M. le président. Je mets aux voix l'article 2, modifié.
(L'article 2 est adopté.)
Article additionnel après l'article 2
M. le président. L'amendement n° 57, présenté par Mmes Schurch, Didier et les membres du groupe communiste républicain et citoyen, est ainsi libellé :
Après l’article 2
Insérer un article additionnel ainsi rédigé :
Il ne peut être recouru aux contrats de partenariat pour le financement, la construction ou la transformation, l’entretien, la maintenance, l’exploitation ou la gestion d’ouvrages, d’équipements ou de biens immatériels nécessaires pour les infrastructures de transports terrestres.
La parole est à Mme Mireille Schurch.
Mme Mireille Schurch. Par cet amendement, mes chers collègues, nous soutenons une idée simple, que je qualifierai presque d’idée de prudence : le financement, la construction ou la transformation, l’entretien, la maintenance, l’exploitation et la gestion d’ouvrages, d’équipements ou de biens immatériels nécessaires pour les infrastructures de transports terrestres nécessitent à notre avis une maîtrise publique et doivent être réalisés par le groupe public ferroviaire.
C’est pourquoi nous vous proposons d’interdire les contrats de partenariat public-privé en matière d’infrastructures de transports. Il s’agit ainsi de tirer toutes les conséquences de l’expérience du recours aux PPP, les partenariats public-privé, qui, trop souvent, sont plus coûteux pour la collectivité et les usagers et moins performants en termes de services.
Le scandale du contrat Écomouv’, pour ne citer que le dernier en date d’une liste malheureusement très longue, démontre que cette forme de contrat administratif, véritable bombe à retardement, est un gouffre pour la collectivité, ainsi qu’une faute politique, morale et financière, ce qui a d’ailleurs été explicité par la commission d’enquête sénatoriale.
Mes chers collègues, ces faits ne sont plus à démontrer. Au vu de la volonté de M. le secrétaire d'État de mieux maîtriser les dépenses engagées en faveur du réseau, je vous invite donc à tirer les conséquences de ces expériences coûteuses pour les deniers publics et à voter cet amendement de prudence.
M. le président. Quel est l’avis de la commission ?
M. Michel Teston, rapporteur. Ma chère collègue, de nombreux membres de la commission comprennent et partagent vos inquiétudes quant au recours aux contrats de partenariat, en particulier aux PPP.
Toutefois, il nous a semblé que cette question dépassait largement le cadre de la réforme ferroviaire dont nous débattons actuellement. Vous avez d’ailleurs cité tout à l’heure un exemple dont on a beaucoup parlé au cours des derniers mois et sur lequel je ne reviendrai pas.
Dans ces conditions, il nous semble qu’il faut s’en tenir au contenu du projet de loi de réforme ferroviaire. C’est d’ailleurs la position qu’a retenue la commission, qui a émis un avis défavorable sur votre amendement.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. Frédéric Cuvillier, secrétaire d'État. Madame la sénatrice, vous ne trouverez pas en moi un promoteur acharné des PPP. J’en ai même abandonné un certain nombre : celui du canal Seine Nord-Europe, celui du grand contournement de Strasbourg, celui du CDG Express. Pour autant, je n’ai abandonné aucun de ces projets : le canal Seine Nord-Europe est en mission de reconfiguration et a connu des avancées significatives, le grand contournement de Strasbourg en est au stade de la déclaration d’utilité publique et le CDG Express a fait l’objet d’un partenariat public-public.
Il est donc nécessaire non pas tant d’interdire le recours à ce type de contrat que de faire preuve de responsabilité, en gérant bien les affaires lorsqu’on est au pouvoir, d’anticiper d’éventuels retournements de la situation économique – cela n’a pas été le cas dans le passé –, d’entourer les personnes publiques de suffisamment de garanties dans les clauses contractuelles et de ne pas avoir une vision dogmatique.
Tout à l’heure, monsieur Nègre, je ne vous ai pas répondu au sujet d’une responsabilité qui n’est pas la nôtre s’agissant d’Écomouv’, dont le contrat a été négocié dans les conditions que vous savez. Mais tout de même, permettez-moi de revenir en quelques instants sur votre responsabilité, celle de votre majorité, sur ce qui a été décidé en 2007, pas appliqué en 2008, repoussé en 2009, signé en 2010,…
Mme Éliane Giraud. Très bien !
M. Frédéric Cuvillier, secrétaire d'État. … pas appliqué en 2011 et signé le 6 mai 2012, c’est-à-dire le jour du second tour de l’élection présidentielle !
Mme Éliane Giraud. Très bien !
M. Frédéric Cuvillier, secrétaire d'État. J’ai trouvé sur mon bureau le décret que vos collègues et amis politiques n’avaient pas eu le courage d’appliquer et qui a mis le feu à toute la profession ! (Voilà ! sur les travées du groupe socialiste et du groupe CRC.)
Je veux bien que, ensuite, avec un peu d’outrance, l’on me dise que les modalités de financement de cette loi votée à l’unanimité – mais combattue par vos amis – demeurent inconnues. Vous nous avez dit par la suite que le Gouvernement cédait à une forme de pression bretonne. Mais enfin, demandez à M. Le Fur, qui, sauf erreur, n’est membre d’aucun des groupes politiques siégeant dans la partie gauche de cet hémicycle !
M. Vincent Capo-Canellas. C’est un spécialiste !
M. Frédéric Cuvillier, secrétaire d'État. Un grand spécialiste, en effet, mais moi aussi je suis un spécialiste de la nécessité de négocier et de financer les infrastructures !
Un pays qui avance, c’est un pays qui a confiance dans les modalités de financement de ses infrastructures. Jouer de ces enjeux nationaux au nom de petits calculs politiciens, c’est prendre le risque de mettre le feu dans nos régions. Chacun sera renvoyé à ses responsabilités. (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste.) Pour ma part, je n’assumerai pas des responsabilités qui ne sont pas les miennes.
Nous savons les difficultés auxquelles notre pays, nos régions, nos territoires font face – je ne parle pas de ce gouvernement précisément –, pour financer les infrastructures.
Vous avez négocié ce PPP Écomouv’ alors que l’État, à ce moment-là, pouvait en assumer le financement. Pourquoi ? Parce que, en d’autres temps, de façon dogmatique, vous avez décidé de privatiser les autoroutes dans les conditions scandaleuses que nous savons, en n’affectant qu’une part minimale du produit de cette privatisation à l’agence de financement des infrastructures de transport de France, l’AFITF, la privant ainsi de moyens de financement. Je suis intarissable sur vos erreurs, intarissable sur ce qui est de votre responsabilité. En effet, ma tâche, c’est de trouver un moyen de régler ces situations pour nos territoires !
Toutes et tous, vous venez légitimement me voir pour demander le désenclavement de vos territoires, la modernisation ou la sécurisation de telle ou telle infrastructure. Sachez que 20 % du réseau routier sont extrêmement dégradés, ce qui soulève des questions de sécurité. Nous devons la vérité aux Français.
Il ne s’agit pas de nous priver d’un mode de financement qui peut être utile à condition d’avoir le sens des responsabilités, de ne pas en faire une arme idéologique de financement des infrastructures et de toujours avoir présent à l’esprit, lorsqu’on est au pouvoir, que le bien commun, c’est le bien de tous les Français. Lorsqu’on agit au nom de l’État, une signature engage tout le monde. Il convient de préserver l’intérêt commun et celui de l’ensemble de nos concitoyens. C’est cela avoir le sens des responsabilités. Monsieur Nègre, c’est à cela que je vous renvoie. (Très bien ! et applaudissements sur les travées du groupe socialiste.)
J’émets donc un avis défavorable sur cet amendement.
M. le président. La parole est à M. Vincent Capo-Canellas, pour explication de vote.
M. Vincent Capo-Canellas. Monsieur le secrétaire d'État, que l’on ne se méprenne pas : lorsque je disais que M. Le Fur était un grand spécialiste, au moment où vous évoquiez ce qui s’est passé en Bretagne, je voulais dire que c’était un spécialiste légitime de la pression bretonne, en tant que parlementaire aguerri. Et après tout, c’est son rôle.
Tout à l’heure, notre excellente collègue Mireille Schurch a parlé de « scandale » au sujet du contrat Écomouv’. Puisque nous avons siégé ensemble au sein de la commission d’enquête, et même si nous avons certes eu quelques débats, je lui rappellerai que les conclusions auxquelles nous sommes parvenus étaient beaucoup plus nuancées. Si on le lit bien, il n’est nulle part fait mention dans le rapport d’un quelconque scandale. En tout cas, c’est la lecture que j’en ai faite.
Je voulais juste que les choses soient claires sur ce sujet.
M. le président. La parole est à M. Louis Nègre, pour explication de vote.
M. Louis Nègre. Monsieur le secrétaire d’État, jusqu’à présent, tout allait à peu près bien !
M. Louis Nègre. Je regrette que vous perdiez votre sang-froid. Puisque vous me renvoyez à mes responsabilités, alors je vais vous renvoyer aux vôtres. Vous me parlez de M. Le Fur, alors je vais vous parler de M. Le Drian et de Mme Lebranchu. Si vous nous disiez que, les uns et les autres, nous n’avons pas été performants, ce serait déjà plus juste. Au nom de l’intérêt général, auquel je vous sais sensible, évitons, s’il vous plaît, de tels propos.
Le but de notre démarche, c’est d’obtenir des crédits, des moyens pour faire en sorte que nos infrastructures puissent fonctionner et être maintenues à un bon niveau. Dans ces conditions, nous avons effectivement soutenu, par exemple, l’AFITF, nous avons fait en sorte, alors que vous aviez suspendu le contrat Écomouv’…
M. Louis Nègre. Nous l’avons simplement signé très tardivement, mais vous, vous l’avez suspendu !
Enfin, vous parlez de la dette de M. de Villepin, le Premier ministre de l’époque ; mais qu’a-t-il fait, lui ?
M. Louis Nègre. Il a récupéré cet argent pour combler une dette de l’État. Lui, au moins, il avait donc anticipé les difficultés qui se posent aujourd’hui et auxquelles, à mon tour, je vous renvoie !
M. le président. La parole est à M. le secrétaire d'État.
M. Frédéric Cuvillier, secrétaire d'État. Je crois que, à la faveur de ce débat, les masques tombent et que nous venons d’assister à un aveu.
Vous venez en effet d’avouer, monsieur Nègre, que votre majorité était prête à sacrifier les modalités de financement des infrastructures, en citant en exemple, et vous êtes bien le seul à le faire, l’action menée par Dominique de Villepin, alors Premier ministre, lors de la privatisation – ou plutôt, en réalité, du bradage – du patrimoine commun autoroutier.
Vous venez de l’assumer, puisque vous venez de dire que M. de Villepin a eu raison de privatiser les autoroutes, alors même que les parlementaires ont mené une mission d’information sur les conditions de cette privatisation. (M. le rapporteur approuve.) Celle-ci a pour conséquence, aujourd’hui, que nous nous trouvons ligotés par des contrats qui ont été mal négociés, au détriment de l’intérêt de la nation et de l’État, et qui nous empêchent de disposer de cette portion du domaine public, gérée, au demeurant, dans les conditions que nous savons.
J’ajoute que, pendant deux ans, il m’a fallu me battre pour obtenir ne serait-ce que l’actualisation, que vous n’aviez même pas demandée, de la redevance domaniale, afin de pouvoir faire payer au prix juste l’usage du domaine public routier.
Les relations avec les opérateurs auxquels votre majorité a confié la gestion de ces biens de la nation semblaient donc, dirais-je, empreintes d’indulgence. Eh bien, nous, nous ne sommes pas dans l’indulgence, mais dans l’exigence, je le démontre depuis deux ans, et ce n’est pas fini !
M. Jacky Le Menn. Très bien !
M. le président. La parole est à Mme Mireille Schurch, pour explication de vote.
Mme Mireille Schurch. Comme M. le secrétaire d’État, je pense en effet que la responsabilité de la situation actuelle incombe à la droite.
Concernant le contrat passé avec Ecomouv’, nous avons été bien les seuls, au tout début, à soutenir qu’il portait gravement préjudice aux finances publiques, et c’est ce qu’a confirmé la mission parlementaire d’information. Je n’ai pas voté la dernière conclusion de cette mission, parce que le contrat en question est non pas exceptionnel, mais complètement scandaleux ! Nous le savons tous désormais, après avoir pris connaissance des comptes. En particulier, le montant de 250 millions d’euros que l’État doit verser à Ecomouv’ est tout à fait excessif.
Je veux signaler aussi à M. le secrétaire d’État que, lors de la signature de ce contrat, les grandes directions des services de l’État n’ont sans doute pas été suffisamment encouragées à donner les bons conseils à des ministres ou à un Président de la République qui, d’ailleurs, n’en souhaitaient peut-être pas.
Mme Mireille Schurch. Elles ont donc laissé filer les choses. Je ne veux pas accuser les grands services de l’État, mais je veux tout de même dire que la RGPP, la révision générale des politiques publiques, les a mis à nu !
Je pense que, au regard de nos expériences passées, les contrats de partenariat public-privé présentent un véritable danger, et je voulais le dire fortement – vous avez d’ailleurs vous-même indiqué, monsieur le secrétaire d’État, que vous aviez dû renégocier certains de ces contrats. Or, il y a quelques années, dans cet hémicycle, il n’était question que de PPP ! (M. le secrétaire d'État approuve.)
Je suis heureuse que les temps aient changé. Cela étant, comme je ne veux pas paraître dogmatique, je retire cet amendement, car si, par hasard, un PPP venait à être passé qui soit bien encadré et qui serve l’intérêt général, nous ne nous y opposerions pas, tant nous sommes attachés, avant tout, aux investissements dans nos infrastructures ferroviaires.
Je retire donc mon amendement, monsieur le président.
M. le président. L'amendement n° 57 est retiré.
Article 2 bis A
Le titre unique du livre Ier de la troisième partie du code général de la propriété des personnes publiques est complété par un chapitre IV ainsi rédigé :
« Chapitre IV
« Transfert de propriété du domaine public ferroviaire
« Art. L. 3114-1. – Des transferts de propriété d’infrastructures ferroviaires ou d’infrastructures de service appartenant à l’État ou à l’un des établissements publics constituant le groupe public ferroviaire mentionné à l’article L. 2101-1 du code des transports peuvent être opérés au profit d’une région, à la demande de l’assemblée délibérante de celle-ci.
« Ces transferts concernent uniquement, sous réserve des besoins de la défense du pays, les lignes que la région utilise ou envisage d’utiliser pour organiser des services de transport de personnes et qui sont séparées physiquement du reste du réseau ferré national.
« Art. L. 3114-2. – (Non modifié) Ces transferts ne donnent lieu ni au versement de la contribution prévue à l’article 879 du code général des impôts, ni à perception d’impôts, de droits ou de taxes de quelque nature que ce soit.
« La région bénéficiaire du transfert est substituée à l’État ou aux établissements publics constituant le groupe public ferroviaire mentionné à l’article L. 2101-1 du code des transports dans l’ensemble des droits et obligations liés aux biens qui lui sont transférés, à l’exception de ceux afférents à des dommages constatés avant la date du transfert et à des impôts ou taxes dont le fait générateur est antérieur à cette même date.
« Art. L. 3114-3. – (Non modifié) Les modalités d’application du présent chapitre sont précisées par décret en Conseil d’État. »
M. le président. L'amendement n° 58, présenté par Mmes Schurch, Didier et les membres du groupe communiste républicain et citoyen, est ainsi libellé :
Supprimer cet article.
La parole est à Mme Évelyne Didier.
Mme Évelyne Didier. Monsieur le président, cette intervention vaudra aussi défense de l’amendement n° 59.
Par cet amendement, nous demandons, purement et simplement, la suppression de cet article nouveau voté par l’Assemblée nationale. Nous demandons également la suppression de l’article suivant pour des raisons identiques.
En effet, l’article 2 bis A ouvre la possibilité aux régions de racheter certaines petites lignes d’intérêt purement local afin de ne pas les laisser se détériorer.
Si nous ne contestons pas les intentions mentionnées par les auteurs de cet article, qui évoquent quasiment des situations d’exception, nous restons dubitatifs sur son orientation au regard de l’acte III de la décentralisation et du renforcement du rôle des régions au détriment de l’État. Ces articles permettront ainsi aux régions de racheter certaines lignes ou d’en créer d’autres.
Tout d’abord, nous nous interrogeons : comment le pourront-elles ? Et avec quels moyens, alors même que les dotations dont elles bénéficient ne font que baisser ?
Plus fondamentalement, nous estimons que, avec ces articles, nous mettons le doigt dans un mécanisme funeste, ouvrant la possibilité d’une régionalisation de la gestion des infrastructures déjà prévue dans les esquisses d’un acte III de la décentralisation. Certes, l’on nous dit aujourd’hui que le réseau ferré national n’est absolument pas concerné par ces dispositions, mais, ce que vous ne dites pas, c’est que le périmètre de ce réseau peut bien évidemment évoluer : ce qui est national aujourd’hui peut devenir régional demain.
Nous trouvons donc ces articles extrêmement dangereux dans leur esprit, puisqu’ils tendent à reconnaître, sans aucun encadrement spécifique, une compétence pleine et entière aux régions pour devenir gestionnaires d’infrastructure, en lieu et place du gestionnaire national créé par la présente loi, à savoir SNCF Réseau.
Nous estimons, par conséquent, que ces articles, loin de permettre le retour de l’État stratège, ouvrent la voie à une régionalisation permettant une application inégalitaire du droit à la mobilité sur le territoire.
De plus, au regard des objectifs de rentabilité assignés à SNCF Réseau, il est bien clair qu’il sera fort opportun pour elle, d’un point de vue comptable, de se séparer d’une partie du réseau dans les régions.
Pour toutes ces raisons, et sans mettre en cause les motivations certainement légitimes des auteurs – députés, mais aussi sénateurs – de ces articles, nous souhaitons que le message de ce projet de loi ne soit pas brouillé par des informations contradictoires.
Ce projet de loi doit permettre le retour de l’État stratège et la réunification de la famille ferroviaire pour la rendre plus forte, et non pas conduire à l’atomisation du réseau et à la multiplication des gestionnaires d’infrastructure. C’est pourquoi nous proposons la suppression de ces articles.
M. le président. Quel est l’avis de la commission ?
M. Michel Teston, rapporteur. L’article 2 bis A permettra aux régions de racheter certaines petites lignes d’intérêt purement local. Il n’est nullement question de remettre en cause l’unicité du réseau national, qui a fait ses preuves et constitue le support de l’État stratège. En l’espèce, il s’agit de permettre le rachat de petites lignes à voie métrique, c’est-à-dire de voies ferrées dont l’écartement des rails est d’un mètre et qui ne sont pas reliées au niveau national. Il n’est donc aucunement porté atteinte à l’unicité du réseau ferré national.
Quant à l’article 2 bis B, il permettra aux régions de créer ou d’exploiter des lignes d’intérêt régional. Cette mesure répond à une demande forte des régions. Si elle est votée, elle permettra de régler certains cas ponctuels, notamment – je crois que nous avons tous ce cas en tête – celui de la ligne Nice-Digne, dont la région PACA pourra devenir gestionnaire de pleine compétence, ce qu’elle n’est pas pour le moment.
En outre, la compétence créée est purement optionnelle : les régions qui le souhaitent pourront se lancer dans la gestion d’infrastructures ferroviaires, mais SNCF Réseau restera compétent pour créer et exploiter les lignes du réseau ferré national.
La commission émet donc un avis défavorable sur cet amendement.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. Frédéric Cuvillier, secrétaire d'État. L’adage populaire veut que tout ce qui est petit soit mignon… J’ignore s’il s’applique en l’espèce, mais, ce que je sais, c’est que les petits réseaux requièrent des modes de gestion adaptés.
J’ai bien compris que vos amendements visaient à appeler à la vigilance, madame Didier, mais, en l’occurrence, il ne s’agit en aucun cas d’engager un démantèlement du réseau. Comme l’a très bien dit M. le rapporteur, ces articles visent uniquement de petits segments de voie clairement identifiés qui sont séparés physiquement du reste du réseau.
J’ai ici la liste de ces segments : Nice-Digne, Blanc-Argent, la ligne de Cerdagne – le fameux « train jaune » –, le Mont-Blanc Express, etc. À ce propos, je tiens à signaler que, régulièrement, à midi, France 2 diffuse de très beaux reportages sur les trains touristiques, un sujet qui nous occupait ce matin, chère madame Escoffier ; il y a là de véritables sagas sur ces personnes passionnées qui font vivre ce patrimoine ferroviaire.
Qu’il s’agisse des lignes visées par ces deux articles, des trains touristiques, des réseaux capillaires, qui peuvent avoir des effets de démultiplication sur l’activité économique, ou des opérateurs ferroviaires de proximité, la logique est la même : tous ces cas particuliers appellent un traitement adapté qui peut nécessiter l’intervention des régions ou d’autres collectivités, notamment, par exemple, pour le réseau ferré portuaire.
Vous ne serez donc pas surprise, madame Didier, que le Gouvernement émette un avis défavorable sur cet amendement.
M. le président. La parole est à M. Louis Nègre, pour explication de vote.
M. Louis Nègre. Madame Didier, il faut maintenir cet article 2 bis A. En effet, nous sommes tous d’accord pour ne pas toucher à un réseau national structurant. En revanche, il faut introduire une certaine souplesse dans le système, précisément pour atteindre l’objectif de mettre au centre l’usager et le service.
M. le rapporteur a très justement parlé à l’instant de la ligne Nice-Digne. Eh bien, je peux vous dire que, si la région n’était pas intervenue, cette ligne ne fonctionnerait plus aujourd’hui. (M. le rapporteur approuve.) Soyons donc réalistes, regardons ce qui fonctionne et ne campons pas sur des positions idéologiques ou sectaires.
Pour finir, je tiens à répondre à M. le secrétaire d’État qui, tout à l’heure, s’est lancé dans une charge excessive, ce qui ne lui ressemble absolument pas… Permettez, monsieur le secrétaire d’État : quand on me cherche, on me trouve ! (Exclamations.)
M. Louis Nègre. Tout d’abord, vous auriez été bien inspiré de garder votre sang-froid, plutôt que de vous lancer dans une attaque violente.
Ensuite, puisque vous représentez le Gouvernement et l’État, il vous incombe de témoigner à charge et à décharge sur leur action.
Enfin, je n’ai jamais prétendu avoir été Premier ministre à la place de Dominique de Villepin – je n’étais d’ailleurs même pas élu à l’époque, c’est dire. Je ne faisais que reprendre la version officielle qui avait été donnée, tout simplement.
M. Roger Karoutchi. Oh, n’exagérons rien, monsieur le secrétaire d'État !
M. le président. De grâce, mes chers collègues, ne mettez pas le président de séance en difficulté ! (Sourires.)
La parole est à Mme Évelyne Didier, pour explication de vote.
Mme Évelyne Didier. Tout d’abord, je voudrais indiquer que, quand on parle de réseau national, encore faut-il définir ce qu’on entend par là ; or, jusqu’à présent, nous n’avons pas eu de définition qui nous ait vraiment satisfaits.
On parle de la ligne Nice-Digne, mais c’est un cas particulier, et on sait très bien que, si on vote un article qui prévoit des exceptions, celles-ci se multiplieront. Par conséquent, là encore, on reste dans le flou.
M. le rapporteur a parlé des voies métriques, et nous savons bien de quoi il s’agit : la plupart du temps, ces voies, qui par définition ne sont pas reliées au réseau national, sont situées sur les emprises industrielles et ne concernent effectivement que de petites lignes ferroviaires. Nous ne sommes pas opposés à ce qu’elles fassent l’objet d’un traitement particulier, mais alors qu’on le précise dans la loi !
Il nous semble que nous souffrons vraiment d’un manque de définition et de clarification au fond, et nous savons pertinemment que ces articles permettront d’ouvrir d’autres possibilités.
Quant aux positions idéologiques et sectaires, cher collègue Louis Nègre, nous vous savons grand spécialiste du chemin de fer, mais nous ne sommes pas non plus sans connaissance sur le sujet.
M. le président. Je mets aux voix l'article 2 bis A.
(L'article 2 bis A est adopté.)
Article 2 bis B
(Non modifié)
I. – Après la section 1 du chapitre II du titre Ier de la deuxième partie du code des transports, est insérée une section 1 bis ainsi rédigée :
« Section 1 bis
« Lignes d’intérêt régional
« Art. L. 2112-1-1. – Sans préjudice des dispositions du chapitre Ier du présent titre, les régions sont compétentes pour créer ou exploiter des infrastructures de transport ferré ou guidé d’intérêt régional.
« Pour l’application du présent article, l’intérêt régional se comprend étendu aux départements limitrophes, sous réserve de l’accord des conseils régionaux concernés.
« Le présent article n’est applicable ni à la région d’Île-de-France, ni à la collectivité territoriale de Corse. »
II. – Au premier alinéa de l’article L. 2121-10 du même code, après le mot : « département », sont insérés les mots : « ou la région ».
M. le président. L'amendement n° 59, présenté par Mmes Schurch, Didier et les membres du groupe communiste républicain et citoyen, est ainsi libellé :
Supprimer cet article.
Cet amendement a été précédemment défendu.
Quel est l’avis de la commission ?
M. Michel Teston, rapporteur. Pour les raisons que j’ai exprimées tout à l'heure, la commission émet un avis défavorable.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?