Sommaire
Présidence de Mme Bariza Khiari
Secrétaires :
M. Jean Boyer, Mme Michelle Demessine.
2. Avenir et justice du système de retraites. – Suite de la discussion en procédure accélérée d'un projet de loi
Articles additionnels après l'article 6
Amendement n° 421 de la commission. – Mmes Christiane Demontès, rapporteur de la commission des affaires sociales ; Michèle Delaunay, ministre déléguée chargée des personnes âgées et de l'autonomie. – Retrait.
Reprise de l’amendement n° 421 par M. Gérard Longuet. – M. Gérard Longuet. – Adoption de l’amendement n°421 rectifié insérant un article additionnel.
Amendement n° 331 rectifié de M. Jean Desessard. – M. Jean Desessard, Mmes la rapporteur, Michèle Delaunay, ministre déléguée. – Rejet.
Amendement n° 335 rectifié de M. Jean Desessard. – M. Jean Desessard, Mmes la rapporteur, Michèle Delaunay, ministre déléguée. – Rejet.
M. Gérard Longuet.
M. Gérard Longuet.
Adoption de l'article.
Mme Isabelle Pasquet.
Amendement n° 278 de M. Gérard Longuet. – Mmes Catherine Deroche, Mmes la rapporteur, Michèle Delaunay, ministre déléguée ; Catherine Procaccia, MM. Gérard Longuet, Jean-Marie Vanlerenberghe, Claude Domeizel, Jean Desessard, Mme Catherine Génisson, M. Claude Jeannerot. – Rejet.
Adoption de l'article.
M. Dominique Watrin, Mmes Laurence Cohen, Cécile Cukierman, M. Gérard Longuet.
Amendement n° 409 de la commission. – Mmes la rapporteur, Michèle Delaunay, ministre déléguée ; M. Philippe Bas. – Adoption.
Amendement n° 155 de Mme Laurence Cohen. – Mmes Brigitte Gonthier-Maurin, Mmes la rapporteur, Michèle Delaunay, ministre déléguée. – Rejet.
Amendement n° 158 de Mme Annie David. – M. Michel Le Scouarnec, Mmes la rapporteur, Michèle Delaunay, ministre déléguée ; M. Gérard Longuet. – Rejet.
Amendement n° 160 de Mme Annie David. – Mmes Laurence Cohen, la rapporteur, Michèle Delaunay, ministre déléguée ; MM. Philippe Bas, Gérard Longuet, Mme Annie David. – Rejet.
Amendement n° 156 de Mme Annie David. – M. Dominique Watrin.
Amendement n° 157 de Mme Annie David. – Mme Cécile Cukierman.
Mmes la rapporteur, Michèle Delaunay, ministre déléguée ; M. Philippe Bas, Mme Annie David, M. Jean Desessard. – Rejet des amendements nos 156 et 157.
Amendement n° 159 de Mme Annie David. – Mmes Isabelle Pasquet, la rapporteur, Michèle Delaunay, ministre déléguée ; M. Gérard Longuet, Mmes Annie David, Catherine Deroche, M. Philippe Bas. – Rejet.
Adoption de l'article modifié.
Mme Isabelle Pasquet, MM. Gérard Longuet, Jean-Marie Vanlerenberghe.
Adoption de l'article.
Article additionnel après l'article 9
Amendement n° 279 de M. Gérard Longuet. – Mmes Catherine Deroche, la rapporteur, Michèle Delaunay, ministre déléguée ; M. Gérard Longuet. – Rejet.
Article 9 bis (nouveau). – Adoption
M. Michel Le Scouarnec.
Suspension et reprise de la séance
PRÉSIDENCE DE M. Jean-Pierre Bel
3. Questions d'actualité au Gouvernement
dotations aux collectivités territoriales
M. Aymeri de Montesquiou, Mme Marylise Lebranchu, ministre de la réforme de l'État, de la décentralisation et de la fonction publique.
M. François Patriat, Mme Marylise Lebranchu, ministre de la réforme de l'État, de la décentralisation et de la fonction publique.
défense des ong environnementales
Mmes Leila Aïchi, Najat Vallaud-Belkacem, ministre des droits des femmes, porte-parole du Gouvernement.
M. Michel Le Scouarnec, Mme Najat Vallaud-Belkacem, ministre des droits des femmes, porte-parole du Gouvernement.
sécurité sociale des frontaliers
M. Gilbert Barbier, Mme Michèle Delaunay, ministre déléguée chargée des personnes âgées et de l'autonomie.
MM. François-Noël Buffet, Manuel Valls, ministre de l'intérieur.
chantiers navals de saint-nazaire
MM. Yannick Vaugrenard, Benoît Hamon, ministre délégué chargé de l'économie sociale et solidaire et de la consommation.
retraites des anciens combattants
M. Alain Dufaut, Mme Najat Vallaud-Belkacem, ministre des droits des femmes, porte-parole du Gouvernement.
MM. Michel Savin, Manuel Valls, ministre de l'intérieur.
cession pour l'euro symbolique des bases de défense
MM. Richard Tuheiava, Benoît Hamon, ministre délégué chargé de l'économie sociale et solidaire et de la consommation.
Suspension et reprise de la séance
PRÉSIDENCE DE Mme Bariza Khiari
Mmes Laurence Cohen, la présidente.
5. Avenir et justice du système de retraites. – Suite de la discussion en procédure accélérée d'un projet de loi
Amendements nos 282, 280 et 281 de M. Gérard Longuet. – Mmes Catherine Deroche, Christiane Demontès, rapporteur de la commission des affaires sociales ; Marisol Touraine, ministre des affaires sociales et de la santé. – Rejet de l’amendement n° 282.
M. Gilbert Barbier. – Rejet de l’amendement n° 280.
M. Gérard Longuet. – Rejet de l’amendement n° 281.
Amendement n° 161 de Mme Annie David. – Mmes Annie David, la rapporteur, Marisol Touraine, ministre ; M. Gérard Longuet. – Rejet.
Amendement n° 162 de Mme Annie David. – Mmes Laurence Cohen, la rapporteur, Marisol Touraine, ministre ; M. Gérard Longuet. – Rejet.
Amendement n° 164 de Mme Annie David. – M. Dominique Watrin, Mmes la rapporteur, Marisol Touraine, ministre ; Marie-Christine Blandin, MM. Jean Desessard, Gérard Longuet, Jean-Marie Vanlerenberghe. – Rejet.
Amendement n° 163 de Mme Annie David. – M. Michel Le Scouarnec, Mmes la rapporteur, Marisol Touraine, ministre ; Catherine Génisson. – Rejet.
Amendement n° 165 de Mme Annie David. – Mmes Isabelle Pasquet, la rapporteur, Marisol Touraine, ministre ; M. Philippe Bas, Mmes Catherine Génisson, Catherine Deroche. – Rejet.
MM. Gérard Longuet, Philippe Bas, Jean-Marie Vanlerenberghe.
Rejet de l'article.
Articles additionnels après l'article 10
Amendement n° 336 rectifié de M. Jean Desessard. – M. Jean Desessard, Mmes la rapporteur, Dominique Bertinotti, ministre déléguée chargée de la famille. – Retrait.
Amendement n° 348 de M. Dominique Watrin. – M. Dominique Watrin, Mmes la rapporteur, Dominique Bertinotti, ministre déléguée ; Catherine Procaccia, MM. Gérard Longuet, Philippe Bas, Mme Annie David, M. Michel Magras, Mme Catherine Deroche. – Rejet.
Mmes Annie David, Laurence Cohen, Isabelle Pasquet.
Amendement n° 369 rectifié bis de M. Martial Bourquin. – M. Yves Daudigny, Mmes la rapporteur, Dominique Bertinotti, ministre déléguée ; Annie David. – Adoption.
Adoption de l'article modifié.
Articles additionnels avant l'article 11
Amendement n° 166 de M. Dominique Watrin. – M. Michel Billout, Mmes la rapporteur, Dominique Bertinotti, ministre déléguée ; Catherine Procaccia, M. Jean Desessard. – Rejet.
Amendement n° 169 de M. Dominique Watrin. – M. Dominique Watrin, Mmes la rapporteur, Dominique Bertinotti, ministre déléguée ; Catherine Procaccia, M. Gérard Longuet. – Rejet.
Amendement n° 170 de M. Dominique Watrin. – Mmes Isabelle Pasquet, la rapporteur, Dominique Bertinotti, ministre déléguée ; M. Gérard Longuet. – Rejet.
Amendement n° 167 de M. Dominique Watrin. – M. Michel Billout, Mmes la rapporteur, Dominique Bertinotti, ministre déléguée. – Rejet.
Mme Isabelle Pasquet, MM. Jean-Yves Leconte, Gérard Longuet.
MM. Gérard Longuet, Jean Desessard, Philippe Bas, Jacky Le Menn, vice-président de la commission des affaires sociales ; Mmes Dominique Bertinotti, ministre déléguée ; Catherine Deroche.
Adoption de l'article.
Renvoi de la suite de la discussion.
compte rendu intégral
Présidence de Mme Bariza Khiari
vice-présidente
Secrétaires :
M. Jean Boyer,
Mme Michelle Demessine.
1
Procès-verbal
Mme la présidente. Le compte rendu analytique de la précédente séance a été distribué.
Il n’y a pas d’observation ?…
Le procès-verbal est adopté sous les réserves d’usage.
1
Avenir et justice du système de retraites
Suite de la discussion en procédure accélérée d'un projet de loi
Mme la présidente. L’ordre du jour appelle la suite de la discussion du projet de loi, adopté par l’Assemblée nationale après engagement de la procédure accélérée, garantissant l’avenir et la justice du système de retraites (projet n° 71, résultat des travaux de la commission n° 96, rapport n° 95, avis n° 76, rapport d’information n° 90).
Nous poursuivons la discussion des articles.
Titre II (suite)
RENDRE LE SYSTÈME PLUS JUSTE
Chapitre Ier (suite)
Mieux prendre en compte la pénibilité au travail
Mme la présidente. Nous en sommes parvenus, au sein du chapitre Ier du titre II, à l'examen des amendements portant article additionnel après l'article 6.
Articles additionnels après l'article 6
Mme la présidente. L'amendement n° 421, présenté par Mme Demontès, au nom de la commission des affaires sociales, est ainsi libellé :
Après l'article 6
Insérer un article additionnel ainsi rédigé :
À la seconde phrase du second alinéa du I de l'article L. 133-5-4 du code de la sécurité sociale, après la référence : « L. 1441-8 », est insérée la référence : « , L. 4162-3 ».
La parole est à Mme la rapporteur.
Mme Christiane Demontès, rapporteur de la commission des affaires sociales. Madame la présidente, madame la ministre, mes chers collègues, nous souhaitons tous que les dispositifs adoptés à l’occasion de ce débat soient d’application la plus simple possible. C’est pourquoi, dans un souci de simplification des démarches pour les entreprises, nous proposons que la déclaration annuelle par l'employeur aux caisses d’assurance retraite et de la santé au travail, les CARSAT, de l'exposition de ses salariés aux facteurs de risques professionnels se fasse par le biais de la déclaration annuelle des données sociales, la DADS. Cette nouvelle obligation, indispensable pour assurer la bonne alimentation du compte personnel de prévention de la pénibilité, s'intégrera donc dans le cadre de la relation de l'entreprise avec les organismes de sécurité sociale.
Mme la présidente. Quel est l’avis du Gouvernement ?
Mme Michèle Delaunay, ministre déléguée auprès de la ministre des affaires sociales et de la santé, chargée des personnes âgées et de l'autonomie. L’article 6 ayant été rejeté, j’invite la commission à retirer cet amendement qui n’a plus d’objet.
Mme la présidente. Madame la rapporteur, l'amendement n° 421 est-il maintenu ?
Mme Christiane Demontès, rapporteur. Tout le monde, y compris le Gouvernement, a bien saisi le sens de cet amendement. La simplification est nécessaire pour les entreprises, en particulier pour les plus petites d’entre elles, qui ne sont pas outillées comme les grandes.
Par conséquent, je retire cet amendement, madame la présidente. Je fais confiance à ceux qui appliqueront ce dispositif.
M. Gérard Longuet. Je le reprends, madame la présidente !
Mme la présidente. Je suis donc saisie d’un amendement n° 421 rectifié, présenté par M. Longuet, et dont le libellé est strictement identique à celui de l’amendement n° 421.
Vous avez la parole pour le défendre, mon cher collègue.
M. Gérard Longuet. Je reprends cet amendement, car il correspond exactement à notre préoccupation de simplification.
Et comme l’article 6 sera rétabli par l’Assemblée nationale, il paraît tout à fait opportun de voter cet amendement particulièrement judicieux.
Mme la présidente. En conséquence, un article additionnel ainsi rédigé est inséré dans le projet de loi, après l'article 6.
L'amendement n° 331 rectifié, présenté par M. Desessard, Mme Archimbaud, M. Placé et les membres du groupe écologiste, est ainsi libellé :
Après l'article 6
Insérer un article additionnel ainsi rédigé :
Le Gouvernement remet au Parlement, avant le 1er mars 2014, un rapport sur la pertinence et l’impact financier et social d’un déplafonnement du nombre maximal de points cumulables sur le compte personnel de prévention de la pénibilité prévu à l’article 6 et d’une suppression de l’obligation d’utiliser les premiers points du compte pour un achat de formation.
La parole est à M. Jean Desessard.
M. Jean Desessard. Encore un rapport, me direz-vous !
Si nous demandons une nouvelle fois un rapport, c’est bien parce que, en vertu de l’article 40 de la Constitution, nous n’avons pas la possibilité d’engager des dépenses par voie d’amendement. Si, en tant que parlementaires, nous n’avions la possibilité de ne proposer que des dispositions permettant de réaliser des recettes, notre action serait limitée, d’autant que nous avons souvent plus tendance à proposer des dépenses...
Le projet actuel de réforme pourrait prévoir, par décret, une limitation du compte personnel de prévention de la pénibilité à 100 points. Cela reviendrait notamment à pénaliser les salariés ayant été exposés pendant plus de vingt-cinq ans à un facteur de pénibilité, puisqu’ils ne pourraient par conséquent acquérir de droits supplémentaires au-delà de cette limite. Cette disposition serait donc injuste pour ces travailleurs.
M. Jean-Pierre Caffet. Cet amendement a-t-il un sens ?
M. Jean Desessard. L’article 6 prévoit… (Exclamations sur les travées du groupe socialiste.)
Mme Laurence Rossignol. L’article 6 a été rejeté !
M. Jean-Pierre Caffet. Il n’existe plus !
Mme Christiane Demontès, rapporteur. En effet !
M. Jean Desessard. Il est vrai que, si le groupe écologiste a voté l’article 6, l’ensemble des groupes de gauche ne se sont pas unis, l’abstention d’un groupe empêchant son adoption. (Mme Laurence Rossignol s’exclame. – Exclamations ironiques sur les travées de l'UMP.)
Mme Laurence Rossignol. Comme c’est drôle ! Comme on s’amuse !
M. Jean Desessard. C’est un constat, ma chère collègue !
L’article 6 prévoyait aussi l’utilisation des points pour suivre une formation en vue de se reconvertir d’un métier pénible, ce qui constituait une avancée pour encourager les travailleurs à s’engager vers de nouvelles voies. Or le projet de réforme pourrait autoriser uniquement l’utilisation des vingt premiers points du compte à cette fin, soit les droits acquis au titre des cinq premières années d’exposition à un facteur de pénibilité.
Nous demandons par conséquent au Gouvernement d’évaluer l’incidence d’un déplafonnement du nombre de points du compte personnel de prévention de la pénibilité et d’une possibilité laissée aux employés d’utiliser l’ensemble de leurs points pour choisir l’une des trois possibilités proposées : formation, départ anticipé, temps partiel. Cela équivaut à une remise en cause à la fois du plancher et du plafond de ce compte.
Mme la présidente. Quel est l’avis de la commission ?
Mme Christiane Demontès, rapporteur. J’indique que la commission a émis un avis défavorable sur cet amendement comme sur l’amendement n° 335 rectifié. Néanmoins, je me pose une question de logique : dans les deux cas, il s’agit d’apporter des modifications au compte personnel de prévention de la pénibilité, qui n’existe plus depuis la suppression de l’article 6 hier soir...
M. Claude Jeannerot. C’est ce que nous disons !
Mme Christiane Demontès, rapporteur. Il arrive que des amendements portant article additionnel conservent toute leur pertinence indépendamment de l’article concerné. En l’occurrence, comment se prononcer sur des dispositions visant à l’amélioration – à mon sens, ce n’en est d’ailleurs pas une – d’un dispositif qui n’existe plus ?
Je m’interroge donc sur l’opportunité de discuter de ces deux amendements portant article additionnel.
Mme Laurence Rossignol. Cela fait traîner les débats !
Mme la présidente. Quel est l’avis du Gouvernement ?
Mme Michèle Delaunay, ministre déléguée. Pour les raisons de cohérence que vient d’exposer Mme la rapporteur, le Gouvernement demande le retrait de cet amendement.
M. Jacky Le Menn. Bien sûr !
Mme Laurence Rossignol. La procédure parlementaire est curieuse…
Mme la présidente. Monsieur Desessard, l'amendement n° 331 rectifié est-il maintenu ?
M. Jean Desessard. Madame la présidente, il y aura une commission mixte paritaire, me semble-t-il.
Pour l’instant, nous sommes en train d’aligner un squelette : l’article 1er a été totalement transformé, les articles 2, 3, 4 ont été supprimés, l’article 5 a été adopté, et l’article 6 a également été supprimé.
M. François Trucy. C’est Fachoda ! (Sourires sur les travées de l'UMP.)
M. Jean Desessard. Sans cette commission mixte paritaire, je ne sais pas ce qui restera de ce projet de loi ! Elle va se réunir et analysera le texte issu des travaux de l’Assemblée nationale ainsi que l’article 5, tel que le Sénat l’a modifié.
Mme Laurence Rossignol. C’est le lent suicide collectif du Sénat !
M. Jean Desessard. Aujourd’hui, nous en sommes à un article adopté sur six ! Je souhaite donc glisser deux articles additionnels par le biais des amendements nos 331 rectifié et 335 rectifié, afin de permettre à la commission mixte paritaire de travailler sur des propositions émanant des débats du Sénat. Ainsi, les sénateurs membres de cette commission mixte paritaire apporteront de quoi nourrir la réflexion. Par conséquent, je maintiens cet amendement.
Pourquoi devrait-on prévoir un plafonnement à 100 points, soit vingt-cinq ans d’exposition à des facteurs de pénibilité ? Je connais l’argument qui a été avancé en commission : les salariés vont continuer à exercer un travail pénible pour gagner des points. Ce sera peut-être le cas… Mais ont-ils vraiment le choix ? Imaginons une personne de quarante-cinq ans, exposée à la pénibilité depuis vingt-cinq ans, à qui on dit qu’elle doit changer d’activité et qui est parfaitement d’accord pour le faire. Pensez-vous vraiment que, d’un seul coup, elle va trouver un travail intéressant, sans pénibilité et bien payé ? Est-ce bien ainsi que les choses fonctionnent dans la réalité ? Non, celui qui a exercé un travail pénible jusqu’à quarante-cinq ans risque, dans neuf cas sur dix, de continuer le même travail pénible au-delà de cet âge ! Or, avec un plafonnement, il n’aura pas la possibilité d’engranger des points de pénibilité supplémentaires alors même qu’il sera le plus usé par le travail.
L’amendement n° 331 rectifié ne vise qu’à prévoir la remise d’un rapport dont l’objet serait d’évaluer concrètement les conséquences d’un déplafonnement au-delà de 100 points et d’une utilisation libre des 20 premiers points du compte. Il ne s’agit que d’un rapport, d’une simple volonté d’ouvrir le champ de la réflexion. Comme nous l’avons souligné hier lors du débat sur l’article 6 du projet de loi, certains éléments peuvent encore être précisés et un travail de terrain nous permettra d’y voir plus clair. Notre volonté est bien de ne pas figer les choses dès maintenant.
En tout cas, je n’entends pas cet argument selon lequel un salarié pourrait subitement, après avoir accompli des travaux pénibles pendant vingt-cinq ans, trouver une activité intéressante dans laquelle il s’épanouirait.
Mme la présidente. Mes chers collègues, le droit d’amendement étant un droit constitutionnel, je ne peux déclarer cet amendement sans objet, et c’est à notre assemblée de juger de la cohérence.
Je mets aux voix l'amendement n° 331 rectifié.
(L'amendement n'est pas adopté.)
Mme la présidente. L'amendement n° 335 rectifié, présenté par M. Desessard, Mme Archimbaud, M. Placé et les membres du groupe écologiste, est ainsi libellé :
Après l'article 6
Insérer un article additionnel ainsi rédigé :
Le Gouvernement remet au Parlement, avant le 1er janvier 2015, un rapport présentant les modalités de prise en compte de la pénibilité pour les travailleurs qui y ont été exposés par le passé. Ce rapport insiste notamment sur la possibilité de reconstitution de carrières sur des critères objectifs et sur le financement de ces reconstitutions de carrière.
La parole est à M. Jean Desessard.
M. Jean Desessard. Si nous nous félicitons de cette idée d’instaurer un compte personnel de prévention de la pénibilité, force est de constater que seule une partie des générations actuellement en situation d’emploi ou en recherche d’emploi sera concernée par le dispositif.
Dans la rédaction initiale du projet de loi, le « stock », c’est-à-dire les situations pénibles auxquelles les salariés ont fait face avant la promulgation de la loi, n’était pris en compte qu’à la marge, avec des modalités de doublement de points pour les travailleurs de plus de cinquante-sept ans. L’adoption d’un amendement du Gouvernement à l’Assemblée nationale permet désormais des possibilités d’aménagement du barème d’acquisition des points portés au compte personnel de prévention de la pénibilité, et les conditions d’utilisation des points acquis sont ouvertes aux personnes âgées d’au moins cinquante-deux ans en 2015.
Cette excellente initiative mériterait néanmoins d’être poussée un peu plus loin.
Le rapport de la commission présidée par Yannick Moreau préconisait une prise en charge, avec des critères progressifs, de ce stock, notamment en vue de reconstituer des carrières. Il nous semble indispensable de répondre efficacement aux situations particulières de personnes.
Un travailleur qui occupe depuis quinze ou vingt ans un poste exposé à un ou plusieurs facteurs de pénibilité, mais qui ne sera âgé que de cinquante et un ans au 1er janvier 2015 ne pourra pas comptabiliser des points de pénibilité pour cette période passée.
Certains facteurs, comme le travail de nuit ou l’exposition à des produits cancérigènes, sont faciles à prouver et permettraient une reconstitution de carrière qu’il faudrait faire valoir pour bénéficier de points de pénibilité. Toutefois, nous sommes bien conscients des difficultés administratives et financières qui se posent dès lors que l’on se penche sur la reconstitution des parcours, et ce d’autant plus que les carrières uniques se font de plus en plus rares et que les travailleurs changent plus souvent de vocation et de métier qu’auparavant.
Cette question centrale mériterait donc une réflexion plus poussée pour éclairer les décisions du Parlement.
C’est pourquoi cet amendement tend à prévoir que le Gouvernement remet au Parlement un rapport étudiant la faisabilité d’un tel dispositif, en insistant sur la possibilité de reconstitution de carrières sur des critères objectifs et sur le financement de ces reconstitutions de carrière.
Vous l’avez compris, mes chers collègues, il ne s’agit encore une fois que de l’élaboration d’un rapport examinant les modalités selon lesquelles nous pourrions prendre en compte la situation des personnes ayant été exposées toute leur vie à des situations de pénibilité et leur proposer une éventuelle rétroactivité.
Mme la présidente. Quel est l’avis de la commission ?
Mme Christiane Demontès, rapporteur. Il est défavorable, madame la présidente.
Mme la présidente. Quel est l’avis du Gouvernement ?
Mme Michèle Delaunay, ministre déléguée. La commission Moreau s’est exprimée sur cette question et a souligné, dans son rapport, les très grandes difficultés que soulèverait cette appréciation rétroactive. L’avis du Gouvernement est défavorable.
Mme la présidente. Je mets aux voix l'amendement n° 335 rectifié.
(L'amendement n'est pas adopté.)
Article 6 bis (nouveau)
I. – Au premier alinéa de l’article L. 142-2 du code de la sécurité sociale, après la deuxième occurrence du mot : « sociale », sont insérés les mots : « , de ceux relatifs à l’application de l’article L. 4162-12 du code du travail ».
II. – Au 7° de l’article L. 261-1 du code de l’organisation judiciaire, après la première occurrence du mot : « sociale », sont insérés les mots : « et, le cas échéant, au code du travail ». – (Adopté.)
Article 7
Avant le dernier alinéa de l’article L. 6111-1 du code du travail, il est inséré un 3° ainsi rédigé :
« 3° En cas d’utilisation des points inscrits sur le compte personnel de prévention de la pénibilité, dans les conditions prévues à l’article L. 4162-5. »
Mme la présidente. La parole est à Mme Isabelle Pasquet, sur l'article.
Mme Isabelle Pasquet. Cet article a pour objet de compléter l’article L. 6111-1 du code du travail, relatif au compte personnel de formation, afin de préciser que celui-ci peut être abondé, outre par les droits acquis au titre du droit individuel à la formation, le DIF, et les abondements complémentaires, par les points inscrits sur le compte personnel de prévention de la pénibilité.
Comme vous le savez, mes chers collègues, le compte personnel de formation résulte de l’adoption de l’accord national interprofessionnel du 11 janvier 2013, que nous avons vivement combattu au Sénat. Il faut dire que l’article 5 de cet accord, portant création de ce compte, est lapidaire, et certains observateurs aguerris redoutent que les conditions de son fonctionnement n’aient pour effet de réduire les droits des salariés.
L’article 7 du présent projet de loi prévoit les conditions dans lesquelles les points acquis au titre de la pénibilité seront transférés sur ce compte.
Nous sommes déjà intervenus pour indiquer combien le dispositif prévu à l’article 6 du texte que nous examinons était différent, dans sa philosophie, de celui qui a été mis en place par la droite en 2010. Mais nous avons aussi souligné à quel point il demeurait trop corseté, tout en exprimant notre déception sur certains aspects. Je pense, par exemple, à la limitation du nombre de points pouvant être accumulés ou au fait que seuls deux facteurs puissent s’additionner, même en cas d’exposition à un nombre plus important de facteurs de risques professionnels.
Mais si j’interviens à ce stade du débat et sur cet article, bien que l’article 6 n’ait finalement pas été adopté hier soir, c’est pour regretter l’obligation qui est faite aux salariés de consacrer à la formation les 20 premiers points du compte personnel de prévention de la pénibilité.
En raison des règles restrictives que je viens de décrire, bon nombre de salariés peineront à accumuler plus de 40 ou 50 points. Si on leur en retire immédiatement 20 pour les transférer sur le compte personnel de formation, on réduit d’autant, et mécaniquement, la possibilité qui leur est offerte de profiter des deux autres dispositifs, à savoir le départ anticipé à la retraite ou la réduction du temps de travail.
Ce mécanisme automatique est d’ailleurs peu compatible avec la notion de compte personnel de formation. En effet, si ce compte est la propriété du salarié, c’est à ce dernier que doit revenir la décision de convertir, ou non, en points de formation les points acquis au titre de l’exposition à des facteurs de risques professionnels.
Qui plus est, tout comme l’étude d’impact d’ailleurs, la rédaction de cet article 7 ne nous permet pas de comprendre le mécanisme de transfert de ces points, les droits acquis au titre du DIF prenant, eux, la forme d’heures de formation. Nous souhaiterions donc savoir, madame la ministre, dans quelles conditions ces points seront transférés et quel équivalent en heures leur sera attribué.
Cette question est essentielle puisqu’il ne faudrait pas que ces points, dont la valeur est importante au regard d’un départ anticipé ou d’une réduction du temps de travail, ne procurent, en définitive, qu’un avantage limité en matière de formation.
Enfin, dernier élément, bien que nous ne nous opposions pas à des mesures renforçant le droit des salariés à la formation, particulièrement lorsque celle-ci a vocation à leur permettre de gagner en niveau de qualification, nous regrettons l’absence d’ambition dans ce domaine. Certes, une négociation interprofessionnelle est en cours sur le sujet, et j’en prends note. Mais je doute quelle débouche sur une sécurité sociale professionnelle, à l’image de celle qui fut imaginée, en 1945, pour la santé, la maternité et la famille.
L’enjeu est de taille car la sécurité d’emploi et de formation rend possible une sécurisation de tous les moments de la vie.
Pour toutes ces raisons, nous nous abstiendrons sur cet article 7.
Mme la présidente. L'amendement n° 278, présenté par MM. Longuet et Cardoux, Mmes Boog, Bruguière, Bouchart, Cayeux, Debré et Deroche, M. Dériot, Mme Giudicelli, MM. Gilles et Husson, Mme Hummel, MM. Fontaine, de Raincourt, Laménie et Milon, Mme Kammermann, M. Pinton, Mme Procaccia, M. Savary et les membres du groupe Union pour un Mouvement Populaire, apparentés et rattachés, est ainsi libellé :
Supprimer cet article.
La parole est à Mme Catherine Deroche.
Mme Catherine Deroche. L’article 7 du projet de loi vise à prévoir l’abondement du compte personnel de formation par feu le compte personnel de prévention de la pénibilité.
Il est précisé dans l’étude d’impact que la négociation nationale interprofessionnelle sur la formation professionnelle et la concertation quadripartite entre l’État, les régions et les partenaires sociaux relative au compte personnel de formation devront déterminer l’ensemble des modalités opérationnelles de mise en œuvre du compte personnel de formation.
Par ailleurs, Michel Sapin nous l’a rappelé récemment lors de l’examen d’un texte, le projet de loi portant réforme de la formation professionnelle, dont le dépôt est prévu pour la fin de 2013 et l’adoption, nous a-t-on promis, pour le premier trimestre 2014, doit donner une traduction législative à cette mise en œuvre opérationnelle.
Dans ces conditions, nous souhaitons reporter le débat à l’examen de ce futur texte sur la formation professionnelle et proposons, de ce fait, la suppression de cet article 7.
Mme la présidente. Quel est l’avis de la commission ?
Mme Christiane Demontès, rapporteur. Cet article que le groupe UMP souhaite supprimer porte sur l’articulation entre les actions de formation financées grâce aux points accumulés sur le compte personnel de prévention de la pénibilité et le compte personnel de formation.
Il est extrêmement important – et je souscris en cela aux propos que vient de tenir Mme Pasquet – de faire du compte personnel de formation le réceptacle des droits à la formation des actifs, y compris des droits acquis au titre du compte personnel de prévention de la pénibilité.
La question du financement de ces droits étant réglée, il n’y pas interférence avec la concertation actuelle sur les modalités opérationnelles de mise en œuvre du compte personnel de formation. Par ailleurs, nous aurons dans les prochains mois, ici au Sénat, l’occasion de nous prononcer sur un projet de loi portant réforme de la formation professionnelle et, à ce moment-là, nous devrons absolument examiner les modalités et les conditions dans lesquelles les deux comptes – le compte personnel de prévention de la pénibilité et le compte personnel de formation – pourront s’articuler, le but étant bien évidemment d’aboutir à une cohérence d’ensemble.
Cet article 7 est, bien sûr, tout à fait important et la commission a, bien sûr, émis un avis défavorable sur l’amendement de suppression n° 278.
Mme la présidente. Quel est l’avis du Gouvernement ?
Mme Michèle Delaunay, ministre déléguée. Je partage, et ce pour les mêmes motifs, la position de Mme la rapporteur. L’avis du Gouvernement est défavorable.
Mme la présidente. La parole est à Mme Catherine Procaccia, pour explication de vote.
Mme Catherine Procaccia. Je constate qu’il y a deux poids, deux mesures dans cet hémicycle en fonction de la personne qui présente un texte de loi.
Voilà dix jours, tout le monde, ici, était d’accord pour dire que la proposition de loi visant à établir un contrôle des comptes des comités d’entreprise était pertinente sur le fond et méritait d’être présentée. Toutefois, M. le ministre du travail a jugé qu’elle intervenait trop tôt et qu’il était préférable que ses dispositions soient intégrées au futur projet de loi sur la formation professionnelle.
Inversement, vous prétendez aujourd’hui que les dispositions contenues dans l’article 7 ne pourraient pas attendre ledit projet de loi.
Il est quelque peu étrange de solliciter, dans un cas, le report du débat et, dans l’autre, le vote immédiat de cet article.
Mme la présidente. La parole est à M. Gérard Longuet, pour explication de vote.
M. Gérard Longuet. Madame la présidente, madame la ministre, mes chers collègues, le groupe UMP a en effet demandé la suppression de cet article.
Nous sommes certes absolument convaincus qu’il peut exister une passerelle, une transition, une coopération, une conciliation, une coordination entre les droits acquis au titre de la pénibilité et le droit individuel à la formation.
Toutefois, comme vient de le rappeler très pertinemment Mme Catherine Procaccia, M. le ministre du travail a annoncé un projet de loi sur la formation professionnelle, et des négociations sont en cours.
Vous n’avez pas eu la chance de participer à nos débats hier, madame la ministre, puisque vous nous avez rejoints ce matin, ce dont nous nous félicitons ; le problème majeur, aujourd’hui, en matière de pénibilité, c’est qu’il faut faire en sorte que les droits ouverts en matière de formation l’emportent sur le désir plus simple de prendre sa retraite plus tôt.
Si cette idée d’une retraite prise plus tôt est individuellement séduisante – je le reconnais –, elle est collectivement néfaste tant il est vrai que, en termes d’intérêt général, la somme des intérêts individuels n’est pas nécessairement le guide qui doit nous inspirer.
J’en viens à présent au point qui justifie mon souhait de voir cet article retiré à cet instant – nous devrons bien évidemment régler le problème ultérieurement.
Nous ne souhaitons pas que la pénibilité devienne pour les salariés une sorte de statut complémentaire. Nous voulons au contraire qu’elle soit une situation que l’on examine et que l’on s’efforce d’éradiquer, pour reprendre un mot que j’avais utilisé et qui semble rencontrer un certain succès.
Nous privilégions la formation et les mesures d’adaptation plutôt que les mesures de raccourcissement de la vie professionnelle, même si je comprends parfaitement, à titre personnel, que l’on puisse avoir une préférence pour cette dernière solution.
Toutefois, la formation ne doit pas être un marché de dupes. C’est le sens de mon intervention : je souhaite que cette réflexion sur la pénibilité et la formation professionnelle soit reliée à la capacité effective des entreprises de répondre aux attentes que peut générer le droit à une formation nouvelle.
Nous avons voté, hier dans la nuit, l’amendement présenté par Mme David, au nom du groupe CRC, offrant aux salariés ayant suivi une formation une priorité de reclassement dans un poste ne les exposant plus aux facteurs de risques auxquels ils étaient précédemment exposés.
Nous l’avons fait de bon cœur, mais encore eût-il fallu prolonger le raisonnement. En effet, pour qu’il y ait des fonctions moins pénibles, il faut des investissements.
Je suis désolé de rappeler ainsi les faits dans leur simplicité biblique, mais les investissements requièrent des bénéfices ou des perspectives de bénéfices pour les entreprises. Si nos entreprises sont en difficulté, elles ne pourront financer ni investissements nouveaux ni emplois nouveaux.
Nous avons eu cette discussion le premier jour de l’examen de ce texte. L’« intensité capitalistique », formule quasi grossière, n’est pas une vaine expression : aujourd’hui, un emploi consomme du capital. Si nous voulons que les salariés disposent d’outils de travail à la fois productifs et respectueux de leur dignité, il faut investir. Et pour investir, il faut gagner de l’argent. Et pour gagner de l’argent, il faut avoir une vision globale de la situation de l’entreprise !
Le « couple » formation professionnelle-lutte contre la pénibilité concerne certes le salarié, mais ce dernier n’obtiendra jamais de réponse favorable si l’on ne complète pas ce duo par un autre élément, à savoir l’investissement réalisé par l’entreprise.
C’est la raison pour laquelle nous considérons qu’il est prématuré à cet instant de vouloir simplement ajouter ces dispositions dans la loi. Nous devons avoir une vision globale, et l’entreprise doit être partie prenante à ce débat.
Voilà pourquoi nous souhaitons différer l’adoption de cette disposition en attendant que patrons et syndicats aient avancé sur la mise en œuvre effective de la formation professionnelle. Car, à défaut, nous ouvrirons des droits qui ne seront suivis d’aucun effet.
Mme la présidente. La parole est à M. Jean-Marie Vanlerenberghe, pour explication de vote.
M. Jean-Marie Vanlerenberghe. Madame la présidente, madame la ministre, mes chers collègues, le groupe UDI-UC l’a dit, ces articles sur la pénibilité, parce qu’ils veulent trop embrasser, engendrent de la confusion. En effet, on mélange réparation et prévention.
Je suis certes un fervent partisan de la formation professionnelle et, bien sûr, de la prévention. Mais, dans les petites entreprises, et particulièrement les TPE, ce sera un coup d’épée dans l’eau, comme nous l’avons démontré. Celles-ci ne disposent le plus souvent pas de postes permettant d’offrir aux salariés une autre chance et un emploi moins pénible. Dès lors, comment les salariés pourront-ils utiliser ce compte personnel de formation?
C’est pourquoi nous demandions davantage de liberté dans la négociation, afin de pouvoir attribuer plus de points pour réparer cette pénibilité, soit au moyen d’un départ plus précoce à la retraite, soit en favorisant le départ progressif, un dispositif très intelligent qui permet de surcroît à l’entreprise d’embaucher des jeunes et qui pourrait venir compléter utilement votre contrat de génération.
Pour toutes ces raisons, nous voterons l’amendement de suppression de cet article. Je pense qu’il faut revoir complètement ce texte, même si, sur le fond, nous le redisons, il nous convient…
M. Jean-Pierre Caffet. Vous avez voté contre l’article 6 !
M. Jean-Marie Vanlerenberghe. Nous voulons effectivement réparer la pénibilité, mais pas dans les conditions que vous proposez.
Mme la présidente. La parole est à M. Claude Domeizel, pour explication de vote.
M. Claude Domeizel. Nous sommes dans une situation invraisemblable : nous discutons actuellement de l’article 7 et nous continuerons tout à l’heure avec les articles 8 et 9, et ce alors même que ces articles sont la conséquence de l’article 6, qui a été supprimé !
La simple logique voudrait que l’on ne discute pas des articles 7, 8 et 9 ! Mais puisque nous faisons comme si l’article 6 existait encore, l’article 7 n’a pas à être supprimé. C’est la raison pour laquelle nous voterons contre cet amendement de suppression !
Mme la présidente. La parole est à M. Jean Desessard, pour explication de vote.
M. Jean Desessard. L’article 7 prévoit de compléter le dernier alinéa de l’article L. 6111-1 du code du travail. Or ce dernier fixe les conditions d’attribution du label intitulé « Orientation pour tous-pôle information et orientation sur les formations et les métiers », valant reconnaissance de la participation au service public de l’orientation tout au long de la vie.
Si l’article 7 était adopté en l’état, ce label serait attribué :
« 3° En cas d’utilisation des points inscrits sur le compte personnel de prévention de la pénibilité, dans les conditions prévues à l’article L. 4162-5. »
Si j’ai bien compris, ce label serait donc attribué aux organismes qui peuvent utiliser les points inscrits sur le compte personnel de prévention de la pénibilité, soit pour une bonification salariale de temps partiel, soit pour un départ anticipé à la retraite, soit pour un accès à la formation.
Je ne crois pas que cet article mérite d’être supprimé, d’autant qu’il sera surtout virtuel dans un premier temps. Il me semble toutefois que sa rédaction pourrait être améliorée. Mais il se pourrait aussi que je me sois trompé…
Quoi qu’il en soit, ce complément apporté à l’article 6111-1 ne remet nullement en cause le projet de loi annoncé sur la formation professionnelle, monsieur Longuet, et sa rédaction pourra toujours être améliorée en CMP.
Mme la présidente. Avant de poursuivre les explications de vote sur cet amendement, je voudrais apporter une réponse à M. Domeizel : tant que des articles sont en navette, mon cher collègue, je suis tenue de les soumettre à la discussion et de les mettre aux voix. Je ne peux pas les faire tomber comme par magie !
M. Claude Domeizel. Nous allons justement voter contre la suppression de l’article 7 !
Mme la présidente. La parole est à Mme Catherine Génisson, pour explication de vote.
Mme Catherine Génisson. Ce n’est pas le moment ce matin de revenir sur la longue et intéressante discussion que nous avons eue hier à propos de l’article 6.
Je rappelle toutefois que le compte personnel de reconnaissance de la pénibilité est fondé sur trois dispositifs.
Il prévoit, en premier lieu, un accès obligatoire à la formation, puisque le compte peut être alimenté à hauteur de vingt points.
Il favorise, en deuxième lieu, toutes les formes d’organisation du temps de travail à temps non complet, mesure qui me semble tout à fait digne d’intérêt.
Enfin, en troisième lieu, il permet dans certaines conditions le départ anticipé à la retraite.
Nous jouons donc à la fois sur le levier de la prévention et de la réparation.
Sur le plan de la prévention, l’accès à la formation est fondamental. Et je ne vois pas pourquoi les salariés des TPE et des PME n’auraient pas les mêmes droits que ceux des grandes entreprises.
Il se trouve que l’article 6 a malheureusement été rejeté ; mais nos collègues du groupe CRC avaient déposé un amendement intéressant qui visait à accorder une priorité d’accès à un emploi non pénible aux salariés ayant bénéficié de ces formations.
Mme la présidente. La parole est à M. Claude Jeannerot, pour explication de vote.
M. Claude Jeannerot. Madame la présidente, madame la ministre, mes chers collègues, pourquoi refuserons-nous cet amendement n° 278 ?
M. Longuet nous invite à la procrastination, en nous proposant de remettre à plus tard le débat sur le compte personnel de formation lié à la pénibilité.
Je veux insister sur deux points très simples.
Je rappelle tout d’abord que le compte personnel de formation est issu de la loi relative à la sécurisation de l’emploi. Il s’agit d’un droit nouveau ouvert aux salariés, dont les modalités concrètes d’application font en ce moment l’objet d’une concertation entre les partenaires sociaux. Nous savons d’ores et déjà que ce compte individuel de formation prendra par définition en compte les caractéristiques individuelles des salariés. Autrement dit, un jeune qui arrive dans l’entreprise sans formation initiale se verra probablement doté du nombre de points nécessaire pour lui permettre d’exercer une sorte de droit à une formation initiale différée.
On peut donc escompter sans risquer de se tromper que les propositions de ce projet de loi garantissant l’avenir et la justice du système de retraites s’articuleront naturellement avec les dispositions du futur projet de loi sur la formation professionnelle. Pourquoi donc attendre les précisions à venir relatives au compte personnel de formation alors que le compte personnel de prévention de la pénibilité ne fait que créer une source supplémentaire de droit à la formation ?
Ma deuxième remarque s’adresse à Jean-Marie Vanlerenberghe : cher collègue, vous ne pouvez pas regretter que la prévention ne soit pas suffisamment au cœur du texte qui nous est proposé et, en même temps, récuser cette disposition qui, par nature, favorise la prévention. En effet, le compte personnel de formation permet, notamment en cas de pénibilité observée, avec les conséquences que l’on sait sur la santé, les réorientations professionnelles. Il participe véritablement d’une démarche de prévention. Cet argument devrait vous convaincre de défendre le compte personnel de prévention de la pénibilité.
Mme la présidente. La parole est à Mme Catherine Deroche, pour explication de vote.
Mme Catherine Deroche. L’engagement de la procédure accélérée par le Gouvernement sur des sujets aussi complexes que les retraites et la pénibilité montre les limites de l’exercice !
M. Jean Desessard. Ça, c’est vrai !
Mme Christiane Demontès, rapporteur. C’est pourtant ce que vous avez fait en 2010 !
Mme Catherine Deroche. Il s’agit d’un texte important sur lequel nous aurions pu travailler. Dès 2010, nous avions inclus la notion de pénibilité dans notre réforme des retraites. (Protestations sur les travées du groupe CRC et du groupe socialiste.)
Mme la présidente. Mes chers collègues, seule Mme Deroche a la parole !
Mme Catherine Deroche. Vous avez voulu passer en force, et le texte issu des travaux du Sénat va être totalement désossé. Si bien qu’un accord avec l’Assemblée nationale, lors de la commission mixte paritaire semble impossible. Cette situation est ubuesque !
M. Jean-Pierre Caffet. À qui la faute ?
Mme Catherine Deroche. Je répète que, s’agissant d’un texte aussi important, sur lequel nous aurions pu travailler, il me paraît vraiment dommage que le Gouvernement ait engagé la procédure accélérée.
En outre, M. Desessard invite à voter un texte tout en reconnaissant son imperfection. Cessons d’agir ainsi ! Suffisamment de textes sont lourds et imparfaits ; dispensons-nous de les voter lorsque nous nous en rendons compte en séance !
MM. Philippe Bas et François Trucy. Très bien !
M. Jean Desessard. Les écologistes ont été indispensables dans ce vote !
Article 8
I. – Le titre VI du livre Ier de la quatrième partie du code du travail est complété par un chapitre III intitulé : « Accords en faveur de la prévention de la pénibilité » et comprenant les articles L. 4163-1 à L. 4163-4.
II. – L’article L. 4163-1 du même code est ainsi rédigé :
« Art. L. 4163-1. – Le présent chapitre est applicable aux employeurs de droit privé, aux établissements publics à caractère industriel et commercial et aux établissements publics administratifs lorsqu’ils emploient des personnels dans les conditions du droit privé. »
III. – Les articles L. 138-29 à L. 138-31 du code de la sécurité sociale deviennent, respectivement, les articles L. 4163-2 à L. 4163-4 du code du travail.
IV. – L’article L. 4163-2 du code du travail, tel qu’il résulte du III du présent article, est ainsi modifié :
1° Le premier alinéa est ainsi modifié :
a) La référence : « à l’article L. 4121-3-1 du code du travail » est remplacée par les mots : « à l’article L. 4161-1 au delà des seuils d’exposition définis par décret » et les deux occurrences des mots : « du même code » sont supprimées ;
b) Après les mots : « accord ou », sont insérés les mots : « , en cas de désaccord attesté par un procès-verbal dans les entreprises pourvues de délégués syndicaux ou dans lesquelles une négociation a été engagée dans les conditions prévues à l’article L. 2232-21, par » ;
2° Aux deuxième et dernier alinéas, les mots : « du présent code » sont remplacés par les mots : « du code de la sécurité sociale ».
V. – À l’article L. 4163-3 du même code, tel qu’il résulte du III du présent article, la référence : « L. 138-29 » est remplacée par la référence : « L. 4163-2 ».
VI. – L’article L. 4163-4 du même code, tel qu’il résulte du III du présent article, est ainsi modifié :
1° À la première phrase du premier alinéa, la référence : « L. 138-29 » est remplacée par la référence : « L. 4163-2 » ;
2° À la fin de la première phrase du premier alinéa et du second alinéa, la référence : « L. 138-30 » est remplacée par la référence : « L. 4163-3 ».
VII (nouveau). – À la fin du dernier alinéa de l’article L. 241-5 du code de la sécurité sociale, la référence : « L. 138-29 » est remplacée par la référence : « L. 4163-2 du code du travail ».
Mme la présidente. La parole est à M. Dominique Watrin, sur l'article.
M. Dominique Watrin. La loi du 9 novembre 2010 portant réforme des retraites a introduit un certain nombre de dispositions censées prévenir la pénibilité que le présent projet de loi vise à compléter ou à modifier.
Nous nous réjouissons que, pour la première fois, cette question soit traitée de façon que la loi favorise réellement la négociation sociale en rendant plus complexe la mise en œuvre d’un plan d’action unilatéral. C’est positif.
En effet, ces plans permettent aux employeurs de contourner le dialogue social dans l’entreprise et les placent en position d’être les seuls décideurs en la matière. Le plus souvent, ces plans méconnaissent les observations des salariés, pourtant les mieux à même de décrire leur réalité de travail. Au final, ces plans ne sont pas de nature à permettre la construction d’une démarche de prévention de la pénibilité qui repose, à l’inverse, sur une logique d’établissement de diagnostic et de propositions partagées.
En outre, parce qu’ils sont définis quasiment exclusivement par les employeurs, les plans d’action en matière de prévention de la pénibilité, comme ceux en faveur de l’égalité salariale, prévoient bien souvent la solution la moins coûteuse et non la plus protectrice.
Cela explique sans doute pourquoi le nombre de plans d’action mis en œuvre dans les entreprises est aujourd’hui supérieur au nombre d’accords : 53 % pour les premiers contre 47 % pour les seconds.
De plus, certains accords sont sans effets concrets sur la vie des salariés puisqu’il s’agit d’accords de méthodes « qui visent à cadrer la réalisation d’un futur accord ou plan d’action ».
On le voit, beaucoup reste encore à faire en la matière. Les dispositions prévues à l’alinéa 8 de cet article, prévoyant que la mise en œuvre d’un plan d’action ne sera possible qu’après échec de la négociation dûment attesté par un procès-verbal, constituent à notre avis une avancée.
Il nous semble toutefois opportun, afin de donner enfin et réellement la priorité à la négociation et à la signature d’accords entre employeurs et représentants des salariés, de prévoir une pénalité financière, à la charge des entreprises qui ne parviendraient pas à signer un accord.
De même, nous regrettons que ce projet de loi ne renforce pas les sanctions à l’égard des entreprises qui ne respecteraient pas leurs obligations légales. Aujourd’hui, la sanction peut théoriquement atteindre 1 % de la masse salariale. Ce n’est toutefois que rarement le cas dans les faits, l’autorité administrative conservant la possibilité de moduler cette sanction.
En conséquence, malgré les avancées contenues dans cet article, le groupe CRC s’abstiendra.
Mme la présidente. La parole est à Mme Laurence Cohen, sur l'article.
Mme Laurence Cohen. Je m’inscris dans la continuité de l’intervention de mon collègue.
Les mutations techniques et technologiques entraînent une évolution des conditions de travail des salariés. Si cette évolution s’accompagne dans bien des cas d’une amélioration notable de la réalisation de l’activité professionnelle, elle peut également entraîner pour les salariés une plus grande exposition à des facteurs de risques, certains persistant tandis que d’autres apparaissent.
La pénibilité affecte les conditions de travail des salariés, ce qui peut réduire non seulement la productivité de ces derniers, mais surtout leur espérance de vie en bonne santé. Compte tenu des conséquences économiques, sociologiques et humaines, il s’agit d’un véritable enjeu de société.
En effet, 35 % des travailleurs âgés de cinquante à cinquante-neuf ans ont déclaré avoir été exposés pendant quinze ans ou plus à un poste pénible. La revue Santé et Travail soulignait ainsi, dans son édition de juillet 2011 : « Parmi eux, 24 % connaissent des limites dans leur vie quotidienne en raison de problèmes de santé, contre 17 % des autres seniors ».
Ces données ne sont pas nouvelles. Elles résultent de l’enquête « Santé et itinéraire professionnel », commandée et réalisée par la Direction de l’animation de la recherche, des études et des statistiques, la DARES, dont les conclusions, étonnamment tardives, n’ont malheureusement pu être pleinement exploitées par les parlementaires en 2010.
Alors qu’en 2010 la réforme menée par Éric Woerth et François Fillon entendait réduire la pénibilité à une question médicale et individuelle, vous avez pour votre part fait un choix différent, ce que nous considérons comme positif.
Toutefois, comme le soulignent la Fédération nationale des accidentés du travail et des handicapés, la FNATH, et l’Association nationale de défense des victimes de l’amiante, l’ANDEVA, vous auriez pu aller plus loin dans l’analyse, et nous regrettons que tel n’ait pas été le cas.
En effet, vous auriez pu profiter de l’occasion qui vous était donnée par l’examen du présent texte pour permettre à tous les salariés de bénéficier d’une protection supplémentaire en matière de pénibilité. Nous en avons d’ailleurs parlé hier soir tardivement.
Tel ne sera pas le cas puisque seules les entreprises d’au moins cinquante salariés, dont plus de 50 % des effectifs sont exposés à un ou plusieurs risques professionnels, seront soumises à l’obligation de négocier des accords ou des plans d’action relatifs à la prévention de la pénibilité. Ainsi, les salariés des entreprises de moins de cinquante salariés sont une nouvelle fois exclus du système de prévention.
Pourtant, un dispositif reposant sur les délégués du personnel voire, comme il en a été question hier soir, les conseillers du salarié aurait tout à fait pu être envisagé. Les dispositions de l’article auraient ainsi pu être étendues aux entreprises de dix à cinquante salariés.
Au final, les salariés des petites entreprises sont doublement perdants : ils ne peuvent compter ni sur la présence de représentants du personnel ni sur un CHSCT pour veiller au respect de leurs droits en matière de santé et d’hygiène au travail ; en outre, ils ne peuvent bénéficier d’aucun accord relatif à la prévention. Pourtant, les salariés des petites entreprises ne sont pas moins exposés à la pénibilité que ceux des grandes et moyennes entreprises.
De plus, aucune mesure n’est prise pour inciter à la signature d’accord de branche étendu. Les résultats sont pourtant, là encore, loin d’être satisfaisants. Si je m’en réfère à l’étude d’impact, on ne dénombrait au 31 août 2013 que quinze accords de branche. C’est dire le retard pris. Or, rien dans cet article n’est de nature à nous faire penser qu’une amélioration de la situation est possible. C’est tout à fait regrettable.
Mme la présidente. La parole est à Mme Cécile Cukierman, sur l'article.
Mme Cécile Cukierman. Deux de mes collègues étant déjà intervenus sur cet article, mon intervention sera brève. Elle prendra la forme de deux questions adressées à M. le ministre du travail, questions auxquelles je ne doute pas que vous pourrez apporter des réponses, madame la ministre.
Cet article 8, si j’ai bien compris sa rédaction quelque peu complexe, tend à modifier les modalités de calcul de la proportion de salariés d’une entreprise exposés à un ou plusieurs facteurs de risques professionnels.
Désormais, une entreprise sera soumise à cette obligation si 50 % de ses effectifs dépassent le seuil d’exposition à la pénibilité. Cette mesure contribue à l’objectivation des risques.
Cependant, dans la mesure où ces seuils devront être définis par décret, il nous sera impossible de connaître l’évolution du nombre d’entreprises soumises à cette obligation
La consultation nous paraît un minimum puisque la détermination des seuils n’est pas une chose aisée : elle fait en effet l’objet d’importants contentieux. Ainsi, de plus en plus de juridictions saisies dans le cas de pathologies ou décès liés au travail ne font plus nécessairement référence à ces seuils. Par exemple, dans une décision faisant suite au décès d’un agent EDF intervenant dans une centrale nucléaire, la nature professionnelle du décès, suite à un cancer, a été reconnue bien que l’exposition de l’agent aux radiations ait été largement inférieure aux seuils admis.
Madame la ministre, pouvez-vous nous fournir davantage de précisions quant aux modalités de définition de ces seuils ? En outre, dans quel délai le décret interviendra-t-il ?
Enfin, madame la ministre, j’en viens à la question des sanctions prises à l’encontre des entreprises qui ne respecteraient pas l’obligation prévue à l’article 8. Le manque criant de contrôleurs et d’inspecteurs du travail rend impossible un contrôle satisfaisant. Récemment d’ailleurs, les organisations syndicales de contrôleurs et inspecteurs du travail ont dénoncé avec force le projet de réforme de l’inspection du travail que vous élaborez. Ils arguent que votre projet pourrait conduire à la création de sections spécialisées, alors que les inspecteurs sont aujourd’hui compétents sur un territoire et généralistes. Selon eux, une telle spécialisation risquerait de réduire les interventions dans d’autres champs.
Outre cette inquiétude de la part des professionnels, nous ne parvenons pas à mesurer l’impact de cette réforme sur la mission précise de contrôle des obligations légales en matière de pénibilité.
Madame la ministre, pouvez-vous nous préciser ce qu’il en est réellement ? Comment cette réforme permettra-t-elle de garantir l’indépendance des agents de contrôle, qui constitue une garantie pour les agents publics comme pour les salariés ?
Mme la présidente. La parole est à M. Gérard Longuet, sur l'article.
M. Gérard Longuet. Sur cet article 8, le groupe UMP n’a pas déposé d’amendement. Les dispositions de la loi de 2010 nous conviennent, et les dispositions de l’article 8 du projet de loi tel qu’il a été adopté par l’Assemblée nationale ne nous posent pas de problème majeur.
Toutefois, madame la ministre, nous avons posé hier à votre collègue Mme Touraine une question à laquelle nous n’avons toujours pas de réponse.
Cette question, que vous a déjà posée Philippe Bas, est la suivante : en 1993, comme en 2003, en 2008 et en 2010, votre majorité, qui était alors dans l’opposition, a combattu tous les textes que nous avons proposés afin d’adapter nos régimes de retraite aux réalités économiques et démographiques du temps, mais quelles dispositions de ces textes supprimez-vous aujourd'hui ?
Puisque vous aviez dénoncé des textes scélérats comportant des mesures injustes, excessives, violentes, au service du grand capital buveur du sang des prolétaires, nous pensions que notre héritage serait dilapidé et notre construction législative saccagée, que nous serions sur la défensive, à devoir lutter pour les textes que nous avions mis en place, dont nous pensions, et dont nous pensons toujours, à juste titre, qu’ils étaient pertinents.
Or nous constatons que toute notre construction est prolongée et peut-être même consolidée. Cet article 8 – c'est la raison pour laquelle je m’exprime à son sujet – en est une belle illustration. Il introduit en effet le procès-verbal de désaccord. Je le dis tout net, c’est un enrichissement de ce que nous avions proposé. Mais si nous n’avions pas d'abord institué les formules de l’accord d’entreprise et du plan unilatéral, il n’y aurait pas d’article 8 aujourd'hui. Vous consolidez le dispositif que nous avons adopté en 2010, en introduisant un élément qui n’est en rien choquant : le constat de désaccord.
Je renouvelle donc la question de Philippe Bas : diable, ou plutôt non, pas diable, puisque le diable se niche dans les détails et que je vous interroge sur l’essentiel, qu’avez-vous supprimé de ce que vous avez combattu pendant vingt ans ? La réponse est simple : rien, parce que nous étions dans la bonne direction ! (Applaudissements sur les travées de l'UMP.)
Mme Christiane Demontès, rapporteur. C’est faux !
Mme la présidente. L'amendement n° 409, présenté par Mme Demontès, au nom de la commission des affaires sociales, est ainsi libellé :
Après l'alinéa 4
Insérer un paragraphe ainsi rédigé :
… – La section 2 du chapitre 8 ter du titre 3 du livre Ier du même code est abrogée.
La parole est à Mme la rapporteur.
Mme Christiane Demontès, rapporteur. L’article 8 est important, car il transfère les dispositions relatives aux accords en faveur de la prévention de la pénibilité du code de la sécurité sociale vers le code du travail.
M. Gérard Longuet. C’est symbolique !
Mme Christiane Demontès, rapporteur. Non, ce n’est pas seulement symbolique. La loi de 2010 a établi un lien entre pénibilité et invalidité.
Mme Catherine Génisson. Exactement !
Mme Christiane Demontès, rapporteur. Le présent projet de loi a pour objectif de prévenir la pénibilité, et c'est pourquoi les dispositions relatives à la pénibilité doivent êtres transférées vers le code du travail. Vous le voyez, monsieur Longuet, les choses ont changé entre 2010 et 2013 !
L'amendement n° 409 est donc un amendement de coordination juridique qui vise à tirer les conséquences du transfert dont je viens de parler.
Mme la présidente. Quel est l’avis du Gouvernement ?
Mme Michèle Delaunay, ministre déléguée. Je tiens à souligner à mon tour l’importante évolution que représente ce projet de loi. Désormais, la pénibilité est prise en compte en tant que telle, et non plus en lien avec l’invalidité. La confusion entre pénibilité et invalidité était d'ailleurs l’un des griefs principaux de l’opposition en 2010. Je crois que nous réalisons aujourd'hui un progrès, que nous pourrions qualifier de progrès de rupture, si cette expression était usuelle.
Je voudrais également répondre à Cécile Cukierman. Marisol Touraine a précisé hier que les seuils seraient fixés par décret et, surtout, après concertation des partenaires sociaux et avis du COR. Je ne peux que vous le confirmer, sans anticiper sur les résultats de la concertation, faute de quoi il ne s’agirait plus de concertation.
Quant à l’amendement n° 409, j’y suis favorable.
Mme la présidente. La parole est à M. Philippe Bas, pour explication de vote.
M. Philippe Bas. Je voudrais confirmer notre approche bienveillante à l’égard de cet article. Néanmoins, j’ai encore un doute, qu’il vous serait aisé de lever, madame la ministre, en prenant un engagement précis au nom du Gouvernement.
Nous pouvons admettre que le désaccord sur les termes d’un éventuel accord en faveur de la prévention de la pénibilité soit consacré par un procès-verbal. Mais il faut que l’absence de ce procès-verbal ne puisse être opposée à un employeur qui aurait conduit de bonne foi des négociations qui n’auraient pas abouti à cause du refus des représentants des salariés.
Imaginez – le cas peut se présenter – que telle ou telle organisation syndicale refuse de signer le procès-verbal de désaccord. Comme il n’y aurait ni accord ni procès-verbal de désaccord, la pénalité pourrait être appliquée à l’employeur, même s’il a agi de bonne foi.
On ne peut tout de même pas imposer aux organisations syndicales de signer le procès-verbal de désaccord si elles ne le veulent pas. Dans le cas où des interlocuteurs sociaux refuseraient de signer le procès-verbal, faudra-t-il que l’employeur administre la preuve de leur mauvaise foi ou sera-ce à eux d’administrer la preuve de leur bonne foi ?
Autrement dit, je voudrais que l’on apporte davantage de sécurité juridique à nos entreprises. Mon vote, tant sur le présent amendement que sur l’article 8, dépendra de la réponse que le Gouvernement voudra bien nous donner pour nous rassurer et conforter le préjugé de bienveillance que Gérard Longuet a expliqué de manière précise.
Mme la présidente. L'amendement n° 155, présenté par Mmes Cohen, Gonthier-Maurin et Cukierman, M. Watrin, Mmes David et Pasquet, M. Fischer et les membres du groupe communiste républicain et citoyen, est ainsi libellé :
Alinéa 8
Rédiger ainsi cet alinéa :
b) Après le mot : « accord », la fin de cet alinéa est supprimée ;
La parole est à Mme Brigitte Gonthier-Maurin.
Mme Brigitte Gonthier-Maurin. L’article L. 138-29 du code de la sécurité sociale, qui est appelé à devenir l’article L. 4163-2 du code du travail, prévoit, à son deuxième alinéa, que les entreprises qui ne seraient pas couvertes par un accord ou un plan d’action relatif à la prévention de la pénibilité peuvent se voir imposer une pénalité financière correspondant au maximum à 1 % de leur masse salariale.
M. Gérard Longuet. C’est pas mal !
Mme Brigitte Gonthier-Maurin. Dans les faits, cette sanction financière est tellement basse – nous ne partageons pas votre avis, monsieur Longuet – qu’elle n’incite pas fortement les employeurs à s’engager dans un réel processus de négociation sur la pénibilité. J’en veux pour preuve le fait que, selon un rapport du Conseil d’orientation des retraites, seulement onze branches ont conclu un accord ; qui plus est, pour deux d’entre elles, il ne s’agit que d’un accord de méthode qui ne contient aucune proposition concrète de lutte contre la pénibilité. Le rapport du COR soulignait donc clairement que le nombre d’accords conclus était faible.
Bien évidemment, les plans d’action sont plus nombreux, puisqu’ils représentent environ 55 % des mesures prises pour lutter contre la pénibilité, tandis que les accords n’en représentent que 45 %. Les plans d’action sont moins contraignants, plus souples et moins coûteux pour les employeurs. Pour autant, malgré cette faculté, toutes les entreprises ne se sont pas engagées dans la mise en œuvre de plans d’action.
C’est pourquoi il nous semble utile de renforcer les sanctions, en précisant que le taux de la pénalité peut atteindre 10 % ; « peut » et non pas « doit » : l’autorité administrative conserverait la possibilité de fixer le montant de la pénalité, dans une fourchette comprise entre 1 % et 10 %, en fonction des efforts réellement engagés par l’employeur pour se conformer au droit.
Mme la présidente. Quel est l’avis de la commission ?
Mme Christiane Demontès, rapporteur. Cet amendement vise à accentuer les incitations à la signature d’accords d’entreprise sur la prévention de la pénibilité, en sanctionnant les éventuels plans d’action unilatéraux adoptés par les employeurs.
Le projet de loi s’y emploie déjà, en prévoyant qu’un plan d’action ne pourra être adopté qu’en cas d’échec de la négociation d’un accord entre les partenaires sociaux dans l’entreprise, attesté par un procès-verbal. Je rappelle que c’est déjà ce qui a été retenu en matière d’égalité professionnelle et pour le contrat de génération. Il semble difficile d’aller plus loin. C'est pourquoi la commission a émis un avis défavorable.
Mme la présidente. Quel est l’avis du Gouvernement ?
Mme Michèle Delaunay, ministre déléguée. Le Gouvernement émet un avis défavorable, pour la même raison : la sanction proposée est disproportionnée.
J’en profite pour répondre à Philippe Bas.
Monsieur le sénateur, je vous invite à montrer à l’égard du ministère du travail la même bénévolence – je la salue – que vous montrez à l’égard de l’article 8. La démarche que vous avez évoquée existe déjà en matière d’égalité hommes-femmes. Quand l’employeur est à l’évidence de bonne foi, le ministère du travail, représenté par la direction régionale des entreprises, de la concurrence, de la consommation, du travail et de l’emploi, la DIRECCTE, compétente, va dans son sens et le problème se résout.
Faisons confiance aux décisions de sagesse et de bienveillance du ministère du travail !
Mme la présidente. L'amendement n° 158, présenté par Mme David, M. Watrin, Mmes Cohen et Pasquet, M. Fischer et les membres du groupe communiste républicain et citoyen, est ainsi libellé :
Après l’alinéa 8
Insérer un alinéa ainsi rédigé :
…° Au deuxième alinéa, le taux : « 1 % » est remplacé par le taux : « 10 % » ;
La parole est à M. Michel Le Scouarnec.
M. Michel Le Scouarnec. La réforme des retraites de 2010 comportait des mesures relatives à la pénibilité au travail, avec notamment des sanctions en cas de manquement à la loi, mais nous attendons toujours certains décrets d’application.
En pratique, on constate que peu d’entreprises respectent cette disposition, qui, au final, n’est que très peu appliquée. Par la modification de cet alinéa, nous proposons donc de mettre en œuvre une politique volontariste et incitative en relevant le seuil des pénalités dues par les entreprises de 1 % à 10 %. Le taux de cette pénalité ainsi relevée devrait avoir pour effet d’inciter les entreprises concernées à mettre en place des dispositifs de protection de leurs salariés pour les soustraire, en partie au moins, à la pénibilité de leur métier. C’est une mesure indispensable si l’on veut atteindre les objectifs fixés.
À l’heure de la sous-déclaration massive des accidents du travail, de l’augmentation des maladies professionnelles – la lecture de l’annexe 1 du PLFSS pour 2013 nous permet de constater, pour la période 2004-2011, une augmentation de 35 %, soit environ 4 % en moyenne annuelle, du nombre de maladies professionnelles reconnues – et des suicides au travail, il y a urgence à mettre en œuvre une prévention de la pénibilité efficace.
Par cet amendement, nous proposons donc de porter la pénalité due par les employeurs dont l’entreprise ne serait pas couverte par un accord ou un plan d’action de 1 % à 10 % de la masse salariale. Nous souhaitons ainsi inciter fortement les entreprises à négocier un accord avec les représentants des salariés.
Mme la présidente. Quel est l’avis de la commission ?
Mme Christiane Demontès, rapporteur. Les accords de prévention de la pénibilité sont un dispositif encore récent. Il faut donc laisser le temps aux entreprises et aux partenaires sociaux de s’approprier cette problématique nouvelle.
La pénalité de 1 % a un effet incitatif indéniable. L’augmenter en la multipliant par dix représenterait un mauvais signal, alors que l’évaluation des accords et plans d’action en vigueur n’est pas encore faite. À mon sens, une telle mesure serait excessive et prématurée. La commission a donc émis un avis défavorable.
Mme la présidente. Quel est l’avis du Gouvernement ?
Mme la présidente. La parole est à M. Gérard Longuet, pour explication de vote.
M. Gérard Longuet. Soyez rassurés, je ne vais pas défendre l’amendement du groupe CRC. (Ah bon ? sur les travées du groupe CRC.)
Mme Catherine Procaccia. Pas à chaque fois ! (Sourires.)
M. Gérard Longuet. Avec beaucoup de sincérité, je voudrais juste plaindre le Gouvernement d’avoir de tels alliés. Mme Demontès, avec un sang-froid que je veux saluer, a eu des mots que nous partageons totalement. Elle est intervenue sans choquer, sans brutaliser, avec retenue et mesure, mais elle nous a quand même bien fait comprendre qu’elle devait faire avec une majorité à peu près impossible à animer et à rendre cohérente.
Cet hommage diplomatique rendu à l’impossible conciliation de l’ensemble des gauches est un événement réjouissant.
M. François Trucy. In cauda venenum !
M. Roland Courteau. Ce n’est pas mieux à l’UMP !
Mme la présidente. L'amendement n° 160, présenté par Mme David, M. Watrin, Mmes Cohen et Pasquet, M. Fischer et les membres du groupe communiste républicain et citoyen, est ainsi libellé :
Après l'alinéa 9
Insérer un alinéa ainsi rédigé :
...° Le troisième alinéa est supprimé.
La parole est à Mme Laurence Cohen.
Mme Laurence Cohen. Pour notre groupe, la question des pénalités à la charge des employeurs qui n’auraient ni conclu d’accord en faveur de la prévention de la pénibilité ni même mis en œuvre de manière unilatérale un plan d’action est centrale. Nous le savons, le nombre d’employeurs qui ne respectent pas leurs obligations en la matière est élevé, puisque le nombre d’entreprises couvertes par un accord ou un plan d’action est nettement inférieur au nombre d’entreprises satisfaisant aux obligations légales.
L’étude d’impact est en la matière particulièrement éclairante : on y apprend que, malgré l’existence d’une pénalité pouvant correspondre à 1 % de la masse salariale des salariés exposés, seulement deux branches sont aujourd’hui couvertes par un tel accord et 4 800 accords d’entreprise ont été signés. C’est dire si la menace de la sanction n’est pas particulièrement dissuasive, et ce pour au moins deux raisons : les employeurs savent pertinemment que le risque que le non-respect de leurs obligations soit constaté lors d’un contrôle est réduit ; ils peuvent également compter sur la clémence de l’autorité administrative qui est habilitée à prononcer la pénalité, puisque cette dernière peut faire varier le taux.
Je regrette d’ailleurs que l’étude d’impact soit si lapidaire sur cette disposition, car il nous manque des informations précieuses. Nous aurions notamment aimé connaître, madame la ministre, mais peut-être pouvez-vous nous le dire aujourd’hui, le nombre d’entreprises qui ont fait l’objet de contrôle, le nombre d’entre elles qui ont été sanctionnées, ainsi que le niveau moyen des sanctions.
En tout état de cause, nous sommes opposés à ce que l’autorité administrative puisse faire évoluer cette pénalité à la baisse.
Permettez-moi un parallèle un peu audacieux en apparence, mais qui a sa logique, avec la loi SRU : en l’espèce, l’absence d’application stricte des règles conduit les communes à ne pas respecter pleinement leurs obligations. S’agissant de la réforme que nous examinons, l’article 8 en particulier, on voit mal pourquoi les mêmes causes ne produiraient pas les mêmes effets. La question est pourtant majeure, puisqu’il s’agit théoriquement de contraindre des employeurs, parfois réticents, à prendre des mesures de prévention et de compensation en cas de pénibilité professionnelle.
En la matière, nous croyons en la force de la sanction, qui doit avoir une visée pédagogique. C’est pourquoi nous proposons de supprimer le troisième alinéa de l’article L. 138-29 du code de la sécurité sociale, appelé à devenir l’article L. 4163-2 du code du travail, qui dispose que « le montant [de la pénalité] est fixé par l’autorité administrative, dans des conditions fixées par décret en Conseil d’État, en fonction des efforts constatés dans l’entreprise en matière de prévention de la pénibilité. »
Mme la présidente. Quel est l’avis de la commission ?
Mme Christiane Demontès, rapporteur. La commission n’est pas favorable à cet amendement, estimant qu’il faut tenir compte des efforts faits par l’entreprise – il y en a qui en font – pour développer la prévention de la pénibilité. Néanmoins, si celle-ci se détourne totalement de ses obligations, il est évident que la pénalité sera bien de 1 % de la masse salariale, et non d’un montant inférieur.
Mme la présidente. Quel est l’avis du Gouvernement ?
Mme Michèle Delaunay, ministre déléguée. Même avis.
J’en profite pour rappeler à M. Longuet, qui était tout à l’heure dans un moment d’euphorie, la très belle parabole de la paille et de la poutre…
Mme la présidente. La parole est à M. Philippe Bas, pour explication de vote.
M. Philippe Bas. La question qui nous est posée à travers cet amendement est de savoir si l’augmentation des pénalités permet d’avoir davantage d’effets sur la réalité. À l’évidence, cette problématique dépasse largement d’objet du présent projet de loi.
En tant que législateur – la législation portant sur la construction de logements sociaux par les communes a été évoquée –, nous sommes bien placés pour convenir que, face à des difficultés, nous sommes souvent tentés d’augmenter le quantum des peines et le niveau des pénalités. Or, à chaque fois que nous procédons ainsi, nous constatons que ceux qui sont en charge de prononcer ces sanctions se trouvent devant une responsabilité écrasante. En effet, plus la pénalité est forte, plus ses conséquences peuvent paraître disproportionnées par rapport à la situation qu’il convient de corriger par le mécanisme dissuasif de la sanction.
À l’instant, nous avons repoussé un amendement visant à multiplier par dix le montant des pénalités en cas d’absence d’accord de prévention de la pénibilité. À mon avis, s’engager dans ce type de démarche, qui revient à augmenter de 10 %, voire plus fortement, la masse salariale d’une entreprise est susceptible de mettre en péril son existence même. Or il y a pire que la pénibilité au travail : c’est le chômage !
Mme Christiane Demontès, rapporteur. Quel cynisme !
M. Philippe Bas. Il nous faut assumer nos responsabilités dans un monde réel qui n’est pas simple, ce qui doit nous conduire à faire des arbitrages entre des choix qui sont tous dignes d’être pris en considération. Mais si nous arbitrons en faveur de la sanction la plus lourde, au risque de porter atteinte à la pérennité de l’entreprise, nous risquons d’avoir à gérer des situations sociales extrêmement graves.
À l’occasion de ce débat, qui peut paraître mineur eu égard à l’objet de notre réforme, mais qui est en réalité très important, ressurgit la contradiction inhérente au discours de ceux qui veulent sans arrêt charger la barque, au point, non pas de tuer la poule aux œufs d’or, mais de mettre en péril l’activité économique de certaines entreprises.
M. Michel Le Scouarnec. Nous recherchons l’efficacité ; nous ne voulons pas mettre les entreprises à genoux !
Mme Annie David. Il n’y a pas de pénalités si elles respectent la loi !
M. Philippe Bas. Aussi, je voudrais inciter nos collègues qui ont présenté cet amendement, comme le précédent, à plus de mesure face à la complexité des enjeux sociaux.
Mme la présidente. La parole est à Mme Laurence Cohen, pour explication de vote.
Mme Laurence Cohen. Je suis d’accord avec M. Bas pour dire que ce débat fondamental dépasse le cadre du sujet que nous examinons.
Cela étant, j’ai le regret de constater que l’étude d’impact ne répond pas à toutes les questions que nous posons. Pourquoi seules deux branches sont-elles couvertes par un tel accord et pourquoi 4 800 accords d’entreprise seulement ont-ils été signés ? C’est dire que les entreprises qui ne respectent pas la loi bénéficient de l’impunité la plus totale. Lorsqu’on le constate, c’est aussitôt pour ajouter que, finalement, il n’y a rien à faire. En fait, on admet que la loi ne s’applique qu’aux plus faibles et aux plus fragiles.
Je ne sais pas si l’aggravation du montant de l’amende peut régler le problème. J’ai donné l’exemple de la loi SRU, mais je pourrais aussi évoquer les lois sur la parité. Dans ces derniers cas, des partis politiques – pas à gauche, mais je ne citerai personne ! – préfèrent de ne pas les respecter et payer des pénalités. En l’espèce, peut-être serait-il bon de réfléchir à des sanctions autres que financières, par exemple des peines d’inéligibilité ?
En tout cas, il est assez choquant d’entendre, ici, dans la Haute Assemblée, que, certes, c’est un problème que des entreprises ne respectent pas la loi, mais qu'il n’y a rien à y faire sinon on risque de les mettre en difficulté et de faire grimper le chômage. C’est un raisonnement qui, à mon sens, ne tient pas.
Nous ne demandons rien d’autre que l’application de la loi. Quand elle n’est pas respectée, il faut faire preuve d’un peu plus de fermeté. Tel est l’objet de notre amendement !
Mme la présidente. La parole est à M. Gérard Longuet, pour explication de vote.
M. Gérard Longuet. Je voudrais vous remercier, madame Delaunay de faire référence à cette culture judéo-chrétienne, qui est le socle, le creuset de notre vieux pays. À votre évocation de la parabole de la paille et de la poutre, je voudrais répondre par la parabole des talents ; c’est l’histoire d’un peuple qui, dix-huit mois après avoir élu un Président de la République à une majorité de 52 %, lui demande : « Qu’as-tu fait de mes 52 % de soutien ? Il n’en reste plus que 26 %... »
M. Gérard Larcher. Ah ! le père Longuet…
M. Gérard Longuet. Je voudrais également répondre à Mme Cohen, car son intervention est importante.
Elle nous dit, au fond, que la crainte du Seigneur est le commencement de la sagesse – je reste sur le terrain de la culture judéo-chrétienne. Mais dans un monde où les frontières sont ouvertes, avec une concurrence que nous avons les uns et les autres acceptée, qui est le Seigneur pour une entreprise ? Je vous le concède, madame le sénateur, le groupe CRC auquel vous appartenez n’a jamais été pour l’ouverture des frontières et la construction européenne.
Mme Cécile Cukierman. C’est caricatural !
Mme Laurence Cohen. Vous devriez faire un stage au groupe CRC !
M. Gérard Longuet. Ce grief s’adresse donc davantage à ceux qui, ayant accepté l’Europe et la globalisation, ne savent pas en tirer les conséquences.
Aujourd’hui, l’autorité de l’État est en concurrence avec la réalité de l’entreprise, qui est celle du marché.
Mme Cécile Cukierman. Sortez des stéréotypes !
M. Gérard Longuet. Il se trouve qu’étant l’élu d’une région industrielle et ayant exercé la coupable activité de ministre de l’industrie au siècle précédent, je pourrais, pour simplifier, dire que, dans le domaine que je connais, celui de l’industrie, dont je reconnais qu’il ne recouvre qu’une partie de l’activité française, il y a deux catégories d’entreprises : celles qui réussissent et celles qui sont sur la défensive.
Les entreprises qui réussissent – je pense à celles du secteur de l’aéronautique, de la pharmacie ou du luxe, par exemple – cherchent à investir sur les marchés qui se développent. Elles nous abandonnent, car leur devoir est de rester leaders mondiaux dans un marché mondialisé. Pour elles, l’autorité de l’État est une contrainte toute relative.
J’en viens à l’autre catégorie d’entreprises, celles qui recouvrent les industries de main-d’œuvre, celles qui fabriquent des biens de consommation courants, les secteurs du textile, de la confection, du meuble, de l’automobile, par exemple. Quand j’étais gamin, personne n’aurait pu croire que la forteresse ouvrière de Billancourt cesserait d’exister. Aujourd’hui, l’industrie automobile française produit plus de voitures françaises à l’étranger qu’en France !
Qui représente l’autorité pour ces entreprises sur la défensive ? Est-ce le Gouvernement qui les charge de contraintes ou est-ce le client qui se détourne d’elles pour acheter à des constructeurs meilleur marché ? La réponse va de soi : pour elles, c’est le client qui commande. Vous pouvez multiplier par dix le risque de pénalité, leur problème, c’est la survie.
Mme Cécile Cukierman. Pas au détriment de la santé des travailleurs !
M. Gérard Longuet. C’est la raison pour laquelle votre menace est un sabre de bois. Mme Demontès a eu raison de vous le rappeler.
Mme Cécile Cukierman. On ne va pas exploiter les gens parce que ça coûte trop cher !
Mme Laurence Cohen. Ni mettre les enfants au travail !
M. Gérard Longuet. Je souhaite simplement, pour expliquer mon vote négatif sur votre amendement, rappeler – comme l’a dit Philippe Bas – que la meilleure manière de défendre le salarié, c’est de garantir l’emploi grâce à des investissements productifs réalisés par des entreprises qui réussissent sur leur marché et non d’accumuler des contraintes, que l’État s’épargne d’ailleurs à lui-même. Je vous le rappelle, toutes ces mesures visent le seul secteur privé et excluent le secteur public, ce qui pose tout de même un problème d’égalité. Mme Delaunay va certainement nous trouver une parabole pour justifier cette distinction…
Mme la présidente. La parole est à Mme Annie David, pour explication de vote.
Mme Annie David. Nous ne sommes pas ici pour donner un cours de politique, monsieur Longuet, mais, en ce qui concerne la position de mon groupe sur l’Europe, vous devriez réviser vos classiques.
M. Jean-Pierre Caffet. Pas à son âge !
M. Gérard Longuet. Vous avez voté contre Maastricht !
Mme Annie David. Nous sommes pour l’Europe, mais pas celle que vous défendez. Nous, nous sommes pour une Europe des peuples. Nous ne voulons pas d’une Europe forteresse avec des barbelés autour de ses frontières pour empêcher quiconque qui ne serait pas Européen d’y entrer. Nous sommes pour une Europe de la solidarité, qui permette à chaque peuple d’avoir des conditions de vie et de travail au moins égales à celles que nous avons réussi à obtenir dans notre pays.
Mmes Laurence Cohen et Isabelle Pasquet. Très bien !
Mme Annie David. C’est la raison pour laquelle nous nous battons pour construire non pas une Europe revue à la baisse, mais une Europe solidaire !
Quant à cette pénalité, elle ne s’appliquera qu’aux entreprises qui ne respectent pas la loi. Le législateur que vous êtes souhaite-t-il que les lois que nous votons ici ne soient pas respectées par les entreprises ? Pour notre part, nous demandons que la loi s’applique. Or, on le sait, aujourd’hui, même la pénalité de 1 % n’est pas appliquée. Ce sont les inspecteurs des DIRECCTE qui apprécient si l’entreprise a fait un effort. S’il apparaît que c’est le cas, on lui fera grâce de la pénalité !
Mais de quel effort s’agit-il ? D’une décision unilatérale de l’entreprise, faute d’accord avec les organisations syndicales ? On peut imaginer que si les représentants des salariés ont refusé de signer l’accord proposé par l’entreprise, c’est parce que celui-ci ne répondait pas aux besoins de prévention de la pénibilité.
Ne vous inquiétez pas, je pense que les 10 % de pénalité que nous demandons ne s’appliqueront jamais… Mais, pour nous, cet amendement a une portée symbolique.
Vous réclamez des investissements productifs au nom de la survie de l’entreprise, mais on ne peut pas le faire, comme d’autres l’ont dit avant moi avec justesse, au détriment de la santé des salariés. Lorsqu’il n’y aura plus de salariés en mesure de travailler parce qu’ils auront tous été maltraités par ces entreprises qui ne respectent pas les accords de pénibilité, je ne sais pas ce qu’ils pourront produire.
Ne dégradons pas la sécurité et la santé des salariés sous prétexte de compétitivité. C’est aussi ce que nous dénonçons au travers des conditions de travail au sein de l’Europe.
Vous êtes bien loin de ces considérations lorsqu’on voit ce qui a été fait, par exemple, avec les travailleurs détachés et ce qui continue à se faire malgré tout ce que nous pouvons dénoncer.
M. Michel Le Scouarnec. Le dumping social !
Mme Annie David. Le dumping social, en effet, mais aussi les délocalisations auxquelles vous n’avez jamais tenté de mettre un frein, soucieux que vous êtes d’accroître la compétitivité des entreprises. Eh bien oui, elles deviennent compétitives, mais au sens où vous l’entendez ! Pour nous, la compétitivité doit aussi passer par le respect des conditions de travail des salariés.
Pour toutes ces raisons, nous voterons cet amendement. (Applaudissements sur les travées du groupe CRC.)
Mme la présidente. Je suis saisie de deux amendements faisant l'objet d'une discussion commune.
L'amendement n° 156, présenté par Mme David, M. Watrin, Mmes Cohen et Pasquet, M. Fischer et les membres du groupe communiste républicain et citoyen, est ainsi libellé :
Alinéa 13
Remplacer cet alinéa par deux alinéas ainsi rédigés :
2° À la première phrase du premier alinéa, les mots : « un plan d’action établi au niveau de l’entreprise ou du groupe relatif à la prévention de la pénibilité dont le contenu est conforme à celui mentionné à l’article L. 138-30 » sont supprimés ;
3° Les deuxième et troisième phrases du premier alinéa sont supprimées.
La parole est à M. Dominique Watrin.
M. Dominique Watrin. Cet amendement vise à favoriser la négociation et l’élaboration d’un accord de prévention de la pénibilité entre les salariés et l’employeur au sein des entreprises
Le bilan d’application démontre que les entreprises ont majoritairement recours au plan d’action. Or ces mêmes bilans démontrent que le contenu des plans d’action est plus faible que celui des accords. Il convient donc, dans le prolongement de ce qui a été dit précédemment et de la volonté affichée par le Gouvernement, de mettre en place des dispositifs plus contraignants qui incitent au dialogue social.
Nous proposons, pour notre part, que la pénalité s’applique à l’ensemble des entreprises ne disposant pas d’un accord de prévention de la pénibilité. La loi permet une modulation de cette pénalité en fonction des efforts effectués par l’entreprise. Cela doit permettre de moins pénaliser celles qui disposent d’un plan d’action par rapport aux entreprises qui ne disposent d’aucun dispositif. On peut donc tout à fait assurer une certaine forme de justice.
Le montant de la pénalité applicable serait fixé par l’autorité administrative en fonction des efforts constatés dans l’entreprise en matière de prévention de la pénibilité.
Par cet amendement, nous proposons donc une modulation de cette pénalité sur le modèle de ce qui est prévu en matière d’égalité entre les femmes et les hommes ou encore en matière d’emploi des personnes handicapées. Nous proposons que la pénalité s’applique bien à l’ensemble des entreprises ne disposant pas d’un accord de prévention de la pénibilité.
Mme la présidente. L'amendement n° 157, présenté par Mme David, M. Watrin, Mmes Cohen et Pasquet, M. Fischer et les membres du groupe communiste républicain et citoyen, est ainsi libellé :
Après l'alinéa 13
Insérer un alinéa ainsi rédigé :
3° À la deuxième phrase du premier alinéa, les mots : « trois ans » sont remplacés par les mots : « un an ».
La parole est à Mme Cécile Cukierman.
Mme Cécile Cukierman. Cet amendement porte sur la modification de la durée d’application du plan d’action de trois ans à un an.
L’article 8 prévoit une pénalité pour les entreprises et groupes qui ne seront pas couverts par un accord ou un plan d’action en faveur de la prévention de la pénibilité au travail.
Ce dispositif impose donc aux entreprises l’élaboration d’un accord de prévention de la pénibilité en concertation avec les représentants des salariés. À défaut, en l’absence d’accord, il exige la mise en œuvre d’un plan d’action à durée déterminée de trois ans maximum.
Or nous savons que le plan d’action peut être décidé de façon unilatérale par l’employeur en l’absence d’accord. Nous pensons que la concertation et la négociation collective sont primordiales à l’élaboration d’un bon diagnostic pénibilité et à la mise en œuvre d’un plan d’action de prévention cohérent et pérenne.
Nous devons favoriser une politique volontariste de réduction de la pénibilité pour qu’émergent des principes, démarches et méthodes valorisant des pratiques de travail préservant la santé des travailleurs. Aussi cet amendement tend-il à établir une distinction entre le plan d’action et l’accord en prévoyant que la durée du plan d’action est d’un an, ce qui incitera à la renégociation collective annuelle, contre trois ans pour les accords. En effet, dès lors qu’il n’y a pas d’accord et que le plan a été négocié unilatéralement, nous pensons qu’il serait dommageable et dangereux de s’engager sur une durée plus longue qu’un an.
Mme la présidente. Quel est l’avis de la commission ?
Mme Christiane Demontès, rapporteur. L’objet de l’amendement n° 156 est le même que celui de l’amendement n° 155, que nous avons déjà examiné. Il s’agit en effet d’appliquer une pénalité aux entreprises couvertes par un plan d’action unilatéral relatif à la prévention de la pénibilité. Pour les mêmes raisons que précédemment, la commission a émis un avis défavorable.
L’amendement n° 157 vise à réduire de trois à un an la durée de validité des plans d’action relatifs à la prévention de la pénibilité. Or je ne crois pas qu’il faille distinguer, en ce qui concerne leur périodicité, les accords et les plans d’action relatifs à la prévention de la pénibilité. Leur thème et leur contenu sont identiques, et il n’est absolument pas garanti qu’une négociation qui a échoué soit couronnée de succès moins d’un an plus tard.
Pour cette raison, tout en comprenant les remarques faites par les auteurs de l’amendement, la commission a émis un avis défavorable.
Mme la présidente. Quel est l’avis du Gouvernement ?
Mme la présidente. La parole est à M. Philippe Bas, pour explication de vote sur l’amendement n° 156.
M. Philippe Bas. Les points de vue énoncés par Mme le rapporteur, comme par Mme la ministre, sont réalistes. J’admets tout à fait que, face à un certain nombre de surenchères, le Gouvernement puisse signifier à une partie de sa majorité qu’il y a un moment où le principe de réalité doit l’emporter sur les idéaux.
Mme Annie David. Ce ne sont pas des idéaux !
M. Philippe Bas. Ces idéaux, les différents groupes de la majorité actuelle les partagent sans doute, mais ils doivent savoir qu’il faut chercher à les atteindre en prenant la mesure de ce qui est possible et de ce qui ne l’est pas.
En l’occurrence, il me semble que ces deux amendements servent d’accroche à un discours politique plus qu’ils ne sont véritablement destinés à être adoptés. En effet, leurs auteurs doivent se rendre compte eux-mêmes des effets pervers très importants que leur application pourrait comporter.
En fait, il y a trois types de situation et, pour le deuxième type, une variante. Je les reprends un à un.
Quelle est la situation la plus favorable, celle que nous recherchons tous ? C’est l’accord des partenaires sociaux dans l’entreprise, et ce, non parce que nous aurions une vision irénique de la vie des entreprises, laquelle nous ferait préférer systématiquement l’accord à toute décision unilatérale, mais parce que l’accord est plus efficace, permet d’entendre tous les points de vue et de prendre en considération ce qui vient de la base, c’est-à-dire de ceux qui sont exposés à la pénibilité et, éventuellement, aux risques professionnels. Il y a toute chance, par conséquent, qu’un accord conclu avec les représentants des salariés permette de mettre en œuvre des pratiques de prévention des risques et de diminution de la pénibilité bien supérieures à ce que l’on pourrait obtenir par la voie d’une décision unilatérale. Nous sommes d’accord sur ce point.
Il arrive malheureusement, et c’est le deuxième type de situation, que des désaccords de fond subsistent, soit parce que les points de vue sont inconciliables, compte tenu de la conjoncture propre à l’entreprise, soit parce que certaines organisations, pour des raisons de tactique de négociation, refusent par avance la conclusion d’un accord.
Cette situation connaît deux variantes : le désaccord de bonne foi, d’une part, et le désaccord qui ne donne pas lieu à conclusion d’un procès-verbal en raison de la mauvaise foi de l’un des partenaires, d’autre part. Quel que soit le cas, une pénalité sera ou ne sera pas prononcée.
Si nous ne prévoyons pas que le désaccord doit se résoudre par la mise en œuvre d’un plan unilatéral, nous ne pourrons pas progresser dans la lutte contre la pénibilité. Il est en effet hautement préférable d’avoir un plan unilatéral mis en œuvre par l’employeur que pas de plan du tout.
Je ne comprends pas cette politique du pire que reflètent ces amendements et qui consiste à miser tout sur la pénalité et rien sur le plan de prévention des risques unilatéral que mettrait en œuvre l’employeur.
Mme Cécile Cukierman. Ce n’est pas ce que nous avons dit !
M. Philippe Bas. C’est postuler que l’employeur est toujours de mauvaise foi et que son plan sera toujours mauvais.
Ce plan, je vous l’accorde, sera sans doute moins bon qu’un plan qui résulterait d’un accord. Mais pourquoi partir du principe que mieux vaut pas de plan et des pénalités que pas de pénalités et un plan ? Faisons un peu confiance à nos chefs d’entreprise !
Mme Cécile Cukierman. Ce n’est pas la question !
M. Philippe Bas. Pitié pour nos entreprises, qui sont non seulement montrées du doigt, taxées, surtaxées (Exclamations sur les travées du groupe socialiste et du groupe CRC.),...
M. Roland Courteau. Vous n’avez pas le sentiment d’exagérer ?
Mme Cécile Cukierman. Qu’elles augmentent les salaires !
M. Philippe Bas. ... mais aussi confrontées à la complexité croissante des règles qui leur sont appliquées. Et voilà que vous ajoutez à cette défiance, en affirmant qu’aucune de ces entreprises ne serait capable de concevoir et de mettre en œuvre, de bonne foi, un plan de prévention des risques professionnels digne de ce nom ! (Applaudissements sur les travées de l'UMP.)
Mme la présidente. La parole est à Mme Annie David, pour explication de vote.
Mme Annie David. On ne peut pas rester sans réagir après cette intervention. Quelle caricature ! Vous nous faites dire des choses complètement fausses, monsieur Bas.
Bien évidemment que la situation la plus favorable est celle qui résulte d’un accord sur la pénibilité. C’est le seul élément de votre intervention sur lequel je partage votre point de vue. Nous aussi, nous préférons qu’un accord soit recherché et signé par l’employeur et les représentants élus par le personnel, ou bien par des représentants extérieurs mandatés dans le cas où il n’y aurait pas d’organisation syndicale dans l’entreprise.
Vous nous mettez en garde contre l’attitude de certaines organisations de salariés, qui viendraient à la table des négociations avec la volonté préconçue de ne pas signer l’accord.
MM. Philippe Bas et Jean-Marie Vanlerenberghe. Cela peut se produire !
Mme Annie David. Vous nous demandez également de faire confiance aux patrons. J’ai envie de vous répondre : faites confiance aux organisations syndicales de salariés !
M. Philippe Bas. Aux deux !
Mme Annie David. Tout à fait, aux deux !
Pour notre part, nous demandons que, l’année suivant la mise en place d’un plan unilatéral de prévention des risques à la suite d’un constat de désaccord, on enjoigne aux partenaires en présence, c’est-à-dire à l’employeur et aux représentants des salariés, de revenir à la table des négociations pour aboutir enfin à un accord.
Nous en convenons tous, l’accord est la solution la plus favorable pour tout le monde : pour l’employeur, parce qu’il évite ainsi le paiement d’une pénalité ; pour les salariés, qui bénéficieront de meilleures conditions de travail, l’entreprise ayant pris des mesures pour lutter contre la pénibilité. Car le sujet qui nous occupe, monsieur Bas, c’est la pénibilité des conditions de travail des salariés dans l’entreprise !
Pensez-vous vraiment que des organisations syndicales mandatées par les salariés vont venir à la table des négociations en ayant décidé au préalable de ne pas signer l’accord dans le but que l’entreprise paie une pénalité ? Pensez-vous qu’elles se moquent à ce point des conditions de travail des salariés ? Non, cela ne marche pas comme cela dans les organisations syndicales ! Les représentants des personnels consultent les salariés et travaillent en concertation avec eux au sein de l’entreprise. Ils connaissent donc les mêmes conditions de travail que ceux au nom desquels ils négocient ce fameux accord.
Alors oui, faisons confiance au dialogue social dans nos entreprises et aux représentants des salariés pour proposer, lors de ces négociations, de vraies mesures de lutte contre la pénibilité ! Ces délégués sont tout de même les mieux placés pour connaître les conditions de travail auxquelles ils sont soumis au quotidien.
Vous nous faites parfois passer pour des utopistes qui ne connaissent rien à l’entreprise et qui se battent seulement pour des idéaux.
Oui, nous avons des valeurs, des idées, et elles sont tout aussi respectables que les vôtres ! Nos amendements ne sont pas des prétextes pour défendre je ne sais quelles postures idéologiques. Ces amendements, que mon groupe rédige et présente avec conviction, traduisent les propos de ceux qui nous ont fait confiance en nous permettant de les représenter dans cet hémicycle. C’est leur voix, que l’on n’entend jamais ailleurs, que nous avons envie de porter.
Oui, nous sommes favorables à des accords en faveur de la lutte contre la pénibilité des conditions de travail !
Oui, nous voulons que les entreprises qui ne respectent pas ces accords soient sanctionnées et que ces pénalités soient payées en vue d’abonder le fonds de pénibilité qui permettra, par la suite, de mettre en œuvre des mesures pour lutter contre la pénibilité !
Au XXIe siècle, dans la France de 2013, des salariés travaillent encore dans des conditions inacceptables.
M. Roland Courteau. C’est vrai !
Mme Annie David. Nous ne l’acceptons pas ! J’ai déjà évoqué le cas des travailleurs détachés ; je n’y reviens pas.
Ces amendements ont donc pour objet, je le répète, de faire entendre la voix de ces travailleurs qu’on n’entend nulle part ailleurs. (Applaudissements sur les travées du groupe CRC.)
Mme Michelle Demessine. Excellent !
Mme la présidente. La parole est à M. Jean Desessard, pour explication de vote.
M. Jean Desessard. Je suis particulièrement ému par le discours passionné de ma collègue Annie David, animé par son expérience de l’entreprise.
Mme Annie David. Ce n’est pas la même que M. Bas !
M. Jean Desessard. Cette intervention me conduit à poser la question suivante à Mme la ministre : va-t-on créer des postes d’inspecteurs du travail ?
Dans l’opposition, nous déplorions une baisse de leur effectif. S’ajoute désormais à ce problème la nouvelle comptabilité des points de pénibilité, qui va compliquer la tâche, non des entreprises dotées d’un service des ressources humaines, mais des petites entreprises. Le recrutement d’inspecteurs du travail faciliterait cette réforme.
Deuxième réflexion que m’inspirent les propos de Mme David : le monde du travail est constitué non seulement de moyennes et grandes entreprises, au sein desquelles les salariés sont représentés par des délégués syndicaux, mais aussi de petites entreprises de sous-traitance employant des salariés à temps partiel qui font le sale boulot. Il ne s’agit plus là de négociation entre un patron et une organisation syndicale reconnue, mais d’une situation dans laquelle plusieurs petites entreprises, liées par un contrat de sous-traitance à un grand groupe, font travailler des gens dans des conditions très difficiles.
Pour aider les salariés de ces petites entreprises, qui subissent la pénibilité, la précarité et qui ont du mal à faire valoir leurs droits, il est nécessaire qu’existent des organisations syndicales, certes, mais aussi un corps administratif d’inspecteurs du travail qui puisse les épauler, les informer et effectuer des contrôles.
Mme Cécile Cukierman. Nous partageons ce point de vue !
Mme la présidente. L’amendement n° 159, présenté par Mme David, M. Watrin, Mmes Cohen et Pasquet, M. Fischer et les membres du groupe communiste républicain et citoyen, est ainsi libellé :
Après l’alinéa 13
Insérer un paragraphe ainsi rédigé :
… – Le chapitre III du titre VI du livre Ier de la quatrième partie du code du travail, tel qu’il résulte du I est complété par un article ainsi rédigé :
« Art. L. 4163-5. – Trois mois avant l’échéance de l’accord ou du plan d’action mentionné à l’article L. 4163-2, l’entreprise transmet un bilan à la direction régionale des entreprises, de la concurrence, de la consommation, du travail et de l’emploi ou aux délégués du personnel. Si les engagements n’ont pas été tenus, la direction régionale des entreprises, de la concurrence, de la consommation, du travail et de l’emploi prononce une pénalité dans les conditions définies à l’article L. 4163-2. »
La parole est à Mme Isabelle Pasquet.
Mme Isabelle Pasquet. Cet amendement vise à instaurer un dispositif d’évaluation des résultats sur les accords ou les plans d’action négociés, afin de prévenir la pénibilité dans les entreprises.
Si l’instauration d’une reconnaissance de la pénibilité au travail ne peut qu’être saluée, il convient toutefois d’en garantir l’application. Ainsi, à l’issue de l’évaluation, si les engagements pris par les entreprises n’ont pas été respectés, il appartiendra à l’autorité administrative compétente de prononcer une pénalité.
Le projet de loi tel que proposé permet aux entreprises d’appliquer ce texte a minima par le biais d’un plan d’action qui pourra être décidé de manière unilatérale, et donc sans concertation, par l’employeur.
En France, aujourd’hui, plus de la moitié des entreprises ne respecteraient pas leurs obligations de prévention. Selon un rapport de 2010 de la sécurité sociale portant sur l’année 2009, près d’un million d’accidents de travail – 3,6 % des salariés – sont enregistrés annuellement et sont cause de plus de 500 décès.
Mme Cécile Cukierman. Écoutez bien, mes chers collègues !
Mme Isabelle Pasquet. Les maladies professionnelles, quant à elles, progressent de 8 % par rapport à l’année précédente, une tendance observée depuis dix ans.
Oui, l’exposition à des facteurs de pénibilité se traduit par des accidents du travail et des maladies professionnelles pour les salariés ! On déplore ainsi chaque jour, dans notre pays, deux morts par accident du travail et plus de dix des suites d’une exposition à l’amiante.
Mme Cécile Cukierman. C’est ça que vous voulez ?
Mme Isabelle Pasquet. Nous sommes face à une situation d’urgence sanitaire, absolument pas prise en compte, qui nécessite une politique volontariste.
Si cet article 8 relatif à l’accord et au plan d’action en faveur de la prévention de la pénibilité devait être adopté, pourquoi ne pas y préciser les modalités d’évaluation de ces actions spécifiques ? On ne peut pas, d’un côté, inciter les entreprises à définir des plans d’action pour lutter contre la pénibilité et, de l’autre, ne pas en évaluer les résultats. Cette situation n’est pas tenable.
Mme Annie David. Eh oui !
Mme Isabelle Pasquet. Par cet amendement, nous proposons donc d’inciter les entreprises à mettre en place une véritable politique de prévention de la pénibilité.
Mme la présidente. Quel est l’avis de la commission ?
Mme Christiane Demontès, rapporteur. Par cet amendement, il s’agit de confier à la DIRECCTE le soin de contrôler l’exécution de l’accord ou du plan d’action relatif à la prévention de la pénibilité.
L’accord ou le plan d’action doit comporter des objectifs chiffrés, dont la réalisation est mesurée à leur échéance grâce à des indicateurs, lesquels sont communiqués annuellement au CHSCT. C’est donc aux partenaires sociaux présents au sein de l’entreprise de réagir lors de la renégociation de l’accord – ou, le cas échéant, du débat relatif au plan d’action – si les objectifs initiaux n’ont pas été atteints. Les services de l’État n’ont donc pas à intervenir. Aussi la commission a-t-elle émis un avis défavorable.
Mme la présidente. Quel est l’avis du Gouvernement ?
Mme la présidente. La parole est à M. Gérard Longuet, pour explication de vote.
M. Gérard Longuet. En cas d’accord, celui-ci est intégré dans le contrat de travail. Dès lors, le salarié doit pouvoir employer les recours de droit commun.
Mme Christiane Demontès, rapporteur. Mais ce n’est pas le salarié qui conclut l’accord !
M. Gérard Longuet. Sauf erreur de ma part, le contentieux naturel est celui de l’application des conventions collectives, dans la tradition de la loi du 11 février 1950.
Mme Christiane Demontès, rapporteur. Il ne s’agit pas d’un accord personnel !
Mme la présidente. La parole est à Mme Annie David, pour explication de vote.
Mme Annie David. Monsieur Longuet, tous les accords conclus au sein de l’entreprise, notamment les plans unilatéraux, ne sont pas intégrés dans le contrat de travail, qui lie simplement un employé à son employeur. Ce sont là deux choses différentes.
Mme Christiane Demontès, rapporteur. Bien sûr !
Mme Annie David. Je songe par exemple aux dispositions relatives aux 35 heures. Le contrat de travail mentionne certes l’horaire, mais non l’accord en tant que tel. Je le répète, les accords relatifs à la pénibilité ne seront pas déclinés dans ce document.
Pour en revenir à ce que disait M. Bas il y a quelques instants, lorsqu’on se heurte à un désaccord, les organisations syndicales n’apposent pas leur signature au bas du procès-verbal. Dès lors, l’entreprise peut établir comme elle le souhaite le plan unilatéral qu’elle choisira ou non de mettre en œuvre. C’est la raison pour laquelle nous avons déposé cet amendement : bon nombre de plans peuvent être décidés unilatéralement par un employeur, mais si rien ne permet de les appliquer un tant soit peu par la suite, rien ne se fera dans l’entreprise.
Mme la présidente. La parole est à Mme Catherine Deroche, pour explication de vote.
Mme Catherine Deroche. Une fois n’est pas coutume, je souscris aux propos de Mme le rapporteur : si, lorsqu’un accord ou un plan d’action arrive à échéance, on constate que tous les engagements n’ont pas été tenus ou qu’ils ne l’ont été – plus vraisemblablement – que partiellement, c’est lors de la renégociation qu’il faut agir. Je ne suis donc pas favorable à cet amendement, qui tend à infliger des pénalités en cas de non-respect à l’échéance.
Mme la présidente. La parole est à M. Philippe Bas, pour explication de vote.
M. Philippe Bas. Il s’agit là d’une question délicate : faut-il ériger le juge ou bien l’inspecteur du travail en censeur ou en évaluateur de l’application des accords dont nous débattons ?
S’il s’agit du juge, lequel doit intervenir ? Seule une partie des accords collectifs peut être inscrite dans le contrat de travail, je l’entends bien. Toutefois, s’il s’agit d’un accord collectif portant sur la durée du travail ou sur l’évolution des salaires, certaines dispositions s’y incorporeront.
Mme Annie David. C’est ce que j’ai dit !
M. Philippe Bas. Si les engagements de l’employeur ne sont pas tenus, n’importe quel salarié pourra en revendiquer l’application devant les prud’hommes.
Mme Annie David. Mais il ne s’agira pas d’un contrat de travail !
M. Philippe Bas. Comme Mme David vient de le souligner à juste titre, une partie de l’accord collectif présente, dans ce cas, une dimension individuelle dont le salarié peut se prévaloir.
Parallèlement, en cas de violation de l’accord par le chef d’entreprise, le juge de l’accord de travail peut également être saisi par toute organisation syndicale.
Ainsi, si l’on se place dans la logique de la négociation, qui est justement celle que défendent nos collègues du groupe CRC et que nous défendons également, quoique d’une autre manière, il faut en tirer toutes les conséquences. Il faut considérer que, dans cette partie du droit du travail qui concerne la pénibilité, il n’y a pas lieu d’appliquer des règles différentes du droit commun. Dès lors, on se tourne vers le juge de droit commun.
Cela étant, les auteurs de cet amendement soulèvent la question suivante : ne vaut-il pas mieux se tourner vers l’inspecteur du travail que vers le juge ? C’est un vaste débat, qui a rebondi dans d’autres domaines du droit du travail au cours des vingt-cinq dernières années. Il s’agit, là aussi, d’une question délicate.
Je suis assez convaincu par les arguments donnés par Mme le rapporteur et approuvés par Mme la ministre, auxquelles je présente mes excuses à ce titre, car je ne voudrais pas que mon soutien leur paraisse trop encombrant auprès de leurs partenaires. (Sourires sur les travées de l'UMP.) Je résumerai ces motifs en quelques mots.
Certes, si les engagements n’ont pas été tenus au terme du plan ou de l’accord, il s’agira là d’un élément majeur de la négociation, qui pourra conduire des organisations syndicales à refuser de conclure un nouvel accord et à exposer ainsi l’employeur à des pénalités. Néanmoins, cela ne prive en aucun cas les organisations syndicales et les représentants du personnel du droit à former un recours devant la juridiction compétente pour violation des engagements pris. Au reste, ce recours peut être formé à tout moment, si les organisations syndicales s’y jugent fondées pour avoir constaté, de leur point de vue, le non-respect de l’un des engagements.
Pour toutes ces raisons, et après avoir discuté de cette question avec mes collègues du groupe UMP – sans a priori négatif de principe concernant cette disposition –, nous ne pouvons que recommander le rejet de cet amendement.
Mme la présidente. La parole est à Mme Isabelle Pasquet, pour explication de vote.
Mme Isabelle Pasquet. Pour la première fois, un projet de loi affiche comme objectif de prendre en compte les conséquences de la pénibilité du travail.
Mme Laurence Rossignol. Pour la première fois !
Mme Isabelle Pasquet. Toutefois, le Gouvernement a choisi de présenter un texte de loi si complexe que son application pose question et qu’il laisse craindre un usage partiel de ces dispositions, notamment dans le cadre des négociations d’entreprise. En effet, si cette réforme des retraites introduit plusieurs dispositions dans les codes du travail et de la sécurité sociale au sujet de la pénibilité au travail, elle ne prévoit pas d’évaluer les résultats des plans d’action mis en place, alors que ceux-ci peuvent être décidés unilatéralement par l’employeur.
Pourtant, la pénibilité au travail est une réalité grandissante pour bon nombre de nos concitoyens. Je ne reviendrai pas sur les propos que j’ai développés en présentant cet amendement. Je souligne simplement que, dans son étude « Santé et travail des Franciliens » issue de l’exploitation régionale du baromètre santé 2010 de l’Institut national de prévention et d’éducation pour la santé, l’INPES, près de la moitié des actifs franciliens déclarent travailler dans des postures pénibles ou fatigantes.
L’exposition à des facteurs de risques professionnels engendrant des inégalités d’espérance de vie, elle nécessite la mise en place de dispositifs de prévention de la pénibilité. Évaluer ces actions spécifiques ne pourrait être que bénéfique aux salariés et aux entreprises. Ces dernières disposent notamment des outils de contrôle nécessaires à l’amélioration des dispositifs de prévention.
Il me semble important que les DIRECCTE soient chargées de ce dossier. En effet, elles peuvent jouer un rôle de modérateur et trouver ainsi toute leur place dans la lutte contre la pénibilité. C’est pourquoi, je le répète, mes chers collègues, je vous invite à adopter cet amendement.
Mme la présidente. Je mets aux voix l'article 8, modifié.
(L'article 8 est adopté.)
Article 9
I. – Après l’article L. 161-17-2 du code de la sécurité sociale, il est inséré un article L. 161-17-4 ainsi rédigé :
« Art. L. 161-17-4. – L’âge prévu à l’article L. 161-17-2 est abaissé, à due concurrence du nombre de trimestres attribués au titre de la majoration de durée d’assurance prévue à l’article L. 351-6-1, dans des conditions et limites fixées par décret. »
II. – La sous-section 1 de la section 2 du chapitre Ier du titre V du livre III du même code est complétée par un article L. 351-6-1 ainsi rédigé :
« Art. L. 351-6-1. – I. – Les assurés titulaires d’un compte personnel de prévention de la pénibilité prévu à l’article L. 4162-2 du code du travail bénéficient, dans les conditions prévues à l’article L. 4162-4 du même code, d’une majoration de durée d’assurance.
« Cette majoration est accordée par le régime général de sécurité sociale.
« II. – La majoration prévue au I du présent article est utilisée pour la détermination du taux défini au deuxième alinéa de l’article L. 351-1.
« Les trimestres acquis au titre de cette majoration sont, en outre, réputés avoir donné lieu à cotisation pour le bénéfice des articles L. 351-1-1 et L. 634-3-2 du présent code, du II des articles L. 643-3 et L. 723-10-1 du même code, de l’article L. 732-18-1 du code rural et de la pêche maritime et de l’article L. 25 bis du code des pensions civiles et militaires de retraite. »
Mme la présidente. La parole est à Mme Isabelle Pasquet, sur l'article.
Mme Isabelle Pasquet. En 2010, Nicolas Sarkozy, qui savait que sa réforme des retraites était contestée dans la rue, a voulu donner l’illusion de prendre en compte les besoins spécifiques des salariés exposés à des facteurs de risques. Ainsi, il a permis à certains d’entre eux, sous certaines conditions, d’obtenir une retraite « anticipée » à sa manière. En effet, cette disposition permettait à de très rares bénéficiaires de partir à la retraite à soixante ans, c’est-à-dire l’âge légal, avant qu’il ne le repousse. En définitive, par l’accumulation des règles et des restrictions, cette demi-mesure n’a totalisé que 5 000 bénéficiaires, quand elle aurait pu, théoriquement, en compter 30 000.
En la matière, le présent texte constitue indéniablement une amélioration. Il va également plus loin que les recommandations formulées au titre du rapport Moreau, qui ne prévoyait que la possibilité d’accorder aux salariés le droit de racheter des trimestres manquants, autrement dit d’éviter des périodes sans cotisations et non de garantir un droit à la retraite anticipée. Désormais, cette possibilité sera ouverte : les assurés pourront utiliser les points qu’ils auront cumulés du fait de leur exposition à des facteurs de risques, à la fois pour avancer leur âge de départ à la retraite à due concurrence du nombre de trimestres attribués grâce au compte et pour bénéficier d’une majoration de trimestres attribués par la Caisse nationale d’assurance vieillesse, la CNAV.
Nous sommes, de prime abord, sensibles à cette approche, qui constitue le second volet du présent projet de loi en matière de pénibilité. Les précédents articles organisaient la prévention. Celui-ci, pour sa part, organise la réparation. Or c’était là la pierre d’achoppement avec le patronat, lequel refusait d’admettre que le travail pouvait être à l’origine d’une dégradation précipitée de l’espérance de vie et de l’espérance de vie en bonne santé. Visiblement, le MEDEF n’a pas pris connaissance des études statistiques démontrant que les conditions de travail des salariés sont en grande partie responsables des écarts observés en la matière : sept ans d’espérance de vie séparent, en moyenne, un cadre et un ouvrier, au détriment du second, bien entendu.
Néanmoins, cette faculté est strictement encadrée. Au mieux – c’est-à-dire en cas d’application complète du dispositif –, un salarié exposé pendant toute sa carrière à deux facteurs de risques ou plus ne pourra prétendre qu’à un départ à la retraite anticipé de deux ans. Ainsi, il pourra prendre sa retraite à soixante ans.
Paradoxe, alors que le Gouvernement souhaitait se démarquer de la réforme de 2010, in fine seuls les salariés qui sont exposés à des travaux pénibles et qui bénéficient du dispositif de carrière longue pourront prétendre à un départ à soixante ans.
Je reconnais que le dispositif proposé s’adresse potentiellement à un plus grand nombre de salariés que le système mis en place par M. Woerth. Certains éléments ne nous laissent pas moins dubitatifs.
Ainsi, pourquoi avoir renoncé à attribuer des points à titre rétroactif ? Il est certes nécessaire d’attendre l’élaboration d’une liste pour certains facteurs nouveaux, mais une fois ce document établi, pourquoi ne pas accorder des points au titre des expositions passées, sur la base même du contrat de travail ?
J’ai bien entendu l’argument selon lequel les fiches prévues à l’article 6 n’existant pas – même si cet article va certainement ressusciter à l’Assemblée nationale – et les fiches prévues par la loi de 2010 n’ayant pas été remplies, il serait difficile d’évaluer le degré ou la réalité de l’exposition du salarié à un ou plusieurs facteurs de risques.
Il est certaines professions où le travail est par essence pénible. Les ouvriers du BTP, qui réalisent des travaux en extérieur, été comme hiver, qui portent de lourdes charges et qui sont appelés à travailler en hauteur sont, personne ne le niera, exposés à des facteurs de risques.
De la même manière, est-il vraiment nécessaire d’attendre les nouvelles fiches pour mesurer l’exposition à des facteurs de risques de salariés au contact de substances chimiques dangereuses qui font l’objet de déclaration depuis des années, alors que, depuis le 7 mars 2008, l’article R. 4412-40 du code du travail dispose que « l’employeur tient une liste actualisée des travailleurs exposés aux agents chimiques dangereux très toxiques, toxiques, nocifs, corrosifs, irritants, sensibilisants, cancérogènes, mutagènes et toxiques de catégorie 3 pour la reproduction ainsi qu’aux agents cancérogènes mutagènes et toxiques pour la reproduction définis à l’article R. 4412-60. Cette liste précise la nature de l’exposition, sa durée ainsi que son degré, tel qu’il est connu par les résultats des contrôles réalisés ».
Pourquoi donc ne pas permettre aux salariés exposés à trois ou quatre facteurs de risques de cumuler plus de points que celles et ceux de leurs collègues qui ne sont exposés qu’à deux de ces facteurs ? Il est pourtant évident que plus les facteurs sont nombreux, plus les sources d’exposition sont diversifiées, plus les salariés sont fragilisés et encourent le risque de contracter de multiples maladies professionnelles, notamment à effets différés. Pourquoi, dès lors, ne pas avoir accordé plus de points aux salariés dont l’exposition a été plus longue ?
À notre grand regret, le départ à la retraite à soixante ans en cas de travaux pénibles, que nous défendions ensemble, n’est toujours pas possible. Tout nous porte à croire que les conditions limitatives que vous avez introduites ont été conçues de telle sorte que le symbole d’un départ à la retraite à taux plein avant soixante ans ne puisse être concrétisé. En raison de quoi, le groupe CRC s’abstiendra sur cet article.
Mme la présidente. La parole est à M. Gérard Longuet, sur l'article.
M. Gérard Longuet. L’article 9 n’a pas été adopté en commission. Mme Pasquet vient d’expliquer les raisons du groupe CRC ; quant à nous, nous avons repoussé cet article, parce que nous ne comprenons pas sa logique dans le temps : il permet d’utiliser les points du compte personnel de prévention de la pénibilité, le CPPP, pour des départs anticipés, mais il apparaît difficile pour un non-spécialiste de comprendre exactement ce qui sera possible.
Je me prends à penser, madame le ministre, que cette opacité est volontaire, car elle constitue la seule réponse que vous pouvez livrer à l’opinion compte tenu des contradictions dont vous êtes porteurs depuis 2003 et qui ont été renouvelées tout au long de la campagne présidentielle de 2012, contradictions dont vous ne parvenez pas à sortir.
Je le répète, vous avez condamné notre réforme de 2003, la réforme des régimes spéciaux de 2008, la réforme de 2010, en particulier le fait de porter à soixante-deux ans l’âge de la retraite à taux plein du régime général par répartition. Aujourd’hui, vous êtes contraints de sortir de cette impasse. À travers la confusion introduite avec le CPPP, vous donnez à croire qu’avec un peu de chance il sera possible d’échapper aux mesures que vous condamniez hier, qui, nous le savons, constituent, hormis pour les carrières longues, une nécessité absolue.
Vous remplacez en cet instant au banc Mme Marisol Touraine, c’est le droit du Gouvernement de s’organiser comme il l’entend, mais j’aurais pourtant aimé que Mme la ministre de la santé entende mon rappel de ses déclarations de novembre 2011, tenues au cours d’un débat sur internet.
Un internaute lui posait la question suivante : « Pouvez-vous nous confirmer que, en cas de victoire du PS en 2012, vous reviendrez sur l’âge de la retraite de façon objective, équitable et en toute transparence ? »
À cette question claire et légitime, la réponse fut plus obscure : « La question des âges est évidemment essentielle. » Jusque-là, c’est banal ! « Nous disons clairement » – il faut toujours se méfier des gens qui parlent clairement ou franchement – « que nous reviendrons à l’âge légal de départ en retraite à 60 ans. » Voilà qui est dit !
« Qu’est-ce que cela veut dire ? » Le « clairement » est là rendu plus complexe, afin de s’assurer que l’on ne répond pas : « Cela veut dire que l’on pourra partir en retraite à 60 ans comme c’est le cas aujourd’hui. On pourra le faire à taux plein si on a toutes ses annuités, » – le discours commence à déraper…
Mme Christiane Demontès, rapporteur. Mais non !
M. Gérard Longuet. … puisque l’on sait que les annuités ne seront pas remises en cause et que l’âge d’accès au travail est de l’ordre de vingt-trois ans en moyenne dans notre pays – « sinon il faudra travailler au-delà ou bien partir avec une moindre retraite. Mais contrairement à ce que dit la droite, ça n’est pas un recul puisque c’est très exactement la situation actuelle. Donc oui, nous sommes transparents : l’âge légal de départ en retraite reviendra à 60 ans et l’âge légal de départ sans décote à 65. »
Mes chers collègues, vous êtes prisonniers de cet engagement, qui, vous le saviez, était intenable au moment même où vous le contractiez. Vous n’êtes pas revenus sur l’âge de soixante-deux ans, ce dont je vous remercie sinon c’eût été une véritable catastrophe pour le pays, et vous vous ménagez une porte de sortie, ou plutôt une sorte de soupape de sûreté afin d’éviter que la marmite n’explose, avec le CPPP. Malgré la complexité évidente de ce dispositif, vous laissez entendre que des choses seront possibles, mais nous ne savons pas exactement comment.
Une majorité s’est constituée en commission pour repousser cet article. Pourtant, chacun avait des raisons différentes : les uns demandaient le retour à soixante ans et moins, les autres exigeaient le maintien à soixante-deux ans. Mais vous n’avez pas voulu répondre. Vous avez donc été victimes de cette équivoque.
Mme la présidente. La parole est à M. Jean-Marie Vanlerenberghe, sur l'article.
M. Jean-Marie Vanlerenberghe. Dès lors que l’on veut traiter de la pénibilité, cet article nous apparaît nécessaire. Nous ferons donc abstraction de la suppression de l’article 6.
L’article 9 vise à préciser les effets de la majoration de la durée d’assurance attribuée à un salarié au titre des points accumulés sur le compte de prévention de la pénibilité. Quel dommage que vous ne soyez pas convaincus par la nécessité de passer à un régime par points !
M. Gérard Longuet. Exactement !
M. Jean-Marie Vanlerenberghe. C’eût été d’une simplicité biblique, sans référence aucune…
M. Gérard Longuet. À la paille et à la poutre !
M. Jean-Marie Vanlerenberghe. … à ce qui a été évoqué précédemment.
M. Gérard Longuet. Assumons notre héritage, mon cher collègue !
M. Jean-Marie Vanlerenberghe. Je l’assume, mais, en l’occurrence, je ne cherchais pas à m’y référer. (Sourires.)
Je veux simplement dire qu’il aurait été beaucoup plus simple d’instaurer un tel système, parce qu’il aurait suffi de bonifier les points sur le compte de chaque travailleur exposé à la pénibilité.
Le dispositif proposé ici vise à transformer les trimestres en cotisation pour pouvoir donner cette bonification. Comme nous sommes tout à fait d’accord avec le principe, nous ne nous opposerons pas à cet article.
Mme Catherine Procaccia. Ainsi, le Sénat aura quelque chose à proposer en commission mixte paritaire !
Article additionnel après l'article 9
Mme la présidente. L'amendement n° 279, présenté par MM. Longuet et Cardoux, Mmes Boog, Bruguière, Bouchart, Cayeux, Debré et Deroche, M. Dériot, Mme Giudicelli, MM. Gilles et Husson, Mme Hummel, MM. Fontaine, de Raincourt, Laménie et Milon, Mme Kammermann, M. Pinton, Mme Procaccia, M. Savary et les membres du groupe Union pour un Mouvement Populaire, apparentés et rattachés, est ainsi libellé :
Après l'article 9
Insérer un article additionnel ainsi rédigé :
Dans l’année suivant la promulgation de la présente loi, le Gouvernement remet au Parlement un rapport étudiant les possibilités de rationalisation des différents régimes de cessation anticipée d’activité dans le sens d’une mise en cohérence avec le dispositif du compte personnel de prévention de la pénibilité.
La parole est à Mme Catherine Deroche.
Mme Catherine Deroche. Cet amendement vise à demander au Gouvernement la remise d’un rapport qui étudierait les possibilités de rationalisation des différents régimes de cessation anticipée d’activité.
Mme Annie David. Un rapport ? Tiens, c’est étonnant !
Mme Catherine Deroche. Il existe aujourd’hui plusieurs dispositifs de cessation anticipée d’activité : invalidité, inaptitude, exposition à l’amiante, ce dernier régime étant financé par le Fonds de cessation anticipée d’activité des travailleurs de l’amiante, le FCAATA. Avec la mise en place du compte personnel de prévention de la pénibilité, s’il était rétabli, il convient, dans un souci de simplification et de lisibilité, de rationaliser ces différents systèmes de cessation anticipée d’activité.
Mme la présidente. Quel est l’avis de la commission ?
Mme Christiane Demontès, rapporteur. J’avoue ne pas comprendre le sens de cet amendement. Les différents régimes de cessation anticipée d’activité ne répondent pas tous à la même logique, et le compte personnel de prévention de la pénibilité ne s’y superpose pas, mais les complète.
Quels sont les points communs entre une personne ayant commencé à travailler à seize ans et qui peut bénéficier de la retraite anticipée pour carrière longue, une personne souffrant d’une importante invalidité à la suite d’un accident professionnel, qui peut bénéficier d’une retraite anticipée pour invalidité, et un salarié ayant travaillé de nuit pendant toute sa carrière, qui bénéficiera d’une majoration de durée de cotisation grâce au CPPP ?
Face à la retraite, chaque situation spécifique doit être traitée de façon adaptée, et je ne vois pas en quoi un rapport pourrait relever autre chose que ce que je viens de dire. L’avis de la commission est donc défavorable.
Mme la présidente. Quel est l’avis du Gouvernement ?
Mme la présidente. La parole est à M. Gérard Longuet, pour explication de vote.
M. Gérard Longuet. Cet amendement est pertinent en ce qu’il demande au Gouvernement de faire le point, d’une façon régulière, constante, officielle et publique, sur les raisons parfaitement justifiées et explicables – différentes aussi, je le reconnais – qui aboutissent toutes à un même résultat : le contournement de la règle des soixante-deux ans.
Mme Christiane Demontès, rapporteur. C’est la prise en compte des parcours individuels !
M. Gérard Longuet. Il est très important que le Gouvernement produise ce rapport, parce que, in fine, ce contournement, dont je conviens qu’il est le résultat de l’addition de parcours individuels, aboutit à des charges assumées par la collectivité, et donc par le contribuable, au titre de la solidarité de l’État vis-à-vis de l’équilibre des régimes dont il a lui-même fixé les règles de par la loi.
Madame la présidente, je ne comprends pas l’évolution du décompte de mon temps de parole.
Mme Catherine Procaccia. Le décompte est parti en sens inverse !
M. Gérard Longuet. Je m’en inquiète, mes chers collègues, car j’essaie de respecter le temps qui m’est imparti, pour ne pas vous accabler. (Exclamations ironiques sur les travées du groupe socialiste et du groupe CRC.)
M. Claude Jeannerot. C’est toujours un plaisir !
M. Gérard Longuet. Cela étant, il n’est pas complètement inutile de disposer d’un tableau de bord, car l’addition, et peut-être la superposition, de ces situations mérite d’être connue.
Je serais curieux, par exemple, madame la ministre, de savoir comment vous comptez rétablir le régime de l’exposition à l’amiante, qui est nécessairement en déséquilibre.
Un sénateur du groupe UMP. Par une subvention de l’État !
M. Gérard Longuet. Voilà ! Il ne serait donc pas inutile, pour ceux qui parlent au nom du contribuable, de disposer chaque année, d’une façon immédiate et prospective, des probabilités les plus fortes d’être sollicités.
Si certaines situations sont très claires et méritent considération et action immédiate, il est vraisemblable que le CPPP deviendra un facteur de conflits sociaux et donc d’arbitrages politiques, dont nous mesurons bien, au vu de l’actualité récente, que, s’ils sont parfois imprévisibles, ils se traduisent toujours par une charge nouvelle supportée par le contribuable.
Le rappel à l’ordre que propose Mme Deroche m’apparaît donc pertinent, afin que les représentants des contribuables puissent savoir à quels risques ils sont exposés en matière de finances publiques.
Mme la présidente. Je mets aux voix l'amendement n° 279.
(L'amendement n'est pas adopté.)
Article 9 bis (nouveau)
À l’intitulé du chapitre II du titre IV de la loi n° 2010-1330 du 9 novembre 2010 portant réforme des retraites, les mots : « de la pénibilité » sont remplacés par les mots : « d’une incapacité permanente ». – (Adopté.)
Article 10
I. – Le I de l’article 86 et l’article 88 de la loi n° 2010-1330 du 9 novembre 2010 portant réforme des retraites sont abrogés.
II. – Les articles 5 à 9 de la présente loi entrent en vigueur à compter du 1er janvier 2015, à l’exception du dernier alinéa de l’article L. 4162-3 du code du travail, qui entre en vigueur à une date fixée par décret en Conseil d’État et, au plus tard, cinq ans après l’entrée en vigueur de l’article 6.
Mme la présidente. La parole est à M. Michel Le Scouarnec, sur l'article.
M. Michel Le Scouarnec. Outre l’abrogation de deux articles de la réforme de 2010 – cela ne constitue ni une remise en cause de la loi de 2010 ni un quitus sur l’efficacité de cette réforme –, l’article 10 précise que les articles 5 à 9 de ce projet de loi, qui sont relatifs au compte personnel de prévention de la pénibilité, n’entreront en vigueur qu’au 1er janvier 2015, exception faite de la transmission de la copie de la fiche de prévention de la pénibilité aux caisses chargées de la gestion du compte, une mesure appliquée au plus tard cinq ans après l’entrée en vigueur de l’article 6, qui renaîtra sans doute de ses cendres.
Si nous n’avons pas d’observations particulières à formuler sur cet article, nous avons néanmoins quelques interrogations.
Tout d’abord, nous ne comprenons pas pourquoi ces mesures ne seront applicables que dans plus d’un an. Pourquoi ne pas avoir prévu dans la loi que le compte personnel de prévention de la pénibilité serait rétrospectivement crédité des points accumulés entre la promulgation de cette loi et le 1er janvier 2015 ? Cela aurait laissé aux partenaires sociaux le temps de la négociation, tout en garantissant aux salariés la prise en compte de leur exposition à des facteurs dangereux durant cette période.
En faisant dépendre tout le dispositif d’une entrée en vigueur si lointaine, vous laissez les salariés être exposés à des facteurs de risques professionnels, dans la mesure où jamais cette période d’exposition ne sera prise en compte.
Si je fais un parallèle avec l’amiante, le dispositif que vous proposez n’a guère de sens. En effet, en cas d’exposition à cette fibre hautement cancérigène, l’indemnisation du salarié commence au moment où le salarié a été exposé et non pas dès lors que l’employeur a eu conscience ou connaissance de cette exposition. C’est la base de l’obligation de résultat qui pèse sur les employeurs.
C’est pourquoi nous sommes persuadés qu’il était possible, souhaitable et conforme à notre tradition législative en matière de protection de la santé au travail de rendre possible l’accumulation des points dès la promulgation de la loi, charge, ensuite, aux caisses de redresser la carrière et d’attribuer les points correspondants.
En outre, nous partageons les inquiétudes de la FNATH, la Fédération nationale des accidentés du travail et des handicapés, quant au flou qui persiste concernant les dispositions applicables aux personnes ayant été exposées à des facteurs de pénibilité et arrivant, au cours des prochaines années, à l’âge de la retraite.
En dépit des mesures adoptées par l’Assemblée nationale et la commission, il nous semble que les salariés dont l’âge est compris entre 50 et 58 ans sont les grands perdants du compte personnel de prévention de la pénibilité. En effet, trop âgés pour accumuler suffisamment de points et pas assez pour bénéficier pleinement des majorations accordées aux salariés dont l’âge est proche de la retraite, ils ne parviendront à accumuler qu’un nombre limité de points et ne pourront, par conséquent, prétendre qu’à peu de droits.
Certes, les salariés âgés de plus de 52 ans ne seront désormais pas contraints de verser leurs vingt premiers points, qui pourront parfois représenter tout leur capital, sur le compte personnel de formation, et c’est là une avancée.
Toutefois, au-delà, quels seront leurs droits ? Quels avantages concrets tireront-ils des mesures prévues dans ces articles ? Un salarié âgé de 57 ans disposant de vingt points pourra-t-il prétendre à un départ anticipé ? Si oui, de combien de mois ou de trimestres pourra-t-il bénéficier, et dans quelles conditions ?
Ces interrogations sont légitimes, car les salariés ayant été exposés à des facteurs à risques sont nombreux. Nous ne devons ni les oublier ni renoncer à leur garantir une réparation entière eu égard à la diminution de leur espérance de vie en raison d’une exposition professionnelle à des facteurs de risques.
Sous réserve d’obtenir des réponses à ces questions, madame la ministre, le groupe CRC optera pour l’abstention.
Mes chers collègues, permettez-moi d’ajouter quelques mots au sujet du débat qui a eu lieu ce matin.
Je veux dire à nos collègues Philippe Bas et Gérard Longuet que le groupe CRC est du côté de tous les salariés et de tous les employeurs honnêtes et respectueux des lois et des salaires. Les sénateurs communistes ont aussi des mandats locaux et ils rencontrent donc des employeurs comme des salariés. Pendant dix-sept ans, je n’ai eu que de bonnes relations avec les employeurs de ma ville, qui compte de très nombreuses entreprises et offre 8 000 emplois.
Lorsque vous vous êtes exprimés tout à l'heure, j’ai ressenti un certain mépris à notre égard.
M. Gérard Longuet. Pas du tout !
M. Michel Le Scouarnec. Je tenais à le dire, car c’est la première fois depuis plus de deux ans que je ressens un tel sentiment !
J’ai éprouvé le même malaise lorsque M. Bas a pris la parole, alors que le débat démocratique doit être marqué du sceau du respect des personnes, de leurs propos et de la liberté de pensée.
Mme Christiane Demontès, rapporteur. Très bien !
M. Michel Le Scouarnec. Je ne sais pas si d’autres collègues ont également ressenti ce malaise. (Marques d’approbation sur les travées du groupe CRC et du groupe socialiste.)
Mme Catherine Génisson. Absolument !
M. Michel Le Scouarnec. En tout cas, en cette fin de matinée, je tenais à le souligner.
Chers collègues de l’opposition, de temps à autre, il faut cesser de juger et de donner des leçons de morale ! (Applaudissements sur les travées du groupe CRC et du groupe socialiste.)
Mme la présidente. Mes chers collègues, nous allons maintenant interrompre nos travaux ; nous les reprendrons à quinze heures.
La séance est suspendue.
(La séance, suspendue à douze heures trente-cinq, est reprise à quinze heures, sous la présidence de M. Jean-Pierre Bel.)
PRÉSIDENCE DE M. Jean-Pierre Bel
M. le président. La séance est reprise.
3
Questions d'actualité au Gouvernement
M. le président. L’ordre du jour appelle les réponses à des questions d’actualité au Gouvernement.
Je rappelle que l’auteur de la question dispose de deux minutes trente, de même que la ou le ministre pour sa réponse.
dotations aux collectivités territoriales
M. le président. La parole est à M. Aymeri de Montesquiou.
M. Aymeri de Montesquiou. Ma question s'adresse à Mme la ministre de la réforme de l'État, de la décentralisation et de la fonction publique.
Face aux déficits budgétaires, chacun doit participer à la baisse des dépenses, y compris les collectivités territoriales. Seulement, de son côté, l’État ne s’applique pas l’effort qu’il leur demande. En effet, entre 2013 et 2015, alors que les dotations aux collectivités territoriales baisseront de 3,6 %, les dépenses de l’État augmenteront de 2 %, passant de 299,5 milliards d’euros à 305,5 milliards d’euros.
L’effort que le Gouvernement demande aux petites communes rurales n’est pas soutenable. Ces communes ont des ressources extrêmement faibles, parmi lesquelles les dotations de l’État tiennent une place majeure. Leurs dépenses de fonctionnement, notamment salariales, sont quant à elles quasiment incompressibles : elles se résument au traitement d’une secrétaire de mairie et d’un employé communal quelques heures par semaine, le maire ne recevant qu’une indemnité symbolique.
Madame la ministre, il est inexact que la baisse des dotations représentera en moyenne 0,69 % par collectivité territoriale, comme vous le soutenez. À la vérité, la part communale forfaitaire de la DGF subira une réduction de plus de 800 millions d’euros, soit un taux supérieur à 4 % par rapport à l’an passé. Ni la péréquation ni la dotation de solidarité rurale ne suffiront à compenser une contraction aussi importante !
De plus, vous avez déclaré que vous ne pouviez pas prendre d’engagement, au nom de l’État, sur la fin de la réduction des dotations ; c’est un signal très négatif pour les projets d’investissement, que vous prétendez vouloir préserver.
On ne peut demander plus à des communes déjà exsangues. Vous devez fixer un plancher protecteur pour les petites communes rurales. À l’image de ce qui fut fait avec le Fonds national de péréquation des ressources intercommunales et communales, créé en 2011, vous devez mettre en place une réforme des dotations par stratification : la baisse de la DGF ne pourrait-elle pas être modulée par strates de population et de budget de fonctionnement ?
Madame la ministre, je vous le demande avec insistance : ne condamnez pas les petites communes rurales ! (Applaudissements sur les travées de l'UDI-UC, ainsi que sur certaines travées du RDSE.)
Mme Marie-Hélène Des Esgaulx. Très bien !
M. François Marc. Ça sent les sénatoriales !
M. le président. La parole est à Mme la ministre de la réforme de l'État, de la décentralisation et de la fonction publique.
Mme Marylise Lebranchu, ministre de la réforme de l'État, de la décentralisation et de la fonction publique. Monsieur le sénateur, je vous remercie de votre question, même si je ne partage pas votre analyse.
M. Aymeri de Montesquiou. Les chiffres sont là !
Mme Marylise Lebranchu, ministre. Permettez-moi de vous rappeler un certain nombre de faits importants.
Je n’ai pas affirmé qu’une diminution de 1,5 milliard d’euros correspondait, en moyenne, à 0,69 % par collectivité territoriale ; j’ai fait remarquer qu’elle représentait 0,69 % de l’ensemble des dotations de l’État, dont il faut se souvenir que leur total dépasse 80 milliards d’euros.
À cet égard, d’ailleurs, je vous rappelle que le Gouvernement a consenti des efforts, puisqu’il a augmenté de 4 % la dotation de solidarité urbaine, la DSU, et la dotation de solidarité rurale, la DSR – cette mesure, monsieur le sénateur, rejoint vos préoccupations. Aussi, les collectivités territoriales rurales ne subiront pas une baisse moyenne de 0,69 % de leur dotation.
Que les collectivités territoriales participent à l’effort était inévitable. Certains, comme Mme Pécresse, ont proposé une baisse des dotations de 5 milliards d’euros par an. Ils n’ont pas été suivis par le Président de la République, qui a voulu que la participation des collectivités territoriales soit inférieure à celle de l’État. Monsieur le sénateur, vous avez donc largement obtenu satisfaction. Certains diraient même que nous avons reculé sur la baisse des dotations des collectivités territoriales, mais nous l’avons fait pour protéger nos communes.
Comme je viens de le rappeler, nous avons décidé d’aider davantage les communes en difficulté, en augmentant la DSU et la DSR de plus de 4 %.
Même si vous n’êtes pas tout à fait d’accord avec notre interprétation de la situation, vous pouvez reconnaître que nous avons préservé la péréquation ; nous l’avons même augmentée, pour aider autant que possible les collectivités territoriales les plus pauvres.
Monsieur le sénateur, vous mettez en lumière les difficultés des communes et des communautés de communes rurales. Or si certaines d’entre elles sont en très grande difficulté, d’autres se portent correctement ; il est très important que nous en tombions d’accord. Nous ne pouvons pas considérer qu’elles sont toutes dans la même situation. (M. Aymeri de Montesquiou acquiesce.)
En plus d’avoir persuadé les uns et les autres de consentir un effort sur la péréquation – l’Assemblée nationale en a accepté le principe –, nous avons posé la question de la DGF et de la péréquation verticale.
M. François Marc. Très bien !
Mme Marylise Lebranchu, ministre. À cet égard, vous avez raison : indépendamment des dégâts, que nous reconnaissons tous et que nous essayons de pallier, du remplacement de la taxe professionnelle par la cotisation sur la valeur ajoutée des entreprises, la CVAE, nous essayons, chaque année, de poser la question de ces péréquations.
M. le président. Veuillez conclure, madame la ministre.
Mme Marylise Lebranchu, ministre. Je pense que la remise à plat de la DGF et, par exemple, la prise en compte des mètres carrés agricoles et des mètres carrés des protections sont des idées importantes. Ensemble, monsieur le sénateur, nous y arriverons ! (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste.)
M. le président. La parole est à M. François Patriat.
M. François Patriat. En l’absence de M. Sapin, ministre du travail et de l’emploi, ma question s'adresse à Mme Lebranchu, ministre de la réforme de l’État, de la décentralisation et de la fonction publique.
Il y a 440 000 apprentis en France. L’apprentissage est une des voies de la réussite : il permet à de nombreux jeunes d’accéder à l’emploi dans des conditions que, aujourd’hui, les entreprises recherchent.
Les régions sont pleinement compétentes dans le domaine de l’apprentissage ; elles entendent assumer cette compétence, malgré le contexte de crise qui rend plus difficiles les recrutements d’apprentis.
Le projet de loi de finances pour 2014 prévoit de réserver aux entreprises de moins de dix salariés le bénéfice de la prime pour l’apprentissage.
M. Alain Gournac. C’est une erreur !
M. François Patriat. C’est une mesure que nous acceptons difficilement,…
MM. Alain Gournac et François-Noël Buffet. Vous avez bien raison !
M. François Patriat. … encore qu’on puisse la comprendre, dans la mesure où les grandes entreprises peuvent avoir moins de difficulté à recruter des apprentis.
M. Francis Delattre. C’est vrai !
M. François Patriat. Reste que le système de la taxe d’apprentissage est une nébuleuse, qui mérite aujourd’hui d’être réformée. Nous attendons du Gouvernement qu’une partie des fonds soit sanctuarisée, parce que cette taxe aide des entreprises et des associations et parce qu’elle permet à des jeunes, notamment les « décrocheurs », de trouver un emploi.
Avec ma question, je me tourne vers l’avenir.
M. Gérard Longuet. Donc vers nous ! (Sourires sur les travées de l'UMP.)
M. François Patriat. Pour assurer la réussite de l’apprentissage, j’ai proposé, avec mes collègues membres de la commission des finances, une réforme portant à la fois sur la collecte et sur la répartition de la taxe d’apprentissage.
Nous avons exploré plusieurs pistes, suggérant notamment de diminuer le nombre des organismes collecteurs, qui forment aujourd’hui une nébuleuse responsable de déperditions sur les 2,4 millions d’euros de la prime d’apprentissage, et d’appliquer un nouveau modèle de répartition, en fusionnant les différentes taxes pour mieux cibler les moyens collectés vers l’apprentissage aux niveaux IV et V. Je crois que tel est aussi l’objectif du Gouvernement.
Madame la ministre, ma question est double.
Tout d'abord, en liaison avec les régions de France, que vous connaissez bien, et l’ensemble des acteurs concernés, allez-vous sanctuariser la partie des fonds destinée aux centres de formation d’apprentis ?
Ensuite, la simplification et le paritarisme seront-ils assurés dans la future réforme de la taxe d’apprentissage, et les régions seront-elles associées à celle-ci ? (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste. – M. Christian Poncelet applaudit également.)
M. le président. La parole est à Mme la ministre de la réforme de l'État, de la décentralisation et de la fonction publique.
Mme Marylise Lebranchu, ministre de la réforme de l'État, de la décentralisation et de la fonction publique. Monsieur Patriat, Michel Sapin aurait souhaité vous répondre. Quant à moi, j’associe à ma réponse Sylvia Pinel, qui travaille sur les questions que vous avez évoquées.
Dans le cadre du pacte national pour la croissance, la compétitivité et l’emploi, le Gouvernement s’est fixé l’objectif de faire progresser le nombre d’apprentis, de 435 000 à la fin de 2012 à 500 000 en 2017. Pour y parvenir, il a déjà pris un certain nombre d’initiatives, en particulier le renouvellement des développeurs de l’apprentissage – vous y avez fait allusion – et l’accélération du programme des investissements d’avenir consacrés à la formation et à l’hébergement des apprentis, un aspect qui a été trop souvent oublié.
Par ailleurs, le projet de loi garantissant l’avenir et la justice du système de retraites, actuellement soumis à l’examen du Sénat, prévoit d’améliorer de façon substantielle les droits à la retraite des apprentis ; cet aspect aussi avait été oublié.
Une étape de plus grande ampleur sera franchie avec la mise en œuvre d’une réforme plus globale de l’apprentissage et de son financement. Celle-ci interviendra au terme d’une première phase de concertation conduite par Michel Sapin, ministre du travail, de l'emploi, de la formation professionnelle et du dialogue social, et par Sylvia Pinel avec les grands acteurs de l’apprentissage, les partenaires sociaux, les régions et les chambres consulaires.
Monsieur Patriat, les principaux axes de cette réforme, que le Gouvernement vient de rendre publics, correspondent, pour la plupart, aux conclusions de votre rapport d’information, dont tout le monde loue la très grande qualité. (Exclamations sur les travées de l'UMP.)
Plus précisément, nous voulons orienter davantage les ressources vers le financement de l’apprentissage et simplifier le dispositif de collecte de la taxe d’apprentissage en réduisant le nombre d’organismes collecteurs – monsieur le sénateur, vous serez entendu à cet égard. Notre intention est également de renforcer le dialogue social et territorial en vue de la répartition de cette taxe et de sécuriser le parcours de formation des apprentis.
Dans le nouveau dispositif, les régions, compétentes dans le domaine de l’apprentissage depuis les premières lois de décentralisation, seront confortées dans leur rôle de financement et de régulation ; monsieur Patriat, vous serez donc exaucé. Leurs moyens seront renforcés, conformément aux engagements pris dans le cadre du pacte national : pour cela, une part de la taxe d’apprentissage sera régionalisée, et son produit réparti selon des règles favorables au développement de l’apprentissage.
En outre, une concertation sera organisée entre les régions et les organismes collecteurs sur la répartition des fonds libres, afin d’optimiser l’articulation des politiques de développement de l’alternance des branches et des territoires.
Cette réforme d’ampleur, nous entendons qu’elle entre en vigueur dès le 1er janvier 2015 ; monsieur Patriat, mesdames, messieurs les sénateurs, nous comptons sur votre soutien ! (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste.)
Mme Leila Aïchi. Ma question s’adressait à M. Laurent Fabius, ministre des affaires étrangères.
Depuis six semaines, l’équipage de l’Arctic Sunrise, navire de l’ONG Greenpeace, est en détention provisoire dans la prison de Mourmansk, en Russie. Son crime : avoir dénoncé, de manière non violente, les projets de forage de la société Gazprom au-delà du cercle polaire.
Pouvons-nous laisser condamner des citoyens lanceurs d’alerte, accusés parce qu’ils refusent le saccage de l’Arctique ? Bien évidemment, non !
L’Arctique abrite un écosystème fragile et unique au monde, et de nombreuses espèces protégées y vivent ; elles sont en voie de disparition, alors qu’elles sont nécessaires – ô combien ! – au devenir de l’humanité. Mes chers collègues, songez que, en trente ans, la superficie moyenne de la banquise est passée de 6,5 à 3,4 millions de kilomètres carrés, soit une diminution équivalente à près de cinq fois la superficie totale de la France !
Or, dans la mesure où la banquise réfléchit les rayonnements solaires et contribue directement à la régulation des températures, sa disparition marquerait un point de non-retour dans le réchauffement climatique ; elle provoquerait la montée du niveau des eaux et l’acidification des océans, ce qui affecterait nécessairement les ressources halieutiques.
L’Arctique, qui renfermerait 22 % des réserves mondiales d’hydrocarbures, fait l’objet d’une sinistre convoitise de la part des groupes pétroliers et miniers. Plus grave encore : l’accroissement inéluctable des stress environnementaux et énergétiques dans cette région du monde sera source, à terme, de tensions et de conflits ; c’est la raison pour laquelle nous autres, écologistes, plaidons en faveur du concept de green defense.
Alors que, dans deux semaines, la communauté internationale débattra à Varsovie des moyens de faire face au réchauffement climatique, le Premier ministre, actuellement à Moscou, ne peut ignorer les activités néfastes pour l’environnement des groupes pétroliers, notamment de Gazprom, poids lourd de l’industrie russe. Il semblerait qu’il ait prévu d’évoquer le sujet avec les autorités russes. Dont acte !
Il est impératif que notre diplomatie use de toute son influence pour libérer les trente prisonniers et lancer un nouvel élan international en faveur d’une convention maritime mieux adaptée aux problèmes d’aujourd’hui.
Madame la ministre, l’Arctique ne doit pas être un enjeu géoéconomique. Seule la sanctuarisation de cette zone permettra, à terme, de prévenir les risques inhérents à l’exploitation massive des matières premières et à la pêche industrielle, comme les marées noires, et de pallier ainsi les insuffisances de la convention de Montego Bay.
Devant l’indifférence coupable des nations et le dramatique silence de l’ONU et de l’Europe, les ONG environnementales mènent, parfois au péril de la vie de certains militants, une action essentielle pour le bien-être des générations futures et pour la survie de l’humanité. Les « Trente de l’Arctique » ont d’abord été injustement qualifiés de terroristes, de pirates, de hooligans et de vandales ; en réalité, ces militants sont des héros ! (Protestations sur les travées de l'UMP.)
M. Roger Karoutchi. Il ne faut pas exagérer !
Mme Leila Aïchi. Oui, des héros, au même titre que Chico Mendes, mort pour la défense de l’Amazonie, et que le capitaine Paul Watson, de l’ONG Sea Shepherd, sous le coup d’un mandat d’arrêt international pour sa lutte contre la pêche industrielle et illégale, et que le Gouvernement a ignoré.
M. le président. Veuillez conclure, ma chère collègue.
Mme Leila Aïchi. Madame la ministre, quelle action le Gouvernement compte-t-il mener pour obtenir la libération des trente héros de Greenpeace ? (Marques d’impatience sur les travées de l'UMP.)
M. Philippe Dallier. La question !
M. le président. Ma chère collègue, il faut vraiment conclure !
Mme Leila Aïchi. Comment la France peut-elle protéger les lanceurs d’alerte internationaux, à commencer par le capitaine Watson, en favorisant la création d’un statut international de réfugié politique écologiste ? (Applaudissements sur les travées du groupe écologiste.)
M. le président. La parole est à Mme la ministre des droits des femmes.
Mme Najat Vallaud-Belkacem, ministre des droits des femmes, porte-parole du Gouvernement. Madame la sénatrice, l’Arctic Sunrise a été arraisonné il y a maintenant plus d’un mois par les autorités russes. Les trente militants de Greenpeace qui étaient à son bord sont depuis lors en détention préventive dans la ville de Mourmansk. Parmi eux figure l’un de nos compatriotes, Francesco Pisanu. La France lui a immédiatement accordé la protection consulaire, et je veux vous assurer, mesdames, messieurs les sénateurs, que nous suivons avec la plus grande attention les développements de cette affaire.
Le Premier ministre, vous le savez, est en ce moment même en Russie, et il ne m’appartient pas, vous le comprendrez, d’évoquer à sa place sa visite. Toutefois, je peux vous dire avec certitude que le Gouvernement est pleinement mobilisé sur cette affaire. Il agit de la façon la plus efficace possible, en particulier dans l’intérêt de notre compatriote.
Ces questions font partie de la politique étrangère de la France, quel que soit le déplacement ministériel effectué. En Russie comme dans les autres pays, les autorités françaises les évoquent avec franchise, mais aussi dans le respect des interlocuteurs. Je crois en effet que c’est en créant les conditions du dialogue, en examinant posément la situation, notamment celle de notre compatriote, qu’on pourra apporter une réponse concrète à ce problème.
S’agissant du sujet de fond que vous évoquez, madame la sénatrice, à savoir la question de l’exploitation des ressources naturelles en Arctique, vous savez qu’elle fait aujourd'hui l’objet de débats au sein du Conseil de l’Arctique. Sachez que, en tant qu’observatrice au sein de cette institution, la France compte bien y prendre toute sa part. (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste, ainsi que sur certaines travées du groupe écologiste.)
situation en bretagne
M. le président. La parole est à M. Michel Le Scouarnec.
M. Michel Le Scouarnec. Ma question s’adressait à M. le Premier ministre.
Madame Vallaud-Belkacem, depuis plus d’un an, la Bretagne est saignée, soumise à un véritable désastre économique et social. Dans cette déroute, elle est loin d’être la seule région frappée par un système à bout de souffle, qui conduit à la faillite d’entreprises et à des licenciements massifs et souvent abusifs.
Ce que vous appelez la compétitivité représente, pour nos concitoyens, une réalité tragique, à l’opposé d’une visée humaniste. Au regard du contexte actuel, l’annonce de la suspension de l’application de l’écotaxe sur l’ensemble du territoire national était la seule décision adaptée face à l’urgence sociale et la cristallisation des mobilisations et des tensions.
Pour autant, l’écotaxe ne doit pas être rejetée par principe. Sa mise en œuvre doit s’inscrire dans une réflexion globale sur la transition écologique des territoires, par le développement du ferroutage et la relocalisation des modes de production et de distribution. Un grand débat sur les coûts du transport s’impose !
Toutefois, une telle volonté est loin d’apparaître clairement pour la Bretagne, d’autant que vous avez annoncé le non-financement de la ligne de chemin de fer Brest-Quimper-Rennes. Comment, dans ces conditions, changer les pratiques et développer de nouvelles infrastructures de transports, si l’État n’accorde pas les moyens suffisants ?
Toutefois, l’écotaxe n’est pas la seule cause de la crise du monde agricole et du modèle économique breton. Guidées par les seuls signaux du marché, les entreprises se livrent à la plus farouche concurrence, s’efforçant de baisser le coût du travail, pour affronter des cours agricoles au plus bas. Seuls les actionnaires s’engraissent, alors que des milliers de salariés sont abandonnés à leur sort ! Il n’y a pas de fatalité aux politiques d’austérité, de chômage de masse, de dumping social, à la LME, c'est-à-dire à la loi de modernisation de l’économie, dont les conséquences sont désastreuses, et aux tentatives de contractualisation plus favorables aux grands distributeurs qu’aux producteurs.
Il faut engager la bataille de la ré-industrialisation agroalimentaire ! L’avenir de ce secteur et une nouvelle ambition agricole passent par la juste rémunération du travail des salariés et des paysans, dans le cadre d’un soutien aux filières de production relocalisées.
Pour s’en sortir, il faut d’urgence s’engager dans une autre voie. Le Gouvernement doit s’opposer aux licenciements boursiers, mettre en place de nouveaux systèmes de régulation, mais surtout mener prioritairement une réforme fiscale d’envergure plaçant la justice et l’équité au centre de notre fiscalité.
Madame la ministre, la Bretagne veut vivre ! Quelles mesures comptez-vous mettre en œuvre dans les prochains mois pour qu’elle retrouve espoir en l’avenir ? (Applaudissements sur les travées du groupe CRC, ainsi que sur certaines travées du groupe socialiste.)
M. le président. La parole est à Mme la ministre des droits des femmes.
Mme Najat Vallaud-Belkacem, ministre des droits des femmes, porte-parole du Gouvernement. Monsieur le sénateur, je vous remercie de votre question, qui porte sur un sujet faisant l’objet, vous le savez, de toutes nos préoccupations.
Le Premier ministre réunissait encore mardi dernier à Matignon les élus de Bretagne. C’était une réunion exceptionnelle, justifiée par une situation exceptionnelle, associant non seulement les parlementaires, mais aussi les élus de la région et du département. Vous y étiez, monsieur le sénateur, et je vous en remercie.
La Bretagne est une région dynamique, qui dispose de nombreux atouts.
M. Alain Gournac. Et les Yvelines ? (Sourires sur les travées de l'UMP.)
Mme Najat Vallaud-Belkacem, ministre. Elle traverse aujourd'hui une crise, en particulier dans le secteur de l’agroalimentaire. Dès le début, le Gouvernement s’est mobilisé, prenant l’initiative. Je pense notamment à la situation que nous avons trouvée au groupe Doux ou au groupe Gad.
Le 12 septembre dernier, le Premier ministre a annoncé non seulement un plan agroalimentaire pour la Bretagne, mais aussi des mesures d’urgence, sous forme de moyens financiers immédiatement disponibles, notamment pour accompagner les salariés de ces entreprises et celles qui sont le plus touchées.
Aujourd'hui, nos objectifs sont simples : préserver l’emploi et rendre des perspectives économiques à la région. Le 16 octobre dernier, Jean-Marc Ayrault a proposé une deuxième étape dans la mobilisation, avec le pacte d’avenir pour la Bretagne, qui a pour priorité de moderniser l’appareil productif. Un contrat de plan État-région anticipé a été annoncé, qui est déjà en préparation entre le préfet de région et les élus du territoire.
Force est de constater aujourd'hui que ce travail doit être collectif ; c’est ce qui fera la force de la Bretagne. Or il a été bloqué, vous l’avez dit, concernant l’écotaxe. La mise en œuvre de ce projet voté en 2009, conçu par l’ancienne majorité…
M. Alain Gournac. Voté par vous !
Mme Najat Vallaud-Belkacem, ministre. … et préparé par le gouvernement précédent, avait déjà été reportée une fois, preuve des difficultés qu’elle posait. (Protestations sur les travées de l'UMP.)
M. Alain Fouché. Prenez vos responsabilités !
Mme Marie-Hélène Des Esgaulx. Vous n’avez pas su la mettre en place !
Mme Najat Vallaud-Belkacem, ministre. Chacun sait ici que l’écotaxe n’est pas la cause de la crise de l’agroalimentaire en Bretagne. Toutefois, elle soulève indéniablement des questions de mise en œuvre, qui n’ont pas été anticipées par le gouvernement précédent. (Mêmes mouvements.)
Le gouvernement actuel a déjà corrigé certains effets négatifs de cette écotaxe, mais, à l’évidence, ce n’était pas suffisant. C’est la raison pour laquelle le Premier ministre a choisi de recréer les conditions d’un dialogue constructif dans la région, en suspendant la mise en œuvre de cette mesure.
M. François Marc. C’est une bonne décision !
M. Alain Gournac. Il fallait y penser avant !
Mme Najat Vallaud-Belkacem, ministre. Ce dialogue devra associer toutes les bonnes volontés. Je sais qu’elles sont nombreuses, et je vous remercie, monsieur le sénateur, d’en faire partie. (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste et du groupe CRC.)
sécurité sociale des frontaliers
M. le président. La parole est à M. Gilbert Barbier.
M. Gilbert Barbier. Ma question s’adressait au ministre de l’économie et des finances, mais il n’est pas là. Pourtant, il avait, au mois d’août dernier, avec beaucoup de raison, mis en garde contre le « ras-le-bol » fiscal. Le Président de la République avait répondu par la promesse d’une « pause » en la matière ; aujourd’hui, plus personne n’y croit.
Après les énormes efforts qui leur ont été demandés l’an dernier, les ménages vont payer 12 milliards d’euros de plus en 2014.
M. Roland Courteau. La faute à qui ?
M. Gilbert Barbier. Le premier moteur de la croissance, c’est la confiance. Mais celle-ci suppose un cap et une certaine stabilité.
M. Alain Gournac. Alors là !
M. Gilbert Barbier. Or il n’est pas une semaine sans que vous inventiez un nouvel impôt ou changiez les règles du jeu ! On ne compte plus les revirements ou les volte-face : taxe sur le diesel, taxe sur l’EBE, l’excédent brut d’exploitation, TVA réduite sur les produits de première nécessité, taxe à 75 % sur les hauts revenus, fiscalité sur l’épargne ou encore écotaxe.
M. Roland Courteau. Et la dette ?
M. Gilbert Barbier. Comment voulez-vous que nos concitoyens vous fassent confiance ? Au mécontentement des retraités, des salariés et des consommateurs s’ajoute celui des quelque 170 000 travailleurs frontaliers résidant en France et travaillant en Suisse. Ils ont été plusieurs milliers à défiler, il y a quinze jours, devant les portes de l’Assemblée nationale et, le week-end dernier, dans certaines villes, notamment à Pontarlier, que M. le ministre de l’économie connaît bien, puisqu’elle se situe dans son département, pour défendre le droit d’option dont ils bénéficient en matière d’assurance maladie.
Comme vous le savez, ce droit d’option arrive à échéance en mai 2014. Malgré l’appel des élus des zones frontalières de Franche-Comté, d’Alsace, de l’Ain et de la Haute-Savoie, vous avez décidé de ne pas proroger ce dispositif, au nom de l’égalité de tous au regard des droits sociaux.
Toutefois, de quelle égalité s’agit-il ? Ces personnes travaillent dans un pays où le droit du travail est bien moins protecteur que le nôtre ; ils supportent des contraintes liées aux déplacements, au logement et aux congés ! Et demain, il leur en coûtera environ le double d’aujourd’hui pour être assurés contre le risque maladie, soit environ 150 euros à 250 euros par mois, sous forme de prélèvement.
En leur imposant d’abandonner leur assurance privée pour rejoindre le régime de sécurité sociale, vous faites un choix idéologique, qui, de surcroît, pose la question de la poursuite des soins engagés en Suisse.
Madame la ministre, quelle réponse pouvez-vous apporter à tous ces frontaliers, qui demandent seulement qu’on ne les décourage pas d’aller au travail ?
M. Alain Gournac. Une table ronde ! (Sourires sur les travées de l'UMP.)
M. le président. La parole est à Mme la ministre déléguée chargée des personnes âgées et de l'autonomie.
Mme Michèle Delaunay, ministre déléguée auprès de la ministre des affaires sociales et de la santé, chargée des personnes âgées et de l'autonomie. Monsieur le sénateur, je vous demande tout d’abord de bien vouloir excuser Mme Touraine, qui ne peut pas vous répondre aujourd'hui.
Vous avez raison, jusqu’ici les frontaliers ont bénéficié d’un droit d’option entre l’assurance maladie française et l’assurance privée. Ce droit d’option étant réversible, certains d’entre eux s’adressaient d’ailleurs à l’assurance privée quand ils étaient jeunes et bien portants, pour revenir vers l’assurance maladie française quand ils étaient plus âgés, ce qui contrevient bien évidemment à nos valeurs.
À l’inverse, sachons aussi que l’un d’eux a été radié de l’assurance privée, alors qu’il venait d’apprendre qu’il était atteint, malgré son jeune âge, d’un cancer. Il a alors appelé les autres frontaliers à s’orienter vers l’assurance française.
Mesdames, messieurs les sénateurs, je vous rappelle, mais vous le savez, que l’agenda de la fin du droit d’option a été fixé par le gouvernement de droite soutenu par la majorité précédente. (Exclamations sur les travées de l'UMP.)
M. Alain Gournac. Donc, à nous la faute !
Mme Michèle Delaunay, ministre déléguée. Je n’ai pas parlé de faute ! Simplement, vous en avez fixé l’agenda. Nous nous sommes cantonnés, de notre côté, à améliorer les conditions de cette transition.
C’est ainsi qu’un tarif dégressif a été mis en place : la cotisation atteindra seulement 6 % la première année et 8 % la seconde, ce qui permettra à 50 % des frontaliers, dont 3 500 Jurassiens, qui vous sont chers, monsieur le sénateur, de ne pas débourser un euro de plus et, dans la période suivante, de bénéficier d’un tarif de cotisation raisonnable.
Par ailleurs, contrairement à ce que vous avez affirmé, Mme Touraine a pris l’engagement formel que tous les patients qui auraient commencé un traitement lourd en Suisse pourront le poursuivre sans aucun problème.
Enfin, vous le savez, ce droit d’option était anticonstitutionnel et contrevenait aux valeurs qui ont présidé à la mise en place de l’assurance maladie à la française. (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste.)
M. le président. La parole est à M. François-Noël Buffet. (Applaudissements sur les travées de l'UMP.)
M. François-Noël Buffet. Ma question s'adresse à M. le ministre de l'intérieur.
M. Alain Gournac. Enfin ! (Sourires sur les travées de l'UMP.)
M. François-Noël Buffet. Dans le département du Rhône, le préfet vient de prendre une décision de réquisition d’un terrain situé sur la commune d’Oullins, afin d’y installer 300 demandeurs d’asile, expulsés de la ville de Lyon, à la suite d’une procédure d’expulsion engagée par le maire de cette ville, président du Grand Lyon.
Le terrain choisi se situe sur une petite commune de 26 000 habitants, un petit territoire dans le cadre de la politique de la ville et qui, de surcroît, accueille déjà 225 demandeurs d’asile depuis longtemps.
L’émotion est extrêmement grande, d’abord parce que la pression migratoire sur le département du Rhône est très importante, ensuite parce que les habitants se sont mobilisés fortement contre la manière dont cette décision a été prise : avec plus de 6 000 pétitionnaires dans une commune de 26 000 habitants, vous conviendrez, monsieur le ministre, que l’opposition est importante.
Au plan national, nous le savons, les demandes d’asile sont en très forte augmentation. Le rapport du sénateur Roger Karoutchi (Exclamations sur les travées de l'UMP.)…
Mme Marie-Hélène Des Esgaulx. Un excellent rapport !
M. François-Noël Buffet. … indique même que, pour 2013, nous enregistrerons plus de 70 000 demandes. Par ailleurs, aujourd'hui, l’OFPRA, l’Office français de protection des réfugiés et apatrides, et la Cour nationale du droit d’asile ne rendent pas leurs décisions dans un délai inférieur à dix-neuf mois, ce qui est considérable. Je tiens à souligner que, sous le précédent gouvernement, ce délai avait été réduit, passant à dix mois.
Je souhaite, monsieur le ministre, attirer votre attention sur le fait que le problème tient à plusieurs facteurs.
Le premier tient à la difficulté de définir ce qu’est un pays d’origine sûr, et en particulier de trouver une position commune sur ce point à l’échelle européenne.
Le deuxième facteur est lié aux délais d’instruction, très longs, qui favorisent bien évidemment les filières d’immigration clandestine. Ces dernières profitent de la situation pour maintenir sur le territoire des gens qui ne relèvent pas du droit d’asile, auquel nous sommes tous attachés.
Enfin, je rappelle que, les années précédentes, sur les 53 000 décisions d’expulsion du territoire, seules 20 000 ont été exécutées. Les étrangers non expulsés sont donc restés sur le territoire national. De fait, comme l’ont fait remarquer nos collègues Christophe-André Frassa et Roger Karoutchi, nous produisons nos propres situations irrégulières.
Monsieur le ministre, je vous pose trois questions.
Tout d'abord, pouvez-vous intervenir auprès du préfet du Rhône pour qu’il revienne sur sa décision et reconsidère la situation telle qu’elle se présente aujourd’hui ?
Ensuite, sur le plan national, ne serait-il pas opportun d’envoyer des représentants de l’OFPRA en Albanie, notamment, pour instruire sur place, immédiatement, les demandes d’asile qui pourraient être déposées ?
Enfin, quelles initiatives allez-vous prendre pour que l’Europe adopte une définition unique des pays d’origine sûrs et quels moyens allez-vous engager pour que soient exécutées les décisions de retour ? (Applaudissements sur les travées de l'UMP et de l'UDI-UC. – M. Jean-Vincent Placé s’exclame.)
M. le président. La parole est à M. le ministre de l’intérieur.
M. Manuel Valls, ministre de l'intérieur. Monsieur le sénateur, vous l’avez rappelé, la situation est très tendue en Rhône-Alpes et dans le département du Rhône. La région a connu une hausse de plus de 50 % du nombre des demandeurs d’asile et dans votre département ce nombre a doublé. Tant la ville de Lyon que le Grand Lyon sont touchés.
Le Rhône n’est pas le seul département à vivre une telle situation critique, à connaître une saturation des capacités d’hébergement. Ce sont 5 700 personnes qui y sont hébergées chaque jour par l’État et le préfet – c’est son devoir – veille à leur répartition sur l’ensemble du département. Toutefois, malgré ces efforts importants, il n’est pas possible de trouver des solutions d’hébergement pour tous. À la veille de l’hiver, nous vivons des situations particulièrement difficiles.
Dans le Rhône, la capacité d’accueil sera augmentée de 900 places durant la période hivernale. C’est pourquoi le préfet a décidé – j’y reviendrai – d’héberger sur un terrain de votre commune 290 demandeurs d’asile, dont près de 110 enfants, qui occupaient depuis le début de juillet 2013 une zone située à côté de la gare de Lyon-Perrache, sous un autopont, dans des conditions terribles que j’ai pu moi-même constater de visu voilà quelques jours.
Depuis 2011, d’autres communes de l’agglomération lyonnaise, dont la vôtre, ont participé à cet effort collectif d’hébergement, mais il est évident que nous ne tiendrons pas très longtemps avec des solutions de ce type.
S’agissant du terrain d’Oullins, je vais demander au préfet d’organiser autrement la répartition des demandeurs d’asile. Je vous connais bien, monsieur le sénateur, et je ne doute pas que vous participerez à cet effort. Je prends l’engagement auprès de vous de faire en sorte que l’accueil de ces populations soit organisé autrement.
Concernant la réforme du droit d’asile, elle est en cours. Depuis plusieurs mois, une concertation est menée par Valérie Létard et Jean-Louis Touraine, notamment pour réduire les délais. Ceux-ci étaient d’environ vingt mois sous le gouvernement précédent ; nous essayons de les réduire à seize mois, avec un objectif final de neuf mois. C’est difficile et c’est pourquoi nous avons donné des moyens à l’OFPRA. C’est toute la procédure qui doit être revue pour réduire les délais au niveau national, et la concertation doit s’engager au niveau européen. L’accueil sur notre territoire doit faire l’objet d’une organisation beaucoup plus directive.
Monsieur le sénateur, j’espère que nous parviendrons à une proposition consensuelle ; en tout cas, c’est mon souhait. En effet, nous avons besoin, au plan national comme à l’échelon local, de trouver les voies d’un consensus pour régler le problème de l’asile et le sort des déboutés de ce droit. (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste, ainsi que sur certaines travées du RDSE. – M. Aymeri de Montesquiou applaudit également.)
chantiers navals de saint-nazaire
M. le président. La parole est à M. Yannick Vaugrenard.
M. Yannick Vaugrenard. Ma question s'adresse à M. le ministre délégué auprès du ministre de l’économie et des finances, chargé de l’économie sociale et solidaire et de la consommation.
Monsieur le ministre, je souhaite vous interroger sur la situation d’une industrie forte et emblématique de notre pays, à savoir la construction navale.
Les chantiers de Saint-Nazaire, en Loire-Atlantique, ont su construire le Normandie, le France, le Queen Mary 2 et ont lancé, voilà quelques semaines, la construction du plus grand navire de croisière du monde, l’Oasis 3. Par ailleurs, la diversification y est bien présente, avec le développement en particulier de l’éolien offshore.
La qualité de la main-d’œuvre est donc mondialement reconnue et appréciée. En revanche, ce qui est source d’inquiétude aujourd’hui, c’est que l’actionnaire à 66,6 % de ce chantier, STX France, à savoir la principale banque publique de Corée du Sud, envisage de vendre les actions qu’il détient. Cette banque est en effet en quête de liquidités, compte tenu de la situation dramatique du géant naval STX Corée.
Je rappelle que la France, quant à elle, est actionnaire depuis 2008 à hauteur de 33,3 %, par l’intermédiaire du fonds stratégique d’investissement.
On peut donc aisément mesurer le risque que cette vente potentielle représente si nous n’en maîtrisons pas suffisamment le rachat. Le risque le plus important est qu’un financier de chantier concurrent, notamment européen, se place sur les rangs, nous privant par la suite de la maîtrise de notre propre avenir.
Monsieur le ministre, il y a selon moi deux logiques à suivre face à ces informations qui, vous vous en doutez, ne cessent d’inquiéter.
La première, c’est une logique industrielle, en organisant, sur l’initiative de l’État, un tour de table de grands groupes français afin qu’ils réfléchissent rapidement à un positionnement offensif en termes de rachat partiel ou total.
La seconde, c’est une logique de précaution, qui n’exclut pas la première. Cette précaution, c’est que la puissance publique accepte, momentanément, d’être majoritaire dans le capital, afin de maîtriser l’avenir d’une filière industrielle qui fonctionne et qui a su innover et se diversifier.
Un paquebot de l’envergure du prochain – sans compter celui, identique, qui peut suivre –, c’est 2 milliards d’euros dans notre balance commerciale, ce qui est loin d’être négligeable dans la période actuelle.
Monsieur le ministre, je vous remercie de nous donner les informations permettant, je le souhaite, de nous rassurer sur le destin d’une filière industrielle indispensable à l’économie de notre pays. Je souhaite que la détermination du Gouvernement soit totale. (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste et du groupe CRC.)
M. le président. La parole est à M. le ministre délégué chargé de l'économie sociale et solidaire et de la consommation.
M. Benoît Hamon, ministre délégué auprès du ministre de l'économie et des finances, chargé de l'économie sociale et solidaire et de la consommation. Monsieur le sénateur, ce dossier inquiète légitimement les élus que vous êtes, les salariés des chantiers de Saint-Nazaire et leurs familles. Au nom du Gouvernement, je voudrais leur adresser un message à la fois de confiance et de vigilance. En effet, nous suivons avec la plus grande attention les développements actuels concernant la situation financière du groupe coréen STX. Ce dernier est actionnaire majoritaire de STX Europe, qui lui-même détient plus de 66 % de STX France.
Que se passe-t-il aujourd’hui ? Le groupe STX connaît des difficultés financières, et il est en cours de redressement, sur l’initiative de la banque publique coréenne KDB.
La question ou l’option d’une cession de certains de ses actifs, notamment en Europe, est aujourd’hui posée, sans que pour autant – je tiens à vous le dire – le Gouvernement ait été officiellement informé de ses intentions.
À ce jour, l’État, actionnaire indirect de STX France via la Banque publique d’investissement, n’a pas été saisi par STX Corée. Or aucun projet de cession ne peut avoir lieu sans information préalable de l’actionnaire public français.
Plusieurs points doivent donc être soulignés.
En aucun cas la situation économique et le financement des chantiers de Saint-Nazaire ne sont en cause dans le développement de la situation du groupe STX Corée. À l’inverse, STX France a pleinement consolidé son activité ces derniers mois grâce à d’importants contrats remportés, en particulier à l’export, notamment, vous l’avez cité, monsieur le sénateur, la construction du plus grand paquebot de croisière du monde, Oasis 3. L’activité de Saint-Nazaire n’est donc pas menacée par les événements de Corée.
Le Gouvernement est pleinement mobilisé sur ce dossier afin de conforter, comme vous l’avez souhaité, parmi les options que vous évoquez, l’avenir industriel des chantiers, qu’il continuera d’accompagner dans leur développement et leur diversification.
Le Gouvernement a donc confiance dans l’avenir capitalistique des chantiers. La preuve en est qu’il suit avec la plus grande attention la restructuration actuelle du groupe coréen STX. Le Premier ministre lui-même a évoqué, à la fin du mois de juillet dernier, lors de son déplacement en Corée, cette restructuration avec le Premier ministre coréen.
Cette confiance n’empêche pas la vigilance. Le principal enjeu demeure, pour nous comme pour vous, l’activité des chantiers, plus que sa structure actionnariale.
De quoi les chantiers de Saint-Nazaire ont-ils besoin aujourd’hui ? D’une part, vous l’avez dit, de continuer à engranger des commandes pour poursuivre la consolidation des perspectives de charge de travail. D’autre part, de poursuivre les actions visant à renforcer leur compétitivité et à circonscrire l’exposition de leur activité à un nombre limité de commandes dans le secteur de la croisière. C’est le sens des développements dans l’éolien offshore.
M. le président. Veuillez conclure, monsieur le ministre.
M. Benoît Hamon, ministre délégué. Ces aspects sont aussi importants pour l’entreprise que les questions actionnariales. (Mme Isabelle Pasquet s’exclame.)
Pour conclure, l’État entend rester un partenaire de long terme du groupe aux côtés d’actionnaires industriels responsables, désireux de développer la société, son activité et l’emploi. (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste. – M. Michel Le Scouarnec applaudit également.)
retraites des anciens combattants
M. le président. La parole est à M. Alain Dufaut.
M. Alain Dufaut. Ma question s'adresse à M. le ministre délégué auprès du ministre de la défense, chargé des anciens combattants.
Au préalable, je souhaiterais que la réponse qui me sera faite soit exempte de tout caractère polémique et sorte du sempiternel refrain : « Quand vous étiez au gouvernement… »
M. Alain Gournac. Eh oui !
M. Roland Courteau. C’était il n'y a pas si longtemps, pourtant !
M. Alain Dufaut. J’associe également à ma question notre collègue Marcel-Pierre Cléach, président du groupe d’études des sénateurs anciens combattants.
Monsieur le ministre, le 24 septembre dernier, vous avez publié un décret amputant de 20 % la rente mutualiste du combattant, qui, je le rappelle, a été créée en 1923. Si nous ne contestons pas l’impératif de réduction de la dépense publique, nous considérons que cela ne peut se faire sur le dos de ceux qui ont combattu pour la liberté et pour les valeurs de la France.
M. Alain Fouché. C’est bien vrai !
M. Alain Dufaut. Pour les anciens combattants et pour les soldats engagés aujourd’hui dans les OPEX, c'est-à-dire dans opérations extérieures, qui sont les anciens combattants de demain, la rente mutualiste est plus qu’un simple droit qu’on pourrait ajuster au gré des impératifs budgétaires. C’est en effet un droit imprescriptible, une reconnaissance de la Nation tout entière pour leur engagement et leur sacrifice sous le drapeau français.
Monsieur le ministre, nous savons que vous avez engagé des négociations avec Bercy et les principaux organismes gestionnaires, tels que la CARAC, la Caisse autonome de retraite des anciens combattants, ou La France mutualiste. Vous avez également annoncé devant l’Assemblée nationale, la semaine dernière, la création d’un comité de suivi qui se réunirait annuellement afin d’examiner les projections démographiques et l’évolution des dépenses liées à l’abondement de l’État, afin de rétablir éventuellement le taux normal de la majoration.
Surtout, vous avez annoncé que cette mesure serait transitoire. Nous voudrions bien le croire, mais nous ne sommes jamais trop prudents et nous refusons solennellement que ce futur comité soit un palliatif d’une réduction du taux de majoration de la RMC, la retraite mutualiste du combattant, qui ferait en quelque sorte jurisprudence.
Enfin, et surtout, raboter le taux de majoration de la RMC, c’est s’attaquer aux principes fondateurs de notre défense nationale. C’est s’attaquer au principe de l’égalité entre les générations du feu, et cela, c’est inacceptable pour toute la communauté de la défense.
Monsieur le ministre, à l’heure où bon nombre de nos anciens combattants vivent en dessous du seuil de pauvreté, à l’heure où les futurs anciens combattants sont rentrés d’Afghanistan et se battent au Mali, pourriez-vous nous dire précisément combien de temps va durer cette mesure transitoire ? (Applaudissements sur les travées de l'UMP et de l'UDI-UC. – M. Jean-Vincent Placé applaudit également.)
M. le président. La parole est à Mme la ministre des droits des femmes.
Mme Najat Vallaud-Belkacem, ministre des droits des femmes, porte-parole du Gouvernement. Monsieur le sénateur, je n’ai aucune intention de polémiquer avec vous sur ce sujet important. Bien au contraire, j’entends répondre précisément à votre question et même faire preuve de pédagogie pour que vous y voyiez plus clair sur les intentions du ministre délégué chargé des anciens combattants, qui, retenu par ailleurs, m’a demandé de vous répondre.
Comme vous le savez, Kader Arif s’est entretenu avec les acteurs du système mutualiste. Un dialogue enrichi s’est ensuivi, qui a permis de définir des pistes pour sécuriser les dispositifs fiscaux dont bénéficient les anciens combattants et stabiliser en même temps la dépense budgétaire afférente à ce système.
Qu’en est-il ressorti ? Une baisse, c’est vrai, mais très modeste, de l’abondement de l’État, qui ne porte que sur la partie spécifique et non sur la partie légale de ces dispositifs mutualistes.
Cette concertation a permis de sécuriser la rente mutualiste comme un dispositif qui relève du droit à réparation, de préserver la double exonération fiscale à l’entrée à la sortie des rentes mutualistes, qui est leur principal avantage, de maintenir à 125 points PMI – pension militaire d’invalidité – le plafond de ces rentes, de maintenir à niveau constant le coût budgétaire de la rente mutualiste à hauteur de 255 millions d’euros, enfin – c’est un point important –, d’éviter toute remise en cause de la demi-part fiscale pour les veuves d’anciens combattants.
Deux mutuelles importantes, qui représentent environ 60 % des bénéficiaires de la RMC, ont salué ces résultats, dans un communiqué publié le 10 octobre dernier, disant à la fois leur satisfaction quant à la concertation conduite par le ministre chargé des anciens combattants et leur accord avec la solution élaborée en toute transparence.
M. Alain Gournac. Pourquoi donc sont-ils mécontents alors ?
Mme Najat Vallaud-Belkacem, ministre. Par ailleurs, le ministre délégué chargé des anciens combattants a souligné que serait mise en place une commission de suivi – vous l’avez évoquée –, dont la mission consistera à surveiller l’impact de cette mesure sur les bénéficiaires de la rente. Par conséquent, une évaluation progressive sera menée.
Plus généralement, monsieur le sénateur, je veux souligner que, dans un contexte financier que nous savons tous difficile, tout a été fait pour préserver le budget des anciens combattants. La baisse de ce budget est certes de 2,7 %, mais elle est inférieure de moitié à la baisse de 5,4 % que la précédente majorité, à laquelle vous apparteniez, lui avait imposée entre 2011 et 2012. (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste. – Exclamations sur les travées de l’UMP.)
Mme Marie-Hélène Des Esgaulx. Et voilà ! Il y avait longtemps…
M. Alain Gournac. Pas de polémique, disiez-vous !
Mme Najat Vallaud-Belkacem, ministre. Grâce à la préservation des moyens de ce budget, nous avons pu tenir des promesses que vous-mêmes aviez prises voilà de nombreuses années sans jamais les tenir. (Protestations sur les travées de l’UMP.)
M. Roger Karoutchi. C’est inacceptable !
Mme Najat Vallaud-Belkacem, ministre. Je pense à l’extension des droits à la carte du combattant accordée aux personnes qui ont participé aux opérations militaires en Afrique du Nord, à l’accroissement de 6 % de l’aide sociale de l’Office national des anciens combattants, enfin, à la meilleure prise en charge des invalides mutilés – je tiens à les saluer ici –, grâce au financement de prothèses de nouvelle génération. (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste et sur certaines travées du groupe CRC.)
crédits de la gendarmerie
M. le président. La parole est à M. Michel Savin.
M. Michel Savin. Ma question s'adresse à M. le ministre de l'intérieur.
Monsieur le ministre, depuis votre arrivée Place Beauvau, nous sommes nombreux à adhérer à votre discours particulièrement ferme et très volontariste en matière de sécurité. Vous avez rappelé qu’il faut lutter contre les phénomènes délinquants et mafieux, démanteler les trafics et combattre l’exploitation de la misère qui s’y greffe.
M. Alain Gournac. Voilà !
M. Michel Savin. Toutefois, ce qui paraît évident dans vos discours l’est malheureusement moins au niveau de vos résultats, comme en atteste le dernier bilan de l’Observatoire national de la délinquance et des réponses pénales.
Je ne doute pas que vous aurez à cœur de nous expliquer que les chiffres manquent de fiabilité. Reste que la plupart des indicateurs sont à la hausse. C’est particulièrement vrai dans les zones de gendarmerie où, sur les douze derniers mois, les cambriolages ont augmenté de 12 % et les violences aux personnes de 10,4 %.
Dans ce contexte, nos 100 000 gendarmes ont, plus que jamais, besoin des moyens matériels indispensables pour remplir efficacement leur mission. Or ils éprouvent actuellement les plus grandes difficultés à boucler leur budget de 2013.
Lors de son audition devant la commission de la défense nationale et des forces armées de l’Assemblée nationale, le 16 octobre dernier, le directeur général de la gendarmerie nationale avait d’ailleurs attiré l’attention sur les véritables difficultés engendrées par un budget sous tension.
À titre de simple exemple, le volume d’essence disponible pour les 30 000 véhicules de gendarmerie est en baisse de 6 % par rapport à 2012. Ces restrictions portent également sur le matériel informatique, les véhicules et les équipements nécessaires aux militaires.
M. Alain Fouché. C’est pareil pour la justice !
M. Michel Savin. Autre sujet d’inquiétude, il serait aujourd’hui question, pour la direction de la gendarmerie nationale, de reporter le paiement des loyers dus aux collectivités locales, et ce pour continuer d’assurer le bon fonctionnement des unités.
Monsieur le ministre, dans un contexte économique et social difficile, les gendarmes sont les premiers exposés à l’augmentation de la délinquance. Ils font, jour et nuit, un travail difficile et exigeant pour garantir la sécurité de nos concitoyens. Mais on ne peut pas leur demander plus de résultats, qui passent par une présence accrue sur le terrain, et, dans le même temps, réduire leurs moyens d’intervention.
Aussi, je vous remercie de m’indiquer, monsieur le ministre, les mesures que le Gouvernement entend prendre rapidement pour garantir les crédits nécessaires au bon fonctionnement de nos gendarmeries. (Vifs applaudissements sur les travées de l'UMP.)
M. le président. La parole est à M. le ministre de l’intérieur.
M. Manuel Valls, ministre de l'intérieur. Monsieur le sénateur, je vous remercie de l’attention que vous portez à la situation de la gendarmerie, mais, vous le savez, depuis six ans, ses crédits de fonctionnement et d’investissement ont baissé, sous la majorité que vous défendiez, de 18 %. (Exclamations sur les travées de l'UMP.)
Mme Annie David. Autant que cela ?
M. Roland Courteau. Tiens, la droite l’a oublié !
M. Manuel Valls, ministre. Je regarde la réalité en face, et je constate que, depuis trente ans, les violences sur les personnes ne cessent d’augmenter – près de 30 % au cours de ces dix dernières années – et que, depuis cinq ans, le nombre des cambriolages explose. Ces derniers mois, ces violences et ces cambriolages, sauf dans les zones de sécurité prioritaires, ont encore augmenté.
Par conséquent, sur ces sujets difficiles, nous devons ensemble nous attaquer à de tels phénomènes. Pour cela, nous avons décidé d’arrêter l’hémorragie que la police et la gendarmerie ont connue en matière d’effectifs – 6 700 postes supprimés dans la gendarmerie en cinq ans –, de remplacer tous les départs à la retraite et de créer tous les ans de 400 à 500 postes supplémentaires de policiers et de gendarmes. (M. Michel Vergoz s’exclame.) La priorité à la sécurité, ce sont à la fois des moyens et des effectifs en plus. C’est le choix du Gouvernement et du Président de la République.
Chaque année, des discussions ont lieu sur la fin de gestion des budgets de l’État, nous n’y avons pas échappé. Le général Favier a eu raison de souligner les difficultés qui se sont posées à la gendarmerie, pas seulement cette année, mais au cours de ces dernières années.
Le Premier ministre vient de décider de dégeler 111 millions d’euros de crédits de paiement pour la police et la gendarmerie,…
M. Gérard Larcher. C’est indispensable !
M. Manuel Valls, ministre. … ainsi que 10 millions d’euros d’autorisations d’engagement pour répondre aux besoins immobiliers les plus pressants dans la gendarmerie nationale pour le logement des familles. J’ai eu l’occasion de l’annoncer ce matin lors de l’examen des crédits de la mission « Sécurité » en commission élargie à l’Assemblée nationale, et j’ai le plaisir de le rappeler dans votre enceinte.
Cette décision du Gouvernement aura une conséquence très simple : pour la première fois depuis 2007, mesdames, messieurs les sénateurs, les crédits exécutés par la police nationale et la gendarmerie nationale sont en augmentation par rapport à l’année précédente de 2 %, soit 40 millions d’euros.
Dans un moment difficile pour nos finances publiques, vous l’avez rappelé, nous augmentons le nombre des postes dans la police et dans la gendarmerie, et nous donnons, en fonctionnement et en investissement, des moyens supplémentaires à la gendarmerie. C’est vrai pour les brigades de gendarmerie, les forces mobiles, le parc automobile de la gendarmerie, le carburant, les équipements informatiques.
Pour nous, la priorité à la sécurité, ce ne sont pas des mots, ce sont des actes, et nous les accomplissons sur le terrain. (Bravo ! et applaudissements sur les travées du groupe socialiste. – M. Jean-Vincent Placé applaudit également.)
cession pour l'euro symbolique des bases de défense
M. le président. La parole est à M. Richard Tuheiava.
M. Richard Tuheiava. Ma question s'adresse à M. le ministre délégué auprès du ministre de l'économie et des finances, chargé de l'économie sociale et solidaire et de la consommation.
La loi de finances pour 2009 du 27 décembre 2008 a institué, en son article 67, le contrat de redynamisation des sites de défense, ou CRSD, afin d’ouvrir le droit pour l’État de céder, à l’euro symbolique, certains terrains militaires reconnus comme étant inutiles par le ministère de la défense au profit des communes dans lesquelles ces domaines fonciers sont situés.
Le décret d’application du 3 juillet 2009 a fixé la liste des communes éligibles au dispositif. Pour la Polynésie française, il s’agit des communes de Arue, de Faa’a, de Mahina, de Papeete, de Pirae, de Punaauia, de Taiarapu-Est et de Teva-i-Uta pour l’île de Tahiti, celles de Hao et de Tureia aux îles Tuamotu, et celle de Nuku-Hiva aux îles Marquises.
Ce dispositif a été approuvé à l’unanimité des représentants élus de l’assemblée de la Polynésie française en décembre 2011, puis par les différents gouvernements locaux successifs. Depuis lors, la plupart des communes éligibles ont adopté, lors de leurs conseils municipaux, des délibérations pour approuver les projets de reconversion qu’elles souhaitaient engager.
Or, depuis 2009, les communes polynésiennes semblent être les seules à n’avoir pas encore bénéficié de ce dispositif jusqu’à ce jour. Devant une telle situation, un certain nombre de maires polynésiens ont récemment annoncé vouloir passer à la phase contentieuse, ce qui me désole. À cet égard, il serait légitime qu’un dialogue direct puisse être envisagé à Paris avec les maires concernés, dès lors qu’ils vous en feraient la demande.
Les maires polynésiens manifestent ensuite une incompréhension de fond sur le retard accumulé.
L’acquisition des terrains militaires dont il s’agit remonte aux années soixante et obéissait à une décision politique. Le dispositif CRSD de 2008 trouve encore sa source dans une décision politique. C’est bien une décision politique qu’attendent aujourd’hui ces onze communes de Polynésie française éligibles au dispositif CRSD, en vue du dénouement de cette affaire.
En votant l’amendement du rapporteur de la commission des finances visant à ajouter un nouvel article 29 bis au projet de loi relatif à la programmation militaire pour les années 2014 à 2019 et portant diverses dispositions concernant la défense et la sécurité nationale, adopté lors de sa séance du 21 octobre dernier, le Sénat a rouvert la voie à cette solution politique, et je l’en félicite. Ainsi, le délai d’expiration du dispositif CRSD est repoussé au 31 décembre 2019.
Les discussions récentes entre le Gouvernement et mes collègues députés polynésiens laisseraient à penser que le CRSD sera encadré à travers l’outil du syndicat mixte. Mais une telle solution technique n’offre pas à ce dispositif, monsieur le ministre, un cadre de gouvernance qui garantisse le respect du principe de libre administration des collectivités locales. Les tensions politiques locales, à des degrés variables, risqueraient de s’envenimer.
Toutefois, d’autres solutions pourraient être trouvées à travers l’extension à ce dispositif d’outils contractuels ayant déjà fait leurs preuves en Polynésie française. Je veux parler du contrat de ville, mais aussi du contrat urbain de cohésion sociale.
M. le président. Veuillez poser votre question, mon cher collègue.
M. Richard Tuheiava. Je termine, monsieur le président.
Ma question est donc la suivante : quelles mesures le Gouvernement compte-t-il prendre pour aboutir à un dénouement rapide et concret du dispositif CRSD en faveur des communes éligibles de Polynésie française ? (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste. – M. Michel Le Scouarnec applaudit également.)
M. le président. La parole est à M. le ministre délégué chargé de l'économie sociale et solidaire et de la consommation.
M. Benoît Hamon, ministre délégué auprès du ministre de l'économie et des finances, chargé de l'économie sociale et solidaire et de la consommation. Monsieur le président, mesdames, messieurs les sénateurs, je tiens à vous présenter les excuses de M. le ministre de l’économie et des finances, car j’ai omis de le faire tout à l’heure.
Monsieur le sénateur, vous avez appelé l’attention du Gouvernement sur la situation des communes de Polynésie française qui, quoique étant éligibles au dispositif de cession à l’euro symbolique, n’ont pu acquérir les emprises libérées par le ministère de la défense dans le cadre de la loi relative à la programmation militaire pour les années 2009 à 2014 et portant diverses dispositions concernant la défense.
Cette impossibilité résulte, vous le savez et vous l’avez évoqué, du contexte institutionnel propre à la Polynésie française. En application du statut d’autonomie, les communes ne peuvent mobiliser leurs compétences aux fins de mettre en œuvre les projets d’aménagement devant être réalisés sur les sites concernés, sauf dans le cadre d’une loi de pays et de réglementation polynésienne, et sous réserve du transfert des moyens nécessaires.
À l’inverse, la collectivité de Polynésie française, qui dispose des compétences, n’est pas éligible au dispositif de cession à l’euro symbolique.
La commission pour la transparence et la qualité des opérations immobilières de l’État, organe garant du respect des procédures en matière de cession domaniale, a été saisie du dossier par deux fois. Cette commission, composée de membres des corps d’inspection et de contrôle, ainsi que des magistrats du Conseil d’État, a invariablement rendu un avis négatif, motivé principalement par la difficulté juridique que j’ai rappelée.
La situation actuelle résulte donc non pas d’un blocage du Gouvernement, mais plutôt d’un défaut du dispositif mis en place par nos prédécesseurs, qui ont omis de prendre en compte les spécificités du contexte institutionnel polynésien et les difficultés d’application qui en résulteraient.
Le Gouvernement partage, je vous le confirme, votre volonté de trouver une issue rapide à une situation dommageable à la Polynésie française et à ses habitants. Il va de soi que les engagements pris par l’État au titre de l’accompagnement des restructurations de défense doivent être tenus en métropole comme dans les outre-mer. L’État soutient et soutiendra les projets de redynamisation économique des sites concernés et de construction de logements sociaux. C’est d’ailleurs l’intérêt de l’État, qui est propriétaire de ces terrains.
La loi de programmation militaire actuellement en discussion au Parlement prévoit explicitement la prorogation du dispositif de cession de l’euro symbolique jusqu’en 2019, vous l’avez vous-même rappelé, monsieur le sénateur.
Je vous confirme enfin que notre souhait est de faire émerger avant l’expiration du dispositif actuel une solution juridiquement incontestable et qui recueillerait l’assentiment des collectivités.
Je conclus en vous disant que les députés de Polynésie ont à cet égard évoqué la possibilité de constituer des syndicats mixtes. Le Gouvernement est à l’écoute de cette proposition, et le haut-commissaire assure un dialogue constant avec les collectivités. Si d’autres schémas sont proposés par les acteurs locaux et qu’ils permettent de surmonter la difficulté juridique à laquelle nous faisons face collectivement, le Gouvernement est tout naturellement prêt à les examiner avec vous et l’ensemble des acteurs concernés. (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste.)
M. le président. Nous en avons terminé avec les questions d'actualité au Gouvernement.
Mes chers collègues, nous allons maintenant interrompre nos travaux quelques instants.
La séance est suspendue.
(La séance, suspendue à seize heures, est reprise à seize heures quinze, sous la présidence de Mme Bariza Khiari.)
PRÉSIDENCE DE Mme Bariza Khiari
vice-présidente
Mme la présidente. La séance est reprise.
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Rappel au règlement
Mme la présidente. La parole est à Mme Laurence Cohen, pour un rappel au règlement.
Mme Laurence Cohen. Je souhaite faire un rappel au règlement, me référant à l’article 36, alinéa 3 du règlement.
Ce matin, alors que nous débattions de la réforme des retraites, la direction de l’Assistance publique-hôpitaux de Paris, l’AP-HP, tentait de déménager des lits de médecine interne de l’Hôtel-Dieu. Les personnels sont parvenus à empêcher que la salle Saint-François soit vidée de ses lits et du matériel d’hospitalisation. À cette violence s’en ajoutent d’autres, comme le fait que des patients de la salle Saint-Robert, dont certains font partie des populations les plus précaires, sont littéralement renvoyés chez eux.
Depuis des mois, les personnels, les usagers, les élus de toutes sensibilités politiques luttent contre la fermeture des urgences de cet établissement hautement symbolique situé au cœur de Paris.
La visite de l’Hôtel-Dieu m’a permis de constater, avec mes collègues du groupe CRC, que des millions d’euros avaient été consacrés à la rénovation des locaux, contrairement à ce que disait la direction de l’AP-HP.
Madame la ministre, vous avez été interpellée sur cette question et vous avez demandé un moratoire de la fermeture des urgences prévue le 4 novembre prochain, afin de prendre le temps de la concertation.
Les personnels ne sont pas favorables au statu quo. Ils veulent eux aussi des évolutions. Il est donc plus que temps, et il est même vital, de créer les conditions pour que les deux projets, celui que porte la direction de l’AP-HP et celui que défendent les personnels, soient examinés avec un regard non partisan.
En réalité, malgré votre intervention, que, je le répète, nous soutenons, madame la ministre, l’Hôtel-Dieu est vidé peu à peu de son mobilier ainsi que de son matériel médical, et ses personnels sont sommés de choisir leur affectation dans un autre hôpital. Or chacun sait que sans lits d’aval, les urgences ne peuvent tenir. Cette attitude irresponsable de la part de la direction de l’AP-HP ne peut manquer, à long terme, de mettre en danger la vie des patients.
Madame la ministre, que comptez-vous faire pour que de tels agissements cessent ? La direction de l’AP-HP serait-elle au-dessus de l’autorité du ministre et, par voie de conséquence, de celle du Gouvernement ? Il faut absolument que vos engagements puissent être respectés.
J’en appelle donc à la mobilisation de l’ensemble de mes collègues, sénatrices et sénateurs, qui soutiennent l’hôpital public, pour que, à vos côtés, ils défendent l’Hôtel-Dieu et que cet hôpital puisse fonctionner dans de bonnes conditions. De l’avenir de l’Hôtel-Dieu dépend la situation des autres hôpitaux de Paris, donc la qualité des soins pour la population francilienne.
Mme la présidente. Ma chère collègue, en toute amitié et sans porter de jugement sur le fond de votre intervention, je ne puis prendre acte de ce rappel au règlement, parce que ce n’en est pas un. (Marques d’étonnement sur les travées du groupe CRC.)
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Avenir et justice du système de retraites
Suite de la discussion en procédure accélérée d'un projet de loi
Mme la présidente. Nous reprenons la discussion du projet de loi, adopté par l’Assemblée nationale après engagement de la procédure accélérée, garantissant l’avenir et la justice du système des retraites.
Nous poursuivons l’examen de l’article 10, dont je rappelle les termes :
Article 10 (suite)
I. – Le I de l’article 86 et l’article 88 de la loi n° 2010-1330 du 9 novembre 2010 portant réforme des retraites sont abrogés.
II. – Les articles 5 à 9 de la présente loi entrent en vigueur à compter du 1er janvier 2015, à l’exception du dernier alinéa de l’article L. 4162-3 du code du travail, qui entre en vigueur à une date fixée par décret en Conseil d’État et, au plus tard, cinq ans après l’entrée en vigueur de l’article 6.
Mme la présidente. Je suis saisie de quatre amendements faisant l'objet d'une discussion commune.
L'amendement n° 282, présenté par MM. Longuet et Cardoux, Mmes Boog, Bruguière, Bouchart, Cayeux, Debré et Deroche, M. Dériot, Mme Giudicelli, MM. Gilles et Husson, Mme Hummel, MM. Fontaine, de Raincourt, Laménie et Milon, Mme Kammermann, M. Pinton, Mme Procaccia, M. Savary et les membres du groupe Union pour un Mouvement Populaire, apparentés et rattachés, est ainsi libellé :
Alinéa 2
Rédiger ainsi cet alinéa :
II. – Les articles 6 à 9 de la présente loi entrent en vigueur à compter du 1er janvier 2015. Pour les entreprises employant moins de 250 salariés, l’article 6 de la présente loi entre en vigueur à compter du 1er janvier 2017.
La parole est à Mme Catherine Deroche.
Mme Catherine Deroche. L’amendement n° 282 vise à modifier l’alinéa 2 de l’article, de sorte que les articles 6 à 9 du présent texte entrent en vigueur non pas au 1er janvier 2015, mais au 1er janvier 2017.
Je ne reviendrai pas sur les difficultés d’application qu’entraîne le compte personnel de prévention de la pénibilité. Nous souhaitons un recul de la date d’entrée en vigueur pour les entreprises de moins de 250 salariés, si ce compte venait à être validé ultérieurement.
Mme la présidente. L'amendement n° 280, présenté par MM. Longuet et Cardoux, Mmes Boog, Bruguière, Bouchart, Cayeux, Debré et Deroche, M. Dériot, Mme Giudicelli, MM. Gilles et Husson, Mme Hummel, MM. Fontaine, de Raincourt, Laménie et Milon, Mme Kammermann, M. Pinton, Mme Procaccia, M. Savary et les membres du groupe Union pour un Mouvement Populaire, apparentés et rattachés, est ainsi libellé :
Alinéa 2
Rédiger ainsi cet alinéa :
II. – Les articles 6 à 9 de la présente loi entrent en vigueur à compter du 1er janvier 2015. Pour les entreprises employant moins de 50 salariés, l’article 6 de la présente loi entre en vigueur à compter du 1er janvier 2017.
La parole est à Mme Catherine Deroche.
Mme Catherine Deroche. Cet amendement vise à prévoir une date d’entrée en vigueur des articles 6 à 9 du présent texte au 1er janvier 2017 pour les entreprises employant moins de cinquante salariés.
Mme la présidente. L'amendement n° 281, présenté par MM. Longuet et Cardoux, Mmes Boog, Bruguière, Bouchart, Cayeux, Debré et Deroche, M. Dériot, Mme Giudicelli, MM. Gilles et Husson, Mme Hummel, MM. Fontaine, de Raincourt, Laménie et Milon, Mme Kammermann, M. Pinton, Mme Procaccia, M. Savary et les membres du groupe Union pour un Mouvement Populaire, apparentés et rattachés, est ainsi libellé :
Alinéa 2
Rédiger ainsi cet alinéa :
II. – Les articles 6 à 9 de la présente loi entrent en vigueur à compter du 1er janvier 2015. Pour les entreprises employant moins de 20 salariés, l’article 6 de la présente loi entre en vigueur à compter du 1er janvier 2017.
La parole est à Mme Catherine Deroche.
Mme Catherine Deroche. Cet amendement vise à prévoir une date d’entrée en vigueur des articles 6 à 9 du présent texte au 1er janvier 2017 pour les entreprises employant moins de vingt salariés.
Mme la présidente. L'amendement n° 318, présenté par M. Delahaye, est ainsi libellé :
Compléter cet article par un alinéa ainsi rédigé :
Pour les entreprises employant moins de 250 salariés, l’article 6 de la présente loi entre en vigueur à compter du 1er janvier 2017, à l’exception du dernier alinéa de l’article L. 4162-3 du code du travail, qui entre en vigueur à une date fixée par décret en Conseil d’État et, au plus tard, cinq ans après l’entrée en vigueur de l’article 6.
Cet amendement n'est pas soutenu.
Quel est l’avis de la commission sur les amendements nos 282, 280 et 281 ?
Mme Christiane Demontès, rapporteur de la commission des affaires sociales. Madame la sénatrice, vous suggérez de différer l’entrée en vigueur du compte personnel de prévention de la pénibilité au 1er janvier 2017 en proposant trois seuils différents : les entreprises de moins de 250 salariés par l’amendement n° 282, de moins de cinquante salariés par l’amendement n° 280, enfin de moins de vingt salariés par l’amendement n° 281.
Je ne comprends pas le sens de ces amendements. En effet, pour les salariés, qu’ils travaillent dans une entreprise de 350, 239, 48 ou 18 salariés, l’exposition au risque est la même ! C’est non pas la taille de l’entreprise qui détermine l’exposition au risque, mais bien les postes de travail.
La commission émet donc, bien évidemment, un avis défavorable sur ces trois amendements.
Mme la présidente. Quel est l’avis du Gouvernement ?
Mme la présidente. La parole est à Mme Catherine Deroche, pour explication de vote sur l'amendement n° 282.
Mme Catherine Deroche. J’entends bien votre réponse, madame la rapporteur. Toutefois, nous avons mis l’accent hier sur les difficultés que le compte pénibilité générait, notamment pour les TPE-PME, d’où notre amendement.
Or vous ne voulez pas entendre cet argument et vous restez fixée sur la notion d’égalité entre les entreprises, quelle que soit leur taille, tandis que nous tenons compte des difficultés de ces dernières.
Permettez-moi de vous dire que, alors même que vous voulez appliquer aux établissements privés des règles en matière de pénibilité différentes de celles qui valent à l’hôpital, il est incohérent de vous tenir mordicus à ces règles en ce qui concerne les petites entreprises et ne pas les appliquer dans le grand secteur public.
Mme la présidente. La parole est à M. Gilbert Barbier, pour explication de vote sur l’amendement n° 280.
M. Gilbert Barbier. Je pense effectivement que les entreprises de moins de 250 salariés peuvent s’organiser.
En revanche, pour les petites entreprises de moins de vingt salariés – je pense pour ma part que le seuil de dix salariés serait bon –, il est beaucoup plus difficile de rédiger ces fiches pénibilité. En effet, le travail qu’elles demanderont aux chefs d’entreprise rebutera un certain nombre d’entre eux : cela créera une surcharge de travail, il faudra embaucher quelqu’un parce qu’il n’existe pas de direction des ressources humaines dans l’entreprise, etc. En somme, cela créera des complications qui s’ajouteront les unes aux autres.
Je soutiens par conséquent l’amendement n° 280.
Mme la présidente. La parole est à M. Gérard Longuet, pour explication de vote sur l'amendement n° 281.
M. Gérard Longuet. Il s’agit évidemment d’un amendement de repli par rapport aux amendements précédents.
Je reprends l’excellente intervention de mon collègue Gilbert Barbier. Le seuil qui est retenu par l’amendement n° 281, rédigé par Jean-Noël Cardoux, est de vingt salariés ; nous parlons donc vraiment ici des TPE.
La réflexion sur la pénibilité est un devoir absolu, mais je crois profondément que votre système ne peut pas fonctionner dans les petites entreprises, sauf à susciter des charges administratives qu’à aucun moment vous ne faites l’effort d’évaluer en les rapportant au nombre de salariés.
Madame la rapporteur, vous avez dit quelque chose d’important tout à l’heure sur un autre article. Vous avez dit : on passe de la sécurité sociale au droit du travail, de l’invalidité à la pénibilité.
Mme Christiane Demontès, rapporteur. Absolument.
M. Gérard Longuet. On ne se situe plus sur le terrain de la santé – je cherche du regard mon collègue M. Alain Milon –, mais sur celui du fonctionnement de l’entreprise, au cœur de celle-ci.
Or, dans le fonctionnement de l’entreprise, ou bien l’on retient des normes générales qui s’appliquent d’une façon indifférenciée au sein de grandes catégories d’entreprises, ou bien, comme le propose le projet de loi à travers des fiches, on entre dans le détail de l’activité de chaque salarié. Vous avez choisi cette seconde solution, mais je crains qu’elle ne soit irréaliste.
En effet, l’intervention du salarié, lorsqu’il va réparer une chaudière, par exemple, livrer des meubles en ville ou monter un mur d’aggloméré, est prévisible théoriquement – du moins peut-on l’imaginer. Toutefois, la vie ne se passe pas toujours comme la théorie le prévoit. À certains moments, le salarié est obligé de s’adapter. L’équipe, le contremaître s’adaptent eux-mêmes aux réalités du travail, et ce qui était facile devient difficile.
Pour reprendre l’exemple du marteau-piqueur qui a déjà été évoqué, démolir une dalle dont on s’aperçoit finalement qu’elle est en béton armé avec un ferraillage dense est un travail beaucoup plus difficile que celui qui était prévisible théoriquement. Comment va-t-on procéder ? Va-t-on considérer que chaque mètre carré de terrassement permet d’atteindre un seuil de pénibilité, ou faudra-t-il revenir sur chaque action ? Très honnêtement, on a besoin de comprendre.
Vous me direz que ces réflexions relèvent de l’application, pas même des décrets, mais des circulaires. Je le concède, mais ce que je voulais dire à travers cet amendement, c’est que, très tranquillement, vous imposez une charge nouvelle aux employeurs.
Vous savez que dans une année, un salarié doit, je crois, en moyenne, 220 journées de travail à son employeur, et l’employeur, lui, doit 365 jours par an à son entreprise. A-t-il nécessairement envie de consacrer le temps dont il dispose à établir le compte pénibilité ? Nous ne contestons pas qu’il doive appliquer les lois – vous avez tout à fait raison, madame la ministre, il faut appliquer les lois – et les normes – il faut en effet appliquer les normes de sécurité, d’hygiène, d’environnement. Nous acceptons tout cela. Cependant, selon votre rédaction du projet de loi, il faudra qu’il établisse une sorte de dialogue permanent, prévisionnel d’abord, rétrospectif ensuite, pour savoir si toutes les marches d’accès au seuil de pénibilité ont été franchies ou non.
Je crains que vous n’aboutissiez ainsi véritablement à décourager les employeurs, qui risquent, pour les toutes petites entreprises, de prendre la décision de ne pas saisir les occasions de développement, lorsqu’elles existent, tant ils seront préoccupés de la charge de travail que représenterait – j’insiste sur le conditionnel pour ne pas être systématiquement négatif – une interprétation conflictuelle de l’obligation d’établir des fiches restituant la réalité de la pénibilité dans le travail.
S’il s’agit d’une norme générale, eh bien, on coche des cases. S’il s’agit de restituer ce qu’a été la réalité d’une journée de travail sur un chantier, bonjour les dégâts ! En tous les cas, bonjour le découragement pour l’employeur.
C’est la raison pour laquelle je voulais défendre avec conviction cet amendement n° 281, qui vise à modifier la date d’entrée en vigueur du texte pour les entreprises de moins de vingt salariés.
Mme la présidente. L'amendement n° 161, présenté par Mme David, M. Watrin, Mmes Cohen et Pasquet, M. Fischer et les membres du groupe communiste républicain et citoyen, est ainsi libellé :
Compléter cet article par un paragraphe ainsi rédigé :
... – L’article L. 4622-2 du code du travail est complété par deux alinéas ainsi rédigés :
« Le refus de l’employeur de se conformer aux prescriptions du médecin du travail doit être motivé par écrit.
« En cas de contentieux liés à l’altération ou à la dégradation de l’état de santé du salarié, en lien avec son activité professionnelle, le refus de l’employeur de se conformer aux prescriptions du médecin lui est opposable. »
La parole est à Mme Annie David.
Mme Annie David. Cet amendement vise à tirer les conséquences de l’allongement progressif de la durée de vie au travail.
Nous considérons en effet qu’étendre le nombre d’années de cotisations, quand bien même l’espérance de vie augmente, n’est pas sans effets sur la santé des travailleurs. Encore aujourd’hui, dans nombre de métiers pénibles, les conséquences d’une vie de travail sont telles que l’espérance de vie en bonne santé est très inégale. Ce sont bien souvent les populations issues de milieux déjà frappés par la crise et les bas salaires qui sont les plus mal loties.
Disons-le sans ambages : avec ces multiples réformes, la retraite à soixante ans ne sera bientôt plus qu’un souvenir. Nombre de nos jeunes ne peuvent aujourd’hui espérer, compte tenu des périodes de chômage ou d’inactivité qu’ils auront à traverser, de retraite complète avant d’atteindre l’âge de soixante- cinq ans. Aussi devons-nous réfléchir sur les conditions dans lesquelles les citoyens de ce pays auront à effectuer ces années supplémentaires.
Il nous semble tout à fait opportun de renforcer les protections du travailleur dans le domaine de la santé au travail, puisque l’allongement de la durée de cotisations et, partant, de la durée de vie passée au travail ne sera pas sans incidence sur sa santé.
Il s’agit donc de s’assurer que les prescriptions du médecin du travail seront suivies d’effets.
Mme la présidente. Quel est l’avis de la commission ?
Mme Christiane Demontès, rapporteur. Cet amendement vise à renforcer les obligations de l’employeur au regard des prescriptions du médecin du travail. Bien entendu, notamment sur les travées de gauche de cet hémicycle, on ne peut que partager cet objectif.
Pour autant, il convient d’observer que cet amendement n’a pas véritablement de lien avec l’objet du projet de loi. On peut même dire qu’il s’agit d’un cavalier législatif. Or la jurisprudence du Conseil constitutionnel à cet égard est très claire : il avait censuré la réforme de la médecine du travail introduite dans le projet de loi de 2010 au cours de la navette parlementaire.
Par conséquent, la commission émet un avis défavorable sur cet amendement.
Mme la présidente. Quel est l’avis du Gouvernement ?
Mme Marisol Touraine, ministre. À l’argument relatif à l’inconstitutionnalité, j’ajouterai, madame David, que les dispositions que vous souhaitez introduire figurent déjà dans les articles L. 4624-1 et L. 4624-3 du code du travail, qui prévoient l’obligation pour l’employeur de prendre en considération les propositions du médecin du travail et de motiver son refus.
Par conséquent, le Gouvernement demande le retrait de cet amendement ; à défaut, il émettra un avis défavorable.
Mme Annie David. Je maintiens l’amendement, madame la présidente !
Mme la présidente. La parole est à M. Gérard Longuet, pour explication de vote.
M. Gérard Longuet. Cet amendement est intéressant, parce qu’il nous replonge dans le débat que nous avons eu hier soir sur le rôle du médecin du travail.
Je crois me souvenir – je peux me tromper, car nous avons examiné un grand nombre d’amendements – que le Sénat a adopté, contre l’avis de la commission et du Gouvernement, un amendement permettant de consulter le médecin du travail pour établir les fiches de pénibilité dans l’entreprise.
Mme Christiane Demontès, rapporteur. Ce n’est pas le même sujet !
M. Gérard Longuet. À partir du moment où l’on a fait mention du médecin du travail hier, je comprends que Mme David veuille qu’il en soit de même aujourd’hui.
Madame la ministre, le risque qui existe serait dissipé si nous examinions ce texte selon la procédure normale et si la navette parlementaire nous laissait le temps – oh ! ce ne serait pas l’éternité, ce serait l’affaire de deux ou de trois semaines –, de consulter les meilleurs juristes et, par conséquent, d’éviter la perspective – honteuse ! – d’une censure par le Conseil constitutionnel.
Comme nous travaillons à marche forcée – au tambour, dirai-je ! –, nous ne pouvons évidemment entrer dans le détail. Du reste, cela n’a rien d’un détail : c’est au contraire très important puisque le principe de l’intervention du médecin du travail a été décidé hier et que son avis ne serait pas considéré aujourd'hui comme requis.
Madame la ministre, j’ai bien compris que l’avis du médecin du travail peut être recueilli, mais c’est au titre de la santé et non à celui de la pénibilité. Or, hier, nous avons fait en sorte d’impliquer le médecin du travail dans la pénibilité sans pour autant intégrer la problématique de la pénibilité dans la médecine du travail.
Quoi qu'il en soit, nous ne participerons pas au vote sur cet amendement, car il s’agit d’une affaire interne à la majorité gouvernementale. (Exclamations sur les travées du groupe CRC.)
Mme la présidente. La parole est à Mme Annie David, pour explication de vote.
Mme Annie David. J’entends bien qu’il existe un risque d’inconstitutionnalité et que le code du travail prévoit déjà que les prescriptions faites à l’employeur par le médecin du travail lui sont opposables. Cependant, nous savons tous ici que ce n’est pas pour autant que ces prescriptions sont suivies d’effet. Si, dans l’entreprise, ce que demandait le médecin du travail était appliqué, cela se saurait ! Hélas, il ne suffit pas qu’une obligation figure dans le code du travail pour qu’elle soit respectée !
Puisque nous abordons un nouveau chapitre du projet de loi et que la notion de pénibilité est incluse dans le code du travail, il me semble important de prévoir que les prescriptions du médecin du travail à cet égard sont rendues opposables à l’employeur.
Madame la ministre, force est de le reconnaître, aujourd’hui, les dispositions que vous avez citées ne sont pas appliquées ! C’est pourquoi je maintiens cet amendement.
Mme la présidente. L'amendement n° 162, présenté par Mme David, M. Watrin, Mmes Cohen et Pasquet, M. Fischer et les membres du groupe communiste républicain et citoyen, est ainsi libellé :
Compléter cet article par un paragraphe ainsi rédigé :
... – Au III de l’article L. 4624-3 du code du travail, les mots : « , à leur demande, » sont supprimés.
La parole est à Mme Laurence Cohen.
Mme Laurence Cohen. Toujours pour mieux prendre en compte la pénibilité au travail et défendre les droits des salariés, nous proposons de modifier l’article L. 4624-3 du code du travail.
En vertu de cet article, lorsque le médecin du travail est saisi par un employeur pour éviter toute altération de la santé des travailleurs du fait de leur travail, notamment par une surveillance de leurs conditions d’hygiène au travail, des risques de contagion et de leur état de santé, il fait connaître ses propositions par écrit.
Ces propositions ainsi que la réponse de l’employeur sont tenues, à leur demande, à la disposition du comité d’hygiène, de sécurité et des conditions de travail, le CHSCT, ou, à défaut, à celle des délégués du personnel, de l’inspecteur ou du contrôleur du travail, du médecin inspecteur du travail ou des agents des services de prévention des organismes de sécurité sociale.
Nous souhaitons la suppression des termes « à leur demande », afin que ces propositions soient tenues de façon systématique à la disposition des personnes précitées.
Le caractère systématique de cette mise à disposition serait gage de transparence et serait source d’une plus grande réactivité pour prendre les mesures propres à garantir une bonne santé au salarié.
Cette mesure est simple, de bon sens et permet de répondre à l’objectif affirmé dans l’article 1er de ce projet de loi.
Si l’espérance de vie a bel et bien augmenté et que l’on recule de fait l’âge légal de départ à la retraite en augmentant la durée de cotisations, comme le souhaite le Gouvernement, il paraît, a minima, indispensable de s’assurer que les salariés sont en bonne santé au moment de partir à la retraite.
En ce sens, le rôle du médecin du travail, par les recommandations qu’il peut faire, est essentiel.
Mme la présidente. Quel est l’avis de la commission ?
Mme Christiane Demontès, rapporteur. Cet amendement prévoit l’accès direct du CHSCT aux propositions et préconisations émises par le médecin du travail ainsi qu’à la réponse formulée par l’employeur.
Cet amendement, comme le précédent, est un cavalier législatif et la commission y est, pour cette raison, défavorable.
Mme la présidente. Quel est l’avis du Gouvernement ?
Mme la présidente. La parole est à M. Gérard Longuet, pour explication de vote.
M. Gérard Longuet. Je crains que cet amendement ne desserve la cause que ses auteurs veulent défendre.
Si l’on « arrose » tout le monde, plus personne ne lira ces documents ! C’est le CHSCT, au cœur du dispositif, qui saisira l’employeur ; en cas de contentieux, il mobilisera les partenaires dont il a besoin. En prévoyant la diffusion de tous les documents, vous risquez d’aboutir à un phénomène de saturation.
Il s’agit là d’une observation de bons sens qui nous conduira, cette fois, à suivre l’avis de la commission et du Gouvernement.
Mme la présidente. L'amendement n° 164, présenté par Mme David, M. Watrin, Mmes Cohen et Pasquet, M. Fischer et les membres du groupe communiste républicain et citoyen, est ainsi libellé :
Compléter cet article par un paragraphe ainsi rédigé :
… - L’article L. 4624-3 du code du travail est complété par un paragraphe ainsi rédigé :
« ... – En cas de contentieux lié à l’altération ou à la dégradation de l’état de santé du salarié en lien avec son activité professionnelle, le refus de l’employeur de se conformer aux prescriptions du médecin lui est opposable. »
La parole est à M. Dominique Watrin.
M. Dominique Watrin. Nous avions déjà déposé cet amendement lors de l’examen de la proposition de relative à l’organisation de la médecine du travail, au mois de janvier 2011 ; malheureusement, il n’avait pas été retenu ni par le gouvernement ni par la majorité d’alors.
Mme Catherine Deroche. Ce n’est pas un hasard ! (Sourires sur les travées de l'UMP.)
M. Dominique Watrin. Nous continuons de penser, comme en 2011, qu’il est important de compléter le code du travail pour préciser que, en cas de contentieux lié à l’altération ou à la dégradation de l’état de santé du salarié en lien avec son activité professionnelle, le refus de l’employeur de se conformer aux prescriptions du médecin lui est opposable. Si le code le prévoit déjà, qu’on nous dise à quel article !
Aux termes de l’article L. 4121-1 du code du travail, « l’employeur prend les mesures nécessaires pour assurer la sécurité et protéger la santé physique et mentale des travailleurs ». C’est dire que pèsent sur lui non seulement une obligation de moyens, mais aussi une obligation de résultat. Telle est la jurisprudence constante, depuis l’arrêt rendu par la chambre sociale de la Cour de cassation, le 28 février 2006, dans l’affaire SA Cubit France technologies, qui consacra ce principe en ces termes : « L’employeur, tenu d’une obligation de sécurité de résultat en matière de protection de la santé et de la sécurité des travailleurs dans l’entreprise, doit en assurer l’effectivité. »
Il résulte de cette situation de droit que l’employeur doit garantir à chaque travailleur le résultat attendu, c’est-à-dire la protection de sa santé au travail. En cas de défaut de résultat, c’est-à-dire de dégradation de la santé causée par le travail, même seulement en partie, l’employeur est présumé responsable d’une défaillance fautive.
Les dispositions de cet amendement s’inscrivent dans cette logique : nous entendons donner force obligatoire aux interventions prescrites par le médecin du travail, afin d’éviter que celles-ci ne restent vaines, ce que l’on constate malheureusement trop souvent dans les entreprises.
Rien ne sert en effet de confier cette faculté au médecin du travail si l’employeur peut systématiquement et sans formalité particulière s’y soustraire. Nous proposons donc que le refus de l’employeur de se conformer aux prescriptions soit motivé par écrit. Chacun l’aura compris, cette précision vise, en cas de contentieux, à faciliter l’administration de la preuve du manquement caractérisé de l’employeur, en l’espèce par son refus de suivre les prescriptions formulées par le médecin du travail.
Mme la présidente. Quel est l’avis de la commission ?
Mme Christiane Demontès, rapporteur. Sur cet amendement comme sur les précédents, la commission fait la même analyse : il s’agit d’un cavalier législatif. Par conséquent, elle émet un avis défavorable.
Mme la présidente. Quel est l’avis du Gouvernement ?
Mme Marisol Touraine, ministre. Le Gouvernement émet également un avis défavorable sur cet amendement.
Je précise que, en cas de contentieux, le refus de l’employeur de consulter le médecin du travail ou de tenir compte de ses préconisations lui est déjà opposable. C’est l’état actuel du droit du travail.
Mme la présidente. La parole est à Mme Marie-Christine Blandin, pour explication de vote.
Mme Marie-Christine Blandin. Je tiens à soutenir de façon circonstanciée la proposition de nos collègues, en prenant l’exemple très actuel des chantiers de désamiantage, comme chacun d’entre nous en connaît sur son territoire.
L’obligation de résultat et d’effectivité de la protection de la santé des travailleurs est particulièrement sensible en ce domaine. Ce sont des chantiers itinérants, sur lesquels travaillent souvent des salariés en contrat non durable, qui signent un document dans lequel ils affirment connaître la dangerosité du produit alors qu’ils ne sont pas francophones ; et il suffit de collecter les bordereaux auprès de l’inspection générale du travail pour constater que, là où doivent se trouver les signatures, il y a surtout des croix en guise de paraphe.
En conséquence, si nous adoptions, comme je le souhaite, la proposition de nos collègues, nous enverrions un signal extrêmement fort. Quand Mme la ministre dit : « S’il y avait un contentieux, la parole du médecin du travail ferait foi et l’entrepreneur serait placé devant ses responsabilités », elle dit vrai. Cependant, notre but n’est pas de poursuivre de futurs coupables éventuels, il est de garantir le bon état de santé des travailleurs.
En inscrivant maintenant cette disposition dans nos textes, nous éviterions que des salariés ne meurent dans le futur d’avoir travaillé sur les très nombreux chantiers de désamiantage qui doivent encore être menés à bien.
Mme la présidente. La parole est à M. Jean Desessard, pour explication de vote.
M. Jean Desessard. Madame la présidente, je souhaite exprimer mon désaccord avec l’emploi du mot « cavalier » pour qualifier cet amendement.
L’article L. 4624-3, visé par l’amendement, dispose que, « lorsque le médecin du travail constate la présence d'un risque pour la santé des travailleurs, il propose par un écrit motivé et circonstancié des mesures visant à la préserver ».
Cet amendement n’est pas un cavalier dans la mesure où nous avons dit à plusieurs reprises qu’il ne fallait pas que d’éventuels points de pénibilité servent à gagner du temps de retraite. Ce qu’il faut avant tout, c’est prévenir la pénibilité, de manière à préserver la santé des travailleurs. En cela, l’amendement est non seulement fondé, mais il a toute sa place dans les débats sur ce projet de loi.
Mme la présidente. La parole est à M. Gérard Longuet, pour explication de vote.
M. Gérard Longuet. Hier, nous avons soutenu le fait que les médecins du travail soient associés à l’élaboration des fiches de pénibilité.
M. Jean Desessard. Cela, vous l’avez voté hier, monsieur Longuet !
M. Gérard Longuet. Oui, et de bon cœur, parce qu’un médecin, dans l’entreprise, est en mesure d’observer la pénibilité d’une tâche et qu’il peut distinguer la pénibilité de l’atteinte à la santé, car ce n’est pas la même chose.
Lorsque Mme Demontès dit que cet article 8 est très important, qu’on passe du code de la sécurité sociale du code du travail, je lui donne raison. Qu’on me permette de m’en expliquer.
Tout ce qui est dangereux n’est pas nécessairement pénible. Le tabac est dangereux, mais la plupart de ceux qui fument le font par plaisir. L’alcool est plutôt agréable, mais chacun sait que c’est profondément dangereux.
Mme Catherine Génisson. C’est l’abus d’alcool qui est dangereux !
M. Jean Desessard. C’est pénible le lendemain ! (Rires.)
M. Gérard Longuet. C’est surtout pénible pour les autres !
En revanche, il y a des choses qui sont très pénibles, sans être dangereuses le moins du monde. Ainsi, le fait de m’écouter parler quand on veut faire aboutir un texte rapidement est certainement pénible, mais ce n’est absolument pas dangereux : cela ne porte pas atteinte à la santé ! (Sourires.) Cela peut même éveiller une réflexion, susciter une ouverture… (Nouveaux sourires.)
Donc, il faut bien séparer ce qui est pénible et ce qui est dangereux ou, selon votre formule, provoque « l’altération ou la dégradation de l’état de santé ». Je serais au passage intéressé de connaître la différence entre l’altération et la dégradation, mais c’est là de la sémantique qu’on peut laisser à un débat de commission.
L’essentiel, c’est que, comme vous l’avez dit avec raison, madame le rapporteur, il convient de distinguer, d’un côté, la santé et la mission de prévention du médecin du travail dans l’entreprise et, de l’autre, une pénibilité qui, parfois, n’altère ni ne dégrade la santé.
C’est la raison pour laquelle nous ne soutiendrons pas les amendements de nos collègues communistes, qui méritent un débat mais dans d’autres circonstances.
Mme Catherine Génisson. L’invalidité était reconnue dans la loi de 2010, mais pas la pénibilité !
M. Gérard Longuet. Nous évoluons !
Mme Marie-Christine Blandin. C’est bien !
Mme la présidente. La parole est à M. Jean-Marie Vanlerenberghe, pour explication de vote.
M. Jean-Marie Vanlerenberghe. Nous pouvons tous tomber d’accord sur cet amendement. Le problème est de savoir s’il a vocation à figurer dans ce texte, ou à cet endroit du texte.
Marie-Christine Blandin a pris l’exemple de l’amiante, que nous connaissons bien. Et Dieu sait si, dans ce domaine, il y a eu parfois des manquements ! Il est normal que l’employeur se conforme à ce que dit le médecin du travail s’il fait remarquer des altérations graves de la santé du salarié. Mais je ne crois pas que le caractère opposable de cette prescription doive figurer ici.
C’est ce qui nous amènera à nous abstenir.
Mme la présidente. La parole est à M. Dominique Watrin, pour explication de vote.
M. Dominique Watrin. Il n’y a pas, sur ce dispositif, de divergence de fond entre notre groupe et les autres groupes de la majorité sénatoriale puisque nous avions, ensemble, proposé et soutenu une telle disposition en janvier 2011.
Reste la question de la forme… Bien que mon expérience sénatoriale soit encore très courte, j’ai déjà vu passer, et encore tout récemment, un certain nombre d’amendements qui avaient parfois de manière bien plus évidente que celui-ci le caractère de cavalier !
M. Gérard Longuet. Moi, ce sont des régiments entiers de hussards que j’ai vu passer ! (Sourires.)
M. Dominique Watrin. En citant l’article L. 4624-3 du code du travail, ce dont je le remercie, M. Desessard a bien montré que cet amendement ne constituait pas un cavalier puisqu’il va clairement dans le sens du renforcement du volet préventif de ce texte, un renforcement que tout le monde ici appelle de ses vœux. Dès lors, nous devrions tous voter cet amendement. (Applaudissements sur les travées du groupe CRC.)
Mme la présidente. L'amendement n° 163, présenté par Mme David, M. Watrin, Mmes Cohen et Pasquet, M. Fischer et les membres du groupe communiste républicain et citoyen, est ainsi libellé :
Compléter cet article par un paragraphe ainsi rédigé :
... – L’article L. 4625-2 du code du travail est complété par un alinéa ainsi rédigé :
« Ces médecins doivent être titulaires d’une habilitation délivrée par l’autorité administrative conditionnée par le suivi d’une formation spécifique dont le contenu est fixé par décret. Le protocole précise les modalités d’exercice au sein du service de santé au travail et l’incompatibilité entre la fonction de médecin de soin du travailleur ou de l’employeur et le suivi médical du travailleur prévu par le protocole. »
La parole est à M. Michel Le Scouarnec.
M. Michel Le Scouarnec. Nous souhaitons, avec cet amendement, revenir sur une disposition à laquelle nous nous étions opposés en 2011 avec nos collègues socialistes de la commission des affaires sociales, lorsque nous étions dans l'opposition, au moment de l'examen du texte relatif à l'organisation de la médecine du travail.
En effet, ce texte, a permis, pour certaines professions, par exemple les artistes et techniciens intermittents du spectacle, les mannequins, les salariés du particulier employeur et les VRP, que des accords de branche puissent déroger au droit commun de la protection de la santé au travail des salariés, au motif, contestable selon nous, que l'activité professionnelle des salariés en question les écarte déjà de la médecine du travail.
Ainsi, cette réforme prévoit que des médecins généralistes puissent accomplir des actes et des missions qui relèvent normalement des missions et compétences des médecins du travail.
Or il s'agit justement de salariés qui de par leur activité professionnelle, peuvent se trouver isolés ou confrontés à des difficultés sanitaires certaines, en raison notamment du morcellement de leurs horaires.
Dans le cas des mannequins, par exemple, notre collègue Jean-Pierre Godefroy avait évoqué le phénomène de l'anorexie.
Les VRP, quant à eux, sont soumis à des contraintes importantes : culture du résultat, rémunérations variables, autonomie non contrôlée, pressions multiples des clients et des dirigeants ; au point qu'ils figurent aujourd'hui parmi les premières victimes de ce qu'il est convenu d'appeler les troubles psychosociaux.
Il en va de même pour les intermittents du spectacle, qui comptent parmi les salariés les plus précaires. Les priver de l'accès à la médecine du travail au motif que leur précarité rend difficiles des rencontres régulières avec les équipes pluridisciplinaires n'est pas sérieux au regard des enjeux de santé publique.
Ces salariés devraient pouvoir accéder, comme les autres, à la médecine du travail. Or le dispositif qui a été adopté en 2011 prenait prétexte de ce que leur suivi médical est trop difficile ou trop espacé, pour les en écarter.
C'est pourquoi nous souhaitons, avec cet amendement, apporter des garanties suffisantes à la préservation de la santé de ces professionnels soumis à des conditions de travail particulières. Il est donc proposé que l'habilitation des médecins non spécialisés ne puisse résulter que d'une autorisation délivrée par une autorité administrative compétente en matière de santé publique et non d'un simple protocole de gré à gré entre un médecin non spécialisé et le service de santé au travail.
Mme la présidente. Quel est l’avis de la commission ?
Mme Christiane Demontès, rapporteur. Là encore, selon la commission, cet amendement n’est pas à sa place dans ce projet de loi : avis défavorable.
Mme la présidente. Quel est l’avis du Gouvernement ?
Mme Marisol Touraine, ministre. Même avis, madame la présidente.
Je me permettrai de dire en outre à M. Desessard qu’il a, si je puis m’exprimer ainsi, une conception assez cavalière des cavaliers. (Rires.) En effet, il ne suffit pas d’introduire dans un texte la référence à un autre texte, et de broder ensuite autour, pour créer un lien avéré avec un projet de loi. En 2010, le Conseil constitutionnel a annulé de très nombreux articles qui avaient été introduits par des amendements dans le projet de loi présenté par la précédence majorité, amendements qui portaient précisément sur la médecine du travail.
M. Jean Desessard. Je suis un fantassin de la sécurité au travail ! (Sourires.)
Mme la présidente. La parole est à Mme Catherine Génisson, pour explication de vote.
Mme Catherine Génisson. J’entends bien les arguments de Mme la rapporteur et de Mme la ministre selon lesquels certains amendements sont des cavaliers, mais ces amendements sont tout de même intéressants. Ils soulignent l’importance de l’organisation de la médecine du travail et la nécessité de nouvelles réformes qui seraient vraiment protectrices de la santé au travail.
Je le dis au moment de l’examen de cet amendement au travers duquel nos collègues du groupe CRC souhaitent exclure toute possibilité pour le médecin de soin du salarié ou de l’employeur d’être aussi le médecin du travail. C’est là une règle fondamentale, qui a d’ailleurs été inscrite dans la loi du 13 août 2004 relative à l’assurance maladie. Cette loi, qui a instauré le dossier médical personnel, a prévu deux circonstances dans lesquelles ce dossier ne peut être transmis à un autre médecin : si ce dernier est un médecin du travail ou un médecin d’assurance.
Par conséquent, si j’entends les arguments selon lesquels ces amendements seraient des cavaliers législatifs, je tiens à insister sur un point : l’urgence de la réforme de la médecine du travail doit aussi être entendue !
Mme la présidente. L'amendement n° 165, présenté par Mme David, M. Watrin, Mmes Cohen et Pasquet, M. Fischer et les membres du groupe communiste républicain et citoyen, est ainsi libellé :
Compléter cet article par un paragraphe ainsi rédigé :
… - Après le 1° bis de l’article L. 422-4 du code de la sécurité sociale, il est inséré un alinéa ainsi rédigé :
« 1° ter Imposition d’une cotisation supplémentaire en cas de non-respect par l’employeur des obligations découlant de l’article L. 4622-1 du code du travail ; ».
La parole est à Mme Isabelle Pasquet.
Mme Isabelle Pasquet. Cet amendement vise à renforcer les obligations des entreprises en matière de santé au travail.
Nous considérons effectivement qu’il est nécessaire de compléter l’arsenal de sanctions et d’amendes existant, car nombre d’entreprises, c’est un fait, ne respectent pas leurs obligations, qu’il s’agisse des visites médicales, obligatoires au minimum tous les deux ans, ou de l’organisation d’un service de santé au travail.
Souvent, les entreprises visées par les enquêtes des services de l’inspection du travail arguent de difficultés économiques, difficultés qui les empêcheraient de tenir leurs engagements en tant qu’employeurs.
Pourtant, nous l’avons indiqué à plusieurs reprises, la question de la santé au travail est capitale. La loi est d’ailleurs claire sur ce point et il ne saurait y avoir ici matière à discussion : un salarié en bonne santé, c’est une entreprise en bonne santé ! Certes, dans l’esprit général, ces dispositions concernent surtout les métiers considérés comme étant les plus exposés. Il est évident que le secteur industriel ne peut pas fonctionner sans des salariés en bonne santé. Mais, en réalité, une telle affirmation vaut pour tous les secteurs.
La prévalence grandissante des troubles musculo-squelettiques est bien une preuve que la médecine du travail est indispensable dans tous les domaines d’activité. On dénombre aujourd’hui près de 40 000 personnes indemnisées par an, mais il y a sans doute beaucoup de cas non déclarés. Ces troubles ont de plus de vraies répercussions économiques puisque leur indemnisation représente plus de 800 millions d’euros et près de 8 millions d’heures de travail perdues.
L’extension du phénomène doit nous inciter à renforcer la médecine du travail. En effet, celle-ci permet précisément de repérer ces troubles, de les prévenir et, ainsi, d’assurer la pérennité de l’activité économique.
Nous proposons donc d’inscrire dans la loi que, sous peine d’une cotisation supplémentaire, l’employeur est tenu au respect absolu de ses obligations en matière de santé au travail. La cotisation, qui fait office de sanction, est évidemment destinée à ne pas être perçue, l’effet recherché étant un effet dissuasif.
Cette mesure permettrait de placer les employeurs face à leurs responsabilités, alors même que, les contentieux le montrent, la loi a encore du mal à être respectée partout.
Mme la présidente. Quel est l’avis de la commission ?
Mme Christiane Demontès, rapporteur. Cet amendement tend à affranchir d’injonctions préalables l’imposition à l’employeur, par la caisse d’assurance retraite et de la santé au travail, la CARSAT, d’une cotisation supplémentaire en cas de non-respect de ses obligations en matière d’organisation des services de santé au travail.
Comme les quatre amendements précédents, celui-ci aurait sans doute sa place dans un texte réformant la médecine du travail, mais n’en a pas dans le présent projet de loi. Par conséquent, l’avis est défavorable.
Mme la présidente. La parole est à Mme la ministre.
Mme Marisol Touraine, ministre. Le Gouvernement émet également un avis défavorable.
Je voudrais rebondir sur les propos que Catherine Génisson a tenus précédemment et indiquer que, comme Mme la rapporteur l’a souligné elle-même de façon extrêmement claire, les avis défavorables exprimés sur ces amendements ne traduisent en aucun cas une vision négative du rôle et de la place de la médecine du travail.
Je crois que nous partageons tous ici le sentiment selon lequel cette médecine du travail ne fonctionne pas aussi bien qu’elle devrait et pourrait fonctionner. De toute évidence, des améliorations doivent être apportées, aussi bien sur le fond, au niveau des politiques de santé publique, qu’en termes d’organisation du service en lui-même.
Sur le premier point, en tant que ministre en charge de la santé, j’ai annoncé que la stratégie nationale de santé devait permettre une meilleure coordination des actions de santé publique dans tous les domaines de l’action publique, ce qui englobe, indépendamment des rattachements administratifs, les secteurs relevant directement de mon ministère, mais aussi la santé des enfants dans le cadre de l’éducation nationale ou celle des salariés dans le cadre de leur activité professionnelle.
Sur le second point, je tiens à rappeler que Michel Sapin, ministre du travail, a pris l’engagement devant le Conseil d’orientation sur les conditions de travail, le COCT, qu’il a présidé le 14 mai dernier de présenter un bilan de la mise en œuvre de la réforme de la médecine du travail et des services de santé au travail. Cet examen, auquel le COCT sera associé, permettra d’identifier les points méritant une amélioration. D’ailleurs, dans le cadre de la grande conférence sociale des 20 et 21 juin dernier, des réflexions ont d’ores et déjà été engagées sur le sujet.
Les questions relatives à l’avenir de la médecine du travail, à son organisation et aux moyens mis à sa disposition pour mieux prendre en compte les situations des salariés dans le monde du travail figurent donc bien, et en bonne place, à l’agenda gouvernemental. Nous les considérons comme tout à fait prioritaires. Pour autant, nous ne pensons pas que des mesures concernant la médecine du travail aient leur place dans le présent projet de loi.
Mme la présidente. La parole est à Mme Isabelle Pasquet, pour explication de vote.
Mme Isabelle Pasquet. Nous avons bien compris l’argumentation avancée par la commission et le Gouvernement, aux termes de laquelle les amendements que nous avons déposés au sujet de la médecine du travail n’ont pas leur place dans ce texte.
Nous pensons pour notre part que la médecine du travail a un rôle important à jouer dans le cadre de la mise en œuvre du compte personnel de prévention de la pénibilité et, puisque la question de ce compte est abordée dans le présent projet de loi, il est intéressant de pouvoir débattre du sujet dans ce cadre et, ainsi, montrer comment cette médecine peut intervenir.
C’est pour cette raison que nous avons proposé un certain nombre d’améliorations, qui n’enlèvent rien, selon moi, aux discussions prévues et engagées, y compris avec les partenaires sociaux, sur la réforme de la médecine du travail.
Voilà pourquoi nous persistons à considérer que cet amendement ainsi que ceux qui l’ont précédé ne sont pas des cavaliers législatifs.
Mme la présidente. La parole est à M. Philippe Bas, pour explication de vote.
M. Philippe Bas. Par souci de ne pas abuser du temps de parole, je m’exprimerai ici sur l’ensemble des questions touchant à la médecine du travail, en particulier sur cet amendement n° 165 et sur le précédent.
Je voudrais remercier Mme la ministre d’avoir souligné que des évolutions sont nécessaires dans le domaine de la médecine du travail. Je les crois même indispensables.
Notre opposition à ces deux amendements ne tient pas principalement au fait qu’il s’agit de cavaliers législatifs, même si nous partageons la conviction énoncée tant par Mme le rapporteur que par Mme la ministre. Effectivement, ces mesures n’ont qu’un lien assez ténu avec l’objet principal de ce projet de loi portant diverses dispositions relatives aux retraites.
Il reste que, bien entendu, c’est le fond qui prime. Or, de ce point de vue, madame la ministre, je tiens à exprimer une légère déception quant au contenu de votre réponse. Celle-ci n’éclaire guère notre assemblée sur les intentions du Gouvernement à propos d’éventuelles réformes à venir en matière de médecine du travail. Je crois qu’il eût été appréciable, pour l’information du Sénat, que vous nous en disiez un peu plus.
J’ajoute que, à mes yeux, les amendements nos 163 et 165 ne vont dans la bonne direction.
En premier lieu, vouloir ériger des barrières supplémentaires au recours, par défaut, à des médecins généralistes quand les médecins du travail viennent à manquer présente, me semble-t-il, un risque grave. Cela reviendrait tout simplement à baisser la garde et nous nous retrouverions, dans un certain nombre d’entreprises, sans aucun professionnel pour assumer cette fonction.
Certes, le dilemme est très difficile à trancher et, sur toutes les travées, nous reconnaissons la nécessité d’une formation et d’une habilitation spécifiques pour les médecins du travail. Pour autant, on ne peut se contenter d’interdire toute dérogation quand il est avéré que nous manquons de médecins du travail. Le passage par l’habilitation est, a contrario, indispensable pour régler le problème démographique qui se pose dans ce secteur.
En second lieu, je dois dire que je ne suis pas du tout surpris par la méthode proposée par les membres du groupe communiste, républicain et citoyen dans l’amendement n° 165 : à l’heure actuelle, c’est ce que j’appellerai la « méthode unique » ! Elle consiste à créer des prélèvements et des pénalités supplémentaires, pesant de préférence sur les entreprises. C’est la politique du tout-fiscal ! Cette réponse n’est pas pertinente et ne peut en rien régler les problèmes.
Voilà pourquoi nous voterons contre le présent amendement.
Mme la présidente. La parole est à Mme Catherine Génisson, pour explication de vote.
Mme Catherine Génisson. Je voudrais réagir brièvement à l’intervention de notre collègue Philippe Bas.
Il n’est pas question de mettre en cause les médecins du travail ou les médecins généralistes, ni de prétendre qu’un médecin généraliste ne pourrait pas exercer cette compétence, bien sûr sous certaines conditions de validation de connaissances qu’il aurait acquises en matière de médecine du travail. Ce qu’il importe de préciser, c’est que le médecin traitant du salarié ou de l’employeur ne doit avoir aucun lien avec le médecin du travail. (Mme Laurence Cohen et M. Michel Le Scouarnec applaudissent.)
Mme la présidente. La parole est à Mme Catherine Deroche, pour explication de vote.
Mme Catherine Deroche. Une réforme de la médecine du travail est effectivement nécessaire et pourrait sans doute nous permettre de compléter celle qui a précédemment été mise en œuvre. Mais, comme l’a souligné Philippe Bas, les principaux problèmes sont liés à la démographie médicale : ceux que l’on constate à cet égard pour la médecine générale sont encore plus prégnants en médecine du travail et, même en ayant recours à la pluridisciplinarité, les difficultés demeurent.
En défendant cet amendement n° 165, le groupe CRC pointe les failles pouvant exister dans certaines entreprises. Mais le secteur privé n’est pas le seul concerné ! Ainsi, dans nos collectivités locales, il nous est parfois bien difficile de faire en sorte que, par exemple, les agents spécialisés des écoles maternelles, les ASEM, puissent effectuer la visite médicale qui est obligatoire. Pourquoi ? Parce qu’il n’y a plus de médecins du travail et de médecins dans les centres de gestion ! Que fait l’État face à cela ? Il donne des délais beaucoup plus longs pour le personnel enseignant ! Ainsi, nous connaissons tous des instituteurs qui ne voient jamais de médecin du travail et qui ne sont jamais contrôlés, alors que nos propres personnels sont soumis à un contrôle tous les deux ans.
M. Philippe Bas. Il y a aussi des enfants qui ne voient jamais le médecin scolaire !
Mme Catherine Deroche. Exactement !
Mme la présidente. La parole est à M. Gérard Longuet, pour explication de vote sur l'article.
M. Gérard Longuet. Voilà enfin, avec l’article 10, une rupture ! C’est ce qui le rend particulièrement intéressant.
Mon collègue Philippe Bas vous a interrogée, madame la ministre, sur les ruptures que vous comptiez mettre en œuvre avec ce texte. Eh bien, nous en percevons enfin une !
Nous nous demandions ce que vous aviez décidé de supprimer parmi ces constructions scélérates qui, depuis 1993, brisent toute espérance en matière de retraites… Nous disposons à présent d’un premier élément : l’article 10 met fin à deux initiatives importantes que la loi de 2010 avait consacrées.
Il s’agit tout d’abord de la création d’un comité scientifique ayant pour mission d’évaluer les conséquences de l’exposition aux facteurs de pénibilité sur l’espérance de vie avec et sans incapacité des travailleurs, qui devait être constitué avant le 31 mars 2011. Le sujet est passionnant !
Mme Christiane Demontès, rapporteur. Ces dispositions n’ont jamais été mises en œuvre !
M. Gérard Longuet. Je dois reconnaître que les ministres du travail successifs sont responsables de ne pas avoir institué ce comité scientifique.
S’il s’était réuni et s’il avait produit des études, il aurait pu éclairer une partie du débat qui nous occupe depuis ce matin, à savoir la frontière entre pénibilité et santé, entre code du travail et code de la sécurité sociale, entre organisation du travail – laquelle s’établit sous l’autorité du chef d’entreprise, en liaison avec les représentants du personnel, et avec un droit de regard des médecins du travail – et médecine du travail, qui s’attaque pour sa part à la santé, à sa dégradation ou à son altération. Ce comité n’ayant pas vu le jour, nous ne savons pas exactement où se situe cette frontière. Sans doute d’ailleurs n’existe-t-il pas de bornage précis. Ce serait d’ailleurs bien le seul domaine où la logique des ensembles flous ne s’appliquerait pas ! (Mme Catherine Deroche s’esclaffe.)
Courageusement, l’article 10 démolit, détruit, abat une prétention de la majorité précédente en matière de retraites.
Vous marquez une rupture puisque vous constatez que la possibilité pour les branches de mettre en place, par accord, un dispositif d’allégement ou de compensation de la charge de travail des salariés occupés à des travaux pénibles n’a pas été saisie – il s’agissait de l’article 86 de la loi de 2010. Cette expérimentation, qui devait prendre fin au 31 décembre 2013, n’a pas abouti, et vous décidez donc d’y mettre un terme. Nous pourrions presque vous dire, comme Madame du Barry, « Encore une minute, monsieur le bourreau ! », puisqu’il reste deux mois. (Sourires.)
M. Philippe Bas. À vous, il reste une minute quarante de temps de parole, mon cher collègue ! (Nouveaux sourires.)
M. Gérard Longuet. Je ne voulais pas dire que j’allais encore parler pendant deux mois ! (Nouveaux sourires.)
Vous supprimez donc un comité qui ne s’est, certes, jamais réuni, mais qui aurait été utile s’il avait fonctionné. Je plaide toutefois coupable, car nous aurions dû nous-mêmes l’installer.
Voilà une rupture !
M. Bruno Sido. Et quelle rupture ! (Nouveaux sourires.)
M. Gérard Longuet. Elle explique que, aujourd’hui, une espérance nouvelle se lève sur l’horizon des retraités ! (Rires sur les travées de l’UMP.) Le monde va changer, assurément ! Quelle rupture avec 1993, 2003, 2008 et 2010 !
Très honnêtement, c’est un peu faible…
C’est la raison pour laquelle nous voterons contre cet article.
Mme la présidente. La parole est à M. Philippe Bas, pour explication de vote.
M. Philippe Bas. Je me permets de compléter l’explication de vote que vient de livrer M. Gérard Longuet au nom de notre groupe, car il n’a pas eu en effet tout le temps nécessaire pour développer l’ensemble de son argumentation. (Nouveaux rires sur les mêmes travées.)
M. Claude Jeannerot. Il faut bien deux anciens ministres pour mener cette démonstration à son terme ! (Sourires sur les travées du groupe socialiste.)
M. Philippe Bas. Je voudrais, pour ma part, vous expliquer les conséquences qui s’attachent, de notre point de vue, au rejet de cet article 10.
Je suis d’accord avec ce qui vient d’être dit : il est tout à fait regrettable que l’expérimentation prévue par la loi du 9 novembre 2010 n’ait pas été mise en œuvre, et que le comité scientifique prévu à son article 88 n’ait pas été réuni.
Mme Christiane Demontès, rapporteur. Il devait l’être avant le 31 mars 2011 !
M. Philippe Bas. Au lieu de balayer d’un revers de manche ces initiatives positives pour les travailleurs, on ferait mieux de se poser la question de savoir s’il ne serait pas plus opportun de reporter le délai d’expiration de l’expérimentation, fixé au 31 décembre 2013. C’est ce que nous souhaitons pour notre part, et je pense que la navette pourrait être mise à profit pour obtenir satisfaction.
Mme Catherine Deroche. Il n’y a pas de navette ! (Sourires.)
M. Philippe Bas. D’autre part, la création du comité scientifique est une initiative qu’un gouvernement peut assez aisément prendre, me semble-t-il. Je ne comprends d’ailleurs pas pourquoi elle n’a pas été prise plus tôt.
Mme Christiane Demontès, rapporteur. Elle devait l’être au 31 mars 2011 ! Soyez complet dans votre propos, monsieur Bas !
M. Philippe Bas. Je dirai d’ailleurs que, s’agissant du II de cet article 10, il me paraît absolument impossible que les dispositions adoptées en matière de prévention de la pénibilité puissent entrer en vigueur au 1er janvier 2015.
Ce nouveau dispositif constitue véritablement un choc de complexité : j’ai rappelé, hier et ce matin, qu’il venait percuter latéralement toute la construction française de prévention des risques et maladies professionnels.
Vous le savez, notre système repose sur la recherche du risque zéro, alors que le compte pénibilité va en réalité imposer un dispositif de seuil d’exposition au risque, qui, dans sa conception même, est radicalement contraire au système que nous développons à l’aide de très nombreux accords paritaires dans le domaine de la prévention des risques et maladies professionnels.
Je ne vois pas comment l’on pourrait résoudre cette complexité d’ici au 1er janvier 2015.
Je note très souvent dans les textes des échéances intenables, par souci d’afficher son volontarisme. J’en parle d’autant plus à mon aise que nous avons nous-mêmes beaucoup fauté…
Mme Catherine Génisson. Il faut aller à confesse, monsieur Bas ! (Sourires.)
M. Philippe Bas. J’en veux pour preuve l’absence de mise en place du comité scientifique au 31 mars 2011 et l’absence de mise en œuvre de la disposition sur les expérimentations concernées par le I de cet article.
Pour toutes ces raisons, et pour faire bref (Sourires.), je joins ma voix à celle de Gérard Longuet et de tous les membres de mon groupe pour m’opposer à cet article.
Mme la présidente. La parole est à M. Jean-Marie Vanlerenberghe, pour explication de vote.
M. Jean-Marie Vanlerenberghe. Je joins également ma voix à celles de mes collègues de l’UMP pour regretter la suppression, lourde de conséquences, de ces mesures introduites en 2010.
Le comité scientifique avait été prévu pour répondre aux demandes de prise en compte, non pas seulement de la pénibilité constatée par une invalidité, mais de la pénibilité à effet différé, celle qui semble pénaliser l’espérance de vie.
Tout le monde était à peu près d’accord sur le principe d’une telle mesure, mais il était difficile d’en évaluer précisément les conséquences. Si ma mémoire est bonne, la création de ce comité scientifique fut, à l’époque, le fruit d’une initiative ministérielle.
Il me semble que vous commettez une plus grande erreur encore en supprimant l’expérimentation prévue à l’article 86. J’ai entendu au cours des auditions des remarques sur la difficulté de mettre en place le compte pénibilité dans certaines entreprises ou certaines branches. Or cet article nous donnait précisément l’occasion d’expérimenter. Je sais que ce n’est pas vraiment dans la tradition française, mais c’est dommage.
Il y avait là une belle occasion de mettre en place expérimentalement, jusqu’en 2015, dans certaines branches et entreprises, en fonction de leur taille, les dispositifs que vous proposez d’appliquer. Il eût été intelligent de conserver cette disposition.
De même, il eût été opportun d’organiser le débat national sur la retraite par points, également prévu dans la loi de 2010, et qui aurait dû être organisé au premier semestre de 2013. La loi n’a donc pas été appliquée et, en l’occurrence, cela relève entièrement de la responsabilité du présent gouvernement. (MM. Philippe Bas et Gérard Longuet applaudissent.)
Mme la présidente. Je mets aux voix l'article 10.
(Après une épreuve à main levée déclarée douteuse par le bureau, le Sénat, par assis et levé, n'adopte pas l'article 10.)
Articles additionnels après l'article 10
Mme la présidente. L'amendement n° 336 rectifié, présenté par M. Desessard, Mme Archimbaud, M. Placé et les membres du groupe écologiste, est ainsi libellé :
Après l’article 10
Insérer un article additionnel ainsi rédigé :
Avant le 30 juin 2014, le Gouvernement remet au Parlement un rapport évaluant l’efficience du dispositif d’allocation transitoire de solidarité et la pertinence d’un retour à l’allocation équivalent retraite.
La parole est à M. Jean Desessard.
M. Jean Desessard. Cet amendement prévoit la remise par le Gouvernement d’un rapport évaluant le dispositif de l’allocation transitoire de solidarité, l’ATS.
L’allocation équivalent retraite, l’AER, était destinée aux demandeurs d’emploi ayant justifié d’un nombre suffisant de trimestres pour bénéficier d’une pension sans décote, mais n’ayant pas atteint l’âge légal.
L’AER a été supprimée en juillet 2011 et remplacée par l’ATS, qui, comme son nom l’indique, est transitoire et dont les conditions d’attribution sont particulièrement restrictives. Le Président de la République s’était engagé à revenir sur ce dispositif lors de la campagne présidentielle.
Le rapporteur de l’Assemblée nationale, M. Issindou, a même indiqué : « Les conditions d’éligibilité de l’ATS instaurée en 2011 n’ont pas permis de prendre en compte la situation de certains demandeurs d’emplois. Nous avons tous vécu cela dans nos circonscriptions, et nous le vivons encore. »
De notre côté, nous recevons de nombreux témoignages de personnes en grande précarité qui ont été exclues du dispositif en raison des strictes conditions d’éligibilité.
Il faut néanmoins souligner que le Gouvernement a élargi les conditions d’accès à l’ATS par le décret du 4 mars 2013 instituant à titre exceptionnel une allocation transitoire de solidarité pour certains demandeurs d’emploi nés entre 1952 et 1953. C’est ce que l’on a appelé l’« ATS 2013 ».
Mais le dispositif reste insuffisant, car les critères pour en bénéficier sont nombreux et cumulatifs. Il faut être né entre le 1er janvier 1952 et le 31 décembre 1953, être indemnisé au titre de l’assurance chômage, de l’allocation spécifique de reclassement ou de l’allocation de transition professionnelle à la date du 31 décembre 2010, et enfin avoir validé le nombre de trimestres nécessaires pour pouvoir prétendre à une retraite à taux plein.
Nous pensons que la suppression de l’AER et son remplacement par l’ATS gardent un caractère injuste malgré les correctifs.
L’Assemblée nationale a voté un amendement émanant du groupe socialiste et demandant un rapport sur les personnes qui, bien que nées entre 1952 et 1953, sont exclues du bénéfice de l’ATS, car certains de leurs trimestres n’ont pas été pris en compte. Cet article additionnel devrait permettre de régler certaines situations, mais il ne traite pas l’ensemble du problème.
C’est pourquoi nous proposons à travers la remise d’un rapport qui analysera les difficultés d’application de l’allocation transitoire de solidarité, son impact réel et ses modalités, dans le but d’évaluer l’opportunité d’un retour à l’allocation équivalent retraite, plus à même, selon nous, d’apporter des solutions concrètes aux précaires en fin de carrière.
Mme la présidente. Quel est l’avis de la commission ?
Mme Christiane Demontès, rapporteur. Cet amendement prévoit la remise d’un rapport sur l’efficience de l’allocation transitoire de solidarité et l’évaluation d’un retour à l’allocation équivalent retraite.
L’ATS tel que modifié par le Gouvernement a permis de corriger un grand nombre d’injustices liées à la suppression, à la suite de la précédente réforme des retraites, de l’AER.
En outre, par l’introduction d’un article 10 bis, l’Assemblée nationale a déjà demandé au Gouvernement un rapport sur la situation de certaines personnes, exclues de l’ATS bien que remplissant la quasi-totalité des critères requis.
Je ne suis pas certaine que, en l’état actuel, il faille aller plus loin, d’autant que les générations auparavant concernées par l’AER ont désormais, pour la plupart, atteint l’âge de la retraite. Par ailleurs, un décret de juillet 2012 prend en compte les carrières longues et permet aux intéressés de partir plus tôt à la retraite.
Je sollicite donc, monsieur Desessard, le retrait de votre amendement. À défaut, la commission émettra un avis défavorable.
Mme la présidente. Quel est l’avis du Gouvernement ?
Mme Dominique Bertinotti, ministre déléguée auprès de la ministre des affaires sociales et de la santé, chargée de la famille. Le Gouvernement émet le même avis que la commission, en invoquant les mêmes raisons.
M. Jean Desessard. Je retire l’amendement, madame la présidente !
Mme la présidente. L’amendement n° 336 rectifié est retiré.
L'amendement n° 348, présenté par M. Watrin, Mmes Cohen, David et Pasquet, M. Fischer et les membres du groupe communiste républicain et citoyen, est ainsi libellé :
Après l'article 10
Insérer un article additionnel ainsi rédigé:
Le Gouvernement crée, dans les deux mois qui suivent la promulgation de la présente loi, une commission permanente composée de représentants des organisations syndicales et patronales, d'élus nationaux et d'élus locaux des départements et territoires d'outre-mer, chargée d'évaluer dans les années à venir les effets de cette réforme sur les populations concernées.
La parole est à M. Dominique Watrin.
M. Dominique Watrin. Cet amendement a pour objet de créer une commission permanente qui, après promulgation de la loi, serait chargée d’étudier les conséquences de cette réforme sur les populations des départements et territoires d’outre-mer.
Nous demandons que cette commission permanente soit composée de représentants des organisations syndicales et patronales, ainsi que d’élus nationaux et locaux des territoires concernés.
En effet, la réalité sociale et économique des outre-mer est telle que l’application mécanique d’une telle loi aurait des conséquences extrêmement graves.
En prenant l’exemple de la Réunion, je citerai quelques chiffres propres à illustrer la situation de ces collectivités.
Selon la cartographie sociale établie par l’INSEE, 343 000 personnes vivent sous le seuil de pauvreté, soit 42 % de la population réunionnaise.
Le nombre des actifs privés d’emploi ne cesse d’augmenter, ainsi que le constatent, mois après mois, divers organismes. Pôle Emploi, l’INSEE, les directions régionales des entreprises, de la concurrence, de la consommation, du travail et de l’emploi – DIRECCTE – et Eurostat établissent ainsi que les DOM sont les départements les plus touchés par le chômage.
C’est aussi dans les DOM que les jeunes sont le plus privés d’emploi et donc de perspectives d’avenir. À la Réunion, fin mai 2013, près de 167 000 personnes étaient à la recherche d’un emploi, dont 60 % des jeunes de moins de vingt-six ans.
Par ailleurs, la Réunion connaît à la fois une forte croissance démographique et un vieillissement de sa population.
Les personnes âgées de plus de soixante ans représentent actuellement de 11,5 % de la population. Elles seront 22 % à l’horizon 2025-2030.
En outre, la Réunion est l’une des régions où l’espérance de vie est la plus faible. Même si l’écart s’est resserré ces dernières années entre la Réunion et la France métropolitaine, l’espérance de vie d’une femme est inférieure de près de deux ans à la moyenne nationale.
À la Réunion, 30 % des plus de soixante ans vivent avec le minimum vieillesse, soit neuf fois plus qu’en métropole et deux fois plus qu’en Corse du Sud, premier département métropolitain concerné. Parmi ces 30 % de personnes âgées allocataires du minimum vieillesse, les femmes sont majoritaires.
Toujours d’après les chiffres de l’INSEE, 42 % des Réunionnais de plus de soixante-cinq ans vivent en dessous du seuil de pauvreté. C’est quatre fois plus qu’en France métropolitaine.
Nous pourrions continuer à aligner les chiffres montrant l’extrême gravité de la situation. Ce n’est pas seulement une vision politique, c’est une réalité ! Au point que, comme nous le rappelait notre collègue Paul Vergès, l’INSEE n’a pas hésité à qualifier la Réunion de « département hors normes » avant de conclure : l’importance du niveau de la pauvreté représente un véritable défi à relever en matière d’action sociale à la Réunion.
Si le contexte économique y est différent de celui qui prévaut en métropole, les mesures contenues dans ce projet de loi ne le seront pas. Il serait donc souhaitable, pour éviter une application mécanique de la loi, qui pourrait avoir des conséquences difficiles, voire dramatiques pour la Réunion et d’autres départements et collectivités d’outre-mer, que des dispositions spécifiques puissent être prises.
Mme la présidente. Quel est l’avis de la commission ?
Mme Christiane Demontès, rapporteur. Mon cher collègue, par votre amendement, vous demandez la création d’une commission permanente chargée d’évaluer les effets de la réforme des retraites en outre-mer.
Comme nos collègues ultra-marins, vous avez raison de rappeler que les difficultés économiques que rencontrent les départements et collectivités d’outre-mer ont un impact évident sur les retraites et le niveau des pensions servies. Notre collègue Jean-Étienne Antoinette l’a d’ailleurs souligné lors de la discussion générale.
Pour cette raison, la commission a souhaité recueillir l’avis du Gouvernement sur cet amendement, afin qu’il nous précise quelles mesures il compte adopter pour tenir compte des inégalités que subissent les outre-mer.
Mme la présidente. Quel est l’avis du Gouvernement ?
Mme Dominique Bertinotti, ministre déléguée. La législation en matière d’assurance vieillesse applicable dans les DOM est celle du droit commun. Le présent projet de loi, sans qu’il soit besoin de le préciser, s’applique donc dans les départements d’outre-mer, à l’exception de Mayotte.
Vous soulignez le fait que nombre d’assurés des départements d’outre-mer ont connu des périodes de chômage ou des carrières heurtées. Cependant, toutes les mesures de solidarité prévues dans le projet de loi y seront applicables. Cela permettra d’améliorer, notamment, les droits à la retraite des jeunes, des chômeurs, des femmes et des apprentis.
Le présent texte est un texte de justice. Il adapte l’assurance vieillesse aux réalités sociales d’aujourd’hui, aux insertions parfois difficiles dans l’emploi, aux périodes de stage ou de temps partiel. Contrairement à ce que vous semblez craindre, monsieur le sénateur, son impact sera très positif, dans les DOM comme en métropole.
La proposition de création d’une commission nous paraît inutile, d’autant que le comité de suivi des retraites, chargé de veiller au respect des grands objectifs de notre système de retraites, examinera celui-ci dans son ensemble, en incluant les départements d’outre-mer.
Le Gouvernement est, par conséquent, défavorable à cet amendement.
Mme la présidente. La parole est à Mme Catherine Procaccia, pour explication de vote.
Mme Catherine Procaccia. Je m’étonne du dépôt d’un tel amendement. En effet, le Sénat a créé, il y a un an, une délégation à l’outre-mer. Cette délégation, présidée par Serge Larcher et composée à parité de parlementaires d’outre-mer et de métropole, a justement pour mission d’examiner tous les problèmes spécifiques de l’outre-mer. Serge Larcher a déjà organisé plusieurs réunions et lancé plusieurs études, y compris sur la question des retraites.
Je ne vois pas pourquoi nous confierions une mission d’étude à l’extérieur du Sénat alors que nous avons, ici, toutes les intelligences et les compétences pour conduire de tels travaux.
Mme la présidente. La parole est à M. Gérard Longuet, pour explication de vote.
M. Gérard Longuet. Monsieur Watrin, vous proposez de créer une commission rassemblant des représentants du Gouvernement et des représentants de l’outre-mer. Non ! Si l’on veut faire fonctionner un système national, ainsi que l’a dit Catherine Procaccia de façon très pertinente, il convient d’instaurer un dialogue entre des responsables compétents pour évaluer le projet national et son application en outre-mer. C’est le sens de la délégation sénatoriale, qui associe des élus représentant toutes les catégories – cela permet de n’en oublier aucune, alors que votre énumération ouvre le risque, comme toujours, d’en omettre – puisque y siègent des sénateurs des départements et collectivités d’outre-mer, reflétant toute la diversité sociologique de l’outre-mer, et des parlementaires du continent.
Ensemble, ils sont en mesure, à la fois, de faire la loi pour tous et de voir comment cette loi peut tenir compte d’aspects spécifiques liés à la démographie ou à des difficultés en matière d’emploi, pour partie liées à l’insularité. En effet, nous savons que l’insularité est une condition d’activité très particulière et le plus souvent – ce n’est évidemment pas vrai pour la Grande-Bretagne – contraignante et handicapante pour le développement.
Pour cette raison, nous ne soutiendrons pas votre amendement. Ce n’est pas par désintérêt pour l’outre-mer, mais parce que nous disposons ici même de la structure permettant de traiter cette question et de nous adresser par la suite au Gouvernement.
Cette observation me conduit à une deuxième objection. En associant le Gouvernement et uniquement les représentants de l’outre-mer, vous donnez le sentiment de court-circuiter le Parlement. Le vote d’une loi sur les retraites relève de la responsabilité des parlementaires ; il leur reviendra également celle de la faire évoluer, si nécessaire. Or votre proposition organise un face-à-face qui écarte les parlementaires, alors que ce sont eux qui auront voté la loi et seront sans doute amenés à voter encore pour l’adapter.
Mme la présidente. La parole est à M. Philippe Bas, pour explication de vote.
M. Philippe Bas. Cet amendement soulève plusieurs questions.
Premièrement, quel est le meilleur instrument d’expertise et de concertation pour évaluer la situation des droits à la retraite en outre-mer ? Je laisse cette question de côté, car les réponses apportées par Catherine Procaccia sont tout à fait convaincantes.
Deuxièmement, se pose la question de notre analyse des causes des difficultés constatées par les auteurs de l’amendement.
Je rappelle à cet égard qu’en 1995, sur la décision personnelle du président Jacques Chirac, nos compatriotes d’outre-mer ont obtenu, en matière d’allocations de solidarité, une parité absolue par rapport à celles qui sont servies en métropole. Cela a constitué un progrès très important.
Certes, aujourd’hui, nous ne pouvons ignorer les difficultés de nombre de nos compatriotes d’outre-mer qui doivent vivre, certains avec le minimum vieillesse, d’autres avec le revenu de solidarité active. Mais n’oublions pas la formidable avancée réalisée sur l’initiative du président Chirac en 1995.
Est-ce sur le traitement social du problème qu’il faut avancer de nouveau ? Ne refusons pas d’examiner la question sociale, mais elle ne doit pas en occulter une autre, plus importante encore : celle du développement économique de nos départements d’outre-mer. Or il me semble que, à cet égard, l’actuel gouvernement ne propose pas grand-chose.
Plusieurs de nos départements d’outre-mer sont situés aux abords immédiats de marchés en très forte expansion. Si l’Europe connaît actuellement une situation de marasme économique, l’Amérique latine, l’Afrique ou encore l’île Maurice sont, quant à elles, dans une période d’expansion, avec des taux de croissance annuels qui avoisinent parfois 8 % ou même 10 %. Que faisons-nous aujourd'hui pour permettre aux entrepreneurs de ces départements, et notamment à ceux qui travaillent dans le secteur touristique, de profiter de ces formidables marchés ?
Au lieu de nous focaliser sur l’évaluation du régime social de l’outre-mer, nous ferions bien – sans pour autant laisser de côté la question sociale, évidemment – de mettre l’accent sur la nécessité de donner de meilleures chances de développement économique à nos départements d’outre-mer. C’est la clef de la diminution du chômage de nos compatriotes d’outre-mer. C’est la clef de l’allongement des carrières professionnelles, notamment pour les salariés. C’est aussi grâce à cela que nos compatriotes pourront acquérir des droits leur permettant de prendre leur retraite dans de meilleures conditions.
Nous devrions privilégier cette voie de réflexion plutôt que celles auxquelles on pense traditionnellement en premier, mais qui ne sont probablement pas les plus fécondes.
Mme la présidente. La parole est à Mme Annie David, pour explication de vote.
Mme Annie David. Je crois que nos collègues de l’UMP n’ont pas lu notre amendement. Il n’est absolument pas question de court-circuiter le Parlement, contrairement à ce que veut faire croire Gérard Longuet. Au demeurant, cela fait déjà un petit moment que nos propos sont largement déformés et caricaturés.
M. Philippe Bas. Non !
Mme Annie David. Mais là n’est pas le plus important.
Nous demandons qu’une commission chargée d’évaluer les effets de la réforme en outre-mer soit mise en place. Cette commission comporterait bien des représentants des organisations syndicales et patronales. Si nos collègues de l’UMP écoutaient nos explications, cela les dispenserait de commettre des erreurs sur le contenu de nos amendements… La commission comporterait également des élus nationaux et des élus locaux des départements et territoires d’outre-mer.
M. Philippe Bas. Nous savons lire aussi !
Mme Annie David. Apparemment non puisque vos réponses ne correspondent pas à la composition que nous proposons !
M. Philippe Bas. Nous avons essayé d’élever le débat !
Mme Éliane Assassi. Prétentieux !
Mme Annie David. La création de cette commission n’a pas du tout pour but de court-circuiter le Parlement. C’est le contraire : nous voulons associer les parlementaires, les élus locaux, les salariés et les entrepreneurs.
Lundi, Jean-Étienne Antoinette nous a exposé ici même les difficultés que traverse la Guyane. Paul Vergès nous parle assez souvent de celles de La Réunion pour que nous soyons sensibilisés à la situation des outre-mer. En tant que présidente de la commission des affaires sociales, j’ai reçu avec grand plaisir Serge Larcher, président de la délégation sénatoriale à l’outre-mer, auquel j’ai affirmé que notre commission soutiendrait pleinement le travail qu’il devra mener, avec sa délégation, pour faire entendre dans notre assemblée la voix des outre-mer, qui est bien trop souvent oubliée ou du moins insuffisamment entendue.
Tel est le sens de notre amendement. Pour avoir écouté attentivement Jean-Étienne Antoinette, nous sommes bien conscients que cette réforme des retraites s’appliquera de la même manière dans les outre-mer et en métropole. Quelles que soient les mesures de solidarité et de justice incluses dans ce projet de loi – vous les avez rappelées, madame la ministre –, il n’en reste pas moins que les injustices sont flagrantes et que l’application unilatérale et uniforme de la réforme ne fera qu’aggraver la situation déjà difficile des outre-mer.
C'est pourquoi nous demandons la mise en place d’une commission chargée d’évaluer les effets de la réforme en outre-mer.
Mme Laurence Cohen. Très bien !
Mme la présidente. La parole est à M. Michel Magras, pour explication de vote.
M. Michel Magras. J’apprécie énormément que nous consacrions quelques minutes de ce débat à l’outre-mer. Permettez-moi de vous faire entendre une autre voix de l’outre-mer.
Il est certain que l’outre-mer illustre parfaitement la problématique globale de notre débat. Je m’écarterai un peu de l’amendement lui-même afin de vous dire ce que, en tant qu’ultramarin, je pense du texte.
Tout le monde le sait, la réalité du problème des retraites, c’est l’emploi. Si nous avions moins de 4 % de chômeurs, le système social français serait excédentaire : il remplirait les caisses de l’État au lieu de lui coûter de l’argent. Je viens d’une collectivité qui compte moins de 3 % de chômeurs. Toutes dépenses confondues et toutes recettes cumulées, compte tenu des cotisations versées et des prestations reçues, la contribution nette des 9 000 habitants de Saint-Barthélemy à la solidarité nationale s’élève à 20 millions d'euros par an ; cet excédent a été vérifié par un organisme particulièrement compétent.
Vous avez souligné tout à l'heure que les ultramarins étaient soumis à la même législation sociale que les métropolitains : ils paient les mêmes charges et versent de la même manière la CSG et la CRDS. Le système en vigueur à Saint-Barthélemy fonctionne, au contraire du système en vigueur dans le reste de l’outre-mer, qui est inadapté. Je ne parle pas du système de retraites, mais du système dans sa globalité.
Je lie les charges et la fiscalité parce que les deux sont indissociables. Je ne comprends pas qu’on nous dise que, pour régler le problème des retraites, il faut à la fois augmenter les charges sociales et les impôts. Ces deux augmentations sont mathématiquement incompatibles. Si l’on diminue les charges en laissant les impôts au même niveau, le système fonctionnera, mais on ne peut pas augmenter les deux sans provoquer un résultat négatif.
À Saint-Barthélemy, le système fiscal permet d’assurer un équilibre. Nous payons pourtant la totalité des charges sociales. Mais, juste à côté de nous, la Guadeloupe enregistre – je l’ai récemment entendu à la radio – un déficit de 100 millions d'euros en matière sociale. Les Guadeloupéens ne peuvent assumer leurs charges sociales parce que l’addition de ces charges et de la fiscalité rend leur économie impossible à piloter ; Philippe Bas l’a très bien expliqué.
Mon sentiment personnel est que nous sommes en train d’apporter des semblants de solution à un problème qui doit absolument être appréhendé dans sa globalité. Le problème des retraites, c’est le problème de l’emploi. Le problème de l’emploi, c’est aussi bien le problème de la fiscalité des entreprises que le problème des charges sociales qui pèsent sur les salariés et sur les entrepreneurs. Tant que nous ne nous mettrons pas autour d’une table pour régler ces problèmes de manière définitive, nous ne nous en sortirons pas !
Je suis heureux que nous évoquions la situation de l’outre-mer, mais il faudrait organiser autant de débats qu’il y a de collectivités ultramarines.
Mme Annie David. C’est vrai !
M. Michel Magras. J’ai noté que vous aviez parlé des départements d’outre-mer. Pour ma part, j’ai fait entendre la voix d’une collectivité d’outre-mer. (Applaudissements sur les travées de l'UMP.)
M. Gérard Longuet. Très bien !
Mme la présidente. La parole est à Mme Catherine Deroche, pour explication de vote.
Mme Catherine Deroche. Je tiens à répondre à Annie David.
Catherine Procaccia a souligné que la délégation sénatoriale à l’outre-mer pouvait tout à fait se charger du travail que vous souhaitez confier à une commission. La délégation sénatoriale à l’outre-mer présente l’avantage de réunir des élus nationaux d’outre-mer et de métropole, tandis que votre commission se composerait uniquement d’élus nationaux et d’élus locaux des départements et territoires d’outre-mer. À moins qu’il ne manque une virgule au texte qui figure dans votre amendement, votre proposition n’est donc pas du tout la même que celle de Catherine Procaccia.
Mme la présidente. Je mets aux voix l'amendement n° 348.
(Après une épreuve à main levée déclarée douteuse par le bureau, le Sénat, par assis et levé, n'adopte pas l'amendement.)
Article 10 bis (nouveau)
Le Gouvernement remet aux commissions permanentes compétentes de l’Assemblée nationale et du Sénat, dans un délai de trois mois à compter de la promulgation de la présente loi, un rapport relatif à la situation des personnes nées en 1952 et 1953, inscrites à Pôle emploi au 31 décembre 2010 et pourtant exclues du bénéfice de l’allocation transitoire de solidarité établie par le décret n° 2013-187 du 4 mars 2013 instituant à titre exceptionnel une allocation transitoire de solidarité pour certains demandeurs d'emploi, qui prévoit l’obligation pour elles de justifier de tous leurs trimestres à la date de la fin des droits de l’allocation chômage.
Mme la présidente. La parole est à Mme Annie David, sur l'article.
Mme Annie David. Cet article, introduit par voie d’amendement par nos collègues députés, précise que le Gouvernement devra remettre aux commissions permanentes compétentes de l’Assemblée nationale et du Sénat, dans un délai de trois mois à compter de la promulgation de la présente loi, un rapport relatif à la situation des personnes nées en 1952 et 1953, inscrites à Pôle emploi au 31 décembre 2010 et pourtant exclues du bénéfice de l’allocation transitoire de solidarité établie par le décret du 4 mars 2013, alors même qu’elles justifient de tous leurs trimestres à la date de la fin de droits de l’allocation chômage.
Bien entendu, je me félicite de l’introduction de cet article parce qu’elle est au moins le signe que la situation des milliers de personnes concernées ne reste pas ignorée.
Cependant, cet article n’est pas entièrement satisfaisant. Nous le savons toutes et tous puisque nous recevons depuis des mois les appels de détresse de ces femmes et de ces hommes qui, après avoir cotisé tout au long d’une vie professionnelle qui a souvent démarré très tôt, se sont retrouvés sans emploi alors qu’ils étaient déjà des seniors. Beaucoup d’entre eux avaient accepté avec confiance, avant 2010, un départ volontaire dans le cadre d’un plan de sauvegarde de l’emploi qui les plongeait dans le chômage, sans imaginer que l’âge légal de départ à la retraite serait repoussé en 2010. Nombre d’entre eux sont aujourd’hui en fin de droits et n’ont donc plus suffisamment de ressources pour vivre dignement.
Au moment de leur perte d’emploi, ces femmes et ces hommes avaient l’assurance de bénéficier de l’allocation équivalent retraite – un minimum social majoré pouvant atteindre 1 030 euros – jusqu’à ce qu’elles atteignent l’âge de la retraite. Cependant, à la fin de l’année 2010, le gouvernement Fillon a supprimé l’AER et repoussé l’âge de départ à la retraite ; la gauche sénatoriale avait alors largement protesté contre ces deux mesures. L’allocation transitoire de solidarité a certes été créée pour remplacer l’AER, mais elle ne s’adresse qu’aux salariés de plus de soixante ans ; un nombre important de chômeurs reste donc en dehors de ce dispositif. C'est pourquoi notre groupe a déposé, en juin 2012, une proposition de loi tendant à rétablir l’AER.
Ému par ces situations, le Premier ministre a annoncé au début de l’année 2013 le rétablissement de l’AER pour les personnes nées en 1952 et 1953. On imagine la grande joie que cette annonce a suscitée !
Malheureusement, le décret du mois de mars 2013 instituant la nouvelle allocation à titre exceptionnel a exclu un nombre important de bénéficiaires, puisque les trimestres validés au titre de l’allocation de solidarité spécifique ne sont pas pris en compte. Ainsi, une personne peut voir les trimestres pour lesquels elle a bénéficié de l’allocation de solidarité spécifique être validés par la CARSAT pour le calcul de la retraite, mais non pris en compte pour le bénéfice de l’ATS.
À cet égard, de 10 000 à 11 000 personnes, chômeurs et chômeuses âgés en fin de droits, inscrites à Pôle emploi avant le 31 décembre 2010, peuvent aujourd’hui prétendre à l’ATS, tandis que près du double en sont exclues.
Comment ne pas être ému par le témoignage de cette femme âgée de 59 ans, arrivée en fin de droit d’allocation d’aide au retour à l’emploi à la fin du mois d’août 2013, qui a commencé à travailler à 17 ans et comptabilise 172 trimestres validés, pour seulement 164 reconnus, à qui l’on refuse le bénéfice de l’ATS en raison d’un trimestre manquant, et qui devra vivre avec les 470 euros de l’ASS pendant encore deux années, soit sous le seuil de pauvreté ? Comment ne pas imaginer la situation dans laquelle se retrouveront les seniors nés en 1954, 1955 et 1956, trop âgés pour les employeurs, mais trop jeunes pour bénéficier de la retraite ?
Mes chers collègues, il est urgent d’agir !
Au mois de novembre 2012, lors de l’examen du projet de loi de finances pour 2013, M. Michel Sapin avait exclu tout retour à l’AER, renvoyant à de futures négociations sur l’avenir de la retraite. Nous y sommes !
Madame la ministre, la solidarité ne souffre désormais d’aucun délai. Ces hommes et ces femmes qui vivent aujourd’hui l’angoisse des minima sociaux, qui expriment le sentiment d’indignité dans lequel les a plongés, en tout premier lieu, la rupture imposée de leur activité professionnelle – la première injustice est bien le licenciement des salariés lorsqu’ils atteignent l’âge de 56 ou de 57 ans – ne peuvent se satisfaire – et ils nous en font part – d’un nouveau report de décision les concernant, dans l’attente d’un rapport qui leur soit favorable.
La loi de finances pour 2013 les ayant déjà rejetés, la réforme des retraites, qui se revendique comme de justice, de solidarité et de plus d’égalité, ne peut pas les rejeter de nouveau.
Aussi, je vous demande, madame la ministre, de nous assurer que le Gouvernement mettra tout en œuvre pour réparer cette injustice sociale.
Mme la présidente. La parole est à Mme Laurence Cohen, sur l'article.
Mme Laurence Cohen. Pour compléter les propos de Mme Annie David, je tiens à préciser que les membres du groupe CRC voteront néanmoins en faveur de l’article 10 bis issu des travaux de l’Assemblée nationale
Comme vous le savez, mes chers collègues, l’allocation transitoire de solidarité a remplacé l’allocation équivalent retraite, supprimée le 1er janvier 2011 par le précédent gouvernement, « remplacé » n’étant peut-être pas le qualificatif le plus adéquat, puisque, en réalité, l’ATS n’a jamais été l’équivalent de l’AER.
En effet, les conditions d’attribution de cette nouvelle allocation sont, de l’avis de tous, plus complexes à réunir, au point que 39 000 personnes qui auraient pu relever de l’AER sont exclues du bénéfice de l’ATS.
Le décret du 4 mars 2013, qui a précisé les conditions d’application de cette nouvelle forme d’allocation, ne répond pas aux attentes de milliers de salariés privés d’emploi, qui arrivent en fin de droits et qui, malheureusement, ne sont pas parvenus à cotiser un nombre de trimestres suffisant pour partir à la retraite.
Le cumul d’une allocation transitoire de solidarité, aux conditions d’entrée trop restrictives, et des mesures d’allongement de la durée de cotisation adoptées sans discontinuer depuis plusieurs décennies aura pour effet de faire plonger ces salariés privés d’emploi dans le dispositif de l’allocation spécifique de solidarité.
L’article 10 bis se borne à prévoir la remise d’un rapport. Nous en connaissons toutes et tous la raison, mais nous ne nous lassons pas de la répéter : l’article 40 de la Constitution nous empêche de jouer notre rôle de législateur et participe, à sa manière, à la politique de rigueur que nous ne cessons de dénoncer.
En effet, réintroduire par voie d’amendement parlementaire l’AER telle qu’elle existait avant sa suppression exigerait de mobiliser des recettes supplémentaires ce qui, vous le savez bien, mes chers collègues, nous est interdit. Les parlementaires en sont donc réduits à ne déposer qu’une demande de rapport, lequel sera par ailleurs insatisfaisant puisqu’il se limitera à envisager la question des salariés privés d’emploi nés en 1952 et 1953, alors que, de toute évidence, il faudrait mener une réflexion globale portant sur l’ensemble de celles et ceux de nos concitoyens qui sont confrontés au risque de basculement vers l’allocation spécifique de solidarité ou pour qui l’allongement des durées de cotisation et le report de l’âge de départ à la retraite, décidés en 2010, seront nécessairement synonymes de précarité.
Toutefois, malgré la réserve que je viens d’émettre, les membres du groupe CRC, je le répète, voteront en faveur de l’article 10 bis, tout en souhaitant que le rapport demandé aborde tous les aspects de fond de la question.
Mme la présidente. La parole est à Mme Isabelle Pasquet, sur l'article.
Mme Isabelle Pasquet. À mon tour, je voudrais intervenir pour poser un certain nombre de questions à Mme la ministre. Nous avons l’impression que l’article 10 bis permet, à peu de frais, d’aborder dans le présent projet de loi la question de l’allocation transitoire de solidarité.
Je dis bien « à peu de frais », puisqu’il ne prévoit qu’une demande de rapport. Il ne tend donc pas au rétablissement complet et total de l’allocation équivalent retraite que nous n’avons eu de cesse de demander depuis sa suppression en 2011. Nous avions pourtant cru ce rétablissement possible à la suite des propos de M. le Premier ministre.
Autant dire que son remplacement partiel par l’ATS ne nous a pas satisfaits. De la même manière, nous ne nous satisfaisons pas du fait que vous nous proposiez d’attendre encore trois mois un rapport qui, disons-le, ne nous donnera aucun élément supplémentaire sur la situation sociale des salariés privés d’emploi potentiellement éligibles à l’ATS, voire à l’AER, ni même sur les coûts d’une telle mesure pour les comptes sociaux.
L’article que nous examinons ne peut par conséquent pas nous convenir, d’autant que nous avons été nombreuses et nombreux à être alertés par nos concitoyens sur leurs conditions d’accès à l’ATS.
La situation actuelle me conduit à vous poser deux questions concrètes, madame la ministre.
Tout d’abord, à la suite de la publication du décret du 4 mars 2013, certains salariés privés d’emploi ont pu bénéficier de l’ATS, parce que les CARSAT prenaient en compte les trimestres de l’ASS, ce qui nous paraît particulièrement logique puisque cette allocation permet, sous certaines conditions, de valider des trimestres. Pourtant, si nos informations sont exactes, le Gouvernement aurait donné consigne de ne plus intégrer les trimestres validés au titre de l’ASS, privant ainsi certains bénéficiaires éventuels du bénéfice de l’ATS. Pourriez-vous nous confirmer cet élément plutôt étonnant ?
Par ailleurs, la possible adoption de l’amendement, déjà partiel, qui a été déposé au présent article conduira à ignorer la situation des assurés nés après 1953, pour qui rien n’est prévu. Cette omission fait craindre à beaucoup une suppression progressive du dispositif en cause. Madame la ministre, pourriez-vous nous dire ce qu’il en est réellement ?
Mme la présidente. L'amendement n° 369 rectifié bis, présenté par MM. M. Bourquin, Daudigny, Kerdraon, Fichet et Mirassou, est ainsi libellé :
Remplacer les mots :
trois mois
par les mots :
un mois
La parole est à M. Yves Daudigny.
M. Yves Daudigny. Lors de mon intervention dans la discussion générale, j’ai évoqué le sujet de l’AER, suspendue en 2011 par le précédent gouvernement et remplacée par l’ATS. Je tenais à le rappeler, car, en écoutant les propos des uns et des autres, on a parfois le sentiment que l’histoire de ce pays a commencé voilà un an et demi. Non, il y a eu aussi un avant !
M. Philippe Bas. Heureusement !
M. Yves Daudigny. Cela étant, le décret no 2013-187 du 4 mars 2013 témoigne d’une volonté réelle de répondre à une urgence sociale. Il s’agit, par cet amendement, de permettre d’évaluer et de corriger les difficultés d’application rencontrées tout en faisant preuve de la même exigence, et ce avant la fin de cette année budgétaire.
De plus, les années concernées étant restreintes aux classes d’âges 1952 et 1953, une évaluation longue du dispositif préalablement à toute décision risque d’être perçue comme étant dilatoire.
Mme la présidente. Quel est l’avis de la commission ?
Mme Christiane Demontès, rapporteur. Les auteurs de cet amendement proposent d’avancer de deux mois la date de remise du rapport, demandé par nos collègues députés, sur la situation des personnes nées en 1952 et 1953 ne percevant pas l’ATS.
Cette demande de rapport témoigne de véritables difficultés et nous avons tous été interpellés par un certain nombre de nos concitoyens à ce sujet. Mme Annie David nous a d’ailleurs donné un exemple concret.
J’espère, madame la ministre, que vous pourrez nous préciser les intentions du Gouvernement quant à la date de remise de ce rapport. Dans l’attente, la commission est convenue de s’en remettre à la sagesse du Sénat.
Mme la présidente. Quel est l’avis du Gouvernement ?
Mme Dominique Bertinotti, ministre déléguée. Je souhaite insister sur certains points qui ont déjà été évoqués.
Le relèvement de l’âge légal de départ à la retraite mis en œuvre par la précédente majorité a effectivement créé une situation imprévue et injuste pour certains demandeurs d’emploi entre la fin de leur période d’indemnisation au titre du chômage et la date de liquidation de leurs droits à une pension de retraite.
Ces chômeurs, qui pensaient en toute bonne foi pouvoir partir à la retraite à la fin de cette période d’indemnisation, se seraient alors retrouvés sans ressources.
Pour remédier à cette situation, l’allocation transitoire de solidarité a été reconduite au mois de mars dernier. Ses conditions ont toutefois été assouplies, notamment au regard de l’indemnisation chômage, pour les chômeurs en fin de droits nés en 1952 et 1953, comme l’a rappelé Mme la rapporteur, et justifiant d’une durée d’assurance complète. Je puis vous assurer que le Gouvernement porte une attention toute particulière à cette population.
L’article 10 bis, ajouté par les députés socialistes et écologistes pendant l’examen du présent projet de loi à l’Assemblée nationale, dispose qu’un rapport sur l’ATS doit être remis dans les trois mois suivant la promulgation de la future loi.
Ce délai me paraît être de bon sens, car les interrogations soulevées méritent précisément un rapport de qualité, ce qui suppose que les services disposent d’un temps suffisant. Si l’on souhaite que ce document ait une efficacité, il faut se donner les moyens techniques de faire en sorte qu’il apporte de véritables réponses. D’aucuns soutiennent que l’on en connaîtrait déjà les conclusions. Quelle serait alors sa pertinence ?
Quoi qu’il en soit, le délai de trois mois me semble raisonnable ; le réduire encore davantage serait préjudiciable à la qualité des travaux. C’est pourquoi, monsieur Daudigny, je vous demande de bien vouloir retirer votre amendement, faute de quoi j’émettrai un avis défavorable.
Mme la présidente. La parole est à Mme Annie David, pour explication de vote.
Mme Annie David. Ce rapport peut être élaboré très rapidement.
M. Jean Desessard. Pas en un mois !
Mme Annie David. Les chiffres relatifs à la situation en cause sont déjà connus, madame la ministre. En effet, lors de la discussion du projet de loi de finances pour 2013, M. Sapin nous les avait communiqués et avait indiqué que le budget ne pouvait pas les absorber. Ainsi, les services du ministère gagneront du temps.
Nous sommes tous destinataires de messages assez dramatiques. Sincèrement, à mon sens, ce n’est pas un bon signal que de remettre le rapport encore à plus tard, car il est question de situations d’urgence. Je pense réellement que cette demande de raccourcissement du délai est raisonnable. S’il le faut, nous pouvons même donner un coup de main au ministère en faisant remonter très rapidement les données des départements.
Madame la ministre, il s’agirait d’un geste fort envers ces femmes et ces hommes qui espèrent être entendus.
Mme la présidente. Je mets aux voix l'article 10 bis, modifié.
(L'article 10 bis est adopté.)
Chapitre II
Favoriser l’emploi des seniors
Articles additionnels avant l'article 11
Mme la présidente. L'amendement n° 166, présenté par M. Watrin, Mmes Cohen, David et Pasquet, M. Fischer et les membres du groupe communiste républicain et citoyen, est ainsi libellé :
Avant l’article 11
Insérer un article additionnel ainsi rédigé :
Le code du travail est ainsi modifié :
1° Au premier alinéa de l’article L. 1231-1, les mots : « , ou d’un commun accord, » sont supprimés ;
2° Au second alinéa de l’article 1233-3, les mots : « à l’exclusion de la rupture conventionnelle visée aux articles L. 1237-11 et suivants, » sont supprimés ;
3° Les articles L. 1237-11 à L. 1237-16 sont abrogés.
La parole est à M. Michel Billout.
M. Michel Billout. La loi du 25 juin 2008 portant modernisation du marché du travail a créé le dispositif de rupture conventionnelle. Rappelons que cette loi est issue d’un accord conclu entre le patronat et certaines organisations syndicales. Toute ressemblance avec l’accord national interprofessionnel portant sur la sécurisation des parcours professionnels serait, bien sûr, purement fortuite…
Nous avions, à l’époque, dénoncé ce dispositif en expliquant que l’égalité présupposée entre l’employeur et l’employé n’existait pas. C’est, au contraire, sur l’absence d’égalité entre les deux que repose tout notre droit du travail. Nous y voyons une brèche supplémentaire dans la législation relative au licenciement.
En effet, soit l’initiative de la rupture conventionnelle vient de l’employeur, et il s’agit alors de contourner la législation en matière de licenciement, soit elle vient du salarié, et l’on voit mal, dans ce cas, quel intérêt aurait le salarié à accepter une telle rupture.
S’agit-il réellement d’un avantage ? On peut en douter au vu de la politique de radiation que mène Pôle Emploi et de la pénurie d’emplois qui pèse sur notre pays.
En 2011, le journal L’Humanité… (Exclamations sur les travées de l’UMP) – c’est une bonne lecture ! – dressait une liste non exhaustive d’entreprises ayant utilisé le dispositif pour passer outre les obligations relevant d’un plan de sauvegarde de l’emploi ou tout simplement pour se séparer d’un salarié trop âgé : « 1 191 plans sociaux ont été comptabilisés pour l’ensemble de l’année 2010, contre 2 245 en 2009. Une réduction des PSE qui pourrait être expliquée, dans certains cas, par la montée en puissance de la rupture conventionnelle. »
On sait très bien que certains ont été contraints d’accepter ce mode de licenciement sous la pression de leur entreprise.
Près de cinq ans après leur création, nous portons toujours le même regard critique sur ces ruptures conventionnelles. Et nous ne sommes pas les seuls !
Ainsi, l’évaluation du Centre d’analyse stratégique met en évidence un certain nombre de dérives en s’appuyant sur les constatations de l’administration du travail relatives à l’utilisation détournée de la rupture conventionnelle, notamment pour « éviter la procédure collective de licenciement pour motif économique, éviter la mise en place d’un plan de sauvegarde de l’emploi, éviter de respecter l’obligation de reclassement, éviter le transfert automatique des contrats de travail en cas de changement d’employeur, frauder l’assurance chômage dans les entreprises familiales ».
Certes, le taux de retour à l’emploi est plus important qu’après un licenciement, mais il est moins important qu’après une démission. Néanmoins, ce retour à l’emploi est parfois synonyme de précarisation de l’emploi puisqu’un salarié sur six devient travailleur indépendant et que 18 % concluent un CDD, contre seulement 11 % de ceux qui ont démissionné.
C’est pour toutes ces raisons que nous demandons, avec cet amendement, l’abrogation de ce dispositif.
On peut, bien sûr, écarter cette proposition en la qualifiant de cavalier législatif… Toutefois, dans la mesure où il ne semble pas envisagé, à l’occasion de prochains textes, de revenir sur cette disposition, à notre sens fortement contestable, il nous semble très important de l’évoquer à l’occasion de ce débat.
Mme la présidente. Quel est l’avis de la commission ?
Mme Christiane Demontès, rapporteur. Monsieur Billout, ainsi que vous l’avez vous-même laissé entendre, cet amendement est évidemment sans lien avec ce projet de loi sur les retraites. Je rappelle que la rupture conventionnelle est issue d’un accord national interprofessionnel de 2008 relatif à la modernisation du marché du travail.
L’avis de la commission est défavorable.
Mme la présidente. Quel est l’avis du Gouvernement ?
Mme Dominique Bertinotti, ministre déléguée. Monsieur le sénateur, vous l’avez dit vous-même, il s’agit d’un cavalier législatif. Vous ne serez donc pas étonné que j’émette, au nom du Gouvernement, un avis défavorable.
Mme la présidente. La parole est à Mme Catherine Procaccia, pour explication de vote.
Mme Catherine Procaccia. Je me réjouis, madame la ministre, madame la rapporteur, de vous entendre émettre un avis défavorable sur un amendement dont l’objet est de remettre en cause la rupture conventionnelle.
Mme Christiane Demontès, rapporteur. C’est seulement parce que cette proposition n’a rien à faire dans le texte !
Mme Catherine Procaccia. Je sais toutes les réticences qui ont été celles de l’actuelle majorité à l’égard de ce dispositif. Or vous vous êtes contentées, madame la rapporteur, madame la ministre, de motiver votre rejet de l’amendement par le fait que c’est un cavalier, sans ajouter que vous envisagiez de remettre en cause la rupture conventionnelle. Vous auriez pu le faire. Or, ni l’une ni l’autre, vous ne l’avez fait !
M. Gérard Longuet. Dont acte !
Mme Catherine Procaccia. Dans les entreprises où j’ai travaillé, la rupture conventionnelle n’existait pas et elle était vraiment attendue par les salariés. Je dis bien : les salariés !
Comme vous, monsieur Watrin, j’ai pris connaissance, la semaine dernière, des éléments fournis par le Centre d’analyse stratégique. Ils sont moins critiques que vous, mon cher collègue, mais aussi moins dithyrambiques que je ne peux l’être, en particulier pour ce qui est des ruptures conventionnelles concernant les personnes de plus de cinquante-cinq ans.
Il n’empêche que, si une proportion notable de personnes choisit, après une rupture conventionnelle, d’exercer une activité individuelle, ce peut aussi être en vertu d’un choix de vie.
En tout cas, je me félicite que, pour l’instant du moins, aucun projet de texte gouvernemental ne vienne signer la fin de la rupture conventionnelle, que je continuerai à défendre.
Mme la présidente. La parole est à M. Jean Desessard, pour explication de vote.
M. Jean Desessard. Je sais que mes collègues communistes ne vont pas être d’accord avec ce que je vais dire, car je connais leur position : ils l’ont clairement exprimée. Soit dit en passant, j’aurais aimé entendre la position des socialistes sur la rupture conventionnelle. En effet, un débat a eu lieu sur ce sujet en commission mixte paritaire, et je crains de n’avoir qu’à moitié compris quelle était cette position. À moins qu’une moitié seulement du groupe socialiste ne se soit exprimée... En tout cas, je n’ai pas entendu « la » position des socialistes à propos de la rupture conventionnelle.
M. Jacky Le Menn. Ce n’est pas le sujet !
M. Jean Desessard. Personnellement, je suis pour la rupture conventionnelle. Certes, il y a des abus, des excès, mais le fait qu’il y ait accord entre l’employeur et le salarié pour mettre fin à un contrat de travail me paraît de nature à protéger le salarié des pressions morales qu’il pourrait subir de la part de l’employeur. C’est une modalité de négociation intéressante.
Sans connaître avec certitude, donc, la position des socialistes sur le sujet, je pense qu’ils sont pour la rupture conventionnelle. Si le dispositif appelle des contreparties, s’il mérite des aménagements, mieux vaut faire appel aux inspecteurs du travail, quitte à renforcer ce corps, plutôt que de supprimer cette disposition.
Mme la présidente. L'amendement n° 169, présenté par M. Watrin, Mmes Cohen, David et Pasquet, M. Fischer et les membres du groupe communiste républicain et citoyen, est ainsi libellé :
Avant l’article 11
Insérer un article additionnel ainsi rédigé :
Le premier alinéa de l’article L. 5121-14 du code du travail est complété par une phrase ainsi rédigée :
« L’inspection du travail procède annuellement au contrôle de l’application de l’accord ou du plan d’action dans l’entreprise. »
La parole est à M. Dominique Watrin.
M. Dominique Watrin. Les salariés âgés qui sont touchés par la pénibilité de leur poste de travail souhaitent partir en retraite un peu plus tôt. La réalité sociale de notre pays nous a amenés à déposer cet amendement, dont l’objet est de s’assurer que l’accord ou le plan d’entreprise en faveur de l’emploi des salariés âgés est effectivement mis en œuvre.
Bien entendu, si, dans les grandes entreprises, les organisations syndicales, les institutions comme les CHSCT ou les comités d’entreprise, jouent leur rôle et peuvent agir en cas de difficulté, il n’en va pas de même dans les PME et les très petites entreprises.
Nous le savons, par ailleurs, les délégués du personnel ont bien peu de moyens pour exister et exercer sereinement tous les contrôles nécessaires. Le temps leur manque. Ainsi, les discussions sur les salaires ou les conditions de travail, pour ne citer que ces exemples, absorbent pas mal de leur énergie.
En revanche, nous avons, dans notre pays, la chance de disposer d’un corps des inspecteurs du travail. Oui, ils font un travail admirable ! Encore faut-il leur donner des moyens, car ils travaillent dans des conditions difficiles. Il serait nécessaire d’augmenter leurs effectifs et de renforcer leurs prérogatives, comme leurs capacités d’intervention. D’ailleurs, nous attendons une réforme en ce sens.
L’objet de cet amendement est de permettre aux inspecteurs du travail d’être les garants de ces accords, s’assurant que les négociations sur la pénibilité ont bien lieu et que les dispositifs pour les salariés âgés sont respectés.
N’oublions jamais qu’après le vote d’une loi, ce qui compte, c’est son application ! Qui est mieux placé que l’État, les organisations syndicales et les structures paritaires pour contrôler que la loi est bel et bien appliquée ?
Du fait de la complexité de notre droit du travail et de la multiplication des mesures qui y touchent de près ou de loin, les salariés ont besoin de femmes et d’hommes pour les aider à décrypter les textes et à prévenir les chausse-trapes que certains chefs d’entreprise, il faut le dire, n’hésitent jamais à employer contre leurs salariés !
Nous pensons que les inspectrices et les inspecteurs du travail sont les meilleurs remparts, notamment dans les petites et moyennes entreprises, pour le respect des règles à l’intérieur de celles-ci.
Tel le sens de cet amendement qui, s’il est voté, trouvera aussi tout son sens dans le cadre d’une réforme plus globale de l’inspection du travail, que nous appelons de nos vœux, car elle assurerait à ce corps les moyens de ses missions.
Mme la présidente. Quel est l’avis de la commission ?
Mme Christiane Demontès, rapporteur. Par cet amendement, notre collègue Dominique Watrin et le groupe CRC demandent un contrôle annuel par l’inspection du travail de l’application des accords ou plans d’action relatifs aux contrats de génération.
Le contrôle des accords ou plans d’action relatifs aux contrats de génération est particulièrement strict puisqu’ils doivent être soumis à la DIRECCTE, qui vérifie leur conformité aux dispositions législatives.
De plus, chaque année, un document d’évaluation sur la mise en œuvre de l’accord collectif et du plan d’action doit lui être transmis. Si ce n’est pas fait, l’entreprise est redevable d’une pénalité.
Dans ces conditions, mieux vaut regarder, avant d’aller plus loin, comment les entreprises mettent en œuvre ce dispositif nouveau, voté il y a moins d’un an.
J’émets donc, au nom de la commission, un avis défavorable.
Mme la présidente. Quel est l’avis du Gouvernement ?
Mme Dominique Bertinotti, ministre déléguée. Monsieur le sénateur, le Gouvernement est, bien entendu, tout aussi soucieux que vous de voir l’accord et le plan d’action en faveur de l’emploi des salariés âgés recevoir application.
Le code du travail prévoit déjà que l’entreprise transmet chaque année un document d’évaluation de l’accord ou du plan d’action relatif aux contrats de génération. Ce rapport est transmis au directeur régional des entreprises de la concurrence, de la consommation, du travail et de l’emploi. Je le rappelle, ce dernier peut adresser à l’entreprise des observations portant sur la mise en œuvre de l’accord ou du plan d’action.
En outre, les délégués syndicaux et le comité d’entreprise ou, à défaut, les délégués du personnel en reçoivent copie. Ainsi, un contrôle annuel de la mise en œuvre et de l’application des accords et plans d’action est déjà assuré dans le droit et il le sera également dans les faits.
Telles sont les raisons qui motivent l’avis défavorable du Gouvernement sur cet amendement n° 169.
Mme la présidente. La parole est à Mme Catherine Procaccia, pour explication de vote.
Mme Catherine Procaccia. Si l’on veut bien m’autoriser cette pointe d’humour, je dirai que, vu le succès des contrats de génération, ce contrôle ne devrait guère demander du travail aux inspecteurs du travail et à l’entreprise !
Mme la présidente. La parole est à M. Gérard Longuet, pour explication de vote.
M. Gérard Longuet. Comme ma science n’est pas universelle, j’ai, pour ma part, une question à poser : à partir de quand est-on « âgé » au sens des contrats de génération ?
Mme Christiane Demontès, rapporteur. Dans le cadre du contrat de génération, on est considéré comme « âgé » à cinquante-cinq ans quand on est au chômage et à cinquante-sept ans lorsqu’on est salarié.
M. Gérard Longuet. Merci !
M. Jean Desessard. Vous avez réponse à tout, madame la rapporteur ! (Sourires.)
Mme la présidente. C’était un test...
Mme Christiane Demontès, rapporteur. Que j’ai réussi ! (Mêmes mouvements.)
Mme la présidente. L’amendement n° 170, présenté par M. Watrin, Mmes Cohen, David et Pasquet, M. Fischer et les membres du groupe communiste républicain et citoyen, est ainsi libellé :
Avant l’article 11
Insérer un article additionnel ainsi rédigé :
À la deuxième phrase du deuxième alinéa de l’article L. 5121-14 du code du travail, le taux : « 1 % » est remplacé par le taux : « 10 % ».
La parole est à Mme Isabelle Pasquet.
Mme Isabelle Pasquet. Alors que le poids de la réforme qui nous est soumise repose sur les salariés, le groupe CRC n’a eu de cesse de chercher, par tous les moyens, à proposer un financement solidaire et durable pour les retraites.
Parmi les principaux défis posés par le vieillissement de la population et la longévité accrue figurent non seulement celui des retraites, mais aussi celui de l’emploi des salariés âgés. En la matière, il ne suffit pas de promouvoir les bonnes pratiques : non accompagnée de sanctions, toute préconisation semble inefficace. L’expérience le prouve, puisque, vous en conviendrez, mes chers collègues, ce n’est pas la première fois que nous nous penchons sur ce sujet.
L’amendement no 170 tend donc à augmenter la pénalité imputée aux entreprises de plus de cinquante salariés qui ne sont pas couvertes par un accord ou un plan d’action en faveur de l’emploi des salariés âgés.
Ce dispositif permettra d’inciter plus efficacement les entreprises à améliorer l’emploi des personnes âgées de plus de cinquante ans, et, par voie de conséquence, de contribuer à un meilleur taux d’emploi de ces dernières, conformément à l’objectif fixé dans le présent projet de loi de rejoindre la moyenne des taux d’emploi des seniors des pays de l’Union européenne.
Cette pénalité, aujourd’hui établie à 1 % des rémunérations ou gains versés aux travailleurs salariés ou assimilés au cours des périodes au titre desquelles l’entreprise n’est pas couverte par un accord ou un plan d’action, serait ainsi portée à 10 %.
Certes, notre proposition ne permettra pas, à elle seule, de combler le déficit de la sécurité sociale. Mais, face aux injustices constatées– nous incriminons, une fois encore, celle qui consiste à compenser intégralement l’augmentation de cotisation des employeurs sans contrepartie –, notre amendement vise à mieux répartir l’effort tout en favorisant l’emploi des seniors.
Mme la présidente. Quel est l’avis de la commission ?
Mme Christiane Demontès, rapporteur. Par votre amendement, vous proposez, ma chère collègue, d’augmenter la pénalité dont sont redevables les entreprises n’ayant pas conclu d’accord ou établi de plan d’action relatif au contrat de génération.
Comme nous l’avons dit lors de l’examen de l’amendement précédent, il nous semble trop tôt pour modifier le régime de ce contrat.
Par ailleurs, porter la pénalité de 1 % à 10 % de la masse salariale semble excessif. C’est pourquoi la commission a émis un avis défavorable sur l’amendement n° 170.
Mme la présidente. Quel est l’avis du Gouvernement ?
Mme Dominique Bertinotti, ministre déléguée. Une pénalité n’a de sens que si elle peut être appliquée et avoir un véritable effet dissuasif.
Faire passer le taux de la pénalité en cause de 1 % à 10 %, c’est rendre cette dernière totalement inapplicable, ce qui n’est pas de nature à renforcer le dispositif. Aucune entreprise ne pourrait en effet régler une pénalité aussi forte, sans courir le risque d’être en cessation de paiement.
Je tiens à vous assurer, madame le sénateur, que le contrat de génération comprend aujourd’hui de véritables pénalités, dissuasives et proportionnées.
Votre proposition étant totalement irréaliste, le Gouvernement émet un avis défavorable sur votre amendement.
Mme la présidente. La parole est à M. Gérard Longuet, pour explication de vote.
M. Gérard Longuet. Mes chers collègues, c’est un salarié âgé, cotisant depuis quarante-sept ans à des régimes de retraite, qui s’exprime devant vous (Sourires sur les travées de l'UMP.)...
M. Jacky Le Menn, vice-président de la commission des affaires sociales. Vous ne faites pas votre âge ! (Sourires.)
Mme Christiane Demontès, rapporteur. Vous n’exerciez pas des métiers trop pénibles...
M. Gérard Longuet. ... et qui, à la lecture de l’amendement déposé par nos collègues du groupe CRC, vous souhaite la bienvenue dans un monde de répression, de pénalités et de sanctions !
Mme Laurence Cohen. Et les licenciements, ce n’est pas violent ?
M. Gérard Longuet. Vous ne vous étonnerez pas si les employeurs ne cherchent pas à augmenter l’effectif de leurs salariés et si les investisseurs se tournent vers d’autres pays que le nôtre !
Mme le rapporteur l’a indiqué, une pénalité représentant 10 % de la masse salariale n’est pas réaliste. C’est un effet d’affichage !
M. Billout a cité tout à l’heure ce grand quotidien dont Jean Jaurès fut le directeur et dont Marcel Cachin assura la transmission au parti communiste. Certes, chers collègues du groupe CRC, vous pourrez dire dans L’Humanité que vous allez frapper fort. En réalité, si vous ne faisiez pas sourire par l’excès de vos propositions, vous risqueriez surtout de décourager...
M. Jean Desessard. Cela mériterait une réponse énergique ! (Sourires.)
Mme Laurence Cohen. C’est trop caricatural ... Dépensons notre énergie ailleurs !
Mme la présidente. L’amendement n° 167, présenté par M. Watrin, Mmes Cohen, David et Pasquet, M. Fischer et les membres du groupe communiste républicain et citoyen, est ainsi libellé :
Avant l’article 11
Insérer un article additionnel ainsi rédigé :
Un décret précise les conditions selon lesquelles, dans les entreprises de plus de 300 salariés, l’inspecteur du travail peut constater un recours abusif aux procédures de licenciement et de pré-retraite concernant les salariés de plus de cinquante-cinq ans. Après une telle constatation et au terme d’une procédure contradictoire avec le comité d’administration ou de surveillance, l’inspecteur du travail peut soumettre à une majoration de 10 % les cotisations dues par l’employeur au titre des assurances sociales, des accidents du travail et des allocations familiales pour l’ensemble des salariés dans l’entreprise concernée, pour une période de douze à vingt-quatre mois.
La parole est à M. Michel Billout.
M. Michel Billout. Encore un amendement qui ne va plaire à tout le monde ! Tant pis...
La finalité de la réforme dont nous débattons depuis plusieurs jours est, notamment, d’allonger la durée de cotisation, en vertu du principe selon lequel l’espérance de vie a augmenté, ce qui justifierait que l’on travaille plus longtemps.
Nous l’avons déjà dit, ce postulat repose sur un fait déjà biaisé, le taux d’emploi des seniors étant aujourd’hui relativement faible en France. En 2011, le taux d’emploi moyen des travailleurs âgés de cinquante-cinq à soixante-quatre ans était seulement de 41,5 % dans notre pays, contre 47,4 % dans l’Union européenne. L’objectif de cette dernière comme de la France était pourtant d’atteindre 50 % en 2010.
Si nous proposons le présent amendement, c’est parce que nous avons constaté que des employeurs se servaient des ruptures conventionnelles, notamment, pour se séparer à bon compte et aux frais de l’assurance chômage des seniors. Le détournement de ce dispositif concernerait surtout les grandes entreprises, en particulier celles de plus de 250 salariés, dans lesquelles 17,4 % des séparations à l’amiable touchent les salariés âgés de plus de cinquante-huit ans, soit treize points de plus que dans les entreprises de moins de 50 salariés.
L’assurance chômage note une « surreprésentation des 55-60 ans », laissant fort à penser qu’une grande majorité des personnes concernées ont été poussées vers la sortie. Cette situation est en contradiction avec l’article L. 1133-2 du code du travail, qui transpose la directive 2000/78/CE et dispose : « Les différences de traitement fondées sur l’âge ne constituent pas une discrimination lorsqu’elles sont objectivement et raisonnablement justifiées par un but légitime, notamment par le souci de préserver la santé ou la sécurité des travailleurs, de favoriser leur insertion professionnelle, d’assurer leur emploi, leur reclassement ou leur indemnisation en cas de perte d’emploi, et lorsque les moyens de réaliser ce but sont nécessaires et appropriés. »
Par cet amendement, nous souhaitons que l’inspecteur du travail puisse constater les abus, lorsqu’il y en a, et proposer une sanction.
Mme la présidente. Quel est l’avis de la commission ?
Mme Christiane Demontès, rapporteur. Le maintien dans l’emploi des salariés âgés est essentiel pour l’amélioration du marché du travail, et le contrat de génération va y contribuer.
La proposition que vous faites, monsieur Billout, ne me semble pas appropriée et manque de cohérence.
En effet, l’inspecteur du travail n’a pas à porter de jugement sur la politique de gestion des ressources humaines de l’entreprise, mais doit s’assurer que le droit du travail est respecté. Il ne peut donc infliger lui-même des sanctions financières. Par ailleurs, les cotisations sociales ne relèvent pas de son champ de compétences.
En revanche, je le rappelle, les salariés qui estiment avoir été licenciés à cause de leur âge ont des recours possibles et peuvent, bien évidemment, saisir les prudhommes.
Telles sont les raisons pour lesquelles la commission émet un avis défavorable.
Mme la présidente. Quel est l’avis du Gouvernement ?
Mme Dominique Bertinotti, ministre déléguée. Pour abonder dans le sens de Mme le rapporteur, j’ajoute que la loi relative à la sécurisation de l’emploi du 14 juin dernier a créé une procédure de validation ou d’homologation des plans de sauvegarde de l’emploi par l’administration, laquelle veille d’ores et déjà, dans ce cadre, à ce que les mesures prévues ne soient pas discriminatoires à l’égard des salariés âgés de plus de cinquante-cinq ans.
J’émets donc un avis défavorable.
Mme la présidente. Je mets aux voix l’amendement n° 167.
(L'amendement n'est pas adopté.)
Article 11
L’article L. 351-15 du code de la sécurité sociale est ainsi modifié :
1° Le 1° est complété par les mots : « diminué de deux années, sans pouvoir être inférieur à 60 ans » ;
2° Après le mot : « équivalentes », la fin du 2° est ainsi rédigée : « fixées par décret en Conseil d’État. »
Mme la présidente. La parole est à Mme Isabelle Pasquet, sur l’article.
Mme Isabelle Pasquet. L’article 11 du présent projet de loi modifie les règles relatives à la retraite progressive, afin de rendre le dispositif plus clair, plus facile d’accès pour les salariés éventuellement intéressés et, d’une certaine manière, plus protecteur.
Si nous avons bien compris la mesure qui nous est proposée, un salarié pourrait décider, dès l’âge de soixante ans, de réduire son activité professionnelle. Il pourrait alors prétendre au bénéfice tout à la fois de la partie de sa pension de retraite correspondant à la réduction de son activité et du maintien de son salaire au prorata du temps travaillé.
Notre collègue député Michel Issindou précisait dans son rapport que la retraite progressive permettait « la transition entre vie active et retraite sans induire de baisse du niveau de vie. »
Cette affirmation, madame la ministre, madame le rapporteur, nous incite à vous demander de plus amples explications.
Tout d’abord, les gains qui seront perçus par le salarié au titre de la retraite seront calculés sur la base des trimestres effectivement réalisés, soit 150 trimestres au minimum.
Les salariés qui parviennent à ce seuil sans atteindre le plancher de cotisations percevront-ils une part de retraite amputée des décotes applicables, dans le régime général, à tout retraité partant à la retraite sans avoir le nombre de trimestres cotisés nécessaires pour obtenir une retraite à taux plein ?
C’est une chose de dire que le salarié qui réduit son activité de 40 % percevra 40 % de la retraite à taux plein ; c’en est une autre de dire qu’il percevra 40 % de sa retraite avec application des décotes ! Si tel est le cas, le cumul des salaires provenant de son activité et de sa pension de retraite sera bien évidemment inférieur aux revenus qu’il aurait perçus en cas de maintien total de son activité.
Qui plus est, dès lors que la condition d’âge pour bénéficier de ce dispositif est abaissée à soixante ans, les salariés qui opteront pour une retraite progressive ne risquent-ils pas d’être perdants lorsqu’ils prendront définitivement leur retraite à soixante-deux ans ?
Ainsi, tous les trimestres travaillés ne sont pas nécessairement cotisés. Si la réduction du temps de travail a pour effet de porter celui-ci en dessous du seuil de 150 heures, les trimestres travaillés durant la période de retraite progressive ne seront pas pris en compte et les droits à la retraite seront, au final, calculés sur une carrière amputée de ces trimestres.
En outre, les pensions perçues durant la période de cumul ne sont pas intégrées dans le calcul du salaire moyen annuel, ce qui peut réduire, là encore, le montant des pensions servies à soixante-deux ans. La preuve en est que les salariés qui optent pour la retraite progressive peuvent, s’ils le souhaitent, mais, surtout, s’ils le peuvent financièrement, surcotiser.
En réalité, si le dispositif est peu utilisé aujourd’hui – 2 409 personnes en 2012 –, c’est sans doute moins en raison de sa complexité que des effets induits en matière de niveau de vie et de pension. Or cette situation est injuste puisque, dans leur grande majorité, les salariés qui demandent à bénéficier d’une retraite progressive le font parce que l’exercice d’une activité à temps plein est devenu trop difficile.
Ce sont bien les salariés qui assument financièrement le coût d’une mesure, certes, volontaire, mais destinée à compenser une forme de pénibilité qui ne fait pas et ne fera pas partie des facteurs reconnus par la loi et ouvrant droit à un départ anticipé, sur le fondement des articles 5 à 10 du présent projet de loi.
Enfin, je regrette que, pour bénéficier de cette possibilité, les salariés doivent encore obtenir l’autorisation de leur employeur. Il serait du reste intéressant que Mme la ministre nous indique le nombre de demandes formulées et d’autorisations effectivement accordées.
Mme la présidente. La parole est à M. Jean-Yves Leconte, sur l'article.
M. Jean-Yves Leconte. Madame la présidente, madame la ministre, mes chers collègues, faire évoluer notre système de retraites pour le défendre et pour en renforcer la justice, telle est la finalité de cette réforme. Il s’agit en particulier d’augmenter la durée de cotisation pour obtenir une pension à taux plein. Toutefois, pour que cette démarche soit exempte de toute hypocrisie, il faut que les assurés puissent effectivement cotiser jusqu’à l’obtention d’une retraite à taux plein.
Dans le contexte actuel du marché du travail, l’article 11 répond à cette préoccupation en rendant les conditions d’accès à une retraite progressive plus accessibles et plus flexibles.
Cela étant, je souligne l’intérêt que revêt ce dispositif pour un certain nombre de Français vivant en dehors de nos frontières et cotisant à la CNAV de manière volontaire, par l’intermédiaire de la Caisse des Français de l’étranger. En matière de droit du travail, ces ressortissants sont soumis au régime du pays de résidence, qui fixe parfois des âges de départ à la retraite plus précoces qu’en France. Dans ce cas, ils ne peuvent obtenir une retraite à taux plein. Il faut résoudre ce problème !
En outre, j’attire votre attention sur la situation des personnes recrutées localement travaillant dans les services publics français à l’étranger et cotisant à la Caisse des Français de l’étranger. Compte tenu des réductions d’effectifs et de la diminution du nombre d’équivalents temps plein dans nos administrations à l’étranger, ces personnels sont incités à partir à soixante ans, alors qu’ils ne jouissent pas encore d’une retraite à taux plein auprès de la CNAV.
Les démarches de cette nature s’apparentent à une mise à la retraite d’office. En France, elles sont, in fine, encadrées par l’article L. 1237-5 du code du travail, qui empêche de mettre un salarié à la retraite d’office avant l’âge de soixante-dix ans. Celles et ceux qui résident à l’étranger et qui cotisent volontairement à la CNAV ne sont pas protégés par ces dispositions. Par conséquent, les personnes recrutées localement et cotisant à la Caisse des Français de l’étranger sont susceptibles d’être mises à la retraite d’office à un âge qui ne leur permet pas de jouir d’une pension à taux plein.
À cet égard, le décret destiné à préciser les dispositions de l’article 11 devra viser la situation des Français de l’étranger qui ont cotisé et qui sont employés par les services publics français. Ces derniers subissent des réductions d’effectifs qui se chiffrent en centaines d’emplois. Leurs agents doivent, eux aussi, pouvoir partir à la retraite de manière progressive. Ils ne doivent pas être contraints de percevoir des retraites partielles ! J’espère que le futur décret apportera cette garantie.
Mme la présidente. La parole est à M. Gérard Longuet, sur l'article.
M. Gérard Longuet. L’article 11 est très intéressant, et la présentation que Mme le rapporteur y consacre dans son rapport éclaire d’un jour nouveau le souci naturel de viser la perfection, qui n’emporte néanmoins pas toujours l’adhésion de ceux qui pourraient en bénéficier.
En effet, l’idée d’une retraite progressive paraît séduisante, eu égard à la complexité ou, plus exactement, à la diversité des carrières actuelles. On entre dans la vie active à des âges de plus en plus variés, généralement en raison de l’allongement de la durée des études mais aussi – hélas ! – à cause de la multiplication des périodes de stage. Qui plus est, avec les expériences internationales, les jeunes ne commencent pas nécessairement leur carrière en France.
Arrivée la fin de la vie professionnelle, le calcul des pensions met au jour des insuffisances. À cet égard, comme Mme Demontès le souligne dans son rapport, la retraite progressive permet de concilier une activité moindre et une capacité de cotiser à taux plein pour divers trimestres.
Dans ce document, la commission souligne que la CNAV a transmis des chiffres assez modestes pour ce qui concerne ce dispositif : même s’il affiche une forte progression, le nombre de ses bénéficiaires est, quoi qu’il en soit, inférieur à 3 000.
Toutefois, la CNAV ne nous a pas communiqué un chiffre qui mériterait d’être connu : la proportion, parmi les bénéficiaires de cette retraite progressive, des actifs dépendant respectivement du régime salarial et du régime des indépendants. Je songe non seulement au régime agricole, mais aussi et surtout à la Caisse nationale d’assurance vieillesse des professions libérales, la CNAVPL.
Mes chers collègues, comme vous le savez, la CNAVPL verse des retraites à des professionnels qui, en général, ont suivi des études longues, et qui, étant donné la nature de leurs fonctions, ont plus de possibilités de moduler leur activité en fin de carrière.
À ce titre, je souhaite obtenir l’éclairage de Mme le rapporteur quant à l’utilité de cette mesure : quel est, dans son esprit, le public visé par la retraite progressive ? À l’instar de notre collègue du groupe CRC, je relève que la complexité de ce dispositif est tout à fait remarquable ! J’ai tenté de suivre les explications de Mme Demontès, mais je ne suis pas certain d’avoir tout compris. Cette question me rappelle les moments les plus difficiles de mes permanences d’élu, lorsque des retraités polypensionnés m’expliquent qu’ils ne parviennent pas à faire valoir leurs droits. Je les comprends d’autant mieux que le système est d’une complexité effrayante !
M. Jean Desessard. C’est juste !
M. Jean-Yves Leconte. Il s’agit là d’un réel problème !
M. Gérard Longuet. Ajoutons à cela les conséquences de la globalisation, qui figure parmi mes préoccupations constantes.
M. Leconte a mentionné avec raison le cas des carrières internationales. Celles-ci sont appelées à se multiplier. Certaines sont géographiquement modestes : il s’agit des carrières transfrontalières. En métropole, elles concernent plusieurs dizaines voire sans doute plusieurs centaines de milliers de personnes, qui travaillent principalement en Belgique, au Luxembourg, en Allemagne et en Suisse. Ces salariés se voient appliquer des règles spécifiques. S’y ajoutent les carrières s’étendant à l’Europe entière. Certains actifs commencent en effet leur vie professionnelle dans des pays plus attractifs que la France, comme la Grande-Bretagne.
Je le répète, en prenant la parole sur cet article, je ne cherche qu’à comprendre ce que Mme la ministre attend de ces dispositions, et ce que les travaux de Mme le rapporteur lui laissent à penser de leur utilité. Une fois éclairés, mes collègues et moi-même pourrons nous déterminer quant au vote de cet article !
Mme la présidente. Je vais mettre aux voix l’article 11.
M. Gérard Longuet. Madame la présidente, je demande la parole pour explication de vote !
M. Jean Desessard. Ah !
Mme la présidente. La parole est à M. Gérard Longuet, pour explication de vote.
M. Jacky Le Menn, vice-président de la commission des affaires sociales. M. Longuet a-t-il seulement cessé de parler ?
M. Gérard Longuet. Je constate que je n’ai pas obtenu de réponse de la part du Gouvernement ! Je conçois que Mme le rapporteur, après avoir beaucoup travaillé en commission, soit un peu lasse de détailler ses travaux. Toutefois, je m’étonne du silence de Mme la ministre. Cet article a certes été adopté par l’Assemblée nationale, mais il procède d’une initiative du Gouvernement ! Que ce dernier ne veuille ou ne puisse nous répondre, voilà qui pose un réel problème quant au sens d’un débat législatif.
Mes chers collègues, permettez-moi de prendre un ton un peu plus grave : l’article 11 renferme des dispositions complexes d’une haute importance. En toute bonne foi, nous avons du mal à en maîtriser les tenants et les aboutissants. J’admets que cette discussion relève d’un travail de commission, mais il serait tout de même bon que nous puissions être éclairés sur ce sujet ! Faute de quoi, par prudence, nous nous abstiendrions.
Mme la présidente. La parole est à M. Jean Desessard, pour explication de vote.
M. Gérard Longuet. M. Desessard va répondre à la place du Gouvernement ! (Sourires sur les travées de l'UMP.)
M. Jean Desessard. Le cas échéant, j’y suis prêt ! (Nouveaux sourires.)
Mme Christiane Demontès, rapporteur. Monsieur Desessard, vous vous tournez vers la droite !
M. Jean Desessard. Cela étant, j’aurais aimé que Mme la ministre nous fasse l’article sur l’article 11 ! (Sourires.)
Mme la présidente. La parole est à M. Philippe Bas, pour explication de vote.
M. Philippe Bas. Il est très difficile pour les membres de mon groupe de déterminer leur vote sans disposer des réponses nécessaires de la part du Gouvernement.
Mme Christiane Demontès, rapporteur. Le Gouvernement a été auditionné en commission !
M. Philippe Bas. Notre excellent collègue Gérard Longuet vient de poser plusieurs questions très pertinentes et, à mon sens, dénuées de toute extravagance. Il ne s’agit tout de même pas d’une demande excessive ! Nous souhaitons simplement être un peu éclairés.
En vérité, il est juste de souligner que le système de la retraite progressive relève d’une intuition très pertinente. De fait, il permet à celles et ceux qui approchent de l’heure où ils partiront totalement à la retraite de développer des activités prenant le relais de leurs fonctions professionnelles. On le sait, en France, le bénévolat est assumé, pour les deux tiers, par de jeunes et moins jeunes retraités. Ainsi, cette disposition est humainement très bonne, nul ne peut pas le contester.
De même, le principe de la retraite progressive est, au fond, à l’origine de ces fameux contrats de génération, qui ont tant de mal à décoller. Par ce biais, les seniors peuvent faire bénéficier l’ensemble de leur entreprise de leur expertise, en particulier les jeunes salariés qui viennent la rejoindre.
Il n’y a donc ni opposition idéologique ni clivage profond entre nous sur cette question. Notre requête ne tend en aucun cas à opposer un refus radical des mesures que traduit l’article 11 ! Il s’agit simplement de bien comprendre la situation En effet, sur ce sujet complexe, il faut se garder des positions trop tranchées.
Pour notre part, nous dressons ce constat : si, malgré tous les efforts accomplis en la matière par les gouvernements précédents – cette idée n’est tout de même pas l’innovation de l’année ! –, nous ne sommes pas parvenus à développer ce système, ce n’est peut-être pas tant du fait d’imperfections juridiques restant à corriger qu’en raison d’obstacles de fond, complexifiant l’application de ce dispositif dans la gestion des ressources humaines des entreprises.
En réalité, au lieu de vouloir résoudre systématiquement les problèmes par de nouvelles dispositions législatives ou réglementaires, mieux vaudrait accorder plus de confiance au dialogue social et aux accords de travail.
Mme Christiane Demontès, rapporteur. Vous pouvez parler !
M. Jacky Le Menn, vice-président de la commission des affaires sociales. C’est l’hôpital qui se moque de la charité !
M. Philippe Bas. Mieux vaudrait faire confiance aux dynamiques qui garantissent une gestion avisée des emplois dans l’entreprise. Dès lors, peut-être serait-il possible de progresser !
Mme Christiane Demontès, rapporteur. Souvenez-vous de la loi de 2010 !
M. Philippe Bas. Ne serait-il pas préférable de réunir les partenaires sociaux, en vertu de l’article L. 1 du code du travail, pour engager une discussion interprofessionnelle globale ? À mes yeux, le nœud du problème n’est pas tant la question de la retraite que celle de l’emploi des seniors.
M. Jacky Le Menn, vice-président de la commission des affaires sociales. Un vrai Normand !
M. Philippe Bas. Du reste, il est peut-être abusif de parler de « retraite progressive ». Au fond, c’est aussi du maintien dans l’emploi qu’il s’agit.
Madame la ministre, je le répète, il n’y a aucun piège à redouter de notre part. Nous sommes animés par le seul désir de faire progresser le débat. Comme tous les membres de mon groupe – et sans doute ne sommes-nous pas les seuls ! –, je serais très heureux d’entendre votre réponse aux questions judicieuses posées par Gérard Longuet.
Mme la présidente. La parole est à M. le vice-président de la commission des affaires sociales.
M. Jacky Le Menn, vice-président de la commission des affaires sociales. Je m’étonne, monsieur Bas, monsieur Longuet, que vous insistiez avec autant de véhémence pour obtenir une réponse de la part de Mme la ministre. Nous l’avons longuement interrogée dans le cadre des auditions menées par la commission et elle a répondu sans rien occulter. D’autres auditions nous ont également éclairés. En outre, Mme le rapporteur a apporté des éléments complémentaires.
M. Philippe Bas. Je ne suis pas membre de la même commission que vous, mon cher collègue !
M. Jacky Le Menn, vice-président de la commission des affaires sociales. Mais vos amis qui en sont membres ont certainement relayé avec pertinence les informations qu’ils ont obtenues auprès des membres de la commission des lois ou de votre groupe !
M. Philippe Bas. Quand un sujet a été évoqué en commission, on n’a donc plus besoin d’en parler ?
M. Jacky Le Menn, vice-président de la commission des affaires sociales. Monsieur Bas, ne me faites pas cela ! Pas vous et pas en cet instant !
Mme la présidente. La parole est à Mme la ministre déléguée.
Mme Dominique Bertinotti, ministre déléguée. Vous allez être déçus, mesdames, messieurs les sénateurs de l’opposition ! (Sourires.)
Je trouve extraordinaire que des leçons de dialogue social émanent de vos travées ! J’ai souvenir de réformes menées lors du précédent quinquennat, durant lesquelles nous aurions aimé que soit simplement évoquée la notion de dialogue social.
Mme Catherine Procaccia. Mais qui donc l’a mise en place ?
Mme Dominique Bertinotti, ministre déléguée. En l’espèce, vous faites fausse route, puisque les partenaires sociaux, dans leur grande diversité, ont particulièrement apprécié que l’article 11 voie le jour. Je m’en tiendrai là.
Mme la présidente. La parole est à Mme Catherine Deroche, pour explication de vote.
Mme Catherine Deroche. Je remercie Jacky Le Menn des précisions qu’il a apportées quant au travail réalisé en commission des affaires sociales. Cependant, tous nos collègues ne sont pas membres de cette dernière.
Par ailleurs, je précise, sans succomber à la névrose obsessionnelle, que nous examinons le présent projet de loi après engagement de la procédure accélérée, laquelle constitue un véritable handicap. Si, en sus, nous ne pouvons pas en débattre en séance, à quoi servons-nous ?
Mme la présidente. Mes chers collègues, la suite de la discussion est renvoyée à la prochaine séance. Il reste cent vingt amendements à examiner sur ce texte.
6
Ordre du jour
Mme la présidente. Voici quel sera l’ordre du jour de la prochaine séance publique, précédemment fixée au lundi 4 novembre 2013 à quinze heures et le soir :
- Suite du projet de loi, adopté par l’Assemblée nationale après engagement de la procédure accélérée, garantissant l’avenir et la justice du système de retraites (n° 71, 2013-2014) ;
Rapport de Mme Christiane Demontès, fait au nom de la commission des affaires sociales (n° 95, 2013-2014) ;
Rapport d’information de Mme Laurence Rossignol, fait au nom de la délégation aux droits des femmes et à l’égalité des chances entre les hommes et les femmes (n° 90, 2013-2014) ;
Résultat des travaux de la commission (n° 96, 2013-2014) ;
Avis de M. Jean-Pierre Caffet, fait au nom de la commission des finances (n° 76, 2013-2014).
Personne ne demande la parole ?…
Je vous souhaite à tous un très bon week-end.
La séance est levée.
(La séance est levée à dix-neuf heures.)
Le Directeur du Compte rendu intégral
FRANÇOISE WIART