M. le président. La parole est à M. David Rachline, pour la réunion administrative des sénateurs ne figurant sur la liste d’aucun groupe.
M. David Rachline. Monsieur le ministre, s’il est un secteur dans lequel la France est encore le premier pays du monde, c’est bien celui du tourisme. Nous devons cette place non seulement à la diversité de nos territoires, mais aussi à la richesse de notre histoire. De plus, ce secteur est soutenu à la fois par l’État, au travers de grands établissements, par des collectivités territoriales et par des opérateurs privés. Cette diversité d’acteurs souligne que l’industrie du tourisme reste un moteur de notre croissance et de notre rayonnement.
J’ai cherché à savoir quelle politique vous entendiez mettre en œuvre en matière de tourisme. En parcourant le site internet du Quai d’Orsay, on apprend que l’une de vos actions est de « promouvoir la destination France ». Sous l’intitulé « Événements et actualités liés à la promotion du tourisme », on trouve une rubrique « Attractivité de la France », comportant par exemple un article sur l’ouverture de la fondation Louis-Vuitton, qui témoigne de votre souci d’être au fait de l’actualité de certains acteurs de la filière touristique.
Toutefois, je m’étonne de votre silence, de celui du Gouvernement et même de l’Élysée lorsque l’un des grands sites touristiques français est primé au niveau mondial. Ce gouvernement si prompt à féliciter nos sportifs ou nos acteurs, qui pour une médaille, qui pour un oscar, est resté tristement muet, il y a quelques jours, lorsque le parc du Puy du Fou a reçu l’Applause Award, récompense qui exprime la reconnaissance de ses pairs. C’est la première fois depuis vingt ans qu’un parc européen se voit décerner cette distinction, au terme d’une compétition confrontant plus de 700 parcs à thème à travers le monde.
J’ai cherché en vain la trace d’une déclaration saluant l’obtention de cette récompense ! Certes, des prix sont décernés tous les jours, me direz-vous, mais les occasions de se réjouir de l’excellence française ne sont pas légion par les temps qui courent…
Malgré les réglementations plus contraignantes les unes que les autres que l’on impose aux professionnels du tourisme, parfois en dépit du bon sens, certains acteurs parviennent à proposer une offre de qualité, qui suscite l’adhésion des touristes, français comme étrangers, et fait l’admiration des professionnels du secteur à l’échelle mondiale.
M. le président. Veuillez conclure, mon cher collègue.
M. David Rachline. Le parc du Puy du Fou est aujourd’hui mondialement reconnu pour la qualité de ses spectacles et son savoir-faire technologique.
Ma question est simple : pourquoi ne pas avoir mis en avant l’excellence française en saluant la récompense reçue par ce grand acteur de l’industrie du tourisme ? Comment comptez-vous promouvoir l’attractivité de la France si vous ne travaillez pas avec les professionnels qui tirent notre secteur du tourisme vers le haut ? Je n’ose penser que des considérations politiciennes sont la cause de votre silence…
M. le président. La parole est à M. le ministre.
M. Laurent Fabius, ministre. De mon côté, monsieur le sénateur, je n’ose penser que de telles considérations sont la cause de votre question !
C’est la deuxième fois que le parc du Puy du Fou reçoit cette récompense internationale. (M. David Rachline acquiesce.) Je vous remercie de souligner l’excellence de ce site, qui reçoit un très grand nombre de visiteurs. Au reste, chaque fois que vos collègues sénateurs vous entendront vanter l’excellence française, ils s’en réjouiront certainement.
Les efforts que nous consentons, les uns et les autres, aux niveaux départemental, régional et national, visent à renforcer encore notre attractivité, non seulement parce qu’il s’agit de l’image de la France, mais aussi parce qu’il y va de nos emplois : le secteur du tourisme en compte 2,2 millions, non délocalisables de surcroît. J’ajoute que les perspectives de créations d’emplois sont immenses dans ce domaine.
Il est très important, à cet égard, que la France soit ouverte sur l’extérieur, car nos sites touristiques reçoivent de plus en plus de visiteurs européens et internationaux. Pour que l’économie de son secteur touristique puisse rayonner, la France doit rester fidèle à sa meilleure tradition d’ouverture et de qualité.
Tout à l’heure, j’insistais sur la nécessité de développer l’e-tourisme. Malheureusement, beaucoup de noms de domaine sont déjà pris, et nous ne pouvons donc pas les utiliser. Cela étant, j’ai demandé à toutes nos ambassades de renvoyer, sur leur site internet, aux activités touristiques. Chacun d’entre nous, quelles que soient ses responsabilités, doit se faire le promoteur du tourisme français ! (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste.)
M. le président. La parole est à M. David Rachline, pour la réplique.
M. David Rachline. Monsieur le ministre, je souscris bien sûr pleinement à vos propos. Il va sans dire que je suis favorable à ce que la France conserve son ouverture, particulièrement en matière touristique. Je n’en reste pas moins inquiet des effets de votre politique, qui ne permet pas au commerce de s’épanouir pleinement, à notre économie touristique de trouver sa complète efficacité.
M. le président. Mes chers collègues, nous en avons terminé avec les questions cribles thématiques sur l’industrie du tourisme.
Je vous remercie, monsieur le ministre, de votre participation à ces échanges fort intéressants.
Avant d’aborder la suite de l’ordre du jour, nous allons interrompre nos travaux pour quelques instants.
La séance est suspendue.
(La séance, suspendue à quinze heures cinquante, est reprise à seize heures, sous la présidence de M. Claude Bérit-Débat.)
PRÉSIDENCE DE M. Claude Bérit-Débat
vice-président
M. le président. La séance est reprise.
4
Loi de finances pour 2015
Suite de la discussion d’un projet de loi
M. le président. Nous reprenons la discussion du projet de loi de finances pour 2015, adopté par l’Assemblée nationale.
Agriculture, alimentation, forêt et affaires rurales
Compte d’affectation spéciale : Développement agricole et rural
M. le président. Le Sénat va examiner les crédits de la mission « Agriculture, alimentation, forêt et affaires rurales » (et article 47) et du compte d’affectation spéciale « Développement agricole et rural ».
La parole est à M. Alain Houpert, rapporteur spécial.
M. Alain Houpert, rapporteur spécial de la commission des finances. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, c’est avec un grand plaisir que je rapporte en séance publique, pour la première fois, les crédits de la mission « Agriculture, alimentation, forêt et affaires rurales ».
Avant de vous présenter mon analyse de quelques faits marquants concernant les crédits de cette mission pour 2015, je souhaite dire quelques mots, à titre introductif, de l’évolution globale de ces derniers.
J’observe tout d’abord qu’il nous est proposé de doter cette mission, pour 2015, de 3,1 milliards d’euros de crédits en autorisations d'engagement et de 2,9 milliards d’euros en crédits de paiement. Ce budget connaît donc une évolution contrastée : la hausse de 4,2 % des autorisations d’engagement est contredite par la réduction de 8 % des crédits de paiement. Vous trouverez tous les éléments chiffrés dans le rapport qui vous a été distribué, mes chers collègues, y compris pour les dépenses fiscales. Je ne m’y attarderai donc pas davantage.
Pour mémoire, le rapport Guillaume sur les dépenses fiscales et sociales a mis en exergue des résultats satisfaisants pour ce qui concerne la mission « Agriculture, alimentation, forêt et affaires rurales », la quasi-totalité des dépenses fiscales rattachées à celle-ci étant jugées assez ou très efficaces. Je relève d’ailleurs que ces dispositifs, souvent assez anciens, ne sont pas des initiatives du gouvernement actuel. Rendons à César ce qui est à César !
J’en arrive à mes analyses de fond sur la mission.
S’agissant des mouvements de crédits en 2015, l’évolution contrastée des autorisations d'engagement et des crédits de paiement n’est que la traduction de la poursuite de l’application de la nouvelle programmation financière de la politique agricole commune, la PAC.
Plus encore qu’en 2014, l’évolution des crédits budgétaires consacrés à l’agriculture s’explique notamment par l’évolution des cofinancements communautaires. Je ne peux donc m’associer à la présentation du Gouvernement selon laquelle ce projet de budget manifesterait à la fois un engagement en faveur de l’agriculture et la contribution du ministère à l’effort de maîtrise des dépenses publiques. Monsieur le ministre, cette manière de présenter les choses est surprenante !
M. Didier Guillaume. C’est pourtant la réalité !
M. Alain Houpert, rapporteur spécial. Elle est d’autant moins acceptable qu’une analyse objective disqualifie totalement les arguments de la majorité gouvernementale.
J’ajoute, à cet égard, que le compromis agricole européen, que vous prétendez, monsieur le ministre, avoir obtenu de haute lutte et au prix d’importantes concessions, se traduit en réalité par de moindres ambitions pour nos productions agricoles,…
M. Didier Guillaume. C’est tout l’inverse !
M. Alain Houpert, rapporteur spécial. … alors que l’Europe pourrait davantage contribuer aux équilibres alimentaires mondiaux.
En outre, la réduction mécanique des crédits de paiement touche plus particulièrement les dépenses d’intervention effectivement perçues par nos agriculteurs, celles qui leur sont donc le plus utiles.
Par ailleurs, je m’interroge sur la sincérité de votre projet de budget, monsieur le ministre. En effet, les crédits dédiés aux aléas n’étant pas provisionnés, celui-ci me semble insincère. Ces crédits sont réduits à néant ! Cela concerne les risques climatiques, économiques et sanitaires, mais aussi les risques associés aux refus d’apurement communautaires, dont la facture pourrait se monter à 1,8 milliard d’euros au total, selon la Cour des comptes. Vous-même, monsieur le ministre, l’avez évaluée à près de 1 milliard d’euros, dont seulement 400 millions d’euros seront pris en charge dans le projet de loi de finances rectificative pour 2014 ! Comment le Gouvernement entend-il financer ces près de 2 milliards d’euros de dépenses liées aux refus d’apurement communautaires ? Selon quelles modalités ?
Enfin, certaines dotations, comme celles destinées à l’assurance-récolte ou aux industries agroalimentaires, me paraissent sous-calibrées.
M. Didier Guillaume. Elles sont pourtant plus importantes qu’avant !
M. Alain Houpert, rapporteur spécial. Nous y reviendrons tout à l’heure, plusieurs collègues ayant déposé des amendements portant sur ce sujet.
Plus globalement, je m’inquiète des effets concrets des arbitrages budgétaires du Gouvernement, qui ne semble pas prendre la mesure des difficultés économiques rencontrées par les exploitations et par certains territoires.
À ce titre, les points qui suscitent mon inquiétude sont nombreux : je citerai, à titre d’exemples, la simple reconduction des aides globales aux filières, le recours au programme des investissements d’avenir, en remplacement de crédits budgétaires du ministère, l’avenir de la filière sucrière quand l’heure de sa dérégulation approche, le bouclage financier hésitant du plan annoncé par le Président de la République à Cournon, les effets de l’intégration de la prime herbagère agroenvironnementale, la PHAE, dans le dispositif de l’indemnité compensatoire de handicap naturel, l’ICHN, la suppression de certains régimes d’exonération de cotisations sociales, dont celui du « contrat vendanges », des ponctions sur les fonds de roulement de grands partenaires, en particulier les chambres d’agriculture, etc.
Mes inquiétudes redoublent à la vue des coupes opérées par le Gouvernement à l’Assemblée nationale à l’occasion de la seconde délibération. Les crédits de la mission ont été diminués de 26,5 millions d’euros, dont 21,4 millions d’euros au titre du seul programme 154 « Économie et développement durable de l’agriculture et des territoires », qui porte les dispositifs d’intervention du ministère. Par quelle ardente obligation, monsieur le ministre, justifiez-vous de telles coupes à l’aveugle ? Je vous cite : « une actualisation des prévisions de dépenses » !
Dans ces conditions, je crains que ne s’accentue la perte de vitalité de notre agriculture, qui subit déjà un recul préoccupant en termes de surfaces et d’emplois. J’insiste pour que le désengagement de l’État ne se traduise pas par une réduction des soutiens à la « ferme France ».
À cet égard, il convient de veiller à ce que le pays mobilise ses enveloppes européennes au titre de la PAC et de rester attentifs à la mobilisation effective du programme des investissements d’avenir et du compte d’affectation spéciale « Développement agricole et rural ». En ce qui concerne ce dernier, je me demande si d’autres formules que celle d’un compte d’affectation spéciale ne seraient pas plus propres à assurer la continuité du financement du développement agricole et rural.
Plus globalement, je pense que des économies sont possibles sur la mission « Agriculture alimentation, forêt et affaires rurales », monsieur le ministre, mais je ne crois pas à celles que vous avez annoncées. Il me semble, par exemple, que l’on peut poursuivre les efforts de rationalisation des ressources humaines du ministère. Concernant ces dépenses de personnel, je souhaite que les transferts de responsabilités de l’État vers les régions dans le cadre de la nouvelle PAC soient accompagnés des transferts d’emplois nécessaires.
De même, je crois dans les effets des allégements fiscaux et sociaux et je souhaite que le coût des normes soit mieux maîtrisé.
Enfin, la prise en compte des objectifs de développement agricole durable me paraît aller dans le bon sens, mais je souhaite que les équilibres qui ont permis à l’agriculture de compenser par des gains de productivité le recul des terres et de l’emploi ne soient pas perdus de vue.
J’en terminerai en évoquant l’article rattaché à la mission, que la commission des finances vous proposera de supprimer.
Cet article concerne le champ d’application des dispositifs d’exonération de cotisations sociales de l’emploi saisonnier agricole. Il tend, d’une part, à exclure les entreprises de travaux agricoles, ruraux et forestiers, les ETARF, du dispositif d’exonération, et, d’autre part, à mettre fin à l’exonération de cotisations sociales dont bénéficient les salariés embauchés pour les vendanges. Ce second volet concerne le régime du fameux « contrat vendanges ».
Selon moi, ces deux mesures ne sont pas justifiées et l’exposé des motifs du Gouvernement n’est pas convaincant. Ainsi, l’objectif de la réforme du régime des ETARF serait la lutte contre la précarisation des emplois et le travail clandestin. Or la saisonnalité de nombreux travaux agricoles est une réalité qui s’impose, et non une organisation du travail choisie par l’employeur ! Une certaine flexibilité du travail est nécessaire, sauf à mettre en difficulté les entreprises concernées. De même, l’argument de la lutte contre le travail clandestin est surprenant, dans la mesure où l’exonération appliquée contribue à normaliser les conditions d’emploi.
Par ailleurs, la suppression de l’exonération pour les « vendangeurs » n’est ni une mesure favorisant l’attractivité de ces emplois, ni une mesure de justice sociale. Elle traduit plutôt, monsieur le ministre, la propension du Gouvernement à rechercher des effets d’aubaine fiscalo-sociaux, ce qui revient à faire des économies de bouts de chandelles sur le dos des plus défavorisés !
Je rappelle qu’il s’agit là de salariés modestes, dont les gains mensuels moyens sont de l’ordre de 650 euros, c’est-à-dire inférieurs au seuil de pauvreté. Ce sont souvent des étudiants, ou des gens qui exercent cette activité en tant que second emploi. Voilà quelles sont les personnes concernées par une mesure dont la mise en œuvre se traduira, à l’évidence, par une élévation des coûts salariaux et/ou par une réduction de la main-d’œuvre.
M. le président. Veuillez conclure, mon cher collègue.
M. Alain Houpert, rapporteur spécial. Au-delà des conséquences directes du dispositif proposé, telles que son incidence sociale, il faut anticiper ses effets probables sur la qualité des produits en raison de la mécanisation accentuée qui en résultera, car si les machines remplacent de plus en plus les hommes pour les vendanges, il va de soi, monsieur le ministre, que nos vins seront de moins en moins bons !
Pour conclure, la commission des finances propose de ne pas adopter les crédits de la mission « Agriculture, alimentation, forêt et affaires rurales ». En revanche, elle préconise d’adopter ceux du compte d’affection spéciale « Développement agricole et rural », le « CAS-DAR ». En outre, comme je l’ai expliqué, nous proposons de supprimer l’article rattaché, qui concerne le dispositif d’exonération de cotisations sociales en faveur de l’emploi saisonnier agricole. (Applaudissements sur les travées de l'UMP.)
M. le président. La parole est à M. Yannick Botrel, rapporteur spécial.
M. Yannick Botrel, rapporteur spécial de la commission des finances. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, je vais vous présenter mes observations sur deux des programmes de la mission, le programme 149 « Forêt » et le programme 206 « Sécurité et qualité sanitaires de l’alimentation ».
S’agissant, tout d’abord, du programme 149, ses dotations globales s’élèvent pour 2015 à 279 millions d’euros en autorisations d'engagement et à 296 millions d’euros en crédits de paiement.
J’observe que la baisse des crédits, par rapport à leur niveau de 2014, fait suite à un exercice atypique marqué par une augmentation exceptionnelle des crédits de 11 % en 2014, ce qui permet cette année, en dépit de la baisse, de parler d’un soutien stable, dans la durée, du Gouvernement à la filière bois.
J’indique que la hausse exceptionnelle du budget du programme 149 en 2014 était due à la mise en place d’une nouvelle action consacrée au Fonds stratégique de la forêt et du bois et à l’augmentation de la subvention à l’Office national des forêts, l’ONF.
J’en viens maintenant à mes analyses sur les trois actions du programme.
S’agissant de l’action n° 11, Gestion des forêts publiques et protection de la forêt, l’ONF, principal opérateur du programme 149, bénéficiera en 2015 de subventions de l’État pour un montant total de l’ordre de 202 millions d’euros, dont un versement compensateur en faveur de la gestion des forêts des collectivités locales de 140 millions d’euros.
Cela représente 20 millions d’euros supplémentaires par rapport à la dotation figurant dans le contrat pluriannuel d’objectifs et de performance, preuve de l’importance stratégique que revêt cet opérateur. Je rappelle que l’ONF a pour mission de gérer près de 5 millions d’hectares de forêts publiques, soit environ 27 % de la surface forestière de notre pays.
Par ailleurs, la dotation de l’action n° 12, Développement économique de la filière et gestion durable, qui s’élève à 50,4 millions d’euros en autorisations d’engagement et à 52,6 millions d’euros en crédits de paiement, contribue à la poursuite de la mise en œuvre du plan Chablis, ayant fait suite à la tempête Klaus de 2009. Il s’agit notamment de parachever la remise en état des parcs forestiers, durement éprouvés par le passage de cette tempête.
Enfin, la dotation de l’action n° 13, à hauteur de 10,6 millions d’euros en autorisations de paiement et de 21,8 millions d’euros en crédits de paiement, assure le financement du Fonds stratégique de la forêt et du bois, dont l’instauration par la précédente loi de finances est un gage de soutien des pouvoirs publics à la filière et de cohérence.
Mes observations générales sur le programme 149 seront les suivantes.
Tout d’abord, la baisse de la subvention de l’État à l’ONF n’a pas eu lieu jusqu’à aujourd’hui : elle a sans cesse dû être reportée, l’ONF devant faire face depuis plusieurs années à une situation financière difficile, qui s’est toutefois améliorée récemment grâce à une bonne tenue des cours du bois depuis 2013 et durant l’année 2014.
Nous aurons l’occasion de revenir sur cette question en début d’année 2015, puisque la commission des finances y consacrera des travaux, une enquête sur les soutiens à la filière forêt-bois ayant été demandée à la Cour des comptes. Ce travail, dont les conclusions ont été remises le 7 novembre 2014, devrait faire l’objet d’une audition pour suite à donner en début d’année 2015, ainsi que d’un rapport.
Nous y reviendrons donc, mais je suis convaincu que l’ONF pourrait tirer profit, en termes d’activité, d’une mobilisation de l’ensemble de la filière – amont et aval – autour de l’objectif de valorisation de la ressource bois.
De manière générale, s’agissant de la politique forestière, il serait pertinent que les soutiens publics à la filière bois – aides budgétaires et mesures fiscales – soient conditionnés à une gestion effective des forêts par les propriétaires qui en bénéficient. J’en profite pour vous interroger à ce sujet, monsieur le ministre : d’une part, que pensez-vous de cette règle de principe, et, d’autre part, quel est selon vous l’avenir de l’ONF ? Quelles sont, plus particulièrement, ses perspectives en matière financière, à court terme et à moyen terme ?
J’en viens maintenant au programme 206 « Sécurité et qualité sanitaires de l’alimentation ». La dotation attendue pour 2015 s’élève à 512 millions d’euros en autorisations d’engagement et en crédits de paiement. Elle témoigne, là encore, de l’importance capitale de la sécurité et de la qualité sanitaires de l’alimentation pour le Gouvernement.
La baisse constatée de 0,5 % par rapport au niveau des crédits ouverts pour 2014 est en effet due à des transferts de crédits d’un programme à un autre. Par ailleurs, je relève que ce budget pour 2015 permet de mettre en œuvre les dispositions de la loi du 13 octobre 2014 d’avenir pour l’agriculture, l’alimentation et la forêt, qui reconnaît à la sécurité alimentaire la valeur de principe d’action publique.
Cette importance transparaît dans les principales dotations de ce programme et dans ses actions ; je vais chercher à le démontrer à travers une présentation détaillée par action.
L’action n° 1, Prévention et gestion des risques inhérents à la production de végétaux, est dotée de 22,56 millions d’euros en autorisations d’engagement et en crédits de paiement. Je souligne le soutien apporté par le Gouvernement aux fédérations régionales de défense contre les organismes nuisibles, les FREDON, dont les compétences ont été récemment étoffées par la loi d’avenir pour l’agriculture, l’alimentation et la forêt.
Quant à l’action n° 2, Lutte contre les maladies animales et protection des animaux, elle est dotée de 94,75 millions d’euros en autorisations d’engagement et en crédits de paiement. Cette action vise à assurer, au plus juste coût, le suivi des programmes de contrôle et de prévention des principales épizooties, lesquelles connaissent d’ailleurs – cela est particulièrement positif – une régression sur le territoire national, ce qui témoigne de la qualité de notre dispositif de surveillance et de suivi sanitaire des cheptels. Il convient, à cet égard, de saluer l’action des groupements de défense sanitaire, ainsi que l’engagement constant de leurs administrateurs et de leurs agents.
Je relève la hausse des moyens consacrés aux visites sanitaires bovines, aviaires et porcines. Cette augmentation permettra à la direction générale de l’alimentation du ministère de satisfaire aux recommandations émises par la Cour des comptes sur son fonctionnement et ses activités de contrôle.
Les actions n° 3, Prévention et gestion des risques sanitaires liés aux denrées alimentaires, et n° 4, Actions transversales, connaissent une augmentation de leur dotation, avec un montant global de 90,4 millions d’euros, soit une hausse de 1,4 million d’euros par rapport à 2014.
Je ne peux que me féliciter d’une telle augmentation, qui profitera notamment aux laboratoires publics d’analyse de référence, ce qui démontre la cohérence du Gouvernement dans la mise en œuvre de ses engagements en matière sanitaire.
L’action n° 6, Mise en œuvre de la politique de sécurité et de qualité sanitaire de l’alimentation, reçoit, avec un peu plus de 286 millions d’euros en autorisations d’engagement et en crédits de paiement, une dotation en hausse de 250 000 euros par rapport à l’année passée, afin de tenir compte des ajustements de périmètre budgétaire et des évolutions de l’activité de la direction générale de l’alimentation du ministère.
Au total, j’observe avec satisfaction, monsieur le ministre, que les moyens afférents au programme 206 « Sécurité et qualité sanitaires de l’alimentation » sont stabilisés et que certains dispositifs sont même renforcés. La France doit rester à la pointe des exigences en matière de sécurité sanitaire. C’est pour cela que le Gouvernement doit veiller à conserver des moyens de contrôle sanitaire adaptés : ainsi, soixante postes supplémentaires de contrôleur seront créés en 2015.
En conclusion, minoritaire au sein de la commission des finances, je propose, à titre personnel, d’adopter les crédits de la mission « Agriculture, alimentation, forêt et affaires rurales », ainsi que ceux du compte d’affectation spéciale « Développement agricole et rural ».
Si la part du budget national est en baisse, le déploiement des aides européennes permet le maintien global des engagements de l’État au bénéfice de l’agriculture et de la forêt. C’est ce que constatent les observateurs de la presse spécialisée.
Concernant l’adoption de l’article rattaché, à savoir l’article 47, je m’en remets, à la différence de mon collègue, à la sagesse du Sénat : à l’heure de la mise en place du CICE, le crédit d’impôt pour la compétitivité et l’emploi, le Gouvernement juge important de rationaliser le dispositif d’exonération de cotisations sociales du monde agricole en excluant de son bénéfice les entreprises de travaux agricoles, ruraux et forestiers et en supprimant l’avantage lié au « contrat vendanges ».
Pour ce qui me concerne, je comprends parfaitement les motivations des amendements présentés par plusieurs de mes collègues, car l’agriculture a besoin de souplesse et de moyens, en raison de la saisonnalité des activités qui la caractérise. Cela vaut également pour les entreprises de travaux agricoles.
Telles sont, mes chers collègues, les remarques que je souhaitais porter à votre attention.
M. le président. La parole est à M. Gérard César, rapporteur pour avis. (Applaudissements sur les travées de l'UMP.)
M. Gérard César, rapporteur pour avis de la commission des affaires économiques. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, les crédits de l’agriculture connaîtront une baisse importante en 2015 : plus de 8 % pour l’ensemble de la mission « Agriculture, alimentation, forêt et affaires rurales » ; presque 13 % pour le seul programme 154, qui porte l’essentiel des crédits d’intervention en faveur de l’économie agricole. Cela fait donc, au total, 260 millions d’euros de moins, et le budget passe, pour la première fois, en dessous de 3 milliards d’euros.
Les crédits de la PAC aideront néanmoins à maintenir les principales priorités de la politique agricole : l’installation ou encore le soutien aux territoires défavorisés. Je voudrais cependant exprimer mon inquiétude sur plusieurs points.
Premièrement, s’agissant du soutien à l’investissement et à la promotion des produits agricoles, les crédits de FranceAgriMer baissent considérablement. Cette baisse est en partie compensée, mais pas intégralement. D’ores et déjà, FranceAgriMer annonce qu’il ne soutiendra plus la promotion sur son budget propre. Il faudra donc se reposer sur les crédits européens pour le secteur viticole et celui des fruits et légumes, et sur les moyens des interprofessions pour les autres secteurs.
Deuxièmement, en ce qui concerne le soutien à l’assurance-récolte, j’observe que la progression du taux d’assurance reste faible. On n’est pas encore à 50 % pour les grandes cultures et à 25 % pour la viticulture, les deux secteurs les plus avancés. Dans le secteur des fruits et légumes, l’objectif est d’atteindre 2,5 %, alors que seulement 1,6 % des producteurs sont assurés.
L’assurance, en elle-même, ne fait pas gagner d’argent aux agriculteurs. Elle leur permet simplement de survivre en cas d’événement climatique très grave. C’est un filet de sécurité. Si l’on n’encourage pas les agriculteurs à s’en doter, on leur fait courir de graves dangers.
Le budget pour 2015 apporte une rallonge de 5 millions d’euros pour l’assurance. Elle ne permettra pas de couvrir l’ensemble des besoins, estimés à plus de 100 millions d’euros. Nous proposons, par voie d’amendement, d’ajouter 2 millions d’euros, ce qui permettra, avec le cofinancement communautaire, d’apporter réellement – j’insiste sur ce terme – un soutien à 65 %.
En ce qui concerne l’assurance, la mise en place du contrat socle est repoussée à la mi-2015. Nous serons vigilants sur l’instauration de ce nouvel outil, afin qu’il apporte vraiment la protection que les agriculteurs attendent face aux aléas climatiques, une protection de moins en moins assurée par le fonds des calamités agricoles.
Enfin, nous souhaitons des évolutions s’agissant de la déduction pour aléas, la DPA, qui est trop peu pratiquée et qui constitue pourtant un mécanisme d’auto-assurance indispensable.
Troisièmement, en matière de gestion des risques budgétaires, les refus d’apurement communautaires pourraient être très élevés cette année et l’année prochaine, de l’ordre de plusieurs centaines de millions d’euros.
Le Gouvernement devrait nous rassurer sur la manière de prendre en compte cette dépense budgétaire supplémentaire. Concrètement, je souhaiterais que les crédits de l’agriculture, qui sont déjà faibles, ne fassent pas l’objet en cours d’année d’une nouvelle ponction pour faire face aux refus d’apurement.
Quatrièmement, en ce qui concerne l’installation, la dotation jeunes agriculteurs et les prêts aux jeunes agriculteurs conservent les mêmes enveloppes, avec moins de crédits nationaux et plus de crédits européens. En revanche, les crédits d’accompagnement disparaissent du budget pour 2015.
Le relais financier doit être pris par la taxe sur la cession des terrains agricoles rendus constructibles, mais nous souhaiterions que l’intégralité du produit de cette taxe, et pas seulement 12 millions d’euros, soit consacrée à l’aide à l’installation.
Je souhaite à présent évoquer les chambres d’agriculture. Le sujet a déjà été abordé lors de l’examen de la première partie du projet de loi de finances.
Avec 7 800 salariés, les chambres d’agriculture assurent un service irremplaçable et, le plus souvent, gratuit pour les agriculteurs. En les privant de 90 millions d'euros sur trois ans, ce qui représente près de 5 % de leur budget annuel, le projet de loi de finances fait prendre d’énormes risques au tissu de l’animation agricole dans nos territoires. Si, à l’arrivée, les chambres d’agriculture suppriment 300 emplois de technicien, cela ne sera pas indolore !
Les amendements que nous avons déjà fait adopter reviennent en partie sur le mauvais coup porté aux chambres d’agriculture. Je souhaite que ces modifications restent dans le texte final et que le Gouvernement ne cherche pas à faire le bonheur du monde agricole contre son gré, en baissant la taxe additionnelle à la taxe foncière sur les propriétés non bâties. Les agriculteurs ont indiqué, par la voix de leurs élus au sein des chambres d’agriculture, qu’ils ne voulaient pas d’une telle mesure.
À l’instar de mon collègue Alain Houpert, j’aimerais dire quelques mots du « contrat vendanges ». (Ah ! sur les travées de l'UMP.) Il est prévu à l’article 47 de mettre fin aux exonérations totales de cotisations salariales, qui présenteraient, nous dit-on, un risque d’inconstitutionnalité. Or le Conseil constitutionnel n’avait pas censuré le dispositif lors de sa création, en 2002. En outre, comme les bénéficiaires ne sont pas dans la même situation que les autres salariés, l’exonération ne semble pas mettre à mal le principe d’égalité.