Sommaire
Présidence de M. Jean-Patrick Courtois
Secrétaires :
M. Marc Daunis, Mme Marie-Hélène Des Esgaulx.
autorité de la concurrence en nouvelle-calédonie
Question n° 790 de Mme Catherine Tasca. – Mmes George Pau-Langevin, ministre des outre-mer ; Catherine Tasca.
désactivation de la base d'hélicoptère de la sécurité civile du touquet
Question n° 807 de M. Antoine Lefèvre. – Mme George Pau-Langevin, ministre des outre-mer ; M. Antoine Lefèvre.
situation du village de kessab en Syrie
Question n° 770 de M. Luc Carvounas. – Mme Fleur Pellerin, secrétaire d'État chargée du commerce extérieur, de la promotion du tourisme et des Français de l'étranger ; M. Luc Carvounas.
représentation de la france au forum des îles du pacifique
Question n° 782 de M. Robert Laufoaulu. – Mme Fleur Pellerin, secrétaire d'État chargée du commerce extérieur, de la promotion du tourisme et des Français de l'étranger ; M. Robert Laufoaulu.
difficultés d'encaissement de la taxe d'aménagement
Question n° 791 de M. Pierre Camani. – Mme Sylvia Pinel, ministre du logement et de l'égalité des territoires ; M. Pierre Camani.
diffusion de radio france internationale à strasbourg
Question n° 803 de M. Roland Ries. – Mme Sylvia Pinel, ministre du logement et de l'égalité des territoires ; M. Roland Ries.
la poste partenaire des professionnels du livre
Question n° 796 de M. Joël Guerriau. – Mme Sylvia Pinel, ministre du logement et de l'égalité des territoires ; M. Joël Guerriau.
Suspension et reprise de la séance
situation préoccupante de l’apiculture en languedoc-roussillon
Question n° 775 de M. Christian Bourquin. – MM. Stéphane Le Foll, ministre de l'agriculture, de l'agroalimentaire et de la forêt, porte-parole du Gouvernement ; Christian Bourquin.
Question n° 792 de M. Yves Daudigny. – MM. Stéphane Le Foll, ministre de l'agriculture, de l'agroalimentaire et de la forêt, porte-parole du Gouvernement ; Yves Daudigny.
abattages de milliers de platanes centenaires dans le sud-est
Question n° 797 de M. Robert Tropeano. – MM. Stéphane Le Foll, ministre de l'agriculture, de l'agroalimentaire et de la forêt, porte-parole du Gouvernement ; Robert Tropeano.
Question n° 798 de M. Ambroise Dupont. – MM. Stéphane Le Foll, ministre de l'agriculture, de l'agroalimentaire et de la forêt, porte-parole du Gouvernement ; Ambroise Dupont.
obligation de distillation des sous-produits viniques
Question n° 804 de M. Jacques Berthou. – MM. Stéphane Le Foll, ministre de l'agriculture, de l'agroalimentaire et de la forêt, porte-parole du Gouvernement ; Jacques Berthou.
Suspension et reprise de la séance
restructuration du cadencement de la ligne à grande vitesse entre arras et paris
Question n° 801 de Mme Catherine Génisson. – M. Frédéric Cuvillier, secrétaire d'État chargé des transports, de la mer et de la pêche ; Mme Catherine Génisson.
avenir de la taxe générale sur les activités polluantes dite "granulats"
Question n° 787 de Mme Sophie Primas. – M. Frédéric Cuvillier, secrétaire d'État chargé des transports, de la mer et de la pêche ; Mme Sophie Primas.
Suspension et reprise de la séance
centre libre d'enseignement supérieur international
Question n° 802 de Mme Laurence Cohen. – Mmes Geneviève Fioraso, secrétaire d'État chargée de l'enseignement supérieur et de la recherche ; Laurence Cohen.
moyens des réseaux d’aides spécialisées aux élèves en difficulté en seine-et-marne
Question n° 809 de M. Michel Billout. – Mme Geneviève Fioraso, secrétaire d'État chargée de l'enseignement supérieur et de la recherche ; M. Michel Billout.
lutte contre le sida et prise en charge des personnes vivant avec le virus du sida à mayotte
Question n° 808 de M. Thani Mohamed Soilihi. – Mme Geneviève Fioraso, secrétaire d'État chargée de l'enseignement supérieur et de la recherche ; M. Thani Mohamed Soilihi.
élections départementales dans les trois départements de la petite couronne
Question n° 751 de Mme Catherine Procaccia. – Mmes Geneviève Fioraso, secrétaire d'État chargée de l'enseignement supérieur et de la recherche ; Catherine Procaccia.
Suspension et reprise de la séance
PRÉSIDENCE DE M. Charles Guené
3. Candidats aux élections municipales avec la nuance « sans étiquette ». – Adoption d'une proposition de loi dans le texte de la commission
Discussion générale : MM. Jean-Claude Carle, auteur de la proposition de loi ; Jean-Patrick Courtois, rapporteur de la commission des lois ; Bernard Cazeneuve, ministre de l'intérieur.
PRÉSIDENCE DE M. Jean-Claude Carle
Mmes Éliane Assassi, Isabelle Lajoux, MM. Jean-Michel Baylet, Jean Louis Masson, Mme Esther Benbassa, MM. Philippe Bas, Yannick Vaugrenard, Mme Delphine Bataille.
M. Bernard Cazeneuve, ministre.
Clôture de la discussion générale.
Articles additionnels avant l’article 1er
Amendement n° 1 de M. Jean Louis Masson. – MM. Jean Louis Masson, le rapporteur, Bernard Cazeneuve, ministre. – Rejet.
Amendement n° 2 de M. Jean Louis Masson. – MM. Jean Louis Masson, Bernard Cazeneuve, ministre ; le rapporteur. – Rejet.
M. Jean Louis Masson.
Amendement n° 5 du Gouvernement. – M. Bernard Cazeneuve, ministre.
Amendement n° 3 de M. Jean Louis Masson. – M. Jean Louis Masson.
MM. le rapporteur, Bernard Cazeneuve, ministre ; Jean-Noël Cardoux, Bruno Retailleau, Joël Guerriau, Jean Louis Masson. – Rejet des amendements nos 5 et 3.
Adoption de l'article.
Article additionnel après l'article 1er
Amendement n° 4 de M. Jean Louis Masson. – MM. Jean Louis Masson, le rapporteur, Bernard Cazeneuve, ministre. – Rejet.
M. Jean-Pierre Sueur, président de la commission des lois ; Mme Esther Sittler.
PRÉSIDENCE DE M. Jean-Patrick Courtois
MM. Joël Guerriau, Jean Louis Masson.
Adoption de la proposition de loi dans le texte de la commission.
4. Législation applicable dans les départements de la Moselle, du Bas-Rhin et du Haut-Rhin. – Discussion d'une proposition de loi dans le texte de la commission
Discussion générale : MM. André Reichardt, auteur de la proposition de loi ; Jean-Pierre Michel, rapporteur de la commission des lois ; Jean-Marie Le Guen, secrétaire d'État chargé des relations avec le Parlement.
M. Jean-Marie Bockel, Mmes Cécile Cukierman, Anne-Marie Escoffier, MM. Jean Louis Masson, Francis Grignon.
Suspension et reprise de la séance
5. Communication relative à une commission mixte paritaire
6. Exposition aux ondes électromagnétiques. – Discussion d'une proposition de loi dans le texte de la commission
Discussion générale : Mme Axelle Lemaire, secrétaire d'État chargée du numérique ; MM. Daniel Raoul, président de la commission des affaires économiques, rapporteur ; Raymond Vall, président de la commission du développement durable, rapporteur pour avis.
Suspension et reprise de la séance
PRÉSIDENCE DE M. Jean-Léonce Dupont
7. Convocation du Parlement en session extraordinaire
8. Exposition aux ondes électromagnétiques. – Suite de la discussion d’une proposition de loi dans le texte de la commission
Discussion générale (suite) : MM. Joël Labbé, Bruno Retailleau, Mme Nathalie Goulet, M. Claude Dilain, Mme Anne-Marie Escoffier, M. Pierre Hérisson.
Mme Axelle Lemaire, secrétaire d'État chargée du numérique.
Clôture de la discussion générale.
Amendement n° 16 rectifié de M. Bruno Sido. – M. Bruno Sido.
Amendement n° 3 rectifié de M. Bruno Retailleau. – M. Bruno Retailleau.
Amendement n° 25 de M. Joël Labbé. – M. Joël Labbé.
M. Daniel Raoul, président de la commission des affaires économiques, rapporteur ; Mme Axelle Lemaire, secrétaire d'État. – Rejet de l’amendement n° 16 rectifié.
Mme Marie-Christine Blandin, M. Bruno Retailleau. – Rejet de l’amendement n° 3 rectifié.
Mme Nathalie Goulet, M. Joël Labbé. – Rejet de l’amendement n° 25.
Amendement n° 4 rectifié bis de M. Bruno Retailleau. – M. Bruno Retailleau.
Amendement n° 26 de M. Joël Labbé. – M. Joël Labbé. – Retrait.
Amendement n° 8 de Mme Mireille Schurch. – Mme Mireille Schurch.
M. le rapporteur, Mme Axelle Lemaire, secrétaire d'État ; M. Bruno Retailleau. – Rejet de l’amendement n° 4 rectifié bis.
Mme Mireille Schurch. – Rejet de l’amendement n° 8.
Amendement n° 5 rectifié de M. Bruno Retailleau. – MM. Bruno Retailleau, le rapporteur, Mme Axelle Lemaire, secrétaire d'État. – Adoption.
Amendement n° 47 du Gouvernement. – Mme Axelle Lemaire, secrétaire d'État ; M. le rapporteur. – Adoption.
Amendement n° 17 rectifié de M. Bruno Sido. – MM. Bruno Sido, le rapporteur, Mme Axelle Lemaire, secrétaire d'État. – Rejet.
Amendement n° 48 du Gouvernement. – Mme Axelle Lemaire, secrétaire d'État.
Amendement n° 42 de M. Pierre Hérisson. – M. Pierre Hérisson.
M. le rapporteur, Mme Axelle Lemaire, secrétaire d'État ; MM. Joël Labbé, Bruno Retailleau. – Adoption de l’amendement n° 48, l'amendement n° 42 devenant sans objet.
Amendement n° 18 rectifié de M. Bruno Sido. – MM. Bruno Sido, le rapporteur, Mme Axelle Lemaire, secrétaire d'État ; M. Pierre Hérisson, Mmes Nathalie Goulet, Cécile Cukierman, M. Bruno Retailleau. – Rejet.
Amendement n° 19 rectifié de M. Bruno Sido. – MM. Bruno Sido, le rapporteur, Mme Axelle Lemaire, secrétaire d'État. – Rejet.
Amendement n° 49 du Gouvernement. – Mme Axelle Lemaire, secrétaire d'État.
Amendement n° 43 de M. Pierre Hérisson. – M. Pierre Hérisson.
M. le rapporteur, Mme Axelle Lemaire, secrétaire d'État ; M. Bruno Retailleau. – Adoption de l’amendement n° 49, l'amendement n° 43 devenant sans objet.
Amendement n° 28 rectifié de M. Joël Labbé. – MM. Joël Labbé, le rapporteur, Mme Axelle Lemaire, secrétaire d'État ; M. Bruno Retailleau. – Adoption.
Amendement n° 39 de M. Joël Labbé. – MM. Joël Labbé, le rapporteur, Mme Axelle Lemaire, secrétaire d'État. – Retrait.
Amendement n° 50 du Gouvernement. – Mme Axelle Lemaire, secrétaire d'État.
Amendement n° 46 de M. Pierre Hérisson. – M. Pierre Hérisson.
Amendement n° 27 de M. Joël Labbé. – M. Joël Labbé.
Amendement n° 44 de M. Pierre Hérisson. – M. Pierre Hérisson.
Amendement n° 45 de M. Pierre Hérisson. – M. Pierre Hérisson.
M. le rapporteur, Mme Axelle Lemaire, secrétaire d'État ; MM. Bruno Retailleau, Pierre Hérisson. – Rectification de l’amendement n° 50 ; adoption de l’amendement n° 50 rectifié, les amendements nos 46, 27, 44 et 45 devenant sans objet.
Amendement n° 30 de M. Joël Labbé. – MM. Joël Labbé, le rapporteur, Mme Axelle Lemaire, secrétaire d'État ; MM. Bruno Sido, Bruno Retailleau. – Retrait.
Amendement n° 20 rectifié de M. Bruno Sido. – MM. Bruno Sido, le rapporteur, Mme Axelle Lemaire, secrétaire d'État. – Rejet.
Amendement n° 51 du Gouvernement. – Mme Axelle Lemaire, secrétaire d'État.
Amendement n° 21 rectifié de M. Bruno Sido. – M. Bruno Sido.
M. le rapporteur, Mme Axelle Lemaire, secrétaire d'État ; M. Bruno Retailleau. – Adoption de l’amendement n° 51, l'amendement n° 21 rectifié devenant sans objet.
Amendement n° 22 rectifié de M. Bruno Sido. – M. Bruno Sido.
Amendement n° 31 de M. Joël Labbé. – M. Joël Labbé. – Retrait.
Amendements identiques nos 10 rectifié bis de Mme Chantal Jouanno et 38 de M. Joël Labbé. – Mme Nathalie Goulet, M. Joël Labbé.
M. le rapporteur, Mme Axelle Lemaire, secrétaire d'État ; MM. Bruno Sido, Bruno Retailleau. – Rejet de l’amendement n° 22 rectifié ; adoption des amendements identiques nos 10 rectifié bis et 38.
M. le président.
compte rendu intégral
Présidence de M. Jean-Patrick Courtois
vice-président
Secrétaires :
M. Marc Daunis,
Mme Marie-Hélène Des Esgaulx.
1
Procès-verbal
M. le président. Le compte rendu analytique de la précédente séance a été distribué.
Il n’y a pas d’observation ?…
Le procès-verbal est adopté sous les réserves d’usage.
2
Questions orales
M. le président. L’ordre du jour appelle les réponses à des questions orales.
autorité de la concurrence en nouvelle-calédonie
M. le président. La parole est à Mme Catherine Tasca, auteur de la question n° 790, adressée à Mme la ministre des outre-mer.
Mme Catherine Tasca. Madame la ministre, le 31 octobre 2013, le Parlement adoptait à l’unanimité la dixième réforme du statut de la Nouvelle-Calédonie existant depuis 1999 à la suite de la signature de l’accord de Nouméa. Le Parlement traduisait ainsi au sein de la loi organique les demandes exprimées en décembre 2012 par le comité des signataires de cet accord.
Mesure emblématique de cette réforme, la Nouvelle-Calédonie dispose désormais de la faculté de créer des autorités administratives indépendantes dans ses domaines de compétence.
Dès le 3 avril 2013, une autorité de la concurrence de la Nouvelle-Calédonie a été créée. Le congrès de la Nouvelle Calédonie a finalement adopté cette loi du pays à l’unanimité.
Conformément aux dispositions statutaires, cette future autorité indépendante bénéficiera des garanties suffisantes pour assurer l’indépendance de ses membres ; en juillet 2013, en tant que rapporteur des lois du 15 novembre 2013, j’avais proposé de renforcer ces gages d’indépendance, et le Sénat m’avait suivie.
Ainsi, les candidats pressentis à ces fonctions devront se soumettre à une audition publique et leur nomination devra être confirmée par une majorité positive des trois cinquièmes des membres du congrès. Enfin, les possibilités de révoquer les membres de cette autorité sont fortement encadrées.
La création de cette autorité vise à répondre à une attente forte de la population calédonienne : lutter contre le phénomène de la vie chère. Les événements sociaux se succèdent en Nouvelle-Calédonie depuis plusieurs années…
Les facteurs qui expliquent, sans les justifier, le niveau élevé des prix pratiqués localement et le moindre pouvoir d’achat qui en résulte sont nombreux. Je pense notamment à la faible profondeur du marché local, aux habitudes de consommation tournées vers les produits métropolitains, aux frais de transports maritime et aérien, mais aussi aux obstacles souvent anciens à une saine concurrence. À ce constat, il faut ajouter la persistance d’inégalités économiques et sociales supérieures à la moyenne nationale : toutes les composantes de la population ne bénéficient pas du boom économique fondé sur les ressources en nickel.
Dans ce contexte, l’autorité de la concurrence doit devenir le nouveau bras armé de la législation et de la réglementation locale, que ce soit en matière de maîtrise des prix – notamment des produits de première nécessité –, de lutte contre les ententes et les abus de position dominante, ou encore d’implantation des grandes surfaces commerciales sur le territoire.
Ces dispositifs ont été grandement renforcés par la loi du pays du 25 mai 2013, qui permet de faire face aux pratiques anticoncurrentielles. Il faut qu’une autorité indépendante soit dorénavant garante de l’effectivité de ces avancées.
Madame la ministre, depuis les élections provinciales du 11 mai dernier, le congrès a été renouvelé et le gouvernement, dirigé par Mme Cynthia Ligeard, a été constitué le 5 juin 2014. Nous savons tous que la Nouvelle-Calédonie entre dans la dernière phase du processus institutionnel décidé en 1998.
Cette échéance importante ne doit pas masquer les problèmes quotidiens des Calédoniens. J’en suis convaincue, les institutions calédoniennes doivent poursuivre dès maintenant l’effort engagé en matière de lutte contre la vie chère.
Aussi, pouvez-vous nous indiquer, madame la ministre, quelles mesures réglementaires restent à prendre par le gouvernement calédonien ? Dans quel délai la nomination du président et des trois membres aura-t-elle lieu ? En un mot, madame la ministre, à quelle échéance peut-on espérer que l’autorité de la concurrence sera, en Nouvelle-Calédonie, pleinement opérationnelle ?
J’ajouterai que la loi organique du 19 mars 1999 a été modifiée pour permettre aux autorités indépendantes calédoniennes de conclure des conventions avec leurs homologues nationales. Savez-vous si de tels partenariats sont en cours de réalisation ?
M. le président. La parole est à Mme la ministre.
Mme George Pau-Langevin, ministre des outre-mer. Madame la sénatrice, comme vous le savez, la création de l’autorité de la concurrence de la Nouvelle-Calédonie découle d’une demande expresse des partenaires locaux de l’État, exprimée dès 2012.
Le transfert à la Nouvelle-Calédonie, le 1er juillet 2013, de la compétence que l’État détenait en matière commerciale a conduit la collectivité, en matière de concurrence, à souhaiter la création d’une autorité de la concurrence locale qui soit dotée des mêmes pouvoirs que celle de l’Hexagone.
Le processus qui aboutira bientôt à la mise en place de cette autorité est le résultat d’un travail mené parallèlement, d’une part, par le congrès de la Nouvelle-Calédonie et, d’autre part, par le Gouvernement et le parlement national, comme vous le soulignez dans votre question.
Jusqu’à la loi organique du 15 novembre 2013, la Nouvelle-Calédonie ne pouvait créer que des autorités consultatives, sans pouvoir de sanction.
Lors de l’examen de ce texte et du projet de loi simple qui accompagnait le projet de loi organique, vous aviez vous-même attiré l’attention du Gouvernement sur la nécessité pour l’État, parce que cela relève des compétences qu’il détient encore au titre des libertés publiques et de la procédure contentieuse, de fixer les principes procéduraux permettant de garantir le respect par l’Autorité des grandes libertés publiques.
Vous avez ainsi proposé – cela figure aujourd’hui à l’article 93-1 de la loi organique statutaire – que la nomination par arrêté du gouvernement calédonien des membres d’une autorité administrative indépendante telle que l’autorité de la concurrence de la Nouvelle-Calédonie ne puisse intervenir que si, après une audition publique du candidat proposé par le gouvernement, le congrès approuve, par un avis adopté à la majorité des trois cinquièmes des suffrages exprimés, la candidature ainsi proposée.
En outre, sur votre initiative, le Parlement a habilité le Gouvernement à prendre par ordonnances, dans le délai court de six mois, les mesures permettant d’étendre à la Nouvelle-Calédonie les dispositions du code de commerce en matière de pouvoirs d’enquête, de voies de recours, de sanctions et d’infractions.
Le Gouvernement a mené à bien la mission que le Parlement lui avait confiée, et, le 7 mai dernier, le conseil des ministres a adopté ce projet d’ordonnance. Entre-temps, le congrès de la Nouvelle-Calédonie avait, par une loi de pays promulguée le 24 avril 2014, créé l’autorité de la concurrence de la Nouvelle-Calédonie.
Ainsi, les nouvelles dispositions du code de commerce applicables en Nouvelle-Calédonie prévoient que les attributions confiées à l’autorité de la concurrence de la Nouvelle-Calédonie sont exercées par un collège composé de quatre membres, dont un président nommé pour une durée de cinq ans, désignés en raison de leur expérience significative en matière juridique ou économique. Ces nominations interviendront, comme je l’ai indiqué, après audition et validation par le congrès de la Nouvelle-Calédonie.
Désormais, il appartient à la Nouvelle-Calédonie de mettre en place, formellement, l’autorité de la concurrence, ce qui nécessitera plusieurs types de dispositions : d’abord, l’approbation, par délibération des quatre membres du collège de l’autorité, du règlement intérieur de cette dernière, qui fixera les modalités de désignation du vice-président parmi les membres du collège et les conditions dans lesquelles les trois membres non permanents seront désignés pour siéger ; ensuite, la nomination par le gouvernement de la Nouvelle-Calédonie d’un rapporteur général dirigeant le service d’instruction pour cinq ans ; enfin, la détermination, par arrêté du gouvernement, des conditions dans lesquelles le président de l’autorité de la concurrence de la Nouvelle-Calédonie la représente dans tous les actes de la vie civile et a qualité pour agir en justice en son nom.
Par ailleurs, les nouvelles dispositions du code de commerce applicables en Nouvelle-Calédonie prévoient que l’Autorité de la concurrence de la Nouvelle-Calédonie peut, pour la mise en œuvre de ses compétences, conclure des conventions organisant ses relations avec l’Autorité de la concurrence nationale.
Vous le voyez, il y a matière à amélioration du dispositif puisque la conclusion de conventions avec d’autres autorités indépendantes nationales, telles que la commission de régulation de l’énergie, n’est pas prévue pour l’instant.
J’aurai l’occasion d’attirer l’attention de nos partenaires calédoniens sur ce point, et je tiens à vous saluer, madame la sénatrice, pour la contribution que vous avez apportée, à titre personnel, à ce projet.
M. le président. La parole est à Mme Catherine Tasca.
Mme Catherine Tasca. Madame la ministre, je vous remercie des réponses que vous venez de m’apporter. Lors des auditions que j’ai effectuées en 2013 en tant que rapporteur, j’ai mesuré à quel point l’action d’une autorité de la concurrence était attendue en Nouvelle-Calédonie, ce que vous venez de confirmer.
Tel que vous l’avez présenté, le processus de création de l’autorité de la concurrence a été, je crois, exemplaire et inédit. Cette naissance a d’abord nécessité l’intervention du législateur organique, puis du congrès de la Nouvelle-Calédonie en avril 2014, avant que le Gouvernement ne publie l’ordonnance du 7 mai 2014, qui adapte à la Nouvelle-Calédonie les dispositions du code de commerce, notamment en matière de pouvoir d’enquête et de voies de recours.
Cet exemple démontre que l’accroissement des compétences et de l’autonomie de la Nouvelle-Calédonie ne signifie pas l’effacement de l’État. Au contraire, l’État et la Nouvelle-Calédonie doivent collaborer, car leurs compétences sont intimement liées. Le succès de l’autorité de la concurrence a dépendu et dépendra, tout au long du processus, de cette collaboration.
Il reste désormais au Parlement à ratifier l’ordonnance du 7 mai 2014. Nous serons vigilants lorsque cette ratification nous sera présentée.
Dans sa décision du 1er octobre 2013, le Conseil constitutionnel a souligné les « particularités économiques de la Nouvelle-Calédonie et les insuffisances de la concurrence sur de nombreux marchés », ce qui l’a conduit à admettre, pour favoriser la concurrence, des contraintes plus strictes qu’en métropole. Il faudra donc veiller à ce que les sanctions, y compris pénales, qui ont été adoptées soient suffisamment dissuasives ; si tel n’était pas le cas, le Parlement aurait à y remédier.
Madame la ministre, le Sénat est attentif au respect de l’application des lois. Mes collègues de la commission des lois et moi-même suivons avec intérêt l’avenir de l’archipel calédonien et l’évolution de sa situation économique et sociale, situation dont la réussite du processus engagé dépendra largement. Nous commençons à mesurer les premiers effets des lois de novembre 2013 – je pense notamment aux tarifs bancaires –, mais une partie importante du chemin reste à parcourir.
Vous-même, madame la ministre, avez évoqué le fait que la politique de convention entre cette nouvelle autorité et les autorités nationales n’est pas encore totalement développée. Nous comptons sur le Gouvernement pour veiller à ce que la démarche soit confortée dans les meilleurs délais.
désactivation de la base d'hélicoptère de la sécurité civile du touquet
M. le président. La parole est à M. Antoine Lefèvre, auteur de la question n° 807, adressée à M. le ministre de l'intérieur.
M. Antoine Lefèvre. Madame la ministre, je souhaite attirer votre attention sur les craintes exprimées par les élus du département de l’Aisne – mon collègue Yves Daudigny, ici présent, ne me contredira pas – quant à ce qui apparaît comme une désactivation de la base hélicoptère de la sécurité civile du Touquet. En effet, le Dragon 62, installé depuis 2010 sur la base du Touquet, semble avoir été déplacé à la mi-février vers la base de Nîmes, échelon central des moyens hélicoptères de la sécurité civile.
Ce déplacement s’inscrit-il dans le cadre plus large, au niveau national, de l’actuelle réflexion du ministère de l’intérieur sur la diminution de cette flotte aérienne ? Voire d’un possible démantèlement de la flotte du groupement d’hélicoptères de la sécurité civile, comme nous l’avons entendu ?
Est-il en fait question de réduire cette flotte au point d’arriver bien en dessous des capacités opérationnelles indispensables à la population française ? La question reste posée. Ces appareils permettent en effet de réaliser, en collaboration avec les services d'aide médicale d'urgence, ou SAMU, et les pompiers toutes les missions de sécurité civile qui concernent le secours à personne.
La base du Touquet fonctionne avec le soutien des services départementaux d'incendie et de secours, les SDIS, du Pas-de-Calais, de la Somme et de l’Aisne, en particulier pour la médicalisation et l’armement en sauveteurs spécialisés de l’appareil.
Les équipages de conduite ont donc des qualifications élevées ainsi que des compétences de réactivité très importantes.
Alors que le nombre de personnes secourues est passé de 167 en 2011 à 330 en 2013, et qu’un tel équipement permet un précieux gain de temps sur certains secteurs particulièrement sous-dotés médicalement, comme la Picardie et principalement le département de l’Aisne, le départ du Dragon 62 fragilise la couverture sanitaire de ces territoires et accentue une iniquité dans le traitement de la protection des populations.
Enfin, la suppression de cet équipement pose aussi le problème du maintien en condition opérationnelle des équipes spécialisées, qui ne pourront plus faire habiliter leur personnel à l’hélitreuillage.
Je rappelle à cet égard la convention passée en mai 2012 pour le maintien de ce vecteur à disposition gratuite pour les services départementaux d’incendie et de secours, les SDIS, de la zone de défense et de sécurité Nord entre le SDIS de l’Aisne et la direction générale de la sécurité civile. Elle stipule notamment que les médecins et infirmiers du SDIS de l’Aisne ont intégré le tour de garde à raison de vingt-quatre gardes annuelles, assorties des indemnisations afférentes à ces vacations.
Le départ de ce Dragon 62 rompt la couverture opérationnelle réalisée à ce jour au sein de la zone Nord, qui permettait de garantir la possibilité à tous les services concernés de travailler de manière performante et complémentaire.
C’est pourquoi, madame la ministre, je vous demande de bien vouloir nous expliquer les raisons « objectives » qui ont amené le Gouvernement à la « mise en sommeil » de la station du Touquet, mais aussi de bien vouloir entendre les réactions du terrain, des élus, des SDIS, qui souhaitent que les habitants de cette zone de défense puissent continuer à bénéficier de la même qualité de service de secours par le maintien de cet appareil.
M. le président. La parole est à Mme la ministre.
Mme George Pau-Langevin, ministre des outre-mer. Monsieur le sénateur, vous avez appelé l’attention du Gouvernement sur la flotte des hélicoptères du ministère de l’intérieur, qui assure, dans le cadre de la protection des populations, des missions de sauvetage, de secours et de transport des victimes, de jour comme de nuit, souvent dans des conditions délicates et des environnements hostiles.
C’est dans ce cadre que l’ensemble de la flotte a été fortement sollicitée au cours des intempéries de l’hiver dernier et tout au long de l’année 2013 pour faire face aux différentes catastrophes climatiques que notre pays a eu à affronter. Les moyens héliportés du ministère de l’intérieur ont été engagés sur de nombreux théâtres d’opération.
Des redéploiements sont en cours pour adapter la réponse aux besoins. En effet, la priorité donnée aux territoires dont les contraintes géographiques sont fortes – distances importantes, nombre réduit d’équipements médicaux de proximité, réseau routier peu dense – justifie que les hélicoptères soient avant tout employés en terrain difficile, outre-mer ou en zone de montagne. Les saisonnalités touristiques, et donc l’augmentation des sollicitations opérationnelles sur ces zones, requièrent bien souvent de disposer d’un vecteur aérien.
La conjonction de cette tension opérationnelle et des redéploiements actuellement mis en œuvre ont pour conséquence l’indisponibilité temporaire de l’hélicoptère de la sécurité civile affecté à la base du Touquet.
Dans le même temps, et avec le souci d’assurer la mission de protection des populations de manière optimale, le ministère de l’intérieur s’est assuré que le secours d’urgence s’exerçait dans des conditions préservant la sécurité des populations sur le territoire concerné.
Que ce soit par la voie des airs ou par la voie terrestre, les moyens déployés par les services départementaux d’incendie et de secours, les services d’aide médicale urgente, ou SAMU, la gendarmerie nationale, mais également par la marine nationale offrent à la zone de défense et de sécurité Nord, qui comprend les régions Nord-Pas-de-Calais et Picardie, une couverture de qualité, effectuée par des professionnels remarquables, en temps de crise comme dans le secours quotidien. Leur engagement, sous la responsabilité des maires et des préfets pour le secours aux populations, permettra de faire face à l’indisponibilité temporaire de l’hélicoptère de la sécurité civile du Touquet.
De plus, l’engagement pris par le ministre de l’intérieur de ne pas dégrader la qualité du secours d’urgence impose une régulation et une optimisation des moyens aériens et terrestres disponibles, relevant tant des services départementaux d’incendie et de secours que des centres hospitaliers comme des ministères de l’intérieur et des armées. Il a donc été demandé à la zone de défense et de sécurité une concertation sur l’organisation du secours d’urgence associant l’ensemble des acteurs concernés.
Une solution qui garantit le bon fonctionnement du secours d’urgence et une couverture territoriale optimale tout au long de l’année, en prenant en compte les effets de saisonnalité et la présence de l’ensemble des moyens aériens comme terrestres, sera proposée très rapidement au directeur général de la sécurité civile et de la gestion des crises.
M. le président. La parole est à M. Antoine Lefèvre.
M. Antoine Lefèvre. Vous n’avez pas complètement répondu à ma question, madame la ministre. Vous avez évoqué à deux reprises l’indisponibilité « temporaire » de l’hélicoptère de la sécurité civile affecté à la base du Touquet. Je souhaite que le provisoire ne dure pas trop longtemps, car je suis, dans ce domaine, favorable aux solutions durables.
J’ai noté l’engagement pris par le ministre de l’intérieur de mener une réflexion plus vaste. Nous serons très attentifs aux moyens qui seront mis à nouveau en place sur la zone de défense et de sécurité Nord.
situation du village de kessab en syrie
M. le président. La parole est à M. Luc Carvounas, auteur de la question n° 770, adressée à M. le ministre des affaires étrangères et du développement international.
M. Luc Carvounas. Madame la secrétaire d’État, ma question porte sur la situation du village de Kessab en Syrie, en proie depuis plusieurs mois à de violents affrontements entre les forces armées du régime de Bachar Al-Assad et les forces rebelles du Front Al-Nosra, affilié à Al-Qaïda.
Vous le savez, madame la secrétaire d’État, la ville de Kessab, qui est un poste frontière situé entre la Turquie et la Syrie, dans la province de Lattaquié, est tombée aux mains des forces djihadistes, suscitant inquiétudes et doutes parmi les populations civiles de Kessab. Or, depuis la chute de la ville, majoritairement peuplée de rescapés du génocide des Arméniens de 1915, peu d’informations fiables nous parviennent quant au sort de ses habitants.
Nombre de spécialistes du Moyen-Orient s’inquiètent de la volonté des combattants islamistes de s’emparer d’un poste frontière qui semble pourtant stratégiquement non essentiel pour eux. Beaucoup s’interrogent donc sur les motivations réelles des assaillants, allant jusqu’à craindre que la communauté arménienne ne soit directement visée.
Les craintes d’exactions sectaires contre les minorités syriennes sont amplifiées par le caractère radical des combattants du Front Al-Nosra, qui considèrent notamment la communauté arménienne comme des hérétiques soutenant le régime de Bachar Al-Assad. Selon différentes sources en Syrie, cette situation a provoqué la fuite de 500, voire 800 familles, réfugiées plus au sud dans l’attente d’un apaisement des tensions à la frontière.
Face au risque de graves dérapages à Kessab, ainsi qu’à la rareté et au manque de précision des informations qui nous parviennent, pouvez-vous, madame la secrétaire d’État, nous faire part des éléments dont les autorités françaises ont connaissance quant au sort des habitants de cette région, ainsi que des éventuelles actions menées par le Gouvernement en faveur de l’apaisement de ces tensions pesant fortement sur l’ensemble de la population civile ?
M. le président. La parole est à Mme la secrétaire d'État.
Mme Fleur Pellerin, secrétaire d'État auprès du ministre des affaires étrangères et du développement international, chargée du commerce extérieur, de la promotion du tourisme et des Français de l'étranger. Monsieur le sénateur, nous continuons bien sûr à suivre avec la plus grande attention la situation dans le Nord-Ouest de la Syrie, en particulier dans la région de Kessab où des combats ont éclaté à partir du 21 mars, poussant de nombreux habitants, notamment arméniens, à la fuite.
Même si les informations sont, comme vous le relevez, encore lacunaires en raison de difficultés d’accès sur le terrain, nous comprenons qu’il n’y aurait pas eu depuis d’attaque ciblée contre les populations arméniennes, qui ont d'ailleurs fui, pour la quasi-totalité d’entre elles, ni contre leurs biens ou contre leurs lieux de culte. Il convient naturellement de rester prudent et vigilant.
La France, sensible au sort de ces personnes contraintes de quitter leur ville sous le feu des attaques, condamne toutes les violations du droit international humanitaire et des droits de l’homme en Syrie, et appelle toutes les parties au conflit, en premier lieu le régime, à veiller à la protection des civils.
Les droits des personnes appartenant à des minorités, quelle que soit leur origine ethnique ou leur religion, doivent être respectés. Nous le faisons valoir à la coalition nationale syrienne, qui a pris de longue date des engagements en ce sens et s’est mobilisée dès le début de l’offensive dans la région de Kessab pour que les lieux de culte arméniens, en particulier, soient protégés.
Il est important d’opérer une distinction claire entre l’opposition modérée, que nous soutenons, et les groupes terroristes dont nous condamnons les exactions et contre lesquels nous nous mobilisons. La France a ainsi été à l’initiative de l’inscription du Front Al-Nosra sur la liste de sanctions des Nations unies contre Al-Qaïda en mai 2013.
Alors que la situation humanitaire ne cesse de se dégrader, principalement du fait de la fuite en avant militaire du régime, la France est pleinement mobilisée pour venir en aide aux populations civiles affectées par le conflit syrien. C’est notamment sur son initiative que la résolution 2139 du Conseil de sécurité a été adoptée, à l’unanimité, le 22 février dernier. Cette résolution contient des demandes précises : l’arrêt des violences indiscriminées contre les civils, la levée immédiate des sièges des zones peuplées, le respect des missions médicales et des soins aux blessés ; elle exige également un accès à travers les lignes de conflits et les frontières des pays voisins.
Nous appelons le régime à se conformer à ces obligations et poussons les soutiens du régime à faire davantage pression sur lui, notamment dans le cadre du Groupe de haut niveau constitué sur le sujet à Genève.
Soyez donc assuré, monsieur le sénateur, que la France continue de se mobiliser en faveur de la population syrienne, du sort des minorités et de la situation des Arméniens en particulier. La France continuera de suivre l’évolution de la situation à Kessab avec la plus grande vigilance et restera attentive au sort des Arméniens de Syrie.
M. le président. La parole est à M. Luc Carvounas.
M. Luc Carvounas. Je tiens à remercier Mme la secrétaire d'État de ses propos et, à travers elle, le Gouvernement de sa vigilance sur la scène internationale par rapport à la situation syrienne, à Kessab en particulier.
Chacun comprendra que nos concitoyens d’origine arménienne regardent de très près ce qui se passe dans cette région, d’autant que nous sommes à quelques mois d’une commémoration importante du génocide arménien, manifestation à laquelle le Président de la République a annoncé sa participation.
Nos concitoyens seront, si ce n’est rassurés, tout au moins informés par la représentation nationale de l’action de la France sur la scène internationale pour essayer d’apporter son appui et sa protection à ces populations.
représentation de la france au forum des îles du pacifique
M. le président. La parole est à M. Robert Laufoaulu, auteur de la question n° 782, adressée à M. le ministre des affaires étrangères et du développement international.
M. Robert Laufoaulu. Madame la secrétaire d'État, ma question porte sur la représentation de la France au prochain forum du Pacifique qui se tiendra à partir du 29 juillet 2014 aux Îles Palau.
Le Forum, qui réunit seize États membres, ainsi que des membres associés, comme la Nouvelle-Calédonie ou la Polynésie française, et des membres observateurs, comme Wallis-et-Futuna, se tient chaque année et se termine par un dialogue post-forum avec une douzaine de pays partenaires, dont les États-Unis, le Japon, la Chine et, bien sûr, la France, puissance du Pacifique avec ses trois territoires ultramarins de la zone.
Notre pays avait depuis un certain temps compris l’importance stratégique de la zone Asie-Pacifique, importance qu’elle avait un peu perdue à la fin de la guerre froide, mais qu’elle retrouve pleinement dans le nouvel ordre géopolitique mondial. C’est ainsi qu’en 2011, Alain Juppé, alors ministre des affaires étrangères, conduisait la délégation française, à Auckland, lors du dialogue post-forum.
Toutefois, en 2012, à Avarua, aux Îles Cook, tandis que Hillary Clinton était présente, la France, malgré mes demandes renouvelées auprès du Gouvernement, a été représentée non pas au niveau ministériel mais seulement par notre ambassadeur. La situation s’est reproduite, en 2013, à Majuro, aux Îles Marshall.
Je suis tout sauf un homme partisan, madame la secrétaire d'État. Je n’hésite pas à voter les projets de loi du Gouvernement lorsqu’ils me paraissent aller dans le bon sens. Je me sens donc d’autant plus à l’aise pour dire les choses lorsqu’elles ne sont pas satisfaisantes.
Alors voilà : quelle que soit la qualité de nos diplomates, l’absence répétée de membres du gouvernement français au dialogue post-forum est vécue par les pays de la zone comme une marque de dédain. Quant à nous, Français du Pacifique, nous ressentons un profond malaise, pour ne pas dire plus.
Il est pourtant d’autant plus important que la France marque fortement son intérêt pour le forum que ce dernier, dont l’une des missions essentielles est la préservation de l’environnement, avec un volet sur la lutte contre le réchauffement climatique, offre un cadre idéal de discussions en vue de la préparation de la conférence sur le climat qui se tiendra à Paris à la fin de l’année 2015.
Si nous voulons vraiment que cette conférence sur les changements climatiques, dite « COP 21 », soit un succès, si en tant que pays hôte nous voulons aboutir à cette occasion à un nouvel accord international sur le climat applicable à tous les pays, dans l’objectif de maintenir le réchauffement mondial en deçà de deux degrés centigrades, nous devons, en amont, travailler aussi avec les États du Pacifique qui sont tellement concernés par la question.
En conséquence, je souhaiterais savoir si la France sera représentée, cette année, dans les discussions post-forum par un membre du Gouvernement de la République.
M. le président. La parole est à Mme la secrétaire d'État.
Mme Fleur Pellerin, secrétaire d'État auprès du ministre des affaires étrangères et du développement international, chargée du commerce extérieur, de la promotion du tourisme et des Français de l'étranger. Monsieur le sénateur, le quarante-cinquième sommet du forum des îles du Pacifique et le dialogue post-forum de Koror, qui se dérouleront du 29 juillet au 1er août 2014, ainsi que la troisième conférence internationale sur les petits États insulaires en développement, qui se tiendra aux Îles Samoa en septembre prochain, sont des échéances extrêmement importantes dans le contexte de la préparation de la conférence Paris Climat 2015.
Nous le savons, monsieur le sénateur, les îles du Pacifique sont parmi les territoires les plus exposés aux impacts du dérèglement climatique. La déclaration de Majuro pour un leadership sur le climat, signée l’an dernier à l’occasion de la quarante-quatrième édition du forum des îles du Pacifique, avait montré l’extrême préoccupation et la forte mobilisation des îles du Pacifique sur ce sujet.
Le réchauffement climatique, la montée du niveau de la mer, l’acidification des océans, les variations de précipitations, les cyclones et les tempêtes tropicales auront des effets importants dans beaucoup de régions du monde. Mais ces évolutions auront des conséquences sans commune mesure avec ce que pourraient connaître les écosystèmes et les économies des territoires insulaires, menacés pour certains de disparaître.
Avec Laurent Fabius, nous sommes parfaitement conscients de l’extrême vulnérabilité de ces territoires, qui méritent toute notre attention.
Pour répondre précisément à votre question, monsieur le sénateur, et vous rassurer par la même occasion, je tiens à vous informer que la France sera représentée au dialogue post-forum par son secrétaire permanent pour le Pacifique. Ce dernier conduira la délégation française qui sera présente lors du forum des îles du Pacifique.
M. le président. La parole est à M. Robert Laufoaulu.
M. Robert Laufoaulu. Madame la secrétaire d’État, je suis un peu déçu de votre réponse. Comme je l’indiquais dans ma question, voilà deux ans que la France n’est plus représentée au niveau ministériel lors des réunions du forum des îles du Pacifique. Les îles de la région y voient a minima une marque de dédain à leur égard. Je réitère donc ma demande : il me semble que le Gouvernement devrait être représenté au niveau ministériel lors de ce forum, réunion internationale de la région du Pacifique.
difficultés d'encaissement de la taxe d'aménagement
M. le président. La parole est à M. Pierre Camani, auteur de la question n° 791, adressée à Mme la ministre du logement et de l'égalité des territoires.
M. Pierre Camani. Madame la ministre, un nouveau dispositif de taxation des opérations d’aménagement et de construction est entré en vigueur au 1er mars 2012.
La taxe d’aménagement est ainsi venue remplacer plusieurs taxes d’urbanisme antérieures, dont la taxe départementale des espaces naturels sensibles, ou TDENS, et la taxe départementale destinée au financement des conseils d’architecture, de l’urbanisme et de l’environnement, ou CAUE.
Sur la base des estimations communiquées à l’époque par les services compétents de l’État, les départements ont voté un taux pour cette nouvelle taxe assortie d’une nouvelle clé de répartition de son produit entre, d’une part, les actions en faveur des espaces naturels et, d’autre part, l’activité des CAUE.
Dans les faits, les produits escomptés ne se sont pas concrétisés. Dans mon département, la perception de la taxe d’aménagement destinée au CAUE est inférieure de 40 % au rapport de l’ancienne taxe. Des difficultés de gestion et de recouvrement semblent être à l’origine de cette situation.
En 2013, les départements n’ont perçu que les recouvrements liés aux seuls dépôts de permis de construire antérieurs à mars 2012. Les opérations postérieures à cette date n’ont fait l’objet de taxation que depuis quelques mois avec, à la clé, une incompréhension des personnes assujetties, de nombreuses demandes de dégrèvements, des risques d’impayés, de contentieux ou de disparition des redevables…
Dans les départements, les services compétents de l’État indiquent que ces retards sont liés à des contraintes techniques d’origine informatique ayant empêché le recouvrement.
Cela semble pour le moins incongru. Il en résulte une situation financière particulièrement préoccupante pour les CAUE, qui voient leurs ressources diminuer tandis que leurs charges, déjà minimes, sont difficilement compressibles.
Madame la ministre, quelle évolution des encaissements au titre de la taxe d’aménagement peut-on prévoir en 2014 et par la suite ? Au-delà, pouvez-vous éclairer notre assemblée sur la nature des difficultés rencontrées par l’administration dans ce dossier, difficultés qui s’apparentent à une forme de dysfonctionnement.
M. le président. La parole est à Mme la ministre.
Mme Sylvia Pinel, ministre du logement et de l'égalité des territoires. Monsieur le sénateur Pierre Camani, vous avez appelé mon attention sur la situation financière des conseils d’architecture, de l’urbanisme et de l’environnement, notamment celui du Lot-et-Garonne, à la suite des difficultés rencontrées par ces structures à l’occasion de la mise en œuvre de la réforme de la fiscalité de l’urbanisme.
Pour rappel, la mise en œuvre de cette réforme, entrée en vigueur le 1er mars 2012, s’est accompagnée du raccordement de l’application ADS2007 utilisée par mes services à l’interface CHORUS pour l’émission des titres à destination des redevables.
Malgré l’anticipation de l’administration, des difficultés techniques ont été rencontrées lors de ce chantier, difficultés inhérentes à tous les raccordements complexes d’outils informatiques dans un contexte interministériel. Elles sont à l’origine du report de deux mois de l’émission des titres de recettes, initialement prévue pour le mois de mai 2013.
Depuis la mi-juillet 2013, les difficultés ont été levées et les premiers titres ont été émis. À ce jour, environ 400 000 titres ont d’ores et déjà été pris en charge dans CHORUS.
S’agissant du département du Lot-et-Garonne, le montant prévisionnel estimé de la taxe d’aménagement pour 2014 est d’environ 1 642 000 euros.
Les services de la direction départementale du territoire du Lot-et-Garonne ont liquidé les dossiers jusqu’au 30 juin 2013. En outre, la reprise du stock de dossiers taxables se poursuit prioritairement.
Au 13 juin 2014, 571 302 euros ont été reversés au département du Lot-et-Garonne au titre de la taxe d’aménagement départementale – en 2013, il s’agissait de 19 227 euros et, en 2014, de 552 074 euros –, dont 163 229 euros au titre du CAUE.
À titre de précision, j’indique que la liquidation de la taxe départementale des conseils d’architecture, de l’urbanisme et de l’environnement, la TDCAUE, participera encore pour plus de 96 000 euros aux recettes du CAUE du Lot-et-Garonne pendant l’année 2014 et pour 91 000 euros au titre de l’année 2013.
Par ailleurs, j’attire votre attention sur le fait que le délai d’émission du titre de recettes afférant à la part départementale de la taxe d’aménagement est passé d’une échéance unique, avec paiement à douze mois, à deux émissions du titre de recettes à douze et vingt-quatre mois pour les sommes supérieures à 1 500 euros. Cela a entraîné, dans certains cas, une diminution des sommes à percevoir par les CAUE en 2013 au titre des permis délivrés après le 1er mars 2012.
Cette situation ne devrait plus exister dans les années à venir. Pour 2014, par exemple, le département percevra la seconde échéance relative aux permis de construire délivrés en 2012 et l’échéance unique, ou la première échéance, relative aux permis de construire délivrés en 2013.
Je vous précise en outre que le délai d’émission du titre de recettes ne doit pas être confondu avec le délai effectif de reversement aux départements. En effet, pour une estimation de la date des reversements, il convient de prendre en compte le délai entre la prise en charge du titre par le comptable public et la date d’exigibilité de l’impôt prévue par la réglementation fiscale, soit environ huit semaines, auquel il faut ajouter le délai de reversement à la collectivité.
Je tiens enfin, monsieur le sénateur Pierre Camani, à vous assurer que mes services sont prêts à examiner plus en détail avec vous le problème posé par ce nouveau dispositif de taxation des opérations d’aménagement et de construction, ainsi que la situation particulière de votre département.
M. le président. La parole est à M. Pierre Camani.
M. Pierre Camani. Je vous remercie, madame la ministre, de vos explications complètes et précises.
Cette situation ne concerne d’ailleurs pas que le Lot-et-Garonne, département que vous connaissez bien, madame la ministre, et mes collègues présidents de conseil général ici présents auront, j’en suis sûr, entendu le caractère rassurant de vos propos.
La quasi-absence de recettes au cours de l’année 2013 a toutefois causé de sérieuses difficultés de trésorerie aux organismes concernés. Il y va aujourd’hui de la viabilité même des CAUE dans les départements.
Je note, à la suite des chiffres que vous venez de me communiquer, que l’année 2014 devrait permettre une forme de rattrapage, notamment au second semestre.
Il importe toutefois pour l’avenir que les conseils généraux et les CAUE puissent disposer d’une visibilité annuelle quant aux montants susceptibles d’être reversés au titre de la taxe d’aménagement, sous réserve bien entendu de la variabilité des bases taxables.
Enfin, s’agissant des ménages redevables, aujourd’hui appelés à recevoir des titres de recettes pour des opérations réalisées en 2012, je compte sur la qualité de notre administration fiscale pour éviter que de tels épisodes ne se reproduisent. Il y va, je crois, de la compréhension de notre système fiscal par les administrés et du consentement à l’impôt.
diffusion de radio france internationale à strasbourg
M. le président. La parole est à M. Roland Ries, auteur de la question n° 803, adressée à Mme la ministre de la culture et de la communication.
M. Roland Ries. Monsieur le président, madame la ministre, mes chers collègues, je souhaite attirer ce matin l’attention du Gouvernement sur la pertinence d’une diffusion de Radio France internationale, ou RFI, à Strasbourg et dans quelques autres villes françaises.
Vous le savez, RFI est la seule radio publique française à traiter l’information largement à travers un prisme international.
Actuellement diffusée partout dans le monde et en Ile-de-France, cette radio accorde une place privilégiée à l’actualité européenne, à travers des reportages et des analyses, dans ses journaux et tranches d’information. L’Europe est aussi au cœur de trois magazines d’approfondissement : Accents d’Europe, Carrefour de l’Europe et Ici l’Europe.
À ce titre, madame la ministre, il serait à mon sens très opportun de diffuser cette radio à Strasbourg, ville où siègent le Conseil de l’Europe, la Cour européenne des droits de l’homme, le Parlement européen, l’état-major du Corps européen, le Médiateur de l’Union européenne, mais aussi divers organismes de coopération internationale. Par ailleurs, comme vous le savez, Strasbourg recevra bientôt – au 1er janvier 2015 – le titre d’« eurométropole ».
Strasbourg est donc une capitale européenne, dont les habitants sont particulièrement intéressés par les thématiques européennes et internationales. De plus, permettre à RFI d’émettre à Strasbourg constituerait, je pense, une reconnaissance concrète supplémentaire du caractère international de la ville que soutient le Gouvernement.
C’est pourquoi, madame la ministre, j’avais déjà adressé au Gouvernement une question écrite sur le sujet le 11 juillet 2013, relancée le 6 décembre dernier. Depuis, à savoir le 9 avril 2014, France Médias Monde, société holding à laquelle RFI appartient, a signé le 9 avril 2014 un contrat d’objectifs et de moyens avec l’État – le ministère de la culture et le ministère des affaires étrangères, entre autres, en sont signataires – dans lequel est inscrit le souhait d’émettre plus largement, et notamment à Strasbourg.
Je cite : « la richesse et l’originalité des offres de RFI [et] la nécessité de s’adresser aux diasporas [...] sont autant d’arguments pour l’élargissement de leur diffusion en FM en France métropolitaine. La recherche de fréquences pour RFI à Strasbourg, à Marseille, à Lyon et à Bordeaux par exemple [...] pourra être expertisée ».
Par ailleurs, le cahier des charges de France Médias Monde a récemment été modifié afin de permettre cette diffusion en France.
En conséquence, madame la ministre, je vous demande quel est l’état de vos réflexions sur cette question.
M. le président. La parole est à Mme la ministre.
Mme Sylvia Pinel, ministre du logement et de l'égalité des territoires. Monsieur le sénateur Roland Ries, je vous prie de bien vouloir excuser l’absence de Mme la ministre de la culture et de la communication, qui m’a chargée de vous transmettre des éléments de réponse.
Mme Aurélie Filippetti confirme tout d’abord que le Gouvernement accorde une grande attention à la promotion de l’idée européenne sur les antennes du service audiovisuel public.
Dans ce cadre, une diffusion de RFI à Strasbourg, métropole à l’identité fortement européenne, comme vous l’avez rappelé, pourrait trouver une certaine cohérence. C’est l’une des raisons pour lesquelles le décret du 27 janvier 2014 portant modification du cahier des charges de la société nationale de programme en charge de l’audiovisuel extérieur de la France permet désormais, en droit, à France Médias Monde de diffuser RFI à Strasbourg.
Par ailleurs, le contrat d’objectifs et de moyens 2013-2015 de France Médias Monde, sur lequel les commissions parlementaires compétentes ont donné un avis favorable, précise que « la recherche de fréquences pour RFI à Strasbourg [...] pourra être expertisée ».
Cependant, il n’existe pas aujourd’hui de fréquence disponible à Strasbourg pour une diffusion de RFI. La situation géographique de cette ville, limitrophe de l’Allemagne, constitue par ailleurs une difficulté supplémentaire à cet égard, compte tenu des possibles interférences avec les fréquences outre-Rhin.
De plus, dans un contexte budgétaire contraint, le contrat d’objectifs et de moyens accorde à France Médias Monde les moyens nécessaires non seulement à l’affirmation de l’identité de ses médias par l’enrichissement de leurs grilles de programme, mais aussi à la consolidation des antennes dans les zones d’influence prioritaires, lesquelles se trouvent au Maghreb, en Afrique et au Moyen-Orient.
Dans ce cadre, la diffusion de RFI à Strasbourg n’apparaît pas comme un objectif prioritaire, dont le coût devra être financé par redéploiement interne à France Médias Monde.
À plus long terme, la possibilité d’une diffusion de RFI à Strasbourg sur la radio numérique terrestre devra naturellement être examinée lorsque toutes les conditions pour la généralisation de cette technologie seront réunies.
M. le président. La parole est à M. Roland Ries.
M. Roland Ries. Madame la ministre, je vous remercie de cette réponse, même si votre conclusion n’est pas complètement satisfaisante. En effet, la ville de Strasbourg n’est manifestement pas considérée comme prioritaire dans les choix que vous avez évoqués. Vous nous renvoyez à des lendemains meilleurs avec la radio numérique terrestre, dont personne ne sait quand elle sera opérationnelle.
Je vous remercie néanmoins pour cette réponse, même si je déplore qu’il m’ait fallu poser une question orale pour l’obtenir : les deux questions écrites que j’avais précédemment posées à ce sujet n’avaient en effet obtenu aucun retour.
Je vous remercie donc par avance de bien vouloir transmettre aux membres du Gouvernement une demande – pour ne pas dire une récrimination –, d’ailleurs partagée par mes collègues : il doit être répondu aux questions écrites dans les temps en principe impartis à l’administration pour cela. Je n’aurais en effet pas eu besoin de poser cette question orale si ces délais avaient été respectés. Je compte donc sur vous pour transmettre ce message à qui de droit, madame la ministre.
la poste partenaire des professionnels du livre
M. le président. La parole est à M. Joël Guerriau, auteur de la question n° 796, adressée à Mme la ministre de la culture et de la communication.
M. Joël Guerriau. Monsieur le président, madame la ministre, mes chers collègues, j’ai été saisi par les éditeurs, les bibliothécaires, les libraires mais aussi les auteurs et les illustrateurs mécontents du service appelé « sac de livres », fourni par La Poste, lequel a été convenu avec l’État au titre du soutien à la filière du livre.
Les professionnels de ce secteur effectuent régulièrement des envois de livres par voie postale pour honorer des commandes, mais aussi dans le cadre des collaborations utiles à leur profession.
Dans sa démarche de valorisation et de préservation de la lecture et de la culture au sens large, et tenant compte d’une économie du livre très vulnérable, l’État français a mené diverses actions de soutien à la filière du livre. Certaines sont bien connues, comme la loi Lang sur le prix unique du livre. D’autres, en revanche, sont souvent méconnues des professionnels du livre et de l’édition.
Parmi ces dernières mesures, La Poste SA a dû proposer un service spécifique pour les éditeurs et libraires, appelé « sac de livres ». Ce service consiste à expédier des colis de livres à des tarifs préférentiels, dans le but de soutenir l’activité des petites et moyennes structures, dont les coûts d’envois postaux, importants, alourdissent considérablement leurs charges. Cette procédure se révèle fastidieuse pour ce qui a trait à la préparation des colis. L’information sur cet accord, quant à elle, a été mal relayée auprès des bureaux de poste, lesquels, bien souvent, ne connaissent même pas l’existence de cette offre. L’information, en effet, est très difficile à trouver auprès des personnels de La Poste, eux-mêmes mal renseignés sur le sujet. C’est à croire que La Poste SA met tout en œuvre pour que ses clients n’utilisent pas ce service !
Les témoignages sont nombreux : les consignes et précautions supplémentaires ne sont pas respectées, et certains sacs de livres ne sont jamais arrivés à destination, ce qui représente une perte sèche pour les éditeurs et les libraires.
La valeur de ces colis de livres s’élevait à plusieurs centaines d’euros. Or, même avec un suivi de type « colissimo », service plus coûteux, l’indemnisation n’est ni garantie à hauteur du préjudice ni automatique.
Des réclamations ont été faites auprès des services postaux. Ceux-ci se disent profondément désolés de n’avoir pas retrouvé les sacs de livres, mais ne proposent aucune compensation. Reste alors aux réclamants la possibilité d’engager une procédure avec le médiateur du groupe La Poste. Néanmoins, cette médiation semble vouée à l’échec, car l’offre « sac de livres » n’inclut pas de suivi numéroté des colis, pas plus qu’aucune forme d’assurance.
En somme, La Poste se fait payer pour un service qu’elle n’effectue pas, ou bien qu’elle rendra peut-être, mais sans aucune garantie ! Le service n’est donc pas à la hauteur des attentes des professionnels, relayées par l’État.
Madame la ministre, les professionnels du livre doivent-ils renoncer à cette offre de prix mise en place par le gouvernement français dans l’intérêt de la culture ? Pour perfectionner ce service, pouvez-vous obtenir de La Poste une amélioration indispensable et efficace, en faveur d’une activité qui souffre ?
M. le président. La parole est à Mme la ministre.
Mme Sylvia Pinel, ministre du logement et de l’égalité des territoires. Monsieur le sénateur, je vous prie tout d’abord de bien vouloir excuser l’absence de Mme la ministre de la culture et de la communication, qui ne peut malheureusement être présente au Sénat ce matin. Je vais néanmoins vous transmettre les éléments de réponse qu’elle m’a communiqués sur ce sujet.
Au cours des dernières années, les professionnels du secteur du livre ont été pénalisés – vous l’avez rappelé – par l’évolution réglementaire ou tarifaire de certains services postaux, qui les ont contraints à recourir aux tarifs classiques de La Poste, alors qu’ils bénéficiaient jusqu’alors de tarifs spécifiques ou économiques.
L’offre commerciale dite du « sac de livres » a été créée pour permettre aux éditeurs d’effectuer, à un tarif préférentiel, des expéditions d’ouvrages en nombre et de favoriser ainsi la diffusion et la circulation du livre.
Cependant, les dysfonctionnements constatés laissent à penser que La Poste ne met pas actuellement en œuvre tous les moyens nécessaires pour faire connaître des professionnels susceptibles d’en bénéficier l’offre commerciale du « sac de livres » et pour garantir ce service sur l’ensemble du territoire.
Aussi, devant ce constat, Mme la ministre de la culture et de la communication s’engage à se rapprocher prochainement du président-directeur général de La Poste, afin de lui demander de prendre toutes les mesures nécessaires, d’une part, pour faciliter l’accès des professionnels du livre au service du « sac de livres », et, d’autre part, pour restaurer une qualité de service satisfaisant et uniforme sur l’ensemble du territoire.
Mais, au-delà de cette question, et dans le contexte d’un développement du marché de la vente de livres à distance – marché sur lequel les librairies indépendantes subissent la concurrence d’un opérateur qui dispose de capacités qu’elles n’ont pas pu négocier avec La Poste ou ses concurrents, c’est-à-dire des tarifs postaux extrêmement bas –, il nous semble qu’une réflexion plus globale devrait également être engagée, notamment sur les conditions d’amélioration des services proposés par La Poste aux éditeurs et aux librairies indépendantes, lesquels sont restés fidèles, en majorité, à l’opérateur historique de la distribution postale en France.
Le Gouvernement, vous le savez, a le souci de maintenir les conditions d’un équilibre entre les acteurs de la chaîne du livre, seule garantie du maintien de la diversité de la création éditoriale.
L’accès des librairies indépendantes au marché de la vente en ligne, d’une part, et le maintien de conditions permettant une diffusion optimale de la production éditoriale des éditeurs, d’autre part, constituent à ce titre des éléments déterminants.
M. le président. La parole est à M. Joël Guerriau.
M. Joël Guerriau. Je vous remercie de votre réponse, madame la ministre. Nous faisons le même constat. Le secteur du livre connaît en France une situation difficile ; chaque année, les éditeurs et libraires voient leurs ventes baisser : entre 3 % et 9 % sur les trois dernières années.
Il est donc extrêmement important que chaque mesure prise pour les aider, ainsi que les bonnes intentions manifestées par Gouvernement à leur endroit, puissent se traduire concrètement. C’est pourquoi j’insiste, d’abord, sur la nécessité de contraindre La Poste à bien vouloir informer les éditeurs et les libraires de l’existence de ce service, chose qui n’est pas faite aujourd’hui. Il est besoin, ensuite, de rendre possible la traçabilité des colis – c’est le cas avec colissimo –, en les numérotant. Enfin, il est important de garantir que le service, tel qu’il a été proposé aux clients, est bien rendu.
Les éditeurs et les libraires comptent beaucoup sur le Gouvernement pour faire respecter cette mesure. Si l’intention initiale était bonne, le dispositif n’est malheureusement pas suffisamment suivi par le Gouvernement. J’espère, dès lors, que Mme la ministre de la culture sera entendue par le président-directeur général de La Poste.
M. le président. Mes chers collègues, avant d’aborder la question orale suivante, nous allons interrompre nos travaux pour quelques instants.
La séance est suspendue.
(La séance, suspendue à dix heures vingt, est reprise à dix heures vingt-cinq.)
M. le président. La séance est reprise.
situation préoccupante de l’apiculture en languedoc-roussillon
M. le président. La parole est à M. Christian Bourquin, auteur de la question n° 775, adressée à M. le ministre de l’agriculture, de l’agroalimentaire et de la forêt, porte-parole du Gouvernement.
M. Christian Bourquin. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, ma question porte sur un fait a priori anodin : les abeilles et leur mortalité.
La mortalité des colonies d’abeilles est en hausse constante depuis de nombreuses années. La responsabilité en incombe, à coup sûr, aux produits phytosanitaires et, dans une moindre mesure, à l’invasion du frelon asiatique.
Ce taux de mortalité n’est pas insignifiant. Dans le département des Pyrénées-Orientales, département qui, riche de ses 226 communes et 400 000 habitants, m’a élu sénateur, 1 300 ruches environ ont disparu au cours de l’hiver dernier. Et ce n’est, mes chers collègues, qu’un cas parmi d’autres !
Cette situation est dramatique, et la question que je pose aujourd’hui doit être entendue comme un cri d’alarme.
Les abeilles, sentinelles de l’environnement, jouent, chacun le sait, un rôle capital dans la préservation de la biodiversité. Si les solutions à apporter sur le plan environnemental reposent essentiellement sur les épaules de la ministre de l’écologie – je l’invite d’ailleurs à accorder à ce problème majeur toute son attention –, c’est sur vous, monsieur le ministre de l’agriculture, que nous comptons pour traiter la dimension économique de ce fléau.
Ce fléau, en effet, entraîne une forte diminution de la production de miel et remet en question le devenir des producteurs. Après une année 2013 déjà très difficile, les 3 400 apiculteurs de ma région – telle qu’elle existe aujourd’hui et continuera très certainement d’exister demain (Sourires.) – s’apprêtent à vive une année 2014 encore plus compliquée.
Pourtant, il s’agit d’une filière d’une importance majeure pour le Languedoc-Roussillon, qui produit plus de 1 500 tonnes de miel chaque année, ce qui en fait la deuxième région française en la matière. Le chiffre d’affaires de la filière n’est pas anodin pour la région, puisqu’il représente une bonne dizaine de millions d’euros par an.
Bien entendu, monsieur le ministre, vous avez déjà entrepris certaines actions, à travers notamment le comité stratégique pour l’apiculture, qui devait investir environ 40 millions d’euros dans la filière.
Mais il y a un hic. J’ignore si ces fonds sont insuffisants ; je ne sais pas non plus s’ils ont été bien répartis ou non. Ce qui est certain, en revanche, c’est que ni les producteurs, ni les élus de ma région, ni moi-même n’avons constaté de changements de nature à nous rassurer sur ces investissements et sur la survie de la filière. Les apiculteurs sont plus que jamais inquiets pour leur avenir ; la fin des abeilles précipitera la chute des hommes.
Dès lors, monsieur le ministre, pouvez-vous nous indiquer ce que vous comptez faire pour traiter ce problème d’apparence anodine, mais en réalité très complexe ?
M. le président. La parole est à M. le ministre.
M. Stéphane Le Foll, ministre de l'agriculture, de l'agroalimentaire et de la forêt, porte-parole du Gouvernement. Monsieur le sénateur – et président de conseil régional –, nous faisons les mêmes constats sur le rôle majeur des abeilles pour les écosystèmes et la biodiversité.
Au mois de février 2013, j’ai engagé un plan doté de 40 millions d’euros pour le développement d’une apiculture durable. Il s’agit de structurer la filière, d’engager des recherches sur les variétés d’abeilles, de mesurer les risques sanitaires que connaissent aujourd'hui ces insectes, de lutter contre les effets néfastes pour la préservation des espèces, de déclarer le frelon asiatique nuisible – avant mon arrivée au ministère, on ne pouvait pas lutter contre ce fléau – et d’organiser la production de miel en France, ce qui n’est pas le cas aujourd'hui.
Notre pays, qui consomme environ 40 000 tonnes de miel, en produit moins de 17 000 tonnes, et sa production est en baisse, ce que nous ne pouvons pas accepter, d’autant plus que nos importations proviennent non seulement de pays européens, mais également, et pour une part importante, d’autres régions du monde.
Nous devons donc redévelopper et restructurer la production de miel en France.
Pour en venir plus spécifiquement aux taux de mortalité des abeilles extrêmement importants, notamment dans le Sud, j’ai demandé que les épandages de phytosanitaires s’effectuent plutôt le soir, et non plus le matin. Certes, cela peut poser des problèmes aux agriculteurs, mais, et un avis de l’Agence nationale de sécurité sanitaire, de l’alimentation, de l’environnement et du travail nous l’a confirmé, les abeilles, qui se repèrent par rapport au soleil le matin, sont directement touchées par les résidus déposés sur les différentes plantes ayant fait l’objet de traitements. Faire procéder aux épandages le soir est donc une avancée importante.
Ce matin, je vais présenter un grand projet sur l’agroécologie, avec un objectif de diminution des indices de fréquence de traitement phytosanitaire. Il s’agit, là encore, d’aller dans le sens de la préservation de la biodiversité.
Des mesures spécifiques restent à prendre pour faire face aux taux de mortalité récemment constatés, en particulier dans le sud de la France, par exemple en Ariège ou dans votre région. Certaines sont en cours, mais nous nous heurtons à certains obstacles. Des aides directes peuvent être versées. Nous essayons d’offrir un soutien à tous les apiculteurs qui en font la demande et de les aider à reconstituer les essaims qui ont été perdus.
Tout comme vous, je pense que le sujet n’a rien d’anodin. Un grand pays agricole comme la France doit aussi être un grand pays apicole. Les abeilles ont un rôle dans la pollinisation des arbres fruitiers et pour nombre d’autres productions agricoles comme les colzas. Il est nécessaire de les préserver et d’améliorer l’organisation. C’est l’objectif du plan.
Comme les 40 millions d’euros dont j’ai parlé partent dans la recherche ou dans l’organisation de la production, on ne les voit pas forcément, mais ils existent ! Nous devons, et c’est plus un projet à moyen terme, redresser la production de miel. La France ne peut pas continuer à perdre en tonnage et à importer, alors qu’elle a tout pour être une grande nation de production apicole et mellifère !
M. le président. La parole est à M. Christian Bourquin.
M. Christian Bourquin. Monsieur le ministre, j’approuve l’ensemble de vos propos et je partage les ambitions qui sont les vôtres.
Toutefois, en tant qu’élu d’un département frontalier de l’Espagne, j’aimerais, sans le moins du monde sembler accuser nos voisins ibériques ou vouloir provoquer un incident dans cet hémicycle – appeler à une certaine vigilance. Des produits interdits en France, que nous utilisions par exemple voilà une dizaine d’années pour l’élevage des vaches, sont toujours commercialisés en Espagne, et il n’y a parfois qu’un kilomètre à faire pour se les procurer et s’en servir, ce qui crée d’énormes dégâts !
Tout cela mis bout à bout, cela commence à faire beaucoup… Continuons donc à agir ensemble, monsieur le ministre !
impact de la politique agricole commune sur la filière des protéagineux et l'industrie agroalimentaire du pois
M. le président. La parole est à M. Yves Daudigny, auteur de la question n° 792, adressée à M. le ministre de l'agriculture, de l'agroalimentaire et de la forêt, porte-parole du Gouvernement.
M. Yves Daudigny. Je souhaite appeler l’attention du Gouvernement sur l’impact des critères d’attribution retenus par la France pour les aides de la politique agricole commune à la filière des protéagineux, en particulier l’industrie agroalimentaire exploitant le pois. Le surcoût envisageable du fait de ces critères pour les matières premières fait peser une menace réelle sur les emplois du secteur.
En effet, dans le cadre de la définition des modalités de répartition des subventions provenant de la PAC, il a été décidé d’orienter l’enveloppe « protéagineux – luzerne déshydratée » vers le soutien à l’élevage, qui doit relever, nous en sommes pleinement conscients, de nombreux défis.
Néanmoins, une telle orientation a pour conséquence d’exclure de ce financement PAC les débouchés qui ne relèvent pas de la nutrition animale : nutrition humaine, cosmétologie, pharmacie, chimie du végétal...
Ainsi, lorsque le producteur vend à un acheteur autre qu’un éleveur, le prix se trouve bien souvent majoré de l’aide qu’il ne peut pas percevoir, entraînant donc un surcoût pour l’acquéreur, qui subit alors une charge nouvelle grevant sa compétitivité et pouvant nuire aux emplois du secteur.
De plus, l’acheteur a la possibilité de rechercher des approvisionnements hors de la zone d’application de la PAC, notamment au Canada, producteur majeur de pois. Cette hypothèse serait évidemment néfaste pour la filière pois, qui, d’une part, perdrait un segment de marché et, d’autre part, deviendrait monodébouché, donc plus vulnérable.
Tant pour la filière pois que pour l’industrie de transformation, l’accès à l’enveloppe « protéagineux – luzerne déshydratée », quel qu’en soit l’usage, nutrition animale ou humaine, serait un facteur important de maintien de l’emploi, agricole comme industriel.
Monsieur le ministre, j’ai évidemment en tête l’exemple du département de l’Aisne, terre agricole que vous connaissez bien, où la filière pois est développée, notamment autour de Vic-sur-Aisne, et constitue un secteur d’activité performant, un secteur d’avenir.
Aussi, je vous remercie de bien vouloir m’indiquer si le périmètre de l’aide dans le cadre de la PAC peut ou pourrait être élargi à l’ensemble de la production de pois, quel que soit son usage final, afin de préserver les emplois de la filière.
M. le président. La parole est à M. le ministre.
M. Stéphane Le Foll, ministre de l'agriculture, de l'agroalimentaire et de la forêt, porte-parole du Gouvernement. Monsieur le sénateur et président de ce beau département de l’Aisne, je voudrais d’abord répondre à une question stratégique.
Dans la négociation de la réforme de la politique agricole commune, j’ai obtenu un couplage des aides sur les protéagineux de manière générale, en l’occurrence 2 % du total des aides versées au titre du premier pilier, c'est-à-dire autour de 151 millions d’euros.
L’objectif, il faut en avoir conscience, est de limiter la dépendance de la France aux importations de protéines végétales en provenance du reste du monde. Vous connaissez notre niveau de dépendance, notamment vis-à-vis de l’Amérique latine. Je pense au soja ou aux OGM, importations auxquelles, j’en suis convaincu, vous ne devez pas être très favorable… Nous sommes donc bien obligés de construire une filière de production de protéines végétales destinées à l’élevage pour assurer notre autonomie fourragère. C’est notre axe stratégique.
Ce couplage de 2 % marque une volonté de renforcer l’autonomie de notre agriculture et de notre élevage, en réduisant leur dépendance aux importations. Au sein de l’enveloppe de 151 millions d’euros que je mentionnais, 98 millions d’euros sont destinés aux éleveurs ou aux producteurs en contrat direct avec un éleveur – nous sommes bien dans la stratégie –, 6 millions d’euros sont destinés aux producteurs de légumineuses fourragères pour le soutien à la production de soja, 8 millions d’euros pour la production de luzerne déshydratée, 4 millions d’euros pour la production de semences légumineuses fourragères et 35 millions d’euros pour la production de protéagineux : lupins, pois, féveroles.
Ainsi, avec cette enveloppe de 151 millions d’euros, nous avons bien fixé l’objectif de l’autonomie fourragère de la France, en ajoutant des aides couplées spécifiques pour un certain nombre de productions de protéagineux, en particulier le pois, sujet qui nous intéresse aujourd'hui, et ce pour l’alimentation animale comme pour l’alimentation humaine.
Simplement, s’agissant de cette enveloppe, il faut que nous puissions mesurer l’utilité d’une telle production pour l’autonomie fourragère. En même temps, vous voyez qu’il y a aujourd'hui 35 millions d’euros pour les pois et lupins. Nous avons donc bien le souci de préserver l’outil industriel qui existe, en particulier dans l’est de la France, pour ces productions transformées à des fins autres que la seule alimentation animale.
Cela dit, et chacun doit en avoir conscience, l’objectif d’autonomie fourragère de la France crée également des débouchés pour toutes les productions de protéines fourragères, dont je rappelle la grande importance.
La question de l’autonomie a systématiquement été posée dans les débats que nous avons eus au Sénat lors de l’examen du projet de loi d’avenir pour l’agriculture, l’alimentation et la forêt. On ne peut pas continuer à importer des milliers de tonnes de protéines fourragères sans se demander si ces productions n’iront pas ailleurs un jour ou si leurs prix n’augmenteront pas dans des proportions susceptibles de remettre en cause notre capacité de transformation !
Soyez dons rassuré : je vous ai donné les chiffres - 151 millions d’euros, dont 35 millions pour les pois et lupins - et je vous confirme que nous avons une véritable stratégie de moyen et de long terme pour l’autonomie fourragère de l’agriculture française.
M. le président. La parole est à M. Yves Daudigny.
M. Yves Daudigny. Monsieur le ministre, je vous remercie de l’éclairage que vous avez bien voulu nous apporter. Nous ne pouvons que partager vos objectifs stratégiques, mais vous comprenez ma sensibilité quant au maintien d’emplois dans une filière tout à fait performante.
M. Yves Daudigny. Je profite de l’occasion pour vous inviter à venir visiter le site du groupe Roquette Frères, dans le département de l’Aisne. Vous connaissez, je n’en doute pas, cette entreprise française particulièrement performante dans tout ce qui touche à l’utilisation du pois et fondée sur une recherche très approfondie.
Le site se trouve à Montigny-Lengrain, près de Vic-sur-Aisne. L’usine est moderne et complètement tournée vers l’innovation, vers la création d’emplois.
Les responsables du groupe pourraient vous y exposer leur savoir-faire, vous faire partager leurs grandes ambitions et, éventuellement, vous exprimer leurs craintes. Je puis vous assurer que vous seriez très cordialement accueilli.
M. Stéphane Le Foll, ministre. J’accepte bien volontiers l’invitation !
abattages de milliers de platanes centenaires dans le sud-est
M. le président. La parole est à M. Robert Tropeano, auteur de la question n° 797, adressée à M. le ministre de l'agriculture, de l'agroalimentaire et de la forêt, porte-parole du Gouvernement.
M. Robert Tropeano. Notre collègue Christian Bourquin ayant évoqué la mortalité des abeilles, j’aborderai pour ma part celle des platanes du sud de la France, particulièrement menacés depuis l’apparition du chancre coloré, en 2006.
Ces platanes sont plantés dans de nombreux villes et villages du sud de notre pays, notamment le long du canal du Midi, ouvrage construit par Pierre-Paul Riquet et qui relie Toulouse à Sète. Je le rappelle, l’ancien « canal royal du Languedoc », par ailleurs l’un des plus anciens canaux d’Europe, est classé au patrimoine mondial de l’UNESCO et figure depuis 1997 sur la liste des grands sites de France. C’est un site unique, réputé pour ses voies navigables et l’ombrage de ses platanes, cette voûte arborée qui fait le bonheur des nombreux plaisanciers et touristes fréquentant notre région.
Or le chancre coloré, ce champignon microscopique, a déjà tué des milliers de platanes et en menace des milliers d’autres. Les abattages systématiques souvent préconisés sont un véritable crève-cœur, pour les habitants comme pour les élus, d’autant plus lorsqu’il s’agit d’abattre des arbres qui n’ont pas l’air atteints par la maladie, pour éviter la contagion dans un rayon de cinquante mètres.
Depuis la découverte de cette épidémie, des solutions ont été proposées, mais elles ont suscité bien des déceptions : vaccin, traitement chimique, micro-injections de produits phytosanitaires ou plantation de « platanors », cette variété de platanes que nous pensions résistants au chancre ; malheureusement, une centaine de plants sont déjà morts.
Récemment, des protocoles d’essais thérapeutiques ont été soumis à l’approbation de votre ministère, seul susceptible d’accorder des dérogations au régime d’abattage réglementaire.
Monsieur le ministre, pourriez-vous faire le point de la situation et nous informer, alors que nos platanes bénéficient encore d’une trêve printanière à l’abattage obtenue par la Ligue de protection des oiseaux, de l’état de la recherche, des premiers résultats du protocole d’expérimentations en cours sur les arbres contaminés et des dernières décisions relatives au plan d’abattage des platanes centenaires ?
M. le président. La parole est à M. le ministre.
M. Stéphane Le Foll, ministre de l'agriculture, de l'agroalimentaire et de la forêt, porte-parole du Gouvernement. Monsieur le sénateur, cher Robert Tropeano, vous avez évoqué le crève-cœur que constitue l’abattage des platanes, en particulier dans le site classé du canal du Midi.
Jeune habitant d’un village du canton de Loué, j’ai moi-même assisté à la disparition des ormes il y a trente ans. Ces arbres extrêmement beaux étaient l’un des piliers du bocage sarthois tel que je l’ai connu. Des tentatives ont été faites pour implanter des ormes d’ornement résistants mais, globalement, dans le bocage, cette espèce, même si des rejets de temps en temps apparaissent, a aujourd’hui pratiquement disparu.
L’attaque du platane par le chancre coloré représente, comme vous l’avez souligné, un vrai drame.
Vous m’avez interrogé sur les mesures de prévention en cours, en rappelant le traumatisme – je partage tout à fait ce constat – que constitue l’abattage. Il faut effectivement trouver des alternatives.
La seule chose que je peux vous dire, c’est qu’il y a eu plusieurs projets d’expérimentation et, d’après mes services, l’un d’eux, les micro-injections de fongicides, que vous avez vous-même évoquées, semble prometteur.
Un protocole est en cours d’examen par l’Agence nationale de sécurité sanitaire de l’alimentation, de l’environnement et du travail, l’ANSES. Je dois attendre les conclusions de l’Agence afin d’autoriser la mise en œuvre de ce protocole. Il s’agit de trouver une alternative à ce qui est aujourd’hui la solution radicale, l’abattage systématique des platanes malades, lequel s’accompagne aussi de l’abattage des arbres environnants afin d’éviter la diffusion de la maladie. Cette méthode de prophylaxie, j’en ai parfaitement conscience, est elle-même extrêmement traumatisante.
Nous devons donc trouver d’autres solutions. Ces micro-injections de fongicides, je le répète, sont aujourd’hui en cours d’examen par l’ANSES. Dès que nous aurons obtenu l’autorisation pour le protocole, je le signerai et nous mettrons en œuvre, le plus rapidement possible, des méthodes alternatives à l’abattage pour préserver le paysage, l’image du Midi et surtout cet arbre magnifique qu’est le platane.
La recherche avance. L’ANSES, d’après les informations qui m’ont été transmises, semble avoir un protocole assez promoteur. Faisons vite – et c’est ce que je ferai – afin que tout soit mis en œuvre pour sauver les platanes !
M. le président. La parole est à M. Robert Tropeano.
M. Robert Tropeano. Monsieur le ministre, vous avez évoqué les ormes. Dans ma commune, il y en avait énormément, ils sont tous morts et ont été remplacés, il y a une centaine d’années, par des platanes… Aujourd’hui, c’est au tour des platanes d’être malades !
Je voudrais insister sur un point qui me semble primordial : la nécessité absolue d’une concertation permanente avec tous les élus concernés par l’abattage de ces platanes.
Si l’abattage – comme vous l’avez souligné – est un traumatisme pour les riverains, ses conséquences sur l’activité des acteurs économiques liés au tourisme ne sont certainement pas évaluées à leur juste valeur. La défiguration des paysages, dépossédés de ces arbres séculaires, impacte des lieux touristiques majeurs, comme je l’ai dit pour le canal du Midi, mais également des centres-villes très fréquentés par les touristes.
Aussi, monsieur le ministre, j’espère, après votre réponse, que nous arriverons à terme à sauver nos platanes, non seulement pour notre environnement mais aussi pour l’ensemble des touristes et des habitants de cette région.
avenir des étalons nationaux
M. le président. La parole est à M. Ambroise Dupont, auteur de la question n° 798, adressée à M. le ministre de l'agriculture, de l'agroalimentaire et de la forêt, porte-parole du Gouvernement.
M. Ambroise Dupont. Monsieur le ministre, je souhaite attirer votre attention sur l’avenir des étalons nationaux de courses et de sport.
La politique de l’État en matière de cheval a été réformée au début de l’année 2010. Les Haras nationaux et l’École nationale d’équitation ont fusionné pour créer un établissement public administratif, l’Institut français du cheval et de l’équitation, l’IFCE, recentré sur des missions de service public.
En outre, un groupement d’intérêt public, France-Haras, a été chargé des missions techniques relevant du domaine concurrentiel et nécessitant une implication de l’ensemble des professionnels de la filière.
La création de France-Haras, dans lequel l’État restait majoritaire, avait pour but d’accompagner le transfert de l’étalonnage public vers le secteur privé. Après seulement quelques années d’un fonctionnement difficile, comme tout le monde le sait, il a été décidé de mettre un terme aux activités du GIP France-Haras et de céder ses actifs.
Ainsi, il a été proposé de vendre aux enchères publiques le parc des étalons nationaux, dont la qualité de reproducteurs avait pourtant été mise en évidence, tant par le testage que par la confiance des éleveurs.
Avec ces ventes au plus offrant, ce serait pour les meilleurs géniteurs de course et de sport, le patrimoine génétique français, longuement sélectionné, qui serait disséminé au-delà de nos frontières.
Pourtant, des alternatives aux enchères existent. Elles sont portées par la plupart des représentants de la filière, notamment le Cheval français, France-Galop, le Selle français, l’Association nationale anglo-arabe et d’autres encore.
Elles consistent en la réaffectation des étalons propriété de l’État à l’IFCE, puis en la soumission d’un plan de reprise par les associations nationales de races des étalons qui présentent un intérêt génétique pour l’élevage français. Seuls les étalons sans intérêt majeur seraient proposés à la vente.
Ce projet viable aurait, en outre, l’avantage de ne créer aucune charge pour l’État, sous forme financière ou en termes de ressources humaines. Tous les frais seraient assumés par les repreneurs moyennant le reversement à l’IFCE d’un pourcentage sur le chiffre d’affaires de la génétique encaissé.
Il faut, enfin, rappeler que, pour les étalons de trait, le transfert aux associations nationales de races est déjà engagé.
Je vous serais reconnaissant, monsieur le ministre, de bien vouloir nous indiquer quelles sont vos intentions sur le sujet. Il me semble important de mettre en place, en concertation avec les services du ministère de l’économie et des finances, un groupe de travail chargé de l’avenir des étalons sur la base des propositions des socioprofessionnels et des associations nationales de races.
Le temps presse, car les premières ventes sont inscrites dès la fin des jeux mondiaux.
M. le président. La parole est à M. le ministre.
M. Stéphane Le Foll, ministre de l'agriculture, de l'agroalimentaire et de la forêt, porte-parole du Gouvernement. Monsieur Ambroise Dupont, je connais votre attachement à la filière du cheval de manière globale, la qualité du travail que vous avez conduit depuis de nombreuses années et le souci qui est le vôtre de préserver le modèle français, notamment sa capacité à continuer d’offrir les meilleurs chevaux du monde.
Sur la question posée, je précise que les modalités de cession des étalons de sang ont été définies par le conseil d’administration du groupement d’intérêt public France-Haras le 20 mars 2014 : il a été décidé de procéder à la vente de ces étalons selon la procédure d’enchères publiques.
En effet, le devenir des étalons doit résulter d’une procédure conforme aux règles de la concurrence. Une mise à disposition des étalons, sans mise en concurrence, à un opérateur qui aurait ensuite une activité économique d’étalonnage n’entre pas dans ce cadre et serait considérée comme une aide d’État illégale. On est là dans le droit de la concurrence européen. C’est vrai que cette question nous est posée.
Je rappelle que cette décision du retrait des Haras nationaux de l’activité d’étalonnage public a été prise en 2009. Le GIP France-Haras a été créé pour accompagner le retrait progressif de l’État de cette activité concurrentielle, en associant dans ses organes de gouvernance des représentants de l’État et des professionnels, notamment les associations nationales de races de chevaux de courses – France-Galop et la Société d’encouragement à l’élevage du cheval français – et de certaines races de chevaux de sport.
Bien qu’envisagée initialement, la reprise collective par les professionnels de l’activité génétique et des services qui y sont associés n’a pu aboutir – je me souviens effectivement que, lors des débats que nous avons eus sur l’avenir des Haras nationaux, aucune solution n’avait vraiment été trouvée de ce côté-là –, ceux-ci n’ayant pas jugé la solution pertinente lors du conseil d’administration du GIP France-Haras du 20 juin 2013. C’est vrai que l’on a là une difficulté. Dans l’idéal, ce serait tout à fait possible ou souhaitable, mais, dans la réalité, cela ne se passe pas ainsi.
Le rôle essentiel qu’auraient eu les éleveurs dans la valorisation de ces étalons, en décidant de faire saillir leurs juments par ces étalons sans que ces derniers aient démontré la qualité de leur descendance, n’est pas un argument recevable, aujourd'hui, en l’état.
L’offre d’étalonnage public ne s’est jamais limitée à de jeunes animaux ou à des animaux dont la qualité aurait été totalement inconnue. L’ascendance et les résultats en compétition étaient régulièrement publiés.
Dans un environnement concurrentiel, le prix d’une saillie prend toujours en compte les caractéristiques du produit, notamment la notoriété de l’individu ou la qualité de sa production.
Le fait d’utiliser un bien ou un service auprès d’une entreprise ne donne aucun droit sur son capital, et ce quel que soit le secteur d’activité considéré.
Enfin, le parallèle établi entre les chevaux de sang et les chevaux de trait n’est pas, en l’état actuel, pertinent. D’une part, la procédure retenue pour la vente des étalons de trait est bien une vente, et n’est en aucun cas une location. D’autre part – et surtout –, le marché des étalons de trait n’est pas marqué, comme celui des étalons de sang, par une volatilité et une individualisation très forte des prix, ce qui permet de connaître de manière fiable la valeur du stock d’étalons sans passer par une étape de mise sur le marché. Cela permet donc de proposer aux associations des races concernées de les acheter à cette valeur.
Cela étant dit, monsieur le sénateur vous m’avez proposé une réunion spécifique sur ce sujet. Au vu du dossier, je suis d’accord pour que nous nous rencontrions et que nous discutions ensemble de ces questions afin de voir où nous en sommes, comment nous pouvons améliorer les choses en tenant compte de cette dimension génétique, qui fait toute la valeur du cheptel français, en particulier en ce qui concerne les étalons de sport.
M. le président. La parole est à M. Ambroise Dupont.
M. Ambroise Dupont. Monsieur le ministre, je vous remercie de votre réponse, qui me satisfait totalement. Je me félicite notamment de votre proposition d’organiser une réunion.
Je sais que les visions sur le sort de France-Haras ont divergé au fil du temps. Je vous rappelle toutefois que, si les socioprofessionnels ont bien été associés à certaines décisions et ont rejeté la mise en place d’une structure nationale proposée par l’administration, ils ont également refusé de participer au vote concernant le sort des étalons. Leur demande d’audition auprès du ministère de l’agriculture – mais vous venez d’y répondre favorablement – pour évoquer des propositions alternatives semblait être restée lettre morte. Ils ont été reçus, cependant, par les sénateurs de la section « cheval » du groupe d’études de l’élevage, section que je préside.
Le risque que vous évoquez d’un contentieux sur la base du non-respect des règles de la concurrence, en cas de mise à disposition des étalons nationaux de courses et de sport aux associations nationales de races, apparaît limité puisque, s’agissant des étalons de trait, le transfert aux associations nationales de races a déjà été engagé, sans difficulté, avec l’accord de l’État. De plus, il ne s’agira pas d’une « mise à disposition gratuite », puisqu’elle sera assortie d’une rétrocession financière au bénéfice de l’État.
Je crois nécessaire, pour l’avenir de l’élevage français, d’agir en commun – je vous remercie de l’accepter –, socioprofessionnels et administration, afin d’éviter que ne soient dispersés en ventes publiques nos étalons nationaux de courses et de sport.
À l’heure où la France se mobilise pour sauvegarder ses productions, vous le savez mieux que quiconque, monsieur le ministre, il ne paraît pas souhaitable que nos meilleurs reproducteurs soient achetés par des stud-books étrangers.
La solution de reprise in fine par les associations nationales de races représente, à ce jour, une solution raisonnable et conforme à l’intérêt de tous les acteurs. Elle préserverait le patrimoine génétique en épargnant les finances publiques. Le groupe de travail que vous proposez sera bienvenu pour évoquer des solutions alternatives à cette vente qui serait, naturellement, définitive.
obligation de distillation des sous-produits viniques
M. le président. La parole est à M. Jacques Berthou, auteur de la question n° 804, adressée à M. le ministre de l'agriculture, de l'agroalimentaire et de la forêt, porte-parole du Gouvernement.
M. Jacques Berthou. Monsieur le ministre, je souhaite attirer votre attention sur la mise en place de prestations viniques lors de chaque vendange et, en particulier, sur l’obligation de distiller les sous-produits de la vinification.
Tous les viticulteurs qui produisent plus de 25 hectolitres sont en effet soumis à cette obligation, qui concerne les marcs, les bourbes, les déchets, les levures mortes, les dépôts et les lies.
Dans l’Ain, vingt communes peuvent détruire les marcs, mais il reste les bourbes et les lies. La distillation de ces sous-produits pose problème car, dans ce département, il n’existe plus qu’un seul distillateur ambulant et il n’y a plus aucune distillerie.
Pour être en conformité avec la loi, les viticulteurs doivent se rendre dans d’autres départements viticoles, tels que le Rhône, la Saône-et-Loire ou la Côte-d’Or, pour procéder à la distillation de leurs produits. Ces transports ont des coûts, qui ne sont pas compensés par la valorisation de la distillation.
Si les viticulteurs ne peuvent pas démontrer qu’ils ont effectué les prestations viniques imposées par la loi, ils risquent d’être lourdement pénalisés.
Les viticulteurs du département de la Haute-Savoie bénéficient d’une dérogation à l’obligation de destruction des sous-produits. Les motifs de l’autorisation qui leur a été accordée pourraient également être retenus pour le département de l’Ain : éloignement des lieux de distillerie, absence de distillateur ambulant, éparpillement des vignobles.
Aussi, je vous demande, monsieur le ministre, dans quelle mesure les viticulteurs de l’Ain pourraient bénéficier, dès les vendanges de 2014, de la dérogation à l’obligation de traiter les sous-produits de la vinification, au même titre que les viticulteurs de Haute-Savoie.
M. le président. La parole est à M. le ministre.
M. Stéphane Le Foll, ministre de l'agriculture, de l'agroalimentaire et de la forêt, porte-parole du Gouvernement. Monsieur le sénateur, cher Jacques Berthou, vous posez une question extrêmement technique et précise sur le traitement des sous-produits de la vinification, notamment les marcs de raisin.
En la matière, la réglementation est communautaire. Elle interdit le surpressurage des raisins. Les États membres peuvent imposer à tous leurs producteurs, ou à une partie d’entre eux de livrer, aux fins de distillation, une partie ou la totalité des sous-produits de la vinification sur la base de critères objectifs et non discriminatoires. C’était le cas en France, où une obligation de livrer les sous-produits à la distillation s’imposait aux viticulteurs avec quelques dérogations pour tenir compte de l’absence de distilleries dans certaines régions.
Une expérimentation sur la valorisation des sous-produits a été menée de 2010 à 2012. Cette expérimentation a confirmé le rôle et l’intérêt du recours aux distilleries viticoles, et a également permis d’évaluer d’autres voies d’élimination des sous-produits, qui peuvent constituer, dans certains cas, une opportunité économique pour les producteurs.
Après une analyse juridique et technique du dispositif en vigueur et au terme de l’expérimentation, il est apparu nécessaire d’adapter la réglementation nationale. L’objectif est de fournir un cadre sécurisé et pérenne qui permette à chaque exploitation viticole de trouver une voie d’élimination des sous-produits adaptée à sa situation.
Ce nouveau cadre prévoit plusieurs possibilités pour éliminer les sous-produits de la vinification : la livraison à la distillation ou à un centre de méthanisation – j’y tiens, car la matière organique, donc le méthane, constitue un potentiel énergétique que l’on ne peut plus perdre –, la méthanisation ou le compostage sur l’exploitation, l’épandage sur l’exploitation ou sur celle de tiers.
Les viticulteurs qui choisiraient une autre voie que la distillation auront des obligations en matière de pesée ou d’analyse afin de permettre le contrôle des dispositions de la réglementation européenne.
La nouvelle réglementation ne prévoit pas de traitement différencié entre producteurs sur la base d’un zonage géographique. Les viticulteurs du département de l’Ain pourront ainsi choisir, comme les autres viticulteurs des autres départements, la voie d’élimination des sous-produits qui répond le mieux à leur situation. Je le redis, la distillation n’est pas la seule voie envisageable ; d’autres solutions peuvent être expérimentées, dont certaines sont, à mes yeux, très importantes.
Le Gouvernement confirme son objectif d’une publication rapide des textes relatifs à l’élimination des sous-produits, afin que le cadre national rénové soit d’application dès la récolte 2014.
Monsieur le sénateur, votre question est très utile : elle m’invite à me pencher, ce que je ferai avec diligence, sur ce sujet précis, alors que, en matière viticole, mes préoccupations du moment portent plutôt sur les questions liées au moût concentré et au moût concentré rectifié. Je vérifierai que la nouvelle réglementation sera bien appliquée rapidement, afin que les producteurs de l’Ain puissent faire le choix le mieux adapté à leur situation entre la méthanisation, l’épandage ou la distillation.
M. le président. La parole est à M. Jacques Berthou.
M. Jacques Berthou. Monsieur le ministre, je vous remercie tout particulièrement de votre réponse et des précisions que vous venez d’apporter.
Effectivement, les viticulteurs de l’Ain sont dans l’attente de cette réglementation que vous allez très rapidement mettre en œuvre. Nous devons adapter certaines dispositions en fonction des critères économiques et surtout techniques propres à nos territoires. En matière viticole, on ne peut, par exemple, comparer l’Ain à la Saône-et-Loire, département que je connais bien, mais sans doute beaucoup moins bien que notre président de séance… (Sourires.)
M. le président. C'est un département que je connais en effet très bien : nous pourrions en discuter tous les trois ! (Nouveaux sourires.)
Cela étant, mes chers collègues, nous allons interrompre nos travaux pour quelques instants.
La séance est suspendue.
(La séance, suspendue à onze heures cinq, est reprise à onze heures vingt.)
M. le président. La séance est reprise.
restructuration du cadencement de la ligne à grande vitesse entre arras et paris
M. le président. La parole est à Mme Catherine Génisson, auteur de la question n° 801, adressée à M. le secrétaire d'État auprès de la ministre de l'écologie, du développement durable et de l'énergie, chargé des transports, de la mer et de la pêche.
Mme Catherine Génisson. Monsieur le secrétaire d'État, je vous remercie de votre présence, en cette période difficile.
Je souhaite attirer votre attention sur l’annonce, par la direction de la SNCF, de la réduction du cadencement des lignes TGV entre Arras et Paris, via la suppression des trains de dix-sept heures vingt-deux et de dix-huit heures vingt-deux.
Je veux témoigner ici de la mobilisation des collectifs d'usagers et de très nombreux élus, au-delà de leur engagement partisan, contre cette nouvelle menace de suppression de trains, qui porte atteinte à la qualité de la mobilité.
Face à ces inquiétudes légitimes, des rencontres avec la direction de la SNCF ont été demandées par les différents élus, mais elles n'ont abouti à ce jour qu'à la réaffirmation de la décision.
La SNCF entend désengorger la Picardie et améliorer la fluidité des trains à partir de la gare du Nord. Toutefois, en amont, aucune concertation n'a été menée avec les différents acteurs, qu’il s’agisse des élus, des représentants du monde économique ou des usagers de la région Nord - Pas-de-Calais.
Au-delà des convictions partisanes, les élus territoriaux, avec les parlementaires, sont extrêmement déterminés à défendre la qualité de la mobilité, source, en particulier, de développement économique de notre territoire. Le Nord - Pas-de-Calais, fort de ses 4,5 millions d'habitants et situé au cœur de l'Europe, est une véritable « région ferroviaire », avec les industries ferroviaires, le Centre d'essais ferroviaire ou encore le lancement du pôle d'excellence ferroviaire régional.
De plus, s’il se réalisait, le projet de suppression des deux TGV Paris-Arras télescoperait les choix stratégiques et innovants de notre région en matière de transition socio-économique : je pense, en particulier, au Master plan de la troisième révolution industrielle, mais aussi au Louvre-Lens, ainsi qu’à l’accueil prochain des réserves du Louvre. Cette « restructuration négative » serait particulièrement néfaste pour l’attractivité socio-économique de l’Arrageois et, au-delà, de toute notre région, les TGV menacés permettant à l’heure actuelle la « migration pendulaire », en fin d’après-midi, de nombreux travailleurs.
Monsieur le secrétaire d’État, vous avez entendu ma détermination, mais aussi ma volonté d’engager un dialogue constructif avec l'ensemble des acteurs pour élaborer des solutions pérennes.
Aussi, ma question est simple : quelles sont vos solutions concernant cette situation ô combien délicate ?
M. le président. La parole est à M. le secrétaire d'État.
M. Frédéric Cuvillier, secrétaire d'État auprès de la ministre de l'écologie, du développement durable et de l'énergie, chargé des transports, de la mer et de la pêche. Madame la sénatrice, chère Catherine Génisson, vous savez que je suis ce dossier avec la plus grande attention. J’en avais été saisi avant que vous ne posiez votre question, ce qui montre combien la mobilisation est forte autour de ce projet.
Actuellement, douze TGV permettent chaque jour d’aller de Paris à Arras, trains qui sont ensuite prolongés vers Dunkerque, Valenciennes ou Lille, et autant de trajets retours. Cependant, la SNCF constate que la gare du Nord est saturée et que le trafic vers la Picardie explose – au reste, c’est vrai de l’ensemble du trafic au sein de la grande région parisienne –, avec une augmentation de 35 % en dix ans, ce qui pose un problème général d’accès à cette gare.
Dans ces conditions, la SNCF a annoncé qu’elle projetait de supprimer, dans le service annuel 2015, deux des douze TGV quotidiens pour Arras, afin de dégager des capacités au profit de la Picardie, dont le trafic est saturé. Cette évolution se traduirait par une diminution des dessertes pour Arras, même si, par l’utilisation de rames jumelées, la capacité de transport serait maintenue et le niveau de desserte pour Valenciennes et Dunkerque ne serait pas modifié.
Madame la sénatrice, je connais la grande mobilisation de l’ensemble des élus de ce territoire, et j’ai pleinement conscience que la suppression annoncée n’est pas envisageable au regard de la qualité de service, notamment pour les usagers arrageois. Dès lors, il faut que la SNCF, tout en prenant en compte la situation de la gare du Nord, que l’on ne saurait méconnaître, fasse évoluer son projet, en pleine concertation avec l’ensemble des élus du Nord - Pas-de-Calais et de Picardie.
Cette concertation est une nécessité, et je l’ai demandée au président de la SNCF lui-même. Pour m’entretenir avec lui régulièrement, et même plusieurs fois par jour en ce moment,…
Mme Catherine Génisson. Je l’imagine volontiers !
M. Frédéric Cuvillier, secrétaire d'État. … l’occasion m’a été donnée de lui rappeler et de lui dire combien je souhaitais que la SNCF revoie le dispositif annoncé : si le problème est connu, la réponse qui lui est donnée n’est, pour l’heure, pas satisfaisante. La situation doit faire l’objet d’une approche réaliste et des solutions de substitution, sur la base des taux de fréquentation, doivent être trouvées. Nous devons y travailler ensemble, avec les instances de la SNCF. Dans ce cadre, les élus doivent être réunis cet après-midi même.
Madame la sénatrice, soyez assurée que je veillerai avec une extrême attention à ce que des solutions alternatives tenant compte des enjeux, au profit du territoire, puissent être suivies d’effets.
M. le président. La parole est à Mme Catherine Génisson.
Mme Catherine Génisson. Monsieur le secrétaire d'État, je vous remercie beaucoup de votre réponse. Elle prouve votre détermination à permettre qu’une solution satisfaisante soit trouvée.
Pour ce qui concerne la proposition de la SNCF, à savoir le doublement de certains trains, il me semble qu’il ne suffit pas de raisonner en termes de capacité : nous devons aussi veiller à la qualité des transports et du service public que l’on apporte aux voyageurs.
Des pourparlers avec la SNCF sont envisagés. D’ailleurs, la réunion doit avoir lieu jeudi, et non cet après-midi – cela dit, on peut comprendre que votre planning soit actuellement surchargé ! (Sourires.)
Nous restons vigilants et j’espère que nous parviendrons à trouver une solution satisfaisante pour l’ensemble des partenaires concernés : la région Nord - Pas-de-Calais, la région Picardie et les représentants de la gare du Nord, qui doit être désengorgée.
avenir de la taxe générale sur les activités polluantes dite "granulats"
M. le président. La parole est à Mme Sophie Primas, auteur de la question n° 787, adressée à Mme la ministre de l'écologie, du développement durable et de l'énergie.
Mme Sophie Primas. Monsieur le secrétaire d’État, j’ai souhaité attirer l'attention de Mme la ministre de l'écologie, du développement durable et de l'énergie sur la suppression, dans le cadre de la loi de finances pour 2012, du dispositif visant au prélèvement, sur les recettes de l’État, d’un tiers du produit de la taxe générale sur les activités polluantes dite « granulats » au profit, principalement, des communes directement impactées par les activités liées à l'extraction des matériaux issus de carrières.
Malgré la volonté politique initiale exprimée par le Parlement – de mémoire, il s’agissait d’un amendement de M. Carrez –, il a été considéré – je vous laisse deviner qui se cache derrière ce « il »… – que ce mécanisme ne pouvait être mis en œuvre en l'état, compte tenu de la difficulté à quantifier les risques et inconvénients induits par la proximité d'un site d'extraction.
Force est de constater que, même si les carriers réalisent d’importants efforts pour redonner, au terme de l’exploitation, leurs droits à la nature, voire à l’agriculture, les collectivités territoriales concernées subissent incontestablement de multiples nuisances.
Celles-ci sont notamment liées au traumatisme sur le paysage naturel, aux poussières générées, aux passages de nombreux camions et, in fine, à la dévalorisation des biens. Dans la vallée de la Seine, en particulier dans le département des Yvelines, où la nature du sous-sol est favorable à l’installation de carrières, nous connaissons parfaitement cela. Or, si l’unité de traitement des granulats n’est pas située sur le territoire de la commune d’extraction, cette dernière ne perçoit pas de cotisation sur la valeur ajoutée des entreprises et ne dispose donc d’aucune contrepartie, ce qui semble pour le moins injuste.
Aussi, l’argument d’une quelconque complexité fiscale ne peut être la seule réponse à la détresse des communes, alors que l’exploitation de carrières est nécessaire afin d’alimenter le BTP.
Par conséquent, monsieur le secrétaire d’État, même si cela n’entre pas tout à fait dans le champ des responsabilités qui vous ont été confiées, je vous demande de bien vouloir m’indiquer dans quelle mesure le Gouvernement peut répondre à ces attentes et proposer, pour les communes concernées, un partage plus juste de la fiscalité.
M. le président. La parole est à M. le secrétaire d'État.
M. Frédéric Cuvillier, secrétaire d'État auprès de la ministre de l'écologie, du développement durable et de l'énergie, chargé des transports, de la mer et de la pêche. Madame la sénatrice, vous interrogez Mme Ségolène Royal, ministre de l’écologie, du développement durable et de l’énergie. Ne pouvant être présente, elle m’a chargé de vous répondre.
L’article 139 de la loi de finances pour 2011 a prévu un prélèvement sur recettes spécifique concernant la taxe générale sur les activités polluantes des matériaux d’extraction, dite « TGAP granulats », qui devait entrer en vigueur en 2012.
Cet article prévoyait le prélèvement sur les recettes de l’État d’un tiers de la taxe au profit des collectivités territoriales. Cette initiative avait notamment pour objectif de compenser les diverses nuisances générées par l’implantation de carrières dans les communes et, ainsi, en faciliter l’acceptation par la population.
Il a été constaté que les mécanismes de répartition du prélèvement sur recettes prévu par la loi ne paraissaient pas à même de produire l’effet de levier escompté.
La disposition prévoyait qu’au moins la moitié du prélèvement soit répartie au profit des communes accueillant des sites d’extraction, le solde revenant aux communes concernées par les risques et inconvénients causés par l’extraction des matériaux. Or la disposition concentrait fortement le dispositif sur les communes d’accueil, qui bénéficient déjà des effets positifs que ces implantations engendrent en termes d’activité économique et d’emploi. S’agissant des communes qui n’accueillent pas de site, leur éligibilité était subordonnée à la démonstration de l’existence de « risques et inconvénients causés par l’extraction desdits matériaux ».
Cependant, il est apparu particulièrement difficile de définir de manière objective des critères permettant de quantifier ces risques et inconvénients. L’article 35 de la loi de finances pour 2012 a donc abrogé les dispositions prévues par l’article 139 susmentionné et son article 43 a traduit cette suppression par l’annulation de la dotation qui devait être destinée à la protection de l’environnement ou à l’entretien des voiries municipales. Aucune évolution à court terme n’est envisagée concernant la TGAP sur les matériaux d’extraction.
Néanmoins, madame la sénatrice, dans le cadre de la mise en œuvre de la stratégie nationale pour la gestion durable des granulats terrestres et marins et des matériaux et substances de carrière, une réflexion sera menée sur la fiscalité de cette production. Votre interpellation pourra alors trouver un prolongement, puisqu’un certain nombre d’interrogations demeurent sur la répartition permettant de compenser les effets directs et indirects de l’exploitation de carrières.
M. le président. La parole est à Mme Sophie Primas.
Mme Sophie Primas. Monsieur le secrétaire d’État, je vous remercie de votre réponse. Je me félicite qu’une réflexion soit menée par le Gouvernement.
Certes, il est très complexe de mesurer les risques ou les inconvénients qu’entraîne la présence d’une carrière dans une commune. Néanmoins, pour les habitants comme pour les élus de ces collectivités territoriales, la nuisance est réelle, que l’on pense seulement à la destruction du paysage. Je ne vois pas d’équation fiscale ou mathématique permettant de calculer le préjudice résultant d’une modification substantielle du paysage. En revanche, c’est une évidence : il y a bien préjudice sur le paysage.
Je suis très intéressée par la réflexion qui va être engagée et serais volontaire pour participer à ce groupe de travail. En tant qu’élue du département des Yvelines, riche de carrières potentielles, je me sens en effet particulièrement concernée.
M. le président. Mes chers collègues, nous allons interrompre nos travaux pour quelques instants.
La séance est suspendue.
(La séance, suspendue à onze heures trente-cinq, est reprise à onze heures cinquante.)
M. le président. La parole est à Mme Laurence Cohen, auteur de la question n° 802, adressée à Mme la secrétaire d'État auprès du ministre de l'éducation nationale, de l'enseignement supérieur et de la recherche, chargée de l'enseignement supérieur et de la recherche.
Mme Laurence Cohen. Madame la secrétaire d’État, je vous remercie de nous avoir rejoints.
En novembre 2012, l’université portugaise privée « Fernando Pessoa » ouvrait une antenne consacrée à la santé – pharmacie, odontologie et orthophonie – près de Toulon. En septembre dernier, une nouvelle antenne ouvrait, cette fois à Béziers, et une autre était prévue en région parisienne.
Rebaptisées entre-temps CLESI - pour centre libre d’enseignement supérieur international-, ces structures ne sont pas sans poser problème quant à leurs objectifs et leur fonctionnement, sur deux points essentiels.
J’évoquerai en premier lieu le mode de sélection.
Alors que l’accès aux universités publiques de santé se fait sur concours, garant d’un niveau universitaire de qualité, l’entrée au CLESI se fait au contraire sans concours, et uniquement moyennant paiement de frais d’inscription exorbitants, qui oscillent autour de 9 500 euros l’année.
Il s’agit d’une véritable sélection par l’argent, qui met à mal le principe fondamental d’égal accès de toutes et tous à l’enseignement supérieur. Les étudiants les plus aisés n’ayant pas réussi le concours donnant accès aux études médicales et paramédicales sont les principales cibles du CLESI.
Outre la question de la marchandisation de l’enseignement supérieur, cela nous inquiète fortement sur la qualité des formations suivies par de futurs professionnels de santé.
En second lieu, le CLESI contourne le principe même du numerus clausus, qui régit les professions de santé en France, puisque le CLESI ne délivre pas de diplôme en France, bien qu’installé sur notre territoire.
Ces deux points sont déterminants quant à l’avenir de notre système universitaire.
La loi que vous avez fait adopter le 22 juillet 2013, relative à l’enseignement supérieur et à la recherche, encadre désormais de manière stricte les centres privés d’enseignement supérieur : elle leur impose l’obtention d’une double accréditation des ministères de la santé et de l’enseignement supérieur, ainsi que la signature d’une convention avec une université et un centre de soins pour la réalisation des stages cliniques.
Or le CLESI ne respecte pas ce cadre légal en invoquant le principe de non-rétroactivité de la loi et, malgré quelques aménagements pour tenter de se conformer à ces exigences, il continue à délivrer ses formations hors de l’accord des tutelles ministérielles.
Avant le dernier remaniement ministériel, un décret était en cours de publication pour mettre en place une procédure d’agrément des formations de médecine, de pharmacie, d’odontologie, de maïeutique et des formations paramédicales dispensées au sein d’un établissement d’enseignement supérieur privé.
Madame la secrétaire d’État, pouvez-vous m’indiquer quand sera publié ce décret et quelles décisions vous comptez prendre pour fermer le CLESI et empêcher le développement de ce genre de structures, dans l’intérêt de notre système universitaire et de notre système de santé ? Enfin, quelles solutions proposez-vous pour les étudiants qui en sont aujourd’hui les victimes ?
M. le président. La parole est à Mme la secrétaire d'État.
Mme Geneviève Fioraso, secrétaire d'État auprès du ministre de l'éducation nationale, de l'enseignement supérieur et de la recherche, chargée de l'enseignement supérieur et de la recherche. Madame la sénatrice, je vous remercie de ces questions, qui sont d’importance pour la formation des futurs praticiens de santé.
Vous avez attiré mon attention sur l’ouverture à Toulon, en novembre 2012, puis à Béziers, en septembre 2013, d’une antenne de l’université portugaise privée « Fernando Pessoa », consacrée principalement aux études de santé.
Dès cette annonce, j’ai immédiatement et systématiquement réagi en demandant aux rectrices des académies de Nice et de Montpellier de déposer, au nom du ministère de l’éducation nationale, de l’enseignement supérieur et de la recherche, une plainte auprès du procureur de la République pour usage abusif du terme « université » et non-respect des règles du régime de déclaration préalable nécessaire pour l’ouverture de ce type d’établissement, notamment s’agissant du défaut de dépôt d’informations documentées auprès des rectorats permettant de présenter réellement l’offre de formation ainsi que les conditions d’accueil des étudiants. Je pense ici au paiement de droits d’inscription exorbitants, mais aussi à l’obligation pour les étudiants de poursuivre leurs études au Portugal, alors même que ces derniers, à qui on avait caché cet aspect des choses, pensaient effectuer la totalité de leur cursus en France.
Cependant, l’ouverture de l’établissement de formation privé intitulé initialement « centre universitaire Fernando Pessoa », puis, à la suite de mon intervention pour que le mot « universitaire » disparaisse, « centre libre d’enseignement supérieur international », à La Garde, près de Toulon, puis à Béziers, a mis en évidence la faiblesse de la procédure proposée pour l’accréditation de ce type d’établissements. Il convenait donc de modifier la législation.
C’est pourquoi la loi relative à l’enseignement supérieur et à la recherche du 22 juillet 2013 a modifié les conditions d’ouverture et d’accréditation des établissements de ce type.
L’article L. 731-6-1 du code de l’éducation prévoit désormais que les établissements privés de ce type signent une convention avec un établissement de santé, ainsi qu’une convention avec une université comprenant une composante dispensant un enseignement de médecine, de pharmacie, d’odontologie ou de maïeutique.
Cet article prévoit aussi la communication d’un dossier démontrant que l’établissement de formation satisfait aux modalités pédagogiques exigées par arrêté conjoint des ministres chargés de l’enseignement supérieur et de la santé, avec des modalités d’agrément précisées non par décret mais par arrêté conjoint.
Cet arrêté a été approuvé par les instances consultatives des deux ministères ; il sera publié dans le courant de cette semaine. Voilà qui répond à une partie de vos questions.
Les établissements qui délivrent aujourd’hui les formations entrant dans le champ de l’arrêté auront six mois pour se mettre en conformité avec les exigences réglementaires. Si les établissements ne se sont pas mis en conformité à l’issue de cette période de six mois, il reviendra au rectorat de l’académie dans laquelle se situe l’établissement d’engager, au nom du ministère de l’éducation nationale, de l’enseignement supérieur et de la recherche, les poursuites auprès du tribunal afin de fermer l’établissement – cette possibilité ne nous était pas ouverte auparavant.
Comme vous le savez, le centre libre d’enseignement supérieur international a, de surcroît, adressé en mai 2014 à ses étudiants un courrier dans lequel il annonce que la convention qui le liait à l’université portugaise venait d’être dénoncée par l’établissement portugais d’accréditation, pour des raisons administratives.
Les étudiants inscrits dans cet établissement pourront présenter une demande d’inscription au sein des universités françaises. Il relève cependant de la compétence des universités d’accueil de valider ou non, en tout ou partie, les crédits de formation délivrés par un établissement de formation privé.
Je suivrai l’évolution de ces demandes avec la plus grande attention, afin que les étudiants ne soient pas victimes d’une situation qu’ils n’ont pas pu contrôler.
Au-delà, ce dossier pose le problème, plus complexe, du contournement du numerus clausus et de la démographie médicale – je pense notamment à la pénurie de médecins généralistes, qui seront de plus en plus le pivot de notre politique de santé publique dans les années à venir.
Pour prévenir ces difficultés, j’ai mis en place des expérimentations dans sept universités pour diversifier l’accès aux professions de santé, hors PACES – première année commune aux études de santé – et nous travaillons, Marisol Touraine et moi-même, sur le projet d’une licence pluriprofessionnelle en santé. Par ailleurs, nous proposerons, dans le cadre du projet de loi sur la stratégie nationale de santé, de mettre en place des assises nationales sur ce thème avant la fin de l’année.
Encore une fois, l’allongement du temps de la vie et la médecine ambulatoire exigeront, pour les infirmiers et les médecins, des évolutions professionnelles que nous devons anticiper.
M. le président. La parole est à Mme Laurence Cohen.
Mme Laurence Cohen. Je vous remercie, madame la secrétaire d’État, car les réponses que vous avez apportées sont tout à fait importantes et méritent d’être connues. J’ai perçu une nouvelle fois votre engagement dans ce dossier.
J’ai reçu, au nom de la commission des affaires sociales, des organisations syndicales représentant aussi bien les étudiants que les professions concernées. Tous étaient extrêmement inquiets des failles du système européen de formation qui pouvaient permettre l’ouverture de ce genre d’institutions.
La publication d’un arrêté que vous annoncez dès cette semaine peut selon moi permettre d’endiguer ces initiatives. Dans votre réponse, vous prenez en compte les étudiants, ce qui est effectivement important. Ils se sont laissé piéger, en quelque sorte, par ce genre d’institutions, car ils sont captifs de ces formations une fois qu’ils y sont entrés et ils ne savent pas quel sort leur sera réservé.
J’ai bien entendu dans votre réponse que vous aviez pris en compte ce genre de difficultés et pris un certain nombre de dispositions pour les résoudre, ce qui est selon moi très intéressant.
Malheureusement, dans le jeu des questions et des réponses, on ne peut pas prendre la mesure de toute la richesse de ce dossier. Vous m’avez donc en quelque sorte mise en appétit, et j’attends le détail des propositions concernant notamment la licence pluridisciplinaire de santé. Nous examinerons ces propositions dans un autre cadre, en présence de Mme la ministre de la santé.
Je vous remercie de nouveau des informations que vous nous avez données, madame la secrétaire d’État.
moyens des réseaux d’aides spécialisées aux élèves en difficulté en seine-et-marne
M. le président. La parole est à M. Michel Billout, auteur de la question n° 809, adressée à M. le ministre de l'éducation nationale, de l'enseignement supérieur et de la recherche.
M. Michel Billout. Madame la secrétaire d’État, je souhaite attirer l’attention du ministre de l'éducation nationale, de l'enseignement supérieur et de la recherche sur la situation des réseaux d’aides spécialisées aux élèves en difficulté, les RASED, en particulier en Seine-et-Marne.
De 2008 à 2012, la politique de démantèlement du service public d’éducation conduite par le gouvernement Fillon a fortement mis à mal les RASED sur l’ensemble du territoire. Plus de 5 000 postes d’enseignant spécialisé en option G et E ont été supprimés en quatre ans, dont 134 en Seine-et-Marne.
L’affaiblissement de ce dispositif est d’autant plus grave que les RASED ont pour mission de fournir des aides spécialisées et individualisées à des élèves en difficulté dans des classes ordinaires.
Ainsi, en quatre ans, la Seine-et-Marne a perdu 75 % des postes de maître G, en charge des difficultés d’adaptation à l’école, et 40 % des maîtres E, en charge des difficultés d’apprentissage. Les secteurs ruraux, nombreux en Seine-et Marne, ne sont ainsi plus du tout couverts.
Certes, à la rentrée 2013, une dotation de 135 postes de professeur d’école est venue inverser, pour la seconde année, la tendance à la suppression des postes. Toutefois, cette dotation était déjà bien insuffisante pour amorcer un rattrapage nécessaire à un département classé dernier pour son taux d’encadrement à l’école primaire.
Je rappelle que la démographie de la Seine-et-Marne, comme celle de l’Île-de-France en général ; est très dynamique : 1 743 élèves supplémentaires ont été accueillis à cette rentrée. Malheureusement, avec une dotation de 128 postes de professeur des écoles pour la rentrée 2014, l’effort se ralentit déjà, si l’on tient compte du fait que 2 324 élèves supplémentaires sont attendus.
Est-ce pour cette raison que, cette année, en Seine-et-Marne, il n’est prévu ni départ en formation spécialisée options E et G, ni création de postes en option G notamment, ce qui aura pour conséquence une nouvelle dégradation de la situation des RASED ? À titre de comparaison, dans la même académie, en Seine-Saint-Denis, on dénombre treize départs en formation pour la certification en enseignement spécialisé option E et dix en option G.
En outre, vingt-deux postes de maître option E ne sont toujours pas pourvus dans notre département.
Cette situation est en complète opposition avec les orientations données par le ministre de l’éducation nationale le 29 janvier 2014 dans un courrier adressé au collectif national RASED. Le ministre y préconise en effet le renforcement de l’action des enseignants des RASED, l’élaboration d’une cartographie des besoins et la relance de la formation, afin de répondre aux vacances de postes.
En conformité avec ces engagements, je souhaiterais donc connaître les moyens que le Gouvernement entend mobiliser, particulièrement en Seine-et-Marne, pour redonner aux RASED les moyens nécessaires à la réussite de leurs missions, notamment en termes de création de postes et de départ en formation spécialisée.
M. le président. La parole est à Mme la secrétaire d'État.
Mme Geneviève Fioraso, secrétaire d'État auprès du ministre de l'éducation nationale, de l'enseignement supérieur et de la recherche, chargée de l'enseignement supérieur et de la recherche. Monsieur le sénateur, le ministre de l’éducation nationale, de l’enseignement supérieur et de la recherche vous prie de bien vouloir excuser son absence.
Pour lutter contre les inégalités scolaires, ce gouvernement a créé, depuis la rentrée 2012, environ 22 000 postes d’enseignant, permettant de renforcer les RASED dans les secteurs qui en ont le plus besoin et qui avaient été particulièrement touchés par les suppressions décidées par la précédente majorité.
Cet effort sera poursuivi lors des prochaines rentrées, notamment dans les secteurs scolarisant les élèves les plus fragiles. Le Gouvernement, dans le cadre des discussions sur les métiers de l’éducation nationale, a redéfini, pour les conforter, les missions des membres des RASED, c’est-à-dire celles des maîtres E, des maîtres G et des psychologues scolaires. De même, pour définir les modalités de fonctionnement des RASED, une circulaire est en cours de rédaction.
Plus globalement, dans le cadre de la refondation de l’école, la scolarité a été recentrée sur les apprentissages fondamentaux et nous avons réaffirmé notre volonté de mieux préparer les enseignants en leur donnant de nouveau une formation digne de ce nom, à travers les écoles supérieures du professorat et de l’éducation – nous avons fait un bilan de cette formation tout récemment dans cet hémicycle.
Par ailleurs, un travail visant à mieux coordonner les activités pédagogiques complémentaires et le dispositif « plus de maîtres que de classes » est engagé par le ministère afin de permettre aux enseignants de traiter eux-mêmes un certain nombre de difficultés d’apprentissage.
Comme vous l’avez souligné, ces dispositifs ne sont cependant pas suffisants et doivent être complétés par l’intervention des enseignants spécialisés quand les difficultés scolaires ou comportementales l’exigent.
S’agissant de vos interrogations sur la situation en Seine-et-Marne, je souhaite vous apporter les informations suivantes.
Depuis la rentrée 2012, chacune des vingt-quatre circonscriptions du département comporte un réseau d’aides spécialisées composé de quatre à cinq psychologues scolaires, trois à quatre enseignants spécialisés option E, deux enseignants spécialisés option G afin de répondre aux besoins nouvellement identifiés.
La répartition des emplois réalisée en 2012 a été reconduite, dans l’intégralité des postes, à la rentrée 2013.
Par ailleurs, les missions d’une partie des enseignants spécialisés option G ont été réorientées vers l’accompagnement des élèves manifestant des troubles du comportement. En préparation de la rentrée 2014, bien que le département compte 165 enseignants titulaires d’une option E ou G, vingt-six postes d’enseignants affectés en RASED – vingt-deux en option E et quatre en option G – restent à nouveau vacants à l’issue du mouvement.
De plus, à la rentrée 2014, sur la base des moyens implantés, une nouvelle circonscription a été créée et elle sera dotée d’un poste E et d’un poste de psychologue, afin d’améliorer encore la prise en charge des élèves qui connaissent les plus grandes difficultés.
M. le président. La parole est à M. Michel Billout.
M. Michel Billout. Je vous remercie, madame la secrétaire d’État, mais je vous avouerai que je reste un peu sur ma faim. C’est, du reste, habituel lorsque j’aborde la question de l’éducation en Seine-et-Marne, tant le retard pris dans ce département est considérable. Je pense notamment aux taux d’encadrement à l’école primaire, mais on pourrait également évoquer les problèmes qui sont de votre ressort : l’enseignement supérieur en Seine-et-Marne connaît également de grandes difficultés.
Aujourd'hui, on se contente de tenir compte de ces retards accumulés, mais je ne vois pas, dans vos propos, cette détermination qui serait nécessaire pour que l’on s’attaque réellement à la situation. Il n’y a pas de véritable amélioration du taux d’encadrement dans ce département. Comme je l’ai dit, la tendance s’est inversée depuis trois ans, puisque, auparavant, malgré la situation que je viens de décrire, on fermait des postes. Je prends acte du fait que des postes ont été créés depuis trois ans, toutefois leur nombre reste tout à fait insuffisant.
Je le constate, la directrice académique de ce département considère que l’urgence consiste à mettre des enseignants dans les classes ; or les RASED n’apparaissent pas comme une grande priorité de ce point de vue-là. Par conséquent, les enseignants doutent et hésitent à se positionner dans les RASED, ce qui a pour effet que certains postes créés ne sont pas pourvus.
J’ai déjà interpellé le ministre le 29 octobre dernier sur la nécessité de gestes forts au sein de l’académie de Créteil en direction du département de Seine-et-Marne pour redonner confiance aux enseignants. Malheureusement, la dotation qui a été accordée ne va pas, selon moi, dans ce sens, et je fais le même constat en ce qui concerne l’action du Gouvernement pour les RASED.
Or, si l’on ne redonne pas confiance aux enseignants dans ce dispositif d’aides spécialisées, nous continuerons, d’année en année, à constater des carences, mais ce sont les enfants qui en sont les premières victimes !
lutte contre le sida et prise en charge des personnes vivant avec le virus du sida à mayotte
M. le président. La parole est à M. Thani Mohamed Soilihi, auteur de la question n° 808, adressée à Mme la ministre des affaires sociales et de la santé.
M. Thani Mohamed Soilihi. Je souhaite en effet attirer l’attention de Mme la ministre des affaires sociales et de la santé sur la problématique de la lutte contre le sida et de la prise en charge des personnes vivant avec le virus de l’immunodéficience humaine à Mayotte.
Il n’existe pas, dans ce département, d’actions médiatiques d’envergure sur la prévention du VIH-sida et, plus généralement, des infections sexuellement transmissibles. L’ignorance, le tabou et le poids de la stigmatisation n’incitent pas la population à se protéger ni les personnes infectées à se faire dépister ou soigner.
Si les données épidémiologiques sont très partielles, il semblerait néanmoins que la prévalence du VIH soit sous-évaluée. Les pressions migratoire et démographique auxquelles Mayotte fait face sont autant de facteurs susceptibles d’augmenter les chiffres avancés aujourd’hui pour ce département.
Par ailleurs, les personnes vivant avec le VIH ne bénéficient pas de la même qualité de soins qu’en France métropolitaine, ni même à La Réunion, qui partage pourtant l’agence régionale de santé avec Mayotte. Il n’existe pas à Mayotte de médecins spécialistes, pas d’hôpitaux de jour, pas d’éducation thérapeutique, pas de prise en charge pluridisciplinaire.
La seule association mahoraise recensée ne peut répondre à toutes les demandes d’accompagnement formulées par le service infectieux.
Je souhaite, madame la secrétaire d’État, connaître l’état d’avancement des actions préconisées pour Mayotte par le plan national de lutte contre le VIH et les IST pour 2010-2014 en direction des populations d’outre-mer.
M. le président. La parole est à Mme la secrétaire d'État.
Mme Geneviève Fioraso, secrétaire d'État auprès du ministre de l'éducation nationale, de l'enseignement supérieur et de la recherche, chargée de l'enseignement supérieur et de la recherche. Monsieur le sénateur, je vous prie d’excuser Marisol Touraine, qui ne peut être présente ce matin et qui m’a chargée de la suppléer.
Le Gouvernement est pleinement mobilisé pour lutter contre le sida et prendre en charge les personnes qui sont atteintes par ce virus. Cette mobilisation doit être identique sur l’ensemble du territoire national.
À Mayotte, la file active de personnes vivant avec le VIH est évaluée à 160 patients. La prise en charge de ces patients est essentiellement hospitalière.
L’incidence du VIH paraît stable depuis 2009. Le taux de découverte de la séropositivité est de l’ordre de 11 à 12 pour 100 000 habitants. Une mobilisation en éducation pour la santé et en prévention a été entamée depuis de nombreuses années à Mayotte, notamment grâce à des opérateurs de terrain qui pratiquent une prévention globale, comme, par exemple, les espaces de solidarité de la Croix Rouge française qui apportent une aide alimentaire, délivrent des conseils nutritionnels et diffusent des kits d’hygiène avec préservatifs.
Vous avez raison, monsieur le sénateur, de souligner que l’information épidémiologique est partielle. C’est pourquoi l’agence régionale de santé de l’océan Indien a fait de l’observation de l’état de santé des habitants de Mayotte et des facteurs qui déterminent celui-ci l’une de ses priorités.
Pour aller plus loin, elle va installer prochainement une équipe « études et statistiques » à Mayotte qui travaillera avec l’ensemble des acteurs.
Par ailleurs l’agence régionale de santé de l’océan Indien a œuvré pour créer un comité de coordination régionale de la lutte contre le VIH, le COREVIH-océan Indien. Cette création permettra une gestion informatisée des statistiques de suivi des personnes vivant avec le virus.
Concernant la prise en charge médicale, je tiens à vous indiquer que les patients bénéficient, à Mayotte comme à La Réunion, des mêmes protocoles que ceux qui sont appliqués en métropole. Par ailleurs la convention signée entre le CHU et le centre hospitalier de Mayotte en 2013 vise à renforcer l’échange entre les professionnels. Le COREVIH – Réunion-Mayotte favorisera formations et échanges de pratiques entre les îles ; la création d’un personnel commun travaillant sur les dossiers des patients des deux départements doit permettre de rapprocher les pratiques médicales.
Concernant la prévention, enfin, plusieurs actions sont en cours de déploiement, telles que la diffusion des nouvelles méthodes de dépistages ciblés, notamment les tests rapides d'orientation diagnostique, ou TROD, l’éducation pour la santé, avec la mise en place d’une politique concertée communautaire, et la lutte contre les violences sexuelles.
L’ARS et le vice-rectorat ont signé une convention le 25 avril 2014 qui assurera, dès la rentrée scolaire de septembre, une coordination des actions de prévention en établissement scolaire.
Un projet de convention avec les autorités du droit coutumier sur leur participation active à des messages de prévention chaque semaine est en cours d’écriture. Ces messages seront relayés dans des lieux aussi divers que possible ; les mosquées se sont engagées à les diffuser.
Enfin, deux associations ont demandé une habilitation pour la mise en œuvre d’un dépistage ciblé auprès des adolescents « à risque » ainsi que des prostituées.
Vous le voyez, monsieur le sénateur, à Mayotte comme en métropole, le Gouvernement est pleinement mobilisé pour lutter efficacement contre le sida, pour accentuer les actions de prévention auprès des publics considérés comme les plus à risque et permettre un accompagnement de qualité des personnes qui vivent avec le virus du sida.
M. le président. La parole est à M. Thani Mohamed Soilihi.
M. Thani Mohamed Soilihi. Madame la secrétaire d'État, je vous remercie de vos réponses.
Comme vous l’avez rappelé, la prise en charge des patients atteints du VIH doit se faire à Mayotte comme partout ailleurs dans notre pays. Vous avez annoncé qu’un certain nombre de mesures seraient prises : la réalisation d’études statistiques – il faut commencer pour là –, la création d’un comité de coordination ou encore la préparation d’un projet de convention entre différents partenaires.
En espérant que les mesures verront rapidement le jour, je préfère m’arrêter sur ces annonces, qui suffisent à démontrer que, pour l’instant, la prise en charge des patients atteints du VIH n’est pas la même à Mayotte que dans les autres départements de France et de Navarre.
J’ai bien pris note de ce que vous venez d’annoncer. Je serai vigilant quant aux suites qui y seront données.
élections départementales dans les trois départements de la petite couronne
M. le président. La parole est à Mme Catherine Procaccia, auteur de la question n° 751, transmise à M. le ministre de l'intérieur.
Mme Catherine Procaccia. Madame la secrétaire d'État, ma question porte en effet sur la date des élections départementales dans les trois départements de la petite couronne.
Lorsque j’ai déposé cette question orale, il y a deux mois, le Président de la République venait d’annoncer la fusion et donc la disparition des départements du Val-de-Marne, de la Seine-Saint-Denis et des Hauts-de-Seine. Cette annonce intervenait elle-même quelques semaines seulement après le vote, dans la douleur, de la loi de modernisation de l’action publique territoriale et d’affirmation des métropoles, qui prévoit la création de la métropole du Grand Paris, et quelques mois seulement après le vote d’une autre loi qui prévoit, elle, que chaque canton élira désormais un binôme de conseillers départementaux.
Cette annonce du Président de la République a été une surprise de taille pour nous tous, et je prends à témoin en cet instant les trois sénatrices de la région parisienne présentes.
Le Président de la République annonçait en même temps un nouveau projet de loi de décentralisation comportant des dispositions pour les départements qui entrent dans le giron des métropoles.
Depuis, l’actualité a été rythmée par une succession d’annonces. Il en ressort que les départements de la petite couronne ne sont plus les seuls concernés, le Président de la République ayant décidé la suppression de tous les départements en 2020.
Les conseillers généraux des trois départements de la petite couronne demeurent dans un flou aussi important qu’il y a deux mois, et ce à un an – ou à dix-huit mois, car on ignore même la date du scrutin – des élections départementales, dont les modalités de scrutin et les circonscriptions ont déjà été modifiées.
À cela s’ajoute la mise en place de la métropole du Grand Paris, prévue pour le 1er janvier 2016.
Les élus des départements de la petite couronne, en particulier ceux du Val-de-Marne, dont je suis la porte-parole, voudraient sortir de l’expectative.
Madame la secrétaire d'État, le Gouvernement a-t-il décidé de mettre fin au mandat des conseillers généraux actuels en mars 2015, ou ce mandat sera-t-il prorogé jusqu’au 1er janvier 2016, c'est-à-dire jusqu’à la création de la métropole du Grand Paris, ou bien encore les mandats des conseillers généraux des départements de la petite couronne seront-il renouvelés avec ceux des autres départements jusqu’en 2020, la création de la métropole du Grand Paris étant censée faire disparaître ces départements ?
Enfin, la réforme territoriale qui nous sera bientôt présentée comportera-t-elle des dispositions spécifiques pour ces trois départements ?
M. le président. La parole est à Mme la secrétaire d'État.
Mme Geneviève Fioraso, secrétaire d'État auprès du ministre de l'éducation nationale, de l'enseignement supérieur et de la recherche, chargée de l'enseignement supérieur et de la recherche. Madame la sénatrice, je vous prie tout d'abord d’excuser le ministre de l’intérieur, Bernard Cazeneuve, qui est retenu par des engagements impérieux. Il se prépare notamment à donner des informations plus précises concernant la réforme territoriale. Nous en prendrons tous connaissance demain ; votre question est donc tout à fait pertinente, mais un peu prématurée.
Vous interrogez le Gouvernement sur le devenir des départements, singulièrement de ceux de la petite couronne parisienne.
Vous le savez, lors du conseil des ministres du mercredi 18 juin – demain, donc –, le ministre de l’intérieur et la ministre de la décentralisation et de la fonction publique présenteront respectivement un projet de loi relatif à la délimitation des régions, aux élections régionales et départementales et modifiant le calendrier électoral, et un projet de loi portant nouvelle organisation territoriale de la République.
Sans dévoiler le contenu de ces deux projets de loi, dont vous pourrez prendre connaissance dès demain, je peux d’ores et déjà vous indiquer que ces deux textes s’inscrivent dans le cadre modernisateur annoncé par le Président de la République et confirmé par le Premier ministre. Ces réformes ont en effet pour ambition de transformer pour plusieurs décennies l’organisation de la République, afin de la faire mieux vivre au service des citoyens.
Ainsi la création de régions agrandies et plus efficaces, dont le nombre est ramené à quatorze, s’inscrit-elle dans un objectif de modernisation de notre organisation et de rationalisation du territoire. L’intérêt général et les volontés de coopération entre territoires ont été pris en compte dans le dessin de la nouvelle géographie régionale.
J’ajoute, en tant que secrétaire d’État chargée de l’enseignement supérieur et de la recherche, que trois regroupements universitaires ont déjà anticipé les futurs regroupements interrégionaux ; un quatrième a quant à lui anticipé un regroupement qui aura peut-être lieu un jour – qui sait ? – dans l’ouest du pays…
Afin d’assurer la sincérité du scrutin et de conserver la tradition qui veut que l’on ne modifie pas les contours des circonscriptions trop peu de temps avant la tenue du scrutin, les élections départementales et régionales seront reportées. Pour tenir compte de la nouvelle délimitation des régions, effective en janvier 2016, la date des élections sera fixée à la fin de l’année 2015.
Notre réforme territoriale est ambitieuse et réfléchie. Nous ne voulons pas de bricolage institutionnel. Nous préparons une réforme d’envergure, une réforme « radicale », comme l’a rappelé le chef de l’État, qui nécessite un dialogue. La concertation, l’accompagnement, la préparation doivent en effet permettre de modifier en profondeur, mais de manière progressive, le contexte territorial.
Vous le voyez, madame la sénatrice, la réforme que le Gouvernement prépare est marquée du sceau de l’efficacité, de la solidarité et de l’équilibre. Je suis persuadée qu’elle saura trouver, au-delà des travées de la majorité, des défenseurs honnêtes qui sauront prendre le train de la modernité et de la réussite, au service de nos concitoyens et, surtout, de l’intérêt général des territoires. Je ne doute pas que vous en serez, madame la sénatrice.
M. le président. La parole est à Mme Catherine Procaccia.
Mme Catherine Procaccia. Madame la secrétaire d'État, je vous remercie de m’avoir communiqué la réponse du ministre de l’intérieur. Vous me dites que nous aurons la réponse demain. Il y a deux mois, on ne l’avait pas ! Le 18 juin est un jour important pour nous, gaullistes, mais je doute que l’annonce de demain soit de l’importance de l’Appel. En tout cas, j’espère que nous aurons enfin une réponse pour les trois départements de la petite couronne, qui sont aujourd’hui dans une situation particulière.
Nous nous posons des questions très pragmatiques, par exemple au sujet des engagements de dépenses. Vous savez bien que tous les élus doivent comptabiliser un an à l’avance leurs dépenses de communication et de publicité, et s’interdire un certain nombre de choses. Ils ont besoin de savoir s’ils peuvent continuer à prendre certaines initiatives. On ne connaît toujours pas les circonscriptions, des recours ayant été déposés. Bref, on ne sait absolument pas où l’on en est et la situation est donc très compliquée.
Il y a des problèmes pour les départements ruraux, compte tenu des distances, mais je pense que la plupart en sont conscients. On ne peut en dire autant s'agissant de la région parisienne et plus particulièrement des départements de la petite couronne, dans lesquels on va créer des intercommunalités de 300 000 habitants et la métropole du Grand Paris, et dont on a annoncé, quinze jours ou trois semaines après le vote de la loi de modernisation de l’action publique territoriale et d’affirmation des métropoles, qu’ils allaient bientôt disparaître. Vont-ils disparaître en 2016 ou en 2020 ? Va-t-on élire des conseillers départementaux qui seront des intermittents de la politique pendant six, ou même trois mois si les élections ont lieu en octobre ? Pourquoi élire des conseillers départementaux qui vont disparaître au bout de trois mois ?
Nous attendons des réponses. C’est important pour les élus. C’est important aussi pour les citoyens. C’est important enfin pour les villes, qui doivent organiser les élections.
M. le président. Nous en avons terminé avec les questions orales.
Mes chers collègues, l’ordre du jour de ce matin étant épuisé, nous allons maintenant interrompre nos travaux ; nous les reprendrons à quatorze heures trente.
La séance est suspendue.
(La séance, suspendue à douze heures vingt-cinq, est reprise à quatorze heures trente-cinq, sous la présidence de M. Charles Guené.)
PRÉSIDENCE DE M. Charles Guené
vice-président
M. le président. La séance est reprise.
3
Candidats aux élections municipales avec la nuance « sans étiquette »
Adoption d'une proposition de loi dans le texte de la commission
M. le président. L’ordre du jour appelle la discussion, à la demande du groupe UMP, de la proposition de loi tendant à permettre aux candidats de se présenter aux élections municipales avec la nuance « sans étiquette » dans les communes de moins de 3 500 habitants, présentée par M. Jean-Claude Carle et plusieurs de ses collègues (proposition n° 418, texte de la commission n° 611, rapport n° 610).
Dans la discussion générale, la parole est à M. Jean-Claude Carle, auteur de la proposition de loi.
M. Philippe Bas. Excellente proposition de loi !
M. Jean-Claude Carle, auteur de la proposition de loi. Monsieur le président, monsieur le ministre, monsieur le rapporteur, mes chers collègues, voilà un peu plus d’un an, le Parlement adoptait la loi du 17 mai 2013 relative à l’élection des conseillers départementaux, des conseillers municipaux et des conseillers communautaires, et modifiant le calendrier électoral.
À l’occasion de l’examen de ce texte, le Gouvernement a affirmé que l’objectif de l’abaissement à 1 000 habitants du seuil pour l’application de la proportionnelle était de favoriser une meilleure représentation de la diversité des opinions politiques et de mettre fin au système bipartite.
Pourtant, l’application de cette loi a entraîné un certain nombre de conséquences qui conduisent à une politisation accrue du scrutin municipal ; je vais m’en expliquer.
Le décret du 30 août 2001 prévoit la création d’un « fichier des élus », qui impose notamment aux candidats aux élections municipales de se rattacher à un parti politique, c’est-à-dire que ce décret impose à tous les candidats d’avoir une « étiquette politique ». S’ils n’en revendiquent pas une eux-mêmes, le préfet leur affectera alors une « nuance politique », appréciée au regard de la sensibilité qui les caractérise.
Théoriquement, ce décret ne concerne que les candidats aux élections municipales dans les villes de plus de 3 500 habitants, mais l’application combinée de deux articles de la loi du 17 mai 2013 rend de fait obligatoire ce rattachement politique pour tous les candidats, quelle que soit la commune où ils se présentent.
Les deux articles en question sont l’article 24, qui a abaissé le seuil d’application de la proportionnelle pour les élections municipales de 3 500 à 1 000 habitants, et l’article 25, qui oblige au dépôt de toutes les candidatures en préfecture, quelle que soit la population de la commune.
Voici donc comment le rattachement politique s’organise pour tous les candidats aux élections municipales : le candidat indique son étiquette politique, s’il en a reçu une ; il choisit une nuance politique parmi celles proposées dans une grille listant les nuances et les partis politiques se rattachant à chacune d’entre elles ; la préfecture valide ou corrige purement et simplement cette nuance en fonction de sa propre appréciation, le candidat pouvant néanmoins porter une réclamation pour faire modifier la nuance qui lui a été attribuée, sans qu’il y ait obligation pour la préfecture d’en tenir compte.
Il va de soi que les préfets exercent cette responsabilité avec intégrité et objectivité. Pour autant, quelle que soit leur diligence pour classer avec le plus de précision possible des élus et des listes dans des cases prédéfinies, ils se heurtent à l’impossibilité de rendre compte de ces étiquettes et nuances, parce qu’elles ne recoupent aucune réalité locale.
Au Sénat, dont la première des missions est d’assurer la représentation des collectivités territoriales de la République, nous nous devons donc d’agir pour mettre fin à ce qui constitue une contrainte, pour ne pas dire une entrave à l’expression des sensibilités politiques, qui se manifeste bien souvent dans les petites communes par une non-politisation des candidats.
Tel est l’objet de cette proposition de loi, qui vise à relayer l’inquiétude exprimée fortement en mars dernier par les élus municipaux et des candidats aux élections municipales dans les 6 765 communes de 1 000 à 3 500 habitants.
En effet, dans un courrier adressé à M. Manuel Valls, alors ministre de l’intérieur, les élus représentés au sein de l’Association des maires de France, l’AMF, avaient exprimé leur souhait de voir mettre fin à cette obligation masquée de rattachement à un courant politique pour les communes de moins de 3 500 habitants, obligation qu’ils estimaient contraire à la réalité de la vie locale, marquée par l’existence de listes d’union « fondées sur la mise en commun d’énergies au service de la collectivité ».
Comme eux, nous connaissons bien les réalités de la vie locale, et nous savons tous que, dans beaucoup de petites communes, l’engagement politique de nos concitoyens correspond avant tout à la volonté de défendre les intérêts locaux propres à chaque territoire, sans que cet engagement impose un rattachement à un parti politique.
Cédric Szabo, directeur de l’Association des maires ruraux de France, l’AMRF, précisait d’ailleurs que, « en partant du principe que toute la liste doit être de la même étiquette – en général, celle de la tête de liste –, des gens se retrouvent classés à droite alors qu’ils sont de gauche et inversement. C’est une source de confusion et de désinformation des citoyens et, parallèlement, cela produit des statistiques qui n’ont aucun sens. »
Malheureusement, dans sa réponse aux élus locaux, le ministre de l’intérieur a estimé que la neutralité des candidats « sans étiquette » est prise en compte, dans la grille de nuances, au travers du groupe « divers », lequel « a vocation à rassembler toutes les listes et tous les candidats qui ne manifestent pas d’engagement politique ».
Au-delà du fait qu’elle révèle un manque cruel de connaissance de la réalité territoriale, la réponse du ministre est insatisfaisante en ce qu’elle valide un statu quo où se trouvent englobés sous une même dénomination des partis aussi divers que le parti blanc, le parti pirate, le parti d’en rire ou encore le parti homme-nature-animaux, dont on peut dire qu’ils n’ont rien à voir avec la démarche des « sans étiquette ».
S’il est vrai que le dispositif du « rattachement » ou de la « nuance politique » préexistait à la loi du 17 mai 2013, s’il est vrai aussi que sa pertinence est reconnue pour les grandes villes ou les centres urbains afin de « permettre aux pouvoirs publics et aux citoyens de disposer de résultats électoraux faisant apparaître les tendances politiques locales et nationales et de suivre ces tendances dans le temps », de toute évidence, l’ajustement et la précision que nous proposons ici permettront, en excluant du champ de ce dispositif les communes de moins de 3 500 habitants, de faire vivre les sensibilités locales et de donner un véritable reflet des forces politiques en présence, qui ne peuvent pas forcément être rattachées à la droite ou à la gauche.
Afin de rétablir cette réalité, je propose d’introduire deux assouplissements pour les communes de moins de 3 500 habitants : il s’agit, d’une part, de permettre aux candidats de présenter des listes dénommées « sans étiquette », distinctes des listes relevant du groupe « divers », et, d’autre part, de supprimer l’obligation faite aux préfets d’attribuer des nuances politiques, dès lors que les candidats n’en revendiquent pas une eux-mêmes.
Concernant l’instauration d’une mention « sans étiquette », il aurait suffi d’une modification du décret du 30 août 2001 pour que la raison l’emporte. Mais tel n’a pas été l’état d’esprit du ministre de l’intérieur d’alors, pourtant alerté par les élus municipaux. Mes chers collègues, c’est donc par la loi que nous pourrons surmonter ce mur réglementaire.
Les articles de cette proposition de loi visent les déclarations de candidature et tendent à permettre que les candidats puissent se présenter « sans étiquette » dans le cas où ils ne souhaiteraient se rattacher ni à un parti ni à une nuance politique.
L’article 1er a donc pour objet de modifier l’article L. 255-4 du code électoral, qui concerne les communes de moins de 1 000 habitants, relevant du scrutin majoritaire, tandis que l’article 2 tend à modifier l’article L. 265 du code électoral, qui concerne les communes de 1 000 à 3 499 habitants, pour lesquelles s’applique dorénavant le scrutin proportionnel.
En ce qui concerne l’obligation faite aux préfets d’attribuer des nuances politiques aux candidats dans les communes de moins de 3 500 habitants dès lors que ceux-ci n’en revendiquent pas une eux-mêmes, je soulignerai que le rattachement forcé à une nuance politique est incompatible non seulement avec la libre expression des sensibilités locales, mais également avec la démarche même des candidats « sans étiquette ».
En effet, la plupart des listes de ce type réunissent un certain nombre de candidats animés par la volonté de mettre leurs compétences au service de la municipalité ; beaucoup d’entre eux sont d’ailleurs issus de la société civile ou ont exercé des fonctions locales sans vouloir appartenir à un courant politique.
De plus, l’union locale permet, dans certaines circonstances, de réunir des sensibilités différentes jusque-là dispersées, de sorte qu’il est impossible que cette liste puisse être rattachée à un courant particulier sans que cela ne se fasse au détriment d’autres composantes de la liste.
Nous reconnaissons de manière unanime que les élus souffrent d’un déficit de confiance généralisé, qui se traduit par une abstention massive, un vote blanc ou un vote extrême relativement important. L’actualité nous en a encore fourni une preuve navrante, lors des récentes élections européennes.
Aussi, dans de telles circonstances, est-ce une force pour la République et pour la démocratie que de voir des femmes et des hommes s’unir dans un engagement commun au service de la chose publique. Les idées qu’ils défendent et les propositions qu’ils avancent sont une richesse inestimable, permettant de dépasser les a priori, les dogmatismes et les idéologies.
Voilà pourquoi il m’a semblé important de préciser que « le ministre de l’intérieur et le représentant de l’État dans le département ne peuvent attribuer une nuance ou la rectifier sans l’accord du candidat dans les communes de moins de 3 500 habitants ».
Mes chers collègues, tel est l’objet de la proposition de loi que je vous présente. Sa discussion nous permettra, je l’espère, de trouver un accord, au-delà de tout rattachement à une étiquette politique ! (Applaudissements sur les travées de l’UMP et de l’UDI-UC, ainsi que sur certaines travées du groupe socialiste.)
M. Charles Revet. Très bien !
M. le président. La parole est à M. le rapporteur.
M. Jean-Patrick Courtois, rapporteur de la commission des lois constitutionnelles, de législation, du suffrage universel, du règlement et d’administration générale. Monsieur le président, monsieur le ministre, monsieur le président de la commission des lois, mes chers collègues, les dernières élections municipales se sont déroulées, les 23 et 30 mars 2014, selon un mode de scrutin ayant connu de profondes modifications à la suite de l’adoption de la loi du 17 mai 2013 relative à l’élection des conseillers départementaux, des conseillers municipaux et des conseillers communautaires, et modifiant le calendrier électoral.
Déjouant de nombreuses craintes, ces élections ont eu lieu sans connaître de dysfonctionnement majeur. À titre personnel, je n’hésiterai pas à dire que, pour sa partie concernant les élections municipales, la loi du 17 mai 2013 a même introduit plusieurs innovations bienvenues.
Le scrutin municipal a connu deux profondes modifications, qu’il faut rappeler pour que l’on comprenne bien dans quel contexte s’inscrit la discussion de cette proposition de loi.
D’une part, le seuil démographique à partir duquel l’élection a lieu au scrutin de liste à la représentation proportionnelle – et non au scrutin majoritaire plurinominal – a été abaissé de 3 500 à 1 000 habitants.
D’autre part, pour l’ensemble des candidats, dans toutes les communes, il est désormais obligatoire de déposer préalablement à l’élection une déclaration de candidature.
M. Pierre Jarlier. Ça, c’est bien !
M. Jean-Patrick Courtois, rapporteur. Cette dernière modification a eu des répercussions sur la collecte des données personnelles révélant l’appartenance politique des candidats et des élus. Cette question a suscité une vive émotion, dont les associations d’élus, au premier chef l’Association des maires ruraux de France et l’Association des maires de France, se sont fait l’écho. M. Jacques Pélissard, président de l’AMF, vous a d’ailleurs adressé un courrier sur ce sujet en mars dernier, monsieur le ministre.
La proposition de loi dont le Sénat est aujourd’hui saisi, déposée sur l’initiative de notre collègue Jean-Claude Carle, fait suite aux réactions qui se sont exprimées dans les communes comptant de 1 000 à 3 500 habitants lors du dépôt des candidatures, voici trois mois.
Jean-Claude Carle a parfaitement rappelé, dans son intervention, l’émoi, pour ne pas dire l’incompréhension, suscité par le fait que les services préfectoraux demandent aux candidats d’indiquer une nuance politique.
J’ai reçu une contribution écrite de l’Association des maires ruraux de France qui reproduit plusieurs témoignages spontanés ayant été adressés à cette association nationale. Certains élus y font état de leur « stupéfaction » devant les demandes de l’administration préfectorale, d’autres n’hésitent pas à considérer le comportement de l’administration comme « scandaleux, inadmissible, méprisable, révoltant ». Même si ces propos sont excessifs, ils révèlent un certain malaise, voire l’état d’esprit actuel des élus locaux.
Je vous livrerai maintenant le témoignage d’un candidat tête de liste qui considère tout simplement que, lorsqu’il a dû choisir, sur demande pressante de l’administration, une nuance politique pour sa liste, il a eu le sentiment de « trahir » ses colistiers, au regard des conditions dans lesquelles ils s’étaient tous engagés. Je n’ai nul besoin d’insister sur cet état des choses : nous avons tous été interpellés dans nos circonscriptions et vos services déconcentrés vous ont certainement fait remonter, monsieur le ministre, des appréciations du même ordre.
Pour éclairer le texte qui nous est soumis aujourd’hui, je rappellerai, comme je l’ai fait devant la commission, le droit actuel.
Les informations collectées à l’occasion des élections alimentent deux traitements de données gérés par le ministère de l’intérieur : l’un sur les candidats, l’autre sur les élus. Dans ce cadre, il convient de distinguer l’étiquette politique de la nuance politique.
En effet, le candidat choisit librement d’adopter ou non une étiquette politique ; son choix s’impose alors naturellement à l’administration. Un élu a d’ailleurs la faculté de modifier son étiquette politique au cours de son mandat, par exemple si son parti de rattachement disparaît ou s’il choisit d’adhérer à un autre parti.
Parallèlement à l’étiquette politique, l’administration attribue une nuance politique aux candidats puis aux élus, en fonction d’une nomenclature fixée par le ministère de l’intérieur et présentée au candidat lors du dépôt de candidature. Pour cela, elle se fonde sur plusieurs éléments que M. le ministre ne manquera pas de préciser. En tout état de cause, il n’existe pas de nuance « sans étiquette », mais seulement une rubrique « autres ». Cette rubrique forme une mosaïque impressionnante, qui regroupe, par exemple, les partis anti-fiscalistes – sympathiques au demeurant –, les partis religieux, les partis socioprofessionnels, les partis régionalistes, le parti pirate, et même le parti d’en rire !
L’exposé des motifs de la proposition de loi l’explique particulièrement bien : « il y a une différence fondamentale entre la plupart des listes des petites communes qui se définissent “sans étiquette” […] et des listes “divers” », car « les premières n’ont pas de sensibilité politique revendiquée », tandis que « les secondes en ont une, même si elle est marginale, voire originale pour certaines d’entre elles ». La commission des lois a totalement souscrit à ce constat.
Quelles sont les différentes situations possibles ?
Tout d’abord, dans les communes de moins de 1 000 habitants, les candidats ne font pas l’objet d’un « nuançage » et, parmi les élus, seul le maire se voit attribuer une nuance politique.
Pour les autres communes, un mandataire dépose la déclaration de candidature, assortie éventuellement d’une étiquette politique. L’administration opère ensuite son « nuançage politique » à partir des déclarations et des indices qu’elle peut recueillir. Les candidats découvrent alors, parfois dans la presse, la nuance politique qui leur a été attribuée. Cette nuance politique reste conservée au sein du fichier géré par le ministère de l’intérieur.
Cette situation crée des incompréhensions, voire des divisions internes à une même liste, quand des candidats découvrent qu’ils ont été affublés d’une nuance politique dans laquelle ils ne se retrouvent absolument pas. Tel est le cas, évidemment, des listes d’union communale que nous avons tous rencontrées dans nos départements, rassemblant des candidats de toutes tendances politiques, qui parfois ne connaissent même pas les préférences politiques de leurs colistiers. Dans les communes comptant entre 1 000 et 3 500 habitants, de tels cas sont légion.
Mme Marie-Thérèse Bruguière. Exactement !
M. Charles Revet. Tout à fait !
M. Jean-Patrick Courtois, rapporteur. Je me fonde, pour dire cela, sur les statistiques que le ministère de l’intérieur a bien voulu me transmettre : lors des dernières élections municipales, dans 41 % des communes de 1 000 à 3 500 habitants et dans 46 % des communes de 1 000 à 2 000 habitants, une seule liste se présentait, ce qui indique très souvent qu’il s’agit d’une liste transpartisane.
La commission des lois a donc estimé que cette proposition de loi était fondée pour deux raisons.
La première raison tient au respect du choix politique des candidats et des élus : je le dis, une nuance politique ne doit pas être imposée à des candidats dans les communes de moins de 3 500 habitants, car la constitution de listes à l’échelon local n’obéit pas forcément aux règles du jeu politique national. Si le candidat ne choisit pas d’étiquette politique, il doit rester « sans étiquette », y compris lors de l’attribution par l’administration d’une nuance politique.
La seconde raison est qu’il existe une marge d’erreur trop importante lorsque les services préfectoraux attribuent des nuances politiques aux listes et aux candidats dans les communes de 1 000 à 3 500 habitants. Je ne m’appesantirai pas sur des exemples concrets, mais les informations qui permettront, notamment au ministre de l’intérieur, d’indiquer des tendances nationales le soir du scrutin doivent reposer sur des bases solides. Or des nuances politiques attribuées parfois « au jugé » risquent de fausser l’exercice, car, je le répète, certaines listes peuvent abusivement être considérées comme « divers gauche » ou « divers droite ». Je me permets de souligner que le travail de « nuançage », avant 2013, ne portait pas sur les communes de moins de 3 500 habitants, ce qui ne créait aucun problème au ministère de l’intérieur pour dégager des tendances nationales.
Pour toutes ces raisons, la commission des lois a approuvé cette proposition de loi, sous réserve de l’adoption de deux amendements de forme que je lui ai proposés.
Ce texte, qui a vocation à s’appliquer sur l’ensemble du territoire national, introduit en fait deux règles claires.
Tout d’abord, pour toute élection, un candidat ou un élu pourra choisir son étiquette politique, ce qui correspond au droit actuel.
Ensuite, s’agissant de la nuance politique, deux situations sont distinguées : pour l’élection municipale dans les communes de moins de 3 500 habitants, aucune nuance politique ne sera attribuée si le candidat ou l’élu n’a pas lui-même fait connaître son étiquette politique ; pour les autres communes et les autres élections, le droit actuel demeurera en vigueur.
Sur l’initiative de notre collègue Isabelle Lajoux, qui a participé aux auditions que j’ai conduites, la commission des lois a précisé la teneur des informations qui devraient être délivrées par l’administration lors des dépôts de candidature : premièrement, la liste des nuances politiques utilisée par le ministère de l’intérieur pour l’élection concernée, ce qui consacre une pratique actuelle, imposée par la CNIL, la Commission nationale de l’informatique et des libertés ; deuxièmement, le rappel du droit d’accès et de rectification dont les candidats disposent pour ce traitement de données dans le cadre de la loi du 6 janvier 1978 relative à l’informatique, aux fichiers et aux libertés.
Ces précisions sont bienvenues et rappellent utilement que la loi du 6 janvier 1978 offre un réel droit de rectification dans les conditions de droit commun.
En conclusion, je ne vous cacherai pas que la commission s’est interrogée sur le caractère réglementaire de ce texte ; l’auteur de la proposition de loi lui-même s’est posé cette question et, dans l’exposé des motifs, il admet le caractère réglementaire des dispositions qu’il nous présente. Je crois cependant que ce texte a le mérite de poser un cadre clair pour l’attribution des étiquettes et des nuances politiques. Il est de nature à lever nombre d’inquiétudes et à provoquer le débat. Sa discussion nous fournit l’occasion d’interpeller le Gouvernement pour qu’il réponde aux questions que nous soulevons au nom des élus locaux.
Monsieur le ministre, pour ma part, je ne vous poserai en définitive qu’une seule question : le Gouvernement envisage-t-il a minima de « toiletter » le décret du 5 juillet 2001 ayant créé le « fichier des élus et des candidats aux élections au suffrage universel », afin que les règles soient plus accessibles et mieux connues par nos concitoyens ? Cela permettrait, je pense, de lever plusieurs ambiguïtés et donc, de fait, plusieurs inquiétudes.
Sous le bénéfice de ces observations, mes chers collègues, la commission des lois vous invite à approuver en l’état la proposition de loi qu’elle a elle-même adoptée. (Applaudissements sur les travées de l’UMP, de l’UDI-UC, du groupe écologiste et du groupe socialiste.)
M. Bernard Saugey. Très bien !
M. le président. La parole est à M. le ministre.
M. Bernard Cazeneuve, ministre de l’intérieur. Monsieur le président, mesdames, messieurs les sénateurs, je pourrais dire en préambule que, pour un Normand, l’esprit de nuance est une seconde nature… (Sourires.) Je pense que Philippe Bas, René Garrec et Jean-Claude Lenoir ne me contrediraient pas.
M. Charles Revet. Moi non plus !
M. Jean-Claude Lenoir. Vive la Normandie réunifiée ! (Nouveaux sourires.)
M. Bernard Cazeneuve, ministre. Cela étant, je n’entends pas faire diversion, car je souhaite que la discussion sur ce sujet important soit la plus riche et la plus approfondie possible. Je suis très heureux d’être présent parmi vous cet après-midi pour l’examen de la proposition de loi de M. Jean-Claude Carle, dont je sais qu’elle a fait l’objet de l’approbation unanime des membres de la commission des lois la semaine passée.
Ce texte, déposé le 14 mars 2014, relaie de nombreuses plaintes de candidats et des critiques parfois assez vives de la part d’associations d’élus, dont j’ai été très largement saisi à l’occasion des élections municipales.
En ma qualité de ministre de l’intérieur, responsable de l’organisation des élections, je suis, comme vous, très attaché à la démocratie locale, et plus particulièrement au pouvoir des maires. J’ai été très sensible aux diverses oppositions qu’a pu susciter le système de nuançage introduit à l’occasion du renouvellement municipal de 2014 et je cherche, moi aussi, à arrêter un dispositif qui permette de répondre aux préoccupations qui se sont exprimées.
Je souhaiterais néanmoins porter à votre connaissance plusieurs éléments de réflexion, afin de bien préciser la signification des concepts, par souci de clarté.
Je voudrais tout d’abord rappeler la distinction entre « étiquette politique » et « nuançage ».
L’étiquette politique relève d’un choix libre des candidats, signifié sur leur déclaration de candidature. Ils peuvent d’ailleurs préférer ne pas en choisir et se déclarer « sans étiquette ».
Le nuançage, en revanche, relève du seul ministère de l’intérieur qui, en fonction des sensibilités des candidats et de leurs déclarations, leur attribue une nuance, ne correspondant pas nécessairement à l’étiquette déclarée. Assurée par les préfectures, l’attribution d’une nuance politique a pour objet exclusif de permettre d’analyser finement les résultats des élections.
Ensuite, je voudrais revenir sur la genèse de l’extension de ce nuançage aux communes de plus de 1 000 habitants, sujet qui nous occupe plus particulièrement aujourd’hui.
Avant les élections municipales et communautaires de mars 2014, le décret du 30 août 2001 permettait au ministère de l’intérieur de procéder au nuançage politique des candidats aux élections municipales exclusivement – j’insiste sur ce point – dans les communes de 3 500 habitants et plus. Le seuil pour la mise en œuvre du nuançage correspond donc à celui à partir duquel s’applique le scrutin proportionnel : ce n’est pas un seuil discrétionnaire.
La loi du 17 mai 2013 ayant abaissé à 1 000 habitants le seuil d’application du scrutin de liste aux élections municipales, le ministère de l’intérieur, assez logiquement, a demandé à la CNIL l’autorisation d’étendre le nuançage aux candidats dans les communes de 1 000 à 3 499 habitants.
Tel est le sens de la délibération du 19 décembre 2013 de la CNIL, qui complète le décret de 2001, et tel est, si je vous ai bien compris, l’objet de votre mécontentement.
Je dois à la vérité de dire que plusieurs préfectures m’ont alerté sur les objections de certains candidats estimant que l’électeur pourrait être trompé par une nuance qu’ils jugeaient en contradiction avec la réalité et le sens de leur candidature, ainsi que sur les nombreuses demandes de rectification de nuance déposées par de tels candidats.
Je comprends les critiques dont ce dispositif fait l’objet, cependant je ne crois pas que la remise en cause pure et simple du nuançage pour les communes de 1 000 à 3 499 habitants soit la bonne réponse à apporter.
En l’état, la proposition de loi pose d’abord un problème de droit : en aménageant le nuançage dans les communes de moins de 3 500 habitants par voie législative, elle vise à modifier des règles qui relèvent d’une délibération de la Commission nationale de l’informatique et des libertés et se trouve ainsi en contradiction avec la hiérarchie des normes.
En outre, la distinction entre communes de 3 500 habitants et plus et communes de moins de 3 500 habitants avait un sens avant la loi du 17 mai 2013, puisqu’elle se fondait, comme je l’ai rappelé, sur le seuil d’application du scrutin de liste.
Le scrutin de liste existant désormais pour toutes les communes de plus de 1 000 habitants, la proposition de loi, qui vise à permettre aux candidats, dans les seules communes de 1 000 à 3 499 habitants, de refuser tout nuançage me semble donc de nature à remettre en cause le principe d’égalité.
Enfin, il me semble justifié et légitime de conserver la pratique du nuançage.
L’argument selon lequel il n’y aurait pas de débat politique dans les petites communes est très largement contredit par la réalité : la vie démocratique y est extrêmement riche, comme en témoigne le fait que 60 % des 6 784 communes de 1 000 à 3 499 habitants ont été le théâtre d’un affrontement démocratique entre au moins deux listes. Nous pouvons d’ailleurs nous en réjouir, car cela est bon pour la démocratie.
Cependant, pour éviter que le nuançage ne donne lieu à de nouvelles polémiques, il me semble qu’il faut le cantonner à son objet d’analyse politique, en faisant en sorte qu’il n’interfère pas avec le débat public. Autrement dit, je pense que la bonne solution pour répondre à votre préoccupation, monsieur Carle, est de faire en sorte que cet élément d’analyse du scrutin, dont nous avons besoin, ne vienne pas contrarier le déroulement de la campagne en créant des ambiguïtés entre le candidat et les électeurs.
C’est bien, en effet, du débat public, ouvert, démocratique, que relève la discussion autour de l’appartenance politique, réelle ou proclamée, des candidats. Il ne revient pas à l’État – et a fortiori au ministre de l’intérieur – d’arbitrer ce débat. Aussi, je propose que ce soient les étiquettes déclarées par les candidats – et seulement celles-ci – qui soient désormais publiées pendant la campagne électorale, les nuances ne l’étant elles qu’après la promulgation du résultat des élections, à des fins d’analyse du scrutin.
Ce que je vous propose donc, c’est un esprit, des institutions et une pratique.
L’esprit, c’est celui de votre proposition de loi, monsieur Carle. Je souhaite le conserver, parce qu’il me semble de nature à répondre à des critiques légitimes.
Les institutions, ce sont les pratiques de nuançage utiles que le ministère de l’intérieur souhaite maintenir pour toutes les communes où s’applique le scrutin de liste.
La pratique, c’est celle que je vous propose de mettre en œuvre dès après l’adoption du présent texte, consistant à rendre le nuançage public uniquement après la fin des opérations de vote, de manière que celles-ci ne soient pas troublées. Tel est le sens de l’amendement que j’ai déposé dans un esprit constructif au nom du Gouvernement et qui vise à atteindre plusieurs objectifs : d’abord, supprimer toute référence au seuil de 3 500 habitants, pour éviter toute différence de traitement entre les communes élisant leur conseil municipal au scrutin de liste, une telle différence de traitement ne se justifiant pas et posant un problème de principe ; ensuite, prévoir que les candidats mentionnent dans leur déclaration de candidature leur étiquette politique dans des termes qu’ils définissent librement, en pouvant, bien entendu, au moment du scrutin, se déclarer librement sans étiquette sans que cette déclaration se trouve contrariée à aucun moment du scrutin. Le dispositif du nuançage politique des candidats demeurerait inchangé, mais la publicité de ce dernier serait rendue interdite avant la fin des opérations de vote.
Mesdames, messieurs les sénateurs, Mona Ozouf montre, dans un essai sur Jules Ferry, que la grande œuvre de celui-ci a été, bien plus encore que les lois scolaires, l’avènement de la démocratie à l’échelon local, notamment avec la loi du 28 mars 1882 instaurant l’élection des maires pour toutes les communes et la loi du 5 avril 1884 relative à l’organisation des pouvoirs municipaux : la mairie fut constituée comme un modèle réduit de la République parlementaire. Je sais que vous souhaitez inscrire votre démarche dans le respect de cet équilibre, cher à Jules Ferry, entre un État fort, garant de l’unité, et une riche vie communale, garante de la complexité.
Vous avez, pour atteindre cet objectif, mon plein et entier soutien. Je tiens à remercier le sénateur Jean-Claude Carle du dépôt de cette proposition de loi, le rapporteur de sa contribution très utile et le président de la commission des lois, qui a su orchestrer ce débat.
Les propositions faites par le Gouvernement prennent intégralement en compte la préoccupation formulée par M. Carle ; notre discussion d’aujourd'hui doit permettre d’aboutir à un bon compromis. En tout cas, le Gouvernement aborde ce débat dans un état d’esprit ouvert. (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste, ainsi que sur certaines travées de l’UMP. – M. Jacques Mézard applaudit également.)
M. le président. La parole est à M. Pierre Jarlier.
M. Pierre Jarlier. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, cette proposition de loi est la bienvenue aux yeux des sénateurs de l’UDI-UC, car, dans un contexte de crise de confiance entre la population et nos institutions, l’élu local reste le garant du bon fonctionnement de notre démocratie de proximité. Il doit donc pouvoir s’engager librement et sans « étiquetage » particulier, s’il le souhaite, ce qui n’est plus vraiment le cas depuis l’entrée en vigueur des lois organique et ordinaire du 17 mai 2013.
En mars dernier, les électeurs de toutes les communes de plus de 1 000 habitants ont élu leurs conseillers municipaux selon le mode de scrutin proportionnel. Dans de nombreuses communes, ces évolutions répondaient à une attente forte des élus, qui souhaitaient la mise en place d’une majorité claire à l’issue d’une campagne dans laquelle le projet électoral primerait sur les considérations personnelles.
Mais un autre changement induit, à caractère réglementaire, auquel nous ne nous attendions pas, a suscité un réel malaise : les candidats dans les communes de 1 000 à 3 499 habitants ont dû, pour la première fois et à leur plus grand étonnement, remplir une liste d’informations partisanes destinées à constituer un « fichier des élus ».
Concrètement, les candidats peuvent attribuer à leur liste une « étiquette », c’est-à-dire désigner leur formation politique. Cette étiquette, si elle est librement indiquée, doit cependant être choisie au sein d’une nomenclature fixée par le ministère de l’intérieur.
Dans le même temps, la préfecture a, elle, l’impératif d’affecter une « nuance » aux candidats, soit, pour être plus clair, de les rattacher à un courant de pensée politique.
Cette nuance est attribuée de manière discrétionnaire par les services de la préfecture, sur la base d’un faisceau d’indices, ce qui est profondément choquant et entraîne des erreurs manifestes pouvant susciter l’incompréhension, pour ne pas dire plus, comme l’a indiqué tout à l’heure le rapporteur.
La nomenclature de l’administration est exhaustive. Parmi les choix possibles figure, outre les partis traditionnels, la mention « divers », regroupant par défaut les autres sensibilités politiques : partis anti-fiscalistes, religieux, socioprofessionnels, régionalistes, pour ne citer que ces exemples. En revanche, la nuance « sans étiquette », pourtant tout à fait légitime, ne figure nulle part, alors même que de nombreux candidats ne se reconnaissent dans aucune des sensibilités que j’évoquais, car ils sont avant tout animés par une volonté d’agir au service de leur territoire. Cette position se conçoit d’autant mieux, il faut bien le reconnaître, que les partis politiques ne bénéficient pas à l’heure actuelle d’une très bonne image dans l’opinion, c’est le moins que l’on puisse dire ! Tous les sondages d’opinion le démontrent : une cote de confiance inférieure à 10 %, c’est tout de même faible…
Ce fichier des élus n’est pas une nouveauté. Il existait déjà pour les communes de 3 500 habitants et plus et suscite, depuis l’origine, des incompréhensions.
Les élections de mars 2014, avec l’élargissement du champ du mode de scrutin proportionnel aux communes de 1 000 habitants et plus, ont permis de souligner nettement les dysfonctionnements liés à la constitution de ce fichier.
De nombreuses voix se sont élevées, notamment dans les communes rurales, pour dénoncer une situation qui, d’une certaine façon, nuit à la libre expression de l’action publique, et les associations nationales d’élus se sont largement mobilisées.
Deux problèmes se posent clairement : celui des « étiquettes » et « nuances » répertoriées ; celui du caractère arbitraire des « nuances » attribuées par l’administration aux candidats.
S’agissant des notions d’étiquette et de nuance, elles ont peu de sens pour les 6 659 communes désormais elles aussi concernées par le fichier des élus. En effet, beaucoup de candidats de petites communes forment des listes fédérant des sensibilités politiques extrêmement diverses. Ces personnes s’engagent et se rassemblent dans l’optique d’œuvrer pour le bien commun de leur village ou de leur ville et de ses habitants. Les listes sont constituées majoritairement sans considérations politiques et, le plus souvent, une liste d’entente se forme au-delà des clivages partisans pour présenter une candidature unique. Jean-Patrick Courtois l’a très bien rappelé : lors du scrutin de mars 2014, cela a été le cas dans 41 % des communes de 1 000 à 3 499 habitants et dans près de 50 % des communes de 1 000 à 2 000 habitants. La proportion est sans doute beaucoup plus importante encore dans les communes de moins de 1 000 habitants.
Ces listes ne peuvent donc être classées sous la rubrique « divers », un tel classement supposant en effet une revendication politique, celle-ci étant difficile à répertorier au regard de l’échiquier politique traditionnel.
En revanche, la mention « sans étiquette » traduit le caractère apolitique et non partisan de la liste conduite. Autrement dit, et pour reprendre les propos de notre rapporteur, les listes « sans étiquette » « n’ont pas de sensibilité politique revendiquée ».
Bien souvent – de plus en plus souvent, dirais-je –, ce n’est pas l’appartenance à un parti qui suscite la confiance des électeurs lors des scrutins locaux. Bien au contraire, c’est la qualité de l’engagement, la présence sur le terrain et la volonté d’agir pour le mieux-vivre ensemble, pour le territoire, au-delà de toute considération partisane, qui sont récompensées par les citoyens.
La reconnaissance de cette capacité de rassemblement des forces vives par la création d’une catégorie « sans étiquette » participerait donc, à sa mesure, à la rénovation de notre démocratie locale. Elle répondrait en effet à une réelle attente des électeurs et à un mouvement croissant, éloigné des clivages partisans. Tel est le sens de la notion du « sans étiquette » qu’introduit cette proposition de loi.
Le second problème soulevé lors des élections de mars dernier a trait à l’obligation faite aux préfets d’attribuer des nuances aux candidats dans les communes de moins de 3 500 habitants dès lors que ces derniers n’en revendiquent pas une eux-mêmes.
De fait, les listes dites « d’intérêt général » sont très difficiles à classer. Cette attribution autoritaire d’une nuance politique, fondée sur un faisceau d’indices – la déclaration du candidat et son éventuelle « renommée » sur le terrain–, est assortie d’une importante marge d’erreur. J’en veux pour preuve les réclamations formulées par de nombreux maires qui se sont vu attribuer des « nuances » sans aucun lien avec la réalité de leur engagement, citoyen et politique.
À cet égard, cette proposition de loi, qui vise aussi à supprimer l’obligation faite à l’administration d’attribuer une « nuance » pour les candidats dans les communes de moins de 3 500 habitants, va dans le bon sens.
Comme pour les étiquettes, chaque candidat doit pouvoir décider librement quelle « nuance » lui correspond : qu’elle puisse lui être attribuée arbitrairement par l’administration est, pour le moins, mal vécu par les intéressés. Mais attention : a contrario, cette nuance, lorsqu’elle est revendiquée par le candidat, doit aussi être cohérente avec la réalité ; le préfet doit y être attentif, pour éviter toute manipulation de l’opinion. Ce sujet est donc plus complexe qu’il y paraît.
Malheureusement, en février dernier, le ministère de l’intérieur a décidé de ne pas prendre en compte les remarques de l’Association des maires de France et de l’Association des maires ruraux de France sur la création de la catégorie « sans étiquette », qui relevait pourtant du bon sens.
Ce refus de reconnaître la distinction évidente entre une liste classée « divers » et une liste « sans étiquette » pour les communes de 1 000 à 3 499 habitants nous oblige aujourd’hui, ici au Sénat, malgré le caractère réglementaire d’un tel sujet, à nous saisir de cette question sensible qui ne saurait rester sans réponse.
La réalité, sur le terrain, ce n’est pas l’étiquette politique ; la réalité, sur le terrain, c’est l’engagement pour la République d’hommes et de femmes qui, bien souvent, ne se préoccupent pas de savoir si leur vision et l’ambition qu’ils ont pour leur territoire sont de droite, de gauche ou de toute autre tendance. C’est bien dans ces conditions que se constituent des équipes unies, dont la seule préoccupation est d’agir efficacement pour la commune. J’ajoute que c’est ce qu’attendent nos concitoyens.
Nous voterons donc, telle qu’elle nous a été présentée par le rapporteur, cette proposition de loi qui s’inscrit dans la lignée du combat que nous menons depuis des années en faveur de l’avènement d’une démocratie rénovée, loin de tout clivage dogmatique. Mes chers collègues, le parti de la très grande majorité des élus, c’est d’abord leur territoire ! (Applaudissements sur les travées de l'UDI-UC et de l'UMP, ainsi que sur certaines travées du RDSE et du groupe socialiste.)
(M. Jean-Claude Carle remplace M. Charles Guené au fauteuil de la présidence.)
PRÉSIDENCE DE M. Jean-Claude Carle
vice-président
M. le président. La parole est à Mme Éliane Assassi.
Mme Éliane Assassi. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, le juriste et homme politique britannique James Bryce affirmait que si les institutions sont au corps politique ce que le squelette est à l’organisme humain, les partis politiques en constituent les muscles et les nerfs.
Ce sont bien les partis politiques, dans leur diversité, qui contribuent au bon fonctionnement de la démocratie et qui la font vivre, conformément d’ailleurs aux termes de l’article 4 de notre Constitution.
Il me paraît donc primordial de réaffirmer ici, en préambule, toute l’importance qu’ont ces partis politiques au regard de la reconnaissance de candidats « sans étiquette ». J’y tiens, car la tendance à la méfiance et au dénigrement des partis politiques, accompagnée d’une revendication de prétendue « dépolitisation » et de neutralité recèle, en réalité, un danger important pour la démocratie. Pour reprendre l’image utilisée par James Bryce, la disparition des partis reviendrait à « décharner » notre squelette institutionnel.
En outre, cette prétendue « dépolitisation », traduite par l’absence d’étiquette, relève souvent davantage d’une posture et d’une volonté de récupération politicienne que d’une véritable neutralité politique, dont on ne sait d’ailleurs trop ce qu’elle signifie.
Faire de la politique signifie faire des choix et prendre position ; il n’existe pas de décisions et de choix « neutres ».
Par ailleurs, force est de constater que la plupart de ceux qui affirment n’être affiliés à aucun parti sont tout de même bel et bien rattachés à la droite… (Mme Esther Sittler le conteste.)
Pour en venir au cœur du débat, cette proposition de loi vise à permettre aux candidats de se présenter aux élections municipales avec la nuance « sans étiquette » dans les communes de moins de 3 500 habitants. Son dépôt fait suite aux dernières élections municipales, à l’occasion desquelles des listes se revendiquant « sans étiquette » se sont vu attribuer des « nuances politiques », qu’elles ont découvertes lors de la parution du fichier officiel des candidatures diffusé par le ministère de l’intérieur et qui ne les satisfaisaient pas toujours.
Depuis cette année, le mode de scrutin applicable aux communes de 1 000 à 3 499 habitants est aligné sur celui déjà en vigueur pour les plus grandes communes.
Outre l’obligation de déposer des listes complètes et paritaires, les candidats ont dû déclarer une « nuance politique » figurant dans la nomenclature officielle établie par le ministère de l’intérieur pour « permettre une meilleure connaissance et compréhension des équilibres politiques nationaux » et « apporter un éclairage aux citoyens sur l’offre politique qui a lieu à un moment donné de notre histoire ».
La « nuance », attribuée par l’administration, se veut distincte de l’« étiquette », choisie par le candidat, et du parti politique. La nuance, notion plus large que celle d’étiquette, correspond à un parti, à un mouvement ou à une tendance politique.
À gauche, la nomenclature distingue, par exemple, les listes « socialistes » des listes d’« union de la gauche », investies par le parti socialiste et un autre parti de gauche, et des listes « divers gauche », où sont représentées le parti radical de gauche ou le Mouvement républicain et citoyen.
Les candidats s’étant déclarés « sans étiquette » se sont donc vu attribuer par les préfectures une nuance qui n’est pas toujours en cohérence avec les sensibilités représentées dans les listes concernées.
Rappelons qu’il existe une catégorie « divers », qui devrait permettre d’éviter toute référence partisane et semble suffisante pour classer les listes d’union, « neutres » ou transpartisanes. C’est d’ailleurs dans cette catégorie que de nombreuses préfectures ont classé les listes refusant les nuances « gauche » ou « droite ».
Rappelons également que, le cas échéant, les candidats ont pu déposer un recours pour contester la nuance leur ayant été attribuée. L’ajustement doit se faire non pas par la loi, mais plutôt à l’échelon des préfectures, qui certes pourraient affiner leur travail sur les nuances politiques.
Mme Éliane Assassi. Dès lors, faut-il légiférer pour corriger les erreurs ? Nous ne le pensons pas.
Il nous appartient, me semble-t-il, de redonner tout son sens à l’engagement politique, parfois masqué à des fins politiciennes. À quelques jours de l’ouverture de la campagne des élections sénatoriales, nous nous interrogeons sur la pertinence de cette proposition de loi, qui amplifie l’inflation législative plus qu’elle ne clarifie la situation pour les communes de moins de 3 500 habitants.
J’indique dès à présent que notre groupe s’abstiendra, pour les raisons que je viens d’évoquer. (Applaudissements sur les travées du groupe CRC. – M. le président de la commission des lois applaudit également.)
Mme Cécile Cukierman. Très bien !
M. le président. La parole est à Mme Isabelle Lajoux.
Mme Isabelle Lajoux. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, lors du scrutin municipal des 23 et 30 mars dernier, la procédure électorale visant à attribuer des nuances politiques aux listes souhaitant se présenter « sans étiquette » a provoqué un vif émoi dans les petites communes.
Le phénomène a pris une ampleur inédite, tant la loi du 17 mai 2013 a considérablement modifié la donne pour les communes rurales. En effet, outre l’obligation de déposer des listes complètes et paritaires, les candidats ont dû déclarer une étiquette politique et se sont vu attribuer une nuance politique conforme à la nomenclature officielle établie par le ministère de l’intérieur.
Dès lors, l’abaissement de 3 500 à 1 000 habitants du seuil pour l’application du scrutin de liste a eu pour conséquence, dans plus de 6 600 communes supplémentaires, de soumettre les candidats à un classement politique effectué de manière discrétionnaire par le préfet.
Aussi les candidats se déclarant sans étiquette n’ont-ils pas apprécié de se voir attribuer une nuance politique en fonction d’une grille préétablie, celle-ci ne comportant pas de catégorie « sans étiquette » ou « non inscrit ».
Cette classification obligatoire instaurée par le ministère de l’intérieur doit « permettre une meilleure connaissance et compréhension des équilibres politiques nationaux et apporter un éclairage aux citoyens sur l’offre politique qui a lieu à un moment de notre histoire ».
Il reste que ce système pose particulièrement problème dans des communes où il est fréquent de présenter une liste « sans étiquette ». Les candidats encartés y sont peu nombreux, et la rareté des volontaires pour participer à la vie municipale conduit souvent à la construction de listes d’intérêt communal, rassemblant des habitants hors toute appartenance partisane.
En effet, mes chers collègues, « dans bon nombre de communes rurales, les candidats s’engagent en faveur de listes d’intérêt local, sans considérations politiques ou partisanes avec pour seule ambition d’œuvrer pour le bien commun de leurs territoires et de leurs concitoyens », insistait l’AMF dans un communiqué peu avant les élections municipales.
Dans sa réponse à l’AMF, Manuel Valls, alors ministre de l’intérieur, estimait que la neutralité des candidats sans étiquette était prise en compte, puisque la grille intègre la nuance « divers », qui a vocation à rassembler toutes les listes et tous les candidats qui ne manifestent pas d’engagement politique. Mais cette réponse ne convainc pas. Nombre d’élus sans étiquette et non inscrits ne se reconnaissent pas dans les mouvements disparates, voire fantasques, que regroupe cette catégorie.
L’Association des maires ruraux de France évoque « une classification inadaptée aux édiles des villages tant le nuancier utilisé ne reflète pas la réalité du terrain » et demande la création de la catégorie « sans étiquette » dans la grille des « nuances politiques » attribuées par les services préfectoraux aux listes candidates. C’est précisément l’objet de la présente proposition de loi.
Mes chers collègues, d’aucuns pensent, avec raison, que le sujet est d’ordre réglementaire, qu’il ne relève pas de la loi et que, dès lors, cette question aurait pu faire l’objet d’une proposition de résolution du Sénat tendant à réclamer au Gouvernement de modifier le décret de 2001.
Toutefois, saisissons l’occasion qui nous est donnée d’appeler avec force l’attention du Gouvernement sur la violente protestation des élus locaux qui s’est exprimée en mars dernier.
Reprenant les principes avancés par l’auteur de la proposition de loi, Jean-Claude Carle, le texte adopté en commission prévoit « d’une part que l’étiquette politique resterait libre et d’autre part que, pour les communes de moins de 3 500 habitants, aucune nuance politique ne pourrait être attribuée, si une étiquette politique n’a pas été choisie ».
Mme Marie-Thérèse Bruguière. Bravo !
Mme Isabelle Lajoux. Je me félicite, par ailleurs, qu’ait été adopté un amendement visant à améliorer l’information des candidats sur la liste des nuances politiques utilisée, ainsi que sur les droits d’accès et de rectification dont ils disposent.
Enfin, mes chers collègues, faut-il voir dans cette revendication des « sans étiquette » la traduction de la défiance que semblent susciter aujourd’hui les partis politiques ? Le phénomène n’est pas nouveau : en 2008, le ministère de l’intérieur recensait 24 000 maires sans étiquette. Voyons-y plutôt l’envie de s’adresser à toute une population « sans barrière politique » ; tous ces candidats défendent la nécessité de fédérer des sensibilités différentes autour d’un projet qui rassemble.
Nous connaissons tous, dans nos circonscriptions, des villages ou des petites villes dans lesquelles les dernières échéances municipales ont été l’occasion d’un « réveil citoyen », d’un formidable élan de démocratie participative, dépassant le clivage gauche-droite. Au-delà des étiquettes, il s’agit d’abord d’un engagement, d’un investissement, d’un dévouement sans faille au service de ses concitoyens. C’est là, à mon avis, rendre à la politique son sens étymologique : la science des affaires de la cité.
François Hollande rappelait à Dijon, en mars 2012, qu’avec les lettres du mot « maire », on peut écrire le mot « aimer ».
M. Philippe Bas. C’est charmant !
Mme Isabelle Lajoux. Oui, mes chers collègues, c’est cela d’abord, s’engager dans la vie municipale d’une petite commune : aimer son village, aimer sa ville, aimer les gens.
M. Joël Guerriau. Aimer sans clivage ! (Sourires.)
Mme Isabelle Lajoux. Dans un village ou une petite ville, la politique c’est d’abord des gens, des jeunes, des moins jeunes, des familles, des personnes isolées, avec chacun son histoire, ses besoins pour se construire ou améliorer son quotidien.
Dans un village ou une petite ville, la politique, c’est surtout l’énergie et la persévérance que les membres de l’équipe municipale mettent au service de leurs concitoyens. C’est une mission difficile, exigeante, parfois ingrate, mais ô combien exaltante.
Alors, au moment où notre société s’enfonce malheureusement dans l’individualisme et le « chacun pour soi », je crois en cet engagement citoyen… au-delà des étiquettes ! Mes chers collègues, encourageons cette vitalité démocratique qui s’exerce dans nos villages et incitons chacun à la prise de responsabilités.
Pour ces raisons, et eu égard à la pertinence évidente de la question soulevée, le groupe socialiste votera ce texte. (Applaudissements sur la plupart des travées.)
M. le président. La parole est à M. Jean-Michel Baylet.
M. Jean-Michel Baylet. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, à l’occasion des dernières élections municipales, nombre d’entre nous ont été saisis par des candidats ayant découvert, souvent par voie de presse, que leur liste s’était vu attribuer une appartenance par la préfecture, alors même qu’ils n’avaient pas déclaré d’étiquette. Plus grave : dans certains cas, la nuance attribuée arbitrairement ne correspondait ni à l’orientation de la tête de liste ni à celle de la majorité des colistiers.
Or, dans la plupart des petites communes, nous le savons, la composition des listes dépasse les clivages, les sensibilités, et transcende souvent les appartenances politiques. Celles-ci sont reléguées après l’intérêt de la commune, et c’est tant mieux !
Dans ces cas, les colistiers, d’horizons divers, ont peu apprécié d’être associés à une orientation dans laquelle ils ne se reconnaissaient pas et qu’ils n’avaient pas revendiquée.
Cette question se pose avec davantage d’acuité depuis le vote de la loi du 17 mai 2013, qui a abaissé de 3 500 à 1 000 habitants le seuil à partir duquel les conseils municipaux sont élus au scrutin de liste.
Nous comprenons la volonté du ministère de l’intérieur – on pourrait presque parler de penchant ! – de classer les listes en présence, notamment à des fins statistiques.
Ce nuancier est bien sûr présenté comme étant seulement un outil nécessaire, quoiqu’imparfait, pour la lecture et l’analyse des résultats. Cependant, dans la mesure où les données du ministère de l’intérieur sont reprises et diffusées, notamment, par de nombreux sites d’information, cet outil est de nature à nuire à la sincérité du scrutin.
C’est en se fondant sur les difficultés rencontrées lors des dernières élections municipales que nos collègues du groupe UMP ont déposé la proposition de loi que nous examinons aujourd’hui.
La commission des lois a abouti à un compromis, en prévoyant qu’une liste, dans une commune de moins de 3 500 habitants, ne pourra se voir attribuer de nuance si elle n’a pas déclaré d’étiquette. C'est bien la moindre des choses, serais-je tenté de dire…
Pour sa part, le Gouvernement a déposé sur ce texte un amendement qui tend à modifier la rédaction des alinéas 2 à 4 de l’article 1er. En substance, monsieur le ministre, vous proposez de maintenir le système de nuances, mais prévoyez que ces dernières ne seront pas rendues publiques avant la fin des opérations de vote.
L’amendement gouvernemental ne nous paraît pas constituer une bonne réponse. En effet, à la lecture des résultats, les électeurs pourront découvrir que la liste à laquelle ils ont accordé leur suffrage – souvent sur la foi d’une étiquette politique revendiquée – s’est vu attribuer par la préfecture une nuance qui n’était pas connue au moment du vote. Loin d’apporter de la clarté, cette modification fera au contraire peser un soupçon de dissimulation.
De surcroît, mes chers collègues, de nombreuses questions demeurent. La première concerne l’exactitude du classement : des listes se réclamant d’une même formation ont pu se voir attribuer, selon les départements, des nuances différentes.
En outre, je m’interroge sur la précision des résultats ventilés par nuance, au regard des données transmises par le ministère de l’intérieur et téléchargeables sur son site internet : on constate que 34 703 élus ont été classés comme relevant de la nuance « divers ». C'est tout de même considérable !
M. Jean-Pierre Sueur, président de la commission des lois. Cela fait beaucoup de « divers », en effet !
M. Jean-Michel Baylet. En consultant le nuancier fourni par le ministère aux préfectures, nous constatons de plus que ces presque 35 000 élus appartiendraient aux formations suivantes : parti pirate, parti d’en rire, Chasse, pêche, nature et traditions, partis religieux, régionalistes, mouvements écologistes autres que Europe Écologie Les Verts.
Monsieur le ministre, sans faire insulte à ces formations, je ne crois pas que, même en additionnant leurs résultats, elles puissent compter autant d’élus dans les conseils municipaux. Il apparaît plutôt que, en l’absence de l’indispensable nuance « sans étiquette », les services préfectoraux, dans certains cas, ont classé dans la rubrique « divers » les listes ne correspondant à aucune autre.
Par ailleurs, monsieur le ministre, je vous le dis droit dans les yeux : je m’étonne de l’absence de certaines formations dans la nomenclature établie par le ministère de l’intérieur. Je pense notamment à un parti que vous connaissez bien et dont vous avez même été membre : le parti radical de gauche ! (Exclamations amusées sur diverses travées.)
M. Jean-Michel Baylet. Eh bien ce parti, pour lequel j’ai moi aussi un certain attachement, ne figure pas dans votre nomenclature…
M. Joël Guerriau. Quel malheur !
M. Jean-Michel Baylet. Je ne l’ai trouvé que dans la rubrique « divers gauche », regroupé avec d’autres formations qui, pourtant, ne me semblent pas avoir la même représentativité que la nôtre. Et que dire du fait que l’extrême gauche figure, elle, dans votre nomenclature, bien qu’elle ne compte que soixante-quatre élus municipaux ! (Mme Éliane Assassi s'exclame.)
Pour toutes les raisons que j’ai évoquées, et connaissant votre souci de l’équité, je ne doute pas, monsieur le ministre, que vous allez donner des instructions pour que cet état de choses soit rectifié immédiatement ! (Sourires.) Cependant, je ne m'attendais tout de même pas à cela de la part du ministre de l'intérieur…
M. Jean-Michel Baylet. Je sais, c'est l’héritage ! Chers collègues de droite, vous le savez bien : l’héritage se transforme parfois en fardeau… (Sourires.)
Quoi qu’il en soit, mes chers collègues, en matière électorale, la recherche de la simplification suit un parcours parfois complexe. Gageons que le processus législatif engagé au travers du présent texte nous permettra d’instaurer davantage de clarté, pour nos élus – qui en manquent quelque peu en ce moment –, pour les citoyens qui font le choix de l’engagement et pour l’ensemble des électeurs.
Monsieur le ministre, mes chers collègues, ce texte nous convient, mais, compte tenu des réserves dont nous avons fait part, nous déterminerons notre vote en fonction du sort qui sera réservé aux amendements. En tout état de cause, les radicaux sont favorables à cette proposition de loi. (Applaudissements sur certaines travées de l'UMP. – M. le président de la commission des lois applaudit également.)
M. le président. La parole est à M. Jean Louis Masson.
M. Jean Louis Masson. Monsieur le président, monsieur le ministre, chers collègues, cette proposition de loi a le mérite de soulever un vrai problème, qui ne date pas des dernières élections municipales et qu’il ne faut pas, selon moi, circonscrire au seul cas des communes de moins de 3 500 habitants.
Ce système du nuancier, qui a été conservé par les différents gouvernements successifs, me semble complètement contraire au principe républicain de représentativité et de liberté d’expression des partis politiques.
De quel droit inscrit-on certains partis politiques dans le nuancier et en exclut-on d’autres ? Alors que, aux termes de la Constitution, les partis se créent, se gèrent et se développent librement, de quel droit peut-on évincer tel parti et favoriser tel autre ? De quel droit, dans une démocratie, peut-on obliger les citoyens que sont les élus et les candidats à choisir une nuance politique au sein d’une liste limitativement constituée ? On n’a donc pas le droit de revendiquer une nuance politique qui ne se trouve pas dans cette liste !
Cela constitue à mes yeux une atteinte aux principes constitutionnels et aux droits des citoyens qu’ils garantissent. Je pense que ce système est extrêmement pernicieux. À plusieurs reprises, j’ai déposé des propositions de loi pour m'élever contre ce nuancier, qui donne en quelque sorte la préséance aux élus des partis qui y sont répertoriés, les autres devant se rabattre sur telle ou telle nuance susceptible de correspondre vaguement à leur orientation, sachant que, en toute hypothèse, on leur en attribuera une de toute façon !
Il est tout de même incroyable que, si aucune des nuances prévues ne correspond aux idées d’un candidat ou d’un élu, on lui en impute tout de même une, qu’il n’a pas le droit de refuser ! C'est digne d’un régime soviétique ! J’estime que le régime actuel mériterait de faire l’objet d’une question prioritaire de constitutionnalité, car il bafoue un certain nombre de principes constitutionnels.
M. Philippe Bas. C'est vrai !
M. Jean Louis Masson. Je suis un sénateur non inscrit, sans étiquette : je ne vois pas pourquoi on veut me caser à tout prix quelque part. Avant les élections, lorsque vous êtes non inscrit, sans étiquette, vous n’existez pas, personne ne vous soutient ; après les élections, tout le monde veut vous récupérer ! (Sourires.)
Le seul reproche que je ferai à cette proposition de loi, c'est que son champ est limité aux communes de moins de 3 500 habitants. Mes chers collègues, pourquoi serait-il plus acceptable de se voir imposer une nuance dans une commune de 3 600 habitants que dans une commune de 3 400 habitants ? Ce qui est contestable, c'est le principe même du nuancier. Si l’on veut conserver un nuancier, il faut permettre à tous les partis qui le veulent d’y figurer, sans faire de sélection. Observant l’évolution du nuancier depuis un certain nombre d’années, j’ai pu constater que des partis y apparaissent ou en disparaissent soudainement sans motif plausible : on se demande vraiment sur quelles bases ce nuancier est établi ! (Mme Marie-Thérèse Bruguière acquiesce.)
Cette proposition de loi a l’immense mérite de nous permettre d’ouvrir ce débat, mais, j’y insiste, il serait tout de même cohérent que sa portée ne soit pas restreinte aux seules communes de moins de 3 500 habitants : pourquoi imposer une nuance aux élus municipaux au-delà de ce seuil ? (Applaudissements sur quelques travées de l'UMP.)
M. le président. La parole est à Mme Esther Benbassa.
Mme Esther Benbassa. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, ce texte, déposé le 14 mars dernier, a pris tout son sens à l’issue des dernières élections municipales.
Pour bien comprendre les enjeux de cette proposition de loi, il convient, d’une part, de rappeler l’état actuel du droit, et, d’autre part, d’en évaluer les conséquences pour les candidats, notamment dans les plus petites communes.
Concernant le droit en vigueur, la loi n° 2013-403 du 17 mai 2013 relative à l’élection des conseillers départementaux, des conseillers municipaux et des conseillers communautaires a modifié en profondeur le mode d’élection des conseillers municipaux et des conseillers communautaires.
D’une part, le seuil démographique à partir duquel le scrutin à la représentation proportionnelle s’applique pour l’élection du conseil municipal a été abaissé à 1 000 habitants.
D’autre part, l’obligation de dépôt préalable d’une déclaration de candidature a été généralisée à l’ensemble des communes.
À ces dispositions s’ajoutent celles du décret du 30 août 2001 prévoyant que les candidats aux élections municipales dans les villes de plus de 3 500 habitants attribuent une « étiquette » à leur liste, c’est-à-dire indiquent à quelle formation politique ils se rattachent. Parallèlement, s’ils ne le font pas eux-mêmes, la préfecture a le devoir de leur affecter une nuance, c’est-à-dire un courant de pensée politique de rattachement.
La combinaison de ces différents textes a eu des répercussions particulièrement importantes sur la collecte des données personnelles relatives à l’appartenance politique des candidats et des élus. Ces derniers, soutenus dans leurs revendications par l’Association des maires de France et l’Association des maires ruraux de France, ont, dans les communes de 1 000 à 3 499 habitants, particulièrement mal vécu d’être obligés d’indiquer une nuance politique lors du dépôt des candidatures en préfecture.
À ce stade, et pour mieux appréhender le malaise, il convient de distinguer l’étiquette politique de la nuance politique.
Si le candidat choisit librement d’adopter, ou non, une étiquette politique et peut même en changer en cours de mandat, l’administration, quant à elle, attribue une nuance politique aux candidats puis aux élus en fonction d’une nomenclature fixée par le ministère de l’intérieur et présentée au candidat lors du dépôt de candidature.
Il n’existe pas de nuance « sans étiquette », mais seulement une rubrique « autres », dans laquelle figurent, par exemple, les partis anti-fiscalistes, les partis religieux, les partis socioprofessionnels, les partis régionalistes, le parti pirate et même le parti d’en rire !
C’est cette lacune que la présente proposition de loi vise à pallier.
On le sait bien, dans les plus petites communes, les listes se forment le plus souvent au-delà de tout clivage partisan. Se voir attribuer une nuance politique par l’administration peut alors être relativement lourd de conséquences pour le scrutin, mais également tout au long du mandat.
Avec le texte tel qu’issu des travaux de la commission des lois, dans les communes de moins de 3 500 habitants, les candidats sans étiquette ne pourront plus se voir attribuer arbitrairement par l’administration une nuance politique.
Considérant que ce texte, qui ne doit pas être envisagé de manière partisane, atteint un équilibre ne pouvant qu’être bénéfique à la démocratie locale, le groupe écologiste le soutiendra. (Applaudissements sur certaines travées du groupe socialiste et de l'UMP. – M. le président de la commission des lois applaudit également.)
M. le président. La parole est à M. Philippe Bas.
M. Philippe Bas. Monsieur le président, monsieur le ministre, monsieur le rapporteur, mes chers collègues, ce débat intervient quelques semaines après des élections municipales s’étant déroulées dans un contexte juridique assez nouveau, qui a provoqué un certain nombre de récriminations et un réel mécontentement, principalement dans nos communes rurales.
Heureusement, à quelques jours du scrutin, la partie réglementaire du code électoral a été modifiée pour ne pas imposer la présentation de la carte d’identité au moment du vote dans les petites communes rurales. C’était déjà un élément précieux pour éviter que l’accès au vote ne soit inutilement restreint, mais un certain nombre de dispositions nouvelles se sont appliquées, qui soulèvent de réelles questions. L’objet du texte dont nous discutons aujourd'hui n’est pas de les traiter toutes, mais je les mentionnerai tout de même.
L’obligation de déclaration de candidature dans les toutes petites communes nous prive de l’apport de conseillers municipaux qui n’osaient pas présenter spontanément leur candidature ; c’est une réduction de la liberté de choix de l’électeur.
L’interdiction du panachage dans les communes de 1 000 à 3 500 habitants n’est pas non plus une bonne mesure. Le vote bloqué crée de l’abstention et nuit à l’instauration d’un vrai dialogue démocratique. Si, comme vous nous l’avez rappelé, monsieur le ministre, plusieurs listes ont été présentées dans 59 % des communes de 1 000 à 3 500 habitants, cela signifie que, dans plus de 40 % d’entre elles, une seule liste bloquée a été déposée, et qu’il s’est donc alors agi d’un scrutin de pure et simple ratification. Peut-on s’étonner, dès lors, que les électeurs, dans ces communes, ne se précipitent pas aux urnes ? La démocratie locale a pourtant toujours été l’école du civisme dans notre pays.
Dans mon département, la Manche, par rapport au précédent scrutin municipal, moins de listes étaient présentées cette année dans 25 % des communes de 1 000 à 3 500 habitants et l’abstention a été supérieure ou égale dans les trois quarts des communes de cette strate. Par conséquent, si l’on regarde à la loupe les conditions de fonctionnement de la démocratie dans ces petites communes, on constate à la fois une diminution de la liberté de choix des électeurs et une augmentation de l’abstention.
Le sujet qui nous occupe aujourd'hui est celui des nuances politiques attribuées aux candidats par vos services, monsieur le ministre.
Comme l’a dit tout à l’heure M. Masson, il est vrai qu’une question de principe se pose pour toutes les communes, mais elle se pose plus fortement encore pour nos petites communes rurales. En effet, dans ces communes, même si le débat démocratique y est vivant, ainsi que vous l’avez souligné à juste titre, monsieur le ministre, c’est l’absence d’engagement partisan des candidats qui est la règle. Ce n’est nullement un aspect secondaire ou anecdotique, c’est le mode de fonctionnement même de la démocratie locale. Jusqu’où celle-ci doit-elle être irriguée par la vie partisane ? Vous nous avez dit tout à l’heure, monsieur le ministre, qu’il n’y a plus aucune raison de distinguer le cas des communes de 1 000 à 3 500 habitants de celui des communes dont la population excède ce seuil, puisque le même mode de scrutin s’applique désormais. Je vous réponds qu’il y en a une, qui relève non pas de la conviction ou de l’idéologie, mais de la réalité : le débat démocratique, dans les petites communes, ne repose pas principalement sur l’appartenance partisane. J’ajouterai qu’il n’est pas souhaitable qu’il en aille autrement, compte tenu de la nature des questions traitées à l’échelon de ces petites communes.
Je relève en outre que si la collecte et le traitement de ces données ont effectivement été autorisés par la Commission nationale de l’informatique et des libertés, le point de départ est tout de même le principe d’interdiction. En effet, l’interdiction de collecter et de traiter les données à caractère personnel faisant apparaître les opinions politiques est posée à l’article 8 de la loi relative à l’informatique, aux fichiers et aux libertés, et si le paragraphe IV de cet article ne soumet pas à l’interdiction les traitements justifiés par l’intérêt public et autorisés par la CNIL, encore faut-il que la justification soit réelle et que l’autorisation soit donnée. C’est le cas en l’occurrence, mais je rappellerai que la CNIL n’est pas une instance constitutionnelle dont l’autorité serait supérieure à celle du Parlement : elle agit dans le cadre fixé par le législateur, si bien qu’il nous est tout à fait loisible de déterminer des conditions nouvelles d’exercice de son pouvoir d’autorisation par la Commission nationale de l’informatique et des libertés.
Dès lors, tous les arguments opposés à la proposition de loi qui a été déposée par notre excellent collègue Jean-Claude Carle et que j’ai eu l’honneur de cosigner se trouvent récusés, qu’ils soient relatifs à l’absence de justification d’un traitement différencié selon la taille des communes ou à la nécessité d’un nuançage dont on peut postuler qu’il donne des résultats erronés, puisque la plupart des candidats n’ont précisément pas d’engagement partisan. Vouloir à toute force rattacher ceux-ci à un courant politique, à une famille politique, à un parti politique, c’est se donner une mission impossible.
Je rends hommage à la volonté de M. le ministre de nous tendre la main pour rechercher une solution de compromis, mais je trouve assez choquant de proposer que ces informations ne soient publiées qu’après les élections, pour qu’elles n’interfèrent pas avec le scrutin !
M. Henri de Raincourt. C’est effrayant !
M. Philippe Bas. D’une part, si ces informations sont exactes, pourquoi les cacherait-on aux électeurs ? D’autre part, puisque ces informations sont probablement inexactes, elles ne valent pas davantage après le vote qu’avant.
C’est tout simplement le fait même de vouloir recueillir des informations qui n’existent pas et de les inventer en fonction de l’idée qu’un membre du corps préfectoral plus ou moins récent dans un département se fait des opinions politiques d’un candidat qui doit être récusé, et avec force !
Dès lors, le dispositif de cette proposition de loi relève pleinement du domaine de la loi – je m’étais moi-même d’abord interrogé sur ce point –, parce qu’il touche à une liberté fondamentale. Le candidat à une élection est un citoyen français comme les autres, et il doit être libre de ne pas afficher une appartenance politique si tel est son souhait. Si, à la suite de son élection comme maire de sa commune, on rend publique une information sur son appartenance politique alors qu’il est candidat à la vice-présidence ou à la présidence d’une petite intercommunalité rurale, cela interférera avec cette candidature, c’est-à-dire que se produira ce que l’on aura précisément voulu éviter pour l’élection municipale en interdisant de communiquer de tels éléments avant celle-ci ! Si l’on ne donne pas l’information avant l’élection municipale, ne la donnons pas non plus avant l’élection intercommunale : cela relève de la liberté privée du candidat.
Pour toutes ces raisons, monsieur le ministre, je serais vraiment très heureux que le Gouvernement, après avoir entendu tous nos collègues, dont les propos sont convergents, aille au-devant du vote du Sénat et révise sa position en approuvant cette proposition de loi, qui me paraît être de bon sens. (Applaudissements sur les travées de l'UMP et de l'UDI–UC, ainsi que sur certaines travées du groupe socialiste.)
M. Bernard Saugey. Bravo !
M. le président. La parole est à M. Yannick Vaugrenard.
M. Yannick Vaugrenard. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, lors des élections municipales de mars dernier, les candidats, dans les communes de moins de 3 500 habitants, ont été soumis, pour la première fois, aux nouvelles dispositions introduites par la loi du 17 mai 2013, qui instaure le scrutin proportionnel pour les 6 784 communes dont la population est comprise entre 1 000 et 3 500 habitants.
Les candidats avaient aussi l’obligation de déclarer leur candidature à la préfecture, quelle que soit la taille de la commune. Lors du dépôt des candidatures, ils ont découvert qu’ils devaient indiquer une étiquette politique. À ce moment, les candidats étaient tout à fait libres de déclarer ou non une appartenance à un parti politique, et donc de se dire, éventuellement, « sans étiquette ».
Cependant – et c’est ce cas précis qui pose problème –, s’ils ne déclaraient aucune appartenance à une nuance politique, les préfets leur en attribuaient une, sur la base d’une grille préétablie. C’est ensuite cette nuance qui a été retenue pour l’enregistrement des résultats des élections municipales.
Nous avons tous eu vent de contestations de ce classement préfectoral, mes chers collègues, dans nos départements, en particulier dans les petites communes rurales. L’attribution par le préfet d’une nuance politique a été faite, dans certains cas, selon des critères discutables, voire subjectifs. La grille de nuances politiques de la préfecture compte dix-sept appellations. Elle dresse la liste des partis politiques qui définissent chaque nuance, mais ne comporte pas de catégorie « sans étiquette » ou « non inscrit ».
Nous savons que, dans les petites communes rurales, les candidats ont parfois de grosses difficultés à constituer une liste ; c’est une réalité. Afficher une couleur politique peut, au bout du compte, les empêcher de mener à bien leur projet. Beaucoup mettent en avant des candidatures fondées sur une ambition locale, loin, il est vrai, des clivages traditionnels, et refusent de se voir classés à gauche, à droite ou au centre. Certains candidats ou élus souhaitent rester « sans étiquette », en raison du caractère transpartisan ou neutre de leur liste ; c’est aussi parfois la condition posée pour s’engager, comme Jean-Claude Carle le rappelait dans son intervention.
Il ne faut pas, pour autant, « mettre à l’index » les partis politiques, car ceux-ci sont essentiels à l’exercice de la vie démocratique.
J’attire également votre attention, mes chers collègues, sur le fait qu’il peut exister des abus. Ainsi, dans le département de Loire-Atlantique, un candidat, par ailleurs tête de liste UMP pour les élections sénatoriales, a fortement contesté qu’on l’empêche de présenter une liste « sans étiquette » aux élections municipales. Il ne faut pas non plus se moquer du monde ! Dans un tel cas, on atteint aux limites de l’honnêteté politique…
De nombreux candidats ont affirmé à juste titre qu’il est, pour certaines listes, impossible d’opérer un classement seulement en termes de nuance politique. C’est pourquoi, du reste, il y a eu tant de contestations lors des dernières élections municipales.
Le texte que nous examinons aujourd’hui est donc très important pour favoriser l’engagement dans nos petites communes. Je l’ai dit, nous connaissons parfaitement les difficultés que l’on y rencontre pour trouver des candidats aux élections, et la règle actuelle peut décourager certaines bonnes volontés.
Je suis donc tout à fait d’accord avec la proposition de permettre aux candidats de présenter des listes « sans étiquette », distinctes des listes regroupées dans la catégorie « divers », et de supprimer l’attribution de manière discrétionnaire par le préfet des nuances politiques pour les petites communes dès lors que les candidats ne revendiquent pas eux-mêmes une telle nuance.
Je me félicite que la commission des lois ait adopté un amendement tendant à permettre que, à chaque élection, au moment du dépôt de candidature, les candidats soient informés de la grille de nuances politiques utilisée, ainsi que du droit d’accès et de rectification dont ils disposent. Certes, ce droit de rectification existe, mais nombreux sont les candidats qui l’ignorent et qui, par conséquent, ne l’utilisent pas.
Mes chers collègues, nous savons que les Français sont particulièrement attachés à leur commune. C’est pourquoi, afin que le conseil municipal soit toujours représentatif de ses habitants, nous devons faciliter le plus possible l’accès aux mandats électifs locaux.
Le rôle du maire, quelle que soit la taille de la ville, est de plus en plus complexe et lourd de responsabilités. Il ne faut pas freiner les envies et les bonnes volontés locales. Nous devons laisser à tous la possibilité de s’engager au service de leurs concitoyens, et ce en toute indépendance politique s’ils le souhaitent. La petite commune, elle aussi cellule de base de notre démocratie – cela doit perdurer –, mérite cette précision de bon sens, cette nécessaire amélioration. (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste et de l'UMP.)
M. le président. La parole est à Mme Delphine Bataille.
Mme Delphine Bataille. Monsieur le président, monsieur le ministre, monsieur le président de la commission, monsieur le rapporteur, mes chers collègues, la proposition de loi dont nous débattons aujourd’hui n’est pas la première qui vise à encadrer le nuançage politique mis en œuvre par les services de l’État.
Certains de vos prédécesseurs, monsieur le ministre, ont également été saisis de cette question depuis la création d’un répertoire national des élus. En effet, les services de l’État doivent, lors de chacune des élections cantonales ou municipales, mettre à jour le fichier des élus, dans un cadre juridique strict, en indiquant la nuance politique de ces derniers.
La nuance, contrairement à l’étiquette politique, librement choisie par les candidats et figurant sur les documents de campagne et le matériel de vote, est attribuée par l’administration en fonction d’une grille préétablie.
C’est ainsi que figurent, à ce jour, seize courants politiques sur la liste des nuances, alors qu’une rubrique « divers » regroupe des partis marginaux. Cependant, il n’existe pas de catégorie « sans étiquette ». Cela signifie que les candidats s’étant déclarés « sans étiquette » se verront attribuer d’office une nuance correspondant à l’un des courants répertoriés dans la grille. Toutefois, chaque candidat est informé de la grille des nuances au moment du dépôt de candidature et dispose d’un droit d’accès et de rectification.
Il apparaît aujourd’hui nécessaire de renforcer encore l’information des candidats lors du dépôt des déclarations de candidature, en insistant sur l’existence d’une liste des nuances politiques.
Par ailleurs, le répertoire des nuances politiques des élus n’a pas vocation à être rendu public avant la clôture du dépôt des candidatures. Aussi, pour éviter toute polémique pendant la campagne électorale, la nuance choisie par un candidat pourrait-elle être rendue publique après la publication des résultats définitifs pour la commune concernée.
Les nuances permettent la centralisation des résultats et font apparaître les tendances politiques nationales ou locales. Outre qu’il contribue à l’indispensable information des citoyens, du Parlement et du Gouvernement, ce fichier concourt à la mise en œuvre des dispositions législatives sur le cumul des mandats, l’interdiction des candidatures multiples, la parité ou le financement de la vie politique. En particulier, il facilite la lecture des résultats par les médias – et donc par le grand public –, en leur apportant une information lisible.
Cependant, dans certains cas, beaucoup l’ont rappelé, les élus semblent véritablement découvrir, souvent par voie de presse, la nuance qui leur est attribuée.
Après les dernières élections municipales, cette même presse a particulièrement relayé le mécontentement exprimé par un certain nombre de candidats et d’élus, à l’origine sans étiquette ou apolitiques, qui ne comprenaient pas pourquoi telle ou telle nuance leur avait été ainsi attribuée. Elle a aussi entretenu, il faut le souligner, une polémique sur le thème du fichage politique des maires ou du « bidouillage organisé », nourrissant des soupçons infondés de manipulation du fichier.
Il est vrai que certains candidats se sont retrouvés classés dans des catégories diamétralement opposées à leur véritable couleur politique. Mais, après tout, s’ils déclaraient leur étiquette, ce problème ne se poserait pas !
Il est vrai aussi que les préfectures attribuent les nuances en fonction d’un faisceau d’indices très aléatoires et que les services de l’État préfèrent ne pas gonfler les effectifs de la nuance « divers », afin de ne pas entraver la lisibilité politique des résultats des différents scrutins.
Il faut également reconnaître que la présentation d’une liste sans étiquette peut parfois tenir à des motivations qui ne sont pas clairement exprimées.
Dans certains cas, des candidats qui se prétendent apolitiques camouflent à l’évidence un engagement à droite ou à gauche en s’abritant derrière des listes aux slogans très locaux. Ainsi, depuis quelques années, on évoque un regain des candidatures sans étiquette de personnalités plutôt à droite.
D’autres, s’agissant notamment des candidatures allant à l’encontre des valeurs de la République, cherchent à brouiller les frontières entre formations politiques. Cela leur permet de ne pas afficher leur orientation et d’avancer masqués pendant les campagnes électorales, sans même se dévoiler, dans la plupart des cas, après leur élection.
D’autres candidats encore, bien que prenant une position politique lors des élections nationales, font le choix de se présenter sans étiquette aux élections municipales et ne se reconnaissent pas dans la catégorie « divers ». C’est ainsi que fleurissent les listes intitulées « pour la défense des intérêts communaux ».
La création d’une nuance « sans étiquette » ne faciliterait donc pas la détermination de l’appartenance politique d’un candidat pour les citoyens souhaitant la connaître et ne contribuerait pas à mieux identifier l’engagement politique ni à mieux encadrer le risque de comportements antirépublicains.
Pour les services de l’État, la nuance « divers » a vocation à rassembler toutes les listes et tous les candidats ne manifestant pas d’engagement politique. C’est la raison pour laquelle la CNIL avait validé ce dispositif, au motif de l’intérêt public. Quant au Conseil d’État, il avait considéré que cette grille de nuances ne servait qu’à établir les tendances des résultats.
Toutefois, cette question du nuançage a pris une ampleur toute particulière cette année, car l’abaissement de 3 500 à 1 000 habitants du seuil d’application de la représentation à la proportionnelle introduit par la loi en 2013 concernait de nombreux candidats, et donc de nombreuses listes.
Or c’est à l’échelon des petites communes, très souvent rurales, que l’on rencontre le plus grand nombre de listes non partisanes ou multipartisanes. Néanmoins, c’est souvent dans de très petites communes, de moins de 1 000 habitants, qu’il y a des difficultés pour bâtir une liste, liées parfois à des considérations tenant à la responsabilité des élus, notamment celle du premier magistrat, devant la loi, ou tout simplement à l’absence d’engagement citoyen au service de l’intérêt général.
Il convient donc de prendre en compte la réalité de ces territoires ruraux où il est de plus en plus difficile de motiver les citoyens à s’engager dans un mandat communal. Notre groupe partage l’objectif de cette proposition de loi, qui tend à laisser aux candidats la possibilité de refuser de se voir attribuer une nuance politique dans les communes de moins de 3 500 habitants.
Cela étant, je veux souligner qu’il n’y a pas d’urgence à la mise en place d’une telle règle, qui ne devrait en effet s’appliquer qu’aux prochaines élections municipales. Ce texte a en tout cas le mérite d’interpeller le Gouvernement sur cette question et contribuera, à n’en pas douter, à faciliter l’engagement citoyen au service de la République. (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste et sur quelques travées de l’UMP.)
M. le président. La parole est à M. le ministre.
M. Bernard Cazeneuve, ministre. Après avoir remercié l’ensemble des sénatrices et sénateurs qui sont intervenus dans la discussion générale, je voudrais revenir sur quelques-uns des sujets évoqués afin que nous puissions aborder l’examen des articles en étant au moins d’accord sur la définition des notions.
Tout d’abord, je voudrais encore une fois insister sur le fait que le nuançage n’est pas une manière d’attribuer a posteriori une étiquette à des candidats qui en auraient une différente ou qui ne souhaiteraient pas en avoir. Le nuançage est un instrument d’analyse politique pour le ministère de l’intérieur.
M. Bernard Saugey. Ce n’est pas très clair.
M. Bernard Cazeneuve, ministre. Si nous ne procédions pas au nuançage, pratique mise en œuvre depuis très longtemps par tous les gouvernements successifs, nous serions dans l’impossibilité de procéder à des études et à des analyses politiques qui apparaissent utiles à maints égards.
Par ailleurs, je voudrais revenir sur l’idée selon laquelle le nuançage, tel qu’il existe, ne permettrait pas de recouvrir la totalité des sensibilités politiques ou de prendre en compte la situation de ceux qui, sans étiquette et n’appartenant à aucun groupe ni à aucune sensibilité, se présentent aux élections en ne représentant qu’eux-mêmes – et encore pas tous les jours, ajouterai-je pour paraphraser Edgar Faure ! (Sourires.)
Le nuancier compte suffisamment de catégories pour classer la totalité des candidats à une élection, y compris ceux qui déclarent ne pas avoir de sensibilité politique et affirment avec force n’appartenir ni à la gauche ni à la droite.
Le fait que la rubrique « divers » comporte des intitulés correspondant à des organisations ou partis existants – et parfois fantaisistes – ne signifie pas qu’elle se limite à ceux-ci. Les candidats qui ne se reconnaissent dans aucune sensibilité politique peuvent très bien s’y rattacher. Tel qu’il existe aujourd’hui, le nuancier permet donc d’assurer le classement pertinent de tous ceux qui n’ont pas d’appartenance.
Enfin, certains arguments, notamment ceux de mon ami Philippe Bas, me laissent perplexe.
Par exemple, ce qui compterait, c’est la réalité, et non pas le seuil. Or, en matière électorale, dès lors qu’il s’agit de questions qui se traitent en droit – et en matière électorale, mieux vaut traiter les questions en droit que de toute autre manière –, le seuil démographique, cela compte : si l’on ne s’y réfère pas, on s’écarte du respect du principe cardinal d’égalité ! Si nous entrions dans la logique qui est la vôtre, monsieur Bas, en considérant que seule la réalité compte, et non les seuils, nous nous placerions dans une situation juridique extraordinairement délicate.
En outre, la proposition du Gouvernement de rendre la nuance publique après le scrutin ne serait pas recevable, au motif que si l’information est exacte il n’y a pas de raison de la cacher, et que si elle est erronée elle ne mérite d’être communiquée à aucun moment.
Je répondrai à cet argument de deux manières.
En premier lieu, si nous proposons de rendre la nuance publique après le scrutin, c’est tout simplement parce que – il s’agit d’ailleurs de la motivation de la proposition de loi – la rendre publique avant ou pendant le scrutin serait susceptible de fausser ce dernier, de créer le trouble et la confusion. Il n’y a de notre part aucune volonté de dissimulation ; nous entendons, je le répète, répondre à la préoccupation des auteurs de la proposition de loi.
En second lieu, comme l’ont souligné à très juste titre Mmes Assassi et Bataille, de nombreux candidats veulent dissimuler leur étiquette politique parce qu’ils sont très conscients de l’incidence que sa révélation pourrait emporter sur le vote d’un certain nombre d’électeurs. Il apparaît clairement, à l’examen des résultats des scrutins les plus récents, qu’il est recouru à ce procédé de façon plus massive que jamais auparavant. Permettre à de tels candidats d’échapper à la clarté et à la transparence dues aux électeurs ne me paraît pas très sain démocratiquement.
Dans mon département, énormément d’élus ruraux ne souhaitent pas nécessairement afficher leur étiquette politique. Certains d’entre eux, je le sais, entendent très sincèrement s’attacher exclusivement à défendre les intérêts de leur commune, en faisant fi de leur appartenance. Mais je sais aussi que le philosophe Alain observait avec raison que lorsque quelqu’un dit n’être ni de droite ni de gauche, il y a tout de même de fortes chances pour qu’il soit de droite… (Sourires sur les travées du groupe socialiste.) Dans le même esprit, selon François Mitterrand, quand on est sans étiquette, on est souvent « ni de gauche, ni de gauche » !
M. Bruno Retailleau. C’est spécieux !
M. Bernard Cazeneuve, ministre. Non, ce n’est pas du tout spécieux ! Cet argument correspond à une réalité, que j’ai moi-même constatée.
Au cours de ma vie politique, j’ai connu, notamment dans mon département, beaucoup d’élus absolument remarquables, accomplissant pour leur commune un travail exemplaire, plutôt conservateurs, mais qui ne souhaitaient pas, au moment des élections, afficher leur étiquette politique.
M. Jean Louis Masson. C’est leur droit !
Mme Éliane Assassi. Eh oui !
M. Bernard Cazeneuve, ministre. Ce n’est pas nier l’intérêt de la présente proposition de loi que de le dire. C’est l’une des réalités du paysage politique local dans nos différents départements.
M. Bruno Retailleau. C’est la liberté de choix !
M. Bernard Cazeneuve, ministre. Compte tenu de la complexité des situations, compte tenu des multiples nuances existant en matière de comportements politiques parmi ceux qui s’engagent, il faut faire montre, à l’égard de ce texte, d’esprit de nuance, précisément, afin d’adopter la solution qui soit la plus juste et la plus équilibrée possible. Telle est, à mes yeux, celle que propose le Gouvernement au travers de son amendement : elle ne remettra pas en cause le principe d’égalité, non plus que d’autres principes généraux du droit, elle n’obérera pas la sérénité du scrutin en permettant l’attribution de nuances qui ne correspondraient pas à la réalité de l’engagement des candidats ou seraient de nature à troubler la relation entre ces derniers et les électeurs, elle n’offrira pas la possibilité à certains candidats de se dissimuler et elle n’empêchera pas le ministère de l’intérieur d’établir des statistiques, à l’issue du scrutin, afin de permettre à la science politique, qui a produit quelques-uns des meilleurs esprits de la République, de continuer à prospérer.
M. le président. La discussion générale est close.
Nous passons à la discussion du texte de la commission.
proposition de loi tendant à permettre aux candidats de se présenter aux élections municipales avec la nuance « sans étiquette » dans les communes de moins de 3 500 habitants
Articles additionnels avant l’article 1er
M. le président. L’amendement n° 1, présenté par M. Masson, est ainsi libellé :
Avant l’article 1er
Insérer un article additionnel ainsi rédigé :
Tout élu ou candidat peut refuser d’être répertorié dans le fichier des nuances politiques.
La parole est à M. Jean Louis Masson.
M. Jean Louis Masson. Monsieur le ministre, vous nous expliquez en somme que l’État, en la personne du préfet, doit définir, à la place des candidats, leur appartenance politique, afin d’empêcher certains d’entre eux de la dissimuler. C’est extrêmement grave ! C’est vraiment digne du régime soviétique ! (Mme Gisèle Printz s’exclame.)
On veut forcer la main aux gens, en leur imposant des étiquettes qui ne leur correspondent pas. Je trouve cela profondément regrettable.
L’amendement n° 1 vise précisément à permettre à tout candidat de refuser d’être répertorié selon le fichier des nuances politiques. Il me semble que l’on a tout de même le droit, dans la République, dans une démocratie, de refuser de figurer dans un fichier quand on n’a rien à y faire, d’autant que ce fichier ne reflète pas de façon exhaustive l’ensemble des opinions politiques existant dans notre pays.
La réforme du scrutin municipal, notamment l’obligation de déclarer sa candidature dans toutes les communes, a relancé le débat sur le fichage politique des élus et des candidats. Depuis 2001, les préfectures doivent pratiquer ce fichage sans utiliser la catégorie « non inscrit ou sans étiquette ». Pour remédier à une telle carence, j’ai déposé la proposition de loi n° 287, en 2011, et la proposition de loi n° 421, en mars 2014.
Le présent amendement vise l’ensemble des élus et des candidats, car, à l’évidence, le fichage politique systématique opéré contre la volonté des personnes constitue une atteinte aux libertés fondamentales. On doit avoir le droit de se présenter à une élection ou d’être élu sans se voir attribuer pour autant de façon arbitraire par un tiers, en l’espèce le préfet, une étiquette partisane ou une nuance politique.
M. le président. Quel est l’avis de la commission ?
M. Jean-Patrick Courtois, rapporteur. Cet amendement tend à donner à tout élu ou candidat le droit de refuser que certaines données personnelles le concernant soient enregistrées dans le fichier des candidats et des élus aux élections au suffrage universel.
Or ce fichier, en définitive, répond à un motif d’intérêt public. C’est d’ailleurs sous cette réserve que la CNIL a autorisé sa création. En effet, ce fichier sert notamment à éviter les doubles candidatures, à dégager des tendances de vote pour l’information du public, ou encore, s’agissant des élus, à veiller au respect des incompatibilités électives. Permettre à une personne de se soustraire à l’enregistrement des données nuirait à l’efficacité du contrôle exercé par le ministère de l’intérieur.
Par conséquent, la commission des lois a émis un avis défavorable sur cet amendement.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. Bernard Cazeneuve, ministre. Le Gouvernement émet le même avis que la commission, pour des raisons qui tiennent au motif d’intérêt général évoqué. Il ne s’agit pas d’un fichage de nature à porter atteinte à quelque liberté que ce soit. Je veux d’ailleurs vous rassurer, monsieur le sénateur, sur les intentions du Gouvernement en la matière : nous ne souhaitons absolument pas réinventer l’Union soviétique, pour la simple et bonne raison que c’est un système qui ne marche pas !
Par ailleurs, je le redis sans acrimonie ni suspicion, j’ai vu dans ma vie publique, au cours des vingt dernières années, énormément de candidats à une élection décider de se débarrasser d’une étiquette parce qu’elle était devenue infiniment moins porteuse qu’elle avait pu l’être en d’autres temps… Les préfets ont suffisamment de discernement pour replacer ceux dont les opinions sont bien connues dans la catégorie dont ils relèvent.
M. le président. La parole est à M. Jean Louis Masson, pour explication de vote.
M. Jean Louis Masson. Monsieur le rapporteur, votre argument selon lequel le fichier des nuances politiques permet d’éviter les doubles candidatures me paraît quelque peu surprenant. Je ne vois pas en quoi le fait d’attribuer une nuance politique à un candidat l’empêcherait de se présenter simultanément ailleurs, le cas échéant en se réclamant d’une autre nuance ! La détection d’une éventuelle double candidature n’est pas liée à l’attribution d’une étiquette.
Par ailleurs, monsieur le ministre, que faites-vous de la liberté de pensée et d’opinion politique ? Si par exemple un candidat a changé d’opinion entre deux élections, le préfet ne va tout de même pas décider à sa place de maintenir son classement dans le fichier, sans tenir compte de son évolution ! De telles méthodes relèvent vraiment de l’Inquisition (Exclamations sur les travées du groupe CRC et du groupe socialiste.)…
Mme Esther Benbassa. De l’Inquisition, vraiment ?
M. Jean Louis Masson. … et constituent une atteinte aux libertés !
M. le président. La parole est à M. le rapporteur.
M. Jean-Patrick Courtois, rapporteur. Le fichier du ministère de l’intérieur comporte un certain nombre de renseignements, relatifs notamment à la candidature et à l’étiquette politique. Que l’on me permette de donner simplement lecture du texte de l’amendement dont M. Masson est l’auteur : « Tout élu ou candidat peut refuser d’être répertorié dans le fichier des nuances politiques. » Cela signifie que, si cet amendement était adopté, le fichier ne comporterait plus aucune information sur certains candidats, y compris sur le simple fait qu’ils ont présenté leur candidature. Si l’amendement n’est pas bien rédigé, son auteur ne peut s’en prendre qu’à lui-même !
Mme Cécile Cukierman. C’est dit !
M. le président. L’amendement n° 2, présenté par M. Masson, est ainsi libellé :
Avant l’article 1er
Insérer un article additionnel ainsi rédigé :
Le fichier des nuances politiques doit comporter la rubrique « non inscrit ou sans étiquette ».
La parole est à M. Jean Louis Masson.
M. Jean Louis Masson. Il existe des sénateurs non inscrits, rassemblés au sein de la réunion administrative des sénateurs ne figurant sur la liste d’aucun groupe. Pourquoi devraient-ils être étiquetés dès qu’ils franchissent les portes du Sénat ? J’ai été élu sénateur sans l’aide de personne, voire contre tout le monde. Dès lors, je ne vois pas pourquoi on m’imputerait une nuance politique a posteriori.
Le fichier des nuances politiques comporte un nombre limité d’options possibles. Une personne estimant qu’aucune des nuances politiques figurant dans ce fichier ne lui correspond doit pouvoir conserver sa liberté. Tel est l’objet du présent amendement.
Ce fichier avantage en fait certains partis politiques, ce qui est extrêmement grave. Certains sont pris en compte, d’autres ne le sont pas, à l’instar du parti radical de gauche, dont le cas a été évoqué par M. Baylet.
M. Jean Louis Masson. Les partis politiques doivent être placés sur un pied d’égalité !
M. le président. La parole est à M. le ministre.
M. Bernard Cazeneuve, ministre. Je soutiens M. Masson sur ce point. Tous les partis politiques institués doivent être traités de la même manière. Pour ce qui concerne le parti radical de gauche, je vais veiller à ce que la situation soit corrigée sur-le-champ.
M. le président. Quel est l’avis de la commission ?
M. Jean-Patrick Courtois, rapporteur. Cet amendement tend à obliger le ministère de l’intérieur à créer une rubrique « non inscrit ou sans étiquette » pour toutes les élections au suffrage universel.
La commission des lois a retenu cette règle dans son texte, mais uniquement – la précision est d’importance – pour les élections municipales et pour les communes de moins de 3 500 habitants. L’étendre à l’ensemble des élections n’aurait pas de sens, car l’exception que la commission a créée pour ces communes se justifie par la faible politisation des élections. Cet argument ne peut pas être avancé pour d’autres élections, comme celles des députés ou des conseillers régionaux, par exemple.
Par conséquent, la commission émet un avis défavorable sur cet amendement.
M. René Garrec. Très bien !
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. le président. La parole est à M. Jean Louis Masson, pour explication de vote.
M. Jean Louis Masson. Il est très bien, monsieur le ministre, de régler le cas des radicaux de gauche, mais le fichier comporte d’autres lacunes !
Un ministre de la République doit régler les problèmes dans leur ensemble, et non pas chercher à faire plaisir à telle ou telle personnalité, aussi éminente soit-elle. Tous les partis politiques ayant été évincés du fichier doivent y être intégrés, et non pas seulement le parti radical de gauche.
Quant à l’argument de M. le rapporteur selon lequel il convient de ne viser que les communes de moins de 3 500 habitants, au motif que les élections y sont peu politisées, il n’est pas du tout convaincant. En effet, il peut aussi arriver que des parlementaires ne relèvent d’aucun des partis politiques répertoriés dans le nuancier.
Mme Nathalie Goulet. Oui !
M. Jean Louis Masson. Il n’y a pas de raison de les ficher arbitrairement, en leur attribuant une nuance qui ne leur convient pas !
Mme Nathalie Goulet. Tout à fait d’accord !
M. le président. La parole est à M. le ministre.
M. Bernard Cazeneuve, ministre. Je constate, monsieur Masson, qu’il est très difficile de vous être agréable ! (Sourires.) J’accède à une demande que vous avez formulée, et voilà que vous m’en faites le reproche !
L’engagement que j’ai pris pour le parti radical de gauche vaut également pour toutes les autres organisations politiques qui estiment devoir figurer dans le nuancier. Peut-être ma réponse, ainsi complétée, vous agréera-t-elle ; si tel n’est pas le cas, j’y renonce !
Mme Cécile Cukierman. Très bien !
M. le président. Je mets aux voix l’amendement n° 2.
(L’amendement n’est pas adopté.)
Article 1er
I. – Dans le cadre d’un traitement automatisé de données à caractère personnel justifié par l’intérêt public et autorisé dans les conditions prévues au I de l’article 25 de la loi n° 78-17 du 6 janvier 1978 relative à l’informatique, aux fichiers et aux libertés, l’enregistrement de données personnelles relatives à l’opinion politique des candidats à une élection au suffrage universel et des personnes ainsi élues est soumis aux règles fixées au présent article.
II. – Le candidat ou la personne élue peut choisir une étiquette politique.
Une nuance politique ne peut être attribuée aux candidats à l’élection des conseils municipaux et aux membres du conseil municipal, dans les communes de moins de 3 500 habitants, que sous réserve qu’ils aient choisi une étiquette politique.
III (nouveau). – Lors du dépôt de la déclaration de candidature, la liste des nuances politiques est portée à la connaissance de la personne qui procède à ce dépôt. Cette personne est également informée du droit d’accès et de rectification dont disposent les candidats.
M. le président. La parole est à M. Jean Louis Masson, sur l’article.
M. Jean Louis Masson. Je voudrais vous remercier, monsieur le ministre… (Ah ! sur les travées de l’UMP.) Si vous vous engagez devant le Sénat à prendre en compte tous les partis politiques, vous recevrez dès demain de ma part un courrier indiquant quel est le mien ! (Sourires.)
Mme Éliane Assassi. Ce ne sera pas le nôtre, alors ! Nous voilà rassurés !
M. le président. Je suis saisi de deux amendements faisant l’objet d’une discussion commune.
L’amendement n° 5, présenté par le Gouvernement, est ainsi libellé :
Alinéas 2 à 4
Rédiger ainsi ces alinéas :
II. – Après le quatrième alinéa de l’article L. 265 du code électoral, sont insérés deux alinéas ainsi rédigés :
« 3° L’étiquette politique, le cas échéant, de chacun des candidats s’ils souhaitent la préciser.
« Lors du dépôt de la déclaration de candidature, la liste des nuances politiques est portée à la connaissance de la personne qui procède à ce dépôt. Cette personne est également informée du droit d’accès et de rectification dont disposent les candidats. La nuance politique attribuée aux candidats et aux listes de candidats par l’administration ne peut être publiée ou communiquée à des tiers par le ministère de l’intérieur et les représentants de l’État avant la fermeture du dernier bureau de vote de la commune, lors du tour décisif. »
La parole est à M. le ministre.
M. Bernard Cazeneuve, ministre. J’aurai du mal à accéder à la demande de M. Masson s’il y a autant de partis que de sénateurs… (Sourires.)
Mme Cécile Cukierman. Nous sommes pour la plupart membres d’un groupe, monsieur le ministre !
M. Bernard Cazeneuve, ministre. Le Gouvernement est favorable sur le principe à l’article 1er, visant à favoriser la bonne information des candidats sur les nuances politiques. Tel est le cas notamment de l’alinéa 4, aux termes duquel la liste des nuances politiques est portée à la connaissance de la personne procédant au dépôt de la déclaration de candidature, cette personne étant également informée du droit d’accès et de rectification dont disposent les candidats.
La mention de la déclaration d’une étiquette politique s’inscrit également dans la continuité des principes soutenus par le Gouvernement. Le ministère de l’intérieur demande déjà aux candidats aux élections municipales dans les communes de 1 000 habitants et plus de préciser, s’ils le souhaitent, leur étiquette politique. En revanche, il n’apparaît pas nécessaire de demander de déclarer une étiquette politique aux candidats dans les communes de moins de 1 000 habitants, où le scrutin majoritaire conduit à une plus forte personnalisation des débats.
Le Gouvernement ne souhaite pas en revanche remettre en question l’attribution d’une nuance politique aux candidats des communes de 1 000 à 3 500 habitants. Dans 59 % de ces communes, au moins deux listes de candidats se sont présentées lors des dernières élections municipales, attestant d’un véritable débat politique qui justifie une analyse de l’évolution des tendances. En prévoyant l’attribution d’une nuance politique aux seuls candidats ayant déclaré une étiquette politique dans les communes de 1 000 à 3 500 habitants, le dispositif initialement prévu dans la proposition de loi ne permettrait plus de présenter aux citoyens une analyse des rapports de force nationaux par nuances fondée sur l’ensemble des résultats.
En lieu et place de telles dispositions, le présent amendement tend à répondre aux préoccupations formulées durant ces derniers mois, en mettant fin à la publication des nuances des listes de candidats durant la campagne électorale. Plusieurs candidats ont en effet estimé que la nuance politique, attribuée par les services du représentant de l’État, pouvait avoir une influence sur le choix des électeurs. Tel n’est pas l’objet des nuances politiques, qui doivent permettre la bonne information des électeurs sur l’évolution – j’insiste sur ce point – des tendances politiques au niveau national et local, sans les influencer au moment du vote.
Le présent amendement prévoit ainsi la publication par le ministère de l’intérieur des nuances attribuées aux candidats et listes de candidats uniquement après le résultat décisif de la commune concernée.
M. le président. L'amendement n° 3, présenté par M. Masson, est ainsi libellé :
Alinéa 3
Supprimer les mots :
, dans les communes de moins de 3 500 habitants,
La parole est à M. Jean Louis Masson.
M. Jean Louis Masson. Comme je l’ai déjà rappelé au cours du débat, je ne vois aucune raison de limiter à 3 500 habitants le seuil en deçà duquel un candidat a la liberté de ne pas être fiché politiquement. Des élus municipaux de communes de 4 000 habitants peuvent également souhaiter ne pas être l’objet d’un fichage ! Cela vaut aussi pour des conseillers généraux, voire, même si cela ne fait pas plaisir à un certain nombre de personnes ici, pour des sénateurs !
Mme Cécile Cukierman. Vous allez donc voter notre proposition de loi contre le fichage génétique, je suppose…
M. le président. Quel est l’avis de la commission ?
M. Jean-Patrick Courtois, rapporteur. L’amendement n° 5 tend à revenir sur la position adoptée par la commission. Certes, il reprend certains éléments adoptés par la commission des lois – je pense aux informations qui doivent être communiquées lors du dépôt de candidature ; sur ce point, nous sommes d'accord, monsieur le ministre –, mais il diffère de nos positions sur deux points majeurs : d’une part, il vise à interdire aux candidats et aux élus de ne pas choisir de nuance politique et, par conséquent, de demeurer « sans étiquette » ; d’autre part, il tend à retenir le seuil de 1 000 habitants et non plus celui de 3 500 habitants.
Les arguments qui ont conduit la commission à permettre aux candidats et aux élus des plus petites communes de rester « sans étiquette » ayant été rappelés lors de la discussion générale, je n’y reviens pas. Cependant, j’insisterai sur le choix du seuil.
En commission, le seuil de 3 500 habitants a paru mieux correspondre à la réalité locale. Notre collègue Alain Richard a d’ailleurs justement rappelé que ce seuil, qui avait été initialement choisi « au jugé » en 1982, s’était révélé conforme à une réalité sociologique en matière électorale. En effet, dans les communes de moins de 3 500 habitants, les listes d’union sont très fréquentes.
Au demeurant, le législateur peut parfaitement choisir un seuil différent de 1 000 habitants sans susciter de difficultés constitutionnelles. En effet, le juge constitutionnel exige que la loi fixe le même seuil démographique uniquement entre le mode de scrutin et les incompatibilités électives. Hormis cette hypothèse, la loi peut fixer des seuils différents. D’ailleurs, le code électoral en compte plusieurs : 2 500 habitants, 20 000 habitants, etc.
J’avancerai un autre argument : jusqu’en 2014, vos prédécesseurs monsieur le ministre, disposaient de nuances politiques pour les candidats aux élections municipales jusqu’aux communes de 3 500 habitants. Or cela n’a jamais posé le moindre problème pour l’analyse politique. La proposition de loi ne vise qu’à revenir à cette situation. Ce qui était possible auparavant doit le demeurer sans que l’analyse des rapports de force politiques par le ministère de l’intérieur perde en qualité et, permettez-moi de le dire de façon un peu humoristique, en véracité.
J’ajouterai un dernier argument : le problème de la nuance politique ne s’arrête pas avec l’élection municipale. Elle reste conservée dans le fichier pour les candidats qui ont été élus. Or la nuance, surtout si elle est inexacte, peut avoir une influence lorsque des élus qui se considèrent sans étiquette se présentent pour siéger au sein de syndicats mixtes, d’établissements publics de coopération intercommunale, comme les communautés de communes ou d’agglomération, ou d’associations d’élus locaux, comme l’Association des maires de France, l’Association des petites villes de France, l’Association nationale des élus de montagne ou l’Association des maires ruraux de France… Si une nuance politique leur a été attribuée arbitrairement, ils sont alors vus à tort comme représentant une famille politique.
Enfin, monsieur le ministre, vous avez cité François Mitterrand, pour qui être « sans étiquette », c’est n’être « ni de gauche ni de gauche ». Pour nous, Bourguignons, l’exemple n’est pas forcément le plus pertinent. Lorsque François Mitterrand s’est présenté pour la première fois aux élections cantonales dans la Nièvre, il était « sans étiquette » ! (Rires et applaudissements sur les travées de l'UMP et de l'UDI-UC.)
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. Jean-Patrick Courtois, rapporteur. Le propos était aimable !
M. Bernard Cazeneuve, ministre. Il était non seulement aimable, mais également plein d’humour et d’ailleurs parfaitement en adéquation avec l’histoire. Il est vrai que le parcours politique du président François Mitterrand l’a conduit, comme il l’a d’ailleurs parfaitement assumé lui-même, à passer du camp des sans étiquette « ni de gauche ni de gauche » à celui de la gauche. (Sourires.)
M. Jean-Patrick Courtois, rapporteur. Je ne suis pas sûr qu’il s’agisse vraiment de « la gauche » !
M. Bernard Cazeneuve, ministre. Cela étant, pour qu’il n’y ait aucune ambiguïté sur la position du Gouvernement, je précise que nous n’avons nulle intention d’obliger un candidat à choisir une étiquette s’il ne le souhaite pas. Il s’agit simplement d’indiquer que ce candidat sera classé dans l’une des catégories du nuancier une fois l’élection acquise ; de toute manière, ce sera le cas, que l’amendement soit adopté ou non.
Par ailleurs, si la fixation d’un seuil est bien de nature législative, l’établissement d’un nuancier dépend du pouvoir réglementaire. Nous aurions pu arguer que, le dispositif ayant un caractère réglementaire et ne relevant pas de l’article 34 de la Constitution, une telle discussion n’avait pas lieu d’être. Nous n’avons pas fait ce choix. Nous avons voulu que le débat ait lieu, considérant qu’il était sain. De notre point de vue, les problèmes qui sont soulevés méritent que l’on y réfléchisse et que l’on y apporte des réponses.
Si la fixation d’un seuil de 1 000 habitants relève bien du domaine législatif, comme je viens de le dire, le fait que le scrutin de liste s’applique désormais à partir du seuil de 1 000 habitants doit nous conduire, au regard du principe d’égalité, à appliquer les mêmes règles aux communes de 1 000 à 3 500 habitants, qui sont soumises au même régime électoral. Voilà pourquoi je souhaite que le Sénat adopte l’amendement du Gouvernement.
Enfin, j’émets un avis défavorable sur l’amendement n° 3.
M. le président. La parole est à M. Jean-Noël Cardoux, pour explication de vote.
M. Jean-Noël Cardoux. Je souhaite décrypter l’amendement que M. le ministre vient de présenter.
Le dispositif proposé par le Gouvernement signifie en clair que le candidat avance masqué jusqu’à l’élection et qu’il enlève son masque une fois l’élection acquise.
Monsieur le ministre, vos origines normandes, du moins provinciales, devraient tout de même vous inciter à la prudence. Songez à quoi de telles pratiques a posteriori risquent de conduire ! Prenons le cas, déjà évoqué, d’une petite commune où un consensus municipal est apparu autour d’un projet sans que chacun veuille déclarer une étiquette politique. Si le maire ou certains adjoints dévoilent la leur une fois l’élection acquise – le cas s’est produit dans mon canton –, vous aurez en réaction des contestations, voire des démissions d’élus qui considéreront ne pas s’être engagés pour siéger dans un conseil municipal avec une étiquette politique.
Vous risquez de laisser des bombes à retardement aux quatre coins du pays, notamment en milieu rural. Il vous appartiendra ensuite de gérer la situation, entre les démissions en cascade qu’il faudra assumer et certains conseils municipaux qu’il vous faudra dissoudre lorsque le nombre de conseillers municipaux ne sera plus conforme au minimum légal.
À mon sens, il faut faire preuve d’une grande prudence. Votre idée de dévoiler après coup les étiquettes politiques risque, me semble-t-il, de déclencher des séismes en milieu rural et, surtout, de décontenancer des personnes qui s’étaient rassemblées pour porter un projet municipal, ce qui est bien l’essentiel pour une telle élection.
M. le président. La parole est à M. le ministre.
M. Bernard Cazeneuve, ministre. Monsieur le sénateur, je comprends votre préoccupation, mais, si je puis me permettre, elle relève d’un faux débat. En effet, il faut distinguer ce qui relève de la nuance apportée par le ministère de l’intérieur de ce qui relève de l’étiquette ou de l’absence d’étiquette, qui résulte du choix libre du candidat.
Le candidat peut avoir ou pas une étiquette au moment du scrutin. D’ailleurs, c’est cela qui vaut engagement devant les électeurs. S’il en a une, il sera élu ou non en raison de l’étiquette qu’il porte, en fonction de la volonté des citoyens. Et même si le nuançage est révélé après que l’élection a eu lieu, l’effet est neutre dès lors qu’il est établi que l’on n’échappe pas au nuançage ! On ne va pas remettre en cause le nuançage, qui, encore une fois, permet de procéder à des études politiques et d’analyser l’évolution de la vie politique française, ainsi que ses tendances.
Je récuse donc idée selon laquelle il y aurait un masque qui tomberait une fois le nuançage rendu public. Nous proposons de le rendre public après l’élection précisément parce que vous nous avez indiqué que le fait de le rendre public avant pouvait perturber le scrutin. Votre propos aurait un sens si nous décidions d’abandonner totalement le nuançage, mais personne ne le propose : tout le monde a conscience que nous avons besoin de cet instrument pour procéder à des études politiques.
Je le répète, c’est un faux débat. Aucun masque ne tombe après le scrutin parce que le ministère de l’intérieur rend publique l’appartenance de tel ou tel candidat à une sensibilité politique donnée. Ce qui fait le scrutin, c’est la déclaration du candidat lui-même. Et cette déclaration n’est pas remise en cause ! Elle appartient au candidat. Elle est même consubstantielle à sa relation avec l’électeur.
Ne confondons donc pas le nuançage et la déclaration par le candidat lui-même de l’étiquette. Si nous proposons que le nuançage soit rendu public après l’élection, c’est parce que vous nous avez expliqué que la situation actuelle était problématique et pouvait obérer la sincérité du scrutin. Et comme personne au sein de la Haute Assemblée ne propose de renoncer au nuançage, je ne vois pas de solution au problème que vous posez ! Il faut simplement que nous distinguions les deux notions et que nous abordions le débat avec honnêteté.
M. le président. La parole est à M. Bruno Retailleau, pour explication de vote.
M. Bruno Retailleau. Il est impossible de voter l’amendement du Gouvernement, et ce pour trois raisons.
D’abord, l’amendement détricote complètement le contenu du texte. Il est donc en contradiction totale avec l’objectif de la proposition de loi. Il faut que cela soit bien clair pour nos collègues qui pourraient avoir une hésitation.
Ensuite, et je reviens sur ce que Jean-Noël Cardoux soulignait à l’instant, M. le ministre a fait tout à l’heure un long développement pour dénoncer ces élus qui n’auraient pas le courage d’assumer leur étiquette politique, en pointant particulièrement du doigt des élus du centre ou de la droite qui avanceraient « masqués ». Or il nous propose à présent un dispositif en incohérence totale avec sa propre démonstration. Certes, le masque tombera une fois que le préfet dévoilera le nuançage. Mais comment le fera-t-il ? Selon quels critères ? Effectivement, nous ne voulons pas supprimer le nuançage. Nous voulons simplement nuancer le nuançage !
Les listes d’intérêt local existent, notamment dans les communes rurales. Il faut les reconnaître. Les candidats doivent avoir la liberté de s’accorder sur un programme concernant la gestion des routes, des chemins vicinaux ou des équipements sportifs, autant de sujets qui ne justifient pas nécessairement le rattachement à une étiquette politique.
Encore une fois, le préfet n’a pas à affubler a posteriori d’une étiquette politique un élu municipal sous prétexte que c’est celle de la tête de liste, à plus forte raison quand l’élu concerné n’a jamais revendiqué l’étiquette en question, voire se déclare « sans étiquette » !
Enfin, je rappelle que l’analyse du scrutin aux dernières élections municipales a porté sur les grandes communes, notamment celles de plus de 9 000 habitants, qui ont l’obligation de déposer un compte de campagne. Vous ne perdrez rien en termes d’analyse politique, monsieur le ministre, si certains élus se déclarent sans étiquette dans des communes de moins de 3 500 habitants.
M. Bernard Saugey. C’est juste !
M. Bruno Retailleau. Vous ne remettrez absolument pas en cause la finesse d’une sociologie, d’une analyse politique. Ce n’est jamais le débat pour aucun scrutin municipal ! On l’a bien vu lors du dernier scrutin municipal, les grandes analyses n’ont pas porté sur la question de savoir si, dans les communes de moins de 3 500 habitants, on avait plus ou moins de nuances de gauche ou de droite.
Monsieur le ministre, la proposition de loi se tient, et votre amendement la dénature complètement. La question qui se pose à nous est celle-ci : acceptons-nous ou non que des élus fassent, en toute connaissance de cause, le choix du « sans étiquette » ? C’est une question de bon sens ! C’est pourquoi j’espère que cet amendement ne sera pas adopté. (Applaudissements sur les travées de l'UMP.)
M. le président. La parole est à M. Joël Guerriau, pour explication de vote.
M. Joël Guerriau. Les arguments apportés par le Gouvernement sur la question qui a suscité cet amendement me posent deux problèmes.
Premièrement, le Gouvernement met en avant le fait que, dans 59 % des communes de 1 000 à 3 500 habitants, il y a bien eu débat politique parce qu’il y avait deux listes concurrentes. Cela signifie quand même que 41 % des communes étaient, elles, dans la pluralité. Par définition, elles avaient su trouver une démarche commune pour œuvrer véritablement dans l’intérêt local. Comment ces 41 % de communes peuvent-elles, de fait, être traitées ? Comment peut-on les mettre dans un nuancier alors que, par définition, elles se sont créées dans la pluralité ?
Deuxièmement, je m’interroge sur les 59 % de communes qui ne sont pas dans ce cas. Pour le Gouvernement, parce qu’il y a eu affrontement politique d’au moins deux listes, il y a forcément une liste d’un côté et une liste de l’autre. En réalité, on a pu le constater dans nos départements, le maire sortant se retrouve très souvent face à l’un de ses colistiers qui n’est plus en phase avec lui. De fait, on lui assigne un autre bord politique en essayant de constituer artificiellement une sorte de scission – l’idée étant qu’on est soit de droite, soit de gauche –, position que je conteste complètement, car elle est particulièrement trompeuse dans de telles situations.
Un autre aspect de la proposition du Gouvernement me paraît en revanche intéressant : c’est le principe d’égalité, c’est-à-dire l’idée qu’il ne peut pas y avoir de différence de traitement. C’est une notion que nous souhaitons voir appliquée et, en la matière, je considère que l’amendement de M. Masson apporte une réponse, puisqu’il reconstitue l’égalité parfaite en supprimant la barrière des 3 500 habitants.
M. le président. La parole est à M. Jean Louis Masson, pour explication de vote.
M. Jean Louis Masson. M. le ministre nous explique que nous avons besoin de ce nuancier pour réaliser des études politiques et autres, mais que vaudront des études réalisées à partir d’étiquettes attribuées de façon complètement arbitraire et folklorique par des préfets ? Pas un clou ! Pour faire des statistiques ou d’autres analyses, il faut que les données de base soient crédibles.
Ce que nous contestons, c’est le fait d’obliger des gens à endosser une étiquette et que, à défaut, leur soit attribuée n’importe quelle étiquette au bon gré du préfet ou du microcosme politique local. L’argument des études politiques et autres ne tient absolument pas, car, si l’on veut faire de bonnes études politiques, encore faut-il se servir de données de base qui soient fiables. Et pour qu’elles le soient, il faut bien évidemment qu’elles découlent d’un accord des premiers intéressés et non d’une décision arbitraire !
M. le président. Je mets aux voix l'article 1er.
(L'article 1er est adopté.)
Article additionnel après l'article 1er
M. le président. L'amendement n° 4, présenté par M. Masson, est ainsi libellé :
Après l’article 1er
Insérer un article additionnel ainsi rédigé :
Tous les partis politiques enregistrés de manière continue depuis au moins cinq ans par la Commission nationale des comptes de campagne et des financements politiques sont traités sur un pied d'égalité et sont notamment répertoriés dans la grille des nuances politiques du fichier.
La parole est à M. Jean Louis Masson.
M. Jean Louis Masson. Monsieur le ministre, cet amendement est tout à fait justifié compte tenu des échanges que nous venons d’avoir.
Lorsque j’ai soulevé le problème selon lequel certains partis politiques étaient retenus alors que d’autres ne l’étaient pas – j’ai cité l’exemple du parti radical de gauche, tout simplement parce que l’un de nos collègues s’était plaint de ce que ce parti n’était pas pris en compte –, vous avez répondu que vous alliez intégrer tous les partis politiques. Je vous ai donc remercié en vous disant que c’était très bien, mais vous avez ensuite repris la parole pour dire que, non, vous n’alliez pas inclure tous les partis politiques.
Le problème que j’ai posé reste donc entier : on ne peut pas, au bon vouloir du ministre de l’intérieur, du Premier ministre ou de Tartempion, décider de répertorier tel parti politique dans la grille des nuances et d’évincer tel autre arbitrairement. Voilà pourquoi il faut définir des critères objectifs. C’est la finalité de mon amendement, qui prévoit que seront répertoriés dans le nuancier tous les partis politiques enregistrés depuis au moins cinq ans par la Commission nationale des comptes de campagne et des financements politiques. Ce critère permettra d’évacuer un arbitraire auquel vous vous accrochez, après avoir donné l’impression que vous étiez prêt à y mettre un terme.
Votre réponse a bien montré que, pour faire plaisir à vos petits amis, vous inscrirez le parti radical de gauche mais que les autres partis n’y figureront pas. Voilà une curieuse conception de la démocratie !
M. le président. Quel est l’avis de la commission ?
M. Jean-Patrick Courtois, rapporteur. Selon cet amendement, tous les partis politiques enregistrés depuis cinq ans auprès de la Commission nationale des comptes de campagne et des financements politiques pourront être proposés aux candidats comme choix de nuance politique.
Si, effectivement, au moins un parti politique a été oublié – le ministre l’a reconnu, et je crois que nous sommes tous d’accord pour remédier à cette situation –, avec l’adoption de cet amendement, on passerait d’un excès à un autre.
Une multitude de micro-partis ont été créés, ne serait-ce que pour trouver des sources de financement ; on en a même créés dans nos conseils municipaux pour financer des sondages ou autres, les micro-partis permettant de bénéficier de certaines dispositions du droit fiscal. Mais si le ministère de l’intérieur doit répertorier dans une liste tous ces micro-partis, un livre aussi épais que la Bible, ou tout au moins que le code général des collectivités territoriales, n’y suffira pas !
C’est pourquoi, compte tenu de l’impossibilité matérielle de s’assurer de la présence dans la grille de tous les micro-partis, je demande le retrait de cet amendement auquel, sinon, je donnerai un avis défavorable.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. Bernard Cazeneuve, ministre. Je partage l’avis du rapporteur, qui vient d’exprimer avec beaucoup de pertinence et de sérieux ce qui est l’exacte position du Gouvernement.
M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 4.
(L'amendement n'est pas adopté.)
Article 2
La présente loi est applicable aux îles Wallis et Futuna, en Polynésie française et en Nouvelle-Calédonie. – (Adopté.)
Vote sur l'ensemble
M. le président. Avant de mettre aux voix l'ensemble de la proposition de loi, je donne la parole à M. le président de la commission.
M. Jean-Pierre Sueur, président de la commission des lois constitutionnelles, de législation, du suffrage universel, du règlement et d'administration générale. Je veux avant toute chose remercier M. Carle d’avoir déposé cette proposition de loi et M. Courtois d’avoir rapporté fidèlement la position de la commission. Ce texte nous a donné l’occasion d’un débat riche, auquel, monsieur le ministre, je vous remercie d’avoir participé avec le calme et le flegme dont vous êtes coutumier.
Concernant l’acte politique lui-même, ce qu’a dit Mme Assassi est intéressant.
Mme Éliane Assassi. Ah !
M. Jean-Pierre Sueur, président de la commission des lois. Oui, il y a une dignité à faire de la politique ! Les partis politiques, comme vous l’avez souligné, ma chère collègue, sont d’ailleurs reconnus dans la Constitution puisqu’il y est précisé que « les partis et groupements politiques concourent à l’expression du suffrage ». C’est pourquoi on peut s’étonner de la multiplication de déclarations telles que « Moi, madame, moi, monsieur, je ne fais pas de politique ». On entend cette phrase presque tous les jours, comme si faire de la politique était une sorte de mal dont il faudrait se prémunir. Je trouve donc que c’est faire preuve de dignité et de clarté que d’annoncer la couleur. Reste que les situations ne sont pas les mêmes dans les grandes villes, les villes moyennes ou les petites communes.
On a beaucoup parlé de « nuances » dans ce débat. C’est un terme que je n’avais pas beaucoup entendu depuis que je suis au Sénat ni même lorsque je siégeais à l’Assemblée nationale.
M. Jean-François Husson. C’est un terme de peinture !
M. René Garrec. De pastelliste !
M. Jean-Pierre Sueur, président de la commission des lois. Il me fait penser à Paul Verlaine.
Mme Nathalie Goulet. À Charles Péguy !
M. Jean-Pierre Sueur, président de la commission des lois. Non, à l’Art poétique de Paul Verlaine :
« Car nous voulons la Nuance encor,
« Pas la Couleur, rien que la Nuance !
« Oh ! la Nuance seule fiance
« Le rêve au rêve et la flûte au cor ! »
Cela m’a fait aussi penser aux tableaux de Quentin de La Tour, de Chardin, de Perronneau,….
M. Jean-François Husson. De Picasso !
M. Jean-Pierre Sueur, président de la commission des lois. Que c’est beau, la nuance !
Jadis, j’appartenais à un petit parti politique, le PSU, qui comportait beaucoup de nuances. On ne parlait pas alors de « nuance n° 1 », de « nuance n° 2 » ou de « troisième nuance »… J’ai ensuite été dans un plus grand parti où l’on parlait de « tendances ». Après, je ne sais pas pourquoi, on a employé le terme « courants », et j’ai constaté que cette habitude avait gagné tous les partis. Aujourd'hui, l’UMP se distingue par ses nombreux courants ou tendances. Je ne suis pas sûr qu’il s’agisse toujours de courants de pensée, pas plus là qu’ailleurs, mais enfin, si on est dans la nuance, on est dans l’infini…
M. Jean-François Husson. De la pensée socialiste ?
M. Jean-Pierre Sueur, président de la commission des lois. … de la labellisation.
Monsieur le ministre, il faut tenir compte des réalités locales. La politique n’est pas un mal honteux, dont on devrait perpétuellement s’excuser,...
Mme Éliane Assassi. C’est vrai !
M. René Garrec. Il se soigne !
M. Jean-Pierre Sueur, président de la commission des lois. … mais de nombreuses communes comptent des listes qui sont très diverses dans leur composition. Après tout, si les candidats veulent se déclarer sans étiquette, je vois mal comment on leur ôterait cette liberté.
Il est sage que le ministère de l’intérieur fasse son office, mais notez bien que, comme l’a dit M. le rapporteur, jusqu’à une période très récente, l’office de la labellisation n’était fait par le ministère de l’intérieur qu’à partir de 3 500 habitants. En dessous de ce seuil, il n’existait pas, ce qui n’a pas empêché que d’excellentes études soient réalisées par des politologues.
Je pense que le Sénat a pris une position de sagesse : au-dessus de 3 500 habitants, le ministère de l’intérieur s’attachera à faire son office, dans le respect, naturellement, des réalités, car, même dans ces villes de plus de 3 500 habitants, il existe encore bien des candidats à l’intérieur d’une même liste qui appartiennent à des formations politiques différentes, voire qui n’appartiennent à aucune formation politique, et qui votent de manière très diverse aux autres élections. Tout le monde le sait ici !
Je crois que ce texte a permis un bon débat et une réflexion intéressante. J’espère, une fois de plus, qu’une fois voté par le Sénat, ce dont je ne doute pas, il ne manquera pas d’être examiné par nos collègues de l’Assemblée nationale. À cet égard, je vais sans doute écrire une lettre au Premier ministre et peut-être même au président de l’Assemblée nationale ainsi qu’au président du Sénat dans laquelle je dresserai la liste des nombreuses propositions de loi utiles qui ont été adoptées par le Sénat et qui n’ont jamais été examinées par l’Assemblée nationale, ce qui pose un vrai problème.
Mme Éliane Assassi. Tout à fait !
M. René Garrec. Question de nuances…
M. le président. La parole est à Mme Esther Sittler, pour explication de vote.
Mme Esther Sittler. Comme cela a été dit, l’organisation des dernières élections municipales a suscité un très vif émoi parmi les élus des communes rurales. J’en ai moi-même été témoin quand j’ai déposé ma liste à la sous-préfecture. Ces élus étant pour la plupart à mille lieues de toute considération partisane, ils ont été extrêmement choqués que la préfecture leur demande ou leur affecte une étiquette politique.
Je suis moi-même maire d’un petit village. Quand j’ai été élue, je n’étais pas membre de l’UMP. Ce n’est que vingt ans plus tard que j’ai adhéré à ce parti. J’ai donc fait le chemin inverse : ce sont les difficultés administratives qui se sont accumulées au fil de mon mandat qui m’ont poussée à adhérer à l’UMP.
Le fichier des élus est donc totalement inadapté aux communes de moins de 3 500 habitants.
À une époque où il est souvent bien difficile de trouver des candidats – là aussi, j’en ai été témoin – pour boucler les listes aux municipales et où le sens de l’engagement décline, il était urgent de réagir.
Je remercie vivement notre collègue Jean-Claude Carle de son excellente initiative.
Nos débats ont prouvé, une fois encore, que le Sénat demeure le grand conseil des communes de France et que, quand l’intérêt de nos élus locaux est en jeu, il sait taire ses clivages politiques pour voter des lois consensuelles. C’est pourquoi je voterai bien naturellement cette proposition de loi. (Applaudissements sur les travées de l'UMP.)
(M. Jean-Patrick Courtois remplace M. Jean-Claude Carle au fauteuil de la présidence.)
PRÉSIDENCE DE M. Jean-Patrick Courtois
vice-président
M. le président. La parole est à M. Joël Guerriau.
M. Joël Guerriau. La proposition de loi que nous défendons aujourd’hui est pleine de sens. Il suffit de constater les complications engendrées par la législation actuelle lors des dernières élections municipales pour les communes de moins de 3 500 habitants pour s’en convaincre.
En effet, dans la plupart de nos départements, de nombreux élus se sont fait l’écho auprès de leur association de maires de leur étonnement, voire de leur mécontentement, de « se faire étiqueter ». Ils ont été contraints de modifier leur statut électoral en devenant l’égal des communes ayant passé la barre des 3 500 habitants ! Outre les changements de modes de scrutin, qui ont souvent rendu difficile la composition des équipes, il a aussi fallu que les têtes de listes se déclarent, à la préfecture, d’une couleur ou nuance politique, alors que tout leur engagement électoral reposait sur une pluralité de convictions formée par la richesse et la diversité des candidats figurant sur leur liste. Ainsi, en Loire-Atlantique, selon les services de la préfecture, 85 % des listes qui se sont présentées souhaitaient, dans un premier temps, se déclarer sans étiquette. Contraintes à un affichage, elles n’ont pas pu aller au bout de cette démarche, qui voulait afficher une véritable représentation plurielle.
Si un décret de 2001 a créé un fichier d’élus et l’a accompagné de renseignements destinés à intégrer leur couleur politique, il n’est certainement pas le reflet des équipes en place puisqu’il est fondé sur les déclarations de la tête de liste. Or comment savoir si la tête de liste a indiqué sa propre identité politique ou l’identité générale de sa liste ? Par défaut, la nuance a-t-elle été apportée par le préfet ? On voit bien que l’on ne peut porter crédit à un tel fichier.
J’ajouterai même que le seuil de 3 500 habitants, puis de 1 000 habitants, pour fabriquer des fichiers colorés est également un leurre, puisque des villes bien plus importantes ont, elles aussi, porté aux suffrages des listes obligatoirement estampillées, à cause de la préférence politique de leur tête de liste, alors que la majorité des colistiers se revendiquaient d’autres étiquettes, voire sans étiquette.
Afin de revenir à une solution de sagesse, manifestement souhaitée tant par les électeurs que par les candidats des communes de moins de 3 500 habitants, nous voterons cette proposition de loi qui non seulement remettra un peu d’ordre dans la vie politique, mais également permettra de réellement simplifier le dépôt des listes dans les services préfectoraux.
M. le président. La parole est à M. Jean Louis Masson.
M. Jean Louis Masson. Je voterai cette proposition de loi, parce qu’elle a le mérite de poser le problème. En revanche, je tiens à dire qu’elle ne me satisfait pas pleinement puisqu’elle circonscrit la question aux cas des communes de moins de 3 500 habitants. Pour celles-ci, le problème est bien réel, mais ce qui est en cause, c'est le principe même d’un nuancier imposé avec des choix limitativement énumérés et des partis politiques choisis de manière tout à fait arbitraire. Il s’agit d’une atteinte profonde aux droits des élus et à la démocratie !
Si cette proposition de loi constitue une petite avancée, elle ne répond toutefois pas pleinement aux problèmes qui se posent.
M. le président. Personne ne demande plus la parole ?...
Je mets aux voix l'ensemble de la proposition de loi dans le texte de la commission.
(La proposition de loi est adoptée.)
4
Législation applicable dans les départements de la Moselle, du Bas-Rhin et du Haut-Rhin
Discussion d'une proposition de loi dans le texte de la commission
M. le président. L’ordre du jour appelle la discussion, à la demande du groupe UMP, de la proposition de loi tendant à moderniser diverses dispositions de la législation applicable dans les départements de la Moselle, du Bas-Rhin et du Haut-Rhin, présentée par M. André Reichardt et plusieurs de ses collègues (proposition n° 826, texte de la commission n° 613, rapport n° 612).
Dans la discussion générale, la parole est à M. André Reichardt, auteur de la proposition de loi.
M. André Reichardt, auteur de la proposition de loi. Monsieur le président, monsieur le secrétaire d’État, mes chers collègues, je suis heureux de vous présenter aujourd'hui une proposition de loi tendant à moderniser différentes dispositions de la législation applicable dans les départements de la Moselle, du Bas-Rhin et du Haut-Rhin.
Ces départements attendent ce texte avec impatience. Comme vous le savez, ils ont une législation qui leur est propre dans différents domaines du droit. Le terme exact employé après la fin de la Première Guerre mondiale est celui de « droit local alsacien-mosellan ». Ce droit a bien entendu une histoire, liée à l’histoire même des trois départements de l’Est. Au lendemain de leur annexion en 1870, le droit français y fut, dans beaucoup de domaines, progressivement remplacé par les lois d’Empire allemandes, ainsi que par des dispositions locales émanant d’instances législatives propres au land d’Alsace-Lorraine. En fait, sous l’expression « Alsace-Lorraine », il faut entendre « Alsace-Moselle ». J’apporte cette précision en raison d’une actualité particulièrement brûlante…
Lors du retour de l’Alsace-Lorraine à la France en 1918, le législateur préféra, à une introduction brutale et massive de l’ensemble de la législation française, une introduction par matières, ainsi que le maintien de dispositions de droit local inconnues du droit français ou reconnues techniquement supérieures à la législation française équivalente. L’introduction de la législation française a notamment été réalisée par deux grandes lois du 1er juin 1924, l’une pour la législation civile et l’autre pour la législation commerciale. Toutefois, ces deux textes ont également maintenu diverses dispositions de droit local, dont le caractère temporaire d’origine s’est en réalité perpétué.
À partir des années soixante-dix, des pans entiers ont disparu du fait de l’évolution considérable du droit français, qui s’inspirait d’ailleurs parfois du droit local. Cependant, il reste encore certains domaines où la législation spécifique paraît toujours préférable. L’idée d’un droit local est largement acceptée – c'est un euphémisme ! – dans nos trois départements de l’Est et ne fait aucunement, quoi qu’en pensent certains, l’objet d’une remise en cause globale. Reste qu’il s’agit à présent de veiller à faire évoluer les règles locales, qui, n’ayant pas ou pas assez été modifiées depuis plusieurs décennies, nécessitent une mise à jour. Tel est l’objet de la proposition de loi que je vous présente aujourd'hui.
Avant tout, permettez-moi de vous dire que le contenu de ce texte a recueilli, sur le fondement des travaux de l’Institut du droit local alsacien-mosellan, l’avis favorable de la Commission d’harmonisation du droit privé. Les modifications que je vais vous détailler ont été longuement étudiées et constituent des avancées à mon sens nécessaires à la modernisation de ce droit local.
La proposition de loi porte sur six sujets distincts ; cinq d’entre eux figuraient dans la proposition de loi initiale, et j’ai fait adopter le sixième par voie d’amendement lors de la discussion du texte en commission des lois. Ces six sujets sont le financement des corporations de droit local, le cadastre, la taxe des riverains, les associations coopératives, le repos dominical et pendant les jours fériés et la procédure de partage judiciaire de droit local.
Commençons par le financement des corporations.
Dans les départements de la Moselle, du Bas-Rhin et du Haut-Rhin, le régime de l’artisanat est régi par le code local des professions. Les artisans sont regroupés en corporations, dont la mission première est d’assurer la défense des intérêts professionnels de leurs membres qui dépendent de chambres de métiers – ces dernières étant chargées de représenter les intérêts généraux de l’artisanat et non les métiers. À la différence des syndicats, les corporations représentent à la fois – on l’oublie souvent ! – les employeurs et les salariés, appelés les compagnons, sur une circonscription déterminée.
Jusqu’au 30 novembre 2012, ces corporations pouvaient être libres ou obligatoires. La très grande majorité d’entre elles, plus d’une centaine, étaient obligatoires ; une petite minorité, libre. À cette date, le Conseil constitutionnel, par une décision issue d’une question prioritaire de constitutionnalité, déclarait contraires à la Constitution deux importants articles du code local des professions. Il en est résulté que les corporations obligatoires chargées de l’administration et de la représentation de certains métiers dans l’artisanat ont perdu le droit d’affilier d’office les artisans de leur ressort, ainsi que le droit d’utiliser une procédure de recouvrement forcée des cotisations, qui existait auparavant. Cependant, cette décision du Conseil constitutionnel ne concerne pas la mission des corporations et a maintenu l’existence de ces dernières, en ne les libérant pas de l’obligation d’accomplir leurs missions.
Il s’agit, par conséquent, de trouver un mode alternatif de financement pour ces institutions auxquelles les artisans et la population des trois départements concernés sont très attachés. C’est pour cette raison que les articles 1er à 3 de la proposition de loi visent à permettre aux chambres de métiers d’Alsace et de Moselle, si elles le souhaitent, et seulement dans ce cas, de financer les corporations et à autoriser ces dernières à percevoir des redevances pour service rendu. S’agissant tout particulièrement de l’article 1er, il s’agit simplement d’ouvrir à l’Alsace-Moselle une possibilité d’ores et déjà offerte aux chambres de métiers des autres départements par l’article 23 du code de l’artisanat. Quant aux redevances pour service rendu, elles doivent bien sûr trouver leur contrepartie directe dans la prestation fournie par le service ; elles ne devraient donc pas poser problème. De telles redevances existent dans le droit général ; pourquoi n’existeraient-elles pas en droit local ?
La deuxième partie de la proposition de loi concerne la modernisation du droit local applicable en matière de cadastre.
Dans les trois départements de l’Est, la publicité foncière n’est pas organisée comme dans le reste de la France, où elle est régie par la conservation des hypothèques, dépendant du ministère des finances. En Alsace-Moselle, elle est assurée par le livre foncier, tenu par un magistrat spécialisé, et relève du ministère de la justice. L’inscription au livre foncier emporte présomption simple d’existence d’un droit de propriété en raison du contrôle exercé par le juge du livre foncier.
Une loi du 29 avril 1994 avait déjà autorisé la création du GILFAM, le groupement d’intérêt public pour l’informatisation du livre foncier d’Alsace-Moselle, basé à Colmar, qui devait informatiser le livre foncier. Cette informatisation est achevée depuis 2008, date à laquelle le GILFAM a été remplacé par l’EPELFI, l’établissement public d’exploitation du livre foncier informatisé.
Dans la proposition de loi que je vous soumets, il est proposé d’étendre les compétences de l’EPELFI à l’informatisation du cadastre des départements de la Moselle, du Bas-Rhin et du Haut-Rhin. Cette nouvelle compétence se situera tout naturellement dans le prolongement de la mission actuelle de l’EPELFI, car cadastre et livre foncier sont indissociables et complémentaires. La publicité foncière fonctionne chez nous sur le principe de la concordance parfaite, absolue entre le cadastre et le livre foncier. Un échange systématique d’informations existe entre les bureaux du cadastre et les greffes du livre foncier.
Mes chers collègues, pour bien comprendre de quoi il s’agit, je voudrais préciser que, dans nos départements, la loi concernant le renouvellement du cadastre du 31 mars 1884 associe, au plan cadastral à l’échelle, des croquis de levé cotés résultant de mesurages terrestres. C'est une spécificité remarquable de l’Alsace-Moselle. Ces croquis sont réalisés par les services du cadastre pour la conservation du plan et par les géomètres-experts au moment de l’établissement des documents d’arpentage chaque fois qu’une limite parcellaire est modifiée. Ils sont conservés dans les annexes du livre foncier.
Le problème est que le nombre de croquis augmente en permanence et que l’état de ces documents, régulièrement utilisés par les experts ou encore par les notaires, se dégrade fortement. Il faut donc passer à la dématérialisation de ces croquis pour permettre leur conservation. J’ai pris contact avec la direction générale des finances publiques, la DGFIP, qui ne s’est pas montrée hostile à cette proposition, mais a suggéré une autre rédaction pour le second alinéa de l’article 4 du texte. Tel est l’objet de l’amendement n° 4, que j’ai déposé en ce sens.
Enfin, sur ce même sujet de la modernisation du cadastre, il est également proposé de toiletter la loi du 31 mars 1884 afin d’en harmoniser les dispositions avec les règles du droit civil régissant la prescription acquisitive trentenaire et d’abroger une disposition de droit transitoire surannée. Tel est l’objet de l’article 5 de la proposition de loi.
Le troisième sujet phare concerne la taxe des riverains.
C’est la loi du 29 décembre 2010 de finances rectificative pour 2010 – je le précise pour sortir de toute considération politicienne – qui a abrogé, à partir du 1er janvier 2015, la législation locale relative à la taxe des riverains, applicable dans les seuls départements de la Moselle, du Bas-Rhin et du Haut-Rhin. À l’époque, cette suppression est intervenue sans aucune concertation avec les associations des maires des trois départements de l’Est, et sans étude d’impact sur les incidences financières pour les communes. Par ailleurs, la Commission d’harmonisation du droit privé n’avait même pas été consultée.
Dans ces conditions, la proposition de loi prévoit de supprimer l’abrogation des dispositions de droit local régissant la taxe de riverains et, ainsi, de pérenniser l’existence de cette dernière.
Le maintien de la taxe des riverains se justifie pour au moins trois raisons.
M. Roland Ries. C’est de l’autoconviction !
M. André Reichardt. En premier lieu, cette taxe se caractérise par son efficacité et par sa simplicité en termes de mise en place et de gestion : les différents riverains contribuent à hauteur du nombre de mètres linéaires de leur parcelle donnant sur la voie en cours de viabilisation. Ces qualités sont reconnues par un grand nombre de maires, lesquels m’ont régulièrement sollicité sur l’évolution législative en la matière.
En deuxième lieu, le maintien de la taxe serait en symbiose avec le principe constitutionnel d’autonomie financière posé par l’article 72-2 de la Constitution du 4 octobre 1958. Dans ce cadre juridique, les communes d’Alsace et de la Moselle doivent pouvoir disposer de la liberté d’instituer ou non la taxe des riverains, parallèlement aux deux nouvelles taxes instaurées par la loi de finances rectificative pour 2010, dont la taxe d’aménagement.
Quant au cumul éventuel de la taxe d’aménagement et de la taxe des riverains, il peut être envisagé pour autant que les deux taxes ne financent pas les mêmes travaux. À titre d’illustration, la jurisprudence antérieure à la réforme de la fiscalité de l’urbanisme de 2010, qui demeurera pertinente avec la disposition proposée, a considéré que la taxe des riverains était une contribution additionnelle qui peut se cumuler avec la taxe locale d’équipement prévue à l’article 1585 A du code général des impôts.
Enfin, la conservation de la taxe des riverains repose également sur la décision du Conseil constitutionnel du 5 août 2011, dite « société Somodia », dont nous reparlerons tout à l'heure et qui érige l’existence du droit local en un principe fondamental reconnu par les lois de la République.
La quatrième partie de la proposition de loi a trait à la modernisation du droit local des associations coopératives.
Dans les trois départements de l’Est, le droit des associations coopératives de production et de consommation est régi par la loi du 1er mai 1889, modifiée par la loi du 20 mai 1898. On le sait, les associations coopératives contribuent fortement à l’économie sociale dans différents secteurs, qu’il s’agisse d’achats en commun de produits, de logement, de bâtiment ou encore d’alimentation en gros. Elles participent à la mobilisation pour l’emploi et, plus généralement, à la cohésion sociale. Afin de rendre le droit des associations coopératives plus attractif, il est proposé de simplifier la création et le développement de ces organismes en assouplissant les règles d’acquisition et de perte de la qualité de sociétaire ainsi qu’en abrogeant une série de dispositions devenues obsolètes. Cette abrogation participe d’une meilleure lisibilité de la loi et apporte une sécurité juridique.
La cinquième partie est relative à la modernisation du droit local du repos dominical et pendant les jours fériés.
Mes chers collègues, la question du travail le dimanche est en débat non seulement en France, mais aussi dans toute l’Europe, sinon dans l’ensemble des sociétés occidentales.
Dans les trois départements de l’Est, la réglementation est schématiquement la suivante. Dans l’industrie, il est interdit d’employer des salariés le dimanche, sauf dérogation. Dans le commerce, en revanche, la loi autorise, en principe, une ouverture dominicale pour une durée maximale de cinq heures, mais l’existence de statuts locaux aboutit à une interdiction quasi générale d’ouverture ; des dérogations sont néanmoins possibles. Enfin, il existe deux jours fériés légaux supplémentaires dans nos trois départements. Essayez donc de téléphoner en Alsace ou en Moselle le Vendredi saint ou à la saint Étienne : il n’y aura pas grand monde pour vous répondre !
Des enquêtes et des consultations organisées par l’Institut du droit local alsacien-mosellan, il ressort qu’il existe en Alsace et en Moselle un très large consensus pour conserver la réglementation locale régissant les activités du dimanche et des jours fériés, laquelle prévoit une forte protection du repos dominical et pendant les jours fériés tout en permettant certaines dérogations pour tenir compte des besoins du public. Ce consensus pour le maintien du droit local va des organisations représentatives de salariés aux représentants de la grande distribution et aux associations de consommateurs, en passant par les responsables politiques, les chambres consulaires et, même, les médias.
Ce consensus est aussi réfléchi que responsable : il est le résultat d’une réflexion approfondie et d’une perception claire des enjeux et de la complexité du sujet, mais il tient aussi à la fragilité du droit local et aux menaces qui pèsent sur lui, dont tous les acteurs sont également conscients. De ce consensus, il serait erroné de déduire que le système applicable en Alsace-Moselle est stable et parfait, de sorte qu’il n’y a pas lieu de s’en occuper. Bien au contraire, il est grand temps de le renforcer et, pour ce faire, d’en corriger certaines faiblesses. Un travail de modernisation et de clarification a d’ores et déjà commencé. L’insertion des dispositions locales dans le code du travail les a rendues plus accessibles et a notamment permis d’établir de manière formelle l’applicabilité dans les trois départements de l’Est de la règle du repos hebdomadaire, règle non prévue par le droit local. Toutefois, d’autres aménagements sont aussi nécessaires.
La présente proposition de loi vise à clarifier, simplifier et adapter les dispositions locales au contexte contemporain et, dans le même temps, à renforcer leur effectivité et à préciser les sanctions applicables. Ces adaptations relèvent tant du domaine de la loi que du règlement – bien entendu, je me contenterai d’évoquer le seul domaine législatif.
À cet égard, il nous semble, à l’Institut du droit local alsacien-mosellan, à la commission du droit local d’Alsace-Moselle et à moi-même, qu’il faut apporter à la législation locale du repos dominical les retouches techniques souhaitables. Il faut ainsi prévoir l’obligation éventuelle de fermeture un jour de semaine si l’ouverture est autorisée le dimanche, clarifier le statut du Vendredi saint, simplifier le régime des dimanches avant Noël, préciser les modalités de consultation des employeurs et des salariés en cas de modification des statuts locaux, abroger les dispositions devenues inutiles et corriger les erreurs de rédaction résultant de codifications précédentes.
Bien entendu, parallèlement au travail engagé dans le cadre de cette proposition de loi, des négociations entre partenaires sociaux devaient également être menées sur les contreparties accordées aux salariés travaillant le dimanche. C’est ainsi qu’un accord collectif territorial a été conclu le 6 janvier dernier dans le secteur du commerce. Cet accord est en cours d’extension, ce dont on ne peut que se féliciter.
Pour finir, le dernier article de la proposition de loi, article que j’ai souhaité introduire en commission des lois, vise à clarifier l’un des outils emblématiques de la procédure de partage judiciaire de droit local, afin d’atteindre pleinement les objectifs ayant conduit au vote de la loi du 23 juin 2006 portant réforme des successions et des libéralités, tout en conservant les mécanismes fondamentaux de cette procédure. Cet article résulte d’un vœu adopté par le XIème congrès interrégional des notaires des cours d’appel de Colmar et de Metz en octobre 2012 et a fait l’objet d’une approbation unanime de la Commission d’harmonisation du droit privé, lors de sa séance du 21 décembre 2012.
Mes chers collègues, je vous prie de m’excuser si mon exposé a été trop long ou trop technique.
Comme je l’ai indiqué au début de mon propos, les modifications figurant dans la proposition de loi ont été scrupuleusement et longuement étudiées par l’Institut du droit local alsacien-mosellan et par la Commission d’harmonisation du droit privé. Elles traduisent les besoins et les demandes de ces deux institutions, ainsi que des partenaires sociaux, pour ce qui concerne le régime du dimanche. Elles font consensus chez les usagers et les utilisateurs du droit local des trois départements de l’Est, et elles constituent des avancées nécessaires pour moderniser le droit local alsacien-mosellan. À titre personnel, je me suis contenté d’en être le véhicule législatif. Dans ces conditions, je souhaite que ce texte soit voté le plus largement possible, voire par tous les groupes de la Haute Assemblée ! (Applaudissements sur les travées de l'UMP et de l'UDI-UC.)
M. le président. La parole est à M. le rapporteur.
M. Jean-Pierre Michel, rapporteur de la commission des lois constitutionnelles, de législation, du suffrage universel, du règlement et d'administration générale. Monsieur le président, monsieur le secrétaire d'État, mes chers collègues, comme vient de vous le dire André Reichardt, le droit local alsacien-mosellan, que notre collègue se propose de moderniser au travers de la présente proposition de loi, est issu des trois conflits qui ont opposé la France et l’Allemagne, en 1870, en 1914 et en 1940.
À la fin de la Première guerre mondiale, il fut décidé, par la loi du 17 octobre 1919, que certaines dispositions issues du droit de l’empire allemand, notamment l’existence des corporations, continueraient à s’appliquer. Deux lois de 1924 l’ont confirmé, puis l’ordonnance du 15 septembre 1944 a intégré ce droit local dans la légalité républicaine. De ces textes, il résulte que le droit général est la règle et le droit local l’exception. Aucune disposition, aucune loi nouvelle ne peut étendre le champ du droit local, au contraire. D'ailleurs, le droit local a progressivement tendu à rejoindre le droit de « la France de l’intérieur ».
Il est vrai que nos concitoyens des départements du Haut-Rhin, du Bas-Rhin et de la Moselle sont très attachés à ces dispositions, soit parce qu’elles sont plus favorables que le droit général, notamment s’agissant des retraites, soit parce qu’elles consacrent une tradition, comme le Concordat, soit parce qu’elles tirent les conséquences de la structure des métiers spécifique à ces départements – c’est le cas des corporations, dont nous parlerons tout à l'heure.
Les différentes lois qui ont été votées, notamment l’ordonnance de 1945, ont permis d’exclure toute possibilité de conflit de constitutionnalité a priori. Pourtant, les risques étaient nombreux : le régime plus favorable des retraites aurait pu s’opposer à l’égalité des citoyens devant la loi, le Concordat à la laïcité et le régime des corporations aux chambres de métiers. C’est sous cette perspective qu’il convient d’examiner la présente proposition de loi.
Ce texte comporte cinq titres, d’inégale importance. Je dois avouer que je n’avais pas spécialement demandé à en être le rapporteur, n’ayant pas d’intérêt particulier à la modification de ce droit local. Dès lors, j’étais totalement neutre. Cependant, tandis que je préparais le rapport, beaucoup de doutes m’ont assailli et beaucoup d’interrogations ont surgi. J’ai mené de nombreuses auditions, entendant notamment les représentants des différents ministères intéressés, les chambres de métiers de Moselle, du Haut-Rhin et du Bas-Rhin, les corporations du Haut-Rhin et du Bas-Rhin, l’Institut du droit local alsacien-mosellan, l’EPELFI, etc. De ces auditions, j’ai tiré la conclusion que personne n’est d’accord avec personne.
M. André Reichardt. Alors là !
M. Jean-Pierre Michel, rapporteur. Vous prétendez le contraire, mais telle est la réalité, cher collègue ! Je vous le démontrerai à propos de chacun des articles du texte. D’ailleurs, nous y reviendrons, le régime applicable en ville diffère parfois de celui applicable à la campagne, ne serait-ce que pour l’ouverture des commerces le dimanche.
Par conséquent, j’ai eu beaucoup de mal à élaborer un rapport sur ce texte.
Examinons les sujets les uns après les autres.
Le premier point concerne les corporations. Dans les trois départements, l’organisation des métiers repose sur les chambres de métiers et de l’artisanat, comme dans la France de l’intérieur, des syndicats patronaux – les fédérations du bâtiment, la Confédération de l’artisanat et des petites entreprises du bâtiment, ou CAPEB, les fédérations de l’artisanat, etc. –, mais aussi sur des corporations, qui, à l’échelon du département ou d’un arrondissement, regroupent et défendent ceux qui exercent exactement le même métier. L’adhésion comporte soit un financement obligatoire soit un financement libre.
Ces corporations jouent un rôle important, notamment en matière d’emploi, parce qu’elles œuvrent beaucoup pour l’apprentissage. On le sait, dans les deux départements d’Alsace, un peu moins en Moselle, l’apprentissage est très répandu. Pourtant, un artisan qui refusait de participer au financement obligatoire de deux corporations différentes a saisi d’une question prioritaire de constitutionnalité le Conseil constitutionnel. Dans sa décision du 30 novembre 2012, celui-ci conclut « que la nature des activités relevant de l’artisanat ne justifie pas le maintien d’une réglementation professionnelle s’ajoutant à celle relative aux chambres de métiers et imposant à tous les chefs d’exploitations ou d’entreprises artisanales d’être regroupés par corporation en fonction de leur activité et soumis ainsi aux sujétions précitées ; que, par suite, les dispositions contestées relatives à l’obligation d’affiliation aux corporations portent atteinte à la liberté d’entreprendre ».
Le Conseil constitutionnel affirme donc que l’on ne peut pas imposer d’adhésion forcée. Par ailleurs, il se montre très dubitatif sur la nécessité de maintenir les corporations, puisqu’il souligne que les activités liées à l’artisanat ne méritent pas une organisation exceptionnelle, comme c’est le cas en Alsace et en Moselle.
M. André Reichardt. Il est donc contre les syndicats professionnels !
M. Jean-Pierre Michel, rapporteur. À la suite de cette décision, certaines corporations ont eu du mal à fonctionner, faute d’adhérents. Le conseil régional d’Alsace a alors apporté un financement, les chambres de métiers aussi. Aujourd’hui, on nous propose pratiquement de revenir à l’ancienne disposition en trouvant de nouveaux financements. Bien entendu, cela n’est pas possible !
M. André Reichardt. Pourquoi ?
Mme Fabienne Keller. C’est un parti pris !
M. Jean-Pierre Michel, rapporteur. Le Gouvernement l’a d’ailleurs affirmé explicitement dans une lettre que mon collègue Roland Ries a reçue de la ministre du commerce et l’artisanat dans laquelle il est dit que la décision du Conseil constitutionnel permet de laisser subsister d’autres corporations libres, mais qu’elle ne permet pas de proposer d’autres financements pour les corporations. Cette réponse me semble assez claire : si les artisans veulent adhérer librement, ils le font !
Si la chambre de métiers et de l’artisanat et les corporations du Bas-Rhin sont totalement favorables aux propositions de M. Reichardt, dans le Haut-Rhin, c’est un tout petit peu différent… Le président de la fédération du bâtiment du Haut-Rhin a demandé à être auditionné par la commission des lois pour nous enjoindre de ne surtout pas voter le « retour à l’ancien régime », selon ses propres termes ! (M. André Reichardt s’exclame.)
Si les acteurs locaux ne sont pas tous d’accord, si, qui plus est, le Conseil constitutionnel et le Gouvernement ne sont pas non plus d’accord, que puis-je faire d’autre sinon demander la suppression de cet article ?
Le deuxième point porte sur l’extension des compétences de l’établissement public d’exploitation du livre foncier informatisé.
La publicité foncière relève en Alsace-Moselle du juge du livre foncier, qui est un juge d’instance, dépendant du ministère de la justice. Les relevés cadastraux, faits à la main, sont en très mauvais état, car ils ont été beaucoup manipulés et très souvent compulsés, notamment par les notaires. Ils doivent être numérisés, cela ne fait pas l’ombre d’un doute. Je remarque à cet égard que certains ont pris de l’avance et n’ont pas attendu un texte. Ainsi, la communauté urbaine de Strasbourg a numérisé son cadastre et a financé cette opération. (M. Roland Ries opine.)
M. Reichardt présentera lors de la discussion des articles un amendement tendant à prévoir cette numérisation. Cependant, le Gouvernement n’est pas d’accord sur son financement. Le directeur général de l’EPELFI, que j’ai auditionné, a déclaré qu’étant fonctionnaire il ferait ce que lui demanderait le Gouvernement. Le ministère de l’économie et des finances constate que le livre foncier relève de la compétence du ministère de la justice et refuse d’en financer la numérisation. Or le ministère de la justice ne veut pas se voir remettre le cadastre, seul lui importe le livre foncier. Par conséquent, il n’y a pas d’accord sur ce point.
Aujourd'hui, on apprend que les présidents des trois conseils généraux seraient d’accord pour financer cette numérisation. Pourtant, ils ne me l’ont pas dit explicitement ; ils auraient pu m’envoyer un mail, m’adresser copie de la délibération qu’ils n’ont pas manqué de prendre. En l’état, je ne dispose d’aucun document en ma possession et suis donc bien forcé de m’opposer à cette mesure.
Le troisième point a trait au rapprochement du droit local et du droit de la France de l’intérieur. Il s’agit d’appliquer la prescription acquisitive en Alsace-Moselle Je suis d’accord avec cette mesure, et je propose de la conserver.
M. André Reichardt. C’est facile ! Dans ce cas, on prend le droit général, et il n’y a pas à discuter !
M. Jean-Pierre Michel, rapporteur. Le quatrième point a trait à la taxe des riverains, créée par l’empereur Guillaume Ier pour financer l’extension de Strasbourg. Les communes d’Alsace et de Moselle peuvent voter une telle taxe lorsqu’elles ouvrent ou viabilisent une nouvelle voie. Or la loi de finances rectificative pour 2010 a abrogé cette taxe.
M. André Reichardt. Au 1er janvier 2015 !
M. Jacques Chiron. Quel gouvernement l’a décidé ?
M. André Reichardt. Je l’ai dit !
M. Jean-Pierre Michel, rapporteur. C’est par une grande mansuétude pour les communes qui l’avaient déjà votée qu’il a été prévu que son abrogation entrerait en vigueur au 1er janvier 2015. D’ailleurs, le rapporteur général de la commission des finances de l’époque, Philippe Marini, était d’accord avec cette abrogation et avait estimé qu’il convenait de dépoussiérer tout cela et que la taxe locale d’équipement devait s’imposer pour toutes les communes.
M. Jean-Marie Bockel et Mme Nathalie Goulet. Si Philippe Marini l’a dit... (Sourires.)
Mme Fabienne Keller. Laissez donc Marini !
M. Jean-Pierre Michel, rapporteur. Revenir aujourd’hui sur cette décision d’abrogation signifierait étendre le champ d’application du droit local, ce qui est contraire à la Constitution.
Mme Fabienne Keller. Mais non !
M. Jean-Pierre Michel, rapporteur. Mais si, madame Keller ! Par conséquent, là encore, je suis obligé de dire que je ne suis pas d’accord avec la proposition de loi.
Mme Fabienne Keller. C’est un discours à charge !
M. Jean-Pierre Michel, rapporteur. Le cinquième point vise la modernisation et la simplification du droit des associations coopératives et ne pose pas de problème.
M. André Reichardt. C’est le droit général !
M. Jean-Pierre Michel, rapporteur. Nous en venons, sixième point, au repos dominical, vaste sujet là aussi. Il s’agit d’anticiper sur des accords qui ont été pris, même s’ils ne l’ont pas été partout.
M. André Reichardt. Ce n’est pas possible d’entendre ça !
M. Jean-Pierre Michel, rapporteur. Le président de la chambre régionale de métiers et de l’artisanat de Lorraine est contre l’inscription de cette disposition dans la loi aujourd’hui : il est totalement attaché au respect de la fermeture de tous les commerces le dimanche et le Vendredi saint.
M. André Reichardt. C’est le cas !
M. Jean-Pierre Michel, rapporteur. Les villes ne sont pas soumises au même régime que les campagnes. Je suppose que les maires ou les anciens maires des deux grandes métropoles alsaciennes qui sont dans cet hémicycle ont prévu un certain nombre d’arrêtés pour desserrer cette contrainte. On voit d’ailleurs très bien que, dans des villes touristiques comme Strasbourg ou très passantes et touristiques comme Mulhouse, il n’est pas possible que tout soit fermé le dimanche.
C’est le cas à Strasbourg où le maire a pris un arrêté…
M. Roland Ries. Trois heures le dimanche matin !
M. Jean-Pierre Michel, rapporteur. … pour que les commerces puissent ouvrir trois heures le dimanche.
Pour l’heure, rien n’est fait. Les compensations salariales ne sont pas fixées. Les acteurs locaux que j’ai auditionnés ont prôné l’attentisme : il ne faut rien anticiper tant que les accords ne sont pas totalement conclus entre les employeurs, les salariés et le préfet et le conseil général, puisque ceux-ci sont compétents.
M. André Reichardt. Mais c’est fait !
M. Jean-Pierre Michel, rapporteur. Voilà où nous en sommes. Pour ma part, je ne suis pas contre le fait que l’on prévoie un régime d’ouverture des commerces en Alsace les dimanches, les jours fériés, le Vendredi saint, à la saint Étienne et les dimanches avant Noël, période des fameux marchés. Pour autant, en l’état, je ne peux pas être favorable à cet article de la proposition de loi.
Quel bilan tirer de ce constat ?
La conclusion à laquelle j’étais parvenu s’est heurtée à des vociférations du groupe UMP. J’avais dans l’idée de proposer une motion tendant au renvoi à la commission de ce texte. On m’a opposé un refus : il y aurait, paraît-il, un gentleman agreement... Je ne sais pas ce que cela veut dire…
M. Jean-Pierre Sueur, président de la commission des lois constitutionnelles, de législation, du suffrage universel, du règlement et d'administration générale. C’est de l’anglais ! (Sourires.)
M. Jean-Pierre Michel, rapporteur. Moi je parle français !
Mme Gisèle Printz. Il faut le dire en alsacien ! (Nouveaux sourires.)
M. Jean-Marie Bockel. Ou en mosellan, c’est pis ! (Rires.)
M. Jean-Pierre Michel, rapporteur. Pourtant, pour certaines propositions de loi, le renvoi en commission s’est révélé extrêmement positif. Je pense à la proposition de loi relative à la simplification du fonctionnement des collectivités territoriales de notre collègue Éric Doligé, pour laquelle un renvoi en commission a été voté ici même. Mme la rapporteur, Jacqueline Gourault, a travaillé et présenté une nouvelle version qui a été, je crois, adoptée à l’unanimité.
Mme Nathalie Goulet. Après combien de séances ?
M. Jean-Pierre Sueur, président de la commission des lois. Elle est toujours en rade à l’Assemblée nationale !
M. Jean-Pierre Michel, rapporteur. Peut-être, mais ce n’est pas notre faute !
M. Jean-Pierre Sueur, président de la commission des lois. Une de plus !
M. Jean-Pierre Michel, rapporteur. Si j’ai proposé cette solution, à laquelle je renonce puisque personne n’en veut, c’était pour qu’un groupe de travail soit créé, qui dépasse la seule commission des lois, qui organise d’autres auditions, notamment celles des présidents de conseil général et de conseil régional, dans le cadre de la future grande région Alsace-Lorraine. Je rappelle en effet que trois départements de Lorraine ne sont pas soumis au droit local. Ainsi, dès la rentrée prochaine, au mois d’octobre ou au mois de novembre, il aurait pu proposer une nouvelle version de ce texte, par exemple sur le repos dominical.
M. Jacques Chiron. Grande sagesse !
Mme Cécile Cukierman. C’est trop tard : les élections sénatoriales ont lieu en septembre !
M. Jean-Pierre Michel, rapporteur. Cela n’a pas été possible. Par conséquent, la commission a examiné le texte qui a été déposé par ses auteurs.
Ce matin, lors de la réunion de la commission des lois, j’ai déposé plusieurs amendements de suppression des articles, sauf ceux qui concernent la prescription acquisitive et le droit des associations. Ces amendements ont été adoptés. Mes chers collègues, je vous demande de confirmer ce vote en séance publique. Si tel n’était pas le cas, je serais contraint de vous demander de vous prononcer contre la proposition de loi, ce qui, à mon sens, est la plus mauvaise des solutions. Ce serait alors ses auteurs qui en porteraient la responsabilité, puisqu’ils n’ont pas voulu d’une motion tendant au renvoi à la commission. (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste, ainsi que sur certaines travées du RDSE.)
Mme Fabienne Keller. C’est un réquisitoire !
M. le président. La parole est à M. le secrétaire d'État.
M. Jean-Marie Le Guen, secrétaire d'État auprès du Premier ministre, chargé des relations avec le Parlement. Monsieur le président, mesdames, messieurs les sénateurs, la proposition de loi de M. Reichardt, dont vous êtes saisis aujourd’hui, vise à modifier un certain nombre de règles propres aux trois départements d’Alsace et de Moselle.
Les départements du Bas-Rhin, du Haut-Rhin et de la Moselle disposent d’un droit local spécifique en raison de leur histoire commune pendant les conflits qui ont opposé la France et l’Allemagne, celui de 1870 d’abord, puis la Première Guerre mondiale, dont nous commémorons cette année le souvenir douloureux.
Un droit local s’est donc mis en place, auquel les habitants de ces trois départements sont légitimement attachés. Le Conseil constitutionnel a d’ailleurs reconnu dans une décision du 5 août 2011 que l’existence d’un droit local dans ces départements constituait un principe fondamental reconnu par les lois de la République.
À partir des années soixante-dix, des pans entiers de ce droit local ont disparu du fait de l’évolution considérable du droit français, ce dernier s’inspirant d’ailleurs parfois de ce droit local. Toutefois, il reste encore des domaines où la législation spécifique demeure ; tel est notamment le cas pour le régime des cultes, l’artisanat, le droit des associations, la publicité foncière, la justice, le droit du travail et le droit communal.
Le droit local n’est en effet pas immuable. Le pouvoir législatif ou réglementaire peut modifier ou abroger toute disposition de droit local afin de la remplacer par une disposition de droit commun. Il s’agit, dans l’intérêt de nos concitoyens de ces départements, de veiller à faire évoluer les règles locales, qui nécessitent parfois une mise à jour.
Enfin, comme le Conseil constitutionnel l’a rappelé dans la décision du 5 août 2011, le droit local peut être conservé, mais il ne peut pas être étendu. En d’autres termes, le législateur ne peut pas aggraver les différences entre le droit local et le droit commun. Ce rappel est important, car plusieurs des dispositions contenues dans la proposition de loi de M. Reichardt viennent accentuer des particularités locales et seraient donc, de notre point de vue, contraires à la Constitution.
Mesdames, messieurs les sénateurs, le Gouvernement est convaincu que les règles applicables en Alsace-Moselle ne doivent être modifiées qu’à l’issue d’un dialogue approfondi avec l’ensemble des acteurs locaux. D’abord, parce qu’il serait délicat de modifier des dispositions locales sans s’inscrire dans une démarche d’harmonisation avec le droit applicable sur le reste du territoire français. Ensuite, parce que ces modifications doivent répondre aux objectifs généraux fixés par les pouvoirs publics.
Or, malgré l’intérêt que peuvent avoir les sujets évoqués dans la proposition de loi de M. Reichardt, ce texte me paraît prématuré, et ce pour plusieurs raisons.
En premier lieu, la concertation sur les modifications qui sont préconisées ne me semble pas avoir été suffisante. Comme le rapporteur, Jean-Pierre Michel, je pense que nous avons besoin d’un travail plus abouti et de davantage de dialogue avant d’engager une réforme.
En deuxième lieu, la proposition de loi contient des mesures très disparates, souvent techniques, qui méritent un examen poussé.
En troisième lieu, les mesures proposées apparaissent, pour certaines d’entre elles, aller au-delà de ce que la jurisprudence constitutionnelle permet.
À mon avis, l’expertise, notamment technique, des mesures proposées doit être approfondie. Dès lors, le Gouvernement soutiendra les amendements de suppression adoptés ce matin par la commission des lois sur l’initiative du rapporteur, M. Jean-Pierre Michel.
Sans vouloir passer en revue l’ensemble des mesures contenues dans le texte, je voudrais dire quelques mots sur certaines d’entre elles.
L’objet du titre Ier est de trouver un mode alternatif de financement des corporations, du fait de la décision du Conseil constitutionnel du 30 novembre 2012. Cependant, la solution proposée par M. Reichardt ne me paraît ni juridiquement solide ni opportune. En effet, ce dispositif vise en réalité à revenir de manière détournée sur une censure du Conseil constitutionnel et à étendre les différences entre le droit local et le droit commun. Il n’est donc pas juridiquement viable. De plus, il aboutirait à un renforcement des charges des entreprises, ce qui est contraire à l’objectif du Gouvernement. En conséquence, le Gouvernement soutiendra les amendements visant à supprimer les trois premiers articles de la proposition de loi.
J’en arrive au titre II, qui vise notamment à étendre la mission actuelle de l’établissement public d’exploitation du livre foncier informatisé à la modernisation du cadastre dans les départements du Bas-Rhin, du Haut-Rhin et de la Moselle.
La question posée par cette disposition mérite d’être examinée. Néanmoins, il convient au préalable de mener une expertise sur les conséquences de cette extension des missions de l’établissement public, notamment en termes de financement. Cette mesure impliquerait en effet d’alourdir les charges pesant sur l’EPELFI, ce qui n’est pas souhaitable. C’est pourquoi le Gouvernement sera favorable aux amendements de suppression de l’article 4.
Enfin, j’appelle votre attention sur le titre V, qui vise à déroger au repos dominical et pendant les jours fériés.
Le droit pour le repos dominical et pendant les jours fériés des trois départements d’Alsace et de Moselle est essentiellement déterminé par les statuts locaux. La présente proposition de loi vise à faire évoluer ces règles.
Chacun d’entre vous connaît les débats passionnés qui ont eu lieu sur cette question complexe et sensible. De ce fait, il ne me semblerait pas opportun de traiter d’un tel sujet au détour d’une proposition de loi. Encore une fois, il nous faut du temps et de la concertation. Ainsi, je serai favorable à la suppression de l’article 8.
Mesdames et messieurs les sénateurs, le texte sur lequel vous êtes appelés à vous prononcer touche des sujets nombreux et disparates.
Certaines de ses dispositions sont en contradiction avec la jurisprudence du Conseil constitutionnel. Vous comprendrez que le Gouvernement ne souhaite pas leur adoption, tant pour des raisons d’opportunité que pour des raisons juridiques.
D’autres dispositions méritent de faire l’objet d’une réflexion approfondie. Toutefois, sur ces sujets, nous ne devons pas faire preuve de précipitation. Le Gouvernement souhaite prendre le temps non seulement de la réflexion, de l’écoute et de la concertation, mais aussi de l’expertise technique. C’est pourquoi je vous propose, pour l’instant, de rejeter ces dispositions. Elles pourront naturellement être remises en débat, par voie d’amendement, dès lors que nous disposerons d’un véhicule législatif adapté.
Pour finir, je voudrais remercier M. Reichardt de l’important travail qu’il a fourni pour l’élaboration de cette proposition de loi. Je tiens à l’assurer que le Gouvernement partage ses préoccupations et qu’il est déterminé à répondre aux attentes des citoyens d’Alsace et de Moselle. (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste et du groupe CRC, ainsi que sur certaines travées du RDSE.)
M. le président. La parole est à M. Jean-Marie Bockel.
M. Jean-Marie Bockel. Monsieur le président monsieur le secrétaire d’État, mes chers collègues, ne nous y trompons pas, le droit local est le fruit d’une histoire commune, qui a été rappelée par André Reichardt, entre les trois départements du Bas-Rhin, du Haut-Rhin et de la Moselle et leurs habitants, qui sont évidemment très attachés à cette spécificité, comme je peux le constater moi-même dans mon département du Haut-Rhin. Au-delà de ce large attachement de la population, la pérennité du droit local a été identifiée par le Conseil constitutionnel en août 2011 comme un principe fondamental reconnu par les lois de la République.
Malgré cela, le droit local fait régulièrement l’objet d’attaques, tantôt idéologiques, tantôt pratiques, y compris de la part des différents gouvernements qui se sont succédé. Ces attaques portent essentiellement sur les corporations, le régime local d’assurance maladie ou encore le droit des cultes. Les dispositions du droit local doivent donc plus que jamais être modernisées pour s’adapter aux réalités d’aujourd’hui, d’autant que la procédure de la question prioritaire de constitutionnalité a ouvert de nouveaux contentieux.
Le débat autour du droit local est une vieille histoire. Doit-on le faire évoluer, au risque d’entraîner de vives polémiques, ou au contraire le laisser vieillir ? Autrement dit : stop ou encore ? À ce sujet, je voudrais évoquer très rapidement un souvenir personnel.
En 1982, j’étais alors jeune député – Jean-Pierre Michel et d’autres aussi –, Jean Auroux et sa conseillère technique de l’époque, Martine Aubry, ont décidé de moderniser les juridictions prud’homales. C’était une bonne idée, mais elle a eu comme effet mécanique de supprimer l’échevinage dans les juridictions d’Alsace-Moselle, qui est pourtant une très bonne formule. J’avais essayé de convaincre Martine Aubry – je me suis d’ailleurs fait engueuler pour la première fois ;…
M. Jean-Pierre Sueur, président de la commission des lois. Mais pas la dernière ! (Sourires.)
M. Jean-Marie Bockel. … rassurez-vous, à d’autres occasions il nous est aussi arrivé de nous parler (Nouveaux sourires.) –, mais je me suis heurté à un mur.
Dans le contexte tout de même très clivé de 1982, je voyais poindre le souvenir du cartel des gauches de 1924, qui avait voulu supprimer le Concordat, dont je rappelle qu’il s’agit d’un texte napoléonien, et non pas allemand. Le tocsin avait alors sonné du nord au sud de l’Alsace, et le Gouvernement avait reculé. De peur que la même chose ne se reproduise, je suis allé voir le président Mitterrand. Il est trop tard pour les échevins, m’a-t-il dit, mais je vais demander à Pierre Mauroy de vous confier une mission auprès de Gaston Defferre, afin de tenter de calmer le jeu. J’ai accompli ce travail et je l’ai présenté à Colmar quelques mois plus tard, en présence de Gaston Defferre, qui avait adoubé ma proposition aboutissant à un statu quo qui nous semblait de bon aloi et à quelques autres pistes comme la création, reconnue aujourd’hui par tous comme très utile, de l’Institut du droit local alsacien-mosellan.
Si je vous raconte cette anecdote, mes chers collègues, ce n’est pas simplement pour le plaisir de jouer à l’ancien combattant du droit local, c’est aussi pour mettre le doigt sur la difficulté de l’exercice. Si des évolutions ont pu intervenir sur toute une série de sujets – je pense à l’exemple des voies d’exécution, bien connues de certaines professions du droit, ou à des questions relevant du notariat –, c’est parce qu’elles ont été réalisées dans la discrétion et la technicité. En effet, dès que le sujet était versé au débat public, les choses devenaient très compliquées. Pendant un certain temps, nous avons donc fonctionné de cette manière. Aujourd’hui, nous arrivons un peu aux limites de l’exercice. C’est dans ce contexte qu’André Reichardt a déposé cette proposition de loi, que j’ai cosignée avec plusieurs collègues.
Alors que le droit local est complexe et disparate, ce texte s’appuie en grande partie sur les travaux de qualité de l’Institut du droit local alsacien-mosellan, que je tiens ici à saluer. Cette proposition de loi répond à plusieurs grands objectifs qui ont déjà été rappelés.
Premièrement, elle vise à maintenir la spécificité du droit local en garantissant ses capacités de financement. Je pense notamment à son titre Ier, qui apporte des réponses à la nécessité de financer les corporations d’artisans, dont l’obligation d’adhésion avait été supprimée par le Conseil constitutionnel.
Ces corporations peuvent certes faire débat, notamment dans le secteur du bâtiment, mais, globalement, et pas seulement dans le Bas-Rhin, elles jouent un rôle extrêmement utile. Elles occupent d’ailleurs une place centrale dans le paysage artisanal de nos départements : elles constituent une plate-forme de discussions entre professionnels et elles sont le support de nombreuses actions de formation et de promotion. Dès lors, pourquoi remettre en cause un système, porteur d’emplois et de croissance, que beaucoup nous envient ? Ces corporations représentent le premier employeur de la région Alsace, avec 140 000 actifs. Il faut donc agir pour préserver le dispositif.
Cela vaut aussi pour le maintien de la taxe des riverains en Alsace-Moselle, qui est essentielle dans une optique d’autonomie financière des collectivités.
Le texte permet également de moderniser les dispositions du droit local, dans un souci de simplification et de clarification. C’est le cas notamment du titre V, qui a trait au repos dominical et pendant les jours fériés. N’opposons pas les grandes villes – vous auriez pu citer Colmar, monsieur le rapporteur – aux villages ! Des adaptations sont nécessaires, et la rédaction de la proposition de loi se veut consensuelle et à même de recueillir l’assentiment de l’ensemble des acteurs concernés.
En outre, ce texte contient des évolutions juridiques concernant les associations coopératives, qui participent aussi à la création d’emplois et à la cohésion sociale.
Nous soutenons également le nouvel article 9, adopté en commission des lois sur l’initiative d’André Reichardt, visant à clarifier la procédure de partage judiciaire en droit local.
Enfin, il y a la volonté d’avoir une meilleure efficacité de l’action publique. Voilà pourquoi le texte prévoit l’extension des compétences de l’établissement public d’exploitation du livre foncier informatisé à l’informatisation du cadastre des départements de la Moselle, du Bas-Rhin et du Haut-Rhin. À l’heure du numérique, il est nécessaire de démarrer la dématérialisation des croquis de levé, qui s’altèrent avec le temps sur support papier.
Monsieur le secrétaire d’État, mes chers collègues, la proposition de loi consolide le droit local en y apportant des adaptations indispensables. Elle respecte la cohérence entre le droit local et le droit général. C’est la raison pour laquelle le groupe UDI-UC la votera, et j’appelle la Haute Assemblée à adopter ces dispositions pour qu’elles puissent entrer en vigueur rapidement.
À quelques semaines de l’examen du projet de réforme territoriale, d’aucuns expriment par ailleurs des inquiétudes quant à l’avenir du droit local alsacien-mosellan. En effet, même si les collectivités ne sont pas titulaires de compétences en matière de droit local, comment garantir le respect de ce particularisme commun à ces départements au sein d’une région élargie ? Cette question mérite d’être posée, afin que droit local et droit général puissent cohabiter harmonieusement le moment venu...
Quoi qu’il arrive, soyez assuré, monsieur le secrétaire d’État, que nous continuerons de défendre avec force et détermination le droit local alsacien-mosellan, spécificité structurante de l’histoire de nos territoires auquel nos concitoyens sont très attachés. (Applaudissements sur les travées de l'UDI-UC et de l'UMP.)
Mme Nathalie Goulet. Très bien !
M. le président. La parole est à Mme Cécile Cukierman.
Mme Cécile Cukierman. Monsieur le président, monsieur le secrétaire d’État, mes chers collègues, nous voici en présence d’une proposition de loi d’apparence assez disparate, qui a comme particularité que ses premiers signataires sont originaires de deux départements de notre beau pays, à savoir les deux départements alsaciens du Bas-Rhin – en haut sur la carte (Sourires.) – et du Haut-Rhin. Ses dispositions concernent une énième adaptation du droit applicable dans les trois départements dits d’Alsace-Lorraine, que les troupes impériales de Guillaume II ont occupé pendant près de cinquante ans, après le désastre de Sedan et la déroute de Napoléon III.
Survivance de ce temps assez lointain, comme cela a été rappelé, le droit local d’Alsace-Moselle reprend certaines des dispositions en vigueur dans l’Allemagne impériale de la fin du XIXe siècle et du début du XXe siècle, dispositions qui s’appliquent tantôt aux relations professionnelles, lorsqu’elles concernent le droit des corporations, tantôt aux relations sociales, lorsqu’elles touchent au droit du travail, parfois au droit fiscal et financier – c’est le cas du livre foncier – et, au-dessus de tout cela, à la relation que les individus entretiennent avec la religion, puisque l’Alsace-Moselle, en raison du Concordat, n’a pas connu la pleine application de la loi de séparation de l’Église et de l’État.
Les auteurs de la proposition de loi entendent donc « dépoussiérer » une partie de ce droit local.
Je rejoins le rapporteur pour souligner que ce texte pose un certain nombre de problèmes. Le premier est selon nous de nature politique. En effet, nous nous interrogeons à propos de ce texte qui nous est présenté comme étant issu d’une large concertation. Or aucun des sénateurs alsaciens signataires n’est issu de la majorité sénatoriale ; on peut également noter l’absence des sénateurs de la Moselle, ceux de la majorité comme ceux de l’opposition. Le consensus est donc un peu moins général que ce qui nous a été annoncé.
Ce texte a, je le pense, un objectif politique immédiat : il s’agit d’un viatique électoral pour les signataires candidats au renouvellement de leur mandat,…
M. Roland Ries. Très juste !
Mme Cécile Cukierman. … étant donné que le calendrier électoral n’est pas le même en Moselle que dans le Haut-Rhin et le Bas-Rhin. N’en restons pas cependant à l’arrière-fond de ce texte, qui ne peut cependant pas échapper à un observateur quelque peu attentif de la vie politique et parlementaire, et considérons le fond des choses.
Le texte propose, entre autres dispositions, de confier l’informatisation du cadastre, dont une bonne partie des éléments sont en péril, à l’établissement public pour l’exploitation du livre foncier informatisé, structure parapublique, comme on l’a dit, associant le ministère de la justice, les conseils généraux, le conseil régional d’Alsace, l’Institut du droit local alsacien-mosellan et les représentants de la profession notariale.
Pour nous, l’informatisation du cadastre d’Alsace-Moselle doit rester l’affaire du ministère des finances, ne serait-ce que parce que la confection du cadastre est une mission de service public qui ne peut, en la matière, être assurée par personne d’autre qu’une administration publique, par nature neutre et désintéressée. Sachez que vous pourrez compter sur nous dans cette bataille pour donner des moyens aux agents et services du cadastre en Alsace-Moselle afin que cette informatisation nécessaire puisse être menée à bien dans le cadre du service public.
Un autre des champs couverts par la proposition de loi – je ne les énumérerai par tous – porte sur la question du travail dominical et la situation des jours fériés en Alsace-Moselle.
Le travail dominical, qui constitue une exception à la règle et une faculté ouverte, devient, dans la proposition de loi, un passage obligé pour tous les salariés du commerce pendant la période de l’Avent.
Cette proposition de loi, de par sa date de dépôt, alors même que l’on peut penser que ces questions auraient pu être traitées par anticipation, ne reprend aucunement les trois points essentiels de l’accord des professions du commerce en cours de finalisation.
Premièrement, elle ne reprend pas le principe du volontariat, d’après lequel les magasins n’ouvrent le dimanche qu’à condition que les salariés soient volontaires pour travailler ce jour-là.
Deuxièmement, elle n’évoque pas la majoration de la rémunération fixée par l’article 1er de l’accord interprofessionnel à hauteur de 150 % de la rémunération de base et à 200 % pour les dimanches de l’Avent.
Troisièmement, la proposition de loi ne retient pas une disposition également essentielle à nos yeux : l’accord prévoit que la rémunération majorée s’accompagne d’un repos compensateur de durée équivalente à la durée travaillée, pris en dehors des jours de fermeture de l’établissement.
En conclusion, il convient de signaler que les auteurs de la proposition de loi n’ont pas répondu favorablement à la sollicitation des organisations syndicales signataires de l’accord qui leur demandaient de modifier par voie d’amendement leur texte initial. Vous auriez en effet pu anticiper quelque peu l’application de cet accord en instance d’extension en amendant votre texte.
M. André Reichardt. Faites-le !
Mme Cécile Cukierman. Je ne développerai pas les autres points, sur lesquels j’approuve les arguments qu’a présentés le rapporteur.
Mes chers collègues, vous l’aurez compris, si nous parvenons jeudi prochain au terme de la discussion de ce texte, le groupe CRC ne le votera pas dans sa rédaction initiale. Nous nous rallierions aux propositions faites par le rapporteur. (Applaudissements sur les travées du groupe CRC, ainsi que sur certaines travées du groupe socialiste et du RDSE.)
M. le président. La parole est à Mme Anne-Marie Escoffier.
Mme Anne-Marie Escoffier. Monsieur le président, monsieur le secrétaire d’État, mes chers collègues, je voudrais saluer une fois encore la qualité des travaux conduits au sein de la commission des lois, s’agissant d’un texte très particulier puisqu’il est relatif à la législation spécifique applicable dans les départements du Bas-Rhin, du Haut-Rhin et de la Moselle.
La qualité du rapport très fouillé de notre collègue Jean-Pierre Michel, les éclaircissements très concrets apportés par André Reichardt, auteur de la proposition de loi et président localement de la Commission d’harmonisation du droit privé, sont les garants d’un débat constructif sur une matière complexe.
Cette proposition de loi est le fruit d’une concertation large et fructueuse, semble-t-il, sous l’égide de l’Institut du droit local alsacien-mosellan, portant sur des problématiques du quotidien. Le Conseil constitutionnel a rappelé, dans une décision du 5 août 2011, que, si les dispositions que nous examinons aujourd'hui participent d’un droit local reconnu par les lois de la République, elles ne peuvent être aménagées que dans la mesure où les différences de traitement qui en résultent ne sont pas accrues et que leur champ d’application n’est pas élargi.
L’enjeu de notre débat est donc bien de nous assurer que, sur les cinq mesures envisagées, l’esprit même des dispositions dérogatoires au droit commun ne se trouve pas modifié. Je m’exprimerai assez brièvement à propos des cinq dispositions, qui ont été largement expliquées par les uns et les autres.
Premièrement, les corporations d’artisans, dont le Conseil constitutionnel a jugé que le caractère obligatoire constituait une atteinte injustifiée à la liberté d’entreprendre, doivent, pour continuer d’exister dans une forme non contrainte, trouver un nouveau mode de financement. Il est proposé d’instituer une redevance pour service rendu qui viendrait s’ajouter à la cotisation des adhérents ainsi qu’à la participation facultative des chambres de métiers.
La réserve que je pourrais émettre à propos de cette participation, certes facultative, qui accroît la dérogation au droit commun, me paraît très sensiblement contrebalancée par l’intérêt du maintien de ces corporations, qui relèvent de l’article 100 du code des professions applicable dans les départements du Haut-Rhin, du Bas-Rhin et de la Moselle, notamment parce que ces corporations soutiennent l’apprentissage à une époque où celui-ci est indispensable à la vitalité de notre artisanat et de notre économie.
Deuxièmement, concernant l’élargissement de la mission de l’établissement public d’exploitation du livre foncier informatisé, j’exprimerai les mêmes inquiétudes que les orateurs précédents. Comment l’extension de la mission sera-t-elle financée ? Elle est imputable au ministère de la justice, dont on ne sait pas s’il peut l’assumer. Comment la coordination avec la direction générale des finances publiques, laquelle est compétente en matière de cadastre et dit donner son accord, se réalisera-t-elle ? Sur ces deux questions, il me semble que ces institutions doivent, avec le financement des conseils généraux, concrétiser leur engagement dans le cadre d’une convention clairement et nettement établie.
Troisièmement, la pérennisation de la taxe des riverains pose le problème de son cumul avec la taxe locale d’aménagement dans la forme arrêtée par l’article 28 de la loi de finances rectificative du 29 décembre 2010. Aux termes de cette disposition, la taxe des riverains doit en effet être abrogée au 1er janvier 2015. Pour ma part, je crois que le délai qui avait été accordé en 2010 laissait le temps de trouver les aménagements susceptibles de répondre aux réductions des ressources que nous connaissons tous et donnait donc aux communes la possibilité de revoir leur dispositif de taxation.
Le quatrième point concerne la modification du droit des associations. Je n’y reviens pas, car nous sommes tous d’accord sur cette question.
Cinquièmement, la modernisation du repos dominical et pendant les jours fériés est selon moi un sujet trop complexe, trop difficile, pour que, sans attendre que soient mises en œuvre les dispositions et les conclusions de l’accord signé le 6 janvier 2014, on puisse aller beaucoup plus loin. Cette question mérite un véritable débat, d’autant que ces dispositions entrent dans le cadre de la législation nationale, laquelle est fort complexe.
Aux cinq points que j’ai évoqués est venu s’ajouter tout dernièrement l’amendement de l’auteur de la proposition de loi concernant la clarification de la procédure du partage judiciaire du droit local. La lecture du rapport me conduit à penser que nous avons besoin de temps pour examiner une matière bien difficile.
Si l’on ne doit pas méconnaître ces mesures spécifiques, plusieurs problèmes demeurent cependant, tels que l’hétérogénéité du texte ou l’imprécision des analyses conduites avec un consensus plus ou loin large des parties concernées. Plus globalement, comment mettre un terme, progressivement, à ces régimes dérogatoires ? Tel est bien le sens des décisions rendues par le Conseil constitutionnel, lequel ne manquerait pas d’exercer une vigilance particulière sur ces mesures, si elles étaient adoptées par le Sénat.
Dans ce contexte, les membres de mon groupe, auxquels je m’associe pleinement, auraient souhaité, avant de se prononcer sur cette proposition de loi, pour transformer leur intention d’abstention en un éventuel vote positif, entendre les analyses des services juridiques de l’État dans chacun des domaines concernés afin de s’assurer que le maintien d’un système dérogatoire reste de bonne mesure. Toutefois, monsieur le secrétaire d’État, votre analyse n’incite pas à l’optimisme, du moins dans un premier temps. Pour le moment, mon groupe s’en tiendra donc à une position d’abstention. (Applaudissements sur les travées du RDSE, ainsi que sur certaines travées du groupe socialiste.)
M. le président. La parole est à M. Jean Louis Masson.
M. Jean Louis Masson. Monsieur le président, monsieur le secrétaire d’État, chers collègues, comme la plupart des parlementaires d’Alsace-Moselle, je suis partisan du maintien du droit local, mais il faut reconnaître que celui-ci doit, dans un certain nombre de domaines, être ajusté. Un droit qui était pertinent il y a plus d’un siècle, ou même deux siècles pour les dispositions héritées du droit français d’avant 1870, doit être modernisé sur certains points.
La proposition de loi me paraît tout à fait satisfaisante dans son principe. Certaines dispositions sont même très pertinentes ; je pense notamment à l’évolution du droit des associations, au régime du cadastre et du livre foncier, au problème du travail du dimanche, qui se pose de manière particulièrement aiguë en Moselle, parce que ce département est enclavé, entouré d’un côté par deux pays étrangers qui n’ont pas du tout le même régime, et de l’autre par des départements lorrains qui relèvent du régime général. Cela pose des problèmes d’équilibre de la concurrence en Moselle. Aussi il est très pertinent de légiférer sur ce point.
Je souhaite d’abord faire une remarque : la taxe des riverains était remarquable et tout à fait efficace. C’est pourquoi j’en étais un grand défenseur, et j’avais incité les communes à l’utiliser. Cela étant, le droit général a évolué, rejoignant approximativement la situation mosellane, de sorte que l’opportunité de maintenir la taxe des riverains traditionnelle peut être discutée.
Ensuite, je dois émettre de franches réserves sur la question des corporations. La décision du Conseil constitutionnel est selon moi très pertinente : les corporations dites « obligatoires » étaient un non-sens, un anachronisme ! Permettre aux chambres de métiers de financer les corporations, c’est un moyen un peu détourné de revenir à un système de financement contraint pour les artisans de base. Je ne suis pas persuadé que ce soit extrêmement opportun. Je crois que le droit local des métiers mériterait au contraire un bon coup de modernisation, de rénovation, car c’est peut-être l’un des volets les plus figés du droit local.
Je veux enfin formuler un regret. On aurait peut-être pu intégrer dans cette réforme globale du droit local un certain nombre de modernisations de dispositions applicables aux communes qui figurent dans le code général des collectivités territoriales. Il est par exemple complètement ridicule d’obliger des communes de dix ou vingt habitants à avoir un règlement intérieur ; c’est pourtant le cas en Alsace-Moselle. Il n’y a quasiment aucune commune qui respecte cette obligation.
J’aurais bien aimé que la proposition de loi comporte un volet consacré à ces dispositions complètement anachroniques. J’ai déposé trois amendements, qui ne sont évidemment pas exhaustifs, pour marquer le coup, en quelque sorte, mais je suis assez peu optimiste quant à leur sort, compte tenu de ce que j’ai entendu. En effet, je ne suis pas sûr que le débat aille à son terme. Pour ma part, j’aimerais qu’il aille jusqu’au bout. Cela nous permettrait peut-être de faire évoluer les choses et de poser les problèmes.
M. le président. La parole est à M. Francis Grignon.
M. Francis Grignon. Monsieur le président, monsieur le secrétaire d’État, mes chers collègues, je ne vous étonnerai pas en disant que je suis complètement en phase avec l’auteur de la proposition de loi. Le droit local alsacien-mosellan a traversé toutes les épreuves de 1870 à 1945. Seule l’Allemagne nazie l’a supprimé entre 1940 et 1945. Le général de Gaulle, à la Libération, puis les constituants de 1946 et 1958 ont réaffirmé leur attachement à l’existence du droit local, en le confortant. Ce droit réglemente de nombreux aspects de la vie économique et sociale ; je n’y reviens pas, puisque ces aspects ont été largement évoqués.
Comme vous l’avez rappelé, monsieur le secrétaire d’État, le Conseil constitutionnel a érigé, par une décision du 5 août 2011, l’existence du droit local alsacien-mosellan en principe fondamental reconnu par les lois de la République. Il en résulte que le principe constitutionnel d’égalité devant la loi ne peut plus être invoqué pour contester l’existence d’une règle de droit local différente de celle qui est en vigueur dans le reste de la France.
Le Conseil constitutionnel a également précisé, dans sa décision du 5 août 2011, « qu’à défaut de leur abrogation ou de leur harmonisation avec le droit commun, ces dispositions particulières ne peuvent être aménagées que dans la mesure où les différences de traitement qui en résultent ne sont pas accrues et que leur champ d’application n’est pas élargi ; que telle est la portée du principe fondamental reconnu par les lois de la République en matière de dispositions particulières applicables dans les trois départements dont il s’agit ».
À mon sens, la portée de ce motif mérite d’être clairement précisée. En effet, en jugeant que l’aménagement, c’est-à-dire la modification, du droit local, n’est possible que s’il n’y a pas d’accroissement des différences avec le droit général, le Conseil constitutionnel ne vise que le droit local historique, celui qui existait en 1918. Rien n’empêche le législateur de créer de nouvelles règles d’application territoriale limitée à l’Alsace-Moselle. À titre d’illustration, on peut citer la loi du 14 mars 2012 relative à la gouvernance de la sécurité sociale et à la mutualité, qui a modifié l’article L. 325-1 du code de la sécurité sociale, relatif aux salariés relevant du régime local d’assurance maladie.
Quoi qu’il en soit, l’existence du droit local est désormais confortée sur le plan constitutionnel, et il est nécessaire de le moderniser sur le fondement de cet acquis. C’est l’objet de la présente proposition de loi, qui est issue des travaux de la Commission d’harmonisation du droit privé d’Alsace-Moselle, présidée par André Reichardt, et de l’Institut du droit local alsacien-mosellan.
Je souhaite mettre l’accent sur quatre aspects de la proposition de loi. L’article 1er vise à consolider le régime de l’artisanat, qui est organisé par le code local des professions de 1900. Ce régime se caractérise par l’existence de corporations. Il n’existe plus de corporations obligatoires depuis la décision du Conseil constitutionnel du 30 novembre 2012. Les corporations exercent pourtant d’importantes missions : formation, diffusion d’informations techniques, conseils juridiques et fiscaux, interlocuteurs des pouvoirs publics, etc. Leur financement provient des cotisations volontaires des membres et des revenus des biens dont elles sont propriétaires.
L’article 1er vise à permettre aux chambres de métiers de subventionner les corporations afin que celles-ci puissent continuer d’exercer leurs missions. Ce type de financement existe dans le reste de la France en vertu de l’article 23 du code de l’artisanat. Le fait de l’introduire en Alsace-Moselle aboutit ainsi à rapprocher le droit local du droit général et non à accroître les différences entre les deux législations.
L’article 2 de la proposition de loi est également fondamental. En effet, depuis 2008, le livre foncier est totalement informatisé. Il s’agit d’un outil très utile à l’économie immobilière des trois départements d’Alsace-Moselle. Les conseils généraux de ces départements et le conseil régional d’Alsace ont financé cette opération.
Si le livre foncier contient les informations juridiques portant sur les immeubles, le cadastre renferme quant à lui les informations relatives à leurs situations physiques. Au sein de la documentation cadastrale, il existe des croquis sur support papier. À notre époque, il est évident qu’il faut informatiser le système. Je ne comprends pas que l’on puisse s’opposer à cette modernisation, d’autant que les conseils généraux ont déclaré qu’ils étaient tout à fait prêts à assurer le financement. Ils ne peuvent cependant pas en délibérer tant que le Parlement ne les a pas autorisés à le faire.
Permettez-moi maintenant d’aborder l’article 6 de la proposition de loi, qui vise à pérenniser la taxe des riverains. En effet, à côté de la taxe locale d’aménagement prévue par le code de l’urbanisme, les communes d’Alsace-Moselle ont la possibilité d’instituer une taxe des riverains, à condition qu’elle ne serve pas à financer les mêmes travaux que la taxe locale d’aménagement ; c’est très important, surtout à un moment où les communes ont besoin de subsides. Je ne pense pas que les temps actuels nous permettront d’augmenter très largement ces subsides ; il faut donc trouver des moyens de se servir au moins de ceux qui existent.
Je ne pense pas que le maintien de la taxe des riverains soit contraire à la jurisprudence du Conseil constitutionnel. En effet, ce maintien n’entraîne pas la création d’une nouvelle différence entre l’Alsace-Moselle et le reste du territoire ; il s’agit seulement de pérenniser les dispositions actuelles du droit, puisque l’abrogation de la taxe des riverains n’est prévue que pour le 1er janvier 2015.
Enfin, l’article 8 de la proposition de loi procède à un toilettage des dispositions du droit local du travail relatives au repos dominical. Je sais qu’une large concertation a été organisée avec les intéressés. Le texte prévoit même une majoration du salaire minimum – 150 % du taux horaire de base – et un repos compensateur lorsqu’il y a dérogation.
En conclusion, je pense que l’adoption de cette proposition de loi tendant à moderniser le droit local constituerait incontestablement une avancée majeure aussi bien dans le domaine économique que dans le domaine social. C'est pourquoi je la voterai sans réserve. Je remercie encore notre collègue André Reichardt de s’être tant investi pour préparer ce texte et le mener à bon port. (Applaudissements sur les travées de l'UMP et de l'UDI-UC.)
M. le président. Mes chers collègues, nous sommes parvenus au terme du temps alloué à l’ordre du jour réservé au groupe UMP.
Je constate que nous n’avons pas achevé l’examen de la proposition de loi tendant à moderniser diverses dispositions de la législation applicable dans les départements de la Moselle, du Bas-Rhin et du Haut-Rhin.
Je vous rappelle que la conférence des présidents a inscrit la suite de la discussion de ce texte à l’ordre du jour du jeudi 19 juin, à seize heures quinze.
Avant d’aborder le point suivant de l’ordre du jour, nous allons interrompre nos travaux pour quelques instants.
La séance est suspendue.
(La séance, suspendue à dix-huit heures vingt-cinq, est reprise à dix-huit heures trente-cinq.)
M. le président. La séance est reprise.
5
Communication relative à une commission mixte paritaire
M. le président. J’informe le Sénat que la commission mixte paritaire chargée de proposer un texte sur les dispositions restant en discussion du projet de loi habilitant le Gouvernement à adopter des mesures législatives pour la mise en accessibilité des établissements recevant du public, des transports publics, des bâtiments d’habitation et de la voirie pour les personnes handicapées est parvenue à l’adoption d’un texte commun.
6
Exposition aux ondes électromagnétiques
Discussion d'une proposition de loi dans le texte de la commission
M. le président. L’ordre du jour appelle la discussion, à la demande du groupe écologiste, de la proposition de loi, adoptée par l’Assemblée nationale, relative à la sobriété, à la transparence et à la concertation en matière d’exposition aux ondes électromagnétiques (proposition n° 310, texte de la commission n° 595, rapport n° 594, avis n° 592).
Dans la discussion générale, la parole est à Mme la secrétaire d’État.
Mme Axelle Lemaire, secrétaire d'État auprès du ministre de l'économie, du redressement productif et du numérique, chargée du numérique. Monsieur le président, messieurs les rapporteurs, mesdames, messieurs les sénateurs, la transformation de notre économie et de notre société est accélérée par le numérique. Il s’agit non plus d’une ambition, mais, dorénavant, d’un constat.
Au départ, le sujet intéressait quelques techniciens dans un cercle confiné, habitué à suivre les évolutions rapides de la sphère informatique. Aujourd’hui, le numérique est partout, et il est devenu un grand dessein industriel pour notre pays.
Le développement des usages de cette technologie peut et doit servir au développement d’une société plus inclusive, plus solidaire et plus respectueuse des attentes de nos concitoyens.
Agir pour faire du numérique un outil pour tous, qui soit disponible partout : telle est la mission que je me suis assignée, en tant que secrétaire d’État en charge de ce sujet. Toutefois, la condition pour avancer de cette façon est d’instaurer un climat de confiance, laquelle doit être ressentie par l’ensemble de nos concitoyens. Or la confiance ne se décrète pas ; elle suppose d’accompagner chaque saut technologique en créant les conditions de la transparence et de la bonne information du public, qui doit être la plus large et la plus fiable possible.
Le texte qui sera débattu dans quelques instants peut s’inscrire parfaitement dans cette ambition de créer un environnement adapté, permettant au numérique appuyé sur les technologies sans fil et utilisant des radiofréquences de se déployer, mais d’une manière apaisée, avec le soutien de tous.
Cette proposition de loi est donc utile eu égard aux objectifs qu’elle se fixe. Je tenais à le souligner d’emblée : agir pour une plus grande sobriété des émissions d’ondes électromagnétiques, organiser les conditions de la concertation avec les citoyens à l’échelon local, créer les critères de transparence vis-à-vis du public, c’est une manière de faire progresser la confiance des citoyens, sans que l’on nous reproche de nous ériger contre le progrès technologique et l’investissement. Au contraire, grâce à cette confiance et à notre capacité d’élever le niveau d’acceptabilité sociale de cette technique, c’est aux usages numériques que nous donnons toutes les chances de se diffuser dans l’ensemble de la société.
Avant d’entrer plus précisément dans l’examen du corps du texte, je voudrais revenir sur sa genèse. Il faut tout d’abord rappeler l’important travail engagé, voilà plusieurs années déjà, par M. François Brottes à l’Assemblée nationale dans le cadre du « Grenelle des ondes », ainsi que par Mme la députée Laurence Abeille. Cette implication est venue se concrétiser il y a presque deux ans, à l’Assemblée nationale, par le dépôt d’une proposition de loi de Mme Abeille.
C’est aussi grâce à cet engagement, dans le cadre de comités d’expérimentation, d’abord le COMOP, ou comité opérationnel, puis le COPIC, le comité de pilotage issu du comité opérationnel, présidé dès 2009 par M. Brottes, qu’ont pu être rassemblés l’ensemble des acteurs intéressés par le sujet des ondes électromagnétiques.
Les positions des différentes parties prenantes pendant ces travaux ayant pu, sur certains points, être totalement opposées, je tiens donc à saluer la capacité du président Brottes à faire converger ces acteurs autour de propositions finalement consensuelles que nous retrouvons aujourd’hui largement dans le texte examiné. L’objet de ces discussions était bien défini : décider de l’opportunité et de la manière de légiférer sur les ondes en fonction de la présence, ou non, d’un risque avéré pour les populations exposées.
En parallèle, et témoignant de la volonté politique du Gouvernement d’avancer sur le sujet, une mission d’étude a été confiée par le Premier ministre Jean-Marc Ayrault à M. Jean-François Girard, conseiller d’État, et à M. Philippe Tourtelier, ancien député.
Leur travail, qui fut unanimement salué comme étant de qualité, a permis, je crois, d’éclairer le législateur, notamment sur la manière d’inscrire dans la loi l’objectif, porté par Mme la députée Abeille, d’une plus grande sobriété en matière d’ondes électromagnétiques.
Enfin, il est important de rappeler que des travaux indépendants sont venus compléter le volet sanitaire conduit par l’Agence nationale de sécurité sanitaire, l’ANSES. J’insiste tout particulièrement sur ce dernier rapport, car il faut savoir que la recherche publique sur le sujet des ondes a cessé dans les autres pays européens, alors que l’ANSES a décidé d’actualiser sa première étude, menée en 2009, pour tenir compte des évolutions liées, en particulier, à l’essor des nouvelles technologies connectées.
Les conclusions contenues dans un avis publié le 1er octobre 2013 par seize experts indépendants issus de domaines professionnels divers, tels que la métrologie, la dosimétrie des champs électromagnétiques, l’épidémiologie, la médecine, la biologie ou les sciences humaines et sociales, sont claires : l’exposition aux ondes électromagnétiques n’a aucun effet sanitaire avéré.
Plus précisément, l’agence conclut que l’actualisation de la première étude de 2009 « ne met pas en évidence d’effet sanitaire avéré et ne conduit pas à proposer de nouvelles valeurs limites d’exposition de la population ». Néanmoins, elle appelle à une certaine vigilance s’agissant, en particulier, de l’utilisation des téléphones portables. Elle pointe notamment la catégorie spécifique des utilisateurs intensifs, lesquels dépassent les quinze heures d’utilisation par mois, ainsi que les enfants, ce qui fait naturellement consensus.
M. Roland Courteau. Bien sûr !
Mme Axelle Lemaire, secrétaire d'État. Nous voilà donc arrivés au bout d’un long chemin, avec ce texte qui permet d’atteindre, me semble-t-il, un équilibre satisfaisant.
La commission des affaires économiques du Sénat a effectué un travail important, et je dois dire que la juriste assez perfectionniste que je suis trouve dans cette version amendée une satisfaction, dans la mesure où il apparaît que les objectifs initialement visés par le législateur dans la première version restent d’actualité et sont toujours bien respectés, tout comme l’est l’esprit de la proposition de loi déposée par Mme Abeille, qui s’appuyait sur les rapports des comités et des missions que j’ai déjà cités.
Certaines mesures de ce texte sont très fortes. Ainsi, le titre Ier a pour objet de permettre une plus grande transparence dans l’installation des antennes, une meilleure concertation avec les riverains et la modification de certaines installations, à savoir les points atypiques, qui pourraient être améliorés pour que soit abaissé leur niveau d’émission.
Le cœur du titre Ier, et c’est ce qui guidera aujourd’hui la position du Gouvernement, se trouve l’inscription dans la loi et dans le règlement des conclusions des comités d’expérimentation que j’ai cités – le COMOP et le COPIC –, reprises dans les préconisations du rapport rendu par MM. Girard et Tourtelier. À cet égard, il est intéressant de noter que ces rapports et ces missions sont basés sur des expérimentations locales très concrètes et que les modifications apportées par la commission des affaires économiques tiennent compte des meilleures pratiques observées dans les territoires loués pour leur efficacité, avec l’élaboration de chartes, comme à Nantes, Paris ou Strasbourg.
Le titre II, qui vise, lui, à mettre en place une meilleure information quant aux conditions d’utilisation des terminaux mobiles et au niveau de champs associés, est également essentiel. Le cœur de cette partie est constitué par la reprise des préconisations du rapport de l’ANSES à l’article 4.
La commission des affaires économiques a aussi fait évoluer ce texte sous l’impulsion de son président, M. Raoul, qui est également rapporteur du texte et dont je tiens à saluer le travail. Il n’était pas aisé de trouver une rédaction concise et sécurisée juridiquement qui réponde aux canons légistiques.
M. Bruno Retailleau. C’est un euphémisme ! (Sourires.)
Mme Axelle Lemaire, secrétaire d’État. Il me semble que le travail accompli par votre rapporteur est de grande qualité. C’est d’ailleurs tout l’intérêt de l’examen des textes par le Sénat, une assemblée ancrée dans les territoires, au plus proche de la réalité locale et des besoins de nos concitoyens.
L’intérêt de ce travail est qu’il témoigne des expérimentations menées localement. J’ai compris que le président Raoul s’était fortement inspiré de son expérience locale et de la charte qu’il avait négociée à Angers avec les opérateurs de télécommunications. Il sait donc combien il est difficile de donner satisfaction à tout le monde et, par conséquent, combien il est nécessaire de disposer de procédures de concertation suffisamment souples pour ouvrir un espace authentique de dialogue et de débat quand le contexte social l’exige, sans pour autant créer de risques de blocage systématiques.
Le texte issu de l’examen de la commission des affaires économiques est donc, aux yeux du Gouvernement, un texte équilibré, dans la lignée de celui qui a été adopté en janvier dernier par l’Assemblée nationale. Il nourrit la même ambition : définir pour la première fois, dans la loi, un cadre complet pour le déploiement des antennes de téléphonie mobile qui s’appuie sur le principe de sobriété, mais aussi favoriser une meilleure information du public sur l’utilisation des téléphones portables.
Tous les acteurs impliqués dans cette nécessaire pédagogie doivent être sollicités : les opérateurs, naturellement, mais aussi les collectivités locales et l’État, qui doivent faire valoir l’intérêt d’utiliser des « kits mains libres ». En l’occurrence, il fallait un cadre législatif précis, et cette proposition de loi nous en fournit un.
Ce texte répond aussi à un enjeu politique, rappelé dans l’avis de l’ANSES. Les antennes relais posent un problème d’acceptabilité sociale. Il conviendrait donc de mieux accompagner l’éducation à l’usage des téléphones portables. On entend parler en ce moment des comportements de dépendance des adolescents, en particulier. Il paraît essentiel d’apprivoiser ces technologies, qui sont arrivées rapidement dans nos vies, et d’apprendre à maîtriser ces nouvelles formes de consommation.
Je retiens aussi qu’il faut, pour mieux entendre les préoccupations de nos concitoyens, créer les outils qui permettront d’ouvrir des espaces de dialogue et de concertation. Notre devoir est de faire en sorte que les nouveaux usages du numérique soient compris par nos concitoyens, et non subis au point de devenir une source d’inquiétude, d’angoisse, voire de souffrance, comme dans le cas des personnes qui souffrent d’électro-hypersensibilité.
Mme Corinne Bouchoux. C’est un vrai sujet !
Mme Axelle Lemaire, secrétaire d'État. Au-delà de ces cas spécifiques, le numérique ne doit pas être anxiogène. C’est la raison pour laquelle il faut pouvoir en parler dans un cadre juridique réglé.
L’innovation est l’une des clefs du rebond français. Elle est au cœur des trente-quatre plans pour la nouvelle France industrielle voulus par Arnaud Montebourg, qui donnent un sens et un pilotage à la création de la valeur par le travail et par l’investissement productif.
Ces plans doivent nous permettre de relever nos deux plus grands défis : l’urgence écologique et la transition numérique. Les réponses à ces défis ne peuvent se construire l’une contre l’autre, mais bien ensemble ; elles ne permettront le progrès humain que dans la mesure où elles reposeront sur la confiance des citoyens.
Tel est bien l’objectif de cette proposition de loi, que le Gouvernement soutient. (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste, du groupe CRC et du groupe écologiste.)
M. le président. La parole est à M. le rapporteur.
M. Daniel Raoul, président de la commission des affaires économiques, rapporteur. Monsieur le président, madame la secrétaire d’État, mes chers collègues, la commission des affaires économiques a adopté le 10 juin dernier la proposition de loi relative à la sobriété, à la transparence et à la concertation en matière d’exposition aux ondes électromagnétiques, après l’avoir sensiblement réécrite et avoir adopté une soixante d’amendements sans en changer l’objectif.
Cette proposition de loi, déposée par notre collègue députée Laurence Abeille, a été adoptée par l’Assemblée nationale le 23 janvier dernier. Elle fait suite, je vous le rappelle, à une première proposition de loi relative aux risques résultant des ondes électromagnétiques, du même auteur, qui avait été discutée un an plus tôt par l’Assemblée nationale et avait fait l’objet d’une motion de renvoi en commission le 31 janvier 2013.
À la suite de ce vote, le Premier ministre avait confié au professeur Jean-François Girard et à l’ancien député Philippe Tourtelier, secondés par Stéphane Le Bouler, un rapport consacré au développement des usages mobiles et au principe de sobriété, qui a été remis en novembre 2013. C’est en s’appuyant en partie sur les conclusions de ce document que Mme Abeille a déposé une nouvelle proposition de loi en décembre 2013.
La commission des affaires économiques s’est intéressée à ce texte en le replaçant au carrefour de trois enjeux essentiels : un enjeu social et, pour certains, sanitaire ; un enjeu d’aménagement numérique du territoire ; enfin, un enjeu en matière d’innovation et de compétitivité.
Pour ce qui concerne l’enjeu sanitaire et social, il faut rappeler ici avec force qu’aucune étude n’a apporté la preuve de l’existence d’un risque sanitaire lié à l’exposition aux ondes électromagnétiques. Les conclusions de l’ANSES, qui a publié une première étude sur le sujet en 2009, puis qui l’a actualisée en 2013 – vous l’avez rappelé, madame la secrétaire d'État –, sont limpides : l’exposition aux ondes électromagnétiques n’a aucun effet sanitaire avéré.
L’agence indique ainsi que l’actualisation de l’étude de 2009 « ne met pas en évidence d’effets sanitaires avérés » et ne conduit pas à proposer de « nouvelles valeurs limites d’exposition pour la population générale ». L’ANSES appelle à une certaine vigilance uniquement pour l’utilisation des téléphones portables, en conseillant en particulier aux utilisateurs intensifs, ainsi qu’aux enfants de recourir à des « kits mains libres » – autrement dit de se servir d’oreillettes ou d’un récepteur Bluetooth.
Les connaissances scientifiques n’arrivent cependant pas à dissiper les inquiétudes qui existent au sein de la population. En tant qu’élus locaux, vous avez sûrement été confrontés comme moi, mes chers collègues, aux difficultés d’acceptation de l’implantation d’antennes relais, acceptation rendue d’autant plus difficile que les opérateurs se sont, pendant de longues années, comportés comme des hussards sur les toits...
M. Roland Courteau. C’est vrai !
M. Daniel Raoul, rapporteur. J’avais d’ailleurs demandé à l’époque, dans un rapport établi au nom de l’Office parlementaire d’évaluation des choix scientifiques et technologiques, l’OPECST, que l’on accorde aux maires la possibilité d’établir un « plan d’occupation des toits », ou POT. En effet, ceux-ci découvrent souvent que des antennes ont été implantées sans qu’ils en aient été informés.
L’expérience est d’autant plus douloureuse pour les élus locaux que le maire ne dispose que de sa compétence en matière d’urbanisme : l’implantation des antennes relais relève en effet de la compétence de l’État, par le biais de l’Agence nationale des fréquences, l’ANFR.
Pour autant, le maire reste l’interlocuteur privilégié de nos concitoyens. Notre collègue Edmond Hervé aimait rappeler que le maire était le seul élu « à portée de baffe ». Autrement dit, la notion de proximité est toute relative : elle peut se résumer à la longueur d’un bras ! (Sourires.)
La loi Grenelle I a donc, à juste titre, consacré la nécessité d’associer les élus locaux à l’implantation des antennes relais. L’Association des maires de France, l’AMF, et l’Association française des opérateurs mobiles, l’AFOM, ont publié en décembre 2007 un Guide des relations entre opérateurs et communes, le GROC, qui organise le dialogue entre opérateurs et élus locaux, ainsi que l’information de la population. Enfin, une centaine de chartes a été conclue entre les opérateurs et des municipalités : d’expérience, je sais que ces documents ont permis d’apaiser bon nombre d’inquiétudes sur le terrain.
Je relève par ailleurs une certaine contradiction entre la sensibilité de nos concitoyens vis-à-vis de l’implantation des antennes relais, attitude assez unique en Europe, et la moindre sensibilité de l’opinion publique vis-à-vis des ondes électromagnétiques des téléphones mobiles.
Depuis plus de dix ans, notamment depuis un rapport que j’avais eu l’honneur de rédiger avec notre regretté collègue Jean-Louis Lorrain au nom de l’OPECST, l’Office parlementaire d’évaluation des choix scientifiques et technologiques,…
M. Bruno Retailleau. Un excellent rapport !
M. Daniel Raoul, rapporteur. … les pouvoirs publics recommandent l’utilisation du « kit mains libres » pour les communications vocales par téléphone mobile. Or combien parmi nos concitoyens et combien parmi nous, qui sommes, pour certains – j’ai des noms en tête ! (Sourires.) –, des utilisateurs intensifs du téléphone portable, respectent cette recommandation ?
Le deuxième enjeu lié à cette proposition de loi est relatif à l’aménagement numérique du territoire. En tant qu’élus locaux, nous connaissons tous la problématique des « zones blanches » ou des « zones grises », un sujet qui a donné lieu à de nombreux rapports de notre Haute Assemblée. Nous nous battons au quotidien pour la bonne couverture de nos territoires. L’accès à internet et la bonne qualité de service sont une exigence forte de nos concitoyens, un élément d’attractivité de nos territoires et, sans doute, un élément indispensable à l’activité de nos TPE et de nos PME.
Les opérateurs ont pris des engagements concernant la couverture du territoire. L’Autorité de régulation des communications électroniques et des postes, l’ARCEP, a ouvert, le 27 mai dernier, cinq enquêtes administratives relatives au déploiement des réseaux mobiles et à la qualité des services fixes des opérateurs, dont trois portent spécifiquement sur le respect des engagements de ces derniers quant au déploiement des réseaux mobiles.
La commission des affaires économiques a donc gardé à l’esprit, au moment d’examiner cette proposition de loi, cet enjeu d’aménagement numérique du territoire, sachant que les opérateurs s’inquiètent des délais importants pour le déploiement des antennes relais, qui s’élèvent à près de deux ans, soit un des niveaux les plus élevés d’Europe.
Le troisième enjeu que j’ai identifié est celui de l’innovation et de la compétitivité. Le numérique est un secteur clef pour l’innovation et la compétitivité de notre pays.
Je veux rappeler à ce titre la politique mise en œuvre par le ministère de l’éducation nationale pour promouvoir l’école numérique. Je tiens notamment à souligner l’intérêt de développer l’enseignement du numérique dans toutes nos écoles. J’ai même cru entendre que le ministre de l’éducation nationale s’était engagé à demander une rallonge budgétaire pour améliorer l’équipement de nos écoles dans le domaine du numérique.
Le Gouvernement a par ailleurs mis en place trente-quatre plans de reconquête industrielle destinés à structurer une stratégie de croissance économique pour la France dans les années qui viennent : près du tiers de ces trente-quatre plans sont liés au secteur du numérique ou aux objets connectés.
Le lien entre numérique et compétitivité se fait également par l’école, je viens de le rappeler. Les Gouvernements successifs, mais aussi les élus locaux, ont ainsi pris des initiatives pour favoriser le numérique à l’école ou au collège, et le Gouvernement s’apprête à présenter de nouvelles propositions en la matière. Ce texte, notamment les dispositions de son titre II, ne peut être examiné sans porter attention à cet enjeu essentiel.
J’en viens au contenu de la proposition de loi, telle qu’elle a été adoptée par l’Assemblée nationale.
Le titre Ier porte sur le principe de modération et sur la concertation et l’information en ce qui concerne l’implantation des antennes relais.
L’article 1er est une des dispositions phares du texte. Il assigne aux pouvoirs publics un objectif de modération de l’exposition du public aux champs électromagnétiques ; il instaure une procédure d’information du maire sur les nouvelles implantations d’antennes relais, autrement dit sur le flux ; il prévoit une procédure de concertation et d’information du public placée sous l’autorité du maire ; il prévoit un suivi des points atypiques, c’est-à-dire des points du territoire marqués par un niveau d’exposition aux champs électromagnétiques particulièrement élevé à l’échelle nationale, avec une nécessaire résorption de ces points.
La définition de ces points atypiques nous a occupés un certain temps, et la dernière version que nous avons adoptée, madame la secrétaire d'État, est la vôtre. Autrement dit, elle est plus précise que celle que l’ANFR nous avait proposée.
Le titre II comprend, quant à lui, des dispositions relatives à l’information et à la sensibilisation des utilisateurs des équipements radioélectriques.
L’article 3 consacre – j’y reviendrai –, parmi les missions de l’ANSES, une mission de veille et de vigilance en matière de radiofréquences.
L’article 4 comprend plusieurs dispositions. Il étend tout d’abord l’obligation d’affichage du débit d’absorption spécifique, le DAS, qui existe pour les téléphones mobiles, aux équipements terminaux radioélectriques pour lesquels le fabricant a déjà l’obligation de le mesurer. Il impose ensuite de faire figurer le DAS directement sur l’appareil. Enfin, il prévoit que tout équipement radioélectrique dispose d’un mécanisme simple permettant à chaque utilisateur de désactiver l’accès à internet.
L’article 5 porte quant à lui sur la publicité. Il étend l’interdiction de cette dernière à destination des enfants de moins de quatorze ans, qui existe, depuis le « Grenelle II », pour les téléphones mobiles, à d’autres équipements terminaux radioélectriques. Il impose, à la manière des publicités pour les produits gras ou sucrés, que toute publicité pour les téléphones mobiles indique la recommandation d’usage du « kit mains libres ». Ce n’est pas une nouveauté pour moi, qui avais inscrit cette préconisation dans mon rapport de 2002 ! (Mme Anne-Marie Escoffier approuve.)
L’article 7 porte sur l’école et les crèches. Il prévoit notamment que, dans les crèches, l’installation d’une « box » est interdite dans les espaces dédiés à l’accueil, au repos et aux activités des enfants de moins de trois ans.
L’article 8 prévoit, enfin, la remise au Parlement d’un rapport – mes chers collègues, vous connaissez mon tropisme à cet égard ! (Sourires.) – sur la question de l’électro-hypersensibilité.
La commission des affaires économiques a estimé que ce texte comprend certaines dispositions bienvenues auxquelles elle ne peut qu’adhérer. Je pense, tout d’abord, au rôle donné au maire dans une procédure de concertation et d’information préalable à l’implantation des antennes relais : les dispositions de l’article 1er relatives à l’information du maire sur les nouvelles antennes relais permettent de consacrer en droit certaines recommandations du Guide des relations entre opérateurs et communes, le GROC. De même, pour avoir été confronté à cette question en tant qu’élu local, il me semble évident que le maire ne peut rester à l’écart de la concertation.
M. Roland Courteau. C’est sûr !
M. Daniel Raoul, rapporteur. Il convient cependant qu’il reste libre de mettre en place ou non une telle procédure.
Autre disposition bienvenue, l’obligation de mention du DAS pour d’autres équipements terminaux radioélectriques que les téléphones mobiles, par exemple les tablettes. Cette disposition de l’article 4 concrétise une recommandation formulée par l’ANSES dans son rapport de 2013. Il est indispensable, dans un souci de transparence, que le consommateur connaisse la puissance des produits qu’il achète.
Troisième exemple de disposition utile, la mention de la recommandation d’usage d’un « kit mains libres » dans les publicités pour les téléphones mobiles. Cette disposition est pleinement cohérente avec la préoccupation qui est la mienne depuis mon rapport de 2002.
Enfin, la commission se félicite que la proposition de loi permette d’évoquer la question de l’électro-hypersensibilité. Nous avons tous été confrontés aux témoignages de certains de nos concitoyens en souffrance. Je veux vous assurer, pour avoir auditionné certaines personnes, que la souffrance est évidente ; j’y suis très sensible. Ensuite, se pose le problème de la causalité de cette souffrance, ce qui est une autre question.
L’électro-hypersensibilité demeure aujourd’hui un sujet de controverse au sein du monde médical. Il me paraît cependant indispensable de soulever cette question, sachant que l’ANSES devrait remettre une étude sur le sujet au printemps de 2015, si mes informations sont exactes.
Pour autant, comme je l’indiquais tout à l’heure, la commission a adopté une soixante d’amendements, dont une douzaine signée par notre collègue, M. Raymond Vall, rapporteur pour avis de la commission du développement durable, dont je salue la qualité des propositions, même si nous ne les avons pas toutes retenues.
Je tiens d’ailleurs à dire solennellement que je n’accepte pas la tonalité et les allusions de certaines critiques émises après la réunion de la commission de la semaine dernière. Non, la commission n’a pas cédé au lobbying des opérateurs ! Non, elle n’a pas fait passer les intérêts privés et le chantage des opérateurs avant l’intérêt général et la protection sanitaire de la population !
M. Roland Courteau. Très bien !
M. Jacques Mézard. Bravo !
M. Daniel Raoul, rapporteur. J’ai été profondément choqué par ces critiques infondées, à titre personnel, en tant que rapporteur, mais aussi en tant que président de la commission des affaires économiques. J’estime que l’ensemble des commissaires ont eu à cœur de défendre l’intérêt général et d’aboutir à un texte équilibré, prenant en compte les trois enjeux sanitaire, d’aménagement numérique du territoire et de compétitivité. Et je dois dire que j’ai été encore plus choqué que ce communiqué ait été signé par un membre de la commission !
Les amendements adoptés par la commission des affaires économiques ont permis d’améliorer sensiblement la proposition de loi adoptée par les députés. Ils ont visé plusieurs objectifs.
Le premier objectif est simple : il a fallu faire, pour parler clairement, un peu de « ménage » dans le texte adopté par les députés. Un peu de ménage sémantique, tout d’abord. Je ne citerai qu’un seul exemple : l’article 4 mentionnait tour à tour les « équipements radioélectriques », puis, les « appareils émettant un champ électromagnétique de radiofréquence », enfin, les « équipements émetteurs de champs électromagnétiques », sans que la portée de chacun de ces termes ne soit définie et sans que personne, au cours des auditions que nous avons effectuées, mon collègue Joël Labbé et moi-même, soit en mesure d’appréhender la nuance entre chacun d’entre eux.
Le ménage s’est poursuivi avec la suppression de redondances, car certaines dispositions de la proposition de loi étaient redondantes entre elles ou avec le droit en vigueur, et la suppression de dispositions qui ne relèvent clairement pas de la loi : au-delà de la demande de rapport, qui figurait à l’article 8, je pense surtout à l’article 6.
Notre deuxième objectif a été de clarifier certaines dispositions et procédures prévues par le texte.
Pour ce qui concerne l’objectif de « modération » mentionné par la proposition de loi, la commission lui a préféré un objectif de « sobriété », car le terme de modération renvoie, selon moi et dans le langage courant, à une diminution de l’exposition aux ondes électromagnétiques, alors même qu’aucun risque sanitaire n’est avéré et que la couverture numérique du territoire est souhaitée par tous.
La commission a également clarifié la procédure de concertation et d’information, en précisant qu’il reviendra bien au maire de choisir s’il souhaite une telle phase, qu’il en sera l’arbitre, sans pour autant émettre d’avis sur les projets d’implantation, et que cette phase sera préalable à l’autorisation donnée par l’Agence nationale des fréquences, l’ANFR.
Notre troisième objectif a été d’ajuster ou de supprimer des dispositions inapplicables techniquement ou non conformes au droit européen.
Ainsi, pour ce qui concerne les points atypiques, la commission a supprimé la référence, dans la définition de ces points, à la moyenne nationale, puisqu’il est ressorti de nos auditions des représentants de l’ANFR que cette dernière n’est pas en mesure de calculer une telle moyenne. De la même manière, la commission a précisé que la résorption de ces points doit se faire sous réserve de faisabilité technique : il n’est pas toujours possible de résorber un point atypique, pour des raisons urbanistiques, par exemple, mais nous y reviendrons lors de l’examen des amendements.
Pour ce qui concerne le DAS, la commission a été contrainte de supprimer l’obligation de le faire figurer sur l’appareil. Cette disposition est contraire au droit européen, notamment à la liberté de circulation des marchandises. Je l’avais appris lors de mon combat pour le chargeur universel : je ne pouvais pas imposer une prise spécifique pour la France, universellement compatible avec tous les téléphones.
M. Roland Courteau. Eh oui !
M. Claude Dilain. C’est bien dommage !
M. Daniel Raoul, rapporteur. Par ailleurs, les modalités d’affichage du DAS relèvent d’un simple arrêté.
Je pense cependant, madame la secrétaire d'État, qu’une réflexion s’impose sur cette question : il pourrait être utile d’étudier l’idée, développée par l’auteur de la proposition de loi, de faire figurer un autocollant ou un sticker sur l’appareil. J’ignore l’impact économique de cette proposition ; en tout cas, elle mérite d’être examinée.
Notre dernier objectif a été d’ajuster, voire de supprimer certaines dispositions dont l’impact économique n’avait pas été évalué et pourrait être potentiellement désastreux pour certains secteurs, sans s’appuyer sur des risques sanitaires avérés.
Je pense notamment à la disposition visant à interdire la publicité pour les équipements terminaux radioélectriques autres que les téléphones mobiles pour les enfants de moins de quatorze ans. Cette disposition était très floue, puisqu’elle visait potentiellement un grand nombre d’appareils. Outre qu’elle ne paraît pas justifiée d’un point de vue sanitaire, puisqu’il ne s’agit pas d’appareils portés à la tête, elle pourrait avoir un impact désastreux pour certains secteurs économiques, tels que la filière du jouet ou le secteur des jeux vidéos. La commission a donc adopté l’amendement de suppression du président Raymond Vall.
Nous examinerons tout à l’heure plus d’une cinquantaine d’amendements sur cette proposition de loi, dont une dizaine du Gouvernement. Rassurez-vous, madame la secrétaire d’État, la commission invitera le Sénat à adopter plusieurs d’entre eux ! (Sourires.)
Au terme de notre discussion, j’espère que la Haute Assemblée adoptera cette proposition de loi, largement améliorée par rapport à la version adoptée par les députés, faisant ainsi une nouvelle fois la preuve de la qualité de ses travaux et de la sagesse de ses réflexions. (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste, du groupe CRC et du RDSE.)
M. le président. La parole est à M. le rapporteur pour avis.
M. Raymond Vall, président de la commission du développement durable, des infrastructures, de l'équipement et de l'aménagement du territoire, rapporteur pour avis. Monsieur le président, madame la secrétaire d’État, monsieur le président de la commission des affaires économiques, mes chers collègues, les principales dispositions de la proposition de loi ayant été rappelées à l’instant, j’évoquerai simplement quatre points sur lesquels je veux attirer votre attention et qui, à mon sens, sont déterminants : la réalité de l’exposition du public aux ondes, le risque sanitaire, la responsabilité de l’État dans la procédure d’implantation des antennes relais et l’aménagement numérique du territoire, qui constitue un enjeu fondamental. Ainsi, la Haute Assemblée pourra se prononcer sur ce texte en connaissance de cause.
Premièrement, j’évoquerai l’exposition du public aux ondes. Nous vivons dans un environnement baigné par les ondes, lesquelles proviennent, entre autres et, dans le désordre, de la radio, de la télévision, des radars, des réseaux professionnels – gendarmerie, pompiers, taxis, etc. –, des balises Argos, de la téléphonie mobile, du Wi-Fi, des plaques à induction, des fours micro-ondes, ou encore des compteurs intelligents. Je souligne, au passage, que les émetteurs de radio et de télévision fonctionnent vingt-quatre heures sur vingt-quatre depuis plus de cinquante ans sans qu’aucun danger pour la santé des riverains n’ait été constaté.
À la suite du Grenelle des ondes, diverses expérimentations ont été menées en France dans le cadre du comité opérationnel, puis du comité de pilotage. Ces travaux ont permis de mieux caractériser l’exposition environnementale de la population aux ondes provenant des antennes de téléphonie mobile.
L’état des lieux a montré que, sur seize lieux d’expérimentation situés en zones urbaines, rurales, périurbaines et montagneuses, environ 90 % des niveaux d’exposition sont inférieurs à 0,7 volt par mètre, et 99 % inférieurs à 2,7 volts par mètre.
Pour mémoire, les valeurs limites réglementaires sont comprises entre 40 et 61 volts par mètre. Ces valeurs ont été définies par un décret de 2002, pris en application d’une recommandation du Conseil de l’Union européenne de 1999, sur la base de seuils définis par l’Organisation mondiale de la santé.
Le constat est donc sans appel : l’exposition environnementale aux ondes de la téléphonie mobile est particulièrement faible, où que l’on se situe sur le territoire national. Elle est, dans la plupart des cas vérifiés, en deçà des normes en vigueur.
Il faut, en outre, rappeler, même si ce n’est pas nécessairement intuitif, que la multiplication des antennes relais a pour effet une diminution de l’exposition environnementale. Plus le réseau d’antennes est dense, plus leurs émissions sont faibles pour la même couverture et la même qualité de service.
Deuxièmement, j’évoquerai l’absence de risque sanitaire avéré. Même si on fait dire bien des choses au rapport de 2013 de l’ANSES, qui est l’étude de référence en matière de connaissance des risques liés aux radiofréquences, j’aimerais rappeler ce qui est effectivement dit dans cette expertise collective.
L’ANSES constate que des effets biologiques peuvent être observés en deçà des valeurs limites d’exposition aux radiofréquences, définies au niveau international. Pour autant, les experts de l’agence n’ont pu établir de lien de causalité entre ces effets et d’éventuels effets sanitaires qui en résulteraient. Les conclusions de l’évaluation des risques ne mettent donc pas en évidence d’effets sanitaires avérés, comme Mme la secrétaire d’État et M. le rapporteur de la commission des affaires économiques l’ont rappelé voilà quelques instants. L’ANSES n’estime donc pas utile de redéfinir les valeurs limites d’exposition aux ondes.
Certaines publications évoquent toutefois une possible augmentation du risque de tumeur cérébrale sur le long terme pour les utilisateurs intensifs de téléphones portables. C’est pourquoi l’Agence a émis trois recommandations : tout d’abord, réduire l’exposition des enfants en incitant à un usage modéré du téléphone portable et en privilégiant le recours au « kit mains libres » ; ensuite, pour les adultes utilisateurs intensifs de téléphonie mobile en mode conversation, recourir au « kit mains libres » et aux terminaux mobiles avec les débits d’absorption spécifiques, ou DAS, les plus faibles ; enfin, étudier de manière approfondie l’éventuelle multiplication du nombre d’antennes relais, afin de réduire les niveaux d’exposition environnementaux du public.
Le rapport ne dit rien d’autre : il n'y a pas de risque avéré sur l’exposition environnementale, mais la vigilance est nécessaire sur l’usage du terminal mobile.
Troisièmement, j’en viens au rôle de l’État. Il faut le redire ici clairement : ce dernier, à travers l’Agence nationale des fréquences, est seul compétent pour coordonner l’implantation sur le territoire national des stations radioélectriques de toute nature et pour veiller au respect des valeurs limites d’exposition du public aux champs électromagnétiques. Le pilotage par l’État est la garantie d’un niveau élevé et uniforme de protection de la santé, ainsi que d’un fonctionnement optimal des réseaux, notamment par une couverture complète du territoire.
La seule compétence du maire, qui d’ailleurs lui permet d’être informé, tient à ses pouvoirs en matière d’urbanisme : aucune antenne ne peut être implantée sans déclaration de travaux.
Dès lors, ce texte, qui place le maire au cœur d’une procédure de concertation et de médiation, alors même qu’il n’a aucun pouvoir de décision en matière d’autorisation ou de refus d’installation des antennes, n’est pas un bon signal. Il risque de placer les élus dans une situation encore plus délicate que celle qu’ils connaissent actuellement et de ralentir le déploiement des réseaux de téléphonie.
M. Bruno Retailleau. Absolument !
M. Raymond Vall, rapporteur pour avis. Cela me conduit à aborder mon dernier point : l’enjeu de l’aménagement numérique du territoire.
Je crois qu’il nous faut prendre garde, avec les dispositions de ce texte, à ne pas complexifier la procédure d’installation des antennes relais à un point tel que nous mettrions en péril l’aménagement numérique du territoire.
Il y a maintenant quinze jours, l’Autorité de régulation des communications électroniques et des postes, l’ARCEP, a ouvert trois enquêtes administratives à l’égard des opérateurs, en vue de s’assurer du respect de leurs obligations : l’une sur Free Mobile, qui est tenu de couvrir en 3G, hors itinérance sur le réseau d’Orange, 75 % de la population d’ici au 12 janvier 2015 ; une autre à l’égard de Bouygues, Free, Orange et SFR, portant sur le déploiement d’un réseau 3G commun dans 3 500 communes rurales d’ici à la fin de l’année 2013 ; enfin, une enquête à l’égard de SFR, pour s’assurer que la dernière échéance de déploiement de son réseau mobile 3G a bien permis de couvrir la cible de 99,3 % de la population.
En l’absence d’éléments sanitaires probants, il convient de ne pas mettre en péril le désenclavement numérique de notre territoire, et en particulier des zones rurales. Il y va de l’intérêt général.
C’est à partir de ce constat que la commission du développement durable a adopté une trentaine d’amendements, largement repris ou satisfaits par la commission des affaires économiques. Je salue, d’ailleurs, l’état d’esprit constructif qui a présidé à ces travaux.
Ces amendements avaient trois objets principaux : tout d'abord, renforcer l’information du maire sur les installations situées sur le territoire de sa commune, sans pour autant placer ce dernier au cœur d’une procédure d’implantation qui n’est pas de sa compétence ; ensuite, améliorer la cohérence et la qualité rédactionnelle du texte ; enfin, supprimer un certain nombre de contraintes inutiles à nos yeux. Je pense, en particulier, à l’interdiction du Wi-Fi dans les écoles primaires lorsque celui-ci n’est pas utilisé pour les activités numériques pédagogiques, alors même que le Gouvernement a fait de l’école numérique une de ses priorités. Une telle mesure, en outre, aurait eu pour conséquence de mettre en cause la responsabilité des maîtres d’ouvrage, les maires, ainsi que des enseignants.
Je crois que l’on touche ici à l’un des écueils de cette proposition de loi, qui, sous d’apparentes bonnes intentions, crée de l’insécurité juridique et complexifie les situations concrètes.
Je terminerai sur ce point : il est important de ne pas placer le débat sur le plan d’une inquiétude irrationnelle, mais bien, comme l’a souligné Mme la secrétaire d'État, de créer un climat de confiance, lequel ne peut reposer que sur les éléments objectifs de connaissance scientifique et sanitaire dont nous disposons.
C’est au vu de ces éléments que nous avons examiné ce texte et proposé des amendements à la commission des affaires économiques, dont je salue, encore une fois, le travail. (Applaudissements sur les travées du RDSE, du groupe socialiste et de l'UMP.)
M. le président. La parole est à Mme Mireille Schurch.
Mme Mireille Schurch. Monsieur le président, madame la secrétaire d’État, mes chers collègues, au travers de cette proposition de loi, le groupe écologiste de l’Assemblée nationale a souhaité répondre à une attente légitime, et désormais ancienne, de la population : appliquer le principe de précaution en matière d’ondes électromagnétiques.
Le principe de précaution, tel qu’il est défini dans la Charte de l’environnement, indique en effet que « lorsque la réalisation d’un dommage, bien qu’incertaine en l’état des connaissances scientifiques, pourrait affecter de manière grave et irréversible l’environnement, les autorités publiques veillent à la mise en œuvre de procédures d’évaluation des risques et à l’adoption de mesures provisoires et proportionnées afin de parer à la réalisation du dommage ». Ce principe vaut également dans le domaine sanitaire.
En matière d’exposition aux ondes électromagnétiques, la réalisation du dommage n’est pas certaine et les risques sont encore non avérés au regard des connaissances scientifiques actuelles. Néanmoins, il existe, au vu du nombre de rapports publiés sur le sujet, une présomption de risque qu’il convient de prendre en compte. En d’autres termes, la preuve n’a pas été apportée de la non-existence de ce risque.
M. Joël Labbé. C’est vrai !
Mme Mireille Schurch. Il s’agit donc, au travers de cette proposition de loi, de créer les conditions d’une prise en compte de ce risque possible, afin de le limiter de manière proportionnée et provisoire.
Nous regrettons que la commission des affaires économiques ait fait le choix d’écarter l’ensemble des dispositions de ce texte qui mentionnaient ce risque possible, supprimant l’idée même d’une protection des personnes au sein du titre II. Nous n’approuvons pas cette démarche, qui conduit à contourner le principe de précaution.
En même temps, nous ne sommes pas surpris : voilà seulement quelques semaines, lors de l’examen d’une proposition de loi de M. Bizet, une majorité s’était constituée au Sénat pour remettre en cause ce principe de précaution et ce qui fait sa spécificité en France et en Europe.
Mme Nathalie Goulet. Pas avec moi !
Mme Mireille Schurch. Que reste-t-il aujourd’hui, en termes de contenu, dans cette proposition de loi ?
Dans son titre Ier, le texte crée une procédure de consultation et d’information de la population lors de l’implantation d’antennes relais. Il s’agit ici de mesures de bonne gouvernance tendant à prévoir une consultation de la population, mesures préconisées dans le rapport Girard-Tourtelier que vous avez évoqué précédemment, madame la secrétaire d’État.
Nous sommes, bien évidemment, favorables à la concertation et à l’information en la matière. D'ailleurs, de nombreux maires effectuent, d’ores et déjà, ce travail auprès de la population, mais c’est une bonne chose que de l’inscrire dans la loi. Pour autant, la procédure législativement consacrée n’est pas très claire.
On ne sait toujours pas quel est l’objet de cette procédure d’information et de consultation. Portera-t-elle sur le lieu d’implantation ou sur l’autorisation elle-même ? Le débat permettra sans doute d’éclairer ce point. Il est indiqué que le maire ou le président de l’intercommunalité est à son initiative et qu’elle se déroule sous son autorité, à charge d'ailleurs pour le maire de solliciter l’opérateur afin de recueillir des informations nécessaires à la consultation. Nous estimons, au fond, qu’une telle mesure fait peser une forte responsabilité et un risque contentieux réel sur les élus locaux, dont les pouvoirs en matière d’autorisation restent, parallèlement, quasiment inexistants.
On ne sait pas, non plus, qui financera cette consultation. Dans le contexte d’asphyxie des collectivités, comment croire que celles-ci en auront les moyens, surtout si la consultation restait facultative – je crois que tel ne devrait pas être le cas – et si aucune obligation de contenu n’était définie dans la loi ? Il y a fort à craindre que cette consultation ne soit, le plus souvent, minimale.
Enfin, rien ne vient préciser de quelle manière les conclusions de cette concertation auront un impact sur la décision prise par l’Agence nationale des fréquences, l’ANFR. Or il est évident qu’une consultation n’a de sens que si sa portée est réelle.
Nous proposerons, pour notre part, une évolution du processus de décision par l’inscription dans la loi d’une disposition prévoyant que toute implantation doit faire l’objet d’un accord express de l’ANFR. Aujourd’hui, en effet, en cas de silence de l’administration durant deux mois, l’accord est réputé acquis.
Nous regrettons également que ne soit pas abordée dans cette proposition de loi la question qui nous semble primordiale en matière d’antennes relais : celle du seuil d’exposition maximale.
Nous proposerons donc, par voie d’amendement, d’adosser au principe de sobriété le principe ALARA – c'est-à-dire, en anglais, as low as reasonably achievable – afin de définir clairement que le niveau des émissions doit être aussi bas que c’est raisonnablement possible. Nous portons, avec de nombreuses associations, et dans la suite du Grenelle des ondes, l’idée qu’il faut réduire le seuil d’acceptabilité à 0,6 volt par mètre. Il est donc nécessaire de revenir sur le décret de 2002. Nous attendons vos réponses sur ce sujet, madame la secrétaire d'État.
S’agissant du titre II de cette proposition de loi, qui est plus spécifiquement relatif aux usages en matière de téléphonie mobile comme de Wi-Fi, force est de constater qu’il a été vidé de sa substance. Les mesures restantes nous semblent certes positives, mais à portée limitée.
Sur le fond, je voudrais faire part d’un regret. Depuis les années quatre-vingt-dix, le secteur des télécommunications a été ouvert à la concurrence. C’est notamment le cas en France depuis 1996.
Cette libéralisation a conduit à la multiplication des infrastructures concurrentes, donc à celle des émissions, en particulier dans les zones tendues, alors que des pans entiers du territoire n’étaient couverts ni pour la téléphonie mobile ni pour le numérique. Il y avait alors trois sortes de zones : denses, grises et blanches.
J’en profite d’ailleurs pour souligner que les opérateurs sont particulièrement mal fondés à combattre cette proposition de loi en tant qu’elle représenterait une atteinte à l’aménagement du territoire et à la couverture par le très haut débit. C’est bien la concurrence libre et non faussée qui empêche cette couverture intégrale, faute d’une rentabilité suffisante dans les zones blanches pour les actionnaires de ces sociétés.
S’il est nécessaire de restaurer la confiance – et tel est le cas – par une meilleure information, ce qui est l’objet principal de cette proposition de loi, il est également urgent, au regard des impacts sanitaires probables, d’identifier un modèle de développement des infrastructures compatible avec l’objectif de sobriété. Pour nous, il s’agit d’une maîtrise publique renforcée.
Dans ce cadre, nous restons convaincus que la question du fibrage reste un objectif politique majeur, tant l’enjeu du développement numérique est important pour l’économie de nos territoires.
L’aménagement numérique et technologique sur le territoire national devrait relever du seul service public. En effet, le déploiement et l’exploitation d’un seul réseau par la puissance publique auraient permis d’éviter, à la fois, les déserts numériques et la surabondance des sources d’ondes électromagnétiques dans les zones denses.
Voilà, madame la secrétaire d'État, mes chers collègues, les quelques éléments que je souhaitais soumettre à votre attention. Pour notre part, nous abordons l’examen de cette proposition de loi dans un esprit de bienveillance. (Applaudissements sur les travées du groupe CRC, du groupe socialiste et du groupe écologiste.)
M. le président. Mes chers collègues, nous allons maintenant interrompre nos travaux ; nous les reprendrons à vingt et une heures trente.
La séance est suspendue.
(La séance, suspendue à dix-neuf heures vingt-cinq, est reprise à vingt et une heures trente, sous la présidence de M. Jean-Léonce Dupont.)
PRÉSIDENCE DE M. Jean-Léonce Dupont
vice-président
M. le président. La séance est reprise.
7
Convocation du Parlement en session extraordinaire
M. le président. M. le président du Sénat a reçu de M. le Premier ministre communication du décret de M. le Président de la République en date du 17 juin 2014 portant convocation du Parlement en session extraordinaire à compter du 1er juillet 2014.
Je donne lecture de ce décret :
« Le Président de la République,
« Sur le rapport du Premier ministre,
« Vu les articles 29 et 30 de la Constitution,
« Décrète :
« Article 1er. - Le Parlement est convoqué en session extraordinaire le mardi 1er juillet 2014.
« Article 2. – L’ordre du jour de cette session extraordinaire comprendra :
« 1. Le débat d’orientation des finances publiques ;
« 2. L’examen ou la poursuite de l’examen des projets de loi suivants :
« - Projet de loi de finances rectificative pour 2014 ;
« - Projet de loi de financement rectificative de la sécurité sociale pour 2014 ;
« Projet de loi de règlement du budget et d’approbation des comptes de l’année 2013 ;
« - Projet de loi relatif à la délimitation des régions, aux élections régionales et départementales et modifiant le calendrier électoral ;
« - Projet de loi relatif à l’économie sociale et solidaire ;
« - Projet de loi pour l’égalité entre les femmes et les hommes ;
« - Projet de loi portant réforme ferroviaire ;
« - Projet de loi d’avenir pour l’agriculture, l’alimentation et la forêt ;
« - Projet de loi tendant à renforcer l’efficacité des sanctions pénales ;
« - Projet de loi relatif à la sécurisation des contrats de prêts structurés souscrits par les personnes morales de droit public ;
« - Projet de loi renforçant la prévention et la répression du terrorisme (sous réserve de son dépôt) ;
« 3. L’examen ou la poursuite de l’examen des propositions de loi suivantes :
« - Proposition de loi organique relative à la nomination des dirigeants de la SNCF ;
« - Proposition de loi facilitant le déploiement d'un réseau d'infrastructures de recharge de véhicules électriques sur l’espace public ;
« - Proposition de loi relative aux taxis et aux voitures de transport avec chauffeur (sous réserve de son dépôt) ;
« - Proposition de loi relative à la sécurisation des transactions relatives à la zone d'aménagement concerté du quartier de Gerland (Lyon), n° 2031 ;
« - Proposition de loi relative à la sécurisation des transactions relatives à la zone d'aménagement concerté du quartier de Gerland (Lyon), n° 2032 ;
« 4. L’examen ou la poursuite de l’examen des projets de loi autorisant l’approbation des accords internationaux suivants :
« - Projet de loi autorisant l’approbation de l’accord entre le Gouvernement de la République française et le Gouvernement de Géorgie relatif à la coopération en matière de sécurité intérieure ;
« - Projet de loi autorisant la ratification du protocole modifiant l’accord de transport aérien entre la Communauté européenne et ses États membres, d’une part, et les États-Unis d’Amérique, d’autre part ;
« - Projet de loi autorisant l’approbation de la convention postale universelle ;
« - Projet de loi autorisant l’approbation de l'arrangement concernant les services postaux de paiement ;
« - Projet de loi autorisant l’approbation de l’accord de coopération en matière de sécurité intérieure entre le Gouvernement de la République française et le Gouvernement de l’État des Émirats arabes unis ;
« - Projet de loi autorisant l’approbation de l’accord entre le Gouvernement de la République française et le Gouvernement de la République libanaise relatif à la coopération en matière de sécurité intérieure, de sécurité civile et d'administration ;
« 5. Une séance de questions par semaine, ainsi qu’une séance supplémentaire à l’Assemblée nationale consacrée aux questions relatives à l’énergie.
« Article 3. - Le Premier ministre est responsable de l’application du présent décret, qui sera publié au Journal officiel de la République française.
« Fait le 17 juin 2014.
« Par le Président de la République :
« Le Premier ministre,
« Manuel Valls ».
Acte est donné de cette communication.
Mes chers collègues, la conférence des présidents, qui se réunira demain à dix-neuf heures, établira l’ordre du jour de la session extraordinaire. Il sera donné lecture de ses conclusions demain soir, à la reprise de la séance.
8
Exposition aux ondes électromagnétiques
Suite de la discussion d’une proposition de loi dans le texte de la commission
M. le président. Nous reprenons la discussion de la proposition de loi, adoptée par l’Assemblée nationale, relative à la sobriété, à la transparence et à la concertation en matière d’exposition aux ondes électromagnétiques.
Dans la suite de la discussion générale, la parole est à M. Joël Labbé. (Applaudissements sur les travées du groupe écologiste.)
M. Joël Labbé. Monsieur le président, madame la secrétaire d'État, mes chers collègues, sobriété, transparence, concertation en matière d’ondes électromagnétiques : voilà un titre qui est clair.
Cette proposition de loi, portée à l’Assemblée nationale par Mme Laurence Abeille, députée écologiste, dont je tiens à saluer la présence dans nos tribunes (Applaudissements sur les travées du groupe écologiste.), a connu, certes, quelques difficultés au démarrage. Pourtant, c'est un texte qui n’est ni idéologique, ni dogmatique. Il met tout simplement en avant la garantie de la santé pour nos concitoyens, tout en assurant une bonne couverture numérique de notre territoire.
M. Bruno Sido. C'est le bonheur ! (Sourires sur les travées de l'UMP.)
M. Joël Labbé. En dépit des difficultés, un compromis a pu émerger, ce qui a conduit, selon la formule de notre rapporteur Daniel Raoul, à une certaine « sédimentation d’amendements », qui s’est faite en partie au détriment de la qualité rédactionnelle de ce texte.
M. Daniel Raoul, président de la commission des affaires économiques, rapporteur. C'est un euphémisme…
M. Joël Labbé. Notre commission des affaires économiques a veillé à remédier à ces défauts, et le texte est aujourd’hui beaucoup plus clair qu’il ne l’était à l’issue des travaux de l’Assemblée nationale – c'est là aussi le rôle du Sénat.
Malheureusement, certaines dispositions essentielles du texte qui, d’ailleurs, étaient issues non pas directement des réflexions écologistes, mais bien de la démarche de concertation tripartite du Grenelle des ondes, ont été supprimées au passage. Nous vous proposons, au travers d’une dizaine d’amendements, de rétablir quelques-unes de ces dispositions essentielles et nécessaires, que nos concitoyens attendent.
Il nous semble en effet primordial de rétablir le caractère systématique de la concertation locale lors de l’implantation des antennes. Cela aura pour effet de rassurer les citoyens et de les informer correctement de la réalité des émissions des installations. Il s’agit d’une mesure de transparence et certainement du meilleur moyen, pour tous ceux qui soutiennent que les antennes sont sans danger, de le démontrer localement, y compris en informant le conseil d’école lors de l’implantation d’un nouveau réseau.
L’organisation de la concertation redonne un rôle au maire. Certes, celui-ci ne reçoit pas une compétence et un pouvoir de décision au niveau local, mais les élus locaux ne seront plus laissés de côté dans ce type de projet.
Ce qui est caché, ou ce qui est non dit, est toujours source d’anxiété et de fantasmes. Ayons l’aplomb de faire face à nos concitoyens et de leur parler. À ce sujet j’aimerais citer un auteur classique, Publilius Syrus (M. Bruno Sido s'exclame.), qui écrivait au premier siècle avant Jésus Christ : « En face d’un danger, il y a pour l’homme deux attitudes possibles, ou la fuite, ou la résistance ». Ne choisissons pas la fuite en avant, et nous pourrons ainsi créer ce climat de confiance que toutes et tous attendent.
Notre commission des affaires économiques a décidé de renoncer à la notion de modération, que les opérateurs rejetaient également, pour lui préférer celle de sobriété. Outre que l’objectif de modération est la conclusion du rapport Tourtelier-Girard-Le Bouler de décembre 2013, ce terme et cet objectif ont fait consensus à la gauche de l’Assemblée nationale, les écologistes ayant transigé par rapport à leur position de départ, qui était l’application du principe de précaution. De plus, la modération implique une démarche qui conduirait à la sobriété, alors que la sobriété est un état n’impliquant pas d’action.
Nous entendons bien la crainte des opérateurs de voir leurs opérations se complexifier, ou certains coûts augmenter. C’est là le souci de tous les opérateurs économiques, et aussi de nos concitoyens.
Nous soutenons l’idée que cette notion de modération permettra de développer des installations plus performantes, moins émissives et moins énergivores, donc plus compétitives et plus rentables pour nos entreprises et pour nos exportations industrielles.
Je voudrais préciser un point concernant les règles applicables à l’étranger en matière de seuils d’exposition aux ondes électromagnétiques. On entend souvent affirmer que, si la France adoptait un texte protecteur des populations, elle serait le seul pays au monde à agir ainsi. De même, on entend souvent dire que les seuils recommandés de 41 à 61 volts par mètre, décidés en 1998, seraient appliqués dans le monde entier, et qu’il n’y aurait donc aucune raison pour que la France les remette en cause.
Or, dans de nombreux pays, les seuils appliqués en matière d’ondes électromagnétiques sont plus restrictifs. L’exemple de la région de Bruxelles est très souvent donné : la valeur limite y est de 3 volts par mètre dans les lieux de vie, ce qui est très loin des 61 volts par mètre... En Italie, les seuils sont également plus stricts, avec une limite de 6 volts par mètre, et je pourrais également citer la Pologne, la Suisse, la Bulgarie, le Luxembourg, la Grèce, la Lituanie, la Slovénie, la Catalogne… ou encore Paris ! Alors arrêtons de nous faire peur en considérant la France comme un pays réfractaire aux nouvelles technologies et qui irait à contre-courant des politiques menées ailleurs.
Quant à ceux qui affirment que l’absence de risques avérés justifie de ne pas légiférer, je me dois de leur rappeler, mes chers collègues, que l’échelle des risques définie par l’ANSES, l’Agence nationale de sécurité sanitaire de l'alimentation, de l'environnement et du travail, est un dégradé : le « risque avéré » est au sommet ; au-dessous, on trouve les « effets probables », puis, les « effets possibles » ; le « niveau de preuve insuffisant pour conclure à un effet » n’intervient qu’en avant-dernière position, et l’appréciation « probablement pas d’effet chez l’homme » se trouve tout en bas de l’échelle…
N’oublions pas que l’ANSES formule des recommandations concernant l’usage des technologies sans fil, notamment pour les personnes fragiles. Alors n’allons pas croire à une absence totale de risques : l’ANSES reconnaît l’existence d’effets biologiques, et pas uniquement thermiques comme on l’entend souvent.
Enfin, le texte évoque l’électro-hypersensibilité. Si cette pathologie est encore mal connue, nous savons que des personnes en souffrent, et il est du devoir de la puissance publique de considérer leur situation et d’apporter une réponse. De même, il est illusoire de croire que les ondes qui nous traversent en permanence n’auraient strictement aucun effet.
En rétablissant un texte mesuré et équilibré qui, en toute transparence, prenne en compte le développement des nouvelles technologies, mais aussi la préservation de la santé de nos concitoyens, nous donnerons une image du Sénat positive, celle d’une chambre douée d’intelligence collective, protectrice des citoyens et volontariste pour la qualité de notre industrie.
Il serait tout de même dommage que le groupe écologiste ne puisse pas voter le texte qu’il a lui-même proposé ! (Vifs applaudissements sur les travées groupe écologiste et du groupe CRC.)
M. Jean-Vincent Placé. Très bien !
M. le président. La parole est à M. Bruno Retailleau. (Applaudissements sur les travées de l'UMP.)
M. Bruno Retailleau. Monsieur le président, madame la secrétaire d'État, mes chers collègues, je voudrais tout d’abord, si vous le permettez, saluer le travail de fond de nos deux rapporteurs, aussi bien celui de Daniel Raoul pour la commission des affaires économiques que celui de Raymond Vall pour la commission du développement durable. Je voudrais aussi souligner qu’il est assez peu courant que deux présidents de commission prennent en charge le rapport d’un texte.
M. Bruno Sido. C'est un texte tellement important ! (Sourires sur les travées de l'UMP.)
M. Bruno Retailleau. Deux hypothèses sont envisageables : soit ils le considèrent comme un horizon indépassable parmi tous les textes que nous avons pu examiner au cours de cette session, soit, au contraire, ils jugent que ce texte doit être dépassé…
De ce point de vue – Joël Labbé en a fait la remarque il y a quelques instants –, la proposition de loi a effectivement considérablement évolué, mais, à moins que nombre de nos amendements ne soient repris, il sera difficile pour notre groupe de le voter, tout simplement parce qu'il comporte encore des contradictions importantes et qu’il pourrait susciter des risques juridiques, eux, bien avérés.
Pour ce qui est des contradictions, le point de départ du texte est le soulagement des personnes hypersensibles aux ondes électromagnétiques. C'est une juste cause, qui doit effectivement mériter toute notre attention. Le problème, c'est que le point d’arrivée du texte risque paradoxalement de se trouver à l’opposé de l’objectif visé.
En effet, si l’on ne veut pas transiger pas sur la couverture du territoire – qui, parmi nous, mes chers collègues, souhaiterait amoindrir la couverture de son territoire et augmenter la fracture numérique ? – tout en rendant aux Français une qualité de service équivalente, il faudra ou bien multiplier les antennes, ou bien augmenter la puissance de réception des portables, autrement dit des terminaux. Or, vous le savez très bien, c'est ce qu’il y a de plus dangereux ! En effet, les antennes relais émettent des radiofréquences qui sont 10 000 à 100 000 fois moins élevées que celles qui sont suscitées par un terminal de portable lors d’une conversation.
Un point d’attention concerne clairement les terminaux. Ce n’est pas pour rien – Daniel Raoul l’a dit il y a quelques instants – que, très tôt, le législateur a voulu qu’un « kit mains libres » soit mis à la disposition de chaque acheteur : c'est précisément pour pallier ce risque.
Ainsi, mes chers collègues, on ne peut prétendre soulager des souffrances qui, selon moi, sont réelles sans base scientifique solide : cela reviendrait à leurrer ceux qui souffrent. M. Le Déaut, qui est vice-président de l'Office parlementaire d'évaluation des choix scientifiques et technologiques, disait justement : « L’ensemble des rapports d’expertise internationaux, fondés sur des milliers d’études, conclue qu’il n’y a pas de risque avéré des radiofréquences en dessous des limites réglementaires ».
Voilà la première contradiction. La seconde concerne la Gouvernement. Madame la secrétaire d'État, en l’absence de base scientifique avérée, le Gouvernement doit clairement se positionner pour lever la contradiction qui consiste à entretenir le flou tout en recommandant une feuille de route assez ambitieuse sur le numérique.
Mes chers collègues, nous savons tous que l’avenir de la France dépend très largement de la troisième révolution industrielle. Le numérique représente 25 % de la croissance, 25 % de la productivité, et l’attractivité de nos territoires dépend également de la couverture numérique.
Les deux grandes infrastructures du XXIe siècle, ce sont les réseaux à très haut débit, fixes, mais aussi mobiles. Il doit en effet y avoir une complémentarité entre la fibre et le mobile ; vous en êtes d'ailleurs, monsieur le président de la commission des affaires économiques, l’un des promoteurs. Comme il ne sera pas possible d’installer la fibre dans chaque habitation, il faudra prévoir la complémentarité entre les ondes, c'est-à-dire la mobilité, et la fibre pour couvrir la totalité de notre territoire.
Il faut ajouter une autre frontière, celle du « Web 3.0 », qui utilisera des services et permettra des usages de mobilité, de nomadisme. Le Web 3.0, c’est à la fois le Cloud, le Big data, mais également les objets connectés, une connexion permanente, partout, sans fil à la patte. On voit donc bien que la mobilité et, par conséquent, les ondes et les radiofréquences seront essentielles pour la couverture du territoire et pour relever le défi de la France numérique que nous voulons bâtir. Or ce n’est pas en agitant des peurs que l’on y parviendra !
Si le risque scientifique n’est pas avéré, les risques juridiques, eux, le sont, et ce pour trois raisons.
Le premier risque vient, à mon sens, de ce qu’il n’y a de fondement constitutionnel ni au principe de modération ni au principe de sobriété. La première mouture de la proposition de loi déposée par Mme Abeille et les débats à l’Assemblée nationale témoignent de la volonté de l’auteur de relier son texte au principe de précaution inscrit à l’article 5 de la Charte de l’environnement. Or je ne pense pas que l’on puisse le faire d’un point de vue juridique.
L’exposé des motifs d’un amendement de Mireille Schurch que nous examinerons ultérieurement évoque concrètement le principe ALARA, c'est-à-dire, en anglais, « aussi bas que raisonnablement possible ». Juridiquement, je pense que ce qu’il convient d’invoquer sur ce texte n’est pas le principe de précaution, mais bien plutôt le principe ALARA.
Cependant, ce principe, qui concernait le risque, avéré sur le plan scientifique, que faisaient courir les rayonnements ionisants, ne cadre pas avec l’article 5 de la Charte de l’environnement. En effet, il va bien au-delà du principe de précaution, qui doit rester connecté à l’analyse scientifique et à un danger potentiel. Ainsi, à mon sens, on ne peut pas donner une base juridique à ce texte sur le fondement constitutionnel de l’article 5 de la Charte.
Le deuxième risque juridique concerne le principe de proportionnalité. Je pense en outre que le principe anglo-saxon ALARA s’accommode mal avec le principe de proportionnalité. Pourquoi ? Le principe de proportionnalité, consacré à la fois par le droit européen, le droit constitutionnel et le droit administratif, implique que les mesures de précaution soient proportionnées, c'est-à-dire réalisables, avec un coût acceptable. Le principe ALARA dépasse de très loin cette problématique. Comme vous le savez, une expérimentation menée dans seize quartiers avait montré que, pour réduire l’exposition à 0,6 volt par mètre, il faudrait multiplier par trois le nombre des antennes. Si la faisabilité technique est présente, il en va donc différemment de l’acceptabilité et de la portée économique.
Le troisième risque juridique, qui est important, vient de ce que ce texte crée une discrimination et une atteinte au principe d’égalité devant la loi. En effet, pourquoi prévoir un régime juridique spécifique pour les seules antennes relais, alors que le rapport Girard-Tourtelier, dont la grande qualité a été soulignée à plusieurs reprises à cette tribune, reconnaît que « l’exposition des personnes aux champs électromagnétiques est composite et ne fait pas une place prépondérante aux antennes relais » ?
Mes chers collègues, pourquoi, de façon rationnelle, avoir laissé de côté les fours à micro-ondes, les radars, les lignes à haute tension, les nombreux appareils qui émettent des ondes ? Il y a bien une discrimination et, par conséquent, une atteinte au principe juridique d’égalité.
En conclusion, l’enfer est souvent pavé de bonnes intentions,…
M. Bruno Sido. Eh oui !
M. Bruno Retailleau. … lesquelles créent des approximations juridiques, qui conduiront immanquablement à un manque de sécurité juridique du texte.
Ces approximations susciteront un foisonnement de contentieux, qui touchera prioritairement les élus locaux, n’en doutez pas, mes chers collègues ! Si ce texte était voté en l’état, ceux-ci seraient soumis à une double menace : une menace sur le terrain de la légalité, interne et externe – je n’ai pas le temps de développer ce point –, au terme des actions de consultation et de concertation ; une menace sur le terrain de la responsabilité mettant en cause d’éventuelles carences quand la consultation aura été mal organisée, avec de possibles actions en réparation.
Bref, pour conclure d’un trait d’humour, mais qui renvoie tout de même à un problème sérieux, ceux qui ont aimé les tête-à-queue jurisprudentiels en matière d’urbanisme vont adorer le contentieux électromagnétique ! (Vifs applaudissements sur les travées de l'UMP et du RDSE.)
M. Bruno Sido. Très bien !
M. le président. La parole est à Mme Nathalie Goulet.
Mme Nathalie Goulet. Monsieur le président, madame la secrétaire d'État, monsieur le rapporteur, monsieur le rapporteur pour avis, mes chers collègues, Bruno Retailleau ayant déjà évoqué de nombreux points, comme la majeure partie des orateurs qui se sont succédé, je serai brève afin que nous nous consacrions à l’examen des amendements.
L’exposition du public aux ondes électromagnétiques n’est pas un sujet anodin. Elle est le point de rencontre et d’achoppement de problématiques diverses et contradictoires. Je dois vous dire que, sur ce texte, ma religion n’est pas faite.
En tant que vice-présidente de la mission commune d’information sur le Mediator, j’ai pu constater que, sur ce type de sujets, nous avions toujours les mêmes réflexes, les mêmes peurs et, malheureusement, toujours les mêmes procédures et toujours le même retard.
L’affaire du Mediator, comme vous le savez, a succédé de dix ans à l’affaire du Vioxx. Si les préconisations d’alors avaient été mises en pratique, les problèmes liés au Mediator auraient probablement été évités. Nous avons donc perdu dix ans, avec un scandale sanitaire majeur. Les rapports parlementaires n’ont jamais été pris en considération, et l’on peut se demander à quoi sert notre travail s’il ne se retrouve pas dans la loi.
Nous traitons mal l’information dont nous disposons sur ce type de problèmes. Il convient aussi de recenser et de prendre en considération les lanceurs d’alertes, que ce soit l’Assemblée parlementaire du Conseil de l’Europe, dont les travaux sont notoirement inconnus, mais également les compagnies d’assurance ou les associations, autant de clignotants, autant d’indices à examiner.
Je rentre d’un séminaire de l’Organisation de coopération et de développement économiques, l’OCDE, sur les lanceurs d’alerte, qui s’est tenu aujourd'hui, et je dois dire que nous avons besoin d’améliorer les dispositifs, parcellaires, en la matière. Nous ne disposons même pas d’une définition claire du lanceur d’alerte !
Je veux bien admettre que certaines associations soient jugées fantaisistes, que certaines craintes ne soient probablement pas avérées, mais, dans l’absolu, nous avons connu des dossiers dans lesquels ces problèmes se posaient exactement de la même façon. Les questions de sécurité sanitaire et environnementale en sont des exemples patents.
Dans les départements ruraux, l’inquiétude concernant l’exposition aux ondes électromagnétiques est également présente. Plusieurs acteurs de la société civile demandent le respect par les opérateurs de la recommandation de l’Agence européenne pour l’environnement, qui préconise de maintenir un seuil de 0,6 volt par mètre.
La création de l’association Toxic Ondes, dans le département de l’Orne que j’ai l’honneur de représenter, reflète d'ailleurs cette inquiétude. Sur l’initiative d’une habitante d’Alençon, soucieuse des effets des ondes sur la santé de sa famille, Toxic Ondes a effectué en 2009 des mesures dans un appartement proche d’antennes relais. Elles ont permis de constater une intensité de 3 à 5 volts, un résultat bien au-delà des recommandations. Il s’agit donc d’un vrai sujet, qui intéresse les populations.
Les ondes électromagnétiques sont aussi une source d’inquiétude parce que leur existence est naturellement impalpable. L’association Robin des Toits a beaucoup travaillé, depuis 2006, sur les implantations d’antennes, notamment près des écoles. Elle a finalement obtenu satisfaction, le sujet étant maintenant très réglementé, ce qui prouve tout de même que la société civile et les associations font également avancer les débats. Et heureusement qu’elles étaient présentes, car même le parlementaire le plus initié n’y aurait probablement pas prêté attention.
C’est un enjeu sanitaire ; c’est également un enjeu de compétitivité et d’aménagement numérique. Il faut sortir du débat manichéen entre, d’un côté, les partisans de la modernité, et, de l’autre, les Cassandre qui voudraient freiner la modernité au motif que cela pose des problèmes techniques ou sanitaires.
M. Jean-Vincent Placé. Très bien !
Mme Nathalie Goulet. C'est la raison pour laquelle je vous disais au début de mon intervention que ma religion n’était pas faite. Je ne suis pas certaine que chacun puisse appréhender la réalité des difficultés aujourd’hui. L’Office parlementaire d’évaluation des choix scientifiques et technologiques devrait opérer, sur ce type de dossier, des mises à jour, car la technologie évolue et les rapports, aussi bons soient-ils, ne sont parfois plus d’actualité une année plus tard.
Les travaux doivent se dérouler en toute indépendance, et je sais que la question des conflits d’intérêts est toujours en ligne de mire ; M. le rapporteur l’a évoquée. Il n’en demeure pas moins que nous devons légiférer sur les bases scientifiques les plus fiables possible, ce qui constitue toujours une source d’incertitude.
M. Bruno Retailleau a mentionné les objets connectés, dont nous avons parlé récemment dans cet hémicycle à propos de la géolocalisation. J’avais cité à Mme Taubira un article intitulé : « Objets connectés, avez-vous donc une âme ? » Il suffit de répertorier, heure par heure, le nombre d’objets auxquels nous sommes connectés pour constater que nous le sommes de plus en plus. Il y a donc, d’un côté, une demande des consommateurs, qui cherchent un produit sur ce qui est devenu un marché, et, de l’autre, les risques qui y sont afférents. Il est évident qu’il existe, sur le sujet, beaucoup de contradictions.
La concertation doit donc être approfondie entre les différents acteurs, ce que prévoyait le Grenelle des ondes. Notre collègue Chantal Jouanno, qui y avait activement participé, défendra d'ailleurs un certain nombre d’amendements.
En substituant au principe de modération des objectifs de sobriété, la commission a, selon moi, mieux équilibré la question des connaissances scientifiques avec la réalité juridique des concepts, même si on peut évidemment en discuter.
Quant à la procédure de concertation et d’information sur les projets d’installation d’antennes, l’article 1er clarifie le rôle du maire. Au cœur du dispositif d’installation, le maire pourra choisir, s’il le souhaite, une phase de concertation dont il sera l’arbitre tout en n’émettant pas d’avis à proprement parler, cette phase étant le préalable à l’autorisation donnée. La rédaction de la commission me semble, de ce point de vue, tout à fait pertinente.
Le fait de prendre les meilleures mesures possible afin de protéger les populations à risque, dont les enfants, me semble être une évidence. Sur ce sujet potentiellement anxiogène, il faut mesurer notre propre degré d’anxiété, ainsi que nos capacités de légiférer. Un travail d’éducation doit en outre être engagé.
Lorsque je vois, notamment aux États-Unis, des jouets connectés destinés à de très jeunes enfants, comme des iPad pour des enfants de deux ou trois ans, je m’inquiète de l’évolution de cette société de consommation qui nous pousse de plus en plus vers ce type d’objets dont on ne peut aujourd’hui mesurer exactement les effets.
Nous avons déposé un certain nombre d’amendements. Je pense que le groupe UDI-UC, dans sa très grande majorité, s’abstiendra sur ce texte. Encore une fois, à titre personnel, j’attendrai la fin des débats pour me faire une opinion. (M. Bruno Sido manifeste son impatience.)
Il s’agit d’un sujet important et, monsieur le président, je pense qu’il faut absolument trouver un moyen, lors de la prochaine législature, d’assurer le suivi de ces dossiers essentiels par l’Office parlementaire d’évaluation des choix scientifiques et technologiques. (Applaudissements sur les travées du groupe écologiste.)
M. Bruno Sido. Il les suit déjà !
M. le président. La parole est à M. Claude Dilain.
M. Claude Dilain. Monsieur le président, madame la secrétaire d'État, monsieur le rapporteur, mes chers collègues, cette proposition de loi me paraît à la fois importante et ambitieuse.
Elle est importante, car il s’agit de légiférer sur le quotidien de chacun d’entre nous. Elle est ambitieuse, car elle traduit la volonté de trouver un point d’équilibre entre, d’une part, les avancées des sciences et des techniques que l’on ne peut freiner, et, d’autre part, le principe de précaution. Elle est aussi courageuse, car bien souvent notre point d’équilibre n’est pas exactement le même que celui du voisin, et à vouloir plaire à tout le monde, on risque de ne faire plaisir à personne.
Comme l’avait dit Mme Fleur Pellerin à l’Assemblée nationale, cette proposition de loi vise à mettre en place un dispositif conciliant progrès technologique et modération en matière d’ondes électromagnétiques. Son auteur, notre collègue députée Laurence Abeille, a souligné toute son importance en nous rappelant que nous vivions dans un bain d’ondes.
En effet, les ondes électromagnétiques non ionisantes nous accompagnent jour et nuit, quelle que soit leur fréquence. Je ne vais pas reprendre la liste de tous les objets émetteurs, mais, comme l’a dit le président Vall ou, je crois, Bruno Retailleau, n’oublions pas que certains de ces objets n’entrent pas dans le champ du présent texte : fours à micro-ondes, plaques de cuisson à induction (M. le rapporteur opine), télécommandes et même ces clefs magnétiques d’automobiles qui quittent rarement notre poche.
Mme Nathalie Goulet. Et la domotique !
M. Claude Dilain. Il ne s’agit que des objets d’aujourd’hui ; ceux de demain seront plus nombreux encore.
L’Agence nationale chargée de la sécurité sanitaire de l’alimentation, de l’environnement et du travail, l’ANSES, a révélé, dans son fameux rapport de 2013, que, en un trimestre, quelque 51 milliards de messages textes, ou SMS, ont été émis en France. Nous ne pourrons freiner cette avancée technologique. D’ailleurs, le voulons-nous ? Comme l’a pertinemment rappelé Bruno Retailleau, nous nous battons tous pour une meilleure couverture du territoire français. Ce faisant, nous encourageons le développement de cette technologie.
La question qui se pose aujourd’hui est donc de savoir si ce bain d’ondes est dangereux. Il ne s’agit pas d’une question nouvelle : on se la posait déjà au moment de l’invention du télégraphe – vous pouvez vous amuser à relire les commentaires de l’époque, mes chers collègues –, ou lors de la pose d’une antenne au sommet de la tour Eiffel. Avec le recul, cela peut prêter à sourire. Pourtant, je m’en garderai bien : les ondes sont mystérieuses. Invisibles, inodores, impalpables, silencieuses, elles accomplissent des prodiges. Dès lors, pourquoi ne pourraient-elles pas se révéler dangereuses ?
Que dit la science ? Je me référerai à mon tour au rapport de l’ANSES, qui fait quelque peu autorité. Selon cet organisme, « l’exposition aux ondes électromagnétiques n’a aucun effet sanitaire avéré ». Fort bien ! Toutefois, dans le même rapport, on peut lire que les niveaux d’exposition liés à l’utilisation des terminaux mobiles sont bien supérieurs à ceux qui sont liés aux antennes relais et qu’il ne faut pas en abuser.
Pour l’opinion publique, pour ceux qui ne sont pas spécialistes de la question, il s’agit d’une contradiction, qui n’est pas de nature à donner confiance, et ce d’autant plus que l’Académie de médecine n’a pas approuvé ce rapport !
Reste que l’électro-hypersensibilité est un fait. Et si, comme l’a rappelé le président Raoul, aucun véritable lien de causalité n’a pu être établi, il s’agit de souffrances que l’on ne peut ignorer. D’autres études sont en cours, mais, à ce jour, il n’existe aucune preuve de la dangerosité ou de l’innocuité totale des ondes. C’est dans ce contexte difficile qu’il nous faut légiférer.
Au moment d’évoquer le principe de précaution, on oublie souvent de le définir. Or les définitions changent avec les auteurs et les nuances peuvent être de taille : le principe 15 de la déclaration de Rio de 1992 mentionne un « risque de dommages graves ou irréversibles » ; la loi Barnier de 1995 évoque l’« absence de certitudes » – ce qui n’est pas la même chose qu’un dommage grave ou irréversible – et dispose que la réponse doit être proportionnée au risque et se faire – cet élément est nouveau et important – à un coût économiquement acceptable ; enfin, dans sa communication du 2 février 2000, la Commission européenne a exposé la position de l’Union sur le principe de précaution, qui ne peut être invoqué que dans l’hypothèse d’un risque potentiel et qui ne peut en aucun cas justifier une prise de décision arbitraire.
Pour la Commission européenne, le recours au principe de précaution n’est donc justifié que lorsque trois conditions sont remplies : l’identification des effets potentiellement négatifs, l’évaluation des données scientifiques disponibles et l’étendue de l’incertitude scientifique.
Mes chers collègues, comme l’a rappelé Nathalie Goulet, c’est dans ce contexte difficile que nous devons légiférer. Cette proposition de loi constitue malgré tout un bon point d’équilibre entre avancée technologique et principe de précaution, me semble-t-il.
Je ne vais pas énumérer toutes les dispositions de ce texte qui me semblent aller tout à fait dans le bon sens. Je pense notamment aux mesures facilitant la transmission des informations aux propriétaires et aux habitants ou à l’information des consommateurs et des élus locaux. Bien sûr, nous débattrons également de la façon dont s’organisera la concertation, en sus du comité national de dialogue. Permettez-moi, enfin, d’insister sur les dispositions des articles 5 et 7, qui protègent mieux les enfants, ce qui est peut-être la priorité des priorités.
Cette proposition de loi a déjà été enrichie très largement par la commission. Je voudrais féliciter et remercier le président et rapporteur Daniel Raoul et lui dire que, à titre personnel, je suis tout à fait solidaire des propos qu’il a tenus sur l’indépendance de la commission. Je pense d’ailleurs pouvoir m’exprimer ici au nom du groupe socialiste.
Nous allons encore débattre, et je crois que ce texte va continuer à s’enrichir. Dans ces conditions, le groupe socialiste votera cette proposition de loi. (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste et du groupe écologiste.)
M. le président. La parole est à Mme Anne-Marie Escoffier.
Mme Anne-Marie Escoffier. Monsieur le président, madame la secrétaire d'État, monsieur le rapporteur de la commission des affaires économiques, monsieur le président de la commission du développement durable, mes chers collègues, j’ai été, comme nombre d’entre vous ici, concernée par le problème de l’exposition aux ondes électromagnétiques : j’ai rencontré certains concitoyens d’une commune de mon canton qui souffrent réellement de la proximité d’un pylône porteur de plusieurs antennes de téléphonie mobile.
Je connais, comme chacun d’entre vous, des personnes dont l’hypersensibilité aux ondes magnétiques constitue – le mot a été utilisé – une véritable souffrance.
Loin de moi, donc, l’idée de récuser d’entrée de jeu cette proposition de loi adoptée par l’Assemblée nationale après un long débat. Je reconnais qu’il y a des difficultés : elles ont été exprimées sur l’ensemble des travées et je veux dire que je les ai écoutées avec la plus grande attention.
Toutefois, si je salue le formidable travail du rapporteur Daniel Raoul, qui s’est attaché à reconstruire le texte en le simplifiant et en ne retenant que les seuls éléments devant concourir à faciliter « sobriété », « transparence » et « concertation en matière d’exposition aux ondes magnétiques », si je veux saluer la raison qui a cherché à rationaliser un débat en le débarrassant de ce qui relève du domaine du sensible, en tout état de cause et en dépit de ce travail de réécriture, je voudrais m’en tenir à l’esprit des conclusions de « mon » président de la commission du développement durable et relever les trois points principaux qui m’empêcheront de voter ce texte.
Il s’agit tout d’abord des conséquences indues d’un texte exclusivement à charge, qui méconnaît de façon partiale les analyses et conclusions de l’Agence nationale de sécurité sanitaire de l’alimentation, de l’environnement et du travail : tout prouve, au regard de ces analyses, que « l’exposition aux ondes magnétiques n’est pas de nature à provoquer des risques avérés, dès lors que sont respectées les limites réglementaires ».
Ces limites réglementaires nécessitent que des contrôles soient effectués et vérifiés. J’ai l’expérience, toujours dans mon canton, de mesures opérées par des organismes non habilités, voire des personnalités, certes honorablement connues, qui présentent à dessein des résultats alarmistes !
Dès lors, la mesure que vous avez introduite consistant à faire de l’Agence nationale des fréquences l’organisme assurant la mise à disposition du public des résultats de mesure des valeurs limites des champs électromagnétiques me paraît être, monsieur le président de la commission des affaires économiques, une sage disposition.
Ma deuxième opposition tient à la conséquence qui ne manquera pas de naître du fait de l’instauration d’une information préalable du maire. Cette dernière s’apparentera assurément très vite à une mise en responsabilité contraire au droit actuel.
Je voudrais, là aussi, signaler les déviations déjà existantes. Qui d’entre nous n’a pas observé, dans des temps rapprochés, la mise en cause directe des maires, tenus pour responsables de l’implantation d’une antenne relais, alors que la responsabilité de la décision échoit au préfet, c’est-à-dire au représentant de l’État ?
Il me paraîtrait de bonne administration, madame la secrétaire d'État, plutôt que de vouloir renforcer le rôle du maire, de rappeler le rôle premier des services de l’État, seuls compétents – j’y insiste – pour donner l’autorisation d’implantation de ces antennes relais sur la base du dossier technique réglementairement requis. Je peux vous assurer que ce rappel de la réglementation serait loin d’être inutile.
J’en viens au troisième point du texte auquel je ne puis apporter ma voix. Il s’agit des dispositions concernant les écoles maternelles, qui se verraient interdire l’installation d’un équipement terminal Wi-Fi dans les lieux d’accueil, de repos et d’activités des enfants.
Permettez-moi d’ignorer ici les difficultés auxquelles seraient confrontés les professeurs des écoles pour assumer leur mission d’éveil des enfants de trois ans des classes maternelles. Je ne veux pas méconnaître, en revanche, les réalités du quotidien. Dites-moi, mes chers collègues, combien y a-t-il aujourd’hui de parents qui n’utilisent pas, y compris devant leurs jeunes enfants, l’ensemble des systèmes informatiques et des appareils que nous avons déjà évoqués, dont le fameux micro-ondes ?
Au total, après avoir écouté vos interventions, madame la secrétaire d’État, monsieur le rapporteur, monsieur le rapporteur pour avis, je crois que cette proposition de loi a manqué sa cible. S’il s’agissait de répondre à un enjeu de couverture de territoire, à un enjeu de compétitivité et d’innovation ou à un enjeu sanitaire et social, le texte aurait dû être tout autre.
Ici, les mots choisis le disent de façon claire et nette, la proposition de loi soulève l’inquiétude, alors que, vous l’avez rappelé, madame la secrétaire d’État, il faut restaurer un climat de confiance.
Il faut en effet restaurer un climat de confiance pour faire face au développement du numérique, qui est incontournable et indispensable pour notre économie, partout sur notre territoire, mais peut-être un peu plus encore dans les zones des nouvelles ruralités.
Il faut restaurer un climat de confiance envers le progrès, celui que la curiosité et l’innovation mettront en mouvement, au bénéfice de nos populations.
Un tel climat de confiance aurait permis d’éviter ces menaces et ces insultes proférées par ceux qui ne voient dans une attitude responsable que de prétendues interventions de lobbies de toute sorte. Malheureusement, madame la secrétaire d’État, il n’en est rien. Je le répète : à vouloir mélanger tous les objectifs, le texte n’en a atteint aucun.
Vous ne serez donc pas étonnés que les membres du groupe RDSE n’apportent pas leurs voix à cette proposition de loi. (Applaudissements sur les travées de l’UMP.) – (M. Jean-Vincent Placé s’exclame.)
M. Bruno Sido. Très bien !
M. le président. La parole est à M. Pierre Hérisson. (Applaudissements sur les travées de l’UMP.)
M. Pierre Hérisson. Monsieur le président, madame la secrétaire d’État, monsieur le rapporteur, monsieur le rapporteur pour avis, mes chers collègues, je tiens à saluer, tout d’abord, le travail exceptionnel mené par les membres de la commission des affaires économiques et de la commission du développement durable, ainsi que par leur rapporteur et rapporteur pour avis respectif. Une fois de plus, par leur travail, ils nous ont rappelé que ces deux commissions, en d’autres temps, n’en formaient qu’une. (Sourires.)
J’aimerais souligner que nous avons hérité d’un texte pour le moins idéologique, anxiogène, et dont la rédaction était trop floue. Néanmoins, il ne s’agit là que du cours normal de la navette parlementaire !
La présente proposition de loi ouvrait la voie à de nombreux contentieux ; la majorité des membres de cette assemblée en conviendra. Or il incombe au législateur que nous sommes, non pas seulement de proposer des lois ou de les adopter, mais d’anticiper et d’éviter les écueils juridiques que peut susciter tout nouveau texte.
Le travail des commissions a permis de revenir à un texte plus équilibré. Aussi, je me réjouis, avec modestie, de l’adoption en commission d’amendements que nous avions déposés. Je tiens à remercier Bruno Retailleau et Bruno Sido d’être intervenus pour ce faire, concrétisant ainsi la réflexion à laquelle bon nombre de sénateurs, en particulier des membres du groupe UMP, avaient participé.
Je sais aussi avec quelle conviction et quelle hauteur de vue il conviendra de défendre les amendements que nous avons déposés en séance publique, car ils sont indispensables au bon équilibre de ce texte.
À l’article 4, nous avons pensé qu’il était préférable de parler, pour les établissements qui proposent un tel service, d’« accès Wi-Fi », en dépit d’un anglicisme, il est vrai, plutôt que d’« accès sans fil à internet ». En effet, je ne suis pas sûr que les nouvelles générations comprennent l’intérêt de franciser des termes désormais tombés dans le vocabulaire courant.
Des difficultés pourraient apparaître au-delà des problèmes quotidiens qu’implique la technologie, au-delà même de ce qu’en pense la population. À l’article 5, par exemple, il semblait plus pertinent, et plus précis, de restreindre la mention d’un « dispositif permettant de limiter l’exposition de la tête aux champs radioélectriques » aux seules publicités vantant l’utilisation du téléphone en mode écoute.
Certes, il nous faut veiller à ce que chaque loi respecte le principe de précaution, mais cela n’exclut ni la rigueur ni la précision. Or, à cet instant, il n’existe pas d’études démontrant que l’envoi de SMS est dangereux, en tout cas pas pour la santé. (Sourires.)
Le retrait du mot « modération », à l’article 1er, paraît une bonne chose. Le recours à ce terme, bien qu’il ait été motivé par des intentions louables, n’est pas approprié dans cette loi. Modérer, c’est réduire à la notion de limitation ; cela revient, à terme, à créer des seuils minimaux. Il s’agit là d’un autre débat, qui devrait se tenir sur la base de critères scientifiques ou médicaux, autant de ressources dont nous ne disposons pas de manière suffisante. C’est d’ailleurs tout à fait regrettable.
Il faut dire que nous souffrons, depuis une vingtaine d’années, d’une difficulté particulière, mal définie, qu’expliquent à la fois l’inquiétude et la peur : dans une société où le principe de précaution est établi, où les recherches de responsabilité sont souvent longues et prennent un tour judiciaire, nous avons du mal, malheureusement, à trouver des experts ou des scientifiques qui acceptent, tout simplement, de dire s’il y a un danger ou non, alors qu’ils en ont les moyens. Je rappelle pourtant qu’il y a quatre milliards de cartes SIM dans le monde, dont 75 millions dans notre pays.
Sur ce point, les élus locaux sont confrontés à une problématique particulière : ce sont parfois les mêmes personnes qui s’inquiètent des risques que font peser ces technologies sur la santé et qui critiquent les élus, car ceux-ci n’ont pas les moyens suffisants pour couvrir les zones blanches ou mal desservies.
La commission des affaires économiques a donc préféré le terme de « sobriété ». Celui-ci n’est peut-être pas non plus tout à fait satisfaisant.
M. Bruno Sido. Eh non !
M. Pierre Hérisson. Néanmoins, il est plus général et peut s’appliquer au principe selon lequel tout abus est dangereux.
M. Raymond Vall, président de la commission du développement durable, des infrastructures, de l'équipement et de l'aménagement du territoire, rapporteur pour avis. Évidemment !
M. Pierre Hérisson. Ce principe, d’ailleurs, ne concerne pas seulement les ondes magnétiques ; plus globalement, il a trait à l’hygiène de vie. Sur bien des sujets, on le sait, ce sont les excès qui sont dangereux, et non pas la consommation raisonnable.
M. Raymond Vall, rapporteur pour avis. Voilà !
M. Pierre Hérisson. Il n’en est pas moins vrai qu’un certain nombre de parlementaires, dont je fais partie, je le reconnais bien volontiers, utilisent probablement avec excès leur téléphone portable, et ce depuis plus d’une vingtaine d’années. C’est en tout cas la réputation de certains d’entre nous, monsieur le président de la commission des affaires économiques, et la mienne en particulier ! (Sourires.)
Même si le vieux dicton nous apprend que « tout homme bien portant est un malade qui s’ignore », je dois dire que, pour l’instant, je suis bien portant ! J’espère néanmoins que je n’aurai pas à subir les affres que mes lectures sur le sujet me décrivent. Cela dit, je n’ai pas trouvé de démonstration de dangerosité véritablement convaincante.
Pour conclure, vous l’aurez compris, mes chers collègues, le groupe UMP ne votera pas le présent texte, du moins dans son état actuel. Nous formons néanmoins des vœux pour que l’essentiel des amendements que nous avons déposés soit adopté ce soir,…
M. Bruno Sido. Très bien !
M. Pierre Hérisson. … afin que la proposition de loi soit un peu plus équilibrée et raisonnable. Dans ces conditions, il ne serait pas exclu que nous la votions. (Applaudissements sur les travées de l’UMP.)
M. Bruno Sido. Ou que nous nous abstenions !
M. le président. La parole est à Mme la secrétaire d’État.
Mme Axelle Lemaire, secrétaire d'État auprès du ministre de l'économie, du redressement productif et du numérique, chargée du numérique. Je tiens à remercier l’ensemble des intervenants de la qualité de leurs propos, lesquels, néanmoins, reflètent les divergences de vues sur ce sujet, qui passionne nos concitoyens. Ils expriment également la difficulté, non pas de trouver un compromis – il ne s’agit pas de cela ici –, mais de définir une ligne et de s’y tenir.
Il me semble important de rappeler l’objectif de ce texte. Son but n’est pas de trancher un débat scientifique portant sur le risque sanitaire lié à l’exposition aux ondes électromagnétiques ; il est de mettre en place les dispositifs qui permettent de tenir ce débat de manière libre et ouverte, afin de faire œuvre de pédagogie auprès de nos concitoyens.
J’insiste sur l’aspect pédagogique de nos travaux et reprends les propos de M. Labbé, selon lesquels « ce qui est caché et non dit est toujours source d’anxiété et de fantasmes ». L’examen de ce texte, tout comme les concertations qui s’ensuivront dans les territoires, seront, je l’espère, l’occasion de rappeler certaines vérités.
Je veux vous en donner, mesdames, messieurs les sénateurs, quelques exemples.
J’indiquais, il y a un instant, que l’usage, sinon excessif, du moins intensif, d’un téléphone portable est acquis à compter d’environ quinze heures par mois. Or sachez, mesdames, messieurs les sénateurs, que le temps moyen de communication d’un usager français est de deux heures et quarante minutes, soit une durée cinq fois inférieure à un usage défini comme intensif.
Par ailleurs, le niveau d’exposition maximal recommandé par l’Organisation mondiale de la santé est de 41 volts par mètre. Or, en France, le niveau moyen d’exposition est de cinq volts par mètre pour 99,9 % de la population. Ce seuil est donc huit fois inférieur au niveau maximal d’exposition fixé par l’organisation internationale chargée de ce dossier.
Au reste, pour nos concitoyens qui éprouvent des craintes trop fortes sur ce sujet, il est possible de demander une mesure d’exposition. Le Gouvernement a déployé des outils d’utilisation faciles pour ce faire : la carte des antennes, par exemple, ou d’autres documents à télécharger, donne accès à des commandes de mesure. Les citoyens ne sont donc pas du tout impuissants face à l’installation d’une antenne dans leur quartier.
Enfin, autre vérité qu’il est bon de rappeler, le débit d’absorption spécifique, le DAS, varie beaucoup d’un appareil à l’autre, d’où l’importance, en tant que consommateur avisé, de regarder le niveau de DAS au moment de l’achat d’un appareil. Ce niveau se mesure en watt par kilogramme. Le niveau maximal autorisé en France est de deux kilowatts par kilogramme.
Or les progrès technologiques font que ce niveau tend à baisser et, de ce fait, on obtient des taux assez bas sur les nouveaux appareils. Ainsi, de manière générale, il est inférieur à un watt par kilogramme, donc bien en dessous, là encore, du niveau maximal, et sur la plupart des nouveaux appareils, il se situe plutôt autour de 0,5 watt par kilogramme. Vous voyez, mesdames, messieurs les sénateurs, l’utilité de notre débat : il permet de rappeler certaines vérités.
Il faut savoir, du reste, que le déploiement de plus en plus rapide du réseau 4G permet de diminuer les seuils d’exposition, tout comme le recours à la fibre optique. Et qui sait de quoi les technologies seront faites à l’avenir ? Le Li-Fi, c'est-à-dire la transmission d’internet par la lumière, se développe. L’avenir se fera peut-être sans ondes électromagnétiques !
Tout cela pour dire, mesdames, messieurs les sénateurs, qu’il faut dépassionner le débat, le rationaliser, pour rassurer nos concitoyens, lesquels, de manière un peu paradoxale, sont aussi de très grands usagers des outils numériques et demandent, les élus locaux que vous êtes le savent, une couverture du territoire et des débits toujours meilleurs.
M. Bruno Sido. Eh oui !
Mme Axelle Lemaire, secrétaire d'État. Eh bien, cette proposition de loi permet aussi de résoudre ce paradoxe, notamment parce qu’elle érige le débat public en objectif.
Sans vouloir prolonger à l’excès cette intervention, car il nous faut encore examiner les amendements, je souhaite revenir sur certains propos des orateurs qui se sont exprimés au cours de cette discussion générale.
Selon Mme Schurch, l’argument de l’aménagement du territoire ne serait pas fondé. En vérité, je pense qu’il l’est. Et soyez assurée, madame la sénatrice, que je ne suis, disant cela, à la botte d’aucun lobby industriel. Il se trouve simplement que je suis chargée du déploiement du plan « France très haut débit ». À ce titre, j’entends les sollicitations non seulement des élus, mais également de l’ensemble de nos concitoyens, qui réclament un accès internet à haut débit chez eux.
M. Bruno Sido. Très bien ! Je suis heureux de l’entendre !
Mme Mireille Schurch. Ce n’est pas ce que j’ai demandé !
M. Bruno Sido. Exactement !
Mme Axelle Lemaire, secrétaire d'État. Nous aurions une très forte couverture dans les centres urbains très denses et une absence de desserte dans d’autres zones, ce qui exclurait de l’accès au numérique un nombre croissant de nos concitoyens.
La concertation doit, me semble-t-il, rester la plus souple possible et être laissée à l’appréciation des maires, non seulement parce que ces derniers n’aiment pas qu’on leur impose de nouvelles compétences obligatoires, mais aussi parce qu’ils sont les mieux placés pour connaître les attentes de leurs concitoyens. Conférer aux élus locaux un rôle nouveau dans cette procédure de concertation, c’est les respecter. Cela s’inscrit dans la perspective d’un débat démocratique. À cet égard, notre position rejoint le souci de la commission des affaires économiques.
Oui, monsieur Retailleau, le numérique, c’est l’avenir ! Et ce texte n’empêche en aucun cas le progrès technologique. Au contraire, il permet d’apporter des précisions juridiques, donc de diminuer les risques de contentieux. Car les risques s’éloignent au fur et à mesure que les acteurs sont impliqués et que les citoyens se sentent concernés. Le fait de les consulter en amont et de les écouter permet de désamorcer les conflits potentiels. Dès lors que le texte est solide juridiquement, les risques de contentieux se trouvent réduits.
Madame Goulet, vous indiquez que votre « religion n’est pas faite ». Cela tombe bien : sur un sujet où la science est parfois encore incertaine, il s’agit d’objectiver, de rationaliser, et non d’exprimer un acte de foi ! (Sourires.)
Vous avez raison de vous soucier des lanceurs d’alerte. Il se trouve que le Parlement s’est déjà saisi de la question, sur l’initiative de Mme Blandin, du groupe écologiste. En l’occurrence, ce thème n’est pas directement lié à l’objet de la proposition de loi. Mais sachez que le Gouvernement partage cette préoccupation.
Vous avez évoqué à juste titre les objets connectés, qui se déploient effectivement de plus en plus. Mais, à mes yeux, vous en avez parlé d’une manière un peu anxiogène. Dans mes fonctions, j’observe tous les jours le déploiement d’objets connectés permettant d’améliorer nettement le quotidien des gens, notamment en matière de santé, de prévenir par exemple des maladies chroniques mieux que ne le faisait jusqu’à présent la médecine traditionnelle. Les objets connectés offrent donc un formidable potentiel d’amélioration des conditions de vie, individuelles ou collectives.
La proposition de loi ne traite pas des objets connectés : elle concerne les sources d’émissions liées aux communications électroniques, à la téléphonie mobile, non des émissions à partir des objets connectés, ce volet du texte ayant été retiré. Je pense donc que le débat sur les objets connectés n’a pas lieu d’être dans la présente discussion.
Je suis d'accord avec M. Dilain : l’équilibre consiste non pas à essayer de satisfaire tout le monde, mais à trouver une juste articulation entre des enjeux qui peuvent paraître contradictoires si on ne sait pas les concilier : d’une part, le progrès et l’innovation ; d’autre part, le respect des attentes et des inquiétudes de nos concitoyens. J’estime que le texte répond à cet objectif.
Madame Escoffier, le rapport de l’ANSES précise effectivement qu’il faut respecter les limites réglementaires, conformément au cadre législatif actuel. Vous regrettez que certaines mesures soient prises par des organismes non habilités. C’est une réalité : tout le monde peut réaliser des mesures ; d’où l’importance d’encadrer plus encore les procédures. C’est l’objectif visé dans la proposition de loi.
En revanche, je ne peux pas vous suivre lorsque vous dites, pour le déplorer, que le préfet, donc le représentant de l’État, n’est pas impliqué. Il l’est : le texte affirme expressément son rôle, parallèle à celui du maire, dans la procédure de concertation.
Je rappelle d’ailleurs qu’il s’agit de répondre à des préoccupations non pas sanitaires, mais bien citoyennes. L’enjeu n’est pas seulement de mesurer les effets biologiques des ondes. À titre de comparaison, lorsque vous allez à la plage, le soleil a un effet biologique sur votre peau, mais il n’a pas d’effet sanitaire si vous respectez un minimum de règles quant au temps d’exposition et si vous vous protégez en mettant de la crème solaire. Je reconnais que cette analogie peut paraître simpliste, mais c’est un peu la même chose s’agissant des ondes électromagnétiques.
Enfin, je suis d’accord avec M. Hérisson lorsqu’il relève cette contradiction : certains de nos concitoyens qui n’acceptent pas l’installation d’une antenne près de chez eux sont parfois les premiers à regretter l’insuffisance de la couverture ou la faiblesse du débit internet dans les lieux qu’ils fréquentent, y compris, donc, chez eux.
M. Pierre Hérisson. Hélas !
Mme Axelle Lemaire, secrétaire d'État. Voilà pourquoi il est utile de confier une responsabilité au maire, qui, connaissant ses concitoyens, peut réussir à désamorcer des inquiétudes et à identifier les préoccupations prioritaires.
Tels sont, mesdames, messieurs les sénateurs, les éléments dont je souhaitais vous faire part avant l’examen des amendements.
M. le président. La discussion générale est close.
Nous passons à la discussion du texte de la commission.
proposition de loi relative à la sobriété, à la transparence, à l’information et à la concertation en matière d’exposition aux ondes électromagnétiques
TITRE IER
SOBRIÉTÉ DE L’EXPOSITION AUX CHAMPS ÉLECTROMAGNÉTIQUES, INFORMATION ET CONCERTATION LORS DE L’IMPLANTATION D’INSTALLATIONS RADIOÉLECTRIQUES
M. le président. Sur l’intitulé du titre Ier, je suis saisi de trois amendements faisant l'objet d'une discussion commune.
L'amendement n° 16 rectifié, présenté par MM. Sido et Retailleau, est ainsi libellé :
Rédiger ainsi cet intitulé :
Information et concertation lors de l'implantation d'installations radioélectriques
La parole est à M. Bruno Sido.
M. Bruno Sido. Cette intervention me permettra de m’exprimer sur l’ensemble de la proposition de loi, notamment sur l’article 1er, qui est le plus important.
Les propos de Mme la secrétaire d’État m’ont paru mesurés, balancés, et je les approuve en grande partie.
Je partage également le point de vue de notre collègue Anne-Marie Escoffier.
Mme Cécile Cukierman. Mais oui ! C’est comme pour le nuage de Tchernobyl, qui s’était arrêté à la frontière…
M. Bruno Sido. Il s’agit en effet d’un texte idéologique, d’un texte à charge.
Tout prouve aujourd'hui qu’il n’y a aucun risque avéré si les expositions sont inférieures au niveau réglementaire.
Je salue également la commission des affaires économiques, en particulier son rapporteur, M. Daniel Raoul. Il est vrai que c’est un ancien membre éminent de l’Office parlementaire d’évaluation des choix scientifiques et technologiques. En tant que président de cette instance, j’en reconnais bien là la marque : un travail sérieux et de qualité !
Certains principes ont été brandis, parfois à tort et à travers, notamment lorsqu’ils n’avaient juridiquement rien à voir avec le sujet. Ainsi, le principe de précaution, qui fait partie de notre bloc de constitutionnalité, concerne seulement l’environnement ; il ne s’applique dans aucun autre domaine. Je crois qu’il est utile de le rappeler.
Des collègues ont également agité des peurs ; c’est une tactique qui peut toujours servir ! Sauf que les peurs en question ne produisent des effets que dans les zones bien loties en termes de couverture !
Pour ma part, je pense, et je ne suis pas le seul dans cet hémicycle, aux territoires ruraux qui attendent encore une couverture convenable, honnête, une couverture de qualité et, demain, une couverture de quatrième génération. Les populations concernées ne tremblent pas en permanence à cause des ondes électromagnétiques, qui ne viennent d’ailleurs pas seulement, il s’en faut de beaucoup, de la téléphonie mobile, de la Wi-Fi ou du Bluetooth ; la télévision, le four à micro-ondes, etc., en émettent également ! Et les gens n’en ont pas peur !
Mme Cécile Cukierman. En 1914, ceux qui partaient à la guerre n’avaient pas peur non plus !
M. Bruno Sido. Ils attendent, avant tout, une couverture correcte !
Or je considère que ce texte va constituer une entrave au déploiement des installations et à la bonne couverture du territoire français, en particulier dans les zones rurales. Il faut donc le corriger. D’ailleurs, cela a commencé à être fait, et dans la bonne direction – j’y reviendrai en présentant d’autres amendements –, grâce au travail de M. le rapporteur.
L’amendement n° 16 rectifié vise à changer l’intitulé du titre Ier de la proposition de loi, afin de le faire mieux correspondre au texte réécrit par la commission, ce dont je remercie une nouvelle fois M. le rapporteur.
M. le président. L'amendement n° 3 rectifié, présenté par MM. Retailleau, Hérisson et Lenoir, Mme Masson-Maret et M. Sido, est ainsi libellé :
Remplacer le mot :
sobriété
par le mot :
maîtrise
La parole est à M. Bruno Retailleau.
M. Bruno Retailleau. Trois arguments justifient selon nous la substitution du mot « maîtrise » au mot « sobriété ».
D’abord, le terme de « maîtrise » est celui que l’ANSES a choisi dans son avis de 2013, dont certaines des recommandations sont placées sous la rubrique : « En matière de maîtrise des niveaux d’exposition ».
Ensuite, si nous savons bien ce que signifie « maîtrise », la « sobriété » ne correspond à aucun concept juridique.
Enfin, au mois de mai 2013, le Premier ministre d’alors avait chargé M. Tourtelier, ancien député, et M. Girard, conseiller d’État, de faire le point sur le sujet. Leurs conclusions sont claires : « Il ne nous semble pas pertinent de faire figurer dans la loi un "principe de sobriété" en tant que tel, par rapport auquel les exégètes et les juristes se perdraient en conjectures et en contentieux sans que l’exposition en soit diminuée ou que le débat public local y gagne. »
Nous vous proposons donc d’en tirer les conséquences. À défaut, je m’interrogerais sur l’utilité de commander des rapports. Pourquoi solliciter un ancien député et un conseiller d’État si le Gouvernement n’a pas l’intention de tenir compte de leurs conclusions ? Sauf erreur de ma part, nous n’avons pas – pour l’instant – changé de Président de la République !
J’ajouterai, madame la secrétaire d’État, vous ayant entendue, que cet amendement va aussi dans le sens de la cohérence par rapport au sens que vous donnez à ce texte. Vous avez en effet affirmé voilà quelques instants que l’enjeu central de cette proposition de loi, c’était la citoyenneté et la pédagogie, et non la souffrance, se traduisant éventuellement par des malaises, des personnes hypersensibles aux ondes. Je vous prends au mot : en remplaçant le mot « sobriété » par celui de « maîtrise », vous obtiendrez le même résultat en matière de pédagogie et de citoyenneté tout en défaisant le nid à contentieux que vous êtes en train de créer avec la rédaction actuelle.
Autant on sait ce que la sobriété signifie lorsqu’on parle de consommation d’alcool ou de tabac, autant on ignore les conséquences juridiques que l’emploi de ce terme pourrait avoir dans le domaine qui nous occupe aujourd'hui.
M. Bruno Sido. Très bien !
M. le président. L'amendement n° 25, présenté par M. Labbé et les membres du groupe écologiste, est ainsi libellé :
Remplacer le mot :
sobriété
par le mot :
modération
La parole est à M. Joël Labbé.
M. Joël Labbé. Notre collègue Bruno Retailleau vient d’évoquer un avis de l’ANSES, mais aussi le rapport de MM. Tourtelier, Girard et Le Bouler qu’avait commandé le Gouvernement. Or ceux-ci ont passé plus d’une demi-heure à nous expliquer que le terme de « modération » était le plus pertinent. N’est-ce pas, monsieur le président de la commission des affaires économiques ?
« Modération de l’exposition aux champs électromagnétiques », cela dit bien ce que cela veut dire, alors que « sobriété de l’exposition » me paraît poser problème, ne serait-ce qu’au regard de la langue française. La sobriété, c’est plutôt un état de fait – on est sobre ou on ne l’est pas –, alors que la modération, le fait de se modérer, donc de rechercher la sobriété, est une démarche active, tendant à réduire une consommation ou, en l’occurrence, des émissions d’ondes.
M. le président. Quel est l’avis de la commission ?
M. Daniel Raoul, rapporteur. Je note d’abord que, dans l’amendement n° 16 rectifié, est complètement gommé l’objectif de sobriété, ou de maîtrise, ou de modération. Or c’est bien cet objectif qui est au cœur du texte. Eu égard à cet « oubli » d’un élément fondamental, l’avis de la commission ne peut qu’être défavorable.
Quant aux amendements nos 3 rectifié et 25, qui ont en commun le rejet du mot « sobriété », l’un tendant à y substituer le mot « maîtrise », l’autre, le mot « modération », je dois dire qu’ils me laissent tous deux perplexe… J’y suis également défavorable, mais j’inviterai Joël Labbé à faire preuve de cohérence. Il a en effet déposé, à l’article 4, un amendement n° 34 rectifié, où il introduit lui-même l’objectif de sobriété et sur lequel la commission émettra d’ailleurs un avis favorable. Alors, soyez cohérent, mon cher collègue, et acceptez le mot « sobriété » dans l’intitulé du titre Ier !
M. Bruno Sido. Le rapporteur a raison !
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
Mme Axelle Lemaire, secrétaire d'État. Sur l’amendement n° 16 rectifié, il me semble effectivement paradoxal de vouloir supprimer de l’intitulé du titre Ier l’objectif même de la proposition de loi.
Il est important de rappeler que le principe de sobriété est un objectif et c’est sur la mise en œuvre, ou non, de ce principe que la jurisprudence devrait se fonder à l’occasion d’un contentieux. Or, en l’occurrence, le choix d’une terminologie plutôt que d’une autre n’aura pas d’incidence sur le dispositif de mise en œuvre de la concertation ni sur la décision prise par l’Agence nationale des fréquences.
Le Gouvernement est donc défavorable à cet amendement.
Sur l’amendement n° 3 rectifié, je souligne que l’utilisation du mot « maîtrise » fait spontanément jaillir la question : qui maîtrise ? L’emploi de ce terme implique tout de même que l’exploitant d’une installation radioélectrique puisse contrôler l’ensemble des paramètres de l’exposition du public aux champs électromagnétiques. Ce n’est pas réaliste et ce n’est pas le choix opéré dans ce texte.
Le Gouvernement est donc également défavorable à cet amendement.
Concernant l’amendement n° 25, il faut, me semble-t-il, comme je l’ai expliqué dans mes propos liminaires, revenir à l’esprit du texte. Celui-ci met l’accent sur la mise en œuvre de la procédure de concertation, des obligations d’information à l’égard du public, de la possibilité pour les habitants d’être consultés, avec une spécificité qui est celle du régime du traitement des points atypiques. Telle est l’architecture d’ensemble de la proposition de loi.
Monsieur Labbé, il me semble que, dès lors que « votre amendement n° 34 rectifié, auquel M. le rapporteur a fait allusion et qui sera examiné ultérieurement, tend à remplacer le mot « maîtriser » par l’expression « assurer la sobriété », vous devez, en toute logique et par cohérence, accepter l’emploi de ce terme comme objectif dans le titre Ier.
Le Gouvernement est donc défavorable à votre amendement n° 25.
M. le président. La parole est à Mme Marie-Christine Blandin, pour explication de vote sur l'amendement n° 3 rectifié.
Mme Marie-Christine Blandin. Tout le monde évoque les termes en question comme si chacun d’entre eux présentait des risques. Il serait peut-être bon d’en revenir au dictionnaire.
M. Bruno Sido. Lequel ?
Mme Marie-Christine Blandin. Du coup, on s’apercevrait que faire preuve de « modération », c’est s’efforcer à la pondération, c’est tempérer. Voilà pourquoi notre choix initial s’était porté sur ce mot.
M. le rapporteur propose que le consensus se fasse sur le mot « sobriété ». La sobriété, c’est l’absence de superflu. Alors, c’est un peu comme dans l’agriculture « raisonnée » : on arrête de mettre trop de pesticides au-delà du seuil fixé par la loi. (M. Bruno Sido s’exclame.) On sera peut-être obligé d’en arriver là…
Quant à la maîtrise, monsieur Retailleau, je remarque que ce terme est utilisé dans l’expression « maîtrise des émissions en matière de composés organiques volatils des produits de peinture automobile ». Voilà la définition exacte qui en est donnée : « C’est un outil pour les secteurs industriels permettant des schémas de maîtrise, donnant des éléments aux acteurs de nature à leur permettre d’appréhender correctement la réglementation. C’est une alternative aux valeurs limites. »
Là, on n’est plus dans l’agriculture raisonnée, on est dans la transgression de la loi ! Donc, pour nous, la maîtrise, c’est hors de question ! (Applaudissements sur les travées du groupe écologiste.)
M. le président. La parole est à M. Bruno Retailleau, pour explication de vote.
M. Bruno Retailleau. C’est extraordinaire ! On va bientôt faire du droit à l’aide de dictionnaires !
Je l’ai dit, ma chère collègue, c’est le terme qui est utilisé par l’ANSES. Pensez-vous que cette agence, dans ses rapports, ses recommandations, ses avis, joue avec la santé des Français ?
Mme Marie-Christine Blandin. Elle travaille avec l’industrie !
M. Bruno Retailleau. Par ailleurs, le conseiller d’État Jean-François Girard et le député Philippe Tourtelier avaient indiqué que le principe de sobriété était un nid à contentieux. Cela, ils ne l’ont sans doute pas trouvé dans le dictionnaire, mais ils ont travaillé et, au terme de leur réflexion, ils sont arrivés à cette conclusion.
C’est donc avec un peu de bon sens que nous proposons le terme de « maîtrise » plutôt que celui de « sobriété ».
M. le président. La parole est à Mme Nathalie Goulet, pour explication de vote sur l'amendement n° 25.
Mme Nathalie Goulet. J’aimerais obtenir une précision.
Si j’ai bien compris ce que vous nous avez dit, madame la secrétaire d’État, le mot « modération » n’est pas acceptable en l’état parce que, dans l’amendement n° 34 rectifié à l’article 4, il est question de « sobriété ».
M. Daniel Raoul, rapporteur. C’est moi qui en ai d’abord parlé !
Mme Nathalie Goulet. Cela ne me semble pas être un très bon argument. La notion de modération me paraît meilleure que celle de sobriété dans la mesure où elle se rapproche de l’objectif et ne pose pas de difficulté. Refuser un amendement au motif qu’un autre sera accepté trois articles plus loin ne constitue pas un argument valable. Moi, en tout cas, j’ai assez envie de voter cet amendement n° 25.
M. Yves Pozzo di Borgo. Moi aussi !
M. le président. Monsieur Labbé, maintenez-vous l'amendement n° 25 ?
M. Joël Labbé. J’ai entendu les engagements du rapporteur et de Mme la secrétaire d’État sur l’amendement n° 34 rectifié mais, après l’intervention de notre collègue Nathalie Goulet, je ne peux pas retirer le présent amendement ! (Rires.)
M. le président. Merci pour ce cheminement ! (Sourires.)
Je mets aux voix l'amendement n° 25.
(Après une épreuve à main levée déclarée douteuse par le bureau, le Sénat, par assis et levé, n'adopte pas l'amendement.)
Article 1er
I. – Le code des postes et des communications électroniques est ainsi modifié :
1° Après le 12° bis du II de l’article L. 32-1, il est inséré un 12° ter ainsi rédigé :
« 12° ter À la sobriété de l’exposition du public aux champs électromagnétiques ; »
2° L’article L. 34-9-1 est ainsi rédigé :
« Art. L. 34-9-1. – I. – Un décret définit les valeurs limites des champs électromagnétiques émis par les équipements utilisés dans les réseaux de communications électroniques ou par les installations mentionnées à l’article L. 33-3, lorsque le public y est exposé.
« Le respect de ces valeurs peut être vérifié sur place par des organismes répondant à des exigences de qualité.
« Le résultat des mesures est transmis par les organismes mentionnés au deuxième alinéa à l’Agence nationale des fréquences, qui en assure la mise à disposition du public.
« Lorsqu’une mesure est réalisée dans des immeubles d’habitation, les résultats sont transmis aux propriétaires et aux occupants. Ces résultats mentionnent le nom de l’organisme ayant réalisé la mesure. Tout occupant d’un logement peut avoir accès, auprès de l’Agence nationale des fréquences, à l’ensemble des mesures réalisées dans le logement.
« II. – (Supprimé)
« III. – A. – Toute personne qui exploite, sur le territoire d’une commune, une ou plusieurs installations radioélectriques soumises à autorisation ou avis de l’Agence nationale des fréquences transmet au maire ou au président de l’intercommunalité, à sa demande, un dossier établissant l’état des lieux de ces installations. Le contenu et les modalités de transmission de ce dossier sont définis par arrêté conjoint des ministres chargés des communications électroniques et de l’environnement.
« B. – Toute personne souhaitant exploiter, sur le territoire d’une commune, une ou plusieurs installations radioélectriques soumises à autorisation ou avis de l’Agence nationale des fréquences en informe par écrit le maire ou le président de l’intercommunalité dès la phase de recherche et lui transmet un dossier d’information deux mois avant le dépôt de la demande d’autorisation d’urbanisme ou de la déclaration préalable.
« Toute modification substantielle d’une installation radioélectrique existante nécessitant une nouvelle demande d’autorisation auprès de l’Agence nationale des fréquences fait également l’objet d’un dossier d’information remis au maire au moins deux mois avant le début des travaux.
« Le contenu et les modalités de ces transmissions sont définis par arrêté conjoint des ministres chargés des communications électroniques et de l’environnement.
« C. – Le dossier d’information mentionné au premier alinéa du B du présent III comprend une estimation de l’exposition aux champs électromagnétiques générée par l’installation. Des mesures peuvent être effectuées, à la demande écrite du maire ou du président de l’intercommunalité, aux fins de vérifier la cohérence de l’exposition effectivement générée avec les prévisions de l’estimation réalisée dans les six mois suivant la mise en service de l’installation.
« C bis (nouveau). – Un décret en Conseil d’État détermine les conditions de mise en œuvre d’une procédure d’information et de concertation du public, à l’initiative et sous l’autorité du maire ou du président de l’intercommunalité, préalablement à l’autorisation d’exploitation d’une installation radioélectrique par l’Agence nationale des fréquences, à laquelle le bilan de la concertation est adressé. Ce décret détermine également les conditions de saisine d’une instance de concertation départementale chargée d’une mission de médiation relative à toute installation radioélectrique.
« D. – Il est créé au sein de l’Agence nationale des fréquences un comité national de dialogue relatif aux niveaux d’exposition du public aux champs électromagnétiques. Ce comité participe à l’information des parties prenantes sur les questions d’exposition du public aux champs électromagnétiques L’agence présente au comité le recensement annuel des résultats de l’ensemble des mesures de champs électromagnétiques ainsi que les dispositions techniques de nature à réduire le niveau de champ dans les points atypiques.
« La composition et le fonctionnement de ce comité sont définis par un décret en Conseil d’État.
« E. – Les points atypiques sont définis comme les points de mesure, situés dans les lieux de vie fermés, où les expositions du public aux champs électromagnétiques sont les plus fortes à l’échelle nationale et peuvent être réduites, tout en garantissant la couverture et la qualité des services rendus. Les paramètres caractérisant un point atypique sont déterminés par l’Agence nationale des fréquences et font l’objet d’une révision régulière en fonction des données d’exposition disponibles.
« Un recensement national des points atypiques du territoire est établi chaque année par l’Agence nationale des fréquences. L’agence informe les administrations et les autorités affectataires concernées des points atypiques identifiés. Elle veille à ce que les titulaires des autorisations d’utilisation de fréquences radioélectriques impliqués prennent, sous réserve de faisabilité technique, des mesures permettant de réduire le niveau de champs émis dans les lieux en cause. L’Agence nationale des fréquences établit un rapport périodique sur les modalités de traitement et la trajectoire de résorption des points atypiques.
« F. – (Supprimé)
« IV. – (Supprimé) » ;
3° L’article L. 34-9-2 est abrogé ;
4° La première phrase du cinquième alinéa du I de l’article L. 43 est complétée par les mots : « ainsi que de l’objectif mentionné au 12° ter du II de l’article L. 32-1 ».
II (nouveau). – Dans un délai d’un an à compter de la promulgation de la loi n° … du … relative à la sobriété, à la transparence, à l’information et à la concertation en matière d’exposition aux ondes électromagnétiques, l’Agence nationale des fréquences met à la disposition des communes de France une carte à l’échelle communale des antennes relais existantes.
III (nouveau). – Les dispositions des B à C bis du III de l’article L. 34-9-1 du code des postes et des communications électroniques, dans sa rédaction issue de la présente loi, entrent en vigueur six mois après la promulgation de la présente loi.
M. le président. Je suis saisi de trois amendements faisant l'objet d'une discussion commune.
L'amendement n° 4 rectifié bis, présenté par MM. Retailleau, Hérisson et Lenoir, Mme Masson-Maret et M. Sido, est ainsi libellé :
Alinéa 3
Rédiger ainsi cet alinéa :
« 12° ter À la maîtrise de l’exposition du public aux champs électromagnétiques, consistant à mesurer, caractériser et contrôler les niveaux d’exposition du public à l’ensemble des appareils, installations et dispositifs radioélectriques, leurs variations dans le temps et dans l’espace ainsi que leur évolution liée au déploiement de nouveaux services et de nouvelles technologies ; »
La parole est à M. Bruno Retailleau.
M. Bruno Retailleau. Avec cet amendement, qui procède de la même inspiration que l’amendement que nous aurions aimé voir retenu dans l’intitulé du titre Ier, je reviens sur l’objectif de sobriété.
Tout à l’heure, le rapporteur et président de la commission des affaires économiques nous expliquait que la sobriété n’était qu’un objectif. Il nous a aussi expliqué qu’il donnerait ultérieurement un avis favorable sur l’amendement n° 34 rectifié, présenté par Joël Labbé, qui tend à introduire le mot « sobriété » dans le texte de l’article 4. Cela signifie que le principe de sobriété ne figurera donc pas dans le texte comme un simple ornement : il sera au cœur de la proposition de loi.
Je maintiens que le principe de sobriété n’a aucune valeur juridique, qu’il est déconnecté du principe de précaution et qu’il est inspiré – comme nous l’exposera Mireille Schurch dans quelques instants en présentant son amendement n° 8 –par le concept anglo-saxon ALARA, qui n’a rien à voir avec nos normes juridiques.
Nous persistons donc dans notre position, en espérant que, cette fois-ci, nous aurons su vous convaincre.
M. le président. L'amendement n° 26, présenté par M. Labbé et les membres du groupe écologiste, est ainsi libellé :
Alinéa 3
Remplacer le mot :
sobriété
par le mot :
modération
La parole est à M. Joël Labbé.
M. Joël Labbé. C’est un amendement de cohérence mais, en toute logique, je le retire puisque la modération n’a pas été retenue tout à l’heure.
M. le président. L'amendement n° 26 est retiré.
L'amendement n° 8, présenté par Mme Schurch, M. Le Cam et les membres du groupe communiste républicain et citoyen, est ainsi libellé :
Alinéa 3
Compléter cet alinéa par les mots :
consistant à ce que le niveau d’exposition de la population aux champs électromagnétiques soit le plus faible possible en conservant un bon niveau de service
La parole est à Mme Mireille Schurch.
Mme Mireille Schurch. Il y a quelques jours, s’est tenu au Sénat un colloque sur l’écriture de la loi. De nombreuses tables rondes s’interrogeaient sur la qualité de la loi, parfois trop vague et trop bavarde. C’est dans ce contexte que je souhaite inscrire la défense de mon amendement.
Le ministre chargé des communications électroniques et l’ARCEP ont pour mission de veiller à « un niveau élevé de protection de l’environnement et de la santé de la population ». Cette disposition est un acquis important, qu’il convient de préserver.
Dans le même ordre d’idées, le choix a été fait d’introduire dans la proposition de loi un autre objectif, complémentaire à la recherche de cette protection, celui de la sobriété de l’exposition du public aux champs électromagnétiques.
Là encore, nous pensons que cela est un réel progrès. Toutefois, nous devons préciser la teneur de cet objectif en le définissant. Sinon, il risque de rester une coquille vide sans portée normative. Or un des reproches faits au législateur est d’être trop bavard et de manquer de clarté, voire d’efficacité ! Nous proposons donc de donner un contenu précis au principe de sobriété, que nous venons de voter.
Sans s’engager dans une définition chiffrée, afin d’éviter un encadrement excessif de l’action publique par des valeurs que l’évolution technique rendrait de toute façon rapidement inadaptées, il conviendrait néanmoins de reprendre la définition « aussi bas que raisonnablement possible », soit la définition même du principe ALARA, utilisé par exemple par l’Autorité de sureté nucléaire et base de la radioprotection.
Ce principe, connu et reconnu au niveau international, se décline en trois temps : la justification, l’optimisation et la limitation des doses d’exposition individuelle.
Nous vous invitons à donner une portée à l’objectif de sobriété défini dans cette proposition de loi en votant cet amendement, l’idée étant de permettre une moindre intensité des antennes relais tout en préservant la qualité du réseau.
J’ajouterai que les émissions d’antennes relais, nous les subissons vingt-quatre heures sur vingt-quatre, ce qui n’est pas le cas avec d’autres appareils.
M. le président. Quel est l’avis de la commission ?
M. Daniel Raoul, rapporteur. Monsieur Retailleau, si vous lisez bien le texte, vous constaterez que le mot « principe » n’est employé nulle part, ce qui désarme quelque peu votre argumentation.
M. Bruno Retailleau. En effet, il s’agit d’un « objectif ».
M. Daniel Raoul, rapporteur. Nous avons sciemment fixé un objectif, et non un principe, sur le modèle des 21 objectifs qui existent déjà dans le code des postes et communications électroniques. Il n’y a donc aucun problème juridique.
Monsieur Labbé, je vous remercie d’avoir retiré votre amendement n° 26, faisant ainsi preuve de la cohérence à laquelle je vous avais précédemment appelé.
Madame Schurch, j’ai un problème avec votre amendement ! (Sourires.)
M. Bruno Retailleau. Il est très intéressant !
M. Daniel Raoul, rapporteur. Certes !
Il vise à définir la sobriété comme un principe ALARA.
Selon l’amendement, l’objectif de sobriété consiste à faire en sorte que « le niveau d’exposition de la population aux champs électromagnétiques soit le plus faible possible en conservant un bon niveau de service ». Mais comment faire quand on sait que le bon niveau de service varie selon les appareils radioélectriques ?
Ne sachant pas comment on peut appliquer le principe ALARA, j’émets un avis défavorable sur votre amendement.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
Mme Axelle Lemaire, secrétaire d'État. Sur l’amendement n° 4 rectifié bis, l’avis du Gouvernement est le même que celui de la commission.
Je remercie M. Labbé d’avoir su faire preuve de « modération » – pardonnez-moi ce jeu de mots ! (Sourires.) – en retirant son amendement.
L’amendement n° 8 introduit le principe ALARA, soit as low as reasonably achievable, autrement dit « aussi bas que c’est raisonnablement envisageable –, dont je rappelle qu’il est appliqué à l’industrie nucléaire. Si on l’utilisait en l’espèce, cela pourrait, me semble-t-il, ouvrir la porte à une multiplication des contentieux et créer un climat d’incertitude qui risquerait de freiner terriblement l’investissement.
En effet, l’application de ce principe reviendrait à inverser totalement la charge de la preuve. Il faudrait, par conséquent, complètement redimensionner le réseau. On entrerait alors dans un cercle vicieux : à certains endroits, le nombre d’antennes devrait être multiplié et, à d’autres, diminué. Il ne serait pas réaliste d’ouvrir une telle période d’incertitude.
M. le président. La parole est à M. Bruno Retailleau, pour explication de vote sur l'amendement n° 4 rectifié bis.
M. Bruno Retailleau. Nous sommes là au cœur du texte, et je remercie Mme Schurch d’avoir pointé, avec le principe ALARA, une véritable question juridique.
Madame la secrétaire d’État, vous avez évoqué la légistique, c'est-à-dire la science qui consiste à bien faire la loi. Le Conseil constitutionnel, encore récemment par la voix de son président, et le Conseil d’État nous rappellent souvent, à nous législateurs, que la loi doit d’abord être normative. Elle ne peut pas toujours bavarder ; elle doit poser des normes.
Si, comme Daniel Raoul ne cesse de me le répéter, la sobriété est proclamée comme un objectif et non comme un principe, cela revient à la vider de son sens et, une fois de plus, on fait bavarder la loi ! C'est une supercherie de faire croire aux personnes qui souffrent d’hypersensibilité que l’on réglera leurs problèmes. Madame la secrétaire d’État, vous l’avez d’ailleurs dit de façon tout à fait honnête, 99,9 % des Français sont exposés à un niveau de fréquence huit fois moindre que la norme fixée par l’OMS.
Je veux aussi m’adresser au groupe écologiste. Pourquoi définir un objectif de sobriété s’il n’est pas relié au principe ALARA, qui est le seul moyen, comme l’a dit Mme Schurch, de lui donner du sens ? Ce n’est pas une bonne façon de faire la loi : on bavarde, on jette des mots apaisants qui n’auront, pour les personnes hypersensibles, strictement aucune portée autre que théorique et poétique !
M. le président. La parole est à Mme Mireille Schurch, pour explication de vote sur l'amendement n° 8.
Mme Mireille Schurch. Madame la secrétaire d’État, la définition de la sobriété que je vous propose est très équilibrée. Sans définition, on reste dans le vague, et c’est sans doute ce que vous souhaitez.
Mon amendement indique très clairement qu’il faut aller vers un niveau d’exposition « le plus faible possible » tout en conservant un bon niveau de service. Nous n’avons pas indiqué un chiffre précis, car il serait impossible à déterminer.
Je le redis, ma proposition est extrêmement équilibrée ; elle permet de préciser ce qu’est la sobriété. Sinon, nous ne faisons que chanter !
M. Bruno Sido. Très bien !
M. le président. L'amendement n° 5 rectifié, présenté par MM. Retailleau, Hérisson et Lenoir, Mme Masson-Maret et M. Sido, est ainsi libellé :
Alinéa 6
Remplacer les mots :
à des exigences de qualité
par les mots :
aux exigences de qualité fixées par décret
La parole est à M. Bruno Retailleau.
M. Bruno Retailleau. Il ne s’agit pas d’un amendement rédactionnel ; chaque terme a un sens. Il vise à revenir à la rédaction actuelle de l’alinéa 6 de l’article 34-9-1 du code des postes et des communications électroniques.
La jurisprudence du Conseil d’État sur les compétences des maires en matière d’urbanisme par rapport au pouvoir régalien de l’État, par l’intermédiaire de l’ANFR, insiste sur la nécessité, dans les domaines techniques, de se référer à un organisme indépendant.
Cet amendement permet de répondre aux conditions posées par la jurisprudence.
M. le président. Quel est l’avis de la commission ?
M. Daniel Raoul, rapporteur. Mon cher collègue, une fois n’est pas coutume, la commission a émis un avis favorable sur votre amendement ! (Sourires.)
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. le président. L'amendement n° 47, présenté par le Gouvernement, est ainsi libellé :
Alinéas 10 (première phrase) et 11
Remplacer le mot :
autorisation
par le mot :
accord
La parole est à Mme la secrétaire d'État.
Mme Axelle Lemaire, secrétaire d'État. Cet amendement rédactionnel permet de mettre le texte de la proposition de loi en conformité avec les dispositions existantes du code des postes et des communications électroniques.
M. le président. Quel est l’avis de la commission ?
M. Daniel Raoul, rapporteur. Favorable.
M. le président. L'amendement n° 17 rectifié, présenté par MM. Sido et Retailleau, est ainsi libellé :
Alinéa 11
Après les mots :
d'information
rédiger ainsi la fin de cet alinéa :
avant le dépôt de la demande d’autorisation d’urbanisme ou de la déclaration préalable, dans un délai fixé par arrêté conjoint des ministres chargés des communications électroniques et de l'environnement.
La parole est à M. Bruno Sido.
M. Bruno Sido. Les délais des dispositifs d’information et de concertation avec la mairie doivent, dans le respect de l'intérêt général – c'est très important –, être aussi maîtrisés et encadrés que possible, sauf à risquer de voir la durée d'installation moyenne d’antennes relais s'allonger encore.
Je rappelle que quelque 600 jours séparent ordinairement l’expression du besoin de l’installation. Bel exemple de la France immobile ! Je pense qu’il est tout de même possible d’améliorer la situation !
La création, prévue dans le texte, d'un nouveau délai de deux mois en amont du dépôt de la demande d'autorisation d'urbanisme ou de la déclaration préalable, qui augmenterait encore de soixante jours la durée d’attente avant l’installation, n'apparaîtra pas d’une utilité évidente à nos concitoyens.
C'est la raison pour laquelle mon amendement en prévoit la suppression, à charge pour le Gouvernement de fixer, par voie réglementaire, ce qu’il sait très bien faire, un nouveau délai plus bref, plus pertinent, et donc mieux adapté.
M. le président. Quel est l’avis de la commission ?
M. Daniel Raoul, rapporteur. J’ai bien compris que M. Sido voulait renvoyer la fixation du délai à un arrêté des ministres chargés des communications électroniques et de l’environnement. Je ne suis pas favorable à cet amendement. Je considère que le délai de deux mois suffit amplement.
M. Bruno Sido. C’est trop long !
M. Daniel Raoul, rapporteur. Ce délai me paraît tout à fait adéquat.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
Mme Axelle Lemaire, secrétaire d'État. Monsieur le sénateur, vous le disiez vous-même, avant d’investir, les opérateurs ont besoin de visibilité et de sécurité juridique. Il faut arrêter un délai : celui de deux mois correspond à ceux choisis dans la plupart des chartes conclues entre opérateurs et collectivités locales.
Par ailleurs, ce délai a été repris par les travaux du COPIC sur la base des expérimentations menées dans plus d’une dizaine de villes.
Il s’agit d’inscrire dans la loi un délai qui est déjà largement expérimenté dans la pratique.
M. le président. Je suis saisi de deux amendements faisant l'objet d'une discussion commune.
L'amendement n° 48, présenté par le Gouvernement, est ainsi libellé :
Alinéa 12
Remplacer les mots :
d’autorisation auprès de l’Agence nationale des fréquences fait également l’objet d’un dossier d’information remis au maire
par les mots :
d’accord ou d’avis auprès de l’Agence nationale des fréquences et susceptible d’avoir un impact sur le niveau de champs électromagnétiques émis par celle-ci fait également l’objet d’un dossier d’information remis au maire ou au président de l’intercommunalité
La parole est à Mme la secrétaire d'État.
Mme Axelle Lemaire, secrétaire d'État. Il s’agit d’un amendement de précision qui vise à circonscrire l’obligation d’information à destination du maire aux seules modifications des installations radioélectriques qui ont un impact sur le niveau des champs émis par ces installations, telles que les rehaussements d’antenne, la modification de la puissance de celles-ci, de leur orientation ou du faisceau principal d’émission, le changement de technologie, l’ajout d’une bande de fréquences.
En réalité, nombre des modifications techniques réalisées très régulièrement par les opérateurs sur les antennes sont mineures, mais elles nécessitent néanmoins un accord de l’ANFR.
Il serait disproportionné de soumettre de telles modifications à l’obligation systématique de transmission d’informations dès lors que cette transmission a uniquement pour objet d’accroître la transparence en matière d’exposition du public aux ondes.
Ainsi, les maires ne seraient pas noyés sous un flot de dossiers qui n’intéresseraient finalement que très peu leurs concitoyens.
M. le président. L'amendement n° 42, présenté par MM. Hérisson, Retailleau et Lenoir, est ainsi libellé :
Alinéa 12
Après le mot :
fréquences
insérer les mots :
et des travaux sur site
La parole est à M. Pierre Hérisson.
M. Pierre Hérisson. Cet amendement vise à préciser que les modifications substantielles qui font l’objet d’un dossier d’information sont celles qui nécessitent, d’une part, une demande d’autorisation de l’ANFR et, d’autre part, des travaux sur site.
L’amendement écarte ainsi les très nombreuses modifications courantes qui sont réalisées à distance, sans travaux sur site, dans la gestion au quotidien d’un réseau de téléphonie mobile.
Cet amendement répond à un objectif de cohérence : il permet que les demandes formulées par nos concitoyens soient satisfaites rapidement.
M. le président. Quel est l’avis de la commission ?
M. Daniel Raoul, rapporteur. L’amendement n° 48 vise à restreindre l’obligation d’information aux modifications des installations radioélectriques ayant une incidence sur le niveau de champs électromagnétiques émis. En effet, changer un amplificateur ou une antenne dans le cadre d’une simple opération de maintenance ne paraît pas devoir emporter une telle obligation dès lors que le niveau des émissions reste inchangé.
Je préfère la rédaction proposée par le Gouvernement à celle que nous soumet notre collègue Pierre Hérisson, qui vise à introduire le critère des travaux sur site. En effet, ceux-ci peuvent être de natures très différentes, alors que ce qui nous préoccupe, c’est le changement du niveau des champs qui pourrait résulter d’une intervention sur l’installation.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement sur l’amendement n° 42 ?
Mme Axelle Lemaire, secrétaire d'État. Je remarque que cet amendement serait satisfait par l’adoption de l’amendement n° 48 du Gouvernement.
M. le président. La parole est à M. Joël Labbé, pour explication de vote sur l'amendement n° 48.
M. Joël Labbé. Monsieur le rapporteur, quid du changement de l’azimut d’une antenne, qui, sans modifier le niveau de champs, peut impacter une partie de la population qui n’était pas concernée jusque-là ?
Nous sommes prêts à suivre le Gouvernement, mais nous avons besoin d’être éclairés sur ce point.
M. le président. La parole est à M. le rapporteur.
M. Daniel Raoul, rapporteur. Pour un changement d’azimut ou d’inclinaison, il faut un avis de l’ANFR, de manière à s’assurer, notamment, qu’il n’y a pas d’interférences. L’amendement du Gouvernement couvre donc bien ce cas.
M. le président. La parole est à M. Bruno Retailleau, pour explication de vote.
M. Bruno Retailleau. Madame le secrétaire d’État, je veux être sûr de bien comprendre : que devient l’obligation d’information en cas de mutualisation parfaite sur un site, à savoir en cas de partage de fréquences ? Entre-t-elle ou non dans le champ de la restriction ?
En outre, que se passe-t-il en cas de passage de la 3G à la 4G pour une même antenne ? Y a-t-il « modification substantielle » ?
M. Daniel Raoul, rapporteur. La rédaction de l’amendement est claire ! L’ANFR doit donner son avis.
M. le président. La parole est à Mme la secrétaire d'État.
Mme Axelle Lemaire, secrétaire d'État. Pardonnez-moi si mes propos n’ont pas été clairs. Ce qui importe, c’est la notion de modification substantielle.
Dans les exemples que j’ai cités, comme le changement de l’orientation du faisceau, l’avis de l’AFNR est obligatoire dans tous les cas.
À l’inverse, l’obligation d’information à destination du maire ne s’impose pas en cas de modifications techniques mineures.
La mutualisation, le changement de niveau, le passage de la 3G à la 4G me semblent a priori constituer des modifications substantielles, qui impliquent donc un avis obligatoire de l’ANFR.
M. le président. En conséquence, l'amendement n° 42 n'a plus d'objet.
L'amendement n° 18 rectifié, présenté par MM. Sido et Retailleau, est ainsi libellé :
Alinéa 12
Après les mots :
au maire
rédiger ainsi la fin de cet alinéa :
avant le début des travaux, dans un délai déterminé par arrêté conjoint des ministres chargés des communications électroniques et de l'environnement.
La parole est à M. Bruno Sido.
M. Bruno Sido. Bien que cet amendement concerne un autre domaine que le précédent, j’utiliserai les mêmes arguments pour le défendre.
Il va de soi que les délais des dispositifs d’information et de concertation avec la mairie doivent, dans le respect de l'intérêt général, être aussi maîtrisés et encadrés que possible, sauf à risquer de voir la durée d'installation moyenne d’antennes relais s'allonger encore. On en est déjà à 660 jours, l’amendement que j’ai défendu tout à l'heure ayant été rejeté ! Eh bien, on va encore ajouter 60 jours, soit un total de 720 jours !
M. Daniel Raoul, rapporteur. Non ! Vous ne pouvez pas additionner ces délais-là !
M. Pierre Hérisson. Si !
M. Bruno Sido. Monsieur le rapporteur, vous avez beau protester, mes additions sont justes ! Tous ces délais s’ajoutent et se surajoutent.
M. Daniel Raoul, rapporteur. Votre raisonnement n’est pas juste !
M. Bruno Sido. Monsieur le rapporteur, vous pourrez vous exprimer tout à l'heure !
En attendant, mes chers collègues, à force de prévoir des délais qui s’ajoutent les uns aux autres, on finit par ne plus pouvoir rien faire, dans ce pays ! C’est cela que je voudrais faire pénétrer dans les consciences des uns et des autres ! La France devient un pays sclérosé, où, de principe de précaution en principe de ceci, principe de cela, on ne peut plus rien faire !
Un nouveau délai de deux mois en cas de modification substantielle d'une installation radioélectrique semble d'une durée excessive.
M. Daniel Raoul, rapporteur. Non !
M. Bruno Sido. Je ne dis pas qu’il ne faut pas se concerter pour prévenir les éventuels problèmes : je dis qu’il n’y a pas besoin de soixante jours pour le faire ! Cette durée est excessive et risque, monsieur le rapporteur, de ralentir le déploiement d'équipements dont les territoires ruraux ont particulièrement besoin.
Mes chers collègues, soyez assurés que, ici, je continuerai de défendre bec et ongles les espaces ruraux !
Mme Renée Nicoux. Nous aussi !
Mme Mireille Schurch. Vous n’avez pas le monopole de la défense des espaces ruraux !
Mme Cécile Cukierman. Exactement ! Pour qui vous prenez-vous, monsieur Sido ?
M. Bruno Sido. Oh, vous, vous ne savez que défendre les villes, les quartiers, etc. !
Je répète que je défendrai sans relâche les territoires ruraux et c’est dans cet esprit que je demande au Gouvernement de prévoir par voie réglementaire un nouveau délai, en tout état de cause plus bref et donc mieux adapté.
M. le président. Quel est l’avis de la commission ?
M. Daniel Raoul, rapporteur. Je ne sais pas pourquoi M. Sido s’énerve ainsi… J’ai l’impression que nous ne sommes pas sur la même longueur d’onde ! (Sourires.) Il doit y avoir un problème de réglage du tuner ! (Nouveaux sourires.)
Cher collègue, l’alinéa 11 de l’article 1er prévoit un délai de deux mois pour l’implantation de nouvelles installations. L’alinéa 12 prévoit, quant à lui, un délai de soixante jours en cas de modification d’une installation radioélectrique existante. Ces deux opérations n’ont donc rien à voir l’une avec l’autre et vous ne pouvez donc pas additionner les délais !
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
Mme Axelle Lemaire, secrétaire d’État. Il semble qu’il y ait une incompréhension. Elle doit être levée.
Le délai de deux mois relevant de la procédure de concertation en cas d’installation de nouvelles antennes ne peut s’additionner au délai de deux mois qui court en cas de mise à niveau, de maintenance opérationnelle ou de modifications d’ordre technique apportées à une antenne déjà installée.
Ces deux cas de figure sont bien distincts, et il ne s’agit aucunement de prolonger les délais existants.
M. le président. La parole est à M. Bruno Sido, pour explication de vote.
M. Bruno Sido. Monsieur le rapporteur, madame la secrétaire d’État, je veux vous expliquer, très calmement,…
M. Daniel Raoul, rapporteur. Cela nous changera !
M. Bruno Sido. … que, si cette réglementation est peut-être justifiée dans l’absolu, en milieu rural, les opérateurs s’en servent pour retarder au maximum leurs interventions.
Or, en milieu rural, la population, qui passe peu de temps dans les transports en commun, puisqu’il n’y en a pas, a le temps de regarder les antennes et de réfléchir. Elle se dit qu’il suffirait de décaler un tout petit peu l’antenne pour bénéficier d’une meilleure couverture. Eh oui, on pense en milieu rural ! Cependant, les opérateurs invoquent la réglementation, qui les empêcherait d’agir, leur imposerait de respecter des délais ou d’organiser une concertation, tout cela pour justifier en fait leur inaction. Telle est, hélas ! la réalité quotidienne.
En milieu rural, nous allons fibrer tous les pylônes préexistants pour leur permettre de transmettre la quatrième génération de téléphonie mobile, que nous attendons toujours. Monsieur le président, je suis sûr que vous procédez ainsi dans votre département, tant qu’il existe encore ! (Sourires.) Les flux d’information seront donc plus importants… (Mme Marie-Christine Blandin proteste en désignant sa montre.)
Non, madame Blandin, je ne joue pas la montre !
M. Joël Labbé. Si, si !
M. Bruno Sido. J’explique simplement ce qui se passe en milieu rural !
Si, donc, les flux d’information sont plus importants, les expositions aux ondes électromagnétiques, extrêmement dangereuses, bien entendu, comme chacun sait, le seront aussi. Il n’y a qu’à interroger les habitants de la butte Montmartre, qui vivent depuis cent ans en face de la Tour Eiffel, s’ils ont l’impression d’être condamnés à mourir prématurément !
M. Bruno Retailleau. Oui : leur espérance de vie a-t-elle diminué ?
M. Bruno Sido. C’est effectivement la bonne question, monsieur Retailleau !
Mon amendement vise à relayer l’aspiration des espaces ruraux au progrès. Nous avons besoin de ces équipements, même si les milieux urbains, qui sont déjà bien servis en la matière, voudront peut-être freiner des quatre fers.
M. Joël Labbé. Vous n’êtes pas les seuls à représenter le milieu rural !
M. Jeanny Lorgeoux. Démonstration abstraite et abstruse !
M. le président. La parole est à M. Pierre Hérisson, pour explication de vote.
M. Pierre Hérisson. Les propos un peu vifs de Bruno Sido peuvent faire sourire. Toutefois, n’oublions pas que 20 % de la population française, soit plus de 12 millions d’habitants, vit en milieu rural ! (Marques d’impatience sur les travées du groupe écologiste.) En outre, les statistiques de ces trois dernières années montrent que nous sommes engagés dans un exode à rebours : un exode des urbains vers le monde rural. C’est une raison de plus pour prendre les choses au sérieux !
Madame la secrétaire d’État, permettez-moi de vous interroger : qui sera chargé de définir ce qu’est une modification substantielle ? Où se trouvera la limite entre le substantiel et le non-substantiel ? Il faudra bien qu’une instance se prononce à un moment ou à un autre sur ce point !
Au demeurant, cette question peut aussi bien s’adresser à M. le rapporteur. (Mme Esther Benbassa s’exclame.)
Comme vient de le dire Bruno Sido, les opérateurs se réfugient derrière les règlements et les normes pour traîner les pieds dans les zones qui ne sont pas rentables.
M. le président. La parole est à Mme Nathalie Goulet, pour explication de vote.
Mme Nathalie Goulet. Monsieur Sido, vous avez sûrement raison sur le fond, mais vous n’êtes pas le seul ici à représenter les territoires ruraux.
Dans les territoires, qui, comme l’Orne, comptent de multiples zones blanches – pour être notre voisin, M. le président de séance le sait bien –, nous serions bien contents de n’avoir à attendre que deux mois !
M. Pierre Hérisson. Absolument !
Mme Nathalie Goulet. Nous rencontrons de nombreux problèmes : problèmes d’implantation des antennes, problèmes de financement, risques de défaut d’entente entre les opérateurs… Dès lors, je ne crois pas qu’un délai de deux mois crée de réelles difficultés. Celles que connaissent les territoires ruraux pour s’équiper sont essentiellement d’ordre financier.
J’insiste : si nous ne sommes pas tous convaincus par l’argument des délais de concertation, nous n’en sommes pas moins nombreux à défendre les mêmes territoires. Au demeurant, certains des habitants des territoires ruraux réclament eux-mêmes ces délais, car ils ont eux aussi besoin de sécurité !
M. le président. La parole est à Mme Cécile Cukierman, pour explication de vote.
Mme Cécile Cukierman. Je ne souhaite pas allonger les débats sur ce texte très important, mais je voudrais tout de même répondre à M. Sido, qui nous ressort la même antienne à tout propos.
Il n’y a pas ici les défenseurs du monde rural et les autres. Votre vision caricaturale de mon groupe politique, renvoyé aux quartiers et à la ville, me semble complètement dépassée. Regardez autour de vous ! Les choses évoluent : votre téléphone a changé, votre télévision est aujourd'hui en couleur !
De surcroît, nous en avons assez que vous vous posiez comme le seul défenseur du monde rural : vous n’avez pas de monopole en la matière ! (Applaudissements sur les travées du groupe écologiste.)
Dans son intervention générale, ma collègue Mireille Schurch a évoqué l’aménagement du territoire. Elle a dénoncé la mise en concurrence des différents opérateurs, qui, pour des raisons financières, vont là où les habitants habitent effectivement. Il est vrai que permettre à 20 % de la population, répartie sur la majeure partie du territoire, de passer à la 4G n’intéresse pas les lobbies financiers ni les opérateurs téléphoniques !
Sur cette question, nous n’apportons sans doute pas les mêmes réponses.
Monsieur Sido, je ne peux pas vous laisser dire que le monde rural attend la 4G les yeux fermés, tels les soldats qui, en 1914, pensaient que les balles allemandes ne les atteindraient pas. Oui, dans le monde rural aussi, les gens pensent et lisent. Ils sont conscients des dangers, ils s’inquiètent. Des collectifs se mobilisent, réclament de la concertation, réfléchissent collectivement à la place des différents équipements en fonction des besoins et des usages, tout en préservant l’intérêt général et la sécurité de tous.
Je ne voterai pas cet amendement, pas plus que les autres, car vous n’appréhendez pas la situation avec suffisamment de sérieux. Depuis le début, vous n’avez que mépris pour cette proposition de loi.
M. Pierre Hérisson. Pas du tout !
Mme Cécile Cukierman. Pendant des d’années, à grand renfort d’experts, on nous a expliqué que le nuage de Tchernobyl s’était arrêté à nos frontières, bloqué par les Alpes. On sait depuis qu’il a franchi la montagne...
Ayez donc un peu de respect pour ce texte. Vous n’en partagez pas les objectifs, c’est une chose, mais ce ne sont pas que des « farfuleries » ! (Sourires.) Aujourd'hui, à cause des surexpositions, des gens tombent malades et développent des cancers. (Bravo ! et applaudissements sur les travées du groupe écologiste.)
M. le président. La parole est à M. Bruno Retailleau, pour explication de vote.
M. Bruno Retailleau. Ma chère collègue, on peut avoir du respect et pour cette proposition de loi et pour les amendements visant à raccourcir les délais. Si vous pensez un seul instant que ce texte, si jamais il est voté, réduira le nombre de cancers...
Mme Cécile Cukierman. Ce n’est pas ce que j’ai dit !
M. Bruno Retailleau. ... ou qu’il y a un lien entre l’exposition aux champs électromagnétiques et les maladies, vous vous trompez ! (Exclamations sur les travées du groupe écologiste.)
Bruno Sido s’est contenté de demander un raccourcissement des délais parce que nous savons que, dans le milieu rural, nous aurons besoin des technologies filaires pour couvrir le territoire.
Mme Cécile Cukierman. C’est vrai !
M. Bruno Retailleau. Il suffit de regarder une carte et de repérer les zones qui font l’objet d’un AMI, un appel à manifestations d’intérêt, c'est-à-dire celles qui, parce qu’elles constituent un marché, poussent les opérateurs à investir sans demander un euro d’argent public. Ce sont les villes.
Mme Cécile Cukierman. C’est la loi du marché !
M. Bruno Retailleau. En effet, plus l’habitat est concentré, plus la fibre est rentable.
Mme Cécile Cukierman. Oui !
M. Bruno Retailleau. La complémentarité devra être assurée, dans le monde rural, avec les ondes électromagnétiques. C’est un constat !
Demandez des délais plus brefs n’est pas sacrilège. On doit pouvoir exprimer une telle idée et la proposer par voie d’amendement sans que vous considériez pour autant que l’on franchit les limites du raisonnable. Ce qui est raisonnable, c’est de faire en sorte que le milieu rural, les quartiers, les villes, puissent bénéficier demain de toutes les facilités numériques. C’est fondamental pour l’avenir individuel et collectif. (Applaudissements sur les travées de l'UMP.)
Mme Cécile Cukierman. Nous sommes presque d’accord !
M. le président. La parole est à M. le rapporteur.
M. Daniel Raoul, rapporteur. Je ne peux que partager les propos que Bruno Retailleau a tenus dans la seconde partie de son intervention. Pour ma part, je propose de recourir à la 4G pour couvrir les zones blanches et développer le haut débit.
Monsieur Hérisson, vous avez sans doute mal lu l’amendement n° 48 du Gouvernement. Il n’est plus question de transformations substantielles. En revanche, l’avis ou l’accord de l’ANFR est requis. Cette rédaction, bien plus précise, devrait donc vous donner satisfaction.
M. le président. L'amendement n° 19 rectifié, présenté par MM. Sido et Retailleau, est ainsi libellé :
Alinéa 13
Après les mots :
le contenu
insérer les mots :
, les délais
La parole est à M. Bruno Sido.
M. Bruno Sido. Monsieur le président, la première partie de mon intervention vaudra rappel au règlement.
Madame Cukierman, il n’est pas admissible que vous mettiez en cause un de vos collègues qui défend avec acharnement depuis maintenant plus de douze ans dans cet hémicycle la couverture en téléphonie mobile et en haut débit des territoires ruraux.
Certes, il y a douze ans, vous n’étiez pas là pour le constater !
Mme Cécile Cukierman. Nous n’avons pas le même âge ! Il m’aurait été difficile d’être là il y a douze ans ! (Sourires sur les travées du groupe CRC, du groupe socialiste et du groupe écologiste.)
M. Bruno Sido. Le développement des territoires ruraux est important à mes yeux, même si ce n’est pas l’œuvre de ma vie.
Madame Goulet, rassurez-vous : je ne prétends pas être le seul à représenter les territoires ruraux. Fort heureusement, nous sommes nombreux à le faire dans cet hémicycle.
Pardonnez-moi si je m’emporte, et je vous présente mes plus plates excuses, mais cela est dû, tout simplement, à la passion qui m’anime. (M. Alain Néri s’exclame.)
Mme Cécile Cukierman. J’ai la même !
M. Bruno Sido. J’en viens à l’amendement n° 19 rectifié.
De manière générale, afin de ne pas ralentir le déploiement des équipements radioélectriques nécessaires aux activités de nos concitoyens, le Gouvernement doit aussi veiller à la question des délais, qui doivent être aussi courts et maîtrisés que possible. De toute évidence, le délai de deux mois évoqué à plusieurs étapes de la procédure d'information et de concertation paraît excessif. On peut aller plus vite.
M. Joël Labbé. Oui, vous pouvez aller plus vite ! (Sourires sur les travées du groupe écologiste.)
M. Bruno Sido. Chez nous, il n’y a pas d’embouteillages et on peut organiser rapidement des réunions : un tel délai n’est donc pas nécessaire. (Vives marques d’impatience sur les mêmes travées.)
Alors quoi ? On ne peut même plus s’expliquer ici ! Monsieur le président, j’en appelle à votre arbitrage ! Il me reste encore près d’une minute sur mon temps de parole !
M. Jeanny Lorgeoux. Vous versez dans la redondance « truistique » ! (Rires.)
M. Bruno Sido. Je ne sais pas ce que c’est ! Vous me l’expliquerez tout à l’heure !
Je reprends : ce délai paraît excessif au regard de la nécessité de poursuivre le déploiement des équipements radioélectriques au rythme prévu.
Il appartient au pouvoir réglementaire de trouver le juste équilibre entre le temps de la concertation et le temps de l'action. In medio stat virtus.
M. Pierre Hérisson. Très bien !
M. le président. Quel est l’avis de la commission ?
M. Daniel Raoul, rapporteur. Il s’agit d’un amendement de conséquence de deux amendements que nous avons rejetés. Il aurait même dû tomber… Par conséquent, la commission émet un avis défavorable.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
Mme Axelle Lemaire, secrétaire d'État. Monsieur Sido, vous souhaitez préciser dans le texte que les délais de transmission des informations au maire seront définis par arrêté interministériel. Or cet amendement me paraît déjà satisfait par la rédaction actuelle. En effet, la notion de modalités de transmission inclut les délais.
M. le président. Je suis saisi de deux amendements faisant l'objet d'une discussion commune.
L'amendement n° 49, présenté par le Gouvernement, est ainsi libellé :
Alinéa 14
1° Première phrase
Après le mot :
comprend
insérer les mots :
, à la demande du maire,
2° Seconde phrase
Supprimer cette phrase.
La parole est à Mme la secrétaire d'État.
Mme Axelle Lemaire, secrétaire d'État. Cet amendement vise à tirer les conséquences du remplacement du terme « estimation » par celui de « simulation », comme cela sera proposé dans l'amendement n° 28 rectifié, sur lequel nous émettrons un avis favorable.
Il convient en effet que les opérateurs effectuent des simulations du niveau d’exposition aux ondes générées par les antennes qu’ils projettent d’implanter. Du reste, de telles simulations sont déjà réalisées par les exploitants et sont souvent fournies aux élus dans le cadre des chartes locales signées entre opérateurs et collectivités.
Il s’agit donc de préciser que les simulations, et non plus les estimations, sont fournies à la demande du maire, afin d’en assurer le caractère proportionné. J’ajoute que des simulations peuvent toujours être transmises de manière systématique par les opérateurs dans le cadre des dossiers d’information.
Je m’arrête là, car la mesure qu’il convient d’adopter est très liée aux dispositions prévues à l’amendement n° 28 rectifié et il aurait été plus judicieux d’intervertir l’ordre d’examen de ces deux amendements. Dans cette configuration, l’explication ne peut qu’être un peu laborieuse...
M. le président. L'amendement n° 43, présenté par MM. Hérisson, Retailleau et Lenoir, est ainsi libellé :
Alinéa 14, seconde phrase
Après le mot :
vérifier
insérer les mots :
, sur la base des lignes directrices définies par l’Agence nationale des fréquences,
La parole est à M. Pierre Hérisson.
M. Pierre Hérisson. Cet amendement vise à préciser, dans un objectif de sécurité juridique et d'harmonisation nationale des pratiques, sur quelles bases il pourra être vérifié que les résultats d'estimations sont cohérents avec les résultats de la mesure. Il est ainsi proposé que l'évaluation de la cohérence entre mesures et estimations soit réalisée sur les mêmes bases techniques et avec les mêmes règles, lesquelles seront définies par l'ANFR.
M. le président. Quel est l’avis de la commission ?
M. Daniel Raoul, rapporteur. La commission émet un avis favorable sur l’amendement n° 49. La simulation du champ électromagnétique généré fournie à la demande du maire serait une charge obligatoire pour les opérateurs.
Quant à la suppression de la seconde phrase de l’alinéa 14, elle est justifiée puisque la possibilité pour le maire de faire réaliser des mesures est déjà prévue par un décret du 14 décembre 2013.
Par conséquent, la commission émet un avis défavorable sur l’amendement n° 43, qui sera en outre satisfait par l’article 2 de la proposition de loi, lequel évoque les lignes directrices de l’ANFR.
Mme Nathalie Goulet. Si on arrive à l’article 2 !
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement sur l’amendement n° 43 ?
M. le président. La parole est à M. Bruno Retailleau, pour explication de vote.
M. Bruno Retailleau. Je souhaite demander à Mme la secrétaire d'État quelques éclaircissements, puisque l’ordre d’examen des amendements est source de confusion.
Nous allons avoir un débat sémantique à propos de l’amendement n° 28 rectifié. Je ne suis pas du tout sûr que l’on gagne à préférer les simulations aux estimations. En effet, en termes de couverture du territoire, Daniel Raoul le sait parfaitement, nous avons une différence d’appréciation avec l’ARCEP. Celle-ci fournit des cartes sur la base de simulations. La propagation des ondes n’a rien d’arithmétique : il faut tenir compte de la topographie et d’un certain nombre d’autres paramètres.
Pour simuler, il faut d’abord modéliser. Cette opération aboutit à des cartes très théoriques.
À l’inverse, une estimation permet d’élaborer une première hypothèse. En outre, dans un délai de six mois, les opérateurs procèdent systématiquement à une mesure pour la confronter à l’estimation, et ce avec l’appui de l’ANFR.
Par conséquent, entre le dispositif de simulation avec modélisation et le dispositif actuel, à savoir une estimation et une mesure permettant de confronter ex post ce qui a été pressenti ex ante, mon choix est fait. Je pense très franchement que l’on perd beaucoup à abandonner le mode opératoire en vigueur.
M. le président. La parole est à M. le rapporteur.
M. Daniel Raoul, rapporteur. Monsieur Retailleau, nous aurons ce débat lors de l’examen de l’amendement n° 28 rectifié. Je pense que vous confondez deux choses.
L’estimation est censée prendre en compte l’environnement urbanistique, etc. Pour l’instant, nous en sommes à la demande préalable. Il s’agit d’avoir une idée des conséquences d’une installation radioélectrique. Pour que cela ne crée de charges supplémentaires ni aux opérateurs ni aux communes concernées, il est préférable d’utiliser le logiciel. Je vous accorde qu’il pourra difficilement donner la valeur exacte.
Toutefois, si vous signez, dans votre commune, une charte prévoyant une simulation en amont…
M. Bruno Retailleau. Une estimation !
M. Daniel Raoul, rapporteur. Peu importe. Nous en reparlerons lorsque nous examinerons l’amendement n° 28 rectifié.
Avant le dépôt du dossier à l’ANFR, vous pouvez demander à l’opérateur de réaliser une mesure avant l’activation commerciale, c'est-à-dire de vérifier que le champ est bien celui qui avait été estimé avant les travaux.
M. Bruno Retailleau. Vous allez dans mon sens !
M. le président. La parole est à Mme la secrétaire d'État.
Mme Axelle Lemaire, secrétaire d'État. Il me semble, monsieur Retailleau, que vous faites référence à la seconde partie de l’amendement du Gouvernement, qui vise à supprimer la seconde phrase de l’alinéa 14 de l’article 1er, rédigée en ces termes : « Des mesures peuvent être effectuées, à la demande écrite du maire ou du président de l’intercommunalité, aux fins de vérifier la cohérence de l’exposition effectivement générée avec les prévisions de l’estimation réalisée dans les six mois suivant la mise en service de l’installation. »
Ce dispositif de mesures après la mise en service de l’installation figure déjà dans un décret de décembre 2013. L’amendement du Gouvernement vise donc, dans un souci de cohérence, à supprimer une phrase redondante par rapport au droit existant.
M. le président. En conséquence, l’amendement n° 43 n’a plus d’objet.
L'amendement n° 28 rectifié, présenté par M. Labbé et les membres du groupe écologiste, est ainsi libellé :
Alinéa 14, première phrase
Remplacer le mot :
estimation
par le mot :
simulation
La parole est à M. Joël Labbé.
M. Joël Labbé. Les exploitants réalisent aujourd'hui de véritables simulations techniques avant tout projet d'installation afin d'en vérifier la pertinence. Ces estimations peuvent donc être transmises sans surcoût ni accroissement de charges par les opérateurs aux élus.
M. le président. Quel est l’avis de la commission ?
M. Daniel Raoul, rapporteur. Comme je l’ai annoncé précédemment, l’avis est favorable.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
Mme Axelle Lemaire, secrétaire d'État. Le Gouvernement est favorable à cet amendement, auquel j’ai déjà fait indirectement référence en indiquant que l’amendement du Gouvernement n° 49 visait à préciser que les simulations étaient fournies à la demande des maires.
Quoi qu’il en soit, le Gouvernement souscrit à l’idée de transformer les estimations en simulations.
M. le président. La parole est à M. Bruno Retailleau, pour explication de vote.
M. Bruno Retailleau. Madame la secrétaire d’État, quelle différence faites-vous entre estimation et simulation ?
M. le président. La parole est à Mme la secrétaire d'État.
Mme Axelle Lemaire, secrétaire d'État. La simulation est une estimation modélisée mathématiquement, qui s’appuie sur des outils comme des cartes, afin de démontrer les différents niveaux de champs. Le niveau de la preuve et le détail des informations apportées sont donc plus élevés.
M. le président. L'amendement n° 39, présenté par M. Labbé et les membres du groupe écologiste, est ainsi libellé :
Après l'alinéa 14
Insérer un alinéa ainsi rédigé :
« Tout rapport de mesures doit faire apparaître de façon claire et lisible par tous, dans des conditions définies par arrêté, à côté des informations fréquence par fréquence, la contribution globale de la téléphonie mobile, toutes gammes de fréquences et tous opérateurs confondus.
La parole est à M. Joël Labbé.
M. Joël Labbé. Cet amendement tend à rétablir une disposition supprimée en commission, qui visait à ce que les rapports de mesure fassent apparaître la part de la téléphonie mobile dans l'exposition fréquence par fréquence. Cette disposition peut se révéler avantageuse pour les opérateurs, puisque le public pourrait se rendre compte que la téléphonie n’est pas forcément la principale source d’exposition aux champs électromagnétiques.
M. le président. Quel est l’avis de la commission ?
M. Daniel Raoul, rapporteur. Il s’agit, avec cet amendement, d’indiquer que tout rapport de mesures fait apparaître, à côté des informations fréquence par fréquence, la contribution globale de la téléphonie mobile, toutes gammes de fréquences et tous opérateurs confondus.
Cette disposition ne paraît pas utile, et c’est pourquoi la commission l’a supprimée. En effet, non seulement elle ne relève pas du domaine de la loi, mais elle est d’ores et déjà satisfaite par un arrêté de 2003 qui fixe les exigences issues du protocole de mesure in situ.
En conséquence, la commission sollicite le retrait de cet amendement. À défaut, elle émettra un avis défavorable.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
Mme Axelle Lemaire, secrétaire d'État. Je comprends mal l’objet de cet amendement, qui réserve un sort particulier à la téléphonie mobile. L’acceptation de la téléphonie mobile serait-elle moindre que celle de la radio ou de la télévision ?
De surcroît, comme vient de le rappeler M. le rapporteur, l’arrêté de 2003 prévoit déjà plusieurs modes de présentation des résultats de mesures, et la disposition proposée imposerait, sans raison objective, la mise en œuvre d’une méthode de présentation des résultats plus contraignante pour la téléphonie mobile, ce qui se justifie difficilement.
En conséquence, le Gouvernement est défavorable à cet amendement.
M. le président. Monsieur Labbé, l'amendement n° 39 est-il maintenu ?
M. Joël Labbé. Par souci d’efficacité, je le retire, monsieur le président.
M. le président. L'amendement n° 39 est retiré.
Je suis saisi de cinq amendements faisant l’objet d’une discussion commune.
L'amendement n° 50, présenté par le Gouvernement, est ainsi libellé :
Alinéa 15
Remplacer cet alinéa par deux alinéas ainsi rédigés :
« C bis.- Le maire ou le président de l’intercommunalité mettent à disposition des habitants les informations prévues aux B et C du présent article par tout moyen qu’ils jugent approprié et peuvent leur donner la possibilité de formuler des observations, dans les conditions définies par décret en Conseil d’État.
« C ter.- Lorsqu’il estime qu’une médiation est requise concernant une installation radioélectrique existante ou projetée, le représentant de l’État dans le département réunit une instance de concertation, le cas échéant à la demande du maire ou du président de l’intercommunalité. La composition et les modalités de fonctionnement de cette instance sont précisées par décret.
La parole est à Mme la secrétaire d'État.
Mme Axelle Lemaire, secrétaire d'État. Cet amendement important a pour objet de garantir la sécurité juridique des dispositions qui ont été introduites par les membres de la commission des affaires économiques du Sénat.
En effet, il nous semble que le renvoi au décret des dispositions relatives aux conditions de mise en œuvre de la procédure d’information du public et de concertation, comme des dispositions relatives aux conditions de saisine d’une instance de concertation départementale qui serait chargée d’une mission de médiation présente un risque élevé d’incompétence négative.
C’est rarement le cas mais, en l’occurrence, on ne dit pas assez de choses dans la loi !
Pour pallier ce risque, le présent amendement vise à sécuriser juridiquement le texte et à clarifier le rôle des élus locaux.
D’une part, il définit l’objectif de la procédure de concertation, clarifie le moment où elle intervient et le rôle de celui qui est chargé de l’organiser.
D’autre part, il institue une instance de concertation, placée sous l’égide du préfet, dont la composition et les modalités de fonctionnement sont fixées par décret, et non plus par circulaire, comme c’est le cas en l’état actuel des dispositions adoptées par la commission.
Il me semble donc que cet amendement respecte les préoccupations exprimées par les membres de la commission : en clarifiant le rôle des maires, il contribue aussi à ne pas les placer dans une situation inconfortable en cas de conflit.
M. le président. L'amendement n° 46, présenté par MM. Hérisson, Retailleau et Lenoir, est ainsi libellé :
Alinéa 15, première phrase
Après le mot :
public
insérer les mots :
qui est engagée
La parole est à M. Pierre Hérisson.
M. Pierre Hérisson. Le présent amendement vise à préciser, dans un objectif de sécurité juridique et afin d'éviter toute remise en cause des décisions du Conseil d'État sur la répartition des pouvoirs entre l'État et les maires, que l'ANFR peut délivrer une autorisation d'exploitation avant l'achèvement d'une procédure d'information et de concertation.
Une disposition prévoyant que la délivrance de l'autorisation d'exploitation est consécutive d'une procédure locale d'information et de concertation créerait un lien entre, d'une part, la gestion nationale de l'exposition et, d'autre part, la réalisation, et donc le contenu, de cette procédure locale.
Elle pourrait laisser supposer que l'ANFR est investie d'un nouveau pouvoir de contrôle sur l'existence et les conditions dans lesquelles la concertation a eu lieu et qu'elle doit tenir compte des modalités de la concertation dans sa décision d'autoriser un projet d'installation radioélectrique, alors même que ce projet serait conforme à la réglementation concernant l'exposition du public aux ondes radio.
M. Bruno Sido. Très important !
M. le président. L'amendement n° 27, présenté par M. Labbé et les membres du groupe écologiste, est ainsi libellé :
Alinéa 15, première phrase
Supprimer les mots :
à l'initiative et
La parole est à M. Joël Labbé.
M. Joël Labbé. Cet amendement vise à rendre obligatoire la concertation préalable à l'implantation des antennes relais. Il s'agit de l'une des mesures fortes ressortant du Grenelle des ondes et du rapport du comité de pilotage, ou COPIC.
Dès lors que les maires disposent de l’information, ils se doivent de la communiquer, dans un souci de transparence. De toute façon, s’ils ne le font pas, cela leur sera reproché.
M. le président. L'amendement n° 44, présenté par MM. Hérisson, Retailleau et Lenoir, est ainsi libellé :
Alinéa 15, première phrase
Après le mot :
radioélectrique
insérer les mots :
projetée ou modifiée
La parole est à M. Pierre Hérisson.
M. Pierre Hérisson. Cet amendement vise à circonscrire la saisine des instances départementales de concertation aux seules installations radioélectriques projetées ou modifiées, et donc à écarter du périmètre d'activité de ces instances les installations existantes qui ne font l'objet d'aucune modification.
Il est en effet essentiel de respecter le droit au maintien des situations légalement acquises.
M. le président. L'amendement n° 45, présenté par MM. Hérisson, Retailleau et Lenoir, est ainsi libellé :
Alinéa 15, première phrase
Supprimer les mots :
, à laquelle le bilan de la concertation est adressé
La parole est à M. Pierre Hérisson.
M. Pierre Hérisson. Le présent amendement vise à supprimer tout lien entre la future procédure d'information et de concertation au niveau local et les dispositions de gestion de l'exposition au niveau national, dans l'objectif d'éviter toute remise en cause des décisions du Conseil d'État sur la répartition des pouvoirs entre l'État et les maires.
M. le président. Quel est l’avis de la commission ?
M. Daniel Raoul, rapporteur. La commission a émis un avis favorable sur l’amendement n° 50, qui comprend une procédure obligatoire d’information du maire par les opérateurs, une procédure obligatoire d’information du public par le maire et une procédure de concertation laissée à la libre appréciation du maire.
Si cet amendement est adopté, il fera tomber les amendements nos 46, 27, 44 et 45.
La commission étant favorable à l’amendement du Gouvernement, elle émet par conséquent un avis défavorable sur les quatre autres amendements.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
Mme Axelle Lemaire, secrétaire d'État. En effet, si la procédure proposée par le Gouvernement dans son amendement n° 50 était acceptée, les quatre autres amendements en discussion commune deviendraient sans objet.
Je précise que le Gouvernement est favorable au principe mis en œuvre dans l’amendement n° 45. En effet, la transmission à l’ANFR du bilan de la concertation locale représente non seulement une charge administrative pour les collectivités locales et pour l’Agence, mais elle introduit aussi une confusion entre les compétences des collectivités et celles de l’Agence en matière d’implantation des antennes, alors même que la jurisprudence a récemment clarifié ces compétences après plusieurs années de contentieux. Si je suis défavorable à l’amendement n° 45, c’est uniquement parce qu’il est satisfait par l’amendement du Gouvernement.
M. le président. La parole est à M. Bruno Retailleau, pour explication de vote sur l'amendement n° 50.
M. Bruno Retailleau. Il s’agit là d’un point important, qui concerne l’ensemble des contentieux et qui pourrait bouleverser les lignes de répartition des compétences juridictionnelles sur ces questions.
Comme vous l’avez vu, madame la secrétaire d’État, ce dispositif de concertation entraîne un risque d’incompétence négative. Mais je pense que ce risque existe aussi ailleurs : dans le fait que le législateur n’épuise pas sa compétence et ne va pas au bout de la procédure législative.
Vous allez prendre un décret pour déterminer la commission de l’instance départementale qui pourra être saisie par le préfet ou, si je comprends bien, à la demande du maire ou du président de l’intercommunalité… Il aurait d’ailleurs mieux valu écrire, plutôt que « de l’intercommunalité », « de l’établissement public de coopération intercommunale », car le mot « intercommunalité » n’a pas de portée juridique. Mais ce n’est pas là l’essentiel.
Je voudrais donc que vous précisiez ce que vous prévoyez d’écrire dans le décret. En effet, nous, législateurs, préférons ne pas nous abandonner complètement aux décrets ! Dans ce cas particulier, nous voudrions voir comment la composition de cette médiation pourra refléter la situation locale.
En résumé, vous traitez la question de l’incompétence législative et vous allez certainement nous dire ce que contiendra le décret déterminant la composition de la médiation.
Mais je souhaiterais aussi revenir sur la question soulevée par l’amendement n° 45 qu’a présenté Pierre Hérisson et que j’ai cosigné, de même que M. Lenoir. Comment la rédaction de votre amendement parvient-elle à tenir compte des frontières qu’ont établies un certain nombre de décisions de justice, notamment des arrêts du Conseil d’État, afin de distinguer le contentieux vis-à-vis de l’ANFR, c'est-à-dire de l’État, et le contentieux vis-à-vis des pouvoirs du maire, notamment son pouvoir de police spéciale ? Cette question du contentieux vis-à-vis des maires est très importante. Or il ne me semble pas que, à cet égard, l’amendement n° 50 recouvre complètement le dispositif de l’amendement n° 45.
M. le président. La parole est à M. Pierre Hérisson, pour explication de vote.
M. Pierre Hérisson. Je veux simplement suggérer à Mme la secrétaire d'État de rectifier son amendement de manière à y substituer les mots « de l’établissement public de coopération intercommunale » aux mots « de l’intercommunalité » : ce n’est pas la peine de tendre des verges pour se faire battre !
M. le président. La parole est à Mme la secrétaire d'État.
Mme Axelle Lemaire, secrétaire d'État. Monsieur Retailleau, sur votre première question, qui porte sur la procédure de médiation conduite par l’instance de concertation départementale, je précise que la composition de cette instance est aujourd'hui régie par une circulaire et que, dans un souci de consolidation juridique, je propose qu’elle soit désormais fixée par décret.
M. Bruno Retailleau. Je l’avais compris. La question est de savoir si le décret reprendra la composition prescrite par la circulaire.
Mme Axelle Lemaire, secrétaire d'État. Je peux vous renvoyer au texte actuel de la circulaire, mais je ne peux pas énoncer aujourd'hui avec certitude le contenu du futur décret. Cependant, sachez que l’objectif est simplement de rattacher un dispositif déjà existant à un outil réglementaire qui possède une valeur juridique plus contraignante.
M. Bruno Retailleau. Quelle est la composition prévue par la circulaire ?
Mme Axelle Lemaire, secrétaire d'État. À cet instant, n’ayant pas la circulaire sous les yeux, je ne suis pas en mesure de vous le dire.
Pour ce qui est de votre souci légitime de bien distinguer les contentieux potentiels selon qu’ils concernent la procédure de concertation ou la procédure menée par l’ANFR, l’absence de contentieux est en réalité garantie par le fait qu’il n’existe aucun lien entre les deux procédures. La procédure de concertation menée à l’initiative du maire est complètement distincte de l’examen du dossier puis de la décision d’implantation prise par l’ANFR. Cette distinction des procédures induit une distinction des instances.
Cela étant dit, monsieur le président, je rectifie l’amendement n° 50 dans le sens suggéré par M. Retailleau, puis par M. Hérisson.
M. le président. Je suis donc saisi d’un amendement n° 50 rectifié, présenté par le Gouvernement et ainsi libellé :
Alinéa 15
Remplacer cet alinéa par deux alinéas ainsi rédigés :
« C bis.- Le maire ou le président de l’établissement public de coopération intercommunale mettent à disposition des habitants les informations prévues aux B et C du présent III par tout moyen qu’ils jugent approprié et peuvent leur donner la possibilité de formuler des observations, dans les conditions définies par décret en Conseil d’État.
« C ter.- Lorsqu’il estime qu’une médiation est requise concernant une installation radioélectrique existante ou projetée, le représentant de l’État dans le département réunit une instance de concertation, le cas échéant à la demande du maire ou du président de l'établissement public de coopération intercommunale. La composition et les modalités de fonctionnement de cette instance sont précisées par décret.
Je le mets aux voix.
(L'amendement est adopté.)
M. le président. En conséquence, les amendements nos 46, 27, 44 et 45 n'ont plus d'objet.
L'amendement n° 30, présenté par M. Labbé et les membres du groupe écologiste, est ainsi libellé :
Alinéa 16, deuxième phrase
Compléter cette phrase par les mots :
et veille au respect des grands principes de la concertation locale
La parole est à M. Joël Labbé.
M. Joël Labbé. Il est nécessaire que le comité de dialogue ne se contente pas d'informer les parties prenantes et qu’il veille également au respect des grands principes de la concertation.
M. le président. Quel est l’avis de la commission ?
M. Daniel Raoul, rapporteur. Il me semble, mon cher collègue, que ce comité ne doit avoir qu’une mission d’information des parties prenantes et en aucun cas un rôle d’appel des décisions prises au niveau local.
La commission émet donc un avis défavorable.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
Mme Axelle Lemaire, secrétaire d'État. L’avis du Gouvernement est également défavorable.
Je tiens simplement à préciser que, si l’on confiait à l’Agence nationale des fréquences la mission de veiller au respect des grands principes de la concertation, y compris de la concertation locale, cela aboutirait à faire de cette agence une instance de supervision de l’action des élus locaux. Je ne suis pas certaine que cela serait facilement accepté, alors même que les élus ne sont pas obligés de lancer la concertation : ils sont libres de le faire ou non.
M. le président. La parole est à M. Bruno Sido, pour explication de vote.
M. Bruno Sido. Il s’agit moins d’une explication de vote que d’une question que je veux adresser à M. Labbé : que sont ces « grands principes de la concertation » ? Je ne les connais pas !
M. Jean-Vincent Placé. On s’en est rendu compte ! Mais c’est bien de le reconnaître !
M. Bruno Sido. Je voudrais simplement que M. Labbé précise en quoi ils consistent.
M. le président. La parole est à M. Bruno Retailleau, pour explication de vote.
M. Bruno Retailleau. Je pense que Mme la secrétaire d’État n’a pas bien répondu à M. Joël Labbé, car elle lui a dit que l’ANFR ne peut pas constituer une instance de supervision… Or, selon moi, l’amendement de M. Joël Labbé vise non pas l’ANFR, mais l’instance de médiation, ce que vous appelez le « comité de dialogue ». Ce sont deux choses différentes !
Je ne veux pas faire d’exégèse, mais il faut maintenant que celui qui a rédigé l’amendement nous dise s’il a visé l’ANFR ou l’instance de médiation. Il me paraît évident qu’il a visé cette dernière.
M. le président. La parole est à M. Joël Labbé, pour explication de vote.
M. Joël Labbé. Cet amendement vise effectivement l’instance de médiation. Toutefois, par souci d’efficacité et au vu de la réponse de Mme la secrétaire d’État, je le retire.
M. le président. L'amendement n° 30 est retiré.
L'amendement n° 20 rectifié, présenté par MM. Sido et Retailleau, est ainsi libellé :
Alinéa 17
Remplacer cet alinéa par deux alinéas ainsi rédigés :
« La composition et le fonctionnement de ce comité sont définis par un décret en Conseil d'État. La composition du comité assure la représentation de l'État, des collectivités territoriales, des équipementiers et opérateurs de téléphonie mobile, des organisations interprofessionnelles d'employeurs, des organisations syndicales représentatives des salariés au niveau national, des associations agréées de protection de l'environnement, des associations agréées de défense des consommateurs et des représentants d'utilisateurs.
« Ses membres exercent leur fonction à titre gratuit.
La parole est à M. Bruno Sido.
M. Bruno Sido. J’aurais souhaité que Mme la secrétaire d’État réponde à propos de l’instance de médiation, mais passons…
Le présent amendement ne constitue en rien une injonction au Gouvernement. Il vise simplement à garantir, au sein du comité de dialogue, la représentation la plus large des utilisateurs de services mobiles, notamment celle des professionnels et des entreprises, par exemple via les chambres de commerce et d'industrie, les chambres des métiers et de l'artisanat, les chambres d'agriculture, les organisations syndicales patronales et ouvrières, les associations, etc.
M. le président. Quel est l’avis de la commission ?
M. Daniel Raoul, rapporteur. Monsieur Sido, vous n’êtes pas à une contradiction près ! En effet, entre la première phrase et la suite de votre amendement, il y a une contradiction formelle : il est d’abord dit que la « composition et le fonctionnement de ce comité sont définis par un décret » et, ensuite, il est énoncé ce que doit être précisément la composition de ce comité. Un peu de cohérence !
La commission émet donc un avis défavorable sur cet amendement.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
Mme Axelle Lemaire, secrétaire d'État. Même avis.
Il y a en effet une certaine contradiction à renvoyer à un décret en Conseil d’État la composition du comité national tout en fixant cette composition dans la loi.
Cependant, soyez assuré, monsieur Sido, que le Gouvernement veillera à respecter la représentativité et la diversité des parties prenantes, comme c’est le cas au sein du COPIC, que ce futur comité a pour objet de prolonger.
M. le président. Je suis saisi de deux amendements faisant l'objet d'une discussion commune.
L'amendement n° 51, présenté par le Gouvernement, est ainsi libellé :
I. – Alinéa 18
Rédiger ainsi cet alinéa :
« E.- Les points atypiques sont définis comme les lieux où le niveau d’exposition du public aux champs électromagnétiques dépasse substantiellement celui généralement observé à l'échelle nationale conformément aux critères déterminés par l’Agence nationale des fréquences et révisés régulièrement en fonction des résultats des mesures qui lui sont communiqués.
II. – Alinéa 19, troisième phrase
Rédiger ainsi cette phrase :
Les bénéficiaires des accords ou avis mentionnés au cinquième alinéa du I de l’article L. 43 impliqués prennent dans un délai de six mois prennent, sous réserve de faisabilité technique, des mesures permettant de réduire le niveau de champ émis dans les lieux en cause, tout en garantissant la couverture et la qualité des services rendus.
La parole est à Mme la secrétaire d'État.
Mme Axelle Lemaire, secrétaire d'État. L’objet de cet amendement est de modifier, pour la clarifier, la définition des points atypiques. Il vise également à clarifier la responsabilité des exploitants des installations radioélectriques concernant leur résorption.
Cet amendement tend à laisser une plus grande marge d’appréciation à l’Agence nationale des fréquences, dont l’expertise en ce domaine est largement reconnue, pour qu’elle détermine elle-même les critères – tels que niveaux d’exposition, types de lieux, présence du public, contraintes techniques ou économiques – qui permettront de définir les points atypiques.
En outre, le deuxième alinéa du E est modifié afin de préciser explicitement qu’il appartient aux exploitants des installations radioélectriques de prendre les mesures permettant de résorber les points atypiques dans un délai de six mois après qu’ils ont été informés de l’existence de ceux-ci.
Cet amendement tend également à conforter la mission de l’Agence en matière de recensement et de suivi des points atypiques. Celle-ci pourra saisir les autorités affectataires, en particulier l’ARCEP ou le Conseil supérieur de l’audiovisuel lorsque les exploitants ne prendront pas les mesures nécessaires au traitement des points atypiques.
Enfin, je vous informe que le premier recensement des points atypiques, qui a été effectué par l’ANFR en application de l’article L. 34-9-1 du code des postes et des communications dans sa rédaction actuelle, sera publié avant la fin du mois de juin. L’Agence fournit d’ores et déjà les données, en open data, c’est-à-dire en accès libre, concernant l’emplacement des antennes relais et les mesures de champs qui sont effectuées sur le terrain à la demande de nos concitoyens et qui concourent au renforcement de l’information du public.
Toutes ces informations sont disponibles sur le site internet de l’Agence et permettent une compréhension et une réexploitation des données ainsi publiées. Cela contribue à une meilleure transparence du travail de l’ANFR et de ses décisions.
M. le président. L'amendement n° 21 rectifié, présenté par MM. Sido et Retailleau, est ainsi libellé :
Alinéa 19, troisième phrase
Après les mots :
faisabilité technique
insérer les mots :
et d'un coût économiquement acceptable
La parole est à M. Bruno Sido.
M. Bruno Sido. Cet amendement prévoit de subordonner l'obligation, pour les opérateurs, du traitement des points atypiques à la faisabilité technique des mesures à même de réduire le niveau d'exposition, comme au caractère raisonnable du coût financier que cela suppose, au cas par cas.
M. le président. Quel est l’avis de la commission ?
M. Daniel Raoul, rapporteur. Il est bien entendu que si nous adoptons l’amendement n° 51, l’amendement n° 21 rectifié deviendra sans objet et qu’il ne sera donc plus question de « coût économiquement acceptable ». Au reste, monsieur Sido, je ne sais pas qui définit l’’acceptabilité économique de ce coût…
En tout état de cause, la commission est favorable à l’amendement n° 51 et défavorable à l’amendement n° 21 rectifié.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement sur l’amendement n° 21 rectifié ?
M. le président. La parole est à M. Bruno Retailleau, pour explication de vote.
M. Bruno Retailleau. Les points atypiques sont, avec l’objectif – et non pas le principe, monsieur le président de la commission des affaires économiques – de sobriété et l’incompétence négative, c'est-à-dire l’intelligibilité de la loi, l’un des éléments du texte qui ne semblent pas parfaitement déterminés, notamment quant à leurs conséquences juridiques et aux mesures qu’ils impliquent.
Madame la secrétaire d’État, vous réécrivez complètement ici le dispositif qu’avait réécrit la commission. Très franchement, je préfère de beaucoup le sens du texte de la commission, qui apporte en outre un certain nombre de précisions.
En effet, l’amendement du Gouvernement se focalise sur un seul critère, à savoir celui de l’exposition, ce qui n’était pas le cas du texte de la commission.
À nos yeux, si un point donné est considéré comme atypique, parce qu’il s’écarte de ce qui est généralement observé, mais que, en cet endroit, la seule façon de garantir la couverture et la qualité de desserte du service, c’est précisément de prévoir un niveau d’exposition sans doute un plus élevé, cela doit pouvoir se faire, d’autant que Mme la secrétaire d’État nous a expliqué tout à l’heure que, pour 99,9 % des Français, l’exposition aux ondes était huit fois inférieure à la limite maximale.
Rendez-vous compte : nous aurons des points atypiques qui seront de toute façon en dessous des valeurs limites maximales de l’OMS et du fameux décret !
C’est donc ma première critique, qui se traduit par cette interrogation : quand il n’y a pas d’autres moyens que de forcer un peu l’exposition pour obtenir une bonne couverture du territoire et une bonne qualité de service, que fait-on ?
Deuxième critique : le Gouvernement entend supprimer la référence aux lieux de vie fermés ; or cela a toujours été la référence française, établie en fonction des recommandations de l’OMS. Pour la première fois, madame la secrétaire d’État, la France a une position presque orthogonale par rapport à celle de l’OMS, laquelle préconise de prendre les mesures dans des lieux fermés. Avec votre rédaction, la mesure pourra se faire dans tous types de lieux, y compris donc des lieux ouverts. Certes, nous pouvons prendre cette responsabilité, mais, au moins, je veux que nous le fassions en toute connaissance de cause.
J’en viens à ma troisième critique. Ce que je comprends de votre rédaction, c’est que, désormais, pour vérifier qu’un point est vraiment atypique, il n’y a pas de mesure obligatoire. Vous me direz si je me trompe.
Par ailleurs, se pose un problème de sécurité juridique, car vous renvoyez à un seul critère : le dépassement du niveau généralement observé en fonction des paramètres qu’a retenus l’ANFR. Est-ce suffisant pour éviter toute insécurité juridique ? Personnellement, j’en doute.
Quant à l’amendement présenté par Bruno Sido sur la faisabilité technique et économique, monsieur le président de la commission, il tend tout simplement à mettre en œuvre le principe de proportionnalité. (M. Daniel Raoul, président de la commission des affaires économiques, fait une moue dubitative.)
Si, monsieur le président ! Le principe de proportionnalité est décliné à l’article L. 110-1 du code de l’environnement et par le droit européen, qui précise, par exemple, que les mesures de précaution doivent avoir un « coût économiquement acceptable ». Ce principe représente la limite qui borne le principe de précaution et, à mon sens, l’amendement présenté par Bruno Sido est donc très important. C’est d’ailleurs la raison pour laquelle je l’ai cosigné, en dehors du fait que Bruno Sido est une autorité en la matière. (Sourires.)
Le principe de proportionnalité est dans les textes ; il y a une jurisprudence et même un droit positif qui permettent de mesurer ce qu’est un « coût économiquement acceptable ».
M. le président. La parole est à Mme la secrétaire d'État.
Mme Axelle Lemaire, secrétaire d'État. Il me paraît important de répondre, au moins sur la première allégation de M. Retailleau, selon laquelle le critère de l’exposition serait le seul dont doit tenir compte l’Agence pour effectuer son évaluation.
Je vous invite à relire l’amendement du Gouvernement, car notre but est, au contraire, de faire intervenir le plus de critères possible, sachant que ceux-ci sont définis par l’Agence, au plus proche de la réalité des territoires, des circonstances, de la faisabilité technique.
Par ailleurs, lorsque j’ai évoqué les types de lieux de vie, je n’ai pas précisé s’ils devaient être fermés ou ouverts ; il s’agit non pas de restreindre l’applicabilité des critères ou de préjuger l’application d’un critère plutôt que d’un autre, mais, au contraire, de les définir de la manière la plus large possible, notamment avec l’objectif d’effectuer le recensement le plus juste.
Enfin, monsieur Retailleau, je comprends mal votre argument sur la suppression des mesures obligatoires. En effet, lorsque je reprends le texte de la proposition de loi ou du code de l’environnement, il n’est pas fait mention de mesures obligatoires. Je ne vois donc pas en quoi l’amendement modifierait le dispositif dont vous parlez.
M. le président. En conséquence, l'amendement n° 21 rectifié n'a plus d'objet.
Je suis saisi de quatre amendements faisant l'objet d'une discussion commune.
L'amendement n° 22 rectifié, présenté par MM. Sido et Retailleau, est ainsi libellé :
Alinéa 20
Rétablir le F. dans la rédaction suivante :
« F. Un décret définit les modalités de mutualisation et de colocalisation des installations lors du déploiement de nouvelles technologies et du développement de la couverture du territoire.
La parole est à M. Bruno Sido.
M. Bruno Sido. Par cet amendement, je propose, dans l'intérêt de nos concitoyens et pour garantir le plus large choix d'abonnements possible, de favoriser l’ouverture des pylônes appartenant à un opérateur à tous les autres opérateurs : il s'agit donc de mutualiser davantage, ce qui suppose de faciliter la colocalisation, c’est-à-dire l’accès de tous les opérateurs aux toits-terrasses et terrains où d'autres sont déjà présents.
A minima, le principe de l'égalité d’accès de tous les opérateurs aux bâtiments et terrains publics pourrait être consacré par le décret auquel il est fait référence.
Je voudrais faire un peu d’histoire. En 2001-2002, j’avais été l’initiateur, heureux, d’une proposition de loi relative à la couverture téléphonique et à l’itinérance locale. À l’époque, il s’agissait d’une grande avancée, et je dois dire qu’elle avait été très rapidement reprise par l’Assemblée nationale.
M. Bruno Retailleau. C’était le principe de mutualisation !
M. Bruno Sido. Exactement ! Au fond, il s’agissait de mutualiser là où il y avait des zones dites « blanches ». Nous y sommes parvenus, mais les opérateurs ont résisté, surtout sur le partage d’infrastructures. Ils voulaient absolument que la concurrence se fasse sur les réseaux et leur qualité, non sur les tarifs ou les contenus.
Aujourd’hui, grâce à l’arrivée du quatrième opérateur, il est devenu absolument nécessaire, pour entretenir la concurrence et la baisse des prix qui en découle, de mettre en œuvre la colocalisation des antennes là où elle est possible, ce qui empêchera la surexposition aux ondes électromagnétiques. Cet amendement va donc tout à fait dans le sens des intentions des auteurs de la proposition de loi.
M. le président. L'amendement n° 31, présenté par M. Labbé et les membres du groupe écologiste, est ainsi libellé :
Alinéa 20
Rétablir le F dans la rédaction suivante :
« F. - Un décret définit les modalités d'application du principe de modération, en ce qui concerne les établissements accueillant des personnes vulnérables, et de rationalisation et de mutualisation des installations lors du déploiement de nouvelles technologies et du développement de la couverture du territoire.
La parole est à M. Joël Labbé.
M. Joël Labbé. Je retire cet amendement au bénéfice de notre amendement n° 38.
M. le président. L’amendement n° 31 est retiré.
Les deux amendements suivants sont identiques.
L'amendement n° 10 rectifié bis est présenté par Mmes Jouanno et N. Goulet, M. Jarlier, Mmes Férat, Morin-Desailly et Létard et MM. Guerriau et Capo-Canellas.
L'amendement n° 38 est présenté par M. Labbé et les membres du groupe écologiste.
Ces deux amendements sont ainsi libellés :
Alinéa 20
Rétablir le F dans la rédaction suivante :
F. – Un décret définit les modalités d'application de l'objectif de sobriété, en ce qui concerne les établissements accueillant des personnes vulnérables, et de rationalisation et de mutualisation des installations lors du déploiement de nouvelles technologies et du développement de la couverture du territoire.
La parole est à Mme Nathalie Goulet, pour présenter l’amendement n° 10 rectifié bis.
Mme Nathalie Goulet. Cet amendement tend à prévoir que seront définies par décret les modalités d'application du principe de sobriété, dont il a déjà été question tout à l’heure.
M. le président. La parole est à M. Joël Labbé, pour présenter l’amendement n° 38.
M. Joël Labbé. C’est dans un souci de cohérence que nous avons retiré remplacé l’amendement n° 31, qui faisait référence au principe de modération, au profit de celui-ci, qui fait référence à l’objectif de sobriété.
Pour le reste, il s’agit de renvoyer au décret les modalités d’application non seulement de cet objectif, mais aussi de celui de rationalisation et de mutualisation des installations lors du déploiement des nouvelles technologies et du développement de la couverture du territoire.
M. le président. Quel est l’avis de la commission ?
M. Daniel Raoul, rapporteur. Pour faire court, je dirai que M. Sido sera satisfait par les amendements identiques nos 10 rectifié bis et 38.
M. Bruno Sido. Non, cela n’a rien à voir !
M. Daniel Raoul, rapporteur. Il faut savoir lire, monsieur Sido !
Je demande donc le retrait de l’amendement n° 22 rectifié ; à défaut, j’y serai défavorable.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
Mme Axelle Lemaire, secrétaire d'État. Ces trois amendements me semblent satisfaits par le droit actuel. En effet, le décret du 3 mai 2002 impose déjà de limiter les niveaux de champs dans un périmètre de 100 mètres d’un établissement dit sensible, ce qui inclut les crèches, les écoles, mais aussi les établissements de soins.
Concernant le recours à la mutualisation, il faut savoir que les dispositions législatives et réglementaires l’encouragent déjà. En mars 2013, l’Autorité de la concurrence a rendu un avis qui définit les modalités de mise en œuvre de ces règles. Il précise notamment que la mutualisation ne peut être imposée que dans les zones les moins denses, donc les zones qui vous intéressent tout particulièrement, monsieur Sido, puisqu’il s’agit le plus souvent de zones rurales.
Dès lors, il me semble que le cadre juridique actuel répond déjà à l’objectif visé par ces amendements.
M. le président. Monsieur Sido, retirez-vous l’amendement n° 22 rectifié ?
M. Bruno Sido. Personnellement, je ne demande qu’à faire plaisir à M. le rapporteur, mais son argument, qui consiste à dire qu’un amendement est satisfait par tel autre, est un peu facile. Il maîtrise bien cette technique, que j’ai d’ailleurs moi-même pratiquée lorsque j’étais rapporteur…
En l’occurrence, monsieur Raoul, mon amendement n’est pas satisfait, car je parle de colocalisation, tandis que les autres amendements évoquent la rationalisation et la mutualisation des installations, ce qui n’est pas exactement la même chose. C’est un peu parallèle, mais ce n’est pas convergent ! Je maintiens donc mon amendement.
M. le président. La parole est à M. Bruno Retailleau, pour explication de vote.
M. Bruno Retailleau. Les deux rédactions sont très différentes, parce que les amendements nos 10 rectifié bis et 38 tendent à définir les modalités d’application de l’objectif de sobriété. Or nous nous y sommes opposés ! On ne peut donc pas dire que les deux rédactions sont absolument identiques.
M. Daniel Raoul, rapporteur. Ce n’est pas ce que j’ai dit !
M. Bruno Retailleau. Si, monsieur le rapporteur.
Je voudrais évoquer rapidement la mutualisation, car c’est un point important. Au moment où il s’est agi de définir les conditions d’attribution des licences 4G, nous l’avons fait ici, suivant les conclusions de la commission du dividende du numérique, en encourageant pour la première fois une mutualisation des opérateurs en zone peu dense.
Comme vous l’avez rappelé, madame la secrétaire d’État, l’Autorité de la concurrence a cadré les choses au regard du critère de concurrence, en reprenant les mêmes arguments.
Depuis, comme le marché est en train de s’essouffler, certains opérateurs, par exemple Bouygues et SFR, ont conclu des contrats ; on verra bien comment ils vivent !
Simplement, pour nous, la mutualisation a un double objectif.
Tout d’abord, il s’agit de couvrir les zones rurales où un équipement offre nécessairement un moindre retour sur investissement. Or moins il y aura d’antennes, moins cela coûtera cher ; par conséquent, plus les opérateurs s’entendront, mieux cela vaudra. C’est donc un objectif d’aménagement du territoire.
Ensuite, moins il y aura d’antennes et moins il y aura d’exposition aux champs électromagnétiques.
D’où ma question, madame la secrétaire d’État : puisque M. Montebourg, qui parle souvent et fort, a annoncé que le Gouvernement allait prendre des mesures pour faciliter la mutualisation, pouvez-vous nous dire concrètement lesquelles ?
M. le président. Je mets aux voix les amendements identiques nos 10 rectifié bis et 38.
(Les amendements sont adoptés.)
M. le président. Madame la secrétaire d’État, mes chers collègues, je vous rappelle que, conformément à la décision de la conférence des présidents, la séance doit être levée à minuit trente.
Nous allons donc interrompre maintenant la discussion de la proposition de loi.
9
Ordre du jour
M. le président. Voici quel sera l’ordre du jour de la prochaine séance publique, précédemment fixée à aujourd’hui, mercredi 18 juin 2014 :
À quatorze heures trente :
1. Débat sur les zones économiques exclusives (ZEE) ultramarines.
De dix-huit heures à vingt heures :
2. Proposition de loi, adoptée par l’Assemblée nationale, relative à la procédure applicable devant le conseil de prud’hommes dans le cadre d’une prise d’acte de rupture du contrat de travail par le salarié (n° 410, 2013-2014) ;
Rapport de M. Gilbert Barbier, fait au nom de la commission des affaires sociales (n° 598, 2013-2014) ;
Texte de la commission (n° 599, 2013-2014).
De vingt-deux heures à minuit :
3. Suite éventuelle de la proposition de loi, adoptée par l’Assemblée nationale, relative à la procédure applicable devant le conseil de prud’hommes dans le cadre d’une prise d’acte de rupture du contrat de travail par le salarié.
4. Deuxième lecture de la proposition de loi, modifiée par l’Assemblée nationale, permettant la création de sociétés d’économie mixte à opération unique (n° 519, 2013-2014) ;
Rapport de M. Jacques Mézard, fait au nom de la commission des lois (n° 614, 2013-2014) ;
Texte de la commission (n° 615, 2013-2014).
Personne ne demande la parole ?…
La séance est levée.
(La séance est levée le mercredi 18 juin 2014, à zéro heure trente.)
Le Directeur du Compte rendu intégral
FRANÇOISE WIART