Sommaire
Présidence de M. Thierry Foucaud
Secrétaires :
MM. Jean Desessard, Jean-François Humbert.
4. Modification de l'ordre du jour
contrôle et évaluation de la maintenance aérienne
Question n° 503 de Mme Catherine Procaccia. – M. Frédéric Cuvillier, ministre délégué chargé des transports, de la mer et de la pêche ; Mme Catherine Procaccia.
interruptions du trafic ferroviaire pour cause d'accidents corporels
Question n° 628 de M. Patrice Gélard. – MM. Frédéric Cuvillier, ministre délégué chargé des transports, de la mer et de la pêche ; Patrice Gélard.
enjeux maritimes et développement de l'économie maritime à wallis-et-futuna
Question n° 644 de M. Robert Laufoaulu. – MM. Frédéric Cuvillier, ministre délégué chargé des transports, de la mer et de la pêche ; Robert Laufoaulu.
desserte ferroviaire paris / clermont-ferrand
Question n° 657 de M. Jacques-Bernard Magner. – MM. Frédéric Cuvillier, ministre délégué chargé des transports, de la mer et de la pêche ; Jacques-Bernard Magner.
carnet de commande des chantiers de Saint-Nazaire
Question n° 637 de M. Joël Guerriau. – MM. Frédéric Cuvillier, ministre délégué chargé des transports, de la mer et de la pêche ; Joël Guerriau.
extension du plateau continental dans les territoires ultramarins
Question n° 649 de M. Jacques Mézard. – MM. Victorin Lurel, ministre des outre-mer ; Jacques Mézard.
risque d'inondation en île-de-france
Question n° 510 de M. Christian Cambon. – MM. Philippe Martin, ministre de l'écologie, du développement durable et de l'énergie ; Christian Cambon.
classement du parc naturel régional des baronnies provençales
Question n° 686 de M. Jean Besson. – MM. Philippe Martin, ministre de l'écologie, du développement durable et de l'énergie ; Jean Besson.
avenir des épiceries sociales et solidaires
Question n° 667 de M. Luc Carvounas. – Mme Marie-Arlette Carlotti, ministre déléguée chargée des personnes handicapées et de la lutte contre l'exclusion ; M. Luc Carvounas.
pensions des mineurs et consolidation de l'offre de soins du régime minier
Question n° 650 de M. Dominique Watrin. – Mme Marie-Arlette Carlotti, ministre déléguée chargée des personnes handicapées et de la lutte contre l'exclusion ; M. Dominique Watrin.
formation des opticiens en trois ans
Question n° 654 de M. Ronan Kerdraon. – Mme Marie-Arlette Carlotti, ministre déléguée chargée des personnes handicapées et de la lutte contre l'exclusion ; M. Ronan Kerdraon.
déficit de données statistiques à mayotte
Question n° 659 de M. Thani Mohamed Soilihi. – Mme Marie-Arlette Carlotti, ministre déléguée chargée des personnes handicapées et de la lutte contre l'exclusion ; M. Thani Mohamed Soilihi.
indemnisation des victimes des essais nucléaires
Question n° 663 de M. Philippe Madrelle. – Mme Marie-Arlette Carlotti, ministre déléguée chargée des personnes handicapées et de la lutte contre l'exclusion ; M. Philippe Madrelle.
garantir un égal accès des enfants à la restauration scolaire
Question n° 630 de M. Michel Billout. – Mme Marie-Arlette Carlotti, ministre déléguée chargée des personnes handicapées et de la lutte contre l'exclusion ; M. Michel Billout.
versement des recettes des taxes d'urbanisme pour les communes du morbihan
Question n° 652 de M. Michel Le Scouarnec. – Mme Marie-Arlette Carlotti, ministre déléguée chargée des personnes handicapées et de la lutte contre l'exclusion ; M. Michel Le Scouarnec.
vaccination des veaux contre la teigne
Question n° 477 de M. Francis Grignon. – MM. Stéphane Le Foll, ministre de l'agriculture, de l'agroalimentaire et de la forêt ; Francis Grignon.
inquiétudes des producteurs d’huile essentielle de lavande
Question n° 594 de M. Michel Teston. – MM. Stéphane Le Foll, ministre de l'agriculture, de l'agroalimentaire et de la forêt ; Michel Teston.
Question n° 612 de M. Louis Nègre. – MM. Stéphane Le Foll, ministre de l'agriculture, de l'agroalimentaire et de la forêt ; Louis Nègre.
lutte contre le « dumping » social
Question n° 648 de M. André Reichardt. – MM. Michel Sapin, ministre du travail, de l'emploi, de la formation professionnelle et du dialogue social ; André Reichardt.
Question n° 660 de M. Roland Courteau. – MM. Michel Sapin, ministre du travail, de l'emploi, de la formation professionnelle et du dialogue social ; Roland Courteau.
Suspension et reprise de la séance
6. Mise au point au sujet d'un vote
MM. Jean-Claude Requier, le président.
7. Économie réelle. – Discussion en procédure accélérée d'une proposition de loi dans le texte de la commission
Discussion générale : M. Pierre Moscovici, ministre de l'économie et des finances ; Mme Anne Emery-Dumas, rapporteur de la commission des affaires sociales ; MM. Martial Bourquin, rapporteur pour avis de la commission des affaires économiques ; Jean-Marc Todeschini, rapporteur pour avis de la commission des finances ; Félix Desplan, rapporteur pour avis de la commission des lois.
MM. Jean Desessard, Gérard Longuet, Hervé Marseille, Dominique Watrin, Jean-Claude Requier, Georges Labazée, Mmes Catherine Procaccia, Jacqueline Alquier, MM. Jean-Jacques Hyest, René Teulade.
M. Benoît Hamon, ministre délégué chargé de l'économie sociale et solidaire et de la consommation.
Clôture de la discussion générale.
Suspension et reprise de la séance
Mme Nathalie Goulet, MM. Jean-Marie Vanlerenberghe, Benoît Hamon, ministre délégué.
Amendement n° 35 de Mme Catherine Procaccia. – Mmes Catherine Procaccia, la rapporteur, MM. Benoît Hamon, ministre délégué ; Jean Desessard, Mme Isabelle Debré. – Rejet par scrutin public.
Amendement n° 44 de Mme Catherine Procaccia. – Mme Catherine Procaccia.
Amendements nos 15 et 16 de M. Dominique Watrin. – Mme Laurence Cohen.
Amendement n° 2 de M. Jean Desessard. – M. Jean Desessard.
Amendement n° 45 de Mme Catherine Procaccia. – Mme Marie-Thérèse Bruguière.
Amendement n° 17 de M. Dominique Watrin. – M. Dominique Watrin.
Amendement n° 18 rectifié de M. Dominique Watrin. – Mme Isabelle Pasquet.
Amendement n° 5 de M. Jean Desessard. – M. Jean Desessard.
Amendement n° 3 de M. Jean Desessard. – M. Jean Desessard.
Mme la rapporteur, MM. Pierre Moscovici, ministre ; Gérard Longuet, Mme Isabelle Pasquet, M. Georges Labazée. – Rejet, par scrutin public, de l’amendement n° 44 ; rejet des amendements nos 15, 16 et 2.
M. Gérard Longuet. – Rejet des amendements nos 45 et 17.
Mme Isabelle Pasquet. – Rejet de l’amendement n° 18 rectifié.
M. Gérard Longuet. – Adoption de l’amendement n° 5 ; retrait de l’amendement n° 3.
Amendement n° 49 de Mme Catherine Procaccia. – Mmes Catherine Procaccia, la rapporteur, MM. Pierre Moscovici, ministre ; Gérard Longuet, Jean-Noël Cardoux, Dominique Watrin, Patrice Gélard. – Rejet.
Amendement n° 14 de Mme Nathalie Goulet. – Mme Nathalie Goulet, Mme la rapporteur, MM. Pierre Moscovici, ministre ; Gérard Longuet, Jean Desessard, Mme Catherine Procaccia, MM. Jean-Claude Requier, Georges Labazée. – Retrait.
Amendement n° 50 de Mme Catherine Procaccia. – Mmes Catherine Deroche, la rapporteur, M. Pierre Moscovici, ministre ; Mme Isabelle Debré, MM. Jean Desessard, Gérard Longuet, Mme Nathalie Goulet. – Rejet.
Amendement n° 51 de Mme Catherine Procaccia. – Mmes Catherine Procaccia, la rapporteur, M. Pierre Moscovici, ministre ; Mme Isabelle Debré, MM. Jean Desessard, Patrice Gélard. – Rejet.
8. Candidatures à une éventuelle commission mixte paritaire
9. Demande d'avis sur un projet de nomination
10. Dépôt d'un rapport du Gouvernement
Suspension et reprise de la séance
PRÉSIDENCE DE M. Jean-Patrick Courtois
11. Communication relative à une commission mixte paritaire
12. Économie réelle. – Suite de la discussion en procédure accélérée et rejet d’une proposition de loi dans le texte de la commission modifié
Amendement n° 47 de Mme Catherine Procaccia. – Mme Catherine Procaccia, Anne Emery-Dumas, rapporteur de la commission des affaires sociales ; M. Bernard Cazeneuve, ministre délégué chargé du budget. – Rejet.
Amendement n° 52 de Mme Catherine Procaccia. – Mmes Catherine Procaccia, la rapporteur, M. Bernard Cazeneuve, ministre délégué. – Rejet.
Amendement n° 20 de M. Dominique Watrin. – M. Dominique Watrin, Mme la rapporteur, M. Bernard Cazeneuve, ministre délégué. – Rejet.
Amendement n° 19 de M. Dominique Watrin. – Mmes Laurence Cohen, la rapporteur, M. Bernard Cazeneuve, ministre délégué. – Rejet.
Amendement n° 55 de M. Félix Desplan, rapporteur pour avis. – M. Félix Desplan, rapporteur pour avis de la commission des lois ; Mme la rapporteur, MM. Bernard Cazeneuve, ministre délégué ; Dominique Watrin, Mme Catherine Procaccia, M. Michel Mercier, Mme Nathalie Goulet. – Rejet.
Amendement n° 48 de Mme Catherine Procaccia. – Mmes Marie-Thérèse Bruguière, la rapporteur, M. Bernard Cazeneuve, ministre délégué ; Mme Catherine Procaccia. – Rejet.
Amendement n° 34 de Mme Nathalie Goulet. – Mmes Nathalie Goulet, la rapporteur, M. Bernard Cazeneuve, ministre délégué. – Retrait.
Amendement n° 37 de Mme Catherine Procaccia. – M. René-Paul Savary.
Amendement n° 10 de Mme Françoise Férat. – Mme Françoise Férat.
Amendement n° 36 de Mme Catherine Procaccia. – Mme Catherine Procaccia.
Amendement n° 56 rectifié de M. Félix Desplan, rapporteur pour avis. – M. Félix Desplan, rapporteur pour avis.
Amendement n° 57 de M. Félix Desplan, rapporteur pour avis. – M. Félix Desplan, rapporteur pour avis.
Amendement n° 21 de M. Dominique Watrin. – Mme Isabelle Pasquet.
Amendement n° 46 de Mme Catherine Procaccia. – Mme Françoise Boog.
Amendement n° 58 de M. Félix Desplan, rapporteur pour avis. – M. Félix Desplan, rapporteur pour avis.
Amendement n° 59 de M. Félix Desplan, rapporteur pour avis. – M. Félix Desplan, rapporteur pour avis.
Amendement n° 60 de M. Félix Desplan, rapporteur pour avis. – M. Félix Desplan, rapporteur pour avis.
Amendement n° 30 de Mme Nathalie Goulet. – Mme Nathalie Goulet. – Retrait.
Amendement n° 74 de la commission. – Mme la rapporteur.
Amendement n° 22 de M. Dominique Watrin. – Mme Laurence Cohen.
Amendement n° 61 de M. Félix Desplan, rapporteur pour avis. – M. Félix Desplan, rapporteur pour avis.
Amendement n° 31 de Mme Nathalie Goulet. – Mme Nathalie Goulet. – Retrait.
Amendement n° 33 de Mme Nathalie Goulet. – Mme Nathalie Goulet.
Amendement n° 62 de M. Félix Desplan, rapporteur pour avis. – M. Félix Desplan, rapporteur pour avis.
Amendement n° 38 de Mme Catherine Procaccia. – M. René-Paul Savary.
Amendement n° 23 de M. Dominique Watrin. – M. Dominique Watrin.
Amendement n° 11 de M. Hervé Marseille. – M. Hervé Marseille.
Amendement n° 63 de M. Félix Desplan, rapporteur pour avis. – M. Félix Desplan, rapporteur pour avis.
Amendement n° 39 de Mme Catherine Procaccia. – Mme Marie-Thérèse Bruguière.
Amendement n° 64 de M. Félix Desplan, rapporteur pour avis, et sous-amendement n° 76 du Gouvernement. – MM. Félix Desplan, rapporteur pour avis ; Bernard Cazeneuve, ministre délégué.
Amendement n° 68 de M. Dominique Watrin. – Mme Isabelle Pasquet.
Amendements nos 24 et 25 de M. Dominique Watrin. – M. Michel Le Scouarnec.
Amendement n° 26 de M. Dominique Watrin. – Mme Laurence Cohen.
Amendement n° 65 de M. Félix Desplan, rapporteur pour avis. – M. Félix Desplan, rapporteur pour avis.
Amendement n° 66 de M. Félix Desplan, rapporteur pour avis. – M. Félix Desplan, rapporteur pour avis.
Amendement n° 67 de M. Félix Desplan, rapporteur pour avis. – M. Félix Desplan, rapporteur pour avis.
Mme la rapporteur, M. Bernard Cazeneuve, ministre délégué. – Rejet des amendements nos 37, 10 et 36 ; adoption des amendements nos 56 rectifié et 57, les amendements nos 21 et 46 devenant sans objet ; adoption des amendements nos 58 à 60 et 74 ; rejet de l’amendement n° 22 ; adoption de l’amendement n° 61.
Mmes Nathalie Goulet, Catherine Procaccia, M. Dominique Watrin. – Adoption des amendements nos 33 et 62, les amendements nos 38, 23 et 11 devenant sans objet.
Mme Catherine Procaccia. – Adoption de l’amendement n° 63.
Mme Catherine Procaccia. – Rejet de l’amendement n° 39 ; Adoption du sous-amendement n° 76 et de l'amendement n° 64 modifié, les amendements nos 68 et 24 à 26 devenant sans objet ; adoption des amendements nos 65 à 67.
Amendements nos 12 et 13 de Mme Nathalie Goulet. – Mmes Nathalie Goulet, la rapporteur, M. Bernard Cazeneuve, ministre délégué. – Retrait des deux amendements.
MM. René-Paul Savary, Dominique Watrin.
Rejet, par scrutin public, de l'article modifié.
Amendement n° 40 de Mme Catherine Procaccia. – Mmes Catherine Procaccia, la rapporteur, M. Bernard Cazeneuve, ministre délégué. – Rejet.
Amendement n° 75 de la commission. – Mme la rapporteur. – Retrait.
Amendement n° 27 de M. Dominique Watrin. – M. Michel Le Scouarnec, Mme la rapporteur, MM. Jean Desessard, Georges Labazée, Mme Catherine Procaccia. – Adoption.
Adoption de l'article modifié.
Article additionnel après l’article 3
Amendement n° 1 de M. Marc Daunis. – M. Georges Labazée, Mme la rapporteur, M. Bernard Cazeneuve, ministre délégué ; Mme Laurence Cohen, M. René-Paul Savary. – Adoption de l'amendement insérant un article additionnel.
Article 4 (suppression maintenue)
Amendement n° 69 du Gouvernement. – M. Bernard Cazeneuve, ministre délégué ; Mme la rapporteur. – Adoption.
Adoption de l'article modifié.
Amendement n° 41 de Mme Catherine Procaccia. – Mme Françoise Boog, MM. Jean-Marc Todeschini, rapporteur pour avis de la commission des finances ; Bernard Cazeneuve, ministre délégué ; Jean Desessard. – Rejet.
Adoption de l'article.
Amendement n° 72 du Gouvernement. – M. Bernard Cazeneuve, ministre délégué, Mme la rapporteur. – Adoption.
Amendement n° 71 du Gouvernement. – M. Bernard Cazeneuve, ministre délégué, Mme la rapporteur. – Adoption.
Amendement n° 73 du Gouvernement. – M. Bernard Cazeneuve, ministre délégué, Mme la rapporteur. – Adoption.
Amendement n° 70 du Gouvernement. – M. Bernard Cazeneuve, ministre délégué, Mmes la rapporteur Catherine Procaccia. – Adoption.
Adoption de l'article modifié.
Amendement n° 28 de M. Dominique Watrin. – Mmes Laurence Cohen, la rapporteur, MM. Bernard Cazeneuve, ministre délégué ; Jean Desessard. – Rejet.
Amendement n° 29 de M. Dominique Watrin. – Mmes Laurence Cohen, la rapporteur, MM. Bernard Cazeneuve, ministre délégué. – Rejet.
Amendement n° 4 de M. Jean Desessard. – M. Jean Desessard, Mme la rapporteur, MM. Bernard Cazeneuve, ministre délégué ; René-Paul Savary. – Adoption.
Adoption de l'article modifié.
Amendement n° 53 de Mme Catherine Procaccia. – M. René-Paul Savary, Mme la rapporteur, M. Bernard Cazeneuve, ministre délégué ; Mme Catherine Procaccia. – Rejet.
Adoption de l'article.
Amendement n° 54 de Mme Catherine Procaccia. – Mmes Marie-Thérèse Bruguière, la rapporteur, M. Bernard Cazeneuve, ministre délégué. – Rejet.
Adoption de l'article.
Article 8 ter (nouveau). – Adoption
Intitulé de la proposition de loi
Amendements nos 42 et 43 de Mme Catherine Procaccia. – Mmes Catherine Procaccia, la rapporteur, M. Bernard Cazeneuve, ministre délégué. – Rejet des deux amendements.
MM. Georges Labazée, Jean Desessard, Jean-Claude Requier, Mme Laurence Cohen, M. René-Paul Savary.
Rejet, par scrutin public, de la proposition de loi dans le texte de la commission, modifié.
13. Nomination de membres d’une éventuelle commission mixte paritaire
14. Ordre du jour
compte rendu intégral
Présidence de M. Thierry Foucaud
vice-président
Secrétaires :
M. Jean Desessard,
M. Jean-François Humbert.
1
Procès-verbal
M. le président. Le compte rendu analytique de la précédente séance a été distribué.
Il n’y a pas d’observation ?…
Le procès-verbal est adopté sous les réserves d’usage.
2
Commission mixte paritaire
M. le président. M. le président du Sénat a reçu de M. le Premier ministre la demande de constitution d’une commission mixte paritaire chargée de proposer un texte sur les dispositions restant en discussion du projet de loi pour l’accès au logement et un urbanisme rénové.
Il sera procédé à la nomination des représentants du Sénat à cette commission mixte paritaire selon les modalités prévues par l’article 12 du règlement.
3
Dépôt d'un document
M. le président. M. le président du Sénat a reçu de M. le Premier ministre, en application de l’article 8 de la loi n° 2010-237 du 9 mars 2010 de finances rectificative pour 2010, la convention entre l’État et le Centre national d’études spatiales relative au programme d’investissements d’avenir, action « Maîtrise des technologies spatiales ».
Ce document a été transmis à la commission des finances, ainsi qu’à la commission de la culture, de l’éducation et de la communication.
Acte est donné du dépôt de ce document.
4
Modification de l'ordre du jour
M. le président. Par lettre en date du 30 janvier, M. François Zocchetto, président du groupe UDI-UC, a demandé le retrait de l’ordre du jour de l’espace réservé à son groupe du mercredi 12 février de la proposition de loi visant à modifier l’affectation de la taxe additionnelle à la taxe sur les installations nucléaires de base, dite d’accompagnement.
Acte est donné de cette demande.
5
Questions orales
M. le président. L’ordre du jour appelle les réponses à des questions orales.
contrôle et évaluation de la maintenance aérienne
M. le président. La parole est à Mme Catherine Procaccia, auteur de la question n° 503, adressée à M. le ministre délégué auprès du ministre de l'écologie, du développement durable et de l'énergie, chargé des transports, de la mer et de la pêche.
Mme Catherine Procaccia. Monsieur le ministre, ma question porte sur le contrôle et l’évaluation de la maintenance aérienne.
La qualité de la maintenance aérienne, avec des contrôles constants et des contraintes réglementaires très strictes, fait de l’avion l’un des modes de transport les plus sûrs du monde.
La complexité croissante des systèmes embarqués des avions requiert des connaissances multidisciplinaires de plus en plus pointues pour réaliser l’entretien de l’appareil, notamment en électronique puisque les appareils de bord sont automatisés pour de multiples tâches, dont les plus importantes sont le pilotage automatique et le calcul de la trajectoire.
Alors que l’externalisation de l’entretien de la maintenance est prévue pour plusieurs types d’appareils, dont les gros porteurs, il semblerait que, depuis quatre ans, une vingtaine de sociétés étrangères responsables de la maintenance d’entretien aient perdu cet agrément.
Un syndicat minoritaire des pilotes de ligne a signalé plusieurs incidents graves sur des avions dont les gros travaux de maintenance ont été réalisés à l’étranger. Ainsi, en 2012, un avion d’Air France a dû interrompre son vol après des pannes de la radio haute fréquence alors qu’il venait de faire l’objet d’une révision technique approfondie en Chine.
Il semblerait que ce genre d’incident, heureusement sans conséquence pour la vie des passagers, ne soit pas isolé. Air France avait pourtant abandonné en 2011 les révisions en Chine après d’autres incidents, mais la compagnie s’est ravisée par la suite.
Monsieur le ministre, pourriez-vous nous apporter des précisions sur le contrôle et l’évaluation de l’efficacité de la maintenance aérienne effectuée dans des pays n’ayant pas les mêmes normes de sécurité qu’en France ou dans le reste de l’Union européenne ?
Entendez-vous prendre des mesures spécifiques, telle la publication des résultats des contrôles qui aurait le mérite de rassurer les passagers, et faire preuve d’une plus grande transparence en cas d’incident ?
M. le président. La parole est à M. le ministre délégué.
M. Frédéric Cuvillier, ministre délégué auprès du ministre de l'écologie, du développement durable et de l'énergie, chargé des transports, de la mer et de la pêche. Madame la sénatrice, le transport aérien, comme vous le soulignez à juste titre, est l’un des modes de transport les plus sûrs, parce qu’il est également l’un des plus contrôlés.
Conformément à la réglementation européenne, toute compagnie communautaire a la possibilité de sous-traiter des visites d’entretien de ses aéronefs à des ateliers situés en dehors de l’Union européenne. Cependant, les règles applicables à ces ateliers sont strictement les mêmes que celles qui prévalent en Europe. Il ne s’agit donc pas d’un contrôle a minima.
Ces ateliers doivent ainsi disposer d’un agrément délivré par l’Agence européenne de la sécurité aérienne, l’AESA. La liste des agréments délivrés est disponible sur son site internet.
Par ailleurs, les compagnies aériennes ont également le devoir réglementaire de mettre en place des systèmes d’évaluation et de suivi de leurs sous-traitants, notamment de ceux qui sont situés hors de l’Union européenne. Ces systèmes d’évaluation font eux-mêmes l’objet d’une surveillance de la part de leur autorité de surveillance, en l’occurrence la Direction générale de l’aviation civile, la DGAC, pour Air France.
Les résultats de ces contrôles peuvent être communiqués au cas par cas, sur demande – vous souhaitez la transparence, madame la sénatrice, ce qui est légitime –, dans la mesure des réserves qui pourraient être émises par la Commission d’accès aux documents administratifs, la CADA.
Cette importante chaîne de surveillance offre les plus grandes garanties. Elle permet de disposer d’un système très robuste de détection et de notification des erreurs de maintenance et des incidents – il en existe, vous en avez cité – qui pourraient y être liés.
Tous les événements significatifs décelés dans ce domaine sont ainsi connus de l’AESA, de sorte qu’une traçabilité des incidents peut être assurée. Les autorités concernées sont donc en capacité de lancer immédiatement les enquêtes et les analyses nécessaires et d’en tirer toutes les conclusions qui s’imposent.
La suspension de l’agrément de près d’une vingtaine de sociétés étrangères depuis quatre ans démontre le niveau d’exigence et l’efficacité de ce système de surveillance. Les ateliers qui se sont vus retirer leur agrément ne peuvent plus exercer l’entretien et la maintenance des aéronefs immatriculés dans un État membre. C’est une conséquence de l’exigence absolue en termes d’efficacité et de sécurité vis-à-vis des sous-traitants de l’ensemble des compagnies aériennes.
M. le président. La parole est à Mme Catherine Procaccia.
Mme Catherine Procaccia. Je ne doute pas, monsieur le ministre, que la France soit extrêmement vigilante en matière de respect de la réglementation, mais cette dernière s’applique souvent a posteriori, lorsqu’il y a eu des incidents.
Les informations dont je dispose concernent la seule compagnie Air France, que je ne mets pas particulièrement en cause, ma question portant sur tous les avions décollant de France et survolant notre pays. Ainsi une peinture qui ne respectait pas les critères de certification à la chaleur a-t-elle été appliquée en Chine. On a par ailleurs constaté l’absence d’une trentaine de vis sur un panneau de carénage d’une aile. De tels faits, assez graves, doivent se produire dans toutes les compagnies aériennes.
Il est sans doute possible de surveiller un peu plus ce qui se passe en France, mais tel n’est pas le cas en dehors de l’Union européenne. On entend souvent dire qu’un avion est cloué au sol à l’étranger et qu’il ne peut décoller parce qu’il a des problèmes. Notre préoccupation est donc légitime. Il est vrai que l’avion fait plus peur que la voiture, alors que la voiture tue beaucoup plus que l’avion. L’inquiétude des Français s’explique certainement par le fait que, en cas de problème, un accident d’avion cause nettement plus de morts. En outre, certains pilotes s’estiment insuffisamment informés sur les règles de maintenance.
Cette question a également un lien avec l’emploi en France. La sous-traitance croissante d’opérations de maintenance, y compris d’interventions lourdes, entraîne en effet la perte d’emplois dans notre pays. Le critère de prix ne doit pas être le seul à entrer en ligne de compte. Il faut également penser à la sécurité et à l’emploi.
interruptions du trafic ferroviaire pour cause d'accidents corporels
M. le président. La parole est à M. Patrice Gélard, auteur de la question n° 628, adressée à M. le ministre délégué auprès du ministre de l'écologie, du développement durable et de l'énergie, chargé des transports, de la mer et de la pêche.
M. Patrice Gélard. Je souhaite attirer votre attention, monsieur le ministre, sur les immobilisations du trafic ferroviaire causées par des accidents corporels survenant sur les lignes du réseau ferré. Les trains sont alors immobilisés pendant une durée allant de deux à quatre heures, selon les cas. Cela entraîne, comme vous le savez, des conséquences extrêmement graves pour les usagers de la SNCF, en particulier pour ceux qui travaillent, pour ceux qui doivent prendre un avion ou passer un examen.
Ces immobilisations sont particulièrement pénibles pour les usagers et sont sources de stress.
Serait-il possible, monsieur le ministre, d’envisager des procédures plus rapides pour dégager les trains ainsi bloqués en raison des procédures judiciaires en cours ?
M. le président. La parole est à M. le ministre délégué.
M. Frédéric Cuvillier, ministre délégué auprès du ministre de l'écologie, du développement durable et de l'énergie, chargé des transports, de la mer et de la pêche. Monsieur le sénateur, en cas d’accident de personnes sur le réseau ferré national sont en effet mobilisés les services de la SNCF, les services de secours, les services de police ou de gendarmerie, l’officier de police judiciaire – ils interviennent pour établir les éléments constitutifs d’une ouverture d’enquête –, ainsi que, parfois, les pompes funèbres.
Ces différents intervenants doivent être protégés avant et pendant leur intervention aux abords du lieu de l’accident, ce qui nécessite le plus souvent l’arrêt du trafic sur les voies concernées ou contiguës. Les procédures médico-légales et judiciaires, essentielles, doivent également être respectées et prennent beaucoup de temps. C’est pourquoi ces accidents entraînent fréquemment d’importants retards, comme vous le déplorez. J’ai moi-même eu l’occasion de me faire l’écho de ces problèmes auprès de différents services. La rapidité de l’intervention dépend également du site sur lequel s’est produit l’accident.
Un guide d’intervention en milieu ferroviaire a été élaboré à partir de cinq situations types particulièrement perturbantes : les accidents de personne, les incendies sur les voies ou à proximité, les malaises de voyageurs à bord d’un train, la découverte d’un colis abandonné et les alertes à la bombe. Il est important que la sécurité soit optimisée dans ces situations, tant pour les voyageurs eux-mêmes que pour les intervenants.
Ce guide permet de mieux organiser les interfaces entre les services ainsi que les procédures propres d’exercice.
Dans le même but, RFF et la SNCF organisent régulièrement des rencontres avec les services de la préfecture, de la justice, des pompiers, de la police et de la gendarmerie et l’ensemble des services susceptibles d’intervenir selon le scénario concerné.
Nous souhaitons, par ce rapprochement interservices, réduire les délais d’intervention au minimum.
Il est vrai que, en zone dense sensible, la moindre interruption a d’énormes conséquences sur des milliers de personnes et la moindre perturbation du réseau a des répercussions importantes ; tel est le cas notamment en Île-de-France. Du reste, hors des zones denses, les répercussions peuvent également être considérables, parce que la difficulté d’intervention sur site peut entraîner des retards considérables.
Aussi, nous cherchons à identifier avec RFF et la SNCF les marges de progrès en termes de rapidité d’intervention, de limitation des durées d’interruption du trafic, d’amélioration de l’information des usagers. Ces travaux sont en cours ; ils nous permettront de décliner de façon opérationnelle le guide d’intervention pour la région d’Île-de-France et de mobiliser à la première alerte les services devant intervenir.
M. le président. La parole est à M. Patrice Gélard.
M. Patrice Gélard. Monsieur le ministre, je vous remercie de ces explications. Je voudrais simplement préciser que, en cas d’accident de personnes sur une voie, non seulement un train est immobilisé, mais souvent tous les trains qui suivent le sont également. Cependant, il est sans doute possible de faire en sorte que ces derniers puissent, en se dégageant sur une autre voie, reprendre leur trajet normal.
En outre, il faut souligner que les accidents corporels ne constituent pas le seul motif d’interruption de trafic. Par exemple, sur la ligne Paris-Le Havre sur laquelle les incidents de parcours sont particulièrement nombreux, des interruptions se produisent constamment, pour une raison ou pour une autre. En conséquence, nous, les usagers, devons prendre des précautions si nous avons un rendez-vous ; ainsi, j’ai été obligé de prendre un train extrêmement tôt ce matin pour venir dans cet hémicycle, car je suis toujours soumis aux aléas des horaires de la SNCF. Ces aléas sont parfois dus aux accidents de personnes mais aussi à toute une série d’autres causes. Par conséquent, ces trains, qui remplissent une mission de service public et devraient donc être à l’heure, ne le sont en définitive pas toujours.
enjeux maritimes et développement de l'économie maritime à wallis-et-futuna
M. le président. La parole est à M. Robert Laufoaulu, auteur de la question n° 644, adressée à M. le ministre délégué auprès du ministre de l'écologie, du développement durable et de l'énergie, chargé des transports, de la mer et de la pêche.
M. Robert Laufoaulu. Monsieur le ministre, le développement d’un territoire comme Wallis-et-Futuna, constitué de deux îles au milieu du grand Pacifique, ne peut passer que par la mer et l’économie maritime.
Je sais que vous êtes bien conscient de cela, et je vous remercie d’ailleurs d’avoir accédé à ma demande, l’an dernier, d’organiser, à Wallis-et-Futuna, des assises maritimes autonomes et non pas, comme prévu initialement, rattachées à la Nouvelle-Calédonie. Ainsi nous avons pu rendre une contribution dont plusieurs points ont été repris dans le rapport national des Assises, et nous vous en sommes reconnaissants.
Dans le même esprit d’autonomisation des enjeux maritimes, nous sommes, depuis le décret du 6 décembre 2005 sur l’action maritime de l’État en outre-mer, rattachés à la conférence maritime de Nouméa. Quelles que soient la qualité et la force de nos relations avec la Nouvelle-Calédonie, les problématiques maritimes pour Wallis-et-Futuna sont différentes, et le seront plus encore lorsque nous exploiterons les croûtes océaniques dans nos eaux territoriales.
Du reste, du fait de la taille de la Nouvelle-Calédonie et de son autonomie importante, la conférence maritime tient, hélas ! trop peu compte de Wallis-et-Futuna.
Selon moi, il est important de réfléchir aux moyens de remédier à cela, et je souhaiterais donc savoir ce que le Gouvernement compte faire pour mieux prendre en compte nos enjeux maritimes particuliers.
Par ailleurs, concernant le registre d’immatriculation du port de Mata-Utu, je voudrais rebondir sur le rapport du député Arnaud Leroy qui m’avait auditionné et qui a fait d’excellentes propositions pour l’amélioration du pavillon français.
Alors que le Gouvernement nous a demandé de développer les ressources propres du territoire pour moins peser sur le budget de l’État, il me paraît plus que jamais important de nous aider à relancer les immatriculations de navires au registre de Mata-Utu qui n’est nullement, je le rappelle, concurrent des registres des ports français, mais est complémentaire de ceux-ci.
C’est un objectif d’égalité et de justice fiscale que d’obtenir une même fiscalité pour les marins français embarqués sur des navires immatriculés à Mata-Utu que pour ceux dont le navire est immatriculé au Registre international français, ou RIF.
Je souhaiterais également savoir où en est la proposition d’Arnaud Leroy d’autoriser les casinos embarqués pour les navires enregistrés à Mata-Utu, proposition qui permettrait sans conteste d’attirer de nouveaux navires qui, aujourd’hui, préfèrent s’immatriculer sous d’autres pavillons.
Enfin, si nous comprenons qu’il est difficile, dans le contexte budgétaire actuel, d’envisager la création d’un véritable service des affaires maritimes à Wallis-et-Futuna, qui pourrait, sur place, instruire les dossiers d’enregistrement des navires, je souhaite vivement qu’une plus grande souplesse administrative puisse faciliter lesdits enregistrements.
M. le président. La parole est à M. le ministre délégué.
M. Frédéric Cuvillier, ministre délégué auprès du ministre de l'écologie, du développement durable et de l'énergie, chargé des transports, de la mer et de la pêche. Monsieur le sénateur, je vous remercie pour votre question qui est extrêmement importante et se situe dans le droit fil de votre implication dans le cadre des travaux organisés par façade maritime qui nous ont occupés.
Vous le savez, l’économie maritime, comme l’a confirmé le Premier ministre lors des neuvièmes Assises de l’économie maritime et du littoral, est « un gisement d’activités et d’emplois presque sans équivalent ».
L’ambition du Gouvernement est de conquérir 10 % des nouveaux marchés en la matière pour doubler le chiffre d’affaires du secteur au niveau national d’ici à 2020, lequel s’élève actuellement à 50 milliards d’euros. On sous-estime souvent l’enjeu maritime, pourtant très important pour l’ensemble de la nation.
Le développement de l’économie maritime à Wallis-et-Futuna, développement auquel vous participez, ce dont je vous remercie une fois encore, s’inscrit naturellement dans ce cadre et y aura pleinement sa place.
Dès ma prise de fonction, j’ai constaté le manque de coordination des politiques maritimes, de leurs outils et de leurs acteurs. Nous avons donc mis en place un certain nombre d’outils de coordination, à commencer par le Conseil national de la mer et des littoraux, et j’ai organisé les Assises de la mer et du littoral, qui se sont déroulées notamment dans votre territoire.
Vous avez fait référence à l’initiative qui fut la vôtre, et que nous avons cautionnée d’Assises organisées sous l’égide du préfet de Wallis-et-Futuna, en juin 2013, et auxquelles vous avez participé activement.
Grâce à cela, nous disposons d’un certain nombre de propositions sur lesquelles nous nous fonderons pour faire évoluer l’enjeu maritime, et particulièrement l’enjeu régional.
Dans ce cadre, des priorités pour Wallis-et-Futuna ont été définies, telles que la clarification des compétences dans le domaine maritime, la définition de la zone économique exclusive, la mise en valeur des ressources biologiques et minérales de cette zone. Je vous confirme que ces priorités défendues lors des Assises de la mer et du littoral sont intégrées dans le processus d’élaboration de la Stratégie nationale de la mer et du littoral dont l’État va se doter dans les six prochains mois, pour six ans.
Cette stratégie sera concrète et opérationnelle : elle sera déclinée et précisée pour chaque façade maritime par des documents stratégiques de bassin.
Dans le prolongement de ces réflexions, vous posez un certain nombre de questions, qui concernent notamment le registre de Wallis-et-Futuna. Vous avez souligné le travail qui a été confié au député Arnaud Leroy, lequel a produit un rapport de grande qualité. Je vous confirme aussi que le registre de Wallis-et-Futuna devra être juridiquement consolidé, conformément aux préconisations du rapporteur. Je crois d’ailleurs savoir que c’est totalement d’actualité puisque, cette semaine, la compagnie des îles du Ponant en parle avec le préfet de Wallis-et-Futuna, ce qui nous permettra d’ailleurs d’avoir un retour dont je vous remercie de vous faire l’interprète.
Vous évoquez d’autres questions. Je suis également sensible à vos remarques concernant l’organisation des services de l’État. Il s’agit de les simplifier, de les optimiser, mais aussi de ne pas gommer la spécificité des territoires, notamment maritimes, par l’organisation optimisée de l’État.
Enfin, votre question concernant les casinos relève pleinement du ministère de l’intérieur, mais je pourrai, à vos côtés, examiner au niveau interministériel comment une évolution pourrait intervenir.
M. le président. La parole est à M. Robert Laufoaulu.
M. Robert Laufoaulu. Monsieur le ministre, je vous remercie vivement de ces réponses positives et encourageantes pour le travail que nous réalisons sur place avec les services de l’État concernant le domaine maritime.
Nous comptons sur vous pour poursuivre ces réflexions et la mise en place d’activités au bénéfice du territoire de Wallis-et-Futuna.
desserte ferroviaire paris / clermont-ferrand
M. le président. La parole est à M. Jacques-Bernard Magner, auteur de la question n° 657, adressée à M. le ministre délégué auprès du ministre de l'écologie, du développement durable et de l'énergie, chargé des transports, de la mer et de la pêche.
M. Jacques-Bernard Magner. Monsieur le ministre, je souhaite une nouvelle fois attirer votre attention sur les problèmes de la liaison ferroviaire Paris–Clermont-Ferrand.
En effet, à la suite du report au-delà de 2030 de la réalisation de la ligne Paris–Orléans–Clermont-Ferrand–Lyon, dite POCL, il paraît particulièrement urgent d’améliorer les conditions de service sur cette ligne SNCF où les difficultés sont de toutes sortes : de nombreux retards et dysfonctionnements, arrivée en gare de Paris-Bercy et non plus en gare de Lyon, le manque de confort des trains, mais surtout une durée du trajet qui excède trois heures vingt minutes pour la quasi-totalité des trains, à l’exception du « Volcan » qui assure un aller-retour quotidien en trois heures par trajet.
Dans le Puy-de-Dôme et plus généralement en Auvergne, les milieux économiques, les élus, les voyageurs et les syndicats de cheminots sont extrêmement déçus du manque de considération dont on leur témoigne face à leurs demandes d’amélioration du service sur cette ligne, et la presse régionale se fait régulièrement l’écho du mécontentement exprimé par tous les utilisateurs de celle-ci.
À plusieurs reprises, M. René Souchon, président du conseil régional d’Auvergne, vous a signalé toutes les difficultés de la ligne ferroviaire Paris–Clermont.
Au mois de septembre dernier, mes collègues parlementaires du département du Puy-de-Dôme, Michèle André, sénatrice, Christine Pires-Beaune, députée, et moi-même avons rencontré le directeur des lignes et le directeur Intercités de la SNCF, dans l’espoir d’une amélioration du service.
À ce jour, le problème le plus urgent est celui du matériel roulant, car il n’y a aucune perspective précise pour son renouvellement. Certes, les voitures actuelles ont été rénovées, mais leur confort ne correspond pas du tout à ce que les voyageurs sont en droit d’attendre en 2014. Et l’on ne pourra pas différer de plus de deux ou trois ans l’arrivée d’un matériel moderne et performant.
Sur ce sujet, la direction de la SNCF s’exprime de manière contradictoire puisque tantôt elle promet des rames de TGV restaurées, tantôt elle plaide pour un nouveau matériel.
Alstom, avec son Coradia Liner V200, semble en mesure de répondre à la demande en matériel. Celui-ci pourrait être mis en service en 2017, sous réserve d’utiliser l’accord-cadre SNCF. Ne pas utiliser cet accord-cadre retarderait les délais d’au moins cinq ans, ce qui paraît insupportable.
Monsieur le ministre, c’est à l’État, autorité organisatrice de transport pour les trains d’équilibre du territoire, en l’occurrence pour le Téoz Paris–Clermont-Ferrand, de décider et de prendre en charge les choix à faire, d’autant plus que cette ligne est parfaitement rentable, comme vous le savez.
Aussi je vous demande de bien vouloir me préciser quelles décisions vous allez prendre pour améliorer la desserte ferroviaire Paris–Clermont-Ferrand ainsi que les délais de mise en œuvre de ces décisions.
M. le président. La parole est à M. le ministre délégué.
M. Frédéric Cuvillier, ministre délégué auprès du ministre de l'écologie, du développement durable et de l'énergie, chargé des transports, de la mer et de la pêche. Monsieur le sénateur, je vous remercie pour votre question. L’occasion m’est ainsi donnée de vous apporter les informations les plus récentes.
Vous savez que la desserte Paris–Clermont-Ferrand constitue l’une des lignes principales d’équilibre du territoire. L’État, en tant qu’autorité organisatrice, y est particulièrement attaché.
L’amélioration de cette ligne ne pourra pas attendre la réalisation future du projet de LGV Paris–Orléans–Clermont-Ferrand–Lyon, dite POCL, que la commission « Mobilité 21 » a d’ailleurs classé parmi les secondes priorités, même si, en raison des incertitudes liées à la saturation de l’axe actuel Paris–Lyon, elle a recommandé que de premiers travaux soient anticipés avant 2030.
J’ai tenu à la mise en place d’un observatoire de la saturation ferroviaire de l’axe Paris–Lyon actuel de façon que nous puissions juger de l’opportunité d’engager des travaux rapidement.
En outre, le préfet de la région Auvergne continue de coordonner des études préalables au projet dans le but d’élaborer un scénario unique à la fin de l’année 2014. Ces échéances nous imposent donc de travailler sur l’amélioration de l’offre de transport actuelle sur la ligne Paris–Clermont.
Je suis attentif aux témoignages des élus.
S’agissant du renouvellement du matériel roulant, le Premier ministre a annoncé en juillet dernier que l’ensemble des trains d’équilibre du territoire seraient renouvelés d’ici à 2025. C’est d’autant plus important qu’aucune commande n’a été passée depuis trente ans en matière de trains Intercités et Corail. L’État a signé le 4 décembre dernier une convention de financement d’un montant de 510 millions d’euros pour une première tranche de renouvellement du matériel. Elle concerne le renouvellement du matériel thermique, qui est obsolète.
Le matériel roulant de la ligne Paris–Clermont-Ferrand est ancien, avec un âge moyen de plus de trente-cinq ans. Il faut bien convenir que, hormis la rénovation de Téoz, rien n’a été fait ces dernières années. Il nous faut donc agir dans l’urgence. Un appel d’offres sera lancé en 2015, pour des premières livraisons à partir de 2018, compte tenu du temps nécessaire à la construction du matériel. La ligne Paris–Clermont-Ferrand sera l’une des lignes bénéficiaires.
Cependant, ce n’est pas suffisant, et nous devons renouveler d’autres matériels.
La SNCF avait proposé d’utiliser des rames de TGV rénovées, mais les services de la direction générale des infrastructures, des transports et de la mer, la DGITM, ont mis en évidence un certain nombre d’obstacles techniques. J’ai demandé des éclaircissements, afin de savoir si nous pouvons engager la rénovation des rames Corail tout en recourant à des rames de TGV rénovées pour certains services partiels.
Je le dis très clairement devant vous, qui représentez la nation, la SNCF doit dire des choses vraies quand elle communique. Elle doit être certaine de ce qu’elle dit. En effet, on ne peut pas engager des programmes dans une situation d’incertitude technique et budgétaire. Lorsqu’on s’adresse à des élus, il faut leur indiquer les responsabilités que l’on est capable d’assumer ; j’aurais bientôt l’occasion de le redire au président de la SNCF, Guillaume Pépy.
M. le président. La parole est à M. Jacques-Bernard Magner.
M. Jacques-Bernard Magner. Monsieur le ministre, je vous remercie de cette réponse détaillée et relativement précise, même si vous ne pouvez pas vous engager sur des dates exactes. Ce que je vous demande, au nom de tous les élus de la région, ainsi que des milieux d’affaires, qui se plaignent beaucoup, c’est de faire en sorte que Clermont soit rapprochée de Paris. La qualité des véhicules est importante, mais la durée du trajet l’est tout autant : trois heures au minimum, c’est vraiment trop. On peut imaginer que, en améliorant l’infrastructure et le matériel, on arrivera à passer sous les trois heures.
Je sais qu’on n’atteindra pas la vitesse des TGV, mais il faut tout de même des améliorations, d’autant que notre ligne aérienne – cela fait également partie du débat – ne s’améliore pas, notamment pour ce qui concerne Orly. Toutes les semaines, mes collègues et moi-même constatons que des usagers sont mécontents du train comme des liaisons aériennes. On ne peut pas laisser nos milieux économiques, qui sont la clientèle principale de ces moyens de transport, désespérer plus longtemps. J’espère donc que Clermont-Ferrand sera bientôt dotée du matériel adéquat. (M. Jean Besson applaudit.)
carnet de commande des chantiers de saint-nazaire
M. le président. La parole est à M. Joël Guerriau, auteur de la question n° 637, adressée à M. le ministre du redressement productif.
M. Joël Guerriau. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, voilà moins de dix ans, les Chantiers de l’Atlantique de Saint-Nazaire employaient 5 000 salariés. Ils n’en comptent plus que 2 000 aujourd’hui. S’y ajoutent plusieurs milliers d’emplois dans une soixantaine d’entreprises sous-traitantes.
Tout un bassin d’emploi souffre et s’inquiète. Après plus d’une année sans commande, le groupe sud-coréen STX, en mal de liquidités, a annoncé qu’il cherchait à vendre les Chantiers de Saint-Nazaire. Depuis cette annonce, la situation a évolué: la compagnie Brittany Ferries a annoncé le 14 janvier la signature avec le groupe STX d’un contrat pour la construction d’un des trois plus grands navires à gaz naturel liquéfié du monde. Cela représente 2,6 millions d’heures de travail et l’équivalent de 500 emplois pendant trois ans.
Le croisiériste MSC, client historique des Chantiers, conditionne quant à lui la signature d’une commande de deux paquebots fermes et de deux options à une baisse de prix, qui rapprocherait l’offre des Chantiers des offres européennes concurrentes. Cette commande, primordiale pour l’avenir des Chantiers, passe par un accord de compétitivité qui tarde à être définitivement validé malgré le feu vert de deux syndicats.
Monsieur le ministre, quelles actions concrètes va mener l’État, actionnaire à 33,34 % des Chantiers grâce à une politique volontariste datant de 2008, pour permettre la levée des blocages qui rendent incertaine la signature de ce contrat indispensable ? L’incertitude quant à la stabilité de l’actionnariat principal fragilise les Chantiers, dans un contexte de concurrence internationale particulièrement âpre. L’État est-il prêt à s’investir davantage ? Quels plans le Gouvernement mettra-t-il en œuvre pour contribuer à remplir durablement le carnet de commandes des Chantiers de l’Atlantique ?
M. le président. La parole est à M. le ministre délégué.
M. Frédéric Cuvillier, ministre délégué auprès du ministre de l'écologie, du développement durable et de l'énergie, chargé des transports, de la mer et de la pêche. Monsieur le sénateur, je vous prie tout d'abord d’excuser l’absence d’Arnaud Montebourg, qui, ne pouvant être présent au Sénat ce matin, m’a demandé de vous répondre. Du reste, compte tenu de la nature de mon portefeuille ministériel, nous travaillons ensemble sur la question des Chantiers de l’Atlantique, qui présentent un véritable intérêt stratégique.
Vous craignez qu’une incertitude quant à la stabilité de l’actionnariat de STX France ne perturbe la compétitivité des Chantiers. Ceux-ci auraient alors plus de difficultés à prendre des commandes mais aussi à structurer la filière, dont nous avons eu l’occasion de souligner le caractère stratégique dans une période de renouvellement des flottes. Vous avez évoqué les perspectives d’adaptation des navires aux stipulations de la convention Marpol ; des commandes devraient en découler.
Il est possible que la restructuration du groupe sud-coréen conduise à la cession de certains de ses actifs, y compris en Europe, et il faut évidemment veiller à ce que cette situation n’affecte pas les perspectives commerciales et financières de l’entreprise. Je peux vous assurer que le Gouvernement suit la situation de très près. En sa qualité d’actionnaire de la Banque publique d’investissement, la BPI, qui détient 33 % du capital des Chantiers, aucune évolution de l’actionnariat ne peut se faire sans qu’il en soit informé. Aucun projet de cet ordre n’a été notifié à ce jour.
Si les intentions du groupe STX devaient se confirmer, il est clair que le Gouvernement serait particulièrement attentif à la qualité du projet industriel formulé par d’éventuels investisseurs ainsi qu’à la crédibilité de leur signature. Je tiens à vous rassurer : ces développements n’affectent en rien l’activité des Chantiers de l’Atlantique. Ceux-ci ont d’importantes commandes à livrer – vous en avez cité certaines –, et espèrent signer bientôt des contrats majeurs. Le financement de l’entreprise et celui des commandes sont séparés de celui du groupe STX. Ni l’emploi ni le savoir-faire des Chantiers ne sont menacés ; nous serons extrêmement attentifs à ce qu’il en demeure ainsi.
Comme vous l’avez souligné, nous entrons dans une période sensible pour le transport maritime, du fait de la montée en puissance du renouvellement des flottes. Tous les grands opérateurs, depuis les groupes internationaux jusqu’à l’acteur maritime national, doivent anticiper ce renouvellement. Il est important que nous puissions nous baser sur la qualité, l’expertise et la robustesse des chantiers navals STX.
M. le président. La parole est à M. Joël Guerriau.
M. Joël Guerriau. Monsieur le ministre, les Chantiers de Saint-Nazaire doivent à leur savoir-faire et à leur technicité d’avoir gardé la confiance de certains clients – vous avez évoqué les perspectives de commande –, malgré un handicap de compétitivité important par rapport aux autres chantiers européens, point que vous n’avez pas mentionné dans votre réponse.
Le maintien du savoir-faire des Chantiers de Saint-Nazaire en France est un enjeu économique considérable : la délocalisation définitive de la construction des méthaniers, après transfert – je devrais dire pillage – de notre technologie, est encore dans nos mémoires ; il s’agit là d’une vraie préoccupation.
Il apparaît clairement que notre handicap de compétitivité, conséquence inavouée de la loi sur les 35 heures, ira croissant, jusqu’à devenir insurmontable. Les réponses que vous faites permettront peut-être de repousser l’échéance, mais elles n’apportent pas de solution pour assurer durablement l’avenir des Chantiers de Saint-Nazaire.
Depuis plus d’une décennie, l’histoire des Chantiers est faite de hauts et de bas, l’euphorie consécutive à la prise d’une grosse commande alternant avec les plans de départs volontaires et un chômage partiel de plus en plus fréquent. L’histoire continuera, de crise en crise et de sauvetage en sauvetage : dans un secteur où la concurrence internationale est particulièrement âpre, donner la possibilité à notre industrie de se battre à armes égales est la seule solution pérenne
Le groupe sud-coréen STX avait annoncé vouloir vendre ses chantiers européens pour faire face à un problème de liquidités. Le devenir de l’un des fleurons de notre industrie passe aussi par un actionnariat majoritaire stable et fiable ; le rôle de l’État revêt une importance considérable à cet égard.
Monsieur le ministre, je vous remercie de votre réponse. Je sais que nous partageons le désir que les Chantiers de Saint-Nazaire puissent voir leur avenir assuré durablement.
extension du plateau continental dans les territoires ultramarins
M. le président. La parole est à M. Jacques Mézard, auteur de la question n° 649, adressée à M. le ministre des outre-mer.
M. Jacques Mézard. Ma question porte sur la politique du Gouvernement en matière d’extension du plateau continental au-delà de la zone des deux cents milles marins dans les territoires ultramarins. En effet, mon groupe n’est pas polarisé sur le sud-ouest métropolitain ; il s’intéresse aux intérêts de la nation et de la République.
M. Didier Guillaume. Très bien !
M. Jacques Mézard. Forte de ses onze millions de kilomètres carrés de zone économique exclusive – c’est la deuxième superficie dans le monde –, la France dispose d’un espace maritime exceptionnel, qu’elle n’a pas su mettre suffisamment en valeur. Les richesses potentielles que recèlent les sous-sols – hydrocarbures, nodules polymétalliques, hydrogène naturel, ressources biologiques – constituent un atout considérable, qui appelle la mise en place d’un modèle de développement efficace économiquement et soucieux de la protection de l’environnement.
L’article 76 de la convention des Nations unies sur le droit de la mer, signée le 10 décembre 1982, autorise les États côtiers à étendre leur plateau continental au-delà de la limite des deux cents milles marins. En France, cette mesure fait l’objet du programme d’extension raisonnée du plateau continental, ou EXTRAPLAC. Il est essentiel que notre pays concrétise au plus vite les démarches actives engagées afin de saisir cette opportunité.
Je m’attarderai sur un dossier emblématique : le plateau continental français au large de Saint-Pierre-et-Miquelon. La France, réussissant à dépasser une certaine torpeur administrative initiale, a déployé les moyens nécessaires au dépôt du dossier définitif de demande au printemps 2014, conformément à la volonté du Gouvernement. C’est la suite logique du dépôt d’une lettre d’intention au mois de mai 2009, à l’issue de la mobilisation de toute la population de l’archipel. Des travaux avaient été menés au Parlement, et notamment à l’Assemblée nationale par les députés radicaux Annick Girardin et Paul Giacobbi.
Pour permettre le plein déploiement du programme EXTRAPLAC et la mise en œuvre d’une politique maritime ambitieuse, il est essentiel que la France se dote de moyens politiques et financiers à la hauteur des enjeux. L’État doit faire preuve d’une volonté résolue s'agissant tant du dépôt des dossiers définitifs de Saint-Pierre-et-Miquelon, de la Polynésie française et de Clipperton, que de la conduite des négociations avec les États voisins au sujet de la Nouvelle-Calédonie, de la Guyane, de la Guadeloupe, de la Martinique et des îles Kerguelen. Monsieur le ministre, je trouve que l’on ne s’occupe pas suffisamment des îles Kerguelen, Saint-Paul, Amsterdam et Crozet. Il y a là un espace de deux millions de kilomètres carrés qui mérite davantage d’attention de la part de la République.
La volonté résolue de l’État est la condition de la protection de ces environnements par l’entremise de programmes scientifiques de haut niveau et d’une exploitation raisonnée des ressources. Monsieur le ministre, pouvez-vous nous confirmer l’intention du Gouvernement de renforcer dans les plus brefs délais les moyens déployés au service de la stratégie relative à l’extension du plateau continental de la France dans les territoires ultramarins ?
M. le président. La parole est à M. le ministre.
M. Victorin Lurel, ministre des outre-mer. Monsieur le sénateur, vous me donnez l’occasion de faire un point clair sur une question qui, à mon sens, suscite trop de doutes. Je serai donc précis.
Le ministère des outre-mer défend de manière constante les intérêts de nos territoires ultramarins. Il veille à la valorisation et à la préservation la plus complète possible des droits souverains de la France sur les ressources naturelles du sol et du sous-sol marin.
À cet égard, je partage votre avis lorsque vous dites que certains territoires – vous citiez les îles Éparses et l’archipel de Crozet – ne seraient pas suffisamment pris en compte. Aussi ai-je tenu, sitôt arrivé au ministère des outre-mer, à montrer qu’il n’y a pas simplement onze, mais douze territoires, même si certains ne sont pas habités. Par ailleurs, il faut savoir que je suis l’un des rares ministres depuis 1966 à m’être rendu dans ces zones.
Je ne suis pas encore allé aux îles Kerguelen, car il faut trois semaines de voyage, malgré les progrès de la technique, mais je me suis rendu à Tromelin, à Glorieuses, et je dois très bientôt aller à Juan de Nova, où se trouvent des ressources jusqu’ici insoupçonnées.
M. Jacques Mézard. Du homard ! (Sourires.)
M. Didier Guillaume. Très bien !
M. Victorin Lurel, ministre. Le programme EXTRAPLAC, chargé d’étudier la faisabilité des demandes françaises et de constituer les dossiers à déposer auprès de la Commission des limites du plateau continental, la CLPC, a bénéficié des moyens budgétaires nécessaires pour prendre au mieux en compte les intérêts nationaux, en particulier ceux des outre-mer, sans qu’aucun retard ait été enregistré, contrairement à ce que j’entends souvent dire.
La France a respecté la date limite pour déposer les dossiers d’extension du plateau continental auprès du secrétaire général des Nations unies, fixée au 13 mai 2009, en ce qui concerne la Guyane, la Nouvelle-Calédonie, les Antilles françaises, les îles Kerguelen, l’archipel de Crozet, la Réunion, les îles Saint-Paul-et-Amsterdam et Wallis-et-Futuna. La CLPC a d’ailleurs déjà validé l’extension pour un certain nombre de ces territoires, à savoir la Guyane – 76 000 kilomètres carrés –, le sud-ouest de la Nouvelle-Calédonie – 76 300 kilomètres carrés –, les Antilles françaises – 7 408 kilomètres carrés –, les îles Kerguelen – 425 000 kilomètres carrés –, et procède actuellement à l’examen d’autres dossiers.
S’agissant de la Martinique, de la Guadeloupe et de la Guyane, îles pour lesquelles la CLPC a déjà émis ses recommandations, les négociations de délimitation avec les États voisins – la Barbade, la Dominique et le Suriname – sont largement avancées. En revanche, nous avons d’autres problèmes avec la Dominique et Sainte-Lucie sur la délimitation des eaux territoriales et les conventions de pêche à passer, lesquelles relèvent de l’Union européenne.
Pour la Nouvelle-Calédonie, la CLPC a validé l’extension du plateau continental sur la partie sud-ouest et a gelé l’examen de notre demande portant sur la partie est en raison de l’objection du Vanuatu qui invoque un conflit de souveraineté sur les îles Matthew et Hunter. La France réitère régulièrement sa disponibilité à engager des discussions techniques avec cet État afin de lever l’objection sur cette partie du dossier, sans qu’il soit pour autant donné suite à sa proposition.
Les derniers dossiers que le Gouvernement français entend déposer sont relatifs, comme vous l’avez précisé, à Saint-Pierre-et-Miquelon et à la Polynésie française. Ils seront déposés respectivement au printemps 2014 – au plus tard dans trois mois – pour le premier, et courant 2015 pour le second. Concernant Saint-Pierre-et-Miquelon, je mesure l’intensité des attentes de nos concitoyens de l’archipel. Conformément à l’engagement très fort pris par le Président de la République sur ce sujet à la fin de l’année 2013, engagement réitéré lors des vœux aux outre-mer le 23 janvier 2014, je vous confirme de la manière la plus claire possible que la France va déposer un dossier faisant valoir ses droits légitimes au titre de son plateau continental au large de Saint-Pierre-et-Miquelon.
Les seuls territoires pour lesquels la France ne déposera pas de demande d’extension sont Saint-Martin, Saint-Barthélemy, certaines îles Éparses – Glorieuses, Juan de Nova, Bassas de India et Tromelin – et l’île de Clipperton, que vous avez évoquée, en raison de la contiguïté de leur zone économique exclusive avec celles d’États voisins ou de l’absence des critères scientifiques et techniques permettant de justifier l’extension, ce qui est en fait le vrai motif.
Enfin, outre le programme EXTRAPLAC, largement exécuté, les perspectives de développement économique de ressources minérales ont conduit au lancement d’importants travaux par un consortium de scientifiques sur l’exploration et l’exploitation des grands fonds marins. Cette expertise scientifique constituera la première réalisation du programme national de recherche et d’accès aux ressources minérales des grands fonds marins, annoncé par le Premier ministre dans le prolongement du comité interministériel de la mer du 2 décembre 2013. L’expertise porte sur les grands fonds sous juridiction française, ainsi que sur les zones situées au-delà des juridictions françaises.
Telle est la réponse que je tenais à vous faire, monsieur le sénateur, pour vous montrer nos préoccupations et le travail qui est réalisé.
M. le président. La parole est à M. Jacques Mézard.
M. Jacques Mézard. Monsieur le ministre, je vous remercie de votre réponse complète, qui me permet de disposer d’un certain nombre d’explications sur la politique menée, laquelle est rassurante en ce qui concerne Saint-Pierre-et-Miquelon. À mon sens, il importe d’être très attentif à ces îles, et en particulier à celles qui n’ont pas d’électeurs… N’oublions jamais que ces possessions ont de l’avenir, même si personne n’y vote. C’était d’ailleurs aussi l’objet de la question orale que j’avais déposée. (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste.)
risque d'inondation en île-de-france
M. le président. La parole est à M. Christian Cambon, auteur de la question n° 510, adressée à M. le ministre de l'écologie, du développement durable et de l'énergie.
M. Christian Cambon. Monsieur le président, je vais ramener mes collègues de l’île de Clipperton à la région d’Île-de-France, puisque ma question a trait aux risques d’inondation dans notre région.
Alors que la région Midi-Pyrénées a été frappée en juin 2013 par une crue exceptionnelle qui a causé des dégâts catastrophiques pour la population, alors même que le Var et, ces jours derniers, la Gironde viennent également de subir de lourds dommages, les Franciliens s’interrogent sur les risques possibles de crues et d’inondations en Île-de-France.
Située au cœur de trois confluences de la Seine, avec l’Yonne, la Marne et l’Oise, la région d’Île-de-France n’a certes pas enregistré de crue majeure depuis près de soixante ans. Pourtant, les risques sont là, l’urbanisation croissante de la région augmentant sa vulnérabilité à ces menaces.
En effet, depuis vingt-cinq ans, les zones urbanisées ne cessent de croître avec de nombreuses constructions d’habitations, de zones d’activités et d’infrastructures de transport, d’énergie, de communication et de production d’eau, tous éléments qui ne manqueraient pas d’être touchés en cas de crue importante et exceptionnelle.
Aujourd’hui, près de 20 000 hectares sont en zone inondable. Par conséquent, ce sont environ un peu plus de 3 millions d’habitants, dont 70 % à Paris et en petite couronne, ainsi que 2 millions d’emplois qui seraient immédiatement concernés.
Le risque en petite couronne est particulièrement élevé. Le département du Val-de-Marne représente, à lui seul, 27 % des surfaces d’habitat vulnérables avec près de 1 650 hectares. Mon collègue Luc Carvounas, ici présent, qui est maire d’Alfortville, verrait sa commune entièrement submergée, selon le plan de prévention des risques d’inondation, le PPRI.
Nous le savons, la région concentre les principaux pouvoirs économiques, politiques et représente plus du tiers de l’activité économique de la France. Il faut savoir qu’une inondation d’une exceptionnelle intensité paralyserait cinq lignes de RER, la totalité du métro, les cinq grandes gares SNCF, ainsi que les usines d’électricité et de production d’eau. Plus de 340 établissements de santé seraient touchés. Cet impact dépasserait largement la seule zone inondée, puisque plusieurs millions de personnes en subiraient les effets indirects : fragilités électriques, impossibilité de déplacement, désorganisation des services publics.
Certes, même si ce n’est pas l’objet de ma question, les PPRI ont été imposés aux maires, mais leurs effets sont limités. En outre, malgré les aménagements réalisés le long des berges et la mise en place de quatre barrages de rétention en amont de la capitale, on peut s’interroger sur la capacité de ces équipements à résister à une crue d’importance exceptionnelle.
L’Organisation de coopération et de développement économiques, l’OCDE, vient de dévoiler la deuxième partie de son rapport concernant les risques d’une crue exceptionnelle de la Seine à Paris, confirmant que 5 millions de personnes pourraient être touchées, pour un coût financier évalué entre 3 milliards et 30 milliards d’euros. L’OCDE dénonce l’absence de vision stratégique d’ensemble et suggère une meilleure coordination articulée entre les acteurs nationaux, locaux, c’est-à-dire la région, les départements et les municipalités.
Elle préconise également une meilleure gouvernance concernant l’expérimentation du projet de stockage dit de la Bassée. Ce projet de construction d’un cinquième barrage en amont de Paris dans la vallée de la Bassée consiste à réaliser dix bassins de retenue d’eau capables de recevoir de l’eau pompée dans la Seine. Malheureusement, ce projet, au coût particulièrement élevé de 500 millions d’euros, divise bien évidemment les élus.
En réponse à ces préoccupations, notamment ce chevauchement des responsabilités entre l’État, la région et les communes pointé par l’OCDE, monsieur le ministre, la préfecture de police a annoncé au mois de janvier la création d’un comité stratégique local dédié au renforcement de la coordination des acteurs du territoire. Cette structure sera également chargée de mettre en place « une stratégie locale partagée de gestion des risques à l’échelle du territoire francilien à compter de 2015 ». Espérons que nous pourrons attendre jusque-là…
Aussi, monsieur le ministre, pourriez-vous nous dire si les enjeux « inondations » sont véritablement pris en compte dans les réflexions d’aménagement de cette future métropole qui va voir le jour et, plus généralement, de la région d’Île-de-France, et quels sont les moyens mis en œuvre pour la gestion de crise ?
M. le président. Monsieur le ministre, mes chers collègues, je vous invite à bien respecter vos temps de parole, faute de quoi tous les sénateurs ne pourront poser leur question orale sans débat ce matin.
La parole est à M. le ministre.
M. Philippe Martin, ministre de l'écologie, du développement durable et de l'énergie. Monsieur le sénateur Christian Cambon, j’étais en Bretagne avec M. le ministre de l’intérieur, Manuel Valls, début janvier ; j’étais avec M. le Premier ministre et M. le ministre de l’intérieur dans le Var, également au mois de janvier ; j’étais chez moi, dans le Sud-Ouest, le week-end dernier, et j’ai pu voir que les Hautes-Pyrénées, les Pyrénées-Atlantiques, mais aussi le Gers, ont été meurtris par des inondations.
Vous avez raison de souligner que ces événements nous rappellent de façon spectaculaire que la France est toujours menacée par de tels phénomènes et que nous devons entrer dans cette culture du risque qui doit nous faire regarder les aléas climatiques avec encore plus d’attention qu’auparavant.
La région parisienne reste elle aussi exposée à ce risque. Nous le savons, la grande crue de 1910 a marqué à jamais les esprits.
Le rapport de l’OCDE, rendu public le 24 janvier 2014, que j’ai lu comme vous, indique que près de 5 millions de personnes pourraient être concernées, directement ou indirectement, si la crue de 1910 se reproduisait aujourd’hui. Près de 430 000 logements pourraient alors être touchés et les dommages directs auraient un coût faramineux de 15 à 20 milliards d’euros.
Pour protéger les Franciliens, différentes mesures ont été prises, qui vont de l’adaptation de l’urbanisation en zone inondable à la mise en œuvre de projets globaux de prévention des inondations, en passant par une gestion de crise efficace.
La réactivité des collectivités locales, l’appui des Établissements publics territoriaux de bassin et des services de l’État sont autant de moyens nécessaires qui peuvent assurer la protection de nos concitoyens.
Même si le risque d’inondation est d’ores et déjà intégré aux projets d’aménagement, la mise en œuvre du Grand Paris constituera aussi une véritable opportunité de progresser dans cette culture du risque que j’évoquais et qui doit désormais nous animer.
L’Établissement public des grands lacs de Seine a élaboré, avec le soutien de l’État, un programme d’action de prévention des inondations qui a été validé au niveau national en décembre 2013 et sera lancé prochainement.
Concernant la gestion de crise, le préfet de police de Paris mobilise régulièrement l’ensemble des opérateurs dont la préparation est primordiale pour mettre en sécurité les installations stratégiques, assurer une continuité des services essentiels tels que l’eau, l’électricité, les déchets, les transports, et faciliter la remise en état.
Comme il en a fait la preuve en Bretagne, dans le Var, dans le Sud-Ouest, comme il le fera à chaque occasion, soyez assuré, monsieur le sénateur, que le Gouvernement restera vigilant et mobilisé pour que la réponse de l’État soit à la hauteur du péril.
M. le président. La parole est à M. Christian Cambon.
M. Christian Cambon. Je remercie M. le ministre de nous avoir apporté ces précisions, mais je reste malgré tout un peu inquiet de la faible mobilisation. En tant que maire, je suis assez rarement – pour ne pas dire jamais – convié à des réunions, alors que ma ville borde la Marne sur trois kilomètres. Je n’ai pas le sentiment que, dans notre département particulièrement exposé, il y ait cette sensibilisation des élus, des acteurs. Or nous savons bien que, lorsqu’une crue démarre, il faut très vite apporter des réponses aux populations.
J’espère donc que le comité stratégique mis en place par le préfet de police associera tous les acteurs, dont les maires font à mes yeux partie. Je vous remercie de bien vouloir prendre la mesure de ce problème.
classement du parc naturel régional des baronnies provençales
M. le président. La parole est à M. Jean Besson, auteur de la question n° 686, adressée à M. le ministre de l'écologie, du développement durable et de l'énergie.
M. Jean Besson. Monsieur le président, mes chers collègues, j’appelle l’attention de M. le ministre sur la conclusion de la procédure de classement du parc naturel régional des Baronnies Provençales.
Le territoire concerné par le projet de parc régional couvre 220 000 hectares, avec une population très faible puisque la densité moyenne y est de quinze habitants au kilomètre carré. Dans le canton de Rémuzat, qui m’est cher car j’en ai été le conseiller général pendant vingt-cinq ans, cette densité est parfois de moins de deux habitants au kilomètre carré, et soixante-deux des communes concernées par le projet comptent aujourd’hui moins de cent habitants.
On comprend aisément les difficultés quotidiennes que les élus ou les habitants rencontrent pour vivre dans ce territoire. Pourtant, ils y sont fermement attachés.
Les Baronnies Provençales sont en effet un territoire d’exception. Elles appartiennent à ce que l’on appelle les « Préalpes », qui bénéficient des influences à la fois méditerranéennes et alpines, d’une biodiversité et de paysages remarquables. On y trouve des femmes et des hommes qui veulent continuer à vivre sur ce territoire.
Il fallait donc s’appuyer sur ces atouts pour fonder un nouveau développement fédérateur des énergies. Avec de nombreux élus de cette région, tout particulièrement Didier Guillaume, président du conseil général de la Drôme, j’ai été un fervent défenseur du projet de création de parc naturel régional.
En 2004, les régions Rhône-Alpes et Provence-Alpes-Côte d’Azur ont toutes deux décidé, le même jour, de lancer la procédure de création de ce parc. À la suite de l’instauration du syndicat mixte des Baronnies Provençales, en 2007, la procédure d’élaboration de la charte du parc a permis d’associer toutes les forces vives du territoire, dans une démarche d’ouverture et de main tendue.
En 2010, au vu de l’avant-projet de charte, la Fédération des parcs naturels régionaux de France et le Conseil national de la protection de la nature ont unanimement souligné la pertinence de ce projet, qui bénéficie également du total soutien du conseil général de la Drôme et du conseil général des Hautes-Alpes.
Quelque quatre-vingt-six communes représentant 30 700 habitants et la totalité des douze communautés de communes, sans discontinuité territoriale, ont approuvé la charte.
Ce projet a reçu un très large soutien à tous les niveaux, quelle que soit la sensibilité politique des différents acteurs. Il a bénéficié du vote favorable de plus des deux tiers des 1 600 élus municipaux appelés à s’exprimer sur la charte.
Les acteurs économiques, sociaux et associatifs sont d’ores et déjà engagés avec le syndicat mixte, les départements et les régions dans des actions qui permettent, chaque jour, de relever le défi du développement de ce territoire. Monsieur le ministre, pour conclure la procédure, seule manque aujourd’hui la décision de classement de l’État.
Je souhaite donc vous interroger sur les prochaines échéances qui permettront de disposer enfin de la reconnaissance et des outils que cette superbe région mérite. (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste.)
M. le président. La parole est à M. le ministre.
M. Philippe Martin, ministre de l'écologie, du développement durable et de l'énergie. Monsieur le sénateur, vous comprendrez que ma réponse s’adresse également à Didier Guillaume, tant je sais que vous avez tous deux partie liée sur ce magnifique projet de création du parc naturel régional des Baronnies Provençales. Je connais votre attachement à ce sujet. Soyez assuré de mon total soutien.
Le périmètre d’étude arrêté en 2004 par les régions Rhône-Alpes et Provence-Alpes-Côte d’Azur présente toutes les qualités requises, que ce soit en termes de richesses naturelles, culturelles et paysagères, pour prétendre au classement en parc naturel régional. Je sais le soutien constant apporté par le conseil général de la Drôme à ce projet. La large consultation des acteurs locaux dans le cadre de la procédure de création a d’ailleurs permis d’en confirmer l’opportunité.
La Fédération des parcs naturels régionaux de France ainsi que le Conseil national de la protection de la nature ont tous deux rendu, en 2010, un avis favorable sur une telle création, soulignant à cette occasion la qualité du projet de la charte.
Mon ministère a également rendu un avis intermédiaire favorable, en relevant notamment la large concertation conduite avec l’ensemble des partenaires tout au long du processus d’élaboration de la charte ainsi que le dynamisme de l’équipe de préfiguration du parc.
Je l’indique solennellement, je souhaite que le projet de parc naturel régional puisse désormais rapidement aboutir. Aux communes qui hésitent et n’ont pas encore approuvé le projet de charte, je veux dire qu’il s’agit d’une chance pour leur territoire. La création d’un parc naturel régional est un projet de développement local durable et n’est pas, comme certains le prétendent, la « mise sous cloche » dudit territoire.
Les services de l’État apporteront tout leur appui à l’équipe de préfiguration, monsieur le sénateur, afin de faire aboutir un projet qui sera utile à la valorisation des Baronnies Provençales. (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste.)
M. le président. La parole est à M. Jean Besson.
M. Jean Besson. M. le ministre connaît très bien le dossier et je l’en remercie. Je voulais simplement ajouter une précision. La carte de la région le montre clairement (L’orateur en brandit une.), le seul espace entre les parcs naturels régionaux des Bauges et du Massif de la Chartreuse, d’une part, et du Luberon et des Préalpes d’Azur, d’autre part, est constitué par les Baronnies Provençales.
Par conséquent, notre demande est totalement justifiée. Les forces vives que j’ai citées, les élus, le conseil général de la Drôme et celui des Hautes-Alpes seraient bien entendu très déçus si ce projet de parc n’aboutissait pas.
avenir des épiceries sociales et solidaires
M. le président. La parole est à M. Luc Carvounas, auteur de la question n° 667, adressée à M. le ministre délégué auprès du ministre de l'économie et des finances, chargé de l'économie sociale et solidaire et de la consommation.
M. Luc Carvounas. Monsieur le président, madame la ministre, mes chers collègues, je souhaite attirer votre attention sur l’avenir des épiceries sociales et solidaires.
Le 27 juin 2013, les présidents du Conseil européen, du Parlement européen et de la Commission européenne ont trouvé un accord pour la création d’un fonds européen d’aide aux plus démunis doté de 3,5 milliards d’euros sur sept ans.
Je tiens tout d’abord à saluer le rôle déterminant du Gouvernement français dans cette décision, qui a permis de maintenir la totalité des crédits alloués aux associations françaises d’aide alimentaire, alors qu’il était question de supprimer leurs subsides européens.
Cependant, les épiceries sociales et solidaires ont été exclues de fait de ce fonds eu égard à l’obligation faite aux associations de délivrer gratuitement des denrées alimentaires.
Or le modèle des épiceries sociales et solidaires repose précisément sur une participation symbolique de leurs bénéficiaires qui permet aux personnes en difficulté de voir leur dignité respectée et d’alléger leur sensation de dépendance à l’autre, sentiment qui s’ajoute très souvent à celui de déclassement qu’elles éprouvent. De plus, cette participation permet de financer diverses actions d’insertion sociale en matière d’aide au logement, de soutien à l’insertion professionnelle, ou encore d’accès aux soins.
Madame la ministre, pour toutes ces raisons et parce que ces épiceries sont un maillon essentiel de notre modèle de solidarité nationale, je souhaiterais savoir ce que le Gouvernement entend faire pour protéger et pérenniser les épiceries sociales et solidaires. (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste.)
M. le président. La parole est à Mme la ministre déléguée.
Mme Marie-Arlette Carlotti, ministre déléguée auprès de la ministre des affaires sociales et de la santé, chargée des personnes handicapées et de la lutte contre l'exclusion. Monsieur le sénateur, vous avez raison de saluer la création du Fonds européen d’aide aux plus démunis, le FEAD, qui succède au Programme européen d’aide aux plus démunis. Ce n’était pas gagné d’avance, vous le savez. C’est grâce au combat du Président de la République et du Gouvernement, au soutien sans faille des députés européens ainsi qu’à la mobilisation de l’ensemble des associations qu’a été maintenue une aide alimentaire européenne de 3,5 milliards d’euros sur la période 2014-2020, soit un montant équivalent à celui qui avait été octroyé pour la période précédente.
Mais les critères sont différents. Pour compenser la baisse des crédits alloués à la France, au mois de décembre dernier, le Gouvernement a décidé de débloquer un crédit exceptionnel de 8,2 millions d’euros dédié à l’aide alimentaire. Ce crédit augmentera le programme 304 de la mission « Solidarité, insertion et égalité des chances » qui finance l’aide alimentaire nationale.
Dans notre pays, trois millions de personnes bénéficient de l’aide alimentaire et dix-huit millions à l’échelle européenne. C’est avant tout pour elles que le Président de la République, le Gouvernement et tous ceux qui se sont mobilisés ont mené ce combat.
Reste le problème que vous soulignez, monsieur le sénateur, des épiceries sociales et solidaires, dont certaines dépendaient hier de l’aide alimentaire européenne par l’intermédiaire de la Fédération française des banques alimentaires. Aujourd’hui, elles sont au nombre de 729 en France. Elles effectuent un travail remarquable et souvent innovant qui va bien au-delà de la simple aide alimentaire, vous avez raison de le relever, et produit du lien social pour accompagner des foyers en extrême difficulté ou des familles précaires.
Cependant, comme vous le soulignez, le règlement du FEAD ne permet pas une participation, même symbolique, de la personne à laquelle est attribuée l’aide, ce qui est en contradiction avec le modèle des épiceries sociales et solidaires, qu’il convient pourtant de soutenir. C’est pourquoi le Gouvernement compensera le manque à gagner pour elles en dédiant près de 8 millions d’euros de crédits – 7,7 millions d’euros précisément – du programme 304 aux achats de denrées des quatre réseaux qui approvisionnent les épiceries sociales et solidaires, notamment les banques alimentaires et l’Association nationale de développement des épiceries solidaires, l’ANDES, qui réalisent un travail remarquable.
Ces réseaux nous ont déjà fait part de leurs besoins – c’est la raison pour laquelle ceux-ci sont chiffrés – et ces crédits nationaux, dont l’affectation n’interdit en rien la participation du bénéficiaire final, permettront de couvrir leur action. Par ailleurs, il est également important de souligner que les services déconcentrés de l’État en matière d’aide alimentaire sont d’importants relais et soutiens locaux des associations. Nous voulons donc soutenir parallèlement ces deux réseaux.
Enfin, sachez que j’ai reçu le 22 janvier dernier les quatre grandes associations historiques de l’aide alimentaire, afin d’aborder avec elles les sujets sur lesquels nous devons continuer à travailler, parce qu’il ne faut pas se reposer et s’en tenir là. Il convient en effet d’accompagner ces associations pour les aider à faire face à l’afflux de nouveaux bénéficiaires – même si je n’aime pas ce terme –, notamment les travailleurs pauvres, précarisés par la crise et les difficultés du quotidien. Les enjeux sont, d’une part, de s’adapter au mieux à cette situation et, d’autre part, de sécuriser leur budget et de conforter leur financement à l’échelon européen. Nous avons donc encore du chemin à parcourir !
Je vous remercie, monsieur le sénateur, d’avoir posé la question de l’avenir des épiceries sociales et solidaires. Sachez que c’est un réseau que je soutiens ! Dites-le leur : elles n’ont pas de souci à se faire cette année. Mais nous devons continuer à militer ensemble pour leur cause !
M. le président. La parole est à M. Luc Carvounas.
M. Luc Carvounas. Je vous remercie, madame la ministre, des précisions que vous avez apportées, notamment des crédits de 7,7 millions d’euros que vous avez annoncés.
Vous avez évoqué le réseau français de 729 épiceries sociales et solidaires. L’une d’elles est implantée sur le territoire de ma commune, Alfortville, et je peux témoigner de son action au quotidien auprès des habitants. Le Gouvernement répond à la nécessité d’accompagner ce réseau si important et je vous en remercie très chaleureusement, madame la ministre.
L’annonce de la création du Fonds européen d’aide aux plus démunis est essentielle. Je me souviens avoir mis en avant, en tant que rapporteur pour avis de la mission « Égalité des territoires, logement et ville », lors des deux derniers exercices budgétaires, notre vigilance sur les aides alimentaires au plan européen. Le Gouvernement a répondu là aussi à cette nécessité et je ne puis que m’en féliciter.
pensions des mineurs et consolidation de l'offre de soins du régime minier
M. le président. La parole est à M. Dominique Watrin, auteur de la question n° 650, adressée à Mme la ministre des affaires sociales et de la santé.
M. Dominique Watrin. Monsieur le président, madame la ministre, mes chers collègues, depuis de nombreuses années, les mineurs retraités estiment que le système de calcul du montant de leurs pensions de retraite est injuste et discriminant à l’égard de ceux d’entre eux ayant pris leur retraite avant 1987.
En effet, le nouveau mode de calcul mis en place en 2001, qui se traduit par une certaine revalorisation du montant des pensions, ne concerne que les mineurs ayant fait valoir leurs droits à la retraite après 1987. Le dispositif engendre maintenant des écarts de plus en plus importants – jusqu’à 25 % – entre les pensions de mineurs ayant cotisé un même nombre d’années.
Le Gouvernement, sous la présidence de M. Nicolas Sarkozy, avait consenti une revalorisation de 5 % de celles-ci. Aussi, estimant qu’un gouvernement de gauche ne peut faire moins, il nous semble opportun d’évaluer le coût budgétaire d’une revalorisation des pensions de ces mineurs de 5 % dès 2014.
Par ailleurs, quelles mesures comptez-vous mettre en œuvre pour corriger ces discriminations qui touchent également les pensions de réversion des veuves de mineurs dont celles qui ont élevé trois enfants sont déjà pénalisées par la perte de la demi-part fiscale ?
Le second volet de ma question portera encore une fois, madame la ministre, sur l’offre de soins du régime minier. Les centres de santé du régime minier du Nord-Pas-de-Calais, ouverts à toute la population et fortement fréquentés par les ressortissants du régime général, ont permis jusque-là de pérenniser l’offre de soins de proximité dans des conditions tarifaires respectueuses du droit à la santé pour tous – tiers payant, absence de dépassement d’honoraires et d’avance de frais.
Or leur situation ne cesse de se détériorer. À titre d’exemple, 200 personnes attendent un rendez-vous ophtalmologique au centre de santé d’Auchel où l’offre de consultation a été fortement réduite. De même, alors que ce centre réalisait 2 700 actes dentaires dont 1 200 pour le régime minier et 1 500 pour le régime général, en 2013, cette offre a complètement disparu. Les patients sont envoyés vers le centre de santé de Bruay qui ne peut les accueillir.
Les élus locaux, toutes tendances politiques confondues, réclament d’ailleurs une table ronde, afin de revoir à la hausse le projet de restructuration prévu par la Caisse autonome nationale de sécurité sociale dans les mines, la CANSSM, qui vide encore plus l’offre de soins sur le secteur de l’Auchellois. Ils souhaitent connaître, madame la ministre, les mesures que vous comptez prendre sans attendre pour répondre aux besoins urgents.
M. le président. La parole est à Mme la ministre déléguée.
Mme Marie-Arlette Carlotti, ministre déléguée auprès de la ministre des affaires sociales et de la santé, chargée des personnes handicapées et de la lutte contre l’exclusion. Monsieur le sénateur, je vous prie tout d’abord de bien vouloir excuser l’absence de Marisol Touraine, qui présente actuellement le plan cancer en compagnie du Premier ministre et m’a demandé de vous répondre à sa place.
Comme vous le savez, ma collègue s’est particulièrement engagée en faveur du régime minier. Dans ce dernier, les pensions sont calculées selon un mode particulier, en multipliant le nombre de trimestres par la valeur forfaitaire du trimestre. Cette caractéristique d’un montant identique de pension pour une même durée de carrière traduit la volonté d’un traitement identique des retraités, quels que soient les salaires d’activité. À partir de 1987, ce mode de calcul a conduit progressivement à un « décrochage » des pensions servies par rapport à celles du régime général.
Pour y remédier, en 2001, le gouvernement de Lionel Jospin a réformé le mode de calcul des pensions minières : elles sont désormais revalorisées comme les pensions du régime général, ce qui garantit leur pouvoir d’achat. Pour le passé, une revalorisation exceptionnelle a été accordée, afin de compenser le « décrochage » intervenu entre 1987 et 2001.
Une deuxième revalorisation exceptionnelle, à hauteur de 3 %, des pensions qui avaient été liquidées avant 1987 a également eu lieu récemment.
Ces mesures favorables ont permis d’aligner les règles d’évolution des pensions minières sur celles des pensions du régime général, sans remettre en cause les avantages propres au régime minier, notamment l’ouverture des droits à pension à cinquante-cinq ans, avec possibilité d’anticipation à cinquante ans, ou la durée de cotisation à trente annuités.
Pour ce qui concerne les pensions de réversion, elles bénéficient déjà d’un mode de calcul plus favorable que celui qui est applicable aux régimes spéciaux : leur montant correspond à 54 % de celui de la pension du conjoint, contre 50 % dans la plupart des autres régimes spéciaux, fonctions publiques comprises.
Enfin, comme elle a déjà plusieurs fois eu l’occasion de le dire, Mme la ministre des affaires sociales et de la santé considère que l’offre de santé du régime minier doit s’engager dans une nouvelle dynamique, sous l’égide des agences régionales de santé, les ARS. Il s’agit en effet de répondre, sur l’ensemble des territoires concernés, aux besoins des populations, aux exigences de qualité, comme à celles d’un retour à l’équilibre économique. La convention d’objectifs et de gestion du régime minier, en cours de négociation, fixera pour la période 2014-2017 le cadre et les objectifs de cette offre de santé renouvelée.
M. le président. La parole est à M. Dominique Watrin.
M. Dominique Watrin. Madame la ministre, vous venez de confirmer une compensation très partielle déjà annoncée, c’est-à-dire une revalorisation de 5 % répartie sur plusieurs années pour les pensions liquidées avant 1987, sans annoncer d’autres mesures, alors que les écarts constatés vont jusqu’à 25 %.
Quant aux centres de santé, j’ai bien entendu que Mme Touraine souhaitait qu’une nouvelle dynamique soit engagée sur les territoires, au niveau du bassin minier notamment, à l’égard des centres de santé. Je voudrais la rassurer : les élus, quelle que soit leur tendance politique, ne sont pas partisans du statu quo et pensent que des réorganisations sont effectivement nécessaires, de même que des investissements dans les bâtiments et les équipements, si l’on veut maintenir l’attractivité de ces centres de santé, qui constituent l’un des atouts majeurs pour le rattrapage des retards de soins constatés sur ces territoires.
L’important, dans le contexte socio-économique actuel, avec un taux de chômage atteignant 25 % dans certaines communes, est qu’aucune restructuration ne devrait être engagée si elle ne garantit pas une offre de santé au moins équivalente, notamment les pratiques du tiers payant et des tarifs opposables.
Pour conclure, les élus locaux sont ouverts au dialogue et à l’échange sur ces questions. Ce qu’ils ne supportent pas, c’est de se voir imposer des restructurations qui ne prennent pas en compte les besoins des populations, qu’ils sont les premiers à connaître. C’est pourquoi, sur plusieurs secteurs, ils proposent la constitution de groupes de travail auprès de la CANSSM et de l’ARS, pour chercher ensemble les meilleures solutions. Je ne doute pas, madame la ministre, que vous transmettrez ces propositions à votre collègue chargée de la santé.
formation des opticiens en trois ans
M. le président. La parole est à M. Ronan Kerdraon, auteur de la question n° 654, adressée à Mme la ministre des affaires sociales et de la santé.
M. Ronan Kerdraon. Madame la ministre, selon un récent sondage, 43 % des Français ont renoncé à des soins d’optique en raison de la difficulté à obtenir un rendez-vous – un exemple vient d’ailleurs d’être cité par mon collègue Watrin – et 8 % d’entre eux n’ont jamais consulté d’ophtalmologiste. Dans les prochaines années, cette situation risque de s’aggraver, eu égard au vieillissement de la population et à la baisse du nombre d’ophtalmologistes dans notre pays.
En ce moment, le sujet de l’optique revient souvent sur la scène publique, avec la discussion du projet de loi relatif à la consommation, l’annonce de la stratégie nationale de santé ou le rapport de la Cour des comptes qui préconise des déremboursements. J’y vois donc l’occasion de faire le point sur l’état des métiers de l’optique.
Selon le syndicat des ophtalmologistes, en 2020, seuls huit millions de patients seront pris en charge par les ophtalmologistes, contre dix millions aujourd’hui, alors que les besoins continueront de croître. Face à cette fracture sanitaire croissante, un certain nombre de mesures simples pourraient être mises en œuvre, afin d’améliorer l’accès de nos concitoyens aux soins d’optique.
La loi portant réforme de l’hôpital et relative aux patients, à la santé et aux territoires, dite « loi HPST », prévoit d’ailleurs des protocoles de coopération entre professionnels de santé.
Notre pays compte aujourd’hui 25 000 opticiens-lunetiers répartis dans plus de 11 000 magasins d’optique. Ils pourraient être de véritables partenaires de santé des ophtalmologistes et contribuer à la prise en charge des patients, dans le cadre d’un protocole de soins conclu sous l’égide de la Haute Autorité de santé.
Cette délégation de tâches garantirait à la collectivité des économies estimées à 200 millions d’euros, puisque l’examen effectué par un opticien-lunetier serait facturé à un prix moindre et non remboursé par la sécurité sociale. Elle exigerait également d’allonger la formation des opticiens-lunetiers d’une année – trois ans contre deux ans aujourd’hui –, afin de renforcer les compétences de ceux-ci en matière d’examen de vue, d’adaptation de lentilles, voire d’initiation au dépistage.
La troisième année de formation pourrait intégrer deux stages pratiques à l’hôpital et en cabinet médical, encadrés par des ophtalmologistes, afin de faire travailler ensemble ces deux professions, selon des modes opératoires déterminés par les médecins spécialistes.
En outre, ce cycle de formation, qui serait reconnu par l’État et intégré dans le cadre du cursus européen licence-master-doctorat, ou LMD, pourrait être financé par les opticiens eux-mêmes, afin de ne pas alourdir les dépenses de l’État.
Au sein de cette formation, l’instauration d’un numerus clausus semble nécessaire, même à titre provisoire ! Il faut en effet mettre en place une régulation du nombre de diplômés et non pas de la quantité de points de vente, comme ont pu le préconiser certains – je pense notamment à Éric Raoult. Sur les 25 000 opticiens diplômés, 32 % sont gérants, 64 % sont salariés et – fait grave – 13 % sont demandeurs d’emploi, ce qui est parfaitement honteux au regard du coût d’inscription dans une école, pas moins de 6 000 euros !
Madame la ministre, face à cette problématique majeure de santé publique, je vous remercie de bien vouloir me préciser si des mesures de cette nature sont envisageables et les actions que le Gouvernement entend mettre en œuvre pour faciliter l’accès de nos compatriotes aux soins d’optique de base.
M. le président. La parole est à Mme la ministre déléguée.
Mme Marie-Arlette Carlotti, ministre déléguée auprès de la ministre des affaires sociales et de la santé, chargée des personnes handicapées et de la lutte contre l’exclusion. Monsieur le député, je vous prie également d’excuser l’absence de Marisol Touraine, pour le motif que j’ai évoqué en répondant au précédent orateur.
Monsieur le sénateur, veux-je dire. N’interprétez pas cette erreur comme un manque de respect à l’égard du Sénat. J’ai dit à plusieurs reprises dans cette enceinte combien je respecte le travail que nous faisons ensemble, dont je veux à nouveau souligner l’extrême qualité.
Vous le rappeliez, l’ophtalmologiste est un professionnel majeur de l’organisation des soins de premier recours. Les orthoptistes et les opticiens-lunetiers exercent pour leur part leur activité dans un champ strictement défini par le code de la santé publique.
Si la formation des opticiens-lunetiers relève du ministère de l’éducation nationale, celle des orthoptistes est, elle, en cours de « réingénierie », sous la responsabilité conjointe du ministère des affaires sociales et de la santé et du ministère de l’enseignement supérieur et de la recherche.
Il est indéniable que la santé visuelle, en particulier l’examen de la vision, constitue un enjeu essentiel, du point de vue tant médical que social, économique et politique. Pour faire face à cet enjeu, le recours au dispositif des coopérations entre professionnels de santé est privilégié par le ministère des affaires sociales et de la santé, ainsi que par les professionnels eux-mêmes.
Les ophtalmologistes sont prêts à déléguer des tâches aux orthoptistes et aux opticiens. Ainsi, des protocoles de coopération ont été élaborés avec le soutien de l’Académie française d’ophtalmologie, des syndicats médicaux et des syndicats d’orthoptistes pour améliorer l’accès aux soins grâce à une meilleure répartition des rôles entre ces professionnels de santé. Ces nouveaux modes d’organisation et de définition des compétences permettent de libérer du temps médical et de réduire les délais d’attente des patients pour une consultation.
Plusieurs de ces protocoles ont déjà reçu un avis favorable de la Haute Autorité de santé. Ils permettent à un orthoptiste de réaliser un bilan visuel, un examen de dépistage de la rétinopathie diabétique, par exemple. De tels protocoles sont déjà appliqués dans la région Pays-de-la-Loire. Concrètement, en cas de renouvellement de lunettes, l’examen physique est réalisé par l’orthoptiste ; suit un contrôle du dossier du patient par le médecin ophtalmologiste ; ce dernier adresse ensuite l’ordonnance de renouvellement dans un délai de quelques jours.
Ce dispositif réduit les délais d’obtention de rendez-vous pour les patients ayant seulement besoin d’un renouvellement de lunettes et améliore les délais de prise en charge par un ophtalmologiste, en permettant à ce spécialiste de se consacrer aux patients dont la santé nécessite des soins plus complexes.
La loi de financement de la sécurité sociale pour 2014 a renforcé le déploiement de ces nouveaux de mode de coopération entre professionnels, en facilitant le financement de ce type de projets.
M. le président. La parole est à M. Ronan Kerdraon.
M. Ronan Kerdraon. Je me félicite de vos réponses, madame la ministre, qui vont dans le sens des solutions évoquées dans ma question pour favoriser un meilleur accès aux soins en matière d’optique, et je vous en remercie.
déficit de données statistiques à mayotte
M. le président. La parole est à M. Thani Mohamed Soilihi, auteur de la question n° 659, adressée à M. le ministre de l’économie et des finances.
M. Thani Mohamed Soilihi. Ma question est adressée à M. le ministre de l’économie et des finances dont je souhaite attirer l’attention sur le déficit de données statistiques relatives au département de Mayotte.
Devenu le cent unième département depuis le 31 mars 2011, Mayotte s’apprête à entrer de plain-pied dans le droit commun avec la mise en place de la fiscalité propre et son accession au statut de région ultrapériphérique le 1er janvier dernier.
Pourtant, force est de le constater, quel que soit le domaine observé, ce département manque cruellement de données locales chiffrées précises et fiables permettant de mesurer ses évolutions démographiques et ses mutations, et facilitant la mise en œuvre de politiques publiques.
Dans ses articles consacrés au recensement de la population, la loi n° 2002-276 du 27 février 2002 relative à la démocratie de proximité a instauré un recensement quinquennal à Mayotte, alors qu’il se déroule de la même façon qu’en métropole dans les autres départements d’outre-mer. Compte tenu de l’évolution exponentielle de la démographie due à une forte natalité, mais surtout à une pression migratoire excessive, un recensement annuel serait plus adapté. Cette situation constitue un frein considérable à l’établissement de diagnostics partagés quant aux politiques à engager et aux investissements à réaliser. Elle ne permet pas d’établir un plan d’action global adapté pour Mayotte.
Je souhaite donc savoir, madame la ministre, quels moyens le Gouvernement compte mettre en œuvre pour que le système statistique soit développé afin d’assurer une connaissance du territoire à la hauteur de celle des autres départements français, de garantir un rattrapage du système d’information et de disposer, enfin, de chiffres fiables sur les grandes problématiques économiques, démographiques et sociales de l’île.
M. le président. La parole est à Mme la ministre déléguée.
Mme Marie-Arlette Carlotti, ministre déléguée auprès de la ministre des affaires sociales et de la santé, chargée des personnes handicapées et de la lutte contre l'exclusion. Monsieur le sénateur, je vous demande de bien vouloir excuser Pierre Moscovici, qui m’a demandé de vous répondre à sa place.
Vous avez raison de souligner l’importance de données statistiques. La mise en place d’un système statistique fiable, précis et pérenne demande un effort constant. L’INSEE s’y emploie depuis 1997, année de création d’un établissement à Mayotte devenu aujourd’hui un service régional à part entière. La réalisation de progrès nécessite l’adhésion et l’implication sur le terrain de tous les acteurs, publics et privés.
Je veux notamment souligner que la construction du système statistique repose sur trois piliers : non seulement la mise en place de répertoires et la réalisation d’enquêtes et de recensements, mais aussi l’utilisation de fichiers administratifs, tels les fichiers de revenus fiscaux, des URSSAF, ou encore des permis de construire, par exemple. Les premier et troisième piliers, incontournables en métropole et dans les autres départements d’outre-mer, doivent encore être consolidés à Mayotte. En revanche, depuis 2011, les enquêtes se multiplient, comme en témoigneront les nombreuses publications qui interviendront cette année.
Au titre du rappel des principaux travaux en cours, je commencerai par le répertoire national d’identification des personnes physiques, le RNIPP. Géré depuis 2012 par l’INSEE, il est en phase d’amélioration.
La gestion de l’état civil est aussi assurée par l’INSEE, mais au prix de difficultés et de coûts particulièrement élevés en raison du manque de respect des procédures officielles. En effet, les communes transmettent les actes d’état civil à l’INSEE avec beaucoup trop de retard, voire ne les communiquent pas du tout, ce qui pénalise les Mahorais lors de leurs démarches administratives. À cela s’ajoute le fait qu’un nombre important de décès ne sont pas déclarés en mairie.
Conformément à l’article L. 37 du code électoral, le fichier électoral est également géré par l’INSEE depuis le 1er septembre 2013. Vous le savez, les mêmes difficultés sont rencontrées en l’espèce.
La base permanente des équipements, alimentée par les données communiquées par de nombreux partenaires – la direction de la recherche, des études, de l’évaluation et des statistiques, la DRESS, la direction de l’évaluation, de la prospective et de la performance, la DEPP, la gendarmerie, le ministère de la justice, La Poste… – comprend aujourd’hui 167 types d’équipements. Elle intègre Mayotte depuis 2012.
Le dernier recensement de la population a eu lieu cette même année. Les données relatives aux populations communales ont été publiées fin 2012 et les premiers résultats statistiques sont actuellement en cours de diffusion.
Des tableaux et d’autres analyses compléteront cette diffusion pendant cette année. L’INSEE disposera dès lors d’informations très récentes.
Un passage de Mayotte au mode de recensement en continu, en vigueur en métropole et dans les autres DOM, supposerait, d’abord, un changement du cadre législatif en vigueur. Il nécessiterait aussi une préparation longue, des moyens humains et financiers importants, ainsi qu’une implication accrue des communes.
En revanche, les statistiques de comptabilité démographique sont de qualité insuffisante, car elles souffrent de la sous-déclaration chronique des décès.
J’en viens aux enquêtes réalisées auprès des ménages. L’intégration de Mayotte dans ce dispositif nécessite que, sujet par sujet, soient bien analysées les spécificités du territoire, afin de proposer un questionnaire et un protocole de collecte adaptés.
S’agissant de l’enquête Emploi, une enquête expérimentale réalisée dès 2009 a été renouvelée en 2013 selon le même dispositif appliqué aux autres DOM jusqu’à cette année. Elle sera désormais reconduite annuellement, pour répondre à une demande prioritaire de la Commission européenne. Les résultats de l’année 2013 seront publiés au premier semestre 2014 et actualisés ensuite tous les ans. Ainsi, des indicateurs – population active, taux de chômage, temps partiel, secteurs d’activité des personnes ayant un emploi – seront disponibles régulièrement.
Pour ce qui concerne les autres thèmes, l’INSEE a adopté une démarche ambitieuse, consistant à mener une grande enquête par an.
L’indice des prix à la consommation, actuellement calculé par le service régional de Mayotte, doit encore être intégré à la chaîne de production nationale.
Enfin, les statistiques relatives aux entreprises reposent d’abord sur la mise en place du répertoire SIRENE, qui est désormais également pris en charge par l’INSEE.
M. le président. Veuillez conclure, madame la ministre !
Mme Marie-Arlette Carlotti, ministre déléguée. Monsieur le sénateur, afin de respecter le temps de parole qui m’est imparti, je vous communiquerai par écrit une réponse plus complète. J’espère néanmoins que les informations que je vous ai apportées vous donneront satisfaction.
M. le président. La parole est à M. Thani Mohamed Soilihi.
M. Thani Mohamed Soilihi. Madame la ministre, les informations que vous venez de me communiquer et dont je vous remercie ne me donnent que partiellement satisfaction, tant la tâche qui reste à accomplir est importante.
Vous en convenez, sans statistiques, sans données fiables, tout projet de développement est extrêmement difficile, voire impossible.
Je me permets d’insister sur cette question centrale, qui ne suscite pourtant guère de débat.
J’ai bien noté toutes les avancées qui ont eu lieu ces derniers temps. Je fais confiance au Gouvernement pour poursuivre dans cette voie, afin de permettre à ce département de partir sur de bonnes bases.
indemnisation des victimes des essais nucléaires
M. le président. La parole est à M. Philippe Madrelle, auteur de la question n° 663, adressée à M. le ministre de la défense.
M. Philippe Madrelle. Le 7 janvier dernier, lors du débat sur l’indemnisation des victimes des essais nucléaires français, mes collègues ont reconnu que si la loi du 5 janvier 2010 constituait l’aboutissement d’un long et nécessaire combat mené à la fois par les associations de victimes et les parlementaires, elle était loin de répondre aux trois principaux objectifs fixés, à savoir reconnaître les faits, simplifier les procédures et apporter une juste indemnisation.
Le constat est sans appel et des chiffres illustrent les dysfonctionnements : sur les 861 dossiers déposés auprès du comité d’indemnisation des victimes des essais nucléaires, le ClVEN, seuls onze ont donné lieu à indemnisation en trois ans. La loi a instauré le principe de présomption de causalité, qui implique que la personne concernée n’a plus à prouver l’existence d’un lien entre la maladie contractée et une exposition aux radiations nucléaires. C’est aux pouvoirs publics de prouver l’absence d’exposition ou, plus exactement, l’absence de conséquences de cette exposition.
Il faut rappeler que ce principe de présomption de causalité n’est admis par la loi qu’à la suite d’un examen préalable du risque relatif aux essais nucléaires auquel le demandeur aurait été exposé. Cette notion de risque négligeable, maintenue dans l’article 4 de la loi précitée, est quasiment impossible à déterminer en raison du manque d’information ou de l’application du principe du secret défense.
Ce risque négligeable, évalué par un logiciel inadapté à cette fonction, devient la source d’inévitables et multiples contentieux et ne peut plus apparaître comme l’élément déterminant de la décision. C’est en appliquant le principe de causalité stricte et en supprimant la notion de risque négligeable, lequel est mesuré par le système de dosimétrie, que l’on pourra parvenir à une véritable reconnaissance et à une indemnisation juste et réparatrice.
Les lieux, les dates d’exposition et les maladies prévus par la loi me semblent représenter des éléments ou, plus exactement, des outils d’analyse suffisants. C’est, d’ailleurs, sur ces points que la plupart des juridictions se fondent pour donner raison aux victimes rejetées par la loi au nom du risque négligeable : je citerai les juridictions de Clermont-Ferrand, Caen, Papeete, Orléans, Montreuil, Pau, Toulon et, plus récemment, Bordeaux, préfecture du département que je représente.
Certes, les amendements adoptés lors de la discussion de la loi de programmation militaire tendant à réformer le comité d’indemnisation des victimes des essais nucléaires et à le transformer en une autorité indépendante, notamment, ont permis des avancées au mois de décembre dernier.
Aujourd’hui, il nous faut les rendre concrètes en élaborant un décret d’application qui pourrait comporter, entre autres, la désignation par le Premier ministre d’un interlocuteur unique chargé de suivre les questions des essais nucléaires, la désignation d’un représentant des associations au CIVEN, le renouvellement des experts de la commission consultative de suivi, la possibilité pour les présidents d’associations de se faire représenter en cas d’empêchement, la suppression de la méthode d’examen des dossiers fondée sur des calculs de probabilité non constitutifs d’une preuve. Le décret d’application devrait également prévoir la création d’un lieu de mémoire et la prise en compte du principe de présomption stricte pour tous ceux et celles qui remplissent les conditions en termes de lieu, de dates et de maladie, à l’instar de celui qui est applicable pour les maladies professionnelles en France et dans la législation américaine.
Ces propositions ne sauraient se voir opposer l’article 40 de la Constitution au motif qu’elles grèveraient le budget de la nation. En effet, depuis 2010, un budget dédié de 10 millions d’euros a été « sanctuarisé », même si les crédits ont été très peu consommés à ce jour.
Bien sûr, madame la ministre, une fois que les nouvelles commissions ou comités auront été mis en place, il leur appartiendra de proposer des améliorations de la loi. Je n’ai bien évidemment pas les compétences pour constituer un dossier technique.
M. le président. Veuillez conclure, mon cher collègue !
M. Philippe Madrelle. Il y va, vous le savez, de la crédibilité de l’État, qui a un devoir de reconnaissance et de réparation ! Je compte sur vous, madame la ministre, pour poursuivre, dans un climat de confiance et de dialogue, le travail effectué avec les associations.
M. le président. Mes chers collègues, je vous appelle à la concision, afin que chaque auteur de question ait le temps d’intervenir !
La parole est à Mme la ministre déléguée.
Mme Marie-Arlette Carlotti, ministre déléguée auprès de la ministre des affaires sociales et de la santé, chargée des personnes handicapées et de la lutte contre l'exclusion. Monsieur le sénateur, je vous prie, tout d’abord, de bien vouloir excuser l’absence de mon collègue Jean-Yves Le Drian, qui tient à vous faire part des éléments suivants.
La bonne compréhension du dispositif actuel de reconnaissance et d’indemnisation des victimes des essais nucléaires français est basée sur un constat reposant sur des chiffres. Permettez-moi de vous citer ceux dont le ministère de la défense dispose : au 1er janvier 2014, le CIVEN avait reçu 880 dossiers, dont 726 étaient complets. Sur ces derniers, seuls 503 satisfont aux critères de lieu, date et maladie prévus par la loi. À l’issue de l’examen de ces 503 dossiers recevables, treize indemnisations ont été proposées. La question qui se pose concerne donc non le pourcentage de dossiers indemnisés, mais bien l’indemnisation effective et juste des personnes qui souffrent aujourd’hui d’une maladie radio-induite du fait de leur exposition à des radiations lors des essais nucléaires français.
Comme vous le soulignez, le dispositif actuel est perfectible. C’est effectivement ce qu’ont montré les différents rapports rédigés au cours de l’année 2013, notamment celui de Mme la sénatrice Corinne Bouchoux et de M. le sénateur Jean-Claude Lenoir que le ministre de la défense tient à remercier une fois encore de leur travail et de leurs recommandations.
L’adoption, le 18 décembre dernier, de la loi relative à la programmation militaire pour les années 2014 à 2019 et portant diverses dispositions concernant la défense et la sécurité nationale a été l’occasion de reprendre certaines d’entre elles. Elle va permettre, dès cette année, de multiples améliorations du dispositif actuel, conformément aux nombreux engagements que Jean-Yves Le Drian avait lui-même pris lors des commissions consultatives.
Je rappelle, notamment, que le périmètre de la loi intègre désormais, comme le ministre de la défense l’avait souhaité, toute la Polynésie, ce qui entraînera certainement des demandes supplémentaires, voire de nouvelles propositions d’indemnisation.
Les critères ne sont donc pas figés : le nombre de maladies, le dispositif d’indemnisation, le périmètre d’application de la loi ont évolué depuis la promulgation de la loi de 2010. Toutefois, il ne peut y avoir de loi juste sans un minimum de critères permettant d’apprécier le lien de causalité entre la situation du demandeur et la pathologie dont il souffre.
Une fois les critères remplis, le mécanisme d’étude du dossier se doit également d’être incontestable.
D’une part, vous devez savoir que le ministre de la défense a autorisé, conformément à l’avis formulé par la Commission consultative du secret de la défense nationale et dans un souci de transparence, la déclassification de plusieurs centaines de dossiers portant sur les essais nucléaires français.
Le secret défense, indispensable à notre sécurité et qui doit être préservé, n’a jamais été un frein à l’indemnisation des victimes des essais nucléaires. Des engagements sur ce point ont d’ailleurs été pris lors des différentes commissions consultatives.
D’autre part, le dispositif actuel repose sur un processus rigoureux, élaboré à partir de méthodologies recommandées par l’Agence internationale de l’énergie atomique et de données scientifiques reconnues par la communauté internationale.
Loin de se limiter à un simple calcul statistique – le reproche est souvent formulé –, le CIVEN, composé aujourd’hui de scientifiques reconnus, notamment de médecins désignés sur proposition du Haut Conseil de la santé publique, étudie chaque dossier, au cas par cas. Les indemnisations proposées sont certes peu nombreuses, mais elles sont justes. Et c’est indispensable !
Monsieur le sénateur, le ministre de la défense comprend vos arguments, votre demande et a bien noté les chiffres que vous avez cités. Toutefois, et vous le savez aussi bien que lui, plus que de statistiques, ce dont les victimes ont besoin, c’est d’un traitement humain, crédible et compréhensible, répondant à leurs attentes.
C’est ce vers quoi tend la loi de programmation militaire. Soyez assuré que le ministre de la défense veillera personnellement à ce qu’il en soit ainsi.
M. le président. La parole est à M. Philippe Madrelle.
M. Philippe Madrelle. Je vous remercie de votre réponse, madame la ministre. Je connais votre attachement au dialogue et à la concertation. Mais il reste beaucoup à faire. Vous venez de le dire, c’est un problème humain, terrible et dévastateur pour les familles des victimes, lesquelles ont droit à une véritable reconnaissance de la nation. Je vous demande donc de tout faire pour parvenir à des solutions dignes de leurs légitimes attentes.
garantir un égal accès des enfants à la restauration scolaire
M. le président. La parole est à M. Michel Billout, auteur de la question n° 630, adressée à M. le ministre de l’éducation nationale.
M. Michel Billout. Madame la ministre, je souhaite attirer l’attention du Gouvernement sur la nécessité de défendre l’égal accès des enfants à la restauration scolaire sur l’ensemble du territoire national.
Dans son rapport du 28 mars 2013 intitulé L’égal accès des enfants à la cantine de l’école primaire, le Défenseur des droits a fait un certain nombre de recommandations sur les conditions d’accès aux restaurants scolaires, le service rendu par ceux-ci au regard de l’état de santé de l’enfant, des obligations de sécurité alimentaire ou du respect du principe de neutralité religieuse. Le constat y est ainsi dressé du maintien d’une discrimination dans de nombreuses municipalités, qui continuent d’imposer des critères de restriction d’accès à la restauration scolaire.
Les principaux critères invoqués par les collectivités pour motiver le refus d’accès d’un enfant à la restauration scolaire sont, notamment, la priorité d’accès aux enfants dont les parents travaillent, la disponibilité des parents au domicile, le lieu de résidence de la famille sur le territoire de la commune siège de l’école.
Cette discrimination est contraire au principe de garantie d’un égal accès aux services publics, quels que soient le revenu et l’origine sociale de la personne concernée. Elle est contraire à l’article 2 de la Convention internationale des droits de l’enfant, aux termes duquel l’enfant doit être « protégé contre toutes formes de discrimination ou de sanction motivées par [...] les activités [...] de ses parents », ce qui exclut également tout écartement des enfants de la cantine pour impayés.
Face à ce constat, le Défenseur des droits partage l’intention des auteurs de la proposition de loi n° 4305 instaurant le droit à la restauration scolaire, déposée sur le bureau de l’Assemblée nationale, notamment par M. Ayrault lorsqu’il était encore député, et de la proposition de loi n° 561 visant à garantir l’accès de tous les enfants à la restauration scolaire, déposée au Sénat.
Les auteurs de ces deux textes recommandent que le service public de la restauration scolaire, dès lors qu’il a été mis en place, soit ouvert à tous les enfants dont les familles le souhaitent, et précisent « qu’il ne peut être établi aucune discrimination selon la situation familiale, les revenus ou la situation géographique. »
La proposition de loi sénatoriale prévoit également des sanctions : « Tout refus d’inscription ou d’accès à la restauration entraîne un prélèvement sur les ressources fiscales de la commune ou du groupement de communes concernés dont le montant est fixé à 1 % du montant des dépenses réelles de fonctionnement de la commune ou du groupement de communes constatées dans le compte administratif afférent au pénultième exercice multiplié par le nombre d’enfants refusés sans pouvoir excéder 225 000 euros. » C’est précis !
Dans ces conditions, je souhaiterais connaître les mesures que compte prendre le Gouvernement afin de rendre possible l’accès de tous les enfants à la restauration scolaire.
Il doit s’agir, tout à la fois, de dispositions législatives nécessaires et contraignantes, mais également d’incitations financières permettant aux communes ou aux EPCI à faibles ressources de faire face budgétairement à cette charge importante dans un contexte contraint de réduction des dépenses, or celles dont il est question sont utiles à la population.
M. le président. La parole est à Mme la ministre déléguée.
Mme Marie-Arlette Carlotti, ministre déléguée auprès de la ministre des affaires sociales et de la santé, chargée des personnes handicapées et de la lutte contre l'exclusion. Monsieur le sénateur, environ 19 000 communes disposent d’un service de restauration scolaire.
La cantine occupe une place importante dans l’alimentation et le quotidien des enfants. En effet, l’alimentation d’un enfant d’âge scolaire est essentielle pour sa croissance, son développement psychomoteur et ses capacités d’apprentissage. Le repas quotidien servi à l’école primaire est d’autant plus important dans un contexte de précarisation croissante des familles.
Aujourd’hui, plus de 6 millions d’élèves – un élève sur deux en primaire – mangent à la cantine. Les 53 000 établissements scolaires du primaire servent environ 400 millions de repas. La somme moyenne payée par les familles pour un repas s’élève entre 3,5 et 4 euros.
Comme vous le savez, dans les écoles maternelles et élémentaires, l’organisation de la restauration relève de la commune. Sa gestion est fréquemment assurée par la caisse des écoles, qui donne son avis sur les tarifs et la composition des menus. Les modes d’organisation varient selon la taille des communes, lesquelles peuvent assurer elles-mêmes le service ou le déléguer à des sociétés de restauration privée.
La participation financière des familles est fixée par la commune, sur la base du quotient familial. Celles qui rencontrent des difficultés financières peuvent contacter l’assistante sociale de leur quartier.
Il est aussi important de préciser que la restauration scolaire est un service public facultatif que chaque commune décide librement de mettre en place, dans le respect du principe constitutionnel de libre administration des collectivités territoriales, et dont elle détermine les modalités d’organisation.
En l’état actuel du droit, les communes ne sont pas tenues de créer autant de places qu’il existe d’élèves potentiels, ainsi que l’a précisé le Conseil d’État dans sa décision du 13 mai 1994 : « s’agissant d’un service public non obligatoire [...], le principe d’égalité des usagers du service public ne fait pas obstacle à ce que le conseil municipal limite l’accès du service en le réservant à des élèves [...] se trouvant dans une situation différente de l’ensemble des usagers potentiels du service ».
Il appartient alors aux communes de déterminer, dans le cadre d’un règlement, l’ensemble des critères appropriés qu’il convient de prendre en compte afin de pouvoir apprécier dans toutes ses dimensions la situation objective des élèves et de leur famille au regard des caractéristiques de ce service public.
Des critères qui ne prendraient pas en considération la situation sociale de la famille seraient en revanche illégaux. Une vigilance particulière est apportée sur ce point par tous les acteurs concernés.
Par ailleurs, instituer un « droit à la cantine » nécessiterait la création d’une compétence obligatoire pour les communes et la mise à disposition de moyens financiers importants pour adapter la restauration scolaire, qu’il s’agisse du double service, de l’agrandissement et de la rénovation des locaux, etc. Dans un contexte budgétaire contraint, cette solution semble difficile à retenir. Il convient plutôt d’encourager les communes ou les intercommunalités qui n’auraient pas déjà fait ce choix à développer des services de restauration totalement adaptés à leur population scolaire.
M. le président. La parole est à M. Michel Billout.
M. Michel Billout. Madame la ministre, vous l’aurez compris, ma question ne portait pas sur la transformation d’une compétence facultative de restauration scolaire en compétence obligatoire. Nous connaissons bien les disparités qui existent entre les communes, en termes de capacités financières, sur l’ensemble du territoire national !
Cette question concernait l’égal accès des enfants à la restauration scolaire lorsque ce service existe. De ce point de vue, beaucoup reste à faire, ainsi que l’a constaté le Défenseur des droits. Or votre réponse ne permet pas vraiment d’avancer.
Il me semble nécessaire que l’État s’engage à garantir une forme d’équité des droits sur le territoire national et à aider, le cas échéant, les collectivités qui ont tendance, à leur corps défendant, à limiter l’accès des enfants à la cantine pour des raisons budgétaires. Ce sont des situations que l’on observe assez régulièrement dans nos communes.
Il s’agirait d’aider financièrement les communes qui le souhaitent, et qui se sont engagées à satisfaire ce droit important pour les enfants, à mener cette démarche jusqu’à son terme en évitant de créer des situations de discrimination.
versement des recettes des taxes d'urbanisme pour les communes du morbihan
M. le président. La parole est à M. Michel Le Scouarnec, auteur de la question n° 652, adressée à Mme la ministre de l’égalité des territoires et du logement.
M. Michel Le Scouarnec. Monsieur le président, madame la ministre, mes chers collègues, la réforme de la fiscalité de l’aménagement du territoire, adoptée dans le cadre de la loi de finances rectificative pour 2010, est entrée en vigueur le 1er mars 2012.
Les services de l’État chargés de l’urbanisme dans le département et les directions départementales des territoires et de la mer, les DDTM, sont seuls compétents pour établir et liquider les taxes d’urbanisme, lesquelles constituent des ressources non négligeables pour les collectivités, et la principale, voire l’unique, source de financement pour les conseils d’architecture, d’urbanisme et de l’environnement, les CAUE.
Par ailleurs, cette réforme vise à mettre à disposition des collectivités un outil d’aménagement simple, facilement adaptable au territoire et à la politique d’aménagement propre à chacun, l’interface CHORUS.
Or il semble que, dans plusieurs départements, les DDTM rencontrent des difficultés techniques significatives à l’égard de cette application informatique. Ainsi, malgré l’établissement d’un plan d’urgence, d’importants dysfonctionnements subsistent, rendant les services de l’État incapables de fournir aux collectivités l’information sur les montants prévisionnels de taxes à l’échéance légale.
Ces difficultés font craindre également aux collectivités et aux CAUE des retards importants quant à la perception de la taxe d’aménagement en 2013 et en 2014.
Les DDTM doivent notamment fournir avant le 1er mars de chaque année aux collectivités territoriales bénéficiaires les éléments concernant l’année civile précédente nécessaires aux simulations de recettes, en vue de la préparation de leur budget. Il ne s’agit pas non plus de confondre ici le délai d’émission des titres avec les délais effectifs des premiers versements des pétitionnaires et les délais de reversement aux communes ou établissements publics de coopération intercommunale.
Derrière ces aléas techniques se cache toutefois une réalité financière très difficile pour les collectivités. Par exemple, la commune de Belz, située dans le Morbihan, se trouve dans une situation financière délicate, sans aucune capacité d’emprunt, en raison d’un taux d’endettement nettement supérieur à celui des communes de même strate.
La seule capacité d’investissement des collectivités repose donc exclusivement sur leur capacité d’autofinancement, notamment sur les recettes de la taxe d’aménagement.
Madame la ministre, j’insiste sur l’importance de remédier rapidement à ces dysfonctionnements, afin de permettre aux collectivités territoriales et aux CAUE de percevoir dans les plus brefs délais le produit des taxes d’urbanisme.
La mise en œuvre de cette taxe d’aménagement ne peut s’effectuer au détriment des communes qui attendent, impérativement, son versement. Si un délai est nécessaire, il doit être raisonnable. Il paraît aberrant que des moyens techniques suffisants n’aient pas été mis en place pour accompagner la collecte de cette taxe.
En conséquence, madame la ministre, quelles mesures le Gouvernement a-t-il prévues pour remédier à ces dysfonctionnements informatiques dans les meilleurs délais et pour éviter de mettre, une nouvelle fois, en difficulté les collectivités locales ?
M. le président. La parole est à Mme la ministre déléguée.
Mme Marie-Arlette Carlotti, ministre déléguée auprès de la ministre des affaires sociales et de la santé, chargée des personnes handicapées et de la lutte contre l'exclusion. Monsieur le sénateur, vous appelez l’attention de Mme la ministre de l’égalité des territoires et du logement sur le processus de liquidation des nouvelles taxes d’urbanisme.
Pour rappel, la mise en œuvre de la réforme de la fiscalité entrée en vigueur le 1er mars 2012 s’est accompagnée du raccordement de l’application ADS2007, outil d’instruction, à l’interface CHORUS pour l’émission des titres à destination des redevables.
Cet important chantier informatique a connu quelques difficultés techniques inhérentes au raccordement d’outils informatiques dans un contexte interministériel, mais les délais serrés impartis par le législateur ont été globalement respectés. Ainsi, l’émission des titres de recettes initialement prévue pour le mois de mai 2013 a été repoussée de deux mois seulement. Depuis la mi-juillet 2013, les difficultés ont été levées et les premiers titres ont été émis.
À ce jour, plus de 200 000 titres ont d’ores et déjà été pris en charge dans l’interface CHORUS, soit environ 320 millions d’euros, sur lesquels 143 millions d’euros ont déjà été reversés aux collectivités. En outre, quelque 30 000 autres sont actuellement en cours de prise en charge.
Depuis cet été, il n’existe plus de problèmes de raccordement à CHORUS ou d’arrêt d’émission de titres. Le flux est désormais continu si l’instruction est réalisée via l’outil ADS2007.
S’agissant des communes morbihannaises, 4 400 titres ont été pris en charge en 2013 pour un montant d’environ 5 225 000 euros, sur lesquels 2 300 000 euros ont, à ce jour, été recouvrés par le comptable public.
Enfin, j’attire votre attention sur le fait que les délais d’émission des titres prévus par la réglementation ne doivent pas être confondus avec le délai effectif de reversement aux communes.
En effet, si l’article L. 331-24 du code de l’urbanisme prévoit l’émission des titres de recettes douze mois et vingt-quatre mois après la date de délivrance de l’autorisation d’urbanisme, pour une estimation de la date des reversements aux collectivités territoriales, il convient de prendre en compte le délai entre la prise en charge du titre par le comptable public et la date d’exigibilité de l’impôt retenue par la réglementation discale, soit environ huit semaines.
M. le président. La parole est à M. Michel Le Scouarnec.
M. Michel Le Scouarnec. Je me félicite, madame la ministre, de la réponse que vous m’apportez. J’ai bien compris que CHORUS était désormais en état de marche et que, si quelques retards demeurent, la plupart des communes obtiendront prochainement satisfaction.
Je souhaite néanmoins profiter du temps qui m’est encore imparti pour rappeler que les collectivités locales souffrent de plus en plus de la baisse des dotations. Comme le soulignait dans une interview André Laignel, secrétaire général de l’Association des maires de France, elles vont ainsi subir une perte financière de près de 6 %.
Sans doute faudra-t-il à l’avenir écouter les maires et engager des discussions avec les collectivités locales, qui ne pourront plus lancer un certain nombre d’investissements. Selon moi, on peut encore rattraper la situation et modifier la donne pour 2015 ; pour 2014, c’est trop tard, le budget est voté.
Les collectivités sont en grande souffrance. Je peux en témoigner, après avoir fait la tournée des communes à l’occasion des vœux pour la nouvelle année. Je lance donc cet appel au Gouvernement : entendez-les, dans l’intérêt de la population !
vaccination des veaux contre la teigne
M. le président. La parole est à M. Francis Grignon, auteur de la question n° 477, adressée à M. le ministre de l'agriculture, de l'agroalimentaire et de la forêt.
M. Francis Grignon. Monsieur le ministre, ma question porte sur la vaccination des veaux contre la teigne.
La teigne est une zoonose provoquée par une mycose qui est à l’origine de lésions importantes sur les peaux. La contamination entre animaux est directe, par le contact, ou indirecte, par les mangeoires, par exemple. Cette maladie est transmissible à l’homme.
Si la France demeure le premier producteur mondial de cuir de veau, la filière est fragilisée en amont par le problème de la vaccination des veaux contre la teigne. En effet, cette maladie dégrade la qualité de la peau, la rendant impropre à la fabrication de cuir destiné à l’industrie du luxe. La quantité disponible de cette matière première est insuffisante pour faire face au développement du marché du luxe et des exportations françaises.
La Norvège qui a rendu la vaccination contre la teigne obligatoire en 1978 a quasiment éradiqué cette maladie de son territoire.
De plus, grâce à une vaccination systématique, les conditions de vie des bêtes seraient meilleures, leur stress dû aux démangeaisons étant réduit. Une étude menée en 2011 par la Fédération française de la tannerie-mégisserie montre que l’écart de poids entre un veau malade et un veau sain est considérable : il atteint 4,3 kilogrammes en fin de période d’engraissement, ce qui représente des pertes économiques pour les éleveurs.
La teigne est également à l’origine de telles pertes pour l’ensemble de la filière cuir française, qui enregistre un manque à gagner, les peaux des veaux malades étant sous-valorisées par les tanneurs.
Par conséquent, monsieur le ministre, je souhaite savoir si le Gouvernement envisage de généraliser la vaccination des veaux contre la teigne. Sans préjuger le financement de cette opération, l’envoi d’un signe politique serait important. Au moment où l’on condamne les mauvais traitements infligés aux chats, il me semble important de se préoccuper du confort des petits veaux !
M. le président. La parole est à M. le ministre.
M. Stéphane Le Foll, ministre de l'agriculture, de l'agroalimentaire et de la forêt. Monsieur le sénateur, par cette référence à l’actualité, vous manifestez votre intérêt pour le bien-être des petits veaux...
Cela étant, la teigne a effectivement des conséquences extrêmement négatives sur les peaux, en particulier sur celles des veaux. Chaque année, la France produit environ 137 000 tonnes de cuirs, destinés notamment à la fabrication de produits de luxe. Par conséquent, moins nombreuses sont les maladies, plus forte est la valorisation de ces peaux.
La teigne n’est pas une maladie réglementée. Par conséquent, il n’est pas question de rendre la vaccination obligatoire. En revanche, je suis tout à fait disposé, je l’ai déjà dit et je le répète devant la représentation nationale, à favoriser l’organisation et l’extension de programmes de vaccination à l’échelon régional, avec l’accord des professionnels, afin de limiter les pertes que vous avez évoquées. Tout le monde devrait pouvoir s’y retrouver.
Ainsi, à l’issue d’une négociation dans chaque territoire, un accord-cadre pourrait être défini entre les producteurs, les transformateurs et, bien sûr, les industriels concernés.
En résumé, sur ce sujet, ma disponibilité est totale pour organiser et mettre en œuvre dès que possible une extension des vaccinations dans une logique territoriale.
M. le président. La parole est à M. Francis Grignon.
M. Francis Grignon. Il est en effet important que le ministère serve de courroie de transmission. Monsieur le ministre, je vous remercie de votre réponse, qui permettra à toutes les parties prenantes de prendre une décision.
inquiétudes des producteurs d’huile essentielle de lavande
M. le président. La parole est à M. Michel Teston, auteur de la question n° 594, adressée à M. le ministre de l'agriculture, de l'agroalimentaire et de la forêt.
M. Michel Teston. Monsieur le ministre, à la suite du rapport du professeur en dermatologie Ian White remis au mois de juin 2012, le comité scientifique des produits de consommation de l’Union européenne a proposé de réduire le plus possible la présence de produits potentiellement allergènes dans les cosmétiques et les parfums. Ainsi, le nombre de substances dites « allergènes » risquant d’être proscrites ou limitées pourrait être porté de 26 à 80, voire à 130.
Or le linalol, substance reconnue comme potentiellement allergène, est présent dans l’extrait et l’huile essentielle de lavande. Les producteurs de lavande et de lavandin craignent que l’évolution de la réglementation européenne ne conduise à la limitation, voire à la suppression, de ces ingrédients des préparations destinées aux produits de la parfumerie, de la cosmétique et de la parapharmacie.
Au-delà, l’ensemble des producteurs de plantes aromatiques et médicinales expriment de fortes inquiétudes quant à l’avenir de leurs productions d’huiles essentielles. En Ardèche, cette filière compte plus d’une centaine exploitations représentant une surface de 540 hectares, dont 497 hectares sont consacrés à la lavande et au lavandin.
En outre, une telle décision aurait de fortes conséquences sur l’activité de l’entreprise française de la parfumerie et de la cosmétique. La qualité et l’efficacité de ses produits en seraient affectées, ce qui ferait peser des risques importants sur des milliers d’emplois au sein de la filière.
Le règlement européen d’enregistrement, d’évaluation, d’autorisation et de restriction des substances chimiques, dit « REACH », considère les huiles essentielles comme des produits chimiques. En conséquence, les producteurs de plantes aromatiques et médicinales devront fournir des études toxicologiques très poussées sur leurs produits, entraînant des coûts supplémentaires insupportables pour leurs exploitations.
Alors que les alcools ou les huiles de consommation, autres produits issus de la distillation classique des plantes, sont considérés comme des produits agricoles, il paraît incohérent que les huiles essentielles soient considérées comme des substances chimiques.
Monsieur le ministre, quelles réponses pouvez-vous apporter à l’inquiétude exprimée par les producteurs de plantes aromatiques et médicinales, en particulier par ceux de lavande et de lavandin, face aux évolutions envisagées de la réglementation européenne ?
M. le président. La parole est à M. le ministre.
M. Stéphane Le Foll, ministre de l'agriculture, de l'agroalimentaire et de la forêt. Monsieur le sénateur, j’ai eu l’occasion d’évoquer cette question avec les professionnels de la filière à la fin de l’année dernière. J’ai déjà été sensibilisé à ce sujet quand j’étais député européen.
Grâce aux six réglementations mises en place par l’Union européenne, en particulier le règlement REACH, la protection des consommateurs européens contre les molécules chimiques est l’une des plus élevées, sinon la plus élevée du monde.
Vous l’avez évoqué, il se trouve qu’une partie des huiles essentielles, pourtant à base de produits naturels, contient un certain nombre de substances cataloguées comme des produits chimiques et non comme des produits agricoles.
Le ministère de l’agriculture a déjà engagé plusieurs actions en faveur de la filière. Ainsi, en 2008, le pré-enregistrement a été mis en place grâce aux aides de FranceAgriMer. Cet établissement a également financé des actions et des études visant à aider les distilleries au cours des différentes étapes d’enregistrement. En 2013, au total, 160 000 euros ont été affectés à ce secteur.
Sur ce sujet, il nous faut maintenant développer une stratégie à l’échelon européen. En effet, indépendamment des coûts supplémentaires que cela entraîne, les conséquences des directives actuelles en termes d’étiquetage sont importantes. Vous l’avez soulevé, pour l’huile essentielle et les parfums de lavande, le nouvel étiquetage imposé serait dissuasif et serait proche de celui de l’eau de Javel ! C’est un véritable problème.
À la suite de ma rencontre avec des représentants de la filière, j’ai décidé la mise en place d’une mission au sein de la direction régionale de l’alimentation, de l’agriculture et de la forêt de la région PACA, pour accompagner les responsables de la filière dans la préparation de leurs analyses et démarches visant à plaider auprès de la Commission européenne un traitement spécifique.
En effet, parce que les huiles essentielles contiennent des substances chimiques, il faut veiller à informer les consommateurs. En revanche, il s’agit de produits chimiques traditionnels qui ne peuvent être assimilés à des produits chimiques basiques, car ils n’appellent pas la même utilisation. La lavande est un produit naturel, reconnu depuis des siècles.
Il faut donc obtenir une dérogation pour ces huiles essentielles naturelles, que tout le monde connaît et utilise, afin que les étiquetages de la lavande et des parfums issus de la distillerie ne soient ceux d’un produit chimique.
La mission est créée et a commencé à travailler. Dès que nous aurons défini un cadre juridique, nous plaiderons la défense de la lavande auprès de la Commission européenne.
M. le président. La parole est à M. Michel Teston.
M. Michel Teston. Monsieur le ministre, je vous remercie de votre réponse.
Je rappelle que la lavande et le lavandin, plus généralement les plantes aromatiques et médicinales, sont des productions particulièrement adaptées aux montagnes sèches et méditerranéennes. Elles peuvent donc difficilement être remplacées.
Je salue par ailleurs l’accompagnement financier apporté par l’État aux distilleries pour le pré-enregistrement et l’enregistrement, qui sont des démarches imposées par le règlement européen REACH.
Enfin, j’approuve la volonté que vous venez d’exprimer de plaider auprès de la Commission européenne en faveur d’un règlement spécifique pour les huiles essentielles. En effet, vous l’avez souligné, il s’agit de produits naturels composés certes d’éléments chimiques, mais qui sont depuis longtemps, et sans doute à raison, reconnus comme ne présentant aucun danger réel pour les consommateurs.
conditions de recours aux marchés globaux de conception, de réalisation et d’exploitation en vue de la réalisation de travaux
M. le président. La parole est à M. Louis Nègre, auteur de la question n° 612, adressée à M. le ministre de l'économie et des finances.
M. Louis Nègre. Monsieur le ministre, j’ai posé cette question orale sans débat voilà plusieurs semaines, ainsi qu’en atteste le Journal officiel du Sénat du 24 octobre 2013. Elle porte sur les conditions de recours aux marchés globaux de conception, de réalisation et d’exploitation ou de maintenance en vue de la réalisation de travaux relevant de la loi n° 85-704 du 12 juillet 1985 relative à la maîtrise d’ouvrage publique et à ses rapports avec la maîtrise d’œuvre privée.
Plus précisément, je souhaite connaître l’interprétation qu’il convient de retenir des dispositions du deuxième alinéa du paragraphe II de l’article 73 du code des marchés publics issu du décret n° 2006-975 du 1er août 2006 portant code des marchés publics et modifié par le décret n° 2011-1000 du 25 août 2011 aux termes duquel « si un tel marché [qui associe l’exploitation ou la maintenance à la conception et à la réalisation de prestations afin de remplir des objectifs chiffrés de performance] comprend la réalisation de travaux qui relèvent de la loi n° 85-704 du 12 juillet 1985, l’entrepreneur ne peut être associé à la conception que pour la réalisation d’engagements de performance énergétique dans un ou des bâtiments existants, ou pour des motifs d’ordre technique tels que définis à l’article 37. ».
Cette disposition autorise-t-elle le recours à ce type de marchés pour la conception, la construction et l’exploitation ou la maintenance d’ouvrages de bâtiments neufs ou d’ouvrages d’infrastructures neufs ou existants relevant de la loi précitée du 12 juillet 1985, dès lors qu’il existe seulement des « motifs d’ordre technique rendant nécessaire l’association de l’entrepreneur aux études de l’ouvrage » visés à l’article 37 du même code, indépendamment de tout engagement de performance énergétique ?
Je vous remercie par avance, monsieur le ministre, de toutes les précisions que vous voudrez bien m’apporter sur ce sujet quelque peu technique et complexe.
M. le président. La parole est à M. le ministre.
M. Stéphane Le Foll, ministre de l'agriculture, de l'agroalimentaire et de la forêt. Monsieur le sénateur, veuillez tout d’abord excuser l’absence de M. Pierre Moscovici, qui ne peut malheureusement pas être présent aujourd’hui.
Je vais tâcher de répondre aussi clairement que possible à cette question très technique, posée par un spécialiste, et qui comprenait en outre des références précises au code des marchés publics.
Le marché de conception, de réalisation et d’exploitation ou de maintenance est régi par le code précité, dont l’article 73 introduit une dérogation au principe de la division du marché en plusieurs lots, ou allotissement, puisqu’il permet de confier plusieurs missions à un même opérateur.
Le recours à des contrats globaux doit permettre de remplir des objectifs chiffrés de performance définis, notamment en termes de niveau d’activité, de qualité de service, d’efficacité énergétique ou d’incidence écologique.
Si un projet doit tenir compte de l’ensemble de ces éléments, il peut être mené par un opérateur unique.
La loi relative à la maîtrise d’ouvrage publique, dite « loi MPO », prévoit les conditions de recours aux contrats globaux qui dérogent au principe de base de séparation de la mission de maître d’œuvre ou d’architecte – la conception – de celle d’entrepreneur – la réalisation. Lorsque les marchés portent sur des travaux relevant de la loi MOP et qu’ils associent la conception et la réalisation, deux cas distincts peuvent être rencontrés.
Premièrement, en cas de travaux sur des bâtiments existants, le marché ne peut concerner que des engagements de performance énergétique définis contractuellement.
Deuxièmement, en cas de construction neuve, la conception-réalisation doit être justifiée par des motifs techniques particuliers, notamment des contraintes de spécificités techniques de construction et d’utilisation du bâtiment. C’est pourquoi, à titre d’exemple, nous avons fait voter le recours à un tel contrat global pour le marché de l’exposition universelle de Milan 2015, pour laquelle il existait de fortes contraintes techniques pour la réalisation du pavillon France, notamment en matière de performance énergétique, et des objectifs multiples en termes de service, de présence et de publicité.
Telles sont, monsieur le sénateur, les raisons qui peuvent justifier une dérogation au principe de l’allotissement des marchés publics.
M. le président. La parole est à M. Louis Nègre.
M. Louis Nègre. Monsieur le ministre, je vous remercie de votre réponse, qui éclaircit ce dossier délicat et complexe, sur lequel nous avions besoin de précisions pour avancer.
Je me suis toutefois aperçu que cette procédure avait déjà été utilisée récemment par une communauté d’agglomération du Sud de la France, en vue de concevoir la réhabilitation et la maintenance d’une piscine pour atteindre des objectifs de performance énergétique. Il a également été fait recours à cette procédure dans plusieurs autres cas, par exemple la réalisation d’une chaufferie au bois et d’un réseau de chaleur.
Votre réponse vient confirmer que des motifs d’ordre technique peuvent justifier cette dérogation.
lutte contre le « dumping » social
M. le président. La parole est à M. André Reichardt, auteur de la question n° 648, adressée à M. le ministre du travail, de l'emploi, de la formation professionnelle et du dialogue social.
M. André Reichardt. Monsieur le ministre, la mise en place d’un marché unique sans harmonisation sociale européenne révèle jour après jour ses effets désastreux, notamment à travers des pratiques de dumping social qui mettent à mal nos entreprises et nos emplois, tout particulièrement dans les régions frontalières comme l’Alsace.
Le 15 octobre 2013, la réunion des ministres européens du travail portant sur la directive Détachement avait ainsi permis de mettre en évidence des abus importants quant à l’utilisation de la main-d’œuvre détachée en matière de coût du travail et de réglementation sociale, mais elle s’était soldée par une absence de décisions. Fort heureusement, les ministres des Vingt-Huit se sont enfin mis d’accord, lundi 9 décembre 2013, pour réguler le détachement des travailleurs d’un pays à l’autre de l’Union européenne. Il a notamment été décidé que chaque gouvernement sera libre de définir les mesures de contrôle qu’il jugera nécessaires pour combattre les fraudes.
C’est ainsi, monsieur le ministre, que vous avez signé voilà à peine deux semaines une instruction avec les ministres chargés des transports, de la concurrence, des douanes, du redressement productif et de l’intérieur pour renforcer l’action de contrôle contre le dumping social dans les transports routiers. Je me félicite de cette action.
Toutefois, il est tout aussi urgent d’agir en faveur d’autres secteurs, très directement concernés, comme le bâtiment ou la production de légumes, dont les acteurs ne cessent de nous interpeller.
Ainsi, pouvez-vous nous dire quelles mesures le Gouvernement compte prendre à l’égard de ces derniers ?
Outre la nécessité de donner des moyens aux autorités de contrôle nationales et de mettre fin au détournement de la réglementation sociale européenne via une procédure harmonisée, il est à mon sens absolument nécessaire, si l’on veut lutter contre le dumping social en faisant preuve d’une véritable convergence européenne, d’une part, de mettre en place un salaire minimal européen – vaste programme s’il en est ! –, d’autre part, de prévoir des pratiques sociales harmonisées dans le marché unique européen.
Les acteurs des différents secteurs concernés s’inquiètent naturellement des mesures qui seront prises à cet égard et ils souhaiteraient obtenir des précisions sur la stratégie du Gouvernement sur cette question, tout particulièrement sur la politique que va mener la France auprès de l’Union européenne.
M. le président. La parole est à M. le ministre.
M. Michel Sapin, ministre du travail, de l'emploi, de la formation professionnelle et du dialogue social. Monsieur le sénateur, votre question, qui est en fait double, rejoint une même préoccupation, celle de la lutte contre le dumping social dans l’espace européen.
Ce dernier doit être un espace de progrès social, et non de régression sociale, surtout lorsqu’il est question de la violation des règles qui sont censées s’imposer à tous, quel que soit le secteur concerné. Nous ne pouvons tolérer cette exploitation scandaleuse de salariés, quand bien même viendraient-ils d’autres pays européens que le nôtre, exploitation dont les conséquences en termes de concurrence déloyale peuvent de surcroît être destructrices pour notre tissu économique, que ce soit dans les domaines du transport, du bâtiment, de l’agroalimentaire ou de la production agricole, en l’occurrence légumière.
Pour vous répondre, je me permettrai de développer deux grands sujets, mais très rapidement, afin de rester dans les limites du temps qui m’est imparti.
Nous entendons tout d’abord lutter contre les abus considérables commis en matière de détachement de travailleurs européens en France. Comme vous le savez, monsieur le sénateur, de nombreux travailleurs français sont aussi détachés à l’étranger, et il me semble que vous êtes tout autant que nous attaché à la libre circulation, à condition qu’elle s’exerce dans le respect des règles qui ont été fixées par l’Union européenne. Or tel n’est pas le cas aujourd’hui.
Après de nombreuses années, nous avons enfin pu obtenir, le 9 décembre dernier, un accord largement majoritaire de l’ensemble des États européens. Cet accord permettra à chaque pays de mettre en place des mesures de contrôle. En effet, les règles régissant le travail diffèrent d’un pays à l’autre, de même que les documents nécessaires pour justifier du respect de ces règles. Chaque État pourra donc exiger une liste ouverte de documents permettant de vérifier le respect du droit du travail.
Nous avons aussi le devoir de rendre solidairement responsables le donneur d’ordre et les différentes entreprises sous-traitantes concernées, même si cela vaut peut-être moins dans le domaine légumier, où l’abus est parfois simplement dû au lien entre une exploitation et un pourvoyeur de main-d’œuvre. Toutefois, encore faut-il que la règle existe au plan européen et, en l’occurrence, cet accord a permis de la renforcer.
Viennent ensuite les décisions nationales. Dans quelques semaines, mesdames, messieurs les sénateurs, vous aurez à examiner une proposition de loi qui vise à intégrer dans le droit français les conséquences de l’accord européen, ce qui nous permettra de disposer de l’outil juridique nécessaire pour poursuivre un certain nombre de situations illégales.
Enfin – vous l’avez remarqué à propos du transport routier, monsieur le sénateur, mais je le fais dans beaucoup d’autres domaines –, j’ai demandé à mes services, en collaboration avec ceux de l’URSSAF et du ministère de l’intérieur, de renforcer les contrôles effectifs sur le terrain. Ces contrôles, qui sont à la fois dissuasifs et curatifs, devraient permettre de faire utilement reculer les abus dans ce domaine.
Au-delà, vous avez raison d’inscrire votre question dans le champ plus large d’une Europe sociale, une Europe qui contribue à élever le socle des protections plutôt qu’à l’abaisser vers le niveau le plus bas. C’est un enjeu décisif et, grâce à la coopération entre l’Allemagne et la France, nous avons justement pu relancer une vraie Europe sociale. Étant un élu d’Alsace, vous êtes bien placé pour savoir que la perspective de la mise en place d’un SMIC en Allemagne est considérée comme un véritable progrès, non seulement pour les travailleurs allemands, mais aussi pour de nombreux secteurs en France qui pâtissent aujourd’hui de l’absence de salaire minimal.
Ce retour de l’Europe sociale me paraît extrêmement bénéfique. Nous devons maintenant aller plus loin, passer aux mesures concrètes et faire en sorte qu’un socle de droits minimaux s’applique véritablement sur l’ensemble du territoire européen. Voilà, monsieur le sénateur, une belle bataille que nous pouvons mener ensemble !
M. le président. La parole est à M. André Reichardt.
M. André Reichardt. Je vous remercie de votre réponse, monsieur le ministre, et me permettrai deux observations.
Tout d’abord, s’agissant des contrôles, tout particulièrement dans la région que vous avez bien voulu citer, il est indispensable de développer la même énergie dans le secteur du bâtiment, dans lequel les entreprises locales éprouvent de nombreuses difficultés du fait de ces pratiques. Je n’oublie pas non plus les producteurs de légumes, que j’ai également évoqués.
Pour ce qui concerne l’harmonisation sociale, vous avez raison d’indiquer qu’il convient d’aller vers une élévation du socle de prestations qui devra obligatoirement se traduire par une modification, à terme, de la directive européenne pertinente. Il faudrait désormais que s’appliquent, non seulement les règles de droit du travail du pays d’accueil, mais également les règles sociales. En d’autres termes, il faudrait aussi que les travailleurs détachés soient amenés, le cas échéant, à participer à une contribution sociale dans le pays d’accueil, ce qui permettrait de régler une grande partie des difficultés actuellement liées à ce dumping social.
concurrence entre les entreprises établies en france et celles établies dans un autre état membre de l’union européenne
M. le président. La parole est à M. Roland Courteau, auteur de la question n° 660, transmise à M. le ministre du travail, de l’emploi, de la formation professionnelle et du dialogue social.
M. Roland Courteau. Monsieur le ministre, ma question, qui rejoint celle qui vient d’être posée, fait suite à l’intervention grandissante, sur le territoire français, en particulier en Languedoc-Roussillon, d’entreprises établies dans un autre État membre de l’Union européenne, lesquelles agissent en dehors du cadre réglementaire français, ce qui leur permet ainsi d’obtenir des marchés à des prix que les entreprises établies en France ne peuvent soutenir.
Par ailleurs, comme vous le savez, la pratique des détachements est devenue un problème majeur. Et, sous couvert de libre circulation, un véritable dumping social se développe.
Certes, il n’est pas question de remettre en cause la libre prestation de services dans le cadre du marché unique européen, dès lors que celle-ci s’exerce en conformité avec les règles légales.
Mais force est de le constater, la loi sur le détachement de salariés est facilement contournée par les entreprises à bas coûts qui mettent à profit les fossés sociaux et fiscaux existant entre les pays membres.
J’observe que les régimes de prestation de services et de détachement sont détournés pour conduire à de véritables filières de mise à disposition de personnel, sans respect des règles de droit du travail et sans que soient assumées les charges qui s’appliquent aux entreprises françaises.
Ainsi, par exemple, sont proposés par courrier des services de recrutement d’ouvriers polonais en contrat de détachement dont les taux horaires se situent entre 14,50 euros et 17,50 euros, salaire, charges sociales, indemnités de congés payés compris… Il faut comparer ces montants avec le taux horaire moyen en France, plusieurs fois supérieur.
Je veux signaler également qu’au sein des dix-sept pays membres de la zone euro, le coût du travail horaire, calculé en additionnant salaires et traitements aux charges sociales, va de 8,10 euros en Estonie à 39,30 euros en Belgique.
Enfin, il n’est pas acceptable qu’une entreprise étrangère ne respecte pas l’ensemble des droits sociaux et fiscaux des pays où s’effectue le travail. De plus, cette impunité – quasiment garantie durant des années –, dont ont bénéficié ces dérives est vécue comme une très grande injustice et une concurrence déloyale par ceux qui, en France, s’efforcent de respecter les règles.
Bref, de nouveaux garde-fous contre le dumping social sont absolument nécessaires. Il n’est pas moins indispensable d’établir toutes les responsabilités dès lors que des agissements frauduleux sont constatés.
Le 9 décembre dernier, monsieur le ministre, vous avez obtenu de vos collègues européens un accord sur un renforcement des contrôles afin de lutter contre les dérives relatives au statut des travailleurs détachés, notamment en responsabilisant les sous-traitants.
J’apprécie d’autant plus votre action que le phénomène que je dénonce est particulièrement dévastateur pour les entreprises françaises du bâtiment, et donc pour l’emploi. La région Languedoc-Roussillon souffre particulièrement de ces dérives : 4 200 emplois ont été perdus entre 2007 et 2012 dans ce secteur !
Pouvez-vous, à la suite de l’accord obtenu à l’échelon européen, me faire connaître les mesures que vous entendez prendre pour mettre enfin un terme à de telles pratiques.
M. le président. La parole est à M. le ministre.
M. Michel Sapin, ministre du travail, de l'emploi, de la formation professionnelle et du dialogue social. Monsieur le sénateur, je vais placer ma réponse dans le prolongement de celle que je viens de faire à M. Reichardt.
Dans le secteur du bâtiment, puisque c’est principalement celui sur lequel vous m’interrogez, les dérives, manifestes et massives, s’appuient sur des mécanismes extrêmement sophistiqués : s’il existe bien un donneur d’ordre, ce dernier va s’adresser à un sous-traitant, qui s’adressera à un autre sous-traitant d’une nationalité différente, lequel s’adressera à son tour à un autre sous-traitant, d’une nationalité encore différente…
Afin de lutter efficacement contre ces dérives et de rendre le donneur d’ordre responsable de ce qui se passe sur son chantier, il fallait mettre en place, sur l’ensemble du territoire européen, une obligation permettant d’engager la responsabilité des donneurs d’ordre vis-à-vis de leurs sous-traitants.
C’est là le cœur de la décision du 9 décembre dernier qui, je le rappelle, n’a pas été prise à l’unanimité. Certains pays sont restés sur cette position extrêmement dogmatique – je pense en particulier à la Grande-Bretagne – selon laquelle le laisser-faire vaut toujours mieux que la réglementation. Non ! À un moment donné, la réglementation est nécessaire pour permettre d’éviter ces dérives extrêmement préjudiciables aux salariés comme au tissu économique lui-même.
Cette responsabilité solidaire va donc être instaurée sur l’ensemble du territoire européen. Sans attendre, vous aurez, je le répète, mesdames, messieurs les sénateurs, à débattre dans les semaines qui viennent de la mise en place de cette responsabilité dans tous les secteurs, notamment celui du bâtiment où cela est particulièrement nécessaire.
La législation française sera en conformité avec la future directive avant même que celle-ci ne soit définitivement adoptée par le Parlement européen ! Il s’agit d’un progrès considérable, qui peut être mis en place extrêmement rapidement.
Je terminerai, monsieur le sénateur, en disant que la situation que vous décrivez en Languedoc-Roussillon existe aussi dans de nombreuses autres régions du territoire français. Nous le constatons, la proximité des frontières peut faciliter l’apparition de mécanismes délictueux.
Toutefois, je voudrais que chacun prenne ses responsabilités. En effet, si certaines dérives ont été dénoncées sur le territoire national, c’est aussi parce que des entreprises françaises les ont acceptées. Les mêmes qui vont se plaindre, à juste titre, d’abus ayant des conséquences catastrophiques sur l’emploi en France, sont aussi celles qui répondront à ces petites annonces ou petits tracts que vous avez décrits et qui ne sont rien d’autre que la description d’un délit, personne n’ignorant qu’il est impossible de payer un ouvrier – fût-il polonais – au tarif horaire que vous avez annoncé en respectant le droit du travail. Chacun doit donc se sentir responsable, même les entreprises.
Pour ma part, je suis prêt à accompagner, y compris à travers de meilleurs contrôles, la lutte contre ces dérives et cette concurrence tout à fait déloyale, mais, je le répète, je demande à chacun de prendre ses responsabilités. Je sais qu’au Sénat, vous serez unanimement favorables à cet appel à la responsabilité. Nous aurons les moyens juridiques, nous aurons les contrôles, nous aurons les sanctions, mais il faut aussi que chacun soit droit dans ses bottes !
M. le président. La parole est à M. Roland Courteau.
M. Roland Courteau. Je vous remercie de votre réponse, monsieur le ministre, et de votre action face à ce problème majeur.
Nous ne pouvons tolérer ni les conditions de travail et d’hébergement indignes réservées aux travailleurs détachés, nouvelles figures de l’esclavage moderne, ni les conséquences de cette concurrence déloyale sur la compétitivité de nos entreprises.
Je sais que la croissance et l’emploi sont une priorité pour le Gouvernement, au plan tant national qu’européen. Toutefois, cette croissance n’a de sens que si elle bénéficie à tous, ce qui implique de lutter contre le dumping social et le travail low cost.
L’Europe, en ce domaine, doit faire plus. Ce que les Européens attendent, c’est une Europe solidaire, c’est une croissance solidaire ! Tel est le sens de votre action ; je vous en félicite et vous en remercie, monsieur le ministre.
M. le président. Mes chers collègues, l'ordre du jour de ce matin étant épuisé, nous allons maintenant interrompre nos travaux ; nous les reprendrons à quatorze heures trente.
La séance est suspendue.
(La séance, suspendue à douze heures dix, est reprise à quatorze heures trente.)
M. le président. La séance est reprise.
6
Mise au point au sujet d'un vote
M. le président. La parole est à M. Jean-Claude Requier.
M. Jean-Claude Requier. Monsieur le président, vendredi dernier, au cours de la discussion des articles du projet de loi pour l’accès au logement et un urbanisme rénové, deux amendements identiques déposés par Jean-Pierre Sueur et Jacqueline Gourault, relatifs à la commune de Chambord et à la gestion du domaine national de Chambord, ont été présentés en séance, avant de donner lieu à un scrutin public et d’être repoussés par une très large majorité de nos collègues.
Sur ce scrutin n° 132, M. Mézard et moi-même souhaitons rectifier notre vote, car nous voulions voter contre ces deux amendements. Aussi vous serais-je reconnaissant, monsieur le président, de faire procéder à une rectification de nos votes auprès de la division des scrutins.
M. le président. Acte vous est donné de cette mise au point, mon cher collègue. Elle sera publiée au Journal officiel et figurera dans l’analyse politique du scrutin.
7
Économie réelle
Discussion en procédure accélérée d'une proposition de loi dans le texte de la commission
M. le président. L’ordre du jour appelle la discussion de la proposition de loi, adoptée par l’Assemblée nationale après engagement de la procédure accélérée, visant à reconquérir l’économie réelle (proposition n° 7, texte de la commission n° 329, rapport n° 328, avis nos 314, 315 et 316).
Dans la discussion générale, la parole est à M. le ministre.
M. Pierre Moscovici, ministre de l'économie et des finances. Monsieur le président, madame la présidente de la commission des affaires sociales, madame la rapporteur, messieurs les rapporteurs pour avis, mesdames, messieurs les sénateurs, depuis le début du quinquennat, le cap de la majorité présidentielle est clair : c’est l’emploi. L’emploi industriel concentre particulièrement nos efforts, parce qu’il faut protéger, relancer, densifier et élargir le tissu industriel français. La proposition de loi que vous examinez aujourd’hui est élaborée à cet effet.
Notre industrie a besoin d’être plus compétitive et il est urgent d’agir pour que la France conserve sa place de cinquième puissance économique mondiale. Il est important de rappeler que la part de l’industrie dans la valeur ajoutée totale, en France, est passée de 18 % en 2000 à un peu plus de 12,5 % en 2011. Plus grave, l’emploi industriel s’est parallèlement dégradé de façon continue, passant de plus de 26 % de l’emploi salarié total en 1980 à 12,6 % en 2011.
Il y a là une hémorragie continue, parfois ralentie, qu’il faut absolument interrompre. Le délitement de la production industrielle depuis plus de trente ans provoque des drames humains terribles. Si les chiffres semblent toujours un peu abstraits, les souffrances qui se cachent derrière eux et auxquelles nous devons faire face dans nos circonscriptions sont, elles, bien concrètes. Si je me permets de parler ainsi, c’est parce que je suis moi-même l’élu d’un territoire industriel qui a connu et connaît la crise du secteur automobile. M. Bourquin le connaît bien, lui qui a également vu l’emploi industriel total reculer de manière dramatique et drastique.
Cette perte de substance industrielle affecte notre économie bien au-delà du seul secteur dit secondaire. Pour ma part, je n’ai jamais voulu opposer industrie et services. Je sais que l’emploi industriel a un important effet multiplicateur sur les autres emplois et que l’industrie porte une très large part de la recherche et de l’innovation, ainsi que des gains de productivité. Je veux aussi souligner l’importance des services associés à l’industrie. Par ailleurs, chacun le sait, les pays les plus industrialisés sont ceux qui résistent le mieux à la crise. C’est donc la colonne vertébrale de notre économie qui fléchit avec le recul de l’industrie sur notre territoire. C’est pourquoi nous ne pouvons pas accepter la perspective d’une France sans industrie. Nous devons donc ardemment travailler à la réindustrialisation de notre pays.
Il serait réducteur d’accuser le processus de mondialisation comme étant la seule cause du recul de l’industrie française. D’ailleurs, une chose montre à l’envi que tel n’est pas le cas : nous avons à côté de nous un grand pays, l’Allemagne, qui, avec la même monnaie et face à la même mondialisation, enregistre des performances industrielles bien meilleures. Il est donc nécessaire de remédier à nos propres faiblesses et difficultés.
Il y a des facteurs complexes qui sont à l’œuvre et l’ouverture à l’international, qui permet à de grands groupes comme à de plus petites entreprises de conquérir de nouveaux marchés, constitue un défi, mais aussi un levier, une opportunité, une chance, pour la réindustrialisation de la France. Pour ma part, je ne plaide pas en faveur de je ne sais quel repli protectionniste. Nous devons avoir des stratégies offensives et des protections efficaces.
N’oublions pas que 30 % des emplois industriels en France sont le fait de groupes étrangers. Dans un monde où la mobilité des capitaux est une réalité tangible, l’objectif, je le répète, doit donc être moins défensif qu’offensif : à nous de mettre en place les conditions pour attirer les investissements sur notre territoire, d’abord au bénéfice de notre tissu productif et des salariés, en trouvant le juste équilibre entre une indispensable protection et une attractivité vitale. Gardons-nous d’une vision simpliste des investissements étrangers : ils sont aussi créateurs d’emplois sur notre territoire.
Mais il n’y a aucune fatalité au déclin de l’industrie. Ce constat, partagé, a amené la majorité de l’Assemblée nationale à déposer une proposition de loi visant à reconquérir l’économie réelle. Je veux me féliciter de la qualité du travail parlementaire mené depuis lors, au Sénat notamment, dans le cadre de la commission des affaires sociales et des commissions saisies pour avis, plus particulièrement la commission des finances et la commission des lois.
Permettez-moi de commenter rapidement les deux grands axes qui structurent cette proposition de loi, à savoir la recherche d’un repreneur et les mesures en faveur de l’actionnariat de long terme.
Le Président de la République s’était engagé, lorsqu’il était encore candidat à l’élection présidentielle, à faire adopter une loi relative à la recherche d’un repreneur. Cet engagement s’est traduit par l’accord national interprofessionnel du 11 janvier 2013, transposé dans la loi du 14 juin 2013. Si les partenaires sociaux ont posé le principe, dont la loi du 14 juin 2013 a fixé le cadre, de l’obligation de la recherche d’un repreneur lorsqu’un site ferme, la procédure détaillée n’avait alors pas été traitée, compte tenu de l’annonce de la proposition de loi que vous vous apprêtez à examiner, mesdames, messieurs les sénateurs.
Celle-ci s’inscrit donc dans le prolongement logique de la loi relative à la sécurisation de l’emploi et s’articule harmonieusement avec cette dernière.
Nous comprenons tous, ici, quelle que soit notre sensibilité politique, le mouvement rapide de l’économie, le besoin pour les entreprises de s’adapter, de se réorganiser, d’être agile. Mais il y a une contrepartie : pour ne pas laisser choir les salariés, les sites et les territoires, il faut construire avec eux et pour eux des solutions nouvelles, qui commencent par la recherche d’un repreneur. Oui, nous devons le dire avec force, l’entreprise a une responsabilité sociale à l’égard de ses salariés !
J’entends fréquemment les employeurs se définir comme des créateurs d’emploi et des meneurs d’hommes. C’est vrai dans la plupart des cas, je leur en donne acte. Il faut agir pour et avec l’entreprise. Mais mener les hommes suppose aussi de s’engager pour eux du début jusqu’à la fin de l’aventure d’une entreprise ou d’un site. J’ai envie de dire que c’est élémentaire, que cela devrait être naturel. D’ailleurs, beaucoup de chefs d’entreprise, que nous connaissons sur nos territoires, le font déjà, parce qu’ils ont des valeurs, parce que l’entreprise n’est pas pour eux qu’un centre de profit. C’est tout à fait l’esprit de cette loi, qui ne tend pas à ajouter des contraintes nouvelles supplémentaires (Mme Catherine Procaccia s’exclame.), mais à décrire la normalité d’une vie économique et sociale mature, dans laquelle il est légitime que les entreprises puissent se réorganiser, mais aussi qu’elles acceptent, concomitamment, leurs responsabilités à l’égard des hommes et des femmes qui travaillent pour elles.
L’objet de ce texte n’est donc pas la coercition ou une quelconque échappée punitive contre l’entreprise : il s’agit de généraliser de bonnes pratiques. C’est ainsi que je veux expliquer l’obligation faite à l’employeur de rechercher un repreneur dans l’éventualité d’une fermeture d’établissement. Pour ce faire, la loi décrit les moyens à employer ; rien que le bon sens économique ne commande déjà et qu’une relation intelligente entre les partenaires sociaux ne devance.
Cette loi est une loi non pas de contrôle, mais de vertu, dont l’effet est nul si l’on est soi-même capable de construire une relation intelligente avec les partenaires sociaux et de tenter de trouver des solutions alternatives aux licenciements. Mais, à l’inverse, si un employeur se comporte de façon indélicate, la loi représentera une contrainte pour l’entreprise et une protection pour les salariés. Que chacun, je le répète, assume ses responsabilités !
Je le dis avec franchise et bienveillance, si cette nouvelle obligation est traitée de manière sincère et réelle, alors chacun peut en sortir gagnant. L’idée est en effet d’inciter à des comportements mutuellement vertueux.
Je souhaite toutefois insister sur un autre aspect qui me paraît essentiel. Cette proposition de loi sonne comme un texte stratégique de préservation de notre capital industriel. Les sites industriels sont un tissu vivant, un écosystème riche d’infrastructures et de savoirs, d’unités de production et de services, de conception et d’exécution, de formation et de transmission des compétences. Nous ne regarderons pas s’en aller les sites de production et, si telle entreprise ne peut ou ne veut plus produire à un endroit, il en est d’autres – nouvelles ou existantes – qui peuvent et doivent en bénéficier. Car il faut bien savoir une chose : quand un site ferme, quand il s’arrête totalement pour une durée indéterminée, il est extrêmement difficile de le revitaliser, alors que si l’on entretient sa continuité, l’emploi se redéveloppe plus vite.
Le travail réalisé en commission par votre assemblée a d’ailleurs permis de conserver ce cap, tout en proposant, et je vous en félicite, de rendre plus solide et opérationnel le dispositif prévu. En conséquence, le Gouvernement soutient donc la démarche, l’esprit et la lettre du texte, qui vise à trouver un compromis responsable.
Je souhaite à présent évoquer le second pilier de cette proposition de loi, celui qui concerne l’actionnariat de long terme. À ce stade, je veux rappeler la vision qui est celle du Gouvernement.
Mesdames, messieurs les sénateurs, nous avons un objectif partagé : la puissance publique doit favoriser l’actionnariat et les investissements de long terme, seuls vraiment créateurs de valeur pour nos industries et nos territoires. Parce que s’inscrire dans le temps long, c’est tout simplement se réconcilier avec l’avenir. Notre modèle à tous, c’est le bâtisseur d’industrie, plutôt que le financier volatile ; c’est le modèle suédois dans sa grande époque, plutôt que le modèle britannique. L’actionnariat durable, c’est aussi l’emploi durable.
Nous avons progressé sur de nombreux aspects lors des débats parlementaires menés d’abord à l’Assemblée nationale puis au Sénat, lors de l’examen du texte en commission. Je tiens ainsi à indiquer que le Gouvernement soutient et partage l’ensemble des amendements adoptés sur cette partie du texte par votre commission des affaires sociales, sur l’initiative de Mme la rapporteur, de M. le rapporteur pour avis de la commission des finances ou de Mme la présidente de la commission des affaires sociales.
Pourquoi les soutenons-nous ? Parce que ces amendements permettent de préciser, de compléter et d’améliorer le texte adopté par l’Assemblée nationale, qui devrait donc souscrire à ces modifications et aux indéniables améliorations qu’elles apportent. Cela explique que le Gouvernement n’ait qu’un très petit nombre d’amendements à proposer sur cette partie. Je vais y revenir.
Je rappellerai d’abord les principaux acquis du texte. La généralisation des droits de vote double et les mesures sur le rythme de progression dans le capital d’une entreprise vont permettre de lutter contre les prises de contrôle « rampantes » par certains investisseurs. L’instauration d’un « seuil de caducité » des offres, qui est une forme de soupape de sécurité en prévention des opérations hostiles, va également contribuer à protéger nos entreprises et à encourager l’investissement de long terme, dans le respect du droit communautaire.
En ne se voyant plus imposer la « neutralité » systématique en période d’offre, les conseils d’administration pourront mettre en place des stratégies de défense en cas d’OPA hostile. C’est une excellente chose.
Enfin, les salariés, qui sont au cœur même de la création de valeur dans l’entreprise, seront désormais consultés en cas d’OPA et pourront s’exprimer, selon une procédure que nous voulons finement cadrer et encadrer.
Sur ce dernier point, je salue les avancées que votre commission a introduites dans le texte en dessinant plus précisément les différentes étapes de la consultation.
Comme je l’avais rappelé lors des débats à l’Assemblée nationale, tant en commission qu’en séance plénière, il est en effet indispensable d’articuler au mieux la procédure d’information-consultation que le texte met en place et la procédure de l’offre publique elle-même. Nous devons en effet veiller à respecter le droit communautaire, et notamment la directive relative aux OPA, qui ne nous permet pas de créer, de facto, des procédures rendant impossible la réalisation d’une offre. C’est dans cet esprit que le Gouvernement a déposé des amendements qui visent à consolider la procédure mise en place par la commission.
Je veux souligner, au-delà des nuances qui pourraient subsister, la grande proximité d’esprit entre le Gouvernement et sa majorité. Nombre des textes que nous avons proposés, et qui ont été substantiellement enrichis par cette assemblée ces derniers mois, viennent soutenir l’ambition de préservation de l’emploi industriel sur notre territoire.
J’espère que cet objectif sera très largement partagé sur l’ensemble des travées de cet hémicycle.
Cette proposition de loi constitue l’un des leviers en faveur de notre ambition commune pour favoriser et protéger l’actionnariat de long terme et l’industrie dans notre pays. Mais elle ne saurait résumer une politique à elle seule. En renforçant nos entreprises, nous renforçons notre tissu productif, nous préparons les emplois de demain. En agissant sur le financement de l’économie, nous donnons à nos entreprises les moyens de se développer.
C’est précisément l’objectif du pacte de responsabilité dont le Président de la République a pris l’initiative : créer un vrai compromis social permettant de rapprocher toutes les parties prenantes.
Ce pacte, c’est le rassemblement de tous ; ce pacte, c’est le combat commun pour l’emploi. Son objectif est simple : aider les entreprises à être plus compétitives pour investir davantage, pour mieux protéger les emplois et en créer de nouveaux. Il repose sur l’investissement des entreprises et vise à les réconcilier avec l’avenir.
Les entreprises se trouvent dans une sorte d’écosystème ; c’est pourquoi le Gouvernement a souhaité être actif sur toutes les composantes de cet écosystème et a ouvert de nombreux chantiers pour accélérer le redressement industriel de notre pays. La simplification est un pilier fondamental du pacte de responsabilité qui permet aux entreprises de se concentrer sur leur cœur de métier : innover et croître. Cela leur permettra d’embaucher et de protéger leurs salariés.
Dans le même sens, comme le Président de la République l’avait annoncé lors de sa conférence de presse, les assises de la fiscalité des entreprises ont commencé la semaine dernière. Là encore, c’est l’emploi qui est l’obsession du Gouvernement. Il s’agit de créer une justice fiscale et une efficacité fiscale pour l’emploi, en permettant aux entreprises de dégager des marges pour investir et embaucher. C’est le sens du mot « contrepartie », auquel je tiens fondamentalement. Un pacte suppose en effet que chacun donne et reçoive.
Ce compromis, pour que tous soient gagnants et s’engagent pour l’emploi et pour la réindustrialisation du pays, est historique. Je souhaite qu’il puisse transcender les frontières politiques, car c’est bien une politique d’intérêt général qui se dessine ainsi.
En menant cette politique de compétitivité, tout le Gouvernement est mobilisé afin que notre tissu industriel retrouve sa vitalité, sa richesse, son ambition, afin que les entreprises se fassent davantage confiance, se sentent accompagnées et se projettent dans l’avenir en investissant, en innovant, en embauchant. C’est l’esprit du pacte de compétitivité pour la croissance et l’emploi et de sa mesure la plus connue, le crédit d’impôt pour la compétitivité et l’emploi.
La sanctuarisation du crédit d’impôt recherche va aussi permettre de favoriser l’innovation et donc les emplois de demain.
Je pense aussi à la structuration des filières industrielles, dont Arnaud Montebourg a fait sa priorité. L’hydrogène, l’aluminium, la silver economy sont autant d’exemples prometteurs de filières à structurer et à renforcer.
Je pense à l’effort d’organisation des filières à l’export, mené par Nicole Bricq, pour que nos entreprises, nos grands groupes et nos PME partent ensemble à la conquête de nouveaux marchés, à l’international.
Je pense aussi à la réorientation de l’épargne que je mène pour faciliter le financement de l’économie réelle et aider en particulier les PME, les TPE et les start up porteuses d’idées novatrices et créatrices d’emplois.
Je pense à toutes les autres mesures de simplification, de modernisation, de déconcentration qui seront prises et effectives au cours du prochain trimestre, afin de répondre très rapidement aux problèmes de l’emploi et du tissu industriel français.
Mesdames, messieurs les sénateurs, la réussite de cette politique implique que les pouvoirs publics soient pleinement engagés, non seulement pour créer les conditions de succès de nos entreprises, mais également sur le terrain, au côté des entreprises elles-mêmes. C’est bien l’ambition, la volonté du Gouvernement que de se donner les moyens d’agir à travers une palette renouvelée d’outils.
Avec Bpifrance, la banque publique d’investissement, banque des territoires, des PME, des entreprises de taille intermédiaire, de l’économie sociale – mon collègue Benoît Hamon, ici présent, en témoignera –, à la création de laquelle vous avez contribué dans un large rassemblement, mesdames, messieurs les sénateurs, et qui fêtera son premier anniversaire la semaine prochaine, nous disposons d’un levier pour que les prises de participations publiques puissent aussi contribuer à stabiliser l’actionnariat et à protéger nos intérêts stratégiques, sur un horizon de détention à moyen et long termes. C’est de l’avenir qu’il s’agit.
Puisque l’industrie française fait partie d’un écosystème, il faut une combinaison d’approches macroéconomiques – j’en ai peu parlé –, financières – je viens d’en dire quelques mots – et microéconomiques, de manière à appréhender toutes les dimensions du défi de l’emploi industriel.
Ce texte est offensif et pragmatique ; il s’inscrit dans une stratégie de lutte pour l’emploi, pour le renforcement de la démocratie dans l’entreprise, pour la protection des intérêts stratégiques français. C’est un texte protecteur pour les salariés, favorable au développement des entreprises, qui les incite à innover et à embaucher. C’est un bon texte, nonobstant les quelques remarques que j’ai formulées et les amendements que le Gouvernement vous soumettra.
Mesdames, messieurs les sénateurs, votre présence nombreuse témoigne l’intérêt que vous manifestez pour ce texte. Vous l’éprouvez sur vos territoires, la crise économique a conduit depuis 2008 à une prise de conscience généralisée de la nécessité de transformer durablement notre système économique pour permettre que l’industrie française soit préservée, relève la tête et reprenne du poil de la bête. Ce texte, dont je suis intimement convaincu qu’il est d’intérêt général et qu’il sera bénéfique pour tous, s’inscrit dans cette logique avec, comme finalité, l’investissement, la protection des salariés, l’embauche. J’espère qu’il obtiendra de la Haute Assemblée une très large majorité, celle qu’il mérite. (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste. – MM. Jean-Claude Requier et Jean Desessard applaudissent également.)
M. le président. La parole est à Mme la rapporteur.
Mme Anne Emery-Dumas, rapporteur de la commission des affaires sociales. Monsieur le président, monsieur le ministre, madame la présidente de la commission, messieurs les rapporteurs pour avis, mes chers collègues, la commission des affaires sociales soumet à l’examen du Sénat le texte qu’elle a adopté le 29 janvier dernier.
Déposée par le groupe socialiste, le groupe écologiste et le groupe radical, républicain, démocrate et progressiste de l’Assemblée nationale, la proposition de loi visant à reconquérir l’économie réelle vient parachever une longue réflexion des groupes de la majorité parlementaire, qui a débuté en février 2012 avec la proposition de loi tendant à garantir la poursuite de l’activité des établissements viables.
Certains ont pu s’interroger, parfois non sans humour, sur l’intitulé même de la proposition de loi.
Je leur répondrai simplement que reconquérir l’économie réelle ne signifie rien d’autre que lutter contre la financiarisation de l’économie, refuser la fatalité des fermetures abusives de sites rentables et favoriser, chaque fois que cela est possible, leur reprise pour préserver l’activité économique et l’emploi sur nos territoires.
Reconquérir l’économie, c’est aussi s’opposer aux stratégies court-termistes à l’origine de prises de risques excessifs et renforcer la stratégie à long terme de nos entreprises en les préservant des opérations financières prédatrices.
Cet objectif, j’en suis sûre, nous le partageons toutes et tous sur ces travées, quelles que soient nos orientations politiques, car si la proposition de loi répond en effet à un engagement du candidat Hollande, elle ne me paraît pas en opposition avec la volonté affirmée par son prédécesseur dans son premier discours de Toulon, quand il indiquait que « l’idée de la toute-puissance du marché qui ne devait être contrarié par aucune règle, par aucune intervention politique, était une idée folle ».
Comme vous le savez, le texte dont nous allons débattre comporte deux grands volets.
Le premier est consacré à la reprise d’entreprise, et plus particulièrement à la recherche d’un repreneur pour les entreprises employant plus de mille salariés qui envisagent de fermer un site rentable. C’est ce dispositif qui a justifié la compétence au fond de notre commission, car il découle directement de l’accord national interprofessionnel du 11 janvier 2013 et de la loi du 14 juin 2013 relative à la sécurisation de l’emploi, que nous avons examinée en mars dernier.
L’essentiel de ce premier volet vise à associer étroitement employeur, salariés et pouvoirs publics pour organiser un dialogue social permanent sur le devenir de l’établissement, avant et pendant toute la phase de recherche d’un repreneur.
Le second volet est dédié aux mesures en faveur de l’actionnariat de long terme. Il comporte essentiellement des mesures pour renforcer la législation sur les offres publiques d’acquisition. La création d’une procédure d’information et de consultation du comité d’entreprise en cas d’OPA constitue une mesure importante, qui a conforté la légitimité de notre commission à traiter de ce texte.
Cela dit, compte tenu de la diversité et de la technicité des autres sujets qui y sont abordés, trois commissions se sont saisies pour avis. Je profite d’ailleurs de cette occasion pour saluer le travail de nos collègues rapporteurs pour avis : Jean-Marc Todeschini, pour la commission des finances, Félix Desplan, pour la commission des lois, et Martial Bourquin, pour la commission des affaires économiques.
Je ne souhaite pas, à ce stade, entrer plus en détail dans la présentation des différents articles, mais je voudrais vous présenter les principales modifications apportées au texte en commission.
Nous avons veillé à conserver les grands équilibres du texte élaboré par les députés, sous la houlette du président François Brottes et de la rapporteur Clotilde Valter, tout en sécurisant juridiquement certains dispositifs, notamment au regard des normes constitutionnelles, et en rendant d’autres plus opérationnels.
L’essentiel de nos débats a naturellement porté sur l’article 1er. Afin d’éclairer la notion de site rentable, les entreprises soumises à une procédure de conciliation ou de sauvegarde ne seront pas concernées par cet article.
Désormais, ce seront donc toutes les entreprises visées au livre VI du code de commerce qui seront exclues du dispositif, et non plus seulement celles qui sont en redressement ou en liquidation judiciaires.
Un seuil de cinquante salariés, par référence au seuil d’obligation de mise en place d’un comité d’entreprise, a également été réintroduit pour les établissements dont la menace de fermeture impose la recherche d’un repreneur.
Surtout, la commission a élargi les cas de motifs légitimes de refus de cession par l’employeur. Il est en effet apparu que la rédaction issue de l’Assemblée nationale semblait beaucoup trop restrictive, en prévoyant un seul et unique motif légitime de refus d’une offre de cession, à savoir la mise en péril de l’ensemble de l’activité de l’entreprise. Dans les faits, cela pourrait s’apparenter à une obligation de cession.
Une telle disposition semblait peu compatible avec la jurisprudence du Conseil constitutionnel en matière de respect de la liberté d’entreprendre et de droit de propriété, d’autant que la procédure de recherche de repreneur s’applique à des entreprises in bonis.
C’est pourquoi la commission a souhaité ouvrir la liste des cas de motif légitime de refus, sous le contrôle du tribunal de commerce.
Ainsi, l’employeur pourra désormais se fonder sur la mise en péril d’une partie de l’activité de son entreprise pour refuser une offre sérieuse de reprise, ou décliner une offre présentée à un prix manifestement sous-évalué.
La commission a également relevé de quinze jours à un mois le délai fixé au tribunal de commerce pour statuer sur le respect des obligations de recherche d'un repreneur et éventuellement le sanctionner. Elle a aussi supprimé l’obligation faite à la DIRECCTE, la direction régionale des entreprises, de la concurrence, de la consommation, du travail et de l’emploi, de suspendre sa décision d’homologation du plan de sauvegarde de l’emploi, car cette procédure est en droit totalement indépendante de celle qui est menée devant le tribunal de commerce.
La commission a enfin prévu une application des nouvelles règles pour tous les plans de sauvegarde de l’emploi engagés à compter du 1er juillet prochain.
Nous n’avons pas souhaité modifier le contenu de l’article 3, qui vise à renforcer l’information des salariés sur la possibilité de reprendre leur entreprise en redressement judiciaire.
La commission n’a pas rétabli l’article 4, qui prévoyait d’abaisser le seuil de déclenchement d’une offre publique d’acquisition, ou OPA, de 30 % à 25 % du capital ou des droits de vote, compte tenu des nombreuses objections qu’a soulevées cette mesure.
À l’article 4 bis, sur proposition de notre collègue Jean-Marc Todeschini, elle a tempéré les conséquences de la caducité d’une offre publique d’acquisition pour les actionnaires qui détiennent moins de 30 % du capital ou des droits de vote.
Au travers du nouvel article 4 ter A, elle a aussi pris en compte la situation des actionnaires qui bénéficient de la clause transitoire instaurée par la loi du 22 octobre 2010 de régulation bancaire et financière, également appelée « clause de grand-père ».
Toujours sur proposition du rapporteur pour avis de la commission des finances, elle a aménagé la clause transitoire relative à l’abaissement du seuil de 2 % à 1 % du mécanisme dit de « l’excès de vitesse » prévu à l’article 4 ter .
Elle a instauré, à l’article 5, une clause de rendez-vous périodique pour les assemblées générales des sociétés cotées qui ont refusé de mettre en place des droits de vote double, afin qu’elles abordent cette question au moins une fois tous les deux ans.
À l’article 6, la commission a obligé le tribunal de grande instance, ou TGI, saisi par le comité d’une entreprise faisant l’objet d’une OPA, à demander des conclusions écrites de l’Autorité des marchés financiers, l’AMF. Elle a en outre apporté divers aménagements à la procédure devant le tribunal pour éviter un allongement excessif du calendrier des offres. Par exemple, le TGI jugera en premier et dernier ressort, le comité d’entreprise ou l’employeur pouvant néanmoins se pourvoir en cassation.
Au final, le texte proposé apparaît comme un compromis entre le souci de donner de nouvelles prérogatives au comité d’entreprise et le souhait de ne pas allonger de manière excessive le calendrier des offres publiques.
À l’article 7, la commission a prévu que les PME non cotées pourront également, à l’instar des sociétés cotées, distribuer jusqu’à 30 % d’actions gratuites à l’ensemble des salariés.
À l’article 8, sur proposition du rapporteur pour avis de la commission des finances, la commission a tiré les conséquences, s’agissant des mesures déléguées par l’assemblée générale, de la suppression du principe de neutralité des organes de gouvernance en période d’OPA. Ainsi, la suspension des mesures déléguées par l’assemblée générale d’une société qui est la cible d’une OPA ne s’appliquera pas si la société initiatrice de l’offre n’est pas elle-même soumise au principe de neutralité ou à des mesures équivalentes. La commission a également prévu les conditions dans lesquelles les statuts d’une entreprise cotée pouvaient réintroduire ce principe de neutralité.
Sur proposition du rapporteur pour avis de la commission des finances, la commission a inséré l’article 8 ter, qui prévoit que l’entrée en vigueur de l’article 4 ter sur l’abaissement du seuil de « l’excès de vitesse », de l’article 6 sur la procédure d’information et de consultation du comité d’entreprise en cas d’OPA ainsi que de l’article 8 sur le principe de neutralité des organes de gouvernance est fixée trois mois après la promulgation de la loi. Ce délai permettra à l’AMF de modifier en toute sérénité son règlement général.
Enfin, l’article 9, qui posait des règles strictes en matière d’urbanisme pour protéger les sites et installations industriels, a été supprimé,…
M. Daniel Raoul. Très bien !
Mme Anne Emery-Dumas, rapporteur. … à la suite de l’adoption de deux amendements identiques présentés par la commission des lois et par la commission des affaires économiques.
M. Daniel Raoul. Eh oui !
Mme Anne Emery-Dumas, rapporteur. Le débat en commission a en effet montré que cet article était l’objet de nombreuses critiques. Sans lien direct avec l’objet de la proposition de loi, il introduisait des lourdeurs excessives qui allaient à rebours de la volonté des pouvoirs publics de desserrer les contraintes en matière d’urbanisme. Par ailleurs, il ne correspondait pas à la philosophie du projet de loi pour l’accès au logement et un urbanisme rénové que notre assemblée a examiné la semaine dernière.
Je voudrais dire un mot sur les amendements que nous proposera tout à l’heure notre collègue Félix Desplan, rapporteur pour avis de la commission des lois. La plupart d’entre eux visent à refonder la procédure de vérification et de sanction devant le tribunal de commerce prévue à l’article 1er et ont déjà été présentés lors de nos travaux en commission.
Nous n’avons malheureusement pas été en mesure de les adopter mercredi dernier, mais nous avons pu profiter du délai supplémentaire qui nous était imparti pour approfondir notre réflexion et éclaircir quelques points techniques. Le résultat final nous semble satisfaisant, puisque, au-delà d’évidentes améliorations rédactionnelles, les amendements de la commission des lois sécurisent la procédure devant le tribunal de commerce, en renforçant notamment les droits de la défense et le principe de légalité des peines. C’est pourquoi notre commission a émis un avis favorable sur ces amendements.
Avant de conclure, je tiens à dissiper quelques malentendus et critiques que j’estime infondées.
Tout d’abord, je ne considère pas que ce texte soit incompatible avec le pacte de responsabilité que vient de présenter le Président de la République. En effet, je le répète, l’article 1er ne poursuit qu’un seul but : sanctionner les fermetures manifestement abusives de sites rentables. La proposition de loi complète les dispositions de la loi relative à la sécurisation de l’emploi dans ce domaine et met ainsi en œuvre l’engagement n° 35 du candidat François Hollande de lutter contre les licenciements boursiers en renchérissant leur coût et en donnant la possibilité aux salariés de saisir le tribunal dans les cas à l’évidence contraires à l’intérêt de l’entreprise. Il n’y a pas là, à mes yeux, contradiction entre cet engagement et le pacte de responsabilité, dont M. le ministre vient de nous rappeler les termes, mais continuité et respect de la promesse qui a été faite devant les Français.
Ensuite, le dispositif proposé à l’article 1er ne me semble pas imposer de lourdeur injustifiée aux entreprises. Il permettra de sanctionner sévèrement les abus, mais avec discernement, sous le contrôle d’un juge impartial, sans créer de contraintes inutiles pour les autres entreprises.
Je rappelle d’ailleurs que seules sont concernées les entreprises qui emploient plus de mille salariés, et que dans l’immense majorité des cas les employeurs cherchent à céder leurs sites plutôt que de les fermer et de les laisser à l’abandon. La sanction ne devrait sans doute concerner qu’un petit nombre de cas par an, même s’il est difficile de faire des estimations en ce domaine.
L’objectif de ce texte est précisément de lutter contre ces quelques cas de fermetures abusives, qui, si elles sont peu nombreuses, n’en sont pas moins lourdes de conséquences sur l’emploi et le devenir économique de nos territoires et de nos bassins d’emploi. Face à ces situations inadmissibles, les responsables politiques ont le devoir de refuser le fatalisme en matière économique.
Par ailleurs, certains craignent que la sanction prévue ne soit pas suffisamment dissuasive lorsqu’il s’agit de fermetures d’établissement qui dépendent de grandes multinationales. Certes, quand on sait qu’une entreprise est prête à accorder des indemnités de licenciement de plus de 200 000 euros à certains salariés dans le cadre d’un plan de sauvegarde de l’emploi – PSE –, une sanction plafonnée à 20 SMIC – soit 28 907 euros bruts – par emploi supprimé peut paraître bien modeste.
Cependant, il n’est pas possible de relever ce plafond sans remettre frontalement en cause le droit de propriété et la liberté d’entreprendre. C’est pourquoi le choix de nos collègues députés, qui s’est fixé sur une pénalité équivalant au doublement du coût moyen d’un plan de sauvegarde de l’emploi, nous a semblé raisonnable.
Les marges de manœuvre sont étroites, car nous devons en permanence trouver un équilibre entre, d’une part, l’impératif de préserver l’emploi et, d’autre part, le respect du droit de propriété et de la liberté d’entreprendre. Je forme le vœu que le texte que nous vous proposons y soit parvenu.
Enfin, j’estime que les deux volets du texte, loin d’être indépendants l’un de l’autre, sont complémentaires et se renforcent mutuellement. Certaines mesures auront des conséquences à court terme, d’autres à moyen et à long terme.
On ne peut pas lutter contre les fermetures injustifiées de sites rentables sans se pencher sur les règles de gouvernance de nos entreprises cotées. L’automaticité du droit de vote double est riche de promesses, à la fois pour insuffler une nouvelle dynamique dans les assemblées générales de nos entreprises, mais également pour offrir de nouvelles marges de manœuvre à l’État actionnaire.
Bien entendu, la présente proposition de loi n’a pas vocation, à elle seule, à mettre un terme aux excès de la financiarisation de l’économie, nul n’oserait le prétendre aujourd’hui, mais elle marquera une étape importante dans le renforcement de notre législation.
En conclusion, je souhaite que cette proposition de loi puisse être adoptée par le Sénat. (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste, ainsi que sur certaines travées du RDSE. – M. Jean Desessard applaudit également.)
M. le président. La parole est à M. Martial Bourquin, rapporteur pour avis.
M. Martial Bourquin, rapporteur pour avis de la commission des affaires économiques. Monsieur le président, messieurs les ministres, mes chers collègues, la commission des affaires économiques s’est saisie pour avis de l’ensemble des dispositions de la proposition de loi visant à reconquérir l’économie réelle.
Concernant la première partie du texte, qui définit les obligations de l’entreprise en matière de recherche d’un repreneur pour les sites menacés de fermeture, je formulerai les remarques suivantes.
Tout d’abord, l’association étroite des salariés à la procédure de recherche d’un repreneur va dans le bon sens, car une entreprise n’est pas seulement la chose de ses actionnaires. Il faut adopter une vision beaucoup plus moderne de l’entreprise et en changer profondément les rapports sociaux afin d’y introduire davantage de coopération, notamment dans la prise de décision.
À cet égard, orienter la gouvernance vers une implication plus forte des salariés dans les décisions stratégiques des entreprises est une tendance de fond que nous devons développer lors de l’examen de chaque texte relatif aux entreprises.
Nous devons trouver un consensus sur ces questions pour continuer à produire sur notre territoire, pour y créer de la valeur, de la richesse et de l’emploi !
Concernant la question de savoir si cette procédure permettra effectivement des reprises qui n’auraient pas eu lieu, il aurait été utile de disposer d’une étude d’impact pour étayer toute conclusion dans un sens ou dans l’autre. Je remarquerai simplement qu’une entreprise qui possède un site de production viable cherche généralement à le vendre sans que la loi l’y oblige. Elle ne le fait pas lorsque cette cession risque de conduire à la détérioration de sa position concurrentielle, ce qui est le cas en particulier dans un marché en surcapacité. Je pense notamment, à l’heure actuelle, au cas de l’acier ou de l’automobile.
Face à ces stratégies de restructuration industrielle lourde, stratégies dont les enjeux économiques et financiers se chiffrent en centaines de millions d’euros, on peut se demander si les contraintes et les sanctions financières envisagées par le présent texte seront suffisantes pour infléchir les décisions dictées par le seul calcul économique.
S’agissant de la procédure judiciaire, elle est susceptible d’être engagée à l’issue de la phase de recherche d’un repreneur, elle est en partie calquée sur les procédures applicables aux entreprises en difficulté. Qu’un tribunal se prononce sur les offres de reprise d’une entreprise en difficulté, cela ne pose pas de difficultés particulières sur le plan des principes. Faire intervenir le tribunal de commerce dans le cours de l’existence d’une entreprise en bonne santé, en lui donnant le pouvoir de se prononcer sur le caractère sérieux des offres et, le cas échéant, d’imposer une sanction financière, constitue en revanche une innovation juridique.
Certes, le tribunal de commerce n’obligera pas les entreprises à céder les sites, ce qui serait manifestement inconstitutionnel, mais on sait que la jurisprudence du Conseil constitutionnel en matière de liberté d’entreprise et de gestion forme un cadre assez strict, par rapport auquel le législateur dispose de marges de manœuvre limitées.
J’en viens maintenant rapidement à la deuxième partie du texte. Elle vise à mettre en place des règles tendant à éviter les pratiques actionnariales opportunistes, voire prédatrices.
À cette fin, elle crée les conditions favorables à la formation de blocs actionnariaux stables en privilégiant les actionnaires accompagnant dans la durée le projet économique de l’entreprise, un projet bien sûr vertueux.
Elle contient pour cela de nombreuses modifications du droit des offres publiques d’acquisition. La mesure la plus structurante pour l’organisation du tissu productif national est la généralisation de la règle du vote double pour les actionnaires stables. L’article 5 de la proposition de loi inverse le principe de l’attribution des droits de vote double en prévoyant que les droits de vote double sont désormais de droit, sauf clause contraire des statuts ou opposition d’une assemblée générale extraordinaire.
C’est une mesure demandée depuis longtemps par plusieurs grands industriels nationaux. Cette proposition a notamment été portée par Jean-Louis Beffa et par Louis Gallois. C’est à mon sens une très bonne mesure, qui peut permettre de garder sous contrôle national des groupes d’intérêt stratégique.
Mais il est un autre avantage que je voudrais signaler, un avantage considérable et qui est pourtant peut-être passé inaperçu : c’est celui que pourrait retirer l’État actionnaire de cette disposition.
M. Gérard Longuet. Il peut vendre ses parts !
M. Martial Bourquin, rapporteur pour avis de la commission des affaires économiques. Concrètement, l’État, qui est un actionnaire stable dans plusieurs grandes entreprises, va bénéficier presque systématiquement de votes doubles, ce qui va lui permettre de garder un niveau de contrôle identique sur ces sociétés tout en utilisant une quantité beaucoup plus faible de capital.
M. Jean Desessard. C’est astucieux !
M. Gérard Longuet. A contrario, ce serait une nationalisation !
M. Martial Bourquin, rapporteur pour avis de la commission des affaires économiques. Ne soyons pas des fétichistes de la détention du capital : ce qui compte, pour un actionnaire stratégique comme l’État, c’est le pouvoir de contrôle et d’orientation par la quantité de capital détenu.
Imaginez donc la formidable opportunité qui s’ouvre pour l’État stratège…
M. Gérard Longuet. Impécunieux !
M. Martial Bourquin, rapporteur pour avis de la commission des affaires économiques. … en ces temps de rareté des ressources financières publiques ! Potentiellement, en optimisant ses participations sans rien perdre en pouvoir de contrôle, l’État, selon les données fournies par l’Agence des participations de l’État, pourrait dégager de l’ordre de 10 milliards à 12 milliards d’euros de capacité d’investissement. C’est plus de la moitié du capital public injecté dans la Banque publique d’investissement ! Nous aurions là une innovation stratégique majeure.
À cet égard, je vous rappelle que, lorsque M. le ministre de l’économie et des finances a agi avec le Gouvernement pour que la banque PSA continue à fonctionner, il a fallu avancer 7 milliards d’euros de possibilités de financement. (M. Gérard Longuet opine.) Là, nous en avons 10 à 12 milliards d’euros. Peut-être faut-il réfléchir (M. Jean-Jacques Hyest s’exclame.) – nous avons eu une très longue discussion au sein de la commission des affaires économiques – pour que ces votes doubles soient beaucoup plus utilisés et, surtout, pour que cette capacité d’investissement soit mise au service de la réindustrialisation de notre pays ? (M. Jean Desessard s’exclame.)
Monsieur le ministre de l’économie et des finances, cet argent tiré des participations actuellement détenues par l’État, si la France décide de le mobiliser, ne devra pas être utilisé pour des dépenses courantes, ni même pour le désendettement. Il faudra l’injecter dans le soutien au redressement productif en investissant de manière encore plus massive dans les PME, les entreprises de taille intermédiaire, voire, si la situation l’exige, dans certaines grandes entreprises françaises, comme vous l’avez fait voilà peu de temps.
Je terminerai cette intervention en abordant brièvement la troisième partie du texte relative à la question des friches industrielles.
Mes chers collègues, sur cette partie conçue pour favoriser le maintien des activités industrielles sur les sites qu’elles occupent, il n’y a pas grand-chose à dire sinon qu’elle devait être supprimée d’urgence ! Faisons attention – l’intervention de Mme la rapporteur a été précise sur ce point – entre les capacités industrielles et les friches industrielles.
M. Gérard Longuet. Très bien !
M. Martial Bourquin, rapporteur pour avis de la commission des affaires économiques. Ça n’a rien à voir !
M. Gérard Longuet. Absolument !
M. Jean-Jacques Hyest. Là, nous sommes d’accord !
M. Martial Bourquin, rapporteur pour avis de la commission des affaires économiques. Les friches industrielles que je détenais en tant que maire en plein cœur de ville ont été résorbées. C’est la meilleure des choses !
M. Gérard Longuet. Évidemment !
M. Martial Bourquin, rapporteur pour avis de la commission des affaires économiques. En revanche, il faut conserver les capacités industrielles.
M. Gérard Longuet. Bien sûr !
M. Martial Bourquin, rapporteur pour avis de la commission des affaires économiques. En l’occurrence, le texte introduit à l’Assemblée par voie d’amendement prend complètement à rebours le projet de loi pour l’accès au logement et un urbanisme rénové, dit « projet de loi ALUR ». À l’heure où on donne la possibilité aux élus, aux collectivités locales et territoriales de maîtriser le sol, de mettre en œuvre des politiques de restructuration des friches industrielles vers du logement et d’autres domaines de capacité productive, faisons en sorte de ne pas aller à l’inverse du projet de loi ALUR.
Sur ma proposition, la commission a donc adopté un amendement de suppression de l’article 9, qui a été repris ensuite par la commission des affaires sociales. Je m’en réjouis.
Au total, malgré quelques questions sur le risque juridique de certaines dispositions proposées pour le titre Ier bis du livre VI du code de commerce, la commission des affaires économiques estime que ce texte est un bon texte.
Pour conclure, je voudrais dire que, en ces temps de crise économique, la pire des choses, face à la désindustrialisation, serait de ne rien faire et de se laisser gagner par le fatalisme. Il faut un volontarisme industriel. La création de richesses est le préalable à toute distribution de richesses. La France doit redevenir une France industrielle.
Avec ce texte, qui s’ajoute au travail du Conseil national de l’industrie, nous nous trouvons face à une volonté politique majeure du Gouvernement en vue de drainer l’argent de l’épargne afin de réinvestir dans l’industrie et de tenter de gagner cette politique de réindustrialisation de la France. Cette politique est le préalable requis pour gagner la politique de l’emploi. Nous comptons plusieurs millions de demandeurs d’emploi ; si nous créons de la richesse, de la valeur ajoutée, nous donnerons de l’emploi à nos concitoyens. (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste. – M. Jean-Claude Requier applaudit également.)
M. le président. La parole est à M. Jean-Marc Todeschini, rapporteur pour avis.
M. Jean-Marc Todeschini, rapporteur pour avis de la commission des finances. Monsieur le président, messieurs les ministres, madame la présidente de la commission des affaires sociales, madame la rapporteur, messieurs les rapporteurs pour avis, mes chers collègues, comme vous pouvez l’imaginer, un sénateur mosellan aborde la proposition de loi dite « Florange » avec une certaine attention.
Je souhaite tout d’abord profiter de cette tribune pour vous dire que le site ArcelorMittal de Florange produit encore aujourd’hui l’un des meilleurs aciers au monde pour les automobiles.
M. Gérard Longuet. C’est bien vrai !
M. Jean-Marc Todeschini, rapporteur pour avis de la commission des finances. L’usine de Florange n’a pas fermé ses portes, comme la France entière pourrait le croire, à la suite de la fermeture des hauts-fourneaux. Quelque 2 000 salariés travaillent sur le site, alors qu’ils étaient un peu plus de 2 600 avant la fermeture des hauts-fourneaux.
L’accord conclu entre le Gouvernement de Jean-Marc Ayrault et le groupe Mittal, au-delà des investissements pour beaucoup déjà réalisés depuis, a permis d’éviter tout licenciement, et les 600 personnes concernées par la fermeture de ces hauts-fourneaux sont à présent, à quelques unités près, reclassées sur le site même.
M. Gérard Longuet. C’est Gandrange ! Même chose !
M. Jean-Marc Todeschini, rapporteur pour avis de la commission des finances. Mais d’autres promesses ont été faites là-bas, n’est-ce pas, monsieur Longuet ? (Mme Catherine Deroche s’exclame.)
Je ne referai pas l’historique du texte que nous examinons aujourd’hui, retracé par les précédents orateurs, mais il va de soi que cet engagement du Président de la République doit être tenu, même si nous nous sommes éloignés quelque peu de la proposition de loi initiale.
Notre économie et nos territoires font face à la désindustrialisation et aux délocalisations. Il n’est pas acceptable que des sites rentables puissent être fermés alors que leurs propriétaires refusent de les céder.
Certains nous diront que nous légiférons pour quelques cas par an. C’est vrai, mais la bataille pour l’emploi, engagée par le Gouvernement et soutenue par la majorité, se gagne entreprise par entreprise, site après site, emploi après emploi. Nous devons disposer de tous les instruments pour mettre le maximum de chance du côté de l’emploi.
L’article 1er de cette proposition de loi est le complément indispensable des mesures prises depuis le début du quinquennat, dans le cadre des accords nationaux interprofessionnels, de la loi relative à la sécurisation de l’emploi ou encore du projet de loi relatif à l’économie sociale et solidaire.
Je partage donc entièrement les objectifs visés, mais également les modalités mises en œuvre à cette fin. Je voudrais saluer le travail de la rapporteur, Mme Emery-Dumas, pour améliorer le texte.
Je vais maintenant m’attarder plus longuement sur le titre III, comportant des mesures en faveur de l’actionnariat de long terme, sur lequel la commission des finances s’est saisie pour avis.
Ce titre comprend dix articles, portant principalement sur le régime des OPA.
Le souci des députés auteurs de la présente proposition de loi était d’assurer que le poids des actionnaires purement financier et à vision « court-termiste » ne vienne pas déformer les choix stratégiques d’une entreprise au détriment de son développement industriel.
Pour cela, il convient d’abord d’éviter toute prise de contrôle rampante des sociétés françaises, et ensuite d’assurer la constitution de blocs d’actionnaires stables dans la durée.
Contrairement à ce que j’ai pu entendre ou lire, ce texte ne jette pas l’opprobre sur les OPA ; il serait faux de les considérer comme nocives par nature. Bien au contraire, nous savons que de nombreuses OPA amicales sont déclarées chaque année. Nous savons également que les entreprises françaises bénéficient des règles sur les OPA, en France ou à l’étranger, pour doper leur croissance ou conquérir de nouveaux marchés. La technique n’est donc en rien condamnable.
Mais, cela étant dit, les pouvoirs publics doivent rester attentifs au régime des OPA pour deux raisons.
La première, c’est bien sûr l’emploi. Les études économiques sont insuffisamment documentées sur les effets des OPA sur l’emploi. À court terme, elles seraient plutôt destructrices d’emplois, mais les données à moyen terme manquent.
En tout état de cause, une OPA est bien souvent suivie d’une réorganisation ou de mouvements de personnels. C’est pourquoi elle suscite chez les salariés une légitime inquiétude : elle est source d’insécurité. Je me réjouis par conséquent que la proposition de loi, au travers de son article 6, permette une véritable procédure d’information-consultation du comité d’entreprise en cas d’OPA.
La seconde raison pour laquelle les pouvoirs publics ne peuvent rester indifférents tient bien évidemment à des enjeux de souveraineté nationale. Dans une économie mondialisée, la concurrence entre États est rude, et nous ne devons pas être naïfs. La Chine ou les États-Unis ont adapté leur régime juridique pour protéger plus efficacement leurs entreprises face à des rivaux étrangers.
La proposition de loi tend à poursuivre et à approfondir un travail juridique fin, amorcé par l’Union européenne, avec la directive de 2004 concernant les offres publiques d’acquisition, puis la France, avec la loi de 2006 relative aux offres publiques d’acquisition.
C’est ainsi que l’article 5, qui introduit le principe d’un droit de vote double à compter de deux ans de détention des actions, ou encore l’article 8, supprimant le principe de neutralité des organes dirigeants en cas d’offre publique, participent de cet équilibre en faveur du maintien de l’industrie sur le territoire national.
Oui, il faut favoriser les actionnaires de long terme, ceux qui veulent s’engager dans la durée pour le développement d’une entreprise.
Oui, il faut mettre fin, comme le disait le président de la commission des finances lors de l’examen du texte, à l’hypocrisie selon laquelle les conseils d’administration sont censés rester les bras croisés lors d’une OPA hostile.
Oui, il faut veiller à ce qu’aucun actionnaire ne puisse acquérir une position de contrôle rampant, c’est-à-dire qu’il exerce le contrôle de l’entreprise tout en ne possédant qu’une part minoritaire du capital.
À cet égard, les articles 4 bis et 4 ter, en particulier, peuvent paraître d’un abord technique, mais leurs effets sont réels, comme le démontrent d’ailleurs les commentaires abondants de la part des organisations professionnelles ou de la doctrine juridique.
Sur l’ensemble de ces dispositions, la commission des finances a adopté neuf amendements qui ont tous été acceptés par la commission des affaires sociales et intégrés au texte que nous examinons aujourd’hui.
Sur le fond, tout en conservant l’esprit des dispositions adoptées par l’Assemblée nationale, j’ai souhaité en gommer certaines imperfections ou incohérences. Ce travail a été mené en concertation avec de nombreux représentants des entreprises, mais aussi avec le Gouvernement et les députés auteurs de la proposition de loi.
Au total, je crois que nous aboutissons à un texte équilibré qui introduit des innovations auxquelles nos entreprises devront certes s’adapter mais sans que l’on puisse craindre de bouleversements néfastes.
J’ai bon espoir que le Sénat puisse trouver un terrain d’accord avec l’Assemblée nationale, et que cette loi soit promulguée au plus vite. (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste et sur certaines travées du RDSE. – M. Jean Desessard applaudit également)
M. le président. La parole est à M. Félix Desplan, rapporteur pour avis.
M. Félix Desplan, rapporteur pour avis de la commission des lois constitutionnelles, de législation, du suffrage universel, du règlement et d’administration générale. Monsieur le président, messieurs les ministres, madame la présidente de la commission des affaires sociales, madame la rapporteur, messieurs les rapporteurs pour avis, mes chers collègues, il me revient de clore les interventions des rapporteurs pour avis sur cette proposition de loi visant à reconquérir l’économie réelle ; aussi serai-je bref.
Bien sûr, notre commission partage entièrement les objectifs généraux de cette proposition de loi, à savoir la préservation de l’activité industrielle et des emplois sur notre territoire.
Plus spécialement, notre commission s’est saisie pour avis des articles 1er, 3, 5, 7, 8 et 9 au titre de ses compétences en matière d’organisation et de procédure juridictionnelles, de droit des sociétés et de droit des collectivités territoriales.
Je commencerai par la fin, pour me réjouir que la commission des affaires sociales ait accepté, sur notre proposition, la suppression de l’article 9.
En effet, outre qu’il posait une réelle difficulté au regard du principe de libre administration des collectivités territoriales, cet article aurait eu pour effet de geler un certain nombre de friches industrielles, en particulier au cœur des agglomérations, au détriment de l’évolution de l’urbanisation, des projets locaux de reconversion et de la maîtrise de leur développement par les communes et les intercommunalités. Celles-ci sont pourtant les mieux à même d’apprécier l’implantation des activités économiques sur leur territoire.
Au demeurant, on ne décrète pas la reconquête de l’économie industrielle par des documents d’urbanisme.
Mme Annie David, présidente de la commission des affaires sociales. C’est vrai !
M. Félix Desplan, rapporteur pour avis de la commission des lois. L’intention était certes louable, puisqu’il s’agissait de préserver du foncier pour permettre le maintien d’activités industrielles, mais les moyens prévus étaient manifestement inadaptés.
S’agissant des articles relatifs aux offres publiques d’acquisition, sur lesquelles notre collègue Jean-Marc Todeschini a beaucoup travaillé au nom de la commission des finances, la commission des lois a examiné plus attentivement les articles 5, 7 et 8, qui relèvent du droit des sociétés.
Je mentirais en prétendant que ces dispositions nous convenaient pleinement. Disons que leur utilité réelle nous laissait perplexes, au regard de leurs éventuels effets négatifs et de la large réprobation qu’elles suscitent chez les acteurs concernés.
Il en est ainsi de l’article 5, relatif à l’application automatique du droit de vote double dans les assemblées générales des sociétés cotées pour les actions détenues au nominatif depuis deux ans. Il en est également ainsi de l’article 8, relatif aux compétences des dirigeants des sociétés faisant l’objet d’une offre publique d’acquisition : il nous semblait, sur le fond, qu’il fallait contenir les risques de conflit d’intérêts.
Toutefois, à l’instar de la commission des finances, la commission des affaires sociales a considéré que ces dispositions présentaient un intérêt et qu’il convenait de les conserver. À cet égard, je relève que nos préoccupations d’amélioration du texte ont été prises en compte ou satisfaites par la commission des affaires sociales.
J’en viens par conséquent à l’article 1er du présent texte, le seul pour lequel la commission des lois présentera aujourd’hui des amendements.
Dans la continuité de débats antérieurs déjà évoqués à cette tribune, cet article impose de rechercher un repreneur à toute entreprise d’au moins mille salariés qui envisage une fermeture d’établissement susceptible d’entraîner un licenciement collectif. Le but est d’éviter que des emplois ne disparaissent au motif que, dans certains cas, une entreprise n’aura pas fait tous les efforts pour sauvegarder un site en cherchant un repreneur. Nous approuvons cet objectif d’intérêt général, qui justifie selon nous le tempérament apporté par le texte à la liberté d’entreprendre.
Nous faisons évidemment confiance à la commission des affaires sociales pour l’examen au fond des nouvelles dispositions introduites à cette fin dans le code du travail. Ainsi, nous nous sommes concentrés sur l’examen approfondi de la procédure de contrôle de cette nouvelle obligation de rechercher un repreneur, telle qu’elle est prévue par le texte devant le tribunal de commerce, et sur les sujets qui s’y rattachent directement.
Les amendements que je vous présenterai dans la suite de nos débats visent à garantir la sécurité juridique de la procédure de contrôle judiciaire de cette nouvelle obligation, sans en dénaturer l’économie générale.
Mes chers collègues, plusieurs préoccupations nous ont guidés en abordant ce texte.
Premièrement, il faut veiller au respect des droits de la défense. Cette exigence constitutionnelle suppose que les représentants de l’entreprise puissent être entendus aux différentes étapes, au nom du principe du contradictoire.
Deuxièmement, il convient de renforcer le rôle du ministère public, gardien de l’ordre public. Sa mission est d’autant plus importante si l’on met en place un mécanisme de sanction.
Troisièmement, il est nécessaire de clarifier et de rendre plus lisible, cohérente et efficace la procédure applicable : si nous ne sommes pas dans le cadre des procédures collectives – ce que tendent à conforter les amendements que je vous soumettrai –, le régime procédural institué par le présent texte s’en inspire beaucoup. Par conséquent, nous en faisons de même, par cohérence. Dans le respect des règles de répartition des contentieux entre les tribunaux, nous proposons de distinguer deux procédures : d’une part, une procédure de vérification du respect par l’entreprise de ses obligations, ouverte sur l’initiative du comité d’entreprise, suivie, d’autre part, le cas échéant, d’une procédure de sanction, ouverte sur l’initiative du comité d’entreprise également mais aussi du ministère public.
Quatrièmement, il faut donner au tribunal la capacité d’apprécier les efforts engagés par l’entreprise pour trouver un repreneur et d’analyser le caractère sérieux des offres de reprise éventuelles, ce dans des délais très brefs.
Cinquièmement et enfin, il convient, bien sûr, de prévenir les risques constitutionnels. Se pose notamment la question de la proportionnalité de la sanction au regard du principe de légalité des délits et des peines et du droit de propriété. Nous proposons d’écarter toute ambiguïté d’interprétation sur la saisine d’office du tribunal, ce que le Conseil constitutionnel a censuré par une décision de décembre 2012. Je l’ai déjà indiqué, nous avons également veillé aux différents principes constitutionnels qui s’imposent devant les tribunaux, en accordant une attention particulière aux droits de la défense.
J’aurai l’occasion de préciser davantage ces points au fil de la discussion des articles. Aussi, je conclus mon propos, en indiquant au Sénat que la commission des lois a donné un avis favorable à l’adoption des dispositions dont elle s’est saisie pour avis, sous réserve de l’adoption de ses amendements, et non sans remercier Mme la rapporteur de l’écoute qu’elle a accordée aux préoccupations de notre commission, en particulier durant ces derniers jours. (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste et sur certaines travées du RDSE – M. Jean Desessard applaudit également.)
M. le président. La parole est à M. Jean Desessard.
M. Jean Desessard. Monsieur le président, monsieur le ministre, madame la présidente de la commission, madame la rapporteur, messieurs les rapporteurs pour avis, mes chers collègues, en commission des affaires sociales, nous avons longuement débattu de l’intitulé de cette proposition de loi.
Mme Catherine Procaccia. Longuement… Un peu !
M. Jean Desessard. « Reconquérir l’économie réelle ». Certains se demandaient ce que cela signifiait.
Mme Catherine Procaccia. C’est toujours le cas ! (Sourires sur les travées de l'UMP.)
M. Jean Desessard. C’est pourtant simple, chère collègue ! L’économie réelle, c’est ce qui est produit, c’est le concret.
M. Gérard Longuet. Produire ce que personne n’achète, c’est inutile !
M. Jean Desessard. C’est le fruit d’un échange entre les personnes. Ce sont des lieux et des productions. Ce sont des usines, des personnes qui travaillent et qui créent. Voilà l’économie réelle !
M. Jacky Le Menn. Bravo !
M. Gérard Longuet. Non !
M. Jean Desessard. A contrario, l’économie non réelle, c’est la spéculation, l’argent rapide et facile, déconnecté du monde existant et enrichissant seulement une poignée d’individus.
M. Jacky Le Menn. C’est ça !
Mme Éliane Assassi. Bref, ce qui se passe aujourd’hui !
M. Jean Desessard. Ces deux univers s’opposent. Ils présentent des méthodes et des finalités divergentes.
Souvent – trop souvent – les logiques financières de court terme l’emportent sur l’économie réelle. Aussi, reconquérir l’économie réelle signifie opposer des garde-fous aux intérêts financiers court-termistes, pour garantir l’avenir de nos sites industriels et de leurs employés. Chers collègues de l’opposition, si vos doutes persistent…
Mme Catherine Procaccia. Je suis comme saint Thomas…
M. Jean Desessard … quant à l’économie réelle, je pourrai vous parler de la souffrance réelle des salariés, lorsqu’on ferme des sites de production. Je pourrai vous parler du chômage, du déclassement, des projets d’avenir perdus. Il faut défendre l’économie réelle !
C’est pour faire face à des situations inacceptables que les socialistes, les écologistes et les radicaux de gauche ont déposé cette proposition de loi. (M. Jean-Claude Requier acquiesce.) Il est urgent d’intervenir et de poser des bornes, pour combattre les abus et limiter les effets désastreux d’une logique spéculative, tout en respectant l’esprit d’entreprise.
Le cas de l’usine de Florange, dont la situation a inspiré la rédaction du présent texte, est particulièrement révélateur. Ce site était rentable, comme l’a prouvé le rapport remis à Arnaud Montebourg par Pascal Faure, alors vice-président du Conseil général de l’économie, de l’industrie, de l’énergie et des technologies, le 27 juillet 2012. Pourtant, le groupe ArcelorMittal a fait le choix de fermer les hauts-fourneaux,…
M. Gérard Longuet. Pourquoi le Gouvernement n’a-t-il pas suivi ce rapport ?
M. Jean Desessard. … afin d’ajuster la production d’acier à la demande pour maintenir des prix élevés, tout en donnant la priorité à d’autres usines du groupe, encore plus rentables.
Le présent texte établit des règles, propose des procédures et précise des sanctions pour que les salariés ne soient pas les éternels sacrifiés de l’argent facile.
La première disposition phare est l’obligation de recherche d’un repreneur. Ainsi, une entreprise désireuse de se séparer de l’un de ses établissements doit impérativement rechercher un successeur potentiel, tout en informant les salariés, l’autorité administrative et les collectivités territoriales de sa démarche.
À nos yeux, ce volet d’information des salariés est essentiel. Via le comité d’entreprise, les employés prendront désormais connaissance des possibilités de reprise de leur établissement. Dans ce processus, l’économie sociale et solidaire a un rôle important à jouer : à cet égard, nous défendrons un amendement tendant à valoriser les sociétés coopératives et participatives, les SCOP, modèle juridique et solidaire qu’il convient particulièrement de mettre en avant.
Les précédents orateurs l’ont déjà souligné, le présent texte ne saurait se limiter à une simple déclaration de principe. C’est pourquoi il fixe des sanctions, qui pourront être prises à l’encontre des employeurs ne respectant pas la procédure de recherche d’un repreneur.
Par ailleurs, cette proposition de loi limite la prise de contrôle des sociétés par des groupes prédateurs, qui, bien souvent, font peu de cas des salariés travaillant au sein des entreprises rachetées. Les OPA devront déboucher sur un contrôle d’au moins 50 % du capital de la société cible, sous peine d’invalidation.
Dans la même perspective, le droit de vote double pour les actions détenues depuis deux ans sera généralisé. Cette mesure phare favorise l’actionnariat de long terme par rapport aux intérêts purement spéculatifs. En outre, comme l’a souligné M. le rapporteur pour avis de la commission des affaires économiques, ce principe permettra également à l’État actionnaire de conserver son contrôle sur diverses sociétés, tout en y diminuant sa participation.
Enfin, la possibilité d’attribuer jusqu’à 30 % des actions, de manière gratuite, à tous les salariés parachève le dispositif de protection face aux prises de contrôle hostiles. Nous défendrons un amendement tendant à assurer une distribution équitable de ces parts entre tous les employés.
Ainsi, cette proposition de loi présente un éventail d’outils efficace et cohérent pour faire face, concrètement, à la fermeture injustifiée de sites industriels. Ces mesures permettront de sauver des emplois et d’empêcher la destruction des outils de travail des ouvriers à des fins spéculatives. Les sénateurs du groupe écologiste voteront donc, sans surprise, en faveur de ce texte.
M. Jean-Marc Todeschini, rapporteur pour avis de la commission des finances. Très bien !
M. Jean Desessard. Cela étant, au-delà de la simple défense de l’industrie française, il faut songer au développement de cette dernière. À ce titre, il convient de s’interroger sur le devenir de notre industrie et de nos moyens de production dans leur ensemble, alors que les ressources de la planète s’amenuisent. Cet avenir industriel, nous en sommes convaincus, repose sur la qualité, la proximité et le respect de l’environnement.
Je souhaite insister sur la qualité. Certains affirment qu'il faut baisser le coût du travail pour être compétitifs…
Mme Catherine Procaccia. C’est le Président de la République qui dit cela !
M. Jean Desessard. … face à l’ensemble des pays de la planète. Quel est pourtant le pays au monde dont la qualité de la production jouit de la meilleure image de marque ? La France ! Les produits français évoquent le luxe, la qualité, le must !
Et vous voudriez nous faire croire que c’est en vendant des produits bas de gamme à l’étranger que nous serons crédibles ! Notre image de marque est formidable, et nous avons intérêt à la conforter en favorisant les produits de qualité. Voilà bien la stratégie que nous devons adopter, plutôt que de nous diriger vers des produits de faible qualité à moindre coût. Conservons cette image de qualité dont notre pays est porteur, nous n’avons pas à nous forcer pour la valoriser à l’étranger.
Je vais manquer de temps, mes chers collègues !
M. Jacky Le Menn. Vous reviendrez en deuxième semaine !
M. Jean Desessard. La proximité doit être encouragée, également.
Amorcer la transition vers les productions vertes, défendre et promouvoir l’image de marque de la qualité française, redynamiser, grâce à par l’implantation de productions à haute valeur technologique ajoutée, les zones industrielles désertées, telles sont les pistes à privilégier afin de mettre un terme au déclin industriel.
Cette proposition de loi nous invite à nous orienter résolument vers l’avenir, c’est pourquoi les sénatrices et les sénateurs écologistes la voteront avec enthousiasme. (Applaudissements sur plusieurs travées du groupe socialiste. – M. Jean-Claude Requier applaudit également.)
M. le président. La parole est à M. Gérard Longuet.
M. Gérard Longuet. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, je commencerai par là où a terminé mon excellent collègue Jean Desessard, en lui apportant cependant une précision. Oui, la France a intérêt à jouer la qualité. Toutefois, en matière industrielle comme en matière de services, pour assurer la qualité, il ne suffit pas de la décréter, il faut également la financer. Il faut donc des capitaux, et c'est exactement ce dont nous serons privés si votre proposition de loi est adoptée.
Il n’y a pas de qualité sans capitaux. Or votre proposition de loi aura un effet immédiat : elle dissuadera l’investissement dans l’industrie française, parce qu’elle inquiète sans pour autant apporter de solutions. Elle est profondément contre performante.
Ouvrons le débat sémantique. Il s’agit donc de « l’économie réelle ». Qu’est-ce que la valeur d’un bien ? Cher collègue Jean Desessard, en économie, la valeur d’un bien est la valeur qu’un client est prêt à lui consacrer. Quelle est la valeur d’un bien de production, comme d’un bien de consommation ? C’est en effet une demande solvable. Le travail réel existe, res, rei, c'est-à-dire la chose. Personne ne conteste qu’il puisse exister une économie réelle. Toutefois, si vous fabriquez des voitures qui ne sont pas achetées, ou en dessous de leur prix de revient, si vous fabriquez des produits qui sont en excédent ou qui ne sont plus adaptés à la clientèle, vos biens ne valent rien.
Il s’agit d’une réalité économique : la valeur, c’est la rencontre d’une offre et d’une demande, et ce n’est pas la décision de bâtir une offre qui imposera une demande. Nous sommes dans une économie ouverte et nous le resterons durablement.
D’ailleurs, ce texte parce que c’est une proposition de loi exprime bien, sinon le désarroi du Gouvernement, au moins sa malice. Celle-ci trouve son origine dans un événement que nous connaissons – Jean-Marc Todeschini l’a évoqué et Mme Gisèle Printz le connaît tout autant, en qualité de sénateur mosellan – : Florange. Le destin de ce site industriel est à l’origine de la proposition n° 35 du candidat François Hollande.
Cette proposition n’a pas été mise en œuvre jusqu’à maintenant par le Gouvernement. Le Président Hollande est revenu sur place en février 2012 pour affirmer qu’il ferait quelque chose. Nous avons eu, en septembre 2012, l’annonce, par votre collègue M. Montebourg, d’un projet de loi – qui ne s’est jamais concrétisé – puis, dans le cadre de l’accord national interprofessionnel, l’ANI, en janvier dernier, des dispositions sur la reprise d’entreprises.
Et, assez rapidement, il y a eu un chevauchement singulier, comme si le Gouvernement avait peur de sa majorité. Par la loi du 13 juin 2013, il a étendu l’ANI, brûlant en quelque sorte la politesse à la proposition de loi que nous examinons aujourd’hui, comme s’il était urgent pour le Gouvernement de faire en sorte que le groupe parlementaire socialiste, qui est pour l’essentiel à l’origine de cette proposition, ne se trouve pas sur un terrain dégagé et que, d’une certaine manière, il soit encadré.
Les rapporteurs ont mené des travaux excellents, passionnants, riches – et j’ajouterai, moi qui ai des convictions libérales : des travaux parfaitement mesurés, qui nourrissent le débat. C’est donc en me tournant vers eux que je relève la situation très insolite dans laquelle nous nous trouvons : le Président de la République semble avoir cheminé vers Bad-Godesberg, le 14 janvier dernier, et le groupe socialiste s’accroche à la proposition n° 35, qui, de ce fait, n’est plus d’actualité.
La bataille sémantique n’est pas complètement négligeable. Ce qui est plus important, c’est le désarroi de cette majorité…
M. Jean-Marc Todeschini. Mais non, rassurez-vous, mon cher collègue !
M. Gérard Longuet. … au regard d’une économie dont elle découvre – et M. Moscovici nous l’a dit, d’ailleurs, en rendant hommage à la compétitivité, à la productivité, à la concurrence – les lois les plus élémentaires : la France n’est pas seule au monde et le Gouvernement n’est pas en mesure de déterminer seul ce qui est bon pour l’économie française.
Pour revenir sur le dispositif en débat, il comporte deux dispositions majeures. Premièrement, concernant l’obligation de rechercher un repreneur, je partage naturellement votre préoccupation.
Depuis trop longtemps, du fait des crises économiques qui ont frappé notre pays depuis les premiers chocs pétroliers, de l’adaptation rapide de secteurs industriels anciens, de l’exigence d’évolution à des cadences plus soutenues, nous avons tous, sur le terrain, été confrontés à des entreprises en difficulté et nous avons essayé, avec les moyens, souvent dérisoires, dont nous disposons, de contribuer à trouver des solutions. C’est la raison pour laquelle l’idée même d’obliger une entreprise, pour un site rentable, à trouver un repreneur apparaît comme une idée plutôt sympathique et séduisante.
Elle se heurte cependant à un premier problème : qu’est-ce que la responsabilité d’entreprendre, sinon celle de localiser les investissements là où ils peuvent être les plus pertinents à l’échelle d’un groupe ? Si nous combattions, en France, cette liberté de l’entrepreneur, nous constaterions que la plupart des entreprises françaises du CAC 40 qui réalisent une partie significative de leur chiffre d’affaires et de leurs bénéfices à l’étranger pourraient être un jour condamnées à ne jamais investir en France parce que les pays dans lesquels elles réalisent des bénéfices leur demanderaient impérativement de réinvestir sur place.
Le principe même de refuser à un entrepreneur le droit d’affecter ses ressources aux secteurs les plus profitables revient à prendre le risque de décourager totalement les entreprises françaises ou étrangères de dimension internationale de choisir la France comme site de production.
Deuxième observation : qu’est-ce qu’un site rentable ? Bonjour la jurisprudence ! Bonjour les évaluations conflictuelles ! Bonjour les espérances déçues ! Car un site peut être rentable à l’intérieur d’un groupe ou, au contraire, être écrasé parce qu’il appartient à un groupe. Les deux cas de figure sont possibles. (Mme Nathalie Goulet opine.)
J’ai vu dans ma propre circonscription, par exemple, une entreprise produisant un produit mûr d’un très grand groupe devenir rentable en cessant de lui appartenir et de participer à des charges communes élevées. Inversement, j’ai vu d’autres entreprises disparaître parce que, cessant d’appartenir à un groupe, elles ne bénéficiaient plus de l’approvisionnement et des débouchés sécurisés par l’appartenance à ce groupe.
Vous demandez à un tribunal de porter un jugement définitif sur ce genre de situations ? Vous lui conférez une responsabilité qu’il ne sera pas en mesure d’exercer et, par conséquent, les sanctions que vous préconisez auront, dans le meilleur des cas, la force d’un sabre de bois ou, dans le pire, un effet dissuasif en ce qui concerne le choix de notre pays comme lieu d’activité.
Je me réjouis, par ailleurs, que nous soyons en train de remettre en question le sujet des friches industrielles. En effet, pourquoi obliger une entreprise à conserver la même localisation alors qu’il s’agit, parfois, du seul actif qui permettrait, en étant cédé dans des conditions raisonnables et acceptables, de faire redémarrer l’activité sur un autre site, en général plus adapté à l’activité industrielle.
En revanche, dans ce premier volet relatif à la reprise d’entreprises, vous ne vous attaquez pas à deux problèmes de fond qui pénalisent la reprise des activités industrielles : le passif social et le passif environnemental. Certes, je ne prétends pas que cela soit aisé. Notons simplement que ce qui s’oppose à la reprise de nombreuses activités, ou qui cesse de les rendre rentables, c’est le poids que fait peser sur le repreneur la totalité d’un passif dont il n’est absolument pas responsable de la constitution, mais dont il hérite en décidant de poursuivre l’activité. Ce passif, pour l’essentiel, est social et environnemental.
Mme Annie David, présidente de la commission des affaires sociales. Vous ne manquez pas d’air !
M. Gérard Longuet. Avec cette première disposition, vous allez inquiéter plus que vous n’allez régler de problèmes.
Concernant le deuxième volet, dans le cadre des dix minutes qui me sont imparties et parce la discussion des articles nous permettra d’aller davantage dans le détail, je serai plus bref. Je voudrais vous dire que votre régulation des offres publiques d’acquisition, qui présente d’ailleurs des aspects assez cocasses, n’est pas illégitime.
Ainsi, elle n’est illégitime en ce qui concerne la caducité des OPA n’atteignant pas les 50 %. En effet, il existe dans de tels cas, et l’exemple de Volkswagen le prouve, des risques de détournement de l’OPA. La règle que vous proposez, sous réserve d’un examen plus approfondi, paraît pertinente.
S’agissant de la mise en place du double vote pour les actions détenues depuis de deux ans, notre collègue Martial Bourquin a évoqué l’effet positif attendu sur la responsabilité de l’État en termes de stratégie. C’est naturellement vrai pour l’État, comme pour les autres actionnaires privés, avec le risque, qu’il convenait d’éviter, d’une renationalisation de fait de certaines activités.
J’indique à notre collègue Bourquin que, passé un certain point, la dilution finit par poser problème. En effet, si vous accordez des droits de vote doubles et que vous considérez que cela double la valeur de votre actif, puisque vous pouvez avoir le même pouvoir avec deux fois moins de capitaux, pourquoi alors ne pas instaurer des droits de vote quadruplés ?
Mme Annie David, présidente de la commission des affaires sociales. Pourquoi pas, en effet ? Faisons-le ! C’est une bonne idée ! (Sourires.)
M. Gérard Longuet. Je souhaitais juste attirer son attention sur le fait que l’État ne sera pas gagnant à proportion du doublement.
En revanche, vous commettez une erreur fondamentale en croyant que la régulation de la direction des entreprises par les investisseurs est dangereuse. C’est exactement le contraire ! Pourquoi les entreprises européennes, notamment françaises, et les entreprises américaines se sont-elles réveillées ces trente dernières années ? Parce qu’il y a une concurrence sur le capital !
Lorsque le capital est entièrement bloqué, que les administrateurs se tiennent par la barbichette, que les participations croisées parviennent à faire en sorte que l’industrie devienne une sorte d’écheveau inextricable, alors des managers en viennent à s’identifier à l’entreprise et, sans rendre compte à aucun actionnaire, décident de tout, alors même qu’ils n’engagent aucun capital personnel.
La régulation de l’économie par l’acquisition du capital, parce que l’entreprise pourrait être mieux gérée, est un devoir absolu pour assurer la vitalité des entreprises. Là encore, vous allez inquiéter plus que vous n’allez régler de problèmes.
En vérité, et je conclus par là où j’ai commencé, il n’y a pas d’économie sans capitaux, il n’y a pas de capitaux sans capitalisme…
Mme Éliane Assassi. Cela, nous le savons !
M. Gérard Longuet. … et il n’y a pas de capitalisme sans respect de la propriété ! (Applaudissements sur les travées de l'UMP.)
Mme Annie David, présidente de la commission des affaires sociales. Il n’y a pas d’usines sans ouvriers !
M. Jean Desessard. Il n’y a pas de société sans socialisme, et pas de communauté sans communistes ! (Sourires.)
M. le président. La parole est à M. Hervé Marseille.
M. Hervé Marseille. Monsieur le président, monsieur le ministre, madame, messieurs les rapporteurs, mes chers collègues, le présent texte a une très forte dimension politique et anachronique.
Politique, parce que, chacun le sait, son objet est de concrétiser un engagement de campagne de celui qui est devenu Président de la République.
Cette proposition de loi visant à reconquérir l’économie dite réelle est en réalité la proposition de loi « Florange », elle-même sœur cadette d’un texte déposé le 28 février 2012 par des députés socialistes, en pleine affaire ArcelorMittal.
Anachronique, car cette proposition a été exhumée d’un autre temps politique : celui qui précédait le revirement social-libéral du Président de la République. D’où le malaise, compréhensible, de certains de ses promoteurs. D’où, surtout, le fait que le texte soit resté une proposition de loi.
Peinant à assumer la responsabilité d’une proposition relevant d’options en décalage avec ses nouvelles orientations, on comprend que l’exécutif ait eu à cœur de la faire endosser par sa majorité parlementaire.
Le problème est que ce choix n’est pas neutre : passer par une proposition de loi permet de contourner la double obligation de consulter les partenaires sociaux et de produire une étude d’impact, cette dernière lacune étant majeure.
En l’absence d’étude d’impact, on ne peut absolument pas savoir si le dispositif proposé peut effectivement maintenir l’activité dans un certain nombre de cas. Si le texte avait été en vigueur au moment de l’affaire Mittal, l’issue aurait-elle été plus favorable ? Même dans l’affirmative, combien de sites et, donc, d’emplois pourraient aujourd'hui encore être concernés ?
A contrario, l’impact négatif des nouvelles obligations et sanctions ne serait-il pas de nature à peser bien plus lourdement sur l’ensemble de l’économie que les éventuels effets bénéfiques que l’on pourrait en attendre ?
Là sont évidemment les questions centrales. Elles demeurent sans réponse.
Face à ce vide, on ne peut que s’interroger sur le caractère avant tout publicitaire et idéologique de cette proposition de loi.
D’abord, ce texte aurait, de l’aveu même de Mme la rapporteur de l’Assemblée nationale, « une portée essentiellement symbolique » et, selon notre rapporteur, il ne concerne « qu’une poignée de cas ».
Ensuite, souvenons-nous-en, lorsqu’il a fallu arbitrer, dans l’affaire Florange, entre une solution de reprise hasardeuse et l’impact en termes d’image pour l’économie française, le Gouvernement a choisi cette dernière solution...
Après avoir tardé pour concrétiser cet engagement électoral, pourquoi déclencher la procédure accélérée, si ce n’est pour faire un coup politique à la veille des élections municipales ? Déclarer la procédure accélérée sur une proposition de loi, c’est original ! Convenons-en, la ficelle est un peu grosse.
Enfin, le choix de la commission saisie au fond au Sénat est également révélateur sur le plan idéologique.
Comme l’a très justement fait observer notre collègue Gérard Longuet en commission, saisir au fond la commission des affaires économiques, c’est admettre que l’économie détermine l’emploi ; saisir au fond la commission des affaires sociales, c’est affirmer que l’emploi peut être administré. Cette dernière option ne correspond évidemment pas à notre manière de voir les choses.
Cela me conduit à évoquer le fond.
Le texte a deux objets distincts : d’une part, garantir que des sites industriels rentables ne puissent à l’avenir être fermés pour des raisons stratégiques et financières sans que tout ait été fait pour trouver un repreneur et, d’autre part, favoriser l’actionnariat de long terme.
Je me concentrerai sur le premier de ces deux volets, qui constitue la raison d’être du texte.
Ce volet ne fait que renforcer les dispositions de l’article L. 1233–90–1 du code du travail. On le sait, cet article, introduit par la loi du 14 juin 2013 relative à la sécurisation de l’emploi, qui, elle-même, transposait l’article 12 de l’accord national interprofessionnel du 11 janvier 2013, imposait déjà la recherche d’un repreneur en cas de licenciement collectif ayant pour conséquence la fermeture d’un établissement.
Alors que l’encre des signataires de l’ANI et celle du législateur ne sont pas encore sèches, la présente proposition de loi renforce les obligations d’information imposées à l’employeur envisageant une fermeture et énumère les actions de recherche d’un repreneur.
Au nombre de celles-ci figure l’obligation « d’engager la réalisation d’un bilan environnemental […] et de présenter les solutions de dépollution envisageables ainsi que leur coût », et nous ne pouvons que nous en féliciter. Cette mesure répond à une préoccupation vivement exprimée par notre collègue Catherine Morin-Desailly, qui avait d’ailleurs préparé une proposition de loi en ce sens dans le cadre du dossier Petroplus.
Par ailleurs, le texte renforce les pouvoirs du comité d’entreprise et, surtout, permet au tribunal de commerce de sanctionner le non-respect de la procédure de recherche. Cette dernière mesure est bien sûr, de loin, la plus significative. Qu’en dire ?
On peut comprendre que la recherche d’un repreneur soit susceptible d’être sanctionnée. Mais pourquoi le serait-elle par le juge ? Nous nous opposons très vivement à cette judiciarisation de la procédure, qui ne peut qu’être source de contentieux et de complexité.
C’est pourquoi nous défendrons un amendement visant à remplacer la sanction judiciaire par une simple sanction administrative, moins lourde, beaucoup plus conforme à l’ANI du 11 janvier 2013 et aux prescriptions du choc de simplification tant attendu.
Plus globalement, il est incontestable que le texte ait été grandement amélioré par la navette parlementaire.
L’avis très critique du Conseil d’État sur sa mouture initiale, en particulier quant à son aspect rédactionnel, a donné lieu à de substantielles modifications en commission à l’Assemblée nationale.
Les députés ont aussi amélioré le texte sur le fond. Singulièrement, nous nous réjouissons que, conformément à la demande de nos collègues du groupe UDI, le montant de la sanction infligée à l’entreprise ait été plafonné à 2 % du chiffre d’affaires, tant il est vrai qu’un tel dispositif doit être le plus équilibré possible.
La quête de cet équilibre s’est poursuivie ici même, en commission. À cet égard, permettez-moi de saluer la démarche de la rapporteur de la commission des affaires sociales, Mme Anne Emery-Dumas, et l’esprit dans lequel elle a travaillé, en abordant cette question avec toute la mesure qui s’impose.
Nous ne pouvons qu’appuyer le rétablissement du seuil de cinquante salariés pour déterminer les sites concernés ou la suppression de « la double peine » consistant à enjoindre l’entreprise sanctionnée de rembourser aussi les aides publiques dont elle aurait pu bénéficier.
Les principales insuffisances du texte provenaient du caractère trop restrictif ou trop flou des notions centrales autour duquel il se structurait.
Tel était encore le cas de la notion de « motif légitime de refus de cession », uniquement définie comme « la mise en péril de la poursuite de l’ensemble de l’activité de l’entreprise ». La commission a eu raison de constater qu’une telle définition ne couvrait pas tous les cas envisageables de motifs légitimes.
A contrario, pourquoi ne pas avoir mieux défini « le caractère sérieux des offres de reprise », comme le recommandait d’ailleurs le Conseil d’État ? C’est là un point clé, et nous défendrons par conséquent un amendement en ce sens.
En dépit de ces améliorations rédactionnelles, s’agit-il d’un texte satisfaisant ?
Nous ne le pensons pas, car il s’agit d’un texte trompeur, qui tend à faire croire que l’on agit pour l’emploi.
Or, chacun le sait, jamais les obligations et sanctions nouvelles n’auront le moindre impact sur la courbe de l’emploi industriel.
Au contraire, elles ne peuvent que desservir l’ensemble de l’économie française, en écornant un peu plus l’image de notre pays, seul à prendre des mesures à rebours de l’évolution actuelle, des mesures susceptibles de dissuader l’investissement dont nous avons, pourtant, si cruellement besoin pour faire repartir la croissance. Au demeurant, vous observerez que les investissements industriels étrangers ont baissé de 77 % entre 2012 et 2013.
On est bien loin non seulement du choc de simplification, mais aussi, et surtout, du choc de compétitivité, dont l’évocation devient chaque année un peu plus incantatoire.
C’est non pas en obligeant et en sanctionnant, mais en gagnant en compétitivité que nous éviterons, demain, de nouveaux Florange ! On le sait, ce sont les emplois les moins qualifiés qui résistent le moins à la concurrence internationale, notamment parce que la dimension fiscale y est trop importante.
Dans ces conditions, il est urgent de déporter les charges pesant sur la production vers la consommation, ce qui, par surcroît, permettrait de toucher les produits d’importation.
Nous pouvions imaginer que la conversion social-libérale du Président de la République le conduirait à cette solution de bons sens, mais l’examen de la présente proposition de loi nous conduit hélas à en douter.
Aussi, vous l’aurez compris, mes chers collègues, le groupe de l’UDI-UC ne votera pas ce texte. (Applaudissements sur les travées de l'UDI-UC et sur plusieurs travées de l'UMP.)
M. Jean Desessard. Vous ne voulez pas de l’économie réelle, monsieur Marseille ?
M. le président. La parole est à M. Dominique Watrin.
M. Dominique Watrin. Monsieur le président, monsieur le ministre, madame, messieurs les rapporteurs, mes chers collègues, personne ne peut ici, quelles que soient les travées sur lesquelles il siège, se réjouir de la montée persistante du chômage.
Ce constat, loin d’être alarmiste est celui d’un sénateur du Pas-de-Calais qui côtoie au quotidien la misère, celle qui s’installe durablement dans nos communes, où le taux de chômage peut excéder 25 %.
C’est le constat d’un sénateur qui, comme vous, rencontre quotidiennement des jeunes et des moins jeunes, qui, pour certains, n’ont jamais connu autre chose que la privation d’emploi ou les contrats précaires et sous-payés.
C’est également le constat d’un sénateur qui n’en peut plus de voir ses concitoyens penser que plus rien n’est possible pour changer la donne, ce qui les rend plus réceptifs aux discours simplistes qui favorisent la division.
C’est, enfin, le constat d’un homme qui ressent, lui aussi, comme un choc une certaine forme de démission collective face à la désindustrialisation et aux délocalisations dont notre pays est victime.
Voilà un an, quasiment jour pour jour, j’intervenais pour dire que le groupe CRC voterait en faveur du projet de loi portant création des emplois d’avenir.
Pointant les insuffisances de ce texte, nous avions fait des propositions alternatives plus ambitieuses, sans doute trop ambitieuses pour être retenues par le Sénat. Au final, malgré nos réserves, nous avions voté en faveur de ce projet de loi, non sans avoir rappelé que cette mesure ne serait positive qu’à la condition que le Gouvernement « s’attaque au chômage des jeunes dans sa globalité, c’est-à-dire aux pertes d’emplois industriels et tertiaires, en prenant des mesures structurelles. » « Nous devons faire en sorte que la finance, qui domine trop souvent l’économie réelle, cède de son pouvoir, afin que l’emploi soit mieux pris en compte », avions-nous insisté.
Notre démarche, hier comme aujourd’hui, consiste à soutenir les dispositions visant à faciliter le retour à l’emploi et à permettre aux demandeurs d’emploi de retrouver pleinement leur place au travail, ainsi que la satisfaction d’être utiles à la société.
Ce que je viens de dire en rappelant les exigences formulées en 2013 nous conduit à porter un regard réservé, pour ne pas dire critique, sur la proposition de loi dont nous débattons aujourd'hui.
Force est de constater que nous sommes loin de la proposition de loi tendant à interdire les licenciements boursiers que nous avions déposée, et que les groupes socialiste et écologiste avaient votée. En 2011, nous avions fait, ensemble, le constat qu’il n’était plus supportable que les entreprises en bonne santé – qui plus est, celles qui distribuent des dividendes à leurs actionnaires – continuent de briser la vie de centaines de milliers de salariés aux seules fins de rentabilité financière.
Nous avions admis, ensemble, que les intérêts de la société étaient de faire primer l’emploi sur le capital ; le travail sur les actionnaires. En votant en faveur de cette proposition de loi, la gauche avait adressé un signal fort. Il s’agissait non pas, dans notre esprit du moins, d’une posture, mais, bel et bien, d’un choix politique assumé et porteur d’espoirs.
Or force est de constater que cette proposition de loi, qui nous est présentée comme devant reconquérir l’économie réelle, est en très net retrait par rapport à ce que nous avions soutenu ensemble.
Elle est même en retrait par rapport à ce que souhaitait François Hollande, qui, lors d’un déplacement à Florange en février 2012, annonçait légiférer sur l’obligation pour l’employeur de rechercher un repreneur en cas de fermeture d’un site. Cette promesse s’est immédiatement traduite par le dépôt, le 12 février 2012, d’une proposition de loi tendant à garantir la poursuite de l’activité des établissements viables notamment lorsqu’ils sont laissés à l’abandon par leur exploitant. Cette proposition deviendra par la suite la proposition n° 35 de son programme présidentiel, qui prévoyait de donner « aux ouvriers et aux employés victimes de licenciements boursiers, la possibilité de saisir le tribunal de grande instance dans les cas manifestement contraires à l’intérêt de l’entreprise ». Vous avez bien entendu, mes chers collègues, le tribunal de grande instance et non pas le tribunal de commerce !
Cette promesse a été tempérée dès juillet 2012, lors de la première conférence sociale, avec la proposition visant seulement à « encadrer les licenciements manifestement abusifs et les obligations liées à des projets de fermeture de sites rentables ».
Viendra ensuite la transposition de l’ANI du 11 janvier 2013, dont l’article 19 prévoyait une simple obligation d’information et de consultation du comité d’entreprise sur les offres de reprise, une obligation assortie d’ailleurs d’aucune sanction, ce que nous n’avions pas manqué de dénoncer.
Épilogue de ce parcours législatif : le dépôt à l’Assemblée nationale d’une proposition de loi visant à redonner des perspectives à l’économie réelle et à l’emploi industriel. Or celle-ci arrive au Sénat affaiblie – c’est un constat –, avec la réintroduction par la commission des affaires sociales du seuil de cinquante salariés pour ce qui concerne l’établissement concerné par la fermeture. Autant dire que peu d’entreprises seraient concernées par cette proposition de loi, dont le champ serait soumis à trois conditions cumulatives : une entreprise employant plus de mille salariés, un site d’au moins cinquante salariés promis à la fermeture et un PSE, un plan de sauvegarde de l’emploi, c'est-à-dire l’engagement d’une procédure de licenciement concernant au moins dix salariés.
Oui, naturellement, nous nous réjouissons que les salariés via les comités d’entreprise soient informés des projets de fermeture de sites, ainsi que des projets de reprise. La procédure d’information-consultation nous semble effectivement positive. Pour autant, et nous y reviendrons sous forme d’amendements, elle ne doit pas être limitative et priver les représentants des salariés de la capacité d’informer leurs collègues des effets des offres de reprise sur l’emploi.
Chercher à sanctionner les dirigeants et les entreprises qui ne jouent pas le jeu de la recherche d’un repreneur quand le site est rentable constitue, là encore, une mesure salutaire que nous aurions été tout prêts à soutenir si les pénalités prévues n’étaient pas aussi basses. En réalité, le mécanisme choisi permettra aux employeurs qui refusent à tout prix – on connaît de tels cas – de vendre le site à un repreneur concurrent, d’anticiper et d’intégrer le coût de cette pénalité dans le plan social.
Nous nous étonnons également que les aides financières publiques fassent l’objet non pas, comme nous le souhaitons, d’un remboursement obligatoire, mais d’un recours facultatif. Celui-ci pourrait être d’autant plus rare que la proposition de loi ne mentionne pas la manière dont les personnes publiques chargées de cette mission pourront être tenues informées des décisions rendues par les tribunaux de commerce.
Enfin, si nous soutenons l’idée d’un recours en justice en cas de non-respect des obligations patronales quant à la recherche de repreneurs, nous aurions préféré que ce soit le tribunal de grande instance qui soit saisi – cela aurait été fidèle à l’engagement de François Hollande ! –, et non les tribunaux de commerce, dont la composition et le fonctionnement ont d’ailleurs été critiqués par la ministre de la justice elle-même.
Bref, tout cela nous donne l’impression que l’on ne va pas au bout de la logique et encore moins des ambitions initialement posées. Ce texte est à l’image du pacte de responsabilité promis récemment par le Président de la République : tout en donnant quelques illusions, tout y est mis en œuvre pour ne pas brusquer ou contraindre le patronat. Les quelques avancées – trop modestes ! – pourraient bien n’être que des mirages qui se dissiperont quand les salariés voudront mettre en œuvre ces actions.
C’est pourquoi les sénatrices et sénateurs du groupe CRC s’abstiendront sur cette proposition de loi. (Applaudissements sur les travées du groupe CRC. – Mme la présidente de la commission des affaires sociales applaudit également.)
M. le président. La parole est à M. Jean-Claude Requier.
M. Jean-Claude Requier. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, assurer le primat de l’économie réelle sur la finance, tel est l’objectif affiché et louable de cette proposition de loi, portée par le groupe socialiste de l’Assemblée nationale.
Annoncée lors de la première conférence sociale, en juillet 2012, cette proposition de loi vise à mettre en œuvre un engagement du Président de la République : éviter la fermeture d’entreprises et d’usines rentables et lutter contre les licenciements boursiers. Elle fait suite à une série d’autres mesures visant à redresser notre économie : le pacte national pour la croissance, la compétitivité et l’emploi, la création de la Banque publique d’investissement et la loi relative à la sécurisation de l’emploi.
Le premier volet de ce texte vise à redonner des perspectives aux salariés des entreprises frappées de délocalisation et de fermeture, alors qu’elles sont rentables. Il s’agit de préserver l’intérêt général, menacé par des fermetures de sites qui risquent de déstructurer le tissu industriel local et national.
De fait, l’industrie française a perdu 2 millions d’emplois en trente ans ; rien qu’au cours des dix dernières années, 750 000 emplois ont disparu. Le phénomène est d’autant plus grave que, depuis 2009, pour deux usines qui ferment, une seule est recréée. L’actualité de ces dernières années a été tristement marquée par des fermetures de sites industriels rentables pour des raisons stratégiques et financières, et la liste des plans sociaux s’allonge de jour en jour.
Les grands groupes industriels en cause obéissent à une logique d’optimisation de leurs profits : leur unique objectif est la maximisation de la richesse de leurs actionnaires, ce qui les conduit à privilégier les dividendes d’aujourd’hui aux emplois et aux investissements de demain. Sous la pression des marchés, certains dirigeants d’entreprise préfèrent payer le prix d’un plan social plutôt que de s’embarrasser d’un site qui ne dégage pas un assez bon retour sur investissement.
C’est ainsi que nous assistons, impuissants, à la disparition de sites qu’un repreneur serait prêt à relancer en garantissant la pérennité des emplois et la survie du territoire. Enrayer cette désindustrialisation, qui provoque de véritables drames humains, suppose plus que jamais la mobilisation de tous les acteurs. Nous ne pouvons pas laisser des entreprises saines fermer sans réagir ; leurs salariés ne le comprendraient pas. Mes chers collègues, le politique ne peut pas s’exonérer de sa responsabilité !
J’entends bien les inquiétudes que la proposition de loi suscite ici ou là : les uns la trouvent contre-productive, les autres, insuffisante. De notre point de vue, elle représente un bon compromis, qui permettra de préserver l’attractivité de notre territoire tout en protégeant nos salariés et notre tissu industriel. C’est d’autant plus vrai que les travaux des différentes commissions me semblent aller dans le sens d’un meilleur équilibre entre la volonté de sauver des établissements encore rentables et le souci de ne pas décourager les investissements en France.
En vérité, le redressement industriel du pays devient une impérieuse nécessité : dans le dernier classement annuel des pays selon leur indice global de compétitivité, établi par le Forum économique mondial de Davos, la France recule de deux places et figure désormais à la vingt-troisième position, loin derrière la Suisse, l’Allemagne et les États-Unis.
Le second volet de la proposition de loi pose les bases d’un nouveau modèle de gouvernance des entreprises en luttant contre les OPA hostiles et en encourageant les investissements de long terme.
Dans un pays où la part de l’industrie dans la valeur ajoutée est passée en dix ans de 22 % à 16 % – quand, en Allemagne, l’industrie pèse 30 % du PIB –, il est temps de mettre fin au modèle économique que Jean-Louis Beffa qualifie de « libéral-financier » : un modèle qui repose, pour l’essentiel, sur la maximisation du profit des actionnaires à court terme, au détriment de la prise en compte de toutes les parties prenantes à plus long terme. Plus précisément, l’ancien patron de Saint-Gobain loue, dans son ouvrage La France doit choisir, les mérites du modèle allemand : outre-Rhin, l’actionnariat des entreprises, combiné à un arsenal législatif et réglementaire qui les protège contre les OPA hostiles, favorise le développement productif sur la longue durée.
De même, le rapport Gallois nous invite à privilégier les actionnaires qui misent sur le long terme. À cet égard, en 2007 déjà, la mission commune d’information sur la notion de centre de décision économique et les conséquences qui s’attachent, en ce domaine, à l’attractivité du territoire national proposait d’étendre l’usage des actions à droits de vote multiples, en s’inspirant, par exemple, des pays nordiques. C’est dans cet esprit que la proposition de loi prévoit la mise en place du droit de vote double pour les actionnaires qui restent au capital d’une entreprise pendant au moins deux ans.
Nous savons bien qu’une partie des excès de la planète financière est liée à la recherche de rendements élevés à court terme. C’est la raison pour laquelle il est essentiel de renforcer l’ancrage actionnarial des sociétés, afin que les centres de décision, les usines et les emplois restent en France.
Je me réjouis aussi que l’Assemblée nationale ait fait de la neutralité des organes de gouvernance en cas d’OPA une exception, et non plus la règle. Alors que la directive européenne du 21 avril 2004 concernant les offres publiques d’acquisition, dite directive OPA, laisse aux États la possibilité de choisir un système plus ou moins protecteur, la France a d’abord décidé d’appliquer le principe de neutralité. Aujourd’hui, comme l’Allemagne et le Benelux, nous faisons le choix de ne pas appliquer ce principe, afin de permettre au conseil d’administration d’organiser la défense de l’entreprise face à une OPA hostile.
Parce que ce texte encourage les salariés et les entrepreneurs qui œuvrent quotidiennement pour la survie du tissu industriel sur nos territoires, la majorité des membres du groupe RDSE le votera ! (Applaudissements sur les travées du RDSE, ainsi que sur quelques travées du groupe socialiste. – Mme la rapporteur applaudit également.)
M. Jean Desessard. Pas la quasi-unanimité ? (Sourires.)
M. le président. La parole est à M. Georges Labazée.
M. Georges Labazée. Monsieur le président, monsieur le ministre, madame, messieurs les rapporteurs, mes chers collègues, cette proposition de loi vise à reconquérir l’économie réelle ; certains ont pu s’étonner du choix de cet intitulé.
Mme Isabelle Debré. En effet !
M. Georges Labazée. Ils se sont étonné aussi que la commission des affaires sociales ait été saisie au fond.
Mme Isabelle Debré. Absolument !
M. Georges Labazée. Mes chers collègues, les questions centrales ne sont pas forcément celles-là !
Il s’agit plutôt de se demander pourquoi il est urgent d’agir aujourd’hui. Un certain nombre de réponses ont déjà été apportées par M. le ministre de l’économie et des finances, par les premiers orateurs des groupes et par nos rapporteurs, qu’il m’appartient, au nom du groupe socialiste, de remercier – je pense en particulier à notre collègue Anne Emery-Dumas.
La prééminence des stratégies financières sur les véritables projets industriels a, depuis plusieurs années, des conséquences dramatiques dans de multiples bassins d’emploi. Mes chers collègues, il faut mesurer que notre pays a perdu 750 000 emplois industriels en dix ans !
Les fermetures de sites industriels, que nos territoires sont trop nombreux à avoir subies, sont avant tout des drames humains. Elles représentent un traumatisme pour les salariés, qui sont nombreux laissés sur le carreau, et pour leurs familles. Elles provoquent aussi, parce que l’activité locale disparaît, un véritable choc pour les habitants et pour les élus, souvent désemparés et impuissants. Il est de notre devoir de réagir !
La deuxième raison pour laquelle nous devons intervenir tient à la financiarisation de notre économie, résultat d’une logique qui a longtemps conduit à favoriser les intérêts financiers de très court terme. Quel est le bilan de ce système ? La destruction de notre économie réelle, c’est-à-dire de notre outil industriel et de nos entreprises, mais aussi le sacrifice de stratégies de long terme pour le développement des filières industrielles, de la recherche et de l’innovation.
Dans ce contexte, la proposition de loi marque une nouvelle étape dans la recherche d’un équilibre entre le maintien de l’activité industrielle et la liberté d’entreprendre.
L’économie réelle, c’est l’économie de proximité : c’est à la fois la valeur travail, les travailleurs, les entreprises, les chefs d’entreprise, les filières industrielles, les investissements de long terme et les territoires.
Certains se demanderont comment l’on peut tenter de reconquérir cette économie sans que les entreprises qui décident de fermer un établissement, avec pour conséquences des licenciements massifs, soient obligées, à peine de lourdes sanctions, de tout mettre en œuvre pour chercher un repreneur. Nous leur répondons avec sincérité : nous ne sommes pas frileux, mais notre devoir est d’élaborer un texte utile, c’est-à-dire un texte applicable, que la censure du Conseil constitutionnel ne risque pas de transformer en coquille vide.
Que la sauvegarde de l’emploi soit un motif d’intérêt général justifiant des restrictions à la liberté d’entreprendre et au droit de propriété, je le pense en effet. Toujours est-il qu’un doute subsiste, dans la mesure où il s’agit de principes constitutionnels, nécessairement sacrés. C’est pourquoi la proposition de loi me paraît adaptée.
Sans doute, une autre solution aurait pu consister à interdire les licenciements boursiers ; cette mesure a été débattue en commission et M. Watrin vient à nouveau de la soutenir. Nous nous souvenons qu’Annie David et les membres du groupe CRC ont présenté une proposition de loi, examinée en séance publique le 16 février 2012, tendant à interdire les licenciements boursiers. Plus précisément, la proposition de loi prévoyait que le licenciement économique ne pourrait être prononcé « si, dans l’exercice comptable de l’année écoulée, l’entreprise a distribué des dividendes aux actionnaires » ; elle prévoyait en outre le remboursement des aides publiques. Le groupe socialiste l’avait d’ailleurs votée, et je m’en félicite.
Toutefois, dans un arrêt du 3 mai 2012, la chambre sociale de la Cour de cassation a cassé l’arrêt Viveo rendu par la Cour d’appel de Paris, au motif que le code du travail ne prévoit que deux cas de nullité d’un plan de licenciements : le non-respect de la procédure et l’insuffisance du plan de reclassement. De cette jurisprudence, il résulte clairement que le juge ne peut statuer sur la validité d’un plan social, mais seulement sur son absence ou son insuffisance, et sur le non-respect des procédures. En d’autres termes, le juge ne peut que constater a posteriori l’absence de motif économique d’un plan de licenciements, et éventuellement accorder des dommages et intérêts aux salariés.
Dans ces conditions, un changement d’orientation s’imposait à nous : favoriser la reprise des sites. Il s’agit d’abord de refuser la fermeture de sites rentables : la proposition de loi facilite la reprise de sites rentables chaque fois qu’elle est possible, afin de préserver l’activité économique, l’emploi et nos territoires. Il s’agit ensuite de construire un nouveau modèle de gouvernance permettant la stabilisation dans la durée de l’actionnariat des entreprises ; en préservant celles-ci des opérations purement financières, les nouvelles règles serviront leur intérêt social et leurs stratégies de long terme.
La feuille de route consécutive à la conférence sociale des 9 et 10 juillet 2012 précise que la négociation sur la sécurisation de l’emploi comprendra « un volet relatif à l’accompagnement des mutations économiques », dont l’objectif sera notamment « d’encadrer les licenciements manifestement abusifs et les obligations liées à des projets de fermeture de sites rentables ».
L’accord national interprofessionnel du 11 janvier 2013 prévoit, dans le sixième paragraphe de son article 12, un renforcement de l’information du comité d’entreprise sur les offres de reprise. Ces stipulations ont été transposées dans le code du travail par l’article 19 de la loi du 14 juin 2013 relative à la sécurisation de l’emploi.
Enfin, je vous rappelle que nous avons récemment voté les articles 11 et 12 du projet de loi relatif à l’économie sociale et solidaire – M. le ministre s’en souvient. Parce que, selon les estimations, plus de 50 000 emplois sont supprimés chaque année faute de repreneurs d’entreprises en bonne santé, ce projet de loi, dont la discussion parlementaire est en cours, prévoit d’encourager la transmission des entreprises, en particulier celle des TPE et des PME.
Reste que ces dispositions, portant uniquement sur le code de commerce, ne modifient pas les attributions des comités d’entreprise. La proposition de loi s’en charge heureusement, ce qui donnera à la démarche du Gouvernement une pleine cohérence.
Le 30 avril dernier a donc été déposée à l’Assemblée nationale la proposition de loi visant à « redonner des perspectives à l’économie réelle et à l’emploi industriel ». Tel était l’intitulé initial de ce texte. L’Assemblée nationale a ensuite enrichi le contenu du texte avant sa transmission au Sénat.
Si nous avons, dans un premier temps, adopté 35 amendements en commission des affaires sociales, lesquels visaient essentiellement à sécuriser le texte et à rendre opérationnelles certaines de ses dispositions, nous avons, je tiens à le dire cet après-midi, refusé d’en adopter deux : ceux qui visaient à supprimer les articles 5 et 8 du texte.
Pourquoi ?
L’article 5 prévoit l’application automatique du droit de vote double dans les assemblées générales d’actionnaires des sociétés cotées pour les actions détenues au nominatif depuis deux ans. Selon vous, chers collègues de la commission des lois, cet article n’était pas justifié. Pour nous, membres de la commission des affaires sociales, le renforcement de l’actionnariat à long terme, second grand objectif de ce texte, je le rappelle, repose essentiellement sur l’instauration par principe du droit de vote double, car les conséquences de cet article sont de deux ordres.
D’une part, en conférant un avantage aux actionnaires qui ne mettent pas en œuvre une stratégie de court terme, dont l’impact sur l’emploi et les territoires est souvent dramatique, cet article vise explicitement à promouvoir un actionnariat stable de longue durée dans les sociétés cotées.
D’autre part, cet article permettra à l’État actionnaire de vendre certaines participations tout en conservant le même niveau de contrôle. Il s’agit là d’une conséquence indirecte du dispositif, mais dont les bénéfices pour l’État pourraient être à moyen et à long terme considérables, selon l’Agence des participations de l’État.
Pour améliorer le dispositif, nous avons instauré une clause de rendez-vous périodique pour les assemblées générales des sociétés cotées ayant refusé de mettre en place le droit de vote double, afin qu’elles abordent cette question au moins une fois tous les deux ans.
L’article 8 renverse la logique actuelle en matière de neutralité des organes de gouvernance en cas d’OPA. Il autorise le conseil d’administration et le directoire, après autorisation du conseil de surveillance, à prendre de leur propre initiative, sans autorisation préalable de l’assemblée générale, toute décision dont la mise en œuvre est susceptible de faire échouer une offre, tout en permettant la réintroduction du principe de neutralité, sous conditions, dans les statuts d’une société cotée.
Lorsque la France a, en 2006, transposé la directive OPA, elle a fait le choix le plus libéral qui soit en ne permettant pas ainsi au conseil d’administration d’organiser la défense de l’entreprise face à une OPA hostile, contrairement au choix effectué par les pays du Benelux et par d’autres de l’Union européenne, comme l’Allemagne.
L’article 8 inverse donc le choix fait à l’époque par la France.
Preuve, finalement, que nous savons nous retrouver : je salue le bon sens de nos quatre commissions, qui ont décidé de supprimer l’article 9 de la proposition de loi.
Cet article prévoyait de renforcer les règles d’urbanisme afin de protéger les anciens îlots industriels de plus de deux mille mètres carrés. Il rendait obligatoire la prise en compte des implantations industrielles existantes dans le projet d’aménagement et de développement durables.
Chers collègues, le projet de loi ALUR, qui a été adopté au Sénat vendredi dernier, serait entré en contradiction avec la présente proposition de loi si nous avions adopté cet article 9. Il introduisait, nous le savons, des lourdeurs excessives qui allaient à rebours de la volonté du Gouvernement et de sa majorité de desserrer les contraintes en matière d’urbanisme.
Je souhaite enfin attirer votre attention sur l’amendement n°8 de notre collègue Marie-Noëlle Lienemann que nous allons examiner. Il vise à introduire un droit de préférence, à offre équivalente, au profit des salariés pour la reprise de leur entreprise. Il sera très intéressant de connaître l’avis du Gouvernement sur ce point.
Mes chers collègues, nous voici donc prêts à examiner cette proposition de loi équilibrée, qui privilégie la voie de la dissuasion par rapport à celle de la sanction, même si elle n’y renonce pas.
Je conclurai, monsieur le ministre, mes chers collègues, en appelant chacun de vous à prendre ses responsabilités sur ce texte, qui est pour nous l’occasion non seulement de réfléchir à la conception que nous avons de ce que doit être la politique industrielle de notre pays, mais également de discourir sur la méthode. Celle que nous appelons de nos vœux, c’est celle de la responsabilité et du dialogue, celle de l’intelligence partagée.
M. le président. Merci de bien vouloir conclure, mon cher collègue.
M. Georges Labazée. Je termine, monsieur le président.
Trop d’événements révoltants ont émaillé notre actualité économique ces dernières années.
Pour ma part, j’ai en mémoire l’usine de la Celanese, sur le complexe de Lacq, qui appartenait à un groupe américain, dont les taux de rentabilité oscillaient entre 15 % et 20 % et qui avait été fermée, sacrifiée sur l’autel de la rentabilité. L’usine avait alors été délocalisée dans les pays du Golfe…
Ce sont alors 380 emplois de haute technicité qui avaient été radiés d’un trait de plume, avec interdiction pour une quelconque entreprise de s’installer sur ce site, pourtant rentable.
Parce que ce texte entoure de garanties sérieuses l’arrêt ou la cession d’un site, et parce qu’il donne aux grandes entreprises un actionnariat stable, il permet de réaffirmer que la France est une terre industrielle.
C’est pourquoi, mes chers collègues, le groupe socialiste, au nom duquel j’ai eu l’honneur de m’exprimer, votera cette proposition de loi. (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste et du groupe écologiste, ainsi que sur certaines travées du RDSE.)
M. le président. La parole est à Mme Catherine Procaccia.
Mme Catherine Procaccia. Monsieur le président, monsieur le ministre délégué chargé de l'économie sociale et solidaire – M. Moscovici est vite reparti –,…
M. Jean Desessard. Il s’est délocalisé ! (Sourires.)
Mme Catherine Procaccia. … madame le rapporteur, messieurs les rapporteurs pour avis, mes chers collègues, je fais partie de ceux qui se sont interrogés en commission des affaires sociales – et qui s’interrogent encore aujourd'hui – sur l’intitulé de cette proposition de loi. Malgré les explications des uns et des autres, qui ne m’ont pas convaincue, je demeure perplexe sur cet intitulé vague. Je ne comprends toujours pas de quelle reconquête il s’agit !
Je m’interroge également sur les sujets traités dans la proposition de loi. Il y est question de reprises d’entreprises, d’actionnariat, d’encadrement des OPA. Ce serait donc cela, l’économie réelle ? (Mme Isabelle Debré s’exclame.) Mais alors, monsieur le ministre, tout le reste relèverait de l’économie « irréelle » ? Je vous ai déjà entendu parler d’économie sociale et solidaire. Voilà du concret, …
M. Jean Desessard. Et encore !...
Mme Catherine Procaccia. … mais quid de l’économie irréelle ? Peut-être pourriez-vous m’expliquer ce dont il s’agit ?
M. Georges Labazée. Vous perdez du temps !
Mme Catherine Procaccia. Je ne comprends toujours pas non plus, malgré les explications des uns et des autres, pourquoi la commission des affaires sociales a été saisie au fond, alors que les sujets abordés dans ce texte sont avant tout d’ordre économique. D’ailleurs, à l’Assemblée nationale, c’est bien la commission des affaires économiques qui a été chargée de rapporter au fond ce texte.
Mme Isabelle Debré. C’est très bizarre !
Mme Catherine Procaccia. J’avoue n’avoir jusqu’à présent jamais eu à traiter en commission des affaires sociales de « bons Breton en cas d’OPA », de dispositifs « anti-excès de vitesse » – je ne connaissais de tels dispositifs que sur la route, mais j’avoue qu’ils pourraient être utiles en commission lorsque nous examinons les amendements trop rapidement – ou encore de « clause de grand-père ».
Mme Isabelle Debré. Et les grands-mères ? (Sourires.)
Mme Catherine Procaccia. M. Hamon l’a évoquée la semaine dernière ; je l’ai repris et il a rectifié, parlant cette fois de clause « des grands-parents », mais l’intitulé de cette clause n’a pas été modifié pour autant !
Mme Isabelle Debré. Et l’égalité entre les femmes et les hommes ?...
Mme Catherine Procaccia. Je laisse aux autres orateurs le soin d’approfondir ces questions.
Contre toute logique, donc, ce texte a été soumis à la commission des affaires sociales, en plus des trois autres commissions saisies.
Mme Isabelle Debré. Comme si nous n’avions pas assez de travail !
Mme Catherine Procaccia. Je ne comprends pas pourquoi une commission spéciale n’est pas constituée pour examiner les textes de ce type. Les spécialistes de chacune des commissions pourraient y intervenir, ce qui nous permettrait de mobiliser un peu moins d’administrateurs et d’être plus efficaces.
Comme l’a rappelé M. Marseille à l’instant, la procédure accélérée a été engagée sur ce texte. N’est-il pas étrange d’engager cette procédure s’agissant d’une proposition de loi ?
Même l’examen du texte en commission mixte paritaire est accéléré, si j’en juge au SMS que je viens de recevoir m’annonçant que la CMP se réunirait demain, à dix-sept heures, soit moins de vingt-quatre heures après l’adoption, ou le rejet, du texte !
Mme Isabelle Debré. Excès de vitesse !
Mme Catherine Procaccia. C’est effectivement très accéléré ! Je rappelle que cette proposition de loi met en œuvre l’une des promesses du président Hollande. Je ne vois donc pas en quoi il y avait une telle urgence.
Pour être régulièrement rapporteur de textes de nature sociale, portant en particulier sur le dialogue social, je rappelle que les propositions de loi sont souvent l’occasion de légiférer sans avoir à effectuer l’étude d’impact qui est en revanche obligatoire pour les projets de loi. Une telle étude sur le texte qui nous est aujourd'hui soumis aurait pourtant permis d’évaluer et d’analyser ses conséquences sur l’économie et, plus précisément, son effet repoussoir sur le volume des investissements nationaux et étrangers.
En outre, passer par une proposition de loi réduit la consultation des partenaires sociaux aux seules auditions du rapporteur. Même si Mme le rapporteur en a effectué un grand nombre, ce n’est pas ce qui est prévu dans le cas d’un projet de loi. Le processus législatif est décidément bien malmené !
La semaine dernière, les débats en commission des affaires sociales ont été un peu confus et précipités. Faute de temps, nous n’avons pas pu étudier l’ensemble des amendements proposés par la commission des lois saisie pour avis. Nous avons alors tous, et toutes tendances politiques confondues, souligné nos conditions de travail déplorables.
Aujourd'hui, un quart d’heure avant la séance publique, nous avons « balayé » assez rapidement – en trois quarts d’heure – tous les amendements, en particulier ceux qui ont été déposés par le groupe UMP, lesquels ont tous reçu, comme nous nous y attendions, un avis défavorable.
Mme Isabelle Debré. Ce n’est pas normal !
M. Jean Desessard. C’est l’économie en temps réel ! (Sourires.)
Mme Catherine Procaccia. Nous voici donc face à un texte si indigent qu’il a été profondément remanié par les députés, car plusieurs de ses dispositions encouraient un risque d’inconstitutionnalité, comme l’avait démontré le Conseil d’État. (M. Jean Desessard s’exclame.) Malgré les modifications apportées à l’Assemblée nationale, la commission des lois du Sénat a encore pointé diverses difficultés, heureusement, du moins si ce texte a un avenir…
Ainsi, l’article 1er impose de nombreuses contraintes aux chefs d’entreprise, qui devront rechercher activement un repreneur, en informer les salariés, l’autorité administrative et les élus – sans qu’on sache lesquels –, et motiver leur refus d’offres de reprise. Des sanctions lourdes sont prévues pour tous ceux qui ne respecteraient pas la procédure ou qui refuseraient une offre de reprise d’une façon que le juge estimerait non légitime.
Dans sa rédaction initiale, le texte allait très loin : le niveau de sanction pour les chefs d’entreprise pouvait atteindre jusqu’à vingt fois le montant mensuel du SMIC par emploi supprimé ! Cette pénalité a été maintenue par l’Assemblée nationale, mais elle ne pourra pas désormais dépasser 2 % du chiffre d’affaires de l’entreprise.
Toujours est-il qu’un tel risque contraint le pouvoir de décision des dirigeants, ce qui constitue une atteinte à la liberté d’entreprendre et au droit de propriété. Mais la majorité actuelle nous y a habitués…
Je donnerai un autre exemple, qui illustre à la fois l’irrégularité constitutionnelle de certaines dispositions et leur inutilité.
L’article 1er prévoit que le tribunal de commerce peut enjoindre à l’entreprise de rembourser tout ou partie des subventions publiques qu’elle a reçues. La commission des lois saisie pour avis a estimé qu’une telle procédure d’injonction remettait en cause une situation légalement acquise, ce qui est inconstitutionnel, et a fait adopter un amendement prévoyant que la demande de remboursement viendrait finalement des personnes publiques. Cette disposition est d’autant plus inutile que lesdites personnes publiques, en émettant un titre exécutoire, peuvent déjà demander le remboursement direct des subventions irrégulièrement employées, en saisissant, s’il y a lieu, le tribunal compétent.
Cet exemple est révélateur de la méthode adoptée par les auteurs de la proposition de loi : pointer la responsabilité des entrepreneurs dans tout projet de fermeture, alors même que des textes empêchant les abus existent déjà.
La France est, parmi les pays d’Europe, celui qui a connu le plus fort mouvement de désindustrialisation. D’après les chiffres récents, entre le mois de janvier et le mois de septembre 2013, ce sont 191 usines qui ont été fermées, ces fermetures causant la destruction de 17 000 emplois.
En revanche, le nombre d’ouvertures de sites a chuté de 25 % en un an et 71 usines seulement ont été créées.
M. le président. Ma chère collègue, veuillez conclure.
Mme Catherine Procaccia. Monsieur le président, je dépasserai sans doute un peu le temps qui m’est imparti, mais pas plus que mon prédécesseur. (Sourires.)
Au lieu de rendre notre pays plus attractif, par cette proposition de loi, vous adressez un très mauvais signal aux investisseurs nationaux et internationaux, alors même qu’il y a quelques instants, Mme Nicole Bricq, à l’Assemblée nationale, annonçait un objectif de 1 000 investissements en France par an. Voici encore une incongruité !
Nous ne créerons pas d’emplois dans ce pays sans les entreprises et sans un environnement qui suscite un minimum de confiance !
Le chef de l’État s’est fixé comme objectif « de donner de la visibilité aux entreprises », précisant même qu’ « il ne peut pas y avoir d’investissements si le cadre n’est pas clair, si les règles changent ». Il semble que vous n’ayez pas la même vision que lui ! Le présent texte est en totale contradiction avec ces principes. On n’y comprend rien ! Le Gouvernement n’a plus de gouvernail. C’est la raison pour laquelle ce texte n’engage pas de réforme de fond.
Le groupe UMP votera, comme vous vous en doutez, contre cette proposition de loi. (Applaudissements sur les travées de l'UMP.)
M. Georges Labazée. Applaudissements timides !
M. le président. Mes chers collègues, faut-il vous rappeler les décisions de la conférence des présidents s’agissant des temps de parole ?
J’invite chacun à respecter désormais le temps imparti.
Dans la suite de la discussion générale, la parole est à Mme Jacqueline Alquier.
Mme Jacqueline Alquier. Monsieur le président, monsieur le ministre, madame la rapporteur, mes chers collègues, cette proposition de loi que nous examinons aujourd’hui et qui, je l’espère, sera adoptée au plus vite, est un premier pas important.
Elle constitue en effet une première étape dans notre lutte contre une économie financiarisée qui fragilise et même détruit l’économie réelle, l’économie de proximité, celle qui structure nos territoires. Peut-être faudrait-il sortir de Paris – je m’adresse maintenant, par exemple, à Mme Procaccia – pour comprendre quelle est cette urgence.
Cette proposition est donc une première étape, car d’autres moyens juridiques sont nécessaires pour mettre fin à un système qui, depuis plusieurs années, est totalement déconnecté des entreprises, de leur développement, de la création de richesses et d’emplois.
Les collègues qui se sont exprimés avant moi ont parfaitement présenté ce texte, par conséquent je serai plus concise sur les différentes mesures qu’il contient.
Cette proposition de loi a plusieurs objectifs, tels que favoriser la recherche d’un repreneur, donner plus de pouvoirs aux salariés dans l’entreprise, notamment dans sa gouvernance, privilégier l’actionnariat de long terme au détriment de la rentabilité immédiate et, enfin, renforcer la capacité des entreprises à résister à la spéculation et aux opérations financières déstabilisantes.
Dans son discours introductif, M. Pierre Moscovici l’a annoncé fermement : il s’agit d’une proposition de loi stratégique pour aider au maintien du tissu industriel.
Ainsi, favoriser la reprise d’un site, y compris par les salariés, constitue une première réponse aux stratégies financières obsédées par la rentabilité quasi immédiate. Nous constatons d’ailleurs tous les jours, dans les territoires, les drames humains qu’elles ont pu engendrer. Or, quand l’industrie est touchée, ce sont aussi les autres secteurs qui en pâtissent. À cet égard, je veux rappeler un chiffre révélé lors de nos précédents débats : un emploi industriel détruit entraîne la disparition de deux emplois et demi dans les services et aggrave d’autant la crise sociale.
Il nous faut donc mettre en place des dispositifs qui permettent, autant que faire se peut, de protéger et de sauver l’emploi industriel.
Cela commence dans ce texte par un renforcement des obligations de l’employeur dans sa recherche de repreneur. Il était important d’énumérer clairement les actions à mener dans ces cas-là pour que les bonnes pratiques soient adoptées.
Un autre point important est l’introduction du tribunal de commerce en vue de sanctionner le non-respect de la procédure de recherche. Il s’agit, ici encore, d’un nouveau progrès, mais ces dispositions et la question très sensible qu’elles concernent, à savoir la reprise d’une entreprise, me poussent à ouvrir une courte parenthèse au sujet de la composition et du fonctionnement des tribunaux de commerce.
Loin de moi l’idée de jeter le doute sur la justice consulaire tout entière, mais je souhaite simplement faire remarquer que l’on ne peut laisser perdurer certaines situations de conflits d’intérêts au sein même de l’institution judiciaire, car, lorsque ces conflits sont avérés, cette juridiction n’est plus à même de jouer équitablement son rôle de régulateur. Néanmoins, je reste convaincue que nous parviendrons à progresser sur la question.
Pour en revenir aux dispositions du texte, l’autre volet important sur lequel je souhaite insister concerne l’actionnariat. Ce texte nous fournit enfin le début de l’indispensable remise en cause d’un modèle face auquel nous restons immobiles depuis des années.
En effet, comme vous le savez, l’évolution qui a commencé à la fin des années soixante-dix, n’a cessé de s’approfondir dans les années quatre-vingt et quatre-vingt-dix, puis s’est trouvée lancée à pleine vitesse dans les années deux mille, a vu entrer le capitalisme dans sa configuration néolibérale. Pour reprendre l’exposé des motifs, cette période correspond à « trente années durant lesquelles l’économie réelle a été délaissée au profit de la finance ».
Ces trente années ont consacré le primat des actionnaires, dans le but, disaient leurs défenseurs, de faciliter le financement des entreprises et donc leurs investissements. Or nous nous retrouvons aujourd’hui dans la situation contraire : la pression de l’actionnariat met les entreprises sous l’injonction de créer de la valeur, d’augmenter leur rentabilité financière et d’assécher leurs investissements.
C’est pourquoi il était temps de commencer à enrayer le phénomène. L’article 5, renforcé notamment par Mme la rapporteur, va permettre aux actionnaires des sociétés cotées de bénéficier automatiquement d’un droit de vote double pour les actions détenues depuis deux ans. En inversant la logique actuelle, nous franchissons donc un premier pas.
Sur ce point, il ne fallait pas céder face à certains acteurs qui, comme d’habitude, ont étalé leur pessimisme à la vue des changements que nous envisagions. Ainsi, certains banquiers et investisseurs ont pu déclarer dans la presse que cet article était la disposition « la plus grave » de ce texte. Et, mélangeant à peu près tout, ils n’ont pas hésité non plus à parler du « triomphe de l’idéologie de la rente ». Selon eux, cette mesure aura un effet immédiat de perte de valeur pour l’entreprise ; c’est bien la preuve, encore une fois, que la rentabilité financière obsède toujours !
Madame la rapporteur, vous le disiez en commission, cette disposition est extrêmement importante et constituera peut-être une mesure phare de la législature.
La question des offres publiques d’achat, ou OPA, est aussi centrale, mais l’article 4, qui envisageait d’abaisser son seuil de déclenchement obligatoire, n’a malheureusement pu être maintenu.
Comme je l’ai dit précédemment, ce texte contient de bonnes mesures. La loi de séparation et de régulation des activités bancaires était un premier pas, la loi dite « de reconquête de l’économie réelle » en constitue un autre. Toutefois, à mon sens, elle ne sera une bonne loi qu’à la condition d’être le début d’une série de mesures plus fortes que le législateur et le Gouvernement se devront de proposer.
Certes, pour relancer l’activité, il est nécessaire de faire confiance aux différents acteurs économiques de notre pays – nous exprimons régulièrement cette nécessité depuis bientôt deux ans. Du reste, cette confiance doit être réciproque lorsque le législateur envisage de modifier certaines règles, comme c’est le cas actuellement. Le législateur ne doit donc pas avoir peur d’instaurer un début de régulation, quand nos collègues, aujourd’hui dans l’opposition, ne se gênaient pas pour y mettre fin.
Sur ces sujets, nous devrons donc aller encore plus loin et ne pas céder aux sirènes de ceux qui ont organisé la financiarisation excessive de l’économie et en ont profité pendant des années. Aujourd’hui, nous commençons enfin à nous attaquer à cette dérive en proposant des mesures intéressantes et que j’espère efficaces. C’est pourquoi, avec mon groupe, je me prononcerai en faveur du texte ainsi amélioré. (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste et du groupe écologiste.)
M. le président. La parole est à M. Jean-Jacques Hyest.
M. Jean-Jacques Hyest. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, vous ne m’en voudrez pas de m’intéresser particulièrement au rapport pour avis de la commission des lois.
Mais permettez-moi avant tout, monsieur le ministre, de m’étonner du caractère légèrement décalé de la présente proposition de loi. Il a déjà beaucoup été question de cette économie réelle qu’il s’agit de reconquérir, mais aurait-on déjà oublié la loi sur la sécurisation de l’emploi ?
L’essentiel ici réside dans la situation d’établissements dits « rentables » pour lesquels il faut trouver un repreneur.
Sur la forme, je remarque que les initiatives parlementaires présentent l’intérêt, ou plutôt l’inconvénient, de ne pas faire l’objet d’étude d’impact. Dans le cas qui nous occupe, le texte a été examiné par le Conseil d’État, me semble-t-il.
Il n’en demeure pas moins que cette absence d’étude d’impact est problématique sur des sujets aussi complexes que celui-ci, qui soulève des problèmes juridiques multiples en droit des sociétés ou en droit commercial, toutes choses qui ne sont pas banales et méritent un examen approfondi.
Il est très bien d’élaborer des propositions de loi, mais je doute parfois de leur parfaite pertinence et, surtout, de la coordination avec d’autres dispositions votées par ailleurs et qui figurent dans les projets de loi.
Ayant entendu à l’instant le ministre de l’économie et des finances, je dois avouer que l’on peut adhérer à beaucoup des objectifs que présente le Gouvernement - on verra ensuite les modalités ! Cependant, ce qu’annonce le Gouvernement n’a pas grand-chose à voir avec les dispositions prévues dans ce texte.
Mais venons-en précisément au texte, en l’occurrence à son article 1er. Je crois savoir, madame la rapporteur, qu’après avoir, dans un premier temps, balayé les amendements de la commission des lois, la commission des affaires sociales les a acceptés.
Mme Anne Emery-Dumas, rapporteur. Oui.
M. Jean-Jacques Hyest. C’était tout de même nécessaire !
Si l’objectif est bien d’empêcher la disparition d’établissements rentables, on ne voit pas qui pourrait ne pas y être favorable, du moins à condition que l’on respecte un certain nombre de principes constitutionnels.
Si des offres sont faites, des questions se posent ; par exemple, une offre à très bas prix doit-elle être acceptée obligatoirement ? Non ! Voilà un vrai sujet. C’est pourquoi la commission des lois a laissé au tribunal de commerce la liberté d’apprécier les offres sans encadrer trop ses décisions. La mise en péril de la poursuite de l’ensemble de l’activité de l’entreprise était le seul motif légitime de refus, et cela n’était pas suffisant. Il faut laisser au tribunal de commerce le soin d’examiner in concreto ce qu’il en est.
Je me contenterai de ces remarques sur l’article 1er parce que, ce qui me préoccupe le plus est le bricolage que l’on est en train de faire en matière de droit des sociétés et d’OPA.
Sur le droit des sociétés, je vous le dis : je suis hostile à l’obligation du droit de vote double. Pourquoi ? Je me réfère simplement à une institution experte dans le domaine, l’Autorité des marchés financiers. Or, selon l’AMF, l’application automatique serait, au mieux, sans effet réel significatif et, au pire, pourrait susciter des effets négatifs ou des effets pervers.
Mme Isabelle Debré. C’est exact !
M. Jean-Jacques Hyest. Actuellement, la moitié des sociétés cotées disposent d’un droit de vote double, mais, dans leur cas, c’est volontaire ! Et il ne suffit pas toujours de détenir une action depuis deux ans pour obtenir le droit de vote double, il faut parfois trois ou quatre ans – sur amendement de la commission des lois, le texte de l’article 5 a été modifié dans le sens d’une durée supérieure d’inscription.
Un actionnariat stable ne peut être que profitable aux entreprises, bien entendu. Je rappelle d’ailleurs que d’autres dispositifs existent, telles que la dégressivité de l’imposition des plus-values de cession de titres ou la majoration du dividende au-delà de deux ans – je le sais parfaitement pour avoir rapporté ces dispositions. Attention, monsieur le ministre, il faut tout prendre en compte !
Plusieurs de nos collègues ont tiré la conclusion, s’agissant des entreprises dans lesquelles l’État détient une participation, que le droit de vote double lui permettrait, avec moins de voix, d’avoir autant d’influence, raison pour laquelle il serait incité à vendre une partie de ses participations. Franchement, je n’y avais pas pensé, et si l’argument paraît intéressant, il nous éloigne de l’économie réelle pour nous plonger cette fois dans l’économie bizarre ! (Sourires.)
Mme Catherine Procaccia. C’est un OVNI !
Mme Catherine Deroche. C’est l’économie lunaire…
M. Jean-Jacques Hyest. Mais c’est ainsi que certains voient l’économie ! Ils font leur petit Meccano dans leur coin, et croient pour cela avoir créé de grands ensembles. C’est extraordinaire !
Je pense qu’il faut conserver de la souplesse et se garder de rendre ce droit de vote double obligatoire. D’ailleurs, obligatoire, il ne le sera que faute de décision contraire de l’assemblée générale extraordinaire. Par conséquent, les entreprises qui ne veulent pas de droit de vote double pourront s’y opposer.
Mais, dans tous les cas, je ne vois rien dans cette mesure qui soit susceptible d’attirer les investisseurs. Monsieur le ministre, au vu de la chute des investissements étrangers en France entre 2012 et 2013, il faudrait encourager les investisseurs, au lieu de leur faire craindre l’instauration de dispositifs de cette nature…
Je souhaite enfin aborder la question des offres publiques d’achat, les OPA.
Les OPA sont moins à la mode qu’à une certaine époque, et il y a très peu d’OPA hostiles. Comme on nous l’a expliqué, le droit communautaire les autorise. Cela pose le problème de la neutralisation du conseil d'administration. Je pense qu’il y a un vrai risque de conflits d’intérêts si l’on ne conserve pas le principe de la neutralisation du conseil d'administration.
Il existe des moyens d’éviter les OPA hostiles. La pratique en vigueur depuis vingt-cinq ans ne pose pas de problème. Pourquoi modifier ce qui fonctionne ? C’est tout de même extraordinaire ! On dirait qu’il s’agit de modifier pour modifier. Cela me paraît un peu regrettable. J’aurais souhaité bénéficier d’une expertise plus approfondie, qui repose sur des cas précis montrant les incidences de la levée de la neutralisation.
Là encore, on a simplement voulu faire quelque chose. On peut ne pas être d'accord avec l’article 1er, mais il a au moins un objectif précis, tandis que le reste consiste à bouleverser un peu plus encore le droit des sociétés, qui n’en peuvent mais. On ajoute toute une série de contraintes que l’on met à la charge des entreprises au moment même où le Gouvernement nous annonce la simplification ; un certain nombre de procédures sont d'ailleurs effectivement simplifiées. Cela donne une impression de schizophrénie : un jour, on simplifie, le lendemain, on complexifie !
Mme Isabelle Debré. Où est donc le choc de simplification ?...
M. Jean-Jacques Hyest. Mes chers collègues, nous légiférons trop, nous légiférons mal. Le rythme législatif s’accélère de plus en plus. Je considère que la stabilité du droit, et notamment du droit économique, est certainement plus utile aux entreprises, et donc à l’emploi, que nos bricolages de propositions de loi qui ne durent qu’un temps !
Je suivrai la commission des lois dans son choix de supprimer les articles 5 et 8, sachant que le rapporteur pour avis de la commission des lois a prudemment déposé des amendements de repli, pour éviter le pire.
Cela étant, je ne pourrai pas voter cette proposition de loi, car elle n’est pas à la hauteur de l’ambition qui est la nôtre, mais qui est aussi celle qu’affichent le Président de la République et le Gouvernement, de permettre aux entreprises d’embaucher et d’être compétitives. Je ne partage pas cet état d’esprit selon lequel plus on administre l’économie, plus on résout les problèmes ! (Applaudissements sur les travées de l'UMP.)
M. le président. Je vous félicite, mon cher collègue, vous avez, vous, parfaitement respecté votre temps de parole. (Sourires.)
La parole est à M. René Teulade.
M. René Teulade. Monsieur le président, monsieur le ministre, madame la présidente de la commission des affaires sociales, madame la rapporteur, messieurs les rapporteurs pour avis, mes chers collègues, « la société tout entière repose sur l’industrie ». C’est en ces termes que le comte de Saint-Simon formula, en 1817, l’axiome principal de sa théorie, qui devait influencer de nombreuses doctrines politiques, en particulier le socialisme.
Spectateur des mutations profondes et révolutionnaires qui agitent la société française à la charnière des XVIIIe et XIXe siècles, Saint-Simon promeut un capitalisme industriel ordonnateur et libérateur qui repose sur l’association étroite entre industriels et ouvriers, censée transcender les intérêts particuliers au nom de l’impérieux intérêt général.
Sans entrer dans la théologie saint-simonienne, il est intéressant de noter que certains principes qui sous-tendent la présente proposition de loi font écho à certaines valeurs défendues par Saint-Simon : la primauté de l’intérêt général, en l’occurrence la pérennité de l’établissement et la sauvegarde de l’emploi des salariés, ainsi que la volonté de solidariser patrons et employés autour de la gouvernance de l’entreprise, par exemple dans le cas d’une offre publique d’achat hostile.
Néanmoins, les liens entre le saint-simonisme et la réalité économique actuelle sont bien faibles. Le chantre de l’industrialisme serait abasourdi de constater que la part de l’industrie dans le PIB français est passée de 33 % en 1975 à 14 % en 2009. Et la tendance semble hélas s’accélérer, puisque 750 000 emplois industriels ont été perdus au cours des dix dernières années.
Les conséquences de cette désindustrialisation brutale sont connues : la dévitalisation de bassins d’emploi et la perte d’attractivité de territoires entiers. Les vastes plans sociaux, allègrement médiatisés, qui ont suivi la crise financière de 2008, illustrent le drame humain que représente la fermeture d’un site, surtout lorsqu’il est encore rentable.
La désindustrialisation accroît le sentiment d’abandon ressenti par certains de nos compatriotes, effrite la cohésion nationale et porte atteinte à un principe écrit au frontispice de notre Constitution : « La France est une République indivisible. » En effet, comment parler d’indivisibilité de la République quand les réalités vécues sur le territoire divergent autant ? Bien sûr, la France est administrativement et juridiquement indivisible, mais elle est socialement fracturée, en rupture, parfois même en détresse.
Le terme « République » ne sert pas uniquement à décrire froidement un régime politique ; la République est également une philosophie.
La République est méritocratique ; elle résonne avec l’égalité des chances, qui est tristement mise à mal aujourd'hui, puisque l’école française est l’une des plus inégalitaires parmi les pays de l’OCDE.
La République, c’est aussi un caractère, un état d’esprit. La tolérance, la tempérance, le refus de l’excès sont constitutifs de ses vertus.
Or le système économique qui s’est imposé progressivement après la révolution industrielle, malgré un court interlude d’une soixantaine d’années pendant lequel le modèle collectiviste a fait illusion, n’est qu’excès.
Excès d'abord quant à la prise de risques, depuis que la mondialisation financière a été parachevée dans les années quatre-vingt. Il suffit pour s’en convaincre de se remémorer la crise des subprimes, qui est à l’origine de l’actuel effort de consolidation budgétaire effectué par de nombreux États.
Excès ensuite quant aux inégalités de richesse : selon le dernier rapport d’Oxfam, 1 % des plus aisés détiennent 50 % des richesses mondiales. En France, l’augmentation du coefficient de Gini et du taux de pauvreté – près de neuf millions de Français vivent sous le seuil de pauvreté – souligne les effets dévastateurs de la crise, qui a accentué les inégalités et la précarité des plus vulnérables.
Excès enfin quant à la recherche du profit : les logiques court-termistes guidées par l’appât du gain se sont amplement substituées aux réflexions présidant à la définition d’un positionnement stratégique sur le long terme. L’un des principaux objectifs de ce texte est précisément de lutter contre cette dérive, en permettant aux actionnaires des sociétés cotées de bénéficier automatiquement d’un droit de vote double pour les actions nominatives détenues depuis deux ans – article 5 - ou en mettant fin à la neutralité des organes de gouvernance dans l’hypothèse d’une OPA –c’est l’article 8.
De ce bref exposé ressort l’obligation politique de réguler la sphère économique, et singulièrement sa composante financière. Il est inacceptable que l’avidité de quelques actionnaires, dénoncée en son temps par Honoré de Balzac dans La Maison Nucingen, …
Mme Catherine Procaccia. Il y avait des OPA à l’époque de Balzac ?
M. René Teulade. … aboutisse à la fermeture d’une entreprise viable et au licenciement de salariés qui ne demandent qu’à faire usage de leur force de travail. Il serait tout aussi inadmissible de rester muet et inactif devant le mur des inégalités érigé en plein milieu de notre République. Ne pas s’évertuer à essayer de le détruire, c’est insulter l’humanité.
Enfin, à l’aube d’élections continentales, il serait à la fois périlleux et pernicieux de jeter aveuglément l’anathème sur l’Europe.
M. le président. Veuillez conclure, mon cher collègue.
M. René Teulade. Il est évident que le salut du secteur secondaire se trouve aussi dans un plan européen de relance de l’industrie. Seuls le populisme et le simplisme peuvent triompher de la raison et de la complexité des interdépendances entre acteurs économiques.
M. Roland Courteau. Très bien !
M. René Teulade. Cependant, l’Europe doit également faire montre de sa faculté à porter un jugement autocritique sur son action, comme en Grèce. Au regard de la souffrance et de la dégradation des conditions de vie engendrées par les décisions des bailleurs internationaux, les politiques d’austérité drastiques représentent un petit pas pour l’homme, et un petit pas pour l’humanité ! La réorientation de la politique économique européenne n’est donc pas un choix : c’est un devoir.
M. Roland Courteau. Très bien !
M. René Teulade. C'est la raison pour laquelle nous voterons avec enthousiasme cette proposition de loi, qui est une étape incontournable. (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste, ainsi que sur certaines travées du RDSE. – M. le rapporteur pour avis de la commission des finances applaudit également.)
M. le président. La parole est à M. le ministre délégué.
M. Benoît Hamon, ministre délégué auprès du ministre de l'économie et des finances, chargé de l'économie sociale et solidaire et de la consommation. Monsieur le président, mesdames, messieurs les sénateurs, je serai bref, afin de ne pas allonger outre mesure cette très intéressante discussion générale.
À quoi répond la présente proposition de loi, que soutient le Gouvernement ? Chacun d’entre nous a sans doute vécu au moins une fois, dans son département ou sa ville, la situation douloureuse de devoir expliquer à des Français qui s’interrogent légitimement pourquoi une entreprise ferme alors qu’elle est bénéficiaire, pourquoi une usine ferme alors que le groupe auquel elle appartient est rentable, ou encore pourquoi une entreprise ferme alors qu’elle a bénéficié de subventions publiques.
Il est parfois très difficile de justifier objectivement, sur la base des résultats économiques, la fermeture d’un site, d’une usine ou d’une entreprise.
C’est d'abord à ces questions simples posées par nos concitoyens que nous voulons répondre à travers cette proposition de loi, qui vise notamment à lutter contre les OPA hostiles, à promouvoir un actionnariat durable et à obliger les entreprises qui veulent fermer un site à chercher un repreneur.
Si un gouvernement refuse de répondre à des questions aussi simples, en prétendant qu’il faut être responsable et raisonnable, qu’il faut respecter la logique des marchés, qui nous échappe à tous, qui échappe surtout à la démocratie et au suffrage universel, il alimente le désenchantement démocratique, et donc l’abstention ou le vote extrême.
Notre première responsabilité, en tant que dirigeants politiques, c’est de devoir dire que l’économie est aussi une matière politique qui appelle des régulations, de l’intervention et de la loi, quand des comportements que l’on peut juger indécents et immoraux conduisent à la fermeture de sites rentables et au refus d’offres de concurrents au nom de logiques purement spéculatives et financières.
À ce stade, il m’appartient d’apporter cette précision à une question utile posée par Mme Procaccia : quelle est la définition de l’économie réelle ?
M. Benoît Hamon, ministre délégué. Cette notion est dans le débat public depuis quelque temps, notamment depuis la crise de 2008, qui a montré qu’une économie purement spéculative, financiarisée, caractérisée par une sophistication de l’ingénierie telle que seuls des mathématiciens peuvent s’y retrouver - contrats dérivés, marchés à terme, titrisation -, cette économie peut se retourner contre l’économie réelle, c’est-à-dire contre l’investissement productif.
Ma démonstration sera assez grossière et il faudrait en débattre plus longtemps, mais, pour résumer, entre le capital financier et le capital productif, nous privilégions le second, porté par les investisseurs qui se soucient de faire fructifier leur capital en termes d’emplois productifs.
C’est aussi une manière pour nous de tirer les leçons de ce qui s’est passé en 2008 en revendiquant de soutenir un modèle entrepreneurial qui favorise l’investissement productif plutôt que la rentabilité à court terme.
Ce court-termisme, pointé par plusieurs d’entre vous à la tribune, était, dès 2005, évoqué par un banquier, M. Peyrelevade, éminent soutien d’un candidat centriste aux dernières élections présidentielles, dans son ouvrage Le capitalisme total : ce grand patron dénonçait une logique financière qui conduisait à réclamer un rendement tel au capital investi que cela pouvait parfois se retourner contre l’entreprise elle-même. Ce banquier, à la place qui était la sienne, avait sans doute le regard le plus avisé sur le dévoiement d’un certain capitalisme financier qui aboutit parfois à la destruction des emplois par centaines, par milliers, voire, hélas, par dizaines ou centaines de milliers à l’occasion de la dernière crise.
J’ai tenu à rappeler en commençant les questions légitimes posées par nos concitoyens, car elles se fondent aussi sur une réalité économique que vous avez évoquée les uns et les autres, à savoir la destruction, dans les dix dernières années, de 750 000 emplois industriels. Or l’industrie constitue la colonne vertébrale d’une économie ; j’en veux pour preuve que les économies ayant le mieux résisté à la crise sont celles qui avaient une proportion importante d’industrie dans la valeur ajoutée produite.
C’est pourquoi nous avons fait le choix politique et économique de réindustrialiser l’économie française pour disposer d’une armature beaucoup plus solide et ainsi tourner le dos à ces années maudites de désindustrialisation de notre pays durant lesquelles les emplois d’ouvriers dans les usines ont quitté notre territoire par centaines de milliers.
M. Longuet faisait référence au fameux congrès des sociaux-démocrates allemands de Bad Godesberg, mais je crois qu’il fait une confusion à ce sujet. Aussi, je suis ravi de lui rappeler que, si ce congrès a bien consacré l’abandon, par le parti social-démocrate allemand, de ses références à la lutte des classes et à l’étatisation des moyens de production, cela ne signifiait pas pour autant le renoncement à l’intervention de l’État dans l’économie, bien au contraire.
D’ailleurs, l’abandon de la lutte des classes ne signifiait pas non plus, pour les sociaux-démocrates, qu’ils allaient s’appuyer sur un rapport de force entre des intérêts contradictoires – n’oubliez pas que nous sommes à la charnière des années cinquante et soixante –, ceux des salariés, d’un côté, et ceux des détenteurs du capital, de l’autre, pour construire un dialogue social fécond.
Le congrès de Bad Godesberg n’est donc pas une conversion de la gauche au libéralisme. Je me réjouis d’ailleurs que cette conversion n’ait pas eu lieu en Allemagne, pas davantage qu’elle n’aura lieu en France, même si je n’ignore pas que certains peuvent se revendiquer du libéralisme tout en étant de gauche. Néanmoins, il ne m’a pas échappé que les grandes années où la droite elle-même a réussi à conjuguer politique économique et croissance correspondaient à une époque où elle croyait à l’intervention de l’État. C’est quand la droite s’est convertie au libéralisme que la croissance, comme par hasard, fut beaucoup moins au rendez-vous…
Il faut donc faire attention à ces références historiques, et théoriques. Aujourd’hui, nous avons besoin d’instruments qui nous permettent de lutter plus efficacement contre des pratiques non seulement jugées injustes par nos compatriotes, mais qui sont également contre-productives sur le plan économique.
Qu’allons-nous faire ? Nous allons créer, dans le sillage de l’accord national interprofessionnel, l’ANI, et de la loi de sécurisation de l’emploi votée en juin, qui reprenait les principes dudit accord, une obligation de recherche d’un repreneur. En conséquence, les salariés, mieux informés grâce à leurs comités d’entreprise, pourront, le cas échéant, contribuer eux-mêmes à la recherche d’une offre pour favoriser la reprise de leur entreprise.
Par ailleurs, s’il est constaté que, manifestement, il n’y a pas eu de recherche d’un repreneur, une pénalité équivalente à vingt fois le SMIC par emploi supprimé pourra être payée par les entreprises n’ayant pas satisfait à leurs obligations légales. Cette éventualité agira en quelque sorte comme une arme de dissuasion.
À mon sens, il s’agit d’une bonne mesure, car, en renchérissant ainsi le coût des plans sociaux et en étant dissuasifs à l’égard des entreprises qui ne voudraient pas être vertueuses, nous montrons la bonne voie en condamnant des pratiques que nous jugeons immorales, surtout en période de crise.
Le pacte de responsabilité est une invitation pour tous, salariés comme dirigeants d’entreprise, à servir l’intérêt général, ce qui exclut de fait les pratiques relevant aujourd’hui de la flibuste économique ou financière, par exemple lorsqu’un patron décide délibérément de fermer un site, même en présence d’une offre de reprise et de maintien des emplois émanant d’un concurrent.
Je me félicite aussi que cette proposition de loi soit de nature à favoriser la lutte contre les OPA hostiles et à privilégier l’investissement durable ou les pactes d’actionnaires patients. Là encore, pour ne prendre que des références d’outre-Rhin, rappelons que le capitalisme rhénan s’est fondé sur des pactes d’actionnaires à long terme,…
M. Jean Desessard. Ah, vous voyez, monsieur Hyest ! (M. Jean-Jacques Hyest fait des signes de dénégation.)
M. Benoît Hamon, ministre délégué. … ce qui a permis l’essor du modèle industriel rhénan.
À cet égard, j’observe que ce n’est pas par une forme de concurrence ou de fluidité actionnariale que nous y arriverons. Personnellement, je ne crois pas beaucoup à ces solutions libérales, telles qu’évoquées par M. Longuet. Cependant, je ne crois pas non plus qu’elles résument la position du groupe UMP, si j’ai bien compris les propos de M. Hyest, qui ne me semble pas forcément d’accord avec la profession de foi libérale, tout à la fois personnelle et singulière, de M. Longuet.
En tout cas, pour le Gouvernement, cette proposition de loi s’inscrit dans un travail d’ensemble cohérent.
J’en profite pour remercier M. Labazée d’avoir évoqué le droit d’information préalable pour les salariés en cas de cession de leur entreprise, lorsque celle-ci compte moins de deux cent cinquante salariés. Le texte que nous examinons aujourd’hui concerne les entreprises comptant plus de mille employés, avec des comités d’entreprise, mais, lorsque le salarié travaille dans une PME sans comité d’entreprise que le chef d’entreprise veut céder, il doit pouvoir être informé de ce projet pour être en mesure, le cas échéant, de formuler lui-même une offre.
Nous avons là un dispositif complémentaire qui vient s’emboîter comme la pièce d’un puzzle et qui est de nature à éviter la fermeture particulièrement absurde non seulement de PME rentables, mais aussi d’unités plus importantes, elles aussi rentables, les unes et les autres contribuant à l’essor d’un territoire.
N’oublions pas que la disparition d’un emploi industriel entraîne souvent dans son sillage la destruction de plusieurs emplois induits dans les services, provoquant des saignées plus importantes encore dans le tissu économique.
Voilà pourquoi le Gouvernement se réjouit du débat qui va avoir lieu aujourd’hui au Sénat. Comme l’a dit Pierre Moscovici, et comme l’aurait dit également Michel Sapin, les deux principaux ministres qui soutiennent ce texte, nous espérons que le Sénat approuvera très largement cette proposition de loi qui, favorable aux intérêts de l’économie française et de ses salariés, concilie progrès économique et progrès social, et cela n’arrive pas tous les jours ! (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste et sur certaines travées du RDSE.)
M. le président. La discussion générale est close.
Avant de passer à la discussion des articles, nous allons interrompre nos travaux quelques instants.
La séance est suspendue.
(La séance, suspendue à dix-sept heures vingt-cinq, est reprise à dix-sept heures trente-cinq.)
M. le président. La séance est reprise.
Nous passons à la discussion du texte de la commission.
proposition de loi visant à reconquérir l’économie réelle
Titre Ier
OBLIGATION DE RECHERCHER UN REPRENEUR EN CAS DE PROJET DE FERMETURE D’UN ÉTABLISSEMENT
Article 1er
I. – Après la section 4 du chapitre III du titre III du livre II de la première partie du code du travail, est insérée une section 4 bis ainsi rédigée :
« Section 4 bis
« Obligation de rechercher un repreneur en cas de projet de fermeture d’un établissement
« Sous-section 1
« Information des salariés et de l’autorité administrative de l’intention de fermer un établissement
« Paragraphe 1
« Information des salariés
« Art. L. 1233-57-9. – Lorsqu’une entreprise employant plus de mille salariés envisage la fermeture d’un établissement employant cinquante salariés et plus, qui aurait pour conséquence un projet de plan de sauvegarde de l’emploi mentionné aux articles L. 1233-61 à L. 1233-63, elle réunit et informe le comité d’entreprise, au plus tard à l’ouverture de la procédure d’information et de consultation prévue à l’article L. 1233-30.
« Le premier alinéa s’applique aux entreprises mentionnées aux articles L. 2331-1 et L. 2341-4, dès lors qu’elles emploient au total au moins mille salariés.
« Les deux premiers alinéas ne s’appliquent pas aux entreprises soumises à une procédure de conciliation ou de sauvegarde, de redressement ou de liquidation judiciaire relevant du livre VI du code de commerce.
« Art. L. 1233-57-10. – L’employeur adresse aux représentants du personnel, avec la convocation à la réunion prévue à l’article L. 1233-57-9, tous renseignements utiles sur le projet de fermeture de l’établissement.
« Il indique notamment :
« 1° Les raisons économiques, financières ou techniques du projet de fermeture ;
« 2° Les actions qu’il envisage d’engager pour trouver un repreneur ;
« 3° Les différents modèles de reprise par les salariés ;
« 4° (nouveau) Le droit du comité d’entreprise de recourir à un expert prévu à l’article L. 1233-57-17.
« Art. L. 1233-57-11. – Dans les entreprises dotées d’un comité central d’entreprise, l’employeur réunit et informe le comité central et les comités d’établissement intéressés dès lors que les mesures envisagées excèdent le pouvoir des chefs d’établissement concernés ou portent sur plusieurs établissements simultanément. Dans ce cas, les comités d’établissement tiennent leur réunion après la réunion du comité central d’entreprise tenue en application de l’article L. 1233-57-9.
« Paragraphe 2
« Information de l’autorité administrative et des collectivités territoriales
« Art. L. 1233-57-12. – L’employeur notifie sans délai à l’autorité administrative tout projet de fermeture d’un établissement mentionné à l’article L. 1233-57-9.
« L’ensemble des informations mentionnées à l’article L. 1233-57-10 est communiqué simultanément à l’autorité administrative. L’employeur lui adresse également le procès-verbal de la réunion mentionnée à l’article L. 1233-57-9, ainsi que tout renseignement concernant la convocation, l’ordre du jour et la tenue de cette réunion.
« Art. L. 1233-57-13. – L’employeur informe le maire de la commune du projet de fermeture de l’établissement. Dès que ce projet lui a été notifié, l’autorité administrative en informe les élus concernés.
« Sous-section 2
« Recherche d’un repreneur
« Paragraphe 1
« Obligations à la charge de l’employeur
« Art. L. 1233-57-14. – L’employeur ayant informé le comité d’entreprise du projet de fermeture d’un établissement recherche un repreneur. Il est tenu :
« 1° A D’informer, par tout moyen approprié, des repreneurs potentiels de son intention de céder l’établissement ;
« 1° B De réaliser sans délai un document de présentation de l’établissement destiné aux repreneurs potentiels ;
« 1° Le cas échéant, d’engager la réalisation du bilan environnemental mentionné à l’article L. 623-1 du code de commerce, ce bilan devant établir un diagnostic précis des pollutions dues à l’activité de l’établissement et présenter les solutions de dépollution envisageables ainsi que leur coût ;
« 2° De donner accès à toutes informations nécessaires aux entreprises candidates à la reprise de l’établissement, exceptées les informations dont la communication serait de nature à porter atteinte aux intérêts de l’entreprise ou mettrait en péril la poursuite de tout ou partie de son activité. Les entreprises candidates à la reprise de l’établissement sont tenues à une obligation de confidentialité ;
« 3° D’examiner les offres de reprise qu’il reçoit ;
« 4° D’apporter une réponse motivée à chacune des offres de reprise reçues, dans les délais prévus à l’article L. 1233-30.
« Paragraphe 2
« Rôle du comité d’entreprise
« Art. L. 1233-57-15. – Le comité d’entreprise est informé des offres de reprise formalisées au plus tard huit jours après leur réception. Les informations qui lui sont communiquées à ce titre sont réputées confidentielles dans les conditions prévues à l’article L. 2325-5. Il peut émettre un avis, dans les délais prévus à l’article L. 1233-30, participer à la recherche d’un repreneur et formuler des propositions.
« Art. L. 1233-57-16. – Si le comité d’entreprise souhaite participer à la recherche d’un repreneur, l’employeur lui donne accès, à sa demande, aux informations mentionnées à l’article L. 1233-57-14.
« Art. L. 1233-57-17. – Le comité d’entreprise peut recourir à l’assistance d’un expert de son choix rémunéré par l’entreprise.
« Cet expert a pour mission d’analyser le processus de recherche d’un repreneur, sa méthodologie et son champ, d’apprécier les informations mises à la disposition des repreneurs potentiels, d’étudier les offres de reprise et d’apporter son concours à la recherche d’un repreneur par le comité d’entreprise et à l’élaboration de projets de reprise.
« L’expert présente son rapport dans les délais prévus à l’article L. 1233-30.
« Lorsque le comité d’entreprise recourt à l’assistance d’un expert, l’employeur en informe sans délai l’autorité administrative.
« Art. L. 1233-57-18. – Dans les entreprises dotées d’un comité central d’entreprise, les comités d’établissement exercent les attributions confiées au comité d’entreprise en application des articles L. 1233-57-15 à L. 1233-57-17, L. 1233-57-19 et L. 1233-57-20, dans la limite des pouvoirs confiés aux chefs de ces établissements.
« Paragraphe 3
« Clôture de la période de recherche
« Art. L. 1233-57-19. – L’employeur consulte le comité d’entreprise sur toute offre de reprise à laquelle il souhaite donner suite et indique les raisons qui le conduisent à accepter cette offre, notamment au regard de la capacité de l’auteur de l’offre à garantir par ses propres ressources la pérennité de l’activité et de l’emploi de l’établissement. Le comité d’entreprise émet un avis sur cette offre dans un délai fixé en application de l’article L. 2323-3.
« Art. L. 1233-57-20. – Avant la fin de la procédure d’information et de consultation prévue à l’article L. 1233-30, si aucune offre de reprise n’a été reçue ou si l’employeur n’a souhaité donner suite à aucune des offres, celui-ci réunit le comité d’entreprise et lui présente un rapport, qui est communiqué à l’autorité administrative. Ce rapport indique :
« 1° Les actions engagées pour rechercher un repreneur ;
« 2° Les offres de reprise qui ont été reçues ainsi que leurs caractéristiques ;
« 3° Les motifs qui l’ont conduit, le cas échéant, à refuser la cession de l’établissement.
« Art. L. 1233-57-21. – Les actions engagées par l’employeur au titre de l’obligation de recherche d’un repreneur sont prises en compte dans la convention de revitalisation conclue entre l’entreprise et l’autorité administrative en application des articles L. 1233-84 à L. 1233-90.
« Sous-section 3
« Dispositions d’application
« Art. L. 1233-57-22. – Un décret en Conseil d’État détermine les modalités d’application de la présente section. »
II. – Après le titre Ier du livre VI du code de commerce, il est inséré un titre Ier bis ainsi rédigé :
« Titre Ier bis
« DE LA RECHERCHE D’UN REPRENEUR
« Chapitre Ier
« De la saisine du tribunal de commerce
« Art. L. 613-1. – Dans un délai de sept jours à compter de la réunion mentionnée à l’article L. 1233-57-20 du code du travail, le comité d’entreprise peut saisir le tribunal de commerce, dans le ressort duquel la société a son siège social, s’il estime que l’entreprise n’a pas respecté les obligations mentionnées aux articles L. 1233-57-14 à L. 1233-57-16, L. 1233-57-19 et L. 1233-57-20 du même code ou qu’elle a refusé de donner suite à une offre qu’il considère comme sérieuse.
« Lorsqu’il n’existe pas de comité d’entreprise et qu’un procès-verbal de carence a été transmis à l’inspecteur du travail, le tribunal de commerce peut être saisi par les délégués du personnel.
« Chapitre II
« De la procédure de vérification du tribunal de commerce
« Art. L. 614-1. – Saisi dans les conditions mentionnées à l’article L. 613-1, le tribunal statue sur l’ouverture de la procédure.
« Le tribunal peut recueillir tous renseignements sur la situation financière, économique et sociale de l’entreprise ainsi que sur les actions engagées par le dirigeant de l’entreprise pour trouver un repreneur. Il peut se faire assister de tout expert de son choix.
« Art. L. 614-2. – Après avoir entendu ou dûment appelé le dirigeant de l’entreprise, les représentants du comité d’entreprise, le ministère public, le représentant de l’administration, s’il en fait la demande, ou toute autre personne dont l’audition lui paraît utile, le tribunal examine :
« 1° La conformité de la recherche aux obligations prévues aux articles L. 1233-57-14 à L. 1233-57-16, L. 1233-57-19 et L. 1233-57-20 du code du travail ;
« 2° Le caractère sérieux des offres de reprise, au regard notamment de la capacité de leur auteur à garantir par ses propres ressources la pérennité de l’activité et de l’emploi de l’établissement ;
« 3° L’existence d’un motif légitime de refus de cession, tel que la mise en péril de la poursuite de tout ou partie de l’activité de l’entreprise ou une offre présentée à un prix manifestement sous-évalué.
« Chapitre III
« Des sanctions en cas de non-respect des obligations de recherche d’un repreneur
« Art. L. 615-1. – Lorsque le tribunal de commerce a jugé, en application du chapitre II du présent titre, que l’entreprise n’a pas respecté les obligations mentionnées au 1° de l’article L. 614-2 ou qu’elle a refusé une offre de reprise sérieuse sans motif légitime de refus, il peut imposer le versement d’une pénalité, qui peut atteindre vingt fois la valeur mensuelle du salaire minimum interprofessionnel de croissance par emploi supprimé dans le cadre du licenciement collectif consécutif à la fermeture de l’établissement, dans la limite de 2 % du chiffre d’affaires annuel de l’entreprise. Le montant de la pénalité tient compte de la situation de l’entreprise et des efforts engagés par l’entreprise pour la recherche d’un repreneur.
« La pénalité est affectée à l’établissement public BPI-Groupe, dans les conditions prévues par une loi de finances, pour financer des projets créateurs d’activité et d’emplois sur le territoire où est situé l’établissement ou de promotion des filières industrielles.
« Le tribunal statue dans un délai d’un mois à compter de la saisine mentionnée à l’article L. 613.1
« Art. L. 615-1-1 (nouveau). – Lorsque le tribunal de commerce a jugé, en application de l’article L. 615-1, que l’entreprise n’a pas respecté les obligations mentionnées au 1° de l’article L. 614-2 ou qu’elle a refusé une offre de reprise sérieuse sans motif légitime de refus, les personnes publiques compétentes peuvent lui demander le remboursement des aides financières en matière d’installation, de développement économique ou d’emploi qui lui ont été versées au titre de l’établissement concerné par le projet de fermeture au cours des deux années précédant le jugement, dans le respect des conditions d’attribution définies avec l’entreprise.
« Art. L. 615-2. – Un décret en Conseil d’État détermine les modalités d’application du présent titre. »
III. – La section 4 bis du chapitre III du titre III du livre II de la première partie du code du travail et le titre Ier bis du livre VI du code de commerce sont applicables aux procédures de licenciement collectif engagées à compter du 1er juillet 2014.
Pour l’application du premier alinéa du présent III, une procédure de licenciement collectif est réputée engagée à compter de la date d’envoi de la convocation à la première réunion du comité d’entreprise mentionnée à l’article L. 1233-30 du code du travail.
M. le président. La parole est à Mme Nathalie Goulet, sur l’article.
Mme Nathalie Goulet. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, les bonnes idées ne font pas forcément de bonnes lois !
En l’espèce, cette proposition de loi est intéressante, en tout cas de mon point de vue, et j’ai une certaine pratique du droit de la faillite, car elle présente des avantages. Cependant, monsieur le ministre, je souhaite attirer votre attention sur deux points.
Le premier fera l’objet d’un amendement relatif à la reprise par des sociétés qui ne sont pas de droit français, question qui n’est pas abordée par cette proposition de loi et qui pose un certain nombre de problèmes spécifiques.
Le second point qui m’inquiète est l’absence d’un volet relatif aux administrateurs judiciaires et aux mandataires liquidateurs, qui jouent pourtant un rôle essentiel dans le dispositif. J’y insiste : si vous voulez donner plus de valeurs aux propositions que vous défendez, il faut les inclure. Vous pouvez transmettre toute l’information que vous voulez au personnel, renforcer le rôle des comités d’entreprise et les pouvoirs des autres intervenants, si l’ensemble des acteurs du redressement des entreprises en difficulté ne participe pas à cet effort, vous n’obtiendrez pas les résultats escomptés.
Par ailleurs, mes collègues ont soulevé de nombreuses difficultés au fil de leurs interventions. Même si ce texte est adopté, bien qu’il soit pavé de bonnes intentions, son application posera d’énormes difficultés. J’espère que nos débats permettront de l’améliorer et d’apporter des éclaircissements. Si la première partie de la proposition de loi me semble, à titre personnel, présenter quelque intérêt, la seconde est vraiment extrêmement difficile à mettre en œuvre et posera de réels problèmes, comme notre collègue Hervé Marseille l’a indiqué.
Je tenais pour conclure à attirer de nouveau votre attention, monsieur le ministre, mes chers collègues, sur les repreneurs de droit étranger : ils jouaient jusqu’à présent un rôle relativement important dans notre pays, qu’ils désertent aujourd’hui.
M. le président. La parole est à M. Jean-Marie Vanlerenberghe, sur l’article.
M. Jean-Marie Vanlerenberghe. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, je ne m’attarderai pas sur les considérations exposées par notre groupe sur les problèmes que cette proposition de loi soulève ; je me contenterai de fournir quelques illustrations concrètes de ces difficultés.
Cet article 1er, en particulier, prévoit l’information du comité d’entreprise sur la recherche d’un repreneur. Je ne conteste pas le droit du comité d’entreprise d’être un acteur économique dans sa propre entreprise et d’être ainsi informé de la vie, ou de la mort, de cette entreprise. Encore faut-il être conséquent et mesurer les effets de cette disposition qui tend à obliger l’entreprise à rechercher un repreneur.
La situation d’une entreprise en difficulté se caractérise, en général, par deux causes : la faiblesse du résultat ou la surcapacité de production d’un groupe ou d’une filière, qui conduit l’entreprise à fermer un ou des sites de production. J’en veux pour preuve deux cas qui intéressent l’Arrageois, dans le département du Pas-de-Calais, dont je suis l’élu.
Le premier est celui de l’entreprise Meryl Fiber. Cette usine de textiles synthétiques avait été reprise par deux cadres, qui ne disposaient toutefois pas de fonds propres suffisants. Je vous épargnerai les détails de cette longue histoire, puisque cette entreprise avait une cinquantaine d’années ; elle était présente sur un marché de niche à l’export très intéressant, malheureusement sa rentabilité était très faible et aucun investisseur ni aucune banque ne se sont manifestés. Le comité d’entreprise a été informé et consulté, mais la société a été mise en liquidation, entraînant la suppression de 300 emplois. Je ne pense pas que cette proposition de loi, si elle avait été adoptée à l’époque, y aurait changé quoi que ce soit !
Le second cas que je souhaite évoquer est celui de Stora Enso, grand groupe papetier finlandais, qui a déjà fermé la moitié d’un site de production également très proche d’Arras et souhaite aujourd’hui le fermer complètement : 350 emplois sont en jeu. La raison invoquée pour cette décision est la surcapacité de production de l’industrie papetière au niveau mondial. C’est donc la France, éloignée de la Finlande, qui sera touchée, et l’usine arrêtée, malgré la présence sur le site d’une machine très performante.
Où en est-on ? Hier, M. Arnaud Montebourg, ministre du redressement productif, a annoncé que trois repreneurs potentiels avaient donné des « marques d’intérêt » qu’il estimait « sérieuses ». Selon ses propres termes, « il faut que ces trois repreneurs potentiels, dont on ne peut bien entendu pas donner l’identité, au risque de les effrayer ou de les faire fuir, s’ils font une proposition, individuellement ou de façon mutualisée, la fassent en ayant conscience que le marché de la papeterie rencontre une grave crise structurelle ».
Le ministre ne peut donc pas révéler l’identité des repreneurs, « au risque de les effrayer ou de les faire fuir ». C’est là tout l’enjeu de notre discussion : le ministre du redressement productif adopte une position précisément contraire à l’article 1er de la proposition de loi dont nous discutons, qui prévoit l’information pour avis du comité d’entreprise sur les repreneurs éventuels !
J’en conclus que l’on est en droit de s’interroger sur la qualité de cette proposition de loi censée faciliter la reprise des entreprises en difficulté. Le ministre du redressement productif lui-même en conteste par avance une disposition essentielle, en invoquant la confidentialité des offres de reprise.
Si le dispositif prévu par ce texte était en vigueur, le secret gardé par le ministre ne serait-il pas éventé ? Permettez-moi d’observer que tel est d’ailleurs le plus souvent le cas…
Je ne comprends donc vraiment pas l’intérêt de cette proposition de loi. Tout au plus répond-elle à une promesse du Président de la République : était-ce bien nécessaire ?
M. le président. La parole est à M. le ministre délégué.
M. Benoît Hamon, ministre délégué. Sans connaître le détail des offres ou des marques d’intérêt qui se sont exprimées dans le cas que vous évoquez, je vous invite, monsieur le sénateur, à bien distinguer deux situations bien différentes : quand on cherche un repreneur, on a parfois connaissance de ce que l’on pourrait appeler des « touches », des marques d’intérêt, un signalement, qui ne correspondent pas à une offre dûment répertoriée, argumentée, documentée, laquelle justifie d’être posée sur la table et examinée par l’entreprise.
J’attire votre attention sur le risque qu’il y aurait à confondre les deux situations en laissant entendre que, dès que des entreprises se signalent par elles-mêmes ou par le biais d’un tiers, lorsque tel ou tel manifeste une marque d’intérêt, cela vaut formulation d’une offre !
Si vous refusez cet amalgame, vous comprenez qu’il n’y a pas de contradiction entre la déclaration du ministre du redressement productif et cette proposition de loi.
M. Jean-Marie Vanlerenberghe. C’est votre interprétation !
M. le président. L'amendement n° 35, présenté par Mme Procaccia, M. Longuet, Mmes Boog, Bouchart et Bruguière, M. Cardoux, Mme Cayeux, M. de Raincourt, Mme Debré, M. Dériot, Mme Deroche, MM. Fontaine et Gilles, Mmes Giudicelli et Hummel, M. Husson, Mme Kammermann, MM. Laménie, Milon, Pinton, Savary et les membres du groupe Union pour un Mouvement Populaire, est ainsi libellé :
Supprimer cet article.
La parole est à Mme Catherine Procaccia.
Mme Catherine Procaccia. Bien qu’il ait été remanié en profondeur par l’Assemblée nationale en septembre dernier, cet article 1er n’en comporte pas moins, pour le groupe UMP, au nom duquel je défends cet amendement de suppression, des dispositions qui restent difficilement acceptables pour les entreprises.
En effet, les problèmes de principe qui préexistaient demeurent, car cette procédure constitue une atteinte évidente à la liberté d’entreprendre.
La loi ne peut déposséder le chef d’entreprise de son pouvoir d’appréciation en lui substituant celle du comité d’entreprise et du tribunal de commerce. De telles pratiques consacreraient en effet l’immixtion du juge dans les processus de restructuration économique et spatiale d’entreprises épargnées par les difficultés économiques.
Et je ne parle pas de la pénalité – vingt fois le SMIC par emploi supprimé ! – dont le caractère reste, en dépit du second plafond introduit par l’Assemblée nationale, toujours très élevé et dissuasif au point qu’il s’apparente à une forme de cession forcée indirecte.
L’Assemblée nationale a également prévu une « double peine » : l’entreprise peut être contrainte de rembourser tout ou partie des aides financières publiques qui lui auront été versées au titre de l’établissement concerné, et ce alors qu’elle n’est pas forcément fautive et responsable de la situation.
L’ensemble de ce dispositif représente, en réalité, une erreur de raisonnement révélatrice d’un état d’esprit totalement défensif et malthusien. C’est insinuer que l’entreprise in bonis, qui décide de la fermeture d’un site, est d’emblée suspecte et que la recherche d’un repreneur ne s’effectuera pas de bonne foi.
On l’a dit, les entreprises concernées sont très peu nombreuses.
Le plus grave réside, enfin, dans l’inévitable effet repoussoir d’un tel dispositif auprès des investisseurs étrangers et même français, car aucun pays au monde ne s’est doté d’une telle procédure. L’image de marque de notre pays en sera encore un peu plus dégradée ! Était-ce nécessaire ?
M. le président. Quel est l’avis de la commission ?
Mme Anne Emery-Dumas, rapporteur. J’émets, au nom de la commission, un avis défavorable sur l’amendement n° 35. J’ai expliqué, lors de la discussion générale, les raisons pour lesquelles nous soutenons l’article 1er de la proposition de loi.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. Benoît Hamon, ministre délégué. Quelle drôle d’idée, madame Procaccia ! Certes, l’argument ne manque pas d’intérêt, mais, en poussant à l’extrême le raisonnement par l’absurde, pourquoi ne pas aussi demander la suppression pure et simple du SMIC ? Ne serait-ce pas de nature à améliorer notre image de marque, si je vous suis dans votre logique, puisque, selon vous, le simple fait de vouloir améliorer les conditions de cession d’une entreprise pour mieux prendre en compte l’intérêt des salariés nous nuirait auprès des investisseurs étrangers et même français ?
Madame Procaccia, l’année dernière, la France, qui se situait au troisième rang pour les investissements directs étrangers, faisait l’objet de 693 propositions d’IDE américaines. Manifestement, il y a un décalage entre ce qui se dit sur l’image de marque de la France et la réalité de l’intérêt que les investisseurs portent aujourd’hui à l’économie de notre pays – ses infrastructures, ses services publics, sans oublier son système de santé, qui participe de son modèle social !
Quoi qu’il en soit, nous sommes, à mon sens, tous coresponsables de l’image de marque. Et peut-être les uns et les autres – je prends ma part de responsabilité ! – ne donnons-nous pas toujours la meilleure image. Toutefois, il faut se poser la question de savoir qui est le décideur en la matière. Qui se prononce sur la qualité de l’image de marque ? Vous pouvez être bien jugés par certains et moins bien par d’autres !
En l’occurrence, notre image de marque dépend de notre capacité à faire voter des lois pragmatiques. Or cette proposition de loi est bien de cette nature et je pense qu’elle contribuera très largement à montrer que la France se soucie également des conditions dans lesquelles sont transmises ou cédées ses entreprises, en l’occurrence en évitant que des sites rentables ne ferment pour des raisons exclusivement spéculatives ou financières.
M. le président. La parole est à M. Jean Desessard, pour explication de vote.
M. Jean Desessard. Dans le cadre du tour du monde des pays qui marchent bien, l ’Allemagne a souvent été citée en exemple – après d’autres, comme l’Irlande, dont les mérites furent un temps vantés.
Je me souviens avoir ainsi été invité, avec d’autres parlementaires, par des lobbies qui représentaient le patronat et défendaient la droite. Ils nous incitaient à comparer les salaires pratiqués en Allemagne et en France, en faisant valoir que les seconds étaient plus élevés que les premiers. L’exercice a duré pendant environ six mois, mais nos interlocuteurs y ont mis un terme. On le comprend : l’analyse comparée des salaires français et allemands a fait apparaître que, si les salaires français étaient supérieurs aux salaires allemands, c’est parce que les cadres français étaient mieux payés !
Pour aller plus loin et s’aligner sur l’Allemagne, il aurait fallu admettre que les cadres français étaient trop payés par rapport aux cadres allemands ! Et il aurait fallu aussi accepter, toujours pour s’aligner sur l’Allemagne, d’augmenter les salaires français les plus faibles…
Les lobbies ont donc cessé d’organiser des colloques consacrés à la comparaison des salaires français et allemands. Il y avait, à l’origine de tout cela, une approche assez grossière. Quand l’analyse s’est affinée et a gagné en précision, nos interlocuteurs se sont aperçus qu’il fallait arrêter tout de suite, sauf à conclure à la nécessité d’augmenter les salaires français les plus faibles et de demander, au contraire, la diminution des salaires des cadres dirigeants français !
Voilà à quoi on arrive lorsque l’on veut appuyer une argumentation dans un sens ou dans un autre, sans étude précise préalable !
La France bénéficie d’un capital formidable ! Elle a son savoir-faire, son cadre de vie et un système de contrôle qui garantit la qualité du produit français. Ce qui serait grave, ce serait précisément de dévaloriser ces atouts !
Un produit fait en France est un produit qui est garanti, un produit sain et sécurisé, et contrôlé comme tel par l’administration française. Grâce à ce système, en achetant un produit français, quel que soit l’endroit où l’on se trouve dans le monde, on est sûr de faire une acquisition qui tient la route.
Quel formidable outil nous avons ! Et l’on voudrait nous pousser à faire du bas de gamme, à supprimer les contrôles, à faire disparaître les normes ! Or la qualité française tient justement à ce respect de la qualité garantie par tout un système administratif ! Maintenons-le, maintenons la qualité, maintenons les contrôles, maintenons les normes ! Nous pourrons alors avoir la certitude de voir la France, qui est aujourd’hui un petit pays dans l’ensemble de l’économie mondiale, trouver ses marchés !
M. le président. La parole est à Mme Isabelle Debré, pour explication de vote.
Mme Isabelle Debré. Monsieur le ministre, je vais non pas parler de l’image de la France, mais vous citer quelques chiffres que la Conférence des Nations unies sur le commerce et le développement a récemment publiés et qui sont repris dans un très bon quotidien – vous le lisez tous -, Le Monde. On y lit que les nouveaux investissements directs étrangers en France ont chuté de 77 % en 2013, passant à 5,7 milliards de dollars, soit 4,1 milliards d’euros.
Ces chiffres sont inquiétants quand on sait que les IDE progressaient de 11 % environ à l’échelle de la planète et de 37,7 % en Europe, et ce uniquement en 2013 !
Cette proposition de loi, qui est certainement pavée de bonnes intentions – je ne le nie pas ! – va complexifier encore les choses vis-à-vis des repreneurs et, tout particulièrement, des repreneurs étrangers.
Je voterai la suppression de cet article 1er. Outre qu’il manque de clarté et de précision, il ne pourra manquer de décourager les investisseurs français et étrangers.
À titre d’exemple, je relis l’alinéa 28, qui oblige l’employeur à « informer, par tout moyen approprié, des repreneurs potentiels de son intention de céder l’établissement ». Vous imaginez l’effet que ce genre de phrase peut provoquer chez des repreneurs étrangers ! Vous n’en trouverez plus, car cela leur fera peur, voilà tout !
Notre code du travail est déjà extrêmement complexe. D’ailleurs, tout est complexe en France ! Alors que vous parlez de choc de simplification, avec ce texte, monsieur le ministre, vous n’allez que complexifier les choses. Le choc de simplification n’est pas là.
Telles sont les raisons pour lesquelles je voterai la suppression de l’article 1er.
M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 35.
J'ai été saisi d'une demande de scrutin public émanant du groupe UMP.
Je rappelle que l'avis de la commission est défavorable, de même que l’avis du Gouvernement.
Il va être procédé au scrutin dans les conditions fixées par l'article 56 du règlement.
Le scrutin est ouvert.
(Le scrutin a lieu.)
M. le président. Personne ne demande plus à voter ?…
Le scrutin est clos.
J'invite Mmes et MM. les secrétaires à procéder au dépouillement du scrutin.
(Il est procédé au dépouillement du scrutin.)
M. le président. Voici le résultat du scrutin n° 137 :
Nombre de votants | 347 |
Nombre de suffrages exprimés | 345 |
Pour l’adoption | 168 |
Contre | 177 |
Le Sénat n’a pas adopté.
Je suis saisi de neuf amendements faisant l’objet d’une discussion commune.
L’amendement n° 44, présenté par Mme Procaccia, M. Longuet, Mmes Boog, Bouchart et Bruguière, M. Cardoux, Mme Cayeux, M. de Raincourt, Mme Debré, M. Dériot, Mme Deroche, MM. Fontaine et Gilles, Mmes Giudicelli et Hummel, M. Husson, Mme Kammermann, MM. Laménie, Milon, Pinton, Savary et les membres du groupe Union pour un Mouvement Populaire, est ainsi libellé :
Alinéas 6 à 17
Supprimer ces alinéas.
La parole est à Mme Catherine Procaccia.
Mme Catherine Procaccia. Les alinéas 6 à 17 de l’article 1er prévoient l’obligation pour l’employeur d’informer ses salariés dès lors qu’il envisage la fermeture d’un établissement.
S’il est légitime que les salariés ne découvrent pas du jour au lendemain, parfois par voie de presse, que leur entreprise ferme, le dispositif proposé ne nous paraît pas pour autant opportun.
Les nouvelles obligations incombant à l’employeur créent des contraintes administratives importantes et potentiellement préjudiciables à l’opération. En effet, en rendant public un projet de fermeture, c’est l’activité de l’entreprise qui se trouvera menacée : les clients, les banques et les investisseurs risquent de s’inquiéter et de ne plus soutenir l’entreprise.
M. le président. L’amendement n° 15, présenté par M. Watrin, Mmes David, Cohen et Pasquet, M. Fischer et les membres du groupe communiste républicain et citoyen, est ainsi libellé :
Alinéa 8
Remplacer le mot :
mille
par les mots :
cinq cents
La parole est à Mme Laurence Cohen.
Mme Laurence Cohen. Si vous le permettez, monsieur le président, je présenterai simultanément les amendements nos 15 et 16, qui participent d’une volonté commune.
Mme Laurence Cohen. La proposition de loi que nous examinons aujourd’hui nous semble apporter une réponse largement insuffisante à un problème réel. En effet, la fermeture de sites industriels, surtout lorsqu’ils sont rentables, contribue à affaiblir économiquement notre pays et à nous priver des outils de production nécessaires à son redressement économique.
Nos industries doivent évoluer, nous en sommes conscients, naturellement. Cela pose selon nous la question fondamentale, à laquelle ne répond pas cette proposition de loi, de la réorientation des bénéfices au profit de l’investissement et de la modernisation des entreprises plutôt que vers la rémunération des actionnaires et de la finance.
Malgré la bonne volonté de la rapporteur, les possibilités techniques de contournement de cette proposition de loi, et singulièrement de cet article 1re, sont nombreuses. Je ne prendrai qu’un exemple, celui des seuils, y compris le seuil de cinquante salariés.
Pour contourner les règles de seuil, les sociétés pourront toujours filialiser un établissement, c’est-à-dire le déconnecter juridiquement de la maison mère, et ainsi rendre inapplicables les nouvelles règles.
De la même manière, réserver l’application de cette proposition de loi, déjà partielle, aux seules entreprises de plus de mille salariés revient à faire le choix d’en limiter le champ d’application.
Ce texte n’a en réalité qu’une portée réduite, au point d’apparaître comme une mesure de niche ne concernant tout au plus que 1 500 entreprises dans toute la France : selon une étude de l’INSEE, c’est en effet le nombre d’entreprises qui embauchent plus de mille salariés en France.
Notre premier amendement vise donc à retenir non plus le seuil des mille salariés, mais celui de cinq cents salariés. Son adoption aurait pour effet immédiat de rendre ces dispositions applicables à un peu plus de 5 000 entreprises, ce qui représente une amélioration notable du dispositif soumis à notre examen.
Le second amendement s’inscrit dans la continuité du précédent puisqu’il s’agit de supprimer le seuil supplémentaire des cinquante salariés que vous avez, madame la rapporteur, réintroduit en commission.
Nous sommes quelques-uns, parmi lesquels notre collègue Jean Desessard, à avoir regretté que la proposition de loi subisse en commission un nouvel affaiblissement par rapport au texte issu des travaux de l’Assemblée nationale. Vous le savez, nombreux sont les établissements ou les sites à ne jamais dépasser le seuil des cinquante salariés. C’est aussi un effet des vagues de licenciements massifs ainsi que des politiques d’externalisation et de sous-traitance mises en place.
Le cumul des deux seuils, celui des mille salariés pour l’entreprise mère et celui des cinquante salariés par établissement concerné par la fermeture, aurait pour effet, de l’aveu même de Mme la rapporteur, de ne rendre applicable cette proposition de loi qu’à une dizaine d’entreprises chaque année…
M. le président. L’amendement n° 16, présenté par M. Watrin, Mmes David, Cohen et Pasquet, M. Fischer et les membres du groupe communiste républicain et citoyen, est ainsi libellé :
Alinéa 8
Supprimer les mots :
employant cinquante salariés et plus
Cet amendement a été précédemment défendu.
L’amendement n° 2, présenté par M. Desessard, Mme Archimbaud et les membres du groupe écologiste, est ainsi libellé :
Alinéa 8
Remplacer le mot :
cinquante
par le mot :
dix
La parole est à M. Jean Desessard.
M. Jean Desessard. Les députés socialistes, écologistes et radicaux nous ont proposé un texte. Au Sénat, nous avons éprouvé le besoin d’instaurer un seuil de cinquante salariés en deçà duquel la procédure prévue par la proposition de loi ne s’applique pas. Pourquoi ce seuil ? J’en ai discuté avec la rapporteur. S’il faut en prévoir un, je vous propose, pour ma part, un seuil de dix salariés…
Cet amendement vise donc à abaisser le seuil de déclenchement de la procédure de recherche d’un repreneur décrite dans la proposition de loi.
Nous souhaitons en effet que, dès lors que la survie d’un établissement de dix salariés est menacée dans une entreprise en comptant plus de mille, les employeurs aient l’obligation de rechercher un repreneur.
Le seuil de cinquante salariés nous apparaît bien trop élevé. Qu’est-ce qui empêcherait un employeur de vider peu à peu son établissement, jusqu’à passer sous la barre des cinquante salariés, afin de contourner les obligations contenues dans ce texte ?
De plus, comme le mentionnait à juste titre le rapporteur pour avis de la commission des affaires sociales de l’Assemblée nationale, Jean-Marc Germain, « la fermeture d’un établissement de moins de cinquante salariés peut avoir un impact important sur un territoire peu dynamique ». Il convient ainsi d’adapter ce seuil en l’abaissant.
Je peux comprendre qu’un tel dispositif pose des difficultés lorsque cinq ou six personnes seulement sont concernées. En revanche, trente ou quarante salariés touchés dans un même bassin d’emploi, c’est important. Je ne vois donc pas pourquoi, compte tenu de la philosophie du texte, il faudrait prévoir un seuil de cinquante salariés.
M. le président. L’amendement n° 45, présenté par Mme Procaccia, M. Longuet, Mmes Boog, Bouchart et Bruguière, M. Cardoux, Mme Cayeux, M. de Raincourt, Mme Debré, M. Dériot, Mme Deroche, MM. Fontaine et Gilles, Mmes Giudicelli et Hummel, M. Husson, Mme Kammermann, MM. Laménie, Milon, Pinton, Savary et les membres du groupe Union pour un Mouvement Populaire, est ainsi libellé :
Alinéa 8
Remplacer les mots :
qui aurait
par le mot :
ayant
La parole est à Mme Marie-Thérèse Bruguière.
Mme Marie-Thérèse Bruguière. L’article L. 1233-57-9 introduit par la proposition de loi repose sur une hypothèse dont on ne sait si elle va se réaliser : il oblige l’entreprise à communiquer à ses salariés son intention éventuelle de fermer un établissement, ce qui, de manière tout aussi éventuelle, pourrait conduire à un projet de plan de sauvegarde de l’emploi.
Puisque le non-respect, par l’entreprise, de l’obligation d’informer ses salariés peut être sanctionné, il est nécessaire que ceux-ci soient exposés à un risque réel de plan social, ce que tend à préciser cet amendement.
M. le président. L’amendement n° 17, présenté par M. Watrin, Mmes David, Cohen et Pasquet, M. Fischer et les membres du groupe communiste républicain et citoyen, est ainsi libellé :
Alinéa 8
Après les mots :
aux articles L. 1233-61 à L. 1233-63
insérer les mots :
ou si plus de dix contrats sur une période de trente jours ont été rompus d’un commun accord entre l’employeur et le salarié,
La parole est à M. Dominique Watrin.
M. Dominique Watrin. Bien que nous souscrivions volontiers à l’idée de tout faire pour inciter les employeurs à céder un site rentable plutôt qu’à le fermer, nous considérons que la proposition de loi, telle qu’elle est actuellement rédigée, n’est pas suffisamment opérante.
Outre qu’il instaure un seuil, sur lequel nous sommes déjà intervenus, l’article 1er dispose que la recherche, l’information et la consultation du comité d’entreprise ne seront obligatoires que dans le cas où un plan de sauvegarde de l’emploi est mis en œuvre.
Là encore, nous comprenons le souci d’éviter que les mesures contenues dans cette proposition de loi n’impactent les petites structures. Mais cet argument ne tient pas, en l’occurrence, puisqu’il s’agit ici d’établissements appartenant à des grands groupes comptant au moins mille salariés.
Qui plus est, c’est méconnaître la capacité des dirigeants d’entreprise à contourner les règles sociales les plus élémentaires. En effet, on le constate très souvent, certains d’entre eux cherchent par tous les moyens à minorer le nombre de licenciements pour motif économique afin d’éviter d’atteindre le seuil de dix salariés déclenchant l’organisation d’un plan de sauvegarde de l’emploi. Pour ce faire, ils peuvent se fonder sur deux dispositifs reposant prétendument sur l’accord commun des salariés et de l’employeur, je veux parler ici de la rupture conventionnelle ou des plans de départs volontaires.
S’il est évident que le plan de sauvegarde de l’emploi peut intégrer des plans de départs volontaires, la jurisprudence, notamment celle de la plus haute juridiction civile, a reconnu la possibilité pour les entreprises de mettre en œuvre des plans de départs volontaires dits « autonomes », c’est-à-dire non rattachés à un plan de sauvegarde de l’emploi. Dès lors, peu importe que le nombre d’emplois supprimés lors de ces plans volontaires autonomes dépasse les dix salariés puisque, dans ce cadre, aucun PSE ne sera mis en œuvre. C’est ce que confirme l’arrêt de la chambre sociale de la Cour de cassation du 26 octobre 2010, à la lecture duquel je vous renvoie.
Ce point est aussi clairement mis en avant par Yasmine Tarasewicz, avocate spécialisée en droit des sociétés, qui précise, dans Les Échos, que 80 % des entreprises procédant à des réductions d’effectifs engagent des plans de départs volontaires. L’auteur de l’article souligne, au passage, que les banques figurent au nombre des habitués de cette pratique ; or l’article 1er prévoit précisément de les écarter du dispositif.
Outre les départs volontaires, les entreprises peuvent aussi, depuis une loi de 2008, rompre le contrat de travail à l’amiable avec des salariés via des ruptures conventionnelles. Ce système s’est largement développé puisque près de 290 000 personnes ont été concernées en 2011.
Cette proposition de loi nous paraît donc largement perfectible. Pour éviter ces détournements, il est utile de prévoir que le dispositif est applicable dès lors que dix emplois sont supprimés, qu’ils le soient par le biais d’un PSE ou des méthodes de contournement que constituent les ruptures conventionnelles et les plans de départs volontaires.
M. le président. L’amendement n° 18 rectifié, présenté par M. Watrin, Mmes David, Cohen et Pasquet, M. Fischer et les membres du groupe communiste républicain et citoyen, est ainsi libellé :
Après l’alinéa 12
Insérer un alinéa ainsi rédigé :
…° La nature et le montant des aides financières publiques accordées à l’entreprise en matière d'installation, de développement économique ou d'emploi qui lui ont été versées au titre de l'établissement concerné par le projet de fermeture au cours des deux années précédant ce projet ;
La parole est à Mme Isabelle Pasquet.
Mme Isabelle Pasquet. En commission des affaires sociales, Mme la rapporteur a déposé un amendement, qui a été adopté, visant à priver les tribunaux de commerce de la capacité d’exiger des employeurs fautifs le remboursement des aides publiques dont ils auraient profité.
Afin de justifier cet amendement, notre rapporteur a argué que les tribunaux pourraient ne pas être informés de manière exhaustive des aides perçues. Cette explication appelle, de notre point de vue, deux réponses.
Tout d’abord, si les tribunaux ne peuvent pas demander le remboursement des aides au motif qu’ils risqueraient de ne pas en avoir connaissance, on voit mal comment les personnes publiques pourraient, de leur côté, demander ce remboursement, alors même qu’elles ne connaîtront pas de manière exhaustive les décisions rendues par les tribunaux.
Ensuite, la rédaction retenue par la commission crée un vide juridique certain qui rend inopérante la disposition. En effet, l’article ne précise ni à qui la personne compétente pourra demander le remboursement, ni quelle démarche elle devra suivre pour le faire, ni ce qu’il adviendra en cas de refus de l’entreprise de procéder au remboursement.
Tout nous conduit à penser que, dans sa rédaction issue des travaux de la commission, cette faculté n’est qu’une coquille vide, une disposition d’apparence.
Afin de remédier à cette situation, et partant du postulat, exact, de notre rapporteur - les tribunaux ne connaissent pas de manière exhaustive les aides publiques perçues par les entreprises -, nous proposons une modification du texte, et ce en deux temps, donc en deux amendements.
Nous proposons, dans un premier temps, avec l’amendement n° 18 rectifié, que la nature et le montant de toutes les aides perçues soient communiqués au comité d’entreprise, dès lors que le dirigeant a fait connaître sa volonté de fermer le site.
Dans un deuxième temps, nous soumettrons à votre approbation un amendement n° 68 visant à modifier l’alinéa 74 du présent article, pour faire en sorte que les informations relatives aux aides financières soient transmises au comité d’entreprise, lequel communiquera ces informations au tribunal s’il estime que l’employeur n’a pas respecté ses obligations. De fait, au moment du jugement, la juridiction aura connaissance de ces aides et pourra en demander le remboursement dans sa décision.
Telle est la proposition alternative que nous formulons sur la base des observations de notre rapporteur, afin de rendre plus effectif le principe du remboursement des aides financières publiques dans les cas visés par la loi.
M. le président. L'amendement n° 5, présenté par M. Desessard, Mme Archimbaud et les membres du groupe écologiste, est ainsi libellé :
Alinéa 15
Compléter cet alinéa par les mots :
notamment par les sociétés prévues par la loi n° 78-763 du 19 juillet 1978 portant statut des sociétés coopératives ouvrières de production
La parole est à M. Jean Desessard.
M. Jean Desessard. Dans sa rédaction actuelle, le texte prévoit que l’employeur doit communiquer aux salariés, via leurs représentants, tous renseignements utiles sur le projet de fermeture de l’établissement, notamment en ce qui concerne les « différents modèles de reprise par les salariés ».
L’information des salariés est effectivement primordiale, afin de favoriser les initiatives de reprise de l’outil de production par ceux qui le connaissent le mieux puisqu’ils y travaillent.
C’est pourquoi il nous semble important de mentionner spécifiquement dans la proposition de loi les possibilités de reprise en SCOP, société coopérative de production.
Dans ces sociétés coopératives de l’économie sociale et solidaire, les salariés sont associés majoritaires et le partage des profits est équitable. En outre, des réserves impartageables importantes sont stockées afin d’assurer la pérennité de l’activité. C’est non seulement social, mais aussi économiquement réel, réaliste, tenable et durable !
Ces sociétés ont prouvé leur efficacité, comme le montre l’évolution de leur nombre sur le territoire national : 1 883 en 2008, elles étaient 2 165 en 2012, soit une évolution de 15 %. Je ne sais pas si l’on peut parler de capitalisme, mais c’est en tout cas une activité économique qui progresse.
Le Gouvernement a fait le choix de soutenir l’économie sociale et solidaire, comme en témoigne le projet de loi que le Sénat a récemment adopté.
M. Jean Desessard. Dans cette optique, il nous semble indispensable d’informer les salariés sur le statut des SCOP afin d’encourager le développement de ce secteur économiquement et socialement responsable.
M. le président. L'amendement n° 3, présenté par M. Desessard, Mme Archimbaud et les membres du groupe écologiste, est ainsi libellé :
Alinéas 16 et 38 à 41
Remplacer le mot :
expert
par le mot :
expert-comptable
La parole est à M. Jean Desessard.
M. Jean Desessard. Le texte actuel indique que les comités d’entreprise ont la possibilité de recourir à un expert - sans plus de précisions - pour évaluer le processus de recherche d’un repreneur par l’employeur.
Or, pour juger du sérieux d’un processus de reprise, il faut avoir accès aux dossiers des offres de reprise, lesquels peuvent contenir des informations confidentielles. Il est donc indispensable de recourir à une profession réglementée : les experts-comptables sont habilités et habitués à traiter des dossiers confidentiels.
Rien n’empêchera l’expert-comptable de faire par la suite appel à différents conseils pour évaluer les offres dans leur globalité, d’un point de vue commercial, marketing ou encore stratégique.
À défaut de cette précision, on risque d’assister à l’émergence de cabinets de prétendus experts en offres de reprise qui proposeront leurs services aux comités d’entreprise sans avoir ni le sérieux ni les habilitations d’un expert-comptable.
Vous le voyez, nous prenons cette possibilité de reprise d’entreprise très au sérieux ! C’est pourquoi nous souhaitons une expertise menée par les membres d’une profession réglementée et proposons que ces « experts » soient des experts-comptables, comme nous l’avons déjà prévu dans d’autres textes.
M. le président. Quel est l’avis de la commission ?
Mme Anne Emery-Dumas, rapporteur. L’amendement n° 44 vise à supprimer les alinéas 6 à 17, qui portent sur l’information des salariés et de l’administration en amont de la procédure. Or le dispositif proposé paraît utile pour fournir tout renseignement nécessaire au salarié dans le cadre du dispositif d’information-consultation que prévoit le texte. En outre, supprimer ces alinéas serait revenir sur une disposition qui existe déjà dans la loi relative à la sécurisation de l’emploi.
Par conséquent, la commission émet un avis défavorable sur cet amendement.
L’amendement n° 15 tend à abaisser le seuil d’effectifs des entreprises concernées de mille salariés à cinq cents salariés.
Il ne semble pas souhaitable d’abaisser ce seuil à ce stade. La commission s’est d’ailleurs demandé s’il n’aurait pas fallu dans ces conditions le fixer à deux cent cinquante salariés, ce qui aurait au moins permis une symétrie avec le dispositif relatif à l’information dans les entreprises de moins de deux cent cinquante salariés mis en place par le projet de loi relatif à l’économie sociale et solidaire. Cet abaissement du seuil ne semble pas pertinent tant que le premier bilan du dispositif, prévu à l'article 2, n’a pas été dressé.
Par conséquent, la commission émet un avis défavorable sur cet amendement.
L’amendement n° 16 a pour objet la suppression du seuil de cinquante salariés pour les établissements menacés de fermeture.
Je souhaite clarifier le débat.
Le texte de la commission fait référence à un plan de sauvegarde de l’emploi, c’est-à-dire à un licenciement de plus de dix salariés sur trente jours dans une entreprise de plus de cinquante salariés. Le seuil de cinquante salariés prévu pour le plan de sauvegarde de l’emploi s’applique au niveau de l’entreprise, non au niveau de l’établissement. Ce seuil est donc satisfait par la proposition de loi, qui ne vise que les entreprises employant plus de mille salariés ou les entreprises dotées d’un comité de groupe ou d’un comité européen, à condition que le total des entités rassemblées dépasse mille salariés.
Initialement, la référence à un plan de sauvegarde de l’emploi concernait les établissements employant au moins dix salariés. Par souci de pragmatisme, la commission a accepté de relever ce seuil à cinquante salariés, qui est aussi celui qui entraîne la création d’un comité d’entreprise. Elle souhaite le conserver, car il lui semble sage. Là encore, le rapport demandé au Gouvernement à l’article 2 permettra de déterminer s’il faut ou non modifier ce seuil pour les établissements.
Par conséquent, la commission émet un avis défavorable sur cet amendement ainsi que sur l'amendement n° 2, pour les mêmes raisons.
La commission émet également un avis défavorable sur l'amendement n° 45 tendant à supprimer l’utilisation du conditionnel pour évoquer le PSE.
Si une entreprise est vertueuse, ce que nous souhaitons, et engage avec succès la procédure de recherche de repreneur très en amont, aucun PSE ne sera nécessaire. Voilà pourquoi ce texte prévoit l’usage du conditionnel. Cette concordance des temps ne pose pas de problème de fond.
L’amendement n° 17 tend à empêcher que des entreprises n’aient la tentation de minorer le nombre de licenciements pour motif économique. Il vise donc à étendre le dispositif de recherche de repreneur aux entreprises qui procèdent à plus de dix ruptures de contrat de travail d’un commun accord avec les salariés sur une période de trente jours.
Pour la commission, il faut distinguer deux cas de figure.
D’une part, les plans de départs volontaires sont en réalité assimilés à des PSE. La jurisprudence de la Cour de cassation, que citent d’ailleurs les auteurs de l’amendement dans l’objet, précise seulement qu’un plan de départ volontaire ne rend pas obligatoire l’établissement d’un plan de reclassement interne. L’amendement est donc satisfait sur ce point par la jurisprudence.
D’autre part, les ruptures conventionnelles reposent par définition sur un commun accord entre l’employeur et le salarié. S’il y a abus de l’employeur, des voies de recours existent. Néanmoins, on ne doit pas considérer a priori que dix ruptures conventionnelles sur une période de trente jours constituent une infraction : c’est au juge de l’apprécier. L’amendement est donc inopportun sur ce point.
Pour ces deux raisons, la commission émet un avis défavorable sur cet amendement.
L’amendement n° 18 rectifié a pour objet d’obliger l’employeur à informer le comité d’entreprise sur l’ensemble des aides publiques financières obtenues.
Cet amendement est intéressant, mais il nous semble satisfait par la loi relative à la sécurisation de l’emploi et par le décret n° 2013-1305 du 27 décembre 2013 relatif à la base de données économiques et sociales et aux délais de consultation du comité d’entreprise et d’expertise. Cette base de données économiques et sociales doit être mise en place à compter du 14 juin 2014 dans les entreprises de trois cents salariés et plus. Les aides publiques sont expressément prévues dans cette base, ainsi que l’atteste le 1° du F de l’article R. 2323-1-3 du code du travail consacré aux flux financiers à destination de l'entreprise.
Par conséquent, la commission émet un avis défavorable sur cet amendement.
L’amendement n° 5 tend à réintroduire la référence à la loi du 19 juillet 1978 portant statut des sociétés coopératives ouvrières de production. La commission a supprimé cette référence la semaine dernière, pour des raisons rédactionnelles, afin de ne pas alourdir le texte. Elle n’est cependant pas contre sa réinscription.
En outre, à la suite du débat qui a eu lieu lors de l’examen du projet de loi relatif à l’économie sociale et solidaire, la commission a souhaité la production d’un guide méthodologique à destination des entreprises visant à détailler les différentes formes de reprise par les salariés.
Par conséquent, la commission émet un favorable sur cet amendement.
Le remplacement de l’expert par l’expert-comptable proposé à l’amendement n° 3 semble inopportun. La notion d’« expert » étant plus large, elle permettra au comité d’entreprise de recourir, s’il le souhaite, à un expert-comptable ou à tout autre expert. Dans sa rédaction, le texte est donc plus protecteur pour le comité d’entreprise.
Par conséquent, la commission émet un avis défavorable sur cet amendement.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. Pierre Moscovici, ministre. Le Gouvernement partage l’avis de la commission, monsieur le président.
M. le président. La parole est à M. Gérard Longuet, pour explication de vote sur l'amendement n° 44.
M. Gérard Longuet. Nous pensons profondément que le système prévu n’est pas applicable et est même parfaitement dissuasif pour un entrepreneur, qui choisit librement son secteur d’activité et peut implanter son activité nouvelle soit en France soit dans un autre pays de l’Union européenne.
Puisque la compétition se joue aussi entre les territoires, nous avons le devoir d’être attractifs. Certes, la France ne manque pas d’attractivité, mais force est de reconnaître qu’elle a perdu de sa compétitivité, depuis au moins deux décennies, ne serait-ce qu’en termes d’accueil. Les chiffres attestent d’ailleurs une diminution préoccupante des investissements industriels.
Ce besoin d’informations n’a en apparence rien de choquant. En effet, nous n’imaginons pas que l’on puisse maltraiter les salariés au point que la fermeture d’un établissement leur soit annoncée par SMS ou par voie de presse, comme cela a pu arriver. Nous devrions donc n’avoir aucune raison de nous opposer à cette exigence d’informations dont vous avez rappelé l’évidence, madame le rapporteur.
Néanmoins, des zones de flou demeurent et les raisons que vous avez avancées à l’instant pour justifier le maintien du conditionnel le confirment.
Le tout est de savoir à partir de quel moment il s’agit pour l’entreprise d’« envisager ».
L’alinéa 8 concerne, je le rappelle, les entreprises employant plus de mille salariés qui envisagent – il ne s’agit donc bien encore que d’une éventualité – « la fermeture d’un établissement employant cinquante salariés et plus, qui aurait pour conséquence un projet de plan de sauvegarde de l’emploi.... ». Une double conditionnalité pèse donc sur la décision de l’entrepreneur.
Or cet entrepreneur a pour devoir – malheureusement ou heureusement – d’optimiser ses investissements, afin d’engager des moyens nouveaux pour des produits nouveaux et sur des marchés nouveaux. Cette exigence lui impose d’examiner en permanence l’optimisation de ses moyens de production, non seulement sur l’ensemble du territoire national, mais aussi sur l’ensemble des pays où il est actif, donc d’imaginer différents scénarios possibles pour des activités existantes.
Aux termes de la proposition de loi, si la direction de la stratégie « envisage » la fermeture d’un établissement, qui « aurait pour conséquence » un plan social, il est demandé à l’entreprise d’informer les représentants du personnel : qu’adviendra-t-il si, finalement, elle ne va pas jusqu’au terme de ce projet ? Une telle disposition risque de susciter une instabilité juridique et toute une série de contentieux, au motif que des réflexions prospectives auraient amené l’entreprise à considérer l’hypothèse d’une fermeture, avec les conséquences que cela pourrait impliquer pour l’emploi, sans que cette hypothèse se vérifie. De surcroît, les salariés risquent d’être plongés dans un état d’inquiétude permanent.
La communication de telles informations conduira en outre les clients, les fournisseurs et les financeurs à s’interroger. Or Dieu sait qu’une entreprise a besoin de leur confiance !
Nous sommes bien entendu tout à fait favorables à l’information des salariés dès lors qu’une décision a été prise, mais pas lorsqu’il s’agit d’une simple hypothèse.
M. le président. La parole est à Mme Isabelle Pasquet, pour explication de vote.
Mme Isabelle Pasquet. Les auteurs de cet amendement proposent, ni plus ni moins, de supprimer l’obligation faite à l’employeur d’informer les salariés de ce qu’il envisage de fermer le site.
M. Longuet nous a longuement parlé…
M. Gérard Longuet. Je n’ai fait qu’utiliser mon temps de parole !
Mme Isabelle Pasquet. … de la nécessité d’optimiser les moyens de production, mais, en réalité, bien souvent, les patrons des grandes entreprises cherchent avant tout à optimiser les moyens financiers, au détriment de l’emploi, de la production et de l’industrie sur nos territoires.
Assez curieusement, il est précisé avec raison, dans l’objet de l’amendement, que les salariés sont souvent informés de la fermeture de leur établissement par voie de presse, ce qui est totalement inadmissible.
C’est pourquoi les alinéas visés nous semblent nécessaires, même si le dispositif reste sans doute insuffisant et mériterait d’être amélioré. En effet, les comités d’établissement et les instances représentatives du personnel sont des outils qui permettent aux salariés d’exercer une nécessaire vigilance dans ce type de situations.
Nous avons formulé un certain nombre de propositions visant à améliorer l’information des salariés. Il me semblerait dommage de rayer ces alinéas d’un trait de plume en adoptant cet amendement.
M. le président. La parole est à M. Georges Labazée, pour explication de vote.
M. Georges Labazée. Le Sénat a repoussé tout à l’heure un amendement de suppression de l’article 1er. On nous propose maintenant de supprimer celui-ci paragraphe par paragraphe.
Nous sommes face à un paradoxe : les auteurs du présent amendement reconnaissent que l’information des salariés par les directions d’entreprise est souvent inexistante, mais ils ne proposent rien pour remédier à cette carence.
De surcroît, je rappelle que l’on ne peut s’abstraire des dispositions de l’article L. 2323-82 du code du travail, relatif au caractère confidentiel des informations de nature à affecter de manière préoccupante la situation de l’entreprise qui sont communiquées au comité d’entreprise.
Il en est de même, aux termes de l’article L. 2323-5 du même code, pour les offres de reprise et l’information utile détenue par les administrations publiques.
Quant aux élus, il est indispensable qu’ils soient informés le plus en amont possible, afin de pouvoir participer, le cas échéant, à la recherche d’un repreneur, et surtout de travailler à la reconversion du site en cas de fermeture.
Le groupe socialiste est donc opposé à cet amendement, et demande qu’il soit mis aux voix par scrutin public.
M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 44.
J'ai été saisi d'une demande de scrutin public émanant du groupe socialiste.
Je rappelle que l'avis de la commission est défavorable, de même que celui du Gouvernement.
Il va être procédé au scrutin dans les conditions fixées par l'article 56 du règlement.
Le scrutin est ouvert.
(Le scrutin a lieu.)
M. le président. Personne ne demande plus à voter ?…
Le scrutin est clos.
J'invite Mmes et MM. les secrétaires à procéder au dépouillement du scrutin.
(Il est procédé au dépouillement du scrutin.)
M. le président. Voici le résultat du scrutin n° 138 :
Nombre de votants | 346 |
Nombre de suffrages exprimés | 345 |
Pour l’adoption | 168 |
Contre | 177 |
Le Sénat n’a pas adopté.
Je mets aux voix l'amendement n° 15.
(L'amendement n'est pas adopté.)
M. le président. La parole est à M. Gérard Longuet, pour explication de vote sur l'amendement n° 45.
M. Gérard Longuet. Par cohérence avec l’amendement n° 44, nous souhaitons que l’information soit délivrée en cas de certitude, et non pas de simple hypothèse, assortie de conditionnalités.
M. le président. La parole est à Mme Isabelle Pasquet, pour explication de vote sur l'amendement n° 18 rectifié.
Mme Isabelle Pasquet. J’ai bien entendu l’argumentation de Mme la rapporteur, mais un décret n’est pas la loi. Par ailleurs, la base de données sociales ne fait pas partie des éléments dont le texte prévoit de façon explicite qu’ils peuvent être communiqués au juge afin de l’aider à trancher.
C’est la raison pour laquelle nous maintenons cet amendement, qui nous paraît très utile.
M. le président. La parole est à M. Gérard Longuet, pour explication de vote sur l'amendement n° 5.
M. Gérard Longuet. À titre personnel, je soutiendrai volontiers cet amendement, parce que les sociétés coopératives ouvrières de production, qui ont fait leurs preuves et ne sont pas assez connues, peuvent constituer une réponse appropriée.
M. Jean Desessard. Il va me falloir la soirée pour m’en remettre ! (Sourires.)
Je retire l'amendement n° 3, monsieur le président !
M. le président. L'amendement n° 3 est retiré.
L'amendement n° 49, présenté par Mme Procaccia, M. Longuet, Mmes Boog, Bouchart et Bruguière, M. Cardoux, Mme Cayeux, M. de Raincourt, Mme Debré, M. Dériot, Mme Deroche, MM. Fontaine et Gilles, Mmes Giudicelli et Hummel, M. Husson, Mme Kammermann, MM. Laménie, Milon, Savary et les membres du groupe Union pour un Mouvement Populaire, est ainsi libellé :
Alinéa 20
Supprimer les mots :
sans délai
La parole est à Mme Catherine Procaccia.
Mme Catherine Procaccia. L'article L. 1233-57-12 du code du travail que tend à insérer l'article 1er vise à imposer à l'employeur de notifier « sans délai » à l'autorité administrative tout projet de fermeture d'un établissement.
Nous estimons que l’expression « sans délai », particulièrement floue, n’a pas de valeur juridique, même si elle est employée ailleurs. La loi doit être explicite ! Il faudrait de surcroît fixer un point de départ à l’intention de l’employeur de fermer un établissement. Les termes « sans délai », trop imprécis, seront source de difficultés. Nous proposons donc de les supprimer.
M. le président. Quel est l’avis de la commission ?
Mme Anne Emery-Dumas, rapporteur. La commission ne peut que le reconnaître, l’expression « sans délai » n’est pas particulièrement explicite. Néanmoins, les termes « le plus rapidement possible » ne nous ont pas paru plus satisfaisants…
Par ailleurs, il existe déjà des occurrences de cette expression dans le code du travail. Dans la mesure où son utilisation ne peut pas nuire ni entraîner une sanction à l’encontre de l’employeur, nous sommes défavorables à sa suppression.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. le président. La parole est à M. Gérard Longuet, pour explication de vote.
M. Gérard Longuet. La bonne rédaction eût été la suivante : « l’employeur notifie à l’autorité administrative sa décision de fermeture d’un établissement ». Il s’agit alors d’une situation de droit. La responsabilité d’un entrepreneur ne doit être engagée que pour ses décisions, et non pour ses intentions, pour des projets qu’il évoque ou « envisage », pour reprendre un verbe employé au début de l’article. On ne peut pas faire grief à l’employeur de ne pas avoir rendu public ce qui n’était qu’un projet, c’est-à-dire un état de la réflexion antérieur à la décision.
Telle est la raison laquelle je soutiens cet amendement, qui vise à rendre le texte plus clair, et donc applicable.
M. le président. La parole est à M. Jean-Noël Cardoux, pour explication de vote.
M. Jean-Noël Cardoux. Nous avons là une démonstration de l’art et de la manière de rendre un texte inapplicable !
Cet amendement vise à supprimer l’expression « sans délai ». Il sera question tout à l’heure des « moyens appropriés », puis des « repreneurs potentiels »… J’aimerais que l’on m’explique la signification de ces termes !
La présence de telles expressions dans un texte qui se veut précis par ailleurs induira forcément des contentieux importants. Il faut se mettre à la place de l’employeur ! S’il n’a pas notifié à l’autorité administrative, dans les deux jours suivant un fait révélateur des difficultés de son entreprise, un projet de fermeture, on pourra l’attaquer en justice, au motif qu’il aura tardé.
Dans le même ordre d’idées, comment définir la notion de « moyens appropriés » ? Comment un employeur peut-il déterminer qui est un « repreneur potentiel » de son entreprise ? C’est la quadrature du cercle !
Bien évidemment, il est à craindre que, du fait d’une interprétation restrictive, toujours possible, de ces termes par certains tribunaux, les entreprises ne se trouvent clouées une fois de plus au pilori et que les contentieux ne se multiplient. À mon avis, un tel texte doit viser à la simplicité et à la précision.
M. le président. La parole est à Mme la rapporteur.
Mme Anne Emery-Dumas, rapporteur. La procédure débute avec l’information du comité d’entreprise : c’est ensuite que l’employeur notifie « sans délai » à l’autorité administrative tout projet de fermeture d’un établissement. Il n’y a donc pas de flou sur la manière dont les choses doivent se dérouler. J’insiste de nouveau sur le fait que la sanction susceptible d’intervenir en cas de non-respect de la procédure d’information ne porte pas sur le délai de notification à l’autorité administrative.
M. le président. La parole est à M. Dominique Watrin, pour explication de vote.
M. Dominique Watrin. Nous ne pouvons pas aller dans le sens de notre collègue Gérard Longuet. Il est légitime de vouloir que l’employeur fasse diligence : il doit donc notifier « sans délai » à l’autorité administrative tout projet de fermeture d’un établissement.
Il n’est pas tout à fait vrai que cette expression n’a pas de valeur juridique. Certes, elle manque sans doute de précision, mais il n’en demeure pas moins qu’elle est régulièrement utilisée en droit, comme l’a rappelé Mme la rapporteur.
Ce qu’il importe de retenir, c’est que le manque de diligence pourrait constituer une faute. Il appartiendra au juge compétent de décider, au regard des faits, si l’obligation de notification a été respectée dans des délais corrects ou non.
M. le président. La parole est à M. Patrice Gélard, pour explication de vote.
M. Patrice Gélard. Les termes « sans délai » ne signifient rien en droit. Ils n’ont aucune valeur juridique. En réalité, en inscrivant une telle expression dans la loi, on confiera au juge le soin de déterminer à la place du législateur ce qu’est un délai raisonnable.
M. le président. La parole est à M. le ministre.
M. Pierre Moscovici, ministre. Les propos de M. Gélard prouvent bien que cette expression possède une signification juridique. En français, « sans délai » signifie « aussitôt », « immédiatement », et se comprend aisément.
Par ailleurs, l’utilisation de ces termes n’est pas sans précédent dans la législation. Je citerai notamment l’article 18 de la loi relative à la sécurisation de l’emploi, qui encadre les licenciements collectifs et instaure une obligation de recherche de repreneurs en cas de fermeture du site : « L’administration est informée sans délai de l’ouverture d’une négociation en vue de l’accord précité. »
Certes, on peut toujours couper les cheveux en quatre, mais les choses sont claires et l’emploi de cette expression a une véritable signification politique.
M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 49.
M. le président. L'amendement n° 14, présenté par Mme N. Goulet, est ainsi libellé :
Alinéa 22
Après les mots :
maire de la commune
insérer les mots :
et le président de l'établissement public de coopération intercommunale compétent
La parole est à Mme Nathalie Goulet.
Mme Nathalie Goulet. Cet amendement devrait faire l’unanimité sur nos travées, parce qu’il tend à étendre l’information prévue au paragraphe 2 de l’article 1er au président de l’établissement public de coopération intercommunale compétent.
Dans la mesure où les intercommunalités exercent la compétence économique, il semble indispensable que le président de l’EPCI soit informé de tout projet de fermeture d’un établissement, de même bien entendu que le maire, qui devra gérer les conséquences sociales de la mise en œuvre d’un tel projet.
M. le président. Quel est l’avis de la commission ?
Mme Anne Emery-Dumas, rapporteur. La commission a émis un avis défavorable sur cet amendement.
Il ne nous semble pas utile d’alourdir le code du travail avec des dispositions, notamment des énumérations, qui ont davantage leur place dans une circulaire adressée par le ministre aux préfets et aux DIRECCTE. Nous demandons donc que les services du ministère veuillent bien prendre une circulaire à destination des préfets, pour préciser la notion d’« élus concernés ».
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. Pierre Moscovici, ministre. À mon sens, cet amendement est satisfait, puisque la proposition de loi prévoit que, dès que le projet de fermeture lui aura été notifié, l’autorité administrative en informera les élus concernés, dont fait partie le président de l’EPCI. Il me semble donc que les choses sont déjà suffisamment claires…
M. Jean Desessard. L’autorité administrative peut avoir un petit délai, monsieur le ministre ! (Sourires sur les travées de l'UMP.)
M. le président. La parole est à M. Gérard Longuet, pour explication de vote.
M. Gérard Longuet. Cet amendement se fonde sur une observation de bon sens : l’action économique locale relève de l’intercommunalité. Cependant, celle-ci n’a pas, en général, les moyens de traiter des dossiers industriels d’une importance significative. C’est donc l’autorité régionale qui prend le relais. J’ajoute que les parlementaires ne peuvent pas ne pas être informés.
Or, aux termes de la proposition de loi, l’employeur informera le seul maire. Que fera celui-ci de cette information ? Naturellement, le plus souvent, il mobilise les autres élus, l’intercommunalité, les parlementaires, le conseil régional, le conseil général, les organismes consulaires, bref tous les acteurs intéressés, mais il n’en a pas l’obligation.
Le projet de fermeture sera ensuite notifié à l’autorité administrative qui, elle, informe les élus concernés. Pourquoi diable ce détour ? Quelle est d’ailleurs l’autorité administrative compétente ? Est-ce l’inspection du travail, la DIRECCTE ou la préfecture, service extérieur de l’État à vocation générale ? Vous me répondrez que la circulaire le précisera.
De deux choses l’une : soit on est exhaustif et on énumère dans la loi l’ensemble des destinataires de l’information, soit on renvoie ce point à la circulaire, en espérant qu’elle n’oubliera personne, et on fait confiance à l’autorité administrative – sans savoir laquelle – pour informer les élus concernés. Je souhaite simplement que l’autorité administrative ne décide pas elle-même qui sont ces derniers.
Permettez-moi de prendre un exemple extrêmement précis. Les députés ont un ressort territorial défini, la circonscription. Pour les sénateurs, il s’agit du département. Faut-il prévenir le député et le sénateur ? Le sénateur sera-t-il informé des projets de fermeture pour l’ensemble du territoire du département, et le député uniquement de ceux concernant sa circonscription ? Tout cela est un peu compliqué !
Mme Annie David, présidente de la commission des affaires sociales. Vous avez oublié les députés européens !
M. Gérard Longuet. Monsieur le ministre, nous voudrions savoir quelle est votre conception d’une bonne diffusion de l’information. En effet, l’accès à l’information est un facteur de pouvoir et de responsabilité politiques considérable. Nous savons bien d’ailleurs qu’être l’élu informé confère une autorité pouvant être discriminante par rapport à d’autres élus. Il ne serait pas souhaitable que l’information détenue par l’autorité administrative ne soit pas délivrée à tel ou tel élu, pour des raisons dont je ne saurais imaginer qu’elles puissent être partisanes,…
Mme Nathalie Goulet. Bien sûr que non…
M. Gérard Longuet. … mais qui pourraient tenir à l’éloignement géographique – la région est toujours plus éloignée que l’EPCI.
Enfin, il est prévu, à l’alinéa 22, que « l’employeur informe le maire de la commune du projet de fermeture de l’établissement ». Non ! L’employeur informe d’une décision ! Des projets, il en naît en permanence, mais seule une décision engage.
Manifestement, monsieur le ministre, vous avez du mal à considérer cette information comme légitime, alors qu’elle l’est profondément
M. le président. La parole est à M. Jean Desessard, pour explication de vote.
M. Jean Desessard. M. Longuet nous explique que l’accès précoce à l’information constitue un élément discriminant entre les élus. Souhaiterait-il que l’on rédige ainsi la fin de la seconde phrase de l’alinéa 22 : « l’autorité administrative en informe sans délai les élus concernés » ? (Sourires.)
M. Gérard Longuet. L’ensemble des élus concernés doivent être informés. Mais « concernés », cela ne veut rien dire !
Mme Isabelle Debré. Concernés par quoi ?
M. le président. La parole est à M. le ministre.
M. Pierre Moscovici, ministre. Je formulerai deux remarques à l’attention de M. Longuet.
Monsieur le sénateur, si je comprends bien, cette proposition de loi ne soulève pas chez vous un grand enthousiasme, au motif qu’elle serait une source de complexité pour les entreprises.
M. Gérard Longuet. Je suis d’accord !
M. Pierre Moscovici, ministre. Or vous-même ne me paraissez pas vous inscrire dans une démarche de simplification.
Par ailleurs, j’en appelle à votre vaste expérience de la chose publique et de la chose administrative : peut-être me trompé-je, mais il me semble que les préfets sont parfaitement capables d’identifier les « élus concernés » et qu’il faut donc leur faire un peu confiance…
Soyons simples, et maintenons cette formulation.
M. le président. La parole est à Mme Catherine Procaccia, pour explication de vote.
Mme Catherine Procaccia. Dans un département comme le Val-de-Marne, qui compte des friches industrielles et où l’on enregistre un nombre significatif de fermetures d’entreprise, je suis à peu près certaine que si l’on n’en précise pas la liste, tous les élus concernés ne seront pas informés, d’autant qu’il faudra également tenir compte de la création de la métropole du Grand Paris…
M. le président. La parole est à Mme Nathalie Goulet, pour explication de vote.
Mme Nathalie Goulet. Je veux bien admettre que mon amendement soit imparfait et mal rédigé, mais il ne l’est pas davantage que l’article 1er ou son alinéa 22 ! (Sourires sur les travées de l'UMP.)
La compétence économique relève de l’intercommunalité, le maire de la commune étant appelé à faire face, le cas échéant, aux conséquences sociales de la fermeture de l’établissement.
Je repense à un débat que nous avons eu dans cet hémicycle au sujet des commissions départementales de coopération intercommunale, les CDCI ; ce sujet n’est pas sans rapport avec celui qui nous occupe aujourd’hui, contrairement à ce que l’on pourrait croire.
Comme je ne cumule pas les mandats, j’ai été exclue de la CDCI, au motif qu’il est difficile d’y associer tous les élus, parce qu’ils seraient bien trop nombreux dans un département comme le Nord ou en région parisienne. Ainsi, je ne suis pas informée des travaux de la CDCI comme j’aurais pu l’être si j’avais exercé un autre mandat…
Pour en revenir au texte qui nous est soumis, je ne doute pas que le décret d’application sera parfaitement rédigé et mentionnera tous les élus devant être informés. À cet égard, permettez-moi de signaler que Daniel Goulet avait déposé, le 10 mai 2001, une proposition de loi prévoyant déjà une obligation d’information des maires et des présidents d’EPCI en cas de liquidation ou de difficultés d’une entreprise implantée sur leur territoire.
En tout état de cause, cet article mériterait d’être récrit, de façon que les « élus concernés » soient clairement mentionnés. Parfois, le député prend la main, au motif que l’entreprise en difficulté se trouve sur le territoire de sa circonscription, parfois, c’est le sénateur-maire.
M. Gérard Longuet. Et les conseillers régionaux !
Mme Nathalie Goulet. En effet ! Ils sont plus éloignés du terrain, mais ils apportent des financements.
Quoi qu’il en soit, si cet article vise vraiment à garantir une bonne information, il faut que le ministre nous rassure en précisant la liste des élus qui en seront obligatoirement destinataires, parmi lesquels figureront nécessairement le président de l’EPCI, les conseillers régionaux et, puisque la clause de compétence générale a été rétablie, les conseillers généraux. Tout le monde doit être sur un pied d’égalité en matière d’information.
M. le président. La parole est à M. Jean-Claude Requier, pour explication de vote.
M. Jean-Claude Requier. Faisons simple, en visant dans le texte le maire et le préfet, dont le rôle est d’avertir les élus. Si l’on doit mentionner tous les élus concernés, alors pourquoi ne pas ajouter à la liste, tant qu’on y est, un psychologue et une cellule de crise ?
M. le président. La parole est à M. Georges Labazée, pour explication de vote.
M. Georges Labazée. Que je sache, l’autorité administrative dans le département, c’est le préfet.
Le dispositif de l’amendement ne me paraît pas satisfaisant. Outre l’EPCI, il peut y avoir un syndicat mixte ou un groupement d’intérêt public. J’ajoute que quand une entreprise de plus de 1 000 salariés connaît des difficultés, cela se sait immédiatement, sans qu’il soit besoin que l’autorité administrative avertisse les élus. Il n’y a pas de crainte à avoir.
Par conséquent, tenons-nous-en au texte de la proposition de loi.
Mme Nathalie Goulet. Je retire l’amendement, monsieur le président !
M. le président. L'amendement n° 14 est retiré.
L'amendement n° 50, présenté par Mme Procaccia, M. Longuet, Mmes Boog, Bouchart et Bruguière, M. Cardoux, Mme Cayeux, M. de Raincourt, Mme Debré, M. Dériot, Mme Deroche, MM. Fontaine et Gilles, Mmes Giudicelli et Hummel, M. Husson, Mme Kammermann, MM. Laménie, Milon, Savary et les membres du groupe Union pour un Mouvement Populaire, est ainsi libellé :
Alinéa 28
Supprimer les mots :
, par tout moyen approprié,
La parole est à Mme Catherine Deroche.
Mme Catherine Deroche. L’expression « par tout moyen approprié » ne nous semble pas moins floue, sur le plan juridique, que ne l’étaient tout à l’heure les termes « sans délai ». Jugeant inutile son introduction dans le texte, nous proposons sa suppression.
M. le président. Quel est l’avis de la commission ?
Mme Anne Emery-Dumas, rapporteur. La commission a émis un avis défavorable.
Il convient de laisser à l’employeur la liberté de choisir le support qui lui conviendra le mieux pour faire connaître son intention de céder l’établissement : internet, des revues spécialisées ou d’autres moyens auxquels nous n’avons pas pensé.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. Pierre Moscovici, ministre. Le Gouvernement émet également un avis défavorable. L’expression « par tout moyen approprié » vise en effet à indiquer que l’employeur aura le choix du canal d’information pour faire connaître son intention à des repreneurs potentiels. Il est important de la conserver.
M. Jean Desessard. C’est le mot « approprié » qui est important !
M. le président. La parole est à Mme Isabelle Debré, pour explication de vote.
Mme Isabelle Debré. Monsieur le ministre, la loi doit être claire, précise, compréhensible par tous, tant par les Français que par les étrangers qui viennent investir dans notre pays. Or, dans cette proposition de loi, qui sera peut-être adoptée ce soir, en tout cas sans les voix du groupe UMP, on trouve des expressions telles que « sans délai », « par tout moyen approprié », « repreneurs potentiels », « le cas échéant », « information nécessaire »… Elles rendent le texte extrêmement complexe et obscur : comment voulez-vous que nos concitoyens s’y retrouvent ?
Par ailleurs, on a l’impression que l’on cible les entrepreneurs, les employeurs. Imaginez-vous un employeur transmettre des informations qui ne seraient pas nécessaires ?
M. Jean Desessard. Oui, il y en a !
Mme Isabelle Debré. Bien sûr que non !
M. Jean Desessard. Bien sûr que si !
Mme Isabelle Debré. Il est évident qu’il fournira à un éventuel repreneur les informations nécessaires !
On sent, dans une partie de cet hémicycle, un climat de défiance envers les employeurs : cela me choque profondément. Même si tout ne se passe pas toujours très bien dans notre pays, on doit tout de même leur accorder un minimum de confiance. Bien évidemment, si un employeur veut vendre ou attirer des investisseurs, il a tout intérêt à valoriser son entreprise et, pour cela, à donner les informations nécessaires. Pourquoi ne le ferait-il pas ?
Les termes que j’ai cités sont donc superfétatoires. Qui va juger de ce qu’est un « moyen approprié », qui va définir le champ des « repreneurs potentiels » ? Imaginez que les juges seront obligés de statuer sur ces points ! Ce texte n’est absolument pas clair ni précis.
M. le président. La parole est à M. Jean Desessard, pour explication de vote.
M. Jean Desessard. Madame Debré, il est bien d’employer des mots que tout le monde comprend ! Parfois, les lois sont incompréhensibles : une fois qu’on les a lues, on se demande ce qu’a voulu dire le législateur. Or nul n’est censé ignorer la loi…
« Sans délai », c’est-à-dire immédiatement, « par tout moyen approprié », c’est-à-dire par tout moyen propre à atteindre l’objectif, « repreneurs potentiels », c’est-à-dire dont la décision n’est pas encore arrêtée : là, au moins, on comprend !
Vous dites que tous les employeurs, tous les chefs d’entreprise respectent la loi à la lettre,…
Mme Isabelle Debré. Je n’ai pas dit cela !
M. Jean Desessard. … qu’il n’y a pas de spéculateurs, de personnes aux pratiques douteuses. Votre position ne sert pas les employeurs : si on laisse la jungle s’installer, si on ne signifie pas ce qui est interdit, ce sera au détriment de ceux qui entendent respecter la législation sociale, offrir des salaires corrects, respecter les temps de travail. Heureusement que sont pointées les dérives de certains employeurs, et ce n’est pas être contre les entrepreneurs que de dire que certains d’entre eux abusent et que de tels comportements ne doivent pas être permis. En posant des limites, le législateur favorise l’esprit d’entreprise et l’émergence d’une cogestion entre salariés et employeurs.
M. le président. La parole est à M. Gérard Longuet, pour explication de vote.
M. Gérard Longuet. On prête à Gide la formule suivante : « On ne fait pas de bonne littérature avec de bons sentiments. » Dans le même ordre d’idées, on pourrait dire qu’on ne fait pas de bons textes de loi avec de bons sentiments dénués de valeur juridique.
Les mots « par tout moyen approprié » sont l’expression littéraire d’un volontarisme généreux, enthousiaste : le législateur ne veut se priver d’aucune chance pour mobiliser des repreneurs potentiels. À cet égard, nous avons échappé au pire, car le texte aurait pu viser « les » repreneurs potentiels, auquel cas il pourrait être reproché à l’entrepreneur ayant un projet de fermeture – je rappelle que projet et décision sont deux choses différentes – de ne pas avoir sollicité, par tout moyen approprié, l’ensemble des personnes physiques ou morales susceptibles de reprendre l’établissement concerné…
Comment pourrait-il les identifier toutes ? Votre raisonnement est contradictoire : s’il s’agit d’informer tous les repreneurs potentiels, il faut alors mettre en œuvre tous les moyens appropriés, mais s’il s’agit plus modestement, comme il est précisé dans le texte, de ne solliciter que « des » repreneurs potentiels, il suffit à l’employeur de faire connaître son intention à quelques repreneurs potentiels, « quelques » pouvant d’ailleurs se limiter à deux. Par conséquent, si vous souhaitez maintenir dans le texte l’expression « par tout moyen approprié », il faut à mon sens viser « les » repreneurs potentiels.
Volontarisme pour volontarisme, soyons cohérents ! Dans votre esprit, il faut sauver l’entreprise parce que, évidemment, l’entrepreneur ne s’en soucie pas, comme si ne pesait pas sur lui la lourde responsabilité de l’emploi de ses salariés. (Mme Isabelle Debré approuve.) C’est peut-être moins vrai pour les très grands groupes, je vous l’accorde, mais, dans l’immense majorité des cas, fermer une activité constitue véritablement une charge morale extrêmement lourde pour celui qui prend cette décision.
Mme Isabelle Debré. C’est un drame !
M. Gérard Longuet. L’employeur mobilisera évidemment tous les moyens pour informer tous les repreneurs possibles !
Nous pensons tous à un cas très particulier, mais, monsieur le ministre, vous n’êtes pas allé jusqu’au bout de son analyse. Je veux parler du site sidérurgique de Florange : ArcelorMittal a mis sur la place publique toutes les informations concernant ces hauts fourneaux, mais vous avez oublié de rappeler, dans votre intervention, que ce groupe refusait de vendre les activités en aval. Or le site n’aurait pu être maintenu qu’à condition de réunir l’amont et l’aval. Le présent texte n’aurait absolument pas réglé une telle situation, puisqu’il ne permettrait pas à des repreneurs potentiels de poser des conditions pour que l’exploitation soit économiquement viable.
Vous ne faites donc qu’une partie du chemin, vous restez dans l’affichage, vous n’avez pas l’ambition de régler les problèmes. C’est la raison pour laquelle nous soulignons le caractère littéraire de cette proposition de loi, dont le dispositif ne sera pas opérant.
M. le président. La parole est à Mme Nathalie Goulet, pour explication de vote.
Mme Nathalie Goulet. Mme Debré nous déclare que, naturellement, l’employeur donnera tous les renseignements…
Mme Isabelle Debré. Les renseignements nécessaires !
Mme Nathalie Goulet. … et qu’il n’y aura pas de rétention d’information.
Or nous savons bien que certains employeurs minorent quelque peu les charges sociales dues ou le passif de leur entreprise lorsque celle-ci est en difficulté ou doit être cédée, afin de la présenter sous un jour favorable.
Si de telles pratiques n’existaient pas, pourquoi le législateur, les comptables, les magistrats insisteraient-ils autant sur les garanties en matière de passif ? Il me semble donc nécessaire de préciser les choses dans la loi, car il n’est pas certain que la totalité des informations nécessaires soient spontanément mises sur la table au moment où le projet de cession est élaboré.
J’ajoute que, neuf fois sur dix, quand un entrepreneur a le projet de céder son entreprise, sa décision est en fait déjà prise.
M. le président. L'amendement n° 51, présenté par Mme Procaccia, M. Longuet, Mmes Boog, Bouchart et Bruguière, M. Cardoux, Mme Cayeux, M. de Raincourt, Mme Debré, M. Dériot, Mme Deroche, MM. Fontaine et Gilles, Mmes Giudicelli et Hummel, M. Husson, Mme Kammermann, MM. Laménie, Milon, Savary et les membres du groupe Union pour un Mouvement Populaire, est ainsi libellé :
Alinéa 28
Compléter cet alinéa par un membre de phrase ainsi rédigé :
ceux-ci sont tenus à une obligation de confidentialité dont la violation entraîne le paiement de dommages-intérêts conformément à l'article 1382 du code civil ;
La parole est à Mme Catherine Procaccia.
Mme Catherine Procaccia. Il est impératif que les repreneurs potentiels contactés par l’employeur soient eux aussi soumis, comme les membres du comité d’entreprise, à une obligation de confidentialité. Sans cela, tous les acteurs du marché sauront qu’une cession est projetée et des informations confidentielles pourront le cas échéant être divulguées, au risque de pénaliser l’entreprise.
Les conséquences pourraient également être néfastes pour les salariés. Par exemple, si un premier candidat à la reprise prévoit de reprendre 800 d’entre eux, un autre, sachant cela, pourra être tenté de ne proposer d’en garder que 805 ou 810, alors qu’il avait initialement l’intention d’en conserver 900.
M. le président. Quel est l’avis de la commission ?
Mme Anne Emery-Dumas, rapporteur. Dans un souci de parallélisme avec les exigences imposées aux membres du comité d’entreprise, la commission des affaires sociales a précisé, à l’alinéa 31 de l’article 1er, que les « entreprises candidates à la reprise de l’établissement sont tenues à une obligation de confidentialité ». L’article 1382 du code civil s’appliquera donc de plein droit à ces entreprises. Par conséquent, la commission émet un avis défavorable sur l’amendement n° 51.
J’en profite pour souligner une nouvelle fois que, contrairement à ce que j’ai pu entendre dire à plusieurs reprises, ce texte ne concerne en aucun cas les entreprises en difficulté.
M. Gérard Longuet. Exact !
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. le président. La parole est à Mme Isabelle Debré, pour explication de vote.
Mme Isabelle Debré. En effet, madame la rapporteur, la dernière phrase de l’alinéa 31 de l’article 1er apporte bien une certaine protection en matière de confidentialité.
Cela étant dit, je voudrais répondre à Mme Goulet à propos de l’expression « informations nécessaires ». Certes, ma chère collègue, peut-être certains employeurs pratiquent-ils la rétention d’information, mais la question est de savoir comment déterminer si telle ou telle information est « nécessaire » ou pas. Est-ce le juge qui va en décider ? Comme l’a dit Gérard Longuet, certaines formulations de ce texte ont un caractère littéraire. « Le cas échéant », « informations nécessaires », « repreneurs potentiels », « par tout moyen approprié » : ce sont de telles expressions qui me gênent.
Du reste, il est évident qu’un repreneur doit avoir accès à toutes les informations, et non pas seulement aux informations « nécessaires ». Cet adjectif n’a pas de portée juridique.
Je ne prétends nullement que tous les chefs d’entreprise ont un comportement irréprochable, mais croyez-vous, ma chère collègue, qu’un employeur ayant créé son entreprise la vende de bon cœur et ne désire pas sauver ce qui a peut-être été l’œuvre de sa vie, voire sa raison de vivre pendant des années ?
J’ai l’impression que, sur certaines travées, on nourrit une défiance terrible envers ces chefs d’entreprise. (Protestations sur les travées du groupe CRC.) Soyons clairs, je parle ici non pas des grands groupes, mais des PME, des TPE, des établissements de taille intermédiaire, les ETI.
M. Jean Desessard. On parle des établissements de plus de 50 salariés dans des entreprises de plus de 1 000 salariés…
M. Georges Labazée. Les ETI ne sont pas visés par le texte !
Mme Isabelle Debré. Si, mon cher collègue, ou alors j’ai mal compris, mais il est vrai que beaucoup de choses m’échappent dans ce texte… M. le ministre pourra peut-être nous apporter des précisions sur ce point.
Quoi qu’il en soit, je le répète, si l’emploi des expressions que j’ai mentionnées procède de très bonnes intentions, je crains que les juges ne soient débordés par les contentieux qu’il pourrait susciter.
M. le président. La parole est à M. Jean Desessard, pour explication de vote.
M. Jean Desessard. On ne va tout de même pas pleurer sur les chefs d’entreprise ! (Protestations sur les travées de l'UMP.)
J’imagine que vous lisez les journaux, mes chers collègues : il existe, n’en déplaise à M. Longuet, un capitalisme international sans foi ni loi, des fonds de pension qui achètent des entreprises puis les revendent par compartiments, sans se soucier de développer l’outil industriel, pour le seul bénéfice des actionnaires !
Or, sous prétexte qu’il existe des entrepreneurs au comportement louable, créateurs d’emplois et socialement responsables, vous niez, madame Debré, la réalité d’un capitalisme international qui ne recherche que le profit, sans tenir compte des salariés ni de l’ancrage territorial.
M. Gérard Longuet. Mais non !
M. Jean Desessard. Ouvrez donc les yeux ! Que les chefs d’entreprise ne soient pas tous d’affreux capitalistes, je vous l’accorde volontiers, mais reconnaissez, de votre côté, que tous ne sont pas non plus des employeurs vertueux ayant pour seul objectif le bonheur des salariés et l’ancrage territorial de leur activité !
Mme Isabelle Debré. Je l’ai dit !
M. Jean Desessard. À cette condition, nous pourrons travailler ensemble. Mais si vous niez l’existence d’un capitalisme international dont la seule préoccupation est de maximiser le profit, au détriment des salariés et de l’outil industriel, alors c’est que nous ne vivons pas dans le même monde !
M. le président. La parole est à M. Patrice Gélard, pour explication de vote.
M. Patrice Gélard. Je crois que nous nous égarons quelque peu.
M. Georges Labazée. Oh oui !
M. Patrice Gélard. Mme Debré et M. Longuet ont simplement dit que le texte est mal rédigé. (Mme Isabelle Debré approuve.) D’ailleurs, trop de lois sont dans ce cas, comme l’a déclaré au Président de la République le président du Conseil constitutionnel.
Il faut faire un effort pour produire des textes qui soient des textes juridiques, et non pas n’importe quoi ! Nous ne sommes pas là pour lancer des slogans, mais pour faire le droit. Tel est notre rôle de législateur. Tous nos débats portent sur la forme, et non sur le fond. (Très bien ! sur les travées de l'UMP.)
8
candidatures à une éventuelle commission mixte paritaire
M. le président. J’informe le Sénat que la commission des affaires sociales a fait connaître qu’elle a procédé à la désignation des candidats à une éventuelle commission mixte paritaire chargée de proposer un texte sur les dispositions restant en discussion de la proposition de loi visant à reconquérir l’économie réelle actuellement en cours d’examen.
Cette liste a été affichée conformément à l’article 12, alinéa 4, du règlement, et sera ratifiée si aucune opposition n’est faite dans le délai d’une heure.
9
demande d'avis sur un projet de nomination
M. le président. Par lettre en date du 4 janvier 2014, M. le Premier ministre a demandé au président du Sénat de lui faire connaître, conformément au cinquième alinéa de l’article 13 de la Constitution, l’avis de la commission compétente du Sénat sur le projet de nomination de M. Bruno Lasserre aux fonctions de président de l’Autorité de la concurrence.
Cette demande d’avis a été transmise à la commission des affaires économiques.
Acte est donné de cette communication.
10
Dépôt d'un rapport du Gouvernement
M. le président. M. le président du Sénat a reçu de M. le Premier ministre le rapport retraçant l’évolution des missions de surveillance et de financement du cantonnement exercées par l’Établissement public de financement et de restructuration.
Acte est donné du dépôt de ce rapport. Il a été transmis à la commission des finances.
Mes chers collègues, nous allons maintenant interrompre nos travaux ; nous les reprendrons à vingt et une heures trente.
La séance est suspendue.
(La séance, suspendue à dix-neuf heures trente, est reprise à vingt et une heures trente, sous la présidence de M. Jean-Patrick Courtois.)
PRÉSIDENCE DE M. Jean-Patrick Courtois
vice-président
M. le président. La séance est reprise.
11
Communication relative à une commission mixte paritaire
M. le président. J’informe le Sénat que la commission mixte paritaire chargée de proposer un texte sur les dispositions restant en discussion du projet de loi de programmation pour la ville et la cohésion urbaine est parvenue à l’adoption d’un texte commun.
12
Économie réelle
Suite de la discussion en procédure accélérée et rejet d’une proposition de loi dans le texte de la commission modifié
M. le président. Nous reprenons la discussion de la proposition de loi, adoptée par l’Assemblée nationale après engagement de la procédure accélérée, visant à reconquérir l’économie réelle.
Dans la discussion des articles, nous poursuivons l’examen des amendements déposés à l’article 1er.
Article 1er (suite)
M. le président. L'amendement n° 47, présenté par Mme Procaccia, M. Longuet, Mmes Boog, Bouchart et Bruguière, M. Cardoux, Mme Cayeux, M. de Raincourt, Mme Debré, M. Dériot, Mme Deroche, MM. Fontaine et Gilles, Mmes Giudicelli et Hummel, M. Husson, Mme Kammermann, MM. Laménie, Milon, Pinton, Savary et les membres du groupe Union pour un Mouvement Populaire, est ainsi libellé :
Alinéa 31, seconde phrase
Compléter cette phrase par les mots :
dont la violation entraîne le paiement de dommages-intérêts conformément à l'article 1382 du code civil
La parole est à Mme Catherine Procaccia.
Mme Catherine Procaccia. L’obligation de confidentialité prévue pour les entreprises candidates à la reprise d’un établissement restera un vœu pieux si elle n’est pas assortie de sanctions. C’est pourquoi cet amendement tend à préciser que la violation de confidentialité sera soumise au droit commun de la responsabilité civile.
Comme je le disais avant la suspension de séance, que des candidats à la reprise divulguent des informations serait vraiment préjudiciable tant à l’entreprise qu’aux salariés.
M. le président. Quel est l’avis de la commission ?
Mme Anne Emery-Dumas, rapporteur de la commission des affaires sociales. Pour les mêmes raisons que précédemment, la commission émet un avis défavorable.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. Bernard Cazeneuve, ministre délégué auprès du ministre de l'économie et des finances, chargé du budget. Avis défavorable.
M. le président. L'amendement n° 52, présenté par Mme Procaccia, M. Longuet, Mmes Boog, Bouchart et Bruguière, M. Cardoux, Mme Cayeux, M. de Raincourt, Mme Debré, M. Dériot, Mme Deroche, MM. Fontaine et Gilles, Mmes Giudicelli et Hummel, M. Husson, Mme Kammermann, MM. Laménie, Milon, Savary et les membres du groupe Union pour un Mouvement Populaire, est ainsi libellé :
Alinéa 33
Supprimer cet alinéa.
La parole est à Mme Catherine Procaccia.
Mme Catherine Procaccia. L’alinéa visé par cet amendement oblige l'employeur à apporter une réponse motivée à chacune des offres de reprise reçues. Il crée ainsi, à notre avis, une contrainte excessive et injustifiée pour l'employeur. Ainsi, pourquoi celui-ci devrait-il être tenu de motiver son rejet d’une offre de reprise farfelue et totalement inacceptable, par exemple pour un prix de 1 euro et prévoyant la suppression de 1 000 emplois sur 1 050 ?
L’objectif est de favoriser la reprise de l’entreprise. Il est louable, même si nous n’approuvons pas toutes les mesures contenues dans cette proposition de loi. Nous avons d’ailleurs été nombreux, sur les travées de l’UMP, à le souligner.
En revanche, créer de multiples contraintes n’empêchera pas nécessairement les destructions d’emplois et risque d’avoir une incidence très négative sur l’image de la France aux yeux des investisseurs étrangers.
M. le président. Quel est l’avis de la commission ?
Mme Anne Emery-Dumas, rapporteur. La commission émet un avis défavorable, dans la mesure où il est évident que l’employeur, lorsqu’il reçoit une offre, l’analyse et identifie les raisons qui le poussent à l’accepter ou à la refuser. Par conséquent, nous ne voyons pas d’inconvénient à ce qu’il fasse part de cette motivation au comité d’entreprise, fût-ce en une ligne.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. Bernard Cazeneuve, ministre délégué. Le Gouvernement est défavorable à cet amendement. L’employeur doit en effet répondre à chacune des offres de reprise qu’il reçoit afin d’informer pleinement le comité d’entreprise et l’auteur de l’offre. C’est sur la base de cette information que le comité d’entreprise pourra notamment décider de saisir le tribunal de commerce s’il estime que l’employeur a refusé une offre sérieuse sans motif légitime.
M. le président. L'amendement n° 20, présenté par M. Watrin, Mmes David, Cohen et Pasquet, M. Fischer et les membres du groupe communiste républicain et citoyen, est ainsi libellé :
I. – Alinéa 36, première phrase
Après les mots :
Le comité d’entreprise
insérer les mots :
ou à défaut, les délégués du personnel,
II. – Alinéa 45
Après les mots :
le comité d’entreprise
insérer (deux fois) les mots :
ou à défaut, les délégués du personnel,
La parole est à M. Dominique Watrin.
M. Dominique Watrin. Les comités d’entreprise jouent, on le sait, un rôle majeur que l’on ne peut limiter au champ des loisirs ou de la vie culturelle. La loi a d’ailleurs fait d’eux de véritables acteurs économiques.
Toutefois, il peut arriver que des établissements comptant plus de 50 salariés, et donc concernés par cette proposition de loi, ne disposent pas d’un comité d’entreprise. En effet, la loi prévoit que le comité d’entreprise n’est obligatoire que si l’effectif d’au moins 50 salariés est atteint pendant douze mois, consécutifs ou non, au cours des trois années précédentes.
Qui plus est, l’employeur dispose d’un délai d’un an à compter du franchissement de ce seuil pour se conformer complètement aux obligations récurrentes d’information et de consultation du comité d’entreprise prévues par le code du travail selon des modalités déterminées par décret en Conseil d’État. Dans ce cas, les salariés concernés seraient donc privés de ce droit d’information.
Pour remédier à cette situation, nous proposons que, dans cette hypothèse, les délégués du personnel soient consultés et informés en lieu et place du comité d’entreprise.
M. le président. Quel est l’avis de la commission ?
Mme Anne Emery-Dumas, rapporteur. La commission partage ce souci d’information des représentants du personnel en cas d’absence d’un comité d’entreprise. Elle émet néanmoins un avis défavorable sur cet amendement, qui ne lui semble pas utile dans la mesure où l’article L. 2313-13 du code du travail pose un principe général selon lequel les représentants du personnel exercent de plein droit les attributions économiques du comité d’entreprise en cas de carence de celui-ci.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. Bernard Cazeneuve, ministre délégué. Cet amendement est satisfait pour les raisons que vient d’indiquer à l’instant Mme la rapporteur.
M. le président. L'amendement n° 19, présenté par M. Watrin, Mmes David, Cohen et Pasquet, M. Fischer et les membres du groupe communiste républicain et citoyen, est ainsi libellé :
Alinéa 36, deuxième phrase
Compléter cette phrase par les mots :
à l’exception de celles relatives au nombre d’emploi préservés dans les offres formalisées qui lui sont transmises
La parole est à Mme Laurence Cohen.
Mme Laurence Cohen. Les règles de confidentialité imposées aux représentants du personnel et aux membres du comité d’entreprise sont connues et, il faut l’admettre, ne donnent que rarement lieu à des conflits et à des contentieux.
S’il est légitime que les représentants des salariés soient tenus à une obligation de confidentialité à l’égard de certains éléments figurant dans les offres de reprise retenues par le dirigeant, il convient d’éviter que cette obligation de confidentialité ne soit trop extensive, au point que les représentants du personnel soient entravés dans l’exécution de leurs missions premières.
C’est d’ailleurs le sens d’une décision rendue en 2010 par le tribunal de grande instance de Lyon : il avait conclu que l’article L. 2325-5 du code du travail, qui « constitue une exception légale au droit à l’information des salariés à travers leurs représentants, ne permet pas à l’employeur de se prévaloir de la confidentialité de l’ensemble des documents remis dans le cadre d’une procédure d’information-consultation légalement obligatoire, sauf à la priver de sa substance en privant les élus de la possibilité de communication avec les salariés ». Le tribunal de grande instance de Lyon a en outre clairement rappelé que « seules sont concernées par l’obligation de confidentialité les informations dont les concurrents pourraient tirer parti pour nuire à la reprise ».
Cette décision a par ailleurs été confirmée récemment par la cour d’appel de Paris, dans un arrêt en date du 11 mars 2013. En effet, en l’espèce, la société Sanofi Aventis avait décidé une réorganisation des métiers de la recherche et du développement conduisant à la mise en œuvre d’une procédure d’information-consultation du comité central d’entreprise sur la base de deux documents, intitulés « projet de réorganisation et d’adaptation 2012-2015 » et « projet de plan de mesures d’accompagnement à la mobilité interne et aux départs volontaires ». Sur ces documents figuraient la mention « document strictement confidentiel » et l’indication que leurs destinataires étaient soumis à une obligation de discrétion.
Appelée à se prononcer après que des salariés protégés eurent été licenciés pour avoir informé les salariés des conséquences de ce projet en termes de suppressions d’emplois, la cour d’appel de Paris a estimé que, aux termes du second alinéa de l’article L. 2325-5 du code du travail, c’est à l’employeur qu’il appartient d’établir en quoi les informations transmises aux membres du comité d’entreprise revêtent un caractère confidentiel, ce qu’il n’a pas fait en l’espèce. Il a présenté comme confidentiels à l’égard des tiers l’ensemble des documents, y compris, relève la cour d’appel de Paris, à l’égard des salariés, jusqu’après l’examen par le comité central d’entreprise, ce qui traduit une atteinte manifestement illicite au mandat dont les élus sont porteurs. La juridiction d’appel a donc prononcé l’annulation de ces documents.
Par conséquent, cet amendement vise logiquement à harmoniser le droit positif avec les principes retenus par la jurisprudence et à sécuriser l’exercice des mandats syndicaux.
M. le président. Quel est l’avis de la commission ?
Mme Anne Emery-Dumas, rapporteur. Cet amendement prévoit une exception au principe de confidentialité lorsqu’il s’agit d’informations relatives au nombre d’emplois préservés par une offre.
Or le code du travail ne prévoit aucune exception à ce principe, laissant au juge le soin de faire le partage entre les informations confidentielles et celles qui ne le sont pas. Il en a été ainsi dans les cas que vous avez cités, madame la sénatrice. Adopter cet amendement risquerait de créer des a contrario et de fragiliser la position des membres du comité d’entreprise. C’est pourquoi la commission a émis un avis défavorable.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. le président. La parole est à Mme Laurence Cohen, pour explication de vote.
Mme Laurence Cohen. Dire que cette mesure fragilisera la position des membres du comité d’entreprise ne me semble pas logique. Au contraire, l’exemple que j’ai cité montre que l’obligation de confidentialité portant sur le nombre d’emplois préservés peut nuire à l’exercice du mandat syndical. Il serait dommage que le Sénat n’adopte pas un tel amendement.
M. le président. L'amendement n° 55, présenté par M. Desplan, au nom de la commission des lois, est ainsi libellé :
I. – Alinéa 36, dernière phrase
Supprimer les mots :
participer à la recherche d’un repreneur
II. – Alinéa 37
Supprimer cet alinéa.
III. – Alinéa 39
Après le mot :
champ
rédiger ainsi la fin de cet alinéa :
et d’étudier les offres de reprise.
La parole est à M. Félix Desplan, rapporteur pour avis.
M. Félix Desplan, rapporteur pour avis de la commission des lois constitutionnelles, de législation, du suffrage universel, du règlement et d'administration générale. Cet amendement vise à supprimer la faculté, pour le comité d’entreprise, de participer directement à la recherche d’un repreneur.
En effet, une pareille mission ne relève pas des attributions traditionnelles du comité d’entreprise en matière économique, le rôle de celui-ci étant avant tout consultatif.
De plus, dès lors que seul l’employeur est tenu à des obligations de recherche d’un repreneur et qu’il peut d’ailleurs être sanctionné pour tout manquement à ces obligations, la recherche d’un repreneur doit être une prérogative exclusive de l’employeur. Or le comité d’entreprise pouvant engager une procédure conduisant à la sanction de l’employeur, il ne saurait être juge et partie, par exemple dans le cas où il proposerait un repreneur que l’entreprise ne retiendrait pas.
Outre qu’il est peu probable, en pratique, que le comité d’entreprise soit en mesure de jouer un rôle effectif significatif dans la recherche d’un repreneur, les éventuelles démarches engagées par le comité d’entreprise, à l’aide des informations confidentielles qui devraient lui être communiquées dans le cadre du processus de recherche, pourraient créer un risque de confusion pour les repreneurs potentiels, du fait de démarches parallèles susceptibles de perturber le processus de recherche et de négociation de l’entreprise avec des repreneurs.
M. le président. Quel est l’avis de la commission ?
Mme Anne Emery-Dumas, rapporteur. Je rappelle qu’il s’agit d’une simple faculté, et non d’une obligation. Je me suis moi-même interrogée sur les risques, pour le comité d’entreprise, d’être à la fois juge et partie en cas de recherche d’un repreneur, mais, à la réflexion, sa participation à la recherche sera rare, limitée et bénéfique.
À l’issue d’un débat qui s’est tenu la semaine dernière et tout à l’heure encore, ce point de vue a été partagé par un grand nombre de membres de la commission, qui a donc émis un avis défavorable sur cet amendement.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. Bernard Cazeneuve, ministre délégué. Le Gouvernement émet, lui aussi, un avis défavorable. En effet, il importe que le comité d’entreprise puisse être associé à la recherche d’un repreneur. L’objectif est de mettre en œuvre tous les moyens permettant d’éviter la fermeture de l’établissement et les licenciements que celle-ci entraînerait.
J’ajoute qu’il s’agit d’une faculté donnée aux comités d’entreprise, et non d’une obligation.
M. le président. La parole est à M. Dominique Watrin, pour explication de vote.
M. Dominique Watrin. Pour notre part, nous voterons contre cet amendement, qui traduit une vision très restrictive des compétences des comités d’entreprise, notamment en matière économique. A contrario, il faudrait même, à nos yeux, aller beaucoup plus loin encore vers la création de droits d’intervention des salariés pour les salariés, notamment par le biais de leurs représentants.
M. le président. La parole est à Mme Catherine Procaccia, pour explication de vote.
Mme Catherine Procaccia. Monsieur le rapporteur pour avis, les membres du groupe UMP se félicitent du dépôt de cet amendement. À nos yeux, c’est là une des rares dispositions examinées aujourd’hui allant dans le bon sens.
Peut-être les comités d’entreprise des multinationales disposent-ils à la fois du temps et des compétences nécessaires pour se mettre en quête de repreneurs, mais je doute qu’il en soit ainsi dans la majorité des cas.
Nous nous réjouissons que, après un premier refus, la commission des affaires sociales ait finalement accepté d’analyser les amendements de la commission des lois. Pour notre part, nous voterons celui-ci.
M. le président. La parole est à M. Michel Mercier, pour explication de vote.
M. Michel Mercier. Il me semble que l’amendement de M. Desplan relève du bon sens !
Le Gouvernement essaie actuellement de mettre en œuvre un pacte de responsabilité pour les chefs d’entreprise, dont vous êtes un des chantres les plus efficaces, monsieur le ministre ! Tous les jours, je vous entends avec plaisir défendre ce pacte, que nous sommes prêts à soutenir. Quand vous faites de bonnes choses, je n’hésite pas à le reconnaître.
Cela étant, il ne faut pas mélanger les genres ! C’est au chef d’entreprise qu’il revient de rechercher un repreneur, sous le contrôle du comité d’entreprise, qui pourra très bien déclencher des procédures contre lui s’il ne fait pas son travail correctement : à chacun son rôle. Sur ce point, le présent texte va à l’encontre de l’efficacité que nous recherchons tous. Nous voterons ce très bon amendement de M. Desplan !
M. le président. La parole est à Mme Nathalie Goulet, pour explication de vote.
Mme Nathalie Goulet. Pour ma part, je ne voterai pas cet amendement, pour une raison très simple : j’ai déposé un amendement n° 33, inspiré notamment par le cas de la société Petroplus, dont le comité d’entreprise tente désespérément de trouver un repreneur, tandis que l’action des dirigeants est, elle, tout à fait inopérante.
Mme Annie David, présidente de la commission des affaires sociales. Oui !
Mme Nathalie Goulet. En l’espèce, le rôle du comité d’entreprise est tout à fait fondamental. Je ne voterai donc pas l’amendement de la commission des lois. J’espère que ceux de mes collègues qui soutiennent ce dernier appuieront mon amendement tout à l’heure : ce serait un juste retour des choses ! (Sourires.)
M. le président. L'amendement n° 48, présenté par Mme Procaccia, M. Longuet, Mmes Boog, Bouchart et Bruguière, M. Cardoux, Mme Cayeux, M. de Raincourt, Mme Debré, M. Dériot, Mme Deroche, MM. Fontaine et Gilles, Mmes Giudicelli et Hummel, M. Husson, Mme Kammermann, MM. Laménie, Milon, Savary et les membres du groupe Union pour un Mouvement Populaire, est ainsi libellé :
Alinéa 38
Compléter cet alinéa par les mots :
, dans la limite d'un montant fixé par décret
La parole est à Mme Marie-Thérèse Bruguière.
Mme Marie-Thérèse Bruguière. Cet amendement vise à encadrer les frais que pourrait occasionner, pour le comité d’entreprise, le recours à un expert. Ces frais seraient soumis à un plafond fixé par voie réglementaire.
M. le président. Quel est l’avis de la commission ?
Mme Anne Emery-Dumas, rapporteur. Le droit commun dispose que le comité d’entreprise est libre de choisir un expert et que l’employeur est tenu de le rémunérer. Si ce dernier souhaite contester le prix de cette prestation, il doit d’abord l’acquitter, puis saisir le juge. Il ne nous a pas semblé souhaitable de déroger, dans le présent texte, à ces principes bien établis. La commission a donc émis un avis défavorable sur cet amendement.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. le président. La parole est à Mme Catherine Procaccia, pour explication de vote.
Mme Catherine Procaccia. Madame la rapporteur, sauf inattention de ma part, il ne me semble pas que vous ayez été aussi précise en commission…
En tout état de cause, vous voulez faire payer les services de l’expert par une entreprise qui est en difficulté,…
Mme Anne Emery-Dumas, rapporteur. Le texte ne vise pas les entreprises en difficulté !
Mme Annie David, présidente de la commission des affaires sociales. Exact !
Mme Catherine Procaccia. … puisqu’elle cherche un repreneur !
Les membres du groupe UMP ne prétendent pas définir eux-mêmes le montant maximal de ces coûts ; ils demandent simplement que ce plafond soit fixé par décret, à un niveau raisonnable. Pour l’heure, aucun maximum n’est déterminé, et en plus l’entreprise devra payer sans discuter avant le cas échéant de saisir le tribunal. Il faut être sérieux !
M. le président. L'amendement n° 34, présenté par Mme N. Goulet, est ainsi libellé :
Après l'alinéa 50
Insérer un alinéa ainsi rédigé :
« Les mêmes dispositions s'appliquent en cas d'offre de reprise présentée par une personne physique ou morale non communautaire.
La parole est à Mme Nathalie Goulet.
Mme Nathalie Goulet. Cet amendement tend à insérer un alinéa additionnel, pour préciser que les mêmes dispositions s’appliquent en cas d’offre de reprise présentée par une personne physique ou morale non communautaire.
M. le président. Quel est l’avis de la commission ?
Mme Anne Emery-Dumas, rapporteur. Cet amendement est déjà satisfait par le présent texte, qui ne comporte aucune disposition discriminatoire entre candidats à la reprise selon leur nationalité. En conséquence, l’avis est défavorable.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. le président. Madame Goulet, l’amendement n° 34 est-il maintenu ?
Mme Nathalie Goulet. Non, je le retire, monsieur le président.
M. le président. L’amendement n° 34 est retiré.
Je suis saisi de trente et un amendements faisant l'objet d'une discussion commune.
L'amendement n° 37, présenté par Mme Procaccia, M. Longuet, Mmes Boog, Bouchart et Bruguière, M. Cardoux, Mme Cayeux, M. de Raincourt, Mme Debré, M. Dériot, Mme Deroche, MM. Fontaine et Gilles, Mmes Giudicelli et Hummel, M. Husson, Mme Kammermann, MM. Laménie, Milon, Pinton, Savary et les membres du groupe Union pour un Mouvement Populaire, est ainsi libellé :
I. – Après l’alinéa 50
Insérer un alinéa ainsi rédigé :
« En cas de non-respect de la procédure mentionnée aux articles L. 1233-57-9 à L. 1233-57-20, l’autorité administrative peut imposer que le montant minimum de la contribution prévue à l’article L. 1233-86 soit majorée, sans toutefois excéder quatre fois la valeur mensuelle du salaire minimum de croissance par emploi supprimé.
II. – Alinéas 54 à 77
Supprimer ces alinéas.
La parole est à M. René-Paul Savary.
M. René-Paul Savary. Cet amendement tend à supprimer le volet judiciaire de la procédure pour le remplacer par une procédure de sanction administrative moins lourde et plus conforme aux intentions des partenaires sociaux signataires de l’accord national interprofessionnel du 11 janvier 2013 sur la sécurisation de l’emploi.
Ainsi, en cas de non-respect de la procédure prévue par la loi du 14 juin 2013, impliquant que la recherche d’un repreneur ne s’effectue pas de bonne foi, le présent amendement vise à ce que l’autorité administrative puisse majorer le montant de la contribution versée au titre de la convention de revitalisation des bassins d’emploi, sans toutefois pouvoir aller au-delà du doublement des obligations existantes.
M. le président. L'amendement n° 10, présenté par Mme Férat, M. Marseille et les membres du groupe Union des Démocrates et Indépendants - UC, est ainsi libellé :
I. - Après l'alinéa 50
Insérer un alinéa ainsi rédigé :
« En cas de non-respect de la procédure mentionnée aux articles L. 1233-57-9 à L. 1233-57-20, l’autorité administrative peut imposer que le montant minimum de la contribution prévue à l’article L. 1233-86 soit majorée sans toutefois excéder quatre fois la valeur mensuelle du salaire minimum de croissance par emploi supprimé et 2 % du chiffre d’affaires annuel de l’entreprise. »
II. – Alinéas 54 à 75
Supprimer ces alinéas.
La parole est à Mme Françoise Férat.
Mme Françoise Férat. De même que le précédent, cet amendement tend à remplacer la procédure de sanction judiciaire actuellement prévue par une procédure de sanction administrative.
L’objectif a déjà été énoncé : éviter la judiciarisation de la procédure, qui créerait un nouveau « nid à contentieux ». Par ailleurs, une sanction administrative est plus conforme aux intentions des partenaires sociaux, exprimées via l’ANI du 11 janvier 2013 et transcrites dans la loi relative à la sécurisation de l’emploi.
Concrètement, cet amendement tend à ce que la contribution versée au titre de la convention de revitalisation des bassins d’emploi puisse être majorée, sans excéder le doublement des obligations existantes. Cela étant, il se distingue de l’amendement n° 37 dans la mesure où il vise à instituer un second plafond : le montant de la contribution majorée ne pourrait plus excéder 2 % du chiffre d’affaires annuel de l’entreprise. Il s’agit de tenir compte des dispositions pertinemment votées par l’Assemblée nationale, afin de limiter la pénalité infligée aux entreprises. Nous espérons que cette proposition de loi n’a pas pour objet de mettre ces dernières à genoux !
À cet égard, cet amendement tend à instaurer clairement la proportionnalité de la sanction, dont le défaut avait été dénoncé à juste titre par le Conseil d’État.
M. le président. L'amendement n° 36, présenté par Mme Procaccia, M. Longuet, Mmes Boog, Bouchart et Bruguière, M. Cardoux, Mme Cayeux, M. de Raincourt, Mme Debré, M. Dériot, Mme Deroche, MM. Fontaine et Gilles, Mmes Giudicelli et Hummel, M. Husson, Mme Kammermann, MM. Laménie, Milon, Pinton, Savary et les membres du groupe Union pour un Mouvement Populaire, est ainsi libellé :
Alinéas 54 à 77
Supprimer ces alinéas.
La parole est à Mme Catherine Procaccia.
Mme Catherine Procaccia. Cet amendement vise à supprimer les alinéas 54 à 77, c’est-à-dire le volet judiciaire de la procédure, pour s’en tenir au principe de recherche d’un repreneur posé par l’ANI du 11 janvier 2013 et conforté par la loi du 14 juin de la même année. Il s’agit donc ici de la troisième disposition portant sur le même sujet en un peu plus d’un an !
J’ajoute que, sur le fond, la faculté de saisir directement le président du tribunal de commerce n’entre pas dans les attributions juridiques du comité d’entreprise ou des délégués du personnel. Le fonctionnement interne de l’entreprise est suffisamment compliqué comme cela pour qu’on ne le judiciarise pas davantage !
Par ailleurs, si le comité d’entreprise peut être utilement informé et consulté au titre de ses prérogatives, renforcées via l’ANI du 11 janvier 2013, prévoir une telle procédure de saisine revient à permettre au comité d’entreprise de s’immiscer dans un champ relevant du pouvoir d’appréciation de la direction sur la stratégie économique de l’entreprise.
M. le président. L'amendement n° 56 rectifié, présenté par M. Desplan, au nom de la commission des lois, est ainsi libellé :
Alinéas 54 à 56
Remplacer ces alinéas par cinq alinéas ainsi rédigés :
II. – Le livre VII du code de commerce est complété par un titre VII ainsi rédigé :
« Titre VII
« Du contrôle de l’obligation de rechercher un repreneur
« Art. L. 770-1. - Lorsqu’un établissement auquel est applicable la procédure prévue à la section 4 bis du chapitre III du titre III du livre II de la première partie du code du travail n’a pas fait l’objet d’une reprise, une procédure de vérification du respect de ses obligations peut être ouverte à l’encontre de l’entreprise mentionnée à l’article L. 1233-57-9 du même code sur demande du comité d’entreprise. La procédure de vérification peut donner lieu à une procédure de sanction.
« Le tribunal de commerce est compétent si l'entreprise exerce une activité commerciale ou artisanale. Le tribunal de grande instance est compétent dans les autres cas. Les parties se défendent elles-mêmes. Elles ont la faculté de se faire assister par toute personne de leur choix. Toute partie qui ne se présente pas personnellement ne peut être représentée que par un avocat.
La parole est à M. Félix Desplan, rapporteur pour avis.
M. Félix Desplan, rapporteur pour avis de la commission des lois. La commission des lois a mené un travail approfondi de clarification et de mise en cohérence de la procédure judiciaire de contrôle du respect, par l’entreprise, de ses obligations. Sans en dénaturer l’économie générale, elle a eu le souci des principes constitutionnels qui s’imposent en pareil cas, qu’il s’agisse des droits de la défense et du principe de légalité des délits et des peines ou de la conciliation du droit de propriété et de la liberté d’entreprise, d’une part, avec l’objectif d’intérêt général de sauvegarde de l’emploi, d’autre part. Tel est le sens des amendements que nous avons déposés.
À cet égard, le présent amendement tend à inscrire cette nouvelle procédure au livre VII du code de commerce, et non au livre VI, relatif aux difficultés des entreprises. Il vise à clarifier les critères d’ouverture de la procédure établis par cette proposition de loi, en particulier l’absence de reprise de l’établissement, ainsi que les finalités de la procédure, en distinguant une procédure de vérification, ouverte sur l’initiative du comité d’entreprise, et, s’il y a lieu, une seconde procédure de sanction.
Enfin, cet amendement tend à reprendre la répartition de droit commun des compétences entre le tribunal de commerce et le tribunal de grande instance.
M. le président. L'amendement n° 57, présenté par M. Desplan, au nom de la commission des lois, est ainsi libellé :
I. – Alinéas 58 à 60
Remplacer ces alinéas par quatre alinéas ainsi rédigés :
« De la procédure de vérification
« Art. L. 771-1. – Le tribunal est saisi par le comité d’entreprise dans les sept jours suivant la réunion mentionnée à l’article L. 1233-57-20 du code du travail, pour vérifier si l’entreprise a respecté ses obligations de recherche d’un repreneur ou a refusé des offres de reprise présentant un caractère sérieux.
« Le tribunal statue en chambre du conseil sur l’ouverture de la procédure, après avoir entendu ou appelé les représentants de l’entreprise et ceux du comité d’entreprise. Il peut également entendre toute personne dont l’audition lui paraît utile.
« Le ministère public est informé de l’ouverture de la procédure.
II. – En conséquence, alinéas 61 à 63
Supprimer ces alinéas.
La parole est à M. Félix Desplan, rapporteur pour avis.
M. Félix Desplan, rapporteur pour avis de la commission des lois. Cet amendement tend à préciser, dans la continuité du précédent, les conditions d’ouverture de la procédure de vérification, avec un jugement d’ouverture, comme l’a prévu l’Assemblée nationale, sans doute par analogie avec le régime procédural des procédures collectives.
En pareille hypothèse, il convient de veiller au respect des droits de la défense et du principe du contradictoire, lequel ne doit pas être départi de garanties légales. Le tribunal doit entendre, à l’audience, le demandeur et le défendeur, avant de statuer sur l’ouverture de la procédure. Dans la perspective de la procédure de sanction, il y a lieu d’informer le parquet de l’ouverture de la procédure. Par ailleurs, comme les délégués du personnel suppléent de droit, en vertu du code du travail, le comité d’entreprise si ce dernier n’a pas été instauré, il n’y a pas lieu de les mentionner explicitement dans le présent texte.
M. le président. L'amendement n° 21, présenté par M. Watrin, Mmes David, Cohen et Pasquet, M. Fischer et les membres du groupe communiste républicain et citoyen, est ainsi libellé :
Alinéas 58, 59, 60, 62, 71, première phrase et 74
Remplacer les mots :
de commerce
par les mots :
de grande instance
La parole est à Mme Isabelle Pasquet.
Mme Isabelle Pasquet. Lors de la discussion générale, notre collègue Dominique Watrin a rappelé nos réserves sur le fait d’accorder aux tribunaux de commerce compétence pour connaître des litiges liés aux obligations d’information et de consultation des comités d’entreprise ou à la recherche d’un repreneur. Nous préférerions que soit respecté l’engagement initial de confier aux tribunaux de grande instance ce nouveau contentieux, pour au moins deux raisons.
Tout d’abord, sans nier les qualités humaines des juges des tribunaux commerciaux, force est de constater qu’ils ne sont pas des juges professionnels et ne disposent pas toujours de la formation adéquate pour trancher des litiges complexes, comme ceux afférents au respect de l’obligation d’information et de consultation des comités d’entreprise, qui fait l’objet d’un contentieux relativement important.
Ensuite, la situation a atteint un niveau de complexité rare. En effet, l’appréciation du respect des obligations légales en matière d’information et de consultation dans le cadre d’une cession de site rentable dépendra des tribunaux de commerce, tandis que, pour la procédure d’information et de consultation sur le contenu du plan de sauvegarde de l’emploi, le PSE, elle relèvera du tribunal de grande instance, qui conserve la compétence pour le contentieux collectif portant sur la mise en œuvre de ce plan. Le conseil des prud’hommes, quant à lui, reste compétent en premier ressort pour statuer sur la validité ou la régularité du licenciement et sur les litiges individuels afférents.
Aussi, dans ce schéma, encore complexifié par l’adoption de l’ANI, ne nous semble-t-il pas souhaitable d’ajouter un acteur, à savoir les tribunaux de commerce. Cela ferait d’ailleurs mentir deux fois le Président de la République : une première fois sur la compétence promise au tribunal de grande instance, une seconde sur le choc de simplification.
Par ailleurs, le tribunal de commerce est une juridiction d’exception composée de juges élus parmi les commerçants, au point que de nombreux juristes, classés tant à gauche qu’à droite, remettent en cause leur capacité à statuer en toute impartialité.
Ainsi, l’Union syndicale des magistrats rappelait, dans un document publié à la suite de l’annonce d’un projet de réforme de la justice consulaire, que, « dans les petites juridictions, dont le ressort englobe un bassin économique nécessairement restreint, il peut ne pas toujours exister une distance suffisante entre les intérêts économiques des juges et ceux des justiciables ».
Or, les litiges qu’auront à trancher demain les juges consulaires ne sont pas minces. Si nos amendements ne sont pas adoptés, ils auront la faculté de trancher seuls de l’opportunité ou non de sanctionner financièrement une entreprise et de définir librement le montant des pénalités.
Nous craignons, vous l’aurez compris, qu’ils n’optent que très rarement en faveur de la sanction, quand bien même celle-ci serait légitime. Cette crainte est d’autant plus importante que les salariés méconnaissent les procédures devant ces juridictions et que les conditions pour former appel d’une décision rendue sont plus restrictives que devant d’autres juridictions.
Tout cela nous conduit donc logiquement à proposer de confier cette compétence aux tribunaux de grande instance.
M. le président. L'amendement n° 46, présenté par Mme Procaccia, M. Longuet, Mmes Boog, Bouchart et Bruguière, M. Cardoux, Mme Cayeux, M. de Raincourt, Mme Debré, M. Dériot, Mme Deroche, MM. Fontaine et Gilles, Mmes Giudicelli et Hummel, M. Husson, Mme Kammermann, MM. Laménie, Milon, Pinton, Savary et les membres du groupe Union pour un Mouvement Populaire, est ainsi libellé :
I. – Après l’alinéa 60
Insérer deux alinéas ainsi rédigés :
« Le tribunal statue sur l’ouverture de la procédure, après avoir entendu ou dûment appelé en chambre du conseil les représentants de la personne propriétaire de l’établissement et ceux du comité d’entreprise. Il peut également entendre toute personne dont l’audition lui paraît utile.
« Le ministère public est informé de l’ouverture de la procédure.
II. – En conséquence, alinéa 63
Supprimer cet alinéa.
La parole est à Mme Françoise Boog.
Mme Françoise Boog. Les signataires du présent amendement soutiennent l'amendement du rapporteur pour avis de la commission des lois ayant pour objet d'assurer le respect des droits de la défense, en permettant à l’entreprise de présenter ses observations lors du jugement d’ouverture de la procédure de vérification du respect de ses obligations de recherche d’un repreneur.
Comme l'a souligné la commission des lois, il s’agit de préciser explicitement que le tribunal ne statue sur l’ouverture de la procédure de vérification qu’après avoir entendu ou dûment appelé en chambre du conseil – c’est-à-dire en audience non publique, ce qui est suffisant au stade de l’ouverture de la procédure, comme cela est prévu pour les procédures collectives – les représentants de l’entreprise et du comité d’entreprise.
Il est également proposé que le tribunal puisse entendre au stade de l’ouverture toute personne dont l’audition lui semble utile.
Enfin, nous proposons que le ministère public soit informé de l’ouverture de la procédure, de sorte qu’il puisse intervenir utilement dans ses phases ultérieures.
M. le président. L'amendement n° 58, présenté par M. Desplan, au nom de la commission des lois, est ainsi libellé :
Alinéa 64
Rédiger ainsi cet alinéa :
« Art. L. 771-2. – Le tribunal peut commettre un juge pour recueillir tous renseignements sur la situation financière, économique et sociale de l’entreprise ainsi que sur les actions engagées pour trouver un repreneur. Ce juge peut faire application des dispositions prévues à l’article L. 623-2. Il peut se faire assister de tout expert de son choix.
La parole est à M. Félix Desplan, rapporteur pour avis.
M. Félix Desplan, rapporteur pour avis de la commission des lois. Le texte prévoit que le tribunal peut recueillir tous renseignements utiles sur la situation de l’entreprise et sur les démarches de recherche d’un repreneur qu’elle a engagées. Or, dans un délai très bref, le tribunal ne pourra pas convoquer en audience toutes les personnes dont l’audition pourrait l’informer utilement.
Par conséquent, cet amendement tend à prévoir une faculté plus opérationnelle, permettant au tribunal, s’il le souhaite, de désigner un juge pour recueillir ces renseignements utiles pour son information, lorsqu’il aura à statuer sur le respect par l’entreprise de ses obligations.
M. le président. L'amendement n° 59, présenté par M. Desplan, au nom de la commission des lois, est ainsi libellé :
I. - Après l’alinéa 64
Insérer un alinéa ainsi rédigé :
« Le tribunal peut désigner un administrateur judiciaire chargé, avec le concours de l’entreprise et l’assistance éventuelle d’un ou plusieurs experts, de dresser dans un rapport le bilan économique et social de l’entreprise. À la demande du tribunal, ce rapport peut comporter, s’il y a lieu, une évaluation du caractère sérieux des offres de reprise au sens du 2° de l’article L. 771-3.
II. – Après l’alinéa 75
Insérer un paragraphe ainsi rédigé :
… - La première phrase du cinquième alinéa de l’article L. 811-10 du code de commerce est complétée par les mots : « , ni l’accomplissement de la mission prévue à l’article L. 771-2 du code de commerce ».
La parole est à M. Félix Desplan, rapporteur pour avis.
M. Félix Desplan, rapporteur pour avis de la commission des lois. Dans la continuité du précédent, cet amendement vise à donner au tribunal des éléments d’appréciation sur la situation de l’entreprise et sur le caractère sérieux des éventuelles offres de reprise.
Il s’agit de faire appel au savoir-faire des administrateurs judiciaires sur des questions matériellement proches de celles dont ils ont à connaître dans le cadre des procédures collectives : établir un bilan économique et social de l’entreprise et apprécier des offres de reprise. Cette expertise est appréciée des tribunaux de commerce.
Il ne s’agirait toutefois que d’une faculté laissée à l’appréciation du tribunal, utile sans doute dans certains dossiers complexes. Le tribunal déciderait de la prise en charge de la rémunération de l’administrateur. Dans la pratique, il la mettra sans doute à la charge de l’entreprise, plutôt qu’au compte des frais de justice.
Cet amendement vise également à procéder à une coordination concernant les règles d’incompatibilité pour les administrateurs judiciaires.
M. le président. L'amendement n° 60, présenté par M. Desplan, au nom de la commission des lois, est ainsi libellé :
I. – Alinéa 65
Rédiger ainsi cet alinéa :
« Art. L. 771-3. – Après avoir entendu ou appelé les représentants de l’entreprise, l’administrateur s’il a été désigné, les représentants du comité d’entreprise et, s’il en fait la demande, le représentant de l’administration, et après avoir recueilli l’avis du ministère public, le tribunal statue sur :
II. – Alinéa 66
Remplacer les mots :
La conformité de la recherche aux
par les mots :
Le respect par l’entreprise des
III. – Alinéa 67
1° Au début de cet alinéa, insérer les mots :
S’il y a lieu,
2° Supprimer le mot :
notamment
3° Remplacer les mots :
la pérennité de l’activité et de l’emploi de l’établissement
par les mots :
la poursuite de l’activité économique et le maintien de l’emploi
IV. – Alinéa 68
Au début de cet alinéa, insérer les mots :
S’il y a lieu,
La parole est à M. Félix Desplan, rapporteur pour avis.
M. Félix Desplan, rapporteur pour avis de la commission des lois. Cet amendement tend à clarifier la procédure, qui prévoit notamment que le parquet doit donner son avis avant que le tribunal ne statue.
Il vise également à procéder à des coordinations et à des clarifications rédactionnelles.
M. le président. L'amendement n° 30, présenté par Mme N. Goulet, est ainsi libellé :
Alinéa 65
Après les mots :
paraît utile
insérer les mots :
en particulier le maire de la commune où l'entreprise est implantée et le président de l'établissement public de coopération intercommunale compétent
La parole est à Mme Nathalie Goulet.
Mme Nathalie Goulet. Compte tenu des explications qui m’ont été données tout à l’heure, je retire cet amendement, monsieur le président.
M. le président. L’amendement n° 30 est retiré.
L'amendement n° 74, présenté par Mme Emery-Dumas, au nom de la commission des affaires sociales, est ainsi libellé :
I. – Alinéa 67
1° Supprimer les mots :
par ses propres ressources
2° Compléter cet alinéa par les mots :
, son ancrage territorial, et le paiement du prix de cession et des créanciers
II. – En conséquence, alinéa 45, première phrase
Supprimer les mots :
par ses propres ressources
La parole est à Mme la rapporteur.
Mme Anne Emery-Dumas, rapporteur. Cet amendement tend à modifier l’alinéa 67. Il fait suite au débat que nous avons connu en commission, la semaine dernière, sur le caractère sérieux des offres de reprise.
Il vise à supprimer, tout d’abord, la notion de ressources propres, au profit d’une définition renforcée du caractère sérieux de l’offre, en reprenant deux critères dégagés par l’amendement n° 11 de M. Marseille et du groupe UDI-UC : le paiement du prix de cession et le paiement des créanciers.
Il tend, en outre, à introduire la notion d’ancrage territorial, afin de favoriser indirectement les offres de reprise présentées par les salariés.
Comme le souligne M. Daunis dans son amendement n° 1 portant article additionnel après l’article 3, cette notion a été utilisée dans un arrêt SAS SET du 4 décembre 2012 par la cour d’appel de Chambéry, et pourrait se révéler très utile.
M. le président. L'amendement n° 22, présenté par M. Watrin, Mmes David, Cohen et Pasquet, M. Fischer et les membres du groupe communiste républicain et citoyen, est ainsi libellé :
Alinéa 68
Rédiger ainsi cet alinéa :
« 3° L'existence d'un motif légitime de refus de cession, à savoir la mise en péril de la poursuite de l'ensemble de l'activité de l'entreprise.
La parole est à Mme Laurence Cohen.
Mme Laurence Cohen. Par cet amendement, nous proposons de procéder à la réécriture de l’alinéa 68 de l’article 1er, afin de revenir au texte issu des travaux de l’Assemblée nationale.
Les députés avaient prévu que les tribunaux compétents pourraient prononcer des sanctions à l’encontre d’un dirigeant qui aurait refusé de céder son établissement si ce refus n’était pas légitime, l’appréciation de cette légitimité devant être faite au regard des conséquences qu’aurait eu cette cession sur la poursuite de l’ensemble de l’activité de l’entreprise. Notre groupe souscrit évidemment à cette précaution : il ne faudrait pas, en effet, mettre en péril toute une entreprise par refus de la cession d’un établissement.
Pour autant, la rédaction nouvelle de cet alinéa 68, telle qu’elle résulte de l’adoption, par notre commission, d’un amendement de Mme la rapporteur étend considérablement la notion de motif légitime. Celui-ci s’analyse désormais au regard non plus de toute l’activité de l’entreprise, mais d’une partie seulement, sans que soit d’ailleurs précisée l’ampleur de celle-ci.
On pourrait ainsi imaginer que soit considéré comme légitime le refus d’un dirigeant de céder son entreprise dans le cas où cette cession ne mettrait en péril qu’une partie infime de sa production, ne représentant qu’une part négligeable de son chiffre d’affaires. Cette disposition contribue à amoindrir, une fois encore, les obligations à la charge des entreprises et à rendre encore moins opérant le dispositif de cette proposition de loi, ce que nous regrettons.
C’est pourquoi, par souci d’efficacité et de lisibilité juridique, nous proposons d’en revenir à une notion plus claire et plus précise : la mise en péril de l’ensemble de l’activité de l’entreprise.
M. le président. L'amendement n° 61, présenté par M. Desplan, au nom de la commission des lois, est ainsi libellé :
Après l’alinéa 68
Insérer un alinéa ainsi rédigé :
« Le jugement par lequel le tribunal statue intervient dans le mois suivant la saisine.
La parole est à M. Félix Desplan, rapporteur pour avis.
M. Félix Desplan, rapporteur pour avis de la commission des lois. La commission des lois propose de scinder en deux la procédure, en distinguant une procédure de vérification, qui se clôt par un premier jugement, puis, éventuellement, une procédure de sanction. Cet amendement tend à inscrire la procédure de vérification dans un délai d’un mois : c’est très court, mais cela constitue le minimum nécessaire pour que le tribunal puisse prendre connaissance de la situation, recueillir, s’il le souhaite, tous renseignements utiles, et évaluer, s’il y a lieu, les offres de reprise.
En tout état de cause, il n’y a pas de nécessité objective à ce que le tribunal statue très rapidement sur la vérification comme sur la sanction, car son jugement sera sans conséquence sur les licenciements éventuels pouvant résulter de la fermeture de l’établissement. Dans ces conditions, autant lui laisser le temps de statuer.
M. le président. L'amendement n° 31, présenté par Mme N. Goulet, est ainsi libellé :
Après l'alinéa 68
Insérer un alinéa ainsi rédigé :
« Les mêmes dispositions s’appliquent lorsque le repreneur est une personne physique ou morale de droit étranger.
La parole est à Mme Nathalie Goulet.
Mme Nathalie Goulet. Compte tenu des explications apaisantes qui m’ont été données tout à l’heure par Mme la rapporteur, je retire cet amendement.
M. le président. L’amendement n° 31 est retiré.
L'amendement n° 33, présenté par Mme N. Goulet, est ainsi libellé :
Après l'alinéa 68
Insérer quatre alinéas ainsi rédigés :
« En cas d’offre de reprise par une personne physique ou morale étrangère le tribunal juge du caractère sérieux de l’offre dans les mêmes conditions
« Le ministre en charge des affaires étrangères ou celui en charge de la défense éventuellement saisi dispose d’un délai de huit jours pour formuler des réserves sur l’offre de reprise.
« Ces réserves doivent être fondées sur des motifs impérieux liés à la sécurité nationale.
« S’agissant du ministre des affaires étrangères, son opposition à l’offre de reprise doit être motivée.
La parole est à Mme Nathalie Goulet.
Mme Nathalie Goulet. Cet amendement important est directement inspiré par le dossier Petroplus, que beaucoup d’entre nous ont suivi. Mme la rapporteur nous a expliqué tout à l'heure que le texte ne concernait pas les entreprises en difficulté ; je crains pourtant que ce ne soit tout de même le cas.
Cet amendement tend à préciser les dispositions applicables dans l’hypothèse où le repreneur serait étranger. Dans l’affaire Petroplus, les candidatures émanaient de plusieurs pays d’Afrique, ainsi que d’une société iranienne non touchée par l’embargo qui prévalait avant la levée partielle des sanctions. Le ministre des affaires étrangères nous avait alors expliqué qu’il refusait ce dernier repreneur, sans plus d’explication ou de motivation.
Le comité d’entreprise s’est penché bien évidemment sur le sujet. Rappelons que 4 500 emplois sont en jeu, ainsi que l’avenir de la dernière raffinerie exploitable en France.
Cet amendement vise à encadrer les modalités d’opposition des ministres de la défense et des affaires étrangères à des offres de reprise. Dans l’hypothèse où la société en voie d’être reprise dispose d’une habilitation « secret-défense », le ministre de la défense est évidemment en droit de se pencher sur la qualité du repreneur. Il en va de même concernant le ministre des affaires étrangères, pour des raisons liées à des questions diplomatiques.
Je considère, avec les salariés et les syndicats de Petroplus, qu’une simple objection non fondée est insuffisante pour refuser une offre quand le procureur, le tribunal et le mandataire ont considéré, en l’espèce, qu’elle était la meilleure. Cet amendement vise donc simplement à encadrer la reprise d’une entreprise par une société étrangère dans l’hypothèse où le ministère des affaires étrangères ou celui de la défense auraient des observations à faire valoir.
M. le président. L'amendement n° 62, présenté par M. Desplan, au nom de la commission des lois, est ainsi libellé :
I. - Alinéas 69 à 71
Remplacer ces alinéas par cinq alinéas ainsi rédigés :
« Chapitre II
« De la procédure de sanction
« Art. 772-1. – Lorsque le jugement mentionné à l’article L. 771-3 constate que l’entreprise n’a pas respecté les obligations mentionnées au 1° du même article ou qu’elle a refusé une offre de reprise jugée sérieuse en application du 2° du même article en l’absence d’un motif légitime de refus de cession au titre du 3° du même article, sur demande du comité d’entreprise ou sur requête du ministère public dans le mois suivant le jugement, le tribunal peut prononcer une amende civile.
« Le tribunal statue en chambre du conseil après avoir entendu ou appelé les représentants de l’entreprise et les représentants du comité d’entreprise et après avoir recueilli l’avis du ministère public.
« Le montant de l’amende ne peut être supérieur à vingt fois la valeur mensuelle du salaire minimum interprofessionnel de croissance par salarié licencié dans le cadre du licenciement collectif consécutif à la fermeture de l’établissement, dans la limite de 2 % du chiffre d’affaires annuel de l’entreprise. Il tient compte de la situation de l’entreprise et des efforts qu’elle a engagés pour la recherche d’un repreneur.
II. - Alinéa 72
1° Remplacer les mots :
La pénalité est affectée
par les mots :
Le produit de l’amende est affecté
2° Après le mot :
ou
insérer les mots :
, à défaut,
La parole est à M. Félix Desplan, rapporteur pour avis.
M. Félix Desplan, rapporteur pour avis de la commission des lois. Dans son souci de clarifier et de préciser la procédure ainsi que de respecter les principes constitutionnels, la commission des lois présente cet amendement tendant à encadrer la procédure de sanction susceptible d’être engagée sur l’initiative du comité d’entreprise, mais aussi du ministère public, gardien de l’ordre public. Dès lors qu’il est question de sanction, l’intervention du parquet est indispensable.
Cet amendement vise à permettre le respect des principes constitutionnels applicables au procès, en particulier ceux des droits de la défense et du contradictoire. Il s’agit en outre d’éviter toute interprétation du texte dans le sens d’une saisine d’office du tribunal aux fins de prononcer une sanction, ce que le Conseil constitutionnel a déjà censuré.
Quant à la sanction elle-même, dont le montant paraît proportionné et adapté au manquement qu’elle vise, il semble plus simple de la désigner sous le nom qui correspond à sa nature juridique : celui d’amende civile.
À cet égard, en matière économique, la commission des lois juge intéressant d’explorer davantage la voie de l’amende civile, prononcée par le juge civil au profit du Trésor public pour sanctionner certains manquements à l’occasion d’un litige de nature civile. Ce mécanisme paraît efficace et adapté.
M. le président. L'amendement n° 38, présenté par Mme Procaccia, M. Longuet, Mmes Boog, Bouchart et Bruguière, M. Cardoux, Mme Cayeux, M. de Raincourt, Mme Debré, M. Dériot, Mme Deroche, MM. Fontaine et Gilles, Mmes Giudicelli et Hummel, M. Husson, Mme Kammermann, MM. Laménie, Milon, Pinton, Savary et les membres du groupe Union pour un Mouvement Populaire, est ainsi libellé :
Alinéa 71, première phrase
Supprimer les mots :
ou qu’elle a refusé une offre de reprise sérieuse sans motif légitime de refus,
La parole est à M. René-Paul Savary.
M. René-Paul Savary. Cet amendement vise à supprimer l’atteinte à la liberté d’entreprendre contenue dans cet article. Il n’appartient pas au tribunal de commerce de substituer son appréciation du caractère sérieux d’une offre de reprise à celle de l’entreprise, ni d’évaluer à la place du chef d’entreprise ce qui constitue ou non un motif légitime de refus.
M. le président. L'amendement n° 7, présenté par Mme Lienemann, est ainsi libellé :
I. – Alinéa 71
Après les mots :
ou qu'elle a refusé une offre de reprise sérieuse
rédiger ainsi la fin de cet alinéa :
, il peut prononcer la cession du site ou de l'activité dans les conditions définies au chapitre II du titre IV du livre VI du présent code.
II. – En conséquence, alinéa 72
Supprimer cet alinéa.
Cet amendement n'est pas soutenu.
L'amendement n° 23, présenté par M. Watrin, Mmes David, Cohen et Pasquet, M. Fischer et les membres du groupe communiste républicain et citoyen, est ainsi libellé :
Alinéa 71, première phrase
Remplacer les mots :
peut imposer
par le mot :
prononce
La parole est à M. Dominique Watrin.
M. Dominique Watrin. L’alinéa 71 laisse aux tribunaux de commerce la latitude d’imposer ou non une pénalité à l’entreprise qui n’aurait pas respecté ses obligations légales. Cette situation ne nous apparaît pas acceptable dans la mesure où il se pourrait, au final, qu’aucune pénalité ne soit jamais exigée.
Afin d’éviter cette situation, nous proposons que les tribunaux de commerce soient tenus de prononcer une pénalité, qui jouerait ainsi, en quelque sorte, un rôle d’amende-sanction, tout en laissant les tribunaux libres d’apprécier le montant de cette pénalité dans les limites fixées par cette proposition de loi, afin de respecter le principe d’indépendance des magistrats.
M. le président. L'amendement n° 11, présenté par M. Marseille et les membres du groupe Union des Démocrates et Indépendants - UC, est ainsi libellé :
Après l’alinéa 71
Insérer trois alinéas ainsi rédigés :
« Le caractère sérieux de l’offre de reprise est apprécié au regard des éléments suivants :
1° La garantie de la préservation de l’activité et de l’emploi dans l’établissement, en fonction des prévisions d’activité de l’éventuel repreneur et de la prévision du nombre de contrats de travail repris, ainsi que de la durée minimale pendant laquelle les emplois conservés peuvent être sauvegardés ;
2° Les garanties en vue d'assurer l'exécution de l'offre de reprise et notamment, la capacité de paiement du prix de cession et la capacité de paiement des créanciers. »
La parole est à M. Hervé Marseille.
M. Hervé Marseille. L’objet de cet amendement est de définir le caractère sérieux de l’offre de reprise. Il s’agit, en effet, de l’un des concepts les plus importants du présent texte, mais aussi, étonnamment, de l’un des plus flous.
Le paradoxe est troublant : alors que le législateur entend favoriser, au travers de la présente proposition de loi, la reprise d’entreprise, il délègue au juge le soin de le faire en ne définissant pas plus précisément l’offre sérieuse. Voilà encore un aspect de la judiciarisation de la procédure, que nous déplorons vivement.
Dans son avis très critique sur la première version de la proposition de loi, le Conseil d’État soulignait lui-même la nécessité de mieux définir le caractère sérieux de l’offre de reprise. Le présent amendement vise donc à reprendre la définition proposée.
Ainsi, le caractère sérieux de la reprise serait apprécié au regard de la garantie de la préservation de l’activité et de l’emploi dans l’établissement, en fonction des prévisions d’activité de l’éventuel repreneur et de la prévision du nombre de contrats de travail repris, ainsi que de la durée minimale pendant laquelle les emplois conservés pourraient être sauvegardés. Seraient également appréciées les garanties en vue d’assurer l’exécution de l’offre de reprise, notamment la capacité de paiement du prix de cession et la capacité de paiement des créanciers.
M. le président. L'amendement n° 63, présenté par M. Desplan, au nom de la commission des lois, est ainsi libellé :
Alinéa 73
Supprimer cet alinéa.
La parole est à M. Félix Desplan, rapporteur pour avis.
M. Félix Desplan, rapporteur pour avis de la commission des lois. Il s’agit d’un amendement de coordination concernant les délais encadrant la procédure.
Pour les raisons déjà évoquées, il n’est pas nécessaire de prévoir un délai pour la procédure de sanction, dès lors que ce jugement est sans effet sur la fermeture de l’établissement et les licenciements qui ont pu être prononcés : autant laisser au tribunal le temps nécessaire pour statuer.
M. le président. L'amendement n° 39, présenté par Mme Procaccia, M. Longuet, Mmes Boog, Bouchart et Bruguière, M. Cardoux, Mme Cayeux, M. de Raincourt, Mme Debré, M. Dériot, Mme Deroche, MM. Fontaine et Gilles, Mmes Giudicelli et Hummel, M. Husson, Mme Kammermann, MM. Laménie, Milon, Pinton, Savary et les membres du groupe Union pour un Mouvement Populaire, est ainsi libellé :
Alinéa 74
Supprimer cet alinéa.
La parole est à Mme Marie-Thérèse Bruguière.
Mme Marie-Thérèse Bruguière. Cet amendement vise à supprimer la double peine introduite en juillet dernier, l’entreprise pouvant être tenue de rembourser tout ou partie des aides financières publiques qui lui ont été versées au cours des deux dernières années au titre de l’établissement concerné par le projet de fermeture.
Si la commission des affaires sociales du Sénat a ôté au tribunal de commerce la faculté d'ordonner ce remboursement, les conséquences financières demeurent les mêmes pour l’établissement.
De plus, les auteurs de cet amendement partagent le point de vue exposé par la commission des lois saisie pour avis au travers d’un amendement identique, rejeté par la commission des affaires sociales : « Les collectivités publiques concernées sont déjà en mesure de saisir le juge compétent, à savoir le juge administratif, d’une demande de remboursement des aides qu’elles ont attribuées si elles constatent que l’entreprise qui a fermé l’établissement n’a pas respecté les engagements pris ou les conditions d’attribution et d’emploi de ces aides. À l’inverse, si ces engagements et ces conditions ont été respectés par l’entreprise, prévoir le remboursement s’apparente à la remise en cause d’une situation légalement acquise sans motif suffisant d’intérêt général, ce qui suscite des interrogations d’un point de vue constitutionnel. »
M. le président. L'amendement n° 64, présenté par M. Desplan, au nom de la commission des lois, est ainsi libellé :
Alinéa 74
Rédiger ainsi cet alinéa :
« Art. L. 772-2. – Lorsque le jugement mentionné à l’article L. 771-3 constate que l’entreprise n’a pas respecté les obligations mentionnées au 1° du même article ou qu’elle a refusé une offre de reprise jugée sérieuse en application du 2° du même article en l’absence d’un motif légitime de refus de cession au titre du 3° du même article, les personnes publiques compétentes peuvent émettre un titre exécutoire pour obtenir le remboursement de tout ou partie des aides attribuées à l’entreprise sous forme pécuniaire au titre de l’établissement en matière d'installation, de développement économique ou d'emploi, si celle-ci n’a pas respecté les conditions fixées par la convention d’attribution.
La parole est à M. Félix Desplan, rapporteur pour avis.
M. Félix Desplan, rapporteur pour avis de la commission des lois. Cet amendement tend à clarifier la question du remboursement des aides publiques.
En effet, paradoxalement, le présent texte pourrait être en retrait par rapport aux prérogatives actuelles des collectivités publiques si l’on veut faire intervenir le tribunal de commerce, même si cela procède d’une intention intéressante.
En effet, par la simple émission d’un titre exécutoire, les collectivités peuvent d’ores et déjà demander directement aux entreprises le remboursement des aides attribuées, lorsqu’elles considèrent que celles-ci n’ont pas été employées comme elles auraient dû l’être au moment de l’attribution. Il n’est pas besoin de saisir un juge à ce stade. En cas de désaccord, l’entreprise peut alors saisir le juge, mais le juge compétent est le juge administratif, et non le tribunal de commerce.
Dès lors, cet amendement vise à clarifier les conditions dans lesquelles les collectivités peuvent demander le remboursement des aides publiques, après le jugement, à condition bien sûr que l’entreprise n’ait pas respecté les conditions d’attribution de ces aides, faute de quoi il s’agirait de la remise en cause d’une situation légalement acquise sans motif d’intérêt général, ce qui serait discutable d’un point de vue constitutionnel.
M. le président. Le sous-amendement n° 76, présenté par le Gouvernement, est ainsi libellé :
Amendement n° 64, alinéa 3
Après les mots :
de développement économique ou d'emploi,
insérer les mots :
au cours des deux années précédant le jugement
La parole est à M. le ministre délégué.
M. Bernard Cazeneuve, ministre délégué. Je suis bien entendu favorable à l’amendement n° 64, car il vise à clarifier les conditions dans lesquelles les aides publiques peuvent, le cas échéant, faire l’objet d’un remboursement. En outre, il apporte une sécurité juridique au texte, en respectant l’exigence d’un rapport logique entre infraction et sanction et en se fondant sur le respect du lien entre cette sanction et les conditions d’obtention de l’aide remboursable.
Toutefois, cet amendement tend à supprimer la mention de la durée de deux ans précédant la fermeture de l’établissement à laquelle se limite le remboursement des aides publiques. Or cette limite est nécessaire pour assurer la proportionnalité entre le manquement à l’obligation et la sanction retenue par l'Assemblée nationale et la commission des affaires sociales du Sénat.
M. le président. L'amendement n° 68, présenté par M. Watrin, Mmes David, Cohen et Pasquet, M. Fischer et les membres du groupe communiste républicain et citoyen, est ainsi libellé :
Alinéa 74
Remplacer les mots :
les personnes publiques compétentes peuvent lui demander le remboursement des aides financières en matière d'installation, de développement économique ou d'emploi qui lui ont été versées au titre de l'établissement concerné par le projet de fermeture au cours des deux années précédant le jugement, dans le respect des conditions d'attribution définies avec l'entreprise
par les mots :
il peut demander le remboursement des aides mentionnées au troisième alinéa de l’article L. 1233-57-10 du code du travail
La parole est à Mme Isabelle Pasquet.
Mme Isabelle Pasquet. Cet amendement est défendu, car il procède du même esprit que l’amendement n° 18 que j’ai présenté avant la suspension de la séance.
M. le président. L'amendement n° 24, présenté par M. Watrin, Mmes David, Cohen et Pasquet, M. Fischer et les membres du groupe communiste républicain et citoyen, est ainsi libellé :
Alinéa 74
Remplacer les mots :
peuvent lui demander
par les mots :
lui demandent
La parole est à M. Michel Le Scouarnec.
M. Michel Le Scouarnec. Si vous me le permettez, monsieur le président, je défendrai en même temps l’amendement n° 25.
M. le président. J’appelle donc en discussion l'amendement n° 25, présenté par M. Watrin, Mmes David, Cohen et Pasquet, M. Fischer et les membres du groupe communiste républicain et citoyen, et ainsi libellé :
Alinéa 74
Après les mots :
des aides financières
insérer les mots :
publiques
Veuillez poursuivre, mon cher collègue.
M. Michel Le Scouarnec. Nous avons présenté précédemment un amendement visant à préciser que les tribunaux étaient tenus de demander le remboursement des aides financières accordées aux employeurs qui ne respecteraient pas leurs obligations légales. Dans le droit fil de cette proposition, et au cas où cet amendement ne serait pas adopté, l’amendement n° 24 prévoit que les personnes publiques compétentes sont contraintes de demander le remboursement des aides financières publiques.
L’amendement n° 25 est, quant à lui, un amendement de précision. En effet, la rédaction de l’article 1er n’indique pas que les personnes publiques peuvent demander le remboursement des aides financières publiques.
M. le président. L'amendement n° 26, présenté par M. Watrin, Mmes David, Cohen et Pasquet, M. Fischer et les membres du groupe communiste républicain et citoyen, est ainsi libellé :
Alinéa 74
Supprimer les mots :
, dans le respect des conditions d’attribution définies avec l’entreprise
La parole est à Mme Laurence Cohen.
Mme Laurence Cohen. La commission des affaires sociales, sur l’initiative de Mme la rapporteur, a adopté un amendement tendant à préciser que les personnes publiques peuvent demander le remboursement des aides financières dans le respect des conditions d’attribution définies avec l’entreprise.
Cette précision ne nous apparaît pas utile et nous semble même, dans une certaine mesure, contreproductive si l’on veut que les personnes publiques demandent et obtiennent le remboursement des aides qu’elles ont octroyées.
En effet, si les pouvoirs publics n’ont rien prévu quant au remboursement des aides publiques en cas de non-respect de ses obligations par l’employeur, alors la demande de remboursement pourra être infondée.
De la même manière, si la convention liant les pouvoirs publics et l’entreprise ne mentionne pas le cas des fermetures de sites rentables ou si le niveau d’exigences imposé à l’employeur est en dessous de celui qui est prévu par cette proposition de loi, les pouvoirs publics seront, là encore, infondés à demander le remboursement des aides publiques.
Telle est, en tout cas, la lecture que nous faisons de cette disposition. Aussi, dans le doute, proposons-nous de supprimer la précision apportée par la commission.
M. le président. L'amendement n° 65, présenté par M. Desplan, au nom de la commission des lois, est ainsi libellé :
I. - Avant l’alinéa 75
Insérer deux alinéas ainsi rédigés :
« Chapitre III
« Conditions d’application
II. – En conséquence, alinéa 75
Au début de cet alinéa, remplacer la référence :
L. 615-2
par la référence :
L. 773-1
La parole est à M. Félix Desplan, rapporteur pour avis.
M. Félix Desplan, rapporteur pour avis de la commission des lois. Il s’agit d’un amendement de coordination.
M. le président. L'amendement n° 66, présenté par M. Desplan, au nom de la commission des lois, est ainsi libellé :
Après l’alinéa 75
Insérer un paragraphe ainsi rédigé :
... – Après le 5° de l’article 4 de l’ordonnance n° 2005-722 du 29 juin 2005 relative à la Banque publique d’investissement, il est inséré un 6° ainsi rédigé :
« 6° Le produit de l’amende civile mentionnée à l’article L. 772-1 du code de commerce. »
La parole est à M. Félix Desplan, rapporteur pour avis.
M. Félix Desplan, rapporteur pour avis de la commission des lois. Il s’agit également d’un amendement de coordination, s’agissant de l’amende civile, dont le texte prévoit l’affectation du produit à la Banque publique d’investissement.
M. le président. L'amendement n° 67, présenté par M. Desplan, au nom de la commission des lois, est ainsi libellé :
Alinéa 76
Remplacer les références :
titre Ier bis du livre VI
par les références :
titre VII du livre VII
La parole est à M. Félix Desplan, rapporteur pour avis.
M. Félix Desplan, rapporteur pour avis de la commission des lois. Il s’agit là encore d’un amendement de coordination. Je précise que l’on devra procéder à la même coordination à l’article 2 de la proposition de loi.
M. le président. Quel est l’avis de la commission ?
Mme Anne Emery-Dumas, rapporteur. L’amendement n° 37 est, certes, intéressant dans la mesure où il vise à renforcer le dispositif de la convention de revitalisation, qui a montré son utilité. Mais, comme nous l’avons indiqué en commission, nous ne souhaitons pas revenir sur les grands équilibres du texte adopté par l’Assemblée nationale.
Le recours au tribunal de commerce présente des avantages certains.
En outre, nous observons que le niveau de la contribution, plafonné à quatre SMIC par emploi supprimé, paraît très en retrait par rapport au plafond de vingt SMIC retenu dans la proposition de loi.
Aussi la commission a-t-elle émis un avis défavorable sur cet amendement.
Pour les mêmes raisons, la commission est défavorable à l’amendement n° 10.
Elle est également défavorable à l’amendement n° 36, visant à supprimer toute la procédure devant le tribunal de commerce.
En revanche, la commission a émis un avis favorable sur l’amendement n° 56 rectifié, ainsi que sur les autres amendements de la commission des lois visant à reprendre la procédure de vérification et la procédure de sanction par le tribunal de commerce. Je précise que la rectification de l’amendement porte sur le recours à l’avocat.
La commission a donc émis un avis favorable sur l’amendement n° 57, visant à introduire un jugement d’ouverture.
En revanche, elle est défavorable à l’amendement n° 21 de M. Watrin tendant à remplacer le tribunal de commerce par le tribunal de grande instance.
L’objet de l’amendement n° 46 étant similaire à celui de l’amendement n° 57 de la commission des lois, auquel la commission a donné un avis favorable, je demande à Mme Procaccia de bien vouloir le retirer ; à défaut, la commission émettra un avis défavorable.
Mme Catherine Procaccia. Pourquoi, s’il est identique ?
Mme Anne Emery-Dumas, rapporteur. La commission est favorable à l’amendement n° 58, prévoyant la possibilité pour le tribunal de commerce de se faire assister d’un juge-commissaire.
Elle est également favorable à l’amendement n° 59, visant à ouvrir la possibilité, pour le tribunal de commerce, de désigner un administrateur judiciaire.
De même, elle a émis un avis favorable sur l’amendement n° 60 de coordination juridique et rédactionnelle.
En revanche, la commission ayant adopté un amendement tendant à modifier la disposition relative au motif légitime de refus de cession, elle ne peut être que défavorable à l’amendement n° 22 visant, quant à lui, à rétablir le dispositif introduit par l’Assemblée nationale.
La commission est favorable à l’amendement n° 61, qui prévoit un délai d’un mois pour que le juge rende son jugement à l’issue de la procédure de vérification ; elle avait elle-même préconisé cette mesure.
L’amendement n° 33 de Mme Goulet vise à introduire des conditions spécifiques en cas d’offre de reprise présentée par une personne physique ou morale étrangère et en cas de réserves formulées sur cette offre par le ministre chargé des affaires étrangères ou celui de la défense. Je tiens à préciser que le cas de Petroplus n’est pas concerné par cette proposition de loi, dans la mesure où cette entreprise est en redressement judiciaire.
Plus généralement, il nous semble que le Gouvernement ne doit pas sans raison s’opposer à une offre de reprise de ce type. La commission des affaires sociales est donc plutôt défavorable à cet amendement. Reste que cette question n’ayant été abordée ni lors de nos auditions ni dans nos débats, un éclairage de la part du Gouvernement pourrait nous être utile.
La commission est favorable à l’amendement n° 62, présenté par M. Desplan au nom de la commission des lois, qui vise à instaurer une procédure de sanction spécifique. En revanche, elle est défavorable à l’amendement n° 38, défendu par M. Savary, qui tend à restreindre le contrôle du tribunal de commerce aux seules règles procédurales, à l’exclusion des justifications du refus d’une offre sérieuse. En effet, l’adoption de cet amendement aurait pour effet de vider de sa substance le contrôle du tribunal de commerce.
L’amendement n° 23 prévoit l’obligation pour le tribunal de commerce de prononcer une sanction si les conditions prévues à l’article L. 615-1 que la proposition de loi tend à introduire dans le code de commerce sont réunies ; la commission y est défavorable, puisque la rédaction du texte de la commission respecte la liberté et l’indépendance du juge.
En ce qui concerne l’amendement n° 11 de M. Marseille, il sera satisfait par l’adoption de mon amendement n° 74, qui comporte de surcroît la notion d’ancrage territorial.
L’amendement n° 63 opère une coordination juridique ; la commission y est favorable.
Elle est défavorable à l’amendement n° 39, qui vise à supprimer l’alinéa 74 relatif à la demande de remboursement des aides.
Elle est favorable à l’amendement n° 64 de M. le rapporteur pour avis de la commission des lois, qui tend à modifier les dispositions relatives à la procédure de demande de remboursement des aides. En ce qui concerne le sous-amendement n° 76 du Gouvernement, que la commission n’a pas examiné, j’y suis favorable à titre personnel.
La commission est défavorable à l’amendement n° 68, qui opère une coordination avec l’amendement n° 18 rectifié que nous avons déjà rejeté. Elle est également défavorable à l’amendement n° 24, qui pose problème du point de vue de la libre administration des collectivités territoriales. En effet, une personne publique peut avoir de nombreuses raisons de ne pas demander le remboursement des aides accordées.
L’amendement n° 25, qui opère une clarification rédactionnelle, deviendra sans objet si nous adoptons l’amendement n° 64 de la commission des lois, qui vise à réécrire l’alinéa 74 de l’article 1er de la proposition de loi.
L’amendement n° 26 tend à supprimer l’obligation de respecter les conditions d’attribution des aides publiques lors de leur demande de remboursement. La commission tient à rappeler que les conditions d’attribution fixées par contrat doivent être respectées, afin de ne pas remettre en cause des situations juridiques légalement acquises ; la commission des lois appuie cette position. Nous sommes donc défavorables à cet amendement, qui du reste sera sans objet si l’amendement n° 64 est adopté.
Enfin, la commission est favorable aux amendements nos 65, 66 et 67, présentés par M. Desplan.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. Bernard Cazeneuve, ministre délégué. Les avis du Gouvernement sont identiques à ceux de la commission.
M. le président. En conséquence, les amendements nos 21 et 46 n’ont plus d’objet.
Je mets aux voix l'amendement n° 58.
(L'amendement est adopté.)
M. le président. La parole est à Mme Nathalie Goulet, pour explication de vote sur l'amendement n° 33.
Mme Nathalie Goulet. Il est vrai que, dans l’objet de mon amendement, je cite Petroplus ; il n’en demeure pas moins que mon amendement ne vise pas les sociétés en redressement, en liquidation ou même en difficulté.
Je souhaiterais que la Haute Assemblée se penche d’un peu plus près sur cet excellent amendement, dans la mesure où la situation qui s’est produite dans le cas de Petroplus peut à nouveau se présenter : une entreprise, en difficulté ou non, peut faire l’objet de la part d’une société étrangère d’une offre de reprise à laquelle le ministère de la défense ou celui des affaires étrangères entend s’opposer.
La disposition que je propose a le mérite de la clarté : elle accorde aux ministres inquiets d’un projet de cession, même visant une entreprise qui n’est pas en difficulté, un délai raisonnable pour formuler leurs réserves sans bloquer la procédure. Je vous rappelle que, lorsque la cession des Chantiers de l’Atlantique a été envisagée au profit d’une entreprise coréenne, il a fallu attendre que le Gouvernement se prononce, puisqu’une partie de l’entreprise relevait du secret-défense. Il n’est donc pas exclu qu’une telle situation se reproduise.
Dès lors que la proposition de loi vise à favoriser les reprises, il me semble important d’encadrer les délais dans lesquels le ministère de la défense ou celui des affaires étrangères peuvent formuler des réserves ; je répète que le délai proposé est raisonnable et évitera le blocage des procédures.
M. le président. La parole est à Mme Catherine Procaccia, pour explication de vote.
Mme Catherine Procaccia. Cette proposition de loi fait obligation à l’entreprise de justifier « dans les meilleurs délais » des offres qu’elle a reçues, de celles qu’elle a choisies et de celles qu’elle a rejetées. Avec cela, le Gouvernement aurait le droit de s’opposer à un projet sans donner aucune explication ?
J’ai cru comprendre que le Gouvernement souhaitait un peu plus de transparence. Qu’un ministre puisse faire obstacle à un projet au nom du secret-défense ou de quelque autre raison d’État, je le conçois, mais je n’admets pas qu’il soit dispensé de donner une raison, ne serait-ce qu’en considération de l’entreprise et des salariés.
M. le président. La parole est à M. Dominique Watrin, pour explication de vote.
M. Dominique Watrin. Mon ami Thierry Foucaud, qui hier encore rencontrait les représentants syndicaux de Petroplus, m’a demandé de soutenir, au nom du groupe CRC, cet amendement présenté par Mme Goulet. De fait, notre collègue soulève une question très importante.
Nous connaissons tous le cas de Petroplus ; sans doute est-il particulier, mais je pense comme vous, madame Goulet, qu’une telle situation peut se reproduire. C’est ainsi que, dans mon département du Pas-de-Calais, j’ai eu connaissance d’un cas similaire : l’unité du groupe Doux à Graincourt a fait l’objet d’une offre de reprise par une entreprise iranienne, une offre qui a été rejetée au nom de l’embargo qui frappe ce pays, alors qu’on voit mal le rapport entre les poulets et l’industrie militaire ou nucléaire.
Dans ce genre de situations, j’estime que les refus doivent être motivés. N’oublions pas, mes chers collègues, qu’ils ont pour effet de mettre sur le carreau plusieurs centaines de salariés !
Permettez-moi de rappeler brièvement l’histoire de l’usine Petroplus de Petit-Couronne, l’une de nos plus importantes raffineries de produits pétroliers. C’est la décision d’une multinationale pétrolière, l’une des sept majors du secteur, à la recherche d’une rentabilité accrue, qui a entraîné la cession de cette raffinerie aux aventuriers du groupe suisse Petroplus, spécialisé dans le raffinage, et surtout le négoce, de produits pétroliers.
Remarquez que le siège social de ce groupe est situé dans le riant et coquet canton suisse de Zoug, connu pour être classé en deuxième position parmi les cantons suisses pour la faiblesse des obligations fiscales imposées aux entreprises. Zoug, c’est le paradis fiscal parmi les paradis fiscaux !
Remarquez aussi qu’à aucun moment l’État français n’a levé le petit doigt, ni rien entrepris pour inciter une entreprise française du secteur pétrolier – il est vrai qu’il n’y en a pas trente-six – à se porter acquéreur de l’usine de Petit-Couronne.
La France, nous dit-on, aurait des surcapacités de raffinage. Le doublement du déficit de notre pays en produits raffinés depuis la cessation d’activité de Petit-Couronne, ainsi que les difficultés de la raffinerie des Flandres et de celle de LyondellBasell, sur l’étang de Berre, semblent prouver le contraire. Au point que nous sommes aujourd’hui amenés à importer du gazole de Belgique et des Pays-Bas pour répondre à la demande d’un parc automobile que des années de prime à la casse ont largement « diésélisé ».
Quand le groupe Petroplus s’est retrouvé en procédure collective, fermant son usine alsacienne et mettant en cause celle de Normandie, le tribunal de commerce de Rouen, à plusieurs reprises et sous la pression des salariés particulièrement mobilisés, a décidé de placer l’usine – du reste visitée par plusieurs candidats à l’élection présidentielle – sous observation, dans l’attente d’un éventuel repreneur.
Des projets de reprise, plus ou moins sérieux, ont été déposés ; aucun n’a trouvé grâce aux yeux du tribunal ni à ceux du Gouvernement, qui s’est notamment opposé aux offres de reprise d’un groupe iranien, d’un groupe angolais et d’un groupe suisse. Selon nous, une telle position, eu égard aux problèmes d’indépendance de notre pays en produits énergétiques et semi-finis, doit être clairement motivée ! Le commerce extérieur français n’est-il pas déjà suffisamment déficitaire ?
En ce qui concerne Petroplus, nous reposons une nouvelle fois la question du repreneur et nous demandons à connaître précisément les raisons pour lesquelles l’État a refusé une offre dont la solidité financière et la qualité étaient indiscutables. En tout état de cause, la relance de l’activité de raffinage sur le site de Petit-Couronne est sans aucun doute la meilleure manière de requalifier ce site industriel. Il y va de l’indépendance énergétique de notre pays ! C’est pour nous une raison supplémentaire de voter l’amendement n° 33.
M. le président. En conséquence, les amendements nos 38, 23 et 11 n'ont plus d'objet.
La parole est à Mme Catherine Procaccia, pour explication de vote sur l'amendement n° 63.
Mme Catherine Procaccia. Le groupe UMP votera cet amendement, car, comme la plupart de ceux qui ont été déposés par la commission des lois, il va dans le bon sens en essayant de clarifier la procédure.
M. le président. La parole est à Mme Catherine Procaccia, pour explication de vote sur l'amendement n° 39.
Mme Catherine Procaccia. Répétons-le, l’alinéa 74 représente une véritable double peine pour les entreprises. N’oublions pas non plus que des dispositions ont été instaurées très récemment en la matière.
Malgré les améliorations – si tant est qu’on puisse parler d’améliorations – apportées par la commission, qui a ôté au tribunal de commerce la faculté d’ordonner le remboursement des aides financières publiques qui ont été versées à l’entreprise, on part encore du principe que ces aides ont été perçues de façon indue. En outre, sauf erreur de ma part – je n’ai plus le texte sous les yeux –, il n’est pas précisé à partir de quand ces sommes devront être remboursées. Va-t-on, comme pour les déclarations de patrimoine, remonter cinquante ans en arrière ?
Cet alinéa nous paraît complètement stupide. Les collectivités locales sont tout de même assez grandes pour savoir si l’entreprise ne s’est implantée sur leur territoire que dans le seul but de profiter de ces aides.
M. Jean Desessard. Elles ont été trompées !
M. le président. En conséquence, les amendements nos 68, 24, 25 et 26 n'ont plus d'objet.
Je mets aux voix l'amendement n° 65.
(L'amendement est adopté.)
M. le président. L'amendement n° 12, présenté par Mme N. Goulet, est ainsi libellé :
Après l'alinéa 75
Insérer un paragraphe ainsi rédigé :
... - Le premier alinéa de l'article L. 621-1 du code de commerce est complété par les mots : « ainsi que le maire de la commune où l'entreprise est implantée et le président de l'établissement public de coopération intercommunale compétent ».
L'amendement n° 13, présenté par Mme N. Goulet, est ainsi libellé :
Après l'alinéa 75
Insérer un paragraphe ainsi rédigé :
... - Le premier alinéa de l'article L. 621-8 du code du commerce est complété par une phrase ainsi rédigée :
« Ils informent par tout moyen le maire de la commune où l'entreprise est implantée et le président de l'établissement public de coopération intercommunale compétent. »
La parole est à Mme Nathalie Goulet, pour présenter ces deux amendements.
Mme Nathalie Goulet. Ces deux amendements sont historiques ! Ils s’inspirent d’une proposition de loi de Daniel Goulet, qui a été annexée au procès-verbal de la séance du 10 mai 2001.
Ces amendements visent à inscrire clairement dans le code de commerce l’obligation d’informer le maire et le président de l’EPCI de l’ouverture d’une procédure collective. Le maire et le président de l’EPCI, qui sont compétents en matière économique, sont très souvent les premiers sollicités en matière de subventions. En revanche, ils sont très souvent les derniers informés qu’une entreprise située sur leur territoire fait l’objet d’une procédure collective.