M. le président. La parole est à M. Alain Bertrand, pour explication de vote.
M. Alain Bertrand. Si le Conseil constitutionnel avait accepté le principe de quinze représentants au minimum par département, c’est qu’il considérait que l’on pouvait réserver un traitement particulier à des territoires à faible population, afin que le conseil territorial puisse fonctionner.
Aujourd’hui, si l’on fixe le minimum à quatre conseillers par département, cela représentera 1,5 % ou 2 % de l’effectif du conseil régional, qui comptera 150 membres, voire davantage. Pour représenter un département, qui est tout de même un échelon important dans l’organisation de la République, c’est le minimum minimorum !
Messieurs les président et rapporteur de la commission spéciale, je sais que vous avez travaillé sérieusement, mais cela ne suffit pas à assurer l’équité républicaine. Vous dites à un département français qu’il n’aura pas son dû. Ce que la caste des constitutionnalistes appellent le « bloc constitutionnel » comprend aussi, me semble-t-il, la Déclaration des droits de l’homme et du citoyen. Or figurez-vous que, même en Lozère et dans d’autres petits départements comme l’Ariège, les Alpes-de-Haute-Provence ou autres, depuis que l’école publique existe, on apprend à lire ! Je ne vois pas pourquoi nous serions moins égaux en droit que les autres !
C’est une question d’équité républicaine, et non une question de gauche, de droite, de Constitution, de Conseil constitutionnel, de Conseil d’État… Ici au Sénat, comme nos collègues de l’Assemblée nationale, nous devons prendre de bonnes mesures pour notre République. C’est pourquoi je vous appelle tous, quelle que soit votre sensibilité politique, à voter mon amendement tendant à prévoir un minimum de quatre conseillers régionaux pour tous les départements de France, sans exception. Ce n’est tout de même pas grand-chose !
M. le président. La parole est à M. Jean-Pierre Raffarin, pour explication de vote.
M. Jean-Pierre Raffarin. Ce débat est très important, et je voudrais interroger M. le rapporteur. Sur le fond, il nous faut envoyer un message de ras-le-bol devant le terrorisme de la loi du quantitatif, qui prévaut partout ! (MM. Pierre-Yves Collombat et Alain Bertrand applaudissent.) En effet, c’est en permanence la prime au plus grand, qui gagne toujours alors que, on le voit bien, la grande dimension tue la dimension humaine sans apporter de solutions aux problèmes et en en créant au contraire de nouveaux !
Ainsi, fixer à 20 000 habitants le minimum de population pour les intercommunalités aboutit à fragiliser des structures à dimension humaine pour privilégier la formation d’ensembles toujours plus grands.
En matière économique, on a compris les avantages des petites et moyennes entreprises, des structures à taille humaine, pour décentraliser, responsabiliser, motiver, mais, en matière d’aménagement du territoire, on en est resté à la loi des grands nombres et on met en place des schémas que l’on ne maîtrise pas.
Si les très grandes métropoles étaient capables de régler tous les problèmes, nous y serions très favorables, mais on voit bien qu’elles ne font qu’en créer de nouveaux.
Au fond, quand les structures fonctionnent et que les territoires ont une dynamique, quelle qu’elle soit, il faut essayer de protéger cette dernière. Au travers de ces amendements, on sort de la loi du quantitatif pour passer à une reconnaissance statutaire : un département, du seul fait qu’il est un département, a des droits. En particulier, il a droit à la reconnaissance de sa dignité. C’est aussi cela, la République : il n’est pas dit qu’un territoire est forcément égal à un autre. Ce sont les citoyens qui sont égaux, quels que soient les territoires sur lesquels ils vivent : ce n’est pas parce que l’on vit sur un territoire fragile que l’on est un sous-citoyen ! (M. Alain Bertrand applaudit.)
Personnellement, je suis très sensible à cette volonté sénatoriale de reconnaître au territoire en tant que tel un statut lui permettant de revendiquer, en l’occurrence, une représentation digne.
C’est essentiel à un moment où l’on assiste, à l’évidence, à une remise en cause du département et des petites communes. Systématiquement, la loi rampante du quantitatif conduit à affaiblir les structures au sein desquelles la dimension humaine est le mieux reconnue. Plus on sera systématique, moins on sera humain ! On voit bien à quoi nous conduit la course à la grande dimension : à être dirigés non plus par des hommes, mais par des directives, des règles, des réglementations, des procédures. (Mme Éliane Assassi rit.) Que demande-t-on très souvent à nos fonctionnaires ? De vérifier la conformité aux procédures, plutôt que d’apprécier, grâce au bon sens, la qualité de la décision. Il est bon de dire de temps en temps « stop » à ces dérives du quantitatif, qui nous mènent vers des horizons inconnus, en abandonnant des valeurs précieuses.
C’est pourquoi je suis tenté de voter ces amendements. Je suis assez d’accord avec MM. Mézard et Bertrand pour dire qu’il ne faut pas avoir peur d’affronter le Conseil constitutionnel ; sinon, autant lui donner tous les pouvoirs : entre le Conseil d’État en amont et le Conseil constitutionnel en aval, nous n’aurions plus grand-chose à faire ! (Mme Catherine Troendlé opine.)
En revanche, il est vrai, monsieur le rapporteur, qu’il ne faudrait pas, en rompant l’accord trouvé avec l’Assemblée nationale, nous retrouver avec une formule plus défavorable que celle que nous avons obtenue. Pour éviter ce risque, je m’abstiendrai.
M. le président. La parole est à M. le rapporteur.
M. François-Noël Buffet, rapporteur. L’accord avec l’Assemblée nationale porte sur le texte que nous examinons ce soir. C’est après l’échec de la commission mixte paritaire qu’une modification a été apportée sur le point qui nous occupe, par le biais d’amendements de collègues députés fortement inspirés, il faut bien le dire, par le Sénat.
Je voudrais apporter une petite précision. Il est vrai que, depuis 2003, l’élection régionale se fait à l’échelle de la région. Chaque électeur devant être traité de la même manière, nous sommes tenus de respecter le fameux « tunnel » de plus ou moins 20 %.
M. Alain Bertrand. Mais non !
M. le président. En conséquence, l'article 7 est ainsi rédigé, et les amendements nos 6, 7 et 8 n’ont plus d’objet.
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Chapitre III
Dispositions relatives au remplacement des conseillers départementaux
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Chapitre IV
Dispositions relatives au calendrier électoral
Article 12
I et I bis. – (Supprimés)
I ter. – Pour l’application du code électoral au renouvellement général des conseils départementaux en mars 2015 :
1° L’article L. 50-1, le dernier alinéa de l’article L. 51 et le premier alinéa de l’article L. 52-1 ne sont applicables qu’à partir du 17 septembre 2014 ;
2° Le second alinéa de l’article L. 52-1 n’est applicable qu’aux dépenses engagées à partir du 17 septembre 2014 ;
3° Le deuxième alinéa de l’article L. 52-4 et l’article L. 52-11 ne sont applicables qu’à partir du 17 septembre 2014 si le compte de campagne déposé par le binôme de candidats ne mentionne que des recettes et des dépenses effectuées à compter de cette date ;
4° L’article L. 52-8-1 n’est applicable qu’à partir du 17 septembre 2014 ;
5° (Supprimé)
II. – Par dérogation à l’article L. 336 du code électoral :
1° Le premier renouvellement général des conseils régionaux et de l’Assemblée de Corse suivant la promulgation de la présente loi se tient en décembre 2015 ;
2° Le mandat des conseillers régionaux élus en mars 2010 prend fin en décembre 2015. Toutefois, dans les régions constituées par regroupement de plusieurs régions en application de l’article 1er de la présente loi, le président de chaque conseil régional gère les affaires courantes ou présentant un caractère urgent entre la date du scrutin et le 31 décembre 2015 ;
3° Les conseillers régionaux élus en décembre 2015 tiennent leur première réunion :
a) Le lundi 4 janvier 2016 dans les régions constituées par regroupement de plusieurs régions en application de l’article 1er de la présente loi ;
b) À la date prévue à l’article L. 4132-7 du code général des collectivités territoriales dans les autres régions ;
4° Le mandat des conseillers régionaux et des membres de l’Assemblée de Corse élus en décembre 2015 prend fin en mars 2021 ;
5° (Supprimé)
III, IV, IV bis, V et VI. – (Non modifiés)
M. le président. La parole est à M. Ronan Dantec, sur l'article.
M. Ronan Dantec. La conférence internationale sur le climat de 2015 se tiendra en même temps que les élections régionales. Je rentre de Lima, où j’ai assisté à un rendez-vous important, coprésidé par le ministre péruvien de l’environnement et par Laurent Fabius, ministre des affaires étrangères, et totalement consacré aux engagements des acteurs non étatiques, notamment des collectivités territoriales et des régions.
Si les responsables des régions françaises, dans les six mois qui précèdent les élections régionales, décident de mobiliser leurs moyens pour engager au côté de la société civile la réduction des émissions de gaz à effet de serre et le font savoir, le coût de cette action de communication ne risque-t-il pas d’être intégré dans les comptes de campagne ? C’est une vraie question, car du fait de la concomitance des dates des élections et de la Conférence des parties de la convention cadre des Nations unies sur les changements climatiques, on se priverait de la capacité de mobilisation des territoires français. Ce serait une absurdité totale !
Monsieur le secrétaire d’État, je souhaiterais obtenir une réponse assez précise sur ce point, car c’est en fonction de celle-ci que nous pourrons, ou non, engager la mobilisation des régions françaises en vue de la COP. Une dynamique forte est à l’œuvre à l’échelle internationale : il ne faudrait pas qu’elle soit cassée en France, uniquement à cause d’une concomitance de dates.
M. le président. La parole est à M. le secrétaire d'État.
M. André Vallini, secrétaire d'État. La question était d’abord de savoir s’il était possible d’organiser en même temps des élections régionales et la Conférence sur les changements climatiques.
De ce point de vue, il n’y a pas de souci à avoir : l’ensemble du Gouvernement et toutes les collectivités territoriales de la République se mobiliseront pour les deux événements en même temps. On peut très bien à la fois organiser des élections régionales et réussir la Conférence sur les changements climatiques.
Concernant la question précise que vous soulevez, il suffira – si j’ose m’exprimer ainsi –, pour les présidents de région sortants, de résister à la tentation d’apposer leur photo et d’inscrire leur nom en très gros sur les documents, de mobiliser les citoyens sans mettre en valeur les élus régionaux personnellement. La règle est toute simple : dans l’année qui précède les élections, il faut être de moins en moins actif en termes de promotion des exécutifs sortants et privilégier la communication sur l’action menée par la collectivité en vue de la réussite de la COP.
M. Ronan Dantec. Ça va être ingérable !
M. le président. Je mets aux voix l'article 12.
(L'article 12 est adopté.)
Article 12 bis A
(Suppression maintenue)
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Chapitre V
(Division et intitulé supprimés)
Article 13
(Supprimé)
M. le président. L'amendement n° 12, présenté par le Gouvernement, est ainsi libellé :
Rétablir cet article dans la rédaction suivante :
Au dernier alinéa du I de l’article 11 de la loi n° 2014-58 du 27 janvier 2014 de modernisation de l'action publique territoriale et d'affirmation des métropoles, les mots : « 28 février » sont remplacés par les mots : « 1er mars ».
La parole est à M. le secrétaire d'État.
M. André Vallini, secrétaire d'État. La loi du 27 janvier 2014 a prévu un calendrier ambitieux pour la rationalisation de la carte intercommunale en grande couronne parisienne, afin qu’elle soit concomitante avec la mise en œuvre de la métropole du Grand Paris, au 1er janvier 2016.
À l’été 2014, il est apparu que ce calendrier devait être desserré afin de donner plus de temps à la première phase d’élaboration du schéma régional de coopération intercommunale.
Ainsi, un amendement tendant à créer un article 13, adopté en commission en première lecture à l’Assemblée nationale, a allongé de trois à cinq mois la durée de consultation sur le projet de schéma et reporté la date d’adoption du schéma par le préfet du 28 février au 30 avril 2015.
Par la suite, ce calendrier a été de nouveau décalé au 31 mai, en deuxième lecture à l’Assemblée nationale, au prix d’un resserrement du calendrier des échéances suivantes, à savoir la consultation de la commission régionale de la coopération intercommunale sur les projets non prévus au schéma, la date butoir d’adoption des arrêtés de projet de périmètre, la consultation des conseillers municipaux et des EPCI, ainsi que de la chambre régionale de commerce et d’industrie, sur les arrêtés de projet, tout en maintenant une mise en œuvre effective du schéma au 1er janvier 2016.
Toutefois, le calendrier adopté en deuxième lecture par l’Assemblée nationale semble désormais trop contraint concernant les dernières phases, qui devront se dérouler en 2015. Par ailleurs, le processus conduit par le préfet de la région d’Île-de-France a bien avancé.
C’est pourquoi le Gouvernement trouve préférable et plus sûr d’en revenir aujourd’hui au calendrier initialement prévu par la loi MAPTAM, qui semble désormais soutenable et permet d’arrêter le schéma régional de coopération intercommunale avant les élections départementales.
Dans cette perspective, étant donné l’état d’avancement de la procédure parlementaire sur ce projet de loi, seul un amendement du Sénat à l’article 13 permettrait à l’Assemblée nationale de revenir sur ce calendrier lors de la lecture définitive, qui doit avoir lieu après-demain.
M. le président. Quel est l’avis de la commission ?
M. Jean-Jacques Hyest, président de la commission spéciale. Ce que l’on nous propose, c’est de faire un faux amendement de suppression. C’est clair !
Mme Éliane Assassi. Ça y ressemble !
M. Jean-Jacques Hyest, président de la commission spéciale. J’ai été rapporteur du projet de loi de révision constitutionnelle de 2008 : ou bien le texte de la commission a un sens, ou bien il n’en a pas ! Cela voudrait dire que le texte de la commission ne sert à rien, puisque, de toute façon, selon l’interprétation de certains, les amendements devraient être votés en séance. C’est ce que l’on nous demande. Déjà, sous la présidence de Jean-Pierre Sueur, le même cas s’était produit, et le Sénat s’y était refusé.
Dans la mesure où nous avons supprimé l’article 13 en première et en deuxième lectures, tandis que l’Assemblée nationale l’a rétabli, cela revient à demander au Sénat de se déjuger.
On invoque, pour nous convaincre, je ne sais quel accord général. Très bien ! Embrassons-nous, Folleville ! (Sourires.) On voudrait réduire cette question à une lutte entre les administrateurs de l’Assemblée nationale et ceux du Sénat : non ! Il ne faut pas méconnaître la révision constitutionnelle de 2008.
Monsieur le secrétaire d’État, je comprends bien votre souhait d’arranger les choses. Mais, en définitive, on nous propose…
Mme Éliane Assassi. De nous déjuger !
M. Jean-Jacques Hyest, président de la commission spéciale. … de décaler d’une journée la date limite d’élaboration du schéma régional de coopération intercommunale d’Île-de-France, tout en nous assurant que nous avons, à bon droit, supprimé l’article 13. Il ne faut pas se moquer du monde ! (Mme Éliane Assassi rit.) Ce n’est pas la peine de voter des révisions constitutionnelles si c’est pour employer de telles méthodes ! Qu’il soit adopté par le Sénat en commission ou en séance publique, un amendement de suppression n’en est pas moins effectif. Sinon, ne demandons plus aux commissions d’élaborer des textes. Avouez qu’il s’agit là d’un déni de la révision de 2008.
Ce matin encore, j’ai plaidé pour le consensus, mais c’était avant de prendre connaissance de l’amendement du Gouvernement. Deux autres solutions étaient possibles : que le Gouvernement dépose un amendement tendant à supprimer l’article 13, ou bien que l’Assemblée accepte le texte du Sénat sans cette disposition. Ce n’est pas interdit !
Nous avons dit et répété à nos collègues députés que nous ne voulions pas de cet article : nous l’avons supprimé en première et en deuxième lectures, et ils n’ont toujours pas compris. Voter cet amendement, ce serait renoncer, de fait, au pouvoir confié aux commissions d’établir leur propre texte.
Mme Éliane Assassi. Voilà !
M. Jacques Mézard. C’est vrai !
M. le président. En conséquence, l’article 13 demeure supprimé.
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M. le président. Les autres dispositions du présent projet de loi ne font pas l’objet de la nouvelle lecture.
Vote sur l’ensemble
M. le président. Avant de mettre aux voix l’ensemble du projet de loi, je donne la parole à M. René-Paul Savary, pour explication de vote.
M. René-Paul Savary. La proposition du Sénat est de réunir la Champagne-Ardenne à la Lorraine. En vertu de l’article 3, les départements disposent d’un droit d’option : ainsi, l’Aisne, appartenant actuellement à la Picardie, pourra le cas échéant choisir de rejoindre le bassin marnais. Ce serait logique, puisque nombre de ses habitants fréquentent l’université et le centre hospitalier universitaire de Reims. Ces territoires appartiennent à un même bassin de vie et d’emploi. C’est là une avancée par rapport aux propositions initiales du Gouvernement.
Désormais, il importe de définir les compétences dévolues à ces nouvelles régions, formant une organisation territoriale très particulière. J’ajoute qu’il sera primordial de veiller à ce que chaque niveau de collectivités dispose des moyens nécessaires pour assumer au mieux ses responsabilités.
Ces réserves étant posées, je voterai le présent projet de loi.
M. le président. La parole est à M. Claude Kern.
M. Claude Kern. Je tiens à réaffirmer la position de la grande majorité des Alsaciens.
Je veux dénoncer un déni de démocratie. En effet, 58 % des Alsaciens qui se sont exprimés lors du référendum de 2013 ont dit « oui » à l’Alsace unique. Certes, la mobilisation ne fut pas au rendez-vous, mais la configuration n’était pas la même qu’aujourd’hui. Au reste, un faible taux de participation ne peut suffire à disqualifier un scrutin.
Par ailleurs, 96 % des élus des conseils généraux du Haut-Rhin et du Bas-Rhin et du conseil régional d’Alsace ont voté contre la grande fusion proposée.
Je tiens en outre à dénoncer, à la suite de notre collègue Jacques Mézard, le véritable gâchis d’une réforme territoriale pourtant nécessaire. Elle a été menée à la hâte et sans aucune concertation avec les collectivités territoriales concernées.
Monsieur le secrétaire d’État, vous qui êtes pour l’innovation, pour la simplification, pour une meilleure lisibilité de l’organisation territoriale et pour davantage d’économies, pourquoi vous obstinez-vous à refuser à une région la mise en œuvre d’une expérimentation intéressante et innovante ? Pourquoi vous obstinez-vous à vouloir créer une méga-région dépourvue de toute cohérence géographique et historique, de toute vision économique, de tout projet d’avenir ?
Ce que les Alsaciens veulent, ce n’est ni l’autonomie ni un quelconque repli identitaire. Ils attendent simplement, de votre part, une véritable ouverture d’esprit, un tant soit peu de bon sens, pour que nous puissions expérimenter le conseil unique d’Alsace, dans une région Alsace unie et forte, pour un développement serein de notre pays, la France.
La majorité du groupe UDI-UC votera ce texte. Je ne peux manquer de saluer, en conclusion, l’excellent travail du rapporteur de la commission spéciale, François-Noël Buffet, et de son président, Jean-Jacques Hyest.
M. le président. La parole est à M. Ronan Dantec.
M. Ronan Dantec. Au terme de ce processus législatif, je ne puis qu’exprimer la grande déception des membres du groupe écologiste. Les uns et les autres n’ont pas ménagé leurs efforts pour améliorer ce texte. En dépit des divergences, nous avions tous la volonté d’aboutir à un résultat plus cohérent.
Alors que nous nous apprêtons à passer au vote, je suis presque tenté de demander : à quand la prochaine loi relative à la délimitation des régions ?
M. Jean-Jacques Hyest, président de la commission spéciale. Ah !
M. Ronan Dantec. En effet, nous sommes restés au milieu du gué…
À l’évidence, il s’agit d’une occasion manquée. L’avenir de l’action publique en France passe par la mise en place de territoires forts, tout le monde le reconnaît, mais l’État manifeste toujours une forme de peur des territoires. Cette contradiction, présente dès l’ouverture de ce chantier, n’a pu être dépassée. Aussi aboutissons-nous à un texte dont les incohérences sont flagrantes : les cas de l’Alsace et de la Bretagne le montrent à l’envi.
Cette situation va susciter de nouvelles anxiétés. On ne peut qu’avoir très peur en constatant que l’État ne contrôle pas ses propres processus législatifs, et nos concitoyens ne sont absolument pas dupes de la faiblesse du texte final.
Mme Catherine Troendlé. Tout à fait !
M. Ronan Dantec. Or, contrairement à d’autres, je n’ai jamais considéré que cette réforme n’était que de la poudre aux yeux et qu’il y avait des chantiers plus importants à ouvrir. Depuis longtemps déjà, pour ainsi dire depuis le découpage des circonscriptions d’action régionale, on sait que le périmètre des régions pose problème. Aussi étais-je très favorable à la proposition initiale de Manuel Valls, même si l’élaboration de la carte régionale aurait été plus sereine et plus approfondie si nous avions pu commencer par débattre des compétences.
Quoi qu’il en soit, nous avons raté l’occasion de bien mener cette réforme et, surtout, d’associer à la réflexion nos concitoyens, lesquels ont été encore moins consultés que les élus territoriaux. Il suffit pourtant de jeter un coup d’œil à la presse pour constater que ce débat intéresse l’opinion publique : il a suscité nombre de contributions. C’est un de ces sujets dont on discute à la fin des repas de famille.
C’était l’occasion de susciter un désir de politique. On aboutit malheureusement à une réforme technocratique, où les rapports de force politiques immédiats, y compris les calculs personnels, ont pris le dessus. On ne peut qu’en concevoir une extrême déception.
Parallèlement, le présent texte nous donnait l’occasion de renforcer la démocratie territoriale : dès lors que l’on crée des régions plus grandes, on peut redéfinir des contre-pouvoirs, des organes permettant d’animer le débat démocratique pour que les citoyens puissent s’approprier les nouveaux ensembles régionaux. Sur ce point, je ne jetterai pas la pierre qu’au seul Gouvernement, car je n’ai guère reçu de soutien dans cet hémicycle…
Nous avons émis nombre de propositions en ce sens, non sans accueillir favorablement des suggestions issues d’autres familles politiques : nous nous sommes heurtés à un mur, notamment au Sénat, et à une grande frilosité devant un renforcement de la démocratie territoriale. Cela témoigne, de la part des parlementaires et des grands élus territoriaux, d’une certaine peur du débat démocratique dans les territoires et de l’affirmation de contre-pouvoirs. Dans quelques dizaines d’années, ces difficultés auront été oubliées et nous aurons dépassé, je l’espère, le découpage régional que le Parlement va adopter.
Enfin, monsieur le secrétaire d’État, votre réponse sur la place qui sera réservée aux grands élus régionaux lors de la préparation de la conférence Paris Climat 2015 m’inquiète : en somme, ils seront invités à s’écarter dès qu’une photo sera prise ; ce n’est pas acceptable !
M. le président. Veuillez conclure, mon cher collègue.
M. Ronan Dantec. En conclusion, les membres du groupe écologiste voteront contre ce projet de loi.
M. le président. La parole est à M. André Reichardt.
M. André Reichardt. Pour ma part, je le redis, je suis absolument hostile à la création de grandes régions. Toutefois, je voterai le texte qui nous est soumis, pour une raison évidente : il maintient l’Alsace en tant que région à part entière.
Comme en deuxième lecture, le Sénat doit, aujourd’hui, adresser un message clair et fort à l’Assemblée nationale et au Gouvernement, en faveur de la diversité, du droit à l’expérimentation en matière d’aménagement du territoire, de l’efficacité.
L’Assemblée nationale doit comprendre que le Sénat, récemment renouvelé pour moitié, est le représentant des territoires et que ces derniers ont droit à la diversité et à l’expérimentation dans notre République.
J’appelle le Gouvernement à se soucier de l’efficacité de cette réforme. Les conseillers régionaux alsaciens qui seront désignés l’an prochain seront à tout le moins gênés par cette loi. Aujourd’hui, la totalité des parlementaires alsaciens, la très grande majorité des Alsaciens ne veulent pas de cette grande région. À n’en pas douter, les conseillers régionaux qui seront élus dans un an traîneront les pieds. J’ignore quand interviendra l’alternance politique, mais, le moment venu, ils n’auront de cesse de revenir sur ce texte.
Monsieur le secrétaire d’État, nous ne pouvons pas nous permettre de perdre ainsi du temps, alors que les problèmes du chômage, de la résorption des déficits méritent toute notre énergie. Il est regrettable que nous passions du temps à mettre en place une réforme institutionnelle que l’Alsace, je le répète, ne fait pas sienne, c’est le moins que l’on puisse dire.
Par souci d’efficacité, je vous en conjure, écoutez les Alsaciens ! Ils vous ont dit tout le mal qu’ils pensaient de cette grande région, non pas en raison d’une volonté de repli sur eux-mêmes, j’y insiste, mais parce qu’ils considèrent leur région comme un poste avancé sur le Rhin et qu’ils savent pouvoir apporter, dans cet espace, tout ce que la France est en droit d’attendre d’eux.
Au moment où vous allez porter ce message à l’Assemblée nationale, ayez une dernière fois à l’esprit cette revendication alsacienne. Nous avons besoin de votre appui pour faire comprendre au Gouvernement et à la majorité de l’Assemblée nationale que le sort qu’ils entendent réserver à l’Alsace n’est pas le bon. (MM. Pierre Charon et René-Paul Savary applaudissent.)