M. Philippe Marini, président de la commission des finances. Oui, un de plus ! Il est temps d’aller au-delà des signes !
M. Christian Eckert, secrétaire d'État. … et alors que le Premier ministre s’apprête, peut-être même au moment où nous parlons, à tenir un certain nombre de propos sur l’apprentissage, vous nous dites que ce n’est pas sérieux. Vos propos ne sont pas très courtois. Permettez, de temps en temps, que le Gouvernement aussi soit quelque peu froissé par un certain nombre de propos tenus dans cet hémicycle.
Le Gouvernement a une cohérence.
M. Francis Delattre. Il n’en a aucune !
M. Christian Eckert, secrétaire d'État. Il a fixé un calendrier pour la diminution des contributions et des charges des entreprises, ainsi que pour celle des impôts d’un certain nombre de catégories. Tout cela a un coût que nous assumons par des réductions de dépenses. Or ici je n’entends que propositions de dépenses supplémentaires ou d’allégements des contributions aux recettes de l’État.
Telle est notre différence. Je tenais simplement, en étant extrêmement respectueux, monsieur Placé, des droits du Parlement – le Parlement a des droits, le Gouvernement a des devoirs – à rappeler que le Parlement, de temps en temps, pourrait aussi avoir quelques devoirs en matière d’équilibre des finances publiques – ce serait une façon de se responsabiliser – et le Gouvernement quelques droits dont il entend disposer.
Madame Lienemann, je n’ai jamais dit que les régions n’avaient qu’à payer. Vous pourrez vous référer au compte rendu de nos travaux pour le vérifier. Dans une vie antérieure, figurez-vous que j’ai été, moi aussi, vice-président d’un conseil régional, celui de la région Lorraine. J’ai donc, moi aussi, le sens des responsabilités et des compétences d’un conseil régional.
J’ai simplement dit que la compétence de l’apprentissage et de la formation professionnelle serait – encore plus à l’avenir, me semble-t-il, c’est en tout cas le souhait du Gouvernement – confiée aux conseils régionaux et qu’il y avait lieu – les propos de M. Patriat sont à cet égard assez éloquents – d’entraîner dans cette discussion, dans cette construction d’un mouvement en faveur de l’apprentissage, les conseils régionaux. Je n’ai jamais dit que ces derniers n’avaient qu’à payer. J’ai moi aussi cette fibre régionale héritée d’une région qui m’est chère.
Le Gouvernement ne souhaite pas l’adoption de cet amendement, mais le Parlement est souverain.
M. Henri de Raincourt. Bravo, madame Lienemann !
M. le président. En conséquence, un article additionnel ainsi rédigé est inséré dans le projet de loi, après l'article 1er.
Article 1er bis (nouveau)
Le code général des impôts est ainsi modifié :
1° Le dernier alinéa du 1 de l’article 150-0 D est complété par les mots : « , ni au gain net mentionné au I de l’article 163 bis G » ;
2° Le II bis de l’article 150-0 D ter est complété par un 4° ainsi rédigé :
« 4° À l’avantage et au gain mentionnés au dernier alinéa du 1 de l’article 150-0 D. »
M. le président. L'amendement n° 3, présenté par M. Marc, au nom de la commission, est ainsi libellé :
Alinéa 2
Remplacer cet alinéa par cinq alinéas ainsi rédigés :
1° L’article 150-0 D est ainsi modifié :
a) Le dernier alinéa du 1 est complété par les mots : « , ni au gain net mentionné au I de l’article 163 bis G » ;
b) Le 1 quinquies est ainsi modifié :
- aux premier, deuxième, troisième, septième, huitième, onzième, douzième, treizième (deux fois), quinzième, avant-dernier et dernier alinéas, les mots : « de la date » sont remplacés par les mots : « du 1er janvier suivant la date » ;
- aux quatrième et cinquième alinéas, les mots : « de la date à » sont remplacés par les mots : « du 1er janvier de l’année suivant celle au cours de » ;
La parole est à M. le rapporteur général.
M. François Marc, rapporteur général de la commission des finances. Cet amendement a pour objet de simplifier la gestion des portefeuilles de valeurs mobilières de placements par les établissements financiers et les contribuables. À cette fin, il est proposé de faire partir le décompte du délai de détention de ces valeurs pour le calcul de l’abattement sur les plus-values au 1er janvier de l’année suivant l’acquisition de ces titres ou droits. En effet, le mode de calcul en vigueur, de date réelle à date réelle, semble poser des difficultés de gestion aux établissements financiers, la reconstitution des portefeuilles actuels semblant particulièrement délicate.
Il s’agit d’un ajustement de date de mise en application qui répond à une attente des acteurs du secteur financier.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. Christian Eckert, secrétaire d'État. Je vous prie de m’excuser, mais je vais être un peu technique. Il s’agit en effet d’une question précise.
La réforme des durées d’abattement des plus-values des valeurs mobilières concernait les régimes dits « favorable » et de « droit commun ». Par ce dispositif, les détenteurs de valeurs mobilières bénéficiaient, par exemple, d’un abattement de 50 % sur les plus-values réalisées au bout d’un an de détention dans le régime favorable et deux ans – je crois – dans le régime de droit commun.
La question est de savoir comment calculer cette durée de détention. Dans un premier temps, le gouvernement précédent avait proposé de prendre en compte la situation au 1er janvier de l’année antérieure pour les acquisitions et au 31 décembre pour les ventes. On arrivait ainsi à un paradoxe formidable : celui qui achetait un titre le 29 décembre et qui le vendait le 2 janvier suivant pouvait comptabiliser une année de détention, ce qui paraissait un peu curieux et par trop favorable.
Le Parlement, en loi de finances initiale, avait considéré qu’il y avait lieu d’évaluer la durée de détention de date à date : un titre acheté le 1er juillet devait être effectivement détenu pendant un an – c’est-à-dire jusqu’au 1er juillet de l’année suivante – pour pouvoir comptabiliser un an de détention. Cela nous semblait être la meilleure des solutions.
Votre rapporteur général propose de retenir la date du 31 décembre de l’année suivante, au motif que la durée exacte de détention peut être ignorée, sachant que le contribuable détenteur de titres pourrait ne pas avoir conservé trace de la date d’acquisition et de vente de ces titres, le tableau d’abattement ne s’arrêtant pas à un an mais s’étalant, si ma mémoire est bonne, sur huit années.
Un tel dispositif nous paraît pénalisant pour l’investisseur, car cela reviendrait à obliger certains propriétaires de titres à les détenir dix-huit mois, voire plus, pour pouvoir comptabiliser une année entière. Le Gouvernement souhaite en rester au statu quo : les établissements financiers effectuent des relevés annuels de portefeuilles, parfois même semestriels, trimestriels, voire mensuels pour des portefeuilles substantiels et suivant la nature des banques. Il existe donc toujours, dans la composition de son portefeuille, un point de repère à partir duquel le titulaire des titres peut faire valoir leur possession, à quelques mois près, s’il ne dispose pas des dates exactes d’exécution.
De toute façon, la justification de la durée de détention incombe au contribuable, et non aux établissements financiers, même si nombre de ces derniers s’acquittent de cette tâche pour la commodité de leurs clients.
Pour éviter ces difficultés – je ne prétends pas qu’il n’en existe pas dans la formule actuelle, mais celle-ci a le mérite d’être juste, puisque l’on travaille de date à date –, je vous suggère donc, monsieur le rapporteur général, de bien vouloir retirer votre amendement. À défaut, mon avis sera défavorable.
M. le président. Monsieur le rapporteur général, l'amendement n° 3 est-il maintenu ?
M. François Marc, rapporteur général de la commission des finances. Je tiens à remercier M. le secrétaire d’État de ses explications détaillées, qui sont peut-être un peu techniques pour certains de nos collègues, mais qui répondent parfaitement aux interrogations qui étaient les nôtres.
Des clarifications utiles ayant été apportées quant aux dates et aux modalités de mise en œuvre du dispositif, je retire mon amendement, monsieur le président.
M. le président. L'amendement n° 3 est retiré.
Je mets aux voix l'article 1er bis.
(L'article 1er bis n'est pas adopté.)
Article 1er ter (nouveau)
I. – Le II de l’article 199 ter S du code général des impôts est ainsi modifié :
1° Les trois dernières phrases du 1 sont supprimées ;
2° Le même 1 est complété par trois alinéas ainsi rédigés :
« Par exception :
« a) Lorsque le devis ou la facture visant les travaux financés ne permettent pas de justifier les informations figurant dans le descriptif mentionné au 5 du même I, l’entreprise réalisant les travaux est redevable d’une amende égale à 10 % du montant des travaux non justifié. Cette amende ne peut excéder le montant du crédit d’impôt. Un décret en Conseil d’État fixe les modalités d’application du présent a ;
« b) Lorsque la justification de la réalisation ou de l’éligibilité des travaux n’est pas apportée par le bénéficiaire dans le délai prévu au 5 dudit I, à l’exception des cas mentionnés au a du présent 1, l’État exige du bénéficiaire le remboursement de l’avantage indûment perçu. Celui-ci ne peut excéder le montant du crédit d’impôt majoré de 25 %. Un décret en Conseil d’État définit les modalités de restitution de l’avantage indu par le bénéficiaire de l’avance remboursable sans intérêt. » ;
3° Au 3, les références : « aux 1 et 2 » sont remplacées par les références : « au premier alinéa du 1 et au 2 ».
II. – Le I s’applique aux offres d’avance émises à compter de l’entrée en vigueur du décret prévu au même I et, au plus tard, au 1er janvier 2015.
M. le président. L'amendement n° 88 rectifié, présenté par MM. Mézard, Collin, Fortassin, Baylet, C. Bourquin et Collombat, Mmes Escoffier et Laborde et MM. Requier, Tropeano et Vall, est ainsi libellé :
Alinéa 5, première phrase
1° Remplacer les mots :
les travaux financés
par les mots :
tout ou partie des travaux financés
2° Remplacer les mots :
les travaux
par les mots :
ces travaux
La parole est à M. François Fortassin.
M. François Fortassin. Si vous me le permettez, monsieur le président, je défendrai en même temps les amendements nos 88 rectifié et 89 rectifié, qui visent tous deux à apporter quelques améliorations importantes à l’article 1er ter.
M. le président. J’appelle donc en discussion l'amendement n° 89 rectifié, présenté par MM. Mézard, Collin, Fortassin, Baylet, C. Bourquin et Collombat, Mmes Escoffier et Laborde et MM. Tropeano, Requier et Vall, et ainsi libellé :
Alinéa 5, après la deuxième phrase
Insérer une phrase ainsi rédigée :
Sans préjudice des dispositions du présent a, l'entreprise peut avoir recours à un tiers pour vérifier l'éligibilité des travaux.
Veuillez poursuivre, mon cher collègue.
M. François Fortassin. L’article 1er ter a pour objet de simplifier et de faciliter l’accès à l’écoprêt à taux zéro, dit « éco-PTZ », destiné à financer les travaux d’amélioration de la performance énergétique des logements.
Ce dispositif repose actuellement sur des établissements de crédit ayant conclu une convention avec l’État. Or ces établissements rencontrent souvent des difficultés pour évaluer l’éligibilité des travaux à l’éco-PTZ.
Afin de renforcer l’attractivité du dispositif et de favoriser la rénovation énergétique des logements, il est proposé, dans cet article 1er ter, de transférer la responsabilité de l’attestation de l’éligibilité des travaux des banques vers les entreprises réalisant ces travaux. En cas de devis ou de facture non conforme aux exigences fixées pour l’obtention du prêt, l’entreprise devra alors acquitter une amende.
Nous vous proposons, mes chers collègues, d’améliorer ce dispositif grâce à l’amendement n° 88 rectifié, qui vise les cas, très fréquents, dans lesquels un ensemble de travaux est réalisé par différentes entreprises. Il est logique, dans cette situation, que l’entreprise commettant une erreur dans la déclaration de ses travaux éligibles ne puisse être sanctionnée que sur sa seule part de travaux, indépendamment de ceux qui auront été réalisés par les autres sociétés.
L’amendement n° 89 rectifié, quant à lui, a pour objet de permettre aux entreprises – dans le secteur du bâtiment, il s’agit bien souvent de petites ou moyennes entreprises, voire de très petites entreprises – de recourir à un « tiers vérificateur » pour s’assurer de l’éligibilité des travaux. Ces tiers pourraient être des organismes « reconnus », « agréés » ou « habilités » par l’État, comme Qualigaz, Qualifelec, Promotelec, etc. Les entreprises qui le souhaiteraient pourraient faire appel à ces organismes pour vérifier l’éligibilité de leurs travaux.
Cet ajout est absolument indispensable, dans la mesure où il ne revient pas à des entreprises artisanales du bâtiment de maîtriser l’ensemble des conditions fixées par l’État pour bénéficier d’une aide publique, telle que l’éco-PTZ, et ce d’autant que les réglementations évoluent régulièrement.
Sans la mise en place concomitante du transfert de responsabilité des banques vers les entreprises du bâtiment en matière d’attestation de l’éligibilité à l’éco-PTZ, d’une part, et du dispositif de « tiers vérificateur », d’autre part, les entreprises, principalement les plus petites d’entre elles, se trouveraient seules à assumer l’entière responsabilité de l’éligibilité des travaux, sans aucune possibilité de s’assurer face au risque d’erreur.
Cela nous semble tout à fait inacceptable et contraire à la volonté du Gouvernement de simplifier la vie des entreprises. Ces dernières ne peuvent pas attendre, comme vous l’avez suggéré à l’Assemblée nationale, monsieur le secrétaire d’État, le vote de la loi sur la transition énergétique pour la mise en place d’un tel dispositif, le transfert de responsabilité pour l’éco-PTZ intervenant, lui, dès le 1er septembre prochain.
C’est pourquoi, pour faciliter l’accès à l’éco-PTZ sans mettre en difficulté les petites entreprises du bâtiment, nous vous invitons, mes chers collègues, à adopter très largement ces deux amendements.
M. le président. Quel est l’avis de la commission sur les amendements nos 88 rectifié et 89 rectifié ?
M. François Marc, rapporteur général de la commission des finances. L’amendement n° 88 rectifié tend à préciser la rédaction de l’article pour prévoir le cas, fréquent dans l’hypothèse d’un bouquet de travaux, où plusieurs entreprises réalisent ces derniers. Comme François Fortassin l’a souligné, cette mesure est de nature à rassurer les artisans, qui souhaitent, en termes d’éligibilité des travaux à l’écoprêt à taux zéro, être responsables de la seule part des travaux qu’ils ont eux-mêmes réalisés, et non du reste.
J’émets donc un avis favorable sur l’amendement n° 88 rectifié.
L’amendement n° 89 rectifié, quant à lui, a pour objet d’offrir aux artisans la possibilité de recourir à des tiers pour vérifier l’éligibilité à l’écoprêt à taux zéro des travaux pour lesquels ils ont établi un devis. Cette disposition permettrait également de rassurer les professionnels, mais la commission des finances s’interroge sur la nécessité de la faire figurer dans la loi. Sur ce sujet, nous souhaitons l’éclairage du Gouvernement, et le secrétaire d’État nous donnera certainement son appréciation sur la question.
En ce qui concerne l'amendement n° 89 rectifié, je souhaite donc entendre l’avis du Gouvernement.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. Christian Eckert, secrétaire d'État. S’agissant de l’amendement n° 88 rectifié, le Gouvernement rejoint l’analyse de M. le rapporteur général. Il juge cette disposition utile et remercie même les auteurs de l’amendement d’avoir ainsi permis de préciser ce qu’il adviendra au moment où plusieurs entreprises conduiront un chantier commun bénéficiant d’un éco-PTZ. Une telle clarification des responsabilités des uns et des autres se révélera tout à fait bénéfique.
En revanche, les dispositions de l’amendement n° 89 rectifié nous posent un certain nombre de difficultés quant à leur rédaction et leur application, même si la piste qu’elles ouvrent nous est connue. D’ailleurs, le Gouvernement travaille actuellement sur cette possibilité et il sera probablement, mesdames, messieurs les sénateurs, en mesure de vous proposer une nouvelle rédaction assez prochainement, soit dans le cadre de la navette sur ce présent projet de loi de finances rectificative, soit à l’occasion de l’examen d’un autre texte de loi.
Nous sommes bien sûr prêts à travailler la question avec vous. Il s’agirait de clarifier précisément le rôle du tiers vérificateur, car nous ne souhaitons pas que cette disposition, à laquelle nous réfléchissons, alourdisse les procédures.
Les aménagements dans la mise en œuvre du prêt à taux zéro ont justement pour but d’éviter les lourdeurs et difficultés pénalisant le dispositif, qui – on peut le reconnaitre simplement, avec l’humilité qui convient –, ne fonctionne pas bien.
Nous entendons donc l’améliorer, le fluidifier un peu, tout en clarifiant les responsabilités. Les banques ne souhaitent effectivement pas les assumer, et si certaines entreprises, notamment celles qui sont labellisées, semblent pouvoir le faire, la mise en place d’un tiers vérificateur apparaît comme un moyen de franchir une étape supplémentaire. Je crains toutefois qu’elle n’engendre aussi quelques frais supplémentaires… En effet, on imagine aisément que l’intervention d’un tel tiers ne sera pas gratuite !
Telles sont les préoccupations du Gouvernement. Nous comprenons et partageons les interrogations des auteurs de cet amendement n° 89 rectifié, mais, dans sa rédaction actuelle, nous ne souhaitons pas retenir cette proposition, étant précisé que nous aurons l’occasion de revenir prochainement sur le sujet.
Par conséquent, le Gouvernement demande le retrait de l’amendement n° 89 rectifié, faute de quoi il émettrait un avis défavorable.
M. le président. La parole est à M. René-Paul Savary, pour explication de vote.
M. René-Paul Savary. L’article 1er ter m’a interpellé, compte tenu de ce que l’on peut lire dans le chapitre du rapport à son sujet : « Les banques se montrent très réticentes à distribuer ce type de prêt, d’autant plus que, comme cela a été expliqué précédemment, elles sont tenues de reverser à l’État le crédit d’impôt dont elles ont bénéficié en cas d’erreur quant à l’éligibilité des travaux de l’emprunteur ». Aussi, les banques rencontrant une difficulté, on la transfère sur les entreprises !
Je tenais à attirer votre attention sur ce point, mes chers collègues, car c’est une complexité supplémentaire que l’on impose. Déjà, des taux différents de TVA s’appliquent selon le type de travaux, ce qui oblige à inscrire différentes lignes budgétaires sur les factures ou, par anticipation, sur les devis.
J’observe également que cette responsabilité supplémentaire s’accompagne de l’application d’une pénalité, celle qui s’imposait auparavant aux banques étant également transférée au niveau de l’artisanat. Ainsi, d’un côté, on envoie un signal positif, avec cet avantage fiscal qui encourage les chantiers, donc qui est susceptible de donner du travail en plus aux entreprises ; de l’autre, on adresse un signal négatif, avec l’instauration d’une pénalité.
Il aurait été plus judicieux, me semble-t-il, de différer la mise en œuvre de cette pénalité et d’observer pendant un an comment le transfert de responsabilités s’effectue, comment les entreprises réagissent, afin de leur permettre de s’adapter à l’évolution et, en particulier, d’obtenir en plus grand nombre la labellisation « reconnu garant de l’environnement », ou RGE.
Il ne faut pas s’étonner ensuite, monsieur le secrétaire d’État, que les entreprises fassent appel aux travailleurs détachés. Il leur faut bien retrouver de la compétitivité, tandis que la complexité des dispositifs mis sur pied les pousse à chercher d’autres moyens d’améliorer leurs marges.
C’est pourquoi j’émets de fortes réserves sur cet article.
M. le président. L'amendement n° 4, présenté par M. Marc, au nom de la commission, est ainsi libellé :
Alinéa 8
Rédiger ainsi cet alinéa :
II. – Le I s’applique aux offres d’avance émises à compter de l’entrée en vigueur du décret prévu au a du 1 du II de l’article 199 ter S du code général des impôts, tel qu’il résulte de la présente loi et, au plus tard, au 1er janvier 2015.
La parole est à M. le rapporteur général.
M. François Marc, rapporteur général de la commission des finances. Il s’agit d’un amendement rédactionnel.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. le président. Je mets aux voix l'article 1er ter, modifié.
(L'article 1er ter est adopté.)
Article 1er quater (nouveau)
Le I de l’article 569 du code général des impôts est ainsi modifié :
1° Au premier alinéa, les deux occurrences du mot : « cigarettes » sont remplacées par les mots : « tabacs manufacturés » ;
2° À la première phrase du second alinéa, les mots : « par et » sont supprimés.
M. le président. L'amendement n° 57, présenté par M. Foucaud, Mme Beaufils, M. Bocquet et les membres du groupe communiste républicain et citoyen, est ainsi libellé :
Supprimer cet article.
La parole est à M. Éric Bocquet.
M. Éric Bocquet. Ne serait-ce que pour des raisons de santé publique, on peut parfaitement comprendre – c’est même une évidence – la nécessité de lutter contre la contrefaçon des produits du tabac et de mieux assurer leur traçabilité. Selon toute vraisemblance, si j’en crois le rapport, une directive européenne, que nous risquons, cette fois, de voir transposée par anticipation, porte sur cette question pour le moins décisive.
Seulement, que la certification des produits du tabac soit assumée par un organisme indépendant pose un problème assez simple. Si tant est que nous ayons bien compris le processus, une entreprise helvétique aurait mis en œuvre une intense campagne de « pression » pour convaincre certains élus du bien-fondé du dispositif de traçabilité qu’elle se propose de mettre sur le marché à la demande de toute autorité qui le souhaiterait…
Le problème posé par l’article 1er quater est donc le suivant : nous sommes en train de voter une disposition donnant à une entreprise privée, selon la plus pure forme du cas d’espèce, la possibilité de s’assurer le marché de la sécurité des produits du tabac, alors même que cette mission devrait tout simplement relever d’une autorité indépendante.
Par principe, nous avons toujours été opposés à tout transfert d’une compétence d’ordre public à une entreprise privée prestataire de services. Nous ne pouvons donc que nous opposer à l’adoption de cet article de circonstance, adoption au demeurant prématurée, tous les contours de la directive n’étant pas encore parfaitement et définitivement connus.
Les services du ministère de l’agriculture, éventuellement ceux du ministère des finances, ou un service administratif émanant de la Commission européenne nous sembleraient mille fois plus indiqués qu’une entreprise privée, qui pourrait être sensible aux amicales pressions des acteurs du marché.
M. le président. Quel est l’avis de la commission ?
M. François Marc, rapporteur général de la commission des finances. L’article 1er quater adopté par l’Assemblée nationale vise à confier à des tiers indépendants le traitement des données permettant d’assurer l’identification et la traçabilité des produits de tabacs.
En ce sens, il anticipe utilement la prochaine transposition de la directive « Tabacs » du 3 avril 2014, sans prendre parti pour une technologie ou pour une entreprise en particulier. Il s’agit seulement d’acter le principe de transparence, que personne ne songe à contester.
Toutefois, nous comprenons également les préoccupations du Gouvernement, qui était opposé à l’adoption de cet article à l’Assemblée nationale, si j’ai bien compris, ainsi que celles des auteurs de cet amendement de suppression. De fait, la modification du droit applicable est peut-être prématurée, dans la mesure où d’importantes précisions techniques sont encore attendues de la Commission européenne en vue de la transposition de la directive.
Par ailleurs, nos collègues députés Thomas Thévenoud et Jean-François Mancel travaillent actuellement à ces questions, lesquelles devraient être traitées dans le cadre de l’examen du projet de loi de finances initiale pour 2015.
Dans ces conditions, la commission s’en remet à la sagesse du Sénat.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. Christian Eckert, secrétaire d’État. Le Gouvernement a bien entendu les arguments avancés par M. Bocquet. Il s’agit d’un sujet délicat, qui laisse souvent place à des interprétations : on entend ainsi que certains pourraient céder à la pression des lobbies, ceux du tabac, bien sûr, mais aussi d’autres secteurs d’activités – vous avez d’ailleurs cité l’exemple, monsieur le sénateur, d’un groupe de pression probablement au moins aussi actif.
Le Gouvernement souhaite donc être très précis. La directive du 3 avril 2014 relative aux produits du tabac instaure des obligations en matière de marquage et de traçabilité. Elle concrétise la participation de l’Union européenne et de ses États membres au protocole de l’Organisation mondiale de la santé, l’OMS, relatif à la traçabilité des produits du tabac, chose que certains contestent, d’ailleurs.
Le législateur français a anticipé sur ce cadre communautaire. Dès le projet de loi de finances rectificative de 2012, il a souhaité inscrire le principe de la traçabilité dans notre droit national, par l’adoption de l’article 569 du code général des impôts.
Il apparaît néanmoins que cet article doit être adapté au cadre communautaire fixé par cette directive récemment adoptée. Un amendement a été déposé en ce sens à l’Assemblée nationale, qui visait à la transposer dans le droit national – c’est, du moins, ce que les auteurs de cette disposition ont indiqué.
Telle n’est pourtant pas l’interprétation du Gouvernement. En effet, la rédaction actuelle, telle qu’elle est issue des travaux de l’Assemblée nationale, n’introduit pas la notion de « tiers indépendant », notamment pour ce qui a trait au stockage des données, un élément extrêmement important et non encore inscrit dans notre droit.
L’amendement n° 57 vise à supprimer l’article 1er quater introduit par l’Assemblée nationale et à revenir ainsi à l’article 569 du code général des impôts, dont j’ai indiqué qu’il n’était pas satisfaisant, car il n’est pas pleinement conforme à la directive. Je souligne d’ailleurs, à la suite de M. le rapporteur général, que nous attendons la publication de certains textes devant préciser les modalités d’application de la directive.
Le Gouvernement propose donc de procéder à la transposition à l’identique de la directive, comme nous serons de toute façon amenés à le faire, et de réécrire l’article 569 du code général des impôts. Pour cela, nous pourrions mettre à profit le temps de la navette.
Comme je l’ai rappelé à l’Assemblée nationale, si des actes délégués, c’est-à-dire des textes d’application de la directive, étaient adoptés entre-temps, nous pourrions préciser les dispositions transposées.
Pardonnez-moi d’avoir été quelque peu précis et technique, mesdames, messieurs les sénateurs, mais je voudrais que les choses soient très claires. On le sent bien, en effet, ce sujet amène certains à se livrer à des accusations, selon lesquelles, notamment – je l’ai entendu à l’Assemblée nationale ou non loin de là – le Gouvernement cèderait au lobby du tabac.
Le Gouvernement a la volonté – antérieure à mon arrivée aux fonctions de secrétaire d’État chargé du budget – d’assurer la traçabilité, le stockage de données et le contrôle des dispositifs mis en place, sans pour autant renvoyer ces missions à des entreprises de caractère privé, qui pourraient trouver là l’occasion de prospérer, en France, mais aussi ailleurs, le mouvement étant européen.
Le Gouvernement veut procéder de façon extrêmement méticuleuse. La rédaction actuelle de l’article, issue des travaux de l’Assemblée nationale, ne nous satisfait pas ; nous souhaitons prendre le temps de la modifier. Néanmoins, revenir à la rédaction actuelle de l’article 569 du code général des impôts ne nous satisfait pas plus. Dès lors, le Gouvernement entend bien continuer à y travailler et préciser les choses dans le cadre des travaux parlementaires à venir.
Dans cette attente, si vous ne retirez pas cet amendement, monsieur le sénateur, le Gouvernement s’en remettra à la sagesse du Sénat.