compte rendu intégral
Présidence de M. Jean-Claude Carle
vice-président
Secrétaires :
M. Marc Daunis,
M. François Fortassin.
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Procès-verbal
M. le président. Le compte rendu analytique de la précédente séance a été distribué.
Il n’y a pas d’observation ?…
Le procès-verbal est adopté sous les réserves d’usage.
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Candidatures à une commission d’enquête et à une mission d’information
M. le président. L’ordre du jour appelle la désignation des vingt et un membres de la commission d’enquête sur les modalités du montage juridique et financier et l’environnement du contrat retenu in fine pour la mise en œuvre de l’écotaxe poids lourds, créée sur l’initiative du groupe socialiste et apparentés en application de son droit de tirage, et des trente-trois membres de la mission d’information sur l’accès aux documents administratifs et aux données publiques, créée sur l’initiative du groupe écologiste en application de son droit de tirage.
En application de l’article 8, alinéas 3 à 11, et de l’article 11 de notre règlement, les listes des candidats présentés par les groupes ont été affichées.
Ces candidatures seront ratifiées si la présidence ne reçoit pas d’opposition dans le délai d’une heure.
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Communication du Conseil constitutionnel
M. le président. M. le président du Conseil constitutionnel a informé le Sénat, le 11 décembre 2013, qu’en application de l’article 61-1 de la Constitution la Cour de cassation a adressé au Conseil constitutionnel une décision de renvoi d’une question prioritaire de constitutionnalité portant sur l’article L. 640-5 du code de commerce (Conditions d’ouverture de la liquidation judiciaire) (2013-368 QPC).
Le texte de cette décision de renvoi est disponible à la direction de la séance.
Acte est donné de cette communication.
4
Sociétés d'économie mixte contrat
Adoption d’une proposition de loi dans le texte de la commission modifié
M. le président. L’ordre du jour appelle la discussion, à la demande du groupe UDI-UC, de la proposition de loi tendant à créer des sociétés d’économie mixte contrat, présentée par M. Jean-Léonce Dupont et plusieurs de ses collègues (proposition n° 81, texte de la commission n° 200, rapport n° 199).
Dans la discussion générale, la parole est à M. Jean-Léonce Dupont, auteur de la proposition de loi.
M. Jean-Léonce Dupont, auteur de la proposition de loi. Monsieur le président, madame la ministre, mes chers collègues, la proposition de loi que j’ai l’honneur de vous présenter vise à doter nos collectivités territoriales d’un nouvel outil d’intervention : la société d’économie mixte à opération unique.
Tel est le nom que la commission des lois, unanime, propose de donner à ce nouveau type d’entreprise publique locale, que nous étions un certain nombre à appeler la société d’économie mixte contrat, ou SEM contrat. Je souscris sans réserve à ce changement de nom : il permettra d’affirmer clairement qu’il s’agit d’un nouveau type d’entreprise publique locale.
J’insiste : il n’est nullement question de créer un nouveau type de contrat, qui viendrait bousculer le droit français de la commande publique. De fait, la procédure prévue pour la constitution des sociétés d’économie mixte à opération unique n’est pas sui generis : elle sera l’une de celles déjà connues et pratiquées pour l’attribution de contrats publics, qu’il s’agisse de délégations de service public ou de marchés publics.
Pour l’essentiel, le droit applicable aux SEM à opération unique sera celui en vigueur pour les SEM classiques, ce qui marque la pleine appartenance de cette nouvelle structure à la gamme des entreprises publiques locales, les EPL.
Ainsi, le corpus juridique des SEM contrat sera celui dont nous sommes coutumiers en matière de sociétés anonymes, d’entreprises publiques locales et de commande publique. Composante à part entière de la gamme des EPL, au côté des 1 158 SEM, des 38 sociétés publiques locales d’aménagement, ou SPLA, et des 119 sociétés publiques locales, créées par la loi Raoul que nous avons adoptée à l’unanimité en mai 2010, la SEM à opération unique ne se distinguera de la SEM classique que sur six points.
La principale différence réside dans le lancement par la collectivité territoriale d’un appel d’offres unique, en amont de la constitution de la SEM, pour désigner l’actionnaire ou le groupement d’actionnaires avec lequel elle s’associera. Le choix spécifique de l’actionnaire opérateur sera réalisé selon la procédure correspondant au type de contrat retenu : délégation de service public ou marché public.
Ensuite, la SEM à opération unique sera mono-contrat : en d’autres termes, sa durée de vie sera limitée à l’exécution du contrat qui constituera son objet social exclusif. Dans ce cadre, les règles traditionnelles de reprise des personnels s’appliqueront pleinement.
Le nombre des actionnaires pourra être de deux, mais rien n’empêchera que chacun soit un regroupement de plusieurs partenaires.
La part publique du capital ne pourra être ni inférieure à la minorité de blocage de 34 % ni supérieure au plafond de 85 %. Les élus se voient ainsi garantir, dans tous les cas, une présence significative au sein des instances dirigeantes, avec le bénéfice du régime de protection des mandataires de la collectivité territoriale.
La maîtrise politique est également garantie par la présidence de droit confiée à un élu et par la conclusion d’un pacte d’actionnaires précisant notamment la gouvernance, les décisions qui relèveront de l’unanimité ou d’une majorité qualifiée et la composition du capital, ainsi que son évolution.
Sixième et dernière particularité des SEM à opération unique, le contrat initial pourra inclure des contrats connexes.
Mes chers collègues, je suis profondément convaincu qu’il est aujourd’hui particulièrement opportun d’introduire en France la SEM à opération unique : la SEMOP, c’est maintenant !
Trois raisons m’inspirent cette conviction : l’environnement européen, le contexte national et les attentes fortes des différentes parties concernées.
Mesurons tout d’abord combien la France, dont le droit ne connaît pas la SEM à opération unique, est aujourd’hui une exception en Europe.
De fait, le droit de l’Union européenne reconnaît et encadre ce dispositif depuis plusieurs années. En particulier, la Commission européenne a publié une communication interprétative le 5 février 2008 et la Cour de justice de l’Union européenne – qui s’appelait encore Cour de justice des communautés européennes pour quelques semaines – a rendu, le 15 octobre 2009, un arrêt Acoset qui marque l’aboutissement d’une jurisprudence constante depuis plusieurs années. En outre, Michel Barnier, commissaire européen en charge du marché intérieur, m’a fait part, au cours du congrès des EPL qui s’est tenu le 29 octobre dernier à Paris, de son vif intérêt pour la proposition de loi que je venais de déposer.
La SEM à opération unique est une structure d’usage courant dans de nombreux pays d’Europe, où elle est appréciée ; je pense en particulier à l’Espagne, à l’Italie, à l’Allemagne et à la Finlande. Dans ces pays, on y recourt plutôt pour de grands projets, de longue durée, qui présentent un caractère structurant pour un territoire ; un contrat est conclu qui attribue à la SEM à la fois la réalisation et la gestion des équipements.
En France, le recours à la SEM à opération unique n’est pas possible à droit constant. La confirmation en a été donnée par le Conseil d’État dans un avis, particulièrement pertinent, paru en décembre 2009 : ce type d’opérateurs présente un caractère innovant dans notre droit, de sorte que sa création nécessite des évolutions législatives. Les tentatives d’expérimentation soutenues par la Fédération des EPL conduisent au même constat.
Nous devons également avoir conscience que le contexte national rend nécessaire la création de la SEM à opération unique, pour trois raisons.
En premier lieu, les élus aspirent à reprendre en main la gouvernance de certains services publics locaux qui représentent un enjeu social ou sociétal important ; c’est le cas, en particulier, dans les domaines de l’eau, des déchets et des transports, mais aussi pour la construction et la gestion d’équipements structurants, comme les grands stades et les hôpitaux.
Néanmoins, de nombreux élus ne souhaitent pas aller jusqu’à internaliser totalement ces missions, parce qu’ils n’en ont pas les moyens et qu’ils entendent continuer de bénéficier de l’expertise des entreprises françaises de services aux collectivités, dont la capacité d’innovation est reconnue en France et bien au-delà.
À ces élus, mes chers collègues, donnons les outils adéquats ! Avec la SEM à opération unique, ils verront satisfait leur souhait d’exercer un contrôle permanent sur la mise en œuvre de certaines missions dans le cadre d’un partenariat pérenne, équilibré, transparent et sécurisé, en particulier en matière de risques financiers et d’investissements.
En deuxième lieu, nous devons tenir compte de la raréfaction de la ressource publique et privée. Soyons clairs : elle sera durable. Aussi devons-nous rechercher des solutions pour utiliser de manière optimale les capacités de financement des uns et des autres.
En troisième lieu, dans un certain nombre de cas, les différents partenariats public-privé ont montré quelques limites.
M. Daniel Raoul. C’est un euphémisme !
M. Jean-Léonce Dupont. Comme vous pouvez le constater, mes chers collègues, le texte de la proposition de loi est court. Il convient en effet, pour assurer à la SEM à opération unique un lancement réussi, de laisser la liberté conventionnelle jouer pleinement son rôle, comme dans tous les autres pays d’Europe.
Félicitons-nous que la SEM à opération unique, bien qu’elle soit pour le moment virtuelle dans la palette des outils de gestion locale, soit déjà clairement attendue et identifiée.
L’attente est forte, tout d’abord, parmi les élus. De fait, pas une semaine ne passe sans que je rencontre des collègues, de toutes sensibilités et élus dans tous types de collectivités, qui m’informent de situations très concrètes pour lesquelles ils aspirent à pouvoir recourir rapidement à ce type d’EPL, qu’il s’agisse d’une usine de traitement des déchets, d’un plan d’équipement haut débit ou d’une opération de rénovation urbaine.
Par ailleurs, les parlementaires se sont mobilisés en nombre en faveur de l’initiative législative que j’ai suscitée. C’est ainsi que six propositions de loi ont déjà été déposées sur l’initiative des sénateurs et des députés des principaux groupes. Le cap des cent signataires a été dépassé dans les deux chambres. Parmi eux figurent Jacques Pélissard, président de l’Association des maires de France, Alain Rousset, président de l’Association des régions de France, et Roland Ries, président du Groupement des autorités responsables de transport ; il s’agit, pour le moins, de personnalités importantes et influentes. L’Association des départements de France et l’Assemblée des communautés de France ont également pris position en faveur de mon initiative.
L’attente est également forte parmi les potentiels actionnaires opérateurs des SEM à opération unique dans les domaines de l’eau, des déchets, des transports et de l’énergie.
Mes chers collègues, cette proposition de loi a été adoptée à l’unanimité par la commission des lois. Je tiens à souligner l’excellent travail du rapporteur, auquel j’exprime ma vive reconnaissance pour la qualité de son écoute. (MM. Daniel Raoul et Robert Tropeano acquiescent.)
Je ne puis que me féliciter de la proposition de M. le rapporteur de rassembler en un seul article, après avoir procédé à certains allégements, la quasi-totalité de la proposition de loi. Cette réorganisation du texte contribuera à démontrer que le dispositif des SEM à opération unique est simple, clair et aisé à mettre en œuvre, puisqu’il s’inscrit, pour l’essentiel, dans le droit existant.
Le rapport de M. Jacques Mézard résulte d’un échange constructif avec le Gouvernement. Il n’est pas nécessaire que je vous dise, madame la ministre, à quel point je me réjouis de l’intérêt que vous avez porté à cette initiative depuis votre entrée en fonctions.
Mes chers collègues, la proposition de loi que je vous présente répond à cinq exigences : la conformité avec le droit de l’Union européenne, la maîtrise politique par les collectivités territoriales, la sécurité juridique, la simplicité et la souplesse, la rationalisation des coûts.
Il n’est que temps de créer un type d’EPL ouvrant la voie à une réelle économie mixte avec les opérateurs, à l’instar de celle qui existe avec les partenaires financiers grâce aux SEM classiques. Je parle d’une économie fondée non pas sur la simple logique contractuelle, mais sur une vision de plus long terme et sur des intérêts partagés se traduisant par la constitution d’une société commune.
Dans un contexte marqué certes par des inquiétudes légitimes, mais aussi par de formidables opportunités de repenser l’action locale, nous devons innover tous ensemble pour bâtir des partenariats territoriaux structurants, clairement définis dans leur durée, leur objet, leur financement et leur gouvernance.
Mes chers collègues, cette proposition de loi marque l’aboutissement d’un long processus de discussion et de dialogue ; en l’adoptant, vous rendrez possible la création de SEM à opération unique ! (Applaudissements.)
M. le président. La parole est à M. le rapporteur.
M. Jacques Mézard, rapporteur de la commission des lois constitutionnelles, de législation, du suffrage universel, du règlement et d’administration générale. Monsieur le président, madame la ministre, mes chers collègues, nous sommes appelés à examiner l’excellente proposition de loi de nos collègues Jean-Léonce Dupont et Hervé Marseille tendant à créer des sociétés d’économie mixte contrat. Notre commission des lois, qui m’a fait l’honneur de me désigner rapporteur de ce texte, a souhaité joindre à celui-ci deux autres propositions de loi identiques : celle de M. Antoine Lefèvre et celle de M. Daniel Raoul, président de la commission des affaires économiques.
Je voudrais tout d’abord remercier l’administrateur qui a travaillé sur ce sujet. Il a su mettre en musique, avec compétence et sagacité, les quelques notes émises par le rapporteur.
Je souhaite également, en cet instant, me souvenir du débat que nous avions eu sur les sociétés publiques locales, les SPL, à l’occasion de l’examen d’une proposition de loi présentée par notre collègue Daniel Raoul. Alain Marleix était à cette époque au banc du Gouvernement. Nous avions alors pu faire en sorte que ce texte soit voté à l’unanimité par le Sénat, avant de poursuivre son chemin à l’Assemblée nationale. Je constate aujourd’hui avec plaisir que l’initiative qu’avait prise Daniel Raoul, en partenariat avec Jean-Léonce Dupont et d’autres collègues, a démontré sa pertinence et son utilité, puisqu’il existe aujourd’hui des centaines de sociétés publiques locales, qui fonctionnent bien. L’expérience en a apporté la preuve, les préventions que suscitait ce type de société n’étaient pas fondées. Il s’agit en effet d’un bon outil pour nos collectivités territoriales.
Aujourd’hui, je ne doute pas que les sociétés d’économie mixte contrat, dont nous avons eu l’audace, cher Jean-Léonce Dupont, de changer la dénomination en « sociétés d’économie mixte à opération unique », pourront également devenir un excellent instrument au service de toutes nos collectivités. Moderne et dynamique, il permettra de combler un vide s’agissant des outils dont disposent nos collectivités.
Sans revenir sur ce que vient de dire l’auteur de la proposition de loi avec beaucoup de pertinence, je souhaiterais rappeler quelques éléments contextuels qui mettent en exergue l’importance de ce nouvel outil.
Tout d’abord, le contexte général de diminution de la ressource budgétaire, auquel nous sommes confrontés depuis la crise financière de 2008, incite les élus locaux à rechercher une optimisation du fonctionnement de leurs services publics. À cet égard, les parlementaires ayant la responsabilité d’un exécutif local sont encore plus à même de faire valoir l’intérêt de ce type d’outil.
M. Pierre-Yves Collombat. C’est vrai !
M. Jacques Mézard, rapporteur. Je me réjouis de l’assentiment de nos collègues ici présents.
Ces élus, en se réappropriant la gouvernance de leurs services, cherchent, dans le même temps, à bénéficier du savoir-faire du secteur privé. En effet, il faut voir dans cette proposition de loi non pas un outil qui permettrait simplement au secteur privé d’investir la sphère publique, mais un instrument de partenariat grâce auquel, bien au contraire, un certain nombre de collectivités pourront se réapproprier la gouvernance, ce qui n’est pas neutre.
On constate ensuite la volonté des entreprises à rechercher de nouveaux modes de coopération avec les collectivités locales et leurs groupements. En effet, plusieurs formes de coopération traditionnelles ont montré leurs limites : ainsi en est-il des contrats de partenariat, plus particulièrement des partenariats public-privé, sur lesquels travaillent nos collègues Jean-Pierre Sueur et Hugues Portelli au nom de la commission des lois. Plusieurs exemples témoignent du coût, pour le contribuable, de ces coopérations, qui permettent toutefois de réaliser un certain nombre d’opérations.
D’autres modes de coopération, tels que les délégations de service public ou l’affermage, ne répondent plus entièrement aux nouvelles attentes des différents acteurs.
Enfin, troisième point de contexte, on a assisté au développement d’une nouvelle forme d’entité mixte dans plusieurs pays européens, qu’il s’agisse de l’Espagne, de l’Italie, de l’Allemagne ou de la Suède. Cette association entre le secteur public et le secteur privé se caractérise par plusieurs points.
Elle est composée d’une personne publique et d’au moins une personne privée. Je vous rappelle que c’est notre commission des lois qui avait exigé l’implication d’au moins deux personnes publiques au sein des SPL.
M. Daniel Raoul. Exact !
M. Jacques Mézard, rapporteur. Elle est chargée d’exécuter, par contrat, une opération unique. Certaines des propositions de la commission des lois visent d’ailleurs à confirmer cet objectif, qui est aussi une limitation.
Il est ainsi organisé une seule procédure de mise en concurrence, non pas au moment de l’attribution du contrat à ladite entité, mais lors du choix de la personne privée qui participera à la future entité.
Dans ce cadre, la personne privée doit faire la preuve non seulement de sa capacité à apporter un capital suffisant au sein de l’entité mixte, mais également de son expertise technique et opérationnelle, ainsi que de sa capacité financière, permettant de répondre aux attentes et aux besoins de la collectivité publique pour la réalisation de l’opération.
Cette innovation juridique, qui concerne le moment de la mise en concurrence, doit toutefois respecter les exigences communautaires – ce point a suscité bien des débats et bien des incertitudes –, en matière d’égalité de traitement, de transparence et de publicité des procédures, comme l’ont rappelé la Commission européenne et la Cour de justice de l’Union européenne, la CJUE, qui ont confirmé de manière très claire la validité de ce dispositif, tout en l’assortissant de certains garde-fous.
Pour délimiter le cadre juridique, je rappellerai succinctement les conclusions des différentes instances européennes.
Dans une communication interprétative du 5 février 2008, la Commission européenne a estimé que la mise en œuvre d’une double procédure de mise en concurrence apparaissait difficilement compatible avec l’économie procédurale sur laquelle reposent ces nouvelles entités. Celles-ci ont en effet vocation à être mises en concurrence une seule fois, soit au moment du choix de l’entreprise privée, au sein de l’entité mixte dont elle sera à la fois l’opérateur actif et l’actionnaire significatif, soit au moment de l’attribution du contrat à cette entité, ce qui correspond aux sociétés d’économie mixte locales traditionnelles.
Quel que soit le moment retenu, le choix du partenaire privé doit respecter les principes de transparence, de concurrence et de non-discrimination, tandis que le contrat à l’origine de l’entité peut être attribué à la nouvelle entité sans que soit organisée une nouvelle mise en concurrence.
Les conclusions de la Commission européenne ont été confirmées par la Cour de justice de l’Union européenne, dans sa décision Acoset du 15 octobre 2009. La Cour a jugé que la sélection du concessionnaire résulte indirectement de celle de l’associé qui a eu lieu au terme d’une procédure respectant les principes du droit communautaire, de telle sorte – c’est un élément essentiel – qu’une seconde procédure de mise en concurrence en vue de la sélection du concessionnaire ne se justifierait pas.
La seule limite posée à cette souplesse par la Cour est la suivante : la société à capital mixte doit avoir pour seul objet, pendant toute la durée du contrat, la réalisation de l’opération qu’elle s’est vue attribuer. Toute modification substantielle du contrat entraînerait une obligation de mise en concurrence. Cette solution parfaitement logique et légitime est tout à fait conforme aux principes généraux du droit communautaire.
Ainsi, la Commission européenne et la CJUE ont démontré qu’une concurrence efficace et pragmatique et une étroite coopération organique entre une personne publique et le secteur privé n’étaient pas exclusives et s’adaptaient parfaitement aux principes du droit communautaire.
Sur cette question, l’avis du 1er décembre 2009 du Conseil d’État, dont nous connaissons la pertinence des analyses et le souci de précision, apparaît plus circonspect. Il estime en effet que la solution retenue par la Commission européenne, à savoir la simultanéité, n’apparaît pas possible. Il considère l’identité entre candidat et attributaire du contrat comme étant une condition indispensable de l’impartialité de la sélection.
Pourtant, force est de constater que les arguments avancés par le Conseil d’État peuvent susciter des interrogations au regard du droit communautaire, notamment tel qu’il est interprété par la Cour de justice. En effet, les institutions communautaires sont avant tout soucieuses d’une mise en œuvre effective de la transparence de la sélection et de l’égalité d’accès à la commande publique. Ces objectifs peuvent incontestablement être atteints tant par une constitution concomitante de la sélection – c’est la position de la Commission européenne – que par la mise en concurrence de l’actionnaire, conformément à la position de la CJUE. Le choix du moment au cours duquel est organisée la mise en concurrence est neutre pour l’application effective des principes communautaires de respect de la concurrence.
Au vu de ces éléments, il apparaît clairement que cette proposition de loi est tout à fait en harmonie avec les dispositions du droit communautaire. L’avis éclairé du Conseil d’État n’empêchera nullement ce texte, cher Jean-Léonce Dupont, de prospérer.
Notre commission s’est donc unanimement félicitée du dépôt de ces trois propositions de loi, en ce qu’elles traduisent fidèlement la jurisprudence de la Cour de justice de l’Union européenne et les conclusions de la Commission européenne.
Toutefois, ce nouvel outil peut soulever, chez de nombreux acteurs, des inquiétudes qui doivent légitiment être prises en compte. C’est pourquoi, sur mon initiative, la commission des lois, très favorable à la présente proposition de loi, a procédé à une réécriture du texte, dans un double souci de clarification rédactionnelle et de sécurité juridique. Je remercie M. Jean-Léonce Dupont d’avoir acquiescé à cette nouvelle rédaction.
Plus précisément, notre commission a d’abord changé la dénomination de cette nouvelle catégorie de SEM, désormais qualifiée de « SEM à opération unique », afin de mettre en exergue sa caractéristique fondamentale. En effet, l’appellation « SEM contrat » pouvait laisser planer un certain nombre de questions ou d’incertitudes. Désormais, il est affirmé de manière très précise, dans la dénomination même de ce nouvel outil, que celui-ci a pour objet de réaliser une opération unique.
Ensuite, la commission a clarifié les différentes étapes de la constitution de la SEM à opération unique et de la conclusion du contrat pour lequel elle a été créée.
La première étape consisterait en l’adoption d’une délibération de la personne publique – ce qui est logique puisque c’est elle qui veut lancer cette opération unique –, dans laquelle celle-ci déterminerait ses besoins et définirait les caractéristiques essentielles de la future société – part de capital minimale et maximale, règles de gouvernance de la société, principales caractéristiques des équipements et des constructions projetés et conditions de leur mise en œuvre par la future société, possibilité, pour la future SEM, de recourir à des contrats de sous-traitance pour la réalisation de l’opération.
Une mise en concurrence pour la sélection de l’actionnaire opérateur, reposant sur un appel public à manifestation d’intérêt, constituerait la deuxième étape du processus, dans le respect des principes de liberté d’accès, d’égalité de traitement et de transparence des procédures.
La personne publique sélectionnerait l’offre la plus avantageuse économiquement, après vérification des capacités techniques, opérationnelles et financières de chacun des candidats.
À la suite du choix de l’actionnaire opérateur serait créée la SEM à opération unique, qui conclurait avec la personne publique le contrat à l’origine de la démarche.
Ainsi, la nouvelle rédaction que nous vous proposons vise à mettre en exergue et à clarifier deux points majeurs : l’organisation d’une unique procédure de mise en concurrence pour le choix de l’actionnaire opérateur et la conclusion du contrat entre la SEM et la personne publique, d’une part, et la distinction entre la SEM et la personne privée actionnaire, d’autre part.
Les amendements que je présenterai dans quelques minutes vont dans le même sens.
Voilà les résultats du travail de la commission. Monsieur Dupont, nous avons essayé de traduire dans le rapport quels étaient vos objectifs, ainsi que ceux de nos collègues Daniel Raoul et Antoine Lefèvre. Je crois pouvoir dire que nous avons fait un travail constructif qui, je l’espère, connaîtra une issue identique à celui que nous avons produit sur les sociétés publiques locales. Notre objectif reste bien d’offrir à nos collectivités des instruments modernes et efficaces pour leur permettre d’assurer à nos concitoyens un service toujours meilleur. (Applaudissements.)
Mme Nathalie Goulet. Excellent !
M. le président. La parole est à Mme la ministre déléguée.