compte rendu intégral
Présidence de Mme Isabelle Debré
vice-présidente
Secrétaires :
M. Claude Dilain,
M. Jackie Pierre.
1
Procès-verbal
Mme la présidente. Le compte rendu analytique de la précédente séance a été distribué.
Il n’y a pas d’observation ?…
Le procès-verbal est adopté sous les réserves d’usage.
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Attentats au Danemark, assassinats en Égypte et profanation de tombes dans un cimetière juif en France
Mme la présidente. Madame la ministre de l’écologie, du développement durable et de l’énergie, mes chers collègues, un peu plus d’un mois après les attentats qui ont endeuillé notre pays au début du mois de janvier, ces deux derniers jours ont été marqués, en France, en Europe et dans le monde, par de nouveaux événements dramatiques. (Mme la ministre, ainsi que Mmes et MM. les sénateurs se lèvent.)
Samedi, Copenhague a été le théâtre d’attentats qui ont fait deux morts et cinq blessés. Un centre culturel où se tenait un débat sur le thème « Art, blasphème et liberté », puis une synagogue ont été la cible d’un terroriste. Comme à Paris, étaient ainsi visés la liberté d’expression, la communauté juive et, à travers elle, le vivre ensemble.
Dimanche, une vidéo a été diffusée par la branche libyenne de l’État islamique montrant l’assassinat sauvage de vingt et un Égyptiens de confession chrétienne copte.
Au nom du Sénat tout entier, je souhaite, avec notre président Gérard Larcher, exprimer notre solidarité et présenter nos plus sincères condoléances au peuple danois et au peuple égyptien durement éprouvés.
Hier soir, enfin, nous avons appris avec consternation la profanation de centaines de tombes du cimetière juif de Sarre-Union, dans le Bas-Rhin. Cet acte constitue une attaque ignoble contre les valeurs de la République, comme l’a souligné le président du Sénat, qui se recueillera sur place demain matin aux côtés des autorités civiles et religieuses.
Ces trois événements tragiques nous rappellent la nécessité de combattre partout et sans relâche l’intolérance, le racisme et l’antisémitisme et de ne pas transiger avec nos valeurs, parmi lesquelles la liberté d’expression et la liberté de conscience. Ils nous rappellent également que l’Europe et le monde doivent demeurer unis pour poursuivre la lutte contre le terrorisme et contre une barbarie qui ne connaît pas de frontières.
3
Candidatures à deux commissions
Mme la présidente. J’informe le Sénat que le groupe Union pour un mouvement populaire a fait connaître à la présidence le nom des candidats qu’il propose pour siéger à la commission du développement durable, des infrastructures, de l’équipement et de l’aménagement du territoire, en remplacement de Mme Geneviève Jean, dont l’élection a été annulée, et à la commission de la culture de l’éducation et de la communication, en remplacement de M. Cyril Pellevat, démissionnaire.
Ces candidatures vont être publiées et les nominations auront lieu conformément à l’article 8 du règlement.
4
Transition énergétique
Suite de la discussion en procédure accélérée d’un projet de loi dans le texte de la commission
Mme la présidente. L’ordre du jour appelle la suite de la discussion du projet de loi, adopté par l’Assemblée nationale après engagement de la procédure accélérée, relatif à la transition énergétique pour la croissance verte (projet n° 16, texte de la commission n° 264 rectifié, rapport n° 263, avis nos 236, 237 et 244).
Nous poursuivons la discussion des articles.
Titre IV (suite)
Lutter contre les gaspillages et promouvoir l’économie circulaire : de la conception des produits à leur recyclage
Mme la présidente. Dans la discussion des articles, nous en sommes parvenus, au sein du titre IV, à l’article 19.
Article 19
I. – (Supprimé)
I bis. – (Non modifié) Le III de l’article L. 110-1 du code de l’environnement est ainsi modifié :
1° Après la référence : « II, », la fin du premier alinéa est ainsi rédigée : « est recherché, de façon concomitante et cohérente, grâce aux cinq engagements suivants : » ;
2° Le 5° est ainsi rédigé :
« 5° La transition vers une économie circulaire. »
I ter. – Après le même article L. 110-1, il est inséré un article L. 110-1-1 ainsi rédigé :
« Art. L. 110-1-1. – La transition vers une économie circulaire appelle une consommation sobre et responsable des ressources naturelles non renouvelables et des matières premières primaires ainsi que, en priorité, un réemploi et une réutilisation et, à défaut, un recyclage des déchets, des matières premières secondaires et des produits. La promotion de l’écologie industrielle et de la conception écologique des produits, l’utilisation de matériaux issus de ressources naturelles renouvelables gérées durablement, l’allongement de la durée du cycle de vie des produits, la prévention des déchets, des polluants et des substances toxiques, le traitement des déchets en respectant la hiérarchie des modes de traitement, la coopération entre acteurs économiques à l’échelle territoriale pertinente dans le respect du principe de proximité et le développement des valeurs d’usage et de partage et de l’information sur leurs coûts écologique, économique et social contribuent à cette nouvelle prospérité. »
II. – La politique nationale de prévention et de gestion des déchets est un levier essentiel de la transition vers une économie circulaire. Ses objectifs, adoptés de manière à respecter la hiérarchie des modes de traitement des déchets définie au 2° de l’article L. 541-1 du code de l’environnement, sont les suivants :
1° A (nouveau) Promouvoir une hiérarchie dans l’utilisation des ressources, privilégiant les ressources issues du recyclage ou de sources renouvelables, en tenant compte du bilan global de leur cycle de vie, puis les ressources recyclables, puis les autres ressources ;
1° Donner la priorité à la prévention et à la réduction de la production de déchets, en réduisant de 10 % les quantités de déchets ménagers et assimilés produits par habitant et en réduisant les quantités de déchets d’activités économiques par unité de valeur produite, notamment du secteur du bâtiment et des travaux publics, en 2020 par rapport à 2010. Dans cette perspective, des expérimentations peuvent être lancées sur la base du volontariat afin de développer des dispositifs de consigne, en particulier pour réemploi, pour certains emballages et produits, afin de favoriser la conception écologique des produits manufacturés et d’optimiser le cycle de seconde vie des produits ;
1° bis Lutter contre l’obsolescence programmée des produits manufacturés grâce à l’information des consommateurs. Des expérimentations peuvent être lancées sur la base du volontariat sur l’affichage de la durée de vie des produits, afin de favoriser l’allongement de la durée d’usage des produits manufacturés grâce à l’information des consommateurs. Elles visent en particulier à définir une norme partagée par les acteurs économiques des filières concernées sur la notion de durée de vie ;
2° Augmenter la quantité de déchets faisant l’objet d’une valorisation sous forme de matière, notamment organique, en orientant vers ces filières de valorisation 55 % en masse des déchets non dangereux non inertes en 2020 et 60 % en masse en 2025. Le service public de gestion des déchets décline localement ces objectifs pour réduire les quantités d’ordures ménagères résiduelles après valorisation. À cet effet, il progresse dans le tri à la source des déchets organiques, jusqu’à sa généralisation pour tous les producteurs de déchets d’ici à 2025, pour que chaque citoyen ait à sa disposition une solution lui permettant de ne pas jeter ses biodéchets dans les ordures ménagères résiduelles, afin que ceux-ci ne soient plus éliminés, mais valorisés. Pour cela, la collectivité territoriale définit des solutions techniques de compostage de proximité ou de collecte séparée des biodéchets et un rythme de déploiement adaptés à son territoire. Une étude d’impact mesurera les effets de cette généralisation. Les collectivités territoriales progressent vers la généralisation d’une tarification incitative en matière de déchets, avec pour objectif que 15 millions d’habitants soient couverts en 2020 et 25 millions en 2025 ;
3° Valoriser sous forme de matière 70 % des déchets du secteur du bâtiment et des travaux publics à l’horizon 2020 ;
4° Réduire de 30 % les quantités de déchets non dangereux non inertes admis en installation de stockage en 2020 par rapport à 2010, et de 50 % en 2025 ;
4° bis (nouveau) Réduire de 50 % les quantités de produits manufacturés non recyclables mis sur le marché ;
5° Assurer la valorisation énergétique des déchets qui ne peuvent être recyclés en l’état des techniques disponibles et qui résultent d’une collecte sélective ou d’une opération de tri réalisée dans une installation prévue à cet effet. Dans ce cadre, la préparation et la valorisation de combustibles solides de récupération seront encouragées grâce à un cadre réglementaire adapté. Afin de ne pas se faire au détriment de la prévention ou de la valorisation sous forme de matière, la valorisation énergétique réalisée à partir de combustibles solides de récupération doit être pratiquée soit dans des installations de production de chaleur ou d’électricité intégrées dans un procédé industriel de fabrication, soit dans des installations ayant pour finalité la production de chaleur ou d’électricité, présentant des capacités raisonnables et étant en capacité de brûler des combustibles classiques afin de ne pas être dépendantes d’une alimentation en déchets.
Les soutiens et les aides publiques respectent cette hiérarchie des modes de traitement des déchets.
II bis. – La lutte contre les sites illégaux de tri et de traitement des déchets ainsi que celle contre les trafics associés et notamment les exportations illégales sont intensifiées afin que l’ensemble des objectifs fixés au 1° A à 5° du II du présent article soient atteints.
III. – (Supprimé)
Mme la présidente. La parole est à Mme Évelyne Didier, sur l'article.
Mme Évelyne Didier. Le projet de loi représente une avancée dans la mise en œuvre de la gestion et de la prévention des déchets. Nous partageons assurément les objectifs premiers de réduction à la source, de prévention et de valorisation matière qui figurent au titre IV. Je tiens cependant à insister sur la différence qui doit être faite, selon moi, entre la valorisation matière et la valorisation énergétique. À cet égard, je veux apporter quelques précisions en préambule à l’examen des articles concernant le volet « déchets » de l’économie circulaire.
Face à l’intérêt croissant du marché pour les déchets, le risque est fort de se trouver en présence d’intérêts inconciliables entre, par exemple, la volonté d’une massification des flux de déchets pour en faire de l’énergie ou d’une valorisation des matières bien au-delà de nos frontières et l’objectif de réduction des déchets à la source.
En outre, la marchandisation des déchets peut conduire à écarter les collectivités locales de la partie la plus lucrative de la gestion des déchets et leur laisser les activités qui se font à perte, comme la collecte.
Je veux réaffirmer ici la nécessité de conserver le caractère de service public de la gestion des déchets ménagers et assimilés. Comme vous le savez, en application de l’article L. 2224-13 du code général des collectivités territoriales, les communes sont compétentes pour la gestion des déchets des ménages. Elles peuvent transférer tout ou partie de la compétence de collecte et de traitement des déchets. La politique de gestion des déchets, en raison notamment d’exigences de salubrité publique et d’enjeux de santé publique, constitue un service public relevant de la compétence des maires. Ce service est accessible à tous nos concitoyens, quel que soit l’endroit où ils habitent.
Un service public a non seulement pour mission la satisfaction des usagers, mais il a également un rôle central dans l’aménagement de nos territoires, la préservation de notre environnement et la garantie de la cohésion sociale. Or la mission « déchets » du comité interministériel pour la modernisation de l’action publique, le CIMAP, a dernièrement imaginé un scénario de privatisation totale du service public des déchets, y compris pour la perception de la taxe d’enlèvement des ordures ménagères.
S'il ne s'agit que d’un pré-rapport, je tiens toutefois à l’évoquer. Il envisage ainsi de faire évoluer le service public de gestion des déchets, car la structuration actuelle des acteurs et des financements « ne permet pas de maximiser les incitations à l’optimisation du service ». Le pré-rapport considère notamment que la France n’atteindrait pas les objectifs « extrêmement ambitieux, au regard des performances réelles » du service public de gestion des déchets, du plan national de prévention des déchets 2014-2025 et du projet de loi relatif à la transition énergétique.
Je sais que vous ne pourrez pas me répondre immédiatement, madame la ministre, mais je souhaiterais que vous puissiez évoquer cette question à un moment de nos débats pour me dire s'il est vraiment possible d’envisager que ce service soit définitivement privatisé.
Mme la présidente. La parole est à M. Gérard Miquel, sur l'article.
M. Gérard Miquel. En 1992, la loi qui porte votre nom, madame la ministre, a jeté les fondements de la politique de gestion des déchets pour vingt ans. Au cours de cette période, les collectivités ont beaucoup travaillé. Là où nous avons fait preuve de volonté politique, nous avons réussi. Là où cette volonté a fait défaut, la situation est grandement améliorable…
M. Roland Courteau. Eh oui !
Mme Évelyne Didier. On est d’accord !
M. Gérard Miquel. Avec le texte que vous nous présentez aujourd'hui, nous approfondissons ce travail. En effet, au cours des années passées, nous avons mis en place les éco-organismes financiers et les éco-organismes opérationnels. Je préfère de beaucoup les éco-organismes financiers, qui laissent des marges de manœuvre aux collectivités pour l’écoulement des produits, sur la façon de les gérer, avec la possibilité de recourir à des unités de recyclage plus locales, ce qui participe ainsi à ce qui vous est cher : le développement d’une économie circulaire dans nos territoires.
Mme Évelyne Didier. Très bien !
M. Gérard Miquel. Évelyne Didier vient d’évoquer la gestion d’un service public. Nous apportons la preuve, sur de nombreux territoires, que cette gestion est aussi performante que la gestion privée.
M. Roland Courteau. Exactement !
Mme Évelyne Didier. Très bien !
M. Gérard Miquel. Et nous n’avons pas un fonds de pension américain qui nous demande 15 % de profit en fin d’année !
M. Roland Courteau et Mme Évelyne Didier. Très bien !
M. Gérard Miquel. On critique le service public, mais il est souvent très performant. Si l’on veut encore améliorer les choses, les élus, qui ont la responsabilité de le mettre en œuvre, doivent exiger la performance et l’évaluation.
Cela étant, certains n’ont pas compris ce que les déchets pouvaient bien venir faire dans un texte sur la transition énergétique. Eh bien, qu’ils sachent que les déchets peuvent aussi être une source d’énergie ! Certes, la conception n’est plus celle qu’on s'en faisait il y a vingt ans, lorsqu'il suffisait d’enfourner les déchets dans un gros incinérateur pour produire de l’énergie – quoique cette conception, à laquelle je suis personnellement opposé, soit encore d’actualité dans certains territoires. Prenez une entreprise de travaux publics, qui, pour élargir une route ou créer une zone d’activité, est obligée d’enlever les arbres. Comme les souches sont recyclables, on peut en faire des plaquettes pour alimenter des chaufferies. Les produits que nous récupérons lorsque nous faisons de l’élagage – j’aurai un amendement précisément à ce sujet – peuvent aussi être recyclés et valorisés. Et il en va de même pour les embâcles qui envahissent nos barrages et nos rivières !
M. Roland Courteau. Exactement !
M. Gérard Miquel. Les déchets trouvent donc parfaitement leur place dans ce projet de loi, et nous démontrerons, au fil du débat, toute l’importance qu’ils revêtent en matière d’énergie renouvelable.
Je préfère m'arrêter ici, sachant que j’interviendrai à l’occasion des amendements que je présenterai pour enrichir le texte. En attendant, je vous remercie, madame la ministre, de votre engagement sans faille dans le domaine de l’environnement : depuis des décennies, vous portez haut et fort le drapeau de l’environnement, et nous nous en réjouissons !
Mme la présidente. La parole est à M. Jean-François Longeot, sur l'article.
M. Jean-François Longeot. Avec l’article 19, nous abordons le titre IV dédié aux déchets.
Ma collègue Annick Billon, qui est retenue en Vendée, m’a demandé de préciser qu’elle a examiné les dispositions de l’article 19 qui fixent les objectifs de transition vers une économie circulaire et ceux tournés vers la prévention et la valorisation des déchets au regard de son expérience de vice-présidente d’un syndicat mixte chargé du traitement des déchets ménagers et assimilés.
Faire confiance aux territoires et donner à la transition énergétique une dimension décentralisée sont des volontés partagées au sein du groupe UDI-UC. Pourquoi ? Parce que cela permet une approche différenciée, l’adaptation des objectifs aux spécificités locales, la prise en compte des outils existants, l’appréciation par les élus, en responsabilité, du surcoût de l’adaptation aux objectifs partagés.
Au-delà des objectifs environnementaux, la croissance verte que sous-tend ce texte ne peut devenir réalité que si la compétitivité de nos entreprises ne s’en trouve pas fortement impactée, voire plombée.
Il est à noter que l’économie circulaire est l’objet du projet de directive Paquet.
À la suite de la proposition de résolution européenne de nos collègues Michel Delebarre et Claude Kern, Mme Billon a rendu un rapport au nom de la commission du développement durable. Partageant les mêmes ambitions, elle a exprimé la même prudence en matière d’affichage de création d’emplois dits « verts ».
La délégation aux entreprises récemment installée par le président Gérard Larcher et à laquelle Mme Billon appartient veut porter un regard « entrepreneurial » sur les textes qui sont soumis à notre assemblée.
Sur l’article 19 et l’article 19 quater, notre collègue s’est limitée à proposer des amendements visant à compléter ceux du rapporteur pour avis Louis Nègre. Ils ont été validés par la commission du développement durable. Pour résumer, ces amendements portent des objectifs ambitieux et partagés. Ils reposent sur le principe de subsidiarité, pour une plus grande efficacité et une implication efficiente des élus territoriaux. C’est la raison pour laquelle la commission a cosigné l’amendement que Mme Billon a déposé sur l’article 19 bis A, lequel vise à permettre aux producteurs d’ustensiles jetables de cuisine en matière plastique de mettre en place le tri à la source à une date réaliste.
Mme la présidente. Je suis saisie de deux amendements identiques.
L'amendement n° 103 est présenté par M. Nègre, au nom de la commission du développement durable.
L'amendement n° 292 rectifié est présenté par MM. Miquel et Aubey, Mme Bonnefoy, MM. Camani, Cornano et Filleul, Mme Herviaux, MM. J.C. Leroy, Madrelle, Poher et Roux, Mme Tocqueville et les membres du groupe socialiste et apparentés.
Ces deux amendements sont ainsi libellés :
I. - Après l'alinéa 7
Insérer un alinéa ainsi rédigé :
« Art. L. 110-1-2.- Les dispositions du présent code ont pour objet, en priorité, de promouvoir une consommation sobre et responsable des ressources, puis d’assurer une hiérarchie dans l'utilisation des ressources, privilégiant les ressources issues du recyclage ou de sources renouvelables, puis les ressources recyclables, puis les autres ressources, en tenant compte du bilan global de leur cycle de vie. »
II. - Alinéa 9
Supprimer cet alinéa.
La parole est à M Louis Nègre, rapporteur pour avis, pour présenter l’amendement n° 103.
M. Louis Nègre, au nom de la commission du développement durable, des infrastructures, de l'équipement et de l'aménagement du territoire. En écoutant les uns et les autres, j’ai le sentiment que nous sommes tous favorables au recyclage et au tri à la source. Les déchets font effectivement partie de la transition énergétique, et je m’en félicite.
La hiérarchie dans l'utilisation des ressources est un concept novateur intégré au texte du projet de loi par la commission du développement durable. Elle permet de mettre en avant la disponibilité des ressources sur le long terme et, donc, leur épuisement ; ainsi, mieux vaut utiliser des matières renouvelables ou issues de déchets qui ont déjà été produits. Cette hiérarchie met aussi en avant l’importance de la « recyclabilité » : lors d’un processus innovant, il est important de s’interroger sur la possibilité de recycler les nouvelles matières au vu de l’organisation des filières industrielles.
L'objet du présent amendement est de renforcer cette hiérarchie des ressources, en insérant cette notion dans le code de l’environnement et en la positionnant dans un contexte général, qui va au-delà du seul cadre des déchets dans lequel la plaçait, de manière limitative, la rédaction actuelle. Il s’agit également de préciser que le but prioritaire, avant même l’application de cette hiérarchie, est de promouvoir la consommation sobre et responsable de ces ressources, conformément à la définition de la transition vers une économie circulaire prévue au nouvel article L. 110-1-1 du code de l’environnement.
Pour conclure, je reprendrai à mon compte les paroles de Ban Ki-moon : « Il n’y a pas de plan B, parce qu’il n’y a pas de planète B ».
Mme la présidente. La parole est à M. Gérard Miquel, pour présenter l'amendement n° 292 rectifié.
M. Gérard Miquel. La hiérarchie dans l’utilisation des ressources, comme vient de dire M. le rapporteur pour avis, est un concept novateur et intéressant. Je n’ai donc rien à ajouter à ses propos, que je partage totalement.
Mme la présidente. Quel est l’avis du Gouvernement ?
Mme Ségolène Royal, ministre de l'écologie, du développement durable et de l'énergie. Le Gouvernement est favorable à ces deux amendements identiques, qui visent à renforcer la portée de ce concept novateur qu’est la hiérarchie dans l’utilisation des ressources et à rendre la rédaction du texte de la commission plus opérationnelle.
La consommation sobre et la consommation responsable des ressources sont deux notions qui ne figurent pas encore dans le droit positif. L’idée d’une hiérarchie dans l’utilisation des ressources est également nouvelle : il s’agit de privilégier les ressources issues du recyclage ou de sources renouvelables, en tenant compte du bilan global de leur cycle de vie. Nous sommes là au cœur de l’économie circulaire.
Madame Didier, le rapport dont vous avez fait état ne m’a pas encore été officiellement remis, mais j’en prendrai connaissance avec beaucoup d’attention. Je tiens cependant à vous rassurer sur la gestion publique des déchets.
Dans le cadre des nouvelles règles que nous mettons en place, ces filières seront désormais productrices de valeur ajoutée et de profits. Alors que les collectivités locales s’étaient engagées dans des secteurs coûteux et non rentables, la dynamique de l’économie circulaire va permettre de changer la donne, les déchets des uns devenant les ressources des autres. Ces filières vont devenir rentables et créer des emplois. Les bénéfices devront être réinjectés dans les budgets publics, pour relever le défi du traitement des déchets et éviter de prélever plus de taxes sur les usagers.
Monsieur Miquel, je veux vous remercier du travail que vous menez depuis 2013 à la tête du Conseil national des déchets, que j’ai eu l’occasion de réunir plusieurs fois. Je tiens à le souligner, vous faites au niveau local ce que vous prônez au niveau national. Votre territoire fait en effet partie des « territoires zéro gaspillage zéro déchet ». Il s’agit de convictions que vous portez de longue date, et je suis heureuse de voir que tout ce pour quoi vous vous battez depuis très longtemps se retrouve dans le texte de loi.
Mesdames, messieurs les sénateurs, grâce à l’action que vous menez les uns et les autres sur vos territoires, nous pouvons inscrire dans la loi des pratiques qui ont fait leur preuve. L’économie circulaire n’est pas un concept abstrait : elle correspond à des pratiques qui ont été mises en place sur de nombreux territoires. Je vous remercie d’inscrire pour la première fois en droit positif une notion nouvelle, celle de l’économie circulaire. Je puis vous dire que nous sommes très observés au niveau européen.
On se rend compte que, souvent, les concepts ont du mal à émerger, parce qu’ils se heurtent à des habitudes ou à des résistances, on le verra d’ailleurs au cours de notre débat. Alors que, pour certains, ce n’est jamais le moment d’agir, d’autres affirment au contraire que nous sommes en retard et permettent aux comportements d’évoluer rapidement, à condition de maintenir le cap fermement. Ainsi le travail mené par la commission et les auteurs des amendements a-t-il permis d’enrichir un concept novateur, qui ne faisait au départ l’objet que d’une partie restreinte du projet de loi. Je me disais en effet que, si l’on arrivait à faire voter quatre articles sur l’économie circulaire, ce serait déjà bien ! Or, aujourd'hui, nous avons un texte dense, dont l’ambition est de couvrir l’ensemble des champs de l’économie circulaire. J’en remercie la Haute Assemblée.
Mme la présidente. Je mets aux voix les amendements identiques nos 103 et 292 rectifié.
(Les amendements sont adoptés.)
Mme la présidente. L'amendement n° 116, présenté par Mme Didier, M. Vergès et les membres du groupe communiste républicain et citoyen, est ainsi libellé :
Alinéa 10, première phrase
Après les mots :
et en réduisant
insérer les mots :
de 10 %
La parole est à Mme Évelyne Didier.
Mme Évelyne Didier. L’article 19 du projet de loi fixe les objectifs de la politique nationale de prévention et de gestion des déchets. Pour répondre à la priorité donnée à la prévention et à la réduction des déchets, il prescrit des objectifs chiffrés pour ce qui concerne les déchets ménagers, mais n’en impose aucun en matière de déchets issus d’activités économiques.
Nous nous focalisons uniquement sur les déchets ménagers et assimilés, qui ne représentent que 10 % du gisement total. Or, à nos yeux, agir sur l’amont, c’est-à-dire faire de la prévention et réduire la production des déchets, comme nous venons de le réaffirmer dans le cadre des deux amendements identiques qui viennent d’être adoptés, c’est le levier d’avenir pour protéger notre environnement et notre santé. Il faut donc aller plus loin que l’objectif, parfois mentionné, de stabilisation des déchets issus des activités économiques.
L’ensemble des acteurs économiques doit s’engager à faire des efforts pour réduire la quantité des déchets issus de leurs activités. C’est la raison pour laquelle nous souhaitons que soit inscrit dans le projet de loi un objectif chiffré de 10 %, qui est vraiment minime, puisque je suis persuadée que le secteur économique fait déjà bien plus.