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Prise d’effet de nominations à une commission mixte paritaire
M. le président. M. le président du Sénat a reçu de M. le Premier ministre la demande de constitution d’une commission mixte paritaire chargée de proposer un texte sur les dispositions restant en discussion du projet de loi portant transposition de la directive 2012/13/UE du Parlement européen et du Conseil du 22 mai 2012 relative au droit à l’information dans le cadre des procédures pénales.
En conséquence, les nominations intervenues lors de notre séance du 30 avril dernier prennent effet.
Mes chers collègues, nous allons interrompre nos travaux pour quelques instants.
La séance est suspendue.
(La séance, suspendue à dix-huit heures trente, est reprise à dix-huit heures trente-cinq.)
M. le président. La séance est reprise.
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Statut des stagiaires
Suite de la discussion en procédure accélérée d'une proposition de loi dans le texte de la commission
M. le président. L’ordre du jour appelle la suite de la discussion, à la demande du groupe socialiste, de la proposition de loi, adoptée par l’Assemblée nationale après engagement de la procédure accélérée, tendant au développement, à l’encadrement des stages et à l’amélioration du statut des stagiaires (proposition n° 396, texte de la commission n° 459, rapport n° 458).
Je vous rappelle que nous avions commencé l’examen de cette proposition de loi lors de notre séance du mardi 29 avril dernier.
Dans la suite de la discussion générale, la parole est à Mme Dominique Gillot.
Mme Dominique Gillot. Monsieur le président, madame la ministre, madame la présidente de la commission des affaires sociales, monsieur le rapporteur, mes chers collègues, après cette longue interruption de la discussion du texte, je vais synthétiser l’intervention que devait faire notre collègue Ronan Kerdraon et la mienne.
L’examen, aujourd’hui, de cette proposition de loi tendant au développement, à l’encadrement des stages et à l’amélioration du statut des stagiaires participe de la réflexion, déterminante, à conduire pour l’avenir de notre jeunesse, sa place dans notre société, la reconnaissance de ses aptitudes et la considération de son statut, fondamentale pour impliquer la responsabilité de l’ensemble des organismes chargés d’organiser et d’accueillir les stages.
L’urgence d’agir pour l’insertion professionnelle des jeunes n’est plus à démontrer. Depuis le début de cette crise, qui modifie durablement nos perspectives, le chômage des jeunes a augmenté de 50 % dans l’Union européenne. La situation dans notre pays est peut-être moins alarmante, mais la projection de ces jeunes dans une situation instable ne fait qu’accroître leur inquiétude face à leur devenir.
Les conséquences de l’exclusion de la jeunesse sont dramatiques aujourd’hui, mais aussi pour demain. Elles cristallisent l’échec du relais aux générations nouvelles, l’échec de l’intégration transgénérationnelle et l’incapacité de notre société à ouvrir les portes d’un avenir confiant.
Pourtant, c’est en la jeunesse que nous devons trouver une source de richesse, de qualification, de croissance à même de restaurer la confiance. La discussion d’aujourd’hui porte non pas directement sur l’emploi, mais sur une des plus importantes passerelles entre le monde des études et le monde du travail : le stage.
Un meilleur encadrement des stages est l’objectif à mettre en œuvre pour réaffirmer le partenariat respectueux entre les deux secteurs concernés : le secteur éducatif et le secteur économique.
Le Président de la République avait fait de l’encadrement des stages l’engagement n° 39 de sa campagne. Ronan Kerdraon et moi-même nous félicitons, comme beaucoup de présents ici, de voir que la promesse est tenue. Car l’emploi des jeunes est un enjeu prioritaire !
Dans son rapport du mois de septembre 2012, le Conseil économique, social et environnemental a estimé le nombre de stages en milieu professionnel à environ 1,6 million par an, contre 600 000 en 2006.
S’il faut bien évidemment développer les stages, qui offrent de réelles opportunités, il est important de souligner les difficultés spécifiques rencontrées par les jeunes en formation ou même déjà diplômés, qui expliquent en partie cette situation.
Que les jeunes s’y préparent ou disposent de brevets de technicien supérieur, ou BTS, de diplômes universitaires de technologie, ou DUT, de diplômes de grandes écoles ou de diplômes universitaires, nous nous devons de n’oublier personne.
En France, la part de jeunes âgés de vingt-cinq à trente-quatre ans titulaires d’un diplôme de l’enseignement supérieur avoisine 40 %, plaçant notre pays parmi les plus avancés de l’Europe ou de l’OCDE. C’est une bonne chose, mais il faut souligner les fortes disparités qui existent entre nos territoires.
Certaines régions se détachent à la fois par leur proportion élevée de jeunes diplômés et par leur progression. C’est le cas de l’Île-de-France, mais aussi de la Bretagne et des régions Midi-Pyrénées ou bien encore Rhône-Alpes.
Cependant, selon l’Association pour faciliter l’insertion professionnelle des jeunes diplômés, l’AFIJ, près d’un tiers des jeunes diplômés de l’année 2011 n’ont encore occupé aucun poste depuis la fin de leurs études. C’est évidemment inadmissible, surtout quand le nombre de stagiaires augmente !
On observe une corrélation entre l’augmentation du nombre de stagiaires en France et la hausse du chômage des jeunes. Le chômage des jeunes âgés de quinze à vingt-quatre ans est passé de 17,3 % au mois de janvier 2008 à 24,6 % au deuxième trimestre 2013. Cette situation et ces chiffres doivent nous interpeller ! Ils parlent d’eux-mêmes quand 47 % des jeunes non diplômés occupent toujours un contrat à durée déterminée quatre ans après leur sortie de formation, contre 26 % des jeunes diplômés du supérieur.
Même s’il est en baisse ces derniers mois, le taux de chômage des moins de vingt-cinq ans est encore trop élevé et la demande de diplômes supérieurs est toujours en augmentation.
Pire, le nombre de stages comptabilisés correspondant en réalité à des emplois réels est évalué à 100 000 ! C’est une dérive inacceptable : l’emploi durable doit être une de nos priorités pour les jeunes.
N’oublions pas que 17 % des jeunes âgés de dix-huit à vingt-neuf ans vivent en dessous du seuil de pauvreté, contre 13 % pour l’ensemble de la population. En 2008, plus d’un pauvre sur deux avait donc moins de trente-cinq ans !
Le comité interministériel de la jeunesse du 21 février 2013 avait fixé une feuille de route claire sur le sujet, et le Gouvernement, en accord avec les partenaires sociaux, avait souhaité, lors de la grande conférence sociale du mois de juin 2013, qu’une initiative législative voie rapidement le jour. Certes, des initiatives ont été prises ces dernières années. De nombreux textes ont été votés pour protéger les stagiaires des abus dont ils sont victimes, avec un encadrement législatif et réglementaire progressif des stages. Le premier texte sur le sujet a été élaboré par le groupe socialiste du Sénat en 2006, sur l’initiative de notre collègue Jean-Pierre Godefroy, rapporteur de la présente proposition de loi.
Quelques mois après la création du collectif Génération précaire a été votée la loi sur l’égalité des chances. Elle a instauré l’obligation d’une convention de stage et prévu une franchise des cotisations patronales censée permettre aux entreprises de mieux indemniser les stagiaires. Ainsi, dans les entreprises privées, les stages de plus de trois mois doivent obligatoirement être rémunérés, mais le montant minimal n’a pas été fixé.
Il y a eu une nouvelle avancée avec la loi du 24 novembre 2009 relative à l’orientation et à la formation professionnelle tout au long de la vie, qui a instauré une « gratification » d’au moins 436,12 euros mensuels, à partir de deux mois de stage, contre trois mois auparavant. Votée en 2011, la loi Cherpion sur l’apprentissage a obligé les entreprises à respecter un délai de carence entre l’accueil de deux stagiaires sur un même poste, égal au tiers de la durée du stage précédent. L’objectif, clairement affiché au fil des textes, est donc bien d’« éviter les emplois déguisés ».
La loi précise d’ailleurs que les stages « ne peuvent pas avoir pour objet l’exécution d’une tâche régulière correspondant à un poste de travail permanent de l’entreprise ». C’est notamment pour permettre des contrôles de l’inspection du travail que la loi Cherpion de 2011 imposait aux entreprises de tenir à jour un registre de leurs stagiaires. Malheureusement, le décret n’a toujours pas vu le jour.
La loi du 22 juillet 2013 relative à l’enseignement supérieur et à la recherche, ou loi ESR, a, elle aussi, marqué une avancée sur le sujet en fixant la durée maximale de stage à six mois et en rendant obligatoire une gratification d’au moins 436,12 euros mensuels à partir de deux mois de stage, et ce dès le commencement du stage.
La présente proposition de loi vise à rassembler toutes les dispositions en un seul et même texte pour plus de lisibilité, dans le même code de l’éducation, et aussi à aller plus loin, en dotant les stagiaires de droits effectifs au regard de la place qu’ils occupent de manière temporaire et contractuelle dans les entreprises, l’exercice de ces droits étant, de mon point de vue, une bonne manière de préparer la responsabilité et l’insertion professionnelle des bénéficiaires.
Ainsi, mieux considérés dans la communauté instituée de l’entreprise, les stagiaires percevront mieux la qualité du rapport employeur-employé, sans se confondre avec les salariés, et pourront mieux penser l’évolution de leur ambition de carrière.
Les stages et périodes de formation en milieu professionnel donnent également aux entreprises l’opportunité de bénéficier de compétences nouvelles, de se constituer un vivier de recrutement potentiel, tout en leur permettant éventuellement d’éprouver leurs procédures pour assurer les meilleures conditions d’une réelle transmission de savoir-faire.
Avec environ 1,6 million de stages effectués par an, et des entreprises qui ont de plus en plus recours aux stagiaires, dans des proportions parfois déraisonnables, la force vive, l’utilité, la capacité de stimulation de nos jeunes ne sont pas à démontrer.
Il convient toutefois de souligner que, de façon paradoxale, de nombreux jeunes éprouvent des difficultés à trouver des stages. Les causes sont multiples, nous les connaissons : absence d’un réseau personnel et/ou familial, méconnaissance du monde du travail ou discriminations similaires à celles qui sont mises en cause pour l’accès à l’emploi.
N’oublions pas, mes chers collègues, que le stage est défini comme un outil de formation intégré dans un parcours de formation défini. Ainsi, l'article 7 de l’arrêté du 1er août 2011 relatif à la licence définit bien le cadre : « Chaque parcours prévoit la possibilité d’un stage obligatoire ou facultatif intégré au cursus et faisant l’objet d’une évaluation concourant à la délivrance du diplôme. »
Les liens entre université et entreprise, tout comme l’insertion professionnelle, ne doivent pas se traduire par des accueils bâclés, des stages mal ou pas encadrés, des stages qui ne nourrissent pas les formations dans lesquelles les étudiants sont engagés, pis des stages qui se substituent à l’emploi de personnes peu ou pas qualifiées, des stages qui utilisent la disponibilité, les aptitudes, les aspirations des jeunes, plus qu’ils ne transmettent des compétences, des savoir-faire ou des savoir-être.
Le stage comporte bien une finalité de professionnalisation, mais il n’est juridiquement pas un emploi et ne doit pas l’être. La relation entre le stagiaire et l’organisme d’accueil n’est pas fondée sur un contrat de travail.
Levons les ambiguïtés, génératrices de trop nombreuses difficultés auxquelles nous devons répondre. Ainsi, 63 % des stages durent deux mois ou plus, et seulement 50 % des stagiaires perçoivent une « gratification ». En outre, dans 60 % des stages offrant une gratification, le montant de celle-ci est compris entre 436 euros et 600 euros.
Le montant de gratification est supérieur à la règle pour seulement 20 % des stages. Trop nombreux sont ceux qui définissent la gratification du stagiaire comme une rémunération, mais non ! Car une rémunération est liée à un contrat de travail, ce qui n’est pas le cas pour un stage.
Cependant, cette question de la gratification n’est pas neutre.
La réussite des étudiants tout au long de leur parcours dépend aussi et en grande partie de leurs conditions de vie. Or, trop souvent, celles-ci sont difficiles, notamment en matière de ressources, et, généralement, même ceux qui n’ont pas l’absolue nécessité de travailler pendant l’année universitaire profitent de l’été pour provisionner l’année suivante.
Or, dans certains cursus, le développement des périodes de stages obligatoires pendant les vacances perturbe ce schéma et n’est pas assez encadré par les universités.
La gratification des stages, que notre rapporteur propose de porter à 15 % du plafond sécurité sociale, en plus de rétribuer un service effectué, permettra à de nombreux stagiaires de contribuer à leur équilibre d’autonomie financière, de participer aux moyens de leur subsistance et de poursuivre leur parcours.
C’est aussi une forme de justice et de reconnaissance d’un engagement respecté, la valorisation d’une contribution à un projet d’équipe, voire la réalisation d’un réel projet personnel utile à la marche de l’entreprise. La réalité est que certaines entreprises ont tendance à abuser des stages – qui coûtent moins cher : gratification inférieure à un salaire minimum et absence de cotisations sociales – pour placer des stagiaires sur des postes de travail permanents au lieu de recruter des salariés.
La hantise du chômage pèse tout au long du parcours sur la construction de soi et c’est aussi une cause de la multiplication des stages.
Pour éviter des périodes d’inactivité trop longues, les jeunes multiplient les stages en acceptant parfois des conditions dépassant le cadre légal d’un stage, tout cela dans l’espoir de décrocher un CDD et, enfin, un CDI.
Ainsi, les périodes de stage deviennent fréquemment un véritable sas d’entrée dans la vie active, mais conduisent encore trop souvent à la fragilisation des jeunes qui s’y soumettent sans voir aboutir leur demande d’embauche.
Le stage est bien un outil de formation pédagogique, une expérience pratique qui s’inscrit dans un cycle d’enseignement. Il doit être appréhendé comme une manière de confronter la connaissance théorique à la pratique, de les concilier, pour en tirer des observations, des questionnements utiles à la maturation du projet professionnel.
En aucun cas, il ne peut s’agir pour les entreprises d’un biais pour obtenir de la main-d’œuvre bon marché, mal considérée, corvéable, dans une situation précaire stérile et profondément pesante pour toutes les parties.
Plus encore, la jeunesse ne doit pas être amenée à tout accepter, parce que le chômage rôde et qu’il faudrait nourrir un CV par la multiplication de ces périodes pas toujours propices à la fructification des acquis.
Mes chers collègues, trop de jeunes aujourd’hui oscillent entre périodes d’activité – stages, intérim, CDD... – et périodes de chômage. Pour eux, ce sont des expériences professionnelles. Pour moi, c’est de la précarisation ! Il faut cesser ces pratiques pour apporter une insertion stable, durable des jeunes dans la vie professionnelle !
Je suis persuadée que l’État doit intervenir. Les premiers efforts sont là. Il faut renouer le dialogue avec les partenaires sociaux, les régions, élaborer des stratégies de confiance pour redonner à la jeunesse une vision positive et moins sombre de l’avenir, de son avenir.
Nous connaissons la détermination du Gouvernement en la matière. Il faut le soutenir.
Aussi, cette proposition de loi apporte des éléments de régulation. Nous encourageons les entreprises offrant par le stage un investissement d’avenir et nous condamnons la concurrence déloyale de celles qui ont des pratiques douteuses.
Cependant, les entreprises ne sont pas seules en cause, ce que souligne d’ailleurs le mouvement Génération précaire : « On sous-estime beaucoup la responsabilité des établissements qui, aujourd’hui, professionnalisent leur formation non pas par les cours dispensés par les enseignants, mais par le recours à des stages à outrance. » La formation est externalisée au maximum dans les entreprises. Dans certaines écoles de commerce, 70 % de la formation se fait en dehors des murs de l’établissement !
Bien souvent, certaines écoles privées, à but lucratif, qui fournissent un grand nombre de stagiaires aux entreprises, notamment de nombreuses écoles de commerce, de communication, de marketing, ou encore de journalisme, n’assurent aucun suivi !
Des universités restent discrètes sur le sujet, refusant parfois de communiquer sur ce sujet, voire, dans certains cas, de transmettre leurs statistiques au ministère de l’enseignement supérieur et de la recherche. Pourtant, elles disposent d’un service dédié à l’orientation, à l’information et à l’insertion professionnelle – la dénomination du service varie en fonction des universités –, mais les moyens restent insuffisants pour offrir aux étudiants le suivi nécessaire au bon déroulement d’un stage.
L’article 1er de la proposition de loi fixe les missions de l’établissement d’enseignement. Ce dernier doit encadrer l’élève ou l’étudiant dans sa recherche de stage, définir au mieux le parcours pédagogique, en précisant les compétences à acquérir ou à développer, enfin désigner un enseignant référent chargé du suivi et du bon déroulement du stage de l’étudiant, voire chargé de recueillir son avis sur cette période. Il prévoit également de limiter la durée du stage à six mois et de mettre fin aux régimes dérogatoires actuellement en vigueur, à l’issue d’une période de transition de deux ans. Ce sont là des outils pour lutter efficacement contre le recours abusif aux stages.
Il est également nécessaire de plafonner le nombre des stagiaires dans les effectifs des entreprises, mais il faut le faire avec souplesse pour s’adapter à la réalité des entreprises et ne pas entraver les possibilités d’accueil. Voilà pourquoi est posé le principe de la limitation, par voie réglementaire, du nombre de stagiaires rapportés à l’effectif global de l’organisme d’accueil.
Nous souhaiterions que le décret tienne compte de la diversité des situations, notamment pour les TPE, les PME ou les start-up, pour qui les stagiaires sont souvent de réels « investissements d’avenir », dont elles testent l’adhésion à leur projet et que, la plupart du temps, elles gardent pour assurer leur développement.
Les maisons familiales rurales et les instituts de recherche doivent aussi bénéficier de cette adaptation.
À la lecture de cette proposition de loi, des questions essentielles se sont posées concernant l’alternance. Le Gouvernement les a entendues et tient à répondre à ces inquiétudes.
La question relative à l’alternance est aussi fortement évoquée dans le domaine social.
Aussi Ronan Kerdraon a-t-il déposé un amendement proposé par l’Assemblée des départements de France afin de mettre en place une enveloppe d’intérêt général pour les établissements médico-sociaux destinée à financer le surcoût des stages des élèves ou étudiants en travail social.
L’encadrement doit lui aussi être réglementé. Aussi, un même tuteur ne peut encadrer qu’un nombre limité de stagiaires pour garantir la qualité de cet encadrement et faciliter sa tâche.
Par ailleurs, le texte prévoit d’exonérer d’impôt sur le revenu les gratifications versées aux stagiaires.
L’article 2 met en place une partie spécifique dans le registre unique du personnel où, comme pour les salariés, les nom et prénoms des stagiaires seront inscrits de façon indélébile.
Voilà pourquoi est renforcée l’interdiction de substituer un stage à un emploi permanent. Ne faisons pas de notre jeunesse une main-d’œuvre bradée.
Grâce à ce texte, le stagiaire bénéficiera des mêmes droits et de la même protection que les salariés dans l’entreprise. Il jouira ainsi de congés, d’autorisations d’absence par exemple, d’avantages sociaux pour la restauration, les déplacements. Il s’agit là de belles avancées.
Des dispositions permettront également de valider des stages écourtés pour des raisons médicales ou autres recevables.
Cette loi permettra aussi, en cas d’embauche, la prise en compte de la période de stage dans la période d’essai.
Léo Lagrange disait : « Aux jeunes, ne traçons pas un seul chemin ; ouvrons-leur toutes les routes ». Mes chers collègues, c’est à cela que nous invite ce texte et c’est pourquoi le groupe socialiste le soutient. (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste. – M. Jean Desessard applaudit également.)
M. le président. La parole est à M. Raymond Couderc.
M. Raymond Couderc. Monsieur le président, madame, monsieur les ministres, mes chers collègues, la semaine dernière, Catherine Procaccia et Jean-Léonce Dupont ont repris tous deux la phrase de Montesquieu : « Le mieux est l’ennemi du bien ! »
M. Charles Revet. Eh oui !
M. Raymond Couderc. Cette affirmation s’applique parfaitement à la proposition de loi que nous examinons aujourd’hui.
Je crois que, dans cet hémicycle, tout le monde sera d’accord pour dire qu’il faut mettre les barrières nécessaires pour empêcher certains employeurs indélicats d’utiliser les stagiaires comme de la simple main-d’œuvre bon marché ou pour assurer des tâches subalternes.
M. Charles Revet. Tout à fait !
M. Raymond Couderc. La loi du 31 mars 2006 pour l’égalité des chances y a mis bon ordre, d’autant que de plus en plus de lycéens et d’étudiants ont des stages obligatoires en entreprises inclus dans leur cursus de formation. Sans ces stages, leurs diplômes ne peuvent pas être validés. Je parle en connaissance de cause pour avoir dirigé en tant qu’universitaire des formations de DESS et de master. Cette loi précise aussi que « tout stage a pour objet d’assurer à l’étudiant une formation pratique en rapport avec l’enseignement suivi à l’université ».
Il faut donc veiller à la bonne application de la loi, d’autant plus que les stages ouvrent souvent la porte à l’emploi. Une publication du mois de mars dernier du Centre d’études et de recherches sur les qualifications, le CEREQ, indique que 35 % des jeunes diplômés trouvent leur premier emploi dans l’entreprise où ils ont effectué un stage ou assuré un emploi saisonnier.
Cependant, renforcer les mesures coercitives pour les entreprises, les services publics ou les associations, en limitant le nombre de stagiaires, en prévoyant des formalités lourdes, dont l’inscription des stagiaires dans un registre séparé de celui des salariés, en limitant les périodes de stage à six mois maximum, voilà qui risque de rétrécir singulièrement l’offre de stages.
En effet, il ne faut pas oublier que les entreprises, en accueillant des stagiaires, acceptent de consacrer du temps et des moyens pour former ces derniers à la pratique de leurs métiers. Il s’agit d’un réel investissement.
Or, en renforçant les contraintes, on risque de décourager les chefs d’entreprise – en particulier ceux des petites entreprises – d’accueillir des stagiaires.
En outre, les auteurs de ce texte prétendent aller vers plus de justice. Pourtant, c’est à l’effet inverse que l’on peut s’attendre. L’offre de stages se rétrécissant face à une demande croissante, seuls les étudiants disposant de relations ou de réseaux trouveront à se caser. (M. Charles Revet opine.) Les autres vont « galérer », comme disent les jeunes, pour réussir à trouver des entreprises d’accueil.
Mes chers collègues, l’entrée dans le monde du travail est aujourd’hui devenue un exercice extrêmement difficile pour les jeunes, même s’ils ont obtenu un diplôme. La tâche du législateur est de rendre les choses plus simples et plus faciles et non pas de tout compliquer et de multiplier les contraintes. (Applaudissements sur les travées de l'UMP. – Mme Françoise Férat applaudit également.)
MM. Bruno Sido et Charles Revet. Tout à fait !
M. le président. La parole est à M. le ministre.
M. François Rebsamen, ministre du travail, de l'emploi et du dialogue social. Je voudrais tout d’abord vous dire combien j’ai plaisir à être parmi vous au moment de la clôture de cette discussion générale.
Je voudrais aussi saluer et remercier Geneviève Fioraso, qui va animer ces débats, de même que M. le rapporteur de cette proposition de loi qui tend au développement, à l’encadrement des stages et à l’amélioration du statut des stagiaires, autant d’objectifs qui me semblent à l’exact opposé des propos que je viens d’entendre.
En effet, le débat important qui s’est engagé avec ce texte est nécessaire pour la protection des stagiaires, mais aussi pour l’amélioration de leur statut.
Dans le prolongement de l’intervention de Mme Gillot, on pourrait résumer en disant que cette proposition de loi est intelligente, car elle met le stage à sa juste place. En effet, la gratification n’est pas un salaire, et la convention de stage n’est pas un contrat de travail. Encore faut-il le rappeler ! Le stage est un temps de formation, très important pour les jeunes aujourd’hui, qui leur permet de s’insérer sur le marché du travail. De fait, on constate aujourd’hui une augmentation exponentielle du nombre de stagiaires, leur nombre ayant doublé depuis 2006, passant de 600 000 à 1,2 million environ par an.
Un tiers des jeunes stagiaires trouvent du travail ou ont une proposition de travail dans la structure au sein de laquelle ils ont effectué leur stage, 50 % d’entre eux étant même embauchés en CDI. On mesure donc avec ces chiffres l’importance des stages.
Pour autant, ce texte ne mérite pas les qualificatifs que je viens d’entendre, car il contient finalement des mesures de normalité, de bon sens. Il s’agit de lutter contre les abus. Fort heureusement, ils n’ont pas lieu d’être dans la majorité des cas. Mais ce texte a le mérite de créer un droit opposable et protecteur pour ceux qui subiraient ces abus.
Je rencontre nombre de chefs d’entreprise très heureux de prendre des stagiaires, mais eux-mêmes dénoncent ceux qui en profitent, et qui, de fait, nuisent aux stages de manière générale.
Il ne s’agit pas, en luttant contre les abus, de jeter l’opprobre sur tous les chefs d’entreprise, qui sont aujourd’hui nombreux à employer des stagiaires pour leur permettre de découvrir le monde du travail et de s’y insérer.
Avec cette proposition de loi, les vides juridiques, au sein desquels les abus peuvent précisément se loger, seront comblés.
Une chose est claire : le Gouvernement refuse de considérer que la jeunesse peut s’accommoder de la précarité.
Les dispositifs qui ont été mis en place ont permis, pour la première fois depuis fort longtemps, de faire reculer le chômage des jeunes. C’est un engagement qui avait été pris, et le pari a été tenu. En effet, de mars 2013 à mars 2014, le chômage des jeunes de moins de vingt-cinq ans a reculé de 2,6 %. C’est sans doute encore insuffisant, mais cela mérite d’être signalé.
Nous refusons tous la précarité et notre société, comme le Président de la République l’a encore rappelé ce matin, doit faire confiance à la jeunesse et lui donner toute sa place.
D’ailleurs, je ne doute pas que ce sera, ce soir ou très prochainement, également un engagement de la Haute Assemblée. (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste.)
M. le président. La parole est à Mme la secrétaire d'État.
Mme Geneviève Fioraso, secrétaire d'État auprès du ministre de l'éducation nationale, de l'enseignement supérieur et de la recherche, chargée de l'enseignement supérieur et de la recherche. Je serai très brève, car j’ai déjà eu l’occasion, en introduction de cette discussion générale, d’exposer les motivations qui ont conduit à la rédaction de cette proposition de loi, laquelle, en réalité, comme vient de le rappeler mon collègue François Rebsamen, est un texte de simplification. (Mme Catherine Procaccia est dubitative.)
Quelle est la réalité législative aujourd’hui ? Les stages sont régis par quatre lois et plus de six décrets, dont certains sont contradictoires entre eux, et d’autres contredisent l’esprit de la loi à laquelle ils sont rattachés. De surcroît, cette réglementation est contenue dans deux codes différents, le code du travail et le code de l’éducation.
Il s’agit donc d’abord de simplifier, au moyen d’un texte qui rassemble tous les dispositifs qui ont été adoptés par le passé, en leur donnant une vraie cohérence. Il s’agit de faire en sorte que les décrets ne dépendent plus que d’une seule loi, et qu’il n’y ait plus qu’un seul code de référence, le code de l’éducation, afin d’affirmer clairement ce qui devrait faire consensus entre nous, à savoir que le stage est avant tout un dispositif de formation. En effet, en aucun cas le stage ne doit se substituer à un CDD ou à un congé maternité, et il ne doit pas non plus remplacer une période d’essai avant une embauche.
Le stage est bien un outil de formation, qui doit s’intégrer dans une maquette de formation.