Mme Nathalie Goulet. Très bien !
Mme la présidente. L'amendement n° I–83 rectifié, présenté par M. Foucaud, Mme Beaufils, M. Bocquet et les membres du groupe communiste républicain et citoyen, est ainsi libellé :
Après l’article 7 quater
Insérer un article additionnel ainsi rédigé :
I. Le b quater de l’article 279 du code général des impôts est complété par les mots : « , à l’exclusion des transports publics urbains de voyageurs qui relèvent du taux prévu à l’article 278–0 bis ».
II. La perte de recettes résultant pour l’État du I ci-dessus est compensée à due concurrence par la baisse du taux du crédit d’impôt prévu à l’article 244 quater C du code général des impôts.
La parole est à Mme Marie-France Beaufils.
Mme Marie-France Beaufils. Nous proposons nous aussi de supprimer la hausse du taux de la TVA de 7 % à 10 % dans le secteur des transports : cette augmentation serait particulièrement pénalisante pour le secteur et totalement contradictoire avec la volonté de favoriser la transition énergétique et environnementale.
Pour la justifier, le Gouvernement soutient qu’elle serait neutre pour le secteur du transport collectif, puisque celui-ci bénéficie du crédit d’impôt pour la compétitivité et l’emploi, le CICE. Cet argument ne nous semble pas recevable : pour les transports comme pour les ordures ménagères, nous pensons que les deux mesures n’auront pas des effets équivalents.
En effet, non seulement l’ensemble des entreprises ne bénéficient pas du CICE,…
M. Roger Karoutchi. Bien sûr !
Mme Marie-France Beaufils. … mais aucune clause, dans nos contrats de délégation de service public, ne permet une quelconque rétrocession. On sait très bien, pour l’avoir constaté de trop nombreuses fois, que les entreprises concernées n’ont pas une âme de mécène : je ne pense pas qu’elles consentent une rétrocession, si on ne peut pas les y contraindre.
Au bout du compte, cette hausse de la TVA sera supportée par les usagers et par les collectivités territoriales, qui rencontrent déjà de lourdes difficultés financières. (M. Roger Karoutchi acquiesce.) Quant aux opérateurs du secteur, comme la SNCF, ils ont déjà fait savoir qu’ils la répercuteraient sur les tarifs des billets et des abonnements.
Dans ces conditions, la hausse va pénaliser directement l’usage des transports publics, alors qu’il faudrait, au contraire, injecter davantage d’argent pour en améliorer la qualité. MM. Karoutchi et Placé ont parlé de l’agglomération parisienne ; mais le problème se posera aussi ailleurs.
La transition écologique a un coût, qui ne peut pas être supporté par les seuls usagers, lesquels en supportent déjà trop.
En Île-de-France, le STIF, auquel la hausse de la TVA coûtera 100 millions d’euros, a fait savoir qu’il ne voulait pas reporter cet effort sur les usagers : c’est donc son budget général qui sera atteint. (M. Roger Karoutchi s’exclame.) Mon collègue Éric Bocquet m’a indiqué que l’agglomération de Lille avait fait le même choix ; je pense que d’autres autorités organisatrices de transports feront de même lors de l’élaboration de leur projet de budget.
Seulement, en l’absence de financements nouveaux, ces autorités seront obligées de réduire leurs investissements. En d’autres termes, moins de nouvelles rames de métro, de RER et de tramway seront achetées et le renforcement des lignes de bus sera revu à la baisse, alors même que les besoins sont immenses. Dans ces conditions, comment concevoir la nécessaire transition écologique ?
Mes chers collègues, la formule proposée par le Gouvernement peut créer un véritable contresens : en effet, après avoir refusé, il y a quelque temps, le relèvement du taux du versement transport acquitté par les entreprises, il s’apprête à mettre à contribution les usagers.
Monsieur le ministre, vous avez déclaré, il y a quelques instants, que vous vouliez conserver des moyens budgétaires pour les services publics. Or c’est bien des services publics qu’il est ici question. Le choix que vous nous proposez, en utilisant le véhicule TVA, pèsera sur le pouvoir d’achat de nos concitoyens, alors qu’il nous semble indispensable d’assurer une meilleure répartition des richesses.
Les transports publics étant, selon nous, un service de première nécessité, nous proposons de leur appliquer un taux de TVA de 5 %.
Mme la présidente. Quel est l’avis de la commission ?
M. François Marc, rapporteur général de la commission des finances. Tous les membres de la commission des finances sont préoccupés, eux aussi, par telle ou telle cause. Dans chacun de nos départements, il y a des parcs à thème ou des centres hippiques ; partout, les questions du bois de chauffage ou de la restauration se posent.
M. Roger Karoutchi. Nous parlons de personnes qui vont travailler !
M. François Marc, rapporteur général de la commission des finances. Aussi bien, nous sommes tous porteurs de préoccupations locales et de revendications de nos concitoyens concernant des baisses de coût. Toutes sont légitimes !
Seulement, il appartient aussi à la commission des finances d’examiner de près la situation financière de notre pays. Or le solde comptable du budget 2014, que j’ai présenté hier en commission, s’établit, après le débat budgétaire à l’Assemblée nationale, à 82,5 milliards d’euros de déficit. Mes chers collègues, faut-il encore creuser le trou ?
Qui va payer le déficit ? La dette ! Qui va payer la dette ? Nos enfants ! Pouvons-nous encore nous permettre, pour légitimes que soient nos raisons, d’accroître systématiquement notre déficit ?
De fait, il s’agit bien de cela, puisqu’on propose de minorer le taux de la TVA sur un certain nombre d’activités.
M. André Gattolin. On parlera des résultats du CICE !
M. François Marc, rapporteur général de la commission des finances. En ce qui concerne le transport, cette minoration coûterait 250 millions d’euros. Voilà quelques instants, il était question de 100 millions d’euros ; avant encore, de 150 millions d’euros. Pouvons-nous continuer à alourdir ainsi le déficit ?
Je vous signale que, lors de ses travaux d’hier, le Sénat, contre l’avis de la commission des finances, a encore creusé le trou de plus de 10 milliards d’euros : le déficit, qui s’établissait à quelque 82 milliards d’euros à l’issue du débat à l’Assemblée nationale, a été porté à 93 milliards d’euros par une majorité de circonstance !
Au nom de la commission des finances, qui s’est prononcée à la majorité et qui essaie, dans toutes ses réunions de travail, de préserver ou d’améliorer l’équilibre des comptes publics, je vous demande, mes chers collègues, de rejeter l’ensemble des amendements visant à minorer les taux de TVA, quel que soit le domaine sur lequel ils portent.
Sur cette cinquantaine d’amendements, légitimes au regard des préoccupations de chacun, il me serait difficile, très honnêtement, d’émettre un avis qui ne soit pas défavorable.
M. Richard Yung. Très bien !
Mme la présidente. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. Bernard Cazeneuve, ministre délégué. Je voudrais centrer mon propos sur la TVA dans le secteur des transports. Je comprends très bien la préoccupation exprimée par un certain nombre de parlementaires, qui souhaiteraient voir les transports publics, qu’un très grand nombre de salariés, vous avez raison de le rappeler, sont forcés d’emprunter, échapper à l’augmentation de la TVA.
D’abord, permettez-moi de préciser quelques éléments concernant la TVA et le CICE. Les entreprises de transport bénéficieront du CICE, à l’exception des quelques très rares entreprises qui ne sont pas assujetties à l’impôt sur les sociétés. Après consolidation de l’équation, cela représente, au profit des entreprises de transport, un gain d’à peu près 20 millions d’euros.
En défalquant les effets de l’augmentation de la TVA du bénéfice engendré par le CICE, on s’aperçoit que le secteur, dans son ensemble, est bénéficiaire à hauteur de 20 millions d’euros.
Ensuite, comme je l’ai indiqué tout à l’heure s’agissant des déchets, une grande partie des conventions et délégations de service public qui lient les concédants aux entreprises de transport prestataires de service sont indexées sur le coût du travail. Or le CICE correspond à une diminution de ce dernier, à un allégement net de charges, qui a vocation, au titre des contrats qui ont été signés et qui, comme je viens de le dire, sont indexés, à être répercuté sur le coût de la prestation.
Enfin, les amendements qui nous sont présentés n’entraîneront pas une dépense de 250 millions d’euros : ils coûteront de 900 millions à 1 milliard d’euros. En effet, et je serai très précis sur ce point, on ne peut pas ne pas appliquer la baisse de la TVA à la totalité du secteur. L’idée qu’on pourrait réserver une telle mesure uniquement aux transports en régie est, selon nous, non conforme à la directive européenne et non euro-compatible. Nous sommes convaincus que la Commission européenne, si nous prenions une disposition concernant simplement les transports publics en régie, serait fondée en droit à enclencher à notre encontre une démarche à caractère précontentieux puis contentieux, qui nous obligerait soit à appliquer cette baisse à tout le secteur des transports, soit à ne pas la mettre en œuvre. L’idée qu’on peut isoler un secteur sans prendre en compte tous les autres ne correspond pas, à mon avis, à la réalité.
J’avais reçu M. Roland Ries, président du GART et sénateur-maire de Strasbourg, pour lui dire que j’étais tout à fait prêt, je le confirme ici, à engager une démarche auprès de la Commission européenne pour étudier si l’on peut trouver un moyen de droit permettant de mettre en place un dispositif de TVA à taux réduit simplement pour le secteur des transports en régie. Je m’engage à effectuer cette démarche et à en rendre compte.
En l’attente, il me paraîtrait hasardeux, en droit, et compte tenu du risque financier rappelé par M. le rapporteur général, de s’engager sur ce chemin. En effet, tant que nous sommes dans l’incertitude à cet égard, l’adoption de l’amendement relatif aux transports nous coûterait 900 millions d’euros.
Afin de rendre compte de cette démarche et bien expliquer comment nous allons l’articuler, compte tenu des problèmes spécifiques d’un certain nombre d’agglomérations, dont Paris et, plus largement, celles de l’Île-de-France, je rencontrerai également le président de la région d’Île-de-France, en lui expliquant que le Gouvernement n’est pas fermé sur cette question. Si nous réglons le problème juridique – nous sommes prêts à engager cette démarche –, nous pourrons trouver une issue, dans les mois qui viennent, au problème financier.
Monsieur Placé, vous l’avez rappelé, vous aviez évoqué avec le Gouvernement certains amendements visant à maintenir un taux réduit de TVA dans des secteurs qui vous paraissent aller dans le sens du développement durable. Je confirme votre requête, en ajoutant que Mme la ministre du logement avait vigoureusement plaidé pour « mettre le paquet » sur le taux réduit de TVA « rénovation énergétique » et sur le taux réduit de TVA « construction de logements sociaux et petites réparations », ces deux taux réduits représentant une dépense fiscale supérieure à un milliard d’euros.
Vous comprendrez donc ma position, monsieur le sénateur. Nous avons négocié, discuté des secteurs dans lesquels il fallait agir prioritairement, pour donner un sens politique à nos décisions. Celles-ci ont d’ailleurs réuni toutes les formations de la majorité, car les questions relatives au logement et à la rénovation thermique nous rassemblent. Ainsi, dans la mesure où nous avons décidé d’un milliard d’euros de dépenses dans ces secteurs, aller au-delà devient tout à fait déraisonnable.
Pour conclure, compte tenu de tous les éléments que je viens d’évoquer, je demande le retrait de ces amendements, ce qui nous permettra d’avancer sur ces sujets dans de bonnes conditions. Aujourd'hui, en effet, nous ne maîtrisons la situation ni en droit ni en budget. (M. David Assouline applaudit.)
Mme la présidente. La parole est à M. le président de la commission.
M. Philippe Marini, président de la commission des finances. Je souhaite intervenir, à la suite de M. le rapporteur général, sur les taux de TVA et le remarquable inventaire à la Prévert auquel nous sommes confrontés : tous les groupes professionnels viennent au guichet, pour expliquer les raisons absolument impérieuses et immédiates, pour lesquelles ils doivent bénéficier du taux de TVA le plus réduit possible.
Bien entendu, s’agissant de ce type de sujet, je ne peux que rejoindre M. le rapporteur général sur le fond. Au demeurant, les groupes de l’opposition qui ont plaidé et plaident toujours pour une opération de transfert des charges sociales vers l’impôt sur la consommation seraient en porte-à-faux s’ils soutenaient autrement que pour la forme, ce qui est parfois inévitable, toutes les revendications de maintien, dans chaque domaine, du taux le plus réduit possible.
Par conséquent, sur ce point, mon propos, sans ambiguïté, est un propos de responsabilité.
Toutefois, une chose m’a quelque peu choqué dans votre démonstration, monsieur le rapporteur général. Vous avez en effet évoqué le creusement considérable du déficit opéré hier. Certes, il y a eu des votes politiques, qui représentent une opposition, certes diverse, peut-être contradictoire, mais une opposition tout de même à la politique que vous conduisez. Et il n’est pas anormal qu’une assemblée politique émette des votes politiques. Il est donc à mon avis erroné de les incriminer. (M. David Assouline s’exclame.) Après tout, si nous étions, les uns ou les autres, libres, nous concevrions une autre politique, avec d’autres charges, d’autres produits, et, naturellement, du moins pour ce qui concerne la droite, la même vigilance quant au solde. Peut-être aurions-nous même une volonté encore plus forte de maîtriser, de réduire la dépense publique (M. David Assouline s’exclame de nouveau.) et de converger vers le retour à l’équilibre des comptes publics.
M. David Assouline. Sous Sarkozy, la dette s’est accrue de 600 milliards d’euros !
M. Philippe Marini, président de la commission des finances. Cher David Assouline, n’en appelez pas à Nicolas Sarkozy,…
M. David Assouline. Six cents milliards d’euros !
M. Philippe Marini, président de la commission des finances. … ne le faites pas revenir au cœur…
M. Roger Karoutchi. Mais si !
M. David Assouline. Mais c’est vous qui le faites !
M. Philippe Marini, président de la commission des finances. Non, c’est vous ! Je vous ai enlevé les mots de la bouche ! Vous vous apprêtiez à nier la crise, les difficultés, la récession et toutes sortes de choses…
M. David Assouline. Six cents milliards d’euros !
M. Philippe Marini, président de la commission des finances. … que vous n’avez pas eu à affronter cette année.
Restons dans la technique ! (M. David Assouline s’exclame.) En ce qui concerne les taux de TVA, mes chers collègues, vous pouvez en croire mon expérience, tirée de l’examen de nombreuses lois de finances, il n’est peut-être pas absolument utile de faire durer aussi longtemps tous ces débats si convenus. Les amendements ont été bien enregistrés, la sollicitude des parlementaires aussi. (M. Jean-Vincent Placé s’exclame.) Nous savons qu’il nous faut avancer dans l’examen de ce texte. Chacun, naturellement, mérite le respect…
M. Jean-Vincent Placé. Bien !
M. Philippe Marini, président de la commission des finances. … pour les convictions qu’il exprime, voire pour les intérêts qu’il défend, mais encore faut-il que la machine budgétaire avance, pour arriver dans l’état où elle se trouvera mercredi prochain, et qui ne correspondra pas à ce que vous auriez souhaité, monsieur le ministre. Nous pourrons ainsi passer le relais.
Demande de priorité
M. Philippe Marini, président de la commission des finances. Je rappelle à nos collègues, pour qu’ils puissent préparer leurs dossiers, que nous avons réservé vendredi dernier, à la demande du Gouvernement, l’article 7 ter. D’après ce qui m’a été dit, les informations attendues par M. le ministre sont à présent disponibles et pourront nous être communiquées, ce qui permettrait, si le Sénat en était d’accord, après le vote des quelques amendements restant en discussion et visant à introduire des articles additionnels après l’article 7 quater, de reprendre l’examen de l’article 7 ter. Ainsi tous les auteurs des amendements déposés pourraient-ils recevoir une réponse dans les conditions auxquelles le Gouvernement s’est engagé.
Mme la présidente. Je suis donc saisie par la commission d’une demande de priorité de l’article 7 ter, précédemment réservé.
Mes chers collègues, je rappelle que, aux termes de l’article 44, alinéa 6, du règlement du Sénat, lorsqu’elle est demandée par la commission saisie au fond, la priorité est de droit, sauf opposition du Gouvernement.
Quel est l’avis du Gouvernement sur cette demande de priorité ?
Mme la présidente. La priorité est de droit.
Je précise que, pour la clarté de nos travaux, nous examinerons l’article 7 ter après l’examen de la série d’amendements visant à introduire des articles additionnels après l’article 7 quater.
M. Philippe Marini, président de la commission des finances. Très bien !
Articles additionnels après l'article 7 quater (suite)
Mme la présidente. Nous poursuivons l’examen des amendements nos I-478 rectifié, I-355 rectifié, I-413 et I–83 rectifié.
Nous en sommes parvenus aux explications de vote.
La parole est à M. Philippe Dallier, pour explication de vote.
M. Philippe Dallier. Monsieur le ministre, mes chers collègues, pour répondre à la préoccupation de M. le président de la commission des finances, j’essaierai d’être bref.
Monsieur le rapporteur général, on ne peut tout de même pas traiter de la même manière, en matière de TVA, les demandes qui concernent les parcs zoologiques et celles qui sont relatives aux transports publics, lesquels représentent, singulièrement en Île-de-France, un sujet de préoccupation majeur pour nos concitoyens.
Concernant la région d’Île-de-France, il faut bien se souvenir que nous sommes confrontés à une double problématique : rénover ce qui existe, et on sait bien qu’il y a beaucoup à faire, et financer le Grand Paris. C’est bien l’ensemble des habitants et des entreprises de la région qui sont mis à contribution.
Les particuliers sont concernés par l’augmentation des tarifs, déjà programmée indépendamment de l’alourdissement de la TVA. Les conséquences d’une telle évolution pèseront relativement lourd. Les particuliers sont également mis à contribution par le biais de la taxe d’habitation, avec la taxe spéciale d’équipement. Je le rappelle, pour les propriétaires occupants, c’est la double imposition.
Pour les entreprises, il y a l’aggravation du versement transport.
Il faut tout de même rappeler tout cela. On parlait tout à l’heure de la goutte d’eau qui finit par faire déborder le vase. En matière de transport, en région d’Île-de-France, je pense qu’on va arriver à une telle situation.
Le président de la région annonce, et je le comprends, parce que je ne sais pas très bien comment il pourrait faire autrement, des augmentations programmées de 4 % à 5 % dans les années qui viennent. Cela n’est plus soutenable, mes chers collègues ! Voilà pourquoi il me semble que ce débat n’est pas inintéressant. Certes, il ne faut pas qu’il dure trop longtemps, mais les parlementaires d’Île-de-France et des autres régions qui rencontrent les mêmes difficultés sont tout à fait fondés à soulever cette question, laquelle est très importante pour le pouvoir d’achat de nos concitoyens.
Mme la présidente. La parole est à M. Edmond Hervé, pour explication de vote.
M. Edmond Hervé. Monsieur le président de la commission des finances, je suis parfaitement d’accord avec vous lorsque vous rappelez les principes démocratiques qui doivent exister. Il y a en ce moment, comme en tout, deux conceptions du budget et, par là, deux conceptions de la dépense publique, du service public ; c’est tout à fait normal. Cependant, il ne faut pas que nous nous interdisions de soulever les contradictions ou les propos parfaitement contradictoires qui peuvent exister.
Je remarque d’ailleurs que, pour certains votes, nos collègues de l’UMP s’abstiennent, et ils sont beaucoup trop avertis pour le faire par ignorance.
De tout cœur, avec esprit de responsabilité et conviction, je fais bien évidemment miens le propos et le raisonnement de notre rapporteur général. Je comprends que, concernant cette augmentation de la TVA pour les transports collectifs, il puisse y avoir des interrogations. Cependant, il y a des choix à faire.
Premièrement, bon nombre d’usagers de ces transports collectifs, dans nos villes, nos départements et nos régions, bénéficient de la gratuité. Je connais parfaitement un certain nombre de chiffres sur ce point. (M. Jean-Vincent Placé s’exclame.)
M. Philippe Marini, président de la commission des finances. À Compiègne le transport urbain est gratuit…
M. Edmond Hervé. Vous avez raison, mais la situation fiscale et financière de cette ville le permet.
Deuxièmement, le prix du ticket n’est pas à la hauteur du prix de revient.
M. Philippe Marini, président de la commission des finances. Ah là là !
M. Jean-Vincent Placé. Ce n’est pas le débat !
M. André Gattolin. La hausse de la TVA n’y changera rien !
M. David Assouline. Ce ne sont pas les recettes de la TVA qui vont servir à payer cette subvention.
M. Edmond Hervé. Mes chers collègues, j’ai suffisamment échangé dans ma ville avec des représentants du groupe Écologie pour m’exprimer ici, et en parfaite connaissance de cause.
M. Jean-Vincent Placé. C’est cela !
M. Edmond Hervé. Je n’oublie pas – je vous prie de m’en excuser – que le leader de l’opposition de Rennes pendant une partie du temps où j’étais maire était M. Yves Cochet. Depuis, il est parti, c’est comme ça.
En règle générale, le coût pour l’usager représente un quart ou un tiers du coût total. Voilà quelle est la réalité ! Je trouve tout à fait normal, même s’il y a des difficultés, que ce choix ait été fait.
On avance comme argument la signature de Roland Ries. Qui est-il ? C’est un excellent ami, que j’apprécie beaucoup et qui a de grandes responsabilités. Il est président du GART. Que voulez-vous qu’il fasse ? Il est président du GART. Nous pouvons avoir des échanges avec Roland Ries. Par exemple, lorsque le GART propose une augmentation du versement transport, que ce soit un ajout additionnel ou interstitiel, je sais fort bien que cette position n’est pas tenable ni réalisable.
Enfin, monsieur le ministre, je souhaiterais qu’un jour nous puissions avoir un échange à propos de la distinction que vous faites entre transport en régie et transport en délégation de service public, que toutefois j’ai peut-être mal interprétée. Personnellement, je ne voudrais pas que cette distinction entraîne une différence en matière de service rendu aux usagers.
Mme la présidente. La parole est à M. Roger Karoutchi, pour explication de vote.
M. Roger Karoutchi. Je sais bien, madame la présidente, monsieur le ministre, que l’on a toujours un peu le sentiment que l’Île-de-France est tellement riche qu’elle peut tout faire.
Que voulez-vous que je vous dise ? Les cinq millions ou cinq millions et demi de salariés qui prennent le métro, le RER ou le train de banlieue tous les jours rigoleraient s’ils assistaient à ce débat.
M. Philippe Dallier. Pas sûr !
M. Roger Karoutchi. Ils se diraient : « Mais de qui parlent-ils ? Compare-t-on nos trajets quotidiens avec le fait d’aller ou non dans des parcs à thème,…
M. Philippe Dallier. Oui !
M. Roger Karoutchi. … avec des achats de vente à emporter ? » Pardon de vous le dire, mais il faut faire preuve d’un peu de respect pour les gens, d’un peu de sérieux !
Je commence à trouver que cela va très loin : il est inadmissible que dans cette enceinte, des élus puissent dire que tout est pareil, que toutes les demandes concernant la TVA, quelles qu’elles soient, sont identiques ; pardon : ce n’est pas vrai !
Je me suis beaucoup occupé des transports publics, M. le président Placé a eu l’amabilité de le rappeler. Franchement, ce que nous avons entendu dans cet hémicycle est incroyable !
Nous avons négocié avec le Gouvernement sur le Grand Paris Express, sur la rénovation du système de transports, qui est usé, sur lequel il y a des accidents et des incidents tous les jours ! La région a décidé d’un plan d’urgence de 7 milliards d’euros indépendamment du Grand Paris. Nous nous sommes battus pour obtenir le financement, lequel repose essentiellement sur les impôts locaux, sur les contributions d’entreprises. Nous faisons de moins en moins appel à l’État.
M. François Marc, rapporteur général de la commission des finances. Vous n’allez pas nous faire pleurer sur les Parisiens !
M. Roger Karoutchi. Et maintenant on vient nous dire : « Tout cela n’est pas grave ! Ce n’est pas le prix réel du transport. » Comment ça, ce n’est pas le prix réel du transport ?
Aux gens qui habitent en Île-de-France, à quarante ou cinquante kilomètres de Paris parce que le logement est moins cher et qui doivent payer les transports, vous leur dites : « Vous ne payez pas assez les transports ! ». Sans blague ! Qu’est-ce que c’est que ces histoires ? Où sommes-nous ? Je ne fais pas là de clivages politiques, car ce type de raisonnement se retrouve à gauche comme à droite.
Le problème est tout de même extrêmement simple. Il y a des choix à faire ! Monsieur le ministre, vous me dites que cette question va être réglée par la compensation CICE. Or la RATP n’est pas éligible au CICE. Dès lors, comment va-t-elle récupérer le montant de l’augmentation de la TVA ?
La RATP, c’est 2 milliards de personnes transportées chaque année, deux milliards ! Alors qui paye pour les usagers ? Les usagers eux-mêmes !
Je le reconnais, parfois nos amendements sont un peu thématiques, un peu corporatistes. Mais quand on parle à des millions d’usagers, qui travaillent, dont le pouvoir d’achat est en berne, qui ne trouvent pas d’emploi, le taux de chômage augmentant en Île-de-France comme dans toutes les régions et qu’on leur dit : « En plus, nous considérons que vous ne payez pas assez pour les transports, car ce n’est pas le vrai prix. Vous n’allez pas encore vous plaindre pour 3 % d’augmentation de TVA ! » et quand on dit à la RATP qu’elle n’est pas éligible au CICE, franchement, on pousse le bouchon trop loin !
Je maintiendrai cet amendement, et je souhaite vraiment qu’il soit adopté. On dit que M. Ries est président du GART, je vous l’accorde, mais l’amendement signé par M. Ries est cosigné par douze sénateurs socialistes – ils ne sont pas tous président du GART, j’imagine !
Tout le monde peut considérer qu’il y a des choix à faire…
M. François Marc, rapporteur général de la commission des finances. Tout le monde, justement !
M. Roger Karoutchi. Oui, monsieur le rapporteur général ! Mais j’ai le droit de dire que les millions de personnes qui travaillent, dont la vie n’est pas facile, ne doivent pas subir une augmentation du prix des transports. Essayez de prendre aux heures de pointe le métro, le RER ! Et on leur dit : « Vous ne payez pas le vrai prix du transport, nous allons l’augmenter par la TVA ! » Il y a un décalage entre les élus et la réalité !