M. le président. Veuillez conclure, mon cher collègue.
M. Patrick Abate. Nous sollicitons donc l’avis de l’Autorité de la concurrence sur le plan de relance.
M. le président. Quel est l’avis de la commission ?
Mme Dominique Estrosi Sassone, corapporteur. Dans son avis de septembre 2014, l’Autorité de la concurrence a déjà abordé la question du plan de relance autoroutier.
En conséquence, l'avis de la commission est défavorable.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
Mme Axelle Lemaire, secrétaire d'État. Le Gouvernement comprend votre raisonnement, monsieur le sénateur. Toutefois, comme cela vient d’être indiqué, un avis a déjà été rendu sur la question. Par ailleurs, les réflexions très nourries du groupe de travail sur ce sujet nous font penser que le débat a déjà largement eu lieu.
Désormais, le Gouvernement veut avancer. Nous attendons beaucoup de ce plan de relance, un plan d’investissements qui doit aussi contribuer à la croissance et se traduire par des créations d’emplois.
Je ne reviendrai pas sur les missions et les pouvoirs confiés à l’ARAFER, qui ont été évoqués à l’instant, mais je vous rappelle que cette autorité aura pour mission de réguler le secteur des autoroutes et qu’elle se penchera aussi vraisemblablement sur la mise en œuvre de ce plan de relance.
En conséquence, le Gouvernement émet un avis défavorable.
M. le président. La parole est à M. Pierre Médevielle, pour explication de vote.
M. Pierre Médevielle. Après avoir écouté les deux dernières interventions des membres du groupe CRC, je voudrais apporter quelques précisions.
Tout d’abord, le rapport du cabinet Microeconomix ressemblait surtout à une lettre au père Noël, puisqu’il s’agissait de racheter les concessions autoroutières pour 30 milliards d’euros et de les revendre pour 40 milliards d’euros le lendemain. Je vous avoue que j’envisageais de postuler ! (Sourires sur les travées de l’UDI-UC et de l’UMP.)
M. Macron a avancé à juste titre tout à l’heure une fourchette prudente de 40 à 55 milliards d’euros et a redit qu’il n’était pas certain de trouver des concessionnaires. Restons sérieux sur les chiffres !
Quant au calcul de rentabilité interne utilisé par l’Autorité de la concurrence, même s’il a suscité une légitime émotion, il se révèle qu’il était inadapté pour calculer la rentabilité d’une concession sur une longue durée. Si, demain, Bercy calcule le taux de rentabilité des entreprises françaises en occultant leur dette et tous leurs investissements, nous serons certainement la première puissance économique européenne, voire mondiale !
Mme Évelyne Didier. Nous ne sommes pas d’accord !
M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 1365.
(L'amendement n'est pas adopté.)
Article 5 bis A
(Supprimé)
M. le président. L'amendement n° 433, présenté par M. Desessard et les membres du groupe écologiste, est ainsi libellé :
Rétablir cet article dans la rédaction suivante :
Sur les autoroutes comportant au moins trois voies et traversant ou menant vers une métropole, une de ces voies peut être réservée aux heures de forte fréquentation à la circulation des véhicules les plus sobres et les moins polluants, des transports en commun, des taxis, des véhicules des services d’autopartage, des véhicules utilisés en covoiturage lorsque le véhicule est utilisé par au moins trois personnes. Les conditions de mise en œuvre de ces dispositions sont précisées par décret en Conseil d’État, notamment pour définir les heures, le type de voies concerné, les aménagements nécessaires à la sécurité et à l’information des usagers, ainsi que les circonstances dans lesquelles les exceptions à ce dispositif doivent être définies.
La parole est à M. Jean Desessard.
M. Jean Desessard. Cet amendement vise à rétablir un article supprimé par la commission spéciale.
Nous proposons que, sur les autoroutes comportant au moins trois voies et traversant une métropole ou y menant, une de ces voies puisse être réservée, aux heures de forte fréquentation, à la circulation des véhicules les plus sobres et les moins polluants, des transports en commun, des taxis, des véhicules des services d’autopartage et des véhicules utilisés en covoiturage.
Une telle mesure permettrait de fluidifier significativement le trafic. En effet, constatant que les véhicules propres et les covoiturages arrivent plus vite à destination, les usagers seraient ainsi incités à les adopter.
Il ne s’agit pas d’une lubie des écologistes, puisqu’une telle disposition existe déjà en Californie. Elle permettrait aussi d’amorcer une relance de l’industrie automobile vers des véhicules plus propres, moins polluants.
La commission spéciale a supprimé cet article au motif qu’il était redondant avec le projet de loi relatif à la transition énergétique. Son argumentation peut toutefois être discutée.
En effet, l’article 14 quater dudit projet de loi prévoit simplement un rapport – j’y insiste – pour évaluer l’opportunité de réserver une voie aux transports en commun, aux taxis et aux covoitureurs. L’article 5 bis A est plus contraignant, puisqu’il renvoie la mise en application à un décret et qu’il inclut les véhicules sobres dans les utilisateurs possibles de cette voie réservée.
Voilà pourquoi nous proposons le rétablissement de cet article.
M. le président. Quel est l’avis de la commission ?
Mme Dominique Estrosi Sassone, corapporteur. En effet, la commission spéciale a supprimé cet article, cher collègue.
Le sujet a déjà été abordé dans le projet de loi relatif à la transition énergétique. Certes, dans ce projet de loi, seul un rapport du Gouvernement au Parlement est prévu pour l’instant. Néanmoins, s’il doit y avoir une évolution, c’est dans ce texte qu’elle doit avoir lieu, et non dans le projet de loi pour la croissance, l’activité et l’égalité des chances économiques.
La commission spéciale a donc émis un avis défavorable sur cet amendement.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
Mme Axelle Lemaire, secrétaire d'État. Cette disposition que vous proposez de rétablir, monsieur le sénateur, concerne la question des voies réservées au transport collectif ou au covoiturage, sous certaines conditions – les autoroutes doivent comporter au minimum trois voies et le véhicule concerné doit transporter au moins trois personnes.
Le Gouvernement s’est déjà engagé dans ce type de démarches. Par exemple, en concertation avec la ville de Paris et le STIF, il a décidé l’ouverture de sept voies supplémentaires sur les autoroutes d’ici à 2020. Il a également décidé que la desserte des aéroports sur les autoroutes A 1 et A 6 sera assurée dès 2015.
Il est vrai que cette disposition est susceptible de répondre à des préoccupations environnementales. Je vous en parle d’autant plus aisément que j’ai été députée d’une circonscription d’Europe du Nord qui inclut des pays ayant mis en place des dispositifs semblables de manière assez efficace.
Compte tenu de tous ces éléments, le Gouvernement s’en remet à la sagesse de la Haute Assemblée.
M. le président. La parole est M. Jean-Claude Requier, pour explication de vote.
M. Jean-Claude Requier. Je suis assez intéressé par cette proposition – comme quoi les radicaux rejoignent quelquefois les écologistes ! Quand il y a un embouteillage et qu’une voie ne sert à rien, il est assez tentant d’autoriser des véhicules à circuler sur cette dernière. Je pense donc que je voterai en faveur de cet amendement.
S’agissant de l’autoroute qui dessert Roissy, nous pourrions décider d’y établir une voie réservée jusqu’à ce que la liaison Charles-de-Gaulle Express fonctionne.
Mme Nicole Bricq. Très bien !
M. le président. En conséquence, l'article 5 bis A est rétabli dans cette rédaction.
Article 5 bis
(Supprimé)
Articles additionnels après l'article 5 bis
M. le président. Je suis saisi de deux amendements identiques.
L'amendement n° 520 rectifié est présenté par M. Nègre.
L'amendement n° 1421 rectifié est présenté par M. Médevielle et les membres du groupe Union des Démocrates et Indépendants - UC.
Ces deux amendements sont ainsi libellés :
Après l’article 5 bis
Insérer un article additionnel ainsi rédigé :
Le chapitre Ier du titre III du livre Ier de la deuxième partie du code des transports est complété par un article L. 2131-… ainsi rédigé :
« Art. L. 2131-… – L’Autorité de régulation des activités ferroviaires et routières peut recueillir des données, procéder à des expertises et mener des études et toutes actions d’information nécessaires dans le secteur ferroviaire. Elle peut notamment, par une décision motivée, prévoir la transmission régulière d’informations par les gestionnaires d’infrastructure, les exploitants d’infrastructures de service, les entreprises ferroviaires et la SNCF.
« À cette fin, les gestionnaires d’infrastructure, les exploitants d’infrastructures de service, les entreprises ferroviaires et la SNCF sont tenus de lui fournir les informations statistiques concernant l’utilisation des infrastructures, la consistance et les caractéristiques de l’offre de transport proposée, la fréquentation des services ainsi que toute information relative aux résultats économiques et financiers correspondants. »
L'amendement n° 520 rectifié n’est pas soutenu.
La parole est à M. Pierre Médevielle, pour présenter l'amendement n° 1421 rectifié
M. Pierre Médevielle. Si, en apparence, cet amendement tend à introduire un article additionnel, il constitue en réalité une mesure de coordination. Il vise en effet à aligner le droit d’accès à l’information de l’autorité de régulation des activités ferroviaires et routières, dans le secteur ferroviaire, sur les dispositions qui viennent d’être adoptées pour le secteur des transports routiers de voyageurs et le secteur autoroutier, par pur parallélisme des formes.
M. le président. Quel est l’avis de la commission ?
Mme Dominique Estrosi Sassone, corapporteur. La commission spéciale émet un avis favorable à cet amendement, qui tend à compléter utilement le dispositif.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
Mme Axelle Lemaire, secrétaire d'État. Les dispositions de cet amendement vont dans le sens d’une plus grande cohérence, mais aller au-delà constituerait une mesure relative à la régulation des services ferroviaires qui irait elle-même au-delà du champ d’application de ce projet de loi.
Le Gouvernement s’en remet donc à l’avis de sagesse du Sénat.
M. le président. En conséquence, un article additionnel ainsi rédigé est inséré dans le projet de loi, après l'article 5 bis.
Article 6
I. – L’article L. 122-4 du code de la voirie routière est ainsi modifié :
1° Au deuxième alinéa et à la dernière phrase du quatrième alinéa, après le mot : « État », sont insérés les mots : « pris après avis de l’Autorité de régulation des activités ferroviaires et routières » ;
1° bis L’avant-dernière phrase de l’avant-dernier alinéa est remplacée par deux phrases ainsi rédigées :
« Le cahier des charges prévoit un dispositif de modération des tarifs de péages, de réduction de la durée de la concession ou d’une combinaison des deux, applicable lorsque les revenus des péages ou les résultats financiers excèdent les prévisions initiales. En cas de contribution de collectivités territoriales ou de l’État au financement de la délégation, ce dispositif peut, à la place ou en complément, prévoir un partage d’une partie des résultats financiers de la délégation au profit de l’État et des collectivités territoriales contributrices. » ;
2° La deuxième phrase de l’avant-dernier alinéa est complétée par les mots : « , le cas échéant dans les conditions prévues à l’article L. 122-8 ».
II. – L’article L. 122-4-1 du même code est ainsi rétabli :
« Art. L. 122-4-1. – En cas de délégation des missions du service public autoroutier, la convention de délégation, le cahier des charges annexé, y compris la version modifiée par leurs avenants, ainsi que les autres documents contractuels, sont mis à disposition du public par voie électronique, selon des modalités arrêtées par l’autorité administrative compétente. L’autorité administrative compétente arrête également les modalités de consultation des documents dont le volume ou les caractéristiques ne permettent pas la mise à disposition par voie électronique.
« Cette publication est réalisée dans le respect des secrets protégés par la loi. »
M. le président. La parole est à Mme Évelyne Didier, sur l’article.
Mme Évelyne Didier. L’article 6 du projet de loi dispose, sur l’initiative des députés, que le cahier des charges annexé à chaque convention de délégation prévoit un dispositif de modération des tarifs de péage, de réduction de la durée de la concession ou une combinaison des deux, applicable lorsque les revenus des péages ou les résultats financiers excèdent les prévisions initiales.
En cas de contribution des collectivités territoriales ou de l’État au financement de la délégation – cela arrive ! –, le dispositif peut prévoir, en lieu et place ou en complément, un partage d’une partie des résultats financiers de la délégation au profit de l’État et des collectivités territoriales contributrices.
Cette disposition constitue un moindre mal, mais pas la réponse. Une telle précision reste limitée au regard de l’ensemble de la question de la rente autoroutière.
En effet, comme nous avons eu l’occasion de le rappeler, les SCA ont bénéficié, depuis la privatisation de 2006, de nombreux avantages : avantages fiscaux, avantages en raison d’une loi tarifaire favorable, en raison de la prolongation des durées de concessions, de la compensation des travaux ne relevant pas forcément de ce cadre, ou encore en raison des marchés passés de gré à gré avec les entreprises du BTP de leur groupe. Elles ne sont donc pas à plaindre !
Au-delà des tarifs des péages qui ne cessent d’augmenter, les SCA facturent d’autres services pourtant compensés. Mes chers collègues, je vous en fournis un exemple concret. Une personne m’a écrit pour me dire que « depuis quelques années, les chèques vacances donnés aux salariés et qui servent à payer l’autoroute sont utilisables si on souscrit à un badge APRR ». Ce badge est payant ! Ainsi, les sociétés ont réduit leurs effectifs et par conséquent leurs coûts. Et ce sont les usagers qui supportent maintenant ce coût, puisqu’ils paient le contrat d’accès à ce badge.
Cela soulève la question du télépéage et de l’automatisation des péages, avec paiement par carte bleue, qui a permis aux SCA de réaliser une diminution de leurs charges, notamment par une baisse importante des effectifs des péages.
Or cette baisse des charges n’a pas été répercutée sur les prix des péages et n’a jamais bénéficié aux usagers. Sans compter que, aux termes du « paquet vert », l’automatisation a même été intégrée dans le système de compensation – tant qu’à faire !
Quant au télépéage, la personne que je citais à l’instant souligne le coût de l’abonnement à ce système, qui peut s’élever jusqu’à vingt euros par an, pour certaines sociétés. Là encore, nous pourrions considérer que, compte tenu du gain procuré par cette automatisation, les sociétés ne devraient pas faire payer à l’usager cet abonnement. Voilà quelques exemples facilement accessibles. Ils montrent que, sincèrement, les sociétés d’autoroutes ne sont pas à plaindre !
M. le président. La parole est à Mme Laurence Cohen, sur l’article.
Mme Laurence Cohen. Avec l’extension de ses compétences, l’ARAF, transformée en ARAFER, vient s’immiscer dans tous les domaines relatifs aux activités de transports.
L’article prévoit que les décrets pris en Conseil d’État concernant les modalités de dérogation au principe de gratuité des autoroutes – principe inscrit dans notre code de la voirie routière – devront dorénavant dépendre d’un avis donné par l’autorité de régulation des activités ferroviaires et routières. Rappelons une fois de plus que l’ARAF était une entité mise en place afin de répondre aux exigences de la Commission européenne, dans le cadre d’une ouverture à la concurrence du transport ferroviaire.
En matière de transport et de maillage territorial, une somme de critères doit être prise en compte pour établir une politique globale et cohérente. Les questions du développement économique, de la desserte des zones géographiques, y compris les moins rentables, pour répondre aux besoins de nos concitoyens, du transport marchand, de la transition énergétique et du développement des modes de locomotion non polluants sont au cœur de notre politique des transports. Or, avec cette autorité indépendante, qui prend de plus en plus d’importance, c’est la maîtrise publique qui recule davantage.
L’ARAFER, pour accomplir ses missions dites « de régulation », se fonde sur le critère prédominant qu’est le critère économique et laisse de côté les autres paramètres que je viens de citer.
Or, lorsqu’il sera question de rendre une autoroute payante ou d’accorder un allongement de la durée de délégation ou une hausse des tarifs de péages à un concessionnaire d’autoroutes, l’avis de l’ARAFER sera indispensable. Nous ne pouvons, dans l’organisation d’une politique nationale de transport, accepter que seule une logique de marché prévale.
La privatisation des autoroutes en est pour nous un exemple probant ; je n’y reviendrai pas plus longtemps, puisque nous avons déjà eu des échanges sur ce sujet.
Toutefois, rappelons pour mémoire que pour 100 euros récoltés par les concessionnaires, 20 euros vont directement dans les poches des actionnaires. Comment accepter cette perte de souveraineté de l’État sur l’organisation du territoire, mais également ce manque à gagner considérable pour la puissance publique ? Et comment justifier que des millions de personnes qui traversent la France chaque année dépensent des sommes astronomiques en péages sans que cela ait pour effet de permettre aux sociétés de financer de nouveaux investissements des infrastructures, mais dans l’unique objectif d’enrichir les actionnaires de concessions qui ont déjà été rachetées à un prix totalement sous-évalué ?
Par conséquent, vous l’aurez compris, mes chers collègues, nous nous inscrivons dans une tout autre logique que celle qui est portée par cet article 6.
M. le président. L'amendement n° 1355 rectifié, présenté par Mme Assassi, M. Abate, Mme Beaufils, MM. Billout, Bocquet et Bosino, Mmes Cohen, Cukierman, David et Demessine, MM. Favier et Foucaud, Mme Gonthier-Maurin, MM. P. Laurent et Le Scouarnec, Mme Prunaud et MM. Vergès et Watrin, est ainsi libellé :
Supprimer cet article.
La parole est à M. Thierry Foucaud.
M. Thierry Foucaud. La privatisation des SCA a fait évoluer durablement les relations entre ces sociétés et l’État sans bien sûr que le cadre juridique du suivi des concessions ni l’organisation de l’État pour assurer ce suivi n’évoluent en conséquence.
En ce qui concerne, d’ailleurs, les sociétés concessionnaires privées dites « historiques », les conditions actuelles ne permettent pas de garantir que les intérêts des usagers et de l’État sont suffisamment pris en compte.
En matière de contrôle des obligations des concessionnaires en termes de préservation du patrimoine en service et de qualité du service rendu aux usagers, la DIT a engagé des chantiers importants, notamment l’insertion d’indicateurs de performance assortis de pénalités dans les contrats de plan, mais également le renforcement de ses équipes pour commencer à prendre en compte la dimension patrimoniale des bâtiments. Elle bénéficie d’une expertise reconnue, renforcée par le réseau scientifique et technique du ministère.
Pour autant, les contrôles relatifs à la préservation du patrimoine sont trop peu fréquents, notamment en ce qui concerne les chaussées, les ouvrages en terre et les aménagements « environnementaux » et leur méthodologie reste insuffisamment formalisée.
L’État se montre insuffisamment exigeant lorsque se produit un cas de non-respect des obligations par les concessionnaires, qu’il s’agisse de préserver le patrimoine, de respecter tous les engagements souscrits aux termes des contrats de plan ou de transmettre les données physico-financières demandées par le concédant.
En ce qui concerne les évolutions tarifaires, il apparaît que le cadre juridique actuel n’est plus à même de protéger les intérêts du concédant et des usagers. Les hausses de tarifs annuelles dont bénéficient les concessionnaires historiques ne sont pas suffisamment régulées.
Ces quelques phrases que je viens de citer figurent en toutes lettres dans le texte des conclusions du rapport réalisé pour le compte de la commission des finances de l’Assemblée nationale par les services de la Cour des comptes, en janvier 2013.
Ces phrases montrent avec précision que le processus de privatisation des sociétés concessionnaires d’autoroutes a été mené en dépit de la plus élémentaire prudence et sans véritablement tenir compte des intérêts de l’État et de la puissance publique.
L’action de l’autorité de régulation des activités ferroviaires et routières ne règlera sans doute pas la difficulté, d’autant que la formule choisie dans le présent article 6 pour garantir ou au moins protéger le respect des intérêts de l’État et des usagers de la route semble bel et bien insuffisante.
En effet, la déontologie en vigueur en matière de passation de marchés ne semble pas de nature à éviter que les actionnaires des actuelles sociétés privées gestionnaires du réseau routier concédé ne continuent à y trouver leur compte.
M. le président. Quel est l’avis de la commission ?
Mme Dominique Estrosi Sassone, corapporteur. En cohérence avec la position qu’elle a prise sur l’article 6, la commission spéciale est défavorable à cet amendement.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
Mme Axelle Lemaire, secrétaire d'État. L’article 6 définit le dispositif qui permet le contrôle effectif de la concession et met en place, en particulier, un processus de transparence inédit.
Ainsi – j’y suis d’autant plus sensible que cela permet de recourir aux outils numériques –, le cahier des charges, la convention de délégation, la délégation elle-même, y compris la version modifiée par tous les avenants, et tous les autres documents contractuels, bref, toutes les informations relatives à la concession seront désormais disponibles sur Internet et accessibles au grand public, afin de garantir toutes les conditions possibles de transparence.
Je vois mal comment l’on peut être hostile à cet article, sauf à s’opposer au choix du Gouvernement de maintenir le dispositif de concession d’autoroutes. L’article 6 va exactement dans le même sens que les autres dispositions prévues pour un meilleur contrôle, une meilleure régulation et une plus grande transparence. Il est essentiel à l’équilibre du projet de loi.
Le Gouvernement émet donc un avis défavorable sur cet amendement.
M. le président. La parole est à Mme Cécile Cukierman, pour explication de vote.
Mme Cécile Cukierman. Je pense qu’il est utile de revenir au contenu du rapport rédigé par la Cour des comptes sous la responsabilité directe de son Premier président, à la demande de la commission des finances de l’Assemblée nationale. Dans ce rapport, la haute juridiction financière formulait un certain nombre de recommandations, que je souhaite rappeler :
« 1. Définir et formaliser, pour les contrats de plan et les autres avenants aux contrats de concession, une procédure interministérielle de conduite des négociations et de décision comportant notamment un mandat de négociation interministériel, un suivi interministériel régulier de l’avancée des négociations et obtenir à la fin de ces dernières l’approbation formelle par le Premier ministre des contrats négociés et des hypothèses sur lesquelles ils s’appuient ;
« 2. Mettre en œuvre les dispositions contraignantes prévues par les cahiers des charges en cas de non-respect par les concessionnaires de leurs obligations contractuelles, en particulier de celles relatives à la préservation du patrimoine ou de transmission de données. Au besoin, subordonner l’ouverture des négociations relatives au contrat de plan au respect de ces obligations ;
« 3. Réaliser systématiquement une contre-expertise, formalisée et documentée, de tous les coûts prévisionnels des investissements, ainsi que le bilan des contrats de plan précédents (bilan financier de l’article 7-5 et des surcoûts éventuels), les surcoûts d’exploitation et les coûts de renouvellement ;
« 4. Revoir le décret de 1995, afin de définir un plafond d’évolution des hausses de tarifs, qui s’appliquerait également aux contrats de plan ;
« 5. Élaborer une doctrine sur le champ des opérations compensables, définir avec plus de précision le bon état du patrimoine et préciser les attentes du concédant relatives aux biens de retour et aux biens de reprise ;
« 6. Inclure toutes les opérations compensées dans le champ de l’article 7-5 (ou 7-4) et les documenter dans des fiches descriptives détaillées et précises annexées aux contrats de plan ;
« 7. Formaliser la méthodologie des contrôles relatifs au patrimoine et accroître la fréquence des contrôles, notamment pour vérifier l’état des chaussées, des ouvrages en terre et aménagements “environnementaux” ;
« 8. Réaliser une analyse ex post des modèles financiers des contrats de plan et du "paquet vert" et obtenir des concessionnaires le montant des coûts réalisés des investissements prévus aux contrats de plan et dans le "paquet vert", afin de s’assurer de la tenue des engagements.
Nulle part, parmi les recommandations formulées par les sages de la rue Cambon, ne figure la moindre idée de transfert du suivi des concessions autoroutières à la moindre autorité indépendante. La plupart des recommandations formulées peuvent fort bien être mises en œuvre par les directions du ministère. Il en est même appelé à la diligence du ministère des finances, tout autant qu’à celle des services du ministère des transports.
Le principal fait souligné par ces recommandations est que le cahier des charges établi au moment de la cession des parts de l’État dans les sociétés d’économie mixte est trop favorable aux nouveaux concessionnaires. Cette situation est encore plus regrettable quand on connaît la qualité des actionnaires.
Autoroutes Paris-Rhin-Rhône, ou APRR, qui exploite notamment les autoroutes A 5 et A 6, et présente un chiffre d’affaires de juste 2,1 milliards d'euros et un résultat net de juste 392 millions d'euros, appartient pour l’essentiel à une alliance entre le groupe Eiffage, spécialisé dans les travaux publics – nous en avons parlé –, et le fonds australien Macquarie.
Le groupe Vinci contrôle pour sa part Cofiroute et Autoroutes du sud de la France, ou ASF ; il est particulièrement présent sur les grands chantiers de travaux publics.
Quant à l’espagnol Abertis, il gère lui aussi un important patrimoine – notamment l’autoroute A 1 et l’autoroute de Normandie –, en accord avec la Caisse des dépôts et consignations, le groupe AXA, le Crédit agricole et quelques fonds communs de placement ou fonds spécialisés.
Cela signifie qu’une bonne partie des contrats d’entretien se trouve confiée à des équipes de nettoyage placées au meilleur endroit pour mesurer l’apport de ces personnes à la vie sociale telle qu’elle se dessine désormais.
Mes chers collègues, c’est sous le bénéfice de ces observations que je vous invite à voter notre amendement.