M. le président. Quel est l’avis de la commission ?
Mme Dominique Estrosi Sassone, corapporteur. Il revient non pas à l’autorité de régulation, mais à l’État de s’assurer du respect des échéanciers prévus par les concessionnaires et les entreprises de travaux.
Dans ces conditions, la commission spéciale est défavorable à cet amendement.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
Mme Axelle Lemaire, secrétaire d'État. Mesdames, messieurs les sénateurs, je vous rappelle que nous avons fait le choix d’opérer une distinction claire entre l’ordre contractuel, dont relève le suivi des contrats passés par les concessionnaires, et la régulation économique, car nous ne souhaitons pas que l’État se dessaisisse de la gestion des concessions autoroutières.
Étendre les compétences de l’ARAFER à un contrôle qui appartient strictement aux missions du concédant induirait une confusion des rôles et, très certainement, une moindre efficacité du dispositif.
Le Gouvernement est donc défavorable à l’amendement n° 1361.
M. le président. La parole est à Mme Évelyne Didier, pour explication de vote.
Mme Évelyne Didier. Madame la secrétaire d’État, j’entends votre argument.
Au demeurant, notre groupe préférerait qu’il n’y ait pas besoin d’Autorité de la concurrence et que les services de l’État fassent eux-mêmes le travail. Seulement, les différents groupes de travail ont constaté que le contrôle exercé n’était pas – je suis attentive aux mots que j’emploie ! – suffisamment suivi. Ce problème est particulièrement grave lorsque les travaux donnent lieu à compensation, puisque les sociétés perçoivent des financements : imaginez-vous que, lorsqu’elles ne respectent pas le calendrier prévu, personne ne leur dit rien !
Madame la secrétaire d’État, peut-être le Gouvernement pourrait-il s’engager, a minima, à exiger de ses services qu’ils procèdent à des contrôles et qu’ils réclament le remboursement des compensations lorsque les échéances n’ont pas été respectées. Il n’est pas possible que les choses continuent ainsi. Ou alors, que l’on ne vienne pas se plaindre de la situation des finances de l’État !
M. Michel Le Scouarnec. Très bien !
M. le président. L'amendement n° 1542, présenté par le Gouvernement, est ainsi libellé :
I. –Alinéa 45
Rétablir l’article L. 122-19 dans la rédaction suivante :
« Art. L. 122-19. – Le contrôle administratif de l’Autorité de régulation des activités ferroviaires et routières s’exerce à l’égard des concessionnaires d’autoroutes dans les conditions prévues à la section 1 du chapitre V du titre III du livre Ier de la deuxième partie du code des transports.
II. – Alinéas 48 et 49
Rétablir les articles L. 122-20 et L. 122-21 dans la rédaction suivante :
« Art. L. 122-20. – Le fait de s’opposer, de quelque façon que ce soit, à l’exercice des fonctions des agents de l’Autorité de régulation des activités ferroviaires et routières dans l’exercice de leurs missions dans le secteur autoroutier est réprimé dans les conditions prévues à la section 3 du chapitre V du titre III du livre Ier de la deuxième partie du code des transports.
« Art. L. 122-21. – Les relations et les échanges relatifs au secteur autoroutier de l’Autorité de régulation des activités ferroviaires et routières avec, d’une part, l’Autorité de la concurrence et, d’autre part, les juridictions compétentes sont définis à la section 4 du chapitre V du titre III du livre Ier de la deuxième partie du code des transports. »
La parole est à Mme la secrétaire d'État.
Mme Axelle Lemaire, secrétaire d'État. Cet amendement vise à rétablir des renvois que la commission spéciale a supprimés, les jugeant dénués de portée juridique, mais qui nous paraissent nécessaires à la lisibilité du droit, dans la mesure où les dispositions relatives à l’ARAFER et celles qui sont relatives aux autoroutes ne figurent pas dans les mêmes codes.
M. le président. Quel est l’avis de la commission ?
Mme Dominique Estrosi Sassone, corapporteur. La commission spéciale maintient que ces renvois sont superflus et complexifient inutilement le code des transports. Elle rappelle en outre que le Gouvernement dispose, en vertu de l’article 1er du projet de loi, que nous avons voté, d’une habilitation à procéder par ordonnance pour assurer la cohérence des dispositifs juridiques.
La commission spéciale est donc défavorable à l’amendement.
M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 1542.
(Après une épreuve à main levée déclarée douteuse par le bureau, le Sénat, par assis et levé, adopte l'amendement.)
M. le président. L'amendement n° 680, présenté par M. Guillaume, Mme Bricq, M. Filleul, Mmes Emery-Dumas et Génisson, MM. Bigot, Cabanel, Marie, Masseret, Raynal, Richard, Sueur, Vaugrenard et les membres du groupe socialiste et apparentés, est ainsi libellé :
Après l’alinéa 47
Insérer quatre alinéas ainsi rédigés :
« Art. L. 122-19-2 – Pour l’accomplissement par l’Autorité de régulation des activités ferroviaires et routières des missions définies au présent chapitre, les dispositions de l’article L. 122-19-1 et des sections 1 à 3 du chapitre V du titre III du livre Ier de la deuxième partie du code des transports, sont applicables, dans les mêmes conditions qu’au concessionnaire, aux sociétés suivantes :
« – les sociétés qu’il contrôle, au sens des articles L. 233-3 et L. 233-4 du code de commerce ;
« – celles qui le contrôlent, au sens des mêmes articles ;
« – toute société ayant pour objet principal la détention de titres de sociétés concessionnaires autoroutières ou le financement des sociétés qui les détiennent.
La parole est à M. Jean-Jacques Filleul.
M. Jean-Jacques Filleul. Le constat d’une défaillance de la régulation des sociétés concessionnaires a été dressé par plusieurs autorités, notamment par la Cour des comptes dans son rapport du 24 juillet 2013. Il a été confirmé par les différents groupes de travail parlementaires qui se sont attachés au secteur autoroutier et qui se sont tous prononcés en faveur du renforcement du pouvoir de l’ARAFER sur les SCA en matière de recueil d’informations.
Le Gouvernement a pris en compte les recommandations qui lui ont été adressées, puisque l’article 5 du projet de loi, que nous avons déjà complété en adoptant plusieurs amendements, est destiné à améliorer l’ensemble de la régulation du secteur autoroutier concédé, s’agissant des modalités de fixation des tarifs de péage et du contrôle des marchés passés par les SCA.
En vue de conforter la place de l’État face aux sociétés concessionnaires d’autoroutes, l’article 5 du projet de loi prévoit notamment un renforcement du pouvoir de l’ARAFER sur les SCA en matière de recueil d’informations.
Le présent amendement vise à approfondir cette logique et à renforcer la régulation : il s’agit d’étendre le pouvoir de recueil d’informations de l’ARAFER aux sociétés liées aux concessionnaires. L’amendement tend également à élargir ce pouvoir aux autres sociétés susceptibles de détenir des informations sur l’appréciation du coût du capital investi dans la concession.
Cet élargissement du pouvoir de l’ARAFER est nécessaire afin que le régulateur puisse disposer de l’ensemble des éléments nécessaires à l’estimation du coût du capital investi sur le réseau autoroutier. En effet, cette donnée technique constitue un critère d’appréciation important du taux de rentabilité, sur le fondement duquel il est possible de fixer les tarifs de péages à un niveau qui ne conduise pas à une rémunération excessive du capital.
En outre, la mesure que nous proposons permettrait de répondre à l’obligation de synthèse annuelle des éléments financiers des concessions autoroutières.
En définitive, cet amendement vise à améliorer la fixation des tarifs de péages au bénéfice des usagers et de l’État. Mes chers collègues, je vous rappelle que, dans le rapport du groupe de travail du Sénat sur les sociétés concessionnaires d’autoroutes, adopté par l’ensemble des groupes, nous avions demandé que les augmentations de tarifs soient contrôlées, afin que l’on soit sûr que celles-ci soient en rapport avec les conventions.
M. le président. Quel est l’avis de la commission ?
Mme Dominique Estrosi Sassone, corapporteur. Cet amendement vise à conférer à l’ARAFER un pouvoir très large, dont je ne suis pas sûre qu’il soit véritablement proportionné. J’y suis donc défavorable.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
Mme Axelle Lemaire, secrétaire d'État. Les dispositions de cet amendement forment la seconde jambe du dispositif ouvrant la voie à une régulation et une transparence renforcées, via un élargissement du contrôle exercé par l’ARAFER : après nous être attachés au contrôle exercé sur les travaux, nous abordons le contrôle financier. Il est décisif de pouvoir connaître le taux de rentabilité des concessions, leur mode de financement et les informations relatives à la gestion de leur dette.
Le Gouvernement est donc tout à fait favorable à cet amendement.
M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 680.
J'ai été saisi d'une demande de scrutin public émanant de la commission spéciale.
Je rappelle que l'avis de la commission est défavorable et que celui du Gouvernement est favorable.
Il va être procédé au scrutin dans les conditions fixées par l'article 56 du règlement.
Le scrutin est ouvert.
(Le scrutin a lieu.)
M. le président. Personne ne demande plus à voter ?…
Le scrutin est clos.
J'invite Mmes et MM. les secrétaires à procéder au dépouillement du scrutin.
(Il est procédé au dépouillement du scrutin.)
M. le président. Voici, compte tenu de l’ensemble des délégations de vote accordées par les sénateurs aux groupes politiques et notifiées à la présidence, le résultat du scrutin n° 128 :
Nombre de votants | 337 |
Nombre de suffrages exprimés | 337 |
Pour l’adoption | 150 |
Contre | 187 |
Le Sénat n'a pas adopté.
La parole est à M. Bruno Retailleau, pour explication de vote sur l'article.
M. Bruno Retailleau. Monsieur le président, madame la secrétaire d’État, j’interviens pour indiquer que notre groupe votera l’article 5, tel qu’il a été modifié par la commission spéciale. Je voudrais tout spécialement féliciter Mme la corapporteur, Dominique Estrosi-Sassone.
Depuis qu’un certain nombre de rapports nous ont éclairés sur le manque d’exigence de l’État vis-à-vis des sociétés concessionnaires d’autoroutes, il faut de toute évidence veiller à mieux encadrer les relations que l’État a nouées avec ces sociétés, être plus exigeant à leur égard et mieux les réguler.
Nous voterons également en faveur du présent article après avoir entendu tout à l’heure M. le ministre, Emmanuel Macron, confirmer le plan de relance pour l’investissement autoroutier, dont nous nous félicitons.
En revanche, je souhaiterais relever une incohérence grave et souligner un dysfonctionnement du Gouvernement au sujet d’un projet autoroutier, l’autoroute A 831, qui concerne deux grandes régions administratives dans l’ouest de la France.
Tout d’abord, il s’agit d’un projet qui bénéficie d’une déclaration d’utilité publique, une DUP.
Ensuite, c’est sans doute le seul projet en France qui ait répondu à une exigence de la Ligue pour la protection des oiseaux, la LPO, pour un surcoût lié à l’intégration environnementale de 125 millions d’euros.
Enfin, ce projet fait consensus, puisqu’il est soutenu par 98 % des acteurs, issus tant de la droite et du centre que de la gauche.
Pourtant, ce projet est aujourd’hui suspendu. Alors même qu’il est question d’une portion d’autoroute dont le trafic s’élève à plus de 20 000 véhicules par jour et dont on voit bien qu’elle sera rentable, ce dossier est arrêté par une ministre du Gouvernement. C’est d’autant moins compréhensible que, d’une part, ce projet respecte en tout point le cadre juridique, environnemental, financier et politique et que, d’autre part, le Gouvernement souhaite relancer les investissements autoroutiers.
Par deux fois sur ce dossier, le Premier ministre s’est engagé par écrit auprès des élus, présidents de département ou de région, de droite comme de gauche, afin d’indiquer le sens dans lequel le Gouvernement s’orientait. Et par deux fois, Mme Royal l’a contredit dans la presse.
Il y a quelques jours, dans le journal Sud Ouest, Mme Royal déclarait de nouveau, et de façon modeste – je lis ce passage, car cela permettra de détendre l’atmosphère en cette heure tardive – : « Même si je voulais partir, on me demanderait de rester » dans le Gouvernement. (Rires.)
Mme Nicole Bricq. Nous la reconnaissons bien là !
M. Bruno Retailleau. Nous n’avons pas pris cette déclaration pour un trait d’humour. Nous voulons simplement que l’autorité reste entre les mains du chef du Gouvernement, qu’elle reste au bon sens. Nous avons en effet des entreprises de travaux publics qui peinent. Il y a beaucoup de chômage dans ces secteurs.
Madame la secrétaire d’État, ce n’est pas le Gouvernement dans son ensemble que j’accuse. Seulement, certains membres de ce gouvernement se complaisent dans les couacs, et je pense que le Premier ministre, qui apprécie l’autorité et aime rappeler la sienne, ferait bien de l’exercer à l’égard de tous les ministres. Ces derniers sont soumis au même chef de gouvernement et doivent respecter la même règle, quels qu’ils soient. (Applaudissements sur les travées de l'UMP et de l'UDI-UC.)
M. le président. La parole est à Mme Évelyne Didier, pour explication de vote.
Mme Évelyne Didier. Je ne suis pas là pour donner des leçons d’autorité, ou d’autre chose, à qui que ce soit.
En premier lieu, ce sujet a sans doute souffert d’une différence d’appréciation entre membres du Gouvernement et de l’expression de voix discordantes. C’est une réalité que l’on constate parfois dans une équipe. Cependant, face aux sociétés d’autoroutes, il aurait été préférable que l’on ne parle que d’une seule et même voix.
En second lieu, je considère qu’il n’est pas normal que des voix s’élèvent pour rejeter l’idée d’un contrôle lorsqu’un groupe, quelle que soit sa nuance politique, présente des amendements ou des propositions qui permettent d’avancer sur une telle voie.
En effet, il s’agit tout de même de l’argent de nos usagers et de l’argent de l’État ! Que ces personnes cherchent à mettre en difficulté le Gouvernement, parce que cela s’est vu, ou s’opposent pour d’autres mauvaises raisons importe peu : je trouve que, en agissant ainsi, elles manquent à leur devoir de parlementaires qui doivent en toutes circonstances être garants de l’intérêt général.
Notre intérêt était véritablement d’avancer sur le chemin d’un meilleur contrôle. Pour ma part, je pense avoir vraiment présenté des arguments, donné des exemples et m’être appuyé sur des faits avérés.
Je peux également vous dire que des sociétés de BTP, et pas des moindres, se plaignent aujourd’hui de ne pas bénéficier d’une part du gâteau et qu’elles aimeraient obtenir un petit plus d’ouverture. Nous le savons, puisqu’elles le disent ! Elles ne le disent cependant pas trop fort, parce qu’il pourrait y avoir des distorsions.
Je ne comprends pas pourquoi nous ne sommes pas unanimes sur ces travées lorsque sont présentés des amendements visant à renforcer le contrôle. J’espère que nous ferons avancer ce sujet ensemble, parce qu’il est anormal que, s’agissant d’un outil public, dans une situation de monopole géographique et d’exploitation, on souhaite avoir le beurre, l’argent du beurre et le sourire du crémier. (Sourires.)
On essaie de tirer avantage d’un système supposé favoriser la concurrence, alors que, en réalité, chacun sait que celle-ci n’existe pas, notamment lorsque sont passés des appels d’offres restreints, des marchés de gré à gré ou encore des contrats dont le seuil est inférieur à 2,5 millions d’euros. Or ces pratiques concernent presque tous les marchés !
Pour ma part, comme certains amendements dont je suis l’auteur ont été adoptés et comme j’ai accepté de voter en faveur d’amendements déposés par des collègues, par respect pour le travail réalisé ensemble, je voterai pour cet article 5.
Toutefois, mes collègues du groupe CRC voteront contre, parce qu’ils sont opposés par principe à cet article. Ils ont en effet présenté un amendement de suppression dont les dispositions correspondent à la logique que nous avons toujours défendue et qui est cohérente.
Je comprends et j’approuve d’ailleurs mon groupe lorsqu’il défend cette position constante, même si je respecte aussi les échanges qui se sont déroulés et si des amendements que j’approuve ont été acceptés : ce n’est que le juste retour des choses.
M. le président. La parole est à M. Jean-Jacques Filleul, pour explication de vote.
M. Jean-Jacques Filleul. Le groupe socialiste votera en faveur de cet article 5, qui est important, même si nous regrettons que l’amendement n° 680 n’ait pas été adopté, car ses dispositions proposaient un équilibre d’ensemble pour le contrôle financier et le contrôle des péages autoroutiers ; peut-être trouvera-t-il une autre demeure législative.
Par ailleurs, je me félicite une nouvelle fois de l’annonce du plan de relance et de la volonté du Gouvernement de réguler les situations constatées par les différents groupes parlementaires, l’Autorité de la concurrence et la Cour des comptes. Nous avons réalisé là un grand progrès, dont il faut se satisfaire, même s’il y a encore du travail à réaliser en matière de régulation et de transparence.
Aussi, je pense que nous pouvons être fiers du travail entrepris sur ce point.
M. le président. La parole est à M. Jean Desessard, pour explication de vote.
M. le président. Je mets aux voix l'article 5, modifié.
(L'article 5 est adopté.)
Articles additionnels après l'article 5
M. le président. L'amendement n° 1364, présenté par Mmes Assassi, Didier et les membres du groupe communiste républicain et citoyen, est ainsi libellé :
Après l’article 5
Insérer un article additionnel ainsi rédigé :
L’Autorité de la concurrence remet au Parlement un avis sur le taux de rendement interne des sociétés concessionnaires d’autoroutes et elle quantifie les impacts des contrats de plan successifs depuis 2006. Cet avis est rendu dans les trois mois suivant la promulgation de la présente loi.
La parole est à Mme Évelyne Didier.
Mme Évelyne Didier. Lors des travaux auxquels j’ai participé dans le cadre de la commission du développement durable du Sénat, ou lors de l'espèce de cours magistral auquel les parlementaires ont été convoqués à Matignon (Sourires sur les travées du groupe CRC.), nous avons pu constater que les sociétés d’autoroutes avaient largement bénéficié de contrats avantageux et de règles d’interprétation toujours favorables à leurs intérêts.
Pourtant, elles ont tendance, en tout cas certaines d’entre elles, à se présenter comme les victimes d’une cabale. Nous avons ainsi lu quelques articles croustillants ces derniers temps.
Dans un courrier adressé en février dernier au président de l’Autorité de la concurrence, M. Bruno Lasserre, les sociétés concessionnaires ont estimé que la rentabilité devait se calculer sur l’ensemble de la durée des concessions, soit une trentaine d’années, cette activité « capitalistique » devant « être jugée en fonction de son taux de rentabilité interne », le TRI. Selon eux, leur rentabilité était bien inférieure aux 20 % ou plus évoqués par l’Autorité.
Or, selon les économistes du cabinet Microeconomix, notamment, que nous avons auditionnés au Sénat, « le TRI de près de 9 % revendiqué par les actionnaires des sociétés d’autoroutes est considérablement plus élevé » que celui qui avait été présenté lors de la privatisation.
Le taux de rentabilité interne des capitaux investis au moment de la privatisation représente le coût du capital pour lequel un investisseur serait indifférent à acquérir ou non une SCA. On l’obtient grâce aux résultats financiers sur l’ensemble de la durée de la concession.
Pour la durée des concessions au-delà de 2014, on doit se contenter des projections de la capacité de l’entreprise à générer des ressources supplémentaires. Cette dernière donnée va dépendre de plusieurs hypothèses : l’inflation, l’augmentation du trafic, l’évolution des charges en personnel, des achats et des charges externes.
Lors des négociations avec l’État, que ce soit dans le cadre du « paquet vert » ou du contrat de plan de relance, les sociétés ont eu intérêt, et c’est ce qu’elles ont fait, à minimiser leur capacité à générer des ressources pour obtenir les prolongations de concessions les plus longues au titre des compensations.
Si l’on se réfère aux hypothèses retenues, favorables aux sociétés concessionnaires d’autoroutes, on obtient un TRI de 8,7 %. Si l’on retient des hypothèses favorables à la croissance, comme l’a fait le cabinet privé Microeconomix, on obtient un TRI légèrement supérieur à 10 %.
Notons que, si la différence entre 8,7 % et 10 % paraît insignifiante à première vue, elle représente en réalité quelque 13 milliards d’euros de cash flow entre 2015 et 2033. Un écart d’un point de TRI correspond à un profit supplémentaire pour les sociétés d’une dizaine de milliards d’euros. C’est loin d’être anodin !
Pour obtenir une connaissance plus approfondie du dossier des concessions autoroutières, nous avons besoin d’éléments précis d’éclairage. C’est pourquoi nous vous proposons, mes chers collègues, d’adopter cet amendement.
M. le président. Quel est l’avis de la commission ?
Mme Dominique Estrosi Sassone, corapporteur. On voit mal sur quoi pourrait porter un tel avis de l’Autorité de la concurrence rendu à un instant t. Mieux vaut que celle-ci suive l’ensemble des données dans le temps.
La commission émet donc un avis défavorable.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
Mme Axelle Lemaire, secrétaire d'État. Il ne s’agit pas tant de discuter du niveau le plus adéquat du TRI que de s’interroger sur l’autorité compétente pour délivrer des informations, sur ce sujet comme sur d’autres.
Or ce débat a déjà eu lieu, et le Gouvernement a fait le choix de confier à une autorité spécialisée, l’ARAFER, tous les pouvoirs de contrôle et de sanction dans ce secteur, s’inspirant du modèle de l’ARCEP pour le secteur des télécoms, que je connais bien.
Nous pensons qu’il convient de poursuivre cette logique d’extension et de renforcement des pouvoirs de l’ARAFER. Ce faisant, il ne serait pas logique de confier de nouvelles missions à l’Autorité de la concurrence.
Le Gouvernement demande donc le retrait de cet amendement.
M. le président. Madame Didier, l'amendement n° 1364 est-il maintenu ?
Mme Évelyne Didier. Madame la secrétaire d’État, l’un n’empêche pas l’autre !
L’Autorité de la concurrence a déjà rendu un rapport très détaillé sur le sujet. Si, dès le départ, on l’avait interrogée sur le TRI, elle aurait pu expliquer ce qui s’était passé depuis la privatisation, ce qui nous aurait peut-être épargné de longs débats sur la question.
Au demeurant, il s’agit juste de faire le point à un moment donné, afin de repartir sur de bonnes bases ; nous n’exigeons pas la remise d’un rapport annuel !
Je maintiens donc cet amendement, monsieur le président.
M. le président. L'amendement n° 1365, présenté par Mmes Assassi, Didier et les membres du groupe communiste républicain et citoyen, est ainsi libellé :
Après l’article 5
Insérer un article additionnel ainsi rédigé :
L’Autorité de la concurrence remet au Parlement un avis sur le dernier plan de relance autoroutier validé par la Commission européenne, qui porterait notamment sur l’existence éventuelle de surcompensations et sur la répartition des marchés. Cet avis est rendu dans les trois mois suivant la promulgation de la présente loi.
La parole est à M. Patrick Abate.
M. Patrick Abate. Le 28 octobre dernier, la Commission européenne a partiellement validé la mise en œuvre du plan de relance autoroutier notifié par la France le 16 mai 2014. Rien ne va changer !
Pourtant, de nombreuses critiques ont été adressées à l’État et aux sociétés concessionnaires d’autoroutes sur le modèle du plan de relance, qu’elles soient contenues dans les rapports de la Cour des comptes et de l’Autorité de la concurrence ou dans les rapports parlementaires.
Ainsi, le système reste intact. On part sur les mêmes hypothèses favorables aux sociétés autoroutières.
Rappelons que, dans son rapport, la Cour des comptes concluait, à propos des plans de relance, que « le modèle économique est donc construit de telle sorte que tout investissement est compensé par une hausse de tarifs. Les bénéfices des sociétés concessionnaires n’ont pas à être réinvestis dans des investissements nouveaux ou dans des diminutions de tarifs. Par construction, ce modèle ne peut qu’aboutir à une hausse constante et continue des tarifs ».
D’une part, avec le nouveau plan de relance, le Gouvernement montre en réalité son absence de volonté politique pour mettre fin à l’allongement des concessions et aux compensations favorables aux sociétés.
Comme le note notre collègue député Jean-Paul Chanteguet dans son rapport d’information, « le plan de relance autoroutier qui vient d’obtenir le feu vert de Bruxelles marque bien cette fuite en avant qui caractérise notre politique de financement des infrastructures de transport. En effet, la contrepartie du programme d’investissement de 3,271 milliards d’euros que se sont engagées à mettre en œuvre, sur près de 11 ans, les six sociétés historiques plus Cofiroute, ne se limite pas uniquement à un allongement de la durée des concessions pouvant aller jusqu’à plus de quatre ans, soit une augmentation de 30 % de la durée restante, elle se traduit aussi par un élargissement du périmètre concédé ».
D’ailleurs, la réalisation de travaux complémentaires qui ne s’imposaient pas contractuellement sur les réseaux et la persistance de marchés de gré à gré s’apparente « fortement à la pratique de l’adossement », de l’avis même de l’Autorité de la concurrence. La directive du 31 mars 2004 relative à la coordination des procédures de passation des marchés publics de travaux, de fournitures et de services autorise le concédant à attribuer des travaux complémentaires au concessionnaire, sans publicité ni mise en concurrence, par avenant au contrat.
À ce sujet, le Gouvernement non seulement persiste, mais trouve des arguments juridiques pour défendre le nouveau plan de relance. L’obstacle que pouvaient rencontrer les sociétés autoroutières était la limitation des travaux à 50 % du montant de la concession initiale. Si l’on prenait en compte la date de création des sociétés d’économie mixte concessionnaires d’autoroutes – les années cinquante et soixante –, le plan de relance autoroutier n’aurait pas été compatible avec la directive. On a donc retenu la date du 31 décembre 1997 comme référence pour l’ouvrage initial.
D’autre part, au-delà de la question de la compensation des travaux, on a attiré notre attention sur l’impact fiscal du plan de relance. Les sociétés concessionnaires d’autoroutes vont voir leurs amortissements fiscalement déductibles augmenter de près de 188 millions d’euros.