M. le président. La parole est à M. Pierre-Yves Collombat.
M. Pierre-Yves Collombat. Si je devais caractériser le projet du Gouvernement de redécoupage de la carte régionale, je dirais qu’il n’est sous-tendu par aucune logique repérable, sinon de convenance, qu’il exprime une méconnaissance de la géographie et de l’histoire de la France, qui ne sont pas celles de l’Allemagne fédérale – dont, par ailleurs, les Länder sont de taille et de capacité économique très variables –, qu’il tend à définir le contenant avant le contenu, enfin qu’il n’établit pas que ce charcutage institutionnel produira des économies de gestion ou une dynamisation du développement économique.
Quand bien même cette réforme aurait les effets attendus, sa mise en œuvre se soldera par une paralysie des institutions régionales durant plusieurs années, dans la mesure où elles seront mobilisées par leur réorganisation au moment où elles devraient consacrer leurs forces à la lutte contre la crise.
Le Sénat a fait ce qu’il pouvait pour éliminer les aspects les plus pénalisants de ce projet, s’agissant notamment du sort réservé aux départements les plus petits. Cela mérite d’être souligné.
C’est donc mû par un triste réalisme, et la mort dans l’âme, que je soutiendrai le texte issu des travaux de notre assemblée.
M. le président. La parole est à M. Philippe Kaltenbach.
M. Philippe Kaltenbach. J’ai entendu quelques paroles assez dures sur ce projet de loi. Pourtant, au terme de longs débats, tant dans l’hémicycle qu’en commission, nous sommes parvenus à un consensus sur quelques grandes idées : il faut des régions plus fortes, moins nombreuses et jouissant d’une véritable compétence économique, conformément d’ailleurs aux préconisations du rapport Raffarin-Krattinger.
Le débat, c’est vrai, avait mal commencé, en juillet dernier. Certains avaient la volonté de l’empêcher, mais, finalement, le Sénat a pu pleinement jouer son rôle et faire valoir son expertise sur un texte concernant directement les collectivités ; je m’en félicite.
Le projet de loi initial a été largement amélioré. Je tiens à saluer la capacité d’écoute et la recherche permanente du consensus ou du compromis manifestées par le président et le rapporteur de la commission spéciale. Je remercie André Vallini, Bernard Cazeneuve et Marylise Lebranchu, qui se sont succédé au banc du Gouvernement, d’avoir toujours été attentifs aux propositions et aux observations du Sénat.
Cela nous a permis d’élaborer un texte qui est désormais, à mon sens, quasiment abouti, avec la constitution de grandes régions, un calendrier électoral revu et la prise en compte de la demande des plus petits départements de bénéficier d’une meilleure représentation, encore renforcée tout à l'heure par un vote de cette assemblée qui devrait satisfaire notre collègue Alain Bertrand et la Lozère. Nous avons également avancé sur le droit d’option.
Sur ces quelques points, il faudra sûrement convaincre encore l’Assemblée nationale, dans quelques jours. Pour l’essentiel, cela étant, ce texte fait l’objet d’un large consensus.
Le groupe socialiste s’abstiendra, en raison d’une réserve, que j’ai exprimée tout à l'heure, sur le découpage et le nombre des régions. Il faut pourtant la relativiser, car nous ne divergeons après tout que sur deux régions : la région Grand-Est et la région Midi-Pyrénées-Languedoc-Roussillon. Nous nous accordons sur 85 % de la carte.
Nous continuons à soutenir qu’il faut des régions suffisamment grandes, qui puissent être des moteurs sur le plan économique. Nous voulons cette cohérence. C’est pourquoi, même si nous sommes tout à fait conscients des avancées qui ont été obtenues au Sénat pour progresser vers le texte le plus consensuel possible, la carte ne nous satisfait pas encore entièrement. Nous nous abstiendrons donc, comme en deuxième lecture. Il ne s’agit bien entendu pas d’un vote de défiance à l’encontre du Gouvernement. Nous espérons que l’Assemblée nationale reviendra à une carte à treize régions, plus conforme à nos souhaits.
M. le président. La parole est à M. Jacques Mézard.
M. Jacques Mézard. Le groupe RDSE votera unanimement le texte de la commission. Ce n’est pas qu’il nous enthousiasme, même si nous saluons, encore une fois, les efforts du président Hyest et du rapporteur Buffet pour faire évoluer aussi positivement que possible un projet de loi dont nous connaissons tous les vices initiaux.
Mon cher collègue Kaltenbach, j’ai trouvé votre intervention surréaliste ; vous nous avez emmenés hors du domaine du réel… Ce texte fait donc, selon vous, l’objet d’un large consensus : nous sommes tous d’accord sur tout, c’est le bonheur général, et vous concluez en annonçant votre abstention. Certes, chacun est libre de prendre les positions qu’il souhaite, mais la vôtre me semble relever davantage de l’humour que du législatif !
En réalité, ce qui s’est exprimé depuis le début de l’après-midi, c’est une très forte défiance à l’égard de ce projet de loi. Le Sénat a voulu montrer qu’il était prêt à faire œuvre constructive en passant outre la méfiance, sinon le mépris, du Gouvernement. Quel message a-t-il reçu en réponse ? Un veto, sur pratiquement tous les points : sur la carte, sur le droit d’option ; sur la représentation des petits départements, un effort relatif a été consenti, mais la situation reste parfaitement inacceptable, en particulier pour l’un de ces départements.
Nous savons en outre, les uns et les autres, que les conséquences de ce découpage à la hache sur un coin de table seront catastrophiques pour nombre de territoires. En découpant ainsi les régions, sans aucune cohérence, on ne peut pas obtenir de bons résultats. J’entendais un de nos excellents collègues annoncer que nous y reviendrions après l’alternance : c’est bien ce qui va se produire ! À force de laisser quelques technocrates imposer des textes sans aucune concertation ni véritable réflexion, notre pays est condamné, à chaque alternance, à tout reprendre de zéro !
M. Jean-Jacques Hyest, président de la commission spéciale. Eh oui !
M. Jacques Mézard. C’est catastrophique pour l’image de notre travail auprès de nos concitoyens, et c’est extrêmement dangereux.
Le Président de la République, pour des raisons que j’ignore, a voulu passer en force, dans des conditions tout à fait regrettables : il en voit aujourd’hui les conséquences, non seulement au Parlement, mais aussi dans l’opinion. Pour avoir voté pour lui, je suis l’un des premiers à déplorer cet état de fait.
M. le président. La parole est à M. Alain Bertrand.
M. Alain Bertrand. Comme l’a dit M. Raffarin, on veut des régions toujours plus grandes, des métropoles, des capitales régionales, et l’on marginalise les petits départements, la ruralité. On continue à créer des métropoles, à tout concentrer, en pensant certainement que les importantes difficultés que rencontre notre pays, notamment en matière de chômage, de détresse sociale ou d’éducation, s’en trouveront réglées comme d’un coup de baguette magique. Pour ma part, je suis convaincu que c’est toute la République qui doit s’atteler à ces questions.
En tant que frêchiste, j’ai une pensée émue pour Christian Bourquin et Georges Frêche. Je salue aussi l’action de Damien Alary, actuel président du conseil régional de Languedoc-Roussillon, qui se bat pour maintenir la région. J’ai bien entendu MM. Vallini, Cazeneuve et Valls. Je suis certes favorable à ce que l’on rendre les régions plus efficaces et performantes, en matière économique, de recherche, d’infrastructures, d’emploi, d’exportation. Cependant, il faut aussi tenir compte des réalités !
La situation de la région Alsace a été décrite abondamment et précisément par notre collègue André Reichardt. Il en va de même pour le Languedoc-Roussillon : avec ce texte, vous allez casser une organisation territoriale qui marche, enrayer la dynamique montpelliéraine, même si M. Saurel, excellent maire récemment élu, pense le contraire ! La cohérence méditerranéenne autour de l’axe Perpignan-Montpellier-Nîmes sera perdue : la région s’étendra jusqu’aux confins des Hautes-Pyrénées.
Permettez-moi de le rappeler, la région Languedoc-Roussillon, c’est 3 millions d’habitants, 70 milliards d’euros de PIB, une façade méditerranéenne ouverte sur le Maghreb et l’Afrique. Nos ports sont aujourd'hui en perte de vitesse et concurrencés par des ports italiens, voire maghrébins. S’il était parmi nous, Georges Frêche ne serait pas content de voir remise en cause une région qui est pourtant de taille européenne.
Je veux dire à MM. Vallini, Cazeneuve et Valls que ce qui importe dans leur réforme, ce n’est pas de ramener le nombre des régions à treize, à quatorze ou à quinze ; ce qui importe, c’est de trouver des masses critiques intéressantes. Oui, il faut diminuer le nombre des régions, car certaines d’entre elles, qui comptaient 700 000 ou 800 000 habitants, ne pouvaient pas être fonctionnelles, mais le Gouvernement se serait honoré en retenant les propositions qui lui ont été faites sur la base d’une carte à quinze régions. Cela aurait permis de dégager au Sénat une large majorité en faveur du texte, et cela aurait été une meilleure façon de procéder. (M. Jacques Mézard applaudit.)
M. le président. Personne ne demande plus la parole ?...
Je mets aux voix, dans le texte de la commission modifié, l'ensemble du projet de loi relatif à la délimitation des régions, aux élections régionales et départementales et modifiant le calendrier électoral.
J'ai été saisi d'une demande de scrutin public émanant du groupe UMP.
Il va être procédé au scrutin dans les conditions fixées par l'article 56 du règlement.
Le scrutin est ouvert.
(Le scrutin a lieu.)
M. le président. Personne ne demande plus à voter ?…
Le scrutin est clos.
J'invite Mmes et MM. les secrétaires à procéder au dépouillement du scrutin.
(Il est procédé au dépouillement du scrutin.)
M. le président. Voici, compte tenu de l’ensemble des délégations de vote accordées par les sénateurs aux groupes politiques et notifiées à la présidence, le résultat du scrutin n°76 :
Nombre de votants | 339 |
Nombre de suffrages exprimés | 214 |
Pour l’adoption | 174 |
Contre | 40 |
Le Sénat a adopté. (Applaudissements sur les travées de l'UDI-UC et de l'UMP.)
9
Organismes extraparlementaires
M. le président. M. le Premier ministre a demandé au Sénat de bien vouloir procéder à la désignation d’un sénateur appelé à siéger au sein du conseil d’orientation de l’Observatoire national des zones sensibles, ainsi que d’un sénateur appelé à siéger au sein du Conseil national des villes.
Conformément à l’article 9 du règlement, la commission des affaires économiques a été invitée à présenter des candidatures.
Les nominations au sein de ces organismes extraparlementaires auront lieu ultérieurement, dans les conditions prévues par l’article 9 du règlement.
10
Ordre du jour
M. le président. Voici quel sera l’ordre du jour de la prochaine séance publique, précédemment fixée au mardi 16 décembre 2014 :
À neuf heures trente :
1. Questions orales.
(Le texte des questions figure en annexe)
À quatorze heures trente, le soir et, éventuellement, la nuit :
2. Discussion générale du projet de loi portant nouvelle organisation territoriale de la République (procédure accélérée) (n° 636, 2013-2014) ;
Rapport de MM. Jean Jacques Hyest et René Vandierendonck, fait au nom de la commission des lois (n° 174, 2014-2015) ;
Texte de la commission (n° 175, 2014-2015) ;
Avis de M. Rémy Pointereau, fait au nom de la commission du développement durable (n° 140, 2014-2015) ;
Avis de Mme Catherine Morin-Desailly, fait au nom de la commission de la culture, de l’éducation et de la communication (n° 150, 2014-2015) ;
Avis de M. René-Paul Savary, fait au nom de la commission des affaires sociales (n° 154, 2014-2015) ;
Avis de Mme Valérie Létard, fait au nom de la commission des affaires économiques (n° 157, 2014-2015) ;
Avis de M. Charles Guené, fait au nom de la commission des finances (n° 184, 2014-2015).
Personne ne demande la parole ?…
La séance est levée.
(La séance est levée à dix-huit heures vingt.)
Le Directeur du Compte rendu intégral
FRANÇOISE WIART