M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. Christian Eckert, secrétaire d'État. L’analyse juridico-constitutionnelle du rapporteur étant éloquente, je serai bref.
Dans ce texte, le Gouvernement a tiré les enseignements de la décision dont vous avez cité deux considérants, madame Beaufils. Les collectivités pourront toujours ester en justice au motif d’un défaut d'information et de conseil ou pour tout motif autre que celui d’une absence de TEG – son origine a été rappelée, il n’est pas forcément en rapport avec les contrats qui nous occupent.
Ce n’est jamais de gaieté de cœur, si j’ose dire, que le Parlement procède à des validations juridiques. Cependant, le risque financier, que nous estimons à 17 milliards d’euros – certains pensent que c'est moins, mais d’autres pensent que c'est plus –, constitue une menace très importante pour l’équilibre budgétaire, sans parler de ce qui a été dit à propos du risque systémique pesant sur l’ensemble du secteur ou des difficultés d’accès au crédit pour les collectivités territoriales.
Concernant ce dernier problème – je n’ai pas répondu, tout à l'heure, à quelques interpellations sur le sujet –, après des années difficiles, je crois que la situation s'est plutôt stabilisée, avec un certain équilibre entre l’offre et la demande pour le financement des collectivités territoriales.
Évidemment, le Gouvernement est défavorable à ces amendements, qui, d’ailleurs, vident le texte de sa substance – j’aurais pu commencer par là et reprendre, pour aller au fond, l’ensemble des arguments défendus depuis le début de notre discussion de cet après-midi.
M. le président. La parole est à Mme Cécile Cukierman, pour explication de vote.
Mme Cécile Cukierman. Je voterai bien sûr ces amendements. Et s'ils n’étaient pas adoptés, de même que l’ensemble de mon groupe, je ne voterai pas l’article 1er, qui est effectivement le cœur de ce projet de loi.
À plusieurs reprises, on a rappelé les considérants du Conseil constitutionnel dans sa décision de fin décembre. On a également évoqué le principe d’antériorité, qui, d’une façon plus générale, pose tout de même un problème délicat – vous en avez parlé tout à l'heure, monsieur le secrétaire d’État, au sujet de l’intervention de Mme Beaufils, qui revenait beaucoup sur l’histoire. S'il est remis en question, cela ne doit pas faire oublier l’histoire, lorsqu’elle peut être intéressante… Quant au motif d’intérêt général, dont on a aussi parlé, il reviendra au Conseil constitutionnel de se prononcer. Un but d’intérêt général – comme vous le soutenez depuis le début, monsieur le secrétaire d’État – justifie-t-il la mesure ?
Vous estimez le risque aux alentours de 17 milliards d’euros – c’est peut-être plus, ou peut-être moins. L’avenir le dira. Mais il est un peu facile, aujourd'hui, de nous annoncer une somme dont nous ne maîtrisons pas complètement le calcul puisque les procédures judiciaires ne sont pas parvenues à leur terme et qu'un certain nombre de collectivités susceptibles de saisir la justice ne l’ont pas encore fait. Nous en restons donc à des spéculations.
Je souhaite également revenir sur certains propos. Finalement, ce ne sont pas les collectivités qui ont créé les emprunts toxiques ; elles n’en sont pas responsables. J’entends le souci d’équilibre qui est le vôtre, monsieur le secrétaire d’État : vous êtes responsable du budget de l’État au Gouvernement. Quand vous parlez de réduire la dépense publique, c'est uniquement au niveau du budget de l’État. Mais in fine, les collectivités, les hôpitaux publics, les offices publics d’HLM, c'est aussi de la dépense publique ! Et même si les procédures en cours doivent s'arrêter, si elles sont rendues impossibles en vertu de la rétroactivité de la loi, cette dépense publique sera engagée…
Pour information, dans ma commune d’Unieux – située dans la Loire, elle comprend un peu moins de 9 000 habitants –, le conseil municipal a décidé unilatéralement en 2012 de ne pas payer à Dexia l’augmentation des taux d’intérêt. En effet, cette augmentation représentait le coût de treize emplois municipaux, ou celui du déneigement pour une saison en cas de forte neige, ou encore celui du fonctionnement du périscolaire – et la question des rythmes scolaires n’était pas posée à l’époque…
Je crois donc que des sommes considérables sont en jeu, qui doivent effectivement être prises en compte. Dans beaucoup des collectivités concernées, – cela a été rappelé dans un très bon ouvrage intitulé Dexia, une banque toxique – les agents de Dexia faisaient partie de la vie des élus et avaient leur pleine confiance. Dire aujourd'hui, de façon rétroactive, que ce n’est en définitive pas grave si le TEG n’est pas inscrit, c'est finalement accepter que ces personnes aient eu toute puissance sur les élus et reconnaître qu’elles ont pu faire signer à ces derniers un certain nombre de prêts dont ils ne maîtrisaient pas l’ensemble des tenants et aboutissants. Cela pose problème car quand on ne connaît pas l’ensemble des taux la situation est inégale entre celui qui fait signer et celui qui paiera.
Ainsi, je ne pense pas qu’en ne votant pas ces amendements – comme les interventions de ce début d’après-midi me le font supposer – et en votant cet article 1er, le Sénat, qui entend défendre les collectivités locales et les élus locaux, tienne vraiment son rôle. Aujourd'hui, ces collectivités attendent de nous autre chose que ce projet de loi.
M. le président. La parole est à M. Pierre-Yves Collombat, pour explication de vote.
M. Pierre-Yves Collombat. La question du manquement à l’état de droit, l’intrusion du législatif – je devrais dire plutôt de l’exécutif – dans le judiciaire ne semblant pas susciter la passion ni poser de problème, je n’insisterai pas.
Je reviendrai sur deux points qui me paraissent plus que problématiques.
D’abord, le traitement de faveur que le Gouvernement réserve aux organismes bancaires est d’autant plus incompréhensible que, à quelques exceptions près qui ont été évoquées tout à l’heure, ces derniers – Dexia en tête – ont failli à leur devoir de conseil. Je cite quelques courts passages du rapport de la Cour des comptes de 2011 :
« En définitive, le succès des emprunts dits « structurés » auprès des collectivités et établissements publics locaux et des hôpitaux semble avant tout dû à une stratégie commerciale efficace des établissements financiers, centrée sur des produits permettant d’opacifier la concurrence et de reconstituer des marges. »
« Les établissements de crédit qui ont conçu ces produits et les commercialisent ne donnent pas les informations financières nécessaires à la connaissance de leurs coûts. »
« Des informations exagérément optimistes, voire erronées, ont été données aux emprunteurs, leur garantissant une quasi-absence de risque ou bien que l’évolution de l’index leur serait nécessairement favorable. »
Mme Cécile Cukierman. C'est ce qui s'est passé !
M. Pierre-Yves Collombat. La Cour des comptes n’a tout de même pas l’habitude d’écrire ce genre de généralités si cela ne procède pas d’un travail approfondi.
En sanctionnant l’absence de mention de taux effectif global, du taux de période ou de la durée de période, le juge a considéré que ces informations étaient nécessaires à l’appréciation du coût réel final des prêts, qui est le véritable problème.
Comme la Cour des comptes, et à la différence du Gouvernement, le juge a considéré qu’il ne s'agissait pas là d’une étourderie ou d’une faute vénielle – comme l’article 2 le laisse entendre –, mais d’une faute essentielle, c’est-à-dire une absence d’information nécessaire pour prendre le risque.
Le Gouvernement se justifie – on l’a dit – en prédisant rien de moins qu’un risque pour l’économie et le système bancaire. Monsieur le secrétaire d’État, vous me disiez tout à l'heure que cela n’était pas vrai. Pourtant, d’après l’étude d’impact, « l'impact sur l'économie française en cas d'absence de validation serait d'autant plus important que le secteur bancaire dans son ensemble connaîtrait également des pertes significatives. »
Il y aurait donc des problèmes avec notre économie, des problèmes avec le système bancaire et, avec la dégradation de la capacité de la CAFFIL à lever des fonds, des difficultés de financement des collectivités territoriales elles-mêmes – c'est écrit en toutes lettres. Il y aurait même, nous laisse-t-on entendre, un renforcement de l’austérité budgétaire, car il faudrait bien, pour faire plaisir à Bruxelles, dégager des économies ailleurs.
L’autre point sur lequel je voudrais revenir est celui de l’évaluation du risque, estimé à 17 milliards d’euros. Vous me permettrez de ne pas être complètement convaincu par ce chiffrage. Différentes indications nous sont données, sans que l’on sache vraiment à quoi elles peuvent correspondre.
Ce qui me semble le plus important, ce sont les contreparties qu’il faudrait verser aux banques de couverture – là est le fond du problème. Quand on regarde les coûts, c'est à peu près l’équivalent ou les trois quarts du capital restant dû.
Si, dans cette affaire, l’essentiel du coût final dépend de ce que l’on accepte de verser aux banques de couverture, aux banques de compensation, alors il faut négocier avec elles, voire les traîner devant les tribunaux pour leur demander si les swaps qu’elles ont convertis sont licites. La ville de Paris, par exemple, a demandé l’annulation d’un swap de la Royal Bank of Scotland, et elle a gagné. Même si c'est en référé, même si le juge ne s'est pas prononcé sur le fond, le tribunal a décidé que la licéité de la couverture d’un contrat renvoie à la licéité de ce dernier. Peut-on garantir un contrat qui ne serait pas licite ?
Au lieu d’empêcher la poursuite des actions judiciaires, il me semble plus équitable, et moins mauvais sur le plan pratique, d’aller devant les tribunaux. Laissons la justice faire son travail !
M. le président. Je mets aux voix les amendements identiques nos 1 et 11.
(Les amendements ne sont pas adoptés.)
M. le président. Je mets aux voix l'article 1er.
(L'article 1er est adopté.)
Article 2
Sous réserve des décisions de justice passées en force de chose jugée, est validée la stipulation d’intérêts prévue par tout écrit constatant un contrat de prêt ou un avenant conclu antérieurement à l’entrée en vigueur de la présente loi entre un établissement de crédit et une personne morale de droit public, en tant que la validité de cette stipulation serait contestée par le moyen tiré de la mention d’un taux effectif global, d’un taux de période ou d’une durée de période qui ne sont pas déterminés conformément à l’article L. 313–1 du code de la consommation, dès lors que cet écrit constatant un contrat de prêt ou un avenant indique de façon conjointe :
1° Le montant ou le mode de détermination des échéances de remboursement du prêt en principal et intérêts ;
2° La périodicité de ces échéances ;
3° Le nombre de ces échéances ou la durée du prêt.
Lorsqu’un écrit tel que celui mentionné au premier alinéa mentionne un taux effectif global inférieur au taux effectif global déterminé conformément à l’article L. 313–1 du code de la consommation, l’emprunteur a droit au versement par le prêteur de la différence entre ces deux taux appliquée au capital restant dû à chaque échéance.
M. le président. Je suis saisi de deux amendements identiques.
L'amendement n° 2 est présenté par M. Collombat.
L'amendement n° 12 est présenté par Mme Beaufils, MM. Bocquet, Foucaud et les membres du groupe communiste républicain et citoyen.
Ces deux amendements sont ainsi libellés :
Supprimer cet article.
La parole est à M. Pierre-Yves Collombat, pour présenter l'amendement n° 2.
M. Pierre-Yves Collombat. Cet amendement est la suite logique de l'amendement n° 1. Je serai bref, puisque les arguments qui valaient pour celui-ci valent également pour le présent amendement.
La touche nouvelle, avec l’article 2, indique l’exposé des motifs, c’est de « mieux proportionner les conséquences financières d’une erreur de TEG à l’éventuel préjudice subi par l’emprunteur ».
Présenter comme une « erreur » une stratégie de vente volontaire – ce qui ressort clairement du rapport de la Cour des comptes que j’ai cité – est pour le moins quelque peu rapide. Même si c’est le cas, le rôle du législateur est-il de couvrir les erreurs des banques aux frais de leurs clients ? Je ne le pense pas. Celles-ci ne manquent d'ailleurs pas de collaborateurs qualifiés et généralement fort bien payés.
Je le répète, on se demande ce que le Gouvernement et les experts ont pu faire depuis 2008 pour que le système financier français en général et le système de financement des collectivités territoriales et du secteur public en particulier restent à la merci d’omissions, d’erreurs vénielles, dans la rédaction de documents contractuels habituels ou de jugements de tribunaux.
Encore une fois, la moins mauvaise solution dans cette affaire – pour laquelle il n’y a pas de bonne solution –, me semble-t-il, c’est de laisser la justice décider de ce qui constitue ou non une dissymétrie d’information suffisante pour sanctionner le prêteur ou celui qui a contracté le prêt.
Tel est le sens de cet amendement de suppression.
M. le président. La parole est à M. Éric Bocquet, pour présenter l'amendement n° 12.
M. Éric Bocquet. À travers cet article de validation législative, il s’agit, dans les faits, d’éviter la prolifération de ce que l’on pourrait appeler « la jurisprudence Saint-Maur-des-Fossés », puisque le motif retenu pour la constituer fut celui du taux effectif global erroné et, par voie de conséquence, la stricte application du taux d’intérêt légal.
Ainsi donc, l’intérêt général serait, dans le cas précis, après avoir tenté de priver les collectivités locales du droit d’ester en justice – c’est le fondement du fonds de soutien, qui ne peut être mobilisé qu’à raison du renoncement à toute poursuite à l’encontre du créancier présumé fautif –, de limiter les cas dans lesquels le bon droit des mêmes collectivités serait respecté.
L’impossibilité de défendre ses intérêts est une violation du principe constitutionnel de libre administration et un exemple éclairant sur la conception que certains se font parfois de l’intérêt général.
Qu’avons-nous d’ailleurs à y gagner ? Le rapport et l’étude d’impact, laquelle vient d’être citée, évoquent, avec une certaine gravité, un impact de 17 milliards d’euros pour l’ensemble des dossiers d’emprunts structurés qui nécessiteraient un provisionnement.
A-t-on simplement remarqué qu’en organisant les conditions d’une forme d’amnistie bancaire – qui semble d'ailleurs poser beaucoup moins d’états d’âme que l’amnistie sociale des militants syndicaux dont il fut question ici voilà quelques mois – on ne fait que déplacer une partie de la charge de ces fameux 17 milliards d’euros du compte de l’État vers celui des collectivités locales ?
En outre, structurellement, au sens de nos engagements européens, c’est exactement la même chose, puisque la dette publique comprend autant celle de l’État que celle des collectivités locales. La seule différence, en dernière instance, c’est que l’un peut laisser relativement courir son déficit budgétaire – et probablement imputer ces 17 milliards d’euros à un déficit de caractère conjoncturel – et que les autres sont tenues de présenter des comptes à l’équilibre tant en fonctionnement qu’en investissement.
La validation législative qui nous est ici proposée est donc un pur transfert de charges faisant de fait et de manière indirecte participer en quelque sorte « à l’insu de leur plein gré », selon l’expression devenue fameuse, les collectivités locales à l’extinction de Dexia.
Le problème, c’est qu’un tel transfert de charges n’a pas grand-chose à voir avec l’intérêt général et a beaucoup plus à voir, si l’on peut dire, avec les commodités d’une situation devenue par ailleurs assez inconfortable pour l’État ; un État dont nous savons pertinemment qu’il est aujourd’hui engagé dans un mouvement de réduction de son déficit budgétaire tant structurel que conjoncturel. À partir de ce postulat, tout fait le compte pour parvenir à l’objectif.
L’intérêt général serait-il donc de sacrifier la situation financière de quelques communes endettées, de plusieurs hôpitaux aujourd’hui dans l’incapacité de répondre aux attentes de leurs patients, de syndicats et d’établissements intercommunaux aux ressources asséchées sur l’autel des critères de convergences du traité budgétaire européen ? Tout cela pour conduire à reconnaître irresponsables les dirigeants d’une banque en faillite, et à laisser les financiers qui ont tiré parti, usé et abusé des éléments de couverture des emprunts structurés apprécier l’importance de leurs plus-values !
M. le président. Quel est l’avis de la commission ?
M. Jean Germain, rapporteur. Ces deux amendements de suppression de l’article 2 sont évidemment le pendant des amendements de suppression de l’article 1er, j’y serai donc défavorable pour les mêmes motifs.
Je voudrais ajouter qu’il n’y a point d’autorité en force de chose jugée en l’occurrence. Sinon, il ne pourrait y avoir de projet de loi de validation. Il n’y a qu’une décision de première instance et l’on ignore quelle sera la décision en appel. Je souligne que les collectivités territoriales pourront continuer à déposer des recours, sauf sur le motif de l’absence de TEG ou de TEG erroné. C’est tout de même un point important qu’il convenait de signaler.
Faute de loi de validation, je l’ai dit tout à l’heure, les commissaires aux comptes demanderaient immédiatement que le risque financier soit provisionné. C’est là que nous connaîtrions vraiment le risque ! En tout cas, plusieurs milliards d’euros devraient être inscrits au bilan de Dexia et de la SFIL. Si l’activité bancaire de la SFIL était insuffisante pour couvrir ce risque, il faudrait que l’État intervienne. Or l’Union européenne nous l’interdirait, parce qu’elle a accepté la SFIL à condition qu’elle exerce des activités bancaires normales. On peut considérer que c’est un oukase intolérable de la part de l’Union européenne, mais il n’empêche que c’est l’état de droit.
C’est la raison pour laquelle je conclurai sans me référer au Tour de France et au dangereux exemple auquel vous avez fait allusion en citant l’expression « à l’insu de mon plein gré », car quel exécutif de collectivité territoriale aurait accepté de se « doper » financièrement ? (Sourires.) Je crois que c’est impossible.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. Christian Eckert, secrétaire d'État. Je voudrais avancer un certain nombre d’arguments, même si je sens bien qu’ils ne convaincront pas l’intégralité des parlementaires présents.
On invoque les banques… Mais, à tort ou à raison, en 2008, le Gouvernement a demandé au Parlement de financer Dexia. De mémoire, je n’étais député que depuis peu, la commission des finances de l’Assemblée nationale s’était réunie en urgence, à la demande de Mme Lagarde, alors ministre, qui nous avait demandé d’accepter un amendement de dernière minute d’un montant de 1 milliard d’euros afin d’éviter l’apocalypse. Parallèlement, la Caisse des dépôts et consignations investissait quelque 2 milliards d’euros dans Dexia.
Mme Nicole Bricq. Eh oui !
M. Christian Eckert, secrétaire d'État. En 2011, un autre gouvernement décidait de poursuivre l’aventure et de remettre au pot – on pourra juger l’histoire lorsqu’on en connaîtra la fin… La quasi-totalité des emprunts se trouve ainsi détenue par deux structures, Dexia et la SFIL, où l’État soit est actionnaire, soit garantit les autres actionnaires.
Telle est la situation dont nous héritons. Alors, je ne verse pas de larmes sur les dirigeants qui ont conduit à cette situation – je me suis exprimé, en d’autres temps, sur le sujet. Je ne verse pas non plus de larmes sur les collectivités qui auraient pu s’engager sciemment dans une aventure dont elles paient aujourd’hui les conséquences. Je ne sais toutefois pas faire le tri entre celles qui ont été abusées – il y en a beaucoup ! – et celles qui voulaient profiter d’une aubaine (M. Jacques Chiron opine.) et s’en trouvent aujourd’hui marries. Pour ces dernières, il convient en outre d’opérer la distinction entre ceux qui ont pris la décision et ceux qui la supportent aujourd'hui, qui ne sont pas forcément les mêmes…
Certains d’entre vous remettent régulièrement en doute le risque évalué à 17 milliards d’euros, mais, comme j’ai tenté de l’expliquer à la tribune, certains organismes considèrent au contraire qu’une partie de cette somme serait sous-estimée. La prudence dans la gestion nous commande de dire à la représentation nationale que nous avons identifié un risque estimé à 17 milliards d’euros, dont une partie à court terme et une autre à plus long terme. Celui-ci se double d’un risque systémique, que certains dénient et que nous, nous mettons un peu moins en avant, pour des raisons de présentation par rapport à l’impérieuse nécessité évoquée tout à l’heure.
Voilà la situation dans laquelle nous nous trouvons. Nous n’amnistions ni ne sauvons les banques ! Nous sommes engagés, pour environ 17 milliards d’euros, dans deux structures. Si cela se passe mal, c’est le budget de l’État qui le supportera. Nous n’avons pas d’autre choix. Nous ne sommes pas en train de sauver tel dirigeant ou tels actionnaires de banque. Nous nous sauvons nous-mêmes, si j’ose dire !
Vous comprendrez, dans ces conditions, que le Gouvernement soit défavorable à ces deux amendements de suppression de l’article 2.
M. le président. La parole est à M. Pierre-Yves Collombat, pour explication de vote.
M. Pierre-Yves Collombat. Je voudrais revenir sur trois points.
D’abord, le problème auquel nous sommes confrontés n’est pas né en 2008 ; il est l’aboutissement d’un ensemble de transformations, toujours dans la même direction, d’alternance en alternance, permettant de financer très facilement les collectivités territoriales, apparemment beaucoup mieux qu’avec les systèmes vétustes… De ce point de vue, malheureusement, je pense que les responsabilités sont partagées.
Ensuite, ce qui me frappe, c’est le discours selon lequel nous serions confrontés à une mécanique implacable contre laquelle nous ne pouvons rien ! Nous ne pourrions que nous soumettre parce que les experts financiers, qui sont aussi les concepteurs de ce système, nous disent que nous sommes obligés de provisionner ! Nous devons également respecter nos accords avec Bruxelles.
Enfin, je constate que l’état de droit est parfois un peu de travers. Lorsqu’il s’agit de modifier la loi pour minimiser les pertes d’organismes financiers, en l’occurrence l’un où l’État est majoritaire, on n’a pas tellement d’états d’âme. En revanche, pour ce qui est de résister à cette mécanique implacable, c’est que l’on ne peut pas faire autrement, qu’il n’y a pas d’autre solution ! C’est un petit peu fort. L’impression qui domine c’est effectivement qu’il n’y a pas d’autre solution. La balance penche toujours du même côté. On va essayer de faire en sorte que le système bancaire essuie le moins de pertes possible dans cette affaire ; quant aux collectivités, ma foi, elles n’auront qu’à subir, elles ont l’habitude…
M. le président. La parole est à Mme Marie-France Beaufils, pour explication de vote.
Mme Marie-France Beaufils. Les questions que nous nous posons aujourd’hui découlent pour beaucoup de la pratique de Dexia. Je rappelle cependant que Dexia n’était pas la seule banque à proposer des emprunts structurés.
Par ailleurs, plusieurs autres pays européens ont été confrontés au même type de problème. Je voudrais revenir sur cet aspect, parce que c’est bien la conception même du système qui nous pose aujourd’hui problème, système qui est également porté par la conception de la construction européenne.
Pourquoi la BCE ne pourrait-elle accompagner les prêts des collectivités territoriales comme elle l’a fait pour ceux du secteur bancaire, à des conditions financières bien plus favorables que celles qui sont proposées aujourd’hui dans le cadre de la renégociation des prêts structurés ? En effet, pour renégocier les prêts qui leur ont été faits, la SFIL, nous dit-on, doit aller se refinancer sur le marché financier dans des conditions très onéreuses, conditions que vous comptabilisez dans ces 17 milliards d’euros.
Mme Marie-France Beaufils. En partie, j’entends bien, monsieur le secrétaire d’État. Mais c’est tout de même une des causes du problème qui est posé !
Pour quelle raison ne pourrions-nous solliciter la capacité de prêt de la BCE afin d’obtenir de meilleures conditions ? Il s’agit d’un vrai sujet, que j’ai abordé lors de mon intervention en discussion générale et sur lequel on ne m’a, pour le moment, pas répondu, et c’est pourquoi nous ne sommes pas partisans de ce texte, tel qu’il nous est proposé aujourd’hui.
M. le président. Je mets aux voix les amendements identiques nos 2 et 12.
(Les amendements ne sont pas adoptés.)
M. le président. Je mets aux voix l'article 2.
(L'article 2 est adopté.)
Article 3
(Non modifié)
Sont exclus du champ de la présente loi les écrits constatant un contrat de prêt ou un avenant comportant un taux d’intérêt fixe ou un taux d’intérêt variable défini comme l’addition d’un indice et d’une marge fixe exprimée en points de pourcentage. – (Adopté.)
Article additionnel après l'article 3
M. le président. L'amendement n° 5, présenté par Mme Lienemann, est ainsi libellé :
Après l’article 3
Insérer un article additionnel ainsi rédigé :
À la première phrase du premier alinéa du I de l’article 92 de la loi n° 2013–1278 du 29 décembre 2013 de finances pour 2014, après le mot : « locaux », sont insérés les mots : « , aux organismes d'habitations à loyer modéré mentionnés à l'article L. 422–2 du code de la construction et de l'habitation ».
Cet amendement n'est pas soutenu.
Article 3 bis (nouveau)
Dans un délai de huit mois suivant la promulgation de la présente loi, le Gouvernement remet un rapport au Parlement sur la réforme du taux effectif global.
Ce rapport s'attachera à proposer, au regard des jurisprudences récentes, des évolutions permettant de garantir l'information et la protection des emprunteurs professionnels ou personnes morales, en examinant notamment la possibilité d'obliger les prêteurs à indiquer le taux effectif global maximum que l'emprunteur pourrait être amené à payer – (Adopté.)
Articles additionnels après l'article 3 bis
M. le président. L'amendement n° 3, présenté par M. Collombat, est ainsi libellé :
Après l'article 3 bis
Insérer un article additionnel ainsi rédigé :
L’article 2224 du code civil est complété par un alinéa ainsi rédigé :
« Dans les actions en matière de contrat de prêts, ce délai est éventuellement augmenté des périodes de renégociations engagées entre les parties. »
La parole est à M. Pierre-Yves Collombat.