Mme Françoise Laborde. Avec impatience ! (Nouveaux sourires.)

M. René Vandierendonck. … pense que les dispositions prévues dans ce texte sont de nature à donner vie – enfin ! – au principe posé par la loi du 23 juin 1989, en substituant le doute sur la culpabilité à la certitude de l’innocence.

Par conséquent, nous voterons cette proposition de loi avec beaucoup d’enthousiasme. (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste et du groupe écologiste, ainsi que sur certaines travées du RDSE. – M. Yves Détraigne applaudit également.)

M. le président. La parole est à M. Jacques Mézard.

M. Jacques Mézard. Monsieur le président, madame la garde des sceaux, mes chers collègues, la justice humaine est imparfaite ; elle se trompe. Et comme elle est humaine, elle a infiniment de mal à reconnaître ses erreurs. Pourtant, quoi de plus insupportable qu’un innocent condamné ?

L’erreur judiciaire au pénal est une tragédie pour tous les acteurs de la procédure : celui qui en est victime et ses proches, bien sûr, mais aussi les juges, les enquêteurs et les avocats.

Ce sont des innocents détenus, parfois pendant des années, pour des faits qui leur sont étrangers. D’ailleurs, l’actualité assez récente nous en a donné des exemples particulièrement frappants.

Ce sont des proches détruits par une procédure judiciaire lourde, aux reflets parfois kafkaïens : des formalités interminables pour obtenir un permis de visite, des parloirs difficiles d’accès et parfois interdits aux familles... Chaque fois, la justice se trouve éclaboussée et remise en cause dans son professionnalisme, sa vérité ; la vie d’un innocent, ainsi que celle de sa famille, est irrémédiablement blessée.

Face à ce qui est toujours une tragédie, la procédure de révision constitue le cinquième et dernier acte – l’acte final qui doit permettre de trancher ce nœud gordien.

En matière de révision, les garanties de l’individu n’ont cessé d’avancer par à-coups, au gré des scandales judiciaires qui ont secoué et embrasé l’opinion. Par exemple, l’affaire dite « du courrier de Lyon » a entraîné la loi de 1867, qui a instauré la révision après décès et la révision sans renvoi.

Sous la IIIRépublique, les affaires Borras et Vaux, contemporaines de l’affaire Dreyfus, furent à l’origine de la loi du 8 juin 1895, qui permit la révision pour fait nouveau et offrit la possibilité au condamné innocenté de demander réparation à l’État.

Plus proche de nous, l’affaire Seznec a donné lieu à la réforme de 1989, qui a élargi l’ouverture au « doute sur la culpabilité du condamné » à la suite d’une extraordinaire campagne de presse. Pourtant, depuis cette dernière réforme majeure, il est significatif de constater – certains de mes collègues l’ont rappelé – que seules neuf condamnations criminelles ont été révisées.

À cet égard, les chiffres sont éloquents. Permettez-moi de vous les rappeler. Chaque année, environ 150 condamnés saisissent la cour de révision. En vingt ans, près de 3 000 condamnés ont ainsi demandé l’annulation de leur condamnation. Parmi eux, la commission a estimé que seuls 75 dossiers transmis à la Cour de révision répondaient aux critères.

Au final, la Cour de révision a annulé 45 condamnations, y compris celles qui sont délictuelles, soit 1,5 % des demandes, ce qui peut d'ailleurs se concevoir, comme l’ont souligné certains de mes collègues. Parmi elles, huit seulement concernaient des affaires criminelles ; trois condamnations ont été annulées et les personnes concernées sont actuellement en attente de procès. Dans le même temps, la demande de certains condamnés a été rejetée par la Cour de révision ; je ne reviendrai pas sur certaines affaires célèbres.

À n’en pas douter, il s’agit d’un signe du bon fonctionnement de notre système judiciaire, qui repose, à la différence des systèmes judiciaires anglo-saxons, sur la procédure inquisitoire. Enquête au préalable approfondie, recherche exhaustive de la vérité, prise en compte scientifique des éléments collectés, communication de tout le dossier à la défense, preuve libre, intime conviction encadrée, second degré de juridiction : la procédure inquisitoire paraît, en effet, mieux protéger les innocents que ne le fait la procédure accusatoire, chère aux Anglo-Saxons.

Toutefois, il s’agit également d’un signal quant à la nécessité d’améliorer la procédure de révision, son accès, son organisation, ses moyens d’information, afin de nous prémunir, autant que faire se peut, contre toutes les erreurs judiciaires. Récemment, l’affaire Nelly Haderer a ému le grand public. Des traces d’ADN du principal suspect, définitivement acquitté en 2008, au cours d’un troisième procès, ont été identifiées, avec les conséquences que l’on peut imaginer.

Ce n’est pourtant pas la réaction immédiate, forcément émotionnelle et parfois irréfléchie, qui doit guider la réflexion sur la procédure de révision. Cette dernière doit être particulièrement encadrée, au nom de la sécurité juridique, et rester une voie d’exception.

Le législateur que nous sommes doit parfois faire le choix de la sagesse et de la mesure, au risque d’être, dans un premier temps, incompris, en dépit du mouvement naturel qui nous pousse à nous révolter contre les injustices.

Aujourd’hui, parce que, comme l’écrivait François Mauriac, « la civilisation d’un peuple se mesure à sa justice », je souhaite saluer l’initiative du député radical de gauche Alain Tourret et de ses collègues du groupe RRDP, c'est-à-dire radical, républicain, démocrate et progressiste, ainsi que du député Georges Fenech, une initiative qui est le fruit d’un long travail minutieux et qui a permis de dégager les enjeux de la réforme de notre procédure de révision.

Il est remarquable de noter, en ces temps particuliers où l’opinion du plus grand nombre fait la loi, où les faits divers sont sans cesse érigés en exemples de l’insuffisance de la loi pénale, que cette proposition de loi est non pas une loi de circonstance, mais un texte issu de la réflexion du législateur et de la concertation des divers acteurs de la justice. De nombreuses auditions ont été organisées et un travail important de réflexion a été engagé.

À cet égard, permettez-moi de saluer le travail de notre collègue Nicolas Alfonsi, qui représente, je tiens à le lui dire aujourd'hui, la quintessence de l’intelligence parlementaire. (Applaudissements sur les travées du RDSE, ainsi que sur les travées du groupe écologiste.)

M. Jean-Michel Baylet. Bravo, monsieur le rapporteur !

M. Jacques Mézard. Le texte procède à une réforme globale des procédures de révision et de réexamen, à la fois proportionnée, nécessaire et respectueuse des grands principes de notre droit pénal.

D’autres intervenants l’ont souligné, la question des scellés constitue une avancée ; il reste, madame la garde des sceaux, à trouver les moyens – ce n’est pas forcément facile ! – de mettre en place une organisation face à la demande qui en découlera. Il en est de même pour la systématisation de l’enregistrement sonore des débats des cours d’assises.

Certaines erreurs judiciaires sont révélées des décennies après les faits. Qui ne se souvient de l’affaire Dils, commencée en 1986 et qui fut conclue peu ou prou en 2002, avec l’acquittement en appel de Patrick Dils et le début du procès de Francis Heaulme ? Il deviendra plus aisé, au cours de l’examen de la demande en révision, de statuer sur le fait nouveau ou l’élément inconnu au jour du procès qui la fonde.

Plus directement liés aux procédures de révision et de réexamen, la création d’une instance unique, la cour de révision et de réexamen, la codification des pouvoirs de cette cour de révision, le renforcement des droits de la partie civile et du condamné, la possibilité pour les parties de se faire communiquer le dossier, la possibilité pour le requérant de demander, préalablement au dépôt d’une demande en révision et au cours de l’instruction de son affaire, de faire procéder à tous les actes qui lui semblent nécessaires et l’élargissement de la liste des requérants autorisés à former un recours en révision ou en réexamen constituent autant de minutieuses avancées procédurales, qui permettront à notre système judiciaire de garantir l’efficacité des procédures de révision et de réexamen.

Les modifications procédurales contenues aujourd’hui dans cette proposition de loi marquent ainsi de véritables avancées pour notre justice, si forte et si faillible à la fois.

C’est pourquoi le groupe RDSE votera sans aucune réserve et avec conviction le texte proposé par les députés et amendé avec soin par le rapporteur Nicolas Alfonsi, une proposition de loi que nous avons inscrite à l’ordre du jour de l’espace réservé de notre groupe. (Applaudissements sur les travées du RDSE, ainsi que sur les travées du groupe socialiste. – M. Yves Détraigne applaudit également.)

M. le président. La parole est à M. Richard Tuheiava.

M. Richard Tuheiava. Monsieur le président, madame la garde des sceaux, mes chers collègues, le droit positif en matière de révision des condamnations pénales a pu, par certains aspects, se révéler inadapté aux réalités judiciaires ou encore être en marge de certaines avancées notables en matière de protection des droits et libertés fondamentaux.

Oscillant entre la nécessaire autorité juridique associée aux décisions de justice – qui plus est, celles qui portent condamnation pénale à l’encontre de personnes physiques –, et le risque, fort heureusement minime, mais ô combien insupportable, de l’erreur judiciaire, le droit à la révision d’un procès doit pourtant suivre l’évolution des époques.

Au début de la Ve République, quelquefois en outre-mer, certaines condamnations pénales ont malheureusement pu laisser planer un doute sur l’indépendance ou l’impartialité de la juridiction ayant prononcé la condamnation. Je fais ainsi directement référence, vous l’aurez compris, mes chers collègues, à cette célèbre formule du paragraphe 1 de l’article 6 de la Convention de sauvegarde des droits de l’homme et des libertés fondamentales.

Des recherches historiques sérieuses ont montré que ce fut le cas de la condamnation criminelle de feu Pouvanaa Oopa, père du nationalisme polynésien, au sens noble du terme, ancien député de la Polynésie française lors de son arrestation de 1958, puis élu sénateur de la Polynésie française de 1971 à 1977, c'est-à-dire à son retour d’exil forcé.

J’y mets une empathie certaine, car, en plus d’avoir été mon illustre aîné au sein de la Haute Assemblée, je fais référence, à ma connaissance, au seul sénateur de notre histoire pour lequel la Chancellerie est saisie d’une demande de révision de procès, laquelle fait d’ailleurs l’unanimité de la classe politique polynésienne, ce qui n’est pas souvent le cas, vous en conviendrez, mes chers collègues. (Sourires.)

À cet égard, je profite de ma présence à la tribune pour vous remercier de l’annonce publique que vous avez faite en février dernier, madame la garde des sceaux, en vue d’avancer de manière significative dans ce dossier de révision affectant toute la Polynésie française, sous l’empire des dispositions nouvelles que nous examinons aujourd’hui.

Cette première observation faite, permettez-moi d’ores et déjà, mes chers collègues, de poser ici le cadre des deux seuls amendements que j’ai déposés, à l’article 3 de la proposition de loi.

Certaines archives couvertes par le secret-défense, qui n’ont pu être consultées par les historiens, peuvent également contenir des éléments de preuve supplémentaires révélant des pressions politiques exercées sur la cour qui a prononcé la condamnation.

Il importe donc que l’introduction de la demande de révision d’une condamnation pénale tienne compte des manquements avérés à l’indépendance ou à l’impartialité de la cour qui a prononcé la condamnation en dernier ressort.

Le droit national serait ainsi mis en conformité avec l’article 6, paragraphe 1, de la Convention européenne des droits de l’homme, qui pose les exigences du procès équitable.

De plus, certaines demandes de révision d’une condamnation pénale peuvent intervenir longtemps après le prononcé de la condamnation.

La proposition de loi qui nous est soumise ouvre le droit de révision aux enfants et petits-enfants du condamné. Or, dans certains cas, les faits nouveaux peuvent être mis au jour dans des délais beaucoup plus longs, notamment lorsque les faits en question apparaissent dans des documents couverts par la législation sur les archives, éventuellement après que s’est écoulé le temps de trois ou quatre générations.

C’est ce qui m’a conduit à déposer un amendement tendant à ce que la demande de révision puisse être introduite par les ayants droit de la troisième génération, c'est-à-dire les arrière-petits-enfants de la personne condamnée.

Enfin, il peut arriver que certaines condamnations aient fait l’objet d’une publicité importante, dans un contexte politique ou militaire reconnu, portant ainsi atteinte à la mémoire ou à la réputation du condamné ou aux intérêts moraux et patrimoniaux de sa famille. Il serait souhaitable que, dans un tel cas, la procédure de révision d’une condamnation pénale puisse bénéficier d’une publicité d’égale ampleur. Il ne me paraîtrait absolument pas choquant que, à l’occasion de travaux parlementaires ultérieurs, une ouverture puisse se faire en ce sens.

Pour conclure, je tiens ici à saluer cette initiative de nos collègues de l’Assemblée nationale, qui tombe véritablement à point nommé. Je la voterai donc, avec les membres de mon groupe. (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste, du groupe CRC et du groupe écologiste, ainsi que sur certaines travées du RDSE.)

M. le président. La discussion générale est close.

Nous passons à la discussion du texte de la commission.

proposition de loi relative à la réforme des procédures de révision et de réexamen d’une condamnation pénale définitive

Discussion générale (suite)
Dossier législatif : proposition de loi relative à la réforme des procédures de révision et de réexamen d'une condamnation pénale définitive
Article 2 (Texte non modifié par la commission)

Article 1er

(Non modifié)

L’article 41-4 du code de procédure pénale est complété par un alinéa ainsi rédigé :

« Par dérogation aux alinéas précédents, lorsqu’une procédure s’est achevée par une condamnation définitive prononcée par une cour d’assises, le procureur de la République ou le procureur général qui envisage d’ordonner la remise au service des domaines ou à l’Agence de gestion et de recouvrement des avoirs saisis et confisqués, ou la destruction des objets placés sous main de justice dans le cadre de cette procédure en avertit au préalable par écrit le condamné. Celui-ci dispose, à compter de la notification de cet avertissement, d’un délai de deux mois pour lui faire part de son opposition éventuelle. En cas d’opposition, si le procureur de la République ou le procureur général n’entend pas renoncer à la remise ou à la destruction des objets placés sous main de justice, il saisit par voie de requête la chambre de l’instruction, qui se prononce dans un délai d’un mois. Dans les cas mentionnés au présent alinéa, le procureur de la République ou le procureur général réexamine tous les cinq ans, dans les mêmes formes, l’opportunité de procéder à la remise ou à la destruction des objets placés sous main de justice. »

M. le président. L'amendement n° 20, présenté par le Gouvernement, est ainsi libellé :

I. – Alinéa 1

Rédiger ainsi cet alinéa :

Après l’article 41-5 du code de procédure pénale, il est inséré un article 41-6 ainsi rédigé : 

II. – Alinéa 2, première phrase

Remplacer les mots :

Par dérogation aux alinéas précédents

par les mots :

Art. 41-6. – Par dérogation aux articles 41-4 et 41-5

La parole est à Mme la garde des sceaux.

Mme Christiane Taubira, garde des sceaux. Je me suis déjà expliquée tout à l’heure à la tribune sur cet amendement, qui concerne la destruction des scellés. Il s’agit d’un amendement de coordination entre le présent texte et le texte d’habilitation relatif à la modernisation et à la simplification du droit et des procédures dans les domaines de la justice et des affaires intérieures. Il convient en effet de tenir compte d’une décision QPC du Conseil constitutionnel en date du 11 avril 2014 par laquelle a été censuré le dernier alinéa de l’article 41-4 du code de procédure pénale, auquel la présente proposition de loi renvoyait.

Par ailleurs, l’Assemblée nationale a adopté, dans le projet de loi de modernisation et de simplification, des dispositions visant l’article 41-5 du code de procédure pénale.

Nous proposons donc la création d’un article 41-6 dans ledit code, afin d’introduire les dispositions prévues par ce texte pour les scellés.

M. le président. Quel est l’avis de la commission ?

M. Nicolas Alfonsi, rapporteur. La commission n’a pas pu examiner cet amendement.

Je rappelle que des circulaires du ministère datant, me semble-t-il, de 2010 et 2011, soit avant que ce texte ne soit déposé, avaient anticipé le problème de la conservation des scellés. J’avoue d’ailleurs avoir été quelque peu perturbé en découvrant, à la lecture d’un article du journal Le Monde, que l’Assemblée nationale délibérait sur le même sujet. J’ai donc pensé qu’il y aurait sans doute quelques corrections à apporter. C’est, madame la garde des sceaux, ce que vous faites à travers cet amendement de coordination et d’anticipation, auquel je suis personnellement favorable.

M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 20.

(L'amendement est adopté.)

M. le président. L'amendement n° 3, présenté par M. Vandierendonck et les membres du groupe socialiste et apparentés, est ainsi libellé :

Alinéa 2, première phrase

Après les mots :

cour d’assises,

insérer les mots :

ou par un tribunal correctionnel pour un délit puni d’au moins sept ans d’emprisonnement,

La parole est à M. René Vandierendonck.

M. René Vandierendonck. Il ne paraît pas cohérent de réformer la procédure de révision des condamnations pénales en matière de crimes et de délits sans, dans le même temps, étendre aux délits les plus graves les modifications des règles de conservation des scellés, d’autant que le phénomène de correctionnalisation aboutit à qualifier de délits un certain nombre d’actes.

C’est pourquoi, en retenant un quantum de peine assez élevé – les délits punis d’au moins sept ans de prison –, nous demandons que la dérogation visée à cet article concerne également les peines les plus lourdes prononcées par un tribunal correctionnel.

Je souhaiterais, en tout cas, connaître la position de Mme la garde des sceaux sur cette question.

M. le président. Quel est l’avis de la commission ?

M. Nicolas Alfonsi, rapporteur. La commission a émis un avis favorable sur cet amendement.

J’y étais, à titre personnel, opposé, anticipant sans doute les propos que vous avez tenus à la tribune, madame la ministre, sur l’augmentation du nombre de demandes qui ne manquera pas de survenir si nous étendons la conservation des scellés aux délits punissables de sept ans d’emprisonnement, et sur le coût en résultant.

Je comprends la préoccupation de l’auteur de cet amendement, qui redoute que la correctionnalisation de certaines affaires, notamment dans le domaine sexuel, soit de nature à faire disparaître beaucoup de scellés.

Mais il faut aussi songer aux problèmes que pourrait poser cette mesure en termes d’administration de la justice. Les délits punissables d’une peine de sept ans d’emprisonnement étant tout de même très nombreux, on peut craindre notamment que les procureurs ne soient assaillis de milliers de demandes.

La commission s’est néanmoins prononcée en faveur de cet amendement.

M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?

Mme Christiane Taubira, garde des sceaux. Nous comprenons parfaitement votre préoccupation, monsieur Vandierendonck. Sur le principe, il est en effet difficile d’admettre que soient exclues du dispositif les condamnations à sept ans de prison et plus prononcées par un tribunal correctionnel.

Toutefois, je ne vous cache pas qu’une telle mesure aurait, elle aussi, comme l’enregistrement systématique des audiences de cour d’assises, des effets importants. De fait, si les cours d’assises rendent environ 3 000 décisions par an, ce sont 50 000 décisions rendues par les tribunaux correctionnels qui seraient concernées par l’ouverture du dispositif aux délits que vous visez dans cet amendement.

J’admets toutefois le caractère paradoxal de cet argument, car rejeter votre amendement reviendrait à mettre de côté un nombre important de décisions de justice, alors que nous voulons au contraire poser philosophiquement et éthiquement le principe d’une révision toujours possible. Et je rappelle que les condamnations correctionnelles peuvent faire l’objet d’une révision depuis la loi de 1867.

Dans l’immédiat, je vous suggérerai de retirer votre amendement, monsieur le sénateur, mais nous ne comptons pas en rester là. Vous vous souvenez sans doute que nous avons eu, ici même, voilà plusieurs mois, une discussion à ce sujet. Je m’étais alors engagée à réfléchir sur ces questions ; c’est chose faite. Un groupe de travail a été mis en place, qui devrait rendre ses conclusions prochainement. Nous aurons ensuite à prendre des décisions par voie de décret et de circulaire afin de rationaliser, comme je l’ai souligné précédemment, la gestion des scellés.

À l’aune, notamment, de la proposition de loi de Jean-Pierre Michel, que vous avez mentionnée tout à l’heure, je propose que nous retravaillions sur ces questions.

Pour ma part, j’ai en effet du mal à accepter que pour des motifs d’ordre essentiellement pécuniaire, nous renoncions à intégrer des décisions judiciaires dans le dispositif. Il reste que nous ne pouvons faire preuve de légèreté et ignorer les effets d’une telle mesure, car nous ne rendrions alors service ni aux justiciables, ni à la société, ni à l’institution judiciaire.

Sous le bénéfice de ces informations et de cet engagement, je vous demande donc de bien vouloir retirer votre amendement.

M. le président. Monsieur René Vandierendonck, l'amendement n° 3 est-il maintenu ?

M. René Vandierendonck. Non, je le retire, monsieur le président.

M. le président. L'amendement n° 3 est retiré.

L'amendement n° 4, présenté par M. Vandierendonck et les membres du groupe socialiste et apparentés, est ainsi libellé :

Alinéa 2, première phrase

Compléter cette phrase par les mots :

et la partie civile

La parole est à M. René Vandierendonck.

M. René Vandierendonck. Cet amendement vise à permettre à la partie civile d’être consultée sur la conservation des scellés.

Lors de mon entretien avec des représentants de l’Union syndicale des magistrats, on m’a en particulier fait valoir qu’une personne condamnée pouvait tout à fait avoir un intérêt à voir disparaître certaines pièces à conviction, dans la perspective d’une requête en révision, dès lors que la disparition de ces pièces serait de nature à faire naître ou renforcer le doute sur sa culpabilité. C’est d’autant plus vrai que le parquet, qui est en charge des scellés – nous aurons l’occasion de revenir sur ce point, madame la garde des sceaux –, n’est pas nécessairement celui qui a la connaissance la plus approfondie du dossier.

Ainsi, non sans vous avoir indiqué l’origine de ma démarche, je propose que la partie civile soit informée du sort des scellés.

M. le président. Quel est l’avis de la commission ?

M. Nicolas Alfonsi, rapporteur. La commission a émis un avis défavorable sur cet amendement.

C’est, me semble-t-il, abuser du parallélisme des formes que de considérer que, dès lors que l’on donne le droit aux condamnés de s’opposer à la destruction des scellés, il faudrait impérativement retrouver un équilibre en donnant un pouvoir équivalent à la partie civile. Or, à partir du moment où une condamnation définitive est intervenue, la partie civile est étrangère au procès en révision.

Peut-on vraiment imaginer une situation où la partie civile, ainsi placée sur un pied d’égalité avec le condamné, serait appelée à s’interroger pour savoir si celui-ci, faisant preuve d’un comportement particulièrement pervers, ne s’opposerait pas à la destruction des scellés dans la perspective d’une éventuelle révision au cours de laquelle la conservation de ces scellés pourrait lui être défavorable ? N’est-ce pas aller tout de même très loin ?

Dans ces conditions, il ne me semble guère opportun d’accroître la charge de travail du procureur. Car c’est bien lui qui demande l’autorisation de détruire les scellés. S’ils ne sont pas détruits, la chambre de l’instruction est saisie. Toute cette procédure représente pour les parquets et l’ensemble des services judiciaires des tâches dont on peut faire l’économie.

M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?

Mme Christiane Taubira, garde des sceaux. Le Gouvernement est également défavorable à cet amendement. L’hypothèse est en effet peu probable puisqu’il s’agira nécessairement d’une personne condamnée.

J’en profite pour exprimer très clairement l’approche du Gouvernement en matière de politique d’aide et d’accompagnement des victimes, et de gouvernance à cet égard. Nous pensons cette gouvernance en tant que telle : les victimes ont des droits. Dans le projet de réforme pénale qui vous sera soumis prochainement, ces droits seront rassemblés et renforcés.

Nous avons également pris un certain nombre de mesures en faveur des victimes en augmentant d’emblée de 25,8 % le budget qui leur est consacré.

Nous avons également ouvert des bureaux d’aide aux victimes dans tous nos tribunaux de grande instance : cent bureaux ont ainsi été ouverts en une seule année.

Récemment, j’ai décidé d’expérimenter des dispositions intéressantes d’une directive européenne, qui portent notamment sur l’accompagnement individualisé des victimes, bien avant sa transposition obligatoire en décembre 2015.

Nous nous soucions donc beaucoup de l’accompagnement et de la prise en charge des victimes, de leurs droits et de leur protection. Je dirais presque que nous menons cette action de façon autonome, au regard de l’observation tout à fait pertinente que vient de faire M. le rapporteur. Nous ne devons pas réhabituer la société à ce parallélisme entre la victime, ou la partie civile, et la personne mise en cause, sauf à ce que notre institution judiciaire perde l’essentiel de sa dimension démocratique.

M. René Vandierendonck. Je retire l’amendement, monsieur le président !

M. le président. L'amendement n° 4 est retiré.

L'amendement n° 5, présenté par Mme Lipietz et les membres du groupe écologiste, est ainsi libellé :

Alinéa 2, deuxième phrase

Supprimer le mot :

éventuelle

La parole est à Mme Hélène Lipietz.

Mme Hélène Lipietz. Il convient de faire la guerre aux adjectifs inutiles et, en l’occurrence, de supprimer l’adjectif « éventuelle ». En effet, dès lors que le condamné fait savoir son opposition, celle-ci n’est plus éventuelle. Il s’agit donc d’un amendement de bon sens.

M. le président. Quel est l’avis de la commission ?

M. Nicolas Alfonsi, rapporteur. Favorable.

M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?

Mme Christiane Taubira, garde des sceaux. Favorable également : cet amendement tend à améliorer le texte.

M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 5.

(L'amendement est adopté.)

M. le président. L'amendement n° 6, présenté par Mme Lipietz et les membres du groupe écologiste, est ainsi libellé :

Alinéa 2, troisième phrase

Après le mot : 

saisit

insérer les mots :

, dans un délai d'un mois,

La parole est à Mme Hélène Lipietz.