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Dossier législatif : proposition de loi relative à la sobriété, à la transparence et à la concertation en matière d'exposition aux ondes électromagnétiques
Discussion générale (suite)

Exposition aux ondes électromagnétiques

Discussion d'une proposition de loi dans le texte de la commission

Discussion générale (début)
Dossier législatif : proposition de loi relative à la sobriété, à la transparence et à la concertation en matière d'exposition aux ondes électromagnétiques
Discussion générale (interruption de la discussion)

M. le président. L’ordre du jour appelle la discussion, à la demande du groupe écologiste, de la proposition de loi, adoptée par l’Assemblée nationale, relative à la sobriété, à la transparence et à la concertation en matière d’exposition aux ondes électromagnétiques (proposition n° 310, texte de la commission n° 595, rapport n° 594, avis n° 592).

Dans la discussion générale, la parole est à Mme la secrétaire d’État.

Mme Axelle Lemaire, secrétaire d'État auprès du ministre de l'économie, du redressement productif et du numérique, chargée du numérique. Monsieur le président, messieurs les rapporteurs, mesdames, messieurs les sénateurs, la transformation de notre économie et de notre société est accélérée par le numérique. Il s’agit non plus d’une ambition, mais, dorénavant, d’un constat.

Au départ, le sujet intéressait quelques techniciens dans un cercle confiné, habitué à suivre les évolutions rapides de la sphère informatique. Aujourd’hui, le numérique est partout, et il est devenu un grand dessein industriel pour notre pays.

Le développement des usages de cette technologie peut et doit servir au développement d’une société plus inclusive, plus solidaire et plus respectueuse des attentes de nos concitoyens.

Agir pour faire du numérique un outil pour tous, qui soit disponible partout : telle est la mission que je me suis assignée, en tant que secrétaire d’État en charge de ce sujet. Toutefois, la condition pour avancer de cette façon est d’instaurer un climat de confiance, laquelle doit être ressentie par l’ensemble de nos concitoyens. Or la confiance ne se décrète pas ; elle suppose d’accompagner chaque saut technologique en créant les conditions de la transparence et de la bonne information du public, qui doit être la plus large et la plus fiable possible.

Le texte qui sera débattu dans quelques instants peut s’inscrire parfaitement dans cette ambition de créer un environnement adapté, permettant au numérique appuyé sur les technologies sans fil et utilisant des radiofréquences de se déployer, mais d’une manière apaisée, avec le soutien de tous.

Cette proposition de loi est donc utile eu égard aux objectifs qu’elle se fixe. Je tenais à le souligner d’emblée : agir pour une plus grande sobriété des émissions d’ondes électromagnétiques, organiser les conditions de la concertation avec les citoyens à l’échelon local, créer les critères de transparence vis-à-vis du public, c’est une manière de faire progresser la confiance des citoyens, sans que l’on nous reproche de nous ériger contre le progrès technologique et l’investissement. Au contraire, grâce à cette confiance et à notre capacité d’élever le niveau d’acceptabilité sociale de cette technique, c’est aux usages numériques que nous donnons toutes les chances de se diffuser dans l’ensemble de la société.

Avant d’entrer plus précisément dans l’examen du corps du texte, je voudrais revenir sur sa genèse. Il faut tout d’abord rappeler l’important travail engagé, voilà plusieurs années déjà, par M. François Brottes à l’Assemblée nationale dans le cadre du « Grenelle des ondes », ainsi que par Mme la députée Laurence Abeille. Cette implication est venue se concrétiser il y a presque deux ans, à l’Assemblée nationale, par le dépôt d’une proposition de loi de Mme Abeille.

C’est aussi grâce à cet engagement, dans le cadre de comités d’expérimentation, d’abord le COMOP, ou comité opérationnel, puis le COPIC, le comité de pilotage issu du comité opérationnel, présidé dès 2009 par M. Brottes, qu’ont pu être rassemblés l’ensemble des acteurs intéressés par le sujet des ondes électromagnétiques.

Les positions des différentes parties prenantes pendant ces travaux ayant pu, sur certains points, être totalement opposées, je tiens donc à saluer la capacité du président Brottes à faire converger ces acteurs autour de propositions finalement consensuelles que nous retrouvons aujourd’hui largement dans le texte examiné. L’objet de ces discussions était bien défini : décider de l’opportunité et de la manière de légiférer sur les ondes en fonction de la présence, ou non, d’un risque avéré pour les populations exposées.

En parallèle, et témoignant de la volonté politique du Gouvernement d’avancer sur le sujet, une mission d’étude a été confiée par le Premier ministre Jean-Marc Ayrault à M. Jean-François Girard, conseiller d’État, et à M. Philippe Tourtelier, ancien député.

Leur travail, qui fut unanimement salué comme étant de qualité, a permis, je crois, d’éclairer le législateur, notamment sur la manière d’inscrire dans la loi l’objectif, porté par Mme la députée Abeille, d’une plus grande sobriété en matière d’ondes électromagnétiques.

Enfin, il est important de rappeler que des travaux indépendants sont venus compléter le volet sanitaire conduit par l’Agence nationale de sécurité sanitaire, l’ANSES. J’insiste tout particulièrement sur ce dernier rapport, car il faut savoir que la recherche publique sur le sujet des ondes a cessé dans les autres pays européens, alors que l’ANSES a décidé d’actualiser sa première étude, menée en 2009, pour tenir compte des évolutions liées, en particulier, à l’essor des nouvelles technologies connectées.

Les conclusions contenues dans un avis publié le 1er octobre 2013 par seize experts indépendants issus de domaines professionnels divers, tels que la métrologie, la dosimétrie des champs électromagnétiques, l’épidémiologie, la médecine, la biologie ou les sciences humaines et sociales, sont claires : l’exposition aux ondes électromagnétiques n’a aucun effet sanitaire avéré.

Plus précisément, l’agence conclut que l’actualisation de la première étude de 2009 « ne met pas en évidence d’effet sanitaire avéré et ne conduit pas à proposer de nouvelles valeurs limites d’exposition de la population ». Néanmoins, elle appelle à une certaine vigilance s’agissant, en particulier, de l’utilisation des téléphones portables. Elle pointe notamment la catégorie spécifique des utilisateurs intensifs, lesquels dépassent les quinze heures d’utilisation par mois, ainsi que les enfants, ce qui fait naturellement consensus.

M. Roland Courteau. Bien sûr !

Mme Axelle Lemaire, secrétaire d'État. Nous voilà donc arrivés au bout d’un long chemin, avec ce texte qui permet d’atteindre, me semble-t-il, un équilibre satisfaisant.

La commission des affaires économiques du Sénat a effectué un travail important, et je dois dire que la juriste assez perfectionniste que je suis trouve dans cette version amendée une satisfaction, dans la mesure où il apparaît que les objectifs initialement visés par le législateur dans la première version restent d’actualité et sont toujours bien respectés, tout comme l’est l’esprit de la proposition de loi déposée par Mme Abeille, qui s’appuyait sur les rapports des comités et des missions que j’ai déjà cités.

Certaines mesures de ce texte sont très fortes. Ainsi, le titre Ier a pour objet de permettre une plus grande transparence dans l’installation des antennes, une meilleure concertation avec les riverains et la modification de certaines installations, à savoir les points atypiques, qui pourraient être améliorés pour que soit abaissé leur niveau d’émission.

Le cœur du titre Ier, et c’est ce qui guidera aujourd’hui la position du Gouvernement, se trouve l’inscription dans la loi et dans le règlement des conclusions des comités d’expérimentation que j’ai cités – le COMOP et le COPIC –, reprises dans les préconisations du rapport rendu par MM. Girard et Tourtelier. À cet égard, il est intéressant de noter que ces rapports et ces missions sont basés sur des expérimentations locales très concrètes et que les modifications apportées par la commission des affaires économiques tiennent compte des meilleures pratiques observées dans les territoires loués pour leur efficacité, avec l’élaboration de chartes, comme à Nantes, Paris ou Strasbourg.

Le titre II, qui vise, lui, à mettre en place une meilleure information quant aux conditions d’utilisation des terminaux mobiles et au niveau de champs associés, est également essentiel. Le cœur de cette partie est constitué par la reprise des préconisations du rapport de l’ANSES à l’article 4.

La commission des affaires économiques a aussi fait évoluer ce texte sous l’impulsion de son président, M. Raoul, qui est également rapporteur du texte et dont je tiens à saluer le travail. Il n’était pas aisé de trouver une rédaction concise et sécurisée juridiquement qui réponde aux canons légistiques.

M. Bruno Retailleau. C’est un euphémisme ! (Sourires.)

Mme Axelle Lemaire, secrétaire d’État. Il me semble que le travail accompli par votre rapporteur est de grande qualité. C’est d’ailleurs tout l’intérêt de l’examen des textes par le Sénat, une assemblée ancrée dans les territoires, au plus proche de la réalité locale et des besoins de nos concitoyens.

L’intérêt de ce travail est qu’il témoigne des expérimentations menées localement. J’ai compris que le président Raoul s’était fortement inspiré de son expérience locale et de la charte qu’il avait négociée à Angers avec les opérateurs de télécommunications. Il sait donc combien il est difficile de donner satisfaction à tout le monde et, par conséquent, combien il est nécessaire de disposer de procédures de concertation suffisamment souples pour ouvrir un espace authentique de dialogue et de débat quand le contexte social l’exige, sans pour autant créer de risques de blocage systématiques.

Le texte issu de l’examen de la commission des affaires économiques est donc, aux yeux du Gouvernement, un texte équilibré, dans la lignée de celui qui a été adopté en janvier dernier par l’Assemblée nationale. Il nourrit la même ambition : définir pour la première fois, dans la loi, un cadre complet pour le déploiement des antennes de téléphonie mobile qui s’appuie sur le principe de sobriété, mais aussi favoriser une meilleure information du public sur l’utilisation des téléphones portables.

Tous les acteurs impliqués dans cette nécessaire pédagogie doivent être sollicités : les opérateurs, naturellement, mais aussi les collectivités locales et l’État, qui doivent faire valoir l’intérêt d’utiliser des « kits mains libres ». En l’occurrence, il fallait un cadre législatif précis, et cette proposition de loi nous en fournit un.

Ce texte répond aussi à un enjeu politique, rappelé dans l’avis de l’ANSES. Les antennes relais posent un problème d’acceptabilité sociale. Il conviendrait donc de mieux accompagner l’éducation à l’usage des téléphones portables. On entend parler en ce moment des comportements de dépendance des adolescents, en particulier. Il paraît essentiel d’apprivoiser ces technologies, qui sont arrivées rapidement dans nos vies, et d’apprendre à maîtriser ces nouvelles formes de consommation.

Je retiens aussi qu’il faut, pour mieux entendre les préoccupations de nos concitoyens, créer les outils qui permettront d’ouvrir des espaces de dialogue et de concertation. Notre devoir est de faire en sorte que les nouveaux usages du numérique soient compris par nos concitoyens, et non subis au point de devenir une source d’inquiétude, d’angoisse, voire de souffrance, comme dans le cas des personnes qui souffrent d’électro-hypersensibilité.

Mme Corinne Bouchoux. C’est un vrai sujet !

Mme Axelle Lemaire, secrétaire d'État. Au-delà de ces cas spécifiques, le numérique ne doit pas être anxiogène. C’est la raison pour laquelle il faut pouvoir en parler dans un cadre juridique réglé.

L’innovation est l’une des clefs du rebond français. Elle est au cœur des trente-quatre plans pour la nouvelle France industrielle voulus par Arnaud Montebourg, qui donnent un sens et un pilotage à la création de la valeur par le travail et par l’investissement productif.

Ces plans doivent nous permettre de relever nos deux plus grands défis : l’urgence écologique et la transition numérique. Les réponses à ces défis ne peuvent se construire l’une contre l’autre, mais bien ensemble ; elles ne permettront le progrès humain que dans la mesure où elles reposeront sur la confiance des citoyens.

Tel est bien l’objectif de cette proposition de loi, que le Gouvernement soutient. (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste, du groupe CRC et du groupe écologiste.)

M. le président. La parole est à M. le rapporteur.

M. Daniel Raoul, président de la commission des affaires économiques, rapporteur. Monsieur le président, madame la secrétaire d’État, mes chers collègues, la commission des affaires économiques a adopté le 10 juin dernier la proposition de loi relative à la sobriété, à la transparence et à la concertation en matière d’exposition aux ondes électromagnétiques, après l’avoir sensiblement réécrite et avoir adopté une soixante d’amendements sans en changer l’objectif.

Cette proposition de loi, déposée par notre collègue députée Laurence Abeille, a été adoptée par l’Assemblée nationale le 23 janvier dernier. Elle fait suite, je vous le rappelle, à une première proposition de loi relative aux risques résultant des ondes électromagnétiques, du même auteur, qui avait été discutée un an plus tôt par l’Assemblée nationale et avait fait l’objet d’une motion de renvoi en commission le 31 janvier 2013.

À la suite de ce vote, le Premier ministre avait confié au professeur Jean-François Girard et à l’ancien député Philippe Tourtelier, secondés par Stéphane Le Bouler, un rapport consacré au développement des usages mobiles et au principe de sobriété, qui a été remis en novembre 2013. C’est en s’appuyant en partie sur les conclusions de ce document que Mme Abeille a déposé une nouvelle proposition de loi en décembre 2013.

La commission des affaires économiques s’est intéressée à ce texte en le replaçant au carrefour de trois enjeux essentiels : un enjeu social et, pour certains, sanitaire ; un enjeu d’aménagement numérique du territoire ; enfin, un enjeu en matière d’innovation et de compétitivité.

Pour ce qui concerne l’enjeu sanitaire et social, il faut rappeler ici avec force qu’aucune étude n’a apporté la preuve de l’existence d’un risque sanitaire lié à l’exposition aux ondes électromagnétiques. Les conclusions de l’ANSES, qui a publié une première étude sur le sujet en 2009, puis qui l’a actualisée en 2013 – vous l’avez rappelé, madame la secrétaire d'État –, sont limpides : l’exposition aux ondes électromagnétiques n’a aucun effet sanitaire avéré.

L’agence indique ainsi que l’actualisation de l’étude de 2009 « ne met pas en évidence d’effets sanitaires avérés » et ne conduit pas à proposer de « nouvelles valeurs limites d’exposition pour la population générale ». L’ANSES appelle à une certaine vigilance uniquement pour l’utilisation des téléphones portables, en conseillant en particulier aux utilisateurs intensifs, ainsi qu’aux enfants de recourir à des « kits mains libres » – autrement dit de se servir d’oreillettes ou d’un récepteur Bluetooth.

Les connaissances scientifiques n’arrivent cependant pas à dissiper les inquiétudes qui existent au sein de la population. En tant qu’élus locaux, vous avez sûrement été confrontés comme moi, mes chers collègues, aux difficultés d’acceptation de l’implantation d’antennes relais, acceptation rendue d’autant plus difficile que les opérateurs se sont, pendant de longues années, comportés comme des hussards sur les toits...

M. Roland Courteau. C’est vrai !

M. Daniel Raoul, rapporteur. J’avais d’ailleurs demandé à l’époque, dans un rapport établi au nom de l’Office parlementaire d’évaluation des choix scientifiques et technologiques, l’OPECST, que l’on accorde aux maires la possibilité d’établir un « plan d’occupation des toits », ou POT. En effet, ceux-ci découvrent souvent que des antennes ont été implantées sans qu’ils en aient été informés.

L’expérience est d’autant plus douloureuse pour les élus locaux que le maire ne dispose que de sa compétence en matière d’urbanisme : l’implantation des antennes relais relève en effet de la compétence de l’État, par le biais de l’Agence nationale des fréquences, l’ANFR.

Pour autant, le maire reste l’interlocuteur privilégié de nos concitoyens. Notre collègue Edmond Hervé aimait rappeler que le maire était le seul élu « à portée de baffe ». Autrement dit, la notion de proximité est toute relative : elle peut se résumer à la longueur d’un bras ! (Sourires.)

La loi Grenelle I a donc, à juste titre, consacré la nécessité d’associer les élus locaux à l’implantation des antennes relais. L’Association des maires de France, l’AMF, et l’Association française des opérateurs mobiles, l’AFOM, ont publié en décembre 2007 un Guide des relations entre opérateurs et communes, le GROC, qui organise le dialogue entre opérateurs et élus locaux, ainsi que l’information de la population. Enfin, une centaine de chartes a été conclue entre les opérateurs et des municipalités : d’expérience, je sais que ces documents ont permis d’apaiser bon nombre d’inquiétudes sur le terrain.

Je relève par ailleurs une certaine contradiction entre la sensibilité de nos concitoyens vis-à-vis de l’implantation des antennes relais, attitude assez unique en Europe, et la moindre sensibilité de l’opinion publique vis-à-vis des ondes électromagnétiques des téléphones mobiles.

Depuis plus de dix ans, notamment depuis un rapport que j’avais eu l’honneur de rédiger avec notre regretté collègue Jean-Louis Lorrain au nom de l’OPECST, l’Office parlementaire d’évaluation des choix scientifiques et technologiques,…

M. Bruno Retailleau. Un excellent rapport !

M. Daniel Raoul, rapporteur. … les pouvoirs publics recommandent l’utilisation du « kit mains libres » pour les communications vocales par téléphone mobile. Or combien parmi nos concitoyens et combien parmi nous, qui sommes, pour certains – j’ai des noms en tête ! (Sourires.) –, des utilisateurs intensifs du téléphone portable, respectent cette recommandation ?

Le deuxième enjeu lié à cette proposition de loi est relatif à l’aménagement numérique du territoire. En tant qu’élus locaux, nous connaissons tous la problématique des « zones blanches » ou des « zones grises », un sujet qui a donné lieu à de nombreux rapports de notre Haute Assemblée. Nous nous battons au quotidien pour la bonne couverture de nos territoires. L’accès à internet et la bonne qualité de service sont une exigence forte de nos concitoyens, un élément d’attractivité de nos territoires et, sans doute, un élément indispensable à l’activité de nos TPE et de nos PME.

Les opérateurs ont pris des engagements concernant la couverture du territoire. L’Autorité de régulation des communications électroniques et des postes, l’ARCEP, a ouvert, le 27 mai dernier, cinq enquêtes administratives relatives au déploiement des réseaux mobiles et à la qualité des services fixes des opérateurs, dont trois portent spécifiquement sur le respect des engagements de ces derniers quant au déploiement des réseaux mobiles.

La commission des affaires économiques a donc gardé à l’esprit, au moment d’examiner cette proposition de loi, cet enjeu d’aménagement numérique du territoire, sachant que les opérateurs s’inquiètent des délais importants pour le déploiement des antennes relais, qui s’élèvent à près de deux ans, soit un des niveaux les plus élevés d’Europe.

Le troisième enjeu que j’ai identifié est celui de l’innovation et de la compétitivité. Le numérique est un secteur clef pour l’innovation et la compétitivité de notre pays.

Je veux rappeler à ce titre la politique mise en œuvre par le ministère de l’éducation nationale pour promouvoir l’école numérique. Je tiens notamment à souligner l’intérêt de développer l’enseignement du numérique dans toutes nos écoles. J’ai même cru entendre que le ministre de l’éducation nationale s’était engagé à demander une rallonge budgétaire pour améliorer l’équipement de nos écoles dans le domaine du numérique.

Le Gouvernement a par ailleurs mis en place trente-quatre plans de reconquête industrielle destinés à structurer une stratégie de croissance économique pour la France dans les années qui viennent : près du tiers de ces trente-quatre plans sont liés au secteur du numérique ou aux objets connectés.

Le lien entre numérique et compétitivité se fait également par l’école, je viens de le rappeler. Les Gouvernements successifs, mais aussi les élus locaux, ont ainsi pris des initiatives pour favoriser le numérique à l’école ou au collège, et le Gouvernement s’apprête à présenter de nouvelles propositions en la matière. Ce texte, notamment les dispositions de son titre II, ne peut être examiné sans porter attention à cet enjeu essentiel.

J’en viens au contenu de la proposition de loi, telle qu’elle a été adoptée par l’Assemblée nationale.

Le titre Ier porte sur le principe de modération et sur la concertation et l’information en ce qui concerne l’implantation des antennes relais.

L’article 1er est une des dispositions phares du texte. Il assigne aux pouvoirs publics un objectif de modération de l’exposition du public aux champs électromagnétiques ; il instaure une procédure d’information du maire sur les nouvelles implantations d’antennes relais, autrement dit sur le flux ; il prévoit une procédure de concertation et d’information du public placée sous l’autorité du maire ; il prévoit un suivi des points atypiques, c’est-à-dire des points du territoire marqués par un niveau d’exposition aux champs électromagnétiques particulièrement élevé à l’échelle nationale, avec une nécessaire résorption de ces points.

La définition de ces points atypiques nous a occupés un certain temps, et la dernière version que nous avons adoptée, madame la secrétaire d'État, est la vôtre. Autrement dit, elle est plus précise que celle que l’ANFR nous avait proposée.

Le titre II comprend, quant à lui, des dispositions relatives à l’information et à la sensibilisation des utilisateurs des équipements radioélectriques.

L’article 3 consacre – j’y reviendrai –, parmi les missions de l’ANSES, une mission de veille et de vigilance en matière de radiofréquences.

L’article 4 comprend plusieurs dispositions. Il étend tout d’abord l’obligation d’affichage du débit d’absorption spécifique, le DAS, qui existe pour les téléphones mobiles, aux équipements terminaux radioélectriques pour lesquels le fabricant a déjà l’obligation de le mesurer. Il impose ensuite de faire figurer le DAS directement sur l’appareil. Enfin, il prévoit que tout équipement radioélectrique dispose d’un mécanisme simple permettant à chaque utilisateur de désactiver l’accès à internet.

L’article 5 porte quant à lui sur la publicité. Il étend l’interdiction de cette dernière à destination des enfants de moins de quatorze ans, qui existe, depuis le « Grenelle II », pour les téléphones mobiles, à d’autres équipements terminaux radioélectriques. Il impose, à la manière des publicités pour les produits gras ou sucrés, que toute publicité pour les téléphones mobiles indique la recommandation d’usage du « kit mains libres ». Ce n’est pas une nouveauté pour moi, qui avais inscrit cette préconisation dans mon rapport de 2002 ! (Mme Anne-Marie Escoffier approuve.)

L’article 7 porte sur l’école et les crèches. Il prévoit notamment que, dans les crèches, l’installation d’une « box » est interdite dans les espaces dédiés à l’accueil, au repos et aux activités des enfants de moins de trois ans.

L’article 8 prévoit, enfin, la remise au Parlement d’un rapport – mes chers collègues, vous connaissez mon tropisme à cet égard ! (Sourires.) – sur la question de l’électro-hypersensibilité.

La commission des affaires économiques a estimé que ce texte comprend certaines dispositions bienvenues auxquelles elle ne peut qu’adhérer. Je pense, tout d’abord, au rôle donné au maire dans une procédure de concertation et d’information préalable à l’implantation des antennes relais : les dispositions de l’article 1er relatives à l’information du maire sur les nouvelles antennes relais permettent de consacrer en droit certaines recommandations du Guide des relations entre opérateurs et communes, le GROC. De même, pour avoir été confronté à cette question en tant qu’élu local, il me semble évident que le maire ne peut rester à l’écart de la concertation.

M. Roland Courteau. C’est sûr !

M. Daniel Raoul, rapporteur. Il convient cependant qu’il reste libre de mettre en place ou non une telle procédure.

Autre disposition bienvenue, l’obligation de mention du DAS pour d’autres équipements terminaux radioélectriques que les téléphones mobiles, par exemple les tablettes. Cette disposition de l’article 4 concrétise une recommandation formulée par l’ANSES dans son rapport de 2013. Il est indispensable, dans un souci de transparence, que le consommateur connaisse la puissance des produits qu’il achète.

Troisième exemple de disposition utile, la mention de la recommandation d’usage d’un « kit mains libres » dans les publicités pour les téléphones mobiles. Cette disposition est pleinement cohérente avec la préoccupation qui est la mienne depuis mon rapport de 2002.

Enfin, la commission se félicite que la proposition de loi permette d’évoquer la question de l’électro-hypersensibilité. Nous avons tous été confrontés aux témoignages de certains de nos concitoyens en souffrance. Je veux vous assurer, pour avoir auditionné certaines personnes, que la souffrance est évidente ; j’y suis très sensible. Ensuite, se pose le problème de la causalité de cette souffrance, ce qui est une autre question.

L’électro-hypersensibilité demeure aujourd’hui un sujet de controverse au sein du monde médical. Il me paraît cependant indispensable de soulever cette question, sachant que l’ANSES devrait remettre une étude sur le sujet au printemps de 2015, si mes informations sont exactes.

Pour autant, comme je l’indiquais tout à l’heure, la commission a adopté une soixante d’amendements, dont une douzaine signée par notre collègue, M. Raymond Vall, rapporteur pour avis de la commission du développement durable, dont je salue la qualité des propositions, même si nous ne les avons pas toutes retenues.

Je tiens d’ailleurs à dire solennellement que je n’accepte pas la tonalité et les allusions de certaines critiques émises après la réunion de la commission de la semaine dernière. Non, la commission n’a pas cédé au lobbying des opérateurs ! Non, elle n’a pas fait passer les intérêts privés et le chantage des opérateurs avant l’intérêt général et la protection sanitaire de la population !

M. Roland Courteau. Très bien !

M. Daniel Raoul, rapporteur. J’ai été profondément choqué par ces critiques infondées, à titre personnel, en tant que rapporteur, mais aussi en tant que président de la commission des affaires économiques. J’estime que l’ensemble des commissaires ont eu à cœur de défendre l’intérêt général et d’aboutir à un texte équilibré, prenant en compte les trois enjeux sanitaire, d’aménagement numérique du territoire et de compétitivité. Et je dois dire que j’ai été encore plus choqué que ce communiqué ait été signé par un membre de la commission !

Les amendements adoptés par la commission des affaires économiques ont permis d’améliorer sensiblement la proposition de loi adoptée par les députés. Ils ont visé plusieurs objectifs.

Le premier objectif est simple : il a fallu faire, pour parler clairement, un peu de « ménage » dans le texte adopté par les députés. Un peu de ménage sémantique, tout d’abord. Je ne citerai qu’un seul exemple : l’article 4 mentionnait tour à tour les « équipements radioélectriques », puis, les « appareils émettant un champ électromagnétique de radiofréquence », enfin, les « équipements émetteurs de champs électromagnétiques », sans que la portée de chacun de ces termes ne soit définie et sans que personne, au cours des auditions que nous avons effectuées, mon collègue Joël Labbé et moi-même, soit en mesure d’appréhender la nuance entre chacun d’entre eux.

Le ménage s’est poursuivi avec la suppression de redondances, car certaines dispositions de la proposition de loi étaient redondantes entre elles ou avec le droit en vigueur, et la suppression de dispositions qui ne relèvent clairement pas de la loi : au-delà de la demande de rapport, qui figurait à l’article 8, je pense surtout à l’article 6.

Notre deuxième objectif a été de clarifier certaines dispositions et procédures prévues par le texte.

Pour ce qui concerne l’objectif de « modération » mentionné par la proposition de loi, la commission lui a préféré un objectif de « sobriété », car le terme de modération renvoie, selon moi et dans le langage courant, à une diminution de l’exposition aux ondes électromagnétiques, alors même qu’aucun risque sanitaire n’est avéré et que la couverture numérique du territoire est souhaitée par tous.

La commission a également clarifié la procédure de concertation et d’information, en précisant qu’il reviendra bien au maire de choisir s’il souhaite une telle phase, qu’il en sera l’arbitre, sans pour autant émettre d’avis sur les projets d’implantation, et que cette phase sera préalable à l’autorisation donnée par l’Agence nationale des fréquences, l’ANFR.

Notre troisième objectif a été d’ajuster ou de supprimer des dispositions inapplicables techniquement ou non conformes au droit européen.

Ainsi, pour ce qui concerne les points atypiques, la commission a supprimé la référence, dans la définition de ces points, à la moyenne nationale, puisqu’il est ressorti de nos auditions des représentants de l’ANFR que cette dernière n’est pas en mesure de calculer une telle moyenne. De la même manière, la commission a précisé que la résorption de ces points doit se faire sous réserve de faisabilité technique : il n’est pas toujours possible de résorber un point atypique, pour des raisons urbanistiques, par exemple, mais nous y reviendrons lors de l’examen des amendements.

Pour ce qui concerne le DAS, la commission a été contrainte de supprimer l’obligation de le faire figurer sur l’appareil. Cette disposition est contraire au droit européen, notamment à la liberté de circulation des marchandises. Je l’avais appris lors de mon combat pour le chargeur universel : je ne pouvais pas imposer une prise spécifique pour la France, universellement compatible avec tous les téléphones.