans la scolarisation des enfants handicapés ; il fait apparaître l’amélioration très importante des conditions d’accès aux droits grâce à la création des maisons départementales des personnes handicapées ; il fait également apparaître des progrès réels, même s’ils sont encore insuffisants, en matière d’accessibilité. En revanche, ce rapport dresse un bilan malheureusement assez décevant en ce qui concerne l’emploi des personnes handicapées, en dépit du système très original créé par la loi du 10 juillet 1987 en faveur de l’emploi des travailleurs handicapés, qui oblige les entreprises à employer au moins 6 % de personnes handicapées – cette obligation ayant été étendue aux trois fonctions publiques et aux établissements publics en 2005.
Puisque l’emploi des personnes handicapées a malheureusement progressé de manière insuffisante, les conditions d’acquisition de leurs droits à la retraite sont elles-mêmes restées assez défavorables. Je suis heureux que le présent texte comporte un certain nombre de mesures en faveur des personnes handicapées et je crois pouvoir dire que nous serons tous d’accord pour en souligner l’utilité.
Cela étant dit, lors de la discussion de l’article 1er, plusieurs amendements visant à assigner des objectifs d’égalité entre les femmes et les hommes dans l’évolution de nos régimes de retraite ont été adoptés, cette fois avec un avis favorable de la commission et du Gouvernement – curieusement ! De la même façon, il nous semblerait bénéfique de braquer le projecteur sur la situation particulière des personnes handicapées. Par conséquent, l’amendement excellemment présenté de nos collègues du groupe CRC, tendant au dépôt d’un rapport sur les conséquences d’une revalorisation des pensions servies aux personnes en situation de handicap nous paraît utile. En outre, nous ne voyons pas quels pourraient être les inconvénients d’un tel rapport pour le COR, eu égard à ses compétences, à ses prérogatives et à ses missions.
M. Alain Gournac. Absolument !
M. Philippe Bas. Je m’étonne donc qu’on puisse hésiter à voter cet amendement et je serais heureux que la commission et le Gouvernement, à la faveur de cette explication de vote, veuillent bien modifier leur position.
Notre conviction est claire et ferme : nous voterons cet amendement. (Très bien ! et applaudissements sur les travées de l’UMP.)
M. le président. En conséquence, un article additionnel ainsi rédigé est inséré dans le projet de loi, après l’article 4. (Marques de satisfaction et applaudissements sur les travées de l’UMP.)
L’amendement n° 133, présenté par M. Watrin, Mmes Cohen, David et Pasquet, M. Fischer et les membres du groupe communiste républicain et citoyen, est ainsi libellé :
Après l’article 4
Insérer un article additionnel ainsi rédigé :
Dans les six mois qui suivent la promulgation de la présente loi, le Gouvernement remet au Parlement un rapport sur le bénéfice, pour les assurés, d’un retour à la revalorisation des pensions par rapport à l’évolution des salaires. Le rapport évalue en outre l’impact qu’aurait une telle mesure sur la consommation des ménages concernés.
La parole est à Mme Laurence Cohen.
Mme Laurence Cohen. Par cet amendement, nous demandons que soit rendu un rapport évaluant le bénéfice, pour les assurés, d’un retour à la revalorisation des pensions en fonction de l’évolution des salaires, six mois après la promulgation de la présente loi.
Une nouvelle fois, et cela a été dit par plusieurs de mes collègues, pour remplir notre mission de parlementaires, pour influer sur le travail de l’exécutif ou éventuellement le réorienter, nous sommes contraints de demander un rapport, puisque le funeste article 40 de la Constitution nous empêche de démontrer notre capacité de gager sérieusement les dépenses que nous vous proposons d’engager.
Nous pensons qu’il est nécessaire de revaloriser les pensions comme les salaires. La démonstration en a été faite par notre collègue Dominique Watrin dans son intervention au cours de la discussion générale : la sécurité sociale est « plombée » par le chômage, par la faiblesse des salaires dans notre pays et par le déséquilibre structurel entre la part du travail et celle du capital.
Nous voudrions que l’on étudie enfin d’autres pistes que celles qui sont toujours à votre agenda. La logique défendue hélas ! par le Gouvernement depuis un an est celle qui a déjà été suivie, à savoir « on ne gagne en compétitivité que par l’allégement des charges des entreprises ». Quand on traduit en langage courant, cela veut dire que les salaires et les postes de travail seraient les seules marges de manœuvre pour maintenir ou accroître la « compétitivité ».
Nous pensons, pour notre part, comme de nombreux économistes, qui se dénomment eux-mêmes « Économistes atterrés », que c’est la mauvaise répartition entre le capital et le travail qui est à l’origine de nos maux. Si les salaires étaient plus élevés, les cotisations seraient plus importantes et nous poserions différemment, sans doute, la question du financement de nos retraites. Les choix effectués dans ce domaine sont loin d’être innovants. La logique que vous continuez de défendre consiste à taxer les salariés et les retraités eux-mêmes.
Nous pensons qu’il est juste de lier l’évolution des retraites à celle des salaires, même en l’état actuel d’atonie des augmentations salariales. Ce principe ne devrait pas connaître de dérogation.
Madame la ministre, il nous semble important que vous acceptiez ce rapport, lequel pourra peut-être vous décider à revenir sur cette mesure de désindexation, quand vous aurez constaté que l’immense majorité des pensions bénéficient à notre économie. Notre demande d’un rapport ne doit pas seulement être jugée sur la forme, mais aussi sur le fond des propositions que nous demandons d’étudier.
M. le président. Quel est l’avis de la commission ?
Mme Christiane Demontès, rapporteur. Un tel rapport sur l’impact d’une revalorisation des pensions en fonction de l’évolution des salaires nous paraît quelque peu redondant avec les éléments de cadrage, les travaux d’analyse et les recommandations que le COR et le comité de suivi transmettront chaque année au Gouvernement. En effet, le mode d’indexation des pensions est l’un des paramètres essentiels de l’évolution financière des régimes et, de ce fait, il est déjà intégré dans les travaux du COR, comme il devra l’être dans ceux du comité de suivi. Par conséquent, un rapport supplémentaire n’apparaît pas indispensable.
La commission émet donc un avis défavorable.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. le président. La parole est à M. Gérard Longuet, pour explication de vote.
M. Gérard Longuet. Puisque nos collègues communistes ont présenté cet amendement, je ne résiste pas au plaisir de leur rappeler le fait suivant.
Lorsqu’ils siégeaient dans le gouvernement de Lionel Jospin, qui a fait voter par le Parlement la semaine de travail à 35 heures, je n’ai pas le souvenir qu’ils aient demandé que les retraités bénéficiassent d’une revalorisation de 11,4 % de leur retraite, correspondant strictement à l’augmentation salariale que représentait le passage de 39 heures à 35 heures de travail hebdomadaires.
Alors, à tout pécheur miséricorde,…
M. Jean-Michel Baylet. Pas chez les radicaux ! (Sourires sur les travées du RDSE.)
M. Gérard Longuet. … il est permis à chacun de se repentir et ce n’est pas parce qu’on s’est trompé une fois qu’il faut se tromper toujours, mais tout de même ! Vous aviez oublié de le réclamer à cette époque. Soyez réalistes, suivez l’appel à la sagesse de la commission et du Gouvernement.
M. le président. L’amendement n° 261, présenté par MM. Longuet et Cardoux, Mmes Boog, Bruguière, Bouchart, Cayeux, Debré et Deroche, M. Dériot, Mme Giudicelli, MM. Gilles et Husson, Mme Hummel, MM. Fontaine, de Raincourt, Laménie et Milon, Mme Kammermann, M. Pinton, Mme Procaccia, M. Savary et les membres du groupe Union pour un mouvement populaire, apparentés et rattachés, est ainsi libellé :
Après l’article 4
Insérer un article additionnel ainsi rédigé :
Le Gouvernement remet au Parlement un rapport, dans les six mois suivant la promulgation de la présente loi, sur la création d’une caisse de retraite pour la fonction publique d’État, chargée de recouvrer les cotisations et d’assurer le versement des pensions des agents de l’État.
La parole est à M. Dominique de Legge.
M. Dominique de Legge. Nous demandons, par cet amendement, que le Gouvernement remette au Parlement un rapport sur la création d’une caisse de retraite pour la fonction publique d’État.
La création d’une telle caisse se justifierait pour trois raisons, selon nous.
Premièrement, depuis le début de l’examen de ce texte, nous parlons de l’équilibre du système de retraite, singulièrement de celui du régime général. Mais on ne dit pas un mot du financement déficitaire du régime de la fonction publique. Il nous paraît que l’État, en tant qu’employeur, se doit de garantir et de sauvegarder la retraite de ses agents et la création de cette caisse de retraite pourrait y contribuer. Ce serait un signe qu’il adresserait à ses personnels.
Deuxièmement, nous débattons souvent des effectifs de la fonction publique. Faut-il rappeler que l’embauche d’un agent public représente un coût pour la collectivité non seulement pendant la vie active de celui-ci, mais également pendant toute la durée de sa retraite ? Par conséquent, la création de cette caisse permettrait une gestion prévisionnelle à la fois des effectifs et de la dépense publique.
Troisièmement, cette caisse éclairerait le Parlement lorsque celui-ci doit prendre des décisions en matière budgétaire et contribuerait à une plus grande sincérité des comptes.
Telles sont les trois raisons pour lesquelles nous demandons ce rapport dans les six mois suivant la promulgation de la loi.
M. le président. Quel est l’avis de la commission ?
Mme Christiane Demontès, rapporteur. La précédente majorité, la vôtre, mes chers collègues de l’opposition, avait prévu, à l’article 41 de la loi du 9 novembre 2010 portant réforme des retraites, la remise, avant le 30 septembre 2011, d’un rapport relatif à la création d’une caisse de retraite des fonctionnaires de l’État. Le précédent gouvernement n’a jamais rendu un tel rapport.
M. Roland Courteau. Tiens donc !
Mme Christiane Demontès, rapporteur. De nombreux progrès ont été effectués dans la gestion des retraites des agents de l’État, rendue plus transparente grâce au compte d’affectation spéciale « Pensions », qui se distingue d’une caisse essentiellement en ce qu’il n’a pas de personnalité juridique distincte de celle de l’État. Il n’est d’ailleurs pas certain que la création d’une caisse modifierait la situation. En tout état de cause, il n’a pas semblé nécessaire à la commission de demander au Gouvernement un rapport supplémentaire, la question pouvant être abordée dans le cadre des missions générales du COR. Celle-ci émet donc un avis défavorable.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. le président. La parole est à M. Philippe Bas, pour explication de vote.
M. Philippe Bas. Nous sommes évidemment très déçus que ce texte relatif aux retraites ne comporte pas de mesures permettant de réduire à l’horizon de 2020 le besoin de financement des pensions de retraite des agents des trois fonctions publiques.
À cet instant, laissons de côté cette question, car il ne s’agit pas de cela. Si vous décidez de ne pas faire votre part du chemin pour la réduction de ce besoin de financement du secteur public, au moins pourriez-vous faire en sorte de faciliter la tâche de vos successeurs et de les éclairer, comme l’avait fait Michel Rocard quand il était Premier ministre.
En acceptant un amendement qui tend à créer une caisse de retraite pour la fonction publique, vous ne réaliseriez certes aucune économie, mais vous apporteriez de la transparence et de la lisibilité, permettant ainsi une prise de responsabilité. En effet, on créerait une instance où les fonctionnaires seraient représentés et la responsabilité des décisions à prendre pour l’évolution du régime serait partagée avec les représentants des fonctionnaires.
Cette démarche serait donc extrêmement vertueuse. Pourtant, bien qu’elle ne retire rien à aucun fonctionnaire de notre pays, qu’elle ne réduise aucune retraite, vous êtes hostiles à cette initiative visant à introduire davantage de sincérité dans le système. C’est la raison pour laquelle je tenais à plaider la cause de cet amendement.
M. le président. La parole est à M. Claude Domeizel, pour explication de vote.
M. Claude Domeizel. Le groupe socialiste votera contre cet amendement pour une raison très simple.
Sur les trois fonctions publiques – fonction publique de l’État, fonction publique territoriale et fonction publique hospitalière –, seules les deux dernières ont un régime de retraite complètement autonome, puisqu’il est régi par la CNRACL. Quant aux fonctionnaires de l’État, ils n’ont pas de régime spécifique, puisqu’ils sont « couchés », selon l’expression communément employée, sur le grand livre de la dette publique.
Cet amendement tend à prévoir l’établissement d’un rapport. Mais, mes chers collègues, nous disposons de toutes les données ; nous savons absolument tout. Nous n’avons nullement besoin d’un rapport ! Au lieu de faire cette demande, vous pourriez déposer une proposition de loi qui pourrait être débattue. Nous verrons bien ce que cela donnera. En effet, lorsque vous étiez au pouvoir, vous aviez la possibilité de déposer un projet de loi visant à créer une caisse pour les fonctionnaires de l’État, et vous ne l’avez pas fait.
M. Philippe Bas. On a fait d’autres choses !
M. Claude Domeizel. Je le redis, vous ne l’avez pas fait ! Aujourd’hui, vous avez tout loisir de déposer une proposition de loi. En tout cas, nous n’avons pas besoin de rapport.
C’est la raison pour laquelle nous voterons contre cet amendement.
M. le président. La parole est à M. Gérard Longuet, pour explication de vote.
M. Gérard Longuet. Je répondrai brièvement à M. Domeizel. Oui, les fonctionnaires de l’État bénéficient de la pérennité de l’État, et vous avez eu raison d’évoquer le livre de la dette. À cet instant, on peut imaginer un grand livre en moleskine noire avec des lignes sur lesquelles chaque fonctionnaire noterait sa pension. Il en allait d’ailleurs ainsi sous l’Ancien Régime, avec le livre des pensions. Je dis cela pour introduire un peu de poésie historique dans notre après-midi de débat…
Malheureusement, l’État, à cause des accords de Maastricht – on peut s’en réjouir, comme c’est mon cas, ou s’en plaindre –, n’a plus la responsabilité de sa monnaie. Il ne dispose donc plus de la faculté qui était la sienne de battre monnaie et, le cas échéant, d’atténuer la dette par une dévaluation. Il est devenu un débiteur qui, même s’il n’est pas tout à fait comme les autres, doit tout de même rendre des comptes.
Néanmoins, votre proposition est très pertinente. Si nous souhaitons créer une caisse identifiée, c’est pour introduire dans l’opinion publique l’idée que la dette des retraites pèse sur les finances publiques. Un jour, nous devrons peut-être rendre compte devant non pas les « gnomes de Zurich », pour reprendre une formule du siècle précédent, mais les marchés internationaux, ce qui, bien évidemment, horripile une partie de nos collègues. Au travers du jugement qu’ils portent sur une dette par l’établissement de taux d’intérêt en fonction du risque évalué, ces marchés nous rappellent que nous aurons à rembourser notre dette.
Mes chers collègues, si vous ne votez pas notre amendement, ce ne sera pas une tragédie ! Nous répondrons à l’appel de M. Domeizel de préparer une proposition de loi. Nous voulions rappeler que la fonction publique a des droits, lesquels sont supportés par la nation, parce que c’est elle qui les garantit par l’impôt. Ces droits doivent pouvoir être évalués de façon notoire, afin que tous les contribuables français sachent ce qu’ils doivent à une fraction des leurs qui ont la belle mission de servir l’État. (Applaudissements sur les travées de l’UMP.)
M. le président. L’amendement n° 264, présenté par MM. Longuet et Cardoux, Mmes Boog, Bruguière, Bouchart, Cayeux, Debré et Deroche, M. Dériot, Mme Giudicelli, MM. Gilles et Husson, Mme Hummel, MM. Fontaine, de Raincourt, Laménie et Milon, Mme Kammermann, M. Pinton, Mme Procaccia, M. Savary et les membres du groupe Union pour un mouvement populaire, apparentés et rattachés, est ainsi libellé :
Après l’article 4
Insérer un article additionnel ainsi rédigé :
En considération des taux des cotisations à la charge des assurés sociaux relevant de la Caisse nationale d’assurance vieillesse des travailleurs salariés et des institutions de retraite complémentaire, l’alignement des taux de cotisation à la charge des assurés sociaux relevant des différents régimes spéciaux de retraites est accéléré pour être harmonisé dans un délai de six ans à compter de la promulgation de la présente loi, selon des modalités définies par décret en Conseil d’État.
La parole est à M. Gérard Longuet.
M. Gérard Longuet. Mes chers collègues, je suis désolé d’accaparer la parole ! (Exclamations sur les travées du groupe socialiste.) Mme Procaccia devait défendre cet amendement auquel elle est très attachée. J’essaierai de la remplacer en présentant cet amendement peut-être avec moins de passion, mais avec précision et concision. Encore qu’il ne soit peut-être pas nécessaire que je me prive de ces quelques minutes de bonheur !
Nous avons engagé en 2008 un mouvement pour aligner les taux de cotisation des régimes spéciaux, avec prudence, parce que les circonstances le permettaient et peut-être même le commandaient. Cet alignement deviendra effectif en 2026.
L’amendement n° 264 tend à accélérer et à encadrer dans un délai de six ans la convergence des taux de cotisation des régimes spéciaux et du régime général.
M. le président. Quel est l’avis de la commission ?
Mme Christiane Demontès, rapporteur. Monsieur Longuet, la commission est bien évidemment défavorable à cet amendement, pour les raisons que vous avez exposées.
Vous l’avez dit, la hausse de 0,3 point des cotisations s’appliquera aux régimes spéciaux comme à tous les régimes obligatoires de base. Elle s’ajoutera à celle qui avait été décidée par le précédent gouvernement en 2008 et en 2010 – je n’y reviens pas –, selon un calendrier qu’il avait alors défini, décalé de six ans par rapport à celui de la fonction publique.
Nous ne voyons pas pourquoi il faudrait accélérer le processus. La charge est déjà lourde à porter pour l’ensemble des cotisants.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. le président. La parole est à M. Gérard Longuet, pour explication de vote.
M. Gérard Longuet. Madame la ministre, voilà un exemple type des non-réponses que vous opposez aux demandes réitérées de notre collègue Philippe Bas !
M. Bas vous a demandé sur quelles mesures scélérates vous reviendriez. En tout cas, pas sur cette mesure de 2008, dont vous savez, et reconnaissez aujourd’hui, la pertinence. Votre silence vaut hommage à notre travail de réforme effectué à l’époque.
M. Jackie Pierre. Très bien !
M. le président. L’amendement n° 329 rectifié, présenté par M. Desessard, Mme Archimbaud, M. Placé et les membres du groupe écologiste, est ainsi libellé :
Après l’article 4
Insérer un article additionnel ainsi rédigé :
Le Gouvernement remet au Parlement, avant le 1er mars 2014, un rapport sur la pertinence et l’impact financier et social du maintien de la revalorisation des pensions de retraites au 1er avril pour les retraités non assujettis à l’impôt sur le revenu.
La parole est à Mme Kalliopi Ango Ela.
Mme Kalliopi Ango Ela. Il est retiré, monsieur le président.
M. le président. L’amendement n° 329 rectifié est retiré.
Article 4 bis (nouveau)
L’article L. 5552-20 du code des transports est ainsi rédigé :
« Art. L. 5552-20. – Les pensions sont revalorisées dans les conditions fixées à l’article L. 161-23-1 du code de la sécurité sociale. »
M. le président. L’amendement n° 135, présenté par M. Watrin, Mmes Cohen, David et Pasquet, M. Fischer et les membres du groupe communiste républicain et citoyen, est ainsi libellé :
Supprimer cet article.
La parole est à Mme Isabelle Pasquet.
Mme Isabelle Pasquet. L’article 4 bis a pour objet de modifier les conditions dans lesquelles les pensions des marins sont revalorisées, afin d’aligner le dispositif existant sur le régime général.
Nous y sommes opposés pour deux raisons que je voudrais préciser ici.
Tout d’abord, bien que le mécanisme de revalorisation des retraites des marins soit complexe, les marins y sont attachés, car il est assis sur le salaire forfaitaire.
Ce salaire forfaitaire, créé un peu avant les années 1980 a permis d’unifier les rémunérations et, donc, les pensions des marins qui connaissaient des écarts de salaires très importants, les pêcheurs étant, par exemple, largement moins bien rémunérés que les marins de la marine marchande.
Dès lors, on comprend que les marins y soient attachés puisque ce salaire forfaitaire est en quelque sorte garant d’une égalité de rémunération et de pension entre marins relevant de la même catégorie.
Qui plus est, les cotisations d’assurance vieillesse sont assises sur des salaires forfaitaires définis par voie réglementaire. L’assiette de cotisation correspond ainsi au salaire journalier afférent à la catégorie du marin multiplié par le nombre de jours travaillés par le marin, incluant les jours de congé.
Si tous les marins sont soumis au taux de cotisation de 2 %, tel n’est pas le cas des armateurs, pour qui le taux dépend de la catégorie du navire.
Le salaire forfaitaire est donc au cœur de la retraite des marins. Si, dans les faits, la réévaluation du salaire forfaitaire est effectuée au 1er avril et tend de plus en plus à se calquer sur l’évolution des prix, c’est devenu une habitude sans pour autant être une obligation.
On peut très bien imaginer que les marins puissent obtenir, à l’inverse de ce qui se passe aujourd’hui, une augmentation du salaire forfaitaire bien plus avantageuse que la seule augmentation prévue à partir de l’inflation. Déconnecter salaire forfaitaire et revalorisation des pensions pourrait donc avoir pour effet de réduire le montant de ces dernières. Le cadre actuel, avec des spécificités, est proche de l’indexation sur les salaires. Nous sommes donc opposés à sa modification.
Par ailleurs, puisque nous nous sommes fortement opposés à ce que les pensions du régime général soient gelées durant six mois, vous comprendrez que nous demeurions opposés à cette mesure, si elle devait être appliquée aux marins.
Pour toutes ces raisons, nous proposons la suppression de l’article 4 bis.
M. le président. Quel est l’avis de la commission ?
Mme Christiane Demontès, rapporteur. La commission a émis un avis défavorable sur la suppression de l’article 4 bis, en cohérence avec l’avis qu’elle a exprimé sur l’article 4.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
Mme Marisol Touraine, ministre. Madame la sénatrice, cet article a pour enjeu de mettre en conformité le droit avec la pratique. Pour le dire autrement, ce que prévoit cet article reprend ce qui se fait déjà.
Si l’on supprimait les dispositions de l’article 4 bis, cette pratique serait sans fondement légal. Alors, vous pourriez me dire qu’elle pourrait cesser, mais elle correspond à une attente et à une demande des personnes concernées.
Je vous appelle donc à retirer votre amendement ; sinon, j’y serai défavorable. Je le redis, cet article n’apporte aucun changement concret à la situation des personnes concernées ; il apporte simplement une sécurisation juridique.
M. le président. Madame Pasquet, l’amendement n° 135 est-il maintenu ?
Mme Isabelle Pasquet. Oui, monsieur le président !
M. le président. La parole est à M. Gérard Longuet, pour explication de vote.
M. Gérard Longuet. Pour dire la vérité, j’ai du mal à comprendre les explications apportées par Mme la ministre. J’aimerais qu’elle m’apporte un éclaircissement. Nous avons supprimé la revalorisation en rejetant l’article 4. Or l’article 4 bis fait référence à cette revalorisation.
Je ne comprends pas comment on peut se référer à un dispositif qui a été supprimé.
Mes chers collègues, je préfère réfléchir à plusieurs fois avant de voter un amendement du groupe communiste !
Mme Laurence Cohen. Vous avez bien raison !
M. le président. La parole est à Mme la ministre.
Mme Marisol Touraine, ministre. Monsieur le sénateur, l’article 4 bis renvoie à une règle de droit général. Effectivement, je comprends que vous pensiez, par cohérence, que, si l’article 4 a été rejeté, ce dispositif ne s’appliquera pas aux personnes concernées de toute façon. Mais l’article 4 bis revient à mettre en conformité le droit avec la pratique, en prévoyant que le droit commun s’applique bien à ces catégories, en l’absence de texte particulier.
M. le président. La parole est à M. Philippe Bas, pour explication de vote.
M. Philippe Bas. Il nous est très difficile de prendre position sur cet amendement, ne disposant pas d’une information exhaustive sur la situation des marins de la marine marchande.
Si je comprends bien, les marins pêcheurs ne sont pas concernés par cet amendement. Il y aurait pourtant beaucoup à dire sur leurs conditions de travail et sur les conditions d’acquisition de leurs droits à la retraite, dans un contexte très difficile pour la pêche française, lequel s’explique par de nombreux facteurs – au reste, tel n’est pas l’objet du débat d’aujourd’hui.
Je souhaiterais comprendre ce que demandent les marins : est-ce la consolidation de l’indexation de leurs pensions au 1er avril de chaque année, solution qui me semble aller dans leur intérêt, ou le passage de cette indexation en octobre, au même moment que pour les autres professions ?
Cela dit, si l’objectif visé au travers de l’article 4 bis est de reporter l’indexation des pensions des marins, nous ne pourrons que voter l’amendement de suppression, par cohérence avec notre refus du report de l’indexation pour l’ensemble des retraités affiliés à la Caisse nationale d’assurance vieillesse.
Un sénateur du groupe UMP. Très bien !
M. le président. En conséquence, l’article 4 bis est supprimé.
Titre II
RENDRE LE SYSTÈME PLUS JUSTE
Chapitre Ier
Mieux prendre en compte la pénibilité au travail
Article 5
I. – Le livre Ier de la quatrième partie du code du travail est complété par un titre VI intitulé : « Dispositions particulières à certains facteurs de risques professionnels et à la pénibilité ».
II. – Au même titre VI, il est inséré un chapitre Ier intitulé : « Fiche de prévention des expositions » et comprenant l’article L. 4121-3-1 du code du travail, qui devient l’article L. 4161-1 et est ainsi modifié :
1° Le premier alinéa est ainsi modifié :
a) À la première phrase, après les mots : « travailleur exposé », sont insérés les mots : « , au-delà de certains seuils, » et les mots : « déterminés par décret et » et « , selon des modalités déterminées par décret, » sont supprimés ;
b) À la même phrase, après les mots : « travailleur est », il est inséré le mot : « effectivement » ;
c) Après la première phrase, est insérée une phrase ainsi rédigée :
« Les facteurs de risques professionnels et les seuils d’exposition, ainsi que les modalités et la périodicité selon lesquelles la fiche individuelle est renseignée par l’employeur, sont déterminés par décret. » ;
2° Après la première phrase du second alinéa, est insérée une phrase ainsi rédigée :
« Elle est tenue à sa disposition à tout moment. » ;
3° Sont ajoutés deux alinéas ainsi rédigés :
« Les entreprises utilisatrices mentionnées à l’article L. 1251-1 transmettent à l’entreprise de travail temporaire les informations nécessaires à l’établissement par cette dernière de la fiche individuelle, dans des conditions définies par décret en Conseil d’État.
« L’employeur remet chaque année au comité d’hygiène, de sécurité et des conditions de travail ou aux délégués du personnel un bilan de l’application du présent article. Ce bilan présente notamment le nombre de fiches de prévention des expositions qu’il a établies, les conditions de pénibilité auxquelles les travailleurs sont exposés et les mesures de prévention, organisationnelles, collectives et individuelles, que l’employeur a mises en œuvre. Le comité d’hygiène, de sécurité et des conditions de travail émet un avis sur ce bilan. »
III (nouveau). – Au 2° du III des articles L. 351-1-4 du code de la sécurité sociale et L. 732-18-3 du code rural et de la pêche maritime, la référence : « L. 4121-3-1 » est remplacée par la référence : « L. 4161-1 ».
IV (nouveau). – Au 1° de l’article L. 2313-1 du code du travail, après le mot : « concernant », sont insérés les mots : « la pénibilité, ».
V (nouveau). – À la seconde phrase du 2° de l’article L. 4612-16 du code du travail, après le mot : « venir, », sont insérés les mots : « qui comprennent les mesures de prévention en matière de pénibilité, ».
M. le président. La parole est à Mme Brigitte Gonthier-Maurin, sur l’article.
Mme Brigitte Gonthier-Maurin. Monsieur le président, madame la ministre, mes chers collègues, nous abordons, avec cet article 5, le volet du projet de loi consacré à la pénibilité.
J’ai souhaité prendre la parole sur cet article car, avec Mme la rapporteur de la délégation aux droits des femmes et à l’égalité des chances entre les hommes et les femmes et plusieurs autres de nos collègues, j’avais cosigné un amendement n° 352 rectifié bis, qui, malheureusement, a fait les frais du funeste article 40 de la Constitution, lequel – vous en conviendrez, mes chers collègues – commence à poser un véritable problème démocratique, dans la mesure où il jugule toute initiative parlementaire.
Cet amendement traduisait une recommandation formulée par la délégation, dans la continuité des travaux menés, en 2012, sur le thème « femmes et travail ». Il visait à assimiler à un facteur de pénibilité les conditions de travail infligées aux salariés, principalement aux femmes, du fait d’emplois à horaires fractionnés et d’amplitudes horaires quotidiennes excessives, égales ou supérieures au double de la durée du travail effectif.
Si vous le permettez, mes chers collègues, je voudrais une nouvelle fois vous alerter sur la situation des femmes de ce point de vue, la pénibilité des emplois féminins restant très largement sous-évaluée, comme l’avait montré le rapport de la délégation auquel j’ai fait allusion.
L’amendement malheureusement déclaré irrecevable tendait à mettre en lumière la pénibilité engendrée par certaines formes de temps partiel, dont on sait qu’il concerne les femmes dans 80 % des cas, notamment les formes marquées par une amplitude horaire quotidienne excessive.
Dans des travaux qu’elle a présentés à la délégation en 2012, l’Agence nationale pour l’amélioration des conditions de travail, l’ANACT, attribuait l’aggravation de la dégradation de la qualité de santé des femmes au travail à deux facteurs principaux : l’organisation du travail que subissent les femmes et les caractéristiques des emplois qu’elles occupent.
À ce titre, le temps partiel joue évidemment le rôle d’une loupe grossissante. Il a ainsi été avancé que le cumul d’horaires atypiques avec des difficultés émotionnelles, des facteurs de stress, l’absence de perspectives d’évolution et l’absence de reconnaissance rendent les conditions de travail des emplois à temps partiel plus contraignantes, affectant la santé morale de ceux qui les subissent.
À cet égard, il est significatif que, si la fréquence des arrêts de travail n’est pas véritablement différente selon que l’on travaille à temps plein ou à temps partiel, la durée de l’arrêt de travail, qui en reflète la gravité, est significativement plus longue pour les emplois à temps partiel.
Rappelons que les femmes sont largement majoritaires dans certains secteurs des services à la personne, notamment le secteur de la santé.
Elles souffrent de maladies professionnelles spécifiques, répertoriées dans la catégorie des troubles musculo-squelettiques, lesquels sont liés à des travaux répétitifs, tels que les postures sur écran ou encore les stations debout ou assise prolongées.
Sur la base de 50 000 pathologies en relation avec le travail, l’Agence nationale de sécurité sanitaire de l’alimentation, de l’environnement et du travail, l’ANSES, qui a animé, ces dernières années, un réseau national de vigilance et de prévention des pathologies professionnelles, a mis en évidence les différenciations importantes existant entre les hommes et les femmes dans l’exposition aux risques : les hommes sont plus exposés à l’amiante, aux risques chimiques ou au port de charges, alors que les femmes sont plus spécifiquement concernées par les mouvements répétitifs, les troubles psychologiques, sujet tabou dans l’entreprise, et les risques managériaux.
Or, l’appareil statistique, sur lequel reposent l’évaluation et donc la prévention des risques au travail, a été constitué pour une organisation « masculino-centrée » des emplois. Ainsi, comme le rappelle Florence Chappert, de l’ANACT, en ignorant les pénibilités et les risques des emplois à prédominance féminine, « les politiques de prévention des risques touchent moins les femmes que les hommes, eu égard à la division sexuée des emplois ».
La chute de cet amendement est, encore, une belle occasion manquée. (Applaudissements sur les travées du groupe CRC.)
Mme Laurence Cohen. Très bien !
M. le président. La parole est à M. Alain Milon, sur l’article.
M. Alain Milon. Mes chers collègues, nos collègues députés ont voté, jeudi 10 octobre dernier, la création d’un « compte personnel de prévention de la pénibilité ». Celui-ci permet à tout salarié exposé à des conditions de travail pénibles d’accumuler des points, à convertir en formation, en temps partiel ou en départ anticipé à la retraite.
Si certains se réjouissent de cette instauration, qu’ils considèrent comme une véritable avancée sociale, beaucoup d’autres ne voient dans cette nouveauté qu’une véritable usine à gaz, coûteuse, non maîtrisée et engendrant de nouvelles difficultés. Permettez-moi de relayer leur inquiétude et leur incompréhension.
Des catégories entières de salariés pensent que l’espérance de vie n’est pas la même pour tous. Ayant été durablement exposés à des conditions de travail pénibles, occasionnant une usure physique accélérée, je conçois que ces salariés demandent que ces différences soient prises en compte ! Cela dit, je me permets de rappeler que la réforme des retraites de 2010 avait déjà introduit des départs anticipés pour pénibilité, même si ces derniers ne devaient bénéficier qu’aux salariés souffrant d’incapacité en raison d’une maladie professionnelle ou d’un accident du travail.
Le compte personnel de prévention de la pénibilité proposé dans le présent texte permettrait à ces salariés de pouvoir partir jusqu’à deux ans plus tôt en retraite, de réduire leur temps de travail en le transformant en temps partiel ou encore d’évoluer vers un poste non pénible grâce à des actions de formation auquel ce compte ouvre droit. Il ne crée donc des droits que pour l’avenir.
Dans ces conditions, il faudra de nombreuses années pour que ces « comptes pénibilité » créent des droits suffisants pour les salariés, et cet outil n’apportera pas de réponse à tous ceux qui, aujourd’hui, parce qu’ils se sentent directement concernés, demandent la mise en place d’une nouvelle réforme. Si la loi leur semble intéressante, elle leur paraîtra encore très complexe.
Que peut-elle prévoir pour ces salariés, proches de la retraite, qui ont été exposés à des facteurs de pénibilité par le passé ? En tout état de cause, elle ne prévoit pas de rétroactivité, alors que de nombreuses personnes sont concernées. Ce point seul fait déjà l’objet d’un débat.
N’est-il donc pas plus judicieux, pour commencer, de préciser la définition exacte de la « pénibilité », après avoir établi, sur cette question, un réel dialogue social avec les différents partenaires sociaux ? Vous en conviendrez, mes chers collègues, la notion de « pénibilité » reste encore floue et imprécise pour beaucoup d’entre nous !
Un tel effort de définition se justifie d’autant plus que les conditions de pénibilité auxquelles les travailleurs sont exposés doivent donner lieu, de la part des employeurs, à la consignation, dans une fiche, pour chacun des salariés exposés à certains facteurs de risques professionnels, de la période au cours de laquelle cette exposition est survenue, ainsi que des mesures de prévention mises en œuvre par le chef d’entreprise pour faire disparaître ou, du moins, réduire ces facteurs.
Nous savons ce qu’est un « accident du travail » ou une « invalidité », nous pouvons définir une « maladie professionnelle ». En revanche, il me semble nécessaire de préciser la notion de « pénibilité », dont les contours seront définis par décret – certains paraissent précis, d’autres ne me semblent pas particulièrement clairs – et devront être soumis à des seuils.
Mon autre inquiétude concerne la maîtrise des dépenses. Toutes les entreprises seront mises à contribution, celles dont les salariés partent le plus en « retraite pénibilité » étant le plus taxées.
Alors que de nombreuses entreprises, notamment les TPE et les PME, rencontrent des difficultés financières, je souligne l’urgente nécessité d’adopter des mesures assurant une maîtrise vigilante de ce dispositif, qui, si on n’en contrôle pas les limites, pourrait leur coûter extrêmement cher et faire retomber une grande partie d’entre elles dans des difficultés similaires à celles rencontrées à l’occasion de la mise en place des 35 heures.
Mes chers collègues, vous en conviendrez, nous parlons plus de compensation que de prévention, ce qui constitue, à mes yeux, une grosse erreur. En effet, il me semble que l’urgence exige de tout mettre en œuvre pour développer les actions de prévention des risques professionnels et de la pénibilité au travail, et, certainement, de reprendre les négociations de branches pour permettre l’application d’un dispositif plus proche du terrain. (Applaudissements sur les travées de l’UMP.)
M. le président. La parole est à M. Dominique Watrin, sur l’article.
M. Dominique Watrin. Alors que nous n’avons jusqu’à présent eu à débattre que de dispositions régressives pour les salariés, notamment l’allongement de la durée de cotisation ou encore le décalage dans la revalorisation des pensions des retraités, l’article 5, relatif à la prévention des expositions à certains risques professionnels, apparaît comme une avancée, même si nous considérons qu’elle est encore trop timide.
Bien que positive, notamment en ce qu’elle marque une rupture avec la conception défendue par la droite et le patronat, cette mesure demeure limitée, au point que la prise en compte de la pénibilité dans le texte apparaît par trop corsetée.
Certes, l’étude d’impact signale que cet article devrait permettre à plus de 3 millions de salariés de bénéficier du compte personnel de prévention de la pénibilité, permettant d’obtenir soit une formation professionnelle, soit une réduction du temps de travail, soit, dans quelques cas trop rares, un départ anticipé à la retraite – nous reviendrons bien évidemment sur ce sujet lorsque nous examinerons l’article 6 du texte.
Cela étant, je voudrais soulever un problème particulier : les salariés ayant, par exemple, été exposés durant vingt-cinq ans à un facteur de risque ne pourront bénéficier que de deux années de retraite anticipée, et devront, pour ce faire, être âgés d’au moins cinquante-deux ans.
Assurément, il s’agit d’une amélioration par rapport au dispositif initial, lequel n’ouvrait ce droit qu’aux salariés de cinquante-sept ans, et, surtout, par rapport au système validé par la droite, fondé sur un taux d’invalidité qui aboutissait à n’ouvrir un droit qu’à partir d’une main coupée…
On regrettera certaines limites du dispositif proposé, notamment pour les salariés qui sont exposés à une multiplicité de facteurs de risque. Le dispositif ne permet de cumuler des points que dans la limite de deux facteurs d’exposition. Ainsi, un salarié qui serait exposé à plus de deux facteurs de risque ne bénéficierait d’aucune mesure supplémentaire.
Vous ne l’ignorez pas, plus les salariés sont exposés à des facteurs de risque différents, plus des effets cumulatifs peuvent se manifester. Il faudrait pouvoir tenir compte de cette situation – tel était le sens de mon intervention.
M. le président. La parole est à Mme Laurence Cohen, sur l’article.
Mme Laurence Cohen. Je rejoindrai ce qui vient d’être dit quant à notre appréciation d’un dispositif qui, au fond, réalise un compromis entre une volonté réelle de prendre enfin en compte la pénibilité et la volonté de limiter la dépense sociale tout en préservant la fameuse compétitivité des entreprises.
Qui plus est, nous regrettons que le nombre de points soit plafonné à cent et, à cet égard, nous ne partageons pas l’analyse, faite par certains, selon laquelle octroyer plus de points inciterait les salariés à rester durablement dans une situation de pénibilité.
Dire cela, c’est méconnaître profondément le monde du travail et les aspirations des salariés à ne plus user leur vie ou leur santé au travail. Rappelons que les ouvriers continuent à avoir une espérance de vie en bonne santé réduite de sept ans par rapport à celle des cadres. Est-ce à dire que les ouvriers dont il est ici question seraient, en quelque sorte, responsables de cette situation ?
De plus, vous ne pouvez pas ignorer que les employeurs ont, à l’égard de leurs salariés, une obligation légale de protection. Il s’agit d’une obligation renforcée, puisqu’il s’agit d’une véritable obligation de résultat et non pas seulement d’une obligation de moyens.
Aussi, la question ne devrait pas être de plafonner les points par crainte que les salariés ne restent à leur poste. Il faudrait plutôt adopter la logique inverse : déplafonner les points, de telle sorte que les employeurs trouvent un intérêt certain à affecter les salariés à des postes moins exposés, à prendre les mesures significatives pour réduire les risques, ou à accéder à leurs demandes de bénéficier d’une formation professionnelle.
L’inversion de paradigme qui nous est proposée ici ne peut donc nous satisfaire et, malgré les apparences d’une mesure positive, il nous reste des motifs d’inquiétude.
D’une certaine manière, le maillon faible de ce dispositif est sans doute son aspect préventif, beaucoup trop absent à notre goût. Dès lors que le travail rend malade, c’est le travail qu’il faut changer. Mes chers collègues, en 2013, avec tous les progrès scientifiques et technologiques qui ont été réalisés, c’est possible !
Je déplore d’ailleurs que les troubles psycho-sociaux, qui découlent de certaines formes de management et d’organisation du travail, ne soient pas pris en compte dans les facteurs de risque. On le sait très bien, leurs conséquences s’observent dans la durée et ce n’est pas, par exemple, parce qu’une exposition à des harcèlements cesse que des maladies psychologiques ne peuvent pas se manifester ensuite.
Nous sommes d’autant plus inquiets que, par ailleurs, d’après les éléments dont nous disposons, le budget consacré à la prévention dans le projet de loi de financement de la sécurité sociale pour la branche accidents du travail et maladies professionnelles serait nettement en baisse.
Tout cela, madame la ministre, nous conduit à vous demander ce qu’il en est réellement, et à appréhender cet article avec beaucoup de réserves.
M. le président. La parole est à M. Claude Domeizel, sur l’article.
M. Claude Domeizel. Cet article 5 ouvre un chapitre important de ce projet de loi. Avec la mise en place d’une réelle prévention de la pénibilité, bien au-delà de la seule réparation, c’en est même la mesure phare.
Jusqu’à présent, deux systèmes coexistaient : d’une part, la prévention entendue de manière générale, déclinée des directives européennes jusqu’aux règlements internes des établissements, en passant par le code du travail ; d’autre part, la réparation, avec la reconnaissance de l’invalidité.
À côté de ces dispositifs, le projet de loi crée une prévention qui, tout en étant fondée sur la reconnaissance unanime de critères de pénibilité, est également fondée sur une approche individuelle. La fiche individuelle sera renseignée, et un compte de prévention de la pénibilité est créé.
L’objectif n’est donc plus, ici, la réparation, mais la prévention. Il s’agit de faire en sorte que non seulement les conditions de travail soient améliorées pour les employés qui doivent réaliser des travaux pénibles, mais aussi que ces derniers puissent se reconvertir grâce à une formation qualifiante, partir en retraite de manière anticipée ou obtenir un travail à temps partiel.
Nous aurons d’ailleurs, madame la ministre, des précisions à vous demander sur la mise en œuvre du dispositif par décret.
La législation existante n’est pas abrogée. Mais nous abordons ce dossier avec une différence de philosophie. Cette différence prend enfin en compte l’injustice majeure, fondamentale, qui traverse notre société : celle de l’espérance de vie, et surtout de l’espérance de vie en bonne santé.
M. Jean Besson. Eh oui !
M. Claude Domeizel. Nous savons tous que la différence d’espérance de vie entre un salarié qui travaille dans un bureau et un ouvrier, surtout exposé à la pénibilité, s’élève tout de même à sept ans.
Mais nous savons aussi que l’espérance de vie en bonne santé diminue depuis 2008. Entre 2008 et 2010, elle est passée de 62,7 ans à 61,9 ans pour les hommes, et de 64,6 ans à 63,5 ans pour les femmes.
Ces chiffres montrent à quel point les dispositifs actuels sont inefficaces et à quel point les conditions de vie et de travail se durcissent, pas seulement en raison de la crise, mais aussi en raison de contraintes de productivité de plus en plus lourdes.
Il faut donc agir, et nous l’assumons pleinement. Ainsi, il est juste que les employeurs, qui bénéficient par ailleurs de plusieurs dispositifs fiscaux, participent au financement. Au demeurant, leur participation sera différenciée selon la dangerosité des travaux effectués, comme c’est déjà le cas pour la branche accidents du travail et maladies professionnelles.
J’observe aussi que la prévention, bien mise en œuvre, sera source d’économies dans le domaine de la réparation.
Je note enfin, s’agissant des salariés des trois fonctions publiques qui relèvent ou non des dispositions statutaires du service actif, qu’une concertation s’ouvrira dès l’année prochaine afin qu’ils puissent également bénéficier du dispositif que nous mettons en place.
Au total, le dispositif concernant la pénibilité représente une avancée importante, à laquelle l’ensemble du monde du travail doit participer. Il lui appartient maintenant de s’en saisir !
M. le président. La parole est à Mme Gisèle Printz, sur l’article.
Mme Gisèle Printz. Enfin, nous avons ici l’occasion de parler d’une loi prenant réellement en compte la pénibilité au travail. Certes, depuis 2003, une action était engagée, mais si le thème de la pénibilité était retenu, la négociation devant la définir et la prendre en compte n’a pas abouti.
Ensuite, en 2008, le rapport de Jean Frédéric Poisson a permis, après moult négociations, de définir les dix critères de pénibilité figurant dans la loi de 2010. Cette loi devait aussi comporter une obligation de négociation, à compter du 1er janvier 2012, pour les entreprises d’au moins cinquante salariés.
Malheureusement, force est de constater qu’au 31 août 2013, seulement quinze branches et 4 800 entreprises ont conclu un accord. On peut noter l’ampleur de la tâche restant à accomplir pour une prise en compte de la pénibilité concernant tous les salariés de notre pays.
Jusqu’à ce projet de loi, le modèle à travers lequel le législateur a approché la question de la pénibilité s’est avéré essentiellement axé sur la réparation des dégâts causés par des conditions de travail pénibles, bien plus que sur la prévention. La raison en est assez simple : le législateur s’est plus positionné du côté du patronat que du côté des salariés.
Grâce au gouvernement de François Hollande, nous changeons clairement de perspective avec cette réforme. Tout en s’appuyant sur certaines analyses du patronat, le Gouvernement se positionne aux côtés des salariés et de leurs représentations syndicales.
Désormais, la pénibilité ne sera plus traitée a posteriori et de manière incomplète, mais par la prévention. Tout en maintenant l’IPP – l’incapacité permanente partielle – instaurée par la loi de 2010, cette réforme envisage une réponse globale.
Jusqu’à 20 % des salariés du secteur privé seront concernés par la mise en place du compte personnel de prévention de la pénibilité qui permettra, à la fois, de bénéficier d’une formation en vue d’une réorientation professionnelle, de financer un maintien de rémunération lors d’un passage à temps partiel en fin de carrière, et de bénéficier de trimestres supplémentaires – dans la limite de huit trimestres pour une retraite à soixante ans.
Enfin, nous pouvons dire que cette réforme mettra à contribution tous les acteurs : le salarié qui pourra choisir entre différentes options pour conduire sa fin de carrière, les représentants des organisations syndicales au sein des CHSCT, les comités d’hygiène, de sécurité et des conditions de travail, ainsi que les employeurs par un financement de 0,2 % du fonds destiné au financement des droits liés au compte de pénibilité.
Cet article sur la prise en compte de la pénibilité vise à protéger ceux qui risquent leur santé au travail. Notre gouvernement reconnaît enfin le problème des salariés soumis à la pénibilité en améliorant leur système de retraite.
M. le président. La parole est à M. Roland Courteau, sur l’article.
M. Roland Courteau. Je souhaitais initialement m’exprimer sur la pénibilité à l’article 6, mais, monsieur le président, j’y renonce pour le faire à l’article 5.
Madame la ministre, dans ce projet de loi, vous avez souhaité mettre en place une série de dispositions relatives à la pénibilité pour tenter de gommer certaines inégalités entre ceux qui sont soumis à des travaux pénibles et les autres.
Je souhaite soutenir cette initiative qui répond, à mon sens, à un impératif de justice. Comment, en effet, ne pas différencier tel salarié, qui travaille en extérieur et met en jeu son intégrité physique, d’un cadre exerçant son activité dans une société ? Comment imaginer qu’à cinquante-cinq ans, cinquante-six ans ou soixante ans, on puisse encore travailler à la réfection des routes ou sur une chaîne de montage ?
Force a été de le constater, les mesures qui existaient jusqu’à présent – je pense aux accords sur la pénibilité de la loi de 2010, avec l’obligation de négociation sur la pénibilité au travail – n’ont pas donné les résultats escomptés.
Le nombre des accords de branche conclus s’est situé bien en deçà de ce que nous aurions pu espérer, avec quinze accords au 31 août 2013, sans parler du fait qu’ils ne s’appliquaient qu’aux entreprises de plus de 50 salariés, laissant de nombreux salariés, qui méritaient pourtant d’en bénéficier, en dehors du système.
Oui, il était urgent de traiter cette question, qui constitue un réel problème de société. En 2013, l’espérance de vie d’un cadre, à trente-cinq ans, est plus élevée de sept ans en moyenne que celle d’un ouvrier – M. Domeizel vient de le rappeler utilement. Les personnes occupant les professions les plus qualifiées ont, à cinquante ans, une espérance de vie supérieure de neuf ans à celle des ouvriers.
En 2010, on nous avait dit et redit que les décisions prises allaient financer durablement le système des retraites – c’était promis, juré ! On sait aujourd’hui ce que valaient ces propos…
En 2010, on nous disait que la pénibilité était bien prise en compte. En fait, c’était l’incapacité permanente et avérée qui était prise en compte…
Et en 2013, si j’en crois certains propos tenus à droite, les progrès proposés par le Gouvernement inciteraient en fait les salariés à conserver des travaux pénibles ! C’est incroyable ! Pourquoi ne pas affirmer que les salariés n’iraient plus désormais rechercher que des travaux pénibles…
En fait, en 2010, n’ont été prises en compte que les expositions aux risques qui ont un impact immédiat sur la santé des salariés et non un impact différé sur l’espérance de vie.
Comme vous, madame la ministre, nous estimons qu’il est légitime de compenser les atteintes irréversibles portées à la santé des personnes par leur exposition à des facteurs de risque professionnels.
Eh oui, le travail effectué à des températures extrêmes, ça existe ! Les postures pénibles, le bruit, le travail répétitif, le travail de nuit, ça existe ! Les horaires alternants, les manutentions manuelles de charges, ça existe !
Voilà pourquoi, mes chers collègues, le compte de pénibilité par points concilie prévention et surtout réparation de la pénibilité.
Ce compte permettra, en cumulant des points, d’anticiper le départ à la retraite de deux années et demie. Il permettra aussi à ceux qui le souhaitent de suivre une formation en vue d’une réorientation professionnelle vers un emploi moins pénible. Je pense en particulier aux salariés qui ne sont pas encore proches de la retraite. Enfin, pour d’autres, il contribuera au maintien d’une rémunération tout au long de la vie en cas de passage à un temps partiel en fin de carrière.
Je crois qu’il s’agit de mesures justes et nécessaires, qui prennent en compte des situations que nous ne ferons peut-être pas disparaître entièrement, mais qu’il nous revient de compenser et de réparer. C’est pourquoi je tenais à soutenir ces dispositions, par simple souci de justice, car il n’est de pire inégalité que celle qui réserverait à certains salariés une retraite plus courte, parce que leur espérance de vie serait raccourcie du fait d’une vie profondément marquée par des travaux pénibles. (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste et du RDSE.)
M. le président. La parole est à M. Jean-Yves Leconte, sur l’article.
M. Jean-Yves Leconte. Nous avons appris, hier, la libération de quatre otages français enlevés au Niger : je tiens à saluer leur courage et à rendre hommage à ceux qui ont travaillé à leur libération. Cet événement vient aussi nous rappeler que les Français travaillant à l’étranger peuvent également être exposés à des risques et à des situations particulièrement pénibles. L’exemple est certes extrême, mais je souhaitais néanmoins témoigner de cette situation.
À l’étranger, la protection sociale est la plupart du temps du ressort du pays dans lequel nos compatriotes travaillent. Elle est plus ou moins bonne, en fonction des pays de résidence. La Caisse des Français de l’étranger, la CFE, comme nous le rappelait Jean-Pierre Cantegrit en discussion générale, permet d’assurer aux Français de l’étranger qui le désirent une continuité avec la protection sociale française, en particulier en ce qui concerne la retraite.
Même si beaucoup de Français de l’étranger n’exercent pas les métiers pénibles que nous pouvons observer en France, un certain nombre de risques et de situations sont identiques : l’exposition au bruit, le travail sur des plateformes, dans des mines, sur des sites pétrochimiques ou chimiques et des sites de production sont tout de même relativement courants.
Les personnes qui font aujourd’hui appel à la CFE pourraient également être intéressées et avoir droit, de manière complètement légitime, au compte personnel de prévention de la pénibilité, ce qui n’est pas prévu pour l’instant. Bien entendu, le code du travail s’applique en France mais pas à l’étranger, où nous ne disposons pas de la souveraineté pour contrôler ce type de situations pénibles. Toutefois, à partir du moment où l’adhésion au système de retraite est volontaire pour les Français de l’étranger, nous pourrions tout à fait imaginer que l’adhésion au compte personnel de prévention de la pénibilité le soit aussi pour les Français qui seraient exposés à ce type de risques.
L’amendement que j’avais déposé sur ce point, madame la ministre, a été déclaré irrecevable aux termes de l’article 40 de la Constitution. Cela m’a d’ailleurs semblé un peu excessif, dans la mesure où le président de la commission des finances est parti du principe que proposer aux Français de l’étranger qui exercent un travail pénible d’adhérer volontairement à ce compte personnel de pénibilité engendrerait nécessairement une charge, comme s’il ne pouvait pas y avoir de compensation.
Quoi qu’il en soit, madame la ministre, je souhaiterais savoir s’il serait possible, afin d’assurer une certaine continuité de la protection sociale à l’étranger via la Caisse des Français de l’étranger, d’appliquer par la voie réglementaire les avancées sociales qui sont prévues dans ce projet de loi aux Français de l’étranger qui le souhaiteraient, dès lors que ceux-ci cotisent de manière volontaire pour la retraite.
M. le président. La parole est à M. Philippe Bas, sur l’article.
M. Philippe Bas. Je ne voudrais certes pas m’opposer au progrès que représente la prise en compte de la pénibilité dans le calcul des droits à la retraite. Nous avons nous-mêmes recherché les voies d’une meilleure intégration de cette dimension dans notre système de retraite : nous l’avons fait en 2003, avec la création du régime de départ anticipé, une avancée fortement réclamée par les syndicats qui ont approuvé cette réforme et contribué à sa légitimité ; nous l’avons encore fait avec la réforme de 2010, qui a fait avancer le concept de pénibilité dans notre droit.
Cependant, à côté du régime des retraites qui mobilise toute notre attention, il y a aussi la dimension sociale très importante que constitue la prévention des risques et des maladies professionnelles. Or j’observe que les modalités d’application du dispositif tel qu’il a été conçu par le Gouvernement viennent percuter notre système de prévention des risques professionnels de manière extrêmement dangereuse. C’est si vrai que les membres du Conseil d’orientation sur les conditions de travail, tant du côté patronal que du côté syndical, se sont unanimement inquiétés, le 13 septembre dernier, de ces innovations.
Je m’en explique. Notre système de prévention des risques et des maladies professionnelles repose désormais sur la traduction en droit interne d’un certain nombre de directives européennes relatives aux conditions de travail : trois séries de directives sur les conditions de travail ont ainsi été transposées dans nos lois et nos règlements ; elles ont également donné lieu à de très nombreux accords collectifs de travail.
L’ambition de ce système de prévention des risques et maladies professionnelles est très simple : c’est la suppression des risques professionnels, le risque zéro dont chacun sait bien qu’il n’existe pas mais vers lequel il nous faut tendre. Ce système s’applique à tous les travailleurs. Et voici que fait irruption, au motif de mieux prendre en compte la pénibilité dans le calcul des droits à la retraite, un dispositif qui prétend s’appliquer aux 18 % des travailleurs qui seraient les plus exposés aux risques et qui va, en quelque sorte, absorber le système si patiemment construit avec l’accord des partenaires sociaux !
C’est là un grand danger, qui a été relevé. Bien que ce sujet ne soit pas au cœur de l’actualité, si nous laissons passer ce dispositif tel qu’il a été conçu, nous serons confrontés à de graves difficultés et, en réalité, à un affaiblissement redoutable de la protection des travailleurs face aux risques professionnels, puisque l’on ne s’intéresserait plus qu’à ceux d’entre eux qui seraient les plus exposés aux risques professionnels.
L’incorporation au régime actuel d’un système de seuils d’exposition qui seraient tolérés est tout simplement antagonique. C’est la raison pour laquelle je m’étonne que le ministre du travail n’ait pas pris une position plus ferme dans ce débat, pour défendre les intérêts des travailleurs exposés aux risques professionnels face à un dispositif qui est conçu non pas pour la prévention des risques mais pour le calcul des retraites. On comprend d’ailleurs que, si l’on ne s’intéresse qu’à la dimension de la retraite, on laisse de côté les questions de prévention des risques auxquelles il faut pourtant s’intéresser également.
Je formulerai un autre reproche, également très important même s’il l’est un peu moins que le précédent, que les partenaires sociaux ont également exprimé : les causes de maladies professionnelles que sont les risques psychosociaux et le stress ne sont nullement prises en compte dans le régime du compte personnel de prévention de la pénibilité tel qu’il a été élaboré par le Gouvernement.
Pour toutes ces raisons, il me semble qu’il faudrait remettre l’ouvrage sur le métier et essayer de trouver un dispositif qui permette à la fois de mieux compter la pénibilité dans les droits à la retraite, ce que les majorités successives ont toutes essayé de faire, sans pour autant fragiliser la protection des travailleurs du point de vue de leur sécurité et des conditions de travail.
M. le président. La parole est à M. Gérard Longuet, sur l’article.
M. Gérard Longuet. Combattre la pénibilité, s’efforcer d’améliorer les conditions de travail est un devoir absolu auquel personne ici ne songe à se soustraire. C’est une tâche extrêmement difficile à laquelle nous nous étions attelés, vous avez bien voulu le rappeler, en 2003. Des négociations entre employeurs et salariés ont fonctionné, à un rythme que l’on peut qualifier de réfléchi et de mesuré.
Vous nous proposez, madame le ministre, une mesure globale avec un compte personnel de prévention de la pénibilité. C’est un hommage que vous rendez au régime de retraite par points, puisque vous individualisez non pas des avantages mais des efforts et, ce faisant, permettez aux salariés de les affecter, dans des conditions que l’examen des articles me permettra de préciser, à différentes solutions, y compris l’avancement de l’âge de la retraite.
Mon intervention portera sur un point qui est assez proche de celui qu’a évoqué Philippe Bas, mais qui s’en distingue, à savoir le transfert de responsabilité. Philippe Bas souligne que la création du compte de pénibilité ne doit pas être l’occasion de différer l’amélioration des conditions de travail pour tous. Je voudrais insister, quant à moi, sur le risque – je parle avec prudence – de transfert de charge de l’employeur vers les régimes de retraite. La pénibilité est une évidence ; elle est reconnue dans beaucoup de professions – pas dans toutes – et se traduit par des dispositions salariales plus avantageuses.
Je suis élu d’une région de tradition industrielle, la Lorraine, où le travail sous-terrain et le travail posté ont toujours bénéficié, et à juste titre, d’avantages salariaux significatifs. Les salaires de l’industrie sont évidemment insuffisants, le groupe communiste me le dirait, mais je constate qu’au XIXe siècle les salaires pratiqués dans les mines de fer ont absorbé sans aucun problème la totalité de la population rurale disponible de mon département, car elle préférait la sécurité d’un revenu mensuel et une organisation du travail, qui n’était certes pas exemplaire au regard des critères actuels mais constituait un vrai progrès social par rapport aux conditions du travailleur rural et agricole de l’époque.
La pénibilité a été prise en compte depuis longtemps par l’employeur, qu’il s’agisse de l’attractivité des salaires et, sans doute, du paternalisme qui paraît aujourd’hui désuet mais qui était animé de bonnes intentions, comme nous l’avons vu avec les lois sociales allemandes, lesquelles découlaient en réalité, après l’annexion due au traité de Francfort, des accords patronaux alsaciens.
Je ne voudrais pas que la mise en place d’un « compte pénibilité » puisse apparaître comme exonérant l’employeur de l’obligation de récompenser les salariés qui acceptent le travail posté, le travail dans des conditions difficiles, le travail exposé à la chaleur ou aux intempéries. Il faut veiller à ce que la politique salariale tienne compte des difficultés de façon continue, ce qui se traduit d’ailleurs par des avantages en termes de retraite. En effet, les vingt-cinq meilleures années étant prises en compte dans le calcul de la retraite du salarié du secteur privé, la reconnaissance de la pénibilité se traduit favorablement dans le calcul de celle-ci.
Madame le ministre, j’attire donc votre attention sur cet article. Nous éprouvons un grand intérêt pour votre démarche. Cependant, ne transférons pas la responsabilité de l’employeur sur un régime collectif de retraites : c’est à l’employeur de payer la pénibilité que le salarié accepte librement d’assumer, parce qu’il y trouve en contrepartie son compte sur le plan salarial. (Applaudissements sur les travées de l’UMP et de l’UDI-UC.)
M. le président. Je suis saisi de douze amendements faisant l’objet d’une discussion commune.
L’amendement n° 265, présenté par MM. Longuet et Cardoux, Mmes Boog, Bruguière, Bouchart, Cayeux, Debré et Deroche, M. Dériot, Mme Giudicelli, MM. Gilles et Husson, Mme Hummel, MM. Fontaine, de Raincourt, Laménie et Milon, Mme Kammermann, M. Pinton, Mme Procaccia, M. Savary et les membres du groupe Union pour un mouvement populaire, apparentés et rattachés, est ainsi libellé :
Rédiger ainsi cet article :
À compter de la promulgation de la présente loi, les branches professionnelles négocient sur la définition de critères d’évaluation de la pénibilité ainsi que sur la mise en place de dispositifs de compensation de la pénibilité et sur leur financement, dans le respect des principes généraux de prévention, d’amélioration des conditions de travail et de droit à l’information.
La parole est à M. Gérard Larcher.
M. Gérard Larcher. En écoutant les différentes interventions sur l’article 5, je me suis dit que les difficultés que nous connaissions depuis la réforme des retraites de 2003 pour définir la pénibilité n’étaient guère réglées. En effet, nous risquons d’aboutir à une liste extrêmement longue et variée – et je n’ose évoquer la question des Français établis hors de France –, qui ne définira pas pour autant ce qu’est la pénibilité. Or c’est bien sur cet obstacle que nous butons.
Madame la ministre, pensez-vous vraiment qu’un texte législatif résoudra ce problème ?
Nous connaissons bien la question de la prévention, qu’a évoquée Philippe Bas. Elle a fait l’objet d’un travail avec l’Agence nationale pour l’amélioration des conditions de travail.
M. Philippe Bas. Oui !
M. Gérard Longuet. C’est exact !
M. Gérard Larcher. De la même façon, depuis le début du XXe siècle, nous avons travaillé de manière empirique sur la prévention au travail, quand pénibilité rimait avec mortalité précoce, qu’il s’agisse des mineurs, des marins, en particulier les marins au long cours, des chauffeurs de locomotive à vapeur, des travailleurs exposés aux risques chimiques. D’ailleurs, sur ce dernier point, le plan REACH nous a fait progresser en matière de prévention à l’échelle européenne.
Il nous est arrivé de ne pas tirer les conséquences des changements des conditions de travail et de laisser de côté certains secteurs. Je pense au dossier de l’amiante que j’ai eu à traiter à l’époque. Les « préretraites amiante » ont en quelque sorte constitué une compensation de cette absence de prévention.
Sur la question qui nous occupe, mes chers collègues, au-delà des aspects financiers – et nous voyons bien que nous ignorons encore le coût de cette mesure –, il nous faudra veiller à ce que cette fiche individuelle ne devienne pas un nouveau livret ouvrier, ce document qui, je le rappelle, marquait les parcours professionnels et était un facteur de discrimination indirecte.
C’est la raison pour laquelle, à l’issue de ce débat sur l’article 5, il me paraît essentiel, en application d’un texte qui m’est cher, celui de l’agenda social de 2007 (Sourires sur les travées de l’UMP), de renvoyer ce sujet à la négociation entre partenaires sociaux. Cela permettrait de franchir un pas majeur, car nous pourrions assigner à cette discussion un objectif et une date butoir. Tel est le sens de cet amendement.
Si nous agissons autrement, mes chers collègues, vous verrez que, de décret en décret, nous aurons les pires difficultés à définir la pénibilité. Nous serons sans cesse confrontés à des procédures reconventionnelles sur les décisions qui auront été prises. Nous n’avons donc pas d’autre solution. Si la discussion entre partenaires sociaux n’aboutit pas, le Parlement, s’inspirant de la négociation, devra être saisi de la question de la définition de la pénibilité.
Malgré les difficultés et les échecs que nous avons connus sur ce dossier – j’en sais quelque chose ! –, je le répète, il nous faut impérativement repasser par la case partenaires sociaux. En effet, ce n’est pas au détour d’un texte de cette nature que nous pourrons définir la pénibilité une fois pour toutes ; en revanche, nous pouvons fixer les conditions et les objectifs d’ouverture d’un compte individuel, ce qui nous renvoie au débat que nous avons eu hier, notamment avec Jean-Marie Vanlerenberghe. Dans le cas contraire, croyez-moi, ce sujet ne sera pas clos avant longtemps ! (Applaudissements sur les travées de l’UMP et de l’UDI-UC.)
M. le président. L’amendement n° 137, présenté par Mme David, M. Watrin, Mmes Cohen et Pasquet, M. Fischer et les membres du groupe communiste républicain et citoyen, est ainsi libellé :
Alinéa 4
Supprimer cet alinéa.
La parole est à M. Michel Le Scouarnec.
M. Michel Le Scouarnec. Cet amendement est bref, mais utile.
Pour en présenter l’objet, je ne résiste pas au plaisir de vous rappeler le célèbre sketch de Fernand Raynaud, Le fût du canon. (Exclamations amusées.) Interpellé par son officier, un soldat ne sait que répondre à la question : « Combien de temps met le fût du canon pour refroidir ? » Il est vrai qu’il n’avait pas intégré de grandes écoles comme certains d’entre vous... (Sourires.) Devant son incompétence, l’officier lui lit la phrase du manuel : « Un certain temps. » (Nouveaux sourires.)
Depuis, chaque fois que je croise le terme « certain » ou une imprécision de ce type dans un document officiel, surtout lorsqu’il s’agit d’une loi, je trouve cela pour le moins inapproprié et me remémore cette scène.
Madame la ministre, l’expression « certains seuils » peut être porteuse du meilleur ou du pire pour les salariés à qui elle sera opposée. Comme votre collègue Michel Sapin, vous êtes quotidiennement interpellée par des salariés victimes de l’amiante et, vous le savez, les seuils ne peuvent recouvrir toutes les situations.
Que dire des salariés qui sont exposés à la radioactivité souvent longtemps, mais toujours en dessous du seuil de dangerosité ? Pourtant, cette exposition a des conséquences sur leur santé, comme l’a reconnu récemment une décision de justice condamnant l’entreprise EDF pour ces motifs.
La définition du seuil est repoussée à la rédaction du décret. Nous pensons, pour notre part, qu’il faut supprimer cette référence, qui est source de complexité, mais aussi d’insécurité pour les travailleurs. Ce sont les salariés eux-mêmes qui sont les mieux placés pour définir la pénibilité, ceux qui la subissent et ceux qui défendent leurs intérêts. Faisons leur confiance ! (Applaudissements sur les travées du groupe CRC, du groupe socialiste et du groupe écologiste.)
M. le président. L’amendement n° 138, présenté par Mme David, M. Watrin, Mmes Cohen et Pasquet, M. Fischer et les membres du groupe communiste républicain et citoyen, est ainsi libellé :
Alinéa 4
Rédiger ainsi cet alinéa :
a) À la première phrase, après les mots : « travailleur exposé », sont insérés les mots : « , au-delà de certains seuils déterminés par décret après avis conforme des organisations représentant les salariés et les employeurs » ;
La parole est à Mme Michelle Demessine.
Mme Michelle Demessine. Cet amendement pourrait paraître de pure forme. Il n’en est rien. Il témoigne au contraire de notre inquiétude. Cette préoccupation s’exprime d’ailleurs sur toutes les travées, même si ce n’est pas pour les mêmes motifs.
Madame la ministre, vous n’avez pas voulu nous entendre sur la notion de seuil, nous le regrettons. Nous continuons de préférer la formulation de l’article L. 4121-3-1 du code du travail actuellement en vigueur qui parle de « facteurs de risques professionnels ». Elle nous paraît plus ouverte et moins floue.
L’article 5 prévoit que ces seuils seront fixés par décret. Nous souhaitons préciser « après avis conforme des organisations représentant les salariés et les employeurs. » Nous voulons en effet que cette notion de seuils que vous maintenez soit au moins la plus consensuelle possible, afin d’éviter les interprétations et la multiplication des recours en justice.
Vous avez renforcé le dialogue avec les organisations syndicales et c’est une bonne chose. Vous avez d’ailleurs tellement « sacralisé » ce dialogue que vous avez même tenté d’amoindrir l’apport de la représentation nationale aux questions relatives au droit du travail. C’est bien ce que nous avons vécu lors du débat sur la transcription de l’Accord national interprofessionnel : tout l’accord, rien que l’accord !
Cette page est d’ailleurs loin d’être tournée. Les salariés commencent à subir les conséquences de cette « libéralisation » du marché du travail et les abus des entreprises que nous prévoyions commencent malheureusement à devenir réalité. Bon nombre de salariés découvrent en effet avec effarement qu’ils peuvent être remerciés aujourd’hui, quasi manu militari, après de bons et loyaux services, sans avoir eu le temps d’émettre la moindre contre-proposition ni même de se défendre contre la fâcheuse tendance qu’ont certains groupes à provoquer des faillites de leurs filiales pour se séparer à moindre coût de leur personnel.
Par conséquent, accordez-nous, sans jeu de mots aucun, cet amendement qui renforcera le dialogue social en amont de la publication du décret. Les organisations syndicales ouvrières ont travaillé à cette question de la pénibilité pendant toute la phase de préparation de ce projet de loi, même si, j’en conviens, toutes n’ont pas la même lecture de ce texte.
À l’instar de mon collègue, je souligne que l’histoire de la pénibilité dans notre pays est jonchée d’expériences douloureuses et devrait nous appeler à une plus grande vigilance dans l’examen des situations. Une région comme la mienne a payé un lourd tribut avec la silicose et l’amiante.
Les organisations syndicales seraient très satisfaites que l’adoption d’un amendement sénatorial renforce leurs prérogatives, leur accordant ce que je me permets d’appeler un « droit de suite » législatif. Sur un sujet comme celui-ci, l’apport des organisations syndicales représentant les salariés et les employeurs est indispensable. (Applaudissements sur les travées du groupe CRC.)
Mme Laurence Cohen. Bravo !
M. le président. L’amendement n° 139, présenté par Mme David, M. Watrin, Mmes Cohen et Pasquet, M. Fischer et les membres du groupe communiste républicain et citoyen, est ainsi libellé :
Après l’alinéa 4
Insérer un alinéa ainsi rédigé :
...) À la première phrase, après le mot : « santé, », sont insérés les mots : « et après consultation du comité d’hygiène, de sécurité et des conditions de travail, dans le cadre de ses missions définies à l’article L. 4612-2 du présent code, ou des délégués du personnel dans les entreprises de moins de cinquante salariés » ;
La parole est à Mme Annie David.
Mme Annie David. Les comités d’hygiène, de sécurité et des conditions de travail, les CHSCT, doivent intervenir dans la définition de la pénibilité. Oui, nous sommes attachés à ce que la pénibilité, sa définition, la question des seuils, si ardemment défendue par les organisations syndicales, n’échappe pas à leur nécessaire vigilance. Malheureusement, nous avons souvent vu le patronat combattre pied à pied des avancées sociales quand il était le seul aux manettes.
Il s’agit donc de préciser que les instances représentatives du personnel – le CHSCT, à défaut le comité d’entreprise ou les délégués du personnel – sont associées en amont à la définition de la pénibilité.
La tendance à minorer la pénibilité du travail, comme tous les maux sociaux dans les entreprises, est hélas ! une vieille habitude des employeurs. Ainsi, combien a-t-il fallu de suicides à France Télécom ces dernières années pour que l’on reconnaisse enfin que l’organisation même du travail voulue par la direction créait du stress et conduisait à un harcèlement massif des salariés ?
La pénibilité est une chose trop importante pour en laisser la définition aux seuls employeurs, si je puis paraphraser un ancien président de la Ve République, et non des moindres !
La contre-expertise sociale des salariés et de leurs représentants est indispensable, surtout lorsqu’il s’agit, au bout de la chaîne, d’ouvrir des droits nouveaux, en l’espèce le droit de partir plus tôt à la retraite, puisque ce sera l’une des trois possibilités offertes par le compte prévention de la pénibilité.
Nous sommes pour la définition la plus large de la notion de pénibilité. C’est pourquoi nous pensons que la consultation du CHSCT et ou des instances représentatives du personnel est indispensable.
M. le président. L’amendement n° 330 rectifié, présenté par M. Desessard, Mme Archimbaud, M. Placé et les membres du groupe écologiste, est ainsi libellé :
Après l’alinéa 4
Insérer un alinéa ainsi rédigé :
...) À la même phrase, après le mot : « santé, », sont insérés les mots : « et après consultation du médecin du travail » ;
La parole est à M. Jean Desessard.
M. Jean Desessard. Cet article renforce la fiche de prévention de la pénibilité, qui devient un véritable fichier, exhaustif, chiffré et concret, regroupant les différents facteurs de pénibilité.
La définition des seuils constitue également une avancée majeure. Désormais, les risques seront quantifiés, ce qui permet de sortir des simples déclarations d’intention. Nous serons naturellement attentifs aux décrets d’application, mais nous saluons l’initiative.
M. Roland Courteau. C’est bien !
M. Jean Desessard. Il est prévu que la fiche ainsi établie par l’employeur est communiquée au service de santé au travail qui la transmet au médecin du travail. Si ce début de dialogue est bénéfique, nous considérons qu’il ne va pas assez loin. En effet, le dispositif actuel précise simplement les modalités de communication du contenu de la fiche, préalablement établi par l’employeur. Nous estimons au contraire que le dialogue doit se situer en amont pour être réellement efficace.
En conséquence, nous proposons que la médecine du travail soit consultée avant l’établissement de la fiche. En effet, le médecin du travail, par son expérience et sa position dans le monde du travail, connaît les situations à risque d’une manière concrète, puisque son rôle est de constater, prévenir et combattre les dommages à la santé dans le monde professionnel.
Ces missions s’inscrivent parfaitement dans la logique de lutte contre la pénibilité des articles 5 et 6 du présent projet de loi. En prévoyant les conditions d’une réelle consultation, notre amendement vise à mettre la médecine du travail au service des employés en situation de travail pénible et à permettre un éclairage médical des décisions de l’employeur, axé sur la santé des travailleurs.
Intégrer a priori la médecine du travail au dispositif sera également de nature à renforcer la transparence et la clarté du processus pour l’employeur et permettra au salarié de disposer d’une preuve incontestable de la pénibilité de son poste. Les risques de recours contentieux s’en trouveront ainsi réduits et l’accent mis sur la prévention se fera au bénéfice de l’employeur comme du salarié. (Applaudissements sur les travées du groupe écologiste.)
M. le président. L’amendement n° 407, présenté par Mme Demontès, au nom de la commission des affaires sociales, est ainsi libellé :
Après l’alinéa 4
Insérer un alinéa ainsi rédigé :
…) À la même phrase, après les mots : « les conditions de pénibilité » sont insérés les mots : « résultant de ces facteurs » et après les mots : « disparaître ou réduire » sont insérés les mots : « l’exposition à » ;
La parole est à Mme la rapporteur.
Mme Christiane Demontès, rapporteur. Cet amendement tend à apporter des précisions rédactionnelles à l’article relatif à la fiche de prévention de la pénibilité, afin de faciliter sa compréhension : ce sont bien les conditions de pénibilité résultant des facteurs de risques professionnels qui doivent être suivies, et les efforts de l’employeur doivent porter sur la réduction de l’exposition des salariés à ces facteurs.
M. le président. L’amendement n° 141, présenté par Mme David, M. Watrin, Mmes Cohen et Pasquet, M. Fischer et les membres du groupe communiste républicain et citoyen, est ainsi libellé :
Alinéa 9
Compléter cet alinéa par une phrase ainsi rédigée :
L’ensemble des fiches individuelles est présenté chaque année au comité d’hygiène de sécurité et des conditions de travail, ou à défaut aux délégués du personnel.
La parole est à Mme Isabelle Pasquet.
Mme Isabelle Pasquet. Par cet amendement, nous entendons revenir sur la question de la mise en œuvre pratique du dispositif de prise en compte de la pénibilité.
La fiche de prévention des expositions, qui viendra compléter le dispositif existant des fiches d’exposition aux risques professionnels créé en 2010, constitue le pivot du compte individuel. C’est sur la base de ces fiches, en effet, que les droits des salariés seront mesurés.
Certes, l’alinéa 12 de l’article 5, dans sa rédaction actuelle, prévoit que l’employeur remet chaque année au comité d’hygiène, de sécurité et des conditions de travail, le CHSCT, ou, à défaut, dans les entreprises de moins de 50 salariés, aux délégués du personnel, « un bilan de l’application du présent article ». Ce bilan devra inclure le nombre de fiches complétées, les conditions de pénibilité auxquelles sont exposés les salariés, ainsi que les mesures préventives mises en œuvre par l’employeur.
Cette disposition est salutaire : elle permet au CHSCT de jouer pleinement son rôle de veille permanente. En ce sens, les travaux de l’Assemblée nationale ont enrichi le projet de loi.
Pour autant, le CHSCT se verra communiquer uniquement un bilan sur l’application de l’article 5 et non pas les fiches elles-mêmes, ce qui le privera de toute possibilité d’en vérifier la réalité. Qui plus est, si le projet de loi prévoit que les salariés peuvent contester le contenu des fiches ou obtenir, en agissant en justice, leur modification, le CHSCT ne dispose, lui, d’aucune prérogative en la matière. Le risque est donc grand que des employeurs peu scrupuleux transmettent au CHSCT comme aux salariés des informations erronées qui, si elles ne sont pas contestées, pourraient le rester.
Dès lors, la transmission des fiches, et non pas simplement celle du bilan prévu par le présent article, constitue une garantie supplémentaire pour les salariés.
M. le président. L’amendement n° 142, présenté par Mme David, M. Watrin, Mmes Cohen et Pasquet, M. Fischer et les membres du groupe communiste républicain et citoyen, est ainsi libellé :
Alinéa 9
Compléter cet alinéa par une phrase ainsi rédigée :
Le non-respect des dispositions du précédent alinéa est puni d’un emprisonnement d’un an et d’une amende de 3 750 € ou de l’une de ces deux peines seulement.
La parole est à Mme Laurence Cohen.
Mme Laurence Cohen. Monsieur le président, j’aimerais rectifier l’amendement n° 142. Les remarques faites en commission par Mme la rapporteur, ce matin, me poussent en effet à supprimer la peine d’emprisonnement qu’il prévoit.
M. le président. Je suis donc saisi d’un amendement n° 142 rectifié, présenté par Mme David, M. Watrin, Mmes Cohen et Pasquet, M. Fischer et les membres du groupe communiste républicain et citoyen, et qui est ainsi libellé :
Alinéa 9
Compléter cet alinéa par une phrase ainsi rédigée :
Le non-respect des dispositions du précédent alinéa est puni d’une amende de 3 750 €.
Veuillez poursuivre, ma chère collègue.
Mme Laurence Cohen. Malgré le maintien de la notion de « seuils », particulièrement floue, je salue le premier pas que constitue ce texte en matière de pénibilité. Ce n’est d’ailleurs pas un hasard si c’est un de ses aspects, madame la ministre, qui a obtenu le soutien des organisations syndicales. Nous voudrions, dans cet esprit, contribuer à renforcer les avancées qu’il permet.
Certains considèrent, je le sais, que nous sommes méfiants à l’égard des chefs d’entreprise. Pourtant, au cours de l’examen de ce projet de loi, nous avons avancé des propositions qui permettraient d’encourager certains employeurs, notamment celle visant à moduler les cotisations sociales. L’idée, en bref, est d’encourager les entreprises vertueuses en matière d’emploi, de formation professionnelle et d’égalité entre les femmes et les hommes, et de décourager les chefs d’entreprises voyous, ceux qui ne sont que peu ou pas respectueux des normes sociales et environnementales.
La prise en compte de la pénibilité par la fiche individuelle de prévention des expositions aux risques professionnels, qui suivra le salarié dans tout son parcours professionnel, est une bonne chose. Mais l’expérience prouve – pensons à l’égalité professionnelle, mes chers collègues ! – que des mesures non contraignantes ne sont pas appliquées, aussi justes soient-elles. Or les salariés auront un besoin impérieux de cette fiche, qui permet la traçabilité de leur exposition à la pénibilité. En détenant ce document, qui est opposable, ils pourront justifier de leur histoire de vie au travail.
Il y a fort à parier que les chefs d’entreprise, s’ils doivent respecter cette obligation sans s’exposer à une sanction, auront tendance à minimiser l’exposition à la pénibilité du salarié ou à oublier de lui remettre sa fiche individuelle à son départ.
La peine que nous proposons n’est pas exorbitante, mais elle peut être dissuasive. Alors, ne nous privons pas d’offrir aux salariés une sécurité, une garantie, un « filet social » supplémentaires. De notre point de vue, madame la ministre, le nouvel acquis, que vous souhaitez introduire par la loi, a besoin d’être consolidé.
M. le président. L’amendement n° 143, présenté par Mme David, M. Watrin, Mmes Cohen et Pasquet, M. Fischer et les membres du groupe communiste républicain et citoyen, est ainsi libellé :
Après l’alinéa 9
Insérer un alinéa ainsi rédigé :
...° À la dernière phrase du second alinéa, après le mot : « travailleur, » sont insérés les mots : « ou d’incapacité supérieure à un taux fixé par décret, le conjoint, le concubin, la personne avec laquelle il a signé un pacte civil de solidarité ainsi que » ;
La parole est à M. Dominique Watrin.
M. Dominique Watrin. Mes chers collègues, comme vous le savez, l’information et la formation en matière de prévention des risques professionnels sont une obligation à la charge de l’employeur. Elles concernent tous les salariés, y compris les intérimaires, les sous-traitants, les personnels de maintenance ou d’entretien. L’objectif est de permettre aux salariés de connaître les risques professionnels auxquels ils sont exposés, d’appliquer les mesures de prévention et de savoir la conduite à tenir en cas d’accident.
Les formations relèvent de l’initiative de l’employeur. Chaque salarié doit bénéficier d’une formation pratique et appropriée en matière de sécurité à son embauche, après un arrêt de travail d’au moins 21 jours et à chaque modification technique et/ou changement de poste de travail. La formation devra être adaptée à la nature et à l’activité de l’entreprise, à sa taille, au type de risques auxquels le salarié est exposé et au poste qu’il occupe.
Nous l’avons vu, c’est le document unique des risques professionnels qui reprend les résultats de l’évaluation des risques et prescrit les actions de prévention à mettre en œuvre. Ce document est obligatoire, quel que soit le secteur ou la taille de l’entreprise. Il est l’outil incontournable de toute démarche de prévention dans l’entreprise, et doit être mis à jour au minimum tous les ans.
Par cet amendement, nous souhaitons ouvrir le droit à la communication de ce document à la famille d’un salarié décédé. Actuellement, les seuls acteurs internes à l’entreprise à avoir ce droit sont les instances représentatives du personnel, les personnes exposées à un risque pour leur sécurité ou leur santé, le médecin du travail. Pour les acteurs externes, il s’agit de l’inspection du travail ou encore des agents des services de prévention des organismes de sécurité sociale.
Il est important, vous le comprenez, que la famille du salarié malheureusement concerné puisse, si elle le juge nécessaire, déposer un recours contre l’employeur, comme c’est le cas, désormais connu et reconnu, des victimes de l’amiante.
M. le président. L’amendement n° 308, présenté par M. Patriat, est ainsi libellé :
Alinéa 11
Après le mot :
individuelle,
rédiger ainsi la fin de cet alinéa :
selon des modalités particulières.
Cet amendement n’est pas soutenu.
L’amendement n° 423, présenté par le Gouvernement, est ainsi libellé :
Alinéa 11
Remplacer les mots :
dans des conditions définies par décret en Conseil d’État
par la phrase :
. Les conditions dans lesquelles les entreprises utilisatrices transmettent ces informations et les modalités selon lesquelles l’entreprise de travail temporaire établit la fiche de prévention des expositions sont définies par décret en Conseil d’État.
La parole est à Mme la ministre.
Mme Marisol Touraine, ministre. Cet amendement a pour objet de répondre à la préoccupation qui a poussé M. Patriat à déposer l’amendement n° 308, qu’il n’a pas pu soutenir. Il tend à adapter le mécanisme d’établissement des fiches de pénibilité à la situation particulière des intérimaires.
M. le président. L’amendement n° 307, présenté par M. Patriat, est ainsi libellé :
Alinéa 12, après la deuxième phrase
Insérer une phrase ainsi rédigée :
Les entreprises utilisatrices mentionnées à l’article L. 1251-1 mettent en œuvre ces mesures pour les travailleurs temporaires mis à leur disposition.
Cet amendement n’est pas soutenu.
Quel est l’avis de la commission sur ces dix amendements restant en discussion commune ?
Mme Christiane Demontès, rapporteur. Ces amendements visent tous à améliorer le dispositif relatif à la pénibilité, sans pour autant le remettre en cause. Tout le monde semble convaincu de l’extrême importance de cet article du projet de loi.
Dans le détail, l’amendement n° 265 présenté par M. Larcher tend à mettre en place une négociation sur la question de la pénibilité au niveau des branches professionnelles. Nous avons vu apparaître cette même demande au cours des auditions que nous avons menées. Elle émanait, en particulier, des branches professionnelles organisées. C’est précisément là qu’est le problème, monsieur Larcher, et vous le savez bien !
En effet, les branches professionnelles de certains secteurs sont capables de travailler sur cette question. Quelques-unes, d’ailleurs, ont déjà mis en place des dispositifs liés à la pénibilité. Je pense en particulier à la branche professionnelle de la métallurgie et à l’Union des industries et métiers de la métallurgie, l’UIMM, qui ont beaucoup travaillé sur ce point, mais aussi à la branche chimie.
Le problème, c’est que certains secteurs d’activité ne sont pas organisés en branche professionnelle, ou ne le sont que de manière peu satisfaisante. Dès lors, vouloir que la négociation ait lieu au niveau des branches professionnelles, revient à écarter du dispositif tout un ensemble de professions dont les salariés sont exposés à des facteurs de risque. Je vois bien, monsieur le sénateur, que vous tentez de contourner cette difficulté – dans le bon sens du terme ! – en nous proposant de nous inspirer du travail réalisé sur ce point par les branches professionnelles qui ont les moyens de le faire sérieusement, avant de généraliser le dispositif.
Il a semblé à la commission que cette méthode comportait un risque. Je précise, je l’ai dit aux membres de la commission, que les dispositions du projet de loi sur la pénibilité, telles qu’elles sont rédigées, n’empêchent absolument pas qu’il puisse y avoir une négociation de branche. La loi ne l’empêche pas, monsieur le sénateur, mais elle ne la rend pas automatique non plus ! Cette solution a paru la plus judicieuse à la commission.
Par ailleurs, vous savez sûrement, monsieur le sénateur, vous qui êtes très au fait de ces questions, qu’un rapport récent, rédigé par le directeur général du travail et portant sur la réforme de la représentativité patronale, souligne la grande diversité de l’organisation des branches professionnelles. Il indique également que certaines d’entre elles adoptent une attitude très réservée sur les questions qui nous occupent.
La commission estime donc qu’il faut veiller à ne pas écarter du dispositif un certain nombre de salariés. C’est pourquoi elle a émis un avis défavorable sur l’amendement n° 265, en admettant toutefois qu’il posait une vraie question.
L’amendement n° 137 tend à la suppression des seuils minimaux d’exposition aux facteurs de pénibilité.
Pour la commission, la définition de seuils d’exposition aux facteurs de pénibilité constitue une avancée importante, pour qu’une approche la plus objective possible de la pénibilité soit adoptée et que la détermination des salariés exposés ne soit pas laissée au seul jugement de l’employeur, comme c’est le cas aujourd’hui.
Ces seuils seront également la base du compte personnel de prévention de la pénibilité. Mme la ministre nous donnera certainement des informations sur les modalités de définition de ces seuils, point sur lequel pèse aujourd’hui une interrogation.
On sait les seuils à ne pas dépasser, au-delà desquels des délits peuvent être constitués – c’est en particulier le cas de l’exposition au bruit –, mais comment définit-on les seuils minimaux ? Pour les établir, un dialogue devra s’engager, après le vote de ce texte, entre l’administration et les partenaires sociaux sur des bases les plus scientifiques possible et non arbitraires.
La commission est donc défavorable à cet amendement n° 137.
L’amendement n° 138 prévoit l’avis conforme des partenaires sociaux pour la détermination des seuils d’exposition aux facteurs de pénibilité.
Madame Demessine, en présentant cet amendement, vous avez évoqué les expériences douloureuses rencontrées dans un certain nombre de secteurs que vous connaissez bien, chère collègue. Vous souhaitez la mise en place d’un mécanisme de co-élaboration de la norme servant à la définition des seuils d’exposition à la pénibilité. Les partenaires seront, comme cela est prévu dans le projet de loi, bien évidemment consultés sur leur définition.
Vous allez me rétorquer que ce qui va sans dire va encore mieux en le disant, ou plutôt en l’écrivant…
Mme Michelle Demessine. Tout à fait !
Mme Christiane Demontès, rapporteur. Mais je pense que Mme la ministre vous confirmera que les partenaires sociaux sont bien parties prenantes de ce processus.
En revanche, faut-il leur donner un droit de veto ? Cela me paraît compliqué. Pour cette raison, la commission a émis un avis défavorable sur cet amendement. J’espère en tout cas que, si je n’ai pas convaincu mes collègues du groupe CRC, Mme la ministre réussira à le faire.
L’amendement n° 139 me paraît tout d’abord poser un problème de forme. Tel qu’il est rédigé, il n’a pas pour effet d’associer le CHSCT à la définition des postes à caractère pénible, ce qui me semble pourtant être le souhait de ses auteurs.
Je rappelle que le CHSCT est déjà consulté avant toute transformation importante des postes de travail ou toute décision d’aménagement important modifiant les conditions de santé et de sécurité ou les conditions de travail.
Il a bien pour mission, selon l’article L. 4612-2 du code du travail, de procéder à l’analyse de l’exposition des salariés à des facteurs de pénibilité. Toutefois, cette institution représentative du personnel n’a pas à connaître des cas individuels spécifiques, au même titre que le comité d’établissement, mais doit plutôt se prononcer sur la stratégie de l’entreprise en matière de prévention de la pénibilité.
De plus, l’Assemblée nationale a déjà prévu que l’employeur devra remettre chaque année au CHSCT un rapport sur l’utilisation de la fiche de prévention des expositions et sur l’évolution des conditions de pénibilité dans l’entreprise. Le CHSCT émettra un avis sur ce bilan.
C’est pourquoi, tout en comprenant bien le propos des auteurs de cet amendement, la commission en demande le retrait ; à défaut, elle émettra un avis défavorable.
L’amendement n° 330 rectifié prévoit la consultation du médecin du travail pour la définition des postes à caractère pénible dans l’entreprise.
Le médecin du travail joue déjà un rôle important en matière de prévention de la pénibilité, puisque la fiche de prévention des expositions lui est communiquée. Les services de santé au travail ont déjà, dans le cadre de leur mission générale qui est « d’éviter toute altération de la santé des travailleurs du fait de leur travail », une responsabilité en matière de prévention et de réduction de la pénibilité.
Néanmoins, la détermination des postes exposés à la pénibilité dans l’entreprise va se faire, grâce à ce projet de loi – cela veut dire qu’on va plus loin –, sur la base de critères objectifs – les dix facteurs de risques, ainsi que les seuils d’exposition – et non plus à la simple appréciation de l’employeur. L’intervention, à ce stade, de la médecine du travail ne semble pas nécessaire.
Vous savez comme moi les difficultés que connaît la médecine du travail en raison de ses moyens limités…
M. Jean Desessard. Ce n’est pas un argument !
Mme Christiane Demontès, rapporteur. Nous sommes bien d’accord, monsieur Desessard, ce n’est pas un argument !
En revanche, il me semble qu’il serait souhaitable que les entreprises fassent davantage appel à la médecine du travail lorsqu’elles élaborent des stratégies visant à répondre à ces questions, c’est-à-dire visant à faire diminuer la pénibilité, en menant une réflexion sur les conditions de travail, sur les aménagements de poste, sur l’organisation du travail, etc.
La commission est donc défavorable à cet amendement n° 330 rectifié.
L’amendement n° 141 prévoit la présentation annuelle des fiches individuelles de prévention des expositions au CHSCT.
Il me semble que le dispositif introduit par l’Assemblée nationale répond à cette préoccupation. La commission souhaite donc le retrait de cet amendement qui est redondant avec le texte adopté par l’Assemblée nationale ; sinon, elle émettra un avis défavorable.
L’amendement n° 142 rectifié est un amendement de principe : une obligation doit, pour être réellement pourvue de force obligatoire, être accompagnée d’une sanction.
Dans sa rédaction initiale, cet amendement prévoyait deux possibilités en cas de non-respect par l’employeur de ses obligations : une peine de prison ou une amende. Vous avez rectifié cet amendement, madame Cohen, en ne gardant que l’amende.
Afin d’aller au-delà de l’affichage en matière de prévention de la pénibilité et de permettre aux salariés de se prévaloir de la traçabilité des expositions afin de faire valoir leurs droits à bénéficier d’un suivi professionnel, vous proposez de sanctionner la non-remise par l’employeur aux salariés de cette attestation d’exposition.
Dans la mesure où vous avez rectifié votre amendement afin de tenir compte des remarques de la commission, je réserve mon avis en attendant de connaître celui du Gouvernement.
L’amendement n° 143 prévoit la remise d’une copie de la fiche de prévention des expositions aux membres de la famille de son titulaire si celui-ci décède ou se retrouve en situation d’invalidité.
La rédaction actuelle du code du travail prévoit que les ayants droit du salarié peuvent obtenir copie de la fiche en cas de décès de celui-ci. Ont bien la qualité d’ayants droit le conjoint, le concubin ou la personne avec laquelle le PACS a été signé. Cet amendement est satisfait sur ce point.
Quant à la transmission de la fiche à la famille en cas d’invalidité, cette précision ne semble pas nécessaire, puisque la fiche sera déjà en possession du salarié, qui pourra en demander copie à tout moment.
Je vous demande donc, monsieur Watrin, de bien vouloir retirer cet amendement, sur lequel la commission avait émis un avis défavorable.
L’amendement n° 423 du Gouvernement – que la commission des affaires sociales n’a pu examiner – a trait, ainsi que l’a dit Mme la ministre, au cas spécifique des intérimaires. J’y suis favorable à titre personnel, car il clarifie le texte et répond aux préoccupations de notre collègue François Patriat, dont les amendements n’ont pas été soutenus.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
Mme Marisol Touraine, ministre. Après les explications aussi précises que remarquables de Mme la rapporteur sur cette série d’amendements, je vais aller à l’essentiel en me concentrant sur les points qui appellent quelques précisions de la part du Gouvernement.
Je veux avant tout indiquer que, comme cela a été souligné à plusieurs reprises tant dans la discussion générale que lors de la présentation de certains amendements, cet article 5 constitue, à l’évidence, une des pièces maîtresses du texte présenté par le Gouvernement. Il s’agit de prendre en compte la pénibilité pour la définition des conditions de départ en retraite, mais pas exclusivement.
Nous verrons ainsi, à l’article 6, que la prise en compte de la pénibilité passe par la mise en place d’un compte personnel de prévention de la pénibilité. Le Gouvernement souhaite tenir compte des situations de pénibilité pour les modalités de départ en retraite, mais il veut aussi renforcer les mesures de prévention de ces situations.
En vertu du dispositif défini par le Gouvernement à cet article 6, les salariés pourront utiliser les points qu’ils auront accumulés pour accéder à des formations leur permettant de se réorienter dans leur vie professionnelle. Afin de bien marquer la priorité que nous donnons à la prévention, les vingt premiers points accumulés devront obligatoirement être utilisés pour se former.
M. Roland Courteau. Très bien !
Mme Marisol Touraine, ministre. Des conditions transitoires sont définies pour que les salariés les plus proches de la retraite ne pâtissent pas de ce dispositif.
Il s’agit donc bien, dans son principe, d’une avancée majeure en termes de prévention.
Par ailleurs, je tiens à souligner que les politiques de prévention qui ont été mises en place dans les entreprises n’ont pas lieu d’être abandonnées du fait de la mise en œuvre du dispositif de prise en compte de la pénibilité.
Sur l’amendement n° 265 présenté par M. Gérard Larcher, le Gouvernement émet un avis défavorable.
La négociation – et M. Larcher le sait mieux que quiconque – a eu lieu. Cette négociation globale a abouti à la définition des critères à prendre en compte pour la pénibilité, mais elle n’a pas abouti sur la question de savoir comment on allait mettre en œuvre ces critères de pénibilité. Aujourd’hui, rien n’interdit que des négociations par branche puissent se tenir, mais il n’y a pas lieu de les rendre obligatoires sauf à retarder d’autant la mise en œuvre de ce dispositif.
S’agissant de l’amendement n° 137 présenté par M. Le Scouarnec, je précise qu’aucun seuil de pénibilité ne figure aujourd’hui dans les fiches de prévention. La définition de seuils doit nous permettre d’aller de l’avant.
La détermination de seuils garantit aux salariés que, quel que soit le secteur, ou l’entreprise, dans lequel ils travaillent, ils seront traités de la même façon. C’est donc une garantie d’égalité pour les salariés et ce sera également plus simple pour les employeurs. Si les fiches individuelles de prévention de l’exposition aux risques professionnels ne rencontrent pas le « succès » que l’on en attendait, c’est aussi parce que certains employeurs ont des difficultés à déterminer si leurs employés sont ou non dans des situations de pénibilité.
Mme la rapporteur a souhaité que je précise la méthode mise en œuvre pour la définition de ces seuils. Une concertation va s’engager avec l’ensemble des partenaires sociaux ; une consultation formelle du Conseil d’orientation sur les conditions de travail, le COCT, est prévue, ce qui garantira la prise en compte des préoccupations de l’ensemble des organisations syndicales et patronales.
J’émets donc un avis défavorable sur cet amendement qui prévoit la suppression de la référence aux seuils de pénibilité.
Je suis également défavorable à l’amendement n° 138 présenté par Mme Demessine, car, à l’inverse, prévoir un avis conforme des partenaires sociaux n’apparaît ni possible ni souhaitable. Je ne vois pas comment nous pourrions mettre en œuvre un dispositif qui serait soumis au bon vouloir de certaines organisations représentatives d’employeurs. Or telle serait exactement la situation qui résulterait de l’adoption de votre amendement : aucun dispositif ne pourrait être adopté sans consensus de l’ensemble des partenaires sociaux, ce qui, aujourd’hui, paraît illusoire.
Le Gouvernement demande le retrait de l’amendement n°139 présenté par Mme David ; à défaut, il émettra un avis défavorable.
En effet, sur le fond – indépendamment des remarques de nature rédactionnelle qui ont été formulées par Mme la rapporteur – je tiens à souligner que, dans le code du travail, il est déjà prévu que les enjeux de pénibilité fassent l’objet de débats au sein du comité d’hygiène, de sécurité et des conditions de travail. Le CHSCT est donc un lieu de discussion des questions de pénibilité et votre amendement serait, s’il était adopté, redondant par rapport à la rédaction actuelle du code du travail.
Sur l’amendement n° 330 rectifié présenté par M. Desessard, j’émets un avis défavorable. En effet, je ne crois pas que le médecin du travail doive se transformer en producteur de fiches individuelles de pénibilité pour venir en appui de l’employeur sur ce terrain-là.
Il appartient au médecin du travail de jouer un rôle préventif de conseil au niveau collectif, et non d’élaborer la fiche de chaque salarié, au niveau individuel. Son rôle n’est pas de conseiller l’employeur pour élaborer les fiches de pénibilité. En revanche, il doit conseiller l’entreprise et l’employeur sur la mise en œuvre de stratégies globales de prévention de la pénibilité.
Je donne un avis favorable à l’amendement rédactionnel n° 407 présenté par Mme la rapporteur.
Pour ce qui est de l’amendement n °141 présenté par Mme Pasquet, je veux exprimer très fortement mon désaccord : autant le CHSCT doit se saisir de la situation collective de la pénibilité en entreprise, autant il serait problématique de lui donner un droit d’accès à des informations individuelles sur la situation de chaque salarié. Cela poserait des problèmes de secret concernant la situation professionnelle et éventuellement médicale du salarié.
J’émets donc un avis très fermement défavorable sur cet amendement, qui tend à accorder au CHSCT la possibilité de se saisir des situations individuelles.
Sur l’amendement n° 142 rectifié présenté par Mme Cohen, sur lequel Mme la rapporteur a demandé l’avis du Gouvernement, je tiens à dire que le texte proposé par le Gouvernement retient déjà l’amende maximale prévue par le code pénal. Il ne paraît pas justifié de créer une nouvelle catégorie d’amendes plus importantes que celles qui sont déjà prévues.
Pour ce qui est de l’amendement n° 143 présenté par M. Watrin, comme l’a très bien dit Mme la rapporteur, ce qu’il propose est déjà prévu pour les ayants droit en cas de décès. En cas d’incapacité, et non de décès, il convient à l’évidence de respecter la volonté du salarié et de ne pas introduire d’automaticité en direction des ayants droit.
M. le président. Madame David, maintenez-vous l’ensemble de vos amendements ?
Mme Annie David. Oui, nous les maintenons, monsieur le président, et je vais m’en expliquer.
Madame la ministre, j’ai bien entendu les explications que vous et Mme la rapporteur nous avez données. Comme nous l’avons dit les uns et les autres, le dispositif du compte personnel de prévention de la pénibilité que nous examinons ici est une nouveauté dans le code du travail.
Si, comme son nom l’indique, le comité d’hygiène, de sécurité et des conditions de travail a pour rôle de veiller à la sécurité et aux conditions de travail dans les entreprises, il nous semble important de ne pas l’exclure de la mise en œuvre de ce nouveau dispositif et de faire en conséquence référence au CHSCT dans les nouvelles dispositions qui vont être introduites au sein du code du travail.
Mentionner ici le CHSCT, c’est donner aux instances représentatives des personnels le signe que la pénibilité et les droits ouverts par la pénibilité seront l’affaire non seulement de l’employeur, mais aussi de l’ensemble des salariés et de leurs représentants dans toutes les entreprises.
C’est pour cette raison que nous souhaitons maintenir nos amendements : il nous semble véritablement important que cette référence au CHSCT soit inscrite dans ce nouveau chapitre du code du travail.
Quant à l’amendement présenté par nos collègues du groupe UMP, nous n’y sommes pas favorables. Je rejoins Mme la rapporteur et Mme la ministre : il ne nous semble pas judicieux que cette définition soit renvoyée à des négociations de branche futures, ce qui pourrait être une autre manière de ne rien faire. N’est-il pas urgent d’attendre, quand on ne veut pas que les choses se fassent ?
Non, mes chers collègues, saisissons-nous de cet article qui a le mérite de figurer dans ce projet de loi, à charge pour chacun de l’appliquer.
Nous nous opposons donc au renvoi à des négociations futures, et qui plus est à des négociations de branche : M. Gérard Larcher le sait mieux que personne en tant qu’ancien ministre du travail, les forces en présence et le pouvoir de négociation ne sont pas les mêmes des deux côtés de la table des négociations.
Encore une fois, il nous semble important que la définition de la pénibilité ne soit pas laissée aux négociations de branche.
Nous maintenons donc l’ensemble de nos amendements, monsieur le président.
M. le président. La parole est à M. Gérard Longuet, pour explication de vote sur l’amendement n° 265.
M. Gérard Longuet. Je tiens d’abord à vous présenter les regrets de notre collègue Jean-Noël Cardoux. Au sein du groupe UMP, c’est lui qui, fort de son expérience personnelle de chef d’entreprise, avait plus spécialement travaillé sur ce sujet de la pénibilité. Malheureusement, un problème de santé ne lui a pas permis de siéger cette semaine. Voilà pourquoi je m’exprime sur cet amendement, qui a été présenté au nom de Jean-Noël Cardoux par Gérard Larcher.
Mme la ministre et Mme le rapporteur l’ont parfaitement compris, à travers cet amendement, nous formulons une opposition de principe à la nationalisation de la pénibilité en formant le vœu que le débat dans les branches professionnelles soit principal et que l’intervention de la loi soit subsidiaire.
Il s’agit donc effectivement d’un amendement que vous ne pouvez pas accepter, mais nous le défendrons sur le plan des principes, considérant que c’est dans la négociation, négociation de branche en particulier, que peuvent se créer les conditions d’une définition plus exacte de la pénibilité.
M. le président. La parole est à M. Claude Domeizel, pour explication de vote.
M. Claude Domeizel. Je dirai d’emblée que nous ne voterons pas l’amendement n° 265. Je profite de l’occasion pour vous poser deux questions, madame la ministre.
Notre rapporteur, Mme Demontès, a affirmé que rien dans la loi n’empêchait des négociations de branche. Madame la ministre, qui ne dit mot consent ; votre silence signifie-t-il que vous êtes d’accord avec cette affirmation de Mme Demontès ?
Ma seconde question, madame la ministre, concerne tous les amendements à cet article et l’article 5 lui-même : le dispositif qui concerne les fiches et fichiers prévu dans le projet de loi a-t-il fait ou fera-t-il l’objet d’une consultation de la CNIL, la Commission nationale de l’informatique et des libertés ?
M. le président. La parole est à Mme la ministre.
Mme Marisol Touraine, ministre. Monsieur Domeizel, je crois l’avoir dit, rien ne s’oppose à ce que des branches engagent des négociations. La question est de savoir si l’on veut que ces négociations soient obligatoires et s’imposent comme le lieu où va s’élaborer la prise en compte de la pénibilité. C’est à ce caractère automatique que nous nous opposons.
Au lieu de nous en remettre aux négociations de branche, qui seraient par conséquent obligatoires, nous définissons un principe dans la loi, tirant les conséquences de la négociation qui a eu lieu à la fin des années deux mille. Rien ne s’oppose à ce qu’il puisse y avoir des négociations par branche professionnelle, mais nous ne souhaitons pas l’imposer.
Pour répondre à votre seconde question, je rappelle que les fiches relatives à la pénibilité existent déjà ; simplement elles sont laissées à l’appréciation de l’employeur et des salariés de chaque entreprise, parce que les critères à prendre en compte ne sont pas clairement définis.
Dans le cadre du présent projet de loi, nous proposons que ces fiches soient élaborées à partir des dix critères de pénibilité résultant de la négociation entre les partenaires sociaux qui a abouti en 2008 et qui a été inscrite par voie de décret en 2010. Ces critères définissent donc le cadre de la pénibilité à prendre en compte. La concertation qui va s’engager dès que le projet de loi sera voté permettra, pour chacun de ces critères de pénibilité, de déterminer des seuils à partir desquels se déclenchera le crédit de points de chaque salarié.
M. le président. La parole est à Mme Catherine Procaccia, pour explication de vote.
Mme Catherine Procaccia. M. Gérard Longuet est intervenu sur l’amendement n° 265, déposé par l’UMP.
Je voudrais dire qu’à titre personnel, même si je ne suis pas d’accord sur l’exposé des motifs de l’amendement n° 139 – en particulier parce que sa formulation met en cause les entreprises – je suis cependant d’accord sur le fond de cet amendement présenté par le groupe CRC en ce qui concerne le rôle du comité d’entreprise et du comité d’hygiène, de sécurité et des conditions de travail.
De même, toujours à titre personnel, je voterai l’amendement n° 330 rectifié présenté par M. Desessard sur le rôle du médecin du travail. Dans cet hémicycle, on cherche sans cesse à défendre les médecins du travail, leur rôle, leur fonction, et voici qu’on voudrait les éliminer d’un processus dans lequel ils sont complètement intégrés !
M. Jean Desessard. C’est évident !
M. le président. La parole est à M. Jean Desessard, pour explication de vote.
M. Jean Desessard. Madame la ministre, nous parlons bien de l’article 5 et, dans l’article 5, il est fait référence à l’article L.4121-3-1 du code du travail, lequel traite de la fiche individuelle de santé au travail.
S’agit-il donc de créer une fiche complémentaire ?
M. Jean Desessard. Donc, il s’agit de la même fiche. Cette fiche, aujourd'hui, aux termes de l’article du code du travail que j’ai cité, est présentée au médecin du travail.
J’ai vraiment bien du mal à comprendre : cette fiche est-elle individuelle, ayant alors normalement un caractère confidentiel, ou bien est-ce une fiche publique qui sert justement à valider ou non la pénibilité du poste ? Pour moi, il s’agissait d’une fiche complémentaire à la fiche de santé qui définissait des critères de pénibilité pour le poste, donc d’une fiche différente de la fiche de santé du salarié. Mais j’ai peut-être très mal compris.
Mme Brigitte Gonthier-Maurin. De toute façon, on n’y comprend rien !
Mme Michelle Demessine. Rien du tout !
M. Jean Desessard. Je compte sur vos éclaircissements, madame la ministre. Comme il y a plusieurs amendements en discussion, il y aura certainement plusieurs éclaircissements, lesquels – je l’espère – me permettront de comprendre ce que vous proposez quand je prendrai la parole pour expliquer mon vote sur l’amendement que j’ai défendu.
M. Claude Domeizel. Je demande la parole, monsieur le président.
M. le président. Vous vous êtes déjà exprimé en explication de vote, mon cher collègue. Vous aurez l’occasion de vous expliquer à l’amendement suivant. (M. Claude Domeizel proteste.)
La parole est à M. Alain Milon, pour explication de vote.
M. Alain Milon. Quand on parle de pénibilité, on parle de prévention et, si l’on parle de prévention, on parle du CHSCT. Par conséquent, je voterai aussi, à titre personnel, l’amendement n° 139.
De même, quand on parle de pénibilité, on parle de santé et, si l’on parle de santé, on parle de médecine du travail, donc je voterai également l’amendement n° 330 rectifié.
M. Jean Desessard. C’est logique !
M. le président. La parole est à M. Claude Domeizel, pour explication de vote sur l’amendement n° 137.
M. Claude Domeizel. Monsieur le président, ma prise de parole n’a plus grand sens, maintenant que l'amendement n° 265 a été repoussé. Simplement, s’il avait été adopté, tous les autres amendements devenaient sans objet et nous ne pouvions plus nous exprimer…
M. le président. Si je ne vous ai pas donné la parole, mon cher collègue, je vous ai du moins donné satisfaction ! (Sourires.)
M. Claude Domeizel. Nous sommes d’accord, monsieur le président ! (Nouveaux sourires.)
M. le président. La parole est à M. Jean Desessard, pour explication de vote sur l’amendement n° 139.
M. Jean Desessard. Je comprends que Mme la ministre soit très occupée (Mme la ministre fait un signe de dénégation.), mais j’aimerais qu’elle explique à ceux d’entre nous, pauvres parlementaires qui n’ont pas tout compris (Rires sur les travées de l'UMP.), la différence entre la fiche de santé qui est décrite à l’article L. 4121-3-1 du code du travail et la fiche de pénibilité telle que je la comprends.
J’ai certainement mal compris, monsieur le président, et un éclairage – je dirais même un certain éclairage – de Mme la ministre me serait très utile.
M. le président. Après une telle insistance, nul doute que Mme la ministre voudra vous répondre, mon cher collègue !
La parole est à Mme la ministre.
Mme Michelle Demessine. Si nous pouvions avoir des exemples…
Mme Marisol Touraine, ministre. Monsieur Desessard, j’attendais, pour vous répondre, le moment de la mise aux voix de votre amendement, et je n’ai aucune difficulté à vous fournir les explications que vous réclamez.
Il n’y a qu’une seule fiche, monsieur le sénateur : celle qui est prévue d’ores et déjà dans le code du travail et qui est aujourd’hui théoriquement remplie par l’employeur. Simplement, le cadre actuel n’étant pas précis et ne comportant pas de référence de seuils de pénibilité, les employeurs ne remplissent pas ou peu ces fiches.
Mme Michelle Demessine. C’est sûr !
Mme Marisol Touraine, ministre. Le projet de loi ne tend pas à ajouter une nouvelle fiche ; avec la fiche de prévention des expositions à la pénibilité dont nous discutons, il vise simplement à définir plus précisément la façon dont les employeurs pourront remplir la fiche individuelle.
Je prendrai deux exemples concrets pour répondre à la demande de Mme Demessine : le salarié devra avoir travaillé un nombre précis de nuits dans l’année pour ouvrir droit à la qualification de travail pénible ; pour le port de charges lourdes, il faudra remplir des critères de poids et de fréquence.
L’autre question que vous posez, monsieur Desessard, est de savoir si le médecin du travail doit participer à l’élaboration, pour chaque salarié, de la fiche de prévention des expositions à la pénibilité.
Pour nous, le médecin, évidemment détenteur du dossier médical des salariés, qui est différent de la fiche individuelle de prévention des expositions, doit rencontrer les salariés et examiner leur situation médicale en vue de leur éventuelle prise en charge ou d’une évolution de leur poste.
Mais nous ne voulons pas que le médecin du travail se transforme en auxiliaire de l’employeur pour l’aider à remplir chaque fiche de prévention des expositions, alors qu’il lui appartient de contribuer à la mise en place de politiques de prévention globales, et non salarié par salarié. Telle est la divergence que nous avons et qui explique l’avis défavorable du Gouvernement sur votre amendement, monsieur Desessard.
M. le président. La parole est à Mme Catherine Deroche, pour explication de vote sur l’amendement n° 330 rectifié.
Mme Catherine Deroche. Lors de la réforme de 2010, nous avions eu une approche médicale de la pénibilité. C’est également ce qui est reproché à votre proposition, madame le ministre.
Pour ma part, je voterai cet amendement, qui tend à redonner au médecin du travail une place importante dans la définition de ces critères de pénibilité.
Cela étant, je déplore les propos que vous avez tenus à l’égard des médecins du travail, car ils m’ont semblé plutôt tendancieux en ce qu’ils mettaient en cause l’honnêteté et l’objectivité de ces professionnels. (Bravo ! sur les travées de l'UMP.)
M. le président. La parole est à M. Jean Desessard, pour explication de vote.
M. Jean Desessard. En vertu de l’article L. 4121-3-1 du code du travail, dont je fais ma bible ce soir, la fiche de prévention des expositions atterrit à un moment donné sur le bureau du médecin du travail. Ensuite, elle est ajoutée au dossier médical, qui comporte des données confidentielles. Si le médecin du travail n’est pas consulté pour l’établissement des critères de pénibilité, sur quoi va se fonder l’employeur ?
Évidemment, il peut constater qu’un salarié porte des charges plus lourdes que son collègue afin de définir la pénibilité du poste. Mais quelle est la personne la plus à même, au sein de l’entreprise, de considérer que certains travaux sont pénibles, usants et portent à terme atteinte à la santé, si ce n’est le médecin du travail ?
Ne pas consulter le médecin du travail alors que de la pénibilité du poste découleront à terme des problèmes, c’est incompréhensible !
M. Gérard Longuet. C’est surréaliste !
M. Jean Desessard. D’ailleurs, nous n’avons pas prévu dans notre amendement que la fiche individuelle de prévention des expositions serait établie par le médecin du travail. Nous avons seulement indiqué que ce dernier devrait être consulté –« et après consultation du médecin du travail » -, puisque c’est lui qui rencontre les salariés et les écoute lui exposer leurs problèmes. Il peut, par exemple, conseiller de modifier la chaîne de production et la pénibilité relevée disparaîtra. Mais si le médecin ne peut pas faire changer le mode de production et qu’il constate la persistance de la pénibilité, sa consultation sera nécessaire pour déterminer les critères de pénibilité.
Madame la ministre, honnêtement, je ne comprends pas en quoi la consultation du médecin du travail vient contrarier l’esprit de l’article 5 du projet de loi.
M. Jean-François Husson. Que le Gouvernement avance, pour une fois !
M. le président. La parole est à Mme la ministre.
Mme Marisol Touraine, ministre. Madame Deroche, j’aurais, selon vous, mis en cause l’honnêteté des médecins du travail. Je n’accepte pas cette affirmation. (Mme Catherine Deroche s’exclame.) Vous n’avez pas entendu ou pas voulu entendre les propos que j’ai tenus. Je dis simplement que l’établissement de la fiche individuelle ne relève pas de leur mission, sans mettre nullement en cause l’impartialité ou la compétence des médecins du travail.
Au demeurant, je ne crois pas que le Gouvernement ait à recevoir des observations de votre part sur ce terrain, madame la sénatrice.
Monsieur Desessard, les critères de pénibilité seront nationaux et objectifs. Ils ne varieront pas en fonction du salarié. Il faut distinguer les critères de pénibilité et, le cas échéant, la manière dont, individuellement, chaque salarié réagit à une situation de pénibilité sur le plan médical. Ce second aspect sera apprécié par le médecin du travail, qui aura d’ailleurs connaissance de la fiche de pénibilité. Par exemple, en consultant la fiche d’un salarié, il comprendra pourquoi celui-ci développe telle ou telle pathologie.
J’insiste, le critère de pénibilité ne sera pas adapté à chaque entreprise. S’il faut travailler 99 nuits par an pour satisfaire au critère de pénibilité du travail de nuit, ce nombre de nuits vaudra partout et pour tout le monde.
Par conséquent, le projet de loi représente une avancée en ce qu’il ne permet pas d’appréciation subjective. En cas de doute sur la situation de pénibilité, un recours sera possible devant l’employeur, avant toute procédure juridictionnelle.
Il ne s’agit pas de médicaliser la pénibilité. Sinon, vous en reviendriez à un dispositif du type de celui qui figure dans la loi de 2010 votée par le précédent gouvernement de droite et contre laquelle nous nous sommes élevés, vous comme nous. Aucune appréciation individuelle de la pénibilité par chaque médecin du travail n’est prévue ; il s’agit de définir un critère objectif qui ouvre des droits à de la formation, à un travail à temps partiel ou un départ à la retraite anticipée. Les deux mécanismes sont totalement différents.
En conclusion, votre amendement, monsieur Desessard, aboutirait à l’effet exactement inverse de celui que vous recherchez, c’est-à-dire une appréciation médicalisée et individuelle de la pénibilité. (Applaudissements sur quelques travées du groupe socialiste.)
M. le président. La parole est à M. Gérard Roche, pour explication de vote.
M. Gérard Roche. Ce point de la discussion est important et le problème difficile à cerner.
Actuellement, le médecin du travail a pour tâche d’accompagner les salariés, d’effectuer un suivi psychologique les concernant, de suivre leur santé en relation avec leur médecin traitant notamment, et d’examiner l’adéquation entre leurs possibilités et leur travail, afin de s’assurer que leurs missions n’ont pas d’effets nocifs sur leur état de santé. Ce travail est extrêmement important, et très efficace lorsqu’il est bien fait.
S’agissant de la pénibilité, Mme la ministre a raison, lorsqu’on aborde ce problème en fonction du ressenti du patient et des données subjectives de son état de santé, on ne peut pas être objectif et raisonner à l’échelle nationale.
Par ailleurs, et je comprends très bien M. Desessard, en matière de pénibilité et de santé, je ne vois pas comment la médecine du travail pourrait ne pas être présente – et même fortement présente - pour juger des mauvais effets de certaines activités sur la santé.
Il faut reconnaître à la médecine du travail deux missions : d’une part, l’accompagnement individuel des salariés dans leur travail pour s’assurer qu’aucune inadéquation ne les empêche de l’exercer ; d’autre part, à l’échelle nationale, l’indispensable avis sur les tâches effectuées.
Je ne sais pas quelle est la solution, mais tout le monde a un peu raison dans cette affaire.
M. le président. La parole est à Mme Kalliopi Ango Ela, pour explication de vote.
Mme Kalliopi Ango Ela. Des critères objectifs sont évidemment nécessaires, mais il faut aussi tenir compte du fait que chaque individu réagit différemment et que la consultation d’un médecin du travail est toujours utile.
M. le président. La parole est à Mme Annie David, pour explication de vote sur l'article.
Mme Annie David. Comme nous l’avons dit en intervenant sur article, nous allons nous abstenir. Nous avons bien compris l’avancée que représente ce nouveau compte personnel de prévention de la pénibilité, permettant la prise en considération de la pénibilité des postes, sans se limiter au seul facteur de la maladie.
Néanmoins, malgré les échanges que nous avons pu avoir, il reste beaucoup d’interrogations, notamment sur la manière dont seront remplies ces fiches. Je partage un peu le sentiment de certains mes collègues, de M. Jean Desessard et des membres de son groupe, sur la place des différents acteurs dans l’élaboration de ces fiches, en particulier la médecine du travail et le CHSCT.
Les employeurs rempliront ces fiches – elles existent déjà dans le code du travail – pour que les comptes des salariés soient alimentés en points, et ainsi leur ouvrir des droits en lien avec la pénibilité de leur travail.
Nous sommes troublés par le fait que le choix des salariés dans ce cadre – partir en préretraite, avoir droit à une formation, travailler à temps partiel, par exemple – dépend de la bonne volonté de l’employeur, puisque chacune de ces options sera soumise à son accord pour être concrétisée.
Ces fiches individuelles existent déjà dans le code de travail, certes, mais elles sont peu ou mal remplies par les employeurs. Cette difficulté est fortement pointée par les organisations syndicales, mais aussi par l’ensemble des salariés concernés par ces fiches.
Aujourd’hui, une liste des tâches pénibles est définie par décret, dont, entre autres, le travail de nuit, le travail posté, le travail en extérieur, ou encore le travail nécessitant la répétition de certaines tâches. Il existe donc une définition réglementaire claire.
Ces fiches seront en revanche remplies par l’employeur en fonction du poste occupé par le salarié. Le salarié n’a que trois ans pour contester le fait que l’employeur ait rempli correctement ou non la fiche lui ouvrant droit à des points sur son compte de prévention de la pénibilité. Confier à l’employeur le soin de remplir la fiche, sans qu’il y ait d’autres possibilités pour le salarié que celle de se défendre lui-même, et de faire valoir ses droits face à l’employeur, ne nous semble pas assez protecteur.
Le salarié n’est pas suffisamment assuré de bénéficier réellement de ce droit nouveau et important, créé avec le compte personnel de prévention de la pénibilité.
Il nous semble, madame la ministre, que les choses sont encore un peu trop floues. Nous aurions aimé obtenir davantage d’éclaircissements, pour garantir que ces fiches seront correctement remplies.
Ces insuffisances amènent notre groupe à s’abstenir sur cet article, bien que nous soyons persuadés qu’il ne faut plus prendre en compte la pénibilité sous le seul angle de la maladie – les fameux 20 % -, comme nous n’avons pas cessé de le demander depuis de nombreuses années.
M. le président. La parole est à M. Jean Desessard, pour explication de vote.
M. Jean Desessard. Nous comprenons les interrogations de notre collègue Annie David sur la mise en œuvre concrète du dispositif. Nous considérons toutefois qu’il s’agit d’une avancée importante dans la prise en compte de la pénibilité par des facteurs objectifs, corrigés au niveau de l’entreprise par le médecin du travail et le CHSCT – grâce aux deux amendements que nous avons votés.
Parce qu’il constitue une avancée réelle, nous voterons cet article 5, tel qu’il a été amendé.
M. le président. La parole est à M. Jean-Marie Vanlerenberghe, pour explication de vote.
M. Jean-Marie Vanlerenberghe. Nous nous abstiendrons sur cet article. Nous sommes favorables à l’introduction de la prise en compte de la pénibilité avec un effet différé ; nous l’avons dit et répété hier.
Simplement, au-delà du problème de son remplissage, nous ne saisissons pas bien les modalités pratiques de mise en œuvre et d’utilisation de cette fiche. C’est le vrai problème ! Comment ces fiches vont-elles être utilisées dans les entreprises ?
Que l’on ne se méprenne pas, mon groupe et moi-même sommes totalement favorables à cette disposition, mais les conditions de sa mise en œuvre et de son utilisation la plus efficace possible n’ont pas été assez étudiées. En affirmant que c’est le travail du délégué du personnel et du CHSCT, on se contente de répéter le code du travail. Concrètement, qu’est-ce qui incitera les employeurs à remplir correctement cette fiche ?
Ce texte comporte encore certaines faiblesses sur lesquelles il nous faudra revenir si nous voulons gagner en efficacité, faute de quoi ce système apparaîtra comme une nouvelle usine à gaz !
Nous nous abstiendrons donc.
M. le président. La parole est à M. Gérard Longuet, pour explication de vote.
M. Gérard Longuet. Le groupe UMP considère qu’il faudrait progresser sur l’organisation pratique de la mise en œuvre de la lutte contre la pénibilité.
Nous avons bien vu, à l’occasion de l’examen d’amendements présentés par le groupe CRC comme par le groupe écologiste, que nous pouvions cheminer sur la question du compromis difficile entre ce qui est défini par l’entreprise et ce qui est établi par décret.
Vous vous souciez, madame la ministre, d’avoir des normes nationales qui s’imposent. Dans cet hémicycle, en revanche, beaucoup souhaitent restituer la responsabilité de définir la pénibilité à la vérité de l’entreprise et, en ce qui nous concerne, à la vérité de la branche.
À cet instant du débat, nous craignons une nationalisation de la pénibilité : elle deviendra un enjeu politique autour de la modification du décret, qui affectera en cascade la branche et les entreprises.
Vous n’avez pas encore trouvé de solution. Nous ne pouvons pas vous le reprocher, la tâche est difficile. Nous avions ouvert le débat sur la pénibilité en 2003, et il est vrai que les négociations entre employeurs et salariés n’avaient pas été d’une abondance telle que l’on aurait pu en sortir totalement convaincu de la pertinence de la voie contractuelle pour régler ces problèmes.
Nous avons néanmoins la faiblesse de penser que, sur le long terme, la voie contractuelle, la négociation par branche, est plus solide. L’État a bien sa place, mais il doit se limiter à un rôle d’incitation. Ainsi, l’amendement n° 265 que nous avions proposé n’écartait pas l’intervention de l’État, mais posait comme préalable la négociation par branche. Cet amendement a été écarté. Ce n’est pas grave, nous continuons la discussion, même si elle relève plus d’un travail de commission que d’un débat de synthèse.
Nous ne condamnons pas l’effort de lutte contre la pénibilité. Mais, à cet instant de la discussion, bien que nous partagions largement l’analyse de Jean-Marie Vanlerenberghe, nous n’en tirons pas les mêmes conclusions sur le plan tactique.
Nous voterons contre cet article 5, considérant que, malgré les avancées qu’il comporte – nous y avons contribué, notamment à propos du rôle du médecin ou du CHSCT –, l’équilibre n’est pas encore clairement trouvé entre ce que doivent être respectivement le rôle de l’État, gardien vigilant de l’obligation de progresser, et le rôle des branches et des entreprises, au plus proche des réalités pour apporter des réponses concrètes.
Mais nous ne désespérons pas, certains que, lors du débat à l’Assemblée nationale,…
M. Jean-François Husson. La procédure accélérée a été engagée, donc pas de deuxième lecture !
M. Gérard Longuet. … ou à l’occasion de propositions de loi ultérieures, nous pourrons utilement progresser.
M. le président. Je mets aux voix l'article 5, modifié.
(L'article 5 est adopté.)
Article additionnel après l’article 5
M. le président. L'amendement n° 313, présenté par M. Domeizel, Mme Demontès, MM. Teulade, Kerdraon, Daudigny et les membres du groupe socialiste et apparentés, est ainsi libellé :
Après l’article 5
Insérer un article additionnel ainsi rédigé :
Les organismes en charge de la prévention transmettent à l’Observatoire de la pénibilité du Conseil d’orientation sur les conditions de travail, un bilan annuel des mesures financées de prévention de la pénibilité, au plus tard le 30 juin.
L’observatoire de la pénibilité du Conseil d’orientation sur les conditions de travail est chargé de synthétiser ces rapports afin d’établir un bilan global de la prévention de la pénibilité.
Ce bilan sera transmis au Conseil d’orientation des retraites pour alimenter ses travaux.
La parole est à M. Claude Domeizel.
M. Claude Domeizel. Il s’agit d’une mesure de sensibilisation à la pénibilité. Je vous prie de considérer que l’amendement est défendu, monsieur le président.
M. le président. Quel est l’avis de la commission ?
Mme Christiane Demontès, rapporteur. Je suis signataire de cet amendement, à titre personnel, et la commission m’a suivie en émettant un avis favorable.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
Mme Marisol Touraine, ministre. L’amendement vise à la production d’un rapport, déjà prévu à l’article 5 bis. Il me semble qu’il y a donc une répétition, mais, après tout, il est toujours possible de répéter les rapports !
M. le président. L’amendement est-il maintenu, monsieur Domeizel ?
M. Claude Domeizel. Non, monsieur le président, je le retire.
M. le président. L’amendement n° 313 est retiré.
Article 5 bis (nouveau)
Le Gouvernement présente au Parlement, après avis du Conseil d’orientation sur les conditions de travail et avant le 31 décembre 2020, un rapport sur l’évolution des conditions de pénibilité auxquelles les salariés sont exposés et sur l’application du titre VI du livre Ier de la quatrième partie du code du travail. Tout projet d’actualisation du décret mentionné à l’article L. 4161-1 du code du travail, notamment en fonction de l’évolution des métiers et des conditions de leur exercice, doit faire l’objet d’une concertation préalable avec les organisations syndicales de salariés et d’employeurs représentatives au niveau national et interprofessionnel aux fins d’une éventuelle négociation.
M. le président. La parole est à Mme Brigitte Gonthier-Maurin, sur l'article.
Mme Brigitte Gonthier-Maurin. Cet article prévoit la présentation au Parlement avant 2020 d’un rapport sur l’évolution des conditions de pénibilité auxquelles les salariés sont exposés. Il prévoit également qu’une actualisation des critères de pénibilité, définis par le code du travail, peut intervenir après consultation des organisations syndicales.
Ce rapport est une bonne chose. Il faut cependant être vigilant, pour que la dimension « genrée » de la pénibilité au travail ne soit pas ignorée.
Dans le rapport d’information qu’elle a adopté à l’unanimité, Femmes et travail : agir pour un nouvel âge de l'émancipation, la délégation aux droits des femmes et à l’égalité des chances entre les hommes et les femmes avait souligné l’invisibilité de la pénibilité des métiers féminins.
Il n’est pas inutile de nous arrêter quelques instants sur le sujet et de citer les termes de ce rapport.
« Dans une vision restée très masculine de l’organisation du travail, les emplois occupés par les femmes sont considérés, a priori, comme moins lourds, moins astreignants, moins pénibles, et moins dangereux que ceux occupés par les hommes. De ce fait, la dureté des emplois féminins reste systématiquement sous-évaluée », y compris par les femmes elles-mêmes.
« Les responsables de l’Agence nationale pour l’amélioration des conditions de travail ont présenté un exemple concret, tiré d’une enquête réalisée par la Direction de l’animation de la recherche, des études et des statistiques, la DARES. À la question : "Portez-vous des charges ? ", un homme qui soulève des colis de vingt kilos répondra positivement. Mais une femme travaillant dans le secteur des soins à la personne et qui est amenée à soulever des patients bien plus pesants aura tendance à répondre négativement.
« Autrement dit, la construction de l’appareil statistique concourt à l’invisibilité des pénibilités et des risques des emplois à prédominance féminine. »
C’est pourquoi la délégation sénatoriale aux droits des femmes, saisie de ce projet de loi, a tenu à insister une fois de plus sur l’insuffisante prise en compte des facteurs spécifiques de pénibilité auxquels les femmes sont exposées.
À cet égard, notre délégation a adopté trois recommandations dans son rapport d’information.
La première recommandation, relative à l’articulation entre amplitude horaire, temps partiel et pénibilité, n’a pas pu prospérer, l’article 40 ayant été invoqué.
La deuxième vise à assurer que les négociations s’appuient sur des statistiques adaptées aux facteurs de pénibilité auxquels les femmes sont spécifiquement exposées. Ces données chiffrées devraient mettre un terme à cette sous-évaluation systématique de la pénibilité au féminin.
La troisième vise à garantir que les renégociations avec les partenaires sociaux sur l’actualisation des facteurs de pénibilité définis dans le code du travail seront menées sur la base d’une représentation équilibrée des hommes et des femmes. Cet objectif relève à nos yeux de l’évidence.
Mes chers collègues, ces deux recommandations vont être présentées par Mme la rapporteur. Je vous invite naturellement à adopter l’amendement afférent.
M. le président. L'amendement n° 408, présenté par Mme Demontès, au nom de la commission des affaires sociales, est ainsi libellé :
I. – Première phrase
Rédiger ainsi cette phrase :
Tous les sept ans à compter de la promulgation de la loi n° … garantissant l’avenir et la justice du système de retraites, le Gouvernement présente au Parlement, après avis du Conseil d’orientation sur les conditions de travail, un rapport sur l’évolution des conditions de pénibilité auxquelles les salariés sont exposés et sur l’application du titre VI du livre Ier de la quatrième partie du code du travail.
II. – Seconde phrase
Supprimer cette phrase.
La parole est à Mme la rapporteur.
Mme Christiane Demontès, rapporteur. Dans sa rédaction actuelle, l’article 5 bis prévoit que le Gouvernement remettra au Parlement un rapport sur le sujet au cours de l’année 2020. Pour notre part, nous souhaitons donner à la production de ce document une périodicité de sept ans afin de pouvoir suivre l’évolution des conditions de travail. Celles-ci connaissent en effet de rapides changements. Je songe notamment aux nouvelles formes d’organisation des tâches dans le secteur tertiaire. Une grande réactivité est donc nécessaire pour évaluer les conséquences de ces transformations.
Il convient également de mener une réflexion approfondie pour élaborer les outils les mieux à même de prévenir les nouvelles formes de pénibilité. Il s’agit là de la première partie de l’amendement.
Par ailleurs, cet amendement tend à supprimer la seconde phrase de l’article. Cette disposition est satisfaite par un article du code du travail issu de la loi Larcher de 2007. Au reste, les partenaires sociaux ne souhaitent pas nécessairement la tenue d’une négociation interprofessionnelle sur la pénibilité, ils nous l’ont dit.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. le président. L'amendement n° 319 rectifié bis, présenté par Mmes Rossignol et Gonthier-Maurin, M. Courteau, Mmes Génisson, Printz et Sittler, M. C. Bourquin et Mmes Cartron, D. Michel, Bouchoux et Meunier, est ainsi libellé :
Après la première phrase
Insérer une phrase ainsi rédigée :
Ce rapport prend en compte les conditions de pénibilité auxquelles sont plus particulièrement exposées les femmes.
La parole est à Mme Laurence Rossignol.
Mme Laurence Rossignol. Cet amendement vise à insérer, à l’article 5 bis tel que rédigé par l’Assemblée nationale, une préconisation conduisant à prendre en compte, dans les études consacrées à la pénibilité des différents métiers, la dimension sexuée du problème.
Qu’il s’agisse des tâches domestiques ou d’un certain nombre de métiers, les unes prolongeant d’ailleurs souvent les autres, le travail des femmes est souvent invisible. À ce titre, je souligne que l’article D.4121-5 du code du travail, dans la rédaction issue des concertations entre les partenaires sociaux, correspond à la représentation d’un monde industriel et masculin. Ces dispositions n’ont pas intégré les évolutions qu’ont connues l’activité professionnelle des femmes et les différents emplois, en particulier les spécificités de l’emploi des femmes.
Monsieur le président, je souhaiterais défendre également l’amendement suivant, qui est lié.
M. le président. J’appelle donc en discussion l'amendement n° 350 rectifié bis, présenté par Mmes Rossignol et Gonthier-Maurin, M. Courteau, Mmes Génisson, Printz et Sittler, M. C. Bourquin et Mmes Cartron, D. Michel, Bouchoux et Meunier, et ainsi libellé :
Compléter cet article par une phrase ainsi rédigée :
Cette concertation s’appuie sur une représentation équilibrée des hommes et des femmes au sein des délégations syndicales.
Veuillez poursuivre, madame Rossignol.
Mme Laurence Rossignol. L’amendement n° 350 rectifié bis vise à faire en sorte que les études menées identifient les spécificités du travail des femmes et s’interrogent sur les raisons pour lesquelles les négociations des partenaires sociaux les reflètent si peu. D’emblée, on observe que les délégations chargées de ces négociations – qu’il s’agisse des représentants des syndicats, des employés ou des employeurs – présentent souvent une forte majorité masculine.
À ce titre, pour les discussions entre les partenaires sociaux ayant une incidence sur la pénibilité du travail des femmes, ce second amendement tend à garantir la parité des délégations.
Nous débattrons plus largement de ces sujets avec Mme Najat Vallaud-Belkacem, lors de la deuxième lecture du projet de loi pour l’égalité entre les femmes et les hommes.
Peut-être serait-il bon d’établir que toute décision prise par une instance qui n’est pas composée d’au moins 30 % de femmes est nulle de nullité absolue !
M. le président. Quel est l’avis de la commission sur les amendements nos 319 rectifié bis et 350 rectifié bis ?
Mme Christiane Demontès, rapporteur. La délégation aux droits des femmes a insisté, à l’unanimité, sur la prise en compte des conditions de pénibilité spécifiques auxquelles sont exposées les femmes.
Mme Catherine Génisson. Dans les métiers exercés par les femmes !
Mme Christiane Demontès, rapporteur. Madame Rossignol, il faut indiquer que ce problème doit être étudié, non pas uniquement dans le rapport remis par le Gouvernement au Parlement en 2020, mais dans les rapports rédigés à l’avenir tous les sept ans. Il s’agit ici de prendre en compte l’amendement qui vient d’être adopté.
Mme Laurence Rossignol. C’est encore mieux !
Mme Christiane Demontès, rapporteur. Cette précision étant apportée, la commission émet un avis favorable sur l’amendement n° 319 rectifié bis.
Concernant l’amendement n° 350 rectifié bis, je souligne que j’ai pris part aux débats de la délégation aux droits des femmes consacrés à la parité des délégations syndicales lors de la concertation préalable relative à la modification du décret. Néanmoins, l’adoption de l’amendement n° 408 a conduit à supprimer la seconde phrase de l’article 5 bis !
M. le président. En effet, mes chers collègues, l’amendement n° 350 rectifié bis n’a techniquement plus d’objet du fait de l’adoption de l’amendement n° 408.
M. Michel Le Scouarnec. Tout à fait !
Mme Christiane Demontès, rapporteur. Toutefois, cette piste pourra être reprise lors de la deuxième lecture du projet de loi relatif à l’égalité professionnelle
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement sur l’amendement n° 319 rectifié bis ?
Mme Marisol Touraine, ministre. Comme la commission, le Gouvernement émet un avis favorable sur l’amendement n° 319 rectifié bis.
M. le président. La parole est à M. Gérard Longuet, pour explication de vote.
M. Gérard Longuet. Cet amendement est tout à fait intéressant. De fait, il tend à différencier l’appréciation de la pénibilité du travail selon les sexes.
Mme Catherine Génisson. Non !
M. Gérard Longuet. Chère collègue, sauf erreur de ma part, il s’agit bien de consacrer une analyse sexuée au problème de la pénibilité, ce que je comprends parfaitement.
Mme Catherine Génisson. Il faut considérer les métiers exercés par les femmes, ce n’est pas la même chose !
M. Gérard Longuet. Il existe des métiers féminins traditionnels, comme la confection, dont la pénibilité est spécifique, même si, dans le design, le problème n’est pas le même.
Je crois avoir compris que les rapports en question doivent consacrer des développements spécifiques à cette particularité que constitue l’appartenance à un sexe. Cette méthode permettrait de disposer d’une analyse plus proche des réalités. Pourquoi pas !
Pour notre part, nous sommes pour le réalisme : nous étions pour les branches professionnelles, pour l’entreprise. Nous n’avons aucune raison de nous opposer à ce qu’un rapport tienne compte des spécificités liées à l’appartenance à un sexe – on en dénombre, en général, deux principaux – pour savoir précisément comment tel ou tel métier est vécu.
Toutefois, il faut également se pencher sur un autre vide existant en la matière, concernant cette fois la situation des vieux travailleurs en activité. Et il n’y a pas de délégation parlementaire aux personnes âgées pour s’y intéresser !
Or nous vivons dans une société où la perspective de travailler plus longtemps est à peu près établie, ce que nous assumons. Ainsi, une catégorie croissante de travailleurs sera confrontée à la pénibilité, indépendamment de leur sexe mais en raison de leur âge. C’est une chose d’exercer un travail posté à vingt-cinq ans ; c’en est une autre de l’assumer à quarante-cinq ans, ou passé la cinquantaine, voire la soixantaine.
À cet égard, si je soutiens le présent amendement, je constate qu’il permet de définir la pénibilité non seulement selon le sexe mais aussi selon l’âge. C’est une ouverture. Je le répète, il faut s’occuper des vieux travailleurs en activité : c’est un produit d’avenir ! (Sourires sur les travées de l'UMP.) Nous avons vocation à vieillir et, qui plus est, en travaillant.
Mme Laurence Rossignol. À condition de ne pas trop allonger la durée du travail !
M. Gérard Longuet. Si le débat nous le permettait, nous sous-amenderions le présent amendement, afin de prendre en compte les salariés qui ont dépassé le demi-siècle. Ce seuil a le mérite d’être clair : au-delà de cinquante ans, il faudrait examiner obligatoirement les conditions de pénibilité, qui ne sont pas vécues de la même manière dans les phases ascendante et descendante de la vie, si tant est que la descente ne débute pas avec la naissance. Mais c’est une autre histoire !
Mme Laurence Rossignol. Ce n’est donc pas si évident de faire travailler les personnes âgées !
M. le président. La parole est à Mme Catherine Génisson, pour explication de vote.
Mme Catherine Génisson. Peut-être les uns et les autres se sont-ils exprimés de manière inappropriée : il n’existe pas des métiers masculins ou féminins en eux-mêmes.
Ainsi, les fonctions d’aide-soignante sont majoritairement assumées par les femmes. Il y a quelques instants, Mme Gonthier-Maurin a évoqué le critère des charges soulevées. Un homme transportant vingt kilos considérera qu’il soulève des charges lourdes ; une aide-soignante s’occupant d’un patient de cent kilos jugera que ce n’est pas son cas. Cet exemple met au jour le véritable problème ! Je le répète, il n’y a pas des métiers masculins ou féminins, mais certains emplois sont exercés majoritairement par des femmes et d’autres majoritairement par des hommes.
Mme Gisèle Printz. Voilà !
M. Gérard Longuet. Vous avez raison !
Mme Catherine Génisson. Il me semblait important d’apporter cette précision.
7
Communication du Conseil constitutionnel
M. le président. M. le président du Conseil constitutionnel a informé le Sénat, le 30 octobre 2013, qu’en application de l’article 61-1 de la Constitution la Cour de cassation a adressé au Conseil constitutionnel une décision de renvoi d’une question prioritaire de constitutionnalité portant sur l’alinéa 1 et le 3° de l’alinéa 2 de l’article 786 du code général des impôts (perception des droits de mutation à titre gratuit et lien de parenté) (2013-361 QPC).
Le texte de cette décision de renvoi est disponible à la direction de la séance.
Acte est donné de cette communication.
Mes chers collègues, nous allons maintenant interrompre nos travaux ; nous les reprendrons à vingt et une heures trente.
La séance est suspendue.
(La séance, suspendue à dix-neuf heures trente, est reprise à vingt et une heures trente, sous la présidence de M. Jean-Léonce Dupont.)
présidence de m. jean-léonce dupont
vice-président
8
Avenir et justice du système de retraites
Suite de la discussion en procédure accélérée d'un projet de loi
M. le président. Nous reprenons la discussion du projet de loi, adopté par l’Assemblée nationale après engagement de la procédure accélérée, garantissant l’avenir et la justice du système de retraites.
Dans la discussion des articles, nous en sommes parvenus, au sein du chapitre Ier du titre II, à l’article 5 ter.
Article 5 ter (nouveau)
Avant le 1er janvier 2015, le Gouvernement remet au Parlement un rapport présentant des propositions en matière de reconversion des salariés déclarés inaptes, notamment des seniors, et sur la coopération entre les pouvoirs publics, dont les régions et les partenaires sociaux.
M. le président. L'amendement n° 398 rectifié, présenté par MM. Barbier et Collombat, est ainsi libellé :
Supprimer cet article.
Cet amendement n'est pas soutenu.
Je mets aux voix l'article 5 ter.
(L'article 5 ter est adopté.)
Article 6
Le titre VI du livre Ier de la quatrième partie du code du travail est complété par un chapitre II ainsi rédigé :
« Chapitre II
« Compte personnel de prévention de la pénibilité
« Section 1
« Ouverture et abondement du compte personnel de prévention de la pénibilité
« Art. L. 4162-1. – Les salariés des employeurs de droit privé ainsi que le personnel des personnes publiques employé dans les conditions du droit privé peuvent acquérir des droits au titre d’un compte personnel de prévention de la pénibilité, dans les conditions définies au présent chapitre.
« Les salariés affiliés à un régime spécial de retraite comportant un dispositif spécifique de reconnaissance et de compensation de la pénibilité n’acquièrent pas de droits au titre du compte personnel de prévention de la pénibilité. Un décret fixe la liste des régimes concernés.
« Art. L. 4162-2. – Le compte personnel de prévention de la pénibilité est ouvert dès lors qu’un salarié a acquis des droits dans les conditions définies au présent chapitre. Les droits constitués sur le compte lui restent acquis jusqu’à leur liquidation ou à son admission à la retraite.
« L’exposition effective d’un travailleur à un ou plusieurs des facteurs de risques professionnels mentionnés à l’article L. 4161-1 au-delà des seuils d’exposition définis par décret, consignée dans la fiche individuelle prévue au même article, ouvre droit à l’acquisition de points sur le compte personnel de prévention de la pénibilité.
« Un décret en Conseil d’État fixe les modalités d’inscription des points sur le compte. Il précise le nombre maximal de points pouvant être acquis par un salarié au cours de sa carrière et définit le nombre de points auquel ouvrent droit les expositions simultanées à plusieurs facteurs de risques professionnels.
« Art. L. 4162-3. – Les points sont attribués au vu des expositions du salarié déclarées par l’employeur, sur la base de la fiche mentionnée à l’article L. 4161-1, auprès de la caisse mentionnée aux articles L. 215-1 ou L. 222-1-1 du code de la sécurité sociale ou à l’article L. 723-2 du code rural et de la pêche maritime, dont il relève.
« Chaque année, l’employeur transmet au salarié une copie de la fiche mentionnée à l’article L. 4161-1 du présent code, en lui indiquant ses éventuelles possibilités de contestation.
« Chaque année, l’employeur transmet une copie de cette fiche à la caisse mentionnée au premier alinéa du présent article.
« Section 2
« Utilisations du compte personnel de prévention de la pénibilité
« Art. L. 4162-4. – I. – Le titulaire du compte personnel de prévention de la pénibilité peut décider d’affecter en tout ou partie les points inscrits sur son compte à une ou plusieurs des trois utilisations suivantes :
« 1° La prise en charge de tout ou partie des frais d’une action de formation professionnelle continue en vue d’accéder à un emploi non exposé ou moins exposé à des facteurs de pénibilité ;
« 2° Le financement du complément de sa rémunération et des cotisations et contributions sociales légales et conventionnelles en cas de réduction de sa durée de travail ;
« 3° Le financement d’une majoration de durée d’assurance vieillesse et d’un départ en retraite avant l’âge légal de départ en retraite de droit commun.
« II. – La demande d’utilisation des points peut intervenir à tout moment de la carrière du titulaire du compte, que celui-ci soit salarié ou demandeur d’emploi, pour l’utilisation mentionnée aux 1° et 2° du I. Pour les droits mentionnés au 3° du même I, la liquidation des points acquis, sous réserve d’un nombre suffisant, peut intervenir à partir de 55 ans.
« Les droits mentionnés aux 1° et 2° dudit I ne peuvent être exercés que lorsque le salarié relève, à la date de sa demande, des catégories définies au premier alinéa de l’article L. 4162-1.
« III. – Un décret en Conseil d’État fixe les modalités suivant lesquelles le salarié est informé des possibilités d’utilisation du compte et détermine les conditions d’utilisation des points inscrits au compte. Il fixe le barème de points spécifique à chaque utilisation du compte. Il précise les conditions et limites dans lesquelles les points acquis ne peuvent être affectés qu’à l’utilisation mentionnée au 1° du I du présent article.
« IV. – Pour les personnes âgées d’au moins 52 ans au 1er janvier 2015, le barème d’acquisition des points portés au compte personnel de prévention de la pénibilité et les conditions d’utilisation des points acquis peuvent être aménagés par décret en Conseil d’État afin de faciliter le recours aux utilisations prévues aux 2° et 3° du I.
« Sous-section 1
« Utilisation du compte pour la formation professionnelle
« Art. L. 4162-5. – Lorsque le titulaire du compte personnel de prévention de la pénibilité décide de mobiliser tout ou partie des points inscrits sur le compte pour l’utilisation mentionnée au 1° du I de l’article L. 4162-4, ces points sont convertis en heures de formation pour abonder son compte personnel de formation, prévu à l’article L. 6111-1.
« Sous-section 2
« Utilisation du compte pour le passage à temps partiel
« Art. L. 4162-6. – Le salarié titulaire d’un compte personnel de prévention de la pénibilité a droit, dans les conditions et limites prévues aux articles L. 4162-2 et L. 4162-4, à une réduction de sa durée de travail.
« Art. L. 4162-7. – Le salarié demande à l’employeur à bénéficier d’une réduction de sa durée de travail dans des conditions fixées par décret.
« Cette demande ne peut être refusée que si ce refus est motivé et si l’employeur peut démontrer que cette réduction est impossible compte tenu de l’activité économique de l’entreprise.
« Art. L. 4162-8. – Le complément de rémunération mentionné au 2° du I de l’article L. 4162-4 est déterminé dans des conditions et limites fixées par décret. Il est assujetti à l’ensemble des cotisations et contributions sociales légales et conventionnelles, selon les modalités en vigueur à la date de son versement.
« Sous-section 3
« Utilisation du compte pour la retraite
« Art. L. 4162-9. – Les titulaires du compte personnel de prévention de la pénibilité décidant, à compter de l’âge fixé en application du II de l’article L. 4162-4, d’affecter des points à l’utilisation mentionnée au 3° du I du même article bénéficient de la majoration de durée d’assurance mentionnée à l’article L. 351-6-1 du code de la sécurité sociale.
« Section 3
« Gestion des comptes, contrôle et réclamations
« Art. L. 4162-10. – La gestion du compte personnel de prévention de la pénibilité est assurée par la Caisse nationale d’assurance vieillesse des travailleurs salariés et le réseau des organismes régionaux chargés du service des prestations d’assurance vieillesse du régime général de sécurité sociale.
« Les organismes gestionnaires enregistrent sur le compte les points correspondant aux données déclarées par l’employeur en application de l’article L. 4162-3 et portent annuellement à la connaissance du travailleur les points acquis au titre de l’année écoulée. Ils mettent à la disposition du travailleur un service d’information sur internet lui permettant de connaître le nombre de points qu’il a acquis et consommés au cours de l’année civile précédente, le nombre total de points inscrits sur son compte ainsi que les utilisations possibles de ces points.
« Ils versent les sommes représentatives des points que le travailleur souhaite affecter aux utilisations mentionnées aux 1°, 2° et 3° du I de l’article L. 4162-4, respectivement, aux financeurs des actions de formation professionnelle suivies, aux employeurs concernés ou au régime de retraite compétent.
« Un décret fixe les conditions d’application du présent article.
« Art. L. 4162-11. – Dans des conditions définies par décret, les organismes gestionnaires mentionnés à l’article L. 4162-10 peuvent procéder à des contrôles de l’effectivité et de l’ampleur de l’exposition aux facteurs de risques professionnels ainsi que de l’exhaustivité des données déclarées, sur pièces et sur place, ou faire procéder à ces contrôles par des organismes habilités dans des conditions définies par décret. Ils peuvent demander aux services de l’administration du travail, aux personnes chargées des missions mentionnées au 2° de l’article L. 215-1 du code de la sécurité sociale et aux caisses de mutualité sociale agricole de leur communiquer toute information utile. Le cas échéant, ils notifient à l’employeur et au salarié les modifications qu’ils souhaitent apporter aux éléments ayant conduit à la détermination du nombre de points inscrits sur le compte du salarié. Ce redressement ne peut intervenir qu’au cours des cinq années civiles suivant la fin de l’année au titre de laquelle des points ont été ou auraient dû être inscrits au compte.
« En cas de déclaration inexacte, le montant des cotisations mentionnées à l’article L. 4162-19 et le nombre de points sont régularisés. L’employeur peut faire l’objet d’une pénalité prononcée par le directeur de l’organisme gestionnaire, dans la limite de 50 % du plafond mensuel mentionné à l’article L. 241-3 du code de la sécurité sociale, au titre de chaque salarié ou assimilé pour lequel l’inexactitude est constatée. L’entreprise utilisatrice, au sens de l’article L. 1251-1 du présent code, peut, dans les mêmes conditions, faire l’objet d’une pénalité lorsque la déclaration inexacte de l’employeur résulte d’une méconnaissance de l’obligation mise à sa charge par l’article L. 4161-1. La pénalité est recouvrée selon les modalités définies aux sixième, septième, neuvième et avant-dernier alinéas du I de l’article L. 114-17 du code de la sécurité sociale.
« Art. L. 4162-12. – Sous réserve des articles L. 4162-13 à L. 4162-15, les différends relatifs aux décisions de l’organisme gestionnaire prises en application des sections 1 et 2 du présent chapitre et de la présente section 3 sont réglés suivant les dispositions régissant le contentieux général de la sécurité sociale. Par dérogation à l’article L. 144-5 du code de la sécurité sociale, les dépenses liées aux frais des expertises demandées par les juridictions dans le cadre de ce contentieux sont prises en charge par le fonds mentionné à l’article L. 4162-17 du présent code.
« Art. L. 4162-13. – Lorsque le différend est lié à un désaccord avec son employeur sur l’effectivité ou l’ampleur de son exposition aux facteurs de risques professionnels mentionnés à l’article L. 4161-1, le salarié ne peut saisir la caisse d’une réclamation relative à l’ouverture du compte personnel de prévention de la pénibilité ou au nombre de points enregistrés sur celui-ci que s’il a préalablement porté cette contestation devant l’employeur, dans des conditions précisées par décret en Conseil d’État. Le salarié peut être assisté ou représenté par une personne de son choix appartenant au personnel de l’entreprise.
« En cas de rejet de cette contestation par l’employeur, l’organisme gestionnaire se prononce sur la réclamation du salarié, après avis motivé d’une commission dont la composition, le fonctionnement et le ressort territorial sont fixés par décret en Conseil d’État. Cette commission dispose de personnels mis à disposition par ces caisses. Elle peut demander aux services de l’administration du travail, aux personnes chargées des missions mentionnées au 2° de l’article L. 215-1 du code de la sécurité sociale et aux caisses de mutualité sociale agricole de lui communiquer toute information utile.
« Art. L. 4162-13-1 (nouveau). – En cas de différend avec son employeur dû à un refus de celui-ci de faire droit à la demande du salarié d’utiliser son compte pour un passage à temps partiel, tel que précisé à l’article L. 4162-7, le salarié peut saisir le conseil de prud’hommes dans les conditions mentionnées au titre Ier du livre IV de la première partie.
« Art. L. 4162-14. – En cas de recours juridictionnel contre une décision de l’organisme gestionnaire, le salarié et l’employeur sont parties à la cause. Ils sont mis en mesure, l’un et l’autre, de produire leurs observations à l’instance. Le présent article n’est pas applicable aux recours dirigés contre les pénalités mentionnées à l’article L. 4162-11.
« Un décret détermine les conditions dans lesquelles le salarié peut être assisté ou représenté.
« Art. L. 4162-15. – L’action du salarié en vue de l’attribution de points ne peut intervenir qu’au cours des trois années civiles suivant la fin de l’année au titre de laquelle des points ont été ou auraient dû être portés au compte. La prescription est interrompue par une des causes prévues par le code civil. L’interruption de la prescription peut, en outre, résulter de l’envoi à l’organisme gestionnaire d’une lettre recommandée avec demande d’avis de réception, quels qu’en aient été les modes de délivrance.
« Section 4
« Financement
« Art. L. 4162-16. – I. – Il est institué un fonds chargé du financement des droits liés au compte personnel de prévention de la pénibilité.
« Ce fonds est un établissement public de l’État.
« II. – Le conseil d’administration du fonds comprend :
« 1° Des représentants de l’État ;
« 2° Des représentants des salariés, désignés par les organisations syndicales de salariés représentatives au niveau national et interprofessionnel ;
« 3° Des représentants des employeurs, désignés par les organisations professionnelles d’employeurs représentatives au niveau national et interprofessionnel ;
« 4° Des personnalités qualifiées, désignées par arrêté des ministres chargés du travail et de la sécurité sociale.
« La composition, les modes de désignation des membres et les modalités de fonctionnement du conseil d’administration sont fixés par décret.
« III. – Un décret définit le régime comptable et financier du fonds. Il précise les relations financières et comptables entre le fonds et les organismes gestionnaires du compte personnel de prévention de la pénibilité.
« Art. L. 4162-17. – Les dépenses du fonds sont constituées par :
« 1° La prise en charge de tout ou partie des sommes exposées par les financeurs des actions de formation professionnelle suivies dans le cadre de l’utilisation mentionnée au 1° du I de l’article L. 4162-4, dans des conditions fixées par décret ;
« 2° La prise en charge des compléments de rémunération et des cotisations et contributions légales et conventionnelles correspondantes mentionnés au 2° du même I, selon des modalités fixées par décret ;
« 3° Le remboursement au régime général de sécurité sociale, dans des conditions fixées par décret, des sommes représentatives de la prise en charge des majorations de durée d’assurance mentionnées au 3° dudit I, calculées sur une base forfaitaire ;
« 4° La prise en charge des dépenses liées aux frais d’expertise exposés par les commissions mentionnées à l’article L. 4162-13, dans la limite d’une fraction, fixée par décret, du total des recettes du fonds, ainsi que la prise en charge des dépenses liées aux frais des expertises mentionnées à l’article L. 4162-12 ;
« 5° Le remboursement aux caisses mentionnées au premier alinéa de l’article L. 4162-10 des frais exposés au titre de la gestion du compte personnel de prévention de la pénibilité.
« Art. L. 4162-18. – Les recettes du fonds sont constituées par :
« 1° Une cotisation due par les employeurs au titre des salariés qu’ils emploient et qui entrent dans le champ d’application du compte personnel de prévention de la pénibilité défini à l’article L. 4162-1, dans les conditions définies au I de l’article L. 4162-19 ;
« 2° Une cotisation additionnelle due par les employeurs ayant exposé au moins un de leurs salariés à la pénibilité, au sens du deuxième alinéa de l’article L. 4162-2, dans les conditions définies au II de l’article L. 4162-19 ;
« 3° Toute autre recette autorisée par les lois et règlements.
« Art. L. 4162-19. – I. – La cotisation mentionnée au 1° de l’article L. 4162-18 est égale à un pourcentage, fixé par décret dans la limite de 0,2 % des rémunérations ou gains, au sens du premier alinéa de l’article L. 242-1 du code de la sécurité sociale, perçus par les salariés entrant dans le champ d’application du compte personnel de prévention de la pénibilité défini à l’article L. 4162-1 du présent code.
« II. – La cotisation additionnelle mentionnée au 2° de l’article L. 4162-18 est égale à un pourcentage fixé par décret et compris entre 0,3 et 0,8 % des rémunérations ou gains mentionnés au I du présent article perçus par les salariés effectivement exposés à la pénibilité, au sens du deuxième alinéa de l’article L. 4162-2, au cours de chaque période. Un taux spécifique, compris entre 0,6 et 1,6 %, est appliqué au titre des salariés ayant été exposés simultanément à plusieurs facteurs de pénibilité.
« III. – La section 1 du chapitre VII du titre III du livre Ier du code de la sécurité sociale est applicable à la cotisation définie au I du présent article et à la cotisation additionnelle définie au II.
« Art. L. 4162-20. – Pour la fixation du taux des cotisations définies aux 1° et 2° de l’article L. 4162-18 et du barème de points spécifique à chaque utilisation du compte défini à l’article L. 4162-4, il est tenu compte des prévisions financières du fonds pour les cinq prochaines années et, le cas échéant, des recommandations du comité de suivi mentionné à l’article L. 114-4 du code de la sécurité sociale.
« Section 5
« Dispositions d’application
« Art. L. 4162-21. – Sauf dispositions contraires, les modalités d’application du présent titre sont déterminées par décret en Conseil d’État. »
M. le président. La parole est à M. Dominique Watrin, sur l'article.
M. Dominique Watrin. Permettre à des salariés dont l’activité professionnelle provoque une réduction de l’espérance de vie, ou de l’espérance de vie en bonne santé, de bénéficier d’une réduction du temps de travail ou d’un départ anticipé à la retraite, constitue indéniablement une avancée par rapport au droit existant.
Pour la première fois, le législateur reconnaît vouloir rompre avec la logique précédente selon laquelle il serait impossible d’associer à parts égales la prévention des risques et leur réparation. C’est pourquoi ce dispositif suscite de nombreux espoirs. Cependant, il risque, dans les faits, d’engendrer quelques déceptions.
En effet, présenté comme un compte personnel de prévention de la pénibilité, ce mécanisme s’inscrit dans la continuité des autres comptes personnels, comme le compte individuel de formation. Celui-ci, instauré en transposant l’accord national interprofessionnel du 11 janvier dernier, est un compte personnel dans lequel l’employeur est très présent et au sein duquel une part importante des choix opérés par les salariés sont soumis à son autorisation.
La liberté du salarié quant à l’usage des droits accumulés en raison de son exposition à des facteurs professionnels s’arrête, dans les faits, là où commence la volonté de l’employeur. Il résulte de cette situation que les salariés ne sont pas réellement maîtres des droits auxquels ils pourraient prétendre.
Ainsi, une partie des droits acquis par les salariés devront obligatoirement être utilisés dans le cadre de la formation professionnelle. Pourtant, celle-ci constitue déjà une obligation des employeurs ouvrant des droits aux salariés, indépendamment de leur exposition à des facteurs de risques.
Nous nous interrogeons donc sur cette mesure, d’autant plus que, dans le projet de loi, on se contente de prévoir que cette formation devra être de nature à permettre l’accès à un emploi non exposé, ou moins exposé, à des facteurs de pénibilité.
Pour autant, le changement de situation professionnelle, le passage d’un poste exposé à un poste non exposé, ne dépend pas de la volonté du salarié, quand bien même ce dernier aurait suivi une formation professionnelle, mais relève bien de la seule volonté de l’employeur. Le salarié pourrait donc se trouver, après avoir suivi une formation, contraint, faute de disponibilité ou de volonté de l’employeur, de regagner le même poste de travail ou un poste exposé au même facteur de risque.
Qui plus est, nous redoutons que le salarié ne soit, d’une certaine manière, rendu responsable, en partie, de son exposition à des risques professionnels. Un employeur pourrait ainsi refuser la mobilité interne d’un salarié vers un poste moins exposé, au motif que la formation que le salarié aurait choisie ne serait pas en adéquation avec les besoins de l’entreprise.
À l’inverse, ce système pourrait être dévoyé par l’employeur si l’on ne précisait pas que cette formation doit servir à la reconversion. Surgit alors une autre question : en six mois, peut-on vraiment se reconvertir ?
Ce texte soulève donc beaucoup de questions. Tout en espérant que le débat nous permettra d’avancer sur le sujet, nous soulignons d’emblée le risque de susciter beaucoup de déception si ces questions devaient rester sans réponse.
Nous aurions préféré que l’utilisation du compte individuel de formation demeure sous la seule responsabilité des salariés et qu’ils en soient ainsi réellement propriétaires. Tel n’est pas le cas.
Des orateurs de notre groupe évoqueront d’autres sujets relatifs à ce compte pénibilité. Tenir compte de la pénibilité afin d’y mettre un terme est un postulat que nous partageons. Toutefois, beaucoup de réponses manquent encore.
M. le président. La parole est à Mme Annie David, sur l'article.
Mme Annie David. Nous avons pu lire et entendre les déclarations des responsables de l’UMP et du MEDEF, disqualifiant ce dispositif comme trop coûteux. Cela ne nous étonne guère.
Souvenons-nous qu’en 2010 les mêmes avaient, à l’occasion de leur réforme des retraites, mis en place un dispositif pour les salariés souffrant d’incapacité en raison d’une maladie professionnelle ou d’un accident du travail.
Ce dispositif était complexe, surmédicalisé et ouvert à un nombre particulièrement restreint de salariés puisque, pour en profiter, le salarié devait justifier d’un taux d’incapacité, mesuré par les médecins de l’assurance-maladie, au moins égal à 20 %.
Ces critères particulièrement restrictifs ont joué le rôle indirect qui leur était assigné : rendre le dispositif peu opérant, donc peu coûteux. De fait, 5 366 personnes seulement en ont bénéficié, selon un bilan dressé à la fin du mois de juin, alors que le gouvernement de l’époque annonçait 30 000 bénéficiaires.
Si le dispositif qui nous est soumis ici est plus ambitieux, et répond davantage aux demandes des salariés, il n’est pas exempt de critiques, et certaines sont à nos yeux très importantes.
Ainsi, ce compte personnel de prévention de la pénibilité ne sera mis en œuvre qu’à partir du 1er janvier 2015, et les premiers départs en retraite anticipée en raison de l’exposition des salariés à des facteurs de risques ne seront possibles qu’en 2040.
Se pose donc légitimement la question de ces salariés qui, aujourd’hui, ont déjà été exposés, des années durant, à des facteurs de risques, comme le travail posté ou le travail de nuit. Nous entendons l’argument selon lequel les partenaires sociaux doivent travailler ensemble à l’élaboration de critères permettant de définir les facteurs de risques. Pour autant, certains de ces facteurs sont connus depuis des années et font l’objet d’une littérature scientifique, voire de décisions judiciaires, sur lesquelles il aurait été possible de s’appuyer sans attendre 2015. Pour ces salariés-là, il aurait donc été juste de prévoir un mécanisme réellement rétroactif.
Il en est ainsi du travail de nuit, qui fait l’objet d’une fiche spécifique dans la catégorie « facteurs de risques », disponible sur le site internet du ministère du travail et des solidarités. On peut y lire : « L’existence de situation de travail de nuit, au sens des définitions rappelées ci-dessus, doit conduire à considérer les personnes concernées comme exposées à un facteur de pénibilité ». Cette fiche précise que plusieurs effets ont été identifiés sur la santé des travailleurs, comme des « troubles digestifs » et un « déséquilibre nutritionnel » avec pour effets « d’éventuels problèmes de surpoids » ou encore des « risques cardiovasculaires accrus – surpoids, hypertension artérielle ».
De son côté, l’Institut national de recherche et de sécurité, l’INRS, fait valoir que les horaires atypiques favorisent aussi l’apparition de certaines pathologies, et contribuent à l’usure prématurée des salariés.
Des études révèlent ainsi que, plusieurs années après, l’état de santé des ouvriers ayant travaillé de nuit ou en trois-huit est dégradé par rapport à l’état de santé de ceux qui ont toujours connu des horaires « standard ».
Dans une telle situation, concernant de tels effets, visiblement connus, une action plus rapide et une prise en charge rétroactive nous paraissent techniquement possibles et socialement justes.
Certes, les salariés âgés de 52 ans pourront bénéficier de majorations de trimestres, mais celles-ci ne correspondent pas à la prise en compte qu’attendent ceux qui sont exposés depuis des années à des facteurs de risques ayant, tout au long de leur vie professionnelle, réduit leur espérance de vie.
Au final, le compte personnel de prévention de la pénibilité, s’il constitue une amélioration notable par rapport au dispositif introduit en 2010, ne répond pas aux besoins des salariés ayant déjà été exposés à des facteurs de risques. Ses effets, attendus en 2040, nous semblent trop tardifs, et cela n’est pas acceptable.
M. le président. La parole est à Mme Laurence Cohen, sur l'article.
Mme Laurence Cohen. Les travaux de la commission des affaires sociales de l’Assemblée nationale, comme d’ailleurs les débats dans l’hémicycle, ont permis au compte personnel de prévention de la pénibilité de progresser vers une meilleure prise en compte des salariés qui ont été exposés à des facteurs de risques.
Pour autant, ce dispositif, contrairement à ce que son intitulé laisse croire, n’est pas la propriété du salarié. Son utilisation est particulièrement encadrée, quand elle n’est pas, tout bonnement, subordonnée à l’autorisation de l’employeur, c'est-à-dire, dans les faits, à celui qui expose ses salariés à des risques professionnels, comme nous l’évoquions avant la suspension.
Ainsi, vingt des points accumulés par les salariés devront obligatoirement être utilisés par eux dans le cadre d’une formation professionnelle. Les salariés âgés de 52 ans et plus pourront déroger à cette obligation. Tant mieux : à défaut, cette obligation aurait pu avoir pour effet de rendre impossible le départ à la retraite anticipée de certains !
Quant à la possibilité offerte aux salariés de réduire leur temps de travail, elle est subordonnée à l’autorisation de l’employeur. En effet, celui-ci pourra s’opposer à la demande du salarié à la double condition qu’il motive son refus et qu’il puisse démontrer que cette réduction est « impossible compte tenu de l’activité économique de l’entreprise ».
Même si nos collègues députés, notamment le rapporteur de la commission des affaires sociales, ont eu la volonté d’être plus précis et de diminuer le nombre de cas où les employeurs pourront s’opposer à la demande du salarié, cette formulation nous apparaît tout de même relativement floue.
Souvenons-nous que la loi ayant transposé l’accord national interprofessionnel du 11 janvier dernier autorise les employeurs à licencier des salariés pour motif économique dans le cas où l’activité économique de l’entreprise le justifie. Qui plus est, cette décision relèvera exclusivement de l’employeur, et les désaccords entre le salarié et l’employeur faisant suite au refus du second de répondre favorablement à la demande du premier tendant à la réduction de son temps de travail seront tranchés par les conseils de prud’hommes.
Là encore, ce choix nous intrigue au regard de l’ANI, puisque vous avez retiré aux conseils de prud’hommes la capacité qui était la leur de vérifier le bien-fondé du licenciement pour motif économique. Et vous leur confiez aujourd’hui la mission de décider si l’activité économique est compatible ou non avec la demande du salarié ? Tout cela semble manquer de cohérence.
Enfin, la réparation qui sera accordée aux salariés au titre de l’article L. 4162-15 du code du travail introduit par l’article 6 mérite quelques éclaircissements.
Aux termes de cet article, « l’action du salarié en vue de l’attribution de points ne peut intervenir qu’au cours des trois années civiles suivant la fin de l’année au titre de laquelle des points ont été ou auraient dû être portés au compte ». Quelle forme prendra la réparation si la demande du salarié, notamment en matière de réduction du temps de travail, est formulée un an avant qu’il n’ouvre ses droits à la retraite ? Le salarié retraité depuis lors pourra-t-il continuer à agir en justice et aura-t-il droit à une indemnisation ?
Ce sont autant d’interrogations qui, je l’espère, trouveront des réponses au cours du débat.
M. le président. L'amendement n° 266, présenté par MM. Longuet et Cardoux, Mmes Boog, Bruguière, Bouchart, Cayeux, Debré et Deroche, M. Dériot, Mme Giudicelli, MM. Gilles et Husson, Mme Hummel, MM. Fontaine, de Raincourt, Laménie et Milon, Mme Kammermann, M. Pinton, Mme Procaccia, M. Savary et les membres du groupe Union pour un Mouvement Populaire, apparentés et rattachés, est ainsi libellé :
Supprimer cet article.
La parole est à Mme Catherine Deroche.
Mme Catherine Deroche. Pour notre groupe, la mise en place du compte personnel de prévention de la pénibilité soulève plusieurs problèmes.
Tout d’abord, cette mesure pose un problème de financement dans la mesure où le dispositif devrait coûter près de 2,5 milliards d’euros en 2040, pour un rendement bien inférieur des deux nouvelles cotisations employeurs à la même date.
Ce problème se double d’un effet de hausse du coût du travail. En effet, d’ici à 2020, les entreprises auront été mises à contribution à hauteur de 2,2 milliards d’euros au titre de la hausse des cotisations et de 500 millions d’euros minimum au titre de la pénibilité. Mentionnons que ces contributions s’ajoutent aux investissements déjà consentis par les entreprises à la suite de la mise en place du dispositif relatif à la pénibilité de 2010.
Ensuite, cela pose un problème d’application, puisque la création de ce compte risque d’alourdir considérablement les charges administratives des entreprises. Or les TPE et les PME, qui constituent la majeure partie de notre tissu économique, ne disposent pas forcément de la ressource humaine nécessaire pour tenir au jour le jour les fiches d’exposition des salariés. Nous avons bien entendu ces arguments lorsque nous avons reçu les responsables des entreprises, notamment ceux des plus petites d’entre elles.
Enfin, le dispositif risque d’entraîner une multiplication des contentieux. En effet, la loi ne pourra empêcher les différences d’appréciation entre employeurs et salariés quant à la pénibilité des travaux.
Qui plus est, cette loi viendra se greffer sur les dispositifs existants, à savoir la prise en charge de la pénibilité sur la base d’une incapacité constatée, mise en place en 2010, et le dispositif « carrière longue », créé en 2003, qui compense bien souvent la pénibilité du travail subie par les travailleurs entrés très jeunes sur le marché du travail et ayant exercé des métiers dits « physiques ».
Au regard de toutes les difficultés que suscitera le compte personnel de prévention de la pénibilité, nous demandons la suppression de l’article 6.
M. le président. Quel est l’avis de la commission ?
Mme Christiane Demontès, rapporteur de la commission des affaires sociales. Vous l’imaginez bien, la commission, qui, je le rappelle, a adopté cet article 6, a émis un avis défavorable sur cet amendement de suppression.
Le compte personnel de prévention de la pénibilité constitue une avancée majeure et il est l’un des piliers de ce projet de loi.
Madame Deroche, je n’ai pas très bien compris votre argumentation.
Il est assez étonnant de vous entendre évoquer le cas de personnes ayant commencé à travailler jeunes, alors même que vous avez reculé l’âge légal de la retraite et que vous souhaitez encore aller plus loin en ce sens. À ce titre, vos propos sont quelque peu contradictoires.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
Mme Marisol Touraine, ministre des affaires sociales et de la santé. Le Gouvernement a bien sûr émis un avis défavorable sur cet amendement de suppression de l’article 6.
Madame la sénatrice, vous ne l’ignorez pas, il s’agit d’un article structurant, essentiel, venant compléter l’article 5, qui a été adopté. Il permet de décliner concrètement la prise en compte de la pénibilité, avec la volonté, au travers d’un dispositif de points, de permettre aux salariés soit de se former, soit de bénéficier d’un temps partiel payé à temps plein, soit de partir à la retraite de manière anticipée.
À cet égard, je veux réagir aux propos de Mme David. Selon elle, les possibilités de bénéficier d’un départ à la retraite anticipé s’inscrivent dans un horizon trop lointain. Je ne comprends pas très bien cette observation, dans la mesure où le dispositif que nous mettons en place produira ses effets à compter du 1er janvier 2015 et permettra des départs anticipés dès la fin de l’année 2016. Ainsi, un salarié polyexposé pourra partir à la retraite jusqu’à deux trimestres avant la date prévue.
M. Jean-Pierre Caffet. Eh oui !
Mme Marisol Touraine, ministre. En effet, nous instituons un dispositif transitoire qui permet de doubler les points pendant une période donnée et de bénéficier d’une dérogation à l’obligation faite aux salariés d’utiliser leurs premiers points au titre de la formation, au profit d’un départ anticipé.
De plus, le compte personnel de prévention de la pénibilité sera opérationnel dès le 1er janvier.
Voilà pourquoi je ne comprends pas, madame la sénatrice, les raisons pour lesquelles vous évoquez l’horizon de 2040. Nos estimations portent certes sur le dispositif en année pleine, en rythme de croisière. Mais nous avons précisément souhaité mettre en place, j’y insiste, un système qui produise rapidement des effets, afin que les salariés aujourd'hui en fin de carrière ne se retrouvent pas privés du bénéfice de cette avancée sociale majeure, même s’il est vrai qu’ils en profiteront moins, c’est une évidence, que celui qui partira à la retraite dans dix ans, par exemple.
Mme Annie David. Tant mieux s’il en est ainsi !
M. le président. La parole est à Mme Kalliopi Ango Ela, pour explication de vote.
Mme Kalliopi Ango Ela. L’article 6 constitue la grande avancée de ce projet de loi. Pour la première fois, nous examinons un texte qui apporte de vraies solutions aux problèmes de pénibilité au travail.
En effet, les facteurs de pénibilité, déjà bien identifiés depuis plusieurs années, sont ici pris en compte.
La réelle nouveauté tient à la liste des facteurs de pénibilité arrêtée, ainsi qu’à la définition des seuils chiffrés. Bien sûr, la littérature scientifique sur le sujet n’est pas unanime et prouve la difficulté de chiffrer ces seuils. Certes, il est renvoyé à un décret pour la mise en œuvre effective de cette mesure ainsi que pour la définition des facteurs et des seuils, et nous serons particulièrement attentifs.
Toutefois, la concertation avec les spécialistes a, pour une fois, porté ses fruits, et l’apport de nombreux ergonomes et statisticiens, tel Serge Volkoff, doit être salué.
Le Gouvernement a fait le choix de ne pas s’enfermer dans une simple indemnisation de l’invalidité, à l’inverse de la réforme de 2010, ce qui doit être salué.
Le choix de la formation, du temps partiel ou du départ anticipé à la retraite permet de bien couvrir l’ensemble des situations et des choix des salariés. Nous ne sommes pas tout à fait d’accord sur les seuils de points retenus, mais nous aurons l’occasion de revenir ultérieurement sur cette question.
Mais est-ce là tout ce que nous avons à proposer pour lutter contre la pénibilité ?
Bien entendu, je ne remets pas en cause le contenu de cet article, mais je m’interroge sur le projet de société que nous proposons aux travailleurs.
Le véritable objectif de la gauche devrait être non pas uniquement de prendre en compte la pénibilité, mais bel et bien de la supprimer. Il y a là, je le reconnais, une part d’utopie, mais la gauche, c’est aussi l’utopie, l’avancée sociale, le juste combat mené pour les générations futures, et non pas simplement la logique gestionnaire.
Nous devons apporter des solutions concrètes pour améliorer les conditions de travail des ouvriers du bâtiment, des employés des abattoirs et des ouvriers de l’industrie lourde. Nous devons faire en sorte de promouvoir le bien-être au travail, pas seulement en proposant un nombre de points ou un temps partiel, mais en offrant une transition profonde de notre économie vers des métiers plus respectueux de l’individu.
C’est aussi là que la gauche doit se mobiliser comme force de proposition. Soyez sûrs que les Français attendent beaucoup de nous à cet égard.
C’est pour ces raisons que le groupe écologiste votera contre cet amendement de suppression.
M. le président. La parole est à M. Claude Domeizel, pour explication de vote.
M. Claude Domeizel. Monsieur le président, madame la ministre, mes chers collègues, cet amendement est consternant ! On peut comprendre qu’un dispositif soit considéré comme imparfait et donc perfectible. Mais il s’agit ici d’une mesure touchant à la protection de la santé des salariés. On ne peut pas la rayer d’un trait de plume, au prétexte qu’elle coûte trop cher !
Les entreprises de notre pays auxquelles on demande de faire cet effort, au demeurant bien modeste, bénéficient de nombreuses dispositions, notamment fiscales, qui contrebalancent plus que largement le coût de ce dispositif. Nous refusons d’imaginer que les investissements en faveur de la sécurité des salariés soient considérés comme une charge par les employeurs, d’abord sur un plan humain, bien évidemment, mais aussi parce que les efforts réalisés en ce sens sont pris en compte dans le calcul des cotisations qu’ils versent à la branche accidents du travail et maladies professionnelles.
Enfin, je le répète, l’objectif est de sortir les salariés de la pénibilité et d’en finir avec non pas la double, mais bien la multiple peine : basse qualification, travaux pénibles, bas salaires, précarité, risques professionnels et espérance de vie limitée.
Le compte de prévention de la pénibilité est un compte personnel, un compte potentiellement mis en place pour chaque homme et pour chaque femme. Il est l’expression de la considération que nous devons à tous ceux qui travaillent dans des conditions difficiles, afin que chacun d’entre eux ait une vie meilleure.
Nous voulons opérer un renversement de perspective fondé sur la justice la plus élémentaire.
Chers collègues de l’UMP, ressaisissez-vous ! Il est légitime de critiquer, de souhaiter des améliorations, de demander la prise en compte de tous les points de vue, mais il n’est pas acceptable de balayer cette avancée d’un revers de la main. (Très bien ! et applaudissements sur les travées du groupe socialiste.)
M. le président. La parole est à Mme Laurence Cohen, pour explication de vote.
Mme Laurence Cohen. Le groupe CRC ne votera pas cet amendement de suppression de l’article 6.
Certes, nous avons posé un certain nombre de questions dans nos interventions sur l’article, mais chacun d’entre nous a reconnu, madame la ministre, que vous traitiez le problème de la pénibilité comme cela s’impose à nous. Même si certaines des solutions que vous apportez peuvent nous apparaître incomplètes et perfectibles, elles constituent néanmoins une ouverture importante et sont un point d’appui pour l’ensemble des salariés.
Depuis lundi dernier, nos prises de position sont diverses, mais je constate que nous avons tout de même aussi entendu dans cet hémicycle la voix des salariés et des retraités en difficulté. À mon avis, on peut améliorer cet article, mais on ne saurait le rayer d’un trait de plume.
C’est pourquoi nous votons contre l’amendement de suppression.
M. le président. La parole est à M. Jean-Marie Vanlerenberghe, pour explication de vote.
M. Jean-Marie Vanlerenberghe. Nous l’avons déjà indiqué, nous sommes tout à fait favorables à la reconnaissance et à la prise en compte de la pénibilité à effet différé.
Comme je l’ai signalé dans la discussion générale, l’article 6 du projet de loi présente à la fois des aspects positifs et des lacunes, la première d’entre elles tenant au fait qu’il ne concerne que les salariés du secteur privé.
Sans doute, des régimes spéciaux permettent de tenir compte de la pénibilité ; mais je considère que ce système doit être réformé – à terme, bien sûr, car il ne s’agit pas d’agir brutalement.
Dans le cadre de la réforme systémique que nous appelons de nos vœux, la pénibilité serait prise en compte, mais dans une approche universelle. De fait, il existe aussi des métiers pénibles dans la fonction publique et dans les collectivités territoriales, en plus des métiers auxquels correspondent les régimes spéciaux.
Je vois une deuxième lacune, un deuxième handicap, dans le compte personnel de prévention de la pénibilité lui-même.
En effet, la reconstitution de périodes d’exposition aux risques peut être très compliquée, dans la mesure où les carrières ne sont pas linéaires et où certains salariés changent d’entreprise. On m’objectera que le compte personnel permettra un suivi ; encore faut-il qu’il soit bien tenu.
En outre, comme certains responsables auditionnés l’ont souligné, il est parfois très compliqué d’évaluer la pénibilité : dans le bâtiment, par exemple, un salarié peut travailler pendant une heure avec un marteau-piqueur et, le reste du temps, monter un mur de briques, tâche qui n’est pas du tout considérée comme pénible.
Vous constatez, mes chers collègues, que le problème est plus complexe qu’il n’y paraît ; je n’ai pas l’impression que l’on en ait pris la pleine mesure.
La troisième lacune découle de ce qui précède et tient à la cotisation due par les employeurs. La cotisation de base, fixée à 0,2 % de la masse salariale, sera la même pour toutes les entreprises ; des cotisations additionnelles dépendront du niveau d’exposition des salariés. Les modalités de ce système ne sont pas précisées : je crains fort qu’elles ne soient arrêtées par décret, dans l’obscurité des cabinets, alors qu’un débat serait nécessaire avec les spécialistes – nous en avons auditionné certains –, les hommes de l’art et les représentants des salariés, sans oublier les chefs d’entreprise, qui sont parfaitement au fait des situations.
Cet article présente un dernier défaut, qui est grave : on a voulu mélanger la prévention et la réparation. Je voudrais bien que l’on m’explique comment tel tourneur-fraiseur de telle petite entreprise, qui est totalement spécialisé dans la mécanique, pourra être reconverti dans un autre métier, alors qu’il ne sait faire qu’une chose et qu’il l’a fait très bien, et qu’il est bien payé pour cela. À quoi sert dans ce cas le présent dispositif ? Non, ce qu’il faut, c’est permettre une réparation !
Je pense donc que, dans sa rédaction actuelle, l’article 6 est entaché d’erreurs conceptuelles. (Mme la rapporteur proteste.) Croyez-moi, madame la rapporteur : j’ai une expérience de plusieurs dizaines d’années dans ces entreprises et je parle de ce que je sais. Or je n’ai pas le sentiment que tous nos collègues aient bien pris conscience des réalités concrètes qui se cachent derrière les mots.
Dans ces conditions, nous réservons notre vote sur l’amendement n° 266, tout en étant favorables à l’idée.
Mme Catherine Génisson. Que voulez-vous dire ?
M. le président. La parole est à Mme Annie David, pour explication de vote.
Mme Annie David. Comme Mme Cohen l’a indiqué, nous ne voterons pas l’amendement n° 266, car nous jugeons l’article 6 positif, même si des questions se posent à son sujet.
Madame la ministre, j’entends bien qu’un dispositif permettra aux salariés âgés de 52 ans de partir en retraite de manière anticipée. Reste qu’une frange de salariés, parmi ceux qui ont des métiers pénibles, ne pourra pas bénéficier de ce départ anticipé. Nous ne voterons pas la suppression de l’article…
M. Michel Le Scouarnec. Il faut l’améliorer !
Mme Annie David. … mais nous voyons bien que, si certains salariés, grâce à cet article, peuvent partir en retraite plus tôt - c’est très bien, et du reste c’est l’un des objets du projet de loi - comprenez, madame la ministre, que d’autres ne pourront pas bénéficier de cette mesure. Je trouve dommage que ces femmes et ces hommes soient laissés de côté, alors qu’ils pouvaient espérer partir plus tôt, ayant, pendant des années, exécuté des tâches dont la pénibilité n’était pas reconnue jusqu’à présent, mais qui le sera désormais, après l’adoption de ce texte.
Alors, oui, madame la ministre, l’alinéa 23 de l’article 6 prévoit des dispositions particulières en faveur des salariés âgés de 52 ans et plus, mais certains salariés, tout en pouvant partir en retraite un peu plus tôt, ne bénéficieront pas complètement de cette mesure ; nous tenions simplement à formuler cette réserve.
M. le président. L'amendement n° 289, présenté par MM. Milon, Longuet et Cardoux, Mmes Boog, Bruguière, Bouchart, Cayeux, Debré et Deroche, M. Dériot, Mme Giudicelli, MM. Gilles et Husson, Mme Hummel, MM. Fontaine, de Raincourt et Laménie, Mme Kammermann, M. Pinton, Mme Procaccia, M. Savary et les membres du groupe Union pour un Mouvement Populaire, apparentés et rattachés, est ainsi libellé :
Alinéa 6
Après la seconde occurrence du mot :
privé
insérer les mots :
à l’exception des salariés des établissements de santé
La parole est à Mme Catherine Deroche.
Mme Catherine Deroche. Cet amendement vise à exclure du dispositif prévu à l’article 6 les salariés des établissements de santé.
En dépit d’un contexte budgétaire difficile, les gestionnaires des établissements de santé ont contribué à la maîtrise des dépenses de santé, comme le souligne le rapport de l’IGAS et de l’IGF comportant des propositions pour la maîtrise de l’ONDAM sur la période 2013-2017.
À notre sens, l’application aux établissements de santé du compte personnel de prévention de la pénibilité conduirait inévitablement à une augmentation de l’ONDAM, liée à la nécessité de compenser le déficit d’exploitation provoqué par la hausse mécanique du coût du travail.
Par ailleurs, l’organisation des établissements est soumise à des dispositions législatives et réglementaires qui régissent les missions du service public de la santé, fixant notamment les principes de continuité et de permanence des soins.
En imposant à tous les secteurs d’activité, sans distinction, sans tenir compte des contraintes, l’obligation de mettre en œuvre le compte personnel de prévention de la pénibilité, le projet de loi ne tient pas compte des spécificités de fonctionnement qu’implique l’intérêt général pour les employeurs dans le secteur de la santé.
J’ajoute que certaines composantes de la pénibilité au travail, comme le travail de nuit, ont déjà fait l’objet de négociations de branche, voire d’entreprise, conduisant à la mise en place de mécanismes de compensation, en termes financiers ou de temps.
Dès lors, l’article 6 remet en cause l’équilibre des dispositifs de prévention nés du dialogue social entre les acteurs, qui sont les plus à même d’appréhender leurs risques professionnels.
M. le président. Quel est l’avis de la commission ?
Mme Christiane Demontès, rapporteur. Madame Deroche, vous proposez d’exclure les salariés des établissements privés de santé du champ d’application du compte personnel de prévention de la pénibilité.
Pour notre part, nous jugeons essentiel le principe d’universalité du compte prévu par le projet de loi, et nous considérons qu’il n’y a aucune raison objective d’introduire une distinction au sein des salariés du secteur privé : si ceux qui travaillent dans les établissements de santé étaient exclus du dispositif, au nom de quoi pourrions-nous refuser que d’autres le soient aussi ?
En outre, la création de ce compte ne remet absolument pas en cause les éventuels mécanismes conventionnels déjà mis en place.
Pour toutes ces raisons, la commission est défavorable à l’amendement n° 289.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. le président. La parole est à M. Claude Domeizel, pour explication de vote.
M. Claude Domeizel. J’ai dit ma consternation devant un précédent amendement. J’avoue que celui-ci est tout aussi consternant ! Que l’on propose d’exclure les salariés des établissements de santé du champ d’application du compte personnel de prévention de la pénibilité, c’est incroyable !
Mes chers collègues, songeons au travail des infirmières et des infirmiers, ou des aides-soignants, qui sont soumis à de multiples facteurs de pénibilité : travail de nuit par équipes successives, manutention de patients, exposition à des produits dangereux. Il est incompréhensible, et même scandaleux que ces personnels, à l’hôpital ou dans les cliniques privées, puissent être exclus du dispositif.
Madame Deroche, nous voterons fermement contre votre amendement ! (Marques d’approbation sur les travées du groupe socialiste et du groupe CRC).
M. Jacques Chiron. Bravo !
M. le président. La parole est à Mme Laurence Cohen, pour explication de vote.
Mme Laurence Cohen. Je suis tout à fait d’accord avec M. Domeizel : cette discrimination à l’encontre d’une catégorie de personnels est absolument inadmissible.
Au sein de la commission des affaires sociales, nous connaissons bien les difficultés des personnels de santé et la pénibilité à laquelle ils sont exposés ; je pense en particulier au corps infirmier, majoritairement composé de femmes.
Je ne sais pas s’il faut être consterné ou révolté ; en tout cas, madame Deroche, nous sommes farouchement opposés à votre amendement, qui est très discriminatoire et coupé de la réalité de l’hôpital !
M. le président. La parole est à M. Gérard Roche, pour explication de vote.
M. Gérard Roche. À nos collègues qui présentent cet amendement, je veux dire mon étonnement, car on ne peut pas s’en tenir à des données comptables. Évidemment, prendre en compte la pénibilité aura un coût, qui pourra avoir une répercussion sur l’ONDAM. Aussi bien, pourquoi l’ONDAM serait-il exclu de l’effort nécessaire ?
Mme Catherine Génisson. En effet !
M. Gérard Roche. Cette discrimination à l’encontre des maisons de retraite, et surtout des hôpitaux, est insupportable !
MM. Jacques Chiron et Jacques-Bernard Magner. Tout à fait !
M. Gérard Roche. En effet, les horaires de travail sont pénibles et il faut tenir compte du poids des malades.
On parle beaucoup de la médecine d’urgence et de ses gyrophares. Pourtant, la vraie grandeur consiste pour les personnels dont nous parlons ici à travailler au quotidien à préserver la dignité de malades en fin de vie, des malades qui se souillent et qu’il faut faire manger, ce qui prend parfois un temps infini si l’on veut qu’ils s’alimentent correctement. Non seulement ce travail doit être pris en compte, mais il devrait être beaucoup mieux reconnu dans l’opinion !
Mme Brigitte Gonthier-Maurin. Absolument !
M. Gérard Roche. Je connais bien mes amis de l’UMP : je pense qu’ils n’ont pas assez réfléchi, car cet amendement n’est pas tout à fait à sa place ! (Applaudissements sur les travées de l'UDI-UC, du groupe écologiste, du groupe socialiste et du groupe CRC.)
Mme Christiane Demontès, rapporteur. Il faut le retirer ! (Marques d’approbation sur les travées du groupe socialiste et du groupe CRC.)
Mme Catherine Génisson. Retirez-le !
M. le président. La parole est à Mme Catherine Deroche, pour explication de vote.
Mme Catherine Deroche. Comme M. Vanlerenberghe l’a signalé, le compte personnel de prévention de la pénibilité n’a pas vocation à s’appliquer au secteur public. Il y a donc là une discrimination entre les établissements de santé publics et privés, et ces derniers risquent d’être mis en difficulté.
M. Claude Domeizel. Alors vous excluez les salariés des établissements privés ? Quelle méthode !
Mme Catherine Deroche. Je le répète, nous n’avons nullement l’intention de nier la pénibilité ; d’ailleurs, c’est le gouvernement que nous soutenions qui, dès 2010, l’a inscrite dans la législation sur les retraites.
M. Gérard Longuet. Absolument !
Mme Catherine Deroche. Nous sommes contre le compte personnel de prévention de la pénibilité, qui suscitera de nombreuses difficultés, ce qui ne veut absolument pas dire que nous sommes hostiles à l’amélioration des conditions de travail et à la prise en compte de la pénibilité !
Nous sommes contre la discrimination qu’introduit le compte personnel de prévention de la pénibilité entre les établissements de santé du secteur public et ceux du secteur privé.
M. le président. Je suis saisi de trois amendements faisant l'objet d'une discussion commune.
L'amendement n° 317, présenté par M. Delahaye, est ainsi libellé :
Alinéa 8
Rédiger ainsi cet alinéa :
« Art. L. 4162-2. – Le compte personnel de prévention de la pénibilité est ouvert dans les entreprises de 10 salariés et plus dès lors qu’un salarié a acquis des droits dans les conditions définies au présent chapitre. Les droits constitués sur le compte lui restent acquis jusqu’à leur liquidation ou à son admission à la retraite.
Cet amendement n'est pas soutenu.
L'amendement n° 405 rectifié, présenté par MM. Barbier et Mézard, est ainsi libellé :
Alinéa 8, première phrase
Après les mots :
est ouvert
insérer les mots :
dans les entreprises de 10 salariés et plus
Cet amendement n'est pas soutenu.
L'amendement n° 271, présenté par MM. Longuet et Cardoux, Mmes Boog, Bruguière, Bouchart, Cayeux, Debré et Deroche, M. Dériot, Mme Giudicelli, MM. Gilles et Husson, Mme Hummel, MM. Fontaine, de Raincourt, Laménie et Milon, Mme Kammermann, M. Pinton, Mme Procaccia, M. Savary et les membres du groupe Union pour un Mouvement Populaire, apparentés et rattachés, est ainsi libellé :
Alinéa 8, première phrase
Remplacer les mots :
dès lors qu’un salarié a acquis
par les mots :
pour chaque travailleur dans les entreprises de dix salariés et plus dès lors qu’il s’est constitué
La parole est à M. Gérard Longuet.
M. Gérard Longuet. Le nouveau compte personnel de prévention de la pénibilité présente deux risques importants pour les très petites entreprises et les petites entreprises.
Le premier risque est lié au surcoût financier, puisque le projet de loi prévoit qu’il sera à la charge intégrale des entreprises.
Le second risque tient à la complexité administrative du dispositif, puisqu’il s’agit d’établir, pour tous les salariés, une fiche de prévention des expositions, et pour les salariés atteignant de nouveaux seuils d’exposition fixés par décret, un compte personnel de prévention de la pénibilité, et d’alimenter ce compte par des points, selon un système différencié, en fonction du moment de la carrière du salarié.
Dès lors, il est nécessaire d’exonérer les plus petites des entreprises de cette nouvelle obligation.
Cet amendement a été rédigé et défendu par mon collègue Jean-Noël Cardoux. Je reprends son argumentation, qu’il maîtrise mieux que moi. Toutefois, en relisant cet amendement, je trouve que notre collègue a entièrement raison de le défendre.
M. le président. Quel est l’avis de la commission ?
Mme Christiane Demontès, rapporteur. Monsieur Longuet, cet amendement vise à exonérer les entreprises de moins de dix salariés de l’obligation d’alimenter le compte personnel de prévention de la pénibilité de leurs salariés.
M. Gérard Longuet. Exactement !
Mme Christiane Demontès, rapporteur. Et pourquoi donc ?
Nous sommes bien sûr défavorables à cet amendement, qui, au prétexte de la complexité nouvelle que susciterait la gestion du compte pour les entreprises, consacrerait en fait une rupture d’égalité entre les salariés. L’exposition aux facteurs de risques professionnels a-t-elle des effets différents sur la santé des salariés selon qu’ils travaillent dans une TPE ou dans une grande entreprise ?
Par ailleurs, comment gérer la situation des salariés qui auraient ouvert un compte en raison de leur activité dans une entreprise de plus de dix salariés, puis qui seraient embauchés sur un poste pénible dans une très petite entreprise ?
Je rappelle, surtout, que ce ne seront pas les employeurs qui alimenteront le compte ou le géreront, mais les CARSAT, les caisses d’assurance retraite et de la santé au travail. Les employeurs n’auront qu’à déclarer les expositions de leurs salariés par le biais de la déclaration annuelle des données sociales.
La commission a donc émis un avis défavorable sur cet amendement.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. le président. La parole est à M. Gérard Longuet, pour explication de vote.
M. Gérard Longuet. Je ne suis sans doute pas le mieux placé pour soutenir l’argumentation de mon collègue Jean-Noël Cardoux. Toutefois, vous ne m’avez pas convaincu, madame la rapporteur, de la simplicité d’une telle procédure.
Je constate en effet que, sur le terrain, l’emploi est souvent créé par les toutes petites entreprises, dont les responsables sont totalement polyvalents. Ce sont en général des techniciens qui maîtrisent leur métier. On leur demande d’être des commerciaux, ce qu’ils savent être, c’est une évidence. Ils doivent aussi être des financiers, puisqu’ils négocient avec leur banque les conditions du financement de leur trésorerie, et de bons fiscalistes, aussi, car ils n’ont pas toujours les moyens de s’adjoindre les compétences d’experts coûteux. Il leur faut, enfin, se spécialiser dans les relations sociales.
Ils seront désormais obligés de remplir ce compte pénibilité. Bien sûr, vous allez me dire que les CARSAT feront tout le travail et que les employeurs n’auront plus qu’à signer le document. En réalité, ce sera beaucoup plus compliqué ! Ce dispositif donnera lieu à de très nombreux contentieux entre employeurs et salariés, contentieux qui pourront, dans l’immense majorité des cas, s’arranger grâce à la bonne volonté des uns et des autres. Cependant, mon expérience des conseils de prud’hommes – je les fréquente tout comme vous - m’oblige à entrevoir d’incessants conflits s’agissant de la reconnaissance de la pénibilité.
Méconnaître le fait que les entreprises de dix salariés et moins n’ont pas les mêmes moyens que les entreprises plus importantes, c’est vraiment nier une évidence de société, une évidence économique.
Je suis très étonné que vous n’acceptiez pas une telle différence, considérant a priori que tout le monde peut faire la même chose. Pourtant, la complexité est évidente et les employeurs seront sans doute conduits soit à renoncer à l’embauche, soit à avoir à l’égard de l’emploi nouveau une attitude de prudence, ce qui constitue évidemment un facteur de découragement dommageable au regard de la nécessité de développer l’emploi dans notre pays.
M. le président. La parole est à Mme Catherine Génisson, pour explication de vote.
Mme Catherine Génisson. Il est exact que les chefs d’entreprise des TPE n’ont pas les mêmes ressources humaines que les chefs d’entreprise des grands groupes. Pour autant, ils ont les mêmes qualités sociales, peut-être même plus que dans les grandes entreprises…
M. Gérard Longuet. Ils sont humains !
Mme Catherine Génisson. Les chefs des très petites entreprises tissent en effet une relation très personnalisée avec les membres de leur équipe, d’autant qu’ils exercent souvent, vous avez oublié de le dire, monsieur Longuet, le même métier que leurs salariés.
M. Gérard Longuet. Absolument !
Mme Catherine Génisson. Par conséquent, les arguments que vous avez développés ne me semblent pas valides pour exclure les TPE du dispositif relatif à la pénibilité.
M. Gérard Longuet. Il est étonnant que, partant d’un même raisonnement, vous tiriez des conclusions totalement inverses !
M. le président. La parole est à M. Dominique Watrin, pour explication de vote.
M. Dominique Watrin. Je crois que vous êtes rétrograde, monsieur Longuet. Vous en êtes resté à l’idée que la pénibilité ne pouvait être abordée que dans le cadre de l’invalidité, vous référant en cela à la réforme de 2010. Selon moi, il faut changer complètement de vision. J’estime que vous êtes très en retard en ce domaine. Je le rappelle, pour bénéficier des dispositifs que vous aviez votés, il fallait quasiment avoir une main coupée ! Telle est la réalité.
Sur ces mesures relatives à la prise en compte de la pénibilité, vous êtes en train de freiner des quatre fers ! Amendement après amendement, vous vous efforcez d’introduire des discriminations – celui-ci, peut-être ; celui-là, certainement pas -, en vous fondant sur une argumentation immuable qui met en avant le coût du dispositif et les charges administratives qu’il entraînera.
Est-ce ainsi qu’on traite les salariés aujourd'hui dans notre pays ? (M. Gérard Longuet s’exclame.) Il y a là un réel problème ! En présentant dix ou vingt amendements de ce type, vous montrez le vrai visage que vous réservez aux salariés et retraités de notre pays. On a compris votre projet de société, et on ne vous suivra pas !
M. le président. La parole est à M. Jean-Marie Vanlerenberghe, pour explication de vote.
M. Jean-Marie Vanlerenberghe. Dans ce débat, il y a deux vérités, et vous ne vous comprenez pas, chers collègues.
Il est clair, madame Génisson, que cela ne va pas être simple ! Même les petits chefs d’entreprise qui ont beaucoup de considération pour leur personnel devront s’atteler à la tâche et remplir ce compte personnel.
Je rappelle qu’il ne s’agit pas simplement de tenir administrativement ce compte, il faut aussi cotiser. Et vous voyez bien le risque… Car cotiser, c’est mettre de l’argent en jeu,…
Mme Michelle Demessine. C’est un gros mot !
M. Jean-Marie Vanlerenberghe. Mais non ! Simplement, dans la mesure où il y a de l’argent en jeu, il peut y avoir des tricheries, d’un côté comme de l’autre. Ainsi, connaissant l’entreprise, j’estime que le texte ne prend pas totalement en compte sa réalité sociale et économique. À cet égard, je pense plus particulièrement aux TPE.
Pour autant, je ne souhaite pas qu’une discrimination soit instaurée entre les salariés. Je considère en effet que la pénibilité concerne tout le monde, et pas seulement les salariés du secteur privé. Il convient toutefois de prendre en compte une réalité compliquée. Et nous n’avons pas les réponses à toutes les questions.
Ainsi, il sera pour moi difficile de voter ce texte. Cependant, je ne m’opposerai pas à ce que les petites entreprises soient appelées à faire bénéficier leurs salariés du compte personnel de prévention de la pénibilité.
M. le président. Je suis saisi de trois amendements faisant l'objet d'une discussion commune.
L'amendement n° 269, présenté par MM. Longuet et Cardoux, Mmes Boog, Bruguière, Bouchart, Cayeux, Debré et Deroche, M. Dériot, Mme Giudicelli, MM. Gilles et Husson, Mme Hummel, MM. Fontaine, de Raincourt, Laménie et Milon, Mme Kammermann, M. Pinton, Mme Procaccia, M. Savary et les membres du groupe Union pour un Mouvement Populaire, apparentés et rattachés, est ainsi libellé :
I. – Alinéa 9
Après la référence :
L. 4161-1
rédiger ainsi la fin de cet alinéa :
ouvre droit à l’attribution de points sur le compte personnel de prévention de la pénibilité dans des conditions définies par un accord national de branche. Cet accord fixe les modalités de prise en compte de la pénibilité en tenant compte des mesures de prévention déjà mises en œuvre le cas échéant par des accords en vigueur à la date de promulgation de la loi n° … du … garantissant l’avenir et la justice du système de retraites.
II. – Après l'alinéa 9
Insérer un alinéa ainsi rédigé :
« Cet accord doit intervenir avant le 30 juin 2014. À défaut d’accord, il appartient au travailleur de demander l’ouverture du compte personnel de prévention de la pénibilité auprès de la caisse mentionnée à l’article L. 215-1 du code de la sécurité sociale dans des conditions fixées par décret. Ce décret détermine notamment les conditions dans lesquelles la commission mentionnée à l’article L. 351-1-4 du même code examine les justifications apportées par l’assuré sur le niveau, la fréquence et la période minimale d’exposition.
La parole est à M. Gérard Longuet.
M. Gérard Longuet. Cet amendement procède du même esprit que celui qui a inspiré les précédents amendements de notre collègue Jean-Noël Cardoux. Il consiste à partir d’un principe de réalité : dans le secteur privé, les emplois sont créés par les employeurs, et les employeurs sont des êtres humains, avec leurs capacités, leurs talents et leurs limites ; par conséquent, on ne peut pas leur demander d’être universels, d’avoir toutes les aptitudes, une science infuse et une polyvalence reconnue, à l’image, madame la ministre, des hauts responsables de l’État.
Notre collègue propose donc, par cet amendement, de partir d’un principe plus simple que celui sur lequel se fonde le texte, en confiant aux partenaires sociaux des différentes branches professionnelles concernées le soin de négocier les seuils, et notamment le niveau, la fréquence et la durée minimale de l’exposition aux facteurs de pénibilité. Le décret n’interviendrait qu’à défaut d’un accord.
Cet amendement me paraît extrêmement pertinent. Il repose en effet sur la responsabilité du dialogue social entre représentants des salariés et des employeurs et permet ainsi d’approcher au plus près la réalité vécue.
Le décret, par définition, est un texte réglementaire de haut niveau, certes, mais pris loin des réalités. Il n’interviendrait donc que comme une sorte de menace destinée à éviter une éventuelle paralysie, suffisant à faire se rencontrer les partenaires sociaux sur le chemin d’un accord commun.
M. le président. L'amendement n° 270, présenté par MM. Longuet et Cardoux, Mmes Boog, Bruguière, Bouchart, Cayeux, Debré et Deroche, M. Dériot, Mme Giudicelli, MM. Gilles et Husson, Mme Hummel, MM. Fontaine, de Raincourt, Laménie et Milon, Mme Kammermann, M. Pinton, Mme Procaccia, M. Savary et les membres du groupe Union pour un Mouvement Populaire, apparentés et rattachés, est ainsi libellé :
Alinéa 9
Après les mots :
définis par
insérer les mots :
accord de branche ou d’entreprise, conclu avant le 31 décembre 2014, ou, à défaut, par
La parole est à M. Gérard Longuet.
M. Gérard Longuet. Les deux amendements procèdent du même esprit.
Sachant qu’il est difficile de définir des critères de pénibilité universels par décret, il nous semble presque impossible de le faire pour certains facteurs tels que la température, les postures ou les manutentions.
Il convient donc, à la demande des partenaires sociaux, de laisser les branches et les entreprises définir les situations de travail qui doivent être considérées comme pénibles ainsi que les seuils de pénibilité.
Le fait d’associer les partenaires sociaux à la mise en place du dispositif proposé permettrait, en outre, d’assurer une transition avec les accords négociés à la suite de la loi de 2010, laquelle, certes, n’est pas exhaustive et n’a pas couvert la totalité des secteurs professionnels, mais a eu le mérite d’ouvrir la discussion sur le sujet.
M. le président. L'amendement n° 288, présenté par MM. Longuet et Cardoux, Mmes Boog, Bruguière, Bouchart, Cayeux, Debré et Deroche, M. Dériot, Mme Giudicelli, MM. Gilles et Husson, Mme Hummel, MM. Fontaine, de Raincourt, Laménie et Milon, Mme Kammermann, M. Pinton, Mme Procaccia, M. Savary et les membres du groupe Union pour un Mouvement Populaire, apparentés et rattachés, est ainsi libellé :
Après l’alinéa 9
Insérer un alinéa ainsi rédigé :
« Par dérogation à l’application des seuils précités à l’alinéa précédent, l’accord collectif de branche étendu visé à l’article L. 4163-4 peut caractériser l’exposition effective des travailleurs à un ou plusieurs des facteurs de risques professionnels mentionnés à l’article L. 4161-1 par des « scénarios types d’exposition », faisant notamment référence aux postes occupés ou aux situations de travail.
La parole est à M. Gérard Longuet.
M. Gérard Longuet. Je vais encore résumer l’esprit dans lequel notre collègue, retenu loin de l’hémicycle par un souci de santé, a travaillé cet amendement.
L’amendement n° 288 vise à permettre aux branches concernées par les facteurs de pénibilité de définir des « scénarios types d’exposition ». Ceux-ci se substitueraient à l’application de seuils prévus par décret, pour tout ou partie des salariés, pour tout ou partie des entreprises. À défaut d’un tel accord de branche, ces seuils d’exposition définis par décret s’appliqueraient.
Ces trois amendements procédant de la même philosophie, ils seront sans doute tous censurés par le Gouvernement. Ils reflètent pourtant, à mon sens, l’esprit de concertation harmonieuse qui règne au sein des petites entreprises, où patrons et salariés s’efforcent de trouver des solutions et craignent, plus que dans les autres entreprises, les arbitrages extérieurs. Nous avons tous lu la fable de La Fontaine Les grenouilles qui demandent un roi : les entreprises ne veulent pas du roi décret ; elles veulent des accords professionnels !
M. le président. Quel est l’avis de la commission ?
Mme Christiane Demontès, rapporteur. L’amendement n° 269 vise à définir les conditions d’ouverture du compte personnel de prévention de la pénibilité par accord de branche. En outre, il tend à préciser que l’ouverture du compte interviendra à la demande du salarié et sur présentation de pièces justificatives.
Comme je l’ai dit précédemment, à propos d’un amendement de M. Gérard Larcher présenté à l’article 5, renvoyer aux accords de branche la définition des conditions d’ouverture ou des critères d’abondement du compte serait une source d’inégalités entre les salariés. Les facteurs de risques professionnels sont définis, et les seuils le seront après concertation avec les partenaires sociaux.
Par ailleurs, les effets sur l’espérance de vie en bonne santé de l’exposition au bruit ou du travail de nuit sont les mêmes, qu’il s’agisse d’une activité agricole, d’une activité industrielle ou d’une activité de services.
Enfin, l’ouverture du compte doit être automatique pour les salariés exposés à la pénibilité, sur la base des données transmises par l’employeur. Ils ne doivent pas avoir à accomplir de démarches supplémentaires, puisque tout repose sur une approche objective de la pénibilité, assortie de seuils.
La commission émet donc un avis défavorable.
L’amendement n° 270 vise à définir les seuils d’exposition par accord de branche ou d’entreprise. Comme l’a rappelé Mme la ministre tout à l’heure, la définition des seuils d’exposition se fera à l’échelon national, après concertation avec les partenaires sociaux, et non entreprise par entreprise.
La commission émet un avis défavorable.
Enfin, l’amendement n° 288 repose sur un concept différent, puisqu’il s’agit de remplacer la notion de « seuils d’exposition » par celle de « scénarios types d’exposition », définis par accord de branche.
Il convient de s’attacher à l’approche objective et égalitaire sous-tendant ce projet de loi en matière de prise en compte de la pénibilité, dont les seuils d’exposition constitueront le socle.
La commission émet un avis défavorable.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. le président. La parole est à M. Gérard Longuet, pour explication de vote sur l'amendement n° 269.
M. Gérard Longuet. Je vous remercie, madame le rapporteur, d’avoir répondu précisément sur ces trois amendements. J’ai écouté vos arguments avec beaucoup d’attention. Je suis convaincu de votre bonne volonté. Pour autant, j’estime que notre collègue Jean-Noël Cardoux a eu raison de présenter ces amendements, pour défendre cette proximité de l’entreprise que vous méconnaissez et refusez de prendre en considération,…
Mme Christiane Demontès, rapporteur. Il y a ceux qui savent et ceux qui ne savent pas : c’est ce que vous voulez dire ?
M. Gérard Longuet. … préférant vous en remettre à un décret. Soit, mais je crains que les entreprises ne disposant pas des moyens humains nécessaires pour assumer ce type de responsabilité n’entrent en quelque sorte en dissidence et ne soient tentées de biaiser pour contourner ces seuils imposés de l’extérieur.
Mme Christiane Demontès, rapporteur. Vous avez une bien piètre idée des chefs d’entreprise, monsieur Longuet !
M. Gérard Longuet. Je pense profondément que l’adhésion des entreprises au dispositif serait bien plus forte si elles avaient le sentiment que les règles du jeu sont fixées en tenant compte de leurs réalités.
Là est toute la différence entre les socialistes et les tenants des conventions, du dialogue, de la participation que nous sommes : vous invoquez l’autorité de l’État, assumez donc vos responsabilités ; nous assumerons les nôtres devant nos mandants.
M. le président. L'amendement n° 272, présenté par MM. Longuet et Cardoux, Mmes Boog, Bruguière, Bouchart, Cayeux, Debré et Deroche, M. Dériot, Mme Giudicelli, MM. Gilles et Husson, Mme Hummel, MM. Fontaine, de Raincourt, Laménie et Milon, Mme Kammermann, M. Pinton, Mme Procaccia, M. Savary et les membres du groupe Union pour un Mouvement Populaire, apparentés et rattachés, est ainsi libellé :
Alinéa 10
Compléter cet alinéa par une phrase ainsi rédigée :
Il précise également la période minimale d’exposition permettant la validation de points.
La parole est à M. Gérard Longuet.
M. Gérard Longuet. Il importe de bien prendre en considération la durée d’exposition aux facteurs de risques professionnels, car c’est souvent le temps qui fait la différence.
Notre expérience, directe ou indirecte, de la vie professionnelle nous a tous permis de constater que tel ou tel métier pouvait, à un moment ou à un autre, s’exercer dans un environnement extrêmement difficile, agressif, en raison du bruit, de la chaleur ou de l’existence de risques, réels ou ressentis. Par cet amendement, nous proposons que le décret fixant les règles d’attribution de points résultant des seuils d’exposition aux facteurs de pénibilité précise quelle période minimale d’exposition autorise l’attribution de points au salarié exposé.
En effet, il convient de bien préciser que c’est non pas l’exercice d’un métier qui entraîne l’attribution de points, mais bien une durée d’exposition à des facteurs de pénibilité.
Il ne faut pas stigmatiser certains métiers et décourager les jeunes de s’orienter vers telle ou telle activité. Pour ma part, j’ai une expérience de la fonderie. Vu de l’extérieur, ce métier peut paraître particulièrement inquiétant. Sans en revenir au mythe de Vulcain, force est de reconnaître qu’il règne toujours, dans une fonderie, une ambiance impressionnante pour le non-initié, alors que celui qui y travaille trouve une véritable satisfaction, une fierté à couler des billettes ou des lingots : c’est certainement un effort, mais un effort maîtrisé. (Murmures sur les travées du groupe socialiste.) Le travail industriel a une noblesse, y compris aux postes en apparence les plus difficiles.
M. le président. Quel est l’avis de la commission ?
Mme Christiane Demontès, rapporteur. Cet amendement vise à prévoir une période minimale d’exposition aux risques professionnels pour la validation des points du compte personnel de prévention de la pénibilité.
Pourquoi vouloir instaurer une période minimale par principe ? Un trimestre d’exposition à l’un des facteurs de risques professionnels permettra d’acquérir un point. Dix points ouvriront le bénéfice d’un trimestre de formation, de travail à temps partiel ou de majoration de la durée d’assurance vieillesse.
Il n’y a pas de raison de prévoir une période minimale d’exposition autre pour valider les points, puisque le dispositif prévu ne fait pas de discrimination entre les secteurs d’activité. Qui plus est, les facteurs de risques professionnels ont des effets différés sur la santé même en cas d’exposition courte.
La commission émet donc un avis défavorable.
Par ailleurs, il est exact, monsieur Longuet, qu’un certain nombre de métiers, spécialement dans l’industrie, ont une mauvaise image auprès du public, en particulier auprès des jeunes. Je ne crois pas que permettre à des personnes exposées à des facteurs de risques de s’engager dans un parcours professionnel en vue de changer de métier empêche de travailler à remédier à cette situation : il existe des moyens pour inciter les jeunes à se tourner vers les métiers industriels, sans avoir à craindre que la création du compte personnel de prévention de la pénibilité ne dégrade encore l’image de ceux-ci.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
Mme Marisol Touraine, ministre. Monsieur Longuet, l’élaboration du décret d’application sera précédée d’une concertation avec les partenaires sociaux. Le décret définira, en particulier, la durée minimale d’exposition à des facteurs de pénibilité requise pour qu’un salarié puisse bénéficier de points sur son compte personnel de prévention de la pénibilité.
Par ailleurs, comme le disait à l’instant Mme la rapporteur, si l’on veut donner une meilleure image à certaines professions, il faut faire en sorte que celles-ci n’apparaissent pas comme des « trappes à pénibilité » et signifier à ceux qui voudraient s’y engager que les pouvoirs publics, les entreprises et les partenaires sociaux ont la volonté de leur offrir les meilleures conditions de travail, en tout état de cause la possibilité d’une réparation, par le biais d’une activité à temps partiel ou, le moment venu, d’un départ anticipé à la retraite.
Le Gouvernement émet un avis défavorable.
M. le président. L'amendement n° 267, présenté par MM. Longuet et Cardoux, Mmes Boog, Bruguière, Bouchart, Cayeux, Debré et Deroche, M. Dériot, Mme Giudicelli, MM. Gilles et Husson, Mme Hummel, MM. Fontaine, de Raincourt, Laménie et Milon, Mme Kammermann, M. Pinton, Mme Procaccia, M. Savary et les membres du groupe Union pour un Mouvement Populaire, apparentés et rattachés, est ainsi libellé :
Alinéa 11
Rédiger ainsi cet alinéa :
« Art. L. 4162-3. – Les points sont attribués au vu des expositions du salarié déclarées par l’employeur, auprès de la caisse mentionnée à l’article L. 215-1, à l’article L. 222-1-1 du code de la sécurité sociale ou à l’article L. 723-2 du code rural et de la pêche maritime dont il relève. Un décret fixe les modalités selon lesquelles la déclaration par l’employeur est réalisée.
La parole est à M. Gérard Longuet.
M. Gérard Longuet. Cet amendement établit en quelque sorte un lien entre ce qui existe, à savoir la fiche de prévention de la pénibilité créée par la loi de 2010, et votre proposition de rendre cette fiche opposable au titre non plus de la prévention, mais d’un droit général à compensation.
Cet après-midi, nous avons parlé longuement de la prévention et du droit à compensation. Philippe Bas est en particulier intervenu pour exprimer sa crainte, que je partage, que la fiche ne devienne de plus en plus le support d’une compensation, et non pas un appel à la prévention.
Dans certains cas, les facteurs de pénibilité sont incontournables ; dans d’autres, ils peuvent parfaitement être levés grâce à des équipements mécaniques, à des automatismes. Ainsi, pour l’alimentation d’une chaîne de production, on peut recourir à un automatisme qui, sous le contrôle d’un salarié, permet des cadences supérieures avec un moindre effort, en évitant au personnel ces gestes répétitifs à l’origine de troubles musculo-squelettiques.
C'est la raison pour laquelle nous avons voulu insister sur la prévention. Dans un souci de simplification et de faisabilité, cet amendement tend à intégrer la déclaration des expositions à des facteurs de pénibilité dans un cadre existant, celui des déclarations sociales. Ainsi, les procédures seront simplifiées.
M. le président. Quel est l’avis de la commission ?
Mme Christiane Demontès, rapporteur. Au travers de cet amendement, vous souhaitez, monsieur Longuet, qu’un décret fixe les modalités de déclaration, par les employeurs, des expositions de leurs salariés à des facteurs de pénibilité pour créditer leur compte personnel de prévention de la pénibilité, afin que cette procédure soit intégrée dans le cadre existant des déclarations sociales.
Le Gouvernement pourra sans doute, sur ce point, rassurer les auteurs de l’amendement : c’est bien ce qui est envisagé, afin que cette déclaration nouvelle ne soit pas source de complexité. Il n’est toutefois pas besoin de le préciser par un renvoi spécifique à un décret, l’alinéa 78 de l’article prenant déjà cette situation en compte. La transmission de la fiche ne jouera un rôle que pour contrôler, éventuellement, la réalité des expositions déclarées.
C’est pourquoi je demande le retrait de cet amendement ; à défaut, j’y serai défavorable.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
Mme Marisol Touraine, ministre. Le Gouvernement est du même avis que la commission. Je confirme l’analyse de Mme la rapporteur.
M. Gérard Longuet. Je retire l’amendement, monsieur le président !
M. le président. L'amendement n° 267 est retiré.
L'amendement n° 268, présenté par MM. Longuet et Cardoux, Mmes Boog, Bruguière, Bouchart, Cayeux, Debré et Deroche, M. Dériot, Mme Giudicelli, MM. Gilles et Husson, Mme Hummel, MM. Fontaine, de Raincourt, Laménie et Milon, Mme Kammermann, M. Pinton, Mme Procaccia, M. Savary et les membres du groupe Union pour un Mouvement Populaire, apparentés et rattachés, est ainsi libellé :
Alinéa 12
Rédiger ainsi cet alinéa :
« Chaque année, l’employeur informe le salarié de la déclaration le concernant mentionnée à l’alinéa précédent.
Cet amendement n’a plus d’objet.
L'amendement n° 273, présenté par MM. Longuet et Cardoux, Mmes Boog, Bruguière, Bouchart, Cayeux, Debré et Deroche, M. Dériot, Mme Giudicelli, MM. Gilles et Husson, Mme Hummel, MM. Fontaine, de Raincourt, Laménie et Milon, Mme Kammermann, M. Pinton, Mme Procaccia, M. Savary et les membres du groupe Union pour un Mouvement Populaire, apparentés et rattachés, est ainsi libellé :
Alinéa 20, seconde phrase
Remplacer le nombre :
55
par le nombre :
57
La parole est à M. Gérard Longuet.
M. Gérard Longuet. Avec cette substitution du nombre 57 au nombre 55, il s’agit non pas de remplacer la Meuse par la Moselle (Sourires.), mais de tenir compte de ce que l’Assemblée nationale a voté.
Nos collègues députés ont en effet prévu que la liquidation des points, sous réserve d’un nombre suffisant, puisse entraîner une liquidation des droits sept ans avant l’âge légal de départ à la retraite, afin de permettre aux assurés qui rempliraient les conditions requises de pouvoir bénéficier pleinement du dispositif « carrières longues ».
Or, le projet de loi comporte également un dispositif dérogatoire à l’âge légal de départ à la retraite pour les salariés ayant été exposés à la pénibilité. Il convient de rationaliser le nombre de dispositifs permettant des départs anticipés à la retraite. Tel est l’objet de cet amendement.
M. le président. Quel est l’avis de la commission ?
Mme Christiane Demontès, rapporteur. L’âge de 55 ans a été fixé par l’Assemblée nationale afin d’assurer la coordination avec la retraite anticipée pour carrière longue. Grâce à ce dispositif, les personnes ayant commencé à travailler très jeunes, par exemple avant l’âge de 16 ans, et ayant cotisé 174 trimestres peuvent partir à la retraite à 56 ans.
Il ne faut donc pas relever l’âge minimal de liquidation des trimestres d’assurance acquis grâce au compte de prévention de la pénibilité, sinon des salariés éligibles à la retraite anticipée pour carrière longue ne pourraient faire usage des points inscrits à leur compte.
Aussi la commission a-t-elle émis un avis défavorable sur cet amendement.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. le président. L'amendement n° 274, présenté par MM. Longuet et Cardoux, Mmes Boog, Bruguière, Bouchart, Cayeux, Debré et Deroche, M. Dériot, Mme Giudicelli, MM. Gilles et Husson, Mme Hummel, MM. Fontaine, de Raincourt, Laménie et Milon, Mme Kammermann, M. Pinton, Mme Procaccia, M. Savary et les membres du groupe Union pour un Mouvement Populaire, apparentés et rattachés, est ainsi libellé :
Alinéa 22
Rédiger ainsi cet alinéa :
« III. - Un décret en Conseil d’État détermine les conditions d’utilisation des points inscrits au compte. Il fixe le barème de points spécifique à chaque utilisation du compte en priorisant le 1° puis le 2° du I. Il précise les conditions et limites dans lesquelles les points acquis peuvent être affectés, en cas d’usure précoce, à l’utilisation mentionnée au 3° du I.
La parole est à Mme Catherine Deroche.
Mme Catherine Deroche. Cet amendement reprend les préconisations du rapport Moreau sur l’utilisation des points : « Les équivalences […] seraient déterminées de façon à encourager l’utilisation de ces points d’abord pour financer des périodes de formation, ensuite des périodes de temps partiel de fin de carrière, enfin le rachat de trimestres pour le départ en retraite. »
Or, tel qu’il est rédigé, le dispositif créera un appel d’air pour les départs anticipés, car, en dehors du minimum des vingt points fléchés obligatoirement vers une action de formation, les points disponibles seront utilisés pour permettre des départs anticipés à la retraite.
Nous souhaitons donc encadrer davantage l’utilisation des points du compte personnel de prévention de la pénibilité. Le décret devra prévoir que ces points serviront en priorité à la prévention de la pénibilité, via des actions de formation permettant au salarié d’obtenir un poste qui ne soit plus exposé à des facteurs de pénibilité, puis à des aménagements de carrière si l’action précédente n’a pas été suffisante pour mettre fin à l’exposition.
Enfin, cet amendement prévoit de réserver les possibilités de départ anticipé à la retraite aux seuls salariés qui auraient été exposés à certains facteurs de pénibilité ayant occasionné un vieillissement précoce médicalement constaté.
M. le président. Quel est l’avis de la commission ?
Mme Christiane Demontès, rapporteur. Cet amendement tend à restreindre l’utilisation du compte de prévention de la pénibilité, en prévoyant notamment que le départ anticipé à la retraite ne sera possible qu’en cas « d’usure précoce ».
Outre que sa définition ne sera pas aisée, cette notion ne prend pas en compte la caractéristique principale de la pénibilité, qui est d’affecter l’espérance de vie en bonne santé et la qualité de vie à la retraite, et non d’engendrer des pathologies qui pourraient être médicalement constatées. Pour ces situations, le dispositif de départ anticipé à la retraite pour invalidité mis en place par la réforme de 2010 est parfaitement adapté.
La commission est donc défavorable à cet amendement.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
Mme Marisol Touraine, ministre. L’avis du Gouvernement est également défavorable. La logique qui sous-tend cet amendement est tout à fait différente de celle du projet de loi.
M. le président. La parole est à M. Gérard Longuet, pour explication de vote.
M. Gérard Longuet. Votre réponse assez décevante, madame la ministre, montre que vous ne souhaitez ni prévenir ni traiter la pénibilité. Ce que vous voulez en réalité, c'est organiser un système de contournement de l’âge minimal de départ à la retraite.
Ainsi, vous orientez l’utilisation du compte de prévention de la pénibilité non pas vers une requalification des métiers et des emplois, mais vers un départ à la retraite précoce. C’est un choix ! Personnellement, en tant que libéral, je serais d’ailleurs tenté de laisser à chaque salarié la possibilité d’arbitrer entre partir plus tôt à la retraite et se former pour évoluer professionnellement, obtenir une nouvelle qualification et échapper ainsi à des tâches pénibles.
Néanmoins, le sujet, c’est l’éradication de la pénibilité. Or vos réponses font apparaître que votre objectif est de favoriser les départs anticipés à la retraite, et non de le traiter.
Je parlais tout à l’heure de la mécanisation d’un certain nombre de tâches sur les chaînes d’approvisionnement. Si nous voulons une industrie moderne et le respect de l’intégrité physique des salariés, il faut privilégier l’investissement, et donc dégager des moyens de financement. À tout prendre, je trouve préférable de mobiliser des financements pour améliorer les conditions de travail ou la formation des travailleurs, plutôt que de se borner à permettre à certains salariés de prendre une retraite anticipée. L’objectif doit être de promouvoir l’amélioration de la qualification, la protection personnelle du travailleur, et non de perpétuer le système de recours aux départs anticipés à la retraite que nous avons connu, en particulier, à l’occasion des grandes crises de la sidérurgie. Pour notre part, nous prônons la formation et l’investissement pour éradiquer les tâches les plus pénibles : cela est possible !
Nous avons évoqué des métiers en apparence subalternes, mais importants dans la vie quotidienne, tels ceux de la propreté. Dans ce secteur, avec des équipements adaptés, on peut accroître la productivité en remplaçant le maniement du balai par l’utilisation de machines, comme on peut le voir dans les aéroports, par exemple. Ces investissements financés par l’employeur permettent également d’améliorer la qualification et les conditions de travail du salarié.
M. le président. La parole est à M. Dominique Watrin, pour explication de vote.
M. Dominique Watrin. Monsieur Longuet, je vais expliciter ce que vous entendez par « prise en compte de l’usure précoce », afin de montrer à quel point la réforme de 2010 était généreuse…
Concrètement, la mise en œuvre du dispositif adopté en 2010 a permis quelques milliers de départs anticipés de salariés usés. Pour pouvoir en bénéficier sans autre condition, il fallait justifier soit d’un taux d’incapacité permanente de 20 % au moins – cela équivaut à la perte d’une main –, soit d’un taux d’incapacité permanente compris entre 10 % et 20 %, conjugué à une exposition pendant au moins dix-sept ans, dont il fallait faire la preuve, à des facteurs de risques professionnels.
Vous dites craindre un appel d’air en matière de départs anticipés : il est vrai que, avec votre système, cela ne risquait pas d’arriver ! (Sourires sur les travées du groupe CRC et du groupe socialiste.)
M. le président. L'amendement n° 275, présenté par MM. Longuet et Cardoux, Mmes Boog, Bruguière, Bouchart, Cayeux, Debré et Deroche, M. Dériot, Mme Giudicelli, MM. Gilles et Husson, Mme Hummel, MM. Fontaine, de Raincourt, Laménie et Milon, Mme Kammermann, M. Pinton, Mme Procaccia, M. Savary et les membres du groupe Union pour un Mouvement Populaire, apparentés et rattachés, est ainsi libellé :
Alinéa 23
Remplacer le nombre :
52
par le nombre :
57
La parole est à M. Gérard Longuet.
M. Gérard Longuet. Nous souhaitons l’amélioration des conditions de travail et en acceptons la conséquence, c'est-à-dire la poursuite des carrières jusqu’à l’âge normal de départ à la retraite.
Le coût de votre dispositif nous inquiète. Le rapport de la commission fait apparaître qu’il atteindra 500 millions d’euros en 2020, 2 milliards d’euros en 2030 et 2,5 milliards d’euros en 2040. Il s’agit d’un effort considérable, dont nous ne savons pas comment il sera financé.
Nous souhaitons donc obtenir de Mme la ministre des précisions sur la façon dont elle envisage de financer le dispositif relatif à la pénibilité, sachant qu’il ne l’est, pour l’heure, qu’à hauteur de 800 millions d’euros.
M. le président. Quel est l’avis de la commission ?
Mme Christiane Demontès, rapporteur. La prise en compte des salariés proches de leur fin de carrière et ayant été exposés à la pénibilité est à nos yeux indispensable.
Si, dans certains cas, il n’est pas possible de prévoir une reconstitution intégrale des expositions aux facteurs de pénibilité subies depuis l’entrée sur le marché du travail, un aménagement du barème d’acquisition et des conditions d’utilisation des points est prévu dans le texte.
L’âge de 52 ans finalement retenu par l’Assemblée nationale permet de prendre en compte de longues expositions à des facteurs de pénibilité, dans des conditions de travail qui se sont parfois améliorées depuis.
Il appartient donc aux entreprises de mener une politique volontariste de formation, d’amélioration des conditions de travail, mais aussi de valorisation des salariés proches de l’âge de la retraite, afin que ceux-ci décident de prolonger leur activité.
En conséquence, la commission émet un avis défavorable.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
Mme Marisol Touraine, ministre. L’avis du Gouvernement est défavorable : il nous paraît important qu’une période de transition suffisamment longue permette aux salariés de bénéficier de ce système.
Monsieur Longuet, vous m’avez interrogée sur le financement du compte de prévention de la pénibilité. Vous trouverez la réponse à vos questions à la page 51 de l’étude d’impact.
Concrètement, c’est par une contribution des entreprises que ce dispositif sera financé : il faut qu’elles soient impliquées dans l’amélioration des conditions de travail des salariés. Il s’agira d’une cotisation à deux étages, acquittée pour partie par l’ensemble des entreprises, que leurs salariés soient ou non exposés à la pénibilité, pour partie par les seules entreprises exposant des salariés à des facteurs de pénibilité.
Pourquoi mettre à contribution l’ensemble des entreprises ? Parce que même celles qui n’exposent pas leurs salariés à des facteurs de pénibilité tirent ou peuvent tirer un avantage du travail de salariés se trouvant dans cette situation. On voit bien, par exemple, que des entreprises peuvent avoir intérêt au travail de nuit de salariés ne relevant pas directement de leur champ d’activité. Ainsi en est-il du nettoyage, que vous avez évoqué.
Il est souhaitable d’encourager les entreprises à réorganiser le travail pour éradiquer certains facteurs de pénibilité, mais on sait que la pénibilité ne disparaîtra pas entièrement du monde du travail : les aéroports ou les établissements de santé, par exemple, ne peuvent fonctionner sans travail de nuit.
Il est donc normal que les entreprises exposant des salariés à des facteurs de pénibilité ne soient pas les seules à contribuer à la prise en charge de ces salariés.
M. le président. La parole est à M. Gérard Longuet, pour explication de vote.
M. Gérard Longuet. Madame le ministre, vous avez parfaitement raison d’indiquer que, au-delà des entreprises qui exposent les salariés à des facteurs de pénibilité, c’est l’économie globale, les consommateurs qui profitent du travail de ces salariés.
Si les disc-jockeys travaillent la nuit, c’est pour eux un choix et un mode de vie. Cela dit, je reconnais qu’il s’agit là d’un cas particulier, assez minoritaire ! En revanche, le travail de nuit permettant d’assurer la continuité du service public, dans les hôpitaux ou les transports en commun, ne correspond pas forcément à un choix des salariés concernés. Dans le même ordre d’idées, il faut aussi du personnel dans les restaurants le dimanche ou le soir de Noël.
En tout état de cause, les consommateurs bénéficient autant que les entreprises du travail effectué par les salariés exposés à des facteurs de pénibilité. Pourquoi, dans ces conditions, ne faire contribuer que les entreprises à la prise en compte de la pénibilité ? (Exclamations sur les travées du groupe CRC.)
Madame le ministre, vous voulez faire reposer le coût de la compensation de la pénibilité sur les seules entreprises, alors que la logique voudrait que cette compensation soit assurée par le versement de salaires tenant compte de l’existence de conditions de travail difficiles, ouvrant ainsi des droits à retraite supérieurs. En général, les salariés qui travaillent de nuit ou le dimanche sont d’ailleurs mieux payés. Ce serait beaucoup plus simple que reconstituer la pénibilité a posteriori.
Enfin, plutôt que de prélever des cotisations sur les entreprises, laissez-les investir dans des procédés de production qui permettent de réduire la pénibilité et d’améliorer la condition du travailleur. Au-delà de la mécanisation, que j’évoquais tout à l'heure, il est possible, par exemple, de produire les services avec un décalage par rapport à la demande formulée par le consommateur : si celui-ci peut passer commande à toute heure du jour ou de la nuit, le salarié a plutôt envie de travailler à des heures normales.
Mme Annie David. En ce cas, il ne faut pas ouvrir les magasins le dimanche !
M. le président. L'amendement n° 378 rectifié, présenté par MM. Mézard, Barbier, Baylet, Bertrand, Collin, Collombat, Esnol et Fortassin, Mme Laborde et MM. Mazars, Plancade, Requier, Tropeano, Vall et Vendasi, est ainsi libellé :
Alinéa 23
Remplacer les mots :
peuvent être aménagés
par les mots :
sont aménagés
La parole est à M. Jean-Claude Requier.
M. Jean-Claude Requier. À l’origine, l’article 6 prévoyait qu’un salarié âgé d’au moins 57 ans ayant accumulé des points sur son compte personnel de prévention de la pénibilité pourrait, à compter de 2015, les utiliser pour prendre une retraite anticipée, travailler à temps partiel en fin de carrière ou bénéficier d’une formation.
Lors de l’examen du texte à l’Assemblée nationale, madame la ministre, vous avez fait adopter un amendement tendant à abaisser à 52 ans l’âge minimal requis. C’est une excellente chose.
Pour autant, la rédaction actuelle de l’article prévoit que, pour ces salariés, le barème d’acquisition des points portés au compte personnel de prévention de la pénibilité et les conditions d’utilisation de ces points acquis « peuvent être aménagés » par décret. Notre amendement vise à rendre obligatoire, et non plus simplement facultatif, cet aménagement par décret.
M. le président. Quel est l’avis de la commission ?
Mme Christiane Demontès, rapporteur. Cette précision, d’ordre rédactionnel, traduit notre responsabilité de législateur à l’égard des salariés exposés à la pénibilité tout au long de leur carrière. La commission a émis un avis favorable.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
Mme Marisol Touraine, ministre. Monsieur Requier, je tiens à vous rassurer : le Gouvernement entend bien prendre le décret d’application qui permettra la mise en œuvre de la dérogation que vous évoquez.
En réalité, sur le plan strictement juridique, l’utilisation du verbe « pouvoir » permet de déroger à la règle de droit. Néanmoins, le Gouvernement s’en remet à la sagesse du Sénat : le juge interprétera la loi à la lumière de nos travaux.
M. le président. La parole est à M. Gérard Longuet, pour explication de vote.
M. Gérard Longuet. Cet amendement est excellent (Exclamations sur les travées du groupe CRC.), pas tant sur le fond que parce qu’il rappelle un principe général : la loi est normative. Le recours à l’indicatif présent s’impose.
Mme Annie David. Quel succès, monsieur Requier !
M. le président. L'amendement n° 151, présenté par Mme David, M. Watrin, Mmes Cohen et Pasquet, M. Fischer et les membres du groupe communiste républicain et citoyen, est ainsi libellé :
Après l’alinéa 26
Insérer un alinéa ainsi rédigé :
« À l’issue de cette formation, le salarié bénéficie d’une priorité de reclassement dans un poste n’exposant plus les salariés aux facteurs de risques auxquels il était probablement exposé.
La parole est à Mme Cécile Cukierman.
Mme Cécile Cukierman. L’article 6 prévoit que les points inscrits au compte personnel de prévention de la pénibilité pourront permettre au salarié de bénéficier d’une formation professionnelle.
Sans minorer l’intérêt de la formation professionnelle, qui doit être au cœur de toutes nos politiques d’emploi et à laquelle nous sommes bien évidemment attachés, nous demeurons sceptiques sur la pertinence d’une telle mesure.
Certes, d’un point de vue théorique, l’acquisition par le salarié de connaissances ou de compétences supplémentaires peut permettre à celui-ci d’accéder à un emploi moins exposé à la pénibilité, ce dont nous nous félicitons.
Toutefois, il faut que l’employeur accorde ce droit au salarié et tire toutes les conséquences du suivi d’une telle formation. À défaut, le salarié se trouverait dans une situation particulièrement aberrante : ayant bénéficié d’une formation supplémentaire en raison d’une exposition à des facteurs de risques, il pourrait être contraint de retourner à son poste antérieur.
Dans le cas d’espèce, on voit bien que l’accès des salariés à la formation professionnelle ne constitue pas une réponse suffisante s’il n’est pas accompagné d’un droit effectif à changer de poste, répondant à deux impératifs : d’une part, le retrait du salarié de son poste de travail exposé à des facteurs de pénibilité ; d’autre part, la nécessaire prise en compte, en termes de carrière, de l’évolution de ses compétences.
C’est pourquoi nous proposons, au travers de cet amendement, que le salarié ayant suivi une formation au titre du compte personnel de prévention de la pénibilité bénéficie, à l’issue de celle-ci, d’une priorité de reclassement dans un poste ne l’exposant plus à des facteurs de risques.
M. le président. Quel est l’avis de la commission ?
Mme Christiane Demontès, rapporteur. Cet amendement tend à faire bénéficier le salarié ayant suivi une formation grâce aux points acquis sur son compte personnel de prévention de la pénibilité d’une priorité de reclassement dans un poste non exposé à la pénibilité.
Les formations longues envisagées pour les titulaires d’un tel compte visent bien évidemment à leur permettre de quitter le poste de travail où ils subissaient une exposition aux facteurs de risques professionnels et à leur faire acquérir les compétences nécessaires pour réorienter leur parcours professionnel. La mesure proposée au travers de cet amendement constitue donc une incitation à se former.
On sait bien que les salariés qui bénéficient le plus de la formation professionnelle continue, désormais appelée « formation tout au long de la vie », sont ceux qui sont déjà les plus qualifiés : ils s’engagent d’autant plus volontiers dans des formations qu’ils en ont déjà suivi avec succès. Or, parmi les travailleurs exposés à des facteurs de risques professionnels, il y a aussi des personnes peu ou non qualifiées. Par conséquent, je suis favorable à cet amendement dans la mesure où il vise à inciter à la formation, tout en étant consciente des problèmes que posera la mise en œuvre de son dispositif.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
Mme Marisol Touraine, ministre. Comme Mme la rapporteur vient de le dire, cet amendement présente un certain nombre de difficultés.
Madame Cukierman, j’entends parfaitement les préoccupations qui sont les vôtres ; le Gouvernement les partage.
Votre amendement tend à inciter les salariés à utiliser les points qu’ils auront acquis au titre du compte de prévention de la pénibilité pour suivre une formation, en vue de quitter un poste exposé à des facteurs de risques et de réorienter leur vie professionnelle. Néanmoins, comment ce dispositif de formation s'articulera-t-il avec la formation professionnelle au sens plus classique du terme ? Celle-ci fait actuellement l’objet d’une négociation : c'est dans ce cadre que des avancées pourront intervenir. Le Gouvernement estime donc nécessaire d'attendre les résultats de cette négociation avant de préciser les modalités de mise en œuvre du volet « formation » du compte de prévention de la pénibilité.
Je suis donc amenée à donner un avis défavorable sur votre amendement, bien que – j’y insiste – j’en comprenne parfaitement les motivations.
M. le président. La parole est à M. Gilbert Barbier, pour explication de vote.
M. Gilbert Barbier. Je comprends la volonté des auteurs de l'amendement d’accorder une priorité de reclassement aux travailleurs ayant suivi une formation au titre du compte de prévention de la pénibilité, mais par rapport à qui s'exercera cette priorité ? Dans la mesure où ce point n’est pas suffisamment précisé, je vois mal comment le dispositif pourrait être appliqué. Pour une fois, je suis donc d'accord avec Mme le ministre…
M. le président. La parole est à Mme Annie David, pour explication de vote.
Mme Annie David. J’entends bien, madame la ministre, qu’une négociation sur la formation professionnelle est en cours. On ne peut que s'en réjouir, puisqu'il est nécessaire de revoir notre système de formation professionnelle.
Cela étant, on ne voit pas pourquoi des salariés utiliseraient les points inscrits à leur compte de prévention de la pénibilité pour suivre une formation si, au bout du compte, cela ne leur donne pas une priorité de reclassement dans l'entreprise et n’aboutit pas à un changement de poste. J’ajoute que vingt points sont obligatoirement consacrés à la formation, sauf pour les salariés âgés de plus 52 ans.
Suivre une formation est toujours utile, mais si c'est pour retourner ensuite travailler sur le même poste, alors c’est tout de même un peu du temps perdu. Surtout, le salarié aura le sentiment d’avoir gaspillé des points qui auraient pu être utilisés pour passer à temps partiel ou partir plus tôt à la retraite.
Nous maintenons l’amendement.
M. le président. La parole est à M. Gérard Longuet, pour explication de vote.
M. Gérard Longuet. Il me semble qu’une erreur est intervenue dans la rédaction de l’amendement n° 151 : ne faut-il pas lire « préalablement » au lieu de « probablement » ? (Mme Cécile Cukierman le confirme.)
Quant au fond, une fois n’est pas coutume, je serai en désaccord avec mon ami Gilbert Barbier. Selon moi, la priorité doit se comprendre, dans cet amendement, comme une priorité de reclassement par rapport à des salariés que leur emploi n’expose pas à des facteurs de pénibilité. C'est la raison pour laquelle je soutiens l’amendement n° 151.
M. le président. La parole est à Mme Cécile Cukierman, pour explication de vote.
Mme Cécile Cukierman. Il convient en effet de rectifier l'amendement dans le sens indiqué par M. Longuet.
M. le président. Je suis donc saisi d'un amendement n° 151 rectifié, présenté par Mme David, M. Watrin, Mmes Cohen et Pasquet, M. Fischer et les membres du groupe communiste républicain et citoyen, et ainsi libellé :
Après l’alinéa 26
Insérer un alinéa ainsi rédigé :
« À l’issue de cette formation, le salarié bénéficie d’une priorité de reclassement dans un poste n’exposant plus le salarié aux facteurs de risques auxquels il était préalablement exposé.
Veuillez poursuivre, madame Cukierman.
Mme Cécile Cukierman. Madame la ministre, il est indispensable de mener une réflexion sur la formation professionnelle, mais j’observe que ce n’est pas la première fois que l'on nous renvoie au dialogue social ou à une concertation… Ce n’est pas sur nos travées que l’on remettra en cause cette façon de travailler, mais elle ne peut être un frein à l’initiative et à l’action des parlementaires. Notre amendement constitue une contribution à la réflexion sur la formation professionnelle et son articulation avec le dispositif de prise en compte de la pénibilité dans la carrière des salariés que vous nous proposez de mettre en place.
M. le président. L'amendement n° 333 rectifié, présenté par M. Desessard, Mme Archimbaud, M. Placé et les membres du groupe écologiste, est ainsi libellé :
Alinéa 31
Après les mots :
l’employeur
insérer les mots :
après avoir consulté les délégués du personnel,
La parole est à Mme Kalliopi Ango Ela.
Mme Kalliopi Ango Ela. Cet amendement vise à encadrer le dispositif permettant aux employeurs de refuser le passage à temps partiel d’un salarié ayant accumulé suffisamment de points sur son compte personnel de prévention de la pénibilité.
Cet alinéa a fait l’objet de discussions plutôt animées et de décisions surprenantes, aussi bien à l’Assemblée nationale qu’au sein de la commission des affaires sociales du Sénat.
Le dispositif actuel prévoit que l’employeur peut refuser la demande de passage à temps partiel d’un salarié au seul motif d’une impossibilité liée à l’activité économique de l’entreprise. En d’autres termes, l’employeur pourra limiter sans contrainte les passages à temps partiel, car l’impossibilité liée à l’activité économique peut très facilement être invoquée et elle est difficilement contestable.
La commission des affaires sociales de l’Assemblée nationale a remplacé cette disposition discutable par une limitation dans le temps du refus de l’employeur. Cependant, cette dernière mesure a été supprimée à la suite de l'invocation a posteriori, par certains députés, de son irrecevabilité financière. Le résultat est catastrophique, puisque l’employeur peut de nouveau refuser d’accéder à la demande de son salarié sans aucune contrainte. Le Gouvernement a modifié à la marge le dispositif en imposant à l’employeur de « démontrer » que la réduction du temps de travail est contraire à l’intérêt économique de l’entreprise. Sous quelle forme devra se faire cette démonstration ? Cette question reste sans réponse.
Nous avons voulu poursuivre, en commission, le travail effectué par nos collègues de l’Assemblée nationale, et, là encore, on nous a opposé l'irrecevabilité financière de notre proposition, au motif qu’elle crée une charge nouvelle pour l’État, celui-ci alimentant le Fonds de solidarité vieillesse, qui financera les actions permises par le compte de prévention de la pénibilité.
Nous en prenons acte et présentons ici une solution de repli : les employeurs devront consulter les délégués du personnel pour démontrer l’impossibilité liée à l’activité économique. Cette mesure, si elle ne correspond pas totalement à notre intention initiale, permettra déjà de limiter les abus de manière significative, en ne laissant pas les chefs d’entreprise décider seuls du bien-fondé de demandes de passage à temps partiel.
M. le président. Quel est l’avis de la commission ?
Mme Christiane Demontès, rapporteur. Ma chère collègue, vous proposez, au travers de cet amendement, d’instaurer une consultation obligatoire des délégués du personnel par l’employeur avant de refuser un passage à temps partiel au titre du compte personnel de prévention de la pénibilité.
La rédaction actuelle du projet de loi précise qu’une demande de passage à temps partiel ne peut être refusée que si l’employeur peut démontrer que la réduction du temps de travail est impossible compte tenu de l’activité économique de l’entreprise. Je ne pense pas que la consultation préalable des délégués du personnel modifierait fondamentalement l’appréciation de ce facteur par l’employeur, mais elle a le mérite de faire entrer le dialogue social dans l'entreprise. Toutefois, il serait opportun de compléter la rédaction proposée par les mots : « s’il en existe, », pour tenir compte du fait que toutes les entreprises ne disposent pas de délégués du personnel.
M. Gérard Longuet. C'est exact.
Mme Christiane Demontès, rapporteur. La commission émet un avis favorable, sous réserve de cette rectification.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
Mme Marisol Touraine, ministre. Madame la sénatrice, je comprends la préoccupation qui est la vôtre. Néanmoins, les conditions du passage à temps partiel au titre du compte de prévention de la pénibilité ont été déjà assez nettement encadrées lors de la discussion à l’Assemblée nationale, d'une manière plus stricte que ne l’avait initialement prévu le Gouvernement. Ainsi renforcées, les garanties offertes sont d'ores et déjà plus protectrices que le droit commun. Il semble au Gouvernement que nous avons atteint un point d'équilibre. Si vous mainteniez votre amendement, l’avis serait donc défavorable.
M. le président. Madame Kalliopi Ango Ela, que pensez-vous de la suggestion de Mme la rapporteur ?
Mme Kalliopi Ango Ela. Monsieur le président, je rectifie mon amendement dans le sens indiqué par Mme la rapporteur.
M. le président. Je suis donc saisi d’un amendement n° 333 rectifié bis, présenté par M. Desessard, Mme Archimbaud, M. Placé et les membres du groupe écologiste, et ainsi libellé :
Alinéa 31
Après les mots :
l’employeur
insérer les mots :
après avoir consulté les délégués du personnel, s'il en existe,
La parole est à M. Gérard Longuet, pour explication de vote.
M. Gérard Longuet. Une fois n’est pas coutume, je soutiens là encore Mme le ministre, dont le point de vue me semble raisonnable.
Le délégué du personnel défend les intérêts de ce dernier, mais il n’est pas, dans le droit français, cogestionnaire. On peut le regretter : c’est d'ailleurs un débat passionnant. Le syndicalisme français a toujours considéré qu’il devait être extérieur à la gestion de l’entreprise, que son rôle était exclusivement de défendre les salariés face à l’employeur. S’il cogérait l’entreprise, il devrait assumer des décisions qui ne seraient pas nécessairement les siennes. Cela ne correspond pas à la tradition syndicale française.
Cet amendement prévoit une simple consultation des délégués du personnel : nous ne sommes donc pas dans l’esprit de la cogestion à l’allemande. Dans les sociétés allemandes, à partir d’une certaine taille, des représentants du personnel siègent au conseil d'administration.
Nous sommes ici dans une logique différente. C'est la raison pour laquelle Mme le ministre a raison de défendre la rédaction du texte issue de l’Assemblée nationale, car elle est déjà exigeante : dès lors que le refus devra être motivé, il existe une base juridique pour engager une éventuelle contestation. En outre, que se passerait-il si les délégués du personnel se prononçaient contre la demande du salarié ? Dans l’hypothèse d’une contestation, la position de ce salarié s’en trouverait affaiblie.
Il convient donc, me semble-t-il, d’en rester à la rédaction élaborée par l’Assemblée nationale, la cogestion n’étant pas encore entrée dans notre culture.
M. le président. La parole est à Mme Annie David, pour explication de vote.
Mme Annie David. Je profite de cette explication de vote pour remercier M. Longuet de sa vigilance, qui nous a permis de rectifier notre amendement n° 151.
M. Gérard Longuet. Je suis toujours très attentif à vos propos !
Mme Annie David. Cela étant, nous soutenons, pour notre part, l’amendement présenté par Mme Ango Ela. S’il ne revient pas, en effet, aux délégués du personnel de juger de la situation économique de l’entreprise, il est normal qu’un salarié puisse s’adresser à eux en cas de rejet de sa demande. Les délégués du personnel peuvent ensuite se tourner vers le comité d’entreprise, s’il en existe un, celui-ci étant informé de la situation économique de l’entreprise.
M. Gérard Longuet. Vous avez raison pour le comité d’entreprise, madame David.
Mme Annie David. Je rappelle que, dans les petites entreprises, les délégués du personnel peuvent faire office de comité d’entreprise.
M. le président. L'amendement n° 334 rectifié bis, présenté par M. Desessard, Mme Archimbaud, M. Placé et les membres du groupe écologiste, est ainsi libellé :
I. – Alinéa 31
Compléter cet alinéa par une phrase ainsi rédigée :
Pour justifier de cette impossibilité, l’employeur réunit, informe et consulte les délégués du personnel.
II. – En conséquence, après l’alinéa 31
Insérer un alinéa ainsi rédigé :
« En cas de contestation du refus de passage à temps partiel, le salarié peut saisir la caisse nationale d’assurance vieillesse des travailleurs salariés dans des conditions précisées à l’article L. 4162-13.
La parole est à Mme Kalliopi Ango Ela.
Mme Kalliopi Ango Ela. Cet amendement, qui se situe dans la droite ligne du précédent, vise à encadrer le refus par les employeurs des passages à temps partiel.
Nous proposons de renforcer le rôle des délégués du personnel en prévoyant que les employeurs devront les consulter dès lors qu’ils invoquent une impossibilité liée à l’activité économique. La nouveauté, par rapport à l’amendement précédent, réside dans les moyens de contestation de la décision de l’employeur par le salarié. Nous proposons ici de prévoir une possibilité de recours devant la Caisse nationale d’assurance vieillesse, la CNAV.
À l’Assemblée nationale, les écologistes avaient déposé un amendement similaire, sous-amendé par le rapporteur, afin d’inscrire dans le texte des possibilités de recours devant les prud’hommes. Nous nous félicitons de cette avancée, qui offre des moyens juridiques de défense des salariés.
Cependant, nous considérons que le dispositif que nous présentons peut parfaitement s’insérer dans le texte. En effet, le recours devant les prud’hommes implique une action en justice, et beaucoup de salariés n’auront pas la force ou la volonté d’attaquer leur employeur, surtout en l’état actuel du marché du travail.
Le recours auprès de la CNAV ouvre la voie à une solution non judiciaire au problème, donc beaucoup plus souple, à la fois pour le salarié et pour l’employeur. Par ailleurs, la CNAV peut mobiliser des moyens humains et techniques, notamment une commission dédiée, pour expertiser correctement la situation. Ainsi, en cas de rejet injustifié de sa demande de passage à temps partiel, le salarié sera triplement protégé : il pourra faire appel aux délégués du personnel, à la CNAV ou au conseil des prud’hommes, selon la nature de sa contestation.
Le dispositif de cet amendement aura également le mérite d’éviter un encombrement des tribunaux par des contentieux liés à la prise en compte de la pénibilité.
M. le président. Quel est l’avis de la commission ?
Mme Christiane Demontès, rapporteur. Madame la sénatrice, cet amendement me semble satisfait.
Tout d’abord, la consultation des délégués du personnel est prévue par l’amendement que nous venons d’adopter.
Ensuite, l’Assemblée nationale a déjà prévu une voie de recours spécifique devant les prud’hommes. Le conseil des prud’hommes est plus à même que la CNAV d’apprécier l’impossibilité liée à l’activité économique de l’entreprise. Vous dites que le recours devant la CNAV permettra de mieux protéger le salarié. Pour ma part, je n’en suis pas sûre, car celle-ci n’a aucun moyen de peser sur l’employeur.
Il me paraît donc raisonnable d’en rester au texte de l’Assemblée nationale. Je vous invite à retirer votre amendement, madame la sénatrice ; à défaut, l’avis de la commission serait défavorable.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
Mme Marisol Touraine, ministre. Même avis, monsieur le président.
Madame la sénatrice, la CNAV n’a aucune compétence pour apprécier la réalité de l’impossibilité liée à l’activité économique de l’entreprise. Elle n’a pas les moyens de procéder à une telle vérification.
M. le président. Madame Ango Ela, l'amendement n° 334 rectifié bis est-il maintenu ?
Mme Kalliopi Ango Ela. Non, je le retire, monsieur le président.
M. le président. L'amendement n° 334 rectifié bis est retiré.
L'amendement n° 148, présenté par Mme David, M. Watrin, Mmes Cohen et Pasquet, M. Fischer et les membres du groupe communiste républicain et citoyen, est ainsi libellé :
Alinéa 31
Compléter cet alinéa par une phrase ainsi rédigée :
Le comité d’entreprise et la direction régionale des entreprises, de la concurrence, de la consommation, du travail et de l’emploi vérifient le caractère réel et sérieux des motifs de l’employeur.
La parole est à Mme Brigitte Gonthier-Maurin.
Mme Brigitte Gonthier-Maurin. Le passage à temps partiel fait partie, avec le suivi d’une formation professionnelle et le départ anticipé à la retraite, des trois possibilités ouvertes par le compte de prévention de la pénibilité. Nous pensons que c’est une disposition intéressante et le verbe « choisir » est important, puisqu’il renvoie à la philosophie même de ce compte : une fois la pénibilité de son travail reconnue, le salarié doit pouvoir choisir, s’il le souhaite, le passage à temps partiel pour limiter son exposition aux facteurs de pénibilité.
Notre amendement a pour objet de garantir l’effectivité de ce droit. La rédaction actuelle de l’alinéa 31 ne nous satisfait pas de ce point de vue, puisque l’employeur peut refuser le passage à temps partiel s’il démontre que cette réduction du temps de travail est impossible compte tenu de l’activité économique de l’entreprise.
Sans douter de la bonne foi des employeurs, nous préférerions que le texte soit plus précis, plus équilibré : le dernier mot ne doit pas forcément revenir à l’employeur s'agissant d’une décision qui concerne très directement son salarié.
C’est pourquoi nous proposons que ce soit à la fois le comité d’entreprise et la direction régionale des entreprises, de la concurrence, de la consommation, du travail et de l’emploi, la DIRECCTE, qui vérifient le caractère réel et sérieux du motif invoqué par l’employeur. Le diagnostic doit selon nous être établi de façon indépendante, l’employeur étant nécessairement juge et partie.
L’article 6 est censé ouvrir des droits nouveaux pour les salariés travaillant dans des conditions difficiles. Si les nécessités de l’activité économique de l’entreprise doivent certes être prises en compte, elles ne doivent pas être utilisées directement comme argument par l’employeur pour refuser ce droit au salarié. Nous connaissons, comme vous, le monde des entreprises, et nous savons que la relation employeur-employé induit une subordination. Aussi nous semble-t-il indispensable que ce soit un tiers qui établisse si, oui ou non, le passage à temps partiel est impossible compte tenu de l’activité économique de l’entreprise.
Ce point nous paraît relever du simple bon sens. Si notre amendement devait ne pas être adopté, nous serions très inquiets pour l’effectivité du compte de prévention de la pénibilité, mesure fortement mise en avant par le Gouvernement dans ce projet de loi.
Rien n’est dit, par exemple, sur le maintien ou non du salaire à temps plein… Les 300 000 personnes qui devraient, à terme, utiliser chaque année des points accumulés sur leur compte de prévention de la pénibilité doivent pouvoir connaître précisément leurs droits et les obligations de l’employeur.
M. le président. Quel est l’avis de la commission ?
Mme Christiane Demontès, rapporteur. Le comité d’entreprise, qui est une instance consultative, n’a pas de droit de regard sur une décision de l’employeur prise dans le cadre d’une relation individuelle de travail. Quant à la DIRECCTE, elle a d’autres missions d’importance, qui l’occupent beaucoup.
Je rappelle que, en cas de refus manifestement infondé de la part de l’employeur, le salarié pourra porter sa contestation devant les prud’hommes. La commission émet donc un avis défavorable. (Mme Brigitte Gonthier-Maurin s’exclame.)
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. le président. La parole est à M. Gérard Longuet, pour explication de vote.
M. Gérard Longuet. Nous sommes de l’avis du rapporteur et du ministre dans cette affaire. Chacun doit rester dans son rôle, il reviendra au conseil des prud’hommes de jouer le sien.
M. le président. L'amendement n° 371 rectifié bis, présenté par Mmes Deroche, Procaccia et Bruguière, MM. Milon et Husson, Mme Debré et MM. Cardoux et Gilles, est ainsi libellé :
Alinéa 42, première phrase
Après les mots :
sur pièces et sur place
Supprimer la fin de cette phrase.
La parole est à Mme Catherine Deroche.
Mme Catherine Deroche. L’effectivité du contrôle prévu par le texte implique que l’employeur se soumette à des investigations poussées, portant notamment sur les processus de fabrication et les conditions de travail de ses salariés.
Si la nécessité de pouvoir procéder à de telles investigations n’est pas contestée dans son principe, l’intervention d’organismes habilités telle qu’elle est prévue par le texte soulève à nos yeux de nombreuses difficultés.
D’une part, les caractéristiques juridiques de ces organismes habilités ne sont aucunement définies.
D’autre part, le législateur envisage de confier à des organismes habilités non définis des prérogatives de contrôle nécessairement très importantes, sans connaître précisément les modalités de ce contrôle, puisque le pouvoir réglementaire aura le soin de les définir, et sans s’être assuré que ces prérogatives peuvent bien être exercées par des personnes autres que les « organismes gestionnaires mentionnés à l’article L. 4162-10 ».
Il résulte de ces deux premières observations que la constitutionnalité de cette disposition est incertaine. Par ailleurs, ni les modalités de désignation ni la rémunération de ces organismes habilités ne sont envisagées. Dans ces conditions, nous proposons la suppression des dispositions relatives à ces derniers.
M. le président. Quel est l’avis de la commission ?
Mme Christiane Demontès, rapporteur. Le champ d’application du compte personnel de prévention de la pénibilité étant très vaste, il est compréhensible que les CARSAT, les caisses d’assurance retraite et de la santé au travail, ne disposent pas, à elles seules, des moyens nécessaires pour assurer un contrôle ciblé et efficace qui permettrait de mettre en lumière rapidement les fraudes et les situations de contournement de la loi. Il est donc nécessaire qu’elles puissent s’appuyer sur d’autres organismes, qui pourront sans doute être publics ou privés.
Je sollicite l’avis du Gouvernement sur cette question importante.
M. le président. Quel est donc l’avis du Gouvernement ?
Mme Marisol Touraine, ministre. Comme vient de le dire Mme la rapporteur, il est compréhensible que les CARSAT ne disposent pas forcément de l’expertise nécessaire pour répondre à l’ensemble des questions qui leur sont adressées.
C’est pourquoi il est indispensable, aux yeux du Gouvernement, que les CARSAT puissent s’appuyer sur l’appréciation d’un tiers. Or il est bien du ressort de la loi de prévoir quels seront les liens de ce tiers avec la puissance publique.
En l’occurrence, il s’agira d’une habilitation décidée par les pouvoirs publics, dont les contours seront déterminés par décret. Il nous paraît nécessaire que les CARSAT puissent s’en remettre à une expertise technique relevant d’un tiers.
Je veux attirer votre attention, madame la sénatrice, sur le fait que ce dispositif ne constitue pas une innovation de ce projet de loi. L’article L. 4722-2 du code du travail prévoit déjà, par exemple, qu’un inspecteur du travail peut demander à l’employeur de faire procéder à des vérifications ou à des mesures des expositions par des organismes ou des personnes désignés dans des conditions définies par décret en Conseil d’État. Il s’agit donc simplement ici d’appliquer ces dispositions à la mise en place du compte de prévention de la pénibilité.
M. le président. La parole est à M. Gérard Longuet, pour explication de vote.
M. Gérard Longuet. Cet amendement, dont je ne suis pas signataire, soulève un vrai sujet.
Certes, l’État a toujours la faculté, comme d’ailleurs les magistrats, de s’appuyer sur des expertises. Il est toutefois important de s’interroger sur la liberté, l’indépendance, la compétence des organismes habilités, ainsi que sur leur faculté à utiliser des prérogatives de puissance publique pour procéder à des contrôles sur pièces et sur place. Pareille inquisition à l’intérieur de l’entreprise peut aller fort loin s’il s’agit par exemple d’évaluer les caractéristiques économiques de l’exposition à la pénibilité.
Je pense que vous avez eu raison, madame Deroche, de présenter cet amendement, ne serait-ce que pour attirer l’attention du Gouvernement sur la gravité de la décision consistant à donner à des « organismes habilités » des facultés relevant de l’autorité publique, et donc de prérogatives tout à fait exceptionnelles.
Imagine-t-on un seul instant que ces organismes habilités puissent être des agences privées, telles que l’Apave, ou des émanations d’organisations syndicales patronales ou de salariés ? Nous savons, par exemple, que les comités d’entreprise, qui peuvent aborder les sujets économiques, font très souvent appel à des bureaux d’études ou d’audit connus pour être rattachés à telle ou telle grande fédération ouvrière. Pourquoi pas, dans la mesure où il s’agit de comités d’entreprise, mais lorsqu’il est question de l’autorité publique intervenant au nom d’un projet national, j’estime que l’habilitation doit faire l’objet d’un examen tout particulier, selon des critères parfaitement transparents.
Si cet amendement n’est pas adopté, nous aurons à étudier avec attention les conditions d’application de cet article.
M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 371 rectifié bis.
(L'amendement n'est pas adopté.)
M. le président. L'amendement n° 152, présenté par Mme David, M. Watrin, Mmes Cohen et Pasquet, M. Fischer et les membres du groupe communiste républicain et citoyen, est ainsi libellé :
Alinéa 42, dernière phrase
Remplacer le mot :
cinq
par le mot :
dix
La parole est à M. Michel Le Scouarnec.
M. Michel Le Scouarnec. L’alinéa 42 de l’article 6 prévoit, afin de garantir la stabilité et l’équilibre du dispositif, que les gestionnaires, c’est-à-dire la CNAV à l’échelon national et les CARSAT à l’échelon local, seront habilités à opérer sur pièces et sur place.
Les contrôles pourront porter sur la nature des informations consignées sur les fiches de prévention de la pénibilité, ainsi que sur l’effectivité et l’ampleur de l’exposition aux facteurs de risques professionnels.
Ce contrôle pourra conduire l’employeur à créditer le compte de prévention de la pénibilité de points supplémentaires, afin que les droits ouverts au salarié soient assis sur la réalité de l’exposition subie.
Toutefois, le délai de recours prévu nous semble particulièrement court : cinq ans à compter de la fin de l’année au titre de laquelle des points ont été, ou auraient dû être, inscrits au compte.
Afin de rendre réellement effectifs les droits des salariés et de responsabiliser pleinement les employeurs, nous proposons que ce délai d’action des gestionnaires soit porté de cinq à dix ans.
À nos yeux, la fusion des CARSAT et la suppression des emplois publics au sein des organismes de contrôle et de l’inspection du travail rendent l’extension de ce délai d’autant plus impérative. Nous ne saurions en effet nous satisfaire d’une situation dans laquelle les redressements ne pourraient intervenir pour cause de forclusion des délais, en raison d’un déficit d’agents. C’est la raison pour laquelle nous proposons de doubler le délai de recours.
M. le président. Quel est l’avis de la commission ?
Mme Christiane Demontès, rapporteur. Ce délai a déjà été porté de trois à cinq ans à l’Assemblée nationale. Je ne pense pas qu’il faille aller plus loin.
D’une part, au bout de dix ans, de nombreux salariés pourront avoir quitté l’entreprise. D’autre part, les informations relatives à des expositions si éloignées dans le temps seront-elles encore disponibles ?
Devant ces obstacles, la commission a émis un avis défavorable sur cet amendement.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. le président. La parole est à Mme Annie David, pour explication de vote.
Mme Annie David. Il s’agit d’ouvrir une possibilité, et non d’instaurer une obligation.
Bien entendu, certains salariés auront sans doute quitté l’entreprise au bout de dix ans, mais d’autres y seront encore. Un délai de dix années pourrait permettre à ces derniers de faire valoir leurs droits plus facilement, en remontant plus loin dans le temps. Il s’agit d’offrir un peu plus de droits aux salariés concernés.
M. Jean Desessard. C’est de l’archéologie ! (Sourires.)
M. le président. La parole est à M. Gérard Longuet, pour explication de vote.
M. Gérard Longuet. Je suis préoccupé par la réponse du Gouvernement et de Mme le rapporteur.
En matière pénale, je suis partisan de la prescription. L’oubli est un facteur de paix sociale lorsqu’un délit n’a pas été découvert, n’a pas gêné la société, lorsque les faits sont anciens et difficiles à comprendre. Le législateur a été avisé de maintenir la prescription délictuelle de cinq ans pour les délits et de vingt ans pour les crimes.
En matière civile, la prescription est, si je ne me trompe – mes cours de droit sur l’usucapion et la prescription acquisitive remontent à loin –, de vingt ans. Je suis de l’avis de Mme David : si le salarié a droit à l’attribution de points supplémentaires sur son compte de prévention de la pénibilité, pourquoi lui opposer une prescription de cinq ans ? Pourquoi empêcher l’établissement de la preuve d’une atteinte à un droit en fixant un tel délai ?
Madame le ministre, j’aimerais vous entendre sur ce point. Je ne suis pas sûr d’avoir raison, mais j’ai tout de même l’impression qu’il ne faut pas confondre prescription délictuelle et prescription civile.
Mme Michelle Demessine. C’est l’union sacrée ! (Sourires.)
M. Jean Desessard. Il y a une collusion !
M. le président. L'amendement n° 370 rectifié bis, présenté par Mmes Deroche, Procaccia et Bruguière, MM. Milon et Husson, Mme Debré et MM. Cardoux et Gilles, est ainsi libellé :
Alinéa 42
Compléter cet alinéa par une phrase ainsi rédigée :
Les contrôles mis en œuvre en vertu du présent article sont diligentés dans le respect des principes du contradictoire et des droits de la défense.
La parole est à Mme Catherine Deroche.
Mme Catherine Deroche. L’effectivité du contrôle prévu par le texte implique que l’employeur se soumette à des investigations poussées, portant notamment sur les processus de fabrication et les conditions de travail de ses salariés.
La responsabilité du législateur est de rappeler que les contrôles mis en œuvre en vertu de la loi doivent être diligentés dans des conditions respectueuses des principes du contradictoire et des droits de la défense.
C’est peut-être évident, mais il nous semble important de le rappeler : une des raisons de notre opposition initiale à la mise en place du compte de prévention de la pénibilité tient au fait que nous craignons la survenance d’un grand nombre d’abus et de contentieux.
M. le président. Quel est l’avis de la commission ?
Mme Christiane Demontès, rapporteur. Cet amendement étant satisfait par le droit et la pratique en vigueur, il n’est pas besoin d’ajouter à nouveau cette précision dans la loi.
Les principes de la procédure contradictoire et du respect des droits de la défense sont protégés par la jurisprudence, notamment dans le cadre des contrôles des URSSAF.
La commission est défavorable à cet amendement.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. le président. La parole est à M. Gérard Longuet, pour explication de vote.
M. Jean Desessard. M. Longuet a un avis sur beaucoup de choses ! (Sourires.)
Mme Michelle Demessine. Il est intarissable !
M. Gérard Longuet. Mes chers collègues, j’ai beaucoup réfléchi et je prends la peine de vous écouter, ce qui me permet de faire mûrir mon jugement ! (Nouveaux sourires.)
Ce qui va sans dire va mieux en le disant : pourquoi ne pas rappeler la jurisprudence, madame la rapporteur ? Cela ne coûte rien et fait du bien aux droits de l’homme !
M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 370 rectifié bis.
(L'amendement n'est pas adopté.)
M. le président. L'amendement n° 276, présenté par MM. Longuet et Cardoux, Mmes Boog, Bruguière, Bouchart, Cayeux, Debré et Deroche, M. Dériot, Mme Giudicelli, MM. Gilles et Husson, Mme Hummel, MM. Fontaine, de Raincourt, Laménie et Milon, Mme Kammermann, M. Pinton, Mme Procaccia, M. Savary et les membres du groupe Union pour un Mouvement Populaire, apparentés et rattachés, est ainsi libellé :
I. - Alinéa 44, seconde phrase
Supprimer cette phrase.
II. - Alinéa 66
Supprimer les mots :
, ainsi que la prise en charge des dépenses liées aux frais des expertises mentionnées à l’article L. 4162-12
La parole est à M. Gérard Longuet.
M. Gérard Longuet. Le futur « fonds pénibilité » ne doit pas être mobilisé pour financer les contentieux éventuels liés au compte personnel de prévention de la pénibilité.
Dans la mesure où le coût total du dispositif relatif à la pénibilité est encore très incertain, cet amendement vise à ne pas faire financer les frais d’expertise demandés par les tribunaux des affaires de sécurité sociale par le fonds pénibilité, c’est-à-dire par les entreprises, qui en seront les financeurs exclusifs, et donc à revenir au droit commun selon lequel ces frais sont pris en charge par l’État et la CNAV.
M. le président. Quel est l’avis de la commission ?
Mme Christiane Demontès, rapporteur. La commission ne partage pas votre point de vue, monsieur le sénateur. Cette prise en charge par le fonds constitue une véritable avancée, sur laquelle il ne faut pas revenir. Il est logique que les cotisations versées au titre de la compensation de la pénibilité financent les expertises permettant de déterminer la réalité des expositions aux facteurs de risques et leurs effets.
Par conséquent, la commission émet un avis défavorable sur cet amendement.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. le président. L’amendement n° 13 rectifié ter, présenté par Mme Lienemann, MM. Godefroy et Labazée, Mme Claireaux et M. Rainaud, est ainsi libellé :
Alinéa 45, première phrase
Remplacer les mots :
que s’il
par les mots :
que si lui-même ou un représentant du personnel choisi par lui
La parole est à M. Georges Labazée.
M. Georges Labazée. Le présent amendement a pour objet de préciser les conditions de saisine de la CARSAT en cas de réclamation du salarié portant sur le compte de prévention de la pénibilité.
En effet, le texte conditionne cette saisine à une contestation préalable devant l’employeur par le salarié. Comme le projet de loi prévoit que le salarié peut être représenté ou assisté par une personne de son choix appartenant au personnel de l’entreprise, il convient de préciser que la contestation effectuée par ce représentant pour le compte du salarié devant l’employeur doit remplir la même condition.
M. le président. Quel est l’avis de la commission ?
Mme Christiane Demontès, rapporteur. S’il est logique qu’un salarié puisse être appuyé, en cas de désaccord avec son employeur, par un autre membre du personnel de l’entreprise, la situation est différente lorsqu’il s’agit de saisir la CARSAT. Il me semble que cette démarche doit être celle du salarié lui-même, qui pourra, bien sûr, recevoir le soutien des élus du personnel, mais sans que ceux-ci puissent se substituer à lui.
C’est pourquoi la commission demande aux auteurs de l’amendement de bien vouloir le retirer. À défaut, elle émettra un avis défavorable.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
Mme Marisol Touraine, ministre. Même avis : il est important que la démarche soit engagée par le salarié lui-même, puisqu’il s’agit de ses droits propres, même s’il peut bien entendu demander à être épaulé, appuyé, conseillé par des représentants du personnel. Dans la mesure où il s’agit d’une contestation qui porte sur un cas personnel, et non pas sur la collectivité de travail, il est absolument nécessaire que la démarche soit entreprise par le salarié lui-même.
M. le président. Monsieur Labazée, l’amendement n° 13 rectifié ter est-il maintenu ?
M. Georges Labazée. Non, je le retire, monsieur le président.
M. le président. L’amendement n° 13 rectifié ter est retiré.
Je suis saisi de deux amendements identiques.
L’amendement n° 153 est présenté par Mme David, M. Watrin, Mmes Cohen et Pasquet, M. Fischer et les membres du groupe communiste républicain et citoyen.
L’amendement n° 245 est présenté par M. Godefroy et Mme Lienemann.
Ces deux amendements sont ainsi libellés :
Alinéa 45, seconde phrase
Après le mot :
appartenant
insérer les mots :
ou non
La parole est à Mme Michelle Demessine, pour présenter l’amendement n° 153.
Mme Michelle Demessine. L’alinéa 45 de l’article 6 est important, dans la mesure où il permet d’équilibrer le dispositif mis en place. En effet, il prévoit que, « lorsque le différend est lié à un désaccord avec son employeur sur l’effectivité ou l’ampleur de son exposition aux facteurs de risques professionnels mentionnés à l’article L. 4161-1, le salarié ne peut saisir la caisse d’une réclamation relative à l’ouverture du compte personnel de prévention de la pénibilité ou au nombre de points enregistrés sur celui-ci que s’il a préalablement porté cette contestation devant l’employeur, dans des conditions précisées par décret en Conseil d’État. Le salarié peut être assisté ou représenté par une personne de son choix appartenant au personnel de l’entreprise. »
Cet alinéa prévoit donc la possibilité d’un recours au sein de l’entreprise, ce qui évitera d’embouteiller la CARSAT. On peut tout à fait imaginer que la personne qui assistera ou représentera le salarié sera un représentant du personnel, car, pour soutenir une telle contestation, il faut connaître le droit applicable. Le représentant du personnel pourra apporter l’assistance nécessaire à la tenue d’un véritable débat contradictoire entre l’employeur et le salarié.
Par cet amendement, nous proposons de prévoir que cette personne de son choix puisse ne pas appartenir à l’entreprise. En effet, beaucoup d’entreprises, par exemple celles comptant moins de cinquante salariés ou faisant l’objet d’un constat de carence, ne disposent pas de représentants du personnel, qualifiés pour assurer l’assistance au salarié. Dans une telle situation, le code du travail dispose d’ailleurs que, au cours de la phase d’entretien préalable au licenciement, le salarié peut se faire assister par un conseiller de son choix inscrit sur la liste départementale.
Il faut bien admettre, mes chers collègues, que le dispositif de la pénibilité est un peu compliqué : les salariés ne vont pas d’emblée s’approprier ce nouveau droit, et ils doivent donc pouvoir être assistés par une personne compétente, le cas échéant extérieure à l’entreprise. C’est la condition de la tenue d’un réel débat contradictoire au sein de l’entreprise, à même d’éviter les recours devant la CARSAT, sachant qu’il y aura, à n’en pas douter, des contestations.
M. le président. L’amendement n° 245 n’est pas soutenu.
Quel est l’avis de la commission sur l’amendement n° 153 ?
Mme Christiane Demontès, rapporteur. Madame la sénatrice, vous abordez un point important : la prise en compte du cas des petites entreprises dépourvues d’instances représentatives du personnel et de délégués du personnel.
La commission a émis un avis favorable sur votre amendement, sous réserve que vous acceptiez de le rectifier, en complétant la seconde phrase de l’alinéa 45 par ces mots : « ou, lorsqu’il n’y a pas d’institutions représentatives du personnel dans l’entreprise, par un conseiller du salarié choisi sur une liste dressée par l’autorité administrative ».
M. le président. Madame Demessine, que pensez-vous de la rectification suggérée par Mme la rapporteur ?
Mme Michelle Demessine. Je rectifie mon amendement en ce sens, monsieur le président. (Mme Annie David marque son approbation.)
M. le président. Je suis donc saisi d’un amendement n° 153 rectifié, présenté par Mme David, M. Watrin, Mmes Cohen et Pasquet, M. Fischer et les membres du groupe communiste républicain et citoyen, et ainsi libellé :
Alinéa 45, seconde phrase
Compléter cette phrase par les mots :
ou, lorsqu’il n’y a pas d’institutions représentatives du personnel dans l’entreprise, par un conseiller du salarié choisi sur une liste dressée par l’autorité administrative
Quel est l’avis du Gouvernement sur cet amendement ainsi rectifié ?
Mme Marisol Touraine, ministre. Le Gouvernement comprend la préoccupation exprimée, mais s’interroge sur la procédure proposée. Je ne crois pas opportun d’aborder la question de la représentation du personnel dans les petites et très petites entreprises à l’occasion de ce débat sur la pénibilité. De plus, il est souhaitable que la personne qui assiste le salarié connaisse directement la réalité de l’entreprise concernée.
Le Gouvernement émet un donc avis défavorable sur cet amendement.
M. le président. La parole est à Mme Annie David, pour explication de vote.
Mme Annie David. Madame la ministre, il ne s’agit pas d’une procédure nouvelle : elle existe déjà dans le droit du travail. Dans les entreprises ne disposant pas de représentants du personnel, en raison de leur faible effectif ou d’un constat de carence, par exemple, les salariés menacés de licenciement peuvent être assistés par des personnes extérieures à l’entreprise, les conseillers du salarié, qui sont inscrits sur une liste et sont munis d’une carte spécifique, émise par la DIRECCTE. Ils sont répertoriés et connus des différentes organisations syndicales, tant de salariés que d’employeurs.
Michelle Demessine l’a dit, certains salariés peuvent être un peu démunis face au droit, ou être impressionnés quand ils sont confrontés à leur employeur. Pour se défendre correctement et faire respecter leurs droits, ils ont alors besoin d’être représentés. Il ne s’agit donc pas d’un droit nouveau, madame la ministre.
Je remercie Mme la rapporteur de sa proposition de rectification, car la rédaction de notre amendement était probablement insuffisante : elle permettait d’imaginer que l’on puisse recourir à une personne extérieure n’ayant aucun lien avec le monde de l’entreprise, un avocat par exemple, alors que nous visions les conseillers du salarié.
M. le président. La parole est à M. Jean Desessard, pour explication de vote.
M. Jean Desessard. La politique, c’est l’art de la répétition… (Sourires.) On se cherche,…
M. Gérard Longuet. Surtout vous !
M. Jean Desessard. … on complète les propos des autres, afin de pouvoir cheminer ensemble ! Cela étant, je pourrais comprendre que ceux qui suivent nos débats les trouvent un peu répétitifs… (Rires.)
Vous l’avez dit, madame David, la rédaction initiale de cet amendement était un peu courte : vous auriez pu faire référence à « une certaine personne qui s’y connaît » ! (Rires sur les travées du groupe CRC.) Mais cela aurait été un peu familier, et la rédaction proposée par Mme la rapporteur est plus satisfaisante. Le groupe écologiste votera donc l’amendement n° 153 rectifié avec enthousiasme.
M. le président. La parole est à M. Gérard Longuet, pour explication de vote.
M. Gérard Longuet. J’aurais volontiers rejoint Mme David, une fois encore (Exclamations amusées sur les travées du groupe CRC.), n’eût été une petite difficulté : un conseiller du salarié est compétent en droit du travail, lequel s’applique à l’ensemble des salariés. Or nous traitons ici de l’application des règles relatives à la prise en compte de la pénibilité, qui doit tenir compte de la spécificité de chaque entreprise.
Nous nous abstiendrons sur cet amendement. En effet, le débat qu’il suscite à l’intérieur de la majorité sénatoriale est la démonstration absolue de la complexité et du caractère vraisemblablement à peu près inapplicable du texte, en tout cas dans les très nombreuses entreprises de moins de dix salariés, où l’on ne dispose pas, comme sur les grands sites industriels, des compétences nécessaires, tant du côté des travailleurs, en l’absence de représentants du personnel, que de celui du chef d’entreprise, lequel ne peut s’appuyer sur un service des ressources humaines.
Si un conseiller extérieur à l’entreprise intervient, il sera sans doute très compétent en droit du travail, mais en quoi pourra-t-il apporter une réponse à des problèmes de pénibilité spécifiques à une entreprise ? En prévoyant la possibilité de recourir à des personnes extérieures à l’entreprise, vous affaiblissez le dispositif. C’est la raison pour laquelle nous soutenons la position de Mme le ministre, qui paraît, en l’espèce, plus réaliste.
M. le président. Je suis saisi de deux amendements faisant l'objet d'une discussion commune.
L'amendement n° 154, présenté par Mme David, M. Watrin, Mmes Cohen et Pasquet, M. Fischer et les membres du groupe communiste républicain et citoyen, est ainsi libellé :
Alinéa 50, première phrase
Remplacer le mot :
trois
par le mot :
cinq
La parole est à Mme Annie David.
Mme Annie David. Cet amendement s’inscrit dans la continuité de l'amendement n° 152, qu’a tout à l'heure présenté notre collègue Michel Le Scouarnec, puisqu’il s’agit, là aussi, de délais.
La rédaction actuelle de l’article 6 confère aux organismes gestionnaires la possibilité d’engager une action en justice à l’encontre des employeurs qui n’auraient pas respecté leurs obligations.
Or l’alinéa 50 prévoit que le salarié ne peut, quant à lui, faire valoir ses droits que pendant une période de trois ans, encore plus brève que celle de cinq ans initialement prévue. Rien ne justifie que le délai de prescription imposé aux salariés soit plus court que celui dont disposent les organismes gestionnaires.
Si nous voulons permettre aux organismes gestionnaires d’agir dans la durée et aux salariés de saisir lesdits organismes pendant toute leur durée d’action, il faut que les deux délais coïncident. À défaut, en conservant un délai d’action de trois ans pour les salariés – nous l’avons porté à dix ans pour les organismes –, on limite l’action des caisses. En effet, soyons clairs, les recours naîtront, pour l’essentiel, de la contestation des salariés.
Pour ces raisons, nous proposons de porter à cinq ans le délai de prescription pour la contestation des salariés.
M. le président. L'amendement n° 277, présenté par MM. Longuet et Cardoux, Mmes Boog, Bruguière, Bouchart, Cayeux, Debré et Deroche, M. Dériot, Mme Giudicelli, MM. Gilles et Husson, Mme Hummel, MM. Fontaine, de Raincourt, Laménie et Milon, Mme Kammermann, M. Pinton, Mme Procaccia, M. Savary et les membres du groupe Union pour un Mouvement Populaire, apparentés et rattachés, est ainsi libellé :
Alinéa 50, première phrase
Remplacer le mot :
trois
par le mot :
deux
La parole est à M. Gérard Longuet.
M. Gérard Longuet. Étant un peu gêné par cet amendement (Exclamations amusées sur les travées du groupe CRC, du groupe socialiste et du groupe écologiste.), je préfère le retirer.
M. le président. L’amendement n° 277 est retiré.
Quel est l’avis de la commission sur l’amendement n° 154 ?
Mme Christiane Demontès, rapporteur. L’Assemblée nationale a porté de deux à trois ans le délai de prescription de l’action du salarié. Deux ans, c’est le délai de droit commun : je ne crois pas qu’il faille trop s’en écarter. Un délai de trois ans permet, me semble-t-il, à un salarié de s’apercevoir d’un mauvais abondement de son compte de prévention de la pénibilité.
La commission a donc émis un avis défavorable sur cet amendement.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
Mme Marisol Touraine, ministre. Il est également défavorable.
Plus on s’éloigne du moment où se sont censément produits les faits contestés, plus il est difficile pour le salarié d’établir qu’il a été exposé à des facteurs de pénibilité. L’allongement du délai de prescription que vous souhaitez, madame David, ne paraît guère porteur d’effectivité du droit en question. Il nous paraît préférable de rester aussi près que possible du droit commun.
Mme Michelle Demessine. Et si les tribunaux sont engorgés ?
M. le président. La parole est à Mme Catherine Génisson, pour explication de vote.
Mme Catherine Génisson. Je souhaiterais poser une question au Gouvernement : pourquoi l’employeur dispose-t-il d’un délai de cinq ans et le salarié d’un délai de trois ans ? Je ne comprends cette différence de droits.
M. le président. La parole est à M. Jean Desessard, pour explication de vote.
M. Jean Desessard. Je suis incapable de répondre à la question de Mme Génisson… (Sourires.) Toutefois, j’en ai une autre, adressé elle aussi à Mme la ministre.
Je suppose que les critères de pénibilité seront périodiquement actualisés : ils évolueront sans doute au cours du temps.
Imaginons qu’une personne fasse un travail pénible non reconnu comme tel.
Mme Catherine Génisson. Les sénateurs qui siègent en séance de nuit, par exemple ? (Sourires.)
M. Jean Desessard. Si, quelques années plus tard, la pénibilité de ce travail est reconnue, y aura-t-il rétroactivité ? Ne vaudrait-il pas mieux, dans cette hypothèse, porter le délai de prescription de trois à cinq ans ? (Marques d’approbation sur les travées du groupe CRC et du groupe socialiste.)
M. le président. La parole est à Mme la ministre.
Mme Marisol Touraine, ministre. Il n’y a évidemment pas de rétroactivité : c’est un principe fondamental du droit. Une évolution des critères n’entraînerait pas une révision du nombre des points inscrits aux comptes de prévention de la pénibilité des salariés. C’est au regard du droit existant qu’est appréciée leur situation.
Madame Génisson, s’agissant de la différence entre le délai laissé au salarié et celui dont dispose non pas l’employeur, mais la caisse, je souligne que le salarié connaît sa situation directement. En revanche, la caisse ne vérifie pas chaque situation ; elle procède à des contrôles inopinés ou statistiques. C’est pourquoi un délai plus long lui est accordé : elle n’a pas forcément une connaissance directe d’une situation donnée.
M. le président. La parole est à M. Gérard Longuet, pour explication de vote.
M. Gérard Longuet. Je vais m’abstenir sur cet amendement, car je suis un peu perdu. Je considère que les salariés qui ont des droits doivent avoir le temps de les faire reconnaître, le cas échéant : un délai de trois ans avant de perdre ses droits me semble extraordinairement court.
C’est Créon contre Antigone. L’État, l’ordre public ont intérêt à une prescription rapide, de manière à éviter de rouvrir les dossiers et de créer une instabilité, en particulier pour l’employeur. Cependant, la liberté, le patrimoine de l’individu, ce sont ses droits. S’il en a été privé par un manque d’information, pourquoi diable lui imposer une prescription de trois ans, alors que sa requête ne déstabilisera pas l’ordre public ? Il s’agit ici, je le redis, d’une matière civile, de droits patrimoniaux. Pourquoi limiter à trois ans la recherche de ces droits ?
Je cherche une réponse à cette question : il n’y en a pas d’autre que la tranquillité des comptabilités. Soit ! Mais, au regard de la protection de la liberté individuelle et des droits patrimoniaux attachés à l’individu, je trouve que trois ans, c’est un peu court.
M. Jean Desessard. Alors pourquoi vous abstenir ?
M. Gérard Longuet. Parce que je ne comprends pas tout ! Alors je préfère m’abstenir, plutôt que d’émettre un vote que je regretterais ensuite.
M. le président. La parole est à M. Claude Jeannerot, pour explication de vote.
M. Claude Jeannerot. Je n’entends pas, avec l’argument que je vais utiliser, convaincre mes collègues du groupe CRC, mais je souhaite éclairer l’ensemble de notre assemblée.
Je souligne que ce délai de trois ans est en harmonie avec un certain nombre de dispositions du code du travail, notamment celles qui ont été réactualisées à la faveur de l’élaboration de la loi relative à la sécurisation de l’emploi, récemment adoptée.
M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 154.
(Après une épreuve à main levée déclarée douteuse par le bureau, le Sénat, par assis et levé, n’adopte pas l'amendement.)
M. le président. L'amendement n° 363, présenté par M. Vanlerenberghe, Mme Dini, MM. Roche et Amoudry, Mme Jouanno, M. Marseille et les membres du groupe Union des Démocrates et Indépendants - UC, est ainsi libellé :
Après l'alinéa 71
Insérer un alinéa ainsi rédigé :
« Ces recettes ne peuvent excéder un montant déterminé annuellement en loi de financement de la sécurité sociale.
La parole est à M. Gérard Roche.
M. Gérard Roche. Cet amendement a pour objet de limiter les fonds collectés pour financer la prise en compte de la pénibilité à une enveloppe fixe déterminée en loi de financement de la sécurité sociale. Il s’agit de prévenir tout emballement non maîtrisé de la montée en charge financière du dispositif.
En effet, les estimations du Gouvernement, réalisées sur la base des comportements actuels en matière de recours à la formation et au temps partiel, établissent le coût du dispositif à 500 millions d’euros en 2020, à 2 milliards d’euros en 2030 et à 2,5 milliards d’euros en 2040. À l’horizon 2035, 300 000 personnes par an feraient usage des points inscrits sur leur compte de prévention de la pénibilité.
Mais ces chiffres s’inscrivent en réalité dans une fourchette large, parce que la montée en charge du dispositif est très difficile à évaluer. C’est pourquoi elle doit être maîtrisée : cela relève des lois de financement de la sécurité sociale.
M. le président. Quel est l’avis de la commission ?
Mme Christiane Demontès, rapporteur. Il me semble difficile de prévoir de manière précise quelles seront les dépenses du fonds à l’horizon d’une année, puisqu’elles dépendent des points acquis par les salariés et des décisions de ceux-ci à l’égard de l’utilisation de leur compte de prévention de la pénibilité. Plafonner les recettes ferait courir le risque de ne pas pouvoir faire face aux engagements en matière de remboursements à la fin de l’année.
Par ailleurs, je ne vois pas pourquoi il y aurait un « emballement non maîtrisé de la montée en charge du dispositif », puisque le barème d’utilisation des points, tout comme la population concernée, sont connus à l’avance.
Je vous propose donc, mon cher collègue, de retirer votre amendement ; sinon, la commission émettra un avis défavorable.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. le président. Monsieur Roche, l'amendement n° 363 est-il maintenu ?
M. Gérard Roche. Oui, monsieur le président.
M. le président. La parole est à M. Gérard Longuet, pour explication de vote.
M. Gérard Longuet. Le groupe UMP est favorable à cet amendement, qui a l’immense mérite de montrer toute l’équivoque de l’équilibre du système de pénibilité.
Vous avez raison, madame le rapporteur, de dire que tout cela n’est pas prévisible.
Mme Christiane Demontès, rapporteur. Vous n’avez pas bien écouté, monsieur Longuet !
M. Gérard Longuet. Or, ce que nous voudrions, c’est que cela devienne prévisible et que nous puissions évaluer l’effort que la nation devra fournir en cas de déficit.
Je trouve par conséquent que cet amendement intervient à point nommé pour montrer les contradictions, les limites et, au fond, le caractère un petit peu abusif de votre enthousiasme sur le compte pénibilité,…
Mme Christiane Demontès, rapporteur. C’est un enthousiasme raisonné !
M. Gérard Longuet. … étant donné que vous n’avez pas les moyens de le financer, sauf à augmenter les cotisations des entreprises, c’est-à-dire à diminuer la perspective d’emploi.
M. le président. La parole est à M. Jean Desessard, pour explication de vote.
M. Jean Desessard. À la différence de M. Longuet, je voterai contre l’amendement. On ne peut pas déterminer à l’avance l’enveloppe qui doit être affectée au financement de la pénibilité. Fixer une somme indépendamment du nombre de personnes concernées, ce serait même contraire à l’esprit des articles 5 et 6 !
M. le président. La parole est à M. Gérard Roche, pour explication de vote.
M. Gérard Roche. On me dit que l’on pourra prévoir les sommes chaque année. Dans ces conditions, pourquoi ne pas fixer l’enveloppe en loi de financement de la sécurité sociale ? On le fait bien pour l’ONDAM ! Chaque année, on évalue ses dépenses d’après des prévisions qui collent à peu près à la réalité, non ?
Voilà pourquoi j’ai maintenu cet amendement, qui me semble judicieux et salutaire pour les finances de l’État.
M. le président. La parole est à Mme Catherine Deroche, pour explication de vote.
Mme Catherine Deroche. J’ai moi aussi trouvé votre explication un peu contradictoire, madame le rapporteur. Vous nous dites qu’il n’y aura pas d’emballement de la montée en charge du dispositif et, dans le même temps, qu’on ne peut pas le chiffrer puisqu’on ne sait pas à combien il s’élèvera.
Au départ, je n’étais pas vraiment favorable à cet amendement, mais les arguments développés par Gérard Longuet pour relever les limites du dispositif, que nous dénonçons depuis le début, m’ont convaincue.
M. le président. La parole est à M. Dominique Watrin, pour explication de vote sur l'article.
M. Dominique Watrin. La première question que l’on peut se poser est de savoir si le compte pénibilité est un progrès par rapport au système issu de la loi de 2010. La réponse est oui ! Quand on compare les deux systèmes et qu’on rappelle en particulier le filtre extrêmement sévère de la médicalisation pour la reconnaissance de l’invalidité, on peut même dire qu’il n’y a pas photo ! On comprend pourquoi les syndicats considèrent qu’il s’agit là d’une avancée.
Pour autant, le compte pénibilité n’est pas la panacée. En effet, beaucoup trop de questions restent en suspens.
Tout d’abord, de nombreux alinéas de cet article renvoient à des décrets. On nous demande donc d’adopter un mécanisme nouveau sans véritablement en connaître les modalités.
Ensuite, même si Mme la rapporteur a permis que deux de nos amendements soient adoptés – nous la remercions ainsi que tous ceux qui leur ont apporté leur soutien –, l’un visant à instituer un reclassement prioritaire après une formation, qui me paraît être véritablement une avancée, et l’autre à prévoir une possibilité d’assistance en cas de contentieux, plusieurs de nos amendements n’ont pas été satisfaits.
Nous aurions en effet souhaité le contrôle du comité d’entreprise ou de la DIRECCTE en cas de refus de l’employeur de faire droit à la demande de passage à temps partiel d’un salarié au titre de la pénibilité. N’est malheureusement pas pris en compte non plus le fait que certains salariés cumuleront plus de deux facteurs d’exposition. Quant à la question des seuils, elle a été renvoyée à un décret. Tous ces éléments, ainsi que le rôle du CHSCT ou les délais de prescription, ne sont pas rassurants. En définitive, beaucoup d’incertitudes demeurent et des questions fortes que nous avions posées ne sont pas réglées.
Enfin, certains ont mis en avant le coût élevé du dispositif. Nous, à l’inverse, nous craignons que les employeurs n’échappent au financement du fonds de pénibilité. En effet, il a été annoncé que ces sommes seraient compensées pour les employeurs par une réduction des cotisations sur la branche famille. Or ce ne sont pas les assurés sociaux qui doivent payer ces avancées !
Pour toutes ces raisons, le groupe CRC s’abstiendra.
M. le président. La parole est à M. Jean Desessard, pour explication de vote.
M. Jean Desessard. Sans hésitation, nous voterons l’article 6, qui représente une avancée importante, même s’il reste encore à bien définir les modalités d’actualisation de ces critères de pénibilité. Je pense au facteur objectif, au facteur subjectif.
On constitue une sorte de passeport social, qui comprendra le compte pénibilité, le droit à la formation… Ainsi, nous pouvons dire que ce que nous allons voter, si c’est adopté, doit aussi se traduire par de nouveaux rapports sociaux. Il faut donc que l’employeur soit tenu de bien remplir les fiches et que l’administration soit transparente.
La grande inquiétude réside dans la situation des travailleurs précaires, qui sont de plus en plus nombreux. Or ce sont souvent eux qui sont confrontés aux métiers les plus pénibles. La fiche de pénibilité pour les travailleurs précaires, qui ont plusieurs employeurs, doit être tenue au niveau administratif. Or là j’ai peur que cela demande une réforme importante.
Je le répète, nous voterons l’article 6, en espérant que toutes les administrations s’adapteront à ce que nous votons et qu’elles tiendront compte de la situation des travailleurs les plus précaires, qui font souvent les boulots les plus pénibles.
Mme Kalliopi Ango Ela. Très bien !
M. le président. La parole est à M. Gérard Longuet, pour explication de vote.
M. Gérard Longuet. Cet article est important. C’est en effet l’un des attraits du projet de loi que de poser en termes différents du texte précédent l’effort pour réduire la pénibilité.
Nous avions commencé cet effort en 2003 ; nous l’avions prolongé en 2010. Force est de reconnaître que, malgré la bonne volonté des uns et des autres, nous sommes parvenus à un résultat qui, s’il a permis de défricher le terrain, n’a pas quantitativement apporté une réponse satisfaisante. Pourquoi ? Parce que le problème est sans doute beaucoup plus compliqué qu’il n’y paraît.
Pour éclairer le débat, je voudrais mentionner les chiffres que le rapport de Mme Demontès rappelle avec utilité : les salariés concernés par l’une des dix causes de pénibilité représentent, de mémoire, plus de 18 % ; si l’on ne tient compte que de la catégorie de ceux qui sont frappés par deux éléments de pénibilité, les chiffres sont encore très élevés : plus de 3 %. Il s’agit donc d’un enjeu quantitatif considérable.
S’ensuit la première difficulté que fait apparaître l’article 6 : les conséquences financières peuvent être extraordinairement lourdes. Elles sont à cet instant à la charge des entreprises, mais le chiffrage que vous avez réalisé montre que, d’ici à 2020, nous nous retrouverons dans une véritable impasse, dont nous ne pourrons sortir que par la voie de cotisations supplémentaires à la charge des entreprises, et donc au détriment de l’emploi, ou d’une subvention de l’État, ce qui serait absolument tragique dans la situation des finances publiques françaises.
Les débats sur l’article 6 ont fait apparaître d’autres conséquences. Vous en reconnaissez implicitement une : lorsque l’Assemblée nationale a ramené à cinquante-deux ans l’âge de départ possible par cumul des points de pénibilité, elle a créé une véritable aspiration. Comment d’ailleurs ne pas comprendre que des salariés vont s’interroger sur la possibilité d’obtenir un départ à cinquante-deux ans ?
Cela engendre trois types d’effets pervers.
Le premier est que certains pourraient accepter le maintien de la pénibilité en contrepartie de la perspective d’un départ anticipé, alors même que l’intérêt collectif français est au contraire de réduire les tâches pénibles par une amélioration des postes de travail, par des investissements, par la formation, afin de parvenir à l’éradication de la pénibilité. Cependant cette éradication est coûteuse, car il faut à la fois former les personnels et leur donner les moyens d’échapper à cette pénibilité grâce à des équipements matériels ou à une réorganisation du travail.
La perspective du départ à cinquante-deux ans va, je le crains, conduire un certain nombre de salariés à admettre passivement la pénibilité et à accepter tacitement que des entrepreneurs se disent : « Ne changeons rien aux conditions de travail puisque la contrepartie est un départ anticipé. » Nous avons rencontré à peu près cette attitude avec l’amiante. Il y a des cas de forte exposition, il y a des cas périphériques, mais l’amiante a bien été utilisé comme système de dégagement des salariés.
Le deuxième effet pervers de l’article 6 est que la bataille pour la pénibilité va être ouverte à chaque rentrée sociale.
Le troisième effet pervers tient au fait que, à l’intérieur de l’entreprise, ce sera une source permanente de complications et de conflits. Vous avez d’ailleurs, au moyen d’un certain nombre d’amendements, organisé la gestion de ces conflits, mais ceux-ci vont être extraordinairement nombreux, et, dans les petites entreprises, ils vont contribuer à créer un climat de découragement à l’égard de l’emploi. Nous verrons des petits employeurs qui seront freinés par la barrière des dix salariés et d’autres tout simplement ne pas embaucher.
C’est la raison pour laquelle nous ne voterons pas en l’état l’article 6. Nous aimerions progresser sur la pénibilité à partir des retours d’expérience des dernières années. Nous ne sommes pas hostiles à l’idée d’une évolution. Cependant, je regrette que le Gouvernement ait engagé la procédure accélérée – j’ai commis une bévue cet après-midi, mais qui n’en commet pas dans l’urgence ? –, parce que nous aurions pu améliorer le texte. Nous sommes privés de cette possibilité.
Nous aurons sans doute une commission mixte paritaire, laquelle n’aboutira pas. La prise en compte de la pénibilité sera alors réduite à une mesure d’affichage et les dispositifs envisagés ne seront pas gérés de façon pertinente et positive. Il s’agit d’une bombe à retardement, et certains ici auront à en gérer l’explosion éventuelle après l’alternance.
M. le président. La parole est à M. Claude Domeizel, pour explication de vote.
M. Claude Domeizel. Dans l’architecture du projet de loi, l’article 6 est très important. La discussion des amendements nous a permis de cerner les contours du compte pénibilité et d’analyser précisément tous ses aspects, notamment son financement.
Je ne vais pas revenir sur tout ce que nous avons dit au moment où le groupe UMP a demandé la suppression de l’article 6. Je veux simplement indiquer que nous voterons ce dispositif, même si quelques modifications nous chagrinent.
M. le président. La parole est à M. Gilbert Barbier, pour explication de vote.
M. Gilbert Barbier. Nous lançons un projet sans savoir comment maîtriser son financement. Mme le rapporteur a d’ailleurs eu la franchise de reconnaître que nous ne savions pas où nous allions.
Mme Christiane Demontès, rapporteur. Ce n’est pas vrai !
M. Gilbert Barbier. Je regrette que la question de la pénibilité au travail soit examinée dans le cadre d’un texte sur les retraites. Cette situation qui se produit au cours de la vie active du salarié, même si elle peut ouvrir des droits supplémentaires en matière de retraite, mériterait d’être traitée différemment afin que tous ses aspects soient abordés.
Au fur et à mesure de la discussion, on s’est aperçu que la complexité du texte allait donner lieu à des difficultés d’interprétation. Il suffit de voir le nombre de décrets – M. Watrin l’a souligné –, sept ou huit je crois, qui vont devoir en préciser les modalités. Nous créons donc un dispositif sans pouvoir en apprécier la portée puisque nous ignorons le contenu de ces décrets.
Qui va souffrir de cette complexité ? Pas les très grandes entreprises, qui comptent parmi leurs services une DRH, mais les petites ! Je ne vois pas comment les artisans employant cinq ou six personnes pourront s’en sortir. Cela va aboutir à une chose : au moment de recruter, le chef d’entreprise va certainement réfléchir encore plus et se demander quelle est la situation du candidat à l’embauche par rapport à son carnet de pénibilité.
Pour toutes ces raisons, je ne voterai pas l’article 6.
M. le président. La parole est à M. Gérard Roche, pour explication de vote.
M. Gérard Roche. Le groupe UDI-UC se félicite que le projet de loi traite de la pénibilité, d’autant qu’il a une approche vraiment intéressante, une approche objective qui tient compte des conditions de travail, alors qu’avant on abordait cette question de façon plutôt subjective.
Mon groupe s’est abstenu sur l’amendement de suppression de l’article 6 pour laisser libre cours au débat. Nous avons bien fait, parce que nous avons ainsi pu entendre les nombreuses interventions pertinentes de notre ami Gérard Longuet, dans un français toujours littéraire. Mais le débat ne nous a pas apporté tous les éclaircissements que nous aurions souhaités : il reste des confusions, des imprécisions et des incertitudes.
Des confusions, parce que, moi qui suis un montagnard des Cévennes, j’aime qu’on appelle un chat un chat et que les choses soient claires. En matière de pénibilité, il faut distinguer deux volets : la prévention et la réparation. Or, parmi tout ce que j’ai entendu, aucune clarification n’a été apportée sur ces deux aspects, qui doivent être nettement séparés.
Des imprécisions, parce que, notre collègue Watrin l’a dit, beaucoup de modalités devront être précisées par décret. Nous aurions aimé, nous, législateur, que le travail soit mieux préparé, qu’on prenne davantage de temps et qu’on sache un peu plus où on allait.
Les incertitudes, elles, sont financières. L’amendement que j’ai présenté au nom du groupe UDI visait non pas à réduire le financement, mais à le contrôler. En tant que montagnard, je sais que, quand la route est glissante, on est bien content qu’il y ait des parapets. En l’espèce, le parapet consistait à inscrire chaque année les crédits dans le projet de loi de financement de la sécurité sociale. En cette période de rigueur budgétaire, un tel contrôle s’imposerait.
Compte tenu de ces confusions, de ces imprécisions et de ces incertitudes, nous ne voterons pas l’article.
M. le président. La parole est à M. Claude Jeannerot, pour explication de vote.
M. Claude Jeannerot. Je n’avais pas prévu d’intervenir, mais après avoir entendu notre collègue Gilbert Barbier, je crains qu’une sorte de contre-vérité ne s’installe à l’issue de notre débat : nous ne serions pas capables de maîtriser les financements et nous prendrions des risques inconsidérés.
Je le rappelle, c’est la loi de 2010 qui avait établi un lien entre pénibilité et retraite,…
Mme Christiane Demontès, rapporteur. Eh oui !
M. Claude Jeannerot. … mais elle en était restée au stade du concept.
L’article 6 est donc un élément central de notre projet de loi, car il tend à prendre en compte la pénibilité dans une double dimension, comme le rappelait notre collègue Roche : la prévention et la réparation.
Si l’on accepte de considérer que, à terme, la prévention est un investissement – l’objectif de la prévention, c’est bien l’éradication de la pénibilité –, on peut affirmer qu’elle permettra de réaliser des économies. Si la question n’est pas posée en ces termes, nous risquons de nous laisser embarquer collectivement dans des erreurs d’interprétation.
C’est pourquoi je veux souligner ici l’avancée considérable et décisive que représente l’article 6, sous réserve évidemment des décrets à venir. Est posé, je le répète, le double principe de la prévention et de la réparation. Ces deux dimensions sont nécessaires à la prise en compte réelle de la pénibilité dans le projet de loi. (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste.)
M. le président. Je mets aux voix l'article 6, modifié.
J'ai été saisi d'une demande de scrutin public émanant du groupe UMP.
Il va être procédé au scrutin dans les conditions fixées par l'article 56 du règlement.
Le scrutin est ouvert.
(Le scrutin a lieu.)
M. le président. Personne ne demande plus à voter ?…
Le scrutin est clos.
J'invite Mmes et MM. les secrétaires à procéder au dépouillement du scrutin.
(Il est procédé au dépouillement du scrutin.)
M. le président. Voici le résultat du scrutin n° 37 :
Nombre de votants | 347 |
Nombre de suffrages exprimés | 327 |
Pour l’adoption | 156 |
Contre | 171 |
Le Sénat n'a pas adopté.
La suite de la discussion est renvoyée à la prochaine séance.
9
Ordre du jour
M. le président. Voici quel sera l’ordre du jour de la prochaine séance publique, précédemment fixée à aujourd’hui, jeudi 31 octobre 2013 :
À dix heures :
1. Suite du projet de loi, adopté par l’Assemblée nationale après engagement de la procédure accélérée, garantissant l’avenir et la justice du système de retraites (n° 71, 2013-2014) ;
Rapport de Mme Christiane Demontès, fait au nom de la commission des affaires sociales (n° 95, 2013 2014) ;
Rapport d’information de Mme Laurence Rossignol, fait au nom de la délégation aux droits des femmes et à l’égalité des chances entre les hommes et les femmes (n° 90, 2013-2014) ;
Résultat des travaux de la commission (n° 96, 2013-2014) ;
Avis de M. Jean-Pierre Caffet, fait au nom de la commission des finances (n° 76, 2013-2014).
À quinze heures :
2. Questions d’actualité au Gouvernement.
À seize heures quinze :
3. Suite de l’ordre du jour du matin.
Personne ne demande la parole ?…
La séance est levée.
(La séance est levée le jeudi 31 octobre 2013, à une heure.)
Le Directeur du Compte rendu intégral
FRANÇOISE WIART