M. le président. La parole est à M. Roger Karoutchi, pour explication de vote.
M. Roger Karoutchi. Monsieur le ministre, l’État a transféré l’apprentissage aux régions voilà déjà une bonne dizaine d’années et cela fait très longtemps que les régions essaient de tenir leurs propres objectifs en termes d’effectifs d’apprentis. La principale d’entre elles, la région d’Île-de-France, n’y parvient pas. Plus exactement, nous avons augmenté le nombre d’apprentis, mais avec une extrême difficulté, le paysage économique et entrepreneurial, en Île-de-France comme ailleurs, n’étant guère positif.
Il faut opérer une grande réforme de l’apprentissage, nous dit-on, non seulement en termes de financement mais également en termes d’organisation, de structure, voire de répartition géographique des centres de formation d’apprentis, les CFA, et de filières. Or vous n’abordez pour le moment que le seul aspect financier de la réforme, à savoir le « qui paie quoi » Des frais de gestion sont transférés aux régions. Parallèlement, dans cet équilibre difficile à trouver, vous essayez de regagner un peu d’argent sur le crédit d’impôt aux entreprises.
Bref, je ne suis pas convaincu que le transfert d’une fraction des frais de gestion aux régions leur permette pour autant de multiplier le nombre d’apprentis. Si vous souhaitez atteindre l’objectif de 500 000 apprentis, à l’instar de l’Allemagne, où l’intégration des jeunes dans le premier emploi réussit, car ils peuvent être apprentis et ne sont pas tous poussés à suivre un enseignement supérieur auquel ils ne sont pas forcément adaptés, ne brouillez pas le signal ! Vous décidez d’aider les régions en matière d’apprentissage et, dans le même temps, vous réduisez le crédit d’impôt bénéficiant aux entreprises employant des apprentis.
Je sais que le contexte budgétaire est difficile, mais, si vous voulez faire de la jeunesse et de l’apprentissage une priorité, adressez un même signal aux régions et aux entreprises. Si vous donnez plus aux régions mais moins aux entreprises, quand les régions demanderont aux entreprises de prendre davantage d’apprentis, la réponse sera simple : « Pouce ! Nous ne marchons pas ! Il est plus lourd de former des apprentis et nous avons globalement moins de crédit d’impôt à ce titre ? Nous en recruterons moins ! » Alors, les régions auront peut-être un peu plus de moyens – et encore, car, parallèlement, elles recevront moins de dotations -, mais, confrontées à des entreprises plus réticentes, elles seront moins en mesure de faire vivre l’apprentissage.
Nous verrons, année après année, s’il convient de changer le système, dites-vous, notamment si, d’un seul coup d’un seul, le nombre des apprentis devait exploser. Cependant, je crains que, compte tenu de la dualité des signaux, l’un positif adressé aux régions, sur les frais de gestion, l’autre négatif en direction des entreprises, sur le crédit d’impôt, nous n’arrivions pas du tout à améliorer la situation de l’apprentissage dans notre pays.
M. le président. La parole est à M. le ministre délégué.
M. Bernard Cazeneuve, ministre délégué. Ce débat est très important ; j’entends les remarques pertinentes formulées par Roger Karoutchi, qui ont également présidé à notre propre réflexion.
Vous dites, monsieur le sénateur, que la priorité accordée à la jeunesse doit se matérialiser par des actes : mais le présent projet de loi de finances n’en manque pas ! Concernant l’école, nous procédons à des recrutements et allouons des moyens budgétaires à la réforme des rythmes scolaires ; nous créons un dispositif de 55 000 bourses destiné aux jeunes qui veulent accéder à l’université, cela n’est pas rien ; nous avons en outre décidé d’augmenter les effectifs d’enseignants à l’université afin d’améliorer les conditions d’accueil des jeunes. Notre action en faveur du logement est également très ciblée sur les jeunes. N’oublions pas le contrat de service civique.
Par conséquent, le Gouvernement est mobilisé en faveur de la jeunesse. L’ensemble de ces mesures se chiffre en milliards d’euros et témoigne de la volonté du Gouvernement, ainsi que de l’adéquation entre le programme défini par le Président de la République et les décisions budgétaires.
Pour ce qui concerne l’apprentissage, ce que fait un gouvernement pour renforcer le développement des entreprises constitue un tout : on ne peut pas considérer séparément les mesures en faveur de l’apprentissage, les dispositions en faveur de la compétitivité et celles qui sont en faveur de l’investissement.
L’allègement net des charges et de la fiscalité sur les entreprises auquel nous procédons représente 12 milliards d’euros cette année. Nous l’oublions dans le vacarme de la polémique parlementaire, mais il y a la réalité des chiffres.
La réalité des chiffres, monsieur Karoutchi, c’est que nous réalisons cette année 10 milliards d’euros d’allègement net de charges sur les entreprises au titre du crédit d’impôt pour la compétitivité et l’emploi, que l’an dernier mon prédécesseur avait prélevé 4,5 milliards d’euros sur les entreprises et que, cette année, j’ai proposé au Président de la République et au Premier ministre que nous prélevions 2 milliards d’euros de moins. Il ne s’agit pas de 2 milliards d’euros de moins d’augmentation d’impôt, mais de 2 milliards d’euros de moins de prélèvements, ce qui signifie qu’entre l’allègement net de charges que constitue le CICE et la diminution de la pression fiscale sur les entreprises, le total s’élève à 12 milliards d’euros.
Nous avons mis en place un dispositif pour les jeunes entreprises innovantes, une réforme des plus-values de cession de valeurs mobilières, une modification de l’amortissement des entreprises qui investissent dans la robotisation et dans l’innovation.
Nous sommes par ailleurs en train d’engager une réforme de la formation professionnelle. Le conseil des ministres aura à connaître, en janvier 2014, d’une grande réforme de l’apprentissage.
Toutes ces mesures sont donc à prendre en compte pour juger de la réalité de notre action. Nous avons tous ces sujets à l’esprit. Ils constituent un tout, une priorité. Je suis convaincu que le pilotage plus fin de la dépense en faveur de l’apprentissage, mieux ciblé sur les entreprises qui en ont le plus besoin, permettra d’atteindre les objectifs que nous nous sommes fixés, au bénéfice du secteur économique.
M. le président. La parole est à M. Vincent Delahaye, pour explication de vote.
M. Vincent Delahaye. J’avais cru comprendre qu’une vaste réflexion sur la formation professionnelle et l’apprentissage, puis une grande réforme seraient entreprises. Ces sujets méritent que l’on se mette autour d’une table pour remettre les choses à plat et mener une réflexion approfondie. Or le dispositif proposé par l’article 23 bis, adopté à l’Assemblée nationale par voie d’amendement, ne semble pas faire partie d’un plan d’ensemble.
Je suis par conséquent très gêné. Les explications du ministre paraissent plutôt convaincantes, mais l’absence d’étude d’impact donne l’impression d’une mesure particulière, prise à la va-vite, en raison de son caractère financièrement intéressant : un crédit d’impôt en moins au bénéfice des entreprises. Nous n’avons pas l’impression que la disposition s’insère dans une stratégie globale en matière de formation et d’apprentissage.
C’est la raison pour laquelle le groupe UDI-UC a proposé la suppression de l’article 23 bis.
M. le président. La parole est à M. René-Paul Savary, pour explication de vote.
M. René-Paul Savary. Monsieur le ministre, vous avez cité l’ensemble des mesures que vous prenez en faveur de la jeunesse, des mesures auxquelles je peux souscrire. Chaque collectivité essaye d'ailleurs d’apporter sa pierre à l’édifice dans ce domaine. J’en veux pour preuve les contrats d’apprentissage portés par la région et soutenus par les départements pour les bénéficiaires du revenu de solidarité active, le RSA. Nous avons des actions complémentaires à mener avec la région.
Permettez-nous simplement, sans esprit polémique, de vous alerter, monsieur le ministre. Cette mesure de portée financière de court terme peut avoir des répercussions de long terme. Elle interviendra en même temps que l’augmentation de la TVA pour un certain nombre d’entreprises. Si une incitation à l’apprentissage n’est pas prévue parallèlement, il est sûr que nos jeunes ne trouveront pas de débouchés à travers ce cursus.
C'est la raison pour laquelle nous avons présenté cet amendement, dans l’attente de la réforme de la formation professionnelle.
Nous reviendrons sur les fonds alloués aux régions à l’occasion de l’examen de l’article 25, avec la suppression de la dotation générale de décentralisation liée à la formation professionnelle en contrepartie d’un impôt dit « plus dynamique ». Certes, je veux bien croire qu’il y ait un certain dynamisme, que vous avez estimé de 4 % à 6 %, sur les frais de gestion perçus par l’État que vous transmettrez aux régions. En revanche, je crains que la fraction supplémentaire de taxe intérieure sur la consommation de produits énergétiques n’ait pas le même dynamisme et n’aille en s’amenuisant.
Par conséquent, je ne suis pas convaincu qu’à travers ce nouveau dispositif les régions vont bénéficier des moyens dont elles auraient besoin pour mener cette politique de formation. Les régions sont, comme les départements, prises dans un étau budgétaire qui ne leur permet pas d’investir à hauteur de leurs ambitions.
C’est pourquoi il est plus prudent de supprimer la mesure, dépourvue d’étude d’impact, adoptée par l’Assemblée nationale.
M. le président. La parole est à M. François Patriat, pour explication de vote.
M. François Patriat. Compte tenu de la rapidité avec laquelle évoluent nos débats, j’indique d’ores et déjà que je vais retirer mon amendement n° I-527, ce qui nous permettra de gagner encore un peu plus de temps !
Je souscris à beaucoup des constats présentés par les différents intervenants, qu’il s’agisse de la philosophie de l’apprentissage ou des difficultés que rencontre aujourd’hui cette filière.
Après avoir atteint son point culminant, l’apprentissage est en baisse dans notre pays depuis deux ans : d’abord, du fait de la crise, ensuite en raison du baccalauréat professionnel en trois ans qui a fait quelque peu reculer les employeurs d’apprentis, et enfin parce que certaines mesures prises par le gouvernement précédent comme par le gouvernement actuel ont visé à diminuer les aides accordées à ceux qui emploient des apprentis.
Je vous ai écouté avec attention, monsieur le ministre, et si je m’apprête à retirer mon amendement, c’est parce que je souscris comme vous à la logique de diminution des dépenses, à laquelle nous sommes tous soumis aujourd’hui et qu’il nous faut bien accepter.
Toutefois, je voudrais rétablir quelques vérités. Vous avez dit vouloir plus de clarification et de simplification dans la gouvernance de l’apprentissage par les régions, et nous nous en félicitons tous : les régions ont saisi à bras-le-corps les questions relatives aux centres de formation des apprentis, aux employeurs d’apprentis et à l’aide aux apprentis, sous toutes ses formes.
Mais, concernant les frais de gestion, dont vous avez dit qu’ils seraient à l’avenir une recette plus dynamique que la dotation, je vous fais observer qu’il ne s’agit pas pour l’instant d’une mesure nouvelle : c’est la simple compensation de la disparition d’une partie de la dotation.
Le soutien à l’apprentissage peut prendre différentes formes : à côté des dotations versées par l’État aux régions, il faut compter le soutien de ces mêmes régions aux employeurs d’apprentis ainsi que le mécanisme du crédit d’impôt.
Dans mon esprit, avec cet amendement n° I-527, je proposais une mesure de justice. Je l’avais déposé en pensant à ceux qui ont choisi la voie de l’alternance, laquelle est aussi une voie de l’excellence, pour tenter de réussir (M. Roger Karoutchi opine.) et qui, arrivés au stade du BTS ou du DUT, ont du mal à poursuivre leurs études, faute de financement. Ce sont ces personnes qui risquent de connaître les pires difficultés si elles sont écartées, demain, du niveau I ou du niveau II. Je voulais alerter le Gouvernement sur ce point.
Certes, monsieur le ministre, nous pourrons revoir la question plus tard, mais je rejoins ici notre collègue Vincent Delahaye : la suppression du crédit d’impôt pour les apprentis au-delà de bac+2 a été introduite à l’Assemblée nationale par voie d’amendement et n’appartenait donc pas à l’architecture originelle du texte du Gouvernement. Dès lors, il me semblait possible d’intervenir dès maintenant.
Sous le bénéfice de ces explications, monsieur le président, je retire par avance l’amendement n° I-527.
M. le président. La parole est à M. André Reichardt, pour explication de vote.
M. André Reichardt. Je voudrais à mon tour plaider pour la suppression de cet article.
Permettez-moi de faire état de mon expérience professionnelle.
J’ai été directeur général de la chambre des métiers d’Alsace pendant plus de vingt ans et j’ai pu constater, à cette occasion, combien le coût de l’apprentissage était un élément important dans le recrutement des apprentis, tout particulièrement pour les petites entreprises, notamment celles de moins de dix salariés. En Alsace, nous avons cette chance d’avoir des entreprises artisanales de plus de dix employés, droit local oblige. Or le fait de s’en prendre plus particulièrement à telle ou telle catégorie d’entreprise est un vrai souci.
Pour les plus petites d’entre elles, la diminution du crédit d’impôt en faveur de l’apprentissage, désormais réservé aux seuls apprentis d’un niveau inférieur ou égal à bac +2, conformément au dispositif introduit par voie d’amendement à l’Assemblée nationale, va s’ajouter à la modification de l’indemnité compensatrice. Cela, à n’en pas douter, va poser à l’avenir un grave problème pour le recrutement des apprentis dans ces petites structures.
Je voudrais vraiment vous faire partager mon expérience et vous faire comprendre à quel point les entreprises dont nous parlons ont besoin de ces aides pour recruter dans le temps. Une entreprise, quelle que soit sa taille, a besoin de visibilité pour recruter, qu’il s’agisse d’un contrat de travail traditionnel ou d’un contrat d’apprentissage. Ne prendre en compte qu’une seule année dans le cadre d’un contrat qui s’étale sur deux, voire trois ans, va à l’encontre de cette visibilité.
Comme les précédents intervenants, je crois que la suppression de cet article s’impose, surtout si, comme le Gouvernement semble le dire, nous voulons maintenir, et même augmenter le nombre de contrats d’apprentissage.
Il ne s’agit pas ici de faire de la politique politicienne, mais de savoir, dans les circonstances économiques que l’on connaît, où placer les priorités. J’ai le sentiment que cette proposition, telle qu’elle ressort des travaux de l’Assemblée nationale, est vraiment néfaste et contraire à l’engagement que nous partageons tous ici en faveur de l’emploi des jeunes.
Je rappellerai une fois de plus que 75 à 80 % des apprentis qui ont réussi leur examen trouvent un emploi dans l’entreprise qui les a formés. Nous devons garder cette statistique à l’esprit. (Applaudissements sur les travées de l'UMP.)
M. le président. Je vais mettre aux voix par scrutin public les amendements identiques nos I-461 et I-492, à la demande du groupe socialiste. (Exclamations sur les travées de l'UDI-UC et de l'UMP.)
M. Vincent Delahaye. Je demande la parole pour un rappel au règlement.
M. le président. La parole est à M. Vincent Delahaye.
M. Vincent Delahaye. Monsieur le président, nous assistons à une multiplication des scrutins publics qui retardent nos débats. Je remercie notre collègue François Patriat d’avoir annoncé qu’il allait retirer son amendement pour nous permettre de gagner un peu de temps, mas les scrutins publics nous en font perdre !
Je tiens à rappeler que le scrutin public ne remplace pas la présence en séance. Si nous étions plus nombreux dans l’hémicycle, il y aurait moins de scrutins publics !
M. Claude Haut. Hier, c’était l’inverse !
M. le président. Je vous donne acte de votre rappel au règlement, mon cher collègue.
Je mets aux voix les amendements identiques de suppression nos I-461 et I-492, sur lesquels la commission et le Gouvernement ont émis un avis défavorable.
Je rappelle que j’ai été saisi d’une demande de scrutin public de la part du groupe socialiste.
Il va être procédé au scrutin dans les conditions fixées par l'article 56 du règlement.
Le scrutin est ouvert.
(Le scrutin a lieu.)
M. le président. Personne ne demande plus à voter ?…
Le scrutin est clos.
J'invite Mmes et MM. les secrétaires à procéder au dépouillement du scrutin.
(Il est procédé au dépouillement du scrutin.)
M. le président. Voici le résultat du scrutin n° 85 :
Nombre de votants | 345 |
Nombre de suffrages exprimés | 345 |
Pour l’adoption | 169 |
Contre | 176 |
Le Sénat n'a pas adopté.
L'amendement n° I-527, présenté par M. Patriat, est ainsi libellé :
Alinéa 3
Après les mots :
formation dans l'entreprise
supprimer la fin de cet alinéa.
Cet amendement a été précédemment retiré.
Je mets aux voix l'article 23 bis.
(Après une épreuve à main levée déclarée douteuse par le bureau, le Sénat, par assis et levé, n'adopte pas l'article.)
Demande de réserve
M. François Marc, rapporteur général de la commission des finances. Compte tenu de la rapidité d’avancement de nos travaux, la commission des finances demande la réserve, jusqu’à la reprise du soir, de l’amendement n° I-276, déposé par notre collègue Philippe Marini et portant article additionnel après l’article 24 ter.
M. le président. Je précise, pour la clarté de nos débats, que si, à la reprise, nous en étions parvenus à l’examen d’amendements au sein d’un article, l’amendement n° I-276 serait examiné à l’issue de la discussion dudit article.
Je rappelle que, aux termes de l’article 44, alinéa 6, du règlement du Sénat, lorsqu’elle est demandée par la commission saisie au fond, la réserve est de droit, sauf opposition du Gouvernement.
Quel est donc l’avis du Gouvernement sur cette demande de réserve formulée par la commission des finances ?
M. le président. L’amendement n° I-445, présenté par M. Placé, Mme Ango Ela et les membres du groupe écologiste, est ainsi libellé :
Après l’article 23 bis
Insérer un article additionnel ainsi rédigé :
I. – À la première phrase du premier alinéa du I de l’article 235 ter ZD du code général des impôts, les mots : « , que son acquisition donne lieu à un transfert de propriété, au sens de l’article L. 211-17 du même code, » sont supprimés.
II. – Le présent article entre en vigueur le 1er septembre 2014.
La parole est à Mme Kalliopi Ango Ela.
Mme Kalliopi Ango Ela. Monsieur le président, si vous le permettez, je défendrai conjointement les amendements nos I-445 et I-446.
M. le président. J’appelle donc également en discussion l’amendement n° I-446, présenté par Mme Ango Ela, M. Placé et les membres du groupe écologiste, et ainsi libellé :
Après l’article 23 bis
Insérer un article additionnel ainsi rédigé :
I. – Au V de l’article 235 ter ZD du code général des impôts, le taux : « 0,2 % » est remplacé par le taux : « 0,4 % ».
II. – Au dernier alinéa du I de l’article 22 de la loi n° 2005-1720 du 30 décembre 2005 de finances rectificative pour 2005, le taux : « 10 % » est remplacé par le taux « 50 % ».
III. – La perte de recettes résultant pour l’État des I et II ci-dessus est compensée, à due concurrence, par la création d’une taxe additionnelle aux droits prévus aux articles 575 et 575 A du code général des impôts.
Veuillez poursuivre, ma chère collègue.
Mme Kalliopi Ango Ela. La taxe sur les transactions financières, dite « taxe Tobin » lorsqu’elle n’était encore promue que par une poignée d’économistes et de militants décidés, est aujourd’hui bien connue et discutée dans les plus hautes instances économiques et politiques. Elle consiste à appliquer une taxe de taux assez faible aux achats de titres.
Son intérêt est double. D’une part, par son assiette large, elle peut présenter un rendement intéressant. D’autre part, si son taux est suffisamment élevé, elle peut décourager les échanges par trop spéculatifs, qui dévoient la finance et menacent l’économie dite « réelle ».
Alors que la taxe britannique, dont le taux est aujourd’hui de 0,5 %, rapporte de 3 milliards d’euros à 4 milliards d’euros par an, la taxe française, dont le taux est de 0,2 %, ne rapporte que 600 millions d’euros.
L’amendement n° I-446 tend donc à augmenter le taux de 0,2 point, pour le porter à 0,4 %. Dans le même temps, il vise à affecter l’essentiel du surplus de recettes attendu à la solidarité internationale et à l’aide au développement, ainsi que s’y était engagé le Président de la République.
Quant à l’amendement n° I-445, il reprend le dispositif de l’amendement adopté par la commission des finances de l’Assemblée nationale lors de l’examen du présent projet de loi de finances, à l’initiative de son rapporteur général. Il consiste à assujettir à la taxe les transactions les plus rapides, donc les plus spéculatives, qui en sont aujourd’hui exonérées.
Alors que certaines déclarations ont pu, un temps, jeter le trouble, il nous semble important que la France réaffirme sans ambiguïté sa volonté d’avancer sur ce sujet, ce dont témoignerait l’adoption de l’un ou l’autre de ces amendements.
Nous n’oublions pas que, lorsque nous avions proposé, il y a quelques mois de cela, de mettre en place un reporting fiscal des banques pays par pays, il nous avait été objecté que nous mettrions ce secteur en grande difficulté. Peu après, nous apprenions que l’adoption de notre amendement volontariste avait fait bouger les lignes en Europe.
Nous considérons donc qu’il est de notre responsabilité de développer cet outil qu’est la taxe sur les transactions financières.
M. le président. Quel est l’avis de la commission sur ces deux amendements ?
M. François Marc, rapporteur général de la commission des finances. L’amendement n° I-445, s’il était adopté, serait difficile à mettre en œuvre en pratique et conduirait à réduire considérablement la liquidité des actions échangées sur la place de Paris. Après avoir pris connaissance des difficultés qu’entraînerait ce dispositif, le rapporteur général de la commission des finances de l’Assemblée nationale, Christian Eckert, qui avait déposé l’amendement, l’a finalement retiré. C’est le même argument que j’utiliserai pour vous proposer de retirer cet amendement, ma chère collègue.
La commission demande également le retrait de l’amendement n° I-446, car le taux proposé pour la taxe sur les transactions financières nuirait à son assiette en réduisant le nombre de transactions, et l’affectation non plus de 10 %, mais de 50 % du produit au Fonds de solidarité pour le développement, ou FSD, grèverait le budget de l’État.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. Bernard Cazeneuve, ministre délégué. L’adoption de ces amendements irait à l’encontre des objectifs que nous nous assignons : la taxation des transactions financières au sein de l’Union européenne.
Si nous exprimons notre réserve sur ces amendements, ce n’est pas parce que nous sommes timorés, mais c’est bien au contraire parce que nous sommes déterminés à faire aboutir la taxe sur les transactions financières. Je profite de notre débat pour le souligner, car, après des discussions sur ce thème à l’Assemblée nationale, des commentaires ont pu donner le sentiment que le Gouvernement se situait en retrait sur le sujet.
Mesdames, messieurs les sénateurs, le Gouvernement s’investit pour la mise en place d’une taxe sur les transactions financières, engageant dans un même mouvement, et sous la forme d’une coopération renforcée, onze États de l’Union européenne. Lorsque nous sommes arrivés aux responsabilités au mois de mai 2012, on nous expliquait qu’il était impossible d’obtenir de l’Union européenne qu’elle autorise une démarche conjointe des pays qui la composent pour atteindre ce but. Le Président de la République s’est pourtant engagé sur cette voie, et Pierre Moscovici a défendu ce projet au sein des différents conseils des ministres compétents. C’est ainsi que nous avons réussi à convaincre onze États de signer une lettre par laquelle ils s’engageaient, avec nous, dans une coopération renforcée.
Imaginez que nous fassions aujourd’hui la preuve que nous menons dans notre propre pays des actions qui pourraient apparaître comme isolées ou orthogonales par rapport à nos efforts au sein de l’Union européenne, alors que nous sommes à l’avant-garde des négociations avec la Commission européenne pour la mise en œuvre de cette taxe : nous perdrions toute légitimité, toute crédibilité, lorsque nous dirions vouloir avancer avec les autres États intéressés, d’autant que ces derniers défendent souvent leur propre intérêt, lorsqu’il s’agit de définir les modalités de mise en œuvre de cette taxe.
Il y a une seconde raison à notre réserve. Nous ne pouvons pas mettre en place des dispositifs qui finiraient par affaiblir la seule place financière de Paris, au bénéfice de toutes les autres. M. le rapporteur général indiquait tout à l’heure que l’adoption de ces amendements pourrait poser un problème de liquidités sur la place financière de Paris, notamment pour les transactions en actions. Il faut savoir que ces dernières constituent 40 % du total des transactions parisiennes.
Avec l’instauration de ce type de dispositif sur la seule place financière de Paris, nous serions confrontés à un risque de transfert considérable d’activité vers d’autres places. Ce faisant, nous n’aurions en rien régulé les activités financières ni lutté contre la spéculation ; nous aurions simplement encouragé la spéculation sur d’autres places financières, heureuses bénéficiaires de dispositions que nous aurions prises seuls, à notre seul et unique détriment !
Pour ces deux raisons, parce que nous sommes déterminés à faire en sorte que la régulation concerne toutes les places financières, qu’elle soit mise en œuvre au sein de l’Union européenne, qu’elle soit efficace, et qu’elle se fasse non pas à notre détriment, mais au bénéfice de la remise en ordre de la finance dans l’Union européenne tout entière, le Gouvernement demande aux auteurs de ces deux amendements de bien vouloir les retirer. À défaut, il émettrait un avis défavorable.
(M. Jean-Pierre Raffarin remplace M. Jean-Claude Carle au fauteuil de la présidence.)