M. le président. La parole est à M. Didier Guillaume, pour explication de vote.
M. Didier Guillaume. Pour ma part, j’estime qu’il faut veiller à ne pas instrumentaliser le personnel de la fonction publique (Exclamations sur les travées de l'UMP.), et encore moins le prendre en otage.
Mme Fabienne Keller. Mais le problème des personnels est une réalité !
M. Didier Guillaume. Je veux remercier le groupe CRC d’avoir déposé cet amendement, qui montre qu’il s’agit d’un vrai sujet. Oui, le personnel est inquiet !
Mme Isabelle Debré. Et même très inquiet !
M. Didier Guillaume. Il faut donc le rassurer. Mes chers collègues, on connaît depuis un moment des mouvements de personnels.
Que s’est-il passé lorsque le précédent gouvernement a mis en place la RGPP, la révision générale des politiques publiques, avec le non-remplacement d’un fonctionnaire sur deux partant en retraite ?
M. Gérard Longuet. Au moins, nous avons eu le courage de le dire !
M. Didier Guillaume. Le personnel n’était-il pas inquiet ?
M. René-Paul Savary. Mais les objectifs étaient clairs !
M. Didier Guillaume. Qu’a-t-on fait ?
M. André Reichardt. Nous l’avions dit, contrairement à vous !
M. Didier Guillaume. Je vais y venir…
Les personnels n’étaient-ils pas inquiets lorsque la DDE a été transférée aux départements ? Qui s’en est occupé ? Pas l’État, les conseils généraux !
Les personnels TOS n’étaient-ils pas inquiets lorsqu’ils ont été transférés aux départements ! Qui s’en est occupé ? Pas l’État, les conseils généraux !
Et qu’en fut-il quand la loi – merveilleuse ! – sur le handicap a été adoptée en 2005 ? Qui s’en est occupé ? Pas l’État, les conseils généraux !
Faites donc attention à ce que vous dites ! (Exclamations sur les travées de l'UMP.)
Par ailleurs, imaginons que le fameux rapport d’information Krattinger-Raffarin ait donné naissance à une loi. Qu’en aurait-il été des personnels si l’on avait créé les huit grandes régions ? N’aurait-il pas fallu choisir la capitale de la région ? N’aurait-il pas fallu déplacer des personnels ? Soyons sérieux ! Regardons les choses très objectivement ! Le même problème se serait posé, exactement de la même façon !
Je pense que nous devons rassurer le personnel.
M. René-Paul Savary. Rassurez-le !
M. Didier Guillaume. Oui, il y a des inquiétudes. Mais ayez confiance dans le travail parlementaire !
Vous dites déjà ce qu’il adviendra demain, comme si le projet de loi allait être adopté en l’état, sans débat au Parlement. Mais enfin, quelle est votre position, chers collègues de l’UMP ? Dites-vous que vous soutenez le Gouvernement, que vous le suivez et que le projet de loi qui nous est soumis s’appliquera ? Ou estimez-vous qu’il nous revient à nous, praticiens du territoire, de voir, en lien avec le Gouvernement, comment nous pourrons rassurer le personnel et résoudre les problèmes qui se poseront ?
Les transferts de personnels ont toujours existé. Déjà en 1982 – j’étais à peine né ! –, la grande loi de décentralisation Mitterrand-Mauroy-Defferre n’avait-elle pas suscité des inquiétudes dans les préfectures ? N’y avait-il pas eu alors des transferts de personnels ?
En la matière, je demande beaucoup de sérieux et de sérénité. Oui, les personnels sont inquiets, mais on peut y répondre de deux façons : soit on crie à la catastrophe, en leur répondant qu’on ne sait pas ce qu’ils vont devenir, soit on les réunit pour leur assurer qu’ils seront respectés,…
M. René-Paul Savary. Encore heureux…
M. Didier Guillaume. … quels que soient les termes de la loi. C’est que j’ai fait, pour ma part, au conseil général de la Drôme, en rencontrant les organisations syndicales.
Mme Fabienne Keller. Cela ne les rassure pas !
M. Didier Guillaume. Nous parlons là du service public régional, départemental ou local. Aussi, je veux réaffirmer ici la qualité et l’importance de ces personnels.
Les fonctionnaires territoriaux sont des personnels hors pair. Ils sont mal payés, avec des salaires inférieurs à ceux de nombreuses autres personnes, mais ils jouent un rôle essentiel pour le lien social, la proximité, le lien territorial. C’est grâce à leur action que nous pouvons avoir un service public moderne et innovant.
Oui, il peut y avoir des problèmes. Mais j’estime – et telle est aussi la position du groupe socialiste – que nous devons examiner les textes proposés par le Gouvernement, à commencer par celui qui nous est soumis, suivi de celui sur les compétences qui sera déposé ultérieurement et qui porte sur la réorganisation territoriale.
Dans quelle direction pouvons-nous aller ? On nous parle toujours des préfectures, des collèges et des lycées. Mais si vous ne souhaitez pas que les collèges soient transférés aux régions, proposons que les lycées relèvent des départements !
M. Éric Doligé. Bonne idée !
M. Didier Guillaume. Et il y aura de la proximité ! Toutefois, je vous ferai remarquer, mes chers collègues, que le problème des agents des lycées sera exactement le même. Ce sera le tour des agents des régions d’être inquiets quant à leur changement de statut, d’indemnités, de patron, de fonctions. Tout cela, on le sait !
Quelle que soit l’inquiétude d’ensemble que nous pouvons ressentir, je souhaite qu’il ressorte de ce débat l’expression de notre solidarité avec tous les personnels de la fonction publique. Saluons la qualité de leur travail et réaffirmons collectivement, j’y insiste, sans tenir de discours anxiogène, que, quel que soit le texte final, quelles que soient les compétences qui seront attribuées aux uns et aux autres – nous pouvons trouver des points d’accord sur beaucoup de questions et avoir des divergences de vue sur d’autres –, aucun d’entre nous, qu’il soit dans la majorité ou l’opposition, ne laissera tomber les personnels de la fonction publique départementale. Nous les soutiendrons ! (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste.)
M. André Reichardt. Ce n’est pas le débat !
M. le président. La parole est à M. Jacques Mézard, pour explication de vote.
M. Jacques Mézard. Il est trop facile de dire qu’il nous appartient de rassurer les personnels. Nous sommes presque tous ici des responsables d’exécutifs locaux, nous savons donc le faire dans nos collectivités.
Là encore, il y a une accumulation de contradictions. D’abord, si l’on suit l’économie générale du projet de loi et si l’on va au bout du raisonnement, on voit bien qu’il y aura un alignement, ne serait-ce que pour ce qui concerne le régime indemnitaire. Il ne s’agit donc pas d’économies.
Par ailleurs, vous arguez du fait qu’il n’y aura pas de difficultés, que les personnels ne seront pas touchés et que l’on va les rassurer. Mais la création de grandes régions, la suppression des conseils généraux et le transfert de compétence de la voirie départementale, des collèges et des transports scolaires aux métropoles régionales entraîneront forcément le départ des personnels vers les métropoles régionales. Ne pas le dire ne serait pas loyal à l’égard de nos personnels.
Dans mon département, même ceux qui, parmi vos camarades, soutiennent ce texte indiquent que la réforme impliquera une diminution des personnels. C’est la moindre des choses de dire la vérité !
Il y a une autre contradiction de fond, monsieur le secrétaire d’État. Vous nous dites que cette réforme doit in fine conduire à faire des économies. Mais alors, comment peut-on réaliser des économies sans toucher aux frais de fonctionnement ni aux charges de personnel ? Si la réforme ne mène pas, comme vous semblez vouloir le dire, à une amélioration du fonctionnement de nos collectivités par des mutualisations – je ne vous le reproche pas, c’est une constatation –, d’où viendront les économies ?
Vous ne pouvez pas, d’un côté, affirmer que vous allez faire des milliards d’économies et, de l’autre, être totalement silencieux sur la manière de les réaliser. J’ai bien lu la note que vous avez eu la gentillesse de me transmettre hier, et il en ressort qu’il y aura bien une diminution des effectifs. Cela peut s’entendre, mais dites-le clairement à nos concitoyens, monsieur le secrétaire d’État ! Que dit-on à ceux de nos personnels qui, d’une manière ou d’une autre – même s’il s’agit d’une minorité –, seront obligés de quitter nos départements ?
J’ai relu un autre extrait du discours de François Hollande, prononcé à Dijon, sur la désertification de nos territoires. Mais plus vous expédierez de personnels vers la métropole régionale, plus vous augmenterez la désertification de nos territoires !
Tel qu’il est rédigé, ce texte aggravera la fracture territoriale. Or vous êtes totalement silencieux, vous contentant de faire des déclarations d’intention.
Chaque fois que je vous pose une question précise sur la représentation territoriale, sur le transfert d’un certain nombre de compétences et d’une partie des personnels – fût-ce une partie d’entre eux –, vous êtes silencieux !
De la même manière, quand on vous parle de la suppression de l’ATESAT, l’aide technique de l’État aux communes, de l’instruction des permis de construire mise à la charge des communes, vous nous répondez que vous allez accroître le rôle de l’État dans nos départements. Or c’est contradictoire avec ce qui se passe aujourd’hui. Je ne fais pas de procès d’intention pour demain, je vous demande des réponses claires à des questions précises !
M. le président. La parole est à M. Gérard Roche, pour explication de vote.
M. Gérard Roche. Je me félicite de ce que l’on parle du personnel, car ce problème est réel. Les agents territoriaux ont l’impression d’être les oubliés de cette réforme.
Mme Fabienne Keller. Absolument !
Mme Isabelle Debré. Tout à fait !
M. Gérard Roche. On n’a pas parlé d’eux. Ils ont raison d’être inquiets. On a annoncé des milliards et des milliards d’euros d’économies ; ils savent bien que ces économies se feront sur la masse salariale.
M. Gérard Longuet. Évidemment !
M. Gérard Roche. Éric Doligé l’a souligné tout à l’heure, pour des raisons diverses, certains agents ont des contrats précaires. Ils savent bien qu’ils seront les premiers sacrifiés.
Monsieur Mézard vient de le souligner, avec la création des grandes régions, il y aura des transferts de compétences lointaines et donc des transferts de postes. Les agents territoriaux se demandent où ils vont aller travailler et habiter. On ne veut pas les instrumentaliser, mais ils viennent nous voir personnellement sur rendez-vous, ou bien nous interrogent par le biais de leurs représentants syndicaux ou au sein des comités techniques paritaires, pour avoir des informations. Nous sommes ennuyés de ne pouvoir leur apporter de réponses certaines.
Que de chemin parcouru ! Les personnels TOS ou les personnels des routes avaient considéré leur transfert dans les territoires comme une atteinte à un dogme, la casse d’un service public, voire la fin du service public. Depuis lors, ils travaillent avec nous et, maintenant, ils se demandent ce qu’ils vont devenir. Mes amis, à l’époque, ce sont les conseils généraux qui ont fait le boulot ! Quand on nous donne une mission, nous la remplissons. Mais voyez comment on nous traite ! On veut bien toucher au millefeuille territorial, mais on nous dit qu’il n’y a qu’à supprimer les conseils généraux, car ils ne servent à rien. Il est extrêmement blessant de qualifier ainsi le travail accompli par les conseillers généraux ! (Applaudissements sur les travées de l'UDI-UC et de l'UMP.)
M. le président. La parole est à M. Gérard Longuet, pour explication de vote.
M. Gérard Longuet. Je n’avais pas l’intention de prendre la parole à cet instant du débat, mais l’intervention de M. Guillaume rend nécessaires certaines clarifications.
En vérité, nous savons parfaitement qu’il y aura des conséquences en termes de personnel ; nous demandons simplement au Gouvernement de les évaluer.
Dans cette affaire d’étude d’impact, ce qui nous a collectivement choqués, c’est l’absence totale d’évaluation des conséquences du projet présenté sur les personnels des collectivités territoriales, dont je rappelle que plus de 100 000 sont passés, au moment de la réforme Raffarin, du statut de fonctionnaire de l’État à celui de fonctionnaire territorial ; je pense en particulier aux personnels ATOSS qui ont rejoint les régions, pour ceux qui travaillent dans les lycées, et les départements, pour ceux qui travaillent dans les collèges.
Le transfert de ces fonctionnaires avait suscité chez eux une appréhension. Au demeurant, dans cet hémicycle, nous avons consacré à cette question des débats extrêmement difficiles, tendus et houleux.
Les sénateurs qui soutenaient la majorité de l’époque ont défendu ce transfert, parce que nous estimions que l’employeur proche serait certainement, en définitive, plus humain que l’employeur lointain.
J’observe que, aujourd’hui, les anciens personnels TOS ont été intégrés dans les régions et les départements, l’immense majorité d’entre eux faisant le choix d’être fonctionnaire territorial ; alors qu’ils avaient la possibilité de redevenir fonctionnaires d’État, à peu près aucun ne l’a demandé.
Que le problème existe, nous le savons parfaitement. Du reste, monsieur le ministre, nous ne vous reprochons pas de vouloir faire évoluer les effectifs. En effet, sur les 200 milliards d’euros que les collectivités territoriales dépensent chaque année, soit 11 % du PIB, environ la moitié correspond aux charges salariales. De sorte que si l’on veut réaliser des économies, comme Gérard Roche l’a signalé à juste titre, il faudra bien réduire les effectifs à un moment ou à un autre.
La majorité précédente avait pris ses responsabilités en le disant, pour ce qui est des personnels de l’État. Vous nous l’avez reproché, mais au moins l’avons-nous dit et avons-nous essayé de traiter le problème.
En ce qui concerne les collectivités territoriales, nous n’avions pas pris de mesures. Il est vrai qu’on leur reproche aujourd’hui d’avoir continué à embaucher, parce que ces administrations sont en contact quotidien avec les difficultés de nos compatriotes.
Il est vrai aussi, s’agissant du personnel municipal, que l’intercommunalité n’a pas conduit à des diminutions d’effectifs, ce qui pose un problème majeur. Peut-être la raison en est-elle que les communes et les intercommunalités sont aujourd’hui la seule porte ouverte et accessible à nos compatriotes qui ont des difficultés sociales ? De fait, pour les problèmes liés, par exemple, aux personnes âgées ou à l’enfance, c’est auprès d’elles qu’on trouve porte ouverte, dans la mesure où les préfectures et tous les services de l’État ont réduit leurs effectifs.
Il faut bien reconnaître que, dans nos relations avec les services de l’État, nous rencontrons aujourd’hui des difficultés, liées à l’insuffisance des effectifs de ces services.
Il n’est pas choquant d’annoncer des diminutions d’effectifs !
Aussi bien, puisque M. Montebourg a suivi la fusion General Electric – Alstom avec obstination pendant plusieurs semaines en mettant la question des emplois au cœur des négociations, il n’est pas complètement anormal que, sur un sujet beaucoup plus important en termes quantitatifs, on pose la même question.
L’amendement présenté par notre collègue Favier a le mérite de demander au Gouvernement un rapport. Ce n’est tout de même pas le bout du monde !
Évidemment, plutôt qu’un rapport, nous aurions préféré une vision prospective de l’effort que le Gouvernement, dans le cadre de sa réforme, entend demander aux collectivités territoriales au nom de l’intérêt national et de la réduction des déficits. Seulement, comme ces indications ne figurent pas dans l’étude d’impact, où elles auraient dû se trouver, et même si le rapport qu’il demande n’est qu’un succédané, nous nous rallions à l’amendement présenté par M. Favier.
Des conséquences, nous savons qu’il y en aura. Il ne s’agit donc pas, monsieur Guillaume, de rassurer, mais d’informer les Français, qui sont majeurs et vaccinés. Une fois les informations connues, des négociations pourront s’ouvrir ; mais sans information, pas de négociation !
M. le président. La parole est à M. Christian Favier, pour explication de vote.
M. Christian Favier. Rassurer les personnels territoriaux, nous le voudrions bien. Seulement voilà : comment ne seraient-ils pas inquiets devant la valse-hésitation du Gouvernement – je le dis sans jeu de mots – au sujet de cette réforme ?
Jugez vous-même : un jour, on leur dit que les départements sont utiles et vont être préservés et, quelques jours plus tard, on leur annonce que ceux-ci vont être supprimés ; ici même, on nous dit que les départements ruraux seront peut-être conservés, mais pas les autres. Tout cela est anxiogène ! En vérité, ce ne sont pas nos propos qui provoquent l’inquiétude des personnels, mais le comportement du Gouvernement.
Les inquiétudes sont particulièrement vives dans les départements où la clause de compétence générale a été fortement mise en œuvre. En effet, la suppression annoncée de cette clause pour les départements et les régions dans le second projet de loi conduit de nombreux personnels, qui travaillent au service de misions choisies par des collectivités territoriales au titre de leur compétence générale, à se sentir menacés.
Ainsi, dans mon département, nous avons fait le choix, de très longue date, de gérer des crèches. Aujourd’hui, nous avons 76 crèches départementales, dans lesquelles travaillent plus de 1 500 personnes. Demain, le département supprimé, qui reprendra cette compétence ? Certainement pas la métropole. Quant aux communes, avec quels moyens le feraient-elles ?
De fait, aujourd’hui, on réduit les moyens des communes dans le cadre d’un plan d’austérité de 11 milliards d’euros imposé aux collectivités territoriales. Dans ce contexte, il est légitime que les personnels se demandent ce qu’ils vont devenir et ce qu’il adviendra du service rendu par la collectivité territoriale. Car il y a un vrai danger !
Ce plan d’austérité dans les collectivités territoriales a des conséquences très importantes et pèse lourdement sur le climat qui règne parmi les personnels.
Le président du conseil général du Nord a expliqué qu’il doit verser chaque année 600 millions d’euros au titre du RSA et qu’il n’en a maintenant plus les moyens, au point qu’il se demande si, au mois de septembre, il ne va pas être hors d’état d’assumer cette responsabilité. Dès lors, comment les personnels de ce conseil général, et de nombreux autres, ne seraient-ils pas inquiets ?
Je pense qu’il est profondément injuste de faire peser la réduction du déficit public de notre pays d’abord sur les collectivités territoriales. En effet, comme il a été rappelé, sur les 45 milliards d’euros dont le déficit public s’est accru depuis un an, 43 milliards sont le fait de l’accroissement du déficit de l’État, tandis que les collectivités territoriales ont réduit de 2 milliards d’euros leur contribution au déficit.
En somme, on prétend demander des efforts supplémentaires aux collectivités territoriales alors que c’est l’État qui continue de creuser le déficit public ! Cette situation est profondément injuste et a des conséquences sur le fonctionnement de nos collectivités territoriales et sur l’avenir de nos personnels.
Dans ces conditions, un rapport sur l’application de la future loi est bien le moins que nous puissions demander.
Mme Éliane Assassi. Très bien !
M. le président. La parole est à Mme Fabienne Keller, pour explication de vote.
Mme Fabienne Keller. L’amendement n° 104 introduit dans notre débat la question des personnels, qui tient à cœur à de nombreux collègues responsables de collectivités territoriales.
C’est un fait, monsieur le ministre, monsieur le secrétaire d’État, que cet aspect du sujet n’est pas du tout abordé dans l’étude d’impact. Sans doute, le Conseil constitutionnel a estimé qu’il n’était pas nécessaire qu’il le soit ; mais la réalité de nos départements et de nos régions est faite de ces personnes impliquées dans leur métier.
Aussi, je tiens à réagir, à la suite de certains de nos collègues, à la solution proposée par Didier Guillaume : ces personnels, il suffirait de les rassurer.
M. Didier Guillaume. Oui !
Mme Fabienne Keller. Mon cher collègue, la question n’est pas de les rassurer.
M. Didier Guillaume. C’est déjà bien !
Mme Fabienne Keller. Une réforme est proposée qui fera évoluer très fortement les pratiques professionnelles de ces agents des départements et des régions, qui sont travailleurs sociaux, techniciens dans les collèges, chargés de projets culturels, passionnés de tourisme ou de développement économique. Ces personnes ont un métier, qui va évoluer. Elles ont un lieu de travail, un chef et une organisation managériale ; or tout cela va changer. Il est nécessaire de prendre en compte leur situation, et la question ne peut pas être balayée par une simple réunion avec les syndicats.
Par ailleurs, il faut être conscient que ce projet de réforme territoriale inquiète aussi les administrations territoriales de l’État ; je pense en particulier à la gendarmerie, à l’organisation hospitalière et à nos tribunaux, qui se sentent fragilisés par la perte à venir du chef-lieu régional.
Certes, les personnels dont nous parlons ne relèvent plus du tout de la compétence de l’État et sont entièrement à la charge des départements et des régions ; mais ignorer leur situation, c’est oublier à la fois une réalité humaine et la réalité d’un service assuré à nos concitoyens. De fait, même si les élus sont très engagés sur le terrain, ce sont les milliers de fonctionnaires au contact des habitants qui portent les politiques que nous construisons.
J’ajoute que cette évolution pour les personnels se produira dans un contexte de grandes restrictions budgétaires.
Sans doute, notre débat n’est pas budgétaire ; mais il est impossible d’oublier que 11 milliards d’euros d’économies seront à réaliser en 2017, et 22 milliards d’euros au total entre 2015 et 2017, ce qui pèsera très fortement sur la gestion, les frais de fonctionnement et donc les personnels de nos collectivités territoriales.
Comment accompagner ces personnels et donner sens à leur engagement, ainsi qu’aux politiques publiques que nous conduisons, dans un contexte de fortes restrictions ? Cette question aussi, nos personnels, engagés comme ils le sont, avec leur savoir-faire et leur énergie, la ressentent vivement.
Monsieur le ministre, monsieur le secrétaire d’État, occulter ce débat, c’est mépriser leur action et le cœur qu’ils mettent dans leur engagement au service des territoires. Leur avenir mérite mieux qu’un rapport !
L’amendement n° 104 est porteur d’un certain paradoxe, puisqu’il tend à demander au Gouvernement d’établir un rapport au sujet de personnels dont il n’a plus la charge. Reste qu’il introduit cette question dans notre débat, et c’est cela que nous voulons considérer.
En vérité, ces personnels méritent notre reconnaissance et tout notre respect ; leur avenir est une vraie question, qui mobilisera la nation au service de laquelle ils travaillent ! (Applaudissements sur les travées de l'UMP.)
M. le président. La parole est à M. Jean-Jacques Lozach, pour explication de vote.
M. Jean-Jacques Lozach. La question des personnels des collectivités territoriales, plus particulièrement des conseils régionaux et, surtout, des conseils généraux, est un vrai problème. Aussi, il ne faut pas pratiquer la politique de l’autruche, mais l’aborder ouvertement.
Si je me souviens bien, il y a environ deux mois, la disparition pure et simple des conseils généraux était envisagée pour le mois de mars 2016. Depuis, l’État a pris conscience des difficultés qu’il y aurait à gérer pour assurer le transfert de leurs compétences, de leurs moyens financiers, de leur patrimoine et, surtout, de leurs personnels.
D’ailleurs, depuis quelques jours, le site internet du ministère chargé de la réforme territoriale contient, sous la forme d’un questionnaire, tout un argumentaire qui tend à rassurer les personnels concernés, notamment en rappelant leurs garanties statutaires.
Reste qu’une véritable inquiétude règne dans nos collectivités territoriales. Cette inquiétude concerne essentiellement les cadres, techniques et administratifs.
M. André Reichardt. Pas seulement !
M. Jean-Jacques Lozach. En effet, les personnels de catégorie A savent bien que c’est surtout eux qui seront concernés par les transferts.
M. André Reichardt. Les autres aussi !
M. Jean-Jacques Lozach. Il est vrai aussi que la loi du 13 août 2004 relative aux libertés et responsabilités locales a entraîné ce type de transferts de l’État vers les collectivités territoriales ; globalement, pour ce qui est des personnels TOS et des anciens personnels de l’équipement, l’opération a été plutôt bien gérée.
La question s’est posée de manière beaucoup plus insidieuse, je dirais presque clandestine, dans le cadre de la révision générale des politiques publiques.
Toujours est-il que des effets cumulatifs se sont produits et qu’il est à craindre qu’il s’en produise d’autres sous l’effet de cette réforme. Or, comme je l’ai exposé hier dans la discussion générale, c’est cet effet cumulatif que je redoute, si l’on fait tout en même temps : d’un côté de grandes régions, de l’autre la suppression des conseils généraux.
Par ailleurs, mes chers collègues, n’oublions pas que supprimer les conseils généraux signifie aussi supprimer les cantons, ce qui est d’une grande importance en milieu rural. Je sais bien que défendre les cantons, en 2014, revient souvent à passer pour un ringard, un vieillot, un poussiéreux.
M. Didier Guillaume. Mais non !
M. Jean-Jacques Lozach. Le problème, c’est que le canton continue de servir de référence pour le maillage d’un certain nombre de services publics de l’État, comme la gendarmerie et La Poste, ou pour le recrutement des collèges. Là aussi, donc, le risque existe de voir se produire, avec des conséquences très négatives pour les territoires, un effet cumulatif impliquant à la fois les personnels de la fonction publique d’État et ceux de la fonction publique territoriale.
Cela ne doit pas faire oublier un dernier problème qui, me semble-t-il, est insoluble. Les transferts de compétence du conseil général vers des intercommunalités ne concerneront pas les services des conseils généraux n’existant pas dans ces intercommunalités. Je pense, par exemple, au service intérieur d’un conseil général. Dès lors, que deviendront les personnels concernés ? Demain, de très grandes difficultés se rencontreront à propos de leur statut, de leurs fonctions et de leur expérience…
M. le président. La parole est à M. Gérard Larcher, pour explication de vote.
M. Gérard Larcher. Ce sujet nous renvoie à la discussion générale que nous avons eue hier, et notamment au sujet de l’absence totale d’études se rapportant aux conséquences sur les personnels du présent projet de loi et des textes à venir. Dans la conférence sociale de la semaine prochaine, le Gouvernement a prévu d’ouvrir un atelier avec les partenaires sociaux sur les conséquences éventuelles de la réforme…
Alors qu’aucune étude ni aucun dialogue préalables n’ont eu lieu, alors que le dialogue social – qui est l’une des méthodes du Gouvernement, ce n’est pas moi qui m’en plaindrai ! – est normalement le premier rendez-vous, voilà que nous sommes en train de légiférer, de vouloir faire des cartes et d’organiser les choses sans avoir aucune mesure des conséquences !
Je rappelle – et j’ai évoqué ce point avec mon collègue Louis Pinton, qui est président de conseil général – que, lorsque l’on cumule les budgets des collectivités territoriales, la masse salariale représente plus de 30 % de l’ensemble. (Marques d’approbation sur les travées de l'UMP.)
Quand on veut parler de maîtrise des dépenses publiques, il faut en mesurer les conséquences. Il convient aussi d’avoir consulté les personnels, parce qu’il y aura des modifications de régime indemnitaire et des changements essentiels au bon fonctionnement et l’équilibre de nos collectivités territoriales.
Le fait de rendre un rapport au terme d’un délai de six mois est donc une bonne chose, mais c’est très insuffisant. Avant d’aborder le texte, nous aurions dû au moins en connaître les conséquences. C'est donc, me semble-t-il, la méthode elle-même qui est condamnée au travers de ce débat. (Applaudissements sur les travées de l'UMP. – Mme Éliane Assassi acquiesce.)