Sommaire
Présidence de M. Claude Bérit-Débat
Secrétaires :
MM. Christian Cambon, Jean-Pierre Leleux.
3. Croissance, activité et égalité des chances économiques. – Suite de la discussion en procédure accélérée d'un projet de loi dans le texte de la commission
Amendement n° 6 de Mme Éliane Assassi. – Rejet.
Amendement n° 1632 du Gouvernement. – Adoption.
Amendement n° 1398 de Mme Éliane Assassi. – Rejet.
Amendement n° 1399 de Mme Éliane Assassi. – Rejet.
Amendement n° 1680 de la commission. – Adoption.
Adoption de l’article modifié.
Amendement n° 428 de M. Jean Desessard. – Rejet.
Amendement n° 7 rectifié de Mme Éliane Assassi. – Retrait.
Amendement n° 1034 de Mme Éliane Assassi. – Retrait.
Amendement n° 1686 de la commission. – Adoption.
Adoption de l’article modifié.
Article additionnel après l’article 3 bis A
Amendement n° 1036 de Mme Éliane Assassi. – Rejet.
Amendement n° 1037 de Mme Éliane Assassi. – Rejet.
Amendement n° 1685 de la commission. – Adoption.
Adoption de l’article modifié.
Article additionnel après l’article 3 bis
Amendement n° 1039 rectifié de Mme Éliane Assassi. – Rejet.
L’article demeure supprimé.
Amendement n° 1040 de M. Paul Vergès. – Rejet.
L’article demeure supprimé.
M. Emmanuel Macron, ministre de l'économie, de l'industrie et du numérique
5. Décisions du Conseil constitutionnel sur deux questions prioritaires de constitutionnalité
Suspension et reprise de la séance
PRÉSIDENCE DE M. Gérard Larcher
6. Questions d'actualité au Gouvernement
MM. Jean Desessard, Christian Eckert, secrétaire d'État auprès du ministre des finances et des comptes publics, chargé du budget
projet de loi pour la croissance, l'activité et l'égalité des chances économiques
M. Dominique Watrin, Mme Axelle Lemaire, secrétaire d'État auprès du ministre de l'économie, de l'industrie et du numérique, chargée du numérique
mesures pour l'investissement et l'économie
Mme Nelly Tocqueville, M. Christian Eckert, secrétaire d'État auprès du ministre des finances et des comptes publics, chargé du budget
rachat de la chaîne numéro 23 par nextradiotv (BFMTV)
Mmes Catherine Morin-Desailly, Fleur Pellerin, ministre de la culture et de la communication
redécoupage électoral pour les élections départementales
MM. Christian Cambon, Bernard Cazeneuve, ministre de l'intérieur
évolution de la politique en centrafrique
MM. Guillaume Arnell, Laurent Fabius, ministre des affaires étrangères et du développement international
accord sur le nucléaire iranien
MM. Jean-Yves Leconte, Laurent Fabius, ministre des affaires étrangères et du développement international
dysfonctionnements des sociétés d'état
MM. Philippe Dominati, Christian Eckert, secrétaire d'État auprès du ministre des finances et des comptes publics, chargé du budget
MM. Jean-Claude Lenoir, Alain Vidalies, secrétaire d'État auprès de la ministre de l'écologie, du développement durable et de l'énergie, chargé des transports, de la mer et de la pêche
MM. Gilbert Roger, Bernard Cazeneuve, ministre de l'intérieur
Suspension et reprise de la séance
PRÉSIDENCE DE Mme Isabelle Debré
7. Souhaits de bienvenue à une délégation de la Nouvelle-Zélande
8. Candidature à un organisme extraparlementaire
9. Croissance, activité et égalité des chances économiques. – Suite de la discussion en procédure accélérée d’un projet de loi dans le texte de la commission
Amendement n° 393 rectifié de M. Didier Guillaume. – Rejet.
Adoption de l’article.
Articles additionnels après l’article 3 quinquies
Amendement n° 719 rectifié de M. Philippe Dominati. – Retrait.
Amendement n° 720 rectifié de M. Philippe Dominati. – Retrait.
Mme Dominique Estrosi Sassone, corapporteur de la commission spéciale
Amendement n° 5 de Mme Éliane Assassi. – Rejet.
Amendement n° 430 de M. Jean Desessard. – Rejet.
Amendement n° 1041 de Mme Éliane Assassi. – Rejet.
Amendement n° 860 rectifié bis de Mme Fabienne Keller. – Adoption.
Amendement n° 1538 du Gouvernement. – Rejet.
Adoption de l’article modifié.
PRÉSIDENCE DE M. Jean-Pierre Caffet
Amendement n° 431 de M. Jean Desessard. – Rejet.
L’article demeure supprimé.
Article additionnel après l’article 4 bis
Amendement n° 1353 de Mme Éliane Assassi. – Rejet par scrutin public.
Amendement n° 1354 rectifié de Mme Éliane Assassi. – Rejet.
Amendement n° 1357 de Mme Éliane Assassi. – Retrait.
Amendement n° 1356 de Mme Éliane Assassi. – Retrait.
Amendement n° 571 rectifié bis de M. Hervé Maurey. – Retrait.
Amendement n° 678 de M. Didier Guillaume. – Adoption.
Amendement n° 679 de M. Didier Guillaume. – Adoption.
Amendement n° 1539 du Gouvernement. – Adoption.
Amendement n° 1358 rectifié bis de Mme Éliane Assassi. – Devenu sans objet.
Amendement n° 1540 du Gouvernement. – Adoption.
Suspension et reprise de la séance
10. Nomination d’un membre d’un organisme extraparlementaire
11. Croissance, activité et égalité des chances économiques. – Suite de la discussion d’une proposition de loi en procédure accélérée dans le texte de la commission
Mme Éliane Assassi ; M. Vincent Capo-Canellas, président de la commission spéciale ; M. le président.
Amendement n° 1359 rectifié de Mme Éliane Assassi. – Adoption.
Amendement n° 1363 de Mme Éliane Assassi. – Rejet.
Amendement n° 1422 rectifié de M. Pierre Médevielle. – Adoption.
Amendement n° 1360 de Mme Éliane Assassi. – Rejet.
Amendement n° 1368 de Mme Éliane Assassi. – Adoption.
Amendement n° 1361 de Mme Éliane Assassi. – Rejet.
Amendement n° 1542 du Gouvernement. – Adoption.
Amendement n° 680 de M. Didier Guillaume. – Rejet par scrutin public.
Adoption de l’article modifié.
Articles additionnels après l'article 5
Amendement n° 1364 de Mme Éliane Assassi. – Rejet.
Amendement n° 1365 de Mme Éliane Assassi. – Rejet.
Amendement n° 433 de M. Jean Desessard. – Adoption de l’amendement rétablissant l’article.
Articles additionnels après l'article 5 bis
Amendement n° 1355 rectifié de Mme Éliane Assassi. – Rejet.
Amendement n° 572 rectifié bis de M. Hervé Maurey. – Retrait.
Amendement n° 681 de M. Didier Guillaume. – Rejet.
Adoption de l’article.
Article 6 bis – Adoption.
Article 6 ter (nouveau) – Adoption.
Amendement n° 10 de Mme Éliane Assassi. – Rejet.
Amendement n° 1677 de la commission. – Adoption.
Amendement n° 1543 du Gouvernement. – Rejet.
Amendement n° 1681 de la commission. – Adoption.
Amendement n° 1682 de la commission. – Adoption.
Amendement n° 1683 de la commission. – Adoption.
Adoption de l’article modifié.
Amendement n° 1409 de Mme Éliane Assassi. – Rejet.
Amendement n° 1544 du Gouvernement. – Rejet.
Amendement n° 1410 de Mme Éliane Assassi. – Rejet par scrutin public.
Amendement n° 1043 de Mme Éliane Assassi. – Rejet.
Adoption de l’article.
Article 8 bis A – Adoption.
Article 8 ter – Adoption.
Amendement n° 665 rectifié de M. Claude Kern. – Rejet.
Amendement n° 1044 de Mme Éliane Assassi. – Rejet.
Adoption de l’article.
Amendement n° 435 rectifié de M. Jean Desessard. – Rejet.
Amendement n° 854 rectifié de M. Éric Doligé. – Rejet.
Amendement n° 1045 de Mme Éliane Assassi. – Rejet.
Amendement n° 666 rectifié bis de M. Claude Kern. – Retrait.
Amendement n° 1459 de M. Didier Guillaume. – Rejet.
Amendement n° 434 de M. Jean Desessard. – Retrait.
Amendement n° 667 rectifié bis de M. Claude Kern. – Retrait.
Adoption de l’article.
Amendement n° 1046 de Mme Éliane Assassi. – Retrait.
Amendement n° 1461 de M. Didier Guillaume. – Rejet.
L’article demeure supprimé.
Amendement n° 1047 de Mme Éliane Assassi. – Rejet.
Amendement n° 1405 de Mme Éliane Assassi. – Rejet.
L’article demeure supprimé.
Amendement n° 1462 de M. Didier Guillaume. – Rejet.
L’article demeure supprimé.
Article additionnel après l’article 8 octies
Renvoi de la suite de la discussion.
12. Ordre du jour
compte rendu intégral
Présidence de M. Claude Bérit-Débat
vice-président
Secrétaires :
M. Christian Cambon,
M. Jean-Pierre Leleux.
1
Procès-verbal
M. le président. Le compte rendu analytique de la précédente séance a été distribué.
Il n’y a pas d’observation ?…
Le procès-verbal est adopté sous les réserves d’usage.
2
Décès d’un ancien sénateur
M. le président. Mes chers collègues, j’ai le regret de vous faire part du décès de notre ancien collègue Yves Coquelle, qui fut sénateur du Pas-de-Calais de 2001 à 2007.
3
Croissance, activité et égalité des chances économiques
Suite de la discussion en procédure accélérée d'un projet de loi dans le texte de la commission
M. le président. L’ordre du jour appelle la suite de la discussion du projet de loi, considéré comme adopté par l’Assemblée nationale en application de l’article 49, alinéa 3, de la Constitution, après engagement de la procédure accélérée, pour la croissance, l’activité et l’égalité des chances économiques (projet n° 300, texte de la commission n° 371, rapport n° 370, tomes I, II et III).
Nous poursuivons la discussion du texte de la commission spéciale.
TITRE IER (SUITE)
LIBÉRER L'ACTIVITÉ
CHAPITRE IER (SUITE)
Mobilité
M. le président. Dans la discussion des articles, nous en sommes parvenus, au sein du chapitre Ier du titre Ier, à l’article 3.
Article 3
I. – Le code des transports est ainsi modifié :
1° À l’article L. 1221-3, après la référence : « L. 2121-12 », est insérée la référence : « , L. 3111-17 » ;
2° Au début de la première phrase du premier alinéa des articles L. 3111-1 et L. 3111-2, sont ajoutés les mots : « Sans préjudice des articles L. 3111-17 et L. 3421-2, » ;
3° (Supprimés)
4° À la première phrase de l’article L. 3111-3, la référence : « de l’article L. 3421-2 » est remplacée par les références : « des articles L. 3111-17 et L. 3421-2 » ;
5° L’article L. 3421-2 est ainsi modifié :
a) Le premier alinéa est ainsi modifié :
– les mots : « peut autoriser » sont remplacés par le mot : « autorise » ;
– après le mot : « personnes », sont insérés les mots : « non établies en France » ;
– les mots : « d’intérêt national » sont remplacés par les mots : « mentionnées à l’article L. 3111-17 » ;
– l’alinéa est complété par une phrase ainsi rédigée :
« Les articles L. 3111-17-1, L. 3111-18 et L. 3111-18-1 s’appliquent à ces dessertes. » ;
b) Le deuxième alinéa est supprimé ;
c) Au dernier alinéa, la référence : « L. 3421-10 » est remplacée par la référence : « L. 3111-25 » ;
5° bis À l’article L. 3451-2, la référence : « et 5° » est remplacée par les références : « , 5° et 6° » ;
5° ter À l’article L. 3452-5-1, le mot : « résident » est remplacé par les mots : « établi en France » ;
6° L’article L. 3452-6 est ainsi modifié :
a) La première phrase du 5° est ainsi modifiée :
– le mot : « résidente » est remplacé, deux fois, par les mots : « établie en France » ;
– après le mot : « occasionnels », sont insérés les mots : « ou réguliers » ;
b) Il est ajouté un 6° ainsi rédigé :
« 6° Le fait, pour une entreprise de transport public routier de personnes, établie ou non en France, d’effectuer un transport en infraction à l’obligation de déclaration prévue au premier alinéa de l’article L. 3111-17-1, aux interdictions et limitations édictées en application du deuxième alinéa du même article, ou sans respecter les délais mentionnés à l’article L. 3111-18-1. Le tribunal peut, en outre, prononcer la peine complémentaire d’interdiction d’effectuer ou de faire effectuer des opérations de transport sur le territoire national pendant une durée maximale d’un an. » ;
6° bis L’article L. 3452-7 est ainsi modifié :
a) Le mot : « résidente » est remplacé, deux fois, par les mots : « établie en France » ;
b) Après le mot : « occasionnels », sont insérés les mots : « ou réguliers » ;
c) La référence : « et L. 3421-3 » est supprimée ;
6° ter L’article L. 3452-8 est ainsi rédigé :
« Art. L. 3452-8. – Est puni de 15 000 € d’amende :
« 1° Le fait, pour l’entreprise ayant commandé des prestations de cabotage routier de marchandises, de ne pas respecter les dispositions de l’article L. 3421-7 ;
« 2° Le fait de recourir à une entreprise de transport public routier de personnes pour exécuter des services librement organisés mentionnés à l’article L. 3111-17 alors que l’entreprise n’y a pas été autorisée en application des articles L. 3113-1 et L. 3411-1.
« Le tribunal peut, en outre, prononcer la peine complémentaire d’interdiction d’effectuer ou de faire effectuer des opérations de transport sur le territoire national pendant une durée maximale d’un an. » ;
7° L’article L. 3521-5 est ainsi rétabli :
« Art. L. 3521-5. – La section 3 du chapitre Ier du titre Ier du livre Ier, le titre II du livre IV de la présente partie, le 5° de l’article L. 3452-6, l’article L. 3452-7 et l’article L. 3452-8 ne sont pas applicables à Mayotte. » ;
8° L’article L. 3551-5 est ainsi rédigé :
« Art. L. 3551-5. – La section 3 du chapitre Ier du titre Ier du livre Ier, le titre II du livre IV de la présente partie, le 5° de l’article L. 3452-6, l’article L. 3452-7 et l’article L. 3452-8 ne sont pas applicables à Saint-Pierre-et-Miquelon. »
II. – Les 1° à 6° du I du présent article ne sont pas applicables à Saint-Martin et Saint-Barthélemy.
M. le président. La parole est à Mme Évelyne Didier, sur l’article.
Mme Évelyne Didier. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, j’évoquerai tout d’abord la mémoire d’Yves Coquelle, ancien membre du groupe CRC, qui vient de décéder. Il s’agissait de l’un des rares ouvriers qui aient siégé au Sénat. Il laissera un grand vide dans sa région, où il était un élu reconnu et estimé.
Monsieur le ministre, j’avais prévu une intervention sur cet article 3, mais j’ai eu le plaisir, ce matin, d’entendre votre voix sur une radio. Avec le journaliste, vous avez évoqué la question du plan de relance en indiquant aux auditeurs que ce plan était sur le point d’être finalisé avec Mme Ségolène Royal – aujourd’hui, vraisemblablement –, et que nous arrivions au bout d’un processus auquel les parlementaires avaient toujours souhaité être associés. Il était question d’un plan de 3,2 milliards d’euros.
J’ai participé aux différents groupes de travail sur cette question, mais, compte tenu de notre dernière réunion et de la manière dont elle s’est terminée, je dois dire que je n’ai pas eu, à titre personnel, beaucoup d’informations sur le sujet. Je vous saurais donc gré, à l’occasion de cet article ou de l’article 5 qui traite du thème des autoroutes, de bien vouloir en dire davantage à la représentation nationale.
Par ailleurs, nous apprenons qu’il y aura un gel des tarifs autoroutiers pour l’année 2015. Pouvez-vous nous indiquer comment ce gel va être rattrapé, puisque nous savons bien qu’en matière de contrat, en principe, tout se rattrape et tout se compense ?
Les contrats sont verrouillés. Dès lors, assisterons-nous à un report sur l’année 2016, voire plus tard encore ?
Mme Nicole Bricq. On va en parler ! Il faut attendre la séance des questions d’actualité au Gouvernement pour poser une telle question !
Mme Évelyne Didier. Non madame, ce n’est pas une question d’actualité au Gouvernement, et je ne comprends pas votre intervention ! Mon interrogation s’inscrit pleinement dans le texte que nous examinons. Si elle vous dérange, cela m’ennuie…
Je souhaite donc savoir si un report est envisagé, puisque tout doit être effectivement compensé. Mais j’ai également entendu dire sur d’autres radios qu’il était prévu de compenser un tel gel par un supplément de 500 millions d’euros de travaux…
Mme Nicole Bricq. Cela fait travailler le BTP ! C’est bien, cela crée de l’emploi !
Mme Évelyne Didier. Ce serait une bonne chose que la représentation nationale soit informée, monsieur le ministre !
À propos des emplois, j’ai entendu que le plan de relance créerait 10 000 emplois, mais j’ai également entendu le chiffre de 15 000 ; et, ce matin, vous en envisagiez même davantage ! Il faudra nous dire comment vous calculez, monsieur le ministre ! Comptabilisez-vous les petits contrats à durée déterminée, les intérimaires embauchés pour trois semaines ? Je suis curieuse de le savoir.
M. le président. Le moment venu, M. le ministre vous donnera toutes les informations concernant la question que vous venez de poser, ma chère collègue.
L'amendement n° 6, présenté par Mmes Assassi, Didier et les membres du groupe communiste républicain et citoyen, est ainsi libellé :
Supprimer cet article.
La parole est à Mme Annie David.
Mme Annie David. L’article 3, comme le précédent, acte la mise en place de services librement organisés de transport routier par autocar. Le groupe CRC, vous vous en doutez, y est parfaitement opposé. C’est la raison pour laquelle nous présentons cet amendement de suppression.
De nombreux arguments ont déjà été avancés pour dire notre opposition à cette libéralisation du transport par autocar. Cependant, je pense que le sujet est suffisamment grave pour que l’on puisse y revenir plus longuement.
Je dirai, sur le fond même de la réforme, qu’il s’agit tout d’abord d’un terrible aveu d’échec du Gouvernement qui, incapable de lutter contre la pauvreté et d’enrayer la misère grandissante dans notre pays, ne trouve d’autre solution que de proposer des moyens de transport au rabais pour celles et ceux qui n’ont plus les moyens de prendre le train.
Ensuite, ce projet est également en totale contradiction avec la volonté affichée par le Gouvernement, et exprimée récemment par la voix de Mme Royal, d’entamer une transition énergétique. Je ne parle là que des seuls effets à court terme, car ce qui est le plus à craindre dans cette réforme, ce sont les conséquences à moyen et à long terme d’une telle dérégulation sur l’état du transport ferroviaire en France.
Le secteur ferroviaire a été considérablement fragilisé dans notre pays ces dernières années. Il connaît des coûts d’investissement et d’exploitation importants, ce qui nécessite un soutien important au travers de fonds publics.
Par ailleurs, le système de transports implique des contraintes techniques importantes au regard du mode routier. Depuis plusieurs années, les différents acteurs du secteur ferroviaire estiment que la rénovation des infrastructures implique des investissements trop importants ou bien jugent excessif le coût de leur exploitation.
Cela a eu pour effet un abandon progressif du secteur ferroviaire qui s’est accompagné d’une dégradation continue de la qualité du service offert aux usagers – c’est bien des usagers dont il est question ici –, ainsi que d’un niveau élevé des prix. Bien évidemment, cette situation a également eu un effet désastreux pour les salariés du secteur.
Or, malgré ce constat connu de tous, vous n’avez pas la volonté politique de sortir le système ferroviaire de cette impasse ! Au contraire, ce qui est proposé dans le texte que nous examinons, c’est de poursuivre dans le sens du désengagement de l’État.
Vous l’aurez compris, nous sommes défavorables à cet article 3, tout comme nous nous sommes opposés à l’article 2 hier soir.
M. le président. Quel est avis de la commission ?
Mme Dominique Estrosi Sassone, corapporteur de la commission spéciale. Ma chère collègue, vous comprendrez aisément que la commission, par cohérence avec sa position sur l’article 2, émette un avis défavorable sur cet amendement de suppression de l’article 3, qui, comme vous l’avez souligné, est un article de coordination.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. le président. L'amendement n° 1632, présenté par le Gouvernement, est ainsi libellé :
Après l’alinéa 1
Insérer deux alinéas ainsi rédigés :
…° Au début du I de l’article L. 1112-2, sont insérés les mots : « Pour les services de transport ne relevant pas des services de transport librement organisés prévus par les articles L. 3111-17 et suivants, » ;
…° Au début du I de l’article L. 1112-2-1, sont insérés les mots : « Pour les services de transport ne relevant pas des services de transport librement organisés prévus par les articles L. 3111-17 et suivants, » ;
La parole est à M. le ministre.
M. Emmanuel Macron, ministre. Je tiens tout d’abord à m’associer, au nom du Gouvernement, à l’hommage que vous-même, monsieur le président, et Mme Didier avez rendu à Yves Coquelle. Nous partageons pleinement votre propos à la fois sur la trajectoire de l’homme et sur tout ce qu’il représentait. Le Gouvernement s’associe donc aux pensées que vous avez exprimées pour ses proches, sa famille, mais aussi pour sa famille politique.
L’amendement n° 1632 vise à préciser dans le code des transports que les dispositifs des schémas directeurs d’accessibilité, les SDA, et des schémas directeurs d’accessibilité-agendas d’accessibilité programmée, les SDA-Ad’AP, ne concernent pas les services librement organisés. En effet, l’article L. 1112-3 du code des transports et l’ordonnance relative aux gares routières permettent d’ores et déjà au Gouvernement d’assurer l’accessibilité des autocars et des points d’arrêts routiers.
Toutefois, les services libéralisés ne peuvent pas, par définition, s’intégrer dans ces schémas directeurs qui visent les services et infrastructures organisés par les seuls pouvoirs publics.
M. le président. Quel est l’avis de la commission ?
Mme Dominique Estrosi Sassone, corapporteur. Monsieur le ministre, nous souhaiterions obtenir des explications de votre part sur cet amendement afin d’être assurés que la mesure proposée ne se traduira pas par des contraintes d’accessibilité aux personnes handicapées plus faibles pour les autocars.
Dans l’objet de l’amendement, en effet, le Gouvernement s’engage à rendre obligatoire par voie réglementaire l’accessibilité immédiate des véhicules neufs, ce qui est une bonne chose. En revanche, il évoque une période transitoire pour les véhicules déjà en service, ce qui a suscité des réserves et des discussions au sein de la commission spéciale.
Il est impératif que les nouveaux services autorisés soient accessibles aux personnes handicapées. La commission souhaite donc avoir quelques explications et éclaircissements sur ce point.
M. le président. La parole est à M. le ministre.
M. Emmanuel Macron, ministre. Je dirai deux choses à ce sujet.
Tout d’abord, on permet d’intégrer ces services dans les schémas directeurs, ce qui n’est pas le cas aujourd’hui. Je rappelle que ces deux schémas directeurs, les SDA et SDA–Ad’AP, n’ont pas été conçus pour ce nouveau type de ligne et que le cadre juridique n’est pas précisément adapté à leurs spécificités. Par définition, les lignes existantes ne se conforment donc pas nécessairement à ce cadre.
Les dispositions prévues par cet amendement ne peuvent constituer une marche arrière. Nous laissons aux lignes le temps de s’adapter. Certaines lignes sont aujourd’hui en conformité, d’autres peut-être pas. Mais, pour toute nouvelle ouverture de ligne, une adaptation à ces schémas aura mécaniquement lieu. Il n’y aura donc pas de retour en arrière par rapport à la situation actuelle, et je vous prie de m’excuser si l’objet de l’amendement n° 1632 pouvait prêter à confusion sur ce point.
Aujourd’hui, je le répète, si certaines situations se conforment aux schémas directeurs sans pour autant être juridiquement soumises à ces derniers, il en existe aussi qui ne se trouvent pas en totale conformité – c’est du moins la vision que l’on en a –, et il faut leur laisser le temps de s’adapter.
En tout état de cause, la totalité des lignes existantes et à venir devra pouvoir être précisément couverte par lesdits schémas, ce qui n’est pas possible aujourd’hui.
M. le président. Quel est, en définitive, l’avis de la commission ?
Mme Dominique Estrosi Sassone, corapporteur. Compte tenu des explications fournies par M. le ministre, la commission s’en remet à la sagesse du Sénat.
M. le président. La parole est à M. Jean Desessard, pour explication de vote.
M. Jean Desessard. Si je comprends bien M. le ministre, il existe de nouvelles lignes et il ne faut pas perdre de temps : on verra donc plus tard pour les contraintes d’accessibilité des personnes handicapées. De vos propos, monsieur le ministre, j’ai cru comprendre qu’il fallait d’abord envisager l’installation des lignes et leur expérimentation, l’actualisation de l’obligation d’accessibilité des personnes en situation de handicap étant pour plus tard. Ai-je bien compris ou non ?
M. le président. La parole est à M. le ministre.
M. Emmanuel Macron, ministre. Je pense que vous avez peut-être compris à l’envers. Aujourd’hui, les lignes publiques sont couvertes par ces schémas directeurs. En revanche, les lignes privées qui vont être ouvertes – c’est toute la discussion que nous avons eue hier – ne le sont pas.
Ces schémas directeurs visent précisément à organiser l’accessibilité des transports aux personnes handicapées. Nous ne sommes pas en train de dire qu’il faut prendre plus de temps pour la mettre en œuvre. Nous nous efforçons au contraire, collectivement, depuis deux jours, d’organiser cette accessibilité sur le territoire. Nous avons ainsi voulu que l’information soit disponible en ligne pour tout le monde, ce qui est favorable à l’accessibilité, et nous avons créé des schémas directeurs d’accessibilité.
Ces schémas, compte tenu de la rédaction actuelle du code des transports, ne couvrent pas les lignes privées. Nous souhaitons par conséquent que les lignes privées intègrent ces schémas directeurs d’accessibilité et que ces derniers puissent être définis plus largement.
Il ne faut pas qu’il y ait d’ambiguïtés. Nous ne disons pas qu’il faudra voir plus tard pour l’accessibilité. Au contraire, compte tenu de l’enjeu et des priorités politiques en la matière, qui sont partagées sur toutes les travées, une planification se révèle nécessaire. Les lignes que nous allons ouvrir doivent pouvoir s’intégrer à ces schémas, et tel est précisément l’esprit de cette réforme.
M. le président. L'amendement n° 1398, présenté par Mmes Assassi, Didier et les membres du groupe communiste républicain et citoyen, est ainsi libellé :
Alinéa 5
Supprimer cet alinéa.
La parole est à Mme Évelyne Didier.
Mme Évelyne Didier. Cet amendement se situe en parfaite cohérence avec la position de fond que nous défendons depuis le début de l’examen de ce texte.
M. le président. Quel est l’avis de la commission ?
Mme Dominique Estrosi Sassone, corapporteur. La commission émet un avis défavorable, en cohérence avec sa position sur l’article.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. le président. L'amendement n° 1399, présenté par Mmes Assassi, Didier et les membres du groupe communiste républicain et citoyen, est ainsi libellé :
Alinéas 6 à 14
Supprimer ces alinéas.
La parole est à M. Michel Le Scouarnec.
M. Michel Le Scouarnec. L’actuel article L. 3421-2 du code des transports est ainsi rédigé :
« L’État peut autoriser, pour une durée déterminée, les entreprises de transport public routier de personnes à assurer des dessertes intérieures régulières d’intérêt national, à l’occasion d’un service régulier de transport routier international de voyageurs, à condition que l’objet principal de ce service soit le transport de voyageurs entre des arrêts situés dans des États différents.
« L’État peut limiter ou, le cas échéant, interdire ces dessertes intérieures si la condition précitée n’est pas remplie ou si leur existence compromet l’équilibre économique d’un contrat de service public de transport de personnes. Il peut être saisi à cette fin par une collectivité intéressée.
« Les dispositions du présent article sont applicables en région Île-de-France.
« Le décret en Conseil d’État prévu à l’article L. 3421-10 fixe les conditions d’application du présent article et notamment les conditions dans lesquelles les autorités organisatrices de transport concernées sont consultées. »
En pratique, cet article fixe les conditions de réalisation des opérations de cabotage routier, et il s’agit donc d’autre chose que d’un simple article de coordination et de « mise en cohérence » des dispositions en vigueur avec les mesures prévues par les articles 1er et 2 du présent projet de loi. L’article 3 entend modifier la donne puisque la faculté d’autoriser le cabotage devient une simple autorisation.
Ensuite, les personnes transportées sont établies hors de France et les dessertes régulières sont non plus d’intérêt national, mais simplement fondées sur les principes dont nous avons vu la teneur lors de la discussion de l’article 2.
Nous sommes donc dans une forme de « banalisation » du cabotage qui se révèle instructive quant à l’organisation de la concurrence sur le nouveau secteur du transport par autocar.
Nous sommes même en présence d’un processus qui peut conduire à ce que des autocars, manifestement d’origine étrangère, qui traverseront la France de part en part ou presque, poussent peut-être l’aventure jusqu’à aller dans un pays du sud de l’Europe et aient la possibilité, durant leur parcours sur le territoire français, d’assurer un service de transport de voyageurs.
On peut très bien concevoir, demain, un Madrid-Londres effectuant quelques arrêts en France sur son parcours, ou encore un Bruxelles-Rome passant par la France, puisque tous les chemins y mènent, évidemment !
Toutefois, comme les modalités d’application des règles en matière de transports ainsi « internationalisés » vont être fixées par promulgation d’un décret en Conseil d’État prévu par le texte du projet de loi, et non par application du troisième alinéa de l’article L. 3421-2 actuel, nous entrons très vite dans un vide juridique temporaire dans lequel les « renards libres » les mieux outillés auront tôt fait de se faire les dents sur les autres…
Quel droit viendra à s’appliquer ? Le droit social belge, allemand, espagnol, italien,… ou encore autre chose ?
Nous ne pouvons donc que vous inviter, dans un premier temps, à rejeter les termes de cet article en adoptant cet amendement, mes chers collègues.
M. le président. Quel est l’avis de la commission ?
Mme Dominique Estrosi Sassone, corapporteur. La commission spéciale, en cohérence avec sa position sur cet article, émet un avis défavorable.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. le président. L'amendement n° 1680, présenté par Mme Estrosi Sassone, au nom de la commission, est ainsi libellé :
Alinéa 15
Remplacer les références :
5° et 6°
par les références :
5° ou 6°
La parole est à Mme Dominique Estrosi Sassone, corapporteur.
Mme Dominique Estrosi Sassone, corapporteur. Il s’agit d’un amendement rédactionnel.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. le président. Je mets aux voix l'article 3, modifié.
(L'article 3 est adopté.)
Article 3 bis A
(Non modifié)
Dans les conditions prévues à l’article 38 de la Constitution, le Gouvernement est autorisé à prendre par ordonnance, dans un délai de neuf mois à compter de la promulgation de la présente loi, toute mesure relevant du domaine de la loi ayant pour objet la création d’un établissement public, société de projet associant notamment des représentants de l’État, d’établissements publics de l’État et de collectivités territoriales participant au financement du projet, aux fins de réalisation d’une infrastructure fluviale reliant les bassins de la Seine et de l’Oise au réseau européen à grand gabarit et de développement économique en lien avec cette infrastructure.
M. le président. La parole est à M. Jérôme Bignon, sur l'article.
M. Jérôme Bignon. Sénateur de la Somme et de la Picardie, et bientôt de la grande région Nord–Pas-de-Calais–Picardie, je ne peux rester silencieux sur cet article, qui concerne le grand canal Seine-Nord Europe.
Il me semble plus pertinent d’évoquer les effets positifs de cette opération avant que nous n’abordions les amendements de suppression.
Il s’agit en effet, pour cette future grande région Nord–Pas-de-Calais–Picardie, du chantier le plus important et le plus attendu depuis de très nombreuses années, certains le qualifiant même de véritable « chantier du siècle ».
Ce projet suscite de grands espoirs en termes d’aménagement du territoire, de développement économique et de création d’emplois.
Selon différentes analyses convergentes, ce sont plus de 10 000 emplois directs et indirects qui devraient être créés sur la durée du chantier, prévu pour s’étaler de 2017 à 2023, et jusqu’à 50 000 emplois d’ici à 2050. Dans les circonstances actuelles, il est difficile de bouder cette opportunité.
En octobre dernier, à l’Assemblée nationale, le secrétaire d’État chargé des transports, Alain Vidalies, déclarait : « La construction du canal permettra de créer entre 10 000 et 13 000 emplois directs et indirects, pour un chantier qui durera six ans. L’effet de relance sera immédiat sur le tissu économique local et régional. »
Dans le département de l’Oise, plus particulièrement dans le Noyonnais et le Compiégnois – mes collègues Caroline Cayeux et Alain Vasselle sont très attentifs au développement de ces territoires –, mais aussi dans la Somme, notamment à l’Est, et bien entendu dans le Nord–Pas-de-Calais, qui est associé à ce projet, le canal Seine-Nord Europe fait aujourd’hui l’objet d’un large consensus transpartisan.
Cet « effet de relance » est très attendu dans nos territoires, qui sont pour beaucoup d’entre eux en grande souffrance économique.
Le canal Seine-Nord Europe, outre son effet structurant, peut aussi envoyer un signal positif aux populations sur l’intérêt économique et social de la fusion de nos régions.
Les habitants de nos territoires en ont assez d’attendre ; ils veulent désormais voir le canal en action dans les meilleurs délais. Il est donc impératif de tenir l’objectif qui a été fixé.
Pour cela, la « société de projet », appellation donnée à l’établissement public ad hoc qui sera créé, doit voir le jour le plus rapidement possible. Le Gouvernement a eu l’idée de la constituer par voie d’ordonnance, en application de l’article 38 de la Constitution.
La création de cet établissement public présente un double intérêt : d’une part, conférer une assise juridique solide à la maîtrise d’ouvrage, qui permettra d’aller solliciter des subventions importantes à Bruxelles ; d’autre part, unir les différents financeurs au sein d’un même établissement public – l’appellation « société de projet » est peut-être impropre, mais nous examinerons un amendement visant à modifier cet intitulé. Le projet sera en effet financé conjointement par l’État, l’Europe, les régions Nord-Pas-de-Calais et Picardie et les cinq départements concernés. Les collectivités ne veulent plus seulement payer et regarder ; elles veulent payer et participer ! La création d’une telle société par voie d’ordonnance me semble donc avoir un sens.
Contrairement à ce que prétendent les auteurs d’un amendement que nous allons examiner dans quelques instants, il y a urgence – au demeurant, celle-ci n’est nullement requise pour appliquer l’article 38. Pour que les travaux puissent commencer en 2017, il faut que cette société soit créée au plus vite et qu’elle se mette en ordre de marche pour assurer la maîtrise d’ouvrage. Il me paraît parfaitement conforme à la Constitution que le Gouvernement procède par ordonnance pour mettre en œuvre sa politique. Compte tenu de l’importance de ce projet, je ne vois donc aucune objection, ni de fait ni de droit, au recours aux ordonnances dans ce cas.
Je voterai bien évidemment en faveur de cet article 3 bis A.
M. le président. Je suis saisi de trois amendements identiques.
L'amendement n° 188 rectifié est présenté par Mme Canayer et MM. Bonhomme, Mandelli et Mouiller.
L'amendement n° 428 est présenté par M. Desessard, Mmes Aïchi, Archimbaud, Benbassa et Bouchoux et MM. Dantec, Gattolin, Labbé et Placé.
L'amendement n° 779 est présenté par MM. Rachline et Ravier.
Ces trois amendements sont ainsi libellés :
Supprimer cet article.
L’amendement n° 188 rectifié n'est pas soutenu.
La parole est à M. Jean Desessard, pour présenter l'amendement n° 428.
M. Jean Desessard. Cet amendement a pour objet de supprimer l’article 3 bis A, qui autorise le Gouvernement à agir par voie d’ordonnance pour créer un établissement public visant à la réalisation du canal Seine-Nord Europe.
Les arguments en faveur de ce canal sont connus : l’intérêt de relier les canaux desservant la mer du Nord, les créations d’emploi, le report modal vers le fluvial pour désengorger les autoroutes.
Les arguments contre ce canal sont tout autant connus : un coût important et encore sujet à question, un report modal qui peut prêter à discussion, un impact environnemental des travaux potentiellement négatif, notamment en Picardie.
Nous ne souhaitons pas aujourd’hui entrer dans ce débat de fond, légitime, complexe et qui transcende les oppositions politiques. Et nous ne souhaitons pas non plus que ce débat important soit limité à la discussion de cet article, au détour d’une loi qui en compte près de 300.
On nous assure que la réalisation de ce canal s’effectuera avec toutes les collectivités concernées. Mais c’est bel et bien au Parlement que ce débat doit avoir lieu, et dans de bonnes conditions, puisque l’État financera ce projet. Une ordonnance n’est clairement pas suffisante.
Voilà pourquoi nous vous proposons de supprimer cet article. Nous appelons le Gouvernement, si son souhait est bel et bien de réaliser cette infrastructure d’envergure, à préparer un véritable projet de loi pour que nous ayons le temps d’en discuter et de l’amender, ce qui n’est clairement pas le cas aujourd’hui.
M. le président. L’amendement n° 779 n’est pas soutenu.
Quel est l’avis de la commission sur l’amendement n° 428 ?
Mme Dominique Estrosi Sassone, corapporteur. La création de la société de projet prévue à cet article permettra de confier la maîtrise d’ouvrage du canal à l’ensemble des acteurs participant au financement, État et collectivités territoriales. L’adoption de cet article vient également à l’appui de la demande de subvention déposée auprès de la Commission européenne.
La commission spéciale est donc défavorable à la suppression de l’article 3.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. Emmanuel Macron, ministre. Je comprends vos réserves, monsieur le sénateur, mais elles valent en quelque sorte pour toutes les dispositions du projet de loi, qui touche à des sujets variés. Comme cela vient d’être rappelé, le projet de canal Seine-Nord Europe a un lien avec la croissance et l’activité, puisque les travaux extrêmement structurants qu’il implique créeront de l’emploi et amélioreront l’accessibilité de nos territoires.
Le projet redonnera également de la compétitivité à certains territoires dans le jeu européen, et en particulier dans le jeu des grands ports. Relier, grâce à un nouveau canal et à l’aménagement des canaux existants, différents territoires aujourd'hui enclavés, c’est un élément de compétitivité. L’augmentation des tonnages permettra à nos ports d’exporter davantage et d’acheminer différemment les marchandises. De nouvelles perspectives en termes d’activité logistique s’ouvriront pour les territoires concernés. Enfin, pendant toute la durée des travaux, des emplois seront créés dans ces territoires, qui souffrent particulièrement.
Pour toutes ces raisons, je considère que l’article 3 bis A a pleinement sa place dans le projet de loi et qu’il doit être défendu.
Le choix de légiférer par ordonnance est lié à la complexité du sujet. En outre, deux rapports parlementaires ont déjà été remis, et l’ensemble des collectivités locales ont été associées ; Alain Vidalies a réuni ces dernières en décembre dernier. Des engagements financiers et budgétaires ont été pris de part et d’autre. Nous devons maintenant avancer, en structurant la société de projet recommandée par les deux rapports, sur le modèle de la Société du Grand Paris, afin d’attirer différentes compétences d’ingénierie.
Ce projet est cohérent avec les annonces faites par le Premier ministre à l’automne dernier. Il tire les conclusions des deux rapports parlementaires publiés ces derniers mois. Il nous permettra de soutenir la croissance et l’activité dans le pays.
Dans ces conditions, le Gouvernement émet lui aussi un avis défavorable.
M. le président. La parole est à M. Michel Bouvard, pour explication de vote.
M. Michel Bouvard. M. le ministre a déjà indiqué presque tout ce qu’il y avait à dire. Je serai donc très bref. On ne peut pas différer à nouveau le projet. Comme les autres grands projets d’infrastructures du pays, il est connu de tous depuis des années. Il a fait l’objet d’autant de rapports qu’il est possible.
Deux enjeux de fond sont associés au projet : le déficit d’infrastructures dans notre pays et la crédibilité de la signature de la France au niveau européen.
Depuis des années, les crédits européens du programme du réseau transeuropéen de transport, le programme RTE-T, ne sont pas consommés. L’Union européenne s’en préoccupe. Si nous ne prenons pas notre tour, les grandes infrastructures d’Europe centrale et orientale prendront le relais ; les pays concernés ont déjà monté des dossiers, et ils seront prêts dans quelques années, peut-être même au cours de l’actuelle période budgétaire.
C’est sans doute notre dernière chance de financer un certain nombre de grandes infrastructures. L’ancienne commissaire européenne aux transports, Loyola de Palacio, aujourd'hui disparue, estimait que le déficit d’infrastructures en Europe coûtait 0,7 point de croissance annuelle à l’Union européenne. Dans notre pays, 0,7 point de croissance, c’est ce qui distingue la situation où l’on crée des emplois parce qu’on dépasse le cap d’1,5 % de croissance, de celle où l’on n’en crée pas parce que la croissance est trop faible.
Je veux attirer votre attention, monsieur le ministre, mes chers collègues, sur un sujet particulier. Certains soutiennent que le canal Seine-Nord Europe étendra l’hinterland des ports allemands et belges ; ce discours a été relayé par le maire du Havre. Le véritable enjeu, c’est d’opérer correctement la jonction entre les infrastructures comme le canal Seine-Nord Europe et les ports français. Ce n’est pas le cas actuellement dans l’espace qui sépare les ports de la façade atlantique des infrastructures, tant fluviales que ferroviaires, qui permettent de desservir et d’irriguer le pays. Il y a des problèmes de jonction et de goulets d’étranglement, par exemple au niveau du contournement de Paris. Il faut impérativement traiter ces problèmes.
Les grandes infrastructures sont un atout. Il faut engager les travaux sans tarder afin d’envoyer des signaux positifs à Bruxelles. Le présent article va dans ce sens. Je veux cependant attirer l’attention du Gouvernement sur le fait qu’il importe également tant d’organiser les connexions entre les façades portuaires, le réseau fluvial et le réseau ferroviaire, que de réaliser des plates-formes nous permettant d’avoir des systèmes performants.
M. le président. La parole est à M. Jérôme Bignon, pour explication de vote.
M. Jérôme Bignon. Michel Bouvard vient de souligner un enjeu important, que je n’avais pas traité lors de ma prise de parole sur l’article. Notre collègue Agnès Canayer, qui est également adjointe au maire du Havre, l’aborde aussi à travers l’un de ses amendements.
Dans une tribune récente publiée par Les Échos, Édouard Philippe s’est fait le chantre du combat non pas contre le canal Seine-Nord Europe, mais contre l’oubli de la ligne transversale Le Havre-Châlons-en-Champagne. (M. Michel Bouvard acquiesce.) Le maire de cette dernière commune, Benoist Apparu, en a souvent parlé lui aussi. Pour compléter le grand chantier du canal Seine-Nord Europe, il faudrait réaliser cette ligne transversale. Ce serait formidable pour la Picardie, pour l’Aisne et pour la Champagne-Ardenne. Un maillage fluvial et ferroviaire renforcé permettrait à cette plaine à blé extraordinaire que nous avons la chance de posséder en commun d’exporter ou d’importer des produits via Le Havre.
Les enjeux ne sont pas les mêmes : si ma mémoire est bonne, la ligne ferroviaire représente un coût de 150 millions d'euros, contre 4 milliards d'euros pour le canal Seine-Nord Europe. Si l’on pouvait trouver les 150 millions d'euros dans les 4 milliards d'euros afin de réaliser les deux projets, ce serait exceptionnel. En tout cas, il faut avoir à l’esprit l’enjeu soulevé par Michel Bouvard, car la transversale Le Havre-Châlons-en-Champagne serait très structurante et compléterait bien le canal Seine-Nord Europe. Personne ne doit être oublié. La revendication des élus normands, haut-normands et champenois me paraît pertinente et légitime.
M. le président. La parole est à M. Jean Desessard, pour explication de vote.
M. Jean Desessard. Je serais bien resté silencieux, mais, comme la balance penche trop d’un côté, il faut que je fasse modestement contrepoids.
Nous ne sommes pas opposés par principe au projet de canal Seine-Nord Europe – nous avons des discussions –, mais nous souhaitons qu’il donne lieu à un débat spécifique, car certaines questions ne sont pas résolues.
Mme Barbara Pompili vous l’a dit lors de l’examen du texte à l’Assemblée nationale, monsieur le ministre : un canal à grand gabarit, cela a l’air intéressant, mais il semble que le canal Seine-Nord Europe soit un chaînon isolé, faute de continuité au Nord et au Sud : il n’y a pas le tirant d’eau et l’appel d’air nécessaires pour prolonger la liaison et ainsi valoriser l’investissement. Nous nous demandons également quel est le schéma directeur général. Il y a d’autres ports, comme Le Havre, qui pourraient jouer le même rôle.
La question de l’emploi est également posée. On sait bien que ce sont des multinationales qui réalisent ce type de travaux. Cela signifie que ce ne seront pas forcément des emplois locaux qui seront créés. Les entreprises peuvent en effet recourir à des travailleurs détachés. Il faut être conscient du fait que les grands travaux ne créent pas obligatoirement des emplois dans la région où ils sont effectués.
Enfin, vous avez eu raison d’évoquer les fonds européens, mais il y a aussi une importante participation financière de l’État. Les sommes consacrées à la réalisation du grand canal ne pourraient-elles pas être utilisées ailleurs ? Selon les calculs que Mme Barbara Pompili a portés à votre connaissance, monsieur le ministre, le coût par poste créé est très élevé. D’autres activités auraient peut-être besoin d’un coup de main financier de l’État.
M. le président. La parole est à M. Jean-Claude Requier, pour explication de vote.
M. Jean-Claude Requier. Le groupe du RDSE est favorable à la réalisation de grands équipements pour le pays, même si ce n’est pas à la mode, surtout à Paris, où les gens ne comprennent pas l’utilité de tels équipements puisqu’ils ont déjà tout. Nous soutenons donc le projet de canal Seine-Nord Europe. On peut certes ergoter sur le recours aux ordonnances, mais il faut accélérer les travaux. C'est pourquoi nous ne voterons pas cet amendement.
M. Jérôme Bignon. Très bien !
M. le président. La parole est à Mme Nicole Bricq, pour explication de vote.
Mme Nicole Bricq. Comme la liaison Charles-de-Gaulle Express, dont nous allons débattre ensuite, le canal Seine-Nord Europe est un projet extrêmement important.
J’indique à Jean Desessard, pour le rassurer, que, dans la suite du débat, nous allons, je l’espère, adopter la carte professionnelle du bâtiment, qui vise à lutter contre le travail clandestin et à faire en sorte que les travailleurs détachés soient soumis au même régime que les travailleurs nationaux. Cependant, ce n’est pas là l’essentiel.
Les grands travaux soulèvent toujours des difficultés, mais il est temps de démarrer. Cela fait plus d’une génération qu’on débat du canal Seine-Nord Europe !
Je voudrais effectuer un petit rappel. Lors de l’élaboration du programme d’investissements d’avenir, le PIA, par le gouvernement de François Fillon, notre ancien collègue Philippe Marini, très attaché au projet de canal Seine-Nord Europe, avait beaucoup bataillé en faveur de la réalisation de grands projets structurants. À l’époque, le Gouvernement et le Président de la République s’étaient opposés à l’inclusion d’infrastructures, qu’elles soient autoroutières, ferroviaires ou fluviales, dans le PIA.
Je me félicite que le projet de canal Seine-Nord Europe, qui est un projet utile, démarre enfin. Les financements des régions et des départements sont déjà avancés. Il y aura effectivement des problèmes de liaison avec l’Ouest, mais les problèmes de ce type sont le propre des grands projets.
Il s’agit maintenant de créer une société de projet, comme nous l’avons fait, je le rappelle, pour le Grand Paris. La Société du Grand Paris a été créée pour réaliser les études nécessaires. Le débat public, je tiens à le dire, a été extrêmement important : des débats nourris ont été organisés dans tous les départements d’Île-de-France. Il y aura autant de débats pour le canal Seine-Nord Europe ; une concertation avec les élus et le public sera organisée. Il faut démarrer le projet, et je remercie le Gouvernement de le faire. (MM. Jérôme Bignon et Michel Bouvard applaudissent.)
M. le président. Je suis saisi de trois amendements faisant l’objet d’une discussion commune.
L'amendement n° 7 rectifié, présenté par Mmes Assassi, Didier et les membres du groupe communiste républicain et citoyen, est ainsi libellé :
Rédiger ainsi cet article :
Le gouvernement présente un rapport, dans un délai de trois mois à compter de la promulgation de la présente loi, qui présente les mesures relevant du domaine de la loi ayant pour objet la création d'un établissement public, associant notamment des représentants de l'État, d'établissements publics de l'État et de collectivités territoriales participant au financement du projet, aux fins de réalisation d'une infrastructure fluviale reliant les bassins de la Seine et de l'Oise au réseau européen à grand gabarit et de développement économique en lien avec cette infrastructure.
La parole est à Mme Annie David.
Mme Annie David. Nous avons rectifié notre amendement, qui visait à l’origine à une suppression. En effet, après en avoir débattu au sein de notre groupe, et au vu des arguments des uns et des autres, et notamment de M. Jérôme Bignon, il nous a semblé que, malgré le recours aux ordonnances et le manque d’information du Parlement, il n’était pas judicieux de nous opposer totalement à la réalisation du canal Seine-Nord Europe.
En revanche, comme le recours aux ordonnances pose un problème d’information des parlementaires, un certain flou entourant malgré tout la réalisation de ce projet, il nous semble nécessaire, monsieur le ministre, que vous reveniez d’ici à trois mois nous apporter des éléments plus précis, concrets, avec notamment le résultat de la concertation locale avec les élus concernés. Ce bilan a toute son importance si vous voulez véritablement associer le Parlement à la réalisation de ces grands projets.
J’ai bien entendu les arguments des uns et des autres. Je peux comprendre les arguments de M. Bignon sur l’utilité de ce canal et la nécessité de sa réalisation, mais je partage aussi ceux de notre collègue Jean Desessard, notamment sur l’emploi. Ainsi, je suis d’accord avec lui lorsqu’il dit que ces chantiers bénéficieront non pas forcément à des entreprises locales, mais plutôt à des grandes sociétés multinationales qui recourent à des travailleurs détachés.
Monsieur le ministre, madame Bricq, vous savez bien que l’emploi dans ces grandes infrastructures n’est pas tout à fait le même que dans les entreprises locales ; le problème du chômage ne sera donc pas réglé pour autant.
À notre sens, le bilan que nous demandons pourra apaiser les positions sur ce dossier et permettra aux parlementaires de vous faire part de leurs préoccupations quant à la réalisation de ce projet, lequel nous apparaît quand même comme une opportunité de développement économique pour ce secteur.
M. le président. L'amendement n° 1034, présenté par Mmes Assassi, Didier et les membres du groupe communiste républicain et citoyen, est ainsi libellé :
Rédiger ainsi cet article :
Il ne peut être recouru aux contrats de partenariat pour le financement, la construction ou la transformation, l’entretien, la maintenance, l’exploitation ou la gestion d’ouvrages, d’équipements ou de biens immatériels nécessaires pour les infrastructures de transports terrestres.
La parole est à Mme Annie David.
Mme Annie David. Il est retiré, monsieur le président !
M. le président. L’amendement n° 1034 est retiré.
L'amendement n° 1686, présenté par Mme Estrosi Sassone, au nom de la commission, est ainsi libellé :
Supprimer les mots :
société de projet
La parole est à Mme Dominique Estrosi Sassone, corapporteur, pour défendre cet amendement et pour donner l’avis de la commission sur l’amendement n° 7 rectifié.
Mme Dominique Estrosi Sassone, corapporteur. L’amendement n° 1686 est un amendement rédactionnel.
S’agissant de l’amendement n° 7 rectifié, la demande de bilan, qui équivaut à une demande de rapport, est contradictoire avec l’habilitation que la commission a acceptée. J’émets donc un avis défavorable.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. Emmanuel Macron, ministre. Madame David, je comprends l’objectif que vous visez avec cet amendement n° 7 rectifié, et je vous remercie de l’esprit d’ouverture que vous manifestez en retirant l’amendement n° 1034.
Sur ce point, le rapport Pauvros a permis d’éclairer nombre de difficultés résiduelles. La demande d’un nouveau rapport après ce travail parlementaire ne me paraît donc pas de bonne méthode.
Il est évident que cette société de projet vise à répondre à l’ensemble des problèmes techniques et économiques qui se posent. Ne vous méprenez pas, je ne suis pas en train de dire que les points soulevés par M. Desessard, que vous avez rappelés, sont aujourd’hui totalement résolus et que nous avons une pleine lisibilité.
Vous avez raison de poser ces questions, mais je pense que nous devons nous attacher d’abord à créer cette société de projet plutôt qu’à rédiger un énième rapport. Puisque nous allons procéder par ordonnances, je m’engage à faire preuve de la plus grande transparence durant tout ce travail de conception de la société de projet en prévoyant notamment des clauses de rendez-vous.
Ainsi, tout en avançant, nous vous donnerons la pleine visibilité sur les aspects techniques, sur les conséquences économiques et environnementales des différentes options se présentant à nous à chaque étape. Par exemple, comme l’a dit M. Desessard tout à l’heure, sur certains tronçons, nous devrons nous demander si nous voulons restaurer les canaux dits Freycinet ou en créer de nouveaux. Nous n’avons pas la solution aujourd’hui, car il est très difficile de l’avoir a priori. Le rapport Pauvros pose la question, mais il ne règle pas tous les problèmes, car tel n’est pas son but. Il faut donc avancer et faire le point à chaque étape. Je le répète, il est important de prévoir des clauses de rendez-vous avec la représentation nationale pour évoquer l’activité de cette société de projet.
De la même façon, vous avez raison, nous devons être très exigeants en termes d’emploi local. Ces chantiers étant des perspectives offertes à ces territoires, nous devons garantir que ces derniers bénéficieront effectivement des travaux.
Il importe de rappeler ces exigences étape après étape, et je m’engage à ce que la société de projet fonctionne en pleine transparence au regard de tous ces critères. Je préfère prendre cet engagement de discipline collective, plutôt que d’envisager un rapport qui aura du mal, je pense, à aller plus loin que celui du député Rémi Pauvros.
Je vous invite donc à retirer l’amendement n° 7 rectifié, faute de quoi j’y serai défavorable, mais dans l’esprit que je viens d’évoquer.
En revanche, je suis favorable à l’amendement n° 1686.
M. le président. La parole est à Mme Annie David, pour explication de vote sur l'amendement n° 7 rectifié.
Mme Annie David. J’entends les arguments de M. le ministre et je prends acte des rendez-vous ponctuels qu’il propose pour le suivi du chantier. Peut-être un débat pourrait-il être organisé sur le sujet lors d’une semaine de travail parlementaire dédiée au contrôle ? (M. le ministre acquiesce.) Ce rendez-vous, qui pourrait prendre la forme d’une question orale avec débat, par exemple, serait de nature à rassurer l’ensemble de nos collègues et leur permettrait d’avoir une vision plus large de ce projet.
Certes, ce projet concerne localement les territoires, mais, vu son importance, notamment en termes de budget, il me semble que la représentation parlementaire, qu’elle soit du Nord, du Sud, de l’Est, de l’Ouest ou du Centre, est concernée dans son ensemble par ce dossier. Aussi, l’organisation d’un débat de suivi, ici même, dans trois mois, six mois peut-être, serait intéressante.
Monsieur le ministre, si tel est bien le rendez-vous que vous avez à l’esprit, je suis disposée à retirer l’amendement.
M. le président. Monsieur le ministre, que répondez-vous à cette sollicitation ?
M. Emmanuel Macron, ministre. Je prends bien évidemment l’engagement de participer à une telle séance. Je pense même qu’il faudra prévoir plusieurs rendez-vous. Nous devons créer les conditions pour que la société de projet, en lien avec le Gouvernement, puisse rendre compte régulièrement de ses activités et prendre en considération l’ensemble des préoccupations. En effet, le débat parlementaire et les échanges qu’il implique éclaireront les contraintes réelles que nous devons intégrer au projet. Je le répète, l’engagement est pris, et il sera tenu.
Mme Annie David. Dans ces conditions, je retire l’amendement n° 7 rectifié, monsieur le président !
M. le président. L’amendement n° 7 rectifié est retiré.
Je mets aux voix l'amendement n° 1686.
(L'amendement est adopté.)
M. le président. La parole est à M. Gilbert Barbier, pour explication de vote sur l’article.
M. Gilbert Barbier. Bien entendu, je voterai cet article 3 bis A concernant le canal Seine-Nord Europe. Simplement, permettez que j’exprime un sentiment de jalousie par rapport à la décision qui vient d’être prise… (Sourires.).
Aussi, je voudrais savoir si M. le ministre envisage d’étendre cette proposition à d’autres secteurs du territoire, notamment au canal Rhin-Rhône, qui avait été abandonné en 1997, alors que nous étions dans une phase proche de la signature d’engagement des travaux.
M. Jean-Claude Carle. Très bien !
M. André Reichardt. Bravo !
M. le président. La parole est à M. Thierry Foucaud, pour explication de vote.
M. Thierry Foucaud. En tant qu’élu de Seine-Maritime, je me dois de donner mon avis sur le canal Seine-Nord Europe. D’ailleurs, je dirai que cette question ne concerne pas directement le fleuve traversant Paris, puisqu’il s’agit surtout de l’Oise et de son affluent.
Les Seinomarins, comme on appelle les habitants de Seine-Maritime, ont évidemment un regard vers la mer, ne serait-ce que parce que Le Havre est le deuxième port français, le premier en termes de réception de conteneurs. C’est aussi parce que Rouen, pourtant placé au bout de l’estuaire de la Seine, est le premier port céréalier d’Europe, desservant les grandes plaines de l’Oise, de la Somme ou de l’Artois, qui est aujourd’hui l’un des greniers à blé de notre pays.
Les habitants de ce département ont donc un regard acéré sur cette question, qui est susceptible d’influer sur les activités industrielles et économiques de la Normandie. Nul n’ignore que le bassin de la Seine a vu apparaître les grandes industries de l’automobile, les papeteries, les industries chimiques, la pétrochimie, les raffineries ; malheureusement, nous les voyons aussi disparaître aujourd’hui.
En ce qui me concerne, je partage un certain nombre d’arguments qui ont été donnés ce matin. La problématique est posée sur les liaisons entre le nord, l’ouest, mais aussi une partie de l’est de la France. Sans faire abstraction, bien sûr, du canal Seine-Nord Europe, mais en me concentrant plus particulièrement sur la Seine-Maritime, que je connais bien, je dirai qu’il est impératif de réaliser les liaisons entre le Nord et l’Ouest, ainsi qu’entre le Nord et l’Est, sinon, le département se retrouvera demain dans un cul-de-sac,…
M. Jean Desessard. Eh oui !
M. Thierry Foucaud. … puisque nous partirions sur une ligne qui va de Paris vers le Nord, là où se feraient cinq plateformes. Tout passerait par Anvers et Rotterdam, le port du Havre étant ainsi menacé. Il faut bien prendre cet élément en compte, car il fait peser sur nous, je le répète, le risque de finir en cul-de-sac. L’aménagement Nord, Est et Ouest s’impose donc évidemment. En ce sens, je rejoins les remarques faites au cours de ce débat.
Monsieur le ministre, vous allez peut-être me répondre par le contrat de plan État-région, mais je veux vous dire qu’il y a en Seine-Maritime – j’allais dire malheureusement – des possibilités de réaliser des plates-formes. Sur Le Havre, il y a des terrains couvrant de 400 à 500 hectares, sur lesquels se posent, certes, des problèmes de biodiversité,…
M. Michel Bouvard. Ah !
M. Thierry Foucaud. … mais que l’on peut régler.
Sur Rouen, et ce que l’on appelle la Seine-Sud, si 600 hectares sont aujourd’hui disponibles, ces terrains ne sont malheureusement pas achetés, et donc encore moins aménagés. Le problème des plates-formes est donc repoussé aux calendes grecques. Je pense notamment à des terrains sur Seine-Sud, que je connais très bien, d’où les usines de chimie et de pétrochimie ont disparu. Il serait donc nécessaire de dépolluer ces terrains avant de les aménager. Je regrette que rien n’ait été fait.
Il faudrait que nous allions tous dans le même sens ; mais, s’agissant de la Seine-Maritime, malgré des remarques, des propositions et des interventions répétées, monsieur le ministre, rien n’a été fait.
Comme je ne dirige ni le conseil régional, ni le conseil général, ni la métropole rouennaise, je tenais à pointer ce sujet important. Il nous faut prendre des décisions, mais il nous faut aussi les appliquer. Cela vaut pour les questions d’emploi, les problèmes de la route, du fleuve, mais également ceux du rail, qui sont aussi fondamentaux, au moment où il est question de supprimer à Sotteville-lès-Rouen la troisième plate-forme de France en termes de triage. Or nous connaissons tous l’importance de ces activités pour irriguer notamment le pays. J’ajoute que le fret est également intéressant en termes de sécurité, d’environnement, d’écologie.
M. le président. Veuillez conclure, mon cher collègue.
M. Thierry Foucaud. J’en termine là, monsieur le président, mais j’interviendrai de nouveau sur le sujet, car, à ce stade, je pense que la discussion n’est pas close.
M. le président. La parole est à M. Patrick Abate, pour explication de vote.
M. Patrick Abate. Notre collègue Gilbert Barbier, évoquant l’abandon du canal Rhin-Rhône, a exprimé un sentiment de jalousie. (Exclamations amusées sur plusieurs travées.)
Pour la bonne information de nos collègues, il me semble important de faire un rappel l’historique. Le projet de canal Rhin-Rhône a été abandonné en 1997 pour des raisons environnementales. La liaison Saône-Moselle a ensuite été inscrite à l’agenda, au nom de considérations politiques.
Afin de régler le problème, d’aucuns ont évoqué le « Rhin-Rhône-Saône-Moselle », le fameux « Y ». Mais nous savons bien qu’un tel projet, dont le coût serait exorbitant, ne verra jamais le jour. Tôt ou tard, il faudra bien choisir entre l’option Rhin-Rhône et l’option Saône-Moselle pour établir une jonction en grand gabarit entre les grands ports du nord de l’Europe et la Méditerranée, en l’occurrence le port de Marseille.
Vous le savez, monsieur le ministre, c’est la deuxième option qui a ma préférence. Un tel choix conforterait les efforts réalisés par l’État dans le cadre du contrat de plan État-région et du pacte Lorraine en termes d’aides aux plateformes multimodales, celles-ci ne demandant qu’à se développer. En même temps, cela permettrait de régler le problème des flux de poids lourds, notamment ceux de l’autoroute A31, et des grands mouvements de circulation entre les ports de la mer du Nord et le sud de l’Europe.
M. le président. La parole est à M. Jean Desessard, pour explication de vote.
M. Jean Desessard. On n’engage pas de grands travaux en considérant un chantier isolément ; il faut comparer chaque projet avec les autres solutions possibles. Des grands chantiers différents de celui qui nous est proposé aujourd’hui mériteraient peut-être d’être examinés, voire privilégiés, dans une perspective d’aménagement du territoire.
En outre, nous n’avons pas évoqué l’emprise, pourtant importante, des grands travaux sur les terres agricoles. Nous allons nous apercevoir dans les années à venir que celles-ci représentent une richesse inestimable. On a trop souvent tendance à croire que les créations d’emplois viendront du bâtiment, des constructions. Pour ma part, j’estime que la conservation des terres agricoles est un enjeu essentiel.
Par ailleurs, certains n’ont de cesse d’appeler à « l’action » et de reprocher aux écologistes leurs « réticences ». (Protestations sur plusieurs travées.) Certes, je reconnais que cela n’a pas été formulé en ces termes…
Les écologistes ne sont pas les seuls à dénoncer les grands travaux inutiles. Je vous renvoie à la lecture du rapport annuel de la Cour des comptes. Certains s’agitent, s’activent, veulent à tout prix construire un équipement, avant de se rendre compte que l’infrastructure réalisée était inutile ! On se retrouve parfois avec deux gares au même endroit quand d’autres territoires n’en ont aucune.
Dans une période difficile pour l’emploi, tout le monde croit qu’il est utile de lancer des grands travaux et que l’État et l’Europe apporteront leur contribution. Quelques années plus tard, la Cour des comptes nous présente la facture !
M. le président. La parole est à M. François Patriat, pour explication de vote.
M. François Patriat. Je n’imaginais pas que le canal Rhin-Rhône serait abordé aujourd’hui.
Les grands travaux sont évidemment nécessaires à notre pays, qui a besoin d’investissements. Les grands projets européens, dont la liaison grande vitesse Lyon-Turin, doivent avancer. Source d’activité immédiate, ils représentent un intérêt économique.
Mais il faut prendre à compte un autre élément. Les créations d’emplois ou une activité économique temporaire ne sont pas une justification à eux seuls ; les grands travaux doivent aussi être utiles au pays et rentables.
Le canal Rhin-Rhône, au-delà des considérations environnementales, soulève un problème de fond : existe-t-il suffisamment de chargeurs de cet équipement ? (M. Patrick Abate acquiesce.) À mes yeux, le tissu économique qui permettrait de rentabiliser à terme cet outil n’existe pas. L’investissement risque donc d’être perdu.
Permettez-moi de vous livrer une anecdote. Un échangeur rail-route construit à la demande de chambres de commerce et des acteurs économiques au sud de la capitale bourguignonne pour 20 millions d’euros a été fermé un an après son inauguration, parce qu’aucune entreprise ne l’utilisait pour du chargement. Soyons donc un peu sérieux !
Je soutiens le projet du Gouvernement pour le canal Seine-Nord Europe. En revanche, les liaisons Rhin-Rhône et Saône-Moselle sont de beaux projets virtuels, mais je ne suis pas en mesure d’évaluer aujourd’hui leur efficacité économique à terme !
M. le président. Je mets aux voix l’article 3 bis A, modifié.
(L’article 3 bis A est adopté.)
Article additionnel après l’article 3 bis A
M. le président. L’amendement n° 1036, présenté par Mmes Assassi, Didier et les membres du groupe communiste républicain et citoyen, est ainsi libellé :
Après l’article 3 bis A
Insérer un article additionnel ainsi rédigé :
Le code des transports est ainsi modifié :
1° L’article L. 4311-4 est ainsi rédigé :
« Art. L. 4311-4. - Les investissements effectués par l’Agence des voies navigables pour la modernisation ou le développement des voies d’eau sont réalisés dans le cadre de dispositifs financiers publics, excluant le recours aux contrats de concession ou de partenariat public-privé. » ;
2° Le 8° de l’article L. 4311-2 est abrogé.
La parole est à Mme Cécile Cukierman.
Mme Cécile Cukierman. Nous proposons d’ajouter un article au code des transports pour limiter le recours aux contrats de concession ou aux partenariats public-privé, qui tend à se généraliser pour la réalisation et la gestion des infrastructures de transport.
Ces pratiques n’ont pas permis de réduire les dépenses des collectivités publiques dans les secteurs où elles ont été utilisées, qu’il s’agisse des prisons, des hôpitaux ou des universités. Pourtant, l’État souhaite persévérer dans l’erreur pour l’ingénierie des transports.
À l’heure actuelle, les 240 partenariats public-privé coûtent à l’État près de 1,2 milliard d’euros de loyers par an, et ce jusqu’en 2025 ! Outre l’endettement des collectivités, la dégradation des services publics pour cause de réductions de budgets et la maltraitance des salariés des multinationales, les partenariats public-privé représentent autant de travail en moins pour les ingénieurs de nos administrations, dont l’expertise était jusqu’à présent reconnue dans la construction et la gestion des ouvrages d’art.
La logique d’externalisation des infrastructures de transport a conduit à la perte de savoir-faire interne, notamment au sein de Voies navigables de France, VNF. Cet établissement était voilà peu encore capable de construire ou gérer en régie une écluse ou un barrage. Mais les choix politiques successifs de recourir à des marchés publics ont entraîné la perte de cette compétence, et ce sans économie pour les services de l’État ou amélioration du développement de nos voies navigables.
Dans de nombreux cas, les entreprises qui remportent les marchés n’ont en réalité pas les compétences spécifiques aux ouvrages d’art concernés. Les agents de VNF sont obligés de gérer au quotidien des dysfonctionnements successifs nécessitant de faire appel à d’autres entreprises privées.
Nous voulons donc rappeler que cette option ne doit pas être choisie comme solution de financement des investissements de la voie d’eau. Alors qu’il est prévu de réduire les effectifs de VNF de 150 équivalents temps plein d’ici à 2016, nous pouvons nous interroger sur la volonté réelle du Gouvernement de conserver une maîtrise publique de la gestion et de l’exploitation des ouvrages pourtant nécessaires à l’entretien de nombre de nos canaux.
Demain, ce seront des prestataires privés qui réaliseront l’intégralité de l’entretien et de la maintenance de ces infrastructures et équipements de sécurité, dans le cadre d’un service public de la voie d’eau complètement « vidé ». (Sourires.) Pour l’ensemble de ces raisons, nous demandons un encadrement strict des contrats passés par VNF avant leur « siphonage » ! (Nouveaux sourires.)
M. le président. Quel est l’avis de la commission ?
Mme Dominique Estrosi Sassone, corapporteur. Il me semble excessif d’exclure ex ante les contrats de concession et de partenariat public-privé pour le transport fluvial.
Par ailleurs, les auteurs de cet amendement évoquent un risque de privatisation des filiales de Voies navigables de France. Or l’article L. 4311-2 du code des transports, qu’il est proposé de supprimer, prévoit que ces filiales « doivent être à capitaux majoritairement publics ».
La commission spéciale a donc émis un avis défavorable sur cet amendement.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. le président. Je mets aux voix l’amendement n° 1036.
(L’amendement n’est pas adopté.)
Article 3 bis
(Non modifié)
Dans les conditions prévues à l’article 38 de la Constitution, le Gouvernement est autorisé à prendre par ordonnance, dans un délai d’un an à compter de la promulgation de la présente loi, toute mesure relevant du domaine de la loi permettant la réalisation d’une infrastructure ferroviaire entre Paris et l’aéroport Roissy-Charles-de-Gaulle, notamment en modifiant l’article L. 2111-3 du code des transports.
M. le président. La parole est à Mme Laurence Cohen, sur l’article.
Mme Laurence Cohen. Quelle surprise de voir un tel article dans ce texte !
Le projet du « Charles-de-Gaulle Express », ou CDG Express, est emblématique, tant pour son histoire mouvementée que pour son caractère « lucratif » ! Ce projet est le symbole d’une conception des transports publics aux antipodes de la nôtre.
Répondre aux besoins du plus grand nombre en desservant au plus près les territoires ou répondre à ceux de quelques privilégiés avec un transport sur mesure : telle est malheureusement ici l’alternative, aussi binaire soit-elle.
Le Charles-de-Gaulle Express, c’est une liaison ferroviaire de quelques dizaines de kilomètres censée relier la gare de l’Est et l’aéroport de Roissy-Charles-de-Gaulle en vingt minutes. En ces temps de restrictions budgétaires, on pourrait qualifier ce projet de « pharaonique » – son coût est évalué à 1,9 milliard d’euros – et parler de gabegie, vu qu’une telle liaison existe déjà, avec le RER B !
Mme Catherine Deroche, corapporteur de la commission spéciale. Qui fonctionne si bien…
Mme Laurence Cohen. Pourquoi ne pas décider d’investir massivement sur cette ligne de RER ? (Protestations sur les travées de l’UMP.) Cela améliorerait les conditions de transport au quotidien de centaines de milliers de Franciliens, notamment sur la partie Nord du réseau, ainsi que celles des touristes et des hommes d’affaires, sans opposer ces différentes catégories de voyageurs.
Vous préférez manifestement ce projet « vitrine » à nouveau ressuscité, notamment au regard de l’échéance de prochains grands événements mondiaux. Pour nous, il est loin de représenter une priorité. Nous souhaitons que l’amélioration de la desserte de l’aéroport s’effectue dans le cadre du service public, profitant ainsi aux Franciliens de villes populaires comme La Courneuve, Drancy, Le Blanc-Mesnil, Aulnay-sous-Bois, Sevran... Avec le projet du CDG Express, ces populations verront seulement passer des trains qui ne s’arrêteront pas. Quel mépris à leur égard !
Monsieur le ministre, à l’heure où vous entendez développer massivement le transport en autocar – nous en avons eu la démonstration hier soir –, pourquoi ne pas avoir songé à proposer une ligne d’autocars pour permettre aux hommes d’affaires de rejoindre l’aéroport ? (Exclamations sur les travées de l’UDI-UC et de l’UMP.)
M. Michel Bouvard. Elle existe déjà !
Mme Laurence Cohen. Soyez logiques, mes chers collègues
Au-delà de la philosophie du projet, nous contestons aussi le choix qui a été fait pour sa mise en œuvre, celui des ordonnances. Pour nous, cette option est tout simplement impensable ; vous connaissez notre opposition à ce procédé.
À ce stade, les élus que nous sommes ne connaissent toujours ni le montage financier de ce projet ni les contours précis de la structure qui lui sera dédiée, notamment la présence possible d’un tiers investisseur. Comment être certains que l’État et les collectivités locales ne seront pas sollicités pour y contribuer ? Convenez-en, un tel manque d’information est tout à fait regrettable pour un investissement de cette envergure.
Nous voterons contre cet article 3 bis, pour des raisons tant de forme que de fond. Vous pouvez ainsi constater la cohérence de l’argumentation de notre groupe CRC. Nos positions ne sont pas à géométrie variable, selon que les transports s’adressent aux populations, aux hommes d’affaires ou aux touristes !
M. le président. La parole est à Mme Évelyne Didier, sur l’article.
Mme Évelyne Didier. L’article 3 bis du projet de loi est issu d’un amendement du Gouvernement déposé en commission spéciale à l’Assemblée nationale. Il s’agit d’habiliter le Gouvernement à prendre par ordonnance toute mesure permettant la réalisation du projet « Charles-de-Gaulle Express ». Cet article appelle plusieurs remarques.
Nous déplorons le recours à l’article 38 de la Constitution. C’est une position constante de notre part. Cette pratique dépossède encore une fois le Parlement de son pouvoir législatif. Le recours aux ordonnances permet d’échapper à l’étude d’impact et empêche toute concertation en amont avec les parlementaires, alors même que le projet fait l’objet de débats depuis de longues années, s’agissant en tout cas de la concession.
Même si vous estimez que le recours à l’article 38, avec la procédure de ratification des projets de loi d’habilitation, permet au Parlement d’intervenir, l’ordonnance n’est pas amendable ; elle restera le fruit exclusif du travail de l’administration et des cabinets ministériels concernés. Il est regrettable que le Gouvernement place encore une fois l’administration au-dessus des parlementaires ! Nous pensons au contraire que les élus de la région Île-de-France, ainsi que les associations d’usagers et les syndicats de travailleurs, auraient leur mot à dire à ce sujet.
M. le président. La parole est à M. Philippe Dominati, sur l'article.
M. Philippe Dominati. Je ne suis pas loin de partager ce qui vient d’être dit.
La commission spéciale ayant eu à examiner quelque 1 600 amendements, le débat, très technique, sur le CDG Express n’a pas pu être abordé dans ce cadre – ce n’est pas faire injure M. le président de la commission spéciale et à Mme la corapporteur que de le rappeler –, et il a été décidé de le réserver pour la séance, afin que chaque sénateur puisse s’en saisir. (M. le président de la commission spéciale et Mme Dominique Estrosi Sassone, corapporteur, le contestent.)
Cela fait vingt ans que le projet de liaison entre la gare de l’Est et l’aéroport Charles-de-Gaulle est sur le bureau des élus franciliens ! Le sujet est complexe et très important. Il concerne tout le monde ; le choix que nous effectuerons en matière d’infrastructures en Île-de-France déterminera qui sera mis à contribution. Je le rappelle, pour l’instant, en Île-de-France, lorsque l’État se trompe, ce sont les entreprises et les Franciliens qui payent ; il y a un prélèvement spécifique. Il serait bon qu’une telle charge puisse être supportée par l’ensemble du pays.
Le projet d’une liaison directe entre l’aéroport et le cœur de l’agglomération a vu le jour en 1995. J’y suis favorable et je pense que beaucoup d’élus franciliens partagent mon opinion.
M. Vincent Capo-Canellas, président de la commission spéciale. Nous sommes d’accord !
M. Philippe Dominati. En 2000, un arbitrage a été rendu par le ministre Jean-Claude Gayssot, qui a choisi entre la voie ferroviaire et la voie autoroutière, alors préconisée par la région Île-de-France et la chambre de commerce et d’industrie.
Le débat public s’est engagé en 2003. La question a été débattue à de multiples reprises. L’argument des jeux Olympiques avait déjà été invoqué en 2005 pour accélérer la réalisation du projet.
En 2006, le Parlement a voté une loi spécifique, pour un coût de 640 millions d’euros. Cela n’a pas fonctionné.
En 2008, il a été considéré que le projet était d’ordre privé. On a désigné un attributaire, Vinci, pour un coût de 747 millions d’euros. Cette démarche a été abandonnée en 2011.
On nous indique à présent que l’État ne mettra pas un euro dans ce projet, car celui-ci devrait être d’ordre privé. Mais nous ne savons toujours pas comment le financer !
Je suis donc confronté à un dilemme. D’un côté, je suis partisan du projet. De l’autre, j’ai l’impression que le choix des ordonnances est fait pour que l’État puisse mettre la poussière sous le tapis ! La technostructure gagnera encore une année, sans nous dire qui paiera un projet dont je rappelle que le coût a triplé, pour atteindre 1,8 milliard d’euros aujourd’hui !
Je réitère donc ma question : qui va payer ? Prétendre que le groupe Aéroports de Paris, ou ADP, est un partenaire privé, c’est un peu se moquer du monde ! La SNCF et ADP devront assumer le coût et les éventuels déficits d’un projet que la compagnie Air France, principal utilisateur de l’aéroport Charles-de-Gaulle, ne veut pas financer ! C’est en partie l’usager qui paiera.
Pourquoi les partenaires privés ont-ils reculé jusqu’à présent ? Je vous rappelle, Vinci est actionnaire minoritaire d’ADP.
Le Parlement veut-il se lancer les yeux fermés dans un tel projet quitte à devoir en assumer le déficit futur ? Nous évoquerons l’état des infrastructures de transports en Île-de-France à l’occasion d’amendements ultérieurs ; mon collègue Roger Karoutchi interviendra sur le sujet. Nous verrons alors si la représentation nationale est véritablement prête à prendre en charge les déficits.
Pour ma part, je ne veux pas que les Franciliens ou les entreprises franciliennes soient pénalisés, comme cela s’est déjà produit par le passé. L’État ne veut pas débourser un centime, mais il exige de tout régenter : ce n’est plus acceptable !
Aujourd'hui, ADP fonctionne ; ses résultats atteignent 300 millions d’euros ou 400 millions d’euros par an. Mais il ne serait pas concevable d’affirmer que le CDG Express est un projet privé et qu’ADP est un opérateur privé alors que les contribuables devront payer le déficit dans quelques années. Faut-il vous rappeler l’exemple d’Orlyval ou d’autres dossiers de ce genre ? Nous n’avons pas encore étudié le prolongement de la ligne 14 ou l’amélioration de la liaison RER B directe. L’État a perdu vingt ans !
Il ne faudra pas vous étonner si l’ensemble des citoyens sont mis à contribution lorsque la vente d’un certain nombre d’infrastructures aéroportuaires ou portuaires se révélera nécessaire ! La solidarité nationale est nécessaire en matière d’infrastructures. Les problèmes financiers de l’Île-de-France vous concernent tous. Soyez donc attentifs !
À moins que le Gouvernement ne nous apporte les précisions nécessaires, j’estime que l’adoption de cet article autorisant à légiférer par ordonnance reviendrait à mettre une nouvelle fois la poussière sous le tapis, comme l’État le fait depuis vingt ans ! (Applaudissements sur quelques travées de l'UMP.)
M. le président. Je suis saisi de deux amendements identiques.
L'amendement n° 8 est présenté par Mmes Assassi, Didier et les membres du groupe communiste républicain et citoyen.
L'amendement n° 429 est présenté par M. Desessard et les membres du groupe écologiste.
Ces deux amendements sont ainsi libellés :
Supprimer cet article.
La parole est à Mme Brigitte Gonthier-Maurin, pour présenter l’amendement n° 8.
Mme Brigitte Gonthier-Maurin. L’article 3 bis permet au Gouvernement de prendre par voie d’ordonnance des mesures permettant la réalisation du CDG express, projet de ligne directe entre Paris et l’aéroport Paris-Charles-de-Gaulle.
Ce faisant, l’article autorise la réalisation en urgence de ce projet pour des motifs, aujourd'hui pour le moins incertains, de jeux Olympiques ou d’Exposition universelle. Or le projet est coûteux et chaotique, comme M. Dominati vient de le souligner. En outre, nous sommes convaincus qu’il pourrait se révéler socialement injuste.
C’est ce qui motive notre amendement de suppression. Élus franciliens, nous connaissons bien ce projet. Nous en parlons depuis plusieurs années. Le moins que l’on puisse dire, c’est qu’il est loin de faire l’unanimité ! Surtout, il apparaît très éloigné des réalités des problématiques que connaissent aujourd'hui les Franciliens en termes de transports. Il n’est d’ailleurs pas certain que ces derniers soutiendraient un tel projet si on les interrogeait, surtout en leur indiquant tous les tenants et les aboutissants, notamment les charges exorbitantes qu’ils seraient susceptibles de devoir assumer…
Pour notre part, nous considérons qu’un tel projet ne répond ni aux difficultés de transport ni aux priorités des Franciliens. C’est pourquoi nous demandons la suppression de cet article.
M. le président. La parole est à M. Jean Desessard, pour présenter l'amendement n° 429.
M. Jean Desessard. L’article 3 bis permet au Gouvernement de prendre par voie d’ordonnance des mesures permettant la réalisation du CDG Express. Nous y sommes opposés.
Sur la forme, nous ne comprenons pas pourquoi cela figure aujourd’hui dans le projet de loi. Le sujet aurait mérité un véritable débat, tant la situation est complexe, comme cela a été rappelé.
Sur le fond, l’article vise à faciliter la réalisation d’un projet que nous jugeons coûteux et socialement injuste. En plus, il est prévu de le faire en urgence, et pour des motifs hypothétiques, comme les jeux Olympiques ou l’Exposition universelle.
Une telle réalisation de prestige sera financée au détriment d’autres dessertes pourtant absolument nécessaires ; c’est tout le problème. Des investissements urgents sont requis dans certaines banlieues ou dans certains quartiers pour permettre des déplacements quotidiens entre le domicile et le lieu de travail. Vous nous proposez une ligne rapide, moderne et prestigieuse pour les cadres pressés qui voudront rejoindre l’aéroport au plus vite, pendant que les plus modestes devront continuer à s’entasser dans le RER B.
Mes chers collègues, attention aux fractures territoriales ! Elles ont des effets politiques que nous ne pouvons pas maîtriser.
M. Roger Karoutchi. Allons bon !
M. Jean Desessard. Tout comme dans le monde rural, il existe une fracture territoriale en région parisienne !
Les travaux devront être entrepris. Si le terminus est bel et bien maintenu gare de l’Est, les voies devront forcément traverser la seule zone industrielle de Paris, CAP 18, dédiée à l’imprimerie, mettant en danger 2 000 emplois. À ce jour, aucune estimation des indemnités d’expropriation et de perte d’exploitation des locataires n’a été chiffrée ; aucune étude de sols n’a été réalisée.
Par conséquent, les écologistes s’opposent à ce grand projet précipité et discutable tant sur la forme – ce n’est pas aujourd'hui que nous devrions en débattre – que sur le fond ! (Applaudissements sur les travées du groupe écologiste.)
M. le président. Quel est l’avis de la commission ?
Mme Dominique Estrosi Sassone, corapporteur. La commission a émis un avis défavorable sur ces deux amendements, dont nous ne partageons pas les motivations.
Comme l’a souligné M. Dominati, le CDG Express vise à répondre à des besoins réels. Nous devons donc nous fixer pour objectif la réalisation de ce projet dans un calendrier tendu. L’équipement devra être opérationnel pour les jeux Olympiques et l’Exposition universelle. Nous ne pouvons plus retarder la mise en œuvre du chantier. Cela a été rappelé, il y a déjà eu beaucoup de temps perdu depuis l’échec du montage de la concession en 2011.
J’invite notre collègue Philippe Dominati, qui a affirmé que nous n’aurions pas eu beaucoup d’échanges sur le sujet en commission spéciale, à se reporter au compte rendu de nos travaux. Nous avons déjà eu un débat nourri en commission. Certes, nous pouvons évidemment continuer en séance.
Il me paraît en revanche légitime de demander des explications à M. le ministre ; on peut déplorer le manque d’information sur le financement du projet et sur les modalités de constitution de la filiale entre ADP et SNCF réseau. Il est impossible de croire que le Gouvernement n’ait pas ces éléments en sa possession, un dossier d’information ayant été transmis à la Commission européenne au mois de décembre 2014.
Le débat parlementaire ne peut pas se dérouler sereinement si le Gouvernement ne nous apporte pas des éléments précis et ne nous tient pas directement informés sur un projet d’une telle envergure.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. Emmanuel Macron, ministre. Je souhaite d’abord expliquer pourquoi l’article 3 bis a bien sa place dans le présent projet de loi.
Ainsi que Mme la corapporteur l’a rappelé, c’est une disposition emblématique : relancer la croissance et l’activité dans notre pays, cela signifie parfois arrêter de procrastiner. Or, et l’ensemble des intervenants l’ont souligné, cela fait bien longtemps que l’on parle du CDG Express. Le meilleur moyen de relancer la croissance, c’est d’avancer. C’est, je le crois, ce qu’attendent nos concitoyens.
Au demeurant, rien n’empêche les autocars de se développer sur le territoire francilien. Notre projet n’a rien d’exclusif. Il s’inscrit dans la perspective plus large du Grand Paris et des investissements publics, y compris sur les contournements et les ouvertures de lignes.
À aucun moment le Gouvernement ne prétend répondre au problème des déplacements franciliens via le CDG Express. Mais cet élément du schéma de développement des transports franciliens méritait un traitement particulier. L’ouverture de cette ligne peut justifier de ne pas mettre d’argent public. La chronique des tentatives successives des années précédentes a été rappelée.
À la lumière des expériences passées, et dans le cadre d’un projet d’aménagement plus large qui modifiera les conditions de rentabilité et d’aménagement du projet, le Gouvernement veut développer le CDG Express.
Une société commune sera constituée entre ADP et SNCF Réseau, afin de mettre le projet en œuvre avec du capital des deux sociétés. Il ne s’agit donc pas de capital public.
Il a été affirmé à plusieurs reprises que l’on donnerait le pouvoir à l’administration. Je vous rassure, dans notre système institutionnel, cette dernière ne me semble pas être l’ennemie du Parlement. Chacun a sa place. L’administration travaille sous l’autorité des ministres. La plupart du temps, il s’agit de femmes et d’hommes qui œuvrent au service de l’intérêt général. Je ne pense pas qu’il soit sain de les considérer comme des ennemis de classe. En l’espèce, ce n’est même pas l’administration qui travaillera sur le projet ; ce seront les agents de la filiale commune de SNCF Réseau et d’ADP. Cette société aura la possibilité de se financer par fonds propres et de lever du capital pour monter des projets, dont la rentabilité est effectivement à long terme, mais ce n’est pas peine perdue.
Le plan d’affaires préliminaire établi à ce stade, sur lequel nous allons demander à la société de projet de travailler – c’est exactement la même dynamique que celle qui a été évoquée précédemment à propos du Grand Paris –, devra être crédible, avec une tarification adaptée des billets délivrés aux usagers ; ce sera un élément de cette rentabilité. Selon les éléments indicatifs que nous avons pu obtenir, le tarif s’établirait autour de 23 euros à 25 euros. C’est relativement cher. Mais ce sera ensuite aux entreprises franciliennes souhaitant que leurs salariés en bénéficient de décider de la politique à mettre en place et, éventuellement, de subventionner ces billets.
Les moyens de transport seront également empruntés par les touristes et la clientèle d’affaires, Paris ayant aussi cette vocation. Or le réseau actuel ne permet pas de prendre en compte cette réalité. À cet égard, ce projet est tout est à fait cohérent avec le dispositif relatif aux autocars dont nous discutions hier. Quand on croit à la mobilité, on croit à toutes ses formes ! Elles ne sont pas exclusives les unes des autres.
De même que l’on ne fera pas voyager tous les Français en TGV partout dans notre pays, on ne fera pas voyager tous les Franciliens, qu’ils soient touristes, hommes d’affaires, habitants habituels ou occasionnels de la région, avec les mêmes moyens de transport. D’ailleurs, ce n’est déjà pas le cas aujourd’hui !
Nous allons donc accroître l’offre de transports et la mobilité sur notre territoire.
Nous examinerons ensuite comment financer ce projet, en fonds propres et sur le plan de l’accès à la dette à court et long termes. La rentabilité dépendra d’ailleurs de la capacité de financement sur le long terme.
Le projet figure parmi ceux que le Gouvernement a déposés à la Banque européenne d’investissement pour être éligible au plan d’investissement européen, dit plan Juncker, qui permet des financements très longs à taux d’intérêts réduits. Il s’agit précisément du type d’infrastructure pertinent pour cet accès au financement. Si ce projet était retenu, cela permettrait d’accroître sa rentabilité et de moduler les tarifs.
Tous les paramètres ne sont pas encore définis, mais un plan d’affaires commence à se dessiner. Nous voulons que la société de projet avance sur ce point au cours des prochains mois.
C’est ainsi que nous approcherons de la réalisation du projet, dans le même esprit de transparence que j’évoquais à propos du canal Seine-Nord. La société de projet et le Gouvernement devront rendre compte de manière régulière des plans d’affaires actualisés, à la lumière des avancées techniques réalisées.
Voilà les éléments de clarification que je voulais apporter à ce stade. Je confirme qu’il n’y a pas d’argent public sur la table, pour toutes les raisons que je viens d’évoquer. Ce projet a ses propres conditions de rentabilité ; elles dépendent de son accès au financement long. Mais il doit aussi être mis en résonance avec l’ensemble de l’argent public consacré au Grand Paris et avec son calendrier. C’est ainsi que l’on donnera de la crédibilité à l’un et l’autre.
M. le président. La parole est à M. Roger Karoutchi, pour explication de vote.
M. Roger Karoutchi. Je suis lassé d’entendre les mêmes discours depuis vingt ans sur les transports en Île-de-France, publics ou non, sans que rien ne bouge jamais !
Comme j’aurai l’occasion de le répéter lors de l’examen d’amendements ultérieurs, tant que l’on ne confiera pas la gestion et la gouvernance des transports publics en Île-de-France à un seul acteur, on tournera en rond !
Voilà des années – j’ai bien entendu l’intervention de notre collègue du groupe CRC –, au sein du Syndicat des transports d’Île-de-France, le STIF, j’ai participé à la mise en place du schéma de la ligne B Nord à destination de Roissy. Il y a dix ou quinze ans, ce projet était déjà en concurrence avec le CDG Express : on nous disait déjà que celui-ci serait financé par les banques et que l’on allait améliorer le RER B nord.
Je soutiens le CDG Express depuis le début, car – je le dis à nos collègues du groupe CRC – je suis favorable à l’amélioration des réseaux RER et je me bats depuis longtemps en ce sens au sein de la région.
Mais si nous avons besoin de ce projet, ce n’est pas à cause de l’Exposition universelle ou des jeux Olympiques. Nous ne sommes même pas certains de les accueillir ; attendons un peu !
M. Vincent Capo-Canellas, président de la commission spéciale. Bien sûr !
M. Roger Karoutchi. Nous en avons besoin pour soutenir le tourisme et l’activité économique, qui s’effondrent dans la région d’Île-de-France ! (M. Jean-Claude Lenoir acquiesce.) Or ce n’est pas le cas chez nos concurrents, Londres, Barcelone et Berlin.
Notre région s’effondre ! Il nous faut donc des moyens pour faire revenir les investisseurs, pour donner confiance aux touristes et pour pouvoir dire que Paris est, à l’instar de Londres, Barcelone et Berlin, une véritable destination. Pour ces raisons, nous avons besoin d’améliorer parallèlement les transports publics. (M. le président de la commission spéciale acquiesce.)
Pourquoi sommes-nous hésitants ? Parce que, dans le secteur des transports publics, que ce soit la gauche ou la droite, l’État prend à chaque fois des engagements et, au final, ne fait rien !
M. Bruno Sido. Voilà !
M. Roger Karoutchi. On nous promet toujours monts et merveilles ! Et je signe, comme d’autres, des conventions à ne plus savoir qu’en faire...
Puis, au bout du bout, l’État nous dit que c’est bien dommage et qu’il a certes signé, mais qu’il n’y a pas un sou. Il promet alors de mettre en place une concession « d’enfer », de nous autoriser à prélever des impôts et taxes supplémentaires sur les entreprises et les particuliers. Voilà ce qu’est la contribution de l’État !
Il faut que tout le monde le sache, l’État ne consacre pas un centime au Grand Paris Express, ce fameux Grand Paris à 30 milliards d’euros ! Ce sont en réalité les prélèvements sur les entreprises et les particuliers d’Île-de-France, et non l’argent de l’État, qui financent le transport francilien ! (Vifs applaudissements sur les travées de l'UMP.)
Monsieur le ministre, vous dites qu’une société SNCF-ADP sera créée et qu’elle représentera la contribution de l’État. La SNCF, qui est particulièrement endettée et qui n’est pas capable de faire les travaux courants d’amélioration du réseau, devrait prendre en charge ce grand projet ? Vous comprendrez que je m’inquiète ! Et ADP cherche avant tout à ce qu’on l’oublie, préférant que l’on ignore jusqu’au nom de son président, afin d’éviter tout prélèvement ! (Sourires sur les travées de l'UMP.)
Encore une fois, je veux ce projet, mais cela fait vingt ans qu’on en parle ! Je ne sais pas s’il faut une ordonnance ou non. On a envisagé tous les systèmes possibles depuis vingt ans. Pour le moment, il n’y a pas le début d’un coup de pioche !
Mme Nicole Bricq. Ce n’est pas nouveau !
Mme Éliane Giraud. La droite a été au pouvoir pendant dix ans !
M. Roger Karoutchi. Je veux bien vous faire confiance, monsieur le ministre. Mais, franchement, cela m’inquiète que l’on envisage ADP et la SNCF comme acteurs du projet !
Je préférerais que la SNCF s’occupe de l’amélioration du réseau, du Transilien, c’est-à-dire qu’elle fasse son travail. Or elle ne le fait pas. Certes, elle commence à réinvestir en Île-de-France depuis quatre ou cinq ans. Mais elle ne l’avait pas fait pendant vingt ans ! Or, s’il y a eu autant d’accidents, de retards et de problèmes divers, c’est parce que la SNCF a financé le TGV, mais a délaissé le transport en Île-de-France ! Du coup, quand j’entends qu’elle sera l’actrice principale de ce projet, cela ne me rassure pas !
Je ne sais pas si ce texte est aujourd’hui nécessaire. Encore une fois, nous sommes favorables au projet de CDG Express. Je suis bien conscient que nous avons besoin d’une jonction parallèlement au RER B. Mais vous devez trouver une solution qui inspire confiance !
Confier cette mission à la SNCF et ADP reviendrait à enterrer le projet. Et, monsieur le ministre, vous ou votre successeur viendrez nous voir dans deux ou trois ans en espérant trouver une nouvelle solution ! (Applaudissements sur les travées de l'UMP.)
M. le président. La parole est à Mme Christine Prunaud, pour explication de vote.
Mme Christine Prunaud. Nous souhaitons la suppression de l’article 3 bis A.
D’abord, l’article dispose que l’ordonnance modifiera l’article L. 2111-3 du code général de la propriété des personnes publiques, mais il ne précise pas en quoi. De même, les financements qui seront mobilisés, les entreprises qui seront associées et le montage juridico-financier qui sera retenu ne sont pas mentionnés. Selon nous, cette seule raison justifierait que le Parlement supprime l’article 3 bis A.
En outre, nous avons toujours été à cet article L. 2111-3, et nous le demeurons aujourd’hui.
Par ailleurs, l’article 3 bis A prévoit la réalisation d’un projet pour le moins contestable. Le STIF est totalement dépossédé des compétences qui lui sont dévolues par la loi ; l’autorité organisatrice des transports de la région ne sera nullement associée au projet. Nous réfutons cette mise à l’écart.
Enfin, nous contestons le projet sur le terrain social et sociétal, car il crée un transport des riches, séparé de celui des pauvres. Un système tarifaire différent de celui des autres modes de transport ferroviaire en région serait mis en place, et les capacités de développement de la future ligne 17 du Grand Paris Express et de la ligne B du RER seraient freinées.
À ce propos, je vous reconnais une certaine constance, monsieur le ministre : pour justifier votre projet de créer des lignes de bus privées, vous indiquez que ceux qui n’auront pas les moyens de prendre le train pourront tout de même voyager. Avec cet article, vous vous apprêtez à permettre aux voyageurs les plus riches de rejoindre la capitale rapidement et dans de meilleures conditions ! Que devient la promesse républicaine d’égalité lorsque l’on réfute au plus grand nombre la possibilité de voyager dans de bonnes conditions ?
M. le président. La parole est à M. le président de la commission spéciale.
M. Vincent Capo-Canellas, président de la commission spéciale. Monsieur Dominati, le compte rendu de nos réunions de commission montre que le débat a été fourni. Je peux d’ailleurs en témoigner sans enjoliver mes souvenirs.
Mme la corapporteur m’a fait remarquer à juste titre que j’étais arrivé en séance un quart d’heure en retard ce matin. Il y avait en effet des difficultés sur le RER B en raison d’un accident voyageur. (Exclamations amusées sur les travées de l'UMP.)
Il m’est souvent arrivé, comme à Roger Karoutchi, de faire part de ce genre d’expériences. Quand Frédéric Cuvillier était ministre délégué d’État chargé des transports, il avait d’ailleurs coutume de dire que je portais « la poisse » : à chaque fois que je devais prendre le train pour venir débattre des transports au Sénat, il y avait un problème ! (Sourires.)
Je souhaite que nous ayons tous à l’esprit l’ensemble des éléments du débat. Chacun a essayé d’y contribuer à sa manière.
Je suis maire d’une commune riveraine de la future ligne de CDG Express. Avec mes collègues, nous avons eu le débat sur le sujet soulevé par le groupe CRC : s’agit-il d’un transport de riches ? Nous nous sommes aussi demandé si nous allions continuer à regarder passer les trains.
Le débat me semble en partie derrière nous. Un grand chantier a été lancé depuis par Christian Blanc et Nicolas Sarkozy, qui ont décidé de prendre à bras-le-corps le problème des transports en Île-de-France. La nouvelle majorité a continué en ce sens.
Certes, monsieur Karoutchi, l’État tient difficilement ses engagements. Toutefois, le Premier ministre a annoncé que, s’agissant de la fameuse ligne 17 reliant le CDG Express avec le Grand Paris Express, les délais seraient raccourcis, même si c’est de peu. Quoi qu’il en soit, la ligne est solidifiée. C’est un élément positif.
Dans ce secteur de l’Île-de-France, comme partout ailleurs, le Grand Paris Express avance. Les échéances, qu’il nous faudra consolider, sont fixées à 2024.
Ce matin, dans le RER B, je n’ai pas pu prendre le premier train, car un accident voyageur s’était produit plus loin sur la ligne nord. Quand la rame est arrivée à quai, elle était complète. Pour ma part – peut-être est-ce aussi le cas de Roger Karoutchi ? –, j’ai pris l’habitude de pousser, ce que je n’osais pas faire auparavant. (Sourires sur les travées de l'UMP.) Mais, aujourd’hui, il était impossible de le faire tant le wagon était plein ; la personne qui me précédait était littéralement coincée par la porte. J’y ai donc renoncé. Il faut désaturer tout cela !
Lorsque j’ai pris le train suivant, j’y ai vu deux voyageurs arrivant de Roissy avec leurs bagages, qui se trouvaient, comme moi, dans ce train bondé.
Je comprends ce que dit Philippe Dominati : la relation entre la capitale, ville-monde, et son aéroport international constitue un sujet majeur pour Paris. Il faut donc régler ces problèmes de transport. Lorsque vous allez à Londres, vous rejoignez facilement le centre. Quand on arrive dans un aéroport international, on souhaite pouvoir vite rejoindre sa destination. Il faut que les voyageurs de Roissy-Charles-de-Gaulle puissent se rendre rapidement dans la capitale. Désaturons les transports !
La relation entre Paris et ses aéroports constitue un enjeu majeur pour la capitale. La qualité de service de l’aéroport de Roissy-Charles-de-Gaulle a longtemps été fustigée. (Mme Nicole Bricq acquiesce.) Elle s’est améliorée – nous avons des indicateurs très fins – grâce à l’ancien et à l’actuel président d’ADP, MM. Pierre Graff et Augustin de Romanet.
Nous sommes sortis des classements idiots selon lesquels l’aéroport de Roissy-Charles-de-Gaulle était le pire aéroport du monde. C’est en partie fini. Il n’en reste pas moins qu’il est difficile d’y accéder. Cela constitue un élément de fragilité majeur. Il faut donc y remédier.
Je mettrai un bémol à l’excellente intervention de Roger Karoutchi. M. Augustin de Romanet – moi, je le nomme ! (Sourires.) – a pris ce dossier à bras-le-corps, et il le booste. Il a déclaré qu’ADP s’engageait dans ce projet ; c’est vital pour un aéroport international français.
J’ai retrouvé les dates dans l’excellent rapport de la commission spéciale. La déclaration d’utilité publique date de 2008. Le débat public a eu lieu en 2003. Je comprends l’impatience de Philippe Dominati, pour qui nous piétinons un peu.
M. Bruno Sido. « Un peu » ?
M. Vincent Capo-Canellas, président de la commission spéciale. La question qui se pose aujourd’hui est de savoir si la disposition que nous prenons est de nature à débloquer la situation ou non. (M. Philippe Dominati s’exclame.)
Pour ma part, j’ai le sentiment que nous avançons. Une piste privée, avec Vinci, qui faisait peur à tout le monde, avait été envisagée. Elle n’a pas abouti. Tant mieux ! Personne n’y croyait vraiment, et chacun avait conscience qu’une telle solution comportait des risques.
ADP et SNCF Réseau ont trouvé un accord. Des engagements ont été pris. Certes, on peut s’étonner de l’intervention de ce dernier opérateur. Pourtant, sans lui, on se demanderait si ce montage ne serait pas privé. Une telle tâche incombe au gestionnaire d’infrastructures que nous avons créé. Il lui revient de le faire.
Le contexte a évolué. ADP et SNCF Réseau s’engagent. Avec la création du Grand Paris Express et le plan de mobilisation sur le RER B, une amélioration des transports au quotidien est attendue pour répondre aux besoins légitimes des populations.
Nous devons construire ce projet ensemble. Pour ma part, je me réjouis qu’il ne soit pas fait appel à des fonds publics. Si tel était le cas, les riverains trouveraient que cela les prive des moyens destinés à moderniser le RER B ou à réaliser le Grand Paris Express. Il n’en est rien.
Le rapport de la commission spéciale soulève très légitimement la question, que nous n’avons pas esquivée lors de nos réunions, de l’existence d’engagements clairs en matière de financements.
Ayant la chance d’être le rapporteur spécial du budget annexe « Contrôle et exploitation aériens », j’ai pris l’initiative de réinterroger les initiateurs du projet. Je confirme les propos de M. le ministre : le projet est pris en charge à 50 % par ADP et à 50 % par SNCF Réseau. Le texte que nous examinons permet la création du gestionnaire d’infrastructures. À ce stade, le budget est évalué à 1,7 milliard d’euros en euros constants en 2019. SNCF Réseau doit normalement retrouver ses fonds propres dans ce montage, avec un taux de rentabilité interne estimé à 8 %, ce qui est plutôt intéressant. (M. Bruno Sido s’exclame.)
Une demande de financement de l’ordre de 400 millions d’euros, soutenue par l’État, a été adressée à la Banque européenne d’investissement. Je pense que c’est positif. Il faudra défalquer cette somme du montant total du projet. Par conséquent, il faut trouver un peu moins de 1,3 milliard d’euros.
Aucune subvention publique n’est donc prévue. Le gestionnaire d’infrastructures et ADP s’engagent sur le fait que les investissements consacrés à CDG Express serviront aussi pour partie à améliorer la robustesse du RER B et de la ligne 4, car ce sont des lignes communes.
Souhaitons que nous puissions franchir ce cap et faire en sorte que le projet trouve sa concrétisation ; c’est un serpent de mer.
Mme Catherine Procaccia. C’est un serpent de terre ! (Sourires sur les travées de l'UMP.)
M. Vincent Capo-Canellas, président de la commission spéciale. Le projet est utile pour tout le pays.
On affirme souvent qu’il s’agit d’un problème parisien. Or le provincial qui atterrit à l’aéroport d’Orly pour faire une liaison nationale ou qui a besoin de se rendre à l’aéroport de Roissy-Charles-de-Gaulle pour partir à l’étranger se demande comment relier les deux aéroports. Il s’agit bien d’un problème de compétitivité. Je me réjouis que le projet de loi contienne des dispositions qui contribuent ainsi à la croissance.
Monsieur Desessard, vous avez évoqué la « fracture territoriale », un sujet que vous connaissez bien. Oui, elle existe ! C’est un habitant de la Seine-Saint-Denis qui l’affirme. Pour notre part, nous souhaitons la réduire ; même si cela ne semble pas évident en apparence, l’adoption de cet article y contribuera indirectement. C’est un élément majeur pour nous.
M. le président. La parole est à M. Jacques Mézard, pour explication de vote.
M. Jacques Mézard. Il n’est pas anormal que le représentant du département le plus enclavé de France s’exprime sur le projet CDG Express. (Sourires.)
Mme Catherine Procaccia. Vous prenez peut-être l’avion ! (Nouveaux sourires.)
M. Jacques Mézard. Je pourrais m’exprimer longuement sur le sujet, surtout aujourd’hui. M. le ministre le sait bien.
Faut-il réaliser le CDG Express. J’ai cru comprendre que tout le monde, de la droite à une grande partie de la gauche, était d’accord sur ce point.
M. Gérard Longuet. Oui !
M. Jean-Claude Lenoir. Il faut le faire !
M. Jacques Mézard. Le projet est d’un intérêt national. Dans la mesure où Paris est une ville-monde, il nous faut un aéroport à la hauteur. C’est une véritable priorité. Pour autant, je ne pense pas que le reste soit accessoire : le quotidien des Franciliens aussi est important.
Mais, monsieur le ministre, gouverner, c’est choisir et dégager les grandes priorités ! Cet article prévoit d’habiliter le Gouvernement à légiférer par ordonnance pour permettre la réalisation du projet. Allons-y !
L’examen de l’article nous donne l’occasion de constater que ces grandes infrastructures ne fonctionnent pas parfaitement. Ce projet est donc nécessaire pour que, comme l’a très justement rappelé Roger Karoutchi, nous soyons « concurrentiels » – vous le savez, je n’aime pas trop ce terme ; je l’emploie avec précaution – avec Londres ou d’autres capitales.
Monsieur le ministre, puisque nous sommes très majoritairement d’accord pour agir, prenez le plus rapidement possible les dispositions nécessaires pour que ce projet se fasse. (Marques d’approbation sur les travées de l'UMP.)
Vous attendez sans doute la suite, mes chers collègues ! (Sourires.) Ce projet de loi a pour objet la croissance, l’activité et l’égalité des chances économiques. Lorsque je pleure pour obtenir quelques milliers d’euros afin de créer une liaison aérienne une fois par jour, et même pas toute l’année, pour la préfecture la plus enclavée de France, on me rétorque que l’argent manque.
La croissance n’est pas réservée qu’aux territoires où la population est nombreuse, même s’il faut savoir dégager des priorités.
M. Jean-Claude Carle. Très bien !
M. le président. La parole est à Mme Nicole Bricq, pour explication de vote.
Mme Nicole Bricq. Je donne acte à M. le président de la commission spéciale et à Mme la corapporteur : le débat a bien eu lieu en commission. J’y ai d’ailleurs pris une part active. M. Philippe Dominati a eu l’occasion d’exposer ses craintes, certes rapidement ; il avait annoncé qu’il reviendrait sur le sujet en séance publique.
Dans un contexte de concurrence mondiale, cet investissement est une nécessité objective pour l’attractivité de la France.
M. Bruno Sido. Personne ne dit le contraire !
Mme Nicole Bricq. Si ! Les différentes interventions ont montré que tout le monde n’était pas sur cette ligne. (M. Gérard Longuet acquiesce.)
Dans la mesure où l’aéroport de Roissy-Charles-de-Gaulle figure parmi les sept ou huit premiers aéroports du monde, il faut des voies de dégagement rapides pour la capitale. Comme M. Mézard l’a rappelé, il s’agit là d’un investissement national qui intéresse toute la représentation nationale.
Sortons des clichés ! Non, chers collègues du groupe CRC, ce n’est pas un investissement pour les riches ! Les puissants hommes d’affaires prennent des avions d’affaires. Ils atterrissent…
M. Michel Bouvard. Au Bourget ! (Sourires sur les travées de l'UMP.)
Mme Nicole Bricq. … au Bourget, et tout ce dont ils ont besoin les attend à l’arrivée. (Marques d’approbation sur les travées de l'UMP.)
M. Roger Karoutchi. Ils ont des voitures de fonction !
Mme Nicole Bricq. J’ai souvent eu l’occasion d’arriver vers six heures du matin à l’aéroport de Roissy-Charles-de-Gaulle. J’y ai vu, certes, des touristes, mais également des ingénieurs des bureaux d’études qui, à l’heure de la mondialisation, vont et viennent et se déplacent en classe économique. Celui qui arrive à l’aéroport de Roissy-Charles-de-Gaulle d’Asie ou d’Amérique du Sud est en droit d’avoir une liaison rapide vers Paris. La circulation routière est infernale à partir de six heures et demie : il faut deux heures pour rejoindre la capitale. Pour celui qui vient de Chine et qui n’est pas forcément riche, ce n’est pas facile de trouver le RER !
J’ai entendu les arguments de Roger Karoutchi, qui connaît bien l’Île-de-France. J’ai bien compris aussi que nous étions en campagne électorale... (Exclamations amusées sur les travées de l'UMP.)
M. Jean-Claude Lenoir. Ah bon ? (Mêmes mouvements.)
M. Roger Karoutchi. D’autres sont en campagne ! Pas moi !
Mme Nicole Bricq. Vous avez beaucoup fustigé l’État.
Permettez-moi de vous rappeler un élément, assez récent. Alors que toutes les régions ont obtenu la compétence transports dès 2001, la région Île-de-France a dû attendre 2006 pour que l’État accepte de transférer cette compétence au STIF. Qui était au pouvoir à l’époque, monsieur Karoutchi ? Ce n’était pas nous ; c’était vous. Souvenez-vous des difficultés qu’il a fallu surmonter pour obtenir un tel transfert. Il a fallu établir un état des lieux sur lequel nous ne sommes pas parvenus à nous accorder ; même le comité des finances locales est intervenu. Avant de voter, il a fallu que notre ancien collègue Jean-Pierre Fourcade mène un travail d’investigation, ce qui était loin d’être facile à l’époque.
Les rapports de la région capitale avec l’État ont toujours été difficiles.
M. Jean Desessard. C’est-à-dire ?
Mme Nicole Bricq. Ce n’est pas un point d’histoire ; c’est la vie parlementaire. Nous l’avons vécu.
Il faut aussi se souvenir du contrat de plan État-région qui a été signé.
Monsieur Karoutchi, vous dites que l’État ne met pas un sou. Mais ce n’est pas vrai ! Plus d’un milliard d’euros viendront de l’État pour la modernisation du réseau entre 2015 et 2020.
M. Roger Karoutchi. Pas sur le Grand Paris Express !
Mme Nicole Bricq. Vous connaissez mieux que moi tous les projets. Vous êtes féru de la région Île-de-France. Vous savez que des rocades et des lignes sont prévues.
Nous sommes parvenus à un accord État-région. Ne dites pas aujourd’hui que l’État ne met pas un sou. Ce n’est pas acceptable, car ce n’est pas la réalité. (M. Roger Karoutchi le conteste.)
Je rejoins Jacques Mézard. Si nous sommes d’accord pour le faire, avançons !
M. Jean-Claude Lenoir. Il faut le faire !
Mme Nicole Bricq. Ne faisons pas comme à l’opéra, où le chœur entonne « Marchons, marchons ! » alors qu’il reste sur place. Maintenant, on bouge à l’opéra ; on peut donc bouger au Sénat ! (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste.)
M. le président. La parole est à Mme Laurence Cohen, pour explication de vote.
Mme Laurence Cohen. Je pense également que nous devons avancer. On ne peut avoir une vision binaire de la situation. Pour autant, que de contradictions !
Quand il est question de la desserte de l’aéroport de Roissy-Charles-de-Gaulle, tout le monde est d’accord pour trouver des solutions afin de faire avancer le projet. Plusieurs d’entre nous ont d’ailleurs rappelé que ce projet était dans les cartons depuis bien longtemps. Dans le même temps, on fait fi du travail réalisé par le STIF et la société du Grand Paris pour améliorer le réseau existant, y compris le fait de dégager des moyens en faveur du CDG Express. Je trouve que c’est un mépris des élus, non seulement parlementaires, mais également conseillers régionaux ou représentants au STIF.
Lorsque l’on monte des projets sans concertation avec les acteurs concernés, on commet nécessairement des impairs. C’est bien joli de nous dire qu’il faut avancer ! Après tout, 1,9 milliard d’euros, ce n’est pas grand-chose… (Marques d’ironie sur les travées du groupe CRC.) Mais, à l’heure où l’on ne cesse de nous opposer des « budgets contraints », à l’heure, où il faut, paraît-il, réaliser des économies dans tous les secteurs, que ce soit à l’hôpital ou dans les transports, nous nous demandons d’où sortira cet argent !
L’État, nous dit-on, ne versera pas un « kopeck » : j’emploie cette expression pour confirmer l’image que vous avez du groupe CRC et vous réveiller un peu, mes chers collègues. (Exclamations amusées.)
Il nous est demandé de signer un chèque blanc et d’accorder notre confiance sans savoir quel sera le montage et quelles en seront les parties prenantes. Avouez-le, c’est totalement contradictoire avec notre rôle de parlementaires, nous qui défendons ici et dans nos territoires la concertation entre les élus et les populations.
Je le rappelle, un travail a été réalisé sur le réseau du Grand Paris et la ligne 17 est prévue pour répondre à l’objectif de relier les aéroports de Roissy-Charles-de-Gaulle et d’Orly, grâce à une interconnexion avec la ligne 14, qui desservira Orly. Le texte parle des transports sans évoquer les liens ; il y a là quelque chose qui m’échappe.
On nous dit qu’il faut pouvoir aller vite. M. le président de la commission a évoqué les problèmes qu’il rencontre sur la ligne B du RER. Toutes celles et tous ceux qui empruntent les transports en commun – nous sommes nombreux dans ce cas, que nous soyons franciliens ou provinciaux – connaissent de telles difficultés. L’amélioration et le développement des dessertes existantes relèvent donc d’une nécessité absolue.
Ce qui me gêne, c’est que l’on oppose les uns aux autres. On est en train de faire fi de ce qui est la base même de la démocratie : la concertation. « Dormez tranquilles, chers parlementaires, nous allons vous sortir un projet digne de ce nom », nous dit-on. Nous dénonçons ce procédé, sur la forme – je fais référence aux ordonnances – comme sur le fond.
Il ne faut pas rester dans le flou. À cet égard, j’entends certains des arguments de M. Dominati, même si nous ne siégeons pas sur les mêmes travées. (Mme Nicole Bricq s’exclame ironiquement.) Madame Bricq, vous entretenez vous-même des liens avec des personnes qui ne partagent pas vos positions ! On peut parfois créer des passerelles.
Pour ma part, je suis constante, et je défends toujours des transports de qualité tant pour les voyages au quotidien et pour les voyages d’affaires. Moi, je ne passe pas mon temps à opposer les uns aux autres ! (Applaudissements sur les travées du groupe CRC.)
M. le président. La parole est à M. Philippe Dominati, pour explication de vote.
M. Philippe Dominati. Je regrette de n’avoir pas reçu de réponses aux questions que j’avais soulevées.
Encore une fois, je soutiens le projet, au nom de l’efficacité. Il faut, me semble-t-il, avancer le plus rapidement possible. Nous sommes nombreux ici à partager ce point de vue.
Toutefois, la méthode choisie me paraît hasardeuse. L’alibi de la rapidité a déjà été maintes fois employé par les gouvernements, toutes tendances politiques confondues. C’est malheureusement toujours une entrave. On nous parle des ordonnances ? J’en accepte l’augure. Mais je doute que cela permette au projet d’aboutir…
L’État, nous dit-on, ne mettra pas un euro dans ce projet ; la SNCF et ADP n’en dépendent pas directement. Ces entités emprunteront. Il faut le savoir, le CDG Express ne créera pas de liaison entre les deux aéroports parisiens, contrairement à deux autres projets, qui, eux, le prévoyaient.
Je le rappelle, lors de l’examen du texte sur le Grand Paris, mon collègue Yves Pozzo di Borgo avait déposé un amendement, que j’avais soutenu avec un certain nombre d’élus franciliens, pour donner le choix à l’État ; il y avait un projet de liaison constructive entre Orly, le centre de l’agglomération et l’aéroport Roissy-Charles-de-Gaulle. L’État a choisi le Grand Paris. Nous avons donc pris acte du décès de l’autre projet, aujourd’hui chimérique, même s’il ressort de temps en temps.
Ce sont, nous dit-on, ADP et la SNCF, en bonne santé financière, qui paieront. Dont acte. Mais, monsieur le ministre, vous ne vous êtes pas engagé à ne pas instaurer un impôt spécifique local. J’espère que vous n’en créerez pas et que les ménages et entreprises d’Île-de-France n’auront pas à payer, comme cela avait été le cas pour le Grand Paris.
Nous aurons l’occasion de poursuivre le débat lorsque le Sénat examinera les propositions en faveur de la croissance que mon collègue Roger Karoutchi et moi-même avons formulées.
Quoi qu’il en soit, je m’abstiendrai, car je ne crois pas aux ordonnances.
M. le président. Je mets aux voix les amendements identiques nos 8 et 429.
(Les amendements ne sont pas adoptés.)
M. le président. Je suis saisi de deux amendements faisant l'objet d'une discussion commune.
L'amendement n° 1037, présenté par Mmes Assassi, Didier et les membres du groupe communiste républicain et citoyen, est ainsi libellé :
Rédiger ainsi cet article :
L’article L. 2111-3 du code des transports est abrogé.
La parole est à Mme Brigitte Gonthier-Maurin.
Mme Brigitte Gonthier-Maurin. Comme nous l’avons déjà expliqué, nous sommes favorables à la suppression de l’article 3 bis, pour des raisons à la fois de forme, notamment le choix des ordonnances, et de fond, en particulier le coût exorbitant du projet sans montage financier.
Je suis particulièrement inquiète d’entendre certains orateurs dire : « Allons-y, et nous verrons bien ensuite. » Les répercussions peuvent être importantes. Et nous ne sommes pas les seuls à exprimer de telles craintes ; des associations d’élus le font aussi.
Nous n’opposons pas les modes de transport les uns aux autres. Or comment ne pas voir que le projet de CDG Express vise à relier des pôles d’affaire entre eux, même si j’entends bien les arguments sur le tourisme et sur l’attractivité de notre métropole, qui sont importants ? Comment se satisfaire d’un progrès qui bénéficierait seulement à quelques-uns et pas à tous ? Nous le savons depuis longtemps, une modernisation du réseau francilien, notamment, mais pas seulement, est nécessaire.
En outre, je suis assez contrariée par le débat qui a lieu ici depuis hier sur la SNCF et sa mise en berne. Vous voulez développer les liaisons en autocar, qui feront concurrence au service public ferroviaire. Je le rappelle, la SNCF a déjà subi de nombreuses restrictions : elle a notamment participé à l’effort de réduction des dépenses publiques. Ses difficultés résultent des politiques que les gouvernements précédents ont fait le choix de mettre en œuvre dans le cadre d’une Europe libérale. Je trouve donc assez indécent de lui faire un tel procès.
Cet amendement traduit nos interrogations quant aux coûts pour nos concitoyens du projet envisagé et à l’ordre des priorités. Selon nous, il aurait été préférable d’investir dans la modernisation de la ligne B du RER, qui assure de fait la liaison avec l’aéroport de Roissy-Charles-de-Gaulle.
Nous souhaitons la suppression de l’article 3 bis. Mais, pour autant, nous ne sommes pas – ne nous faites pas ce procès d’intention – hostiles à tout projet de modernisation.
M. le président. L'amendement n° 1685, présenté par Mme Estrosi Sassone, au nom de la commission, est ainsi libellé :
Remplacer les mots :
Roissy-Charles-de-Gaulle
par les mots :
Paris-Charles-de-Gaulle
La parole est à Mme Dominique Estrosi Sassone, corapporteur, pour présenter cet amendement et pour donner l’avis de la commission sur l’amendement n° 1037.
Mme Dominique Estrosi Sassone, corapporteur. L’amendement n° 1685 est un amendement rédactionnel.
L’amendement n° 1037 tend à supprimer non seulement l’habilitation à légiférer par ordonnances pour la mise en œuvre du projet Charles-de-Gaulle Express, mais également l’article L. 2111-3 du code des transports, qui sert de base juridique à ce projet. L’avis de la commission est évidemment défavorable.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. Emmanuel Macron, ministre. Le Gouvernement émet un avis défavorable sur l’amendement n° 1037, pour les raisons qui viennent d’être évoquées.
Toutefois, je tiens toutefois à rassurer Mme Brigitte Gonthier-Maurin : ni ce projet ni celui qui a été mentionné n’ont pour objectif de mettre la SNCF en berne.
Mme Brigitte Gonthier-Maurin. Cela a déjà commencé !
M. Emmanuel Macron, ministre. La SNCF est l’un des acteurs de la multimodalité. Son rôle pour le développement des deux formes de mobilité est pleinement reconnu.
Je ne reviens pas sur les éléments de fond, notamment les considérations budgétaires et les précisions sur l’engagement de l’État, que M. le président de la commission spéciale et Mme Bricq ont apportés.
Je rappellerai simplement un élément : ce n’est pas ce gouvernement qui a fait des promesses mirifiques en matière d’investissements dans les infrastructures de transport, promesses qui ont créé beaucoup de confusion, car aucune n’était financée.
Pour ma part, je fais confiance à ADP et à SNCF Réseau pour mener à bien le projet. Dans la mesure où nous contribuons à nommer les patrons de ces entreprises, c’est que nous leur faisons confiance ; la preuve, nous les avons reconduits ! Les deux groupes ont besoin de se développer, et je tenais à réitérer à leurs dirigeants la confiance du Gouvernement.
Si nous voulons avancer collectivement – à cet égard, je remercie le Sénat du vote qu’il vient d’émettre –, il faut aller jusqu’au bout, d’autant qu’ADP et la SNCF sont des opérateurs légitimes pour faire avancer ce projet.
En revanche, le Gouvernement émet un avis favorable sur l’amendement n° 1685.
M. le président. La parole est à M. Patrick Abate, pour explication de vote.
M. Patrick Abate. Les positions des uns et des autres étant désormais assez bien connues, je ne reviendrai ni sur le fond ni sur le recours à l’article 38 de la Constitution.
L’article 3 bis dispose que L. 2111-3 du code des transports sera modifié, mais on ne précise pas en quoi. Il y a un besoin de clarté. Nous avons l’impression qu’il nous est demandé de signer un chèque en blanc ; c’est difficilement acceptable.
Je le rappelle, cet article du code des transports prévoit déjà une dérogation à la règle commune, selon laquelle c’est le Syndicat des transports d’Île-de-France qui est l’autorité organisatrice des services de transports publics réguliers de personnes dans la région Île-de-France et qui fixe à ce titre les relations à desservir, les modalités techniques d’exploitation, les programmes d’investissement et arrête les politiques tarifaires.
L’article 3 bis prévoit que le STIF sera dessaisi par ordonnance de ses prérogatives pour le CDG Express sans préciser à qui elles seront confiées. Qu’il s’agisse du projet, de la réalisation ou de l’exploitation de la liaison, tout sera décidé par le Gouvernement sans que nous sachions dans quelles conditions.
Le Gouvernement décide ainsi de passer outre l’ensemble des collectivités territoriales, qui sont pourtant responsables de l’aménagement et du développement.
Ni la région, ni la future métropole du Grand Paris, ni les grandes intercommunalités de la grande couronne ne seraient associées au projet, à la désignation de l’exploitant de cette nouvelle liaison, au contenu du contrat, à la définition des missions de service public ou aux conditions techniques de réalisation. Pourtant, la ligne devra obligatoirement utiliser des faisceaux de voies ferrées déjà saturées dans la zone.
Monsieur le ministre, un tel choix dénote une volonté centralisatrice, en contradiction, peut-être simplement apparente, avec le projet de loi portant nouvelle organisation territoriale de la République, qui est censé renforcer le pouvoir des régions en matière de transports.
Par ailleurs, l’article 3 bis met en œuvre par ordonnance l’article L. 2111-3 du code des transports. Or celui-ci prévoit en son dernier alinéa que la liaison ne pourra donner lieu à aucune subvention de l’État. Ce dernier décidera donc de cette nouvelle ligne de transport sans apporter le moindre financement !
Dans le même temps, l’article L. 2111-3 du code des transports dispose que des indemnités pourraient tout de même être versées à l’exploitant au titre des stipulations du contrat de service public. Qui versera ces indemnités ? L’article 3 bis n’apporte aucune réponse à cette question. Nul ne sait qui va payer.
Dans cette période un peu compliquée en termes budgétaires, les collectivités territoriales, qui auront été écartées du projet et du contrat, risquent de devoir assumer de nouvelles dépenses. Or, sans refaire le débat, nous savons bien que les dotations ont plutôt tendance à se réduire.
Nous sommes donc favorables à une réécriture, ne serait-ce qu’en raison du manque de clarté quant au contenu de l’ordonnance. Nous proposons d’abroger l’article L. 2111-3 du code des transports et de rétablir la règle commune pour cette liaison ferroviaire entre Paris et l’aéroport Charles-de-Gaulle.
Nous ne contestons pas la nécessité de renforcer la liaison pour répondre aux besoins des voyageurs et des salariés de cette grande zone économique. Ce que nous contestons, c'est la méthode utilisée.
M. le président. La parole est à M. Roger Karoutchi, pour explication de vote.
M. Roger Karoutchi. L’État ne met pas la main à la poche ; après avoir signé les conventions, il trouve le moyen de se défausser. Inutile d’y revenir.
Je ne comprends pas l’amendement qui vient d'être présenté. Il est proposé de laisser pleine compétence au STIF pour la réalisation des infrastructures. Mais ce n’est déjà plus le cas. Ainsi, pour le Grand Paris Express, la loi a prévu que la réalisation des infrastructures revenait à la Société du Grand Paris, ou SGP.
M. Vincent Capo-Canellas, président de la commission spéciale. Très bien !
M. Roger Karoutchi. Le STIF est une autorité organisatrice, et non réalisatrice.
Je vous mets donc en garde, chers collègues du groupe CRC : l’évolution que vous prônez aboutirait à remettre en cause la capacité de la SGP à lancer les travaux sur le Grand Paris Express. À mon sens, l’amendement n° 1037 pose problème pour le Grand Paris Express et ne permet pas d'atteindre l’objectif.
M. le président. La parole est à M. Michel Le Scouarnec, pour explication de vote sur l'article.
M. Michel Le Scouarnec. L’article 3 bis traduit la volonté, que le Gouvernement manifeste depuis quelques mois, d’accélérer la construction de la liaison CDG Express.
Comme l’ont indiqué mes collègues du groupe CRC, il s'agit d’un projet pharaonique – il représente près de 2 milliards d’euros – et d'abord utile aux hommes d’affaires.
Certes, je ne suis pas francilien, et je sais la difficulté pour un Breton, de comprendre toute la complexité des déplacements sur Paris. Mais il me semblerait largement préférable que l’État prenne toute sa part dans les investissements destinés à améliorer la régularité et la modernité du RER B. Or c’est loin d’être le cas. En effet, les usagers de la ligne B, dont l’écrasante majorité est constituée des classes populaires et des couches moyennes, vivent tout au long de l’année les irrégularités, les pannes, la négligence quant au nettoyage et la saturation du RER.
Monsieur le ministre, vous venez d’indiquer que l’investissement lourd représenté par le CDG Express n’en excluait pas d’autres. L’avenir nous le dira ! Mais nous l’espérerons pour la population de Paris et de la région parisienne. Beaucoup des travailleurs concernés se rendent aux aurores dans les bureaux pour préparer et nettoyer les espaces de travail. Ils vont aussi faire le ménage, garder des enfants dans des appartements souvent cossus ou encore accomplir des tâches fatigantes et répétitives. Ces mêmes travailleurs vivent ensuite de nouvelles heures de galère dans les transports pour rejoindre un logement souvent exigu et probablement lointain.
Le maillage entre Paris et la banlieue serait matérialisé par l’Arc Express dans le nord de l’Île-de-France, par la rénovation du RER B, par l’arrivée du tramway à Clichy-sous-Bois, par le métro à Saint-Ouen, à Aubervilliers et à Rosny-sous-Bois, ainsi que par le prolongement du tramway T1 jusqu’à Fontenay-sous-Bois. En attendant, il me semble vraiment dommage de parler de la mise en place d’une liaison privilégiée, directe, entre l’aéroport de Roissy et Paris.
Nous ne défendons pas les mêmes priorités. J’aurais aimé connaître les attentes, les souhaits et les choix de la population. A-t-elle été consultée ? Peut-elle l’être ? Aux raisons de fond s’ajoutent aussi des raisons démocratiques.
Un mécontentement se fait jour parmi les habitants de la Porte de la Chapelle, quant au passage du CDG Express. À l’origine, il devait être enfoui ; or ce n’est plus prévu aujourd’hui. Pourtant, dès 2006, le conseil du dix-huitième arrondissement avait voté à l’unanimité un vœu demandant cet enfouissement. La mairie de Paris était également intervenue à de nombreuses reprises en ce sens auprès des pouvoirs publics. Ce serait très grave si les habitants de la Porte de la Chapelle subissaient les nuisances de ce non-enfouissement ; ils souffrent déjà de celles qui proviennent des infrastructures routières et ferroviaires. Car, loin d’être seulement un lieu de passage, notamment pour ceux qui vont à l’aéroport ou qui en reviennent, la Porte de la Chapelle est aussi un quartier très populaire, peuplé de dizaines de milliers d’habitants et engagé dans une mutation très importante, qu’il faut réussir en collaboration et en cohésion avec les villes de banlieue le jouxtant. Le CDG Express ne participe aucunement à cet objectif !
M. le président. La parole est à Mme Catherine Procaccia, pour explication de vote.
Mme Catherine Procaccia. Les habitants du Val-de-Marne sont nombreux à travailler à l’aéroport Charles-de-Gaulle et à Orly. Aussi, et à l’instar de mon collègue Roger Karoutchi, je regrette que la liaison ne se fasse pas.
Quoi qu’il en soit, les personnels de bord et les personnels au sol de l’aéroport Charles-de-Gaulle emprunteront ce train. Il n’y aura donc pas que des hommes d’affaires, d’autant que, comme l’a souligné Mme Bricq, ces derniers ne prennent pas forcément les transports en commun ! (Très bien ! sur les travées de l'UMP.)
M. le président. La parole est à M. Michel Bouvard, pour explication de vote.
M. Michel Bouvard. Pour ma part, je voterai l’article 3 bis sans état d’âme, car il s'agit d’un projet d’intérêt national. Il concerne la deuxième plateforme aéroportuaire d’Europe, qui est aussi la première d’Europe continentale.
M. Vincent Capo-Canellas, président de la commission spéciale. Très bien !
M. Michel Bouvard. Le groupe ADP est autour de la table. Son projet d’entreprise est de continuer à développer et à consolider cette plateforme, à en faire la plateforme de référence au niveau européen. Comme ADP n’a pas la compétence ferroviaire, on va logiquement la chercher chez SNCF Réseau, compte tenu en plus de l’imbrication qui existe.
Si quelques problèmes de gestion des trafics et des circulations peuvent être déplorés, personne ne peut nier que SNCF Réseau a la compétence pour réaliser une infrastructure ferroviaire. Du reste, cette compétence lui est reconnue dans le monde entier au travers de ses filiales, qui créent et exploitent des réseaux lourds dans de nombreux pays d'Europe.
En outre, le projet ne fait pas appel au financement public. Cela me semble très important : les capacités d’investissement sur les réseaux publics en Île-de-France ne s'en trouvent pas obérées, et nous pouvons toujours présenter des dossiers éligibles au plan Juncker pour tirer sur les financements exceptionnels qu’il met en place.
Depuis des années, nous nous plaignons tous du déficit d’investissement en France et en Europe. Nous estimons nécessaire de relancer l’investissement au niveau communautaire. Mais il faut bien avoir des dossiers à déposer ! Pour le coup, nous avons un dossier identifié, mais en panne depuis des années. Je ne vois pas en quoi le fait de l’accélérer en recourant à la procédure des ordonnances poserait problème.
Certaines candidatures internationales ont été évoquées. Ayant participé aux côtés de Michel Barnier et de Jean-Claude Killy à la dernière candidature l’ayant emporté, je puis vous certifier que l’on ne peut pas espérer réussir sans avoir traité les problèmes d’infrastructure en amont ! Les membres des jurys doivent savoir que nous ne procrastinons pas,…
M. Roger Karoutchi. Encore le verbe « procrastiner » ? Quel est ce vocabulaire dont la mode a été lancée par M. le ministre ?
M. Michel Bouvard. … que nous ne tergiversons pas et que les projets d’infrastructure seront au rendez-vous !
Mme Nicole Bricq. Très bien !
M. Michel Bouvard. C’est la première condition de succès d’une telle candidature ! (Applaudissements sur les travées de l'UMP. – M. le président de la commission spéciale applaudit également.)
M. le président. La parole est à M. Francis Delattre, pour explication de vote.
M. Francis Delattre. Mon collègue de Savoie a mieux expliqué l’intérêt du projet pour la région parisienne que je n’aurais su le faire, en tout cas pour mon département ! (Sourires.)
C’est un vieux projet, mais, à la commission des finances, nous commençons à y croire. Grâce à la Banque européenne d'investissement, qui était auditionnée sur le plan Juncker, nous avons appris que le projet se trouvait en tête de gondole. Il devient donc crédible.
Le recours à une ordonnance pour aller plus vite ne doit pas nous inciter au formalisme. Parfois, il faut savoir marquer son envie sur un dossier ! Je représente le secteur nord de Paris : nous voulons faire aboutir ce dossier depuis très longtemps. L’occasion se présente. Et d’aucuns voudraient nous voir renoncer ?
Certains n’ont probablement jamais vu les touristes arriver avec tous leurs bagages sur la ligne actuelle.
Mme Nicole Bricq. Si ! On les a vus !
M. Francis Delattre. Leur premier ressenti en arrivant en région parisienne est assez négatif !
Avec la perspective des jeux Olympiques, on ne peut plus tergiverser sur des problèmes de procédure ! (Mme Nicole Bricq manifeste son impatience.) J’ai bien le droit de m’exprimer, ma chère collègue ; je suis directement concerné, contrairement à vous !
Monsieur le ministre, nous vous soutiendrons avec détermination !
M. le président. Je mets aux voix l'article 3 bis, modifié.
(L'article 3 bis est adopté.)
Article additionnel après l’article 3 bis
M. le président. L'amendement n° 287, présenté par MM. Carle, L. Hervé et Pellevat, est ainsi libellé :
Après l’article 3 bis
Insérer un article additionnel ainsi rédigé :
Compte tenu du service rendu aux usagers, il peut être institué, à titre exceptionnel et temporaire, dans les mêmes conditions que pour un ouvrage d'art, une redevance pour l'usage de la route express nouvelle entre Machilly et le contournement de Thonon-les-Bains.
L'institution de cette redevance satisfait aux dispositions des articles L. 153-2 à L. 153-5 du code de la voirie routière.
La parole est à M. Jean-Claude Carle.
M. Jean-Claude Carle. Cet amendement s'inscrit pleinement dans l’un des objectifs majeurs du texte : la croissance de notre économie. Il est également cohérent avec les propos que M. le Premier ministre a tenus hier sur la nécessité de relancer et d’activer un certain nombre de chantiers, notamment en matière routière ou autoroutière.
En fait, cet amendement, que j’ai déposé avec mes collègues Loïc Hervé et Cyril Pellevat, vise à achever le désenclavement routier du bassin du Léman par la réalisation d’une voie express entre Annemasse et Thonon-les-Bains, projet déclaré d’utilité publique par un décret du 17 juillet 2006.
Cet axe comporte trois maillons. Deux sont déjà réalisés : le contournement de Thonon-les-Bains, qui est financé par le conseil général de la Haute-Savoie et les collectivités locales, a été achevé en 2008, et le tronçon des Chasseurs-Machilly, qui est financé par l’État, a été mis en service voilà quelques mois. Il reste donc à réaliser le tronçon médian, entre Machilly et Thonon-les-Bains, abandonné par l’État faute de crédits.
Mon amendement vise donc à pallier le désengagement de l’État en permettant aux collectivités territoriales d’assurer la maîtrise d’ouvrage du tronçon.
Le code de la voirie routière prévoit deux types de voies rapides : les autoroutes et les voies express. Contrairement aux premières, qui font obligatoirement partie de la voirie nationale, les secondes peuvent être nationales, départementales ou communales.
Le département de la Haute-Savoie s'est engagé à assumer la maîtrise d’ouvrage du tronçon médian et a proposé une réalisation sous concession avec mise à péage. Par une décision du 27 janvier 2014, il s'est également engagé à participer au versement d’une éventuelle subvention d’équilibre, comme il l’avait fait auparavant pour la réalisation de l’A41.
Si le code de la voirie routière ne permet pas explicitement de tels péages sur les routes express, des dérogations sont autorisées par la loi lorsque le service rendu aux usagers le justifie.
Ce fut le cas pour le contournement ouest de Lyon. L'article 93 de la loi du 6 février 1992 relative à l'administration territoriale de la République, voté sous le gouvernement de Mme Cresson, prévoit la perception d'une redevance pour la réalisation des travaux, dans les mêmes conditions que pour un ouvrage d'art.
Une même décision pourrait ainsi être prise pour le désenclavement du Chablais et la réalisation de ce barreau routier.
Notre amendement vise donc à permettre de terminer cet axe, qui est indispensable au développement économique et social de tout un territoire et qui améliorera aussi la sécurité des usagers dans l’un des secteurs les plus accidentogènes du département.
Une telle solution permettra également, et ce n’est pas le moindre de ses avantages, de respecter la déclaration d’utilité publique, qui court jusqu’en 2016.
La réalisation est soutenue, outre le département, par les soixante-deux communes regroupées au sein du syndicat intercommunal d’aménagement du Chablais. Elle constituerait un bol d’oxygène pour tout le secteur du bâtiment et des travaux publics.
Mes chers collègues, je vous invite à adopter cet amendement, afin que les travaux puissent être engagés rapidement. (Très bien ! et applaudissements sur les travées de l'UMP et de l'UDI-UC.)
M. le président. Quel est l’avis de la commission ?
Mme Dominique Estrosi Sassone, corapporteur. La commission a émis un avis favorable sur cet amendement. Certes, il s’agit d’une mesure spécifique et très locale.
Mme Nicole Bricq. C’est le moins que l’on puisse dire !
Mme Dominique Estrosi Sassone, corapporteur. Mais cela doit nous faire prendre conscience des difficultés existantes en matière de financement des infrastructures routières.
À cet égard, l’abandon de l’écotaxe n’a pas constitué un très bon signal. (M. Éric Doligé acquiesce.) Le problème du financement des infrastructures routières mérite donc d’être de nouveau soulevé. (Très bien ! sur certaines travées de l'UMP.)
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. Emmanuel Macron, ministre. Dans sa délibération du 27 janvier 2014, l’assemblée départementale de Haute-Savoie – je parle sous votre contrôle, monsieur Carle – a approuvé à l’unanimité le principe d’une « prise en charge par le conseil général de l’intégralité d’une subvention d’équilibre pour la réalisation d’une voie nouvelle entre Machilly et Thonon-les-Bains ». L’État soutient un projet de liaison autoroutière concédée entre Machilly et Thonon-les-Bains, qui, en conséquence de cette délibération, sera soumis à un dispositif de péage.
Par décision ministérielle en date du 12 février 2014, le préfet de région Rhône-Alpes a été chargé d’engager les études préalables à la déclaration d’utilité publique d’une liaison concédée de caractère autoroutier, au sens de l’article L. 122-1 du code de la voirie routière.
En outre, à la fin du mois d’avril, il sera procédé à une information du public sur ce projet, conformément au II de l’article L. 121-8 du code de l’environnement, ainsi qu’aux articles R. 121-1 et R. 121-2 du même code.
Le processus enclenché par la délibération de l’assemblée départementale de Haute-Savoie au début de l’année 2014 suit donc son cours. La décision ministérielle a été prise, et une nouvelle étape permettra d’aboutir à la fin du mois d’avril.
Votre amendement me semble donc satisfait, monsieur le sénateur. (M. Jean-Claude Carle le conteste.) J’en sollicite donc le retrait.
M. Jean-Claude Lenoir. Un « tiens » vaut mieux que deux « tu l’auras » ! (Sourires.)
M. le président. La parole est à Mme Éliane Giraud, pour explication de vote.
Mme Éliane Giraud. La question du financement du tronçon de la voie express compris entre Machilly et le contournement de Thonon-les-Bains a été abordée lors des discussions qui se sont tenues dans le cadre du plan État-région. (M. Jean-Claude Carle le conteste.)
Les investissements engagés par la région, notamment dans le domaine du ferroviaire – cela représente 300 millions d’euros au total –, nous ont aussi amenés à discuter du projet de route express.
J’ai d’ailleurs personnellement accompagné Christian Monteil, président du conseil général de la Haute-Savoie, chez le précédent ministre délégué chargé des transports pour exprimer notre soutien à l’initiative de l’assemblée de Haute-Savoie.
Le désenclavement du Chablais est effectivement un vrai sujet. Plusieurs pas communs ont été réalisés en ce sens. La région et son préfet se sont penchés sur la question. Je me réjouis de la réponse de M. le ministre ; elle montre que le dossier avance.
M. Jean-Claude Carle. Pas suffisamment !
M. le président. Monsieur Carle, l'amendement n° 287 est-il maintenu ?
M. Jean-Claude Carle. Oui, monsieur le président.
M. Jean-Claude Lenoir. Ceinture et bretelles ! (Sourires.)
M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 287.
J'ai été saisi d'une demande de scrutin public émanant du groupe UMP.
Je rappelle que l'avis de la commission est favorable et que celui du Gouvernement est défavorable.
Il va être procédé au scrutin dans les conditions fixées par l'article 56 du règlement.
Le scrutin est ouvert.
(Le scrutin a lieu.)
M. le président. Personne ne demande plus à voter ?…
Le scrutin est clos.
J'invite Mmes et MM. les secrétaires à procéder au dépouillement du scrutin.
(Il est procédé au dépouillement du scrutin.)
M. le président. Voici, compte tenu de l’ensemble des délégations de vote accordées par les sénateurs aux groupes politiques et notifiées à la présidence, le résultat du scrutin n° 126 :
Nombre de votants | 338 |
Nombre de suffrages exprimés | 335 |
Pour l’adoption | 198 |
Contre | 137 |
Le Sénat a adopté. (Applaudissements sur les travées de l'UMP et de l'UDI-UC.)
En conséquence, un article additionnel ainsi rédigé est inséré dans le projet de loi, après l'article 3 bis.
Article 3 ter
(Supprimé)
Article 3 quater A
(Supprimé)
M. le président. L'amendement n° 1039 rectifié, présenté par Mmes Assassi, Didier et les membres du groupe communiste républicain et citoyen, est ainsi libellé :
Rétablir cet article dans la rédaction suivante :
Dans un délai d’un an suivant la promulgation de la présente loi, le Gouvernement présente au Parlement un rapport sur les conséquences pour les usagers du développement du transport par autocar en termes de sécurité, de confort et de fiabilité.
La parole est à Mme Évelyne Didier.
Mme Évelyne Didier. Cet amendement vise à rétablir l’article 3 quater A, relatif à la remise au Parlement d’un rapport.
Certes, je me doute bien de ce que sera la réponse de Mme la corapporteur. Mais il nous semble intéressant de connaître les conséquences des mesures adoptées : vérifions que le développement du transport par autocar bénéficie bien aux utilisateurs.
M. le président. Quel est l’avis de la commission ?
Mme Dominique Estrosi Sassone, rapporteur. Cela ne vous surprendra pas, la commission a émis un avis défavorable sur cette demande de rapport.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. le président. En conséquence, l’article 3 quater A demeure supprimé.
Article 3 quater B
(Supprimé)
M. le président. La parole est à Mme Évelyne Didier, sur l'article.
Mme Évelyne Didier. J’interviens en lieu et place de mon ami Paul Vergès, qui ne peut pas être présent aujourd’hui. (Exclamations ironiques sur les travées de l'UMP.) Vous vous en doutez, le propos portera sur La Réunion.
La question des transports est au cœur de la lutte contre les dérèglements climatiques. Mais quels sont les moyens réellement consacrés à ce secteur, qui représente à lui seul plus du tiers des émissions de gaz à effet de serre en France et un cinquième en Europe ? La question est posée, d’autant que la conférence internationale sur le climat, la COP 21, se tiendra au mois de décembre prochain à Paris.
Nous le savons tous, des moyens de transports moins polluants et moins énergivores que les transports par route existent : le tramway, le train ou le métro émettent moins de gaz à effet de serre.
Il serait donc cohérent, si l’on veut réellement s’engager contre les émissions de gaz à effet de serre, de miser sur le ferroviaire, qu’il s’agisse de le maintenir et de le développer en France métropolitaine ou de le créer dans les outre-mer, notamment à La Réunion.
Le Gouvernement avait même déclaré au mois de juillet 2014 que le projet loi de réforme ferroviaire permettrait de « renforcer le service public et de réaffirmer la place de l’État stratège dans le système ferroviaire français ».
La question porte sur la définition du terme « stratège ». Prenons l’exemple de La Réunion. L’île s’était dotée d’un chemin de fer à la fin du XIXe siècle, ce qui a longtemps été considéré comme une prouesse technique. Mais, pour des raisons syndicales et économiques, les conseillers généraux d’alors, majoritairement de droite, ont décidé de le supprimer. Motif avancé, dans la France des Trente Glorieuses, sous le règne de l’automobile, La Réunion ne devait pas rester en dehors de la « modernité », alors assimilée à la voiture individuelle…
À la place du chemin de fer, on a construit une route au pied de la falaise ! Aujourd’hui, elle doit braver les effets de la houle et les risques d’éboulements, comme nous l’avons vu récemment. Cela devient vraiment problématique pour nos amis réunionnais.
Conséquence d’un tel choix, l’île a connu une augmentation exponentielle de son parc de véhicules individuels, la saturation de son réseau routier et l’apparition d’un monopole sur le carburant. Aujourd’hui, elle se dirige vers la thrombose circulatoire. Rappelons d’ailleurs que son principal poste d’importation est le carburant.
Ces deux facteurs ont des conséquences économiques graves pour les entreprises comme pour les particuliers, mais aussi pour les collectivités. Et il y a des répercussions écologiques : rappelons que le routier émet 94 % des gaz à effet de serre dans le secteur des transports, contre moins de 1 % pour le fluvial et seulement 0,4 % pour le ferroviaire.
C’est dans ce contexte que Paul Vergès, alors président du conseil régional de La Réunion, a décidé de mettre en place un tram-train, corollaire d’un autre objectif stratégique : l’autonomie énergétique de l’île.
Les deux objectifs sont salués par l’ensemble des décideurs politiques nationaux. Tous partagent le même constat : si l’on veut offrir un réseau routier à la mesure du nombre de véhicules en circulation, la bataille est, tout simplement, perdue d’avance.
Il convient donc d’en revenir au ferroviaire à La Réunion. Le projet de tram-train était soutenu par le candidat François Hollande en 2011 et par Ségolène Royal. (Exclamations ironiques sur les travées de l'UMP.)
M. Éric Doligé. Dans ce cas…
Mme Catherine Deroche, corapporteur. C’est un label !
Mme Évelyne Didier. En 2011, il y avait donc accord sur le principe ; ne restait qu’une question financière. Et là, comme bien souvent, la situation spécifique de La Réunion et des outre-mer n’a pas été vraiment prise en compte.
Le code général des collectivités territoriales a confié aux régions d’outre-mer la compétence pour créer ou exploiter des infrastructures ferroviaires, mais celles-ci n’ont pas bénéficié des concours financiers de l’État. Les départements et collectivités d’outre-mer se retrouvent dans une situation paradoxale : ils sont incités à réaliser des transports en commun ferroviaires, mais ils doivent le faire sur leurs fonds propres ou à travers les financements européens.
Aussi, pour assumer pleinement cette compétence ferroviaire, les régions d’outre-mer doivent pouvoir bénéficier des concours financiers de l’État, à travers un abondement de la dotation globale de fonctionnement, ou DGF. Elles ne peuvent prétendre à aucun financement prévu au titre des conventions relatives à l’exploitation des trains d’équilibre du territoire.
On peut aussi imaginer que La Réunion bénéficie d’une quote-part des financements de l’Agence de financement des infrastructures de transport de France, l’AFITF. Certes, on sait ce qu’ils sont…
Enfin, en outremer, le système de financement des transports est différent : il n’existe pas de taxe intérieure de consommation sur les produits pétroliers. En revanche, il y a une taxe spéciale de consommation sur les carburants, ou TSC, qui est utilisée pour alimenter le fonds d’investissement routier et des transports et qui permet de financer aussi bien le fonctionnement que les investissements dans de nouveaux projets ou des travaux de rénovation. Elle est partagée entre la région, le département, les établissements publics de coopération intercommunale et les communes.
Il n’est pas utopique de penser que l’on peut parvenir à un autre partage des recettes de la TSC, par exemple avec une réelle répartition équilibrée.
Voilà pourquoi M. Vergès souhaite interpeller le Gouvernement sur les financements de l’État.
Mme Cécile Cukierman. Très bien !
M. le président. La parole est à Michel Vergoz, sur l'article.
M. Michel Vergoz. Je ne peux pas demeurer silencieux sur La Réunion. La question du transport collectif, notamment du tram-train, revient comme un serpent de mer depuis l’arrêt du projet.
Ma chère collègue, je ne trouve rien à redire au tableau historique du chemin de fer tel que vous l’avez dressé. Cette erreur stratégique monumentale a été commise voilà plus de soixante ans ; à l’époque, j’étais encore au berceau. (Sourires.)
Vous parlez de thrombose circulatoire à propos de La Réunion. Comme je parlais moi-même de « coma circulatoire » dans cet hémicycle hier soir, nous sommes sur la même longueur d’onde.
En revanche, ma chère collègue, même si votre parole est libre, vous ne pouvez pas imputer à tel ou tel gouvernement la responsabilité d’avoir mis fin au projet du tram-train ; les faits sont historiques, et vous ne pouvez pas les falsifier ou les rectifier. Dans un arrêt rendu en 2011, la cour administrative d’appel de Bordeaux a jugé que le projet de tram-train à La Réunion n’était pas financé et qu’il manquerait annuellement – excusez du peu ! – 80 millions d’euros pendant trente ans pour le réaliser. On peut tout de même s’interroger sur les raisons pour lesquelles un tel projet a pu être mis sur les rails sans que son financement ait été intégralement bouclé. La vraie question est là.
Les problèmes de circulation à La Réunion, c’est un autre débat. Si cela vous intéresse, je vous propose de venir vous en rendre compte sur place. Vous serez alors mon invitée privilégiée. (Exclamations amusées.)
M. Roger Karoutchi. Vous n’avez pas tout perdu, ma chère collègue ! (Mêmes mouvements.)
M. le président. Je suis saisi de trois amendements faisant l'objet d'une discussion commune.
Les deux premiers sont identiques.
L'amendement n° 360 rectifié est présenté par MM. Vaspart, Commeinhes, Calvet et Charon, Mme Deseyne, M. Doligé, Mmes Deromedi et Duchêne et MM. Mouiller, Laménie, Pierre, Revet, de Nicolaÿ, César, Gremillet et Vasselle.
L'amendement n° 1038 rectifié est présenté par Mmes Assassi, Didier et les membres du groupe communiste républicain et citoyen.
Ces deux amendements sont ainsi libellés :
Rétablir cet article dans la rédaction suivante :
Dans un délai d'un an à compter de la promulgation de la présente loi, le Gouvernement présente au Parlement un rapport sur l'évolution de l'offre ferroviaire et sur les moyens de remédier à l'érosion du trafic, tant en matière d'investissement que de politique tarifaire, de taux de remplissage des liaisons, d'information du public et d'adaptation de l'offre de service public aux besoins des usagers.
La parole est à M. Michel Vaspart, pour présenter l’amendement n° 360 rectifié.
M. Michel Vaspart. Certes, c’est à juste titre que la commission spéciale a décidé de supprimer les demandes de rapport au Parlement introduites lors du passage du texte à l'Assemblée nationale. Toutefois, l’une de ces demandes de rapport doit retenir notre attention.
La perspective de l’ouverture de lignes d'autocar, sur laquelle il faut compter pour désenclaver des territoires mal desservis par les transports publics, peut susciter des inquiétudes dès lors que cela viendrait concurrencer les transports publics.
Je pense notamment aux lignes ferroviaires, qui ont besoin d'être entretenues, voire, dans certains cas, rénovées ; il serait même parfois nécessaire d’en créer. C’est impératif pour l’aménagement de notre territoire, qui relève de la compétence de l'État. Il serait dommage que la concurrence des autocars mette en cause l'existence de lignes ferroviaires, même si nous avons entendu des propos rassurants hier.
Un tel rapport permettra de préciser dans quelle mesure il y aura complémentarité, et non concurrence entre l'autocar et le train.
Nous avons abandonné les infrastructures ferroviaires qui maillaient notre territoire. Nous n’avons plus cette toile d’araignée, dont nous avons parlé hier à propos du réseau suisse. Si nous ne voulons pas voir disparaître d’une manière pernicieuse le réseau secondaire qui existe encore, nous devons, en tant que parlementaires, pouvoir en dresser régulièrement un état des lieux dans cet hémicycle.
M. le président. La parole est à Mme Annie David, pour présenter l'amendement n° 1038 rectifié.
Mme Annie David. Cet amendement vise à réintroduire une demande de rapport qui figurait dans le texte voté par les députés et qui a été supprimée par la commission spéciale. Je le rappelle, cette demande avait alors reçu un avis favorable de la commission et du Gouvernement à l’Assemblée nationale.
Contrairement à ce qui a pu être affirmé, il ne s’agit pas pour nous de faire de l’obstruction ou de tenter de gagner du temps. Nous voulons seulement juger sur les actes.
Le rapport que nous demandons aura pour objectif d’analyser l’évolution de l’offre ferroviaire et les moyens de remédier à l’érosion du trafic.
Vous le savez, nous assistons depuis un certain temps à un recul du ferroviaire, non seulement dans le fret, mais également dans le transport de voyageurs, qu’il s’agisse des trains d’équilibre du territoire, les TET, dont il a beaucoup été question hier, des TGV et même des trains express régionaux, les TER.
Il y a quelques jours encore, nous avons eu l’occasion d’alerter sur une hypothèse de travail de la SNCF, qui prévoirait un retrait massif des trains Intercités en supprimant plusieurs lignes et en réduisant le trafic sur d’autres. Nous tenons une carte à la disposition de celles et ceux que cela intéresse. (Mme Laurence Cohen brandit une carte de France sur laquelle sont reproduits des tracés de lignes ferroviaires.)
Cela est évidemment dû à l’absence de volonté de la part du Gouvernement de s’attaquer au problème de la dette de la SNCF, qui plombe tout le système ferroviaire. Nous regrettons d’ailleurs que notre amendement visant à ce que l’État s’engage à reprendre la dette de SNCF Réseau ait été rejeté. Rappelons que l’Allemagne, « modèle » cité à toutes les occasions, avait fait le choix de reprendre en grande partie la dette de l’opérateur historique.
Le texte que vous proposez risque d’aggraver considérablement la situation, notamment en mettant le ferroviaire en concurrence avec le transport routier.
Notre amendement vise donc à donner au Parlement une vision précise et chiffrée de l’évolution de l’offre ferroviaire et à pouvoir évaluer véritablement les effets des politiques sur notre service public du transport ferroviaire.
M. le président. L'amendement n° 1040, présenté par M. Vergès, Mme Assassi et les membres du groupe communiste républicain et citoyen, est ainsi libellé :
Rétablir cet article dans la rédaction suivante :
I. - L’article L. 1613–1 du code général des collectivités territoriales est complété par deux alinéas ainsi rédigés :
« À compter de 2016, cette somme est majorée de 100 millions d’euros, destinés à l’exercice de la compétence d’autorité organisatrice de transport des régions d’outre-mer.
« Ce montant est révisé chaque année par référence à l’évolution de la formation brute de capital fixe du secteur marchand, prévu en annexe de la loi de finances de l’année. »
II. – La perte de recettes résultant pour l’État du paragraphe précédent est compensée, à due concurrence, par la création d’une taxe additionnelle aux droits prévus aux articles 575 et 575 A du code général des impôts.
La parole est à Mme Cécile Cukierman.
Mme Cécile Cukierman. En métropole, les infrastructures ferroviaires sont financées par l’État. Aux termes des articles 124 et 126 de la loi du 13 décembre 2000 relative à la solidarité et au renouvellement urbains, les régions métropolitaines sont compétentes en matière d’organisation des services ferroviaires régionaux de transport des voyageurs sur le réseau ferré national.
Dès le 1er janvier 2002, l’organisation et le financement des services ferroviaires régionaux de voyageurs ont ainsi relevé de la compétence des conseils régionaux, et l’État a transféré aux régions la gestion de 1,5 milliard d’euros par an de ressources publiques pour ce réseau ferroviaire
Le transfert aux régions s’est accompagné d’une « dotation ferroviaire » pour en assurer le fonctionnement.
Or, comme il n’existait pas de réseau ferré national outre-mer, cette disposition de la loi de 2000 s’est révélée inopérante, ce qui a eu pour conséquence de priver les régions d’outre-mer de toute capacité d’intervenir dans le domaine ferroviaire.
Pour remédier à cette situation, le Parlement a voté dans la loi du 21 juillet 2003 de programme pour l’outremer une disposition autorisant ces régions à créer et à exploiter des infrastructures de transport ferroviaire.
Aux termes de l’article 50 de cette loi, « les régions d’outre-mer, en tant qu’autorités organisatrices des transports collectifs d’intérêt régional, sont compétentes pour créer et exploiter des infrastructures de service ferroviaire ou de transport guidé ».
Ainsi, les régions d’outre-mer ont obtenu la compétence pour créer un réseau ferroviaire, mais aucune ressource ne leur a été affectée à cette fin. En France métropolitaine, rappelons-le, ce réseau a été initialement financé par l’État. C’est là une situation paradoxale.
Cette dotation ferroviaire a depuis lors été supprimée pour être fondue dans la dotation globale de fonctionnement. Mais il n’y a pas eu de prise en compte des outre-mer à cette occasion.
Or, dans les outre-mer, cela a été rappelé, la voiture prend une place de plus en plus importante. Ainsi, à La Réunion, ce sont plus de 25 000 véhicules qui sont importés chaque année, venant engorger un réseau routier déjà saturé.
Il y a donc urgence. Si l’on ne met pas rapidement des solutions autres que le « tout automobile », les conséquences de cette inaction seront importantes : hausse du principal poste d’importation, à savoir le carburant, augmentation des émissions de gaz à effet de serre, coma circulatoire… Tout cela aura des conséquences économiques pour les entreprises, comme pour les particuliers et pour la planète.
Quels financements mobiliser pour les outre-mer ? Ils ne peuvent prétendre à aucun financement prévu au titre des conventions relatives à l’exploitation des trains d’équilibre du territoire. Il n’y a pas d’autoroutes, donc pas de taxe payée par les sociétés concessionnaires. Il n’y a pas non plus d’entreprise ferroviaire, donc il n’est pas possible de mobiliser la taxe sur le résultat de ces grandes entreprises. Il est également impossible de compter sur la taxe sur le chiffre d’affaires des services grande vitesse en l’absence de telles lignes.
Aussi, il semble légitime de prévoir un complément de financement pour les transports ferroviaires d’outre-mer à venir, les outre-mer ayant été évincés de la dotation ferroviaire à la suite de sa refonte.
Par conséquent, mes chers collègues, je vous invite à voter cet amendement de notre groupe, dont notre collègue Paul Vergès est le premier signataire.
M. le président. Quel est l’avis de la commission ?
Mme Dominique Estrosi Sassone, corapporteur. La commission émet évidemment un avis défavorable sur les amendements nos 360 rectifié et 1038 rectifié, qui visent à demander un rapport au Gouvernement.
J’en viens à l’amendement n° 1040. Certes, la compétence transport nécessite des financements. Mais la solution proposée ne nous semble pas adaptée. Si l’on devait majorer la dotation globale de fonctionnement par voie d’amendement chaque fois qu’il faut trouver des financements, cela pourrait nous conduire très loin.
M. Roger Karoutchi. C’est sûr !
Mme Dominique Estrosi Sassone, corapporteur. Les débats sur la DGF doivent se tenir dans le cadre beaucoup plus global des lois de finances.
Je vous rappelle, et nous le regrettons tous, que la dotation globale de fonctionnement sera réduite de 11 milliards d’euros au cours des trois prochaines années.
M. Roger Karoutchi. Eh oui !
Plusieurs sénateurs du groupe CRC. Nous le savons !
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. Emmanuel Macron, ministre. Sur les amendements identiques nos 360 rectifié et 1038, il convient de ne pas rouvrir le débat qui a eu lieu lors de l’examen de la loi du 4 août 2014 portant réforme ferroviaire.
Le dispositif adopté a permis de renforcer le service public ferroviaire et son pilotage par l’État, de réintégrer le gestionnaire d’infrastructures, Réseau ferré de France, au sein de la SNCF, de restructurer la SNCF en trois établissements publics industriels et commerciaux, d’affecter une partie des résultats de SNCF Mobilités au profit du redressement de SNCF Réseau – il y a donc bien péréquation – et de renforcer la régulation économique, seule garante d’une meilleure efficacité.
Ce texte comportera d’ailleurs des précisions devenues nécessaires à la suite de la réforme ferroviaire s’agissant de l’endettement de la SNCF et de la « règle d’or » ; nous aurons l’occasion d’y revenir dans le débat.
Cette loi est entrée en vigueur le 1er janvier dernier et quarante-deux textes d’application ont d’ores et déjà été pris – les autres devant l’être d’ici au mois de juin 2015.
Elle institue un Haut Comité du système de transport ferroviaire, constitué de l’ensemble des parties prenantes, y compris des parlementaires. Or ce Haut Comité doit remettre au Gouvernement un rapport portant précisément sur les points que vous mentionnez.
Vous avez donc satisfaction, mesdames, messieurs les sénateurs,…
Mme Dominique Estrosi Sassone, corapporteur. Eh oui !
M. Emmanuel Macron, ministre. … et les amendements nos 360 rectifié et 1038 rectifié m’étonnent quelque peu.
Par conséquent, je suggère que nous ne doublions pas les contraintes.
Pour ce qui est de l’amendement n° 1040, je le confirme, des efforts en termes de dotations sont demandés par le Gouvernement. J’ai d’ailleurs cru comprendre que, au-delà de la simple majorité gouvernementale, les avis étaient partagés. Peut-être avons-nous des désaccords quand il s’agit de savoir sur quoi doivent porter ces efforts budgétaires, mais je n’ai pas entendu de contre-proposition extraordinairement inventive à cet égard.
Demander aux collectivités locales un effort de cette ampleur me paraît proportionné par rapport à ce qui est demandé s’agissant de l’ensemble de la dépense publique. Néanmoins, des mesures ont été prises pour compenser cet effort, en matière d’investissement et de construction de logements, notamment.
L’amendement n° 1040 tend à ce que les collectivités d’outre-mer puissent bénéficier d’une dotation spécifique de 100 millions d’euros pour encourager le développement des transports en commun, plus particulièrement ferroviaires. Or, rien, dans la rédaction de cet amendement, ne permet de penser que c’est vers ce mode de transport que cette dotation spécifique serait orientée.
Par ailleurs, l’idée qui sous-tend votre amendement est que l’État aurait manqué à ses obligations en ne compensant pas un transfert de compétence. Or, de manière générale, les compensations ont bien été réalisées, conformément à la Constitution. Elles ont été concomitantes et contrôlées s’agissant de leur montant comme de la procédure suivie. Dans le cas particulier de La Réunion, les trains étant inexistants, cette compétence n’était pas exercée et ne pouvait donc pas donner lieu à transfert.
De plus, comme il n’existe pas d’obligation de mettre en place un service de chemin de fer ni d’accroître le périmètre, il n’en est résulté, depuis, aucune extension de compétence.
Ce n’est donc pas au titre d’un transfert de compétence ou de la création d’une nouvelle compétence que l’on doit envisager l’allocation d’une telle dotation spécifique.
Enfin, vous soulignez, avec raison, que nous avons en commun le souci de développer des transports durables. À cet égard, je souscris aux deux propos liminaires qui ont été tenus. Sachez que le Gouvernement est vigilant en la matière, au-delà bien sûr de cette question des dotations. Quelles que soient les majorités, les gouvernements successifs se sont d’ailleurs tous attachés à œuvrer en faveur du développement du transport durable sur le territoire réunionnais.
Je fais référence ici aux nouveaux accords de Matignon, signés le 14 octobre 2010, qui ont notamment permis deux chantiers importants à La Réunion : une nouvelle route du littoral et la création d’un réseau de transports en commun publics à l’échelon régional.
Le Gouvernement continue à travailler sur ces chantiers et, au-delà, a décidé de soutenir des projets de développement des transports en commun. Lors du dernier appel à projets, trois lignes de bus à haut niveau de service ont été retenues, qui obtiendront de la part de l’État des subventions à hauteur de celles sur lesquelles il s’est d’ores et déjà engagé.
Compte tenu de ces éléments de réponse que je souhaitais vous apporter, j’émets un avis défavorable sur l’amendement n° 1040.
M. le président. La parole est à M. Charles Revet, pour explication de vote.
M. Charles Revet. Je ne vous parlerai pas du tram-train (Sourires.), même si, monsieur le ministre, un article dans ce sens aurait été bien utile en permettant de transférer une part de l’activité de la route vers le fer aux endroits les plus sensibles, notamment aux entrées de ville, où les bouchons sont les plus importants. Nous reviendrons peut-être sur cette question.
Mme Dominique Estrosi Sassone, corapporteur. Peut-être…
M. Charles Revet. Je suis tout à fait d’accord sur un point : les demandes de rapports sont trop fréquentes. À ce propos, je tiens à féliciter Mme le corapporteur…
Mme Éliane Assassi. Enfin !
M. Charles Revet. … pour son travail,...
M. Roger Karoutchi. Remarquable !
M. Charles Revet. … ainsi que ses deux corapporteurs présents au banc des commissions, aux côtés de M. le président de la commission spéciale,…
M. Roger Karoutchi. Ils ont tous effectué un travail remarquable !
M. Charles Revet. … qui a, lui aussi, effectué un travail remarquable.
M. Roger Karoutchi. Prenez ces éloges, chers collègues, on ne connaît jamais la suite ! (Sourires.)
M. Charles Revet. Cela étant, madame le corapporteur, de temps en temps, un rapport peut se révéler utile. (Rires.)
Mme Dominique Estrosi Sassone, corapporteur. De temps en temps, effectivement.
M. David Assouline. Ils disent tous cela !
M. Charles Revet. Il est vrai, et nous ne sommes pas les derniers à nous en plaindre, que ces rapports, parce qu’ils sont trop nombreux, sont aussi rarement lus.
M. Roger Karoutchi. C’est vrai !
M. Charles Revet. Je peux donc comprendre que vous vouliez aujourd’hui les supprimer. Toutefois, si j’ai cosigné l’amendement n° 360 rectifié, c’est qu’il donne la possibilité d’aller plus au fond dans l’analyse de la situation du ferroviaire, situation qui est plus qu’inquiétante.
Sans reprendre dans le détail la question du fret que j’ai évoquée hier, je constate que nous assistons, aujourd’hui, à une véritable dégradation de notre système ferroviaire, alors qu’il correspondrait beaucoup mieux au développement de l’activité économique. Ce mode de transport nous éviterait ces milliers de conteneurs qui transitent par la route. Il réglerait aussi les problèmes de relations entre les villes.
Monsieur le ministre, même si je comprends bien qu’il y aura un autre rapport, il y a urgence à essayer de comprendre pourquoi, en France, le transport ferroviaire, dont les atouts sont connus et qui a permis un maillage développé du territoire, perd aujourd’hui des parts de marché au profit d’autres modes de transport. Je ne mésestime pas ces derniers, mais je pense que ce rapport aurait permis, grâce à un examen approfondi de la situation, de mieux comprendre les raisons de ce qui est pour moi une anomalie.
Ne pas agir, c’est ne pas prendre nos responsabilités, monsieur le ministre !
Mme Dominique Estrosi Sassone, corapporteur. Si la situation ne tenait qu’à un rapport…
M. le président. La parole est à M. Joël Guerriau, pour explication de vote.
M. Joël Guerriau. Les membres du groupe UDI-UC suivront la commission et le Gouvernement sur ces amendements. Néanmoins, je souhaiterais revenir sur la question de La Réunion, pour laquelle le transport collectif est, vous avez raison, essentiel, d’autant que la population de ce département va augmenter, passant dans les quinze prochaines années de 850 000 à 1 million d’habitants.
Par conséquent, il est important d’agir et de se positionner sur les problématiques des outre-mer, particulièrement s’agissant des immatriculations, qui ne font qu’augmenter, alors que ces territoires ne peuvent pas absorber une telle circulation de véhicules individuels.
Pour autant, je ne souscris pas aux remarques formulées à l’instant au sujet de la taxation, qui se révélerait le seul moyen de régler la question des recettes. C’est oublier les fameux octrois de mer, dont le produit pour La Réunion en 2014 s’est élevé à 398 millions d’euros. Affirmer que les recettes et les moyens dédiés aux problématiques régionales dans les outre-mer font défaut me semble constituer un raccourci, sinon un oubli en la matière, eu égard à l’importance de cette recette pleine et entière pour ce département.
Mme Éliane Assassi. Nous devrions avoir un débat sur ce sujet !
M. le président. La parole est à Mme Christine Prunaud, pour explication de vote.
Mme Christine Prunaud. Le groupe CRC dont je fais partie partage tout à fait les légitimes préoccupations de Michel Vaspart, notre collègue costarmoricain, sur le contenu de cet article et sur la nécessité de repenser la question des transports publics et des infrastructures dans notre pays.
Il est d’autant plus aisé pour moi d’aborder cette question que je suis costarmoricaine. Or nous sommes l’un et l’autre très vigilants sur la question du ferroviaire en Bretagne, notamment dans le département des Côtes-d’Armor.
Bien que nous appartenions tous deux à des familles politiques différentes, nous arrivons là encore, madame Bricq, à établir des passerelles entre nous, ce dont je me réjouis. C’est d’ailleurs tout à fait logique et de bon sens sur un tel sujet. En revanche, nous avons une analyse politique tout à fait différente de la situation. Heureusement, la Bretagne, notamment le département des Côtes-d’Armor, compte plusieurs associations de défense des voies ferrées. Il est donc important que nous soyons rassemblés pour mener ce combat.
En matière d’infrastructures et de service public de transport, la Bretagne est, de par sa position géographique, dans une situation particulière.
Industrialisée de manière parfaitement volontariste dans les années soixante, notre région souffre d’une relative faiblesse en termes de production, puisqu’elle a été largement dédiée aux activités de transformation des produits agricoles.
Après la crise du lait, la crise avicole des dernières années, dont M. le ministre a pris la mesure lors de ses déplacements en Bretagne, a, comme chacun le sait, mis en difficulté nombre d’entreprises spécialisées.
Nous sommes, pour notre part, et nous l’avons largement développé, attachés à la présence d’un service public du transport ferroviaire fort, autant pour les personnes que pour les biens et les marchandises, dans l’ensemble des régions du pays, y compris celles qui présenteraient le handicap d’être excentrées.
C’est bien la raison pour laquelle, au-delà du rapport que notre collègue appelle de ses vœux, il nous semble plus que nécessaire, en l’état actuel des choses, de revenir encore et toujours sur les conditions financières imposées aujourd’hui aux opérateurs ferroviaires, qu’il s’agisse de SNCF Réseau ou de SNCF Mobilités.
La séparation juridique, consommée en 1997, et la réforme Fillon ont conduit à la situation que nous connaissons : l’ensemble SNCF traîne derrière lui 40 milliards d’euros de dettes financières ! Ce phénomène ne fait que s’accroître, suscitant toujours plus de frais financiers et, corrélativement, de fermetures de dessertes dites « non rentables », selon les critères en vigueur. C’est là-dessus que notre analyse diverge.
Il faut sortir de cette logique, de manière ferme et décidée.
Avant toute chose, il faut desserrer la contrainte financière qui pèse sur le service public ferroviaire, parce qu’il est puissamment porteur d’une croissance d’un type nouveau, plus économe en consommations carbonées, plus sûre du point de vue de l’usager, particulier comme entreprise, plus pertinente quant à l’organisation des flux de production et d’échanges.
En conclusion, nous partageons les préoccupations de Michel Vaspart, raison pour laquelle nous avions déposé un amendement identique.
M. le président. La parole est à Mme Annie David, pour explication de vote.
Mme Annie David. Je souhaiterais revenir très brièvement sur cette demande de rapport, car M. le ministre nous a seulement répondu que ce rapport était déjà prévu dans la réforme ferroviaire. Or ce texte date déjà de juin 2014 et le rapport prévu n’a toujours pas été remis.
Monsieur le ministre, pouvez-vous nous indiquer quand, et selon quels axes de réflexion, les personnes chargées d’élaborer ce rapport – s’il y en a – vont-elles remettre le document ? Une date est-elle prévue ?
On nous annonce chaque fois un rapport imminent, mais on ne le voit jamais arriver !
M. Charles Revet. Tout à fait !
Mme Annie David. Je veux bien vous faire confiance, comme hier, monsieur le ministre, mais j’aimerais savoir si, oui ou non, nous devons maintenir cette demande de rapport. Avant de retirer éventuellement cet amendement, il faut que nous obtenions des assurances en la matière.
Mme Laurence Cohen. Bravo !
M. le président. La parole est à M. le président de la commission spéciale.
M. Vincent Capo-Canellas, président de la commission spéciale. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, permettez-moi à cet instant de faire un bref état des lieux de l’avancement de nos travaux.
Ce matin, en l’espace de trois heures un quart, nous avons examiné un total de 20 amendements. Plus de 1 400 autres nous attendent…
Mme Éliane Assassi. Il ne reste que 200 amendements de notre groupe !
M. Vincent Capo-Canellas, président de la commission spéciale. Certes, ce projet de loi porte sur nombre de thèmes présentant un grand intérêt. Ces derniers appellent des témoignages, c’est normal et c’est légitime. Mais, quelle que soit leur importance, ces interventions se révèlent parfois convergentes. (Mme Catherine Procaccia proteste.) Ma chère collègue, vous noterez que j’ai dit « convergentes » et non « redondantes » !
À mon sens, nos discussions peuvent être condensées. En conséquence, je suggère que, dans la mesure du possible, nous nous efforcions d’accélérer.
M. André Reichardt. Très bien !
M. Vincent Capo-Canellas, président de la commission spéciale. S’agissant plus précisément du sujet qui nous occupe, je souligne que nous avons déjà consacré à la réforme ferroviaire de très longs débats, auxquels ont notamment pris part Évelyne Didier, Louis Nègre, mais aussi Mireille Schurch et Michel Teston, qui, à l’époque, siégeaient au sein de cette assemblée. Aussi, il me semble que nous pouvons, à ce stade, statuer sur cette proposition de rapport.
Je ne sais si ce document apportera beaucoup d’éléments supplémentaires. Sans doute devrons-nous un jour nous pencher de nouveau sur la réforme ferroviaire. Néanmoins, cette discussion ne me paraît pas être le moment opportun pour mener ce travail.
L’accélération du rythme de nos débats bénéficierait à tous : ceux qui nous lisent ou qui nous regardent risque de se dire que nous faisons parfois des ronds dans l’eau. (Mme Catherine Procaccia acquiesce.) Essayons d’avancer !
Enfin, mes chers collègues, je vous indique que la commission spéciale se réunira dès la suspension, pour étudier 240 amendements de séance. Gardez à l’esprit qu’il nous reste, en tout, plus de 1 400 amendements à examiner en séance publique !
M. André Reichardt. Bon appétit… (Sourires sur les travées de l'UMP.)
M. le président. Monsieur Vaspart, vous avez sans doute entendu M. le président de la commission spéciale : qu’en est-il de l’amendement n° 360 rectifié ?
M. Michel Vaspart. Monsieur le président, j’entends M. le président de la commission spéciale depuis deux jours… (Sourires.)
Compte tenu des précisions que M. le ministre nous a apportées au sujet de la réforme ferroviaire et, en particulier, à propos du rapport à venir, je vais retirer mon amendement. Nos collègues communistes n’auront donc pas l’occasion de le voter, et je le regrette.
Mme Annie David. Vous voterez le nôtre ! (Sourires sur les travées du groupe CRC.)
M. Michel Vaspart. Toutefois, je tiens à dire encore un mot de la réforme ferroviaire car, si cette question a été effectivement traitée dans cet hémicycle, c’était avant que je siège au Sénat.
Je tiens simplement à vous dire que je me suis rendu hier au ministère des transports, où j’ai pris part à une réunion portant précisément sur ce sujet.
Ma collègue des Côtes-d’Armor, Mme Prunaud, vient de le rappeler : nos régions, notamment la Bretagne, sont en train de perdre des voies ferrées secondaires. C’est un grave sujet de préoccupation. (Mme Christine Prunaud le confirme.)
Mme Annie David. Bien sûr !
M. Michel Vaspart. En province, mais c’est vrai partout, les clefs de répartition ont profondément changé.
Nous avions un projet en deux phases : dans la première phase, Réseau ferré de France subventionnait à hauteur de 30 %, 8 % incombant aux collectivités. Désormais, les collectivités locales doivent assumer 25 % du financement. (Marques d’approbation sur les travées du groupe CRC.)
Cela posera à coup sûr problème pour des projets oscillant entre 20 et 30 millions d’euros. On l’a rappelé, nos collectivités vont voir leurs dotations amputées, au total, de 11 milliards d’euros : elles auront bien du mal à retenir ce type de projet !
Mme Catherine Deroche, corapporteur. C’est vrai !
M. Michel Vaspart. Cela étant, je retire mon amendement, monsieur le président.
M. le président. L’amendement n° 360 rectifié est retiré.
Madame David, l’amendement n° 1038 rectifié est-il maintenu ?
Mme Annie David. Non, je le retire, monsieur le président.
M. le président. L’amendement n° 1038 rectifié est retiré.
Madame Cukierman, l’amendement n° 1040 est-il maintenu ?
Mme Cécile Cukierman. Nous le maintenons !
M. le président. En conséquence, l’article 3 quater B demeure supprimé.
La parole est à M. le ministre.
M. Emmanuel Macron, ministre. Mesdames, messieurs les sénateurs, on m’a interrogé sur la remise du rapport relatif au secteur ferroviaire. À cet égard, je tiens à rappeler les contraintes de délais avec lesquelles il nous faut composer.
La loi portant réforme ferroviaire est entrée en vigueur le 1er janvier 2015. La constitution du Haut Comité du système de transport ferroviaire, que j’ai évoqué, au sein duquel des parlementaires sont appelés à siéger, est sur le point de s’achever. La réunion de cette instance est donc imminente.
D’ici à l’été, l’ensemble des membres de ce comité, où, je le répète, figureront des parlementaires, seront chargés par le Gouvernement de rédiger un rapport portant sur plusieurs points, dont ceux que Mme David a mentionnés.
Dans la logique de la loi portant réforme ferroviaire – je parle sous le contrôle de la Haute Assemblée –, un rapport de cette nature devra être établi tous les trois ans. (Mme Évelyne Didier acquiesce.)
Article 3 quater
(Supprimé)
4
Renvoi pour avis unique
M. le président. J’informe le Sénat que le projet de loi, adopté par l’Assemblée nationale après engagement de la procédure accélérée, relatif à la réforme de l’asile (n° 193, 2014-2015), dont la commission des lois constitutionnelles, de législation, du suffrage universel, du règlement et d’administration générale est saisie au fond, est envoyé pour avis, à sa demande, à la commission des finances.
5
Décisions du Conseil constitutionnel sur deux questions prioritaires de constitutionnalité
M. le président. Le Conseil constitutionnel a communiqué au Sénat, par courriers en date du 9 avril 2015, deux décisions du Conseil relatives à des questions prioritaires de constitutionnalité portant sur :
La direction d’une entreprise exerçant des activités privées de sécurité – La condition de nationalité (n° 2015-463 QPC) ;
Le délit d’obstacle au droit de visite en matière d’urbanisme (n° 2015-464 QPC).
Acte est donné de ces communications.
Mes chers collègues, nous allons maintenant interrompre nos travaux ; nous les reprendrons à quinze heures.
La séance est suspendue.
(La séance, suspendue à douze heures cinquante, est reprise à quinze heures, sous la présidence de M. Gérard Larcher.)
PRÉSIDENCE DE M. Gérard Larcher
M. le président. La séance est reprise.
6
Questions d'actualité au Gouvernement
M. le président. L’ordre du jour appelle les réponses à des questions d’actualité au Gouvernement.
Je rappelle que la séance est retransmise en direct sur France 3 et Public Sénat.
spéculation sur la faim
M. le président. La parole est à M. Jean Desessard, pour le groupe écologiste.
M. Jean Desessard. Monsieur le secrétaire d’État, dans notre monde, une personne sur neuf souffre encore de la faim. Des apprentis sorciers nous expliquent que c’est par manque de nourriture, et que ce sont des OGM qu’il nous faudrait pour nourrir les plus pauvres.
En réalité, les famines sont dues non au manque de nourriture mais aux conflits armés, au changement climatique, à la concurrence déloyale de nos pays développés et, surtout, au prix de la nourriture.
Non seulement le prix moyen des matières premières agricoles augmente constamment, mais il est de plus en plus volatil, c’est-à-dire qu’il connaît des pics brutaux et très élevés, dont les effets sont dévastateurs pour l’accès à la nourriture des populations les plus fragiles.
Cette volatilité des prix est la conséquence directe de la financiarisation des marchés alimentaires et agricoles. Dans l’une de ses études, la Banque mondiale a montré que « les activités des fonds indiciels de matières premières ont joué un rôle clé dans la flambée des prix alimentaires de 2008. »
Or qui propose ces fonds indiciels aux investisseurs ? Ce sont les banques, et en particulier les banques françaises. Dans un récent rapport, l’ONG Oxfam indique que BNP Paribas, la Société Générale et Natixis gèrent, à elles trois, 3,5 milliards d’euros d’actifs dans des fonds indiciels agricoles.
Monsieur le secrétaire d’État, dans le cadre de la loi bancaire, des amendements adoptés au Sénat, notamment sur l’initiative des écologistes, avaient introduit davantage de contrôle et de transparence sur la spéculation agricole. Pouvez-vous nous dire où en est l’application de ces mesures par l’Autorité des marchés financiers, l’AMF ?
Au-delà des dispositions légales, monsieur le secrétaire d’État, considérez-vous qu’il est politiquement acceptable que des banques françaises spéculent sur la faim ?
Une chose est sûre : à voir la facilité avec laquelle BNP Paribas a absorbé son amende américaine de 9 milliards de dollars, le monde des spéculateurs ne connaît pas la famine !
Le Gouvernement, qui vient de négocier pour les banques plusieurs milliards d’euros de rabais sur leur contribution au Fonds de résolution européen, ne peut-il pas user du rapport de force pour les ramener à la raison ? (Bravo ! et applaudissements sur les travées du groupe écologiste et du groupe CRC.)
M. le président. La parole est à M. le secrétaire d'État chargé du budget.
M. Christian Eckert, secrétaire d'État auprès du ministre des finances et des comptes publics, chargé du budget. Monsieur le président, mesdames, messieurs les sénateurs, monsieur le sénateur, des dispositions importantes, vous l’avez rappelé, ont été introduites dans la loi bancaire en juillet 2013, en anticipation de ce que l’Union européenne met en place avec la directive sur les marchés d'instruments financiers, ou MIF.
Notre approche volontariste a été soutenue par le Parlement, y compris par des membres de votre groupe. En particulier, les pouvoirs de supervision de l’AMF sur les marchés financiers de matières premières agricoles ont été renforcés. Des limites de position ont été introduites sur les instruments financiers dont le sous-jacent est une matière première agricole. Ces limites permettent de s’assurer que les acteurs n’occupent pas sur le marché une position telle qu’ils auraient un impact important sur le cours des matières premières.
Les participants à ce marché des dérivés agricoles devront faire un reporting quotidien à l’AMF, afin qu’elle puisse s’assurer que les limites de position ne sont pas atteintes ou dépassées. Les banques intervenant sur ce marché ne pourront en outre pas détenir de stocks physiques de la matière première agricole sous-jacente dans le but d’influencer les marchés.
Par souci de cohérence, l’AMF a préféré attendre de connaître les standards techniques proposés au niveau de l’Union européenne concernant la méthodologie de calcul des limites de position et des modalités de reporting, évitant ainsi, autant que possible, de mettre en place un dispositif qui aurait dû être modifié profondément par la suite. C’est pourquoi elle a lancé sa consultation le 22 décembre, quelques jours seulement après que les standards techniques eurent été rendus publics.
Sur l’interdiction des fonds spéculatifs, la loi bancaire ne prévoit pas d’encadrement ad hoc des négociations sur les parts d’ETF, ou exchange-traded funds. Cependant, en tout état de cause, les ETF qui entendent répliquer les marchés des matières premières agricoles doivent prendre des positions sur le marché dérivé et se retrouvent donc dans le champ d’application de la loi bancaire. L’interdiction pure et simple de ces fonds n’aurait d’impact que si elle était décidée au niveau européen.
Enfin, en ce domaine comme dans d’autres, le Gouvernement marque son volontarisme. Je signale à votre attention, s’agissant d’un problème différent mais parallèle, l’adoption à l’Assemblée nationale de la proposition de loi relative au devoir de vigilance des sociétés mères et des entreprises donneuses d’ordre, plus connue sous le nom de « proposition de loi Potier », qui responsabilise les entreprises et les donneurs d’ordre quant à l’utilisation de la main-d’œuvre dans les pays d’Asie du Sud-Est, notamment. (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste, ainsi que sur certaines travées du RDSE.)
projet de loi pour la croissance, l'activité et l'égalité des chances économiques
M. le président. La parole est à M. Dominique Watrin, pour le groupe CRC.
M. Dominique Watrin. Ma question s'adresse à M. le ministre de l'économie, de l'industrie et du numérique.
Permettez-moi tout d’abord de saluer la mobilisation des salariés, des retraités et des chômeurs, qui défilent actuellement, à l’appel de leurs organisations syndicales – la CGT, FO, Solidaires et la FSU -, contre les politiques d’austérité salariale et budgétaire et contre le projet de loi Macron ! (Ah ! sur les travées de l'UMP.)
M. Roger Karoutchi. À ce propos, où est-il, M. Macron ?
M. Dominique Watrin. Des dizaines de milliers de manifestants exigent en ce moment même le retrait du pacte de responsabilité, dont le ministre de l’économie a mardi soir revendiqué la filiation.
Ce qu’ils dénoncent, ce sont ces 40 milliards d’euros de cadeaux sociaux et fiscaux offerts aux entreprises sans considération de taille ni d’efficacité économique, et sans contrepartie.
Le ministre de l’économie l’a dit lui-même, l’économie de notre pays est « en état d’urgence ». C’est une vérité. Mais que propose-t-il ? De quelles réformes parle-t-il ?
Quand il faudrait relancer l’activité économique, il préfère la « marchandiser », puis il prétend la réguler ! En réalité, sa politique est d’abord au service des intérêts financiers.
Le gouvernement vient ainsi d’abdiquer devant les sociétés d’autoroutes. Le ministre parle de « rente » à propos de certaines professions réglementées, mais il accepte dans ce domaine une concession qui, dans les faits, est perpétuelle. Les actionnaires de ces sociétés sont assis sans vergogne sur une rente nette de 20 % à 24 %, boostée par les augmentations de tarif à répétition – 11 % en quatre ans –, sous couvert d’investissement.
M. Macron prétend n’avoir pour objectif que la défense de l’intérêt général, mais il s’empresse de privatiser l’industrie de l’armement ou les aéroports.
Les annonces faites hier par le Gouvernement montrent une prise de conscience aussi tardive que partielle de l’impact désastreux de la réduction de près de 4 milliards d’euros des dotations de l’État aux collectivités territoriales sur l’investissement, la croissance et l’activité, que le ministre prétend pourtant libérer.
En revanche, son silence est assourdissant sur la question de la répartition des richesses créées par les salariés, qui devraient pouvoir être orientées prioritairement vers l’investissement et l’emploi.
En portant ce projet de loi, le ministre est en phase avec la droite, qui lui reproche seulement de ne pas aller plus loin !
M. Ladislas Poniatowski. En somme, nous ne servons plus à rien ! (Sourires sur les travées de l'UMP.)
M. Dominique Watrin. Quand donc écoutera-t-il les messages de la rue et des urnes ? Quand décidera-t-il de mettre les richesses du pays au service de l’économie réelle et des habitants ? (Applaudissements sur les travées du groupe CRC.)
M. le président. La parole est à Mme la secrétaire d'État chargée du numérique.
Mme Axelle Lemaire, secrétaire d'État auprès du ministre de l'économie, de l'industrie et du numérique, chargée du numérique. Monsieur le sénateur, permettez-moi d’abord une précision : il n’y a pas de politique d’austérité en France. (Protestations sur les travées du groupe CRC.)
Mme Éliane Assassi. Vous êtes la seule à le croire encore ! « Serrez-vous la ceinture », ça veut dire quoi ?
Mme Axelle Lemaire, secrétaire d'État. Je le dis d’autant plus sincèrement que j’ai longtemps vécu au Royaume-Uni, un pays qui mène effectivement une politique d’austérité.
Mme Éliane Assassi. Et alors ?
Mme Axelle Lemaire, secrétaire d'État. Lorsque l’on compare les coupes budgétaires effectuées dans les secteurs de la santé publique, de l’éducation, de la justice, de la police ou de la défense,…
Mme Éliane Assassi. C’est ce qui se passe en France !
Mme Axelle Lemaire, secrétaire d'État. … croyez-moi, il apparaît clairement qu’il n’y a pas d’austérité en France !
Il est en outre politiquement dangereux, au niveau européen, de laisser entendre que la France mènerait une politique d’austérité, alors que nous défendons une politique de relance par l’investissement ! (Vifs applaudissements sur les travées du groupe socialiste.)
Concernant la loi pour la croissance, l’activité et l’égalité des chances économiques, nous aimerions que, plutôt que d’être perpétuellement « contre », vous soyez « pour »,…
Mme Éliane Assassi. Alors, faites d’autres choix !
Mme Axelle Lemaire, secrétaire d'État. … pour un texte qui doit permettre de relancer la croissance et d’ouvrir l’accès à l’emploi. Comment ? D’abord en offrant un transport plus facile et moins cher – il préserve donc mieux le pouvoir d’achat –, en autocar. (Exclamations ironiques sur les travées du groupe CRC.)
Mme Éliane Assassi. Ah voilà ! L’autocar est la solution à tout, c’est fantastique !
Mme Axelle Lemaire, secrétaire d'État. Cela bénéficiera aux habitants des zones reculées, notamment rurales, et aux jeunes, qui rencontrent aujourd’hui des problèmes d’accès à l’emploi. Ils seront ainsi plus mobiles et pourront aller travailler plus facilement. (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste.)
M. Didier Guillaume. Exactement !
Mme Éliane Assassi. Ils ont surtout besoin d’emplois !
Mme Axelle Lemaire, secrétaire d'État. Les professions réglementées ne doivent pas être des professions privilégiées. Il faut en ouvrir l’accès, en particulier aux jeunes.
Et le permis de conduire, trouvez-vous normal qu’il se ferme au numérique ? Non ! Il sera modernisé afin d’aider les jeunes à entrer dans l’emploi.
M. Didier Guillaume. C’est une grande avancée !
Mme Axelle Lemaire, secrétaire d'État. Ce projet de loi pour la croissance aide les salariés, favorise le pouvoir d’achat et consolide l’économie de notre pays. C’est un texte de progrès. Je forme le vœu que, finalement, vous preniez position pour ! (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste.)
mesures pour l'investissement et l'économie
M. le président. La parole est à Mme Nelly Tocqueville, pour le groupe socialiste.
Mme Nelly Tocqueville. Mesdames, messieurs les ministres, mes chers collègues, ma question s’adresse à M. le Premier ministre.
La reprise est en route. Il s’agit désormais de la consolider et de l’accélérer.
M. Francis Delattre. Mais oui… !
Mme Nelly Tocqueville. Le chômage reste pourtant élevé et la création d’emplois, qui est une priorité, passe par la poursuite des réformes.
Celles que le Gouvernement a déjà initiées, notamment avec la mise en place du crédit d’impôt pour la compétitivité et l’emploi et du pacte de responsabilité et de solidarité, ont des résultats encourageants, puisque de nouveaux indicateurs sont aujourd’hui positifs. Nous ne pouvons que nous en réjouir.
Comme l’a indiqué l’INSEE en janvier, les entreprises françaises envisagent d’augmenter leurs investissements de 3 % en 2015. De même, l’augmentation de 3 % de la consommation de biens par les ménages, dont le pouvoir d’achat augmente, se confirme.
Il faut donc bien persévérer et amplifier le mouvement des réformes, pour libérer encore plus la croissance. Le projet de loi Macron, que le Sénat examine en ce moment, s’inscrit dans cette démarche. Je me réjouis de constater que le Gouvernement continue dans cette voie et suit le cap que le Président de la République a fixé.
Ainsi, hier, le Premier ministre a annoncé un plan pour l’investissement (On s’en félicite sur les travées du groupe socialiste.), afin de soutenir la croissance et la reprise. C’est ce que les Français attendent et il faut s’en féliciter.
M. Francis Delattre. La question est téléphonée !
Mme Nelly Tocqueville. Je salue l’effort réalisé notamment pour stimuler cet investissement en direction du secteur privé et du secteur public.
En ce qui concerne le secteur privé, il faut indéniablement inciter les entreprises à investir beaucoup plus qu’elles ne le font aujourd’hui.
M. Francis Delattre. Vous les matraquez !
Mme Nelly Tocqueville. L’avantage fiscal exceptionnel accordé pour tous les investissements industriels réalisés au cours des douze prochains mois me paraît tout à fait déterminant dans le processus de modernisation des outils de production et de création d’emplois que vous avez engagé.
De même, porter à 8 milliards d’euros sur quatre ans, contre 6 milliards actuellement, la capacité des prêts de développement de la BPI, la Banque publique d’investissement, doit réveiller l’appétit des entrepreneurs français et favoriser le développement des PME et des ETI.
Mais l’investissement public est tout aussi primordial. Soutenir celui-ci, en particulier, en direction des communes et des intercommunalités est indispensable, notamment, afin de stimuler l’activité dans le secteur des travaux publics.
Mme Nicole Bricq. Très bien !
M. Joël Guerriau. Avec la baisse des dotations…
Mme Nelly Tocqueville. En effet, les collectivités locales sont créatrices d’emplois, et elles doivent être soutenues.
Pour ce qui concerne les aides à la rénovation de logements, notamment les interventions de nature à entraîner des économies d’énergie,…
M. le président. Je vous demande de poser votre question, ma chère collègue.
Mme Nelly Tocqueville. … je me réjouis du renforcement des crédits alloués à l’Agence nationale de l’habitat.
Toutefois, nous souhaiterions avoir des précisions quant aux conditions de mise en œuvre de ces mesures. (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste.)
M. le président. La parole est à M. le secrétaire d'État chargé du budget.
M. Christian Eckert, secrétaire d'État auprès du ministre des finances et des comptes publics, chargé du budget. Madame la sénatrice, vous avez raison, un certain nombre d’indicateurs s’améliorent. Mais il n’y a pas là de quoi…
Mme Éliane Assassi. Pavoiser !
M. Christian Eckert, secrétaire d'État. … en tirer gloire ou matière à quelque triomphe que ce soit. Toutefois, un indicateur ne s’améliore pas,…
M. Christian Cambon. C’est l’emploi !
M. Christian Eckert, secrétaire d'État. … c’est l’investissement, aussi bien dans le secteur privé que dans le secteur public. (Exclamations sur les travées de l'UMP.)
M. Didier Guillaume. Eh oui !
M. Christian Eckert, secrétaire d'État. C’est pourquoi le Gouvernement, en pleine responsabilité, a décidé de prendre des mesures visant à favoriser l’investissement. Permettez-moi de vous apporter, à votre demande, des précisions sur certaines d’entre elles, sans prétendre, pour autant, à ce stade, être exhaustif.
La principale mesure permet à toutes les entreprises de « suramortir » une certaine catégorie d’investissements privés – ces types d’investissements productifs sont connus. Je veux tordre le cou à une idée trop communément répandue, il ne s’agit pas là que d’une mesure de trésorerie. Non, mesdames, messieurs les sénateurs, c’est une mesure supplémentaire visant à accorder à toutes les entreprises un avantage de 13 % sur l’ensemble des investissements éligibles.
Cet effort budgétaire extrêmement important, attendu et salué par bon nombre d’entreprises, qui a été estimé par le Premier ministre à 2,5 milliards d’euros sur cinq ans, représentera environ 380 millions d’euros, selon nos estimations, pour le budget de l’année 2015.
Au nombre des mesures que nous avons prises, je tiens à signaler également la prolongation du crédit d’impôt pour la transition énergétique. Conformément au vote du Parlement, ce dispositif était en vigueur jusqu’à la fin de l’année 2015 ; il sera prolongé au-delà. Là encore, cette mesure importante était très attendue par un certain nombre de syndicats d’entreprises, notamment la CGPME, pour donner de la lisibilité et de la durée.
Enfin, vous avez évoqué des mesures supplémentaires en ce qui concerne le préfinancement du Fonds de compensation pour la TVA, ce qui n’est pas non plus sans incidence budgétaire. Même s’il s’agit de prêts de la Caisse des dépôts et consignations, bonifier ou annuler les intérêts représentera une dépense supplémentaire de l’ordre de 50 millions d’euros.
M. Francis Delattre. Une goutte d’eau !
M. le président. Veuillez conclure, monsieur le secrétaire d’État.
M. Christian Eckert, secrétaire d'État. Ces mesures seront inscrites dans les trajectoires budgétaires qui vous seront proposées le 15 avril prochain, dans le cadre du programme de stabilité.
C’est une véritable prise de conscience de la nécessité d’accélérer l’investissement, et ces mesures répondent, me semble-t-il, à l’attente d’un certain nombre d’acteurs économiques, pour ne pas dire à tous. (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste.)
rachat de la chaîne numéro 23 par nextradiotv (BFMTV)
M. le président. La parole est à Mme Catherine Morin-Desailly, pour le groupe UDI-UC.
Mme Catherine Morin-Desailly. Ma question s'adresse à Mme la ministre de la culture et de la communication. Mais, permettez-moi auparavant d’exprimer, au nom du groupe UDI-UC, tout notre soutien à la chaîne TV 5 Monde, voix de la francophonie, qui vient d’être victime d’une cyberattaque sans précédent, une nouvelle atteinte à la liberté d’expression que nous dénonçons. (Applaudissements.)
La semaine dernière, nous apprenions le rachat de la chaîne de la TNT Numéro 23 par le groupe NextRadioTV, qui possède déjà BFM TV, RMC, RMC Découverte, pour près de 90 millions d’euros. Deux ans et demi à peine après son lancement, cette chaîne change donc de mains, et cette transaction devrait rapporter une somme importante à ses actionnaires.
Je ne porterai pas de jugement sur l’habilité du principal actionnaire de Numéro 23 – avec un tel retour sur investissement, on serait tenté de dire : « Chapeau l’artiste ! » – ni sur le respect des engagements pris lors de l’attribution de la fréquence en termes de création et de ligne éditoriale.
En revanche, cette transaction financière doit tous nous interpeller. Comment expliquer aux Français, qui sont à la fois téléspectateurs et contribuables, qu’un bien public rare a été cédé gratuitement pour être revendu à bon prix aussi rapidement ?
On fait immédiatement le parallèle avec un autre dossier en cours, celui du transfert de la bande des 700 MHz dont, soit dit en passant, le calendrier et l’absence de plan d’accompagnement posent problème.
Le Gouvernement entend céder ces fréquences aux opérateurs de télécommunication contre une rémunération élevée, qui a déjà été affectée au budget de la défense.
À l’inverse, quel gain l’État va-t-il tirer de la revente de Numéro 23 ? Pas grand-chose !
M. Roger Karoutchi. Rien !
Mme Catherine Morin-Desailly. Radio France en est aujourd’hui à son vingt-deuxième jour de grève ; le groupe fait face à des difficultés considérables. Dans un contexte budgétaire très dégradé, il y aurait là une ressource immédiatement disponible plus que suffisante pour recapitaliser le groupe public de radio auquel nous sommes tous attachés.
Madame la ministre, comment prévenir ces actions spéculatives autour des chaînes de télévision de la TNT ?
Aux termes de la loi de 1986, l’autorisation donnée à une chaîne par le CSA peut être retirée en cas de modification substantielle des données au vu desquelles l’autorisation avait été délivrée. On ne saurait préjuger de l’avis du CSA mais, à la suite de la cession de Numéro 23, le Gouvernement entend-il modifier ces dispositions, afin de les rendre plus protectrices de l’intérêt général ?
Nous débattons en ce moment du projet de loi pour la croissance, l’activité et l’égalité des chances économiques. Ne serait-ce pas l’occasion de porter de deux ans et demi à cinq ans la durée minimale de détention avant de pouvoir céder le capital d’une nouvelle chaîne de télévision sur la TNT, tout simplement afin de moraliser ces pratiques ? (Applaudissements sur les travées de l'UDI-UC, de l'UMP et du groupe CRC.)
M. le président. La parole est à Mme la ministre de la culture et de la communication.
Mme Fleur Pellerin, ministre de la culture et de la communication. Madame la sénatrice, je vous remercie de votre message de solidarité envers la chaîne TV5 Monde. Avec Laurent Fabius et Bernard Cazeneuve, je me suis rendue ce matin auprès des équipes pour leur dire la solidarité du Gouvernement : nous mettons tout en œuvre pour prévenir, dans la mesure du possible, de telles attaques et, en tout cas, la traiter du mieux possible. D’ailleurs, Bernard Cazeneuve et moi-même recevrons aujourd’hui les dirigeants des grands médias, afin d’engager des réflexions sur ce sujet.
J’en viens maintenant au rachat annoncé dans la presse de la chaîne Numéro 23 par le groupe NextRadioTV.
Comme vous le savez, madame la sénatrice, ce projet est soumis au contrôle des autorités de régulation, l’Autorité de la concurrence et le Conseil supérieur de l’audiovisuel, lesquelles devront donner leur accord avant toute concrétisation. Or, avant d’agréer une telle opération, le CSA doit prendre en compte le respect du pluralisme et de la concurrence dans le secteur audiovisuel.
Récemment, le Gouvernement a renforcé ces procédures sur deux points.
La loi du 15 novembre 2013 prévoit que le CSA doit mieux prendre en compte les considérations économiques d’un projet avant d’agréer les modifications d’autorisation de service de télévision. Si le CSA estime que le marché sera bouleversé, il pourra notamment lancer une étude d’impact publique, pour prendre une décision éclairée.
Le CSA a donc tous les moyens de s’assurer du respect de l’équilibre du marché et du pluralisme.
Par ailleurs, en 2013 également, le Gouvernement a mis en place une taxation de 5 % sur la revente des chaînes de la TNT, déclenchée en cas de changement des titulaires d’autorisation hertzienne. Il me semble d’ailleurs que la droite n’était pas très favorable à l’adoption d’une telle taxe ; elle y était même franchement opposée. Cette taxe visait à faire en sorte que les fréquences, qui appartiennent au domaine public, comme vous l’avez souligné, madame la sénatrice, et qui sont attribuées gratuitement aux chaînes de la TNT, ne puissent pas faire l’objet de spéculations. Nous aurions aimé à l’époque avoir le soutien de la droite !
Enfin, si l’actionnariat d’une chaîne est modifié, la loi, pas plus que la jurisprudence, ne permet pas d’envisager un changement de format ou de programmation d’une chaîne de la TNT. Tout changement substantiel – un changement de thématique ou de catégorie de services, par exemple – apporté à la programmation est de nature à remettre en cause l’autorisation délivrée.
Une telle mesure permet donc également de lutter contre la spéculation.
Quoi qu’il en soit, je partage votre objectif, madame la sénatrice. Quant à votre proposition d’allonger la durée minimale de détention d’une chaîne, pourquoi pas ! (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste.)
redécoupage électoral pour les élections départementales
M. le président. La parole est à M. Christian Cambon, pour le groupe UMP.
M. Christian Cambon. Ma question s'adresse à M. le ministre de l'intérieur.
Il y a dix jours, votre majorité a subi un revers électoral sans précédent (Exclamations.), vous privant en un jour de la présidence de vingt-six conseils départementaux.
Pourtant, votre défaite aurait pu être bien plus lourde encore si votre prédécesseur au ministère de l’intérieur, Manuel Valls, n’avait fait voter un découpage des cantons particulièrement perfide…
M. Michel Berson. Pertinent !
M. Christian Cambon. … visant à atténuer le désaveu massif des Français.
Dans de nombreux départements, des cantons ont ainsi échappé à l’union de la droite et du centre grâce à un maniement des ciseaux particulièrement favorable à la gauche. (Applaudissements sur les travées de l'UDI-UC.)
M. Roland Courteau. Rien à voir avec celui de Pasqua !
M. Christian Cambon. Du reste, ce découpage de dentellière avait soulevé l’indignation des élus, et près de 2 500 recours furent déposés. (Exclamations continues sur les travées du groupe socialiste.) Fort étonnamment, aucun de ces recours n’a abouti devant le Conseil d’État. Sans doute, la force de nos arguments ne fut pas suffisamment persuasive, et nous en avons pris acte.
Aujourd’hui, néanmoins, au vu des résultats, vos véritables intentions apparaissent plus clairement.
M. Didier Guillaume. Nous avons fait élire 50 % de femmes !
M. Christian Cambon. À cet égard, le cas du Val-de-Marne est édifiant.
Tenu par le parti communiste depuis trente-huit ans, ce département constitue, élection après élection, la monnaie d’échange d’une union de la gauche rafistolée entre les deux tours, ce qui permet aux socialistes de bénéficier de meilleurs reports de voix communistes dans le reste des départements. (Exclamations amusées sur les travées du groupe CRC.)
Le découpage en Val-de-Marne fut diabolique.
Ainsi, à Vitry-sur-Seine, fief du parti communiste, pour 45 000 électeurs, il y a deux cantons et quatre conseillers départementaux. À Nogent-sur-Marne – Le Perreux-sur-Marne, fief de la droite, toujours pour 45 000 électeurs, il n’y a qu’un seul canton et deux conseillers départementaux !
Mme Cécile Cukierman. Ce sont les électeurs qui décident ! Ils sont libres !
M. Christian Cambon. Vous nous chantez l’égalité des chances, mais, en termes d’égalité, on fait mieux !
Le résultat du Val-de-Marne reflète ce beau cadeau fait au parti communiste. (Rires sur les travées du groupe CRC.)
Au soir du second tour, avec 52 % des voix, l’union de la droite et du centre est battue ! Avec 41 % des voix, la gauche l’emporte, avec trois cantons supplémentaires !
Mme Éliane Assassi. Vous êtes mauvais perdant !
M. Christian Cambon. Monsieur le ministre, dans quel pays perd-on une élection avec 52 % des voix et la gagne-t-on avec 41 % ? Eh bien, c’est en France, dans le Val-de-Marne ! (Protestations sur les travées du groupe CRC.)
Le Premier ministre, qui n’a cessé de donner des leçons de morale politique, pense-t-il que de tels procédés vont réconcilier les Français avec les urnes ?
Mme Éliane Assassi. Les questions orales, c’est le mardi matin !
M. Christian Cambon. Ma question est simple : monsieur le ministre, lors des prochaines élections, allez-vous encore poursuivre cette manipulation des lois électorales, une manipulation indigne de notre démocratie ?
Mme Éliane Assassi. Et Pasqua, qu’avait-il fait ?
M. Didier Guillaume. Ce n’est pas à la hauteur du Sénat !
M. Christian Cambon. Plutôt que de rester sourd et aveugle au désaveu des électeurs, allez-vous – enfin ! – prendre des mesures courageuses pour redresser notre pays et redonner aux Français l’envie d’aller voter ? (Bravo ! et applaudissements sur les travées de l'UMP et de l'UDI-UC.)
M. le président. La parole est à M. le ministre de l’intérieur.
M. Bernard Cazeneuve, ministre de l'intérieur. Monsieur le sénateur, s’il était encore besoin de prouver que certains résultats électoraux peuvent faire perdre tout sens de la nuance, votre question vient d’en apporter une démonstration extrêmement brillante. (Rires et applaudissements sur les travées du groupe socialiste et du groupe CRC.)
Permettez-moi tout d’abord de vous livrer quelques éléments de principe, afin de ne pas vous énerver davantage. (Exclamations amusées sur les travées du groupe socialiste.)
Si le Gouvernement a été obligé de recréer des cantons, c’est tout simplement parce que vous les aviez tous supprimés. (Mme Catherine Procaccia s’exclame.) Il n’y a pas eu de redécoupage : tous les cantons ont été supprimés lors de la création du conseiller territorial.
M. Yves Daudigny. C’est vrai !
M. Bernard Cazeneuve, ministre. Lorsque nous avons décidé de faire élire les conseillers départementaux, nous avons été obligés de recréer les cantons.
Mme Catherine Procaccia. C’est faux !
M. Bernard Cazeneuve, ministre. Vous expliquez que les choses sont mauvaises avec ce découpage, alors qu’elles étaient fort bonnes par le passé. J’ai donc examiné très méticuleusement la situation de votre département.
J’ai constaté, à cette occasion, qu’il n’y a pas d’écart de plus de 20 % entre les différents cantons au regard de leur population, alors que, dans le précédent découpage, l’écart était de un à trois entre les cantons de Villiers-sur-Marne et de Bonneuil-sur-Marne.
M. Didier Guillaume. Bien sûr !
M. Bernard Cazeneuve, ministre. Quand le rapport entre la population de deux cantons est de un à trois, cela ne choque pas l’opposition, mais il en est autrement quand il n’est que de 20 % ! (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste et du groupe CRC.) J’ai du mal à comprendre la logique de ce raisonnement.
Enfin, monsieur Cambon, je vous signale que, grâce au mode de scrutin que nous avons proposé, la proportion de femmes, qui n’était que de 13,5 % dans les précédents conseils généraux, s’établit désormais à 50 % dans l’ensemble des conseils départementaux de France. (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste.)
M. Christian Cambon. Ce n’était pas l’objet de ma question !
M. Bernard Cazeneuve, ministre. Peut-être, mais c’est ma réponse. (Rires et exclamations amusées sur les travées de l'UMP.)
Monsieur le sénateur, que le nouveau mode de scrutin permette de réaliser la parité dans tous les départements de France devrait suffire à vous mettre de meilleure humeur ! (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste, du groupe CRC et du groupe écologiste, ainsi que sur certaines travées du RDSE.)
Mme Cécile Cukierman. Malheureusement, il n’y a que 10 % de femmes présidentes de conseil départemental !
évolution de la politique en centrafrique
M. le président. La parole est à M. Guillaume Arnell, pour le groupe du RDSE.
M. Guillaume Arnell. Ma question s'adresse à M. le ministre des affaires étrangères et du développement international.
Il y a tout juste une semaine, le monde entier prenait connaissance avec le plus grand effroi du massacre de l’université de Garissa : dans cette ville de l’est du Kenya, quelque 150 personnes, essentiellement des étudiants chrétiens, ont été tuées par des terroristes des milices islamistes venues de la Somalie voisine, les shebab.
Le monde entier a condamné cette tuerie qui, après les attentats de Paris et de Copenhague, nous rappelle que la lutte contre le terrorisme est mondiale, et que l’Afrique n’est pas épargnée.
Monsieur le ministre, la France, très présente sur le continent africain, collabore-t-elle avec les forces kényanes pour ne pas laisser ce massacre impuni ?
C’est précisément du Kenya que nous est parvenue hier une nouvelle qui est peut-être une note d’espoir. En effet, un accord de cessez-le-feu en Centrafrique a été annoncé par la présidence kényane, chargée depuis des mois d’une médiation délicate entre les représentants des ex-rebelles de la Séléka et ceux de la milice anti-balaka.
De l’accord qui aurait été signé, on sait peu de chose : reprend-il la formule de l’accord signé en janvier dernier à Nairobi, mais jamais reconnu par Bangui, ou bien s’agit-il d’un accord véritablement nouveau ? Je rappelle que le premier accord s’accompagnait d’un projet d’amnistie générale et appelait au remplacement des autorités de transition en place, deux points inacceptables pour les autorités de Bangui, qui ont toujours refusé de reconnaître la légitimité de ces négociations.
Monsieur le ministre, de quelles informations disposez-vous au sujet de cet accord ? Pensez-vous qu’il puisse se traduire sur le terrain par un véritable cessez-le-feu ?
La Centrafrique est engagée dans un processus de transition fragile et laborieux qui doit déboucher cet été sur des élections législatives et présidentielle, après des mois de violence et de chaos.
Or ce processus a déjà pris du retard, puisque le forum national de réconciliation, initialement prévu en février dernier, doit désormais se tenir à Bangui du 27 avril au 4 mai prochains. La présidente de transition, Mme Samba-Panza, semble attendre beaucoup de ce forum qui doit réunir toutes les parties impliquées dans la crise, mais sans que l’on sache si les anciens présidents Bozizé et Djotodia pourront y participer.
Monsieur le ministre, alors que les forces françaises de l’opération Sangaris, présentes depuis décembre 2013 en Centrafrique, ont vocation à être réduites à 1 500, puis à 700 hommes, que pouvez-vous nous dire de la situation sur le terrain ? La France participera-t-elle d’une façon ou d’une autre au forum de Bangui ?
M. le président. Je vous prie de conclure, mon cher collègue.
M. Guillaume Arnell. Quelle appréciation portez-vous sur l’évolution du processus de transition en cours et pensez-vous que le « pari » des élections prévues cet été, pour reprendre une expression de la présidente Samba-Panza, sera tenu ? (Applaudissements sur les travées du RDSE, du groupe écologiste et du groupe socialiste.)
M. le président. La parole est à M. le ministre des affaires étrangères et du développement international.
M. Laurent Fabius, ministre des affaires étrangères et du développement international. Monsieur Arnell, vous avez commencé votre intervention – chacun y a été sensible – en rappelant les événements tragiques qui ont endeuillé il y a peu le Kenya.
Ce pays, qui avait déjà été touché dans le passé, a été frappé d’une manière absolument abominable, vous avez tous vu ces images terribles. Qu’y a-t-il de pire, en effet, que de voir des jeunes gens qui ne demandent qu’à étudier être pourchassés, assassinés, « tirés » comme des animaux, pour la seule raison qu’ils sont chrétiens ?
Devant un crime aussi épouvantable, notre réaction – partagée, j’en suis sûr, par le Sénat tout entier – tient en deux mots : solidarité et soutien. D’une manière active, qu’il n’est pas nécessaire de détailler à cet instant, la France soutient la population et le gouvernement kényans.
Vous m’avez ensuite interrogé, monsieur le sénateur, sur la situation actuelle de la Centrafrique et sur ses développements possibles.
En ce qui concerne l’accord qui, paraît-il, a été conclu, ni la présidence centrafricaine ni les capitales régionales ne le reconnaissent ; je ne m’y arrêterai donc pas.
Je vous rappelle que notre pays a été obligé d’intervenir dans ce pays pour éviter un génocide. Il l’a fait sur le fondement d’une autorisation de l’Union africaine et à la demande des Nations unies. Si les problèmes ne sont pas tous résolus – M. le ministre de la défense, avec qui je travaille tous les jours, le sait bien –, on doit reconnaître cependant que la sécurité, si l’on se place d’un point de vue global, ce qui est nécessaire, s’est nettement améliorée sur le terrain. Ainsi, dans la capitale, la vie a repris son cours.
Cette stabilisation devrait nous permettre de continuer à réduire les effectifs de l’opération Sangaris ; notre intention est de les ramener à 800 hommes d’ici à la fin de l’année.
La priorité consiste désormais à assurer la tenue des élections ; tout est mis en œuvre pour qu’elles puissent se tenir. Lorsque le Mali s’est trouvé dans la même situation, je me souviens que l’on nous disait que les élections ne pourraient pas avoir lieu – ce n’était pas la bonne saison, il y avait les pluies, et ceci ou cela. Le gouvernement malien avait tenu bon, nous aussi, et toute la communauté internationale. Finalement, les élections s’étaient bien passées… Tous les efforts doivent converger pour qu’il en soit de même en Centrafrique.
La volonté de Mme Samba-Panza et des autorités de transition est tout à fait claire, malgré les problèmes matériels, notamment ceux qui sont liés aux financements internationaux. En ce qui concerne les candidatures qui se préparent, je crois qu’il ne faut pas trop évoquer des personnalités qui, dans le passé, ont exercé des responsabilités sans s’illustrer par un bilan très positif pour leur pays.
Nous souhaitons que ces élections puissent être organisées à partir de l’été 2015, et nous travaillons dans cet objectif.
Enfin, sur le plan de la solidarité internationale, nous avons mobilisé nos principaux partenaires, en particulier l’ONU, qui vient de renforcer la Mission intégrée multidimensionnelle de stabilisation des Nations unies en République centrafricaine, la MINUSCA, dans la perspective des élections, et l’Union européenne, dont la mission EUFOR a été prolongée, et je peux dire que nous y avons beaucoup contribué ; je pense également au FMI et à la Banque mondiale.
Monsieur Arnell, la République centrafricaine n’est pas une crise oubliée. Au contraire, la communauté internationale, et la France au premier rang, se mobilise pour préparer les prochaines échéances. L’organisation du forum national de réconciliation, prévu à Bangui à la fin de ce mois, puis la tenue des élections sont le meilleur moyen de sortir enfin ce pays de la triste situation dans laquelle il se trouve depuis des années ! (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste et du RDSE.– M. Aymeri de Montesquiou applaudit également.)
accord sur le nucléaire iranien
M. le président. La parole est à M. Jean-Yves Leconte, pour le groupe socialiste.
M. Jean-Yves Leconte. Ma question s'adresse également à M. le ministre des affaires étrangères et du développement international.
Le 2 avril dernier, à Lausanne, le groupe dit « P5+1 », composé des cinq membres permanents du Conseil de sécurité des Nations unies ainsi que de l’Allemagne, et l’Iran ont annoncé être arrivés à un accord concernant les paramètres pour un plan d’action global relatif au programme nucléaire iranien. Cette annonce témoigne de la volonté des négociateurs de concrétiser le plan d’action commun adopté le 24 novembre 2013 pour trouver un accord durable et complet sur ce programme nucléaire.
Jusqu’au dernier moment, les efforts exceptionnels des négociateurs pouvaient être contredits par la défiance qui subsiste entre les parties, une défiance qu’illustre notamment la lettre adressée au peuple iranien le 9 mars dernier par des sénateurs américains opposés à tout accord.
Liquider le contentieux nucléaire avec l’Iran nous permettrait de travailler ensemble, Européens et Iraniens, sur les dossiers, les tragédies, mais aussi les nombreux désaccords qui fragilisent notre sécurité commune et déstabilisent le Proche-Orient.
Les exigences que la France a maintenues tout au long de cette négociation pour éviter tout risque de prolifération nucléaire donnent à présent une grande crédibilité aux paramètres de ce plan d’action. La partie publique de l’accord est constituée à ce jour d’une déclaration commune de la Haute représentante de l’Union européenne pour les affaires étrangères et la politique de sécurité, Federica Mogherini, et du ministre iranien des affaires étrangères, Mohammad Javad Zarif ; ce document fixe les orientations générales du plan d’action global. En parallèle, la partie américaine a publié un texte beaucoup plus détaillé.
Monsieur le ministre, comment la France accompagnera-t-elle la difficile finalisation du plan d’action global annoncé pour le 30 juin prochain ?
La déclaration commune précise que la mise en œuvre de ce plan d’action global conduira l’Union européenne à « mettre fin à toutes ses sanctions économiques et financières se rapportant au nucléaire » et les États-Unis à « mettre fin à toutes leurs sanctions économiques et financières secondaires se rapportant au nucléaire, en simultanéité avec la mise en œuvre, par l’Iran, sous la vérification de l’AIEA, l’Agence internationale de l’énergie atomique, ses engagements clés en matière nucléaire ».
La France, en adoptant une position exigeante, a contribué à la conclusion d’un accord satisfaisant pour ceux qui n’y étaient pas opposés par principe, et qui peut maintenant grâce à cela réussir.
Monsieur le ministre, quelles conséquences cet accord peut-il avoir pour les relations bilatérales historiquement très fortes que la France entretient avec l’Iran dans les domaines culturel, éducatif, commercial et industriel ? Comment nous y préparer au mieux ?
Le rétablissement de vols sans escale, déjà réalisé entre plusieurs capitales européennes et la capitale iranienne, est-il possible entre Paris et Téhéran ? Comment accompagner nos banques pour éviter qu’elles ne soient paralysées par le risque de sanctions américaines durant la période transitoire qui s’ouvre, au cours de laquelle nos concurrents, déjà tous en effervescence, disposeront de banques plus audacieuses pour aborder ce marché ? (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste.)
M. le président. La parole est à M. le ministre des affaires étrangères et du développement international.
M. Laurent Fabius, ministre des affaires étrangères et du développement international. Monsieur Leconte, vous m’interrogez sur les négociations très complexes que les cinq membres permanents du Conseil de sécurité des Nations unies et l’Allemagne mènent avec l’Iran. Vous avez insisté sur deux aspects de ces négociations que, au nom de notre pays, j’ai menées de bout en bout.
D’abord, vous m’avez demandé ce que la France entendait faire d’ici au 30 juin, date butoir fixée pour la conclusion d’un accord.
Monsieur le sénateur, nous allons maintenir la ligne que nous suivons depuis le début des négociations, une ligne respectée par tous et qui a déjà produit un certain nombre de résultats : elle consiste à adopter une attitude constructive, mais extrêmement exigeante. Dans cette affaire, en effet, il ne s’agit pas simplement de l’Iran ; le cœur du sujet, c’est la prolifération nucléaire.
Nous avons toujours affirmé que nous souhaitions aboutir à un accord, si un accord était possible, mais qu’il fallait pour cela que rien ne reste dans l’ombre.
Nous avons avancé sur un certain nombre de sujets que je n’aborderai pas dans le détail ; je pense en particulier au nombre des centrifugeuses, au stock d’uranium à la disposition de l’Iran, au pourcentage d’enrichissement, au réacteur d’Arak, aux activités possibles sur le site de Natanz et aux projets envisagés pour le site très souterrain de Fordo. Ces avancées ont ouvert la voie à un projet d’accord.
Néanmoins, des sujets demeurent sur lesquels nous n’avons pas encore trouvé un accord, à commencer par la question des sanctions économiques, qui est le second aspect des négociations sur lequel vous m’avez interrogé. Du reste, le « Guide suprême » vient de faire des déclarations qui montrent que beaucoup de travail reste à faire, comme je l’ai souligné il y a quelques jours devant la commission des affaires étrangères du Sénat. (M. Robert del Picchia acquiesce.)
En ce qui concerne la question, très complexe, des sanctions, il est sûr que, si un accord est conclu, les sanctions seront levées ; mais elles le seront dans la mesure où l’Iran respecte ses engagements. Que se passera-t-il s’il y a contravention avec les engagements pris ? C’est la question du retour en arrière, du mécanisme que l’on appelle en anglais le snapback. Nous n’avons pas réussi, jusqu’à présent, à nous mettre d’accord sur ce sujet.
Nous allons poursuivre nos efforts, étant entendu que, si un accord complet est conclu, les conséquences en seront très importantes sur le plan économique pour tous les pays, dont la France.
En tout cas, monsieur Leconte, ne doutez pas que la France continuera d’avoir une attitude indépendante et de se prononcer en faveur des exigences de la non-prolifération nucléaire et de la paix ! (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste, du groupe écologiste et du RDSE, ainsi que sur plusieurs travées de l’UDI-UC et de l’UMP.)
dysfonctionnements des sociétés d'état
M. le président. La parole est à M. Philippe Dominati, pour le groupe UMP.
M. Philippe Dominati. Monsieur le président, mesdames, mes chers collègues, ce gouvernement semble être depuis longtemps entré dans la spirale de l’échec, au point de paraître s’y être accoutumé ; les Français, d’ailleurs, ne manquent jamais une occasion de le lui signifier. (Murmures sur les travées du groupe socialiste.)
M. Roger Karoutchi. Très bien !
M. Philippe Dominati. Ma question porte sur la gestion quotidienne des sociétés d’État placées directement sous le contrôle du Gouvernement.
En quelques jours, nous avons appris d’abord que, après Alstom, Areva se trouvait au bord de l’abîme, sa capitalisation boursière ayant fondu de moitié en un an. Nous avons appris ensuite la liquidation de la SNCM, puis nous avons vu le Président de la République obligé d’intervenir en urgence, le week-end dernier, pour corriger la campagne de communication de la RATP. (M. Roger Karoutchi s’esclaffe.)
Et que dire aussi de la grève à Radio France, dont Mme Morin-Desailly a signalé qu’elle durait depuis vingt-deux jours. Voilà vingt-deux jours qu’une poignée d’agents bloque cette entreprise,…
Mme Éliane Assassi. « Une poignée d’agents », vraiment ?
M. Philippe Dominati. … alors que les dotations qui lui sont allouées par l’État sont supérieures aux recettes des treize sociétés privées émettant sur l’ensemble du territoire national ! À la vérité, ce groupe est sans doute l’une des seules sociétés de radio à n’avoir pas profité de la révolution numérique pour réaliser des économies d’échelle.
Depuis hier, malgré le conflit dramatique des pilotes d’Air France il y a quelques mois, qui a mis la compagnie nationale à genoux, les aiguilleurs du ciel sont en grève dans notre pays. Cette grève paralyse 40 000 voyageurs et entraîne l’annulation de 350 vols par jour, alors même que, contrairement au reste de l’Europe, la France est l’un des seuls pays où les contrôleurs et les aiguilleurs du ciel profitent d’un statut privilégié d’agent de l’État.
Mme Éliane Assassi. Et voilà ! On vous reconnaît bien là !
M. Philippe Dominati. Telle est la situation dans laquelle nous nous trouvons !
Ma question est donc la suivante : ces événements sont-ils liés à une tactique, une habileté de votre part, monsieur le secrétaire d’État, ou bien à votre méthodologie du dialogue social ? Ou bien avez-vous baissé les bras, une fois de plus, face à ce qui relève de votre responsabilité quotidienne ?
Les Français sont conscients de votre manière de gérer l’argent public. Nous sommes inquiets ! Si vous avez besoin d’aide, si vous ne savez pas comment faire, demandez-le nous et ne laissez pas ce gaspillage se perpétuer ! (Applaudissements sur les travées de l’UMP. - Protestations sur les travées du groupe socialiste.)
M. le président. La parole est à M. le secrétaire d'État chargé du budget.
M. Christian Eckert, secrétaire d'État auprès du ministre des finances et des comptes publics, chargé du budget. Monsieur le sénateur, quel tableau ! (Eh oui ! sur les travées de l'UMP.) Vous faites vraiment dans la nuance… Pourtant, n’avez-vous pas eu l’occasion, avec votre majorité – je veux parler de la précédente majorité – de gérer un certain nombre des situations que vous avez citées ? (Protestations sur les mêmes travées.)
Vous rappelez le cas du groupe AREVA, mais vous auriez aussi bien pu parler de la société UraMin, par exemple.
M. Jean Desessard. Eh oui !
M. Christian Eckert, secrétaire d'État. Lorsque vous évoquez la situation d’Air France ou de la RATP, ne manquez-vous pas un peu de mémoire ?
M. Philippe Dominati. Cela fait deux ans, tout de même, que nous ne sommes plus au pouvoir !
M. Christian Eckert, secrétaire d'État. Plutôt que de dresser comme vous un tableau tout en nuances, je voudrais vous apporter plusieurs réponses précises.
Concernant par exemple la RATP, il ne vous a pas échappé – le Premier ministre l’a dit – que l’entreprise a sans doute manqué de discernement et que l’émotion suscitée a été légitime. Mais ne mélangeons pas tout ! La RATP est une entreprise publique qui fonctionne bien, et qui présente à la fois de bons résultats et un taux de conflictualité particulièrement bas.
Au sujet du transport aérien et de la grève des contrôleurs aériens, les revendications exposées par ces agents qui relèvent de l’administration de l’État ne sont pas nouvelles. En vérité, elles sont connues et en cours de traitement. En effet, une réunion intersyndicale est programmée de longue date pour lundi prochain, tandis qu’une seconde est prévue le 20 avril.
Le dialogue social est donc en cours et, compte tenu du travail déjà engagé, la grève de ces deux derniers jours ne nous semble pas être une réponse adaptée.
Enfin, puisque vous l’évoquez, Radio France est un sujet d’inquiétude, même si la peur ne supprime pas le danger. Mais pourquoi ce conflit social s’est-il installé dans la durée ? Parce que l’État a laissé dériver une entreprise pendant dix ans ! (Protestations sur les travées de l'UMP.)
Les réformes nécessaires n’ont pas été réalisées ni même anticipées. La trajectoire prévue dans le contrat d’objectifs et de moyens n’était pas financée. (Nouvelles protestations sur les mêmes travées.)
M. Didier Guillaume. Regardez les budgets !
M. Christian Eckert, secrétaire d'État. Ce contrat, je vous le rappelle, a été négocié en 2010 et était totalement inconséquent !
La ministre de la culture et de la communication a permis que le dialogue reprenne, sous son égide. Elle a demandé à Mathieu Gallet, président de Radio France, de lui remettre un projet, sur lequel nous nous sommes prononcés. Aujourd’hui, la ministre a pris à bras-le-corps la question de la résolution de ce conflit et travaille à la réalisation d’une médiation. Suivez les événements et l’actualité vous répondra ! (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste.)
M. le président. La parole est à M. Jean-Claude Lenoir, pour le groupe UMP. (Applaudissements sur les travées de l'UMP.)
M. Jean-Claude Lenoir. Le Parlement, à une large majorité, a voté la loi du 13 juillet 2011 sur l’interdiction de l’exploration et de l’exploitation des hydrocarbures dits « gaz et pétrole de schiste », par fracturation hydraulique.
M. Daniel Raoul. Et maintenant les gaz de schiste !
M. Jean-Claude Lenoir. Cette loi comportait notamment deux dispositions. D’une part, un comité de suivi formé d’experts en mesure d’accompagner les expérimentations demandées par la loi devait être mis en place. D’autre part, un rapport devait être remis chaque année par le Gouvernement au Parlement afin de l’informer du suivi de ce dossier.
Les quatre ministres chargés de l’énergie qui se sont succédé depuis l’élection présidentielle de 2012 se sont tous refusés à mettre cette loi en application.
Devant cette inertie, l’Office parlementaire d’évaluation des choix scientifiques et technologiques a demandé à deux de ses membres, Christian Bataille, député socialiste, et moi-même, sénateur du groupe UMP, de faire le point sur la question. Le rapport que nous avons élaboré a été adopté par 19 voix pour, ces voix correspondant à la quasi-totalité des groupes politiques représentés au Parlement, avec 2 voix écologistes contre. Il préconisait tout simplement que l’on poursuive les recherches et que l’on ne reste pas à la traîne de la plupart des pays qui suivent ce sujet.
Le Gouvernement s’est entêté et n’a pas voulu appliquer la loi du 13 juillet 2011. Or, mardi dernier, nous avons appris dans un quotidien du matin que ce même gouvernement avait demandé à un groupe d’experts et de scientifiques de faire le point sur ce thème, quelques semaines seulement après la publication du rapport de l’office parlementaire !
Ces experts et scientifiques ont remis un rapport qui a été caché : le Gouvernement l’a enfermé dans un coffre et n’a pas souhaité que cette question soit posée !
Quand je regarde la statue de Turgot, je me souviens d’une phrase qu’il a prononcée : « La curiosité fait toujours agir jusqu’à ce qu’elle ait épuisé l’objet de ses recherches, mais aucune question ne peut être épuisée, sauf à connaître la vérité ». La vérité, il faut la connaître, en effet, il faut savoir ce qu’il en est. Nous ne pourrons pas rester à l’écart.
M. Didier Guillaume. À l’écart de quoi ?
M. Jean-Claude Lenoir. Par conséquent, je pose la question au Gouvernement : pourquoi avez-vous caché ce rapport ? Depuis ce matin, j’ai également une seconde question à poser : pourquoi avez-vous dissimulé un autre rapport, celui qui a été réalisé par l’Agence de l’environnement et de la maîtrise de l’énergie, l’ADEME, sur les perspectives du développement des énergies renouvelables d’ici à 2050 ? (Applaudissements sur les travées de l'UMP et de l'UDI-UC.)
M. le président. La parole est à M. le secrétaire d’État chargé des transports, de la mer et de la pêche. (Exclamations amusées sur les travées de l'UMP.)
M. Alain Vidalies, secrétaire d'État auprès de la ministre de l'écologie, du développement durable et de l'énergie, chargé des transports, de la mer et de la pêche. Monsieur Lenoir, le Gouvernement a toujours été très clair sur le principe qui se trouve au cœur de votre question, à savoir l’interdiction de l’exploitation du gaz de schiste. (Exclamations sur les travées de l'UMP.) Le rapport auquel vous faites référence reconnaît que la fracturation hydraulique est condamnable dans le domaine environnemental.
Mme Catherine Procaccia et M. Ladislas Poniatowski. Ce n’est pas la question !
M. Alain Vidalies, secrétaire d'État. L’alternative qu’il propose n’est pas une solution. (Protestations sur les travées de l'UMP.) Il s’agit d’une technologie qui n’est pas mature et pour laquelle il n’existe aucun retour d’expérience.
Mme Isabelle Debré et M. Francis Delattre. Mais ce n’est pas la question !
M. Alain Vidalies, secrétaire d'État. Si le principe demeure la fracturation de la roche-mère, l’eau est remplacée par l’heptafluoropropane, une molécule dont le potentiel de réchauffement climatique est 3 000 fois supérieur à celui du CO2. Dans une approche scientifique, c’est beaucoup plus intéressant ! Vous auriez pu le préciser…
Contrairement à l’exploitation des hydrocarbures conventionnels, il est toujours nécessaire, dans cette perspective, de multiplier les forages et les simulations pour exploiter les gaz et les pétroles de schiste. Cela augmente donc le risque de pollution du sous-sol et des nappes phréatiques.
Par ailleurs, et pour être très clair, le gaz de schiste n’entre pas, vous le savez bien, dans la logique de la transition énergétique. Le développer pourrait même aujourd’hui déstabiliser l’effet de relance économique créé par la transition énergétique. (Rires et marques d’ironie sur les travées de l'UMP.)
M. Francis Delattre. C’est une réponse à la Coluche !
M. Alain Vidalies, secrétaire d'État. À l’heure où l’on cherche à mobiliser les acteurs des filières industrielles sur les économies d’énergie et les énergies décarbonées, comme le font beaucoup d’élus locaux sur ces travées, la priorité doit être donnée à la stabilité et à la lisibilité afin que les investissements puissent être engagés.
Le lancement de l’exploration puis de l’exploitation des gaz de schiste n’aurait aucun effet économique significatif avant 2020. (Protestations sur les travées de l’UMP.) Ce n’est donc pas la réponse à l’enjeu immédiat de la relance de la croissance.
En ce qui concerne l’étude de l’ADEME que vous avez mentionnée dans votre question, il s’agit d’un travail de prospective visant à explorer la possibilité technique et économique d’un accroissement de la part des énergies renouvelables à l’horizon 2050.
Au regard de l’intérêt que vous portez à cette étude, je suppose que c’est également l’horizon auquel vous envisagez votre retour au pouvoir… (Sourires sur les travées du groupe socialiste. – Rires ironiques sur les travées de l'UMP.)
M. le président. Il faut conclure, monsieur le secrétaire d’État.
M. Jean-Claude Lenoir. Mais ce rapport existe ; il faut le publier !
M. Alain Vidalies, secrétaire d'État. En réalité, ce rapport n’est pas complet à ce jour et nous souhaitons qu’il soit approfondi. Une fois déposé, il sera naturellement publié, car il alimentera la réflexion du Gouvernement autour des ambitions qu’il s’est fixées.
M. Jean-Claude Lenoir. Il a été déposé !
M. Alain Vidalies, secrétaire d'État. Pour répondre très précisément à votre question, monsieur le sénateur, car c’est un vrai débat politique, je réaffirme clairement que nous sommes opposés à l’exploitation du gaz de schiste et qu’aucune autorisation ne sera délivrée en France. (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste, du groupe CRC et du groupe écologiste.)
M. le président. La parole est à M. Gilbert Roger, pour le groupe socialiste.
M. Gilbert Roger. Ma question s’adresse à Bernard Cazeneuve, ministre de l’intérieur.
Monsieur le ministre, les chaînes, le site web et plusieurs pages Twitter et Facebook du groupe télévisé TV5 Monde ont été victimes, mercredi 8 avril, vers vingt-deux heures, d’une attaque informatique revendiquée par le groupe islamiste Cyber Caliphate.
Ce n’est pas la première cyberattaque de ce groupe, qui a déjà détourné le compte Twitter du Centcom, le centre de commandement américain au Moyen-Orient et en Asie centrale, et a pris le contrôle durant plusieurs minutes de celui de l’hebdomadaire américain Newsweek, en février. Mais ces deux attaques étaient de moindre envergure que celle dont a été victime la chaîne TV5 Monde.
Une fois de plus, les terroristes prennent pour cible la liberté d’expression et d’information que symbolise la chaîne francophone internationale TV5 Monde, diffusée dans plus de deux cents pays dans le monde.
Je sais que la détermination du Gouvernement pour combattre le terrorisme est totale. En raison de la situation exceptionnelle que connaît la France depuis les attentats terroristes des 7, 8 et 9 janvier, le Président de la République, François Hollande, a déjà pris la décision de recruter 250 effectifs supplémentaires dans le domaine du renseignement : 185 à la DGSE, la direction générale de la sécurité intérieure, et 65 à la DPSD, la direction de la protection et de la sécurité de la défense, afin de renforcer notre cyberdéfense et de recruter des experts et des analystes.
Le projet de loi sur le renseignement et sur la lutte contre le terrorisme devrait être examiné par le Parlement dans les prochaines semaines afin de renforcer les moyens d’action des services de renseignement, dans le respect de la liberté des Français.
Monsieur le ministre, pourriez-vous m’indiquer dès à présent quelles mesures compte prendre le Gouvernement pour identifier les auteurs de ces attaques terroristes contre TV5 Monde, et quels dispositifs spécifiques seront mis en œuvre pour lutter contre les cyberattaques ? (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste et du groupe écologiste.)
M. le président. La parole est à M. le ministre de l’intérieur.
M. Bernard Cazeneuve, ministre de l'intérieur. Laurent Fabius, Fleur Pellerin et moi-même avons rencontré ce matin sur le site de TV5 les équipes de cette chaîne, fortement choquées par cette cyberattaque intervenue dans la nuit.
Cette chaîne, qui diffuse bien au-delà de nos frontières, a vocation à véhiculer, partout dans le monde, les valeurs de liberté que porte notre pays.
Dès ce matin, le parquet de Paris a saisi la direction centrale de la police judiciaire et la direction générale de la sécurité intérieure pour conduire l’enquête. Même s’il faut laisser à celle-ci le temps de se déployer, la présomption est forte que cet acte ait été commis par des groupes animés d’intentions terroristes.
Mesdames, messieurs les sénateurs, notre mobilisation est forte, et a commencé bien avant cet acte, pour conforter les moyens des services de renseignement afin qu’ils puissent lutter efficacement contre les attaques de ce type.
Tout d’abord, comme vous l’avez souligné, nous avons considérablement renforcé leurs moyens. Depuis le début du quinquennat, 432 emplois supplémentaires ont été créés au sein de la DGSI, la direction générale de la sécurité intérieure, dont le budget a par ailleurs été accru de 10 millions d’euros par an, afin de lui permettre d’acquérir les meilleurs moyens technologiques.
Après les attentats du mois de janvier, le Président de la République et le Premier ministre ont décidé d’augmenter encore de 500 postes les effectifs de la DGSI, ce qui signifie le recrutement de nouveaux analystes, informaticiens et linguistes, dont certains sont compétents pour lutter contre la cybercriminalité.
Par ailleurs, 106 emplois supplémentaires seront créés au sein de la direction centrale de la police judiciaire, notamment au sein de la plateforme d’harmonisation, d’analyse, de recoupement et d’orientation des signalements, ou PHAROS, et de l’office central de lutte contre la cybercriminalité.
De nouveaux moyens budgétaires ont également été consentis : 233 millions d’euros sur trois ans, dont 80 millions d’euros permettront la modernisation des moyens numériques et technologiques du ministère.
Nous avons enfin mis en place de nouveaux instruments juridiques : d’une part, la loi du 13 novembre 2014, qui autorise le blocage administratif des sites et la possibilité de procéder à des perquisitions à distance sur les ordinateurs ; d’autre part, le projet de loi sur le renseignement, texte qui sera discuté prochainement, et dont je veux dire très solennellement devant votre assemblée qu’il est destiné à protéger les Français contre ce type d’atteintes aux libertés. Ce texte, tout en respectant scrupuleusement les libertés publiques, dotera nos services de renseignement des moyens dont ils ont besoin, sous le contrôle d’une haute autorité administrative et de l’instance juridictionnelle qu’est le Conseil d’État. (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste.)
M. le président. Nous en avons terminé avec les questions d’actualité au Gouvernement.
Mes chers collègues, nous allons interrompre nos travaux pour quelques instants.
La séance est suspendue.
(La séance, suspendue à seize heures, est reprise à seize heures quinze, sous la présidence de Mme Isabelle Debré.)
PRÉSIDENCE DE Mme Isabelle Debré
vice-présidente
Mme la présidente. La séance est reprise.
7
Souhaits de bienvenue à une délégation de la Nouvelle-Zélande
Mme la présidente. J’ai le plaisir de saluer la présence, dans la tribune d’honneur du Sénat, d’une délégation de cinq parlementaires, conduite par le président du Parlement de la Nouvelle-Zélande, M. David Carter. (Mmes et MM. les sénateurs, M. le secrétaire d’État chargé de la réforme de l’État et de la simplification se lèvent.)
La délégation est en France dans le cadre du soixante- dixième anniversaire de l’établissement de nos relations diplomatiques et pour échanger sur de nombreux sujets d’actualité, en particulier les défis du changement climatique et les enjeux internationaux dans la zone Pacifique.
Cette visite s’inscrit aussi dans le prolongement des commémorations de la Première Guerre mondiale. La délégation s’est recueillie, ce matin même, sur les lieux de la bataille d’Arras, en souvenir des milliers de combattants néo-zélandais tombés sur notre sol.
Accueillie au Sénat par notre collègue Jean-Marie Vanlerenberghe et les membres du groupe d’amitié France-Nouvelle-Zélande, la délégation sera également reçue cet après-midi par le président Gérard Larcher.
Dans les prochains jours, une délégation du groupe d’amitié se rendra à son tour à Wellington, et représentera notre pays aux cérémonies de l’Anzac Day commémorant la sanglante bataille de Gallipoli.
Ces échanges témoignent de l’excellence de nos relations bilatérales et d’une volonté commune de les développer dans de nombreux domaines.
Mes chers collègues, en votre nom à tous, permettez-moi de souhaiter à nos homologues du Parlement néo-zélandais une très cordiale bienvenue, ainsi qu’un fructueux séjour. (Applaudissements.)
8
Candidature à un organisme extraparlementaire
Mme la présidente. Je rappelle que M. le Premier ministre a demandé au Sénat de bien vouloir lui faire connaître le nom d’un sénateur désigné pour siéger au sein du conseil de surveillance de la SNCF.
La commission du développement durable, de l’équipement, des infrastructures et de l’aménagement du territoire a fait connaître qu’elle propose la candidature de M. Hervé Maurey.
Cette candidature a été publiée et sera ratifiée, conformément à l’article 9 du règlement, s’il n’y a pas d’opposition à l’expiration du délai d’une heure.
9
Croissance, activité et égalité des chances économiques
Suite de la discussion en procédure accélérée d’un projet de loi dans le texte de la commission
Mme la présidente. Nous reprenons la discussion du projet de loi, considéré comme adopté par l’Assemblée nationale en application de l’article 49, alinéa 3, de la Constitution, après engagement de la procédure accélérée, pour la croissance, l’activité et l’égalité des chances économiques.
Dans la discussion des articles, nous en sommes parvenus à l’article 3 quinquies.
Article 3 quinquies (nouveau)
Les régions, et sur les territoires où elles existent les métropoles et les communautés urbaines, sont compétentes en matière de coordination des actions d’aménagement des gares routières.
À la demande d’un établissement public de coopération intercommunale à fiscalité propre, celui-ci exerce en lieu et place de la région la compétence mentionnée au premier alinéa.
Un décret en Conseil d’État fixe les modalités d’application du présent article.
Mme la présidente. La parole est à Mme Fabienne Keller, sur l’article.
Mme Fabienne Keller. Nos collègues néo-zélandais sont aussi venus en France pour préparer la COP21, la conférence des parties à la convention-cadre des Nations unies sur les changements climatiques. Ce sont les enjeux liés à ces derniers qui me conduisent à prendre la parole, pour évoquer l’optimisation des transports.
Nous avons, au cours de l’examen des articles précédents, validé la création de lignes d’autocar pour des trajets supérieurs à 200 kilomètres. Je voudrais attirer l’attention sur le fait que les voyageurs ne connaissent que le car qui les transporte et les gares routières de départ et d’arrivée.
S’il est vrai que ces liaisons routières par car devraient compléter une offre de transports collectifs de voyageurs déjà large, le développement de cette offre tient surtout au chaînage, à l’articulation efficace des différents moyens de transports, c’est-à-dire à ce que l’on appelle, en termes « techno », l’intermodalité.
L’article 3 quinquies, qui a été introduit par la commission spéciale, vise à bien articuler les nouvelles gares routières avec les gares ferroviaires existantes.
M. André Reichardt. Très bien !
Mme Fabienne Keller. J’ai eu l’occasion de travailler à la définition du concept de « grande gare », qui se réfère non pas à la taille de la gare considérée, mais à la diversité des services qu’elle offre au-delà du transport ferroviaire, qu’il s’agisse de moyens de transports collectifs urbains ou périurbains ou de services de transports individuels, tels que la mise à disposition de vélos, de taxis, la location de voitures ou le covoiturage.
L’objet de cet article est de garantir la bonne articulation des nouveaux services de transports par car avec les autres modes de transports, en confiant la compétence en matière de coordination des actions d’aménagement des gares routières aux régions ou, là où elles existent, aux métropoles et aux communautés urbaines.
La commission spéciale a en outre introduit, sur ma proposition, la possibilité de déléguer cette compétence aux intercommunalités qui le souhaiteront. On voit en effet émerger des projets très judicieux, qui permettent une optimisation de l’accueil du voyageur et de l’organisation de l’intermodalité. (Applaudissements sur les travées de l'UMP.)
Mme la présidente. L'amendement n° 393 rectifié, présenté par M. Guillaume, Mme Bricq, M. Filleul, Mmes E. Giraud, Emery-Dumas et Génisson, MM. Bigot, Cabanel, Marie, Masseret, Raynal, Richard, Sueur, Vaugrenard et les membres du groupe socialiste et apparentés, est ainsi libellé :
Supprimer cet article.
La parole est à Mme Nicole Bricq.
Mme Nicole Bricq. Nous connaissons l’engagement de longue date de Mme Keller sur ce sujet. Comme elle, nous sommes attachés au développement de l’intermodalité.
Cet article, inséré dans le projet de loi à la suite de l’adoption par la commission spéciale d’un amendement présenté par Mme Keller, prévoit que les régions ou – j’insiste sur ce « ou » – les métropoles et les communautés urbaines, s’il en existe sur le territoire concerné, seront compétentes en matière de coordination des actions d’aménagement des gares routières.
En relisant le compte rendu des débats de ce matin en commission spéciale, j’ai noté que Mme la rapporteur était initialement défavorable à cet amendement de Mme Keller, pour un bon motif : le nouvel article vise en fait à réorganiser la compétence en matière de transports et d’intermodalité et son dispositif n’est pas cohérent avec la loi du 27 janvier 2014 de modernisation de l’action publique territoriale et d’affirmation des métropoles, dite loi MAPTAM, qui dispose explicitement que les régions sont les chefs de file dans ce domaine.
Au cours du débat en commission, nous avons fait valoir, ainsi que Mme la rapporteur, qu’un tel article ayant trait à l’organisation des compétences relève davantage du projet de loi NOTRe relatif à la nouvelle organisation territoriale de la République, que nous examinerons bientôt en deuxième lecture.
C’est la raison pour laquelle nous demandons la suppression de cet article. Il faut revenir au dispositif initial du projet de loi, car la mise en œuvre de celui qui a été adopté par la commission spéciale sur l’initiative de Mme Keller serait source de complexité, dans la mesure où il prévu que plusieurs types de collectivités puissent être compétentes en matière de coordination des actions d’aménagement des gares routières, ce qui en outre n’est pas conforme à la loi MAPTAM.
Mme la présidente. Quel est l’avis de la commission ?
Mme Dominique Estrosi Sassone, corapporteur de la commission spéciale. Nous avons effectivement eu, en commission spéciale, des échanges nourris et intéressants sur l’amendement présenté par notre collègue Fabienne Keller. Je crois que c’est le propre d’un débat en commission que de permettre de faire évoluer les positions. Mme Keller a usé d’arguments qui ont emporté notre conviction et amené la commission à adopter son amendement.
J’émets un avis défavorable sur cet amendement de suppression.
Mme la présidente. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. Thierry Mandon, secrétaire d'État auprès du Premier ministre, chargé de la réforme de l'État et de la simplification. Le Gouvernement émet un avis favorable sur cet amendement de suppression, d’abord pour une raison d’opportunité : la loi NOTRe n’étant pas définitivement adoptée, il ne serait pas sage d’en préempter les dispositions.
Surtout, les régions étant autorités organisatrices de transports, il convient, par cohérence, de leur confier aussi la compétence en matière de gares routières.
Mme la présidente. La parole est à M. André Reichardt, pour explication de vote.
M. André Reichardt. Je voterai naturellement contre cet amendement, parce que l’article 3 quinquies, qui a été introduit par la commission spéciale sur l’initiative de notre collègue Fabienne Keller, a pour objet de clarifier la gouvernance des gares routières, sur laquelle la rédaction initiale du projet de loi était muette.
Il nous paraît effectivement nécessaire de pouvoir identifier un coordonnateur pour chaque gare routière, afin notamment d’assurer dans les meilleures conditions possibles l’interconnexion avec les autres modes de transport.
Ainsi, cet article prévoit que les régions et, sur les territoires où elles existent, les métropoles et les communautés urbaines seront compétentes en matière de coordination des actions d’aménagement des gares routières. En outre, à sa demande, un établissement public de coopération intercommunale à fiscalité propre pourra exercer cette compétence en lieu et place de la région. Je crois qu’il était indispensable d’apporter ces précisions.
Par ailleurs, j’observe que Mme Bricq a certainement mal lu le texte de l’article 3 quinquies. En effet, il est écrit que les régions, et – non pas « ou », comme elle l’a dit – sur les territoires où elles existent les métropoles et les communautés urbaines, sont compétentes.
Mme Nicole Bricq. C’est encore pis !
M. André Reichardt. Il n’y aura donc pas de difficulté liée à un partage de la compétence : celle-ci est clairement attribuée. L’article 3 quinquies comble ainsi un manque du projet de loi initial, et je m’oppose donc à sa suppression.
Mme la présidente. La parole est à M. Roger Karoutchi, pour explication de vote.
M. Roger Karoutchi. La réponse de M. le secrétaire d’État ne me convainc pas du tout.
J’entends bien que l’on a fait des régions les autorités organisatrices de transports, mais, lors du débat sur la métropole du Grand Paris, on a clairement fait comprendre aux défenseurs de la région, dont je faisais partie, que cela n’excluait nullement que la compétence puisse être déléguée à des autorités organisatrices de transports de second rang, telles que les métropoles…
Dans ces conditions, je ne vois pas pourquoi une métropole ou une communauté urbaine ne pourrait pas être compétente en matière d’aménagement des gares routières. Cela n’a pas de sens de vouloir l’interdire, sauf à considérer qu’il ne doit pas y avoir d’autorités organisatrices de transports de second rang. Je ne suis pas un défenseur acharné de celles-ci, mais dès lors que la loi les autorise, il faut laisser ouverte la possibilité d’une délégation de compétence à la métropole ou à la communauté urbaine par l’autorité organisatrice de transports de premier rang, à savoir la région.
Mme la présidente. La parole est à M. Claude Kern, pour explication de vote.
M. Claude Kern. Je ne peux que voter contre cet amendement. Mon expérience de terrain me conduit à affirmer que l’article 3 quinquies répond à un besoin urgent et à une exigence de proximité.
Mme la présidente. La parole est à Mme Fabienne Keller, pour explication de vote.
Mme Fabienne Keller. Même si Mme Bricq nous a donné des explications complémentaires, je relève que l’objet de cet amendement est particulièrement court.
Des lignes routières seront ouvertes très rapidement après la promulgation de la loi. Si l’on ne désigne pas d’autorité compétente en matière de coordination des actions d’aménagement des gares routières, celles-ci, on le sait bien, seront implantées plutôt en périphérie et accueilleront les voyageurs dans de très mauvaises conditions.
Au travers de l’article 3 quinquies, il s’agit de se donner les moyens d’assurer une bonne articulation entre différents services de transport, privés et publics. Nous pourrons ainsi organiser des interconnexions intelligentes.
Mme la présidente. Je mets aux voix l'article 3 quinquies.
(L'article 3 quinquies est adopté.)
Articles additionnels après l'article 3 quinquies
Mme la présidente. L'amendement n° 719 rectifié, présenté par MM. P. Dominati, Karoutchi et Cambon, Mme Duchêne et MM. Charon et Houel, est ainsi libellé :
Après l’article 3 quinquies
Insérer un article additionnel ainsi rédigé :
Au neuvième alinéa de l’article 1er de l’ordonnance n° 59-151 du 7 janvier 1959 relative à l’organisation des transports de voyageurs en Île-de-France, l’année : « 2024 » est remplacée par l’année : « 2020 »
La parole est à M. Philippe Dominati.
M. Philippe Dominati. Le Gouvernement entend favoriser la mobilité et développer l’activité. Or les sénateurs d’Île-de-France de notre groupe sont excédés par les dysfonctionnements que l’on observe depuis assez longtemps dans cette région qui occupe une place particulière en France et en Europe.
Afin d’y mettre un peu d’ordre, de faciliter la mobilité et de relancer la croissance, nous avions déposé une proposition de loi. Mais le débat a été vicié, car l’article 40 de la Constitution a été invoqué contre la moitié des dispositions de ce texte. Les deux amendements que nous vous présentons maintenant ne reprennent donc qu’une partie du dispositif que nous voulions soumettre au Sénat.
Cela fait un peu plus d’un demi-siècle que l’État n’arrive plus à assumer ses responsabilités. Nous proposons une solution innovante, inspirée par ce qui se fait dans de nombreuses métropoles à travers le monde : il s’agit d’introduire une dose de concurrence et de donner le pouvoir à ceux qui paient, c'est-à-dire à la région, aux départements et aux entreprises. Je rappelle que, en Île-de-France, ces dernières assurent environ 50 % du financement, les collectivités territoriales 30 % et les usagers le reste, l’État apportant en général sa caution à des emprunts.
On multiplie les sociétés d’État dans le domaine des transports. On a ainsi décidé ce matin d’en créer une cinquième, associant la SNCF et Aéroports de Paris, qui recourra comme les autres à l’emprunt. Pour la Société du Grand Paris, l’État devait apporter 4 milliards d'euros au capital, pour un projet évalué à 35 milliards d'euros. Pour l’instant, l’État n’a apporté qu’un euro et il donne sa caution à hauteur de 35 milliards d'euros…
Lassés de la situation actuelle, les sénateurs d’Île-de-France appartenant à notre formation politique ont donc proposé d’opérer un changement radical. Nous n’aurons malheureusement pas la possibilité, je le répète, d’exposer notre proposition dans sa globalité.
Concernant l’amendement n° 719 rectifié, je souligne qu’une filiale de la RATP exploite soixante-dix lignes de bus à Londres, représentant 10 % du trafic londonien, avec des véhicules qui peuvent être hybrides ; nous n’avons pas cette chance en Île-de-France ! Nous voulons accélérer le mouvement, en avançant la date de l’ouverture à la concurrence pour la gestion des transports en Île-de-France. (M. Pierre Charon applaudit.)
Mme la présidente. Quel est l’avis de la commission ?
Mme Dominique Estrosi Sassone, corapporteur. Comme vous l’avez rappelé, mon cher collègue, votre amendement est issu de la proposition de loi pour la modernisation des transports collectifs en Île-de-France que vous avez déposée avec Roger Karoutchi en février dernier afin de répondre à une situation critique que personne ne conteste.
Vous avez également rappelé que plusieurs parties de cette proposition de loi n’avaient malheureusement pas pu être présentées car elles étaient tombées sous le coup de l’article 40 de la Constitution. L’amendement n° 719 rectifié ne nous permettant donc pas d’avoir une vision globale de la solution que vous préconisez, je vous suggère de le retirer ; à défaut, l’avis de la commission sera défavorable.
Mme la présidente. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. Thierry Mandon, secrétaire d'État. Cet amendement vise à modifier l’ordonnance du 7 janvier 1959, mais je rappelle que l’échéance de 2024 a été fixée par la loi du 8 décembre 2009 et avait donné lieu à des négociations très âpres avec la Commission européenne pour que l’ouverture à la concurrence du secteur des transports conventionnés intervienne dans des délais raisonnables, tout en tenant compte de l’extrême complexité des réseaux de transport parisiens, qui évoluent fortement du fait de la construction du réseau Grand Paris Express.
Les entreprises et l’autorité organisatrice de transports ont besoin de temps pour réussir l’ouverture à la concurrence, sur le principe de laquelle tout le monde s’accorde désormais. Avancer la date de quatre ans risquerait de compromettre la démarche.
Le Gouvernement émet donc un avis défavorable. Vos intentions sont tout à fait respectables, monsieur le sénateur, mais un excès de précipitation irait à l’encontre de ce que vous souhaitez.
Mme la présidente. La parole est à M. Roger Karoutchi, pour explication de vote.
M. Roger Karoutchi. Le gouvernement, qu’il soit de gauche ou de droite, nous fait toujours la même réponse : n’abordons surtout pas le problème des transports franciliens, il est trop explosif ! Laissons ce soin au gouvernement suivant…
En Île-de-France, les transports publics sont gérés par la SNCF, la RATP, la Société du Grand Paris et Réseau ferré de France, sous la supervision du syndicat des transports d’Île-de-France, le STIF. L’État, quant à lui, ne verse plus un centime, mais donne sa caution. Ce matin, on a décidé de créer encore une société de transport supplémentaire, associant la SNCF et Aéroports de Paris, qui exploitera la ligne Charles-de-Gaulle Express… En clair, on organise le désordre, l’impossibilité d’avoir un acteur unique comme à Londres ! Chaque fois que l’on ouvre une ligne, on crée une nouvelle structure. Il a fallu seize ans pour prolonger la ligne 4 du métro jusqu’à la seule station Mairie de Montrouge !
Il est nécessaire de regrouper les acteurs. Des rapports de la Cour des comptes, de la chambre régionale des comptes et d’autres instances encore ont souligné le coût élevé de la concurrence constante, en Île-de-France, entre la SNCF et la RATP, deux entreprises qui n’ont pas les mêmes volontés, les mêmes projets. Il n’est plus possible de continuer ainsi !
Pourquoi ne pas créer une entreprise publique de transports unifiée, sans toucher, bien entendu, au statut du personnel ?
Monsieur le secrétaire d’État, vous nous dites qu’avancer à 2020 l’ouverture à la concurrence serait contre-productif. Cela fait quinze ans que les gouvernements successifs, de droite comme de gauche, n’ont de cesse de solliciter de la Commission européenne des reports de l’échéance ! Chaque fois que l’on en obtient un, les entreprises publiques se disent qu’elles sont tranquilles pour quelques années et elles ne font rien pour se préparer à l’ouverture à la concurrence. Nous ne sommes pas davantage prêts à celle-ci aujourd’hui que nous ne l’étions il y a dix ans. Lorsque la Commission européenne l’imposera brutalement, tout restera à faire !
Au travers de notre proposition, qui ne porte que sur le réseau routier, nous ne remettons nullement en cause l’entreprise publique. Nous souhaitons simplement la pousser à se préparer à l’ouverture à la concurrence, à cesser de croire qu’elle sera sans cesse reportée. Il s’agit d’un amendement d’appel !
Les transports publics en Île-de-France sont une galère pour les usagers, perdent beaucoup d’argent, ne sont pas gérés de manière unifiée. Tout le monde s’en plaint : la région, les départements, les usagers, les entreprises, qui voient le versement transport augmenter sans cesse. Il faudra bien finir par mettre en place une gestion unifiée publique, car on ne peut pas continuer ainsi ! La situation actuelle est véritablement dramatique pour l’Île-de-France ! (Applaudissements sur les travées de l'UMP et sur certaines travées de l'UDI-UC.)
Mme la présidente. La parole est à Mme Laurence Cohen, pour explication de vote.
Mme Laurence Cohen. Je reconnais le brio de M. Karoutchi (Exclamations amusées sur les travées de l'UMP.), qui rallie à sa cause l’ensemble de l’assistance en disant tout et son contraire. (Nouvelles exclamations sur les mêmes travées.)
M. Roger Karoutchi. Ah non !
Mme Laurence Cohen. Permettez-moi de relever quelques petites contradictions dans votre argumentation. En vous écoutant, mon cher collègue, je me suis dit que j’avais dû mal lire l’amendement. Je l’ai donc relu : il vise bien à anticiper largement l’ouverture à la concurrence. Mais vous vous lancez dans des envolées lyriques sur la création d’un grand service public à gestion unifiée,…
M. Roger Karoutchi. Oui !
Mme Laurence Cohen. … où il n’est plus question de l’ouverture à la concurrence !
M. Roger Karoutchi. Je parlais de notre proposition de loi !
Mme Laurence Cohen. Je suis ravie que, de temps en temps, nous puissions nous retrouver pour défendre ensemble le service public (Sourires.), mais, pour ma part, je pense, comme M. le secrétaire d’État, que l’ouverture à la concurrence n’est pas obligatoirement le remède miracle, tant s’en faut. J’estime qu’il faut conforter l’entreprise publique,…
M. Roger Karoutchi. Avec quoi ? On n’a pas un centime !
Mme Laurence Cohen. … sans remettre en cause, comme le font les articles que nous examinons depuis ce matin, la démarche démocratique conduite au travers du STIF, qui rassemble autour d’une même table les collectivités, les départements, la région, les entreprises, etc.
M. Roger Karoutchi. Vous-même, vous n’y croyez pas !
Mme Laurence Cohen. Monsieur Karoutchi, vous n’êtes pas dans ma tête ! (Sourires.) Je dis ce que je pense : il faut conforter les entreprises publiques. Je suis opposée à ce que l’on anticipe l’ouverture à la concurrence.
Par ailleurs, vous le savez pertinemment, je n’ai pas l’habitude de voler au secours du Gouvernement quand je ne suis pas d’accord avec lui (Exclamations amusées sur les travées de l’UMP.), mais il est archi-faux de dire qu’il n’a investi aucun euro dans les transports en Île-de-France ! (M. Didier Guillaume applaudit.) S’il y a bien eu un désengagement de l’État, dont vous avez eu l’honnêteté de reconnaître qu’il remontait à loin, un effort d’investissement intéressant a été fait dans la période récente par le Gouvernement.
Ce n’est peut-être pas suffisant et je suis d’accord avec vous pour dire qu’il faut faire plus. C’est d’ailleurs pourquoi nous proposons régulièrement d’augmenter le versement transport, mesure que vous ne soutenez pas : c’est la grande différence entre nous.
M. Roger Karoutchi. Mais ce sont les entreprises qui paient le versement transport !
Mme Laurence Cohen. En tout cas, je pense que votre proposition va à l’encontre de l’intérêt bien compris des transports en Île-de-France. (Applaudissements sur les travées du groupe CRC, du groupe socialiste et du groupe écologiste.)
Mme la présidente. La parole est à M. le président de la commission spéciale.
M. Vincent Capo-Canellas, président de la commission spéciale. Je veux d’abord saluer la constance, la compétence et l’engagement des auteurs de l’amendement, en particulier Roger Karoutchi et Philippe Dominati, sur ce sujet majeur. L’organisation des transports dans la région capitale est un enjeu essentiel pour le pays, au-delà de l’Île-de-France, les difficultés de déplacement, dont j’ai encore fait l’expérience ce matin en rejoignant le Sénat, constituant un handicap en termes de compétitivité.
J’appuierai les propos de Roger Karoutchi et de Philippe Dominati en évoquant l’exemple du RER B et du RER A.
Mme Éliane Assassi. Bonne idée !
M. Vincent Capo-Canellas, président de la commission spéciale. Il y a deux opérateurs : la RATP et la SNCF.
Mme Nicole Bricq. Ce n’est pas le sujet !
M. Vincent Capo-Canellas, président de la commission spéciale. J’y viens, ma chère collègue, pour peu que vous me laissiez m’exprimer !
Quand bien même les deux opérateurs font des efforts, ont un poste de commandement commun, essaient de gérer les incidents de manière coordonnée, cette dualité pose problème. Paris est sans doute l’une des seules capitales au monde où deux sociétés exploitent les mêmes lignes. Je ne sais pas quelle est la meilleure solution, mais il faudra bien un jour mettre en place une gestion plus unifiée. Cela profitera à tout le monde, notamment aux voyageurs.
Un autre problème de fond, souligné à juste titre par M. Karoutchi, tient à la création de structures supplémentaires, comme la Société du Grand Paris, qui aboutit à complexifier terriblement la gouvernance des transports en Île-de-France.
Par ailleurs, au fil du temps, l’État et la région n’ont jamais investi suffisamment au regard du nombre de voyageurs transportés en Île-de-France, même s’il faut saluer le bel effort engagé sous la précédente majorité et poursuivi aujourd’hui.
Si je suis donc entièrement d’accord avec les constats posés par les auteurs de l’amendement, je crains cependant que le remède proposé ne soit pire que le mal : les collectivités n’ont pas les moyens d’entrer au capital.
Roger Karoutchi a dit tout à l’heure qu’il s’agissait surtout d’un amendement d’appel : c’est bien ainsi que je l’ai compris. Peut-être ses auteurs accepteront-ils de le retirer ?... Le problème méritait d’être posé, mais je pense que nous devons approfondir ensemble la réflexion. La solution ne réside pas forcément, me semble-t-il, dans l’ouverture du capital.
Mme Éliane Assassi. Ah !
Mme la présidente. Monsieur Dominati, l’amendement n° 719 rectifié est-il maintenu ?
M. Philippe Dominati. Je crois que Mme la rapporteur a clarifié la situation en expliquant que, nos amendements ne reprenant qu’une partie de la proposition de loi que nous avions déposée, il était difficile de se prononcer dès aujourd’hui. Je vais donc retirer l’amendement n° 719 rectifié.
Cela étant, la position du Gouvernement me semble quelque peu incohérente, puisque, au motif de favoriser la mobilité et de relancer la croissance, il définit un schéma valable pour l’ensemble du territoire national, à l’exception de l’Île-de-France, qui représente pourtant un tiers de l’activité économique du pays… Ce paradoxe me semble traduire le fait que le Gouvernement ne croit pas lui-même aux propositions qu’il avance pour stimuler la croissance.
Mme la présidente. L’amendement n° 719 rectifié est retiré.
L'amendement n° 720 rectifié, présenté par MM. P. Dominati, Karoutchi et Cambon, Mme Duchêne et MM. Charon et Houel, est ainsi libellé :
Après l’article 3 quinquies
Insérer un article additionnel ainsi rédigé :
D’ici 2025, l’État se désengagera progressivement du capital de la Régie autonome des transports parisiens, de la Société nationale des chemins de fer français en Île-de-France et de la Société du Grand Paris avec un droit d’option en faveur des collectivités territoriales. Le syndicat des Transports d’Île-de-France est supprimé à compter du 1er janvier 2025.
La parole est à M. Philippe Dominati.
M. Philippe Dominati. Au risque de lasser, je vais défendre cet amendement, car c’est l’occasion de débattre d’un sujet de fond. J’ai bien compris que le président de la commission spéciale, qui connaît bien les problèmes de transport en Île-de-France, attend avec impatience que la Haute Assemblée inscrive à son ordre du jour notre proposition de loi.
Comme l’a exposé Roger Karoutchi voilà quelques instants, notre but est non pas d’ouvrir la concurrence à des sociétés privées, mais de donner le pouvoir aux collectivités territoriales qui, avec les entreprises, supportent l’essentiel des dépenses, c’est-à-dire à la région et aux départements.
En réalité, la RATP, même si elle réalise maintenant 10 % de son chiffre d’affaires en Grande-Bretagne ou ailleurs, la SNCF Île-de-France ou la Société du Grand Paris ont une vocation régionale, et non pas nationale. Pour l’essentiel, elles exercent leur activité dans la région d’Île-de-France.
Au travers de cet amendement, nous proposons d’accélérer la mutation des structures en créant une société d’économie mixte au sein de laquelle les collectivités locales détiendraient la majorité et l’État la minorité pendant une période de dix ans. Par la suite, M. Macron ayant indiqué ce matin que l’État ne mettrait pas un euro et qu’il faudrait que des sociétés privées financent, par exemple, la liaison Charles-de-Gaulle Express, on pourrait éventuellement ouvrir le capital de cette société d’économie mixte à hauteur de 49 %.
Mme la présidente. Quel est l’avis de la commission ?
Mme Dominique Estrosi Sassone, corapporteur. Je tiendrai le même raisonnement que pour l’amendement précédent : le sujet mérite de faire l’objet d’une approche beaucoup plus globale.
En l’occurrence, vous proposez de supprimer le STIF et de le remplacer par une société d’économie mixte unifiée, dont la création au travers de votre proposition de loi a été rejetée par application de l’article 40 de la Constitution. Je vous demande donc de bien vouloir retirer cet amendement, faute de quoi j’émettrai un avis défavorable.
Mme la présidente. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. Thierry Mandon, secrétaire d'État. L’avis est défavorable.
Sur le plan technique, je ne suis pas certain que l’on puisse parler de capital à propos de la RATP, de la SNCF Mobilités ou de la Société du Grand Paris, qui sont des établissements publics.
Sur le fond, il s’agit d’un amendement atomique, si je puis dire ! À tout le moins, votre proposition mériterait d’être accompagnée d’une véritable étude d’impact, s’agissant notamment de l’ensemble des chantiers très importants déjà engagés ou sur le point de l’être par la SNCF, la RATP ou la Société du Grand Paris. On ne peut procéder au travers d’un simple amendement à une telle réorganisation complète : un travail beaucoup plus approfondi est nécessaire.
Mme la présidente. La parole est à M. Roger Karoutchi, pour explication de vote.
M. Roger Karoutchi. Il est assez ridicule d’avoir invoqué l’article 40 de la Constitution pour refuser la création d’une société de transport unifiée, sans l’opposer à l’amendement qui tirait la conséquence de celle-ci en supprimant le STIF à compter du 1er janvier 2025… En tant que membre de la commission des finances, j’estime qu’il faut appliquer l’article 40 de la Constitution complètement ou pas du tout ! C’est une question de cohérence.
Mme Éliane Assassi. Exactement !
M. Jean Desessard. Bravo !
M. Roger Karoutchi. Monsieur le secrétaire d’État, vous nous avez répondu qu’une telle réforme ne pouvait être entreprise au travers d’un simple amendement. En réalité, nous avons repris, par le biais de nos amendements, le dispositif de la proposition de loi que nous avions déposée sur le bureau du Sénat. Nous imaginions bien que vous n’alliez pas les accepter, mais reconnaissez que le système actuel est fou !
Je ne suis pas partisan de la privatisation des entreprises de transport en Île-de-France, madame Cohen. Je souhaite seulement qu’on leur donne des moyens d’action. Aujourd’hui, outre la participation des usagers, ces entreprises sont en réalité financées par les employeurs, au travers du versement transport, et par les collectivités territoriales, région et départements.
Or le système francilien de transports reste sous la tutelle de l’État, qui, n’ayant plus les moyens d’intervenir, se contente d’autoriser la région à augmenter la taxe spéciale d’équipement, la TSE, ou à prélever un impôt sur les Franciliens et de demander au Parlement de relever le versement transport acquitté par les entreprises. Manuel Valls le premier a dit que le financement du Grand Paris Express passerait par l’augmentation de la TSE et du versement transport et que l’État, en tant que tel, n’apporterait rien !
Avec un tel système, nous allons dans le mur ! L’autorité de tutelle, c’est-à-dire l’État, n’est plus représentée au sein du STIF – n’y siègent plus que la région et les départements, même pas les entreprises de transport ! – et ne donne pas à la RATP et à la SNCF, entreprises d’État, de moyens pour agir en Île-de-France. Ce matin, M. le ministre nous a annoncé qu’une entreprise publique associant la SNCF et Aéroports de Paris serait créée pour réaliser la ligne Charles-de-Gaulle Express, mais que l’État ne mettrait pas un sou… On est dans un monde irréel ! L’État veut garder la main sur un système qu’il ne finance plus, qu’il n’organise plus et sur lequel, en réalité, il n’a plus aucune maîtrise. Je le redis, nous allons dans le mur !
Parlons ensemble de la proposition de loi que nous avons déposée ! Nous avons tous intérêt à améliorer l’organisation des transports publics d’Île-de-France en mobilisant des moyens financiers suffisants, fût-ce en ouvrant de manière limitée le capital des entreprises de transport, qui resteraient publiques. Nous ne voulons pas toucher au statut des personnels. Notre seul objectif est de mieux servir les usagers. Aujourd’hui, par facilité, on se satisfait du désordre, de l’insuffisance, tout en multipliant les opérateurs. Remettons donc un peu d’ordre dans les transports publics d’Île-de-France : cela profitera au personnel, aux entreprises et aux usagers ! (Applaudissements sur les travées de l’UMP.)
Mme Nicole Bricq. Fin de la séquence électorale…
Mme la présidente. Monsieur Dominati, l’amendement n° 720 rectifié est-il maintenu ?
M. Philippe Dominati. Non, je le retire, madame la présidente.
Mme la présidente. L’amendement n° 720 rectifié est retiré.
Je suis saisie de deux amendements identiques.
L’amendement n° 1428 rectifié bis est présenté par M. Zocchetto et les membres du groupe Union des Démocrates et Indépendants-UC.
L’amendement n° 1655 est présenté par le Gouvernement.
Ces deux amendements sont ainsi libellés : Après l’article 3 quinquies
Insérer un article additionnel ainsi rédigé : La loi n° 2010-597 du 3 juin 2010 relative au Grand Paris est ainsi modifiée :
1° À l’antépénultième alinéa du II de l’article 2, les mots : « d’un réseau de communication électronique à très haut débit » sont remplacés par les mots : « de réseaux de communications électroniques à très haut débit » ;
2° L’article 7 est ainsi modifié :
a) Après le VI, il est inséré un paragraphe VI bis ainsi rédigé :
« VI bis. L’établissement public « Société du Grand Paris » peut, dans les infrastructures du réseau de transport public du Grand Paris ou dans les infrastructures de transport public réalisées sous sa maîtrise d’ouvrage, établir, gérer, exploiter ou faire exploiter des réseaux de communications électroniques à très haut débit mentionnés au II de l’article 2 de la présente loi ou un ou plusieurs ensembles de ces réseaux et fournir au public tous services de communications électroniques au sens du 6° de l’article L. 32 du code des postes et des communications électroniques.
« Dans le respect du principe d’égalité et des règles de la concurrence sur le marché des communications électroniques, l’établissement public « Société du Grand Paris » ne peut exercer l’activité d’opérateur de communications électroniques au sens du 15° de l’article L. 32 du code des postes et des communications électroniques que par l’intermédiaire d’une structure spécifique soumise à l’ensemble des droits et obligations régissant cette activité. » ;
b) Le VII est complété par le mot : « bis ».
La parole est à M. Claude Kern, pour présenter l’amendement n° 1428 rectifié bis.
M. Claude Kern. Cet amendement a pour objet d’élargir le champ des missions de la Société du Grand Paris en matière d’infrastructures de réseaux numériques.
Aujourd’hui, les usagers des réseaux de transport publics demandent de plus en plus à pouvoir bénéficier d’une continuité d’accès aux services numériques depuis leurs terminaux mobiles. Dans les prochaines décennies, cela deviendra même un impératif. S’agissant du Grand Paris Express, très majoritairement souterrain, il sera nécessaire, dans cette perspective, de mettre en place des infrastructures numériques spécifiques, qui ont été prévues par la loi.
En effet, l’article 2 de la loi du 3 juin 2010 relative au Grand Paris dispose que « les infrastructures du réseau du Grand Paris intègrent des dispositifs destinés à permettre le déploiement d’un réseau de communication électronique à très haut débit ». La création de plusieurs réseaux, par exemple filaire et hertzien, apparaissant opportune, il convient de prévoir explicitement cette pluralité dans la loi. Par ailleurs, la conception et la réalisation de dispositifs techniques destinés à cet usage sont des activités annexes à la mission principale de la Société du Grand Paris : elle peut les conduire dans le cadre des textes actuels sans méconnaître le principe de spécialité propre aux établissements publics.
En outre, la location de ces réseaux aux opérateurs de communications électroniques pourrait procurer à la Société du Grand Paris des revenus complémentaires de l’ordre d’une vingtaine de millions d’euros par an.
Pour l’ensemble de ces raisons, il apparaît indispensable que la Société du Grand Paris intervienne en tant que maître d’ouvrage du projet numérique global et qu’elle ne se contente pas de consentir des droits de passage aux opérateurs, approche incompatible avec l’étroite coordination qui devra être assurée durant des décennies, dans les tunnels, entre les intervenants sur les infrastructures de transport et les intervenants sur les réseaux à très haut débit. Cela suppose donc de donner à la Société du Grand Paris les moyens juridiques d’exercer une maîtrise d’ouvrage élargie dans le domaine des réseaux et des services de communication électronique.
Il est pour cela nécessaire d’élargir le champ des missions de la Société du Grand Paris, en lui permettant d’exercer, par le biais d’une filiale créée à cet effet, l’activité d’opérateur de communications électroniques au sens du code des postes et des communications électroniques.
Mme la présidente. La parole est à M. le secrétaire d’État, pour présenter l’amendement n° 1655.
Mme la présidente. Quel est l’avis de la commission ?
Mme Dominique Estrosi Sassone, corapporteur. Ces deux amendements identiques visent à étendre les compétences de l’établissement public « Société du Grand Paris » en matière de réseaux de communication électronique.
Le dispositif prévu est favorable au déploiement du numérique dans les infrastructures de transport du Grand Paris. Par ailleurs, la filiale chargée d’exercer des activités d’opérateur serait soumise aux règles de concurrence et aux obligations s’imposant aux opérateurs.
Dans ce contexte, la commission spéciale a émis un avis favorable sur ces amendements.
Mme la présidente. La parole est à M. Jean-Claude Requier, pour explication de vote.
M. Jean-Claude Requier. L’objet de l’amendement précise qu’il s’agit « d’élargir le champ des missions de la Société du Grand Paris en matière d’infrastructures de réseau dans le numérique et l’énergie ». Pourquoi cette mention de l’énergie, alors qu’il n’en est pas question dans le projet de loi ?
Mme la présidente. La parole est à Mme Dominique Estrosi Sassone, corapporteur.
Mme Dominique Estrosi Sassone, corapporteur. L’amendement a été rectifié pour supprimer la mention de l’énergie. Vous devez disposer d’une version plus ancienne, mon cher collègue.
M. Jean-Claude Requier. À la campagne, on a toujours un peu de retard… (Sourires.)
Mme la présidente. Le texte de l’amendement a bien été rectifié, comme vient de l’indiquer Mme la corapporteur, mais la mention de l’énergie subsiste dans l’objet.
La parole est à Mme Laurence Cohen, pour explication de vote.
Mme Laurence Cohen. Quelle est la finalité de la création d’une telle filiale ? Qu’apportera-t-elle de plus ? Je souhaiterais que le Gouvernement puisse nous éclairer sur ce point.
Mme la présidente. La parole est à M. le ministre.
M. Emmanuel Macron, ministre de l’économie, de l’industrie et du numérique. Je remercie mon collègue Thierry Mandon de m’avoir suppléé avec talent.
Comme l’a indiqué M. Kern, la loi du 3 juin 2010 relative au Grand Paris dispose en son article 2 que « les infrastructures du réseau du Grand Paris intègrent des dispositifs destinés à permettre le déploiement d’un réseau de communication électronique à très haut débit ». La création de plusieurs réseaux, par exemple filaire et hertzien, apparaissant opportune, il convient de prévoir explicitement cette pluralité dans la loi.
La conception et la réalisation de dispositifs techniques destinés à cet usage sont des activités annexes à la mission principale de la Société du Grand Paris : dans le cadre des textes actuels, elle peut les exercer, mais elle ne peut pas assurer la gestion des réseaux, une fois ces derniers mis en service.
Au-delà de la réalisation de ces infrastructures numériques, prévoir l’implication de la Société du Grand Paris dans la mise en œuvre des services associés et donc dans l’activation de ces réseaux numériques apparaît essentiel pour lui assurer une bonne maîtrise du projet numérique global qu’elle doit conduire.
Mme la présidente. Je mets aux voix les amendements identiques nos 1428 rectifié bis et 1655.
(Les amendements sont adoptés.)
Mme la présidente. En conséquence, un article additionnel ainsi rédigé est inséré dans le projet de loi, après l’article 3 quinquies.
Article 4
Dans les conditions prévues à l’article 38 de la Constitution, le Gouvernement est autorisé à prendre par ordonnance, dans un délai de six mois à compter de la promulgation de la présente loi, toute mesure relevant du domaine de la loi afin de :
1° Modifier et codifier les règles applicables en matière de création, d’aménagement et d’exploitation des gares routières de voyageurs par les personnes publiques et privées, définir les principes applicables en matière d’accès à ces gares par les entreprises de transport public routier de personnes et modifier les règles applicables en matière de police dans ces gares pour garantir l’accès à celles-ci des usagers et des opérateurs, de façon à assurer leur participation effective au développement et au bon fonctionnement du transport routier de personnes ;
2° Confier à l’Autorité de régulation des activités ferroviaires et routières la compétence de préciser les règles d’accès, d’en assurer le contrôle et de prononcer des sanctions ;
2° bis Définir les conditions dans lesquelles cette même autorité peut être saisie en cas de différend portant sur l’accès à ces gares ou sur leur utilisation ;
3° (Supprimé)
Mme la présidente. La parole est à Mme Annie David, sur l'article.
Mme Annie David. Monsieur le ministre, nous sommes opposés à l’article 4 de votre projet de loi fleuve – si je puis dire, s’agissant ici de transport par autocar –, non par dogmatisme, esprit de contradiction ou volonté d’obstruction, comme voudrait le faire croire Mme Bricq, mais, une nouvelle fois, en raison d’arguments de fond, parce que nous défendons des valeurs auxquelles nous sommes attachés.
Tout d’abord, il s’agit de nouveau d’autoriser le Gouvernement à légiférer par ordonnance et d’écarter ainsi, encore une fois, les parlementaires de la prise des décisions sur des sujets importants. Cela ne nous semble pas sérieux ni respectueux du Parlement.
Ensuite, par son contenu, cet article s’inscrit dans la continuité de l’article 2 et de la libéralisation du transport par autocar que vous souhaitez mettre en œuvre.
En effet, l’article 4 traite des gares routières de voyageurs. Au regard de vos ambitions, il est certain que celles-ci vont devenir un élément essentiel et structurant de notre territoire. Pourtant, alors que l’échéance est très proche, leur avenir semble encore bien flou, ce qui ne laisse pas de nous inquiéter.
Selon le très récent rapport de la commission d’étude de l’impact du projet de loi, en l’état actuel du développement des gares routières en France, « il semble qu’elles ne soient pas toutes en mesure d’accueillir une activité sensiblement supérieure », en raison notamment d’un risque de « désorganisation ».
Je précise d’ailleurs que seule la moitié des préfectures départementales disposent d’une gare routière, selon la carte de la Fédération nationale des transports de voyageurs. De même, dans de nombreuses gares existantes, il n’y a ni quai, ni guichet, ni même, parfois, de toilettes. Bref, seul un service minimum est assuré, ce qui ne semble pas correspondre à l’ambition que vous affichez.
Cet état de choses nous semble constituer un très important point faible de votre projet, monsieur le ministre. Comment comptez-vous développer massivement les transports en car s’il existe trop peu de gares routières et si leur capacité à accueillir les voyageurs est insuffisante ? Des aménagements importants sont nécessaires pour assurer le report modal et l’accessibilité. Comment seront-ils réalisés et financés ? Comment le réseau sera-t-il harmonisé sur le territoire national, compte tenu des disparités existant en matière de gestion et de propriété ?
En somme, beaucoup de questions primordiales en termes d’aménagement du territoire et de cohérence globale de la réforme que vous souhaitez mettre en œuvre restent en suspens. De plus, vous préférez procéder par ordonnance, ce qui est pour nous inacceptable.
Mme la présidente. La parole est à Mme Dominique Estrosi Sassone, corapporteur.
Mme Dominique Estrosi Sassone, corapporteur. Je voudrais exprimer moi aussi un certain nombre de préoccupations sur la question du développement des gares routières.
Tous les acteurs concernés reconnaissent que le cadre juridique qui leur est applicable, défini par une ordonnance de 1945, est obsolète et doit être réformé. Les gares routières sont en nombre insuffisant et, lorsqu’elles existent, les entreprises de transport ont grand-peine à identifier les collectivités responsables.
L’Autorité de la concurrence et la commission d’étude présidée par Mme Anne Perrot ont insisté sur l’importance de ce sujet pour la réussite de la libéralisation des transports par autocar. Si l’on ne fixe pas de cadre juridique satisfaisant suffisamment en amont, les gares routières risquent de se développer de façon désorganisée, sans recherche de complémentarité avec les autres modes de transport.
C’est la raison pour laquelle le présent article vise à habiliter le Gouvernement à procéder par ordonnance pour encadrer leur développement. Cependant, lorsque j’ai interrogé les services des ministères compétents pour savoir ce qui était concrètement envisagé, il est apparu que c’est le flou absolu !
Le Gouvernement admet ne pas encore savoir ce qu’il compte faire, par exemple en matière de gouvernance, tout en reconnaissant qu’il s’agit d’un enjeu majeur pour la réussite de la libéralisation des transports par autocar. Le recensement des gares qu’avait préconisé l’Autorité de la concurrence ne semble pas avoir encore été engagé.
Or, cette libéralisation entrera en vigueur dès la promulgation de la loi pour les transports sur une distance supérieure à 200 kilomètres et, pour les autres, six mois après la promulgation de la loi. Il faut donc agir vite. On peut même se demander si ces dates d’entrée en vigueur ne sont pas un peu prématurées.
C’est cette urgence qui a conduit la commission spéciale à maintenir l’habilitation à légiférer par ordonnance prévue à l’article 4, bien qu’elle soit très insatisfaisante. Le Parlement se trouve en effet invité à se dessaisir d’un sujet majeur, alors que le Gouvernement lui-même ne sait pas ce qu’il compte faire.
Mme Annie David. Oui !
Mme Dominique Estrosi Sassone, corapporteur. Toutefois, peut-être le Gouvernement a-t-il avancé dans sa réflexion ces dernières semaines et pourra-t-il nous dire en exclusivité quelles orientations il compte prendre dans ce domaine ? Je vous en remercie par avance, monsieur le ministre !
Mme la présidente. L'amendement n° 5, présenté par Mme Assassi, M. Bosino, Mme David et les membres du groupe communiste républicain et citoyen, est ainsi libellé :
Supprimer cet article.
La parole est à M. Patrick Abate.
M. Patrick Abate. Tout a déjà été dit ! Précipitation, recours aux ordonnances, flou artistique guère rassurant, conviction dogmatique que la libéralisation permettra de relancer la croissance et de développer l’emploi : tout cela aboutit à des propositions dangereuses !
Ainsi, la libéralisation du transport par autocar, entreprise dans un cadre qui rend le développement de celui-ci très délicat, compliquera la situation du secteur ferroviaire. Par ailleurs, encore une fois, il y a de la privatisation dans l’air, l’idée sous-jacente étant que le maillage du territoire par des gares routières peut se faire sans véritable association des collectivités locales et de la puissance publique, comme si le recours au marché pouvait suffire à régler les difficultés.
Nous proposons de supprimer purement et simplement cet article.
Mme la présidente. Quel est l’avis de la commission ?
Mme Dominique Estrosi Sassone, corapporteur. Bien qu’étant moi-même très circonspecte à l’égard de l’article 4, je pense que le supprimer n’est pas la bonne solution. En effet, cela reviendrait à en rester au statu quo. Je pense au contraire qu’il faut vraiment se saisir du sujet des gares routières. J’espère que M. le ministre apportera des réponses aux questions que nous avons posées.
La commission émet un avis défavorable sur cet amendement.
Mme la présidente. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. Emmanuel Macron, ministre. Le cadre de la régulation et de l’organisation des gares routières est certes insuffisant. Pour autant, il en existe déjà sur notre territoire, des autocars circulent, la SNCF possède même ses propres gares routières via une filiale.
Partant de ce constat, partagé par l’Autorité de la concurrence et France Stratégie, nous avons voulu promouvoir une meilleure organisation du réseau des gares routières, car c’est un élément décisif pour la montée en puissance du transport par autocar.
Précisément parce que le dispositif n’est pas prêt, nous proposons logiquement de procéder par ordonnances. Celles-ci devront bien entendu être ratifiées par le Parlement.
Nous avons commencé le travail. Si les auditions qui ont été menées ont pu donner le sentiment que ce n’était pas le cas, je le regrette. Un chargé de mission auprès du ministre a été désigné pour suivre ce dossier. Une vingtaine de réunions avec l’ensemble des professionnels du secteur ont été programmées par les différents ministères concernés, dont cinq se sont déjà tenues, entre la lecture du projet de loi à l’Assemblée nationale et celle qui nous rassemble aujourd'hui.
Le Gouvernement n’est donc pas à l’arrêt. Au contraire, nous avons engagé un travail d’organisation, afin de ne pas perdre de temps, car notre conviction profonde est qu’il existe des opportunités à saisir en termes de développement de la mobilité et de création d’emplois. Il s’agit bien d’établir un cadre régulé, et non de libéraliser à tout crin. Ce ne sera pas l’anarchie !
Les gares routières existantes seront développées, par des collectivités publiques ou par des opérateurs privés, dans un cadre que nous allons moderniser et bien définir. Le ministère des transports a commencé à se saisir du sujet. Lors de la deuxième lecture du texte à la Haute Assemblée, je pourrai vous en dire davantage, car j’ai bon espoir que dix ou quinze réunions supplémentaires se seront tenues d’ici là.
Pleine transparence sera faite sur ces ordonnances et leur préparation. Elles sont indispensables, et cohérentes avec vos préoccupations. En effet, l’article relatif à l’ouverture des services de transport non urbains par autocar ayant été adopté, il me semblerait quelque peu paradoxal que vous supprimiez l’article tendant à habiliter le Gouvernement à légiférer par ordonnance pour définir le cadre de la régulation et de l’organisation de cette activité.
À la lumière des votes précédemment intervenus, il serait logique que cet amendement de suppression de l’article soit retiré.
Mme la présidente. La parole est à M. Michel Le Scouarnec, pour explication de vote.
M. Michel Le Scouarnec. Je voudrais en remettre une petite couche sur ce sujet important, après mes collègues Laurence Cohen et Patrick Abate.
De nombreux projets de gare routière existent dans les territoires. Je pense, en particulier, à la création de pôles multimodaux. Dans le Morbihan, un tel projet lancé voilà plus de cinq ans déjà n’a toujours pas abouti.
Le Gouvernement s’était engagé à revenir sur le sujet devant la représentation nationale l’an dernier, lors de la discussion de la réforme ferroviaire. La question des gares routières est d’autant plus épineuse que le développement de l’intermodalité implique l’engagement d’une réflexion globale et concertée entre de nombreux acteurs. Éluder un débat qui concerne directement des millions de nos concitoyens est à nos yeux très regrettable.
Enfin, il s’agit, au travers de cet article, de donner de nouvelles compétences à l’actuelle Autorité de régulation des activités ferroviaires, l’ARAF, appelée à devenir l’ARAFER, l’Autorité de régulation des activités ferroviaires et routières. Le texte prévoit en effet que cette autorité indépendante aura la charge de « préciser les règles » s'appliquant aux gestionnaires des gares routières en matière d'accès aux gares, « d’en assurer le contrôle et de prononcer des sanctions ». Selon vos propres termes, monsieur le ministre, l’ARAF sera ainsi dotée de « pouvoirs extrêmement étendus ». Or, comment accepter que des prérogatives aussi fondamentales que la réglementation et le contrôle en matière d’accessibilité pour les personnes en situation de handicap n’incombent pas directement à l’État, mais relèvent d’une autorité indépendante ?
L’extension des compétences de l’ARAF recèle un danger. En effet, nous savons pertinemment que les transferts de compétences de l’État à des organismes indépendants peuvent ouvrir la voie à des privatisations futures. Or nous n’ignorons pas que la question de la privatisation des gares est loin d’être dénuée d’intérêt pour la Commission européenne…
Parce que nous nous opposons à l’extension des compétences de l’ARAF et parce que nous ne souhaitons pas que le recours à des ordonnances devienne la norme en matière législative, nous souhaitons la suppression de l’article 4.
Mme la présidente. La parole est à M. Jean Desessard, pour explication de vote.
M. Jean Desessard. Je ne voterai pas cet amendement de suppression. (Mme Laurence Cohen s’exclame.) Ne soyez pas déçue, madame Cohen, cela ne changera pas le vote du Sénat !
M. Patrick Abate. Sait-on jamais ?
M. Jean Desessard. Cela étant, monsieur le ministre, vous n’avez pas répondu aux questions soulevées par Mme la rapporteur.
M. Jean Desessard. Non, monsieur le ministre, ou alors nous n’avons pas la même conception de ce que doit être une réponse…
Cinq réunions ont été tenues, nous avez-vous dit, mais l’important est de savoir s’il en est sorti quelque chose, par exemple en termes de définition du maillage territorial des gares routières ou de perspectives de développement au regard de l’urbanisme. Quels services seront assurés dans les gares au bénéfice des usagers ? Envisage-t-on, notamment, de mettre en place un gardiennage de vélos ?
En 1989, je défendais, au nom d’une association d’usagers de transports, le tramway, qui était alors absent de nos villes, à une exception près. À cette époque, nos interlocuteurs affirmaient que la solution du transport en car était préférable, car plus souple en termes de définition des trajets. Nous répondions que le tramway contribue à structurer la ville.
Il s’agit ici un peu du même débat : les gares routières participent au développement et à l’embellissement de la ville. Il est donc important que nous puissions connaître vos projets les concernant, monsieur le ministre. Plus que la fréquence des réunions que vous organisez, c’est leur teneur qui nous importe ! (Sourires.)
Mme la présidente. La parole est à M. Patrick Abate, pour explication de vote.
M. Patrick Abate. Monsieur le ministre, sur la forme, le raisonnement qui vous conduit à nous inviter à retirer notre amendement est certes sans faille, mais il est important d’avoir un débat de fond sur ce sujet.
Soyons clairs, notre démarche ne relève pas d’une posture de rejet systématique, dogmatique.
M. Vincent Capo-Canellas, président de la commission spéciale. C’est vrai !
M. Patrick Abate. Nous sommes pour le développement de toutes les mobilités, y compris la mobilité par autocar, mais nous craignons que cela n’aboutisse à porter atteinte à cette infrastructure fondamentale, en termes de maillage et d’égalité des territoires, qu’est le rail.
Le transport par autocar représente, selon nous, une mobilité de troisième classe, dont le développement ne va pas dans le sens du progrès, même s’il peut rendre des services. Ce qui nous pose vraiment problème, c’est le flou artistique qui entoure ce projet : il est nécessaire de conduire une réflexion d’ensemble, prenant en compte l’intérêt général et l’aménagement du territoire !
Tout cela nous paraît par trop précipité. Nous maintenons donc notre amendement de suppression, même si nous savons que, sur la forme, le ministre a plutôt raison…
Mme la présidente. La parole est à M. le président de la commission spéciale.
M. Vincent Capo-Canellas, président de la commission spéciale. Vous le savez, monsieur le ministre, le Parlement n’apprécie guère le recours aux ordonnances. En quelque sorte, il en est des ordonnances comme des médecins : moins on en voit, mieux on se porte, mais il faut parfois en passer par là ! (Sourires.)
En tout état de cause, si l’on veut que le Parlement vote une habilitation du Gouvernement à légiférer par ordonnance, il faut lui en donner un peu l’envie… À cet égard, monsieur le ministre, il serait bon, à mon avis, que vous nous indiquiez comment vous comptez l’associer aux groupes de travail que vous avez évoqués.
Mme la présidente. La parole est à M. le ministre.
M. Emmanuel Macron, ministre. Les réunions avec les acteurs du secteur que j’ai évoquées visent à identifier les besoins, à recenser les gares existantes et à établir une cartographie. Je ne suis pas en mesure de dire a priori où se situent ces besoins. Tel est donc l’objet de ces réunions techniques.
L’élagage de l’article 4 par la commission spéciale rend moins transparentes les intentions du Gouvernement, madame la rapporteur. En effet, l’alinéa 2 du texte de cet article tel qu’issu des travaux de l’Assemblée nationale détaillait très précisément selon quelles perspectives le Gouvernement avait élaboré son projet. Les trois quarts des mesures dont vous proposerez tout à l’heure la mise en œuvre au travers d’un amendement y figuraient, monsieur Desessard !
M. Jean Desessard. Absolument !
M. Emmanuel Macron, ministre. Je proposerai simplement, dans le souci de prendre en compte les apports de la commission spéciale, de rétablir les schémas régionaux de l’intermodalité, car il s’agit d’un élément important en termes de cohérence d’ensemble.
Encore une fois, si vous voulez en savoir davantage sur les intentions du Gouvernement en matière d’organisation et de régulation, je vous renvoie à l’alinéa 2 de la rédaction adoptée par l’Assemblée nationale pour l’article 4 : il s’agit de « modifier les règles applicables en matière de création, d’aménagement et d’exploitation des gares routières de voyageurs par les personnes publiques et privées, en privilégiant l’intégration des gares routières dans les schémas régionaux de l’intermodalité, définir les principes applicables pour satisfaire le besoin en stationnement sécurisé des vélos dans et aux abords de ces gares […] ».
Si vous souhaitez collectivement que ces éléments soient réintroduits dans le texte, afin de mieux encadrer le travail du Gouvernement, j’y suis tout à fait favorable. Il vous appartient d’en décider. Quoi qu’il en soit, les clarifications que vous souhaitez figuraient dans cet alinéa 2.
Les réunions en cours visent à identifier les points du territoire où il serait souhaitable d’implanter des gares routières. Ce travail technique de recensement n’a pas vocation à définir les règles de l’intermodalité ou le contenu des futures ordonnances.
Mme la présidente. La parole est à Mme Dominique Estrosi Sassone, corapporteur.
Mme Dominique Estrosi Sassone, corapporteur. Je n’ai nullement l’intention d’être désobligeante, monsieur le ministre, mais je dois constater que l’alinéa 2 de l’article 4 tel qu’il figurait dans la rédaction adoptée par l’Assemblée nationale relevait de l’énumération de mesures très générales, pour ne pas dire de l’incantation.
J’aimerais que vous m’expliquiez, par exemple, ce que signifie la formule « en privilégiant l’intégration des gares routières dans les schémas régionaux de l’intermodalité ». Pour ma part, je n’en sais rien ! En outre, à aucun moment il n’est précisé de quelle collectivité dépendront les gares routières. Un tel flou artistique ne nous satisfait pas !
Mme la présidente. L’amendement n° 523 n’est pas soutenu.
Je suis saisie de quatre amendements faisant l’objet d’une discussion commune.
L’amendement n° 430, présenté par M. Desessard et les membres du groupe écologiste, est ainsi libellé :
Alinéa 2
Rédiger ainsi cet alinéa :
1° Modifier les règles applicables en matière de création, d’aménagement et d’exploitation des gares routières de voyageurs par les personnes publiques et privées, en privilégiant l’intégration des gares routières dans les schémas régionaux de l’intermodalité, définir les principes applicables pour satisfaire le besoin en stationnement sécurisé des vélos dans et aux abords de ces gares et en matière d’accès à ces gares par les entreprises de transport public routier de personnes, définir les règles applicables au transport de vélo dans les autocars, modifier les règles applicables en matière de police dans ces gares pour garantir l’accès à celles-ci par l’ensemble des usagers, notamment les personnes handicapées et à mobilité réduite ainsi que les cyclistes, et des opérateurs, de façon à assurer leur participation effective au développement et au bon fonctionnement du transport routier de personnes et à favoriser l’intermodalité, notamment avec les modes de déplacement non polluants ;
La parole est à M. Jean Desessard.
M. Jean Desessard. L’article 4 prévoit la modification par voie d’ordonnance des règles relatives à la création, à l’aménagement et à l’exploitation des gares routières de voyageurs, sous le contrôle et après avis de l’ARAFER.
En commission spéciale, Mme la rapporteur a fait voter un amendement visant à simplifier la rédaction de cet article. Cependant, comme vient de le souligner M. le ministre, cette simplification a pour inconvénient de revenir sur un certain nombre d’avancées introduites par l’Assemblée nationale.
Quitte à alourdir un peu le texte, nous préférons que l’habilitation à légiférer par ordonnance prévoie le maximum de garanties possible. C’est pourquoi nous proposons de prévoir que la création, l’aménagement et l’exploitation des gares routières tiennent compte du besoin en stationnement sécurisé des vélos – c’est très important ! (Sourires.) –, de l’intermodalité, du transport des vélos par autocar et de l’accès des personnes à mobilité réduite.
Les gares routières sont en effet des espaces importants pour les transports terrestres, des hubs indispensables. Voilà pourquoi nous considérons que les ordonnances devront prendre en compte toutes ces thématiques.
Certes, la rédaction issue de l’Assemblée nationale était un peu plus complète,…
Mme Dominique Estrosi Sassone, corapporteur. Plus lourde !
M. Jean Desessard. … mais l’adoption de cet amendement permettrait déjà de s’en rapprocher dans une mesure satisfaisante.
Mme la présidente. L’amendement n° 1041, présenté par Mmes Assassi, Didier et les membres du groupe communiste républicain et citoyen, est ainsi libellé :
Alinéa 2
Supprimer les mots :
et privées
La parole est à M. Patrick Abate.
M. Patrick Abate. Les gares routières sont régies par une ordonnance de 1945, devenue obsolète, dont l’article 3 précise que les gares privées sont soumises à autorisation. La règle, c’est donc que les gares soient publiques.
Il est vrai que le sujet est devenu complexe. Au fil des ans, les gares routières se sont diversifiées et peuvent appartenir à des localités, à des regroupements de communes ou à des sociétés privées. La fonction intermodale de ces gares s’est également élargie, avec une ouverture du service à plusieurs opérateurs, publics et privés, sur un même lieu. Elles peuvent être à vocation locale, nationale ou internationale. Il y a donc, nous en convenons, un réel besoin de clarification.
Les gares étant devenues une composante du service public des transports, elles doivent, à notre sens, être maintenues dans le giron des services publics.
Clarifier le statut des gares routières ne peut répondre qu’à une nécessité de cohérence sur l’ensemble du territoire. En réservant leur gestion à des entités publiques, nous garantirons une égalité de service dans l’ensemble du pays.
L’intermodalité est devenue une réalité. Pour éviter des déplacements inutiles et faciliter le transport public, il est effectivement nécessaire de développer des gares routières, mais surtout de donner une cohérence à la mise en place de ces gares, qui doit être motivée par l’intérêt général.
Selon nous, seule une autorité publique peut définir un mode d’organisation propre à répondre à cette ambition. Dans ce domaine, la réponse ne peut découler des règles du marché.
Mme la présidente. L’amendement n° 860 rectifié bis, présenté par Mmes Keller et Lamure, MM. Nègre, Bizet, Reichardt, Kennel et Husson, Mmes Troendlé, Deromedi et Cayeux, MM. Longuet, Grand, Legendre, Bignon, Buffet, Laufoaulu, Forissier, Vaspart, Falco, Revet, Doligé et Vogel, Mme Primas, M. P. Leroy, Mme Gruny, M. Laménie, Mme Duchêne, MM. de Nicolaÿ, Pintat, Savin, Chaize, B. Fournier et G. Bailly, Mme Mélot, M. Milon, Mme Micouleau et MM. Danesi, Gilles, Lefèvre, Mandelli, Trillard, Mayet, Houel, Calvet, Mouiller, Cardoux, Commeinhes, Charon, Gremillet, Raison, Houpert, Perrin, Dufaut et Malhuret, est ainsi libellé :
Alinéa 2
Après les mots :
publiques et privées,
insérer les mots :
dans l’objectif de les rapprocher avec les gares ferroviaires pour favoriser le développement de pôles urbains, régionaux, nationaux et internationaux intermodaux et d’accès équitable aux infrastructures de transport,
La parole est à Mme Fabienne Keller.
Mme Fabienne Keller. La création de lignes de transport par car sur des distances de plus de 200 kilomètres interviendra très rapidement après la promulgation de la loi. On peut penser qu’elle s’appuiera sur des gares routières existantes, souvent implantées en périphérie, se réduisant parfois à de simples dalles de macadam ou à des quais, très médiocrement connectées aux autres modes de transport : train, tramway, métro ou bus urbain, auto-partage, vélo, taxi, voiture en libre-service, etc.
Des projets de gare routière commencent à émerger, même s’il existe un problème structurel de portage de tels projets : je ne reviendrai pas sur la diversité des autorités organisatrices de transport, des propriétaires et des exploitants des gares. Il est important que les gares routières privées s’inscrivent dans la chaîne de transport, en s’articulant avec les gares ferroviaires. Il faut penser aux voyageurs, qui ne doivent pas se retrouver, au petit matin ou tard le soir, sur des terrains mal aménagés, peu accueillants, peu sécurisés, mal éclairés…
Par ailleurs, bien relier entre eux les différents modes de transport, c’est créer une véritable offre de services globale à dépense constante. En effet, en articulant judicieusement plusieurs moyens de transport, collectifs et individuels, on répond à davantage de besoins de déplacement.
Pour ces raisons, je propose de mentionner explicitement dans le texte l’objectif de rapprocher gares ferroviaires et gares routières.
Monsieur le ministre, voilà cinq ou six ans, j’ai organisé une vingtaine d’auditions au ministère sur le sujet des gares. Le dossier n’a pas beaucoup avancé depuis. C’est le problème du tuyau de poêle et des compétences séparées… Il est temps de prendre les choses en main pour proposer de meilleurs services de transport à nos concitoyens. (Applaudissements sur les travées de l'UMP.)
Mme Catherine Deroche, corapporteur. Très bien !
Mme la présidente. L'amendement n° 1538, présenté par le Gouvernement, est ainsi libellé :
Alinéa 2
Après le mot :
privées,
insérer les mots :
notamment par leur intégration dans les schémas régionaux de l’intermodalité,
La parole est à M. le ministre.
M. Emmanuel Macron, ministre. Cet amendement vise à rétablir la disposition prévoyant l’intégration des gares routières dans les schémas régionaux de l’intermodalité. Il s’agit de redonner de la cohérence, comme le souhaite Mme Keller.
Les schémas régionaux de l’intermodalité ont été créés par la loi MAPTAM et tendent à coordonner l’ensemble des politiques de transport de la région, quand bien même elles sont gérées par différentes instances. Il nous a semblé que ce levier était le plus efficace pour instaurer de la cohérence entre les villes, les métropoles et les régions.
Ce dispositif n’est pas prescriptif pour les maires, même si les décisions d’aménagement de ces derniers ne pourront pas le contredire frontalement. Par ailleurs, il ne produit pas d’effet sur les gares privées.
Mme la présidente. Quel est l’avis de la commission ?
Mme Dominique Estrosi Sassone, corapporteur. L’amendement n° 430 vise à rétablir la rédaction de l’Assemblée nationale. Or la commission spéciale est revenue à une rédaction proche du texte initial du Gouvernement. En effet, nous avons estimé que la multiplicité des amendements adoptés par l’Assemblée nationale portait atteinte à la clarté et à la cohérence du dispositif. C’est la raison pour laquelle la commission spéciale émet un avis défavorable sur cet amendement.
En ce qui concerne l’amendement n° 1041, il ne paraît pas choquant que certaines gares routières puissent être gérées par des personnes privées, puisqu’il s’agit de services librement organisés et non conventionnés. L’avis de la commission spéciale est donc défavorable.
En revanche, la commission spéciale émet un avis favorable sur l’amendement n° 860 rectifié bis, dans une perspective de promotion de l’intermodalité.
Mme Annie David. On rend tout de même la loi un peu bavarde !
Mme Dominique Estrosi Sassone, corapporteur. Enfin, monsieur le ministre, je vous prie de m’excuser, mais je ne comprends pas comment on « intègre » des objets physiques, à savoir les gares routières, dans des schémas régionaux, qui sont immatériels… (Sourires.)
Au-delà de cette maladresse rédactionnelle, je rappelle qu’il est déjà prévu que les schémas régionaux de l’intermodalité définissent « les principes guidant l’articulation entre les différents modes de déplacement, notamment en ce qui concerne la mise en place de pôles d’échange ».
Par conséquent, la commission spéciale émet un avis défavorable sur l’amendement n° 1538.
Mme la présidente. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. Emmanuel Macron, ministre. Sur l’amendement n° 430, le Gouvernement s’en remet à la sagesse du Sénat. Je n’en approuve pas en totalité le dispositif, en particulier ce qui est prévu en matière d’intégration des gares routières dans les schémas régionaux de l’intermodalité. Ce point vous rend d’ailleurs passible, monsieur Desessard, du reproche qui vient de m’être adressé… (Sourires.) Votre amendement est en outre un peu prescriptif, mais, dans l’ensemble, j’y retrouve beaucoup de dispositions auxquelles je suis favorable.
Le Gouvernement émet un avis défavorable sur l’amendement n° 1041, qui tend à supprimer la possibilité de prendre en compte, au travers de l’ordonnance, les gares routières privées. Cela irait à l’encontre de l’objectif visé par le biais de l’article.
Enfin, concernant l’amendement n° 860 rectifié bis, celui du Gouvernement me semble mieux répondre aux préoccupations exprimées par Mme Keller.
Peut-être faudrait-il tenter une médiation entre les services légistiques de l’Assemblée nationale et ceux du Sénat, leurs avis sur la robustesse juridique du dispositif gouvernemental semblant diverger… En tout état de cause, celui-ci avait passé les fourches caudines des services de l’Assemblée nationale. Quoi qu’il en soit, intégrer les gares routières, considérées en tant qu’entités juridiques et non en tant qu’objets physiques, dans les schémas régionaux de l’intermodalité est la plus sûre manière d’atteindre les objectifs que vous visez, madame Keller.
Mme la présidente. La parole est à M. Patrick Abate, pour explication de vote sur l'amendement n° 1041.
M. Patrick Abate. Je note une contradiction : on ne peut pas, d’un côté, afficher l’ambition de développer le transport par autocar, au profit notamment des personnes de condition modeste, et, de l’autre, se satisfaire de l’absence de conventionnement. Dans un souci de cohérence, il convient de prévoir que les gares routières doivent relever de la responsabilité publique.
Mme la présidente. La parole est à M. René-Paul Savary, pour explication de vote sur l'amendement n° 860 rectifié bis.
M. René-Paul Savary. Je soutiens cet amendement, qui vise à répondre aux difficultés que l’on rencontre sur le terrain.
Monsieur le ministre, je ne suis pas sûr que votre texte permettra de régler tous les problèmes, mais il va véritablement dans le bon sens.
À Reims, une station de tramway a été construite à 200 mètres de la gare TGV de Bezannes. Cependant, dans un souci esthétique, celle-ci a été édifiée en hauteur : 200 mètres, ce n’est pas une distance infranchissable, mais, quand le terrain est en pente, cela change complètement la donne…
En matière de développement du transport par autocar, il ne faut surtout pas faire entrer les cars dans les villes ! Les voyageurs doivent être déposés à l’entrée de celles-ci, d’où l’importance d’assurer l’interconnexion avec le tramway.
Par ailleurs, le projet de loi NOTRe prévoit de confier la compétence en matière de transports à la région. Or, dans certains cas, le schéma régional de l’intermodalité sera élaboré très loin de la réalité du terrain. Ainsi, c’est à Strasbourg que seront prises les décisions concernant les transports de personnes dans la Marne…
En outre, si j’ai bien compris le dispositif de la loi NOTRe, que nous allons encore essayer de corriger, les transports scolaires seront gérés par la région. Là aussi, il n’est pas forcément nécessaire que les cars scolaires en provenance des territoires ruraux entrent dans les villes.
La situation est complexe. Je ne suis pas sûr que le dispositif du projet de loi l’améliore, mais, grâce à l’amendement de Mme Keller, nous entrons dans le vif du sujet. Cela devrait aider le Gouvernement à rédiger l’ordonnance, en vue d’une déclinaison territoriale.
Mme la présidente. La parole est à M. Jacques Bigot, pour explication de vote.
M. Jacques Bigot. J’avoue ne pas très bien comprendre pour quel motif on oppose l’amendement de Mme Keller à celui du Gouvernement.
Je suis favorable à l’amendement n° 860 rectifié bis, car il faut travailler sur l’intermodalité et favoriser, dans les pôles urbains, le rapprochement entre les différents moyens de transport locaux, nationaux et internationaux.
Cela étant, dans toutes les régions, des gares TGV sont situées en dehors des pôles urbains, auxquels ils sont souvent reliés par des trains régionaux.
Les transports routiers par car dont il est question ici s’effectuent sur des distances longues ou moyennes, et non sur de courtes distances. Il n’est pas exclu que les transporteurs par car proposent d’organiser le dépôt des voyageurs à proximité de ces gares TGV situées à l’extérieur des pôles urbains. Ils rejoindront ensuite ceux-ci par TER.
Tout cela me semble cohérent, c’est pourquoi je ne comprends pas que l’on oppose ces deux amendements. Pour ma part, je voterai l’un et l’autre.
Mme la présidente. Je mets aux voix l'article 4, modifié.
(L'article 4 est adopté.)
(M. Jean-Pierre Caffet remplace Mme Isabelle Debré au fauteuil de la présidence.)
PRÉSIDENCE DE M. Jean-Pierre Caffet
vice-président
Article 4 bis
(Supprimé)
M. le président. L'amendement n° 431, présenté par M. Desessard et les membres du groupe écologiste, est ainsi libellé :
Rétablir cet article dans la rédaction suivante :
Les tarifs des abonnements des péages autoroutiers peuvent être différenciés afin de favoriser les véhicules les plus sobres et les moins polluants, ainsi que ceux identifiés comme étant utilisés de manière régulière en covoiturage ou par au moins trois personnes. Cette différenciation est mise en œuvre sans justifier de modifications du rythme précis d’inflation des tarifs et sans augmentation de la durée des concessions autoroutières. Les modalités de cette transformation et les conditions d’éligibilité à celle-ci sont précisées par décret en Conseil d’État.
La parole est à M. Jean Desessard.
M. Jean Desessard. Il s’agit, par cet amendement, de rétablir un article qui avait été inséré dans le texte par l’Assemblée nationale, mais qui a été supprimé par la commission spéciale.
Cet amendement tend à poser le principe d’une tarification différenciée des abonnements autoroutiers de manière à favoriser les véhicules sobres et ceux qui sont utilisés pour le covoiturage.
Madame la corapporteur, vous avez préconisé la suppression de l’article 4 bis au motif que cette question a déjà été abordée dans le projet de loi relatif à la transition énergétique pour la croissance verte. Certes, l’article 9 bis de ce dernier texte, qui a été inséré par le Sénat sur proposition de notre collègue Ronan Dantec, prévoit qu’une tarification réduite peut être appliquée aux véhicules sobres, mais elle ne pourra l’être que lors du renouvellement du contrat.
L’amendement n° 431 porte spécifiquement sur les abonnements. Il vise à étendre la tarification différenciée aux véhicules utilisés pour le covoiturage, sans qu’il soit fait référence au renouvellement du contrat.
Cet amendement est donc à la fois différent et complémentaire du dispositif qui a été adopté au Sénat dans le projet de loi relatif à la transition énergétique.
M. le président. Quel est l’avis de la commission ?
Mme Dominique Estrosi Sassone, corapporteur. La commission émet un avis défavorable sur cet amendement, car elle souhaite qu’il y ait une certaine cohérence entre les textes et que l’on ne multiplie pas les dispositifs répondant au même objectif dans des textes différents.
En l’occurrence, cher collègue, la proposition que vous faites figurant déjà dans le projet de loi relatif à la transition énergétique, nous avons décidé de supprimer l’article 4 bis.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. le président. La parole est à M. Jean-Pierre Bosino, pour explication de vote.
M. Jean-Pierre Bosino. Au risque de ne pas faire plaisir à M. Desessard, nous ne pouvons pas soutenir cet amendement.
Certes, la volonté de favoriser le covoiturage et les voitures propres est louable. Nous avons longuement débattu de cette question lors de l’examen de la loi relative à la transition énergétique. Toutefois, la tarification différenciée sur les autoroutes pour les véhicules nous semble être une véritable usine à gaz.
Par ailleurs, nous considérons qu’elle introduit une injustice, car les voitures propres sont évidemment les plus récentes. Or une partie de la population de notre pays – les salariés, les personnes privées d’emploi, qui sont dans des situations sociales difficiles – ne peut malheureusement pas changer de véhicule au profit d’un véhicule propre. Ces personnes seraient donc pénalisées par le dispositif proposé.
En réalité, ce dont nos concitoyens ont besoin – et ce n’est pas nouveau –, c’est d’une véritable baisse des tarifs des autoroutes, lesquels sont évidemment beaucoup trop élevés. Nous reviendrons certainement sur cette question.
Le groupe CRC a mené un certain nombre d’actions afin de réduire ces tarifs, qui constituent une véritable ponction sur le pouvoir d’achat des salariés.
Ce dont nos concitoyens ont également besoin, c’est d’un retour dans le giron public des sociétés d’autoroutes. Ce retour serait préférable au prolongement des concessions, quelles qu’en soient les conditions.
Telles sont les raisons pour lesquelles nous ne voterons pas cet amendement.
M. le président. La parole est à M. René-Paul Savary, pour explication de vote.
M. René-Paul Savary. Je ne soutiendrai pas non plus cet amendement, car il n’est pas en cohérence avec les pratiques.
Ainsi, le télépéage ne permet pas de compter les passagers des véhicules. En revanche, il est un moyen de lutter contre la pollution de la planète, car les véhicules munis du badge n’ont pas à s’arrêter puis à redémarrer. Si vous obligez les véhicules à s’arrêter pour en compter les passagers avant de leur faire régler la note en fonction de leur nombre, vous allez provoquer de l’attente, réduire la fluidité du trafic et générer une pollution supplémentaire.
Pour ma part, il me paraîtrait plus intéressant de faire en sorte que les sociétés autoroutières construisent plus de parkings aux abords des péages et à certaines entrées « stratégiques », afin d’encourager le covoiturage. Les parkings qui existent sont en effet de plus en plus encombrés. Une telle mesure constituerait une avancée et permettrait de lutter effectivement contre la pollution.
M. le président. En conséquence, l’article 4 bis demeure supprimé.
Article additionnel après l’article 4 bis
M. le président. L'amendement n° 1353, présenté par Mmes Assassi, Didier et les membres du groupe communiste républicain et citoyen, est ainsi libellé :
Après l’article 4 bis
Insérer un article additionnel ainsi rédigé :
Le Gouvernement remet au Parlement avant le 1er octobre 2015 un rapport examinant les conditions de mise en œuvre d’une nationalisation des sociétés d’autoroutes.
La parole est à Mme Laurence Cohen.
Mme Laurence Cohen. Il s’agit de demander au Gouvernement de remettre un rapport au Parlement sur les conditions de mise en œuvre d’une nationalisation des sociétés d’autoroutes.
Si elles sont encore la propriété de l’État, les autoroutes françaises sont aujourd’hui largement exploitées par des sociétés concessionnaires dont le capital est privé.
Le désengagement de l’État, acté lors de la cession des participations publiques en 2005 par MM. Thierry Breton et Dominique Perben, a été particulièrement décrié, et ce pour plusieurs raisons.
Il s’agit d’abord d’une perte considérable de recettes pour la collectivité, ces recettes allant désormais abonder le portefeuille d’actionnaires privés. En effet, la cession des sociétés d’autoroutes à un prix jugé bien en deçà de leur valeur réelle prive l’Agence de financement des infrastructures de transports de France, l’AFITF, de 1 milliard à 2 milliards d’euros par an, sans compensation d’un montant équivalent pour l’Agence.
La privatisation des sociétés d’autoroutes représente également une perte très nette de la maîtrise publique sur l’aménagement du territoire, sur le maillage territorial et sur le développement du droit à la mobilité.
Nous formulons, à travers cet amendement, une demande de bon sens. À l’heure actuelle, nous ne disposons en effet d’aucun document chiffré et détaillé sur les moyens de faire revenir dans le giron public ce qui est, en fin de compte, notre patrimoine national.
Le groupe de travail constitué par Manuel Valls il y a quelques mois ne pouvait pas produire un résultat satisfaisant. Comme l’a dénoncé ma collègue Evelyne Didier, « le but était d’amener les parlementaires à approuver des décisions déjà préparées par le Gouvernement ».
De notre point de vue, la privatisation des autoroutes a été une erreur. Cela a d’ailleurs été démontré il y a déjà plusieurs années. À cet égard, je vous invite à relire la conclusion sans appel du rapport d’une mission d’information sénatoriale intitulé « Infrastructures de transport : remettre la France sur la bonne voie » et publié 6 février 2008.
L’heure n’est plus à l’hésitation et à la spéculation en la matière. Il faut à présent agir, mais pas dans le sens de plus de privatisation et de plus de dérégulation. Il faut étudier et créer les conditions d’une renationalisation des autoroutes.
Tel est l’objet de cet amendement.
M. le président. Quel est l’avis de la commission ?
Mme Dominique Estrosi Sassone, corapporteur. La commission spéciale émet un avis défavorable sur cet amendement, car il tend à demander un rapport.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. Emmanuel Macron, ministre. J’émets un avis défavorable sur cet amendement.
Permettez-moi de saisir l’occasion qui m’est offerte pour répondre à la question posée ce matin par Mme Didier, ainsi qu’à vos propos, madame Cohen, et pour apporter au Sénat quelques précisions sur l’accord qui a été conclu cet après-midi avec les sociétés concessionnaires d’autoroutes.
Plusieurs rapports sur la cession des sociétés d’autoroutes ont été faits par la Haute Assemblée et par l’Assemblée nationale avant qu’un groupe de travail bipartisan soit constitué par le Premier ministre sur ce sujet. Les différents scénarios possibles – renationalisation, renégociation, etc. – ont été étudiés.
Ces travaux ont été éclairés à la fois par l’Autorité de la concurrence et par la Cour des comptes, lesquelles ont pointé les excédents de rentabilité ou le fait que la rentabilité financière de certains projets était supérieure à celle qui avait été initialement envisagée.
Nous avons eu l’occasion, mesdames, messieurs les sénateurs, de discuter de ces questions lors d’un débat spécifique récemment organisé ici. Je vous avais alors fait part de la position du Gouvernement.
Quand on considère le coût de l’indemnisation des sociétés concessionnaires d’autoroutes et le coût potentiel d’une renationalisation, on parvient à un montant qui, selon les analyses, est compris entre 40 milliards et 45 milliards d’euros.
En tout état de cause, il y a l’indemnisation due en cas de rupture de contrat passé : en effet, qu’on le veuille ou non, l’État s’est engagé vis-à-vis des concessionnaires des sociétés d’autoroutes, au moment des privatisations, sur certaines conditions. On ne peut pas revenir sur la parole de l’État ; sinon la notion même de concession serait vouée à disparaître !
C’est ce qui nous a conduits à écarter la renationalisation, mais également la résiliation, car il est clair que, si l’on veut bien regarder les choses de manière pragmatique, la résiliation conduit à la renationalisation.
Aujourd’hui, tous les acteurs du secteur figurent parmi les concessionnaires. Dès lors, si nous choisissions la résiliation en espérant conclure demain des contrats plus favorables à la collectivité publique, qui se présenterait ? À coup sûr, pas les sociétés dont on aurait résilié les contrats de manière unilatérale ! Nous devrions alors discuter avec des sociétés plus « exotiques » – chinoises, canadiennes… –, lesquelles négocieraient des règles de profitabilité qui nous reconduiraient dans les mêmes eaux.
Il faut donc le dire : la résiliation, c’est la renationalisation. Or, je l’ai indiqué, celle-ci aurait un coût important, impliquant donc une dépense qui, compte tenu de l’état actuel de nos finances publiques, ne nous est pas apparue souhaitable.
Il fallait donc procéder à la fois à une meilleure régulation des contrats de concession et à une renégociation des contrats en cours. C’est ce double travail qui a été conduit durant les dernières semaines, à la lumière des travaux parlementaires que j’ai mentionnés et que je tiens à saluer.
Le texte qui vous est aujourd'hui soumis, et qui peut être enrichi, prévoit précisément une meilleure régulation. Il définit ainsi les compétences d’une autorité indépendante, l’ARAFER, chargée d’étudier les conditions tarifaires de passation des marchés publics. Cette autorité aura en tout cas une approche globale de l’équilibre économique des contrats de concession.
Il faut bien le reconnaître, nous avons collectivement échoué, au cours des dix dernières années, à bien réguler ces contrats de concession, car nous avons appliqué, parfois de manière mécanique, des formules de prix. Surtout, nous n’avons pas pu considérer l’intégralité de l’équilibre économique de ces contrats.
Lorsque le « paquet vert » autoroutier, qui était d’ailleurs une bonne idée, a été lancé, nous avons été dans l’incapacité de mesurer la réalité des travaux réalisés. Or les sociétés concessionnaires ont, la plupart du temps, fait des travaux qu’elles auraient de toute façon effectués indépendamment de ce plan de relance. Elles ont ainsi construit les télépéages ; elles n’avaient pas besoin de nous pour le faire !
Nous n’avons donc contrôlé ni les équilibres économiques de ces travaux, ni les règles de passation de marchés, ni l’ouverture de ceux-ci à de plus petites sociétés ou à des sociétés non captives.
L’autorité de régulation que nous sommes en train de créer permettra de pallier les insuffisances passées en termes de régulation et de garantir, de manière dynamique, un équilibre plus sûr de ces contrats.
La renégociation a permis, pour les contrats en cours, de définir une clause de partage des profits. Si les profits des sociétés d’autoroutes venaient à augmenter beaucoup plus rapidement que ce qui a été envisagé lors de la privatisation – la référence est bien la date de la privatisation –, soit de plus de 30 %, la durée de concession serait raccourcie, ce qui n’était pas prévu jusqu’alors. En effet, pour les contrats en fin de vie, on observe des surprofits par rapport à ce qui avait initialement été envisagé, de l’ordre de 20 % à 40 %.
La clause de partage des profits permettra une régulation.
Par ailleurs, compte tenu de la situation, et grâce à la pression collective qui a été exercée, une contribution volontaire des sociétés concessionnaires d’autoroutes au financement des infrastructures publiques sera instaurée. Les sociétés concessionnaires devront verser, pendant la durée des contrats de concession, l’équivalent de 1 milliard d’euros à l’AFITF, en plus du versement immédiat de 200 millions d’euros au fonds d’infrastructures géré par la Caisse des dépôts et consignations, ces deux entités ayant vocation à financer nos infrastructures de transport..
Dans le même temps, le Gouvernement s’est engagé sur la stabilité du cadre fiscal spécifique des sociétés autoroutières. Il ne créera pas de redevances ou d’impositions spécifiques durant cette période. Ces sociétés ne connaîtront que les baisses ou les hausses d’impôts de toutes les sociétés.
S’agissant des tarifs, la demande de gel pour 2015 a été actée, et les mesures sur les tarifs ciblés ont fait l’objet d’un engagement de la part des sociétés concessionnaires, qui ont proposé des mesures commerciales ou des mesures d’encouragement ciblées sur certains types de trafic : véhicules hybrides, covoiturage ou – oserai-je le dire ? – autocars.
Cet accord a également permis, dans le cadre précis de ce qui avait été négocié avec la Commission européenne, d’acter le plan de relance autoroutier, qui représente 3,2 milliards d’euros d’investissements. Ces investissements seront donc consentis par les sociétés concessionnaires en échange d’un allongement moyen de deux années des concessions. Ce plan, qui fait l’objet de l’accord entre le Gouvernement et ces sociétés, permettra, dans les tout prochains mois, de commencer des travaux dont 80 % seront réalisés au cours des trois prochaines années.
C'est là un élément important de la relance de l’investissement public. Dans le contexte économique que nous connaissons, prendre cette décision s'imposait, notamment au regard de la crise qui sévit aujourd'hui dans le secteur des travaux publics. (Mme Nicole Bricq acquiesce.)
Concernant ce plan de relance, j’indique enfin que l’accord prévoit explicitement que 75 % de l’activité sera ouverte aux PME et aux TPE non captives des sociétés concessionnaires d’autoroutes. C'est la première fois que, dans un tel plan, figure ce type de condition, qui constitue une règle à la fois de transparence, d’ouverture et de bon fonctionnement économique.
Voilà les éléments que je voulais porter à la connaissance de la Haute Assemblée après les questions qui ont été posées ce matin – et je sais, madame Évelyne Didier, le rôle que vous avez joué dans le groupe de travail sur les sociétés concessionnaires d'autoroutes – ainsi qu’au regard de l'amendement tendant à la production d’un rapport sur la nationalisation des sociétés d’autoroute, sur lequel j’émets naturellement un avis défavorable.
M. le président. La parole est à M. Roger Karoutchi, pour explication de vote.
M. Roger Karoutchi. Évidemment, je ne soutiendrai pas l'amendement présenté par le groupe CRC. Je souhaite simplement obtenir une ou deux précisions de M. le ministre.
D'abord, je trouve que l’accord qui a été obtenu est plutôt…
Mme Nicole Bricq. Il est bien, cet accord !
M. Roger Karoutchi. … bienvenu.
Quoi qu’il en soit, monsieur le ministre, vous parlez d’un milliard d’euros « volontaire » que les sociétés vont verser à l’AFITF. Ce milliard est-il inclus dans le plan de 3,2 milliards d’euros, ou vient-il s'y ajouter ?
Par ailleurs, le gel des tarifs autoroutiers en 2015 sera-t-il reconductible en 2016, ou bien l’accord se limite-t-il à cette année ?
M. le président. La parole est à Mme Évelyne Didier, pour explication de vote.
Mme Évelyne Didier. Monsieur le ministre, je vous remercie de ces explications, que nous avions au demeurant l’intention de vous demander.
Comme M. Karoutchi, je voudrais savoir si le montant de 1,2 milliard d’euros vient s'ajouter aux 3,2 milliards d’euros, ou s'il est inclus dans cette somme.
Nous savons bien que le contrat, tel qu’il existe, est bloqué, que personne ne peut y toucher et que la règle tarifaire s'applique de fait.
Vous parlez du gel des tarifs en 2015. Or ces contrats sont tellement bien ficelés que tout ce qui est demandé en plus nécessite obligatoirement une compensation de la part de l’État. Quelle est cette compensation, monsieur le ministre ?
On compense soit en autorisant un supplément d’augmentation des tarifs, soit en allongeant les concessions. Vous avez indiqué que les concessions seraient rallongées de deux années. Elles constitueront, en quelque sorte, les plus belles années ! En effet, une grande partie de la dette va être remboursée, et c'est maintenant que la rentabilité devient la plus forte. Deux ans de cadeau, je vous assure, ce n’est pas rien ! J’aimerais que vous nous apportiez des précisions sur ce point.
Par ailleurs, vous dites que 75 % des contrats de travaux seront attribués à des entreprises non captives, c'est-à-dire, en gros, à des entreprises ne faisant pas partie du groupe. Mais les sociétés en question sont très fortes pour jouer à « Je te tiens, tu me tiens par la barbichette ». Si une société ne peut pas donner ses travaux à ses filiales, elle les donnera à une filiale de la société d’en face, qui lui rendra la politesse. Il reste de nombreuses manières de s'arranger pour que les travaux soient attribués aux filiales de sociétés amies...
Aujourd'hui, au sein de la fédération du BTP, les entreprises qui ne sont pas dans la mouvance des sociétés historiquement concernées considèrent que la concurrence n’est pas libre et qu’elle est faussée.
Ou bien l’on est dans le système libéral et l’on en accepte toutes les contraintes, ou bien l’on se trouve dans un système monopoliste d’État – si vous me permettez cette expression – et d’autres règles du jeu s'appliquent alors. Mais on ne peut pas jouer sur tous les tableaux ! Nous attendons donc de nombreuses précisions sur ces questions, monsieur le ministre, de même que nous attendons beaucoup de la suite de nos travaux, sachant que, dans cette affaire, nos possibilités de contrôle resteront limitées.
M. le président. La parole est à Mme Dominique Estrosi Sassone, corapporteur.
Mme Dominique Estrosi Sassone, corapporteur. Monsieur le ministre, nous sommes évidemment heureux de connaître le contenu de l’accord passé entre le Gouvernement et les sociétés concessionnaires d’autoroutes. En effet, nous étions un peu inquiets et nous craignions vraiment que cet accord ne devienne une Arlésienne ; nous le pensions encore hier, compte tenu des différents rebondissements qu’a connus ce dossier... (M. le ministre acquiesce.)
M. le président. La parole est à M. Jean-Jacques Filleul, pour explication de vote.
M. Jean-Jacques Filleul. Je tiens à féliciter les ministres qui ont négocié cet accord, qui était difficile. On peut régler tous les comptes que l’on veut, mais il a bien fallu, à partir de deux conventions signées dans une période antérieure – je n’ai pas besoin d’être plus précis… – et dont les clauses sont extrêmement cadrées, trouver des portes de sortie permettant de négocier quelque chose d’audible par le public et les élus.
Je crois que cet accord convient complètement au groupe de travail auquel nous avons participé, groupe qui s'est très fréquemment réuni et a formulé des propositions. Pour ma part, je suis satisfait que ses principales propositions aient été prises en compte dans une négociation dont je mesure combien elle a dû être complexe.
Le plan de relance, qui faisait partie des propositions du groupe de travail, a été repris – le ministre l’a rappelé à l’instant –, avec 3,2 milliards d’euros de travaux. Les sociétés autoroutières et les sociétés de travaux publics attendent évidemment le déblocage de ces fonds, ainsi que les contributions publiques – à l’AFITF, en particulier – qui participeront à l’investissement autoroutier et ferroviaire.
Oui, selon moi, ce sont de bonnes nouvelles qui nous arrivent cet après-midi.
Je crois que l’opinion retiendra que la promesse du gel des tarifs pour 2015, que nous avions d'ailleurs demandé dans le groupe de travail, a été tenue. Il est toujours agréable d’entendre que des promesses faites devant l’opinion sont tenues ; elle en saura gré au Gouvernement, j’en suis certain ! (Mme Éliane Assassi s'esclaffe.)
M. le président. La parole est à M. le ministre.
M. Emmanuel Macron, ministre. Je vais m'attacher à répondre aux questions qui m'ont été posées.
Monsieur Karoutchi, le montant de 1,2 milliard d’euros que j’ai évoqué – montant qui se décompose en un milliard de contributions volontaires à l’AFITF et 200 millions destinés au fonds d'infrastructures que j’ai évoqué – vient en plus des 3,2 milliards.
Si l’on porte un regard objectif, on constate un gel tarifaire limité à 2015, sans reconduction les années suivantes. Mais, comme Mme Évelyne Didier l’a très bien dit, avec les contrats tels qu’ils sont rédigés aujourd'hui, toute mesure publique – y compris fiscale – entraîne des répercussions. Normalement, la compensation de la redevance domaniale au titre de 2015, 2016 et 2017 aurait dû, en termes tarifaires, entraîner une augmentation supplémentaire de 0,5 % par an. Les sociétés concessionnaires d’autoroutes ont accepté, contre un report d’un an de la compensation sur la redevance domaniale, d’accorder un gel tarifaire en 2015. Ensuite, en 2016, on reprendra la formule incluant la compensation de la redevance domaniale qui était initialement prévue en 2015.
Quant au plan de relance de 3,2 milliards d’euros, il a fait l’objet d’une négociation transparente, en prenant en compte les conditions d’actualisation. Vous avez tout à fait raison, madame Didier : plus on approche de la fin d’une concession, plus la rentabilité annuelle est importante, puisque les investissements sont anciens. Mais ce phénomène, parfaitement connu, est pris en compte au moment de calculer les travaux.
Ces 3,2 milliards d’euros ont donc pour « effet collatéral », si je puis dire, les deux années d’allongement des concessions. Cette somme n’est pas un « cadeau » que nous feraient les sociétés concessionnaires d’autoroutes, c'est le fruit d’une négociation, d’un troc en quelque sorte – allongement de concession contre plan de relance à court terme –, qui est bon à la fois pour l’activité et pour les finances publiques, et qui est donc pertinent.
Le troisième élément, c'est le montant de 1,2 milliard d’euros supplémentaires, dont un milliard est destiné à l’AFITF et 200 millions au fonds d'infrastructures. Cette contribution volontaire constitue la concession – de nature monétaire – faite par les sociétés d’autoroutes au Gouvernement : c’est la véritable avancée par rapport à la situation existante. Ce montant ne fait en effet l’objet d’aucune compensation dans le cadre des contrats actuels, et représente ainsi l’effort fourni par les sociétés concessionnaires d’autoroutes pour remettre à plat l’équation financière qui les lie aux pouvoirs publics.
Enfin, madame Didier, vous avez évoqué à juste titre, au-delà des règles d’ouverture de ces marchés publics, la nécessité de s'assurer que les groupes considérés ne procèdent pas entre eux à des échanges leur permettant de biaiser ces règles, à travers des contrats susceptibles de lier des PME extérieures aux entreprises captives des sociétés concessionnaires d’autoroutes.
Sur ce point, je vous renvoie au dispositif – on peut encore l’améliorer s'il ne vous paraît pas suffisant – prévu à l’article 5 du projet de loi. Il est précisément destiné à empêcher la configuration que vous redoutez. En effet, c'est parce qu’est apparu un manque de transparence dans les mécanismes de passation des marchés publics – avec parfois des entraides et des échanges – que nous avons abaissé les seuils de transparence et renforcé les pouvoirs de régulation. Tout au long des sections qui le composent, l’article 5 détaille le mécanisme qui permettra d’empêcher les comportements que vous avez dénoncés.
On a donc posé une règle dans le contrat, dans les engagements du plan de relance, et l’on se donne, au travers de ce texte de loi, les moyens de vérifier qu’elle est respectée.
M. le président. La parole est à M. Jean Desessard, pour explication de vote.
M. Jean Desessard. Je voterai l'amendement proposé par le groupe CRC (M. Roger Karoutchi s'exclame.), car on voit bien que notre débat conduit à s'interroger sur l’avenir.
M. le ministre a donné beaucoup de réponses, et nous lui en savons gré, mais certaines questions demeurent : qu’il s'agisse des compensations financières ou du plan de relance, par exemple, certains des éléments qui nous ont été communiqués méritent d'être mieux compris.
M. le président. La parole est à M. le président de la commission spéciale.
M. Vincent Capo-Canellas, président de la commission spéciale. Je veux d'abord remercier M. le ministre qui, comme Mme la corapporteur l’a très bien dit tout à l'heure, a répondu aux attentes qui avaient été exprimées : nous voulions savoir si un accord avait été conclu et en connaître, le cas échéant, les grandes lignes.
Cela dit, les commentaires des uns et des autres sont formulés sous bénéfice d’inventaire. Monsieur le ministre, nous vous savons gré de votre communication, nous en prenons acte, mais il nous reste à examiner dans le détail l’ensemble des propositions qui ont été faites et l’accord qui a été annoncé. À cet égard, je pense que les commissions compétentes du Sénat comme celles de l’Assemblée nationale devront vous entendre plus complètement.
Quoi qu’il en soit, le cadre où nous nous trouvons n’est pas celui d’une approbation d’un accord impliquant le Gouvernement : ce n’est pas le sujet inscrit à l'ordre du jour. Nous y reviendrons et, pour l’heure, je voulais tempérer l’enthousiasme de certains, de telle sorte que nos débats ne prêtent pas à une interprétation excessivement optimiste.
Ce qui nous intéresse, maintenant, c'est de revenir à l'ordre du jour, c'est-à-dire au texte en discussion et aux amendements. Chacun connaît mon souci de l’horloge : plus tôt nous y reviendrons, plus nous ferons avancer nos travaux ! (Sourires.)
M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 1353.
J'ai été saisi d'une demande de scrutin public émanant du groupe CRC.
Je rappelle que l'avis de la commission est défavorable, de même que celui du Gouvernement.
Il va être procédé au scrutin dans les conditions fixées par l'article 56 du règlement.
Le scrutin est ouvert.
(Le scrutin a lieu.)
M. le président. Personne ne demande plus à voter ?…
Le scrutin est clos.
J'invite Mmes et MM. les secrétaires à procéder au dépouillement du scrutin.
(Il est procédé au dépouillement du scrutin.)
M. le président. Voici, compte tenu de l’ensemble des délégations de vote accordées par les sénateurs aux groupes politiques et notifiées à la présidence, le résultat du scrutin n° 127 :
Nombre de votants | 338 |
Nombre de suffrages exprimés | 338 |
Pour l’adoption | 30 |
Contre | 308 |
Le Sénat n'a pas adopté.
Article 5
Le chapitre II du titre II du code de la voirie routière est complété par des sections 3 à 5 ainsi rédigées :
« Section 3
« Régulation des tarifs de péage
« Art. L. 122-7. – L’Autorité de régulation des activités ferroviaires et routières mentionnée à l’article L. 2131-1 du code des transports veille au bon fonctionnement du régime des tarifs de péage autoroutier.
« Art. L. 122-8. – L’Autorité de régulation des activités ferroviaires et routières est consultée sur les projets de modification de la convention de délégation, du cahier des charges annexé ou de tout autre contrat lorsqu’ils ont une incidence sur les tarifs de péage ou sur la durée de la convention de délégation. Elle est aussi consultée sur tout nouveau projet de délégation. Elle vérifie notamment le respect des dispositions de l’article L. 122-4. Elle se prononce dans un délai de trois mois à compter de sa saisine.
« Ces différents documents, ainsi que l’avis de l’Autorité de régulation des activités ferroviaires et routières, sont transmis au Parlement avant leur conclusion, après avis du Conseil d’État lorsqu’il est requis.
« Art. L. 122-8-1. – L’Autorité de régulation des activités ferroviaires et routières établit, au moins une fois tous les cinq ans, un rapport public portant sur l’économie générale des conventions de délégation.
« Art. L. 122-8-2. – (Supprimé)
« Art. L. 122-8-3. – (Supprimé)
« Art. L. 122-9. – Les modalités d’application de la présente section sont précisées par décret en Conseil d’État, pris après avis de l’Autorité de régulation des activités ferroviaires et routières.
« Section 4
« Régulation des marchés de travaux, fournitures et services du réseau autoroutier concédé
« Art. L. 122-10. – Par dérogation au 3° du II de l’article 12 de l’ordonnance n° 2009-864 du 15 juillet 2009 relative aux contrats de concession de travaux publics, tout marché de travaux, fournitures ou services passé par un concessionnaire d’autoroute pour les besoins de la concession est régi par la présente section, à l’exception des marchés :
« 1° Régis par le code des marchés publics ou l’ordonnance n° 2005-649 du 6 juin 2005 relative aux marchés passés par certaines personnes publiques ou privées non soumises au code des marchés publics ;
« 2° Conclus avant la date de mise en service complète des ouvrages ou aménagements prévus au cahier des charges initial de la délégation ;
« 3° Ou mentionnés à l’article 7 de l’ordonnance n° 2005-649 du 6 juin 2005 précitée.
« Art. L. 122-11. – L’Autorité de régulation des activités ferroviaires et routières veille à l’exercice d’une concurrence effective et loyale lors de la passation des marchés définis à l’article L. 122-10.
« Art. L. 122-12. – L’article 8 de l’ordonnance n° 2005-649 du 6 juin 2005 précitée est applicable aux marchés régis par la présente section.
« Art. L. 122-13. – Pour les marchés de travaux, fournitures ou services, le concessionnaire d’autoroute procède à une publicité permettant la présentation de plusieurs offres concurrentes, dans des conditions et sous réserve des exceptions définies par voie réglementaire. Il informe l’Autorité de régulation des activités ferroviaires et routières préalablement à l’attribution de ces marchés.
« Art. L. 122-13-1. – Pour toute concession d’autoroute dont la longueur du réseau concédé excède un seuil défini par voie réglementaire, le concessionnaire institue une commission des marchés, composée en majorité de personnalités indépendantes et n’ayant aucun lien direct ou indirect avec les soumissionnaires. Elle inclut au moins un représentant de la direction générale de la concurrence, de la consommation et de la répression des fraudes.
« La commission des marchés est chargée de définir les règles internes pour la passation et l’exécution des marchés de travaux, fournitures et services et de veiller au respect des procédures de passation et d’exécution de ces marchés en application de la présente section. Ces règles, ainsi que la composition de la commission des marchés, sont soumises pour avis conforme à l’Autorité de régulation des activités ferroviaires et routières.
« L’attribution des marchés mentionnés à l’article L. 122-10 et n’entrant pas dans le champ des réserves mentionnées à l’article L. 122-13 est soumise à l’avis préalable de la commission des marchés. La commission des marchés transmet cet avis à l’Autorité de régulation des activités ferroviaires et routières et l’informe de tout manquement qu’elle constate, dans des délais permettant à l’autorité d’engager le recours mentionné à l’article L. 122-16. Le concessionnaire ne peut refuser de suivre l’avis de la commission des marchés que par une décision de son conseil d’administration ou de son conseil de surveillance, soumise à l’ensemble des conditions définies par le code de commerce pour les conventions réglementées.
« La commission des marchés est informée des avenants aux marchés mentionnés au troisième alinéa du présent article. Le concessionnaire communique à la commission des marchés la liste des entreprises avec lesquelles il conclut des marchés entrant dans le champ des réserves mentionnées à l’article L. 122-13.
« Art. L. 122-14. – Les procédures de passation des marchés définis à l’article L. 122-10 sont celles prévues aux articles 11 et 12 de l’ordonnance n° 2005-649 du 6 juin 2005 précitée.
« Art. L. 122-15. – Les conditions dans lesquelles le concessionnaire d’autoroute, à l’issue de la procédure de passation, rend public et fait connaître son choix aux candidats dont l’offre n’a pas été retenue et les conditions dans lesquelles l’exécution du marché peut commencer sont précisées par voie réglementaire.
« Art. L. 122-16. – En cas de manquement aux obligations de publicité et de mise en concurrence auxquelles est soumise la passation des marchés de travaux, fournitures ou services définis à l’article L. 122-10, il est fait application :
« 1° Pour les marchés soumis aux règles du droit public, des sous-sections 1 et 3 de la section 1 et de la section 2 du chapitre Ier du titre V du livre V du code de justice administrative ;
« 2° Pour les marchés relevant du droit privé, des articles 2 à 4 et 11 à 14 de l’ordonnance n° 2009-515 du 7 mai 2009 relative aux procédures de recours applicables aux contrats de la commande publique.
« L’Autorité de régulation des activités ferroviaires et routières est habilitée à engager les recours prévus aux articles L. 551-1 et L. 551-13 du code de justice administrative ou, le cas échéant, les saisines mentionnées aux articles 2 et 11 de l’ordonnance n° 2009-515 du 7 mai 2009 précitée lorsqu’est en cause un marché défini à l’article L. 122-10.
« Art. L. 122-17. – L’Autorité de régulation des activités ferroviaires et routières établit chaque année un rapport sur les marchés définis à l’article L. 122-10 et les travaux réalisés en exécution de ces marchés.
« Art. L. 122-17-1A (nouveau). – Les modalités d’application de la présente section sont précisées par décret en Conseil d’État, pris après avis de l’Autorité de régulation des activités ferroviaires et routières.
« Section 4 bis
« Régulation des contrats régissant les installations annexes
« Art. L. 122-17-1. – Les contrats passés par le concessionnaire d’autoroute en vue de faire assurer par un tiers la construction, l’exploitation et l’entretien des installations annexes à caractère commercial situées sur le réseau autoroutier concédé sont régis par la présente section.
« Art. L. 122-17-2. – Pour la passation des contrats définis à l’article L. 122-17-1, le concessionnaire d’autoroute procède à une publicité permettant la présentation de plusieurs offres concurrentes, dans des conditions et sous réserve des exceptions définies par voie réglementaire.
« Art. L. 122-17-3. – Les procédures de passation des contrats définis à l’article L. 122-17-1 sont définies par voie réglementaire.
« Art. L. 122-17-4. – Les conditions dans lesquelles le concessionnaire d’autoroute rend public son choix et le fait connaître aux candidats dont l’offre n’a pas été retenue à l’issue de la procédure de passation et celles dans lesquelles l’exécution du contrat peut commencer sont précisées par voie réglementaire.
« Art. L. 122-17-5. – L’attributaire est agréé, préalablement à la conclusion du contrat mentionné à l’article L. 122-17-1, par l’autorité administrative, après avis de l’Autorité de régulation des activités ferroviaires et routières. Cet avis porte sur le respect des règles mentionnées aux articles L. 122-17-2 et L. 122-17-3. L’autorité de régulation se prononce dans un délai d’un mois à compter de la date de la saisine.
« Art. L. 122-17-6 (nouveau). – Les modalités d’application de la présente section sont précisées par décret en Conseil d’État, pris après avis de l’Autorité de régulation des activités ferroviaires et routières.
« Section 4 ter
« [Division et intitulé supprimés]
Art. L. 122-18. – (Supprimé)
« Section 5
« Dispositions relatives à l’Autorité de régulation des activités ferroviaires et routières
« Art. L. 122-19. – (Supprimé)
« Art. L. 122-19-1. – L’Autorité de régulation des activités ferroviaires et routières peut recueillir des données, procéder à des expertises et mener des études et toutes actions d’information nécessaires dans le secteur des autoroutes concédées. Elle peut notamment, par une décision motivée, prévoir la transmission régulière d’informations et de données par les concessionnaires d’autoroutes et par les entreprises intervenant sur le marché des travaux, fournitures et services sur le réseau autoroutier concédé.
« À cette fin, les concessionnaires d’autoroutes et les entreprises intervenant sur le marché des travaux, fournitures et services sur le réseau autoroutier concédé sont tenus de lui fournir toute information relative aux résultats financiers de la concession, aux coûts des capitaux investis sur le réseau, aux marchés de travaux, fournitures et services et aux autres services rendus à l’usager et tout élément statistique relatif à l’utilisation et à la fréquentation du réseau.
« Art. L. 122-20. – (Supprimé)
« Art. L. 122-21. – (Supprimé)
M. le président. La parole est à Mme Évelyne Didier, sur l'article.
Mme Évelyne Didier. Vous le savez, nous défendons depuis toujours la renationalisation des autoroutes : nous pensons que celles-ci devraient être gérées par l’État.
En effet, selon nous, face aux grandes entreprises, seul l’État est en mesure d’établir une règle commune s’appliquant sur tout le territoire national et seul l’État peut être garant de l’intérêt général.
Prétendre que, parce qu’elles exerceraient des missions de service public, certaines entreprises pourraient se substituer à l’État, confondre leur intérêt avec l’intérêt général, c’est à nos yeux une faute morale et politique.
Malheureusement, nous ne disposons pas aujourd’hui d’une majorité pour appliquer la solution que nous préconisons. En revanche, tous les groupes politiques semblent d’accord pour que l’État assure mieux qu’il ne l’a fait jusqu’à présent une régulation et un contrôle efficaces à tous les niveaux. C’est en tout cas ce qu’ils ont déclaré et nous verrons tout à l’heure si les membres de notre assemblée partagent tous cet état d’esprit.
La proposition sur laquelle nous aurions pu nous entendre est celle du député Jean-Paul Chanteguet : l’État aurait pu dénoncer les concessions en cours pour un motif d’intérêt général, en application des dispositions énoncées à l’article 38 de chacun des contrats de concession. Cette solution était soutenue par la société civile, ainsi que par un bon nombre de députés, dont 152 membres du groupe socialiste de l’Assemblée nationale, qui avaient adressé une lettre au Premier ministre.
Le Gouvernement en a toutefois décidé autrement. Et c’est pourquoi, monsieur le ministre, vous avez présenté les articles 1er, 5 et 6 de ce projet de loi comme une bonne solution. Mais je pense que nous ne voyons qu’une petite partie du sujet.
L’examen des amendements déposés sur l’article 5 va nous permettre de juger de votre détermination à mettre en place ce contrôle strict.
J’en viens maintenant au plan de relance du BTP. Il nous a été dit qu’on allait créer 10 000 ou 15 000 emplois.
Toutefois, il faudra d’abord tenir compte de tous les emplois qui ont été supprimés pour réaliser des gains de productivité. Ensuite, en quoi consisteront ces 15 000 emplois sur onze ans ? À des CDD de trois mois, par exemple ? Comme je vous l’ai dit déjà ce matin, monsieur le ministre, je suis très curieuse de savoir sur quoi reposent ces chiffres. En tout cas, nous allons demander aux représentants du personnel de les vérifier ; je suis sûre que la CGT est prête à faire ce décompte.
Aujourd’hui, les personnels, notamment ceux qui assurent la maintenance et la sécurité sur les autoroutes, nous expliquent qu’un plancher a été atteint en termes d’effectifs, ce qui commence à poser des problèmes de sécurité pour eux et pour les usagers.
Mais revenons à la régulation et au contrôle.
L’article 1er crée l’ARAFER. Nous avons exprimé nos craintes à ce sujet lors de l’examen de cet article. En effet, le projet de loi ne donne pas les moyens à l’ARAFER d’assurer l’existence d’un système garantissant une concurrence honnête au service de l’intérêt général. Pour l’instant, aucun financement n’est prévu pour accompagner l’extension des missions de l’ancienne ARAF. Dans ce contexte, le risque est sérieux de noyer cette autorité sous de lourdes missions, et donc de l’affaiblir.
Or, il faut quand même le dire, face à la puissance des sociétés concessionnaires d’autoroutes qui relèvent de groupes privés disposant de véritables armées d’experts juridiques, financiers et économiques, les moyens alloués au contrôle doivent être à la hauteur.
L’article 5 tend à renforcer la régulation des tarifs des péages et les règles de mise en concurrence applicables lors de la passation des marchés. Si nous pouvons trouver position commune à l’Assemblée nationale comme au Sénat, force est de constater que le Gouvernement continue à négocier avec les sociétés concessionnaires sans véritablement en référer à la représentation nationale.
Monsieur le ministre, vous avez bien voulu répondre à nos questions. Pour autant, est-ce qu’on nous a véritablement demandé notre avis ?
Certes, M. Capo-Canellas, président de la commission spéciale, vous invite à « plancher » devant les commissions compétentes des deux assemblées, mais dans le but d’informer les parlementaires et non pour recueillir leur avis. En vérité, je soupçonne que tout est déjà bouclé !
Enfin, l’article 6 pose l’obligation pour les sociétés concessionnaires et l’État d’insérer, dans les conventions de délégation, un mécanisme correcteur applicable lorsque les résultats financiers excèdent les prévisions initiales. Il impose également la mise en ligne de l’ensemble des documents contractuels liant l’État à ces sociétés. C’est bien, mais ces dispositions ne valent que pour le futur et ne changent rien l’impasse dans laquelle nous sommes engagés concernant les concessions historiques, qui ont été prolongées une nouvelle fois.
À mon avis, ce prolongement est annonciateur de concessions que j’ai qualifiées de « perpétuelles ». Le cadre retenu reste très favorable aux sociétés concessionnaires et la rémunération des actionnaires demeure prioritaire puisque, vous le savez, monsieur le ministre, ces sociétés ont contracté des emprunts dès le départ, sans même attendre que l’activité ait commencé à rapporter le moindre centime, afin de pouvoir verser immédiatement des dividendes à leurs actionnaires.
M. le président. La parole est à Mme Éliane Assassi, sur l'article.
Mme Éliane Assassi. Je serai brève puisque mon amie Évelyne Didier vient d’aborder un certain nombre de points qui nous tiennent à cœur.
Je voudrais quand même relever que le groupe travail des parlementaires, qui s’est réuni pendant plusieurs semaines, a émis plusieurs préconisations dont la plupart étaient assez intéressantes. Or tout ce travail a été enterré, et je ne reprendrai pas ici les termes employés par le rapporteur de l’Assemblée nationale, M. Chanteguet.
Aujourd’hui, avec cet article 5, le Gouvernement nous soumet une solution, présentée comme quasi miraculeuse, qui est censée permettre de mieux encadrer et de mieux contrôler les sociétés concessionnaires d’autoroutes.
En fait, si je comprends bien, ce qui nous est proposé, c’est le changement sans changement…
Mme Éliane Assassi. Ou, pis, c’est une aggravation de la situation que risque d’entraîner la multiplication des autorités compétentes en la matière, avec, notons-le au passage, la volonté de confier les responsabilités en cause à l’autorité qui est peut-être la moins armée pour faire face aux sociétés concessionnaires, sans parler d’un plan de relance qui, je suis désolée de le dire, reste bien vague.
La signature de ce plan ne devrait pas tarder, si du moins j’ai bien compris ce qui est ressorti de la réunion de cet après-midi.
À ce propos, je dois dire que suis assez sensible à la proposition de M. Capo-Canellas, mais j’aurais aimé que la commission spéciale se réunisse pour discuter des annonces que vous avez faites cet après-midi, monsieur le ministre. Car, voyez-vous, nous débattons d’un sujet important, dans le cadre de la discussion d’un texte non moins important, vous assistez à une réunion qui porte précisément sur ce sujet – et je n’ai strictement rien à redire à cela –, puis vous nous donnez des informations parce que nous les avons sollicitées ; fort bien, mais je pense que cela aurait mérité, pour le moins, une réunion de la commission spéciale.
Pour l’instant, en effet, nous sommes dans le flou intégral. Il y a d’autres sociétés qui ont remboursé des emprunts sur le long terme et cela n’a gêné personne, cela n’a suscité aucune remise en cause.
Pour en revenir à l’article 5, Évelyne Didier a exposé les raisons de fond qui nous amènent à déposer un amendement de suppression de cet article. Néanmoins, comme nous sommes des élus responsables, nous avons également déposé des amendements qui démontrent les insuffisances du dispositif que vous proposez.
M. le président. La parole est à M. Jean-François Longeot, sur l'article.
M. Jean-François Longeot. Je voudrais tout d’abord saluer l’extension des missions de l’Autorité de régulation des activités ferroviaires au secteur du transport public routier de personnes et au secteur autoroutier.
La concurrence entre les différents modes de transport terrestre impose en effet la création d’une telle autorité de régulation.
Je me félicite également des modifications apportées par les députés visant à renforcer ses pouvoirs. Dès le mois de décembre dernier, le groupe de travail de la commission du développement durable sur les concessions autoroutières, présidé par Jean-Jacques Filleul et Louis-Jean de Nicolaÿ, avait préconisé un tel renforcement.
Il est en effet absolument indispensable que la nouvelle autorité puisse accéder à toutes les données nécessaires pour procéder à l’analyse économique du secteur autoroutier. Cette nécessité procède d’un double constat : d’une part, l’État ne suit pas suffisamment ces questions financières et, d’autre part, trop d’opacité caractérise le secteur.
Les députés ont accompagné ce droit d’accès aux informations de sanctions administratives, comme c’est aujourd’hui le cas pour l’Autorité de régulation des activités ferroviaires.
S’agissant de l’avis de l’ARAFER sur les contrats signés entre l’État et les sociétés d’autoroutes, il est heureux que l’Assemblée nationale l’ait étendu aux nouveaux contrats de concession, ainsi qu’aux contrats qui allongent la durée des concessions – si toutefois ces contrats continuent à être autorisés, ce qui ne va pas de soi.
Mon collègue Hervé Maurey vous proposera d’ailleurs, par un amendement, d’aller plus loin dans ce domaine en interdisant tout allongement de la durée des concessions.
Je me réjouis également de la transmission au Parlement de l’ensemble des contrats avant leur conclusion, car la représentation nationale a été trop longtemps tenue à l’écart de ces grandes décisions, dont les répercussions financières sont pourtant considérables.
Je ne reviens pas sur le triste épisode de la privatisation des sociétés d’autoroutes, réalisée sans aucune consultation du Parlement ; cette décision a été, depuis, regrettée sur toutes les travées.
Enfin, des avancées significatives ont été adoptées pour renforcer la régulation des marchés de travaux, fournitures et services des sociétés d’autoroutes, ainsi que des contrats relatifs aux installations annexes.
L’obligation faite à chaque société d’autoroutes de disposer d’une commission des marchés a été élevée au rang législatif, ce qui la rendra impérative, y compris pour Cofiroute, tandis que l’ARAFER aura la possibilité de saisir le juge concerné de ces marchés en référé.
Celle-ci aura ainsi une force de frappe plus grande que l’actuelle commission nationale des marchés des sociétés concessionnaires d’autoroutes et d’ouvrages d’art, qui souffre d’un manque de moyens matériels, mais aussi de marges d’action trop limitées sur le plan juridique. Elle n’a pas accès à toute l’information nécessaire à un contrôle effectif des marchés et ne peut saisir la justice.
L’ajout effectué par les députés sur les contrats concernant les installations annexes complète utilement ce dispositif.
L’ensemble de ces mesures, qui renforcent les missions et les pouvoirs de l’ARAFER, étaient attendues, et je me réjouis qu’elles puissent se matérialiser quelques mois seulement après la publication de l’avis de l’Autorité de la concurrence, qui a mis en exergue un certain nombre de dysfonctionnements dans la régulation du secteur autoroutier. Il fallait y apporter une réponse concrète, sans tarder.
M. le président. La parole est à M. Pierre Médevielle, sur l'article.
M. Pierre Médevielle. Il ne sert à rien de se lamenter sur le passé : il vaut mieux aller de l’avant. Après les étincelles automnales et hivernales, après les excès en tout genre, je suis ravi que nos débats aient retrouvé leur sérénité et que le Gouvernement ait repris les négociations avec les sociétés concessionnaires.
Pour avoir été membre du groupe de travail sur les sociétés concessionnaires d’autoroutes, je puis affirmer que nous avons mené des auditions dans de bonnes conditions et effectué un travail sérieux. Toutefois, mes propres conclusions divergeaient légèrement dans la mesure où la récupération progressive par l’État des concessions ne me paraissait pas possible. Je rejoins là la position de M. le ministre.
La reprise des négociations était nécessaire. Monsieur le ministre, vous êtes parvenu à un bon accord, qui va nous permettre d’avancer. C’est une nécessité. Les amendements que nous allons examiner nous permettront peut-être, s’ils sont adoptés, de mieux encadrer les règles tarifaires qui avaient été édictées en 2005.
M. le président. L'amendement n° 1354 rectifié, présenté par Mme Assassi, M. Abate, Mme Beaufils, MM. Billout, Bocquet et Bosino, Mmes Cohen, Cukierman, David et Demessine, MM. Favier et Foucaud, Mme Gonthier-Maurin, MM. P. Laurent et Le Scouarnec, Mme Prunaud et MM. Vergès et Watrin, est ainsi libellé :
Supprimer cet article.
La parole est à Mme Annie David.
Mme Annie David. Mes collègues Évelyne Didier et Éliane Assassi s’étant largement exprimés sur l’article, je considère que cet amendement est défendu, monsieur le président.
M. le président. Quel est l’avis de la commission ?
Mme Dominique Estrosi Sassone, corapporteur. L’avis défavorable compte tenu de la position de la commission spéciale sur l’article.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. le président. L'amendement n° 1357, présenté par Mmes Assassi, Didier et les membres du groupe communiste républicain et citoyen, est ainsi libellé :
Alinéa 4
Compléter cet alinéa par un membre de phrase ainsi rédigé :
ainsi que des clauses des conventions limitant l’ampleur de la modulation des tarifs
La parole est à Mme Évelyne Didier.
Mme Évelyne Didier. Par cet amendement, nous souhaitons compléter l’alinéa 4 de l’article 5 du projet de loi afin de préciser que l’Autorité de régulation des activités ferroviaires et, désormais, routières veille au bon fonctionnement du régime des tarifs de péage autoroutier ainsi que des clauses des conventions limitant l’ampleur de la modulation tarifaire.
En effet, certaines sociétés concessionnaires d’autoroutes – SCA – ont eu recours à des procédés qui ont abouti à interpréter en leur faveur les règles tarifaires. Je pense à la pratique du foisonnement.
Comme le note le rapport de la Cour des comptes de 2013, si cette pratique, qui consiste à augmenter davantage les tarifs sur les tronçons les plus fréquentés, a cessé, conformément à sa recommandation formulée en 2008, les tarifs des péages ont néanmoins connu une progression soutenue.
Rappelons que, comme le montre le rapport de la haute juridiction, « toutefois, la récupération par l’État des produits du foisonnement de 2006, envisagée pour 2008, n’a été mise en œuvre que tardivement et très partiellement ». Le rapport ajoute : « Dans le cas de Cofiroute, la suppression du foisonnement a été acceptée par la société uniquement pour les années 2011-2014 en contrepartie d’une hausse tarifaire représentant 234 millions d’euros hors taxes sur la durée totale de la concession. »
Doit-on craindre qu’en ce début d’année 2015, cette pratique condamnée par la Cour des comptes ne soit à nouveau tolérée par l’État ? En effet, la clause « antifoisonnement » ne figure pas dans le 16e avenant au contrat de concession, approuvé par le décret du 23 décembre 2011.
Monsieur le ministre, pourriez-vous nous rassurer à ce sujet ?
Ensuite, au-delà du foisonnement, qui n’a pas complètement pris fin, il existe également des distorsions tarifaires. Les cahiers des charges imposent selon la Cour des comptes une ampleur limitée de la distorsion tarifaire. Par exemple, les contrats de concession des Autoroutes Paris-Rhin-Rhône et Autoroutes Rhône-Alpes, APRR-AREA, de la Société des Autoroutes du Nord et de l’Est de la France, la SANEF, de la Société des autoroutes Paris-Normandie, la SAPN, d’Autoroutes du Sud de la France, ASF, et de la Société des autoroutes Esterel, Côte d’Azur, Provence, Alpes, Escota, comprennent une clause limitant l’ampleur de la modulation des tarifs kilométriques par rapport au taux kilométrique moyen du réseau : pour une même catégorie de véhicule, il ne peut s’écarter de plus de 50%. Or cette règle, sauf en ce qui concerne Cofiroute, n’est pas respectée.
Ainsi, d’après les données communiquées par le ministère à la Cour en 2012, 212 trajets s’écartaient de plus de 50 % du tarif kilométrique moyen de la classe considérée, ces écarts étant dus, selon les sociétés concessionnaires, à des considérations locales… On aimerait en savoir un peu plus !
Face à cette situation, inacceptable pour les usagers, dans les derniers contrats de plan, APRR et AREA ont inscrit qu’elles « s’efforceraient de faire converger progressivement les tarifs extrêmes au sein de chaque catégorie ». Cette clause assez vague est bien entendu dépourvue d’objectif chiffré et de calendrier.
Encore, une fois force est de constater que les sociétés concessionnaires font ce qu’elles veulent.
Enfin, seul le nombre de distorsions tarifaires a été communiqué à la Cour des comptes, mais pas leur ampleur.
Pouvez-vous, là encore, monsieur le ministre, nous communiquer cette information, afin que nous soyons en mesure d’apprécier plus finement l’évolution réelle des distorsions tarifaires ?
M. le président. Quel est l’avis de la commission ?
Mme Dominique Estrosi Sassone, corapporteur. Ma chère collègue, votre amendement est déjà satisfait dans la mesure où il est indiqué à l’alinéa 4 que l’ARAFER « veille au bon fonctionnement du régime des tarifs de péage autoroutier », ce qui recouvre la question des modulations tarifaires.
La précision que vous souhaitez apporter est donc inutile.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. Emmanuel Macron, ministre. Je souscris à la remarque qu’a faite Mme la corapporteur.
Cela étant, madame Didier, je comprends votre volonté et c’est pourquoi je vous invite à retirer votre amendement au bénéfice de votre amendement n° 1358, sur lequel le Gouvernement émettra un avis favorable. En effet, celui-ci me paraît devoir mieux répondre au souci que vous avez exprimé.
Je précise par ailleurs qu’il ne me semblait ni nécessaire ni souhaitable que le Gouvernement sollicite un mandat explicite auprès de la Haute Assemblée et a fortiori auprès de la commission spéciale avant de finaliser la négociation avec les sociétés concessionnaires d’autoroutes qui a conduit à l’accord que j’ai annoncé tout à l’heure. Cette relève de la responsabilité normale du Gouvernement.
Au demeurant, les parlementaires ont été associés de manière inédite au processus à travers la constitution des groupes de travail. On peut presque dire qu’un mandat pour négocier avait été donné par certains d’entre vous, dont M. Filleul, ainsi que par des députés. En tout cas, les recommandations émises par les parlementaires ont, selon moi, été globalement suivies. Mais il ne convenait pas que le Gouvernement reçoive un mandat pour la finalisation des négociations.
En revanche, il était normal que je vous rende compte des résultats de cette négociation, d’autant que certaines dispositions du projet de loi « miroitent » avec les points en discussion avec les sociétés concessionnaires. De toute façon, ce texte assure une meilleure régulation, et la commission spéciale l’a du reste enrichi à cet égard.
M. le président. Madame Didier, l'amendement est-il maintenu ?
Mme Évelyne Didier. Non, je le retire, monsieur le président.
M. le président. L'amendement n° 1357 est retiré.
M. le président. L'amendement n° 1356, présenté par Mmes Assassi, Didier et les membres du groupe communiste républicain et citoyen, est ainsi libellé :
Alinéa 4
Compléter cet alinéa par une phrase ainsi rédigée :
Elle vérifie notamment le respect des dispositions du décret n° 95-81 du 24 janvier 1995 relatif aux péages autoroutiers.
La parole est à M. Patrick Abate.
M. Patrick Abate. Par cet amendement, nous proposons de nouveau de compléter l’alinéa 4 de manière à préciser que l’ARAFER vérifie notamment le respect des dispositions prévues au décret du 24 janvier 1995 relatif aux péages autoroutiers.
Non seulement celui-ci n’a pas toujours été respecté, mais, surtout, il n’a pas été révisé, ce qui a conduit à une situation privilégiant les sociétés concessionnaires d’autoroutes.
Les conditions de négociation en 1995 avaient un sens dans la mesure où l’État était propriétaire des autoroutes. La privatisation des concessions autoroutières aurait dû conduire à une révision de la loi tarifaire. Rappelons que, selon le décret de 1995, « les tarifs de péages autoroutiers sont fixés chaque année par les sociétés concessionnaires d’autoroutes […]. ». Il est précisé que « le cahier des charges de la société concessionnaire prévu par l’article L. 122-4 du code de la voirie routière définit les règles de fixation des tarifs de péages, notamment les modalités de calcul d’un tarif kilométrique moyen servant de base aux tarifs de péages et qui tient compte de la structure du réseau, des charges d’exploitation et des charges financières de la société, ainsi que les possibilités de modulation de ce tarif kilométrique moyen » et que « le contrat de plan, conclu pour une durée maximale de cinq années renouvelable entre l’État et la société concessionnaire, fixe les modalités d’évolution des tarifs de péages pendant la période considérée ».
Or, comme le note la Cour des comptes, « les contrats de plan, qui fixent pour cinq ans la tarification des péages, devaient être l’exception par rapport au dispositif mis en place par le décret de 1995, mais sont devenus la règle et ont conduit à des augmentations tarifaires supérieures à l’inflation, contrairement à la règle originelle de la concession ».
Dans son rapport, le député Jean-Paul Chanteguet émet également de vives critiques sur la loi tarifaire : « Le régime de la concession ou de la délégation de service public n’est pas en cause dans ses principes : mais conçues à l’origine pour un État majoritairement "partie prenante" dans les concessions autoroutières, leurs dispositions au demeurant spécifiques, y compris les règles tarifaires en vigueur, ont constitué, à partir de la privatisation, un effet d’aubaine pour les grands groupes concessionnaires. […] La croissance tarifaire est sans conteste à l’origine du confort des sociétés concessionnaires. »
Ainsi, à titre d’exemple, l’article 3 du décret précise que « la majoration des tarifs de péages ainsi fixés ne peut être inférieure à 70 % de l’évolution des prix à la consommation (hors tabac) constatée depuis la fixation, l’année précédente, des tarifs applicables sur le réseau concédé à la société ».
Il est donc prévu dans le décret un plancher, qui a protégé la rentabilité des sociétés, mais il n’est pas prévu de plafond. Le décret n’a pas anticipé d’inflation négative. Et quand celle-ci est advenue, les tarifs n’ont pas baissé. La Cour des comptes a montré que les hausses des péages ont été accrues par l’inflation négative.
M. le président. Quel est l’avis de la commission ?
Mme Dominique Estrosi Sassone, corapporteur. Le renvoi à un décret précis dans la loi n’est pas conforme à la hiérarchie des normes. Par conséquent, la commission spéciale émet un avis défavorable.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. Emmanuel Macron, ministre. Le Gouvernement sollicite le retrait de cet amendement au profit de l’amendement n° 1358.
M. le président. Monsieur Abate, l'amendement n° 1356 est-il maintenu ?
M. Patrick Abate. Non, je le retire, monsieur le président.
M. le président. L'amendement n° 1356 est retiré.
L’amendement n° 766 n’est pas soutenu.
L'amendement n° 571 rectifié bis, présenté par M. Maurey, Mmes Morin-Desailly et Férat, MM. Guerriau, Pozzo di Borgo, Revet, Bignon, Bonnecarrère, Détraigne, D. Dubois, Chaize et Bockel, Mme Gatel, MM. Roche, Kern et les membres du groupe Union des Démocrates et Indépendants - UC, est ainsi libellé :
Alinéa 5, première phrase
Supprimer les mots :
ou sur la durée de la convention de délégation
La parole est à M. Pierre Médevielle.
M. Pierre Médevielle. Il s’agit d’un amendement de coordination avec l’amendement 572 rectifié bis, présenté à l’article 6, qui vise à interdire toute prolongation de la durée des concessions autoroutières.
Après avoir entendu les explications de M. le ministre, je le retire, monsieur le président, de même que l’amendement n° 572 rectifié bis.
M. le président. L'amendement n° 571 rectifié bis est retiré.
L’amendement n° 526 n’est pas soutenu.
L'amendement n° 678, présenté par M. Guillaume, Mme Bricq, M. Filleul, Mmes Emery-Dumas et Génisson, MM. Bigot, Cabanel, Marie, Masseret, Raynal, Richard, Sueur, Vaugrenard et les membres du groupe socialiste et apparentés, est ainsi libellé :
Après l’alinéa 7
Insérer un alinéa ainsi rédigé :
« En outre, l’Autorité de régulation des activités ferroviaires et routières établit annuellement une synthèse des comptes des concessionnaires. Cette synthèse est publique et transmise au Parlement.
La parole est à M. Jean-Jacques Filleul.
M. Jean-Jacques Filleul. Je vais de nouveau plaider en faveur de cet amendement, qui n’a pas été retenu par la commission spéciale. Cependant, au vu des informations que nous a communiquées à l’instant M. le ministre, je nourris quelque espoir...
Après l’important travail d’approfondissement réalisé par les parlementaires au sein de différents groupes de travail, des recommandations ont été remises au Premier ministre, qui s’articulent autour des axes suivants : le refus des concessions perpétuelles empêchant à terme l’État de récupérer son patrimoine ; la nécessité d’améliorer la lisibilité de futures conventions en les calant sur les dernières qui ont été réalisées ; la transparence et la régulation des contrats de concession et la mesure de leur rentabilité.
Chacun le sait, les contrats de concession « historiques » sont d’une grande rigidité. Pour autant, le plan de relance autoroutier, que le groupe de travail recommande chaudement de mettre en œuvre sans délai, devait être l’occasion pour l’État de renégocier ces contrats afin de les rééquilibrer dans le sens de l’intérêt général. C’est ce que nous a annoncé M. le ministre il y a quelques instants.
Nous proposons également une série d’amendements qui permettent de répondre aux préconisations du groupe de travail.
Le premier d’entre eux, l’amendement n° 678, a trait à l’un des thèmes majeurs abordés au sein du groupe de travail : la transparence. Nous proposons que l’ARAFER réalise une synthèse annuelle des comptes des sociétés concessionnaires d’autoroutes. Cette mesure contribuera à mettre un terme à une forme d’opacité caractérisant le secteur autoroutier, dont nombre de nos collègues se sont émus. Nous pourrons ainsi avoir une vision annuelle des fameux TRI – taux de rentabilité interne.
Il est précisé que cette synthèse sera rendue publique et transmise chaque année au Parlement, qui, jusqu’à maintenant, n’a pas été suffisamment informé des recettes et bénéfices des sociétés autoroutières.
Cet amendement va donc dans le sens d’une meilleure transparence et d’une lecture précise de l’évolution des TRI, qui a été l’un des éléments structurants de notre réflexion.
M. le président. Quel est l’avis de la commission ?
Mme Dominique Estrosi Sassone, corapporteur. À mes yeux, il n’est pas utile d’atteindre dans la loi ce niveau de détail sur le rôle d’étude et d’expertise de l’ARAFER, déjà affirmé à plusieurs endroits dans le présent article.
Par conséquent, la commission émet un avis défavorable sur cet amendement.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. Emmanuel Macron, ministre. Il s’agit de compléter le dispositif prévu dans le texte à partir d’autres propositions émises par le groupe de travail, largement transpartisan et bicaméral ! (Sourires.) Ces propositions ont conduit à enrichir et préciser les missions de l’ARAFER afin de mieux réguler ces contrats, conformément au souci commun. Cette exigence accrue est d’ailleurs cohérente avec le choix du Gouvernement de ne pas résilier les contrats de concessions autoroutières et de les contrôler davantage.
Par conséquent, le Gouvernement émet un avis très favorable sur cet amendement.
M. Jean Desessard. Bravo !
M. le président. La parole est à Mme Évelyne Didier, pour explication de vote.
Mme Évelyne Didier. Je m’associe à cet amendement : c’est la moindre des choses ! En effet, nous avons effectué ensemble un travail satisfaisant, même si j’ai déploré qu’il n’aille pas assez loin. J’ai notamment donné mon accord sur le diagnostic posé et sur un certain nombre de recommandations.
Le soutien du Gouvernement me semble intéressant, car il témoigne de sa véritable volonté de transparence. C’est pourquoi je suis très étonnée que cette position ne soit pas partagée sur toutes les travées de cet hémicycle. À mon sens, cet amendement devrait être voté à l’unanimité !
M. le président. La parole est à Mme Laurence Cohen, pour explication de vote.
Mme Laurence Cohen. J’approuve les propos de Mme Didier. Faire le choix de la transparence, notamment vis-à-vis des parlementaires, se révèle toujours positif.
Je soutiens d’autant plus cet amendement que, grâce à cette transparence, on parviendra peut-être à connaître la réalité des prix.
Permettez-moi, à ce sujet, de reprendre les propos de Jean-Paul Chanteguet, président et rapporteur de la mission d’information parlementaire sur l’écotaxe poids lourds, afin que nous ayons une vision exacte de la réalité financière : il faudrait mettre sur la table, disait-il, entre 15 milliards et 20 milliards d’euros pour racheter les autoroutes – ce n’est pas le chiffre qu’a mentionné tout à l’heure M. le ministre –, c'est-à-dire de quoi rembourser leur mise de départ, avec en prime un joli bénéfice, étant entendu que, entre-temps, les actionnaires ont empoché environ 15 milliards d’euros de dividendes, auxquels s’ajoutent plus de 3,5 milliards d’euros d’économies d’impôt, soit au total près de 18,5 milliards d’euros.
Si je rappelle ces chiffres, c’est précisément parce que, faute de transparence, ils ne sont pas connus de tous et peuvent être contredits.
Il est important que nous nous dotions d’outils nous permettant d’avancer sur de bonnes bases, et non sur de faux chiffres, afin de prendre les bonnes décisions qui, pour moi comme pour l’ensemble de mon groupe, vous l’aurez compris, tendent à la renationalisation.
M. le président. La parole est à Mme Dominique Estrosi Sassone, corapporteur.
Mme Dominique Estrosi Sassone, corapporteur. Je voudrais revenir sur les propos que je viens de tenir sur le présent amendement.
Je n’ai pas été destinataire, en tant que corapporteur du texte, du rapport du groupe de travail parlementaire sur les sociétés concessionnaires d’autoroutes, au motif qu’il n’était pas public. Il était donc logique que la commission ne souhaite pas entrer dans ce niveau de détail sans avoir eu préalablement connaissance de ce document.
Voilà pourquoi nous avons émis un avis défavorable. Personnellement, je m’en remettrai à la sagesse du Sénat. (Marques de satisfaction sur plusieurs travées du groupe socialiste, du groupe CRC et du groupe écologiste. – Mme Nicole Bricq applaudit.)
M. le président. L'amendement n° 679, présenté par M. Guillaume, Mme Bricq, M. Filleul, Mmes Emery-Dumas et Génisson, MM. Bigot, Cabanel, Marie, Masseret, Raynal, Richard, Sueur, Vaugrenard et les membres du groupe socialiste et apparentés, est ainsi libellé :
Après l’alinéa 7
Insérer un alinéa ainsi rédigé :
« En outre, l’Autorité de régulation des activités ferroviaires et routières assure un suivi annuel des taux de rentabilité interne de chaque concession.
La parole est à M. Jean-Jacques Filleul.
M. Jean-Jacques Filleul. Alors que l’amendement précédent concernait la transparence vis-à-vis du Parlement, celui-ci concerne la transparence vis-à-vis de l’ARAFER.
Cet amendement tend à mettre en œuvre une nouvelle proposition du rapport remis au Premier ministre par les membres du groupe de travail sur les autoroutes.
Ce groupe de travail a montré que l’appréciation de la rentabilité des sociétés concessionnaires d’autoroutes devait reposer non pas sur un élément unique comme la marge, mais également sur d’autres aspects comme le taux de rentabilité interne.
Il est ainsi nécessaire de connaître le taux de rentabilité interne, par réseau, des investissements réalisés sur le réseau et le taux de rentabilité de l’opération d’acquisition de la concession. Il s’agit à la fois du moyen terme et du long terme. C’est ainsi que l’on mesure le TRI.
Nous appelons à plus de transparence sur ces éléments, qui sont fondamentaux pour juger du caractère raisonnable ou non de la rémunération des actionnaires des SCA.
Pour ces raisons, le présent amendement vise à confier à l’ARAFER, dont ce sera l’un des rôles, une mission de suivi des taux de rentabilité interne des concessions.
M. le président. Quel est l’avis de la commission ?
Mme Dominique Estrosi Sassone, corapporteur. La commission spéciale s’est fondée sur le même raisonnement que précédemment pour émettre un avis défavorable. Elle a en effet estimé qu’il n’était pas utile d’entrer, dans la loi, dans ce niveau de détail sur le rôle d’étude et d’expertise de l’ARAFER, déjà affirmé à plusieurs endroits dans le présent article. L’autorité de régulation pourra suivre les taux de rentabilité interne dans le cadre de son rapport sur l’économie générale des concessions sans qu’il soit utile de le préciser.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. le président. La parole est à Mme Nicole Bricq, pour explication de vote.
Mme Nicole Bricq. Quand nous avons auditionné M. Lasserre, président de l’Autorité de la concurrence, je l’ai interrogé sur la querelle qui l’opposait aux sociétés d’autoroutes concernant la rentabilité. Nous avons bien vu qu’il y avait des appréciations différentes. Dès lors, le fait de confier à l’ARAFER l’examen de ce taux de rentabilité interne sera une garantie de transparence.
Mme Dominique Estrosi Sassone, corapporteur. Nous connaîtrons de toute façon ces informations !
Mme Nicole Bricq. Ce point me paraît extrêmement important, du fait de la polémique assez violente qui a eu lieu. Cette mesure serait utile, non seulement à l’ARAFER, afin qu’elle organise son contrôle, mais aussi, par ricochet, aux parlementaires.
M. le président. La parole est à Mme Évelyne Didier, pour explication de vote.
Mme Évelyne Didier. J’irai dans le sens de Nicole Bricq et de Jean-Jacques Filleul. Finalement, dans toute cette polémique, le nœud du problème était bien cette affaire de rentabilité : pour les uns, elle apparaissait disproportionnée, tandis que, pour les autres, elle était raisonnable. La question était bien de savoir si, grâce à un outil public, des sociétés bénéficiaient d’une rentabilité exceptionnelle. C’est pourquoi des groupes se sont constitués au sein du Parlement : il s’agissait de savoir exactement ce qu’il en était.
J’ajoute que le taux de rentabilité interne ne suffira pas si nous n’examinons pas, dans le même temps, les hypothèses qui ont permis de construire ce taux : le montant du risque ou l’augmentation du chiffre d’affaires, etc. Si les hypothèses sont surévaluées, le taux de rentabilité apparaîtra tout à fait raisonnable. En revanche, si les hypothèses sont ajustées, l’évaluation du taux de rentabilité se rapprochera de la réalité.
Cette question est complexe, et je vous assure que nous avons mis un certain temps à comprendre ce que l’on nous racontait. D’ailleurs, je ne suis pas sûre que l’on ait encore tout compris ! (Sourires.)
Soyons modestes dans cette affaire, mais la moindre des choses, c’est que la représentation nationale se prononce en connaissance de cause.
M. le président. L'amendement n° 1539, présenté par le Gouvernement, est ainsi libellé :
Alinéa 8
Rétablir cet alinéa dans la rédaction suivante :
« Art. L. 122-8-2. – Les revenus additionnels des tarifs de péages résultant des modifications mentionnées à l’article L. 122-8 couvrent, outre les dépenses de toute nature mentionnées au deuxième alinéa de l’article L. 122-4, l’amortissement des capitaux investis par le délégataire ainsi qu’une rémunération raisonnable et conforme aux conditions du marché, tels qu’ils peuvent être évalués avant la conclusion de l’avenant.
La parole est à M. le ministre.
M. Emmanuel Macron, ministre. Cet amendement tend, lui aussi, à tirer les conséquences des travaux qui ont été menés par le groupe de travail et à rétablir une disposition ayant été introduite préalablement par le Gouvernement, afin de prévoir un principe de rémunération raisonnable pour les contrats de plan.
Cette disposition garantira, sous le contrôle de l’ARAFER, que les contrats de plan prévoyant des hausses de péages additionnelles en contrepartie d’investissements complémentaires, dans leur économie propre, respecteront un principe de rémunération raisonnable. Cette qualification est bien connue en la matière et doit être conforme aux conditions de marché, c’est-à-dire que le taux de rentabilité interne du projet ne pourra excéder le coût des capitaux investis par les sociétés servant à rémunérer les actionnaires. C’est à cette aune que le taux est envisagé. Sinon, on ne pourra pas mesurer ce chiffre, et l’on risque des décalages.
C’est pourquoi cette disposition me paraît importante, dans le même esprit que les deux précédentes.
Je profite de cette discussion pour apporter un éclairage sur la question de l’évaluation du coût de la renationalisation : soit 20 milliards d’euros, soit40 milliards d’euros.
La différence a été parfaitement documentée et détaillée à la fois par la Cour des comptes et dans les conclusions de la note du groupe de travail sur les sociétés concessionnaires d’autoroutes du 10 mars 2015 : la fourchette se situe bien entre 40 milliards et 55 milliards d’euros selon les taux d’actualisation, mais l’effet, ensuite, sur les finances publiques peut varier et être réduit à 20 milliards ou 25 milliards d’euros.
Toutefois, si l’on décide d’instaurer une négociation sur la part de la dette actuelle des sociétés concessionnaires d’autoroutes, qui pourrait être transférée à un établissement public, part qui restera de toute façon à la charge de la collectivité publique, et si l’on décide que l’indemnisation de la résiliation du contrat, qui sera due quoi qu’il en soit, peut être reportée sur les péages, dont le prix sera augmenté, en définitive, ce système est tout de même contraint.
Autrement dit, le coût de 40 milliards à 55 milliards d’euros peut être ramené à 20 milliards d’euros si l’on choisit d’en faire payer une bonne partie par nos concitoyens, l’autre partie étant consolidée dans la dette publique.
De toute façon, le coût complet atteint bien les 40 milliards à 55 milliards d’euros. Ne voyez dans nos chiffres aucune malice ou dissimulation : il s’agit simplement de techniques permettant de faire varier le prix. À cet égard, je vous renvoie à la page 8 de la note que j’évoquais.
M. le président. Quel est l’avis de la commission ?
Mme Dominique Estrosi Sassone, corapporteur. Monsieur le ministre, au travers de cet amendement, vous réintroduisez l’alinéa relatif au calcul des péages autoroutiers que la commission spéciale a supprimé, pour des raisons de forme comme de fond.
Tout d’abord, sur la forme, cette disposition aurait davantage sa place au sein de l’article L. 122-4 du code de la voirie routière, qui traite déjà de la question du calcul des péages.
Ensuite, sur le fond, cette préoccupation est déjà satisfaite par ce même article, qui indique que le financement des travaux prévu par des contrats de plan, que ce soit par l’allongement de la durée des concessions ou par l’augmentation des tarifs, doit être strictement limité à ce qui est nécessaire.
Enfin, songeons à l’application pratique de cette mesure : une fois que l’on a affirmé que la rémunération doit être « raisonnable », comment mesurer concrètement ce caractère raisonnable ? Ces derniers temps, on a pu constater que ce sujet suscitait de fortes divergences d’appréciation.
Pour toutes ces raisons, j’émets un avis défavorable.
M. le président. L'amendement n° 1358 rectifié, présenté par Mmes Assassi, Didier et les membres du groupe communiste républicain et citoyen, est ainsi libellé :
Alinéa 9
Rétablir cet alinéa dans la rédaction suivante :
« Art. L. 122-8-3. – L’Autorité de régulation des activités ferroviaires et routières peut, soit d’office, soit à la demande du ministre chargé de la voirie routière ou du ministre chargé de l’économie, examiner les conditions de mise en œuvre des dispositions prévues dans la convention de délégation, le cahier des charges annexé et les autres documents contractuels. »
La parole est à M. Jean-Pierre Bosino.
M. Jean-Pierre Bosino. Mes chers collègues, nous avons longuement débattu des questions de transparence, et il apparaît que ce principe fait consensus. Encore faut-il que nous nous donnions les moyens de le mettre en œuvre…
À cette fin, le présent amendement tend à rétablir l’alinéa 9, supprimé en commission à la demande de Mme Estrosi Sassone, alinéa en vertu duquel l’ARAFER pourrait, soit d’office, soit à la demande du Gouvernement, examiner les conditions de mise en œuvre des dispositions fixées dans la convention de délégation, le cahier des charges annexé et les autres documents contractuels.
Madame la corapporteur, vous avez justifié cette suppression par deux arguments. D’une part, vous avez considéré que les conditions de mise en œuvre étaient énoncées en des termes peu clairs. D’autre part, il revient selon vous, aujourd’hui, à la direction générale des infrastructures des transports et de la mer de veiller au respect des dispositions contractuelles. Quant à l’analyse a posteriori des prévisions et évaluations financières, l’ARAFER pourra la mener sans que cette mention soit nécessaire.
Pour notre part, nous considérons que la mission dont il s’agit est essentielle pour garantir en toute transparence un contrôle de l’exécution des conventions de délégation.
Or les documents que nous avons en notre possession, notamment le rapport d’information de notre collègue député Jean-Paul Chanteguet, déjà cité, nous inspirent une appréciation tout à fait différente de la réalité de ce contrôle.
En effet, à en croire ce rapport, il semblerait que le contrôle exercé par la direction générale des infrastructures de transports ait « progressivement perdu son effectivité, à l’exception des seuls contrôles de la qualité technique des infrastructures concernées », c’est-à-dire de leur conformité et de leur sécurité.
Les contrôles assurés par les services du ministère en charge des transports sont réalisés par son pôle d’expertise technique de Lyon–Bron, dont la réputation de sérieux est établie. Néanmoins, la faiblesse des autres moyens matériels et humains de la direction des infrastructures des transports et de sa sous-direction de la gestion du réseau autoroutier concédé interdit d’aller véritablement au cœur de la dimension financière des concessions.
De plus, ce rapport indique que les expertises externes, essentiellement juridiques, demandées par le ministère, expertises au demeurant ponctuelles, et qui n’ont pas forcément eu toutes les suites souhaitables, ont été soigneusement tenues secrètes par l’administration. Il n’est pas certain que les ministres concernés aient disposé des comptes rendus exhaustifs, voire simplement explicatifs des conclusions de ces travaux d’experts, classés au rang des documents internes.
Monsieur le ministre, sur ce sujet, peut-être pourrez-vous également nous fournir des explications.
Enfin, le contrôle relatif aux augmentations tarifaires reste très limité : avec un seul fonctionnaire à temps partiel affecté à cette tâche, il ne saurait en être autrement !
Nous payons le prix des politiques successives – à la tristement célèbre « révision générale des politiques publiques » a en effet succédé la moins connue, mais non moins dommageable, « modernisation de l’action publique » – qui ont conduit à réduire systématiquement les moyens des administrations de contrôle de l’État, et ce au détriment de l’intérêt général.
Face à cette situation, cet amendement vise à permettre à l’ARAFER de contrôler les conditions de mise en œuvre des conventions de délégation et des documents qui y sont liés. Ces dispositions doivent figurer dans la loi !
Mme Évelyne Didier. Belle démonstration !
M. le président. Quel est l’avis de la commission ?
Mme Dominique Estrosi Sassone, corapporteur. M. le ministre a précédemment indiqué qu’il serait favorable à l’amendement n° 1358. Or c’est l’amendement n° 1358 rectifié qui nous est soumis, et il diffère largement de l’amendement n° 1358 initialement déposé, lequel visait à rétablir l’alinéa 8 dans ces termes : « L’Autorité de régulation des activités ferroviaires et routières établit, au moins une fois tous les cinq ans, un rapport public portant sur l’économie générale des concessions, notamment au regard des modifications contractuelles mentionnées à l’article L. 122-8, des dispositifs prévus à l’avant-dernier alinéa de l’article L. 122-4 et des révisions des tarifs de péages. »
Pour résumer, l’amendement n° 1358 tend à garantir la remise d’un rapport par l’ARAFER, tandis que l’amendement n° 1358 rectifié vise à prévoir que cette instance pourra examiner les conditions de mise en œuvre de la convention de délégation. Il est clair qu’il s’agit moins d’une rectification que d’une véritable modification.
Dès lors, je souhaite savoir sur quelle version de l’amendement le Gouvernement s’est prononcé favorablement.
M. le président. Quel est, donc, l’avis du Gouvernement ?
M. Emmanuel Macron, ministre. Mon avis favorable portait sur l’amendement n° 1358, dans sa rédaction initiale.
L’amendement n° 1358 rectifié tend à accroître les prérogatives de l’ARAFER. J’ajoute qu’en règle générale, l’emploi du verbe « pouvoir » n’est pas souhaitable en légistique, dans la mesure où il est source d’ambiguïté.
Mme Éliane Assassi. Il s’agit simplement de rétablir un alinéa !
M. Emmanuel Macron, ministre. Je m’en remettrai à la sagesse du Sénat, mais je préférais nettement la rédaction initiale.
M. le président. La parole est à M. le président de la commission spéciale.
M. Vincent Capo-Canellas, président de la commission spéciale. Une semblable difficulté s’est déjà présentée une fois au cours de nos débats. Puisque ce problème surgit de nouveau, je souhaite formuler quelques remarques.
Il me semble que la notion de rectification d’amendement connaît certaines limites. Une rectification de cette ampleur ne me paraît pas recevable : en effet, il s’agit en l’espèce d’un véritable changement de sens ! (Mme Dominique Estrosi Sassone, corapporteur, acquiesce.)
M. Jean-Jacques Filleul. Exactement !
M. Vincent Capo-Canellas, président de la commission spéciale. En règle générale, les rectifications portent sur des points mineurs. Or l’amendement n° 1358 rectifié n’a pas du tout la même portée que l’amendement d’origine.
Au-delà de ce problème précis, sur lequel nous devons nous interroger, une explication avec le service qui valide les amendements me paraît nécessaire, afin que de tels cas de figure ne se reproduisent plus à l’avenir.
La commission se prononce sur un amendement donné. Appeler en discussion dans l’hémicycle un amendement tout autre porte atteinte à la bonne marche de nos travaux, en commission comme en séance publique. J’ajoute que, si l’on validait cette pratique, tout auteur d’un amendement pourrait, au cours des débats, en rectifier le texte au-delà des limites que je viens de rappeler. Tout le sens de nos discussions s’en trouverait affecté !
Voilà pourquoi, je le répète, cette question exige une mise au point. Dans l’immédiat, nous devons résoudre cette difficulté précise avant de procéder au vote. Et, à plus long terme, nous devons régler le problème général auquel elle renvoie, en lien avec le service compétent. De telles situations troublent particulièrement nos débats.
M. Bruno Retailleau. Très juste !
M. Vincent Capo-Canellas, président de la commission spéciale. Cela étant, je mesure toute la difficulté de la tâche de direction de la séance, particulièrement lorsqu’elle doit traiter une masse considérable d’amendements, comme c’est le cas avec le présent projet de loi. Son action mérite d’ailleurs d’être saluée.
M. le président. Monsieur le président de la commission spéciale, il sera tenu compte de votre remarque, et cette question sera étudiée en lien avec la direction de la séance, puisqu’elle est chargée d’examiner les conditions de rectification des amendements.
La parole est à Mme Évelyne Didier, pour explication de vote.
Mme Évelyne Didier. Mes chers collègues, je vous indique simplement que cette rectification est le fruit d’une erreur survenue lors de l’enregistrement de cet amendement.
M. Bruno Retailleau. Dans ce cas, il faut le retirer !
Mme Annie David. Certes, mais il n’y aurait plus d’amendement du tout…
Mme Évelyne Didier. Nous sommes prêts à retirer cet amendement pour faciliter nos débats.
Toutefois, monsieur le ministre, peut-être pouvez-vous nous aider à clarifier la situation. Vous paraissiez souscrire à la rédaction initiale de cet amendement. Vous pensez bien que si nous avons la chance d’obtenir, sur l’un de nos amendements, un avis favorable du Gouvernement, nous le maintiendrons coûte que coûte ! (Sourires.)
Mme Dominique Estrosi Sassone, corapporteur. Mais cet amendement n’existe plus !
Mme Évelyne Didier. Quoi qu’il en soit, nous devons nous accorder sur les termes de cet amendement…
M. Bruno Retailleau. Je demande la parole pour un rappel au règlement.
M. le président. La parole est à M. Bruno Retailleau.
M. Bruno Retailleau. Mes chers collègues, je souscris pleinement aux propos de M. le président de la commission spéciale. Le problème dont il s’agit nous concerne tous – je précise que je ne vise en rien le contenu de ces propositions.
On ne peut rectifier un amendement, sur lequel la commission s’est préalablement prononcée, que si la rectification n’emporte pas une modification substantielle ou, a fortiori, une inversion de son sens.
Mme Dominique Estrosi Sassone, corapporteur. Bien sûr !
M. Bruno Retailleau. En l’espèce, c’est bien la situation dans laquelle nous nous trouvons.
Notre excellente collègue Évelyne Didier le reconnaît elle-même et semble prête à retirer cet amendement. À mes yeux, ce serait la solution la plus respectueuse des méthodes de travail du Sénat, notamment de l’avis émis par la commission spéciale.
M. le président. Monsieur Retailleau, je viens d’indiquer que la direction de la séance tiendrait compte, à l’avenir, des problèmes posés par l’ampleur des rectifications apportées à des amendements.
Madame Didier, l’amendement n° 1358 rectifié est-il maintenu ?
Mme Évelyne Didier. Que les choses soient bien claires : l’objet de cet amendement n’a pas changé. À l’évidence, la direction de la séance a fait une confusion. Je conçois que cette situation soit source de malentendus. Néanmoins, pour notre part, nous n’avons pas commis d’erreur.
Aussi, nous maintenons cet amendement, monsieur le président.
M. le président. La parole est à M. Jean Desessard, pour explication de vote.
M. Jean Desessard. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, pour faciliter nos débats, je suis prêt à sous-amender cet amendement afin de rétablir sa rédaction initiale. (Marques d’approbation sur les travées du groupe CRC.)
M. Jean Desessard. Ainsi, les formes juridiques seraient respectées.
M. le président. La parole est à M. le président de la commission spéciale.
M. Vincent Capo-Canellas, président de la commission spéciale. M. Desessard nous donne une fois plus la preuve de ses facultés d’imagination et de son habileté réglementaire. Je vous en félicite, mon cher collègue ! (Sourires.)
Néanmoins, une telle solution n’est pas sans poser problème. Elle équivaudrait, elle aussi, à une rectification « abusive ». En effet, passer de l’amendement n° 1358 rectifié à l’amendement n° 1358 reviendrait à opérer, en sens inverse, un changement de signification dont je viens d’indiquer qu’il était excessif. Un tel sous-amendement tendrait, à mes yeux, à modifier radicalement le sens de ces dispositions.
Cela étant, je m’en remets à votre sagacité, monsieur le président.
Mme Évelyne Didier. Il s’agit de revenir au texte de l’Assemblée nationale !
M. Jean-Pierre Bosino. Exactement !
M. le président. Madame Didier, souhaitez-vous revenir à la rédaction de l’amendement n° 1358 ?
Mme Évelyne Didier. Oui, monsieur le président.
M. le président. Je suis donc saisi d’un amendement n° 1358 rectifié bis, présenté par Mmes Assassi, Didier et les membres du groupe communiste républicain et citoyen, et ainsi libellé :
Alinéa 8
Rétablir cet alinéa dans la rédaction suivante :
« Art. L. 122-8-2. – L’Autorité de régulation des activités ferroviaires et routières établit, au moins une fois tous les cinq ans, un rapport public portant sur l'économie générale des concessions, notamment au regard des modifications contractuelles mentionnées à l'article L. 122-8, des dispositifs prévus à l'avant-dernier alinéa de l'article L. 122-4 et des révisions des tarifs de péages. »
Du fait de l’adoption de l’amendement n° 1539, qui a déjà arrêté une nouvelle rédaction de l’alinéa 8, cet amendement n’a plus d’objet.
Mme Éliane Assassi. Tout ça pour ça…
M. le président. L'amendement n° 1540, présenté par le Gouvernement, est ainsi libellé :
I. – Alinéa 14
Compléter cet alinéa par les mots :
sous réserve de l’article L. 122-10-1
II. – Après l’alinéa 16
Insérer un alinéa ainsi rédigé :
« Art. L. 122-10-1. – Les marchés de travaux, fournitures ou services régis par l’ordonnance n° 2005-649 du 6 juin 2005 relative aux marchés passés par certaines personnes publiques ou privées non soumises au code des marchés publics, lorsqu’ils sont passés par un concessionnaire d’autoroute pour les besoins de la concession, sont également régis par les articles L. 122-11, L. 122-13-1, L. 122-16 et L. 122-17.
La parole est à M. le ministre.
M. Emmanuel Macron, ministre. Cet amendement tend à préciser que l’ARAFER continuera à examiner les marchés des sociétés concessionnaires publiques et que celles-ci seront soumises à l’obligation législative de créer une commission interne d’examen de leurs marchés.
En effet, le Gouvernement s’apprête à supprimer la Commission nationale des marchés concessionnaires d’autoroutes ou d’ouvrages d’art, dont les missions seront transférées à l’ARAFER. À ce jour, cette instance est également chargée du suivi de deux concessions publiques. Il convient d’appliquer à ces dernières les dispositions du présent texte relatives, tout d’abord à la définition des missions de l’ARAFER et du périmètre du rapport dressé par ses soins, ensuite à l’institution d’une commission interne des marchés, enfin à la possibilité, pour l’ARAFER, de saisir le juge administratif en cas de manquement.
M. le président. Quel est l’avis de la commission ?
Mme Dominique Estrosi Sassone, corapporteur. La commission spéciale n’est pas opposée à cet amendement, dans la mesure où les sociétés dont il s’agit disposent déjà d’une commission des marchés et où lesdits marchés sont soumis au contrôle de l’actuelle Commission nationale des marchés concessionnaires d’autoroutes ou d’ouvrages d’art.
En conséquence, je m’en remets à la sagesse du Sénat.
M. le président. Il est dix-neuf heures trente et je m’apprête à suspendre la séance. Monsieur le président de la commission spéciale, souhaitez-vous toujours que nous reprenions nos travaux à vingt et une heures ?
M. Vincent Capo-Canellas, président de la commission spéciale. Monsieur le président, vous le savez, les présidents de commission sont toujours soucieux d’assurer le bon rythme des débats, et je souhaite effectivement que nous puissions reprendre nos débats à vingt et une heures. Néanmoins, je conçois que d’autres considérations puissent entrer en jeu.
M. le président. Monsieur le ministre, une reprise de la séance à vingt et une heures vous agrée-t-elle ?
M. le président. Mes chers collègues, y a-t-il des oppositions ?... (Protestations sur les travées du groupe CRC et sur certaines travées du groupe socialiste.)
Compte tenu des oppositions qui se manifestent, je mets aux voix la proposition tendant à reprendre la séance à vingt et une heures.
(Cette proposition est adoptée.)
M. le président. Mes chers collègues, nous allons donc interrompre nos travaux pour les reprendre à vingt et une heures.
La séance est suspendue.
(La séance, suspendue à dix-neuf heures trente-cinq, est reprise à vingt et une heures cinq.)
M. le président. La séance est reprise.
10
Nomination d’un membre d’un organisme extraparlementaire
M. le président. Je rappelle que la commission du développement durable, des infrastructures, de l’équipement et de l’aménagement du territoire a proposé une candidature pour un organisme extraparlementaire.
La présidence n’a reçu aucune opposition dans le délai d’une heure prévu par l’article 9 du règlement.
En conséquence, cette candidature est ratifiée et je proclame M. Hervé Maurey membre du conseil de surveillance de la SNCF.
11
Croissance, activité et égalité des chances économiques
Suite de la discussion d’une proposition de loi en procédure accélérée dans le texte de la commission
M. le président. Nous reprenons la discussion du projet de loi, considéré comme adopté par l’Assemblée nationale en application de l’article 49, alinéa 3, de la Constitution, après engagement de la procédure accélérée, pour la croissance, l’activité et l’égalité des chances économiques.
Rappel au règlement
M. le président. La parole est à Mme Éliane Assassi, pour un rappel au règlement.
Mme Éliane Assassi. Ce rappel au règlement a trait au déroulement de nos travaux.
On laisse entendre ici ou là que, dans le débat sur le présent projet de loi, le groupe communiste républicain et citoyen ferait de l’obstruction.
Je tiens donc à préciser que, à aucun moment, notre groupe n’a contrevenu au règlement du Sénat. Nous ne faisons qu’utiliser notre droit d’amendement, garanti par la Constitution. J’ajoute que seulement 450 des 1 650 amendements déposés sur ce texte l’ont été par notre groupe.
Je rappelle par ailleurs que l’Assemblée nationale a consacré trois semaines à la discussion de ce texte en séance publique, contre deux semaines pour le Sénat. La conférence des présidents a certes prévu de se réunir à nouveau mardi prochain pour adapter éventuellement l’ordre du jour de nos travaux.
Je fais également observer que le débat à l’Assemblée nationale s’est déroulé sous le régime du temps programmé et que certains intervenants n’ont pas eu la possibilité de s’exprimer comme ils l’auraient souhaité.
La particularité du Sénat, et je m’en réjouis, réside dans le fait que nous débattons sur le fond. Nos collègues se plaisent à dire, à raison, que c’est ici que les débats sont le plus approfondis. Cela suppose nécessairement de prendre un peu de temps.
M. le président. Acte vous est donné de votre rappel au règlement, ma chère collègue.
La parole est à M. le président de la commission spéciale.
M. Vincent Capo-Canellas, président de la commission spéciale. Je remercie Mme la présidente Éliane Assassi de son salutaire rappel au règlement.
Il n’est venu à l’esprit de personne de qualifier d’obstruction le travail de tel ou tel sénateur ou de tel ou tel groupe.
Mme Éliane Assassi. Si, si !
M. Vincent Capo-Canellas, président de la commission spéciale. Pas en séance publique, en tout cas ! Certains ont pu toutefois faire des commentaires sur la lenteur des débats.
Bien sûr, au Sénat, nous sommes attachés au fait de débattre sur le fond et sur l’essentiel. Cependant, nous gardons à l’esprit qu’il faut parfois concentrer nos interventions et notre temps de parole sur les points essentiels, justement, afin de les rendre plus lisibles pour ceux qui assistent à nos débats.
La commission spéciale, pour sa part, a veillé, avec les présidents de séance, à ce que chacun puisse s’exprimer, conformément à la bonne application du règlement. Personne ne s’est vu interdire de prendre la parole.
Nous avons simplement le souci de permettre à l’ensemble des sénateurs d’organiser leur temps en ayant connaissance du déroulement de nos travaux. Il est de bonne méthode que chacun des groupes y contribue.
L’institution vénérable qu’est le Sénat est capable de s’adapter. Nous consacrerons donc le temps nécessaire à ce débat, afin que s’exerce pleinement la démocratie parlementaire, avec discernement et dans le respect de chacun.
Article 5 (suite)
M. le président. Dans la discussion du texte de la commission, nous poursuivons l’examen des amendements à l’article 5.
L’amendement n° 1359 rectifié, présenté par Mmes Assassi, Didier et les membres du groupe communiste républicain et citoyen, est ainsi libellé :
Alinéa 19, après la première phrase
Insérer une phrase ainsi rédigée :
Ces exceptions ne peuvent pas concerner les marchés de travaux d’un montant supérieur à 500 000 euros.
La parole est à Mme Évelyne Didier.
Mme Évelyne Didier. Monsieur le président, madame la secrétaire d’État, mes chers collègues, l’article 5 du projet de loi tend à renforcer le contrôle de la régulation des marchés des sociétés concessionnaires d’autoroutes.
Nous saluons les avancées visant à garantir le principe de l’assujettissement des concessionnaires privés à des règles de publicité et de mise en concurrence, compétence étant donnée à l’ARAFER pour contrôler le respect, par les concessionnaires, de leurs obligations en matière de passation de marchés ainsi que des règles d’information préalable à l’attribution des marchés.
Il semble toutefois que seuls les marchés d’un montant supérieur à 2 millions d’euros soient actuellement concernés par les règles de publicité pour appel d’offres. L’Autorité des marchés de travaux des sociétés concessionnaires d’autoroutes a en effet montré qu’une part non négligeable des marchés d’un montant inférieur à 2 millions d’euros échappait à ces obligations de publicité et de mise en concurrence.
L’Autorité de la concurrence a donc recommandé que les obligations de publicité et de mise en concurrence inscrites à l’article 6 du cahier des charges des SCA soient désormais applicables à partir d’un seuil de 500 000 euros hors taxes.
L’abaissement du seuil de mise en concurrence présenterait un autre avantage : avec la Commission nationale des marchés – CNM – l’Autorité de la concurrence a constaté que les SCA appartenant aux groupes Vinci – ASF, ESCOTA, Cofiroute – et Eiffage – APRR et AREA – ne transmettaient pas les informations relatives à leurs achats de travaux d’un montant supérieur à 500 000 euros hors taxes mais inférieurs au seuil de mise en concurrence. Dès lors, conformément aux recommandations de la CNM, ces achats pourraient faire l’objet d’un examen visant à vérifier que les SCA ne fractionnent pas leurs marchés de manière à échapper à leurs obligations de publicité et de mise en concurrence.
L’ARAFER ne doit pas être confrontée aux mêmes difficultés et c’est pourquoi nous avons déposé cet amendement.
Beaucoup d’entre nous, en tant qu’élus locaux, connaissent bien le sujet.
Au fond, l’Autorité de la concurrence n’a pas vraiment les moyens d’agir ; elle ne peut que formuler certaines remarques.
Il faut savoir que nombre d’entreprises sont définitivement écartées des marchés. En dessous de 2 millions d’euros, il n’y a pas de concurrence ; la liberté d’attribution est totale. Cela signifie que les PME et PMI de nos territoires sont exclues de l’essentiel des marchés ; d’où l’importance de cette question.
Pour les marchés de 2 millions à 5,270 millions d’euros, ce qui représente des marchés non négligeables, le pouvoir adjudicateur peut établir des critères. Mais qui détient ce pouvoir ? Les sociétés d’autoroutes !
Autrement dit, les sociétés d’autoroutes sont juges et parties.
M. Bruno Retailleau. Cela vaut pour tous les marchés publics !
M. le président. Veuillez conclure, ma chère collègue !
Mme Évelyne Didier. Cette absence de véritable concurrence entraîne l’exclusion de nombreuses entreprises.
Je ne parlerai pas des appels d’offres restreints, car vous savez ce qu’il en est.
M. le président. Quel est l’avis de la commission ?
Mme Dominique Estrosi Sassone, corapporteur de la commission spéciale. La commission spéciale est favorable à cet amendement de précision, qui reprend, comme vous l’avez rappelé, une recommandation de l’Autorité de la concurrence.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
Mme Axelle Lemaire, secrétaire d'État auprès du ministre de l'économie, de l'industrie et du numérique, chargée du numérique. Sur le fond, le Gouvernement partage l’objectif des auteurs de l’amendement, d’autant qu’il s’agit de reprendre une recommandation de l’Autorité de la concurrence pour éviter le fractionnement dans la procédure des marchés publics et l’application du cadre réglementaire.
Toutefois, cette disposition relève du domaine réglementaire. Je vous invite donc à retirer cet amendement, madame Didier, moyennant l’engagement que je prends ce soir au nom du Gouvernement et aux termes duquel un décret fixera le seuil, comme il est d’usage dans toutes les procédures de mise en concurrence, à 500 000 euros, afin, notamment, d’encourager l’activité des PME et des ETI.
M. le président. Madame Didier, l'amendement n° 1359 rectifié est-il maintenu ?
Mme Évelyne Didier. Je note avec satisfaction que la commission spéciale et le Gouvernement considèrent qu’il s’agit d’une bonne mesure.
Madame la secrétaire d'État, je suis comme saint Thomas : je veux bien vous faire confiance, mais j’aimerais voir le décret, afin de ne pas être le « dindon de la farce ». Dans ces conditions, je suis prête à retirer mon amendement.
Plusieurs sénateurs du groupe CRC. Non, ce n’est pas une bonne idée !
Mme Dominique Estrosi Sassone, corapporteur. Prenez vos responsabilités !
Mme Évelyne Didier. Alors, je maintiens l’amendement, monsieur le président, comme mes collègues m’y invitent.
M. le président. L'amendement n° 1363, présenté par Mmes Assassi, Didier et les membres du groupe communiste républicain et citoyen, est ainsi libellé :
Alinéa 22
1° Première phrase
Après le mot :
avis
insérer le mot :
conforme
2° Dernière phrase
Supprimer cette phrase.
La parole est à Mme Évelyne Didier.
Mme Évelyne Didier. Afin de tenir compte des observations formulées par l’Autorité de la concurrence, le Gouvernement entend améliorer, dans le projet de loi, le contrôle des marchés de travaux, de fournitures et de services des SCA.
Les députés ont proposé d’imposer dans chaque SCA dont la taille excède un seuil fixé par voie réglementaire une commission des marchés, dont ils ont renforcé les pouvoirs. Chaque commission devra être composée en majorité de personnalités indépendantes du concessionnaire et comprendre un représentant de l’ARAFER ou de la direction générale de la concurrence, de la consommation et de la répression des fraudes – DGCCRF. Elle devra définir les règles internes pour la passation et l’exécution des marchés et veiller au respect de celles-ci. Un avis conforme de l’ARAFER sera requis sur ces règles et la composition de la commission. On peut donc espérer que ces commissions seront neutres et agiront en toute indépendance.
Le projet de loi prévoit, dans son alinéa 22 que l’attribution des marchés sera soumise à l’avis préalable de la commission des marchés, qui le transmettra à l’ARAFER et l’informera de tout manquement constaté. En d’autres termes, sur le modèle qui existait déjà avec la Commission nationale des marchés et la commission interne des marchés, le texte conforte deux niveaux de contrôle : l’ARAFER et les commissions internes des marchés.
Ces deux commissions ont des missions importantes en matière de définition des règles de passation ou de contrôle des procédures. Il est étonnant de constater que l’avis de la commission des marchés ne sera pas contraignant pour les sociétés concessionnaires d’autoroute. En effet, « le concessionnaire ne peut refuser de suivre l’avis de la commission des marchés que par une décision de son conseil d’administration ou de son conseil de surveillance ». Autrement dit, les conseils d’administration seront souverains.
Pour aller dans la logique du renforcement des contrôles voulue par le Gouvernement et pour faire respecter les dispositions légales en vigueur en matière de passation des marchés, nous proposons que l’avis de la commission interne soit conforme et, donc, s’impose aux SCA.
M. le président. Quel est l’avis de la commission ?
Mme Dominique Estrosi Sassone, corapporteur. Comme vous venez de le rappeler, ma chère collègue, l’article 5 prévoit déjà que « le concessionnaire ne peut refuser de suivre l’avis de la commission des marchés que par une décision de son conseil d’administration ou de son conseil de surveillance ».
Dans ces conditions, il n’est pas opportun d’aller au-delà. Cela pourrait rigidifier et complexifier les procédures.
En conséquence, la commission émet un avis défavorable sur cet amendement.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
Mme Axelle Lemaire, secrétaire d'État. Le Gouvernement est défavorable à cet amendement.
La liberté contractuelle et la liberté d’entreprendre sont des principes constitutionnels. Or la modification que vous proposez, madame la sénatrice, permettrait à l’État de s’immiscer beaucoup trop dans la gestion d’une société purement privée.
Instituer une commission des marchés est déjà en soi une mesure intrusive. Mais celle-ci se justifie par un objectif de régulation concurrentielle du marché, un objectif que nous partageons, si je vous ai bien comprise. Toutefois, aller au-delà porterait très vraisemblablement atteinte au principe constitutionnel de liberté contractuelle.
M. le président. Je suis saisi de deux amendements identiques.
L'amendement n° 521 est présenté par M. Nègre.
L'amendement n° 1422 rectifié est présenté par M. Médevielle et les membres du groupe Union des Démocrates et Indépendants - UC.
Ces deux amendements sont ainsi libellés :
Alinéa 23, après la première phrase
Insérer une phrase ainsi rédigée :
Tout projet d’avenant à un marché de travaux, fournitures ou services entraînant une augmentation du montant global supérieure à un seuil défini par voie réglementaire est soumis pour avis à la commission des marchés.
L’amendement n° 521 n’est pas soutenu.
La parole est à M. Pierre Médevielle, pour présenter l’amendement n° 1422 rectifié.
M. Pierre Médevielle. Cet amendement a pour objet de rendre plus transparente la passation des avenants aux contrats de concession autoroutière ainsi que de compléter le dispositif s’agissant de leur contrôle.
À cette fin, cet amendement vise à introduire une saisine a priori de la commission des marchés pour tout avenant supérieur à un seuil défini par voie réglementaire du montant global des travaux.
Ainsi, il ressort des pratiques antérieures une certaine hétérogénéité dans la présentation des avenants, qui, selon les concessionnaires d’autoroutes, s’échelonnait entre 5 % et 25 % du montant global du marché, certains allant même jusqu’à refuser de présenter leurs avenants. Le pourcentage s’appréciera sur la base de l’évolution du montant du contrat par rapport au marché.
En cas de pluralité d’avenants passés successivement, l’avis de la commission devra être recueilli pour tout avenant qui, pris individuellement, est inférieur au seuil réglementaire, mais dont le cumul avec le ou les avenants précédents, a pour effet de majorer le montant initial du marché du seuil fixé réglementairement.
Une fois de plus, il s’agit de doter nos régulateurs de tous les moyens juridiques possibles pour que les opérateurs fournissent à nos concitoyens le meilleur service au meilleur coût possible, et ce dans la plus grande transparence.
D’ailleurs, la soirée étant placée sous le signe de la transparence, après le déballage de chiffres auquel nous avons eu droit à la reprise de la séance, je rappelle, notamment à l’intention de nos collègues du groupe CRC, qu’anime apparemment un grand souci du détail, qu’ils ont oublié de citer un chiffre important : ce sont 40 % de leur chiffre d’affaires que nos horribles concessionnaires reversent tous les ans au Gouvernement, soit 3,7 milliards d’euros.
M. le président. Quel est l’avis de la commission ?
Mme Dominique Estrosi Sassone, corapporteur. La commission spéciale est favorable à cet amendement, qui vise à compléter utilement le dispositif.
Dans son avis, l’Autorité de la concurrence a en effet souligné les difficultés de régulation concernant ces avenants.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
Mme Axelle Lemaire, secrétaire d'État. Le Gouvernement est également favorable à cet amendement.
Par cet amendement, vous poursuivez, monsieur le sénateur, le même objectif que celui qui était visé à travers l’amendement précédent,…
Mme Annie David. Il n’est pas intrusif ?
Mme Axelle Lemaire, secrétaire d'État. … à savoir éviter le contournement de l’application des règles relatives à la libre concurrence, ainsi que le fractionnement. Vous apportez là une réponse adaptée à une préoccupation clairement identifiée.
M. le président. L'amendement n° 1360, présenté par Mmes Assassi, Didier et les membres du groupe communiste républicain et citoyen, est ainsi libellé :
Alinéa 23, seconde phrase
Compléter cette phrase par les mots :
ainsi que les avenants ayant pour conséquence de faire sortir les marchés des réserves mentionnées à l’article L. 122-13
La parole est à M. Michel Le Scouarnec.
M. Michel Le Scouarnec. Le projet de loi prévoit que la commission des marchés dans les SCA obtiendra du concessionnaire la communication de la liste des entreprises avec lesquelles il conclut des marchés entrant dans le champ des réserves mentionnées à l’article L. 122-13 du code de la voirie routière : « Pour les marchés de travaux, fournitures ou services, le concessionnaire d’autoroute procède à une publicité permettant la présentation de plusieurs offres concurrentes, dans des conditions et sous réserve des exceptions définies par voie réglementaire. »
Il ressort du rapport de la Commission nationale des marchés publié en juillet dernier que certaines difficultés se font jour quant au contrôle effectif de la procédure de passation des marchés. Selon cette instance, les commissions internes doivent avoir connaissance des avenants et des marchés complémentaires passés par les SCA si l’on veut donner une portée effective à ce contrôle. Elle rappelle que, aux termes de l’article 11 du décret du 30 décembre 2005, le pouvoir adjudicateur ne peut se soustraire au respect des règles de publicité et de mise en concurrence, notamment en scindant ses achats. La Commission nationale des marchés relève que certains avenants supérieurs à 15 % sont de nature à bouleverser l’économie initiale du marché. Ces avenants ne sont pas communiqués par certaines SCA.
Ainsi, la commission estime qu’elle n’est pas en mesure de vérifier que les sociétés ESCOTA et ASF respectent leurs obligations en matière de passation et d’exécution des marchés de travaux, de fourniture et de services.
Par notre amendement, nous souhaitons préciser l’information prévue à l’alinéa 23 du projet de loi.
M. le président. Quel est l’avis de la commission ?
Mme Dominique Estrosi Sassone, corapporteur. La première phrase de l’alinéa 23 du projet de loi prévoit que la commission des marchés est informée de l’ensemble des avenants. La précision que vous proposez d’introduire est donc redondante. Aussi la commission émet-elle un avis défavorable sur cet amendement.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
Mme Axelle Lemaire, secrétaire d'État. Le Gouvernement partage l’avis de la commission : la commission des marchés est informée non seulement des avenants aux marchés conclus par le concessionnaire, mais aussi de la liste des entreprises avec lesquelles celui-ci conclut des marchés en dehors des règles de passation des marchés. Dès lors, cette précision n’est pas nécessaire.
M. le président. La parole est à Mme Évelyne Didier, pour explication de vote.
Mme Évelyne Didier. Il s’agit, me semble-t-il, d’une information obligatoire, à laquelle les concessionnaires ne peuvent se soustraire. Il est donc assez curieux que nous ne nous donnions pas les moyens de contraindre les sociétés.
M. le président. L'amendement n° 1368, présenté par Mmes Assassi, Didier et les membres du groupe communiste républicain et citoyen, est ainsi libellé :
Alinéa 23
Compléter cet alinéa par une phrase ainsi rédigée :
« Lorsqu’une société concessionnaire d’autoroute ne respecte pas la communication des informations prévues au présent alinéa, elle en informe l’Autorité de régulation des activités ferroviaires et routières qui peut prononcer une sanction en application de l’article L. 2135-7 du code des transports.
La parole est à Mme Évelyne Didier.
Mme Évelyne Didier. Aux termes de ce projet de loi, l’ARAFER a pour compétence d’exercer un rôle de régulation et de contrôle dans le secteur des transports terrestres, notamment en ce qui concerne les concessions autoroutières.
L’Assemblée nationale a étendu parallèlement les pouvoirs de l’autorité en matière de sanctions administratives dans ces nouveaux secteurs. Comme le prévoit déjà l’article L. 2135-7 du code des transports en matière de transports ferroviaires, l’ARAFER pourra mettre en demeure une entreprise de transport public routier de personnes, un concessionnaire d’autoroute ou une entreprise intervenant dans le secteur des travaux, fournitures et services sur le réseau autoroutier qui refusera de lui donner accès à sa comptabilité ou à ses informations économiques, financières et sociales.
L’ambition affichée est donc de garantir un contrôle effectif dans le secteur des transports terrestres. Or, en ce qui concerne plus particulièrement les sociétés concessionnaires d’autoroutes, le projet de loi conforte les commissions des marchés dans leur rôle de contrôle sur les obligations inscrites dans les cahiers des charges annexés aux conventions de concession en matière de passation et d’exécution des marchés de travaux, de fournitures ou de services.
En effet, l’alinéa 23 de l’article 5 dispose que la commission des marchés instituée par chaque société concessionnaire « est informée des avenants aux marchés » mentionnés au troisième alinéa de l’article L. 122-13-1 du code de la voirie routière et que « le concessionnaire communique à la commission des marchés la liste des entreprises avec lesquelles il conclut des marchés entrant dans le champ des réserves mentionnées à l’article L. 122-13 » du même code.
Cependant, dans son rapport d’activité pour 2013, la Commission nationale des marchés des sociétés concessionnaires d’autoroutes ou d’ouvrages d’art a formulé des remarques assez inquiétantes en ce qui concerne la réalité du contrôle exercé par les commissions internes des marchés.
Ainsi, elle a signalé que les commissions internes de certaines sociétés, notamment celles d’APRR, d’AREA, d’ESCOTA et d’ASF, n’avaient pas communiqué la liste de l’ensemble des achats d’un montant supérieur à 500 000 euros pour les travaux et à 90 000 euros pour les fournitures et les services. En d’autres termes, les informations demandées n’ont pas été transmises !
Dans ce rapport, la Commission nationale des marchés des sociétés concessionnaires d’autoroutes ou d’ouvrages d’art conclut que « le refus de communication de la liste de l’ensemble des marchés ne lui permet pas d’exercer sa mission prévue à l’article 1er du décret n° 2004-86 du 26 janvier 2004, à savoir veiller au respect, par les sociétés, de la réglementation applicable et de leurs obligations inscrites dans les cahiers des charges annexés à leurs conventions de concession, ni en matière de passation ni d’exécution des marchés de travaux, de fournitures et de services ».
Il est particulièrement grave et choquant, dans un État de droit, de constater que des entreprises peuvent se soustraire à leurs obligations légales sans être inquiétées. Le présent amendement vise donc tout simplement à donner à l’ARAFER les moyens d’assurer le respect de la loi.
Mme Laurence Cohen. Très bien !
M. le président. Quel est l’avis de la commission ?
Mme Dominique Estrosi Sassone, corapporteur. Je vous signale, madame Didier, que l’ARAFER disposera de toute façon d’un pouvoir général d’accès aux données des concessionnaires, ainsi qu’il est prévu aux alinéas 46 et 47 de l’article 5.
Aussi, la commission spéciale, fidèle à son souci de ne pas complexifier ni alourdir davantage le dispositif, a émis un avis défavorable sur cet amendement.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
Mme Axelle Lemaire, secrétaire d'État. Madame la sénatrice, vous avez eu raison d’insister sur la nécessité d’assurer l’effectivité des contrôles et des sanctions en cas de non-respect des nouvelles obligations légales en matière de communication d’informations et de documents. Il est bon, lorsque ces obligations sont méconnues, que l’ARAFER ait le pouvoir de prononcer une sanction, par exemple une amende fixée selon le chiffre d’affaires de la société concessionnaire concernée.
Contrairement à la commission spéciale, le Gouvernement est donc favorable à cet amendement. (Exclamations sur les travées du groupe CRC.)
Mme Évelyne Didier. Merci, madame la secrétaire d’État !
M. le président. L'amendement n° 524 n’est pas soutenu.
L'amendement n° 1361, présenté par Mmes Assassi, Didier et les membres du groupe communiste républicain et citoyen, est ainsi libellé :
Alinéa 30
Compléter cet alinéa par une phrase ainsi rédigée :
Lorsque ces travaux donnent lieu à une compensation, elle vérifie le respect des délais de leur réalisation, ainsi que le respect de l’échéancier financier et du calendrier d’investissement.
La parole est à Mme Évelyne Didier.
Mme Évelyne Didier. Cet amendement vise à permettre le suivi par l’ARAFER des travaux réalisés en exécution des marchés définis à l’article L. 122-10 du code de la voirie routière, en particulier de leur date de réalisation effective, lorsqu’il s’agit de travaux compensés par l’État.
Il faut bien voir, mes chers collègues, que les travaux compensés constituent un cas particulier. De fait, l’Autorité de la concurrence a mis en évidence de nombreux retards dans l’exécution par les SCA des travaux prévus dans le cadre du « paquet vert » autoroutier. Or ces retards n’ont donné lieu à aucune réduction correspondante des compensations.
Mes chers collègues, en ce qui concerne, au-delà de la question des compensations non justifiées, les retards que le suivi du « paquet vert » a fait apparaître dans la réalisation des travaux et dans le décaissement des SCA, je vais vous donner lecture du constat dressé par l’Autorité de la concurrence dans son avis du 17 septembre 2014 sur le secteur des autoroutes après la privatisation des sociétés concessionnaires.
« Alors qu’ils devaient débuter au dernier trimestre 2009, les travaux n’ont commencé à être réalisés que six mois plus tard, si bien qu’ils se sont prolongés en 2012 et en 2013. Or, dans la méthodologie servant de base au calcul de la compensation, les coûts étaient actualisés à partir des décaissements, lesquels étaient censés intervenir tous avant la fin 2011. Les travaux ayant été retardés, la valeur actualisée de leur coût aurait dû être recalculée en conséquence. Cependant, la direction des infrastructures de transport a confirmé que "les effets de décalage ne sont pas pris en compte tant que le délai d’exécution est respecté" ». Bref, les sociétés encaissent un petit bonus au passage !
L’Autorité de la concurrence poursuit ainsi son constat : « Comme une seule opération n’a pas été achevée dans les temps, la SCA fautive – ESCOTA – ayant d’ailleurs été sanctionnée par le versement d’une indemnité, les effets de ce décalage sur la compensation n’ont pas été mesurés dans le rapport d’exécution ».
Logiquement, ces retards auraient dû conduire à une réduction correspondante de la compensation accordée par l’État aux différentes sociétés.
Seulement, la direction des infrastructures de transport a estimé que le respect de la date de fin des travaux suffisait pour considérer que les engagements conditionnant les compensations étaient respectés, alors même que, s’agissant d’investissements de « verdissement », il aurait été particulièrement opportun de faire preuve de diligence.
Nous souhaitons que, à l’avenir, pour les travaux donnant lieu à une compensation, l’ARAFER vérifie le respect des délais de réalisation, mais aussi de l’échéancier financier et du calendrier d’investissement.
M. le président. Quel est l’avis de la commission ?
Mme Dominique Estrosi Sassone, corapporteur. Il revient non pas à l’autorité de régulation, mais à l’État de s’assurer du respect des échéanciers prévus par les concessionnaires et les entreprises de travaux.
Dans ces conditions, la commission spéciale est défavorable à cet amendement.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
Mme Axelle Lemaire, secrétaire d'État. Mesdames, messieurs les sénateurs, je vous rappelle que nous avons fait le choix d’opérer une distinction claire entre l’ordre contractuel, dont relève le suivi des contrats passés par les concessionnaires, et la régulation économique, car nous ne souhaitons pas que l’État se dessaisisse de la gestion des concessions autoroutières.
Étendre les compétences de l’ARAFER à un contrôle qui appartient strictement aux missions du concédant induirait une confusion des rôles et, très certainement, une moindre efficacité du dispositif.
Le Gouvernement est donc défavorable à l’amendement n° 1361.
M. le président. La parole est à Mme Évelyne Didier, pour explication de vote.
Mme Évelyne Didier. Madame la secrétaire d’État, j’entends votre argument.
Au demeurant, notre groupe préférerait qu’il n’y ait pas besoin d’Autorité de la concurrence et que les services de l’État fassent eux-mêmes le travail. Seulement, les différents groupes de travail ont constaté que le contrôle exercé n’était pas – je suis attentive aux mots que j’emploie ! – suffisamment suivi. Ce problème est particulièrement grave lorsque les travaux donnent lieu à compensation, puisque les sociétés perçoivent des financements : imaginez-vous que, lorsqu’elles ne respectent pas le calendrier prévu, personne ne leur dit rien !
Madame la secrétaire d’État, peut-être le Gouvernement pourrait-il s’engager, a minima, à exiger de ses services qu’ils procèdent à des contrôles et qu’ils réclament le remboursement des compensations lorsque les échéances n’ont pas été respectées. Il n’est pas possible que les choses continuent ainsi. Ou alors, que l’on ne vienne pas se plaindre de la situation des finances de l’État !
M. Michel Le Scouarnec. Très bien !
M. le président. L'amendement n° 1542, présenté par le Gouvernement, est ainsi libellé :
I. –Alinéa 45
Rétablir l’article L. 122-19 dans la rédaction suivante :
« Art. L. 122-19. – Le contrôle administratif de l’Autorité de régulation des activités ferroviaires et routières s’exerce à l’égard des concessionnaires d’autoroutes dans les conditions prévues à la section 1 du chapitre V du titre III du livre Ier de la deuxième partie du code des transports.
II. – Alinéas 48 et 49
Rétablir les articles L. 122-20 et L. 122-21 dans la rédaction suivante :
« Art. L. 122-20. – Le fait de s’opposer, de quelque façon que ce soit, à l’exercice des fonctions des agents de l’Autorité de régulation des activités ferroviaires et routières dans l’exercice de leurs missions dans le secteur autoroutier est réprimé dans les conditions prévues à la section 3 du chapitre V du titre III du livre Ier de la deuxième partie du code des transports.
« Art. L. 122-21. – Les relations et les échanges relatifs au secteur autoroutier de l’Autorité de régulation des activités ferroviaires et routières avec, d’une part, l’Autorité de la concurrence et, d’autre part, les juridictions compétentes sont définis à la section 4 du chapitre V du titre III du livre Ier de la deuxième partie du code des transports. »
La parole est à Mme la secrétaire d'État.
Mme Axelle Lemaire, secrétaire d'État. Cet amendement vise à rétablir des renvois que la commission spéciale a supprimés, les jugeant dénués de portée juridique, mais qui nous paraissent nécessaires à la lisibilité du droit, dans la mesure où les dispositions relatives à l’ARAFER et celles qui sont relatives aux autoroutes ne figurent pas dans les mêmes codes.
M. le président. Quel est l’avis de la commission ?
Mme Dominique Estrosi Sassone, corapporteur. La commission spéciale maintient que ces renvois sont superflus et complexifient inutilement le code des transports. Elle rappelle en outre que le Gouvernement dispose, en vertu de l’article 1er du projet de loi, que nous avons voté, d’une habilitation à procéder par ordonnance pour assurer la cohérence des dispositifs juridiques.
La commission spéciale est donc défavorable à l’amendement.
M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 1542.
(Après une épreuve à main levée déclarée douteuse par le bureau, le Sénat, par assis et levé, adopte l'amendement.)
M. le président. L'amendement n° 680, présenté par M. Guillaume, Mme Bricq, M. Filleul, Mmes Emery-Dumas et Génisson, MM. Bigot, Cabanel, Marie, Masseret, Raynal, Richard, Sueur, Vaugrenard et les membres du groupe socialiste et apparentés, est ainsi libellé :
Après l’alinéa 47
Insérer quatre alinéas ainsi rédigés :
« Art. L. 122-19-2 – Pour l’accomplissement par l’Autorité de régulation des activités ferroviaires et routières des missions définies au présent chapitre, les dispositions de l’article L. 122-19-1 et des sections 1 à 3 du chapitre V du titre III du livre Ier de la deuxième partie du code des transports, sont applicables, dans les mêmes conditions qu’au concessionnaire, aux sociétés suivantes :
« – les sociétés qu’il contrôle, au sens des articles L. 233-3 et L. 233-4 du code de commerce ;
« – celles qui le contrôlent, au sens des mêmes articles ;
« – toute société ayant pour objet principal la détention de titres de sociétés concessionnaires autoroutières ou le financement des sociétés qui les détiennent.
La parole est à M. Jean-Jacques Filleul.
M. Jean-Jacques Filleul. Le constat d’une défaillance de la régulation des sociétés concessionnaires a été dressé par plusieurs autorités, notamment par la Cour des comptes dans son rapport du 24 juillet 2013. Il a été confirmé par les différents groupes de travail parlementaires qui se sont attachés au secteur autoroutier et qui se sont tous prononcés en faveur du renforcement du pouvoir de l’ARAFER sur les SCA en matière de recueil d’informations.
Le Gouvernement a pris en compte les recommandations qui lui ont été adressées, puisque l’article 5 du projet de loi, que nous avons déjà complété en adoptant plusieurs amendements, est destiné à améliorer l’ensemble de la régulation du secteur autoroutier concédé, s’agissant des modalités de fixation des tarifs de péage et du contrôle des marchés passés par les SCA.
En vue de conforter la place de l’État face aux sociétés concessionnaires d’autoroutes, l’article 5 du projet de loi prévoit notamment un renforcement du pouvoir de l’ARAFER sur les SCA en matière de recueil d’informations.
Le présent amendement vise à approfondir cette logique et à renforcer la régulation : il s’agit d’étendre le pouvoir de recueil d’informations de l’ARAFER aux sociétés liées aux concessionnaires. L’amendement tend également à élargir ce pouvoir aux autres sociétés susceptibles de détenir des informations sur l’appréciation du coût du capital investi dans la concession.
Cet élargissement du pouvoir de l’ARAFER est nécessaire afin que le régulateur puisse disposer de l’ensemble des éléments nécessaires à l’estimation du coût du capital investi sur le réseau autoroutier. En effet, cette donnée technique constitue un critère d’appréciation important du taux de rentabilité, sur le fondement duquel il est possible de fixer les tarifs de péages à un niveau qui ne conduise pas à une rémunération excessive du capital.
En outre, la mesure que nous proposons permettrait de répondre à l’obligation de synthèse annuelle des éléments financiers des concessions autoroutières.
En définitive, cet amendement vise à améliorer la fixation des tarifs de péages au bénéfice des usagers et de l’État. Mes chers collègues, je vous rappelle que, dans le rapport du groupe de travail du Sénat sur les sociétés concessionnaires d’autoroutes, adopté par l’ensemble des groupes, nous avions demandé que les augmentations de tarifs soient contrôlées, afin que l’on soit sûr que celles-ci soient en rapport avec les conventions.
M. le président. Quel est l’avis de la commission ?
Mme Dominique Estrosi Sassone, corapporteur. Cet amendement vise à conférer à l’ARAFER un pouvoir très large, dont je ne suis pas sûre qu’il soit véritablement proportionné. J’y suis donc défavorable.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
Mme Axelle Lemaire, secrétaire d'État. Les dispositions de cet amendement forment la seconde jambe du dispositif ouvrant la voie à une régulation et une transparence renforcées, via un élargissement du contrôle exercé par l’ARAFER : après nous être attachés au contrôle exercé sur les travaux, nous abordons le contrôle financier. Il est décisif de pouvoir connaître le taux de rentabilité des concessions, leur mode de financement et les informations relatives à la gestion de leur dette.
Le Gouvernement est donc tout à fait favorable à cet amendement.
M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 680.
J'ai été saisi d'une demande de scrutin public émanant de la commission spéciale.
Je rappelle que l'avis de la commission est défavorable et que celui du Gouvernement est favorable.
Il va être procédé au scrutin dans les conditions fixées par l'article 56 du règlement.
Le scrutin est ouvert.
(Le scrutin a lieu.)
M. le président. Personne ne demande plus à voter ?…
Le scrutin est clos.
J'invite Mmes et MM. les secrétaires à procéder au dépouillement du scrutin.
(Il est procédé au dépouillement du scrutin.)
M. le président. Voici, compte tenu de l’ensemble des délégations de vote accordées par les sénateurs aux groupes politiques et notifiées à la présidence, le résultat du scrutin n° 128 :
Nombre de votants | 337 |
Nombre de suffrages exprimés | 337 |
Pour l’adoption | 150 |
Contre | 187 |
Le Sénat n'a pas adopté.
La parole est à M. Bruno Retailleau, pour explication de vote sur l'article.
M. Bruno Retailleau. Monsieur le président, madame la secrétaire d’État, j’interviens pour indiquer que notre groupe votera l’article 5, tel qu’il a été modifié par la commission spéciale. Je voudrais tout spécialement féliciter Mme la corapporteur, Dominique Estrosi-Sassone.
Depuis qu’un certain nombre de rapports nous ont éclairés sur le manque d’exigence de l’État vis-à-vis des sociétés concessionnaires d’autoroutes, il faut de toute évidence veiller à mieux encadrer les relations que l’État a nouées avec ces sociétés, être plus exigeant à leur égard et mieux les réguler.
Nous voterons également en faveur du présent article après avoir entendu tout à l’heure M. le ministre, Emmanuel Macron, confirmer le plan de relance pour l’investissement autoroutier, dont nous nous félicitons.
En revanche, je souhaiterais relever une incohérence grave et souligner un dysfonctionnement du Gouvernement au sujet d’un projet autoroutier, l’autoroute A 831, qui concerne deux grandes régions administratives dans l’ouest de la France.
Tout d’abord, il s’agit d’un projet qui bénéficie d’une déclaration d’utilité publique, une DUP.
Ensuite, c’est sans doute le seul projet en France qui ait répondu à une exigence de la Ligue pour la protection des oiseaux, la LPO, pour un surcoût lié à l’intégration environnementale de 125 millions d’euros.
Enfin, ce projet fait consensus, puisqu’il est soutenu par 98 % des acteurs, issus tant de la droite et du centre que de la gauche.
Pourtant, ce projet est aujourd’hui suspendu. Alors même qu’il est question d’une portion d’autoroute dont le trafic s’élève à plus de 20 000 véhicules par jour et dont on voit bien qu’elle sera rentable, ce dossier est arrêté par une ministre du Gouvernement. C’est d’autant moins compréhensible que, d’une part, ce projet respecte en tout point le cadre juridique, environnemental, financier et politique et que, d’autre part, le Gouvernement souhaite relancer les investissements autoroutiers.
Par deux fois sur ce dossier, le Premier ministre s’est engagé par écrit auprès des élus, présidents de département ou de région, de droite comme de gauche, afin d’indiquer le sens dans lequel le Gouvernement s’orientait. Et par deux fois, Mme Royal l’a contredit dans la presse.
Il y a quelques jours, dans le journal Sud Ouest, Mme Royal déclarait de nouveau, et de façon modeste – je lis ce passage, car cela permettra de détendre l’atmosphère en cette heure tardive – : « Même si je voulais partir, on me demanderait de rester » dans le Gouvernement. (Rires.)
Mme Nicole Bricq. Nous la reconnaissons bien là !
M. Bruno Retailleau. Nous n’avons pas pris cette déclaration pour un trait d’humour. Nous voulons simplement que l’autorité reste entre les mains du chef du Gouvernement, qu’elle reste au bon sens. Nous avons en effet des entreprises de travaux publics qui peinent. Il y a beaucoup de chômage dans ces secteurs.
Madame la secrétaire d’État, ce n’est pas le Gouvernement dans son ensemble que j’accuse. Seulement, certains membres de ce gouvernement se complaisent dans les couacs, et je pense que le Premier ministre, qui apprécie l’autorité et aime rappeler la sienne, ferait bien de l’exercer à l’égard de tous les ministres. Ces derniers sont soumis au même chef de gouvernement et doivent respecter la même règle, quels qu’ils soient. (Applaudissements sur les travées de l'UMP et de l'UDI-UC.)
M. le président. La parole est à Mme Évelyne Didier, pour explication de vote.
Mme Évelyne Didier. Je ne suis pas là pour donner des leçons d’autorité, ou d’autre chose, à qui que ce soit.
En premier lieu, ce sujet a sans doute souffert d’une différence d’appréciation entre membres du Gouvernement et de l’expression de voix discordantes. C’est une réalité que l’on constate parfois dans une équipe. Cependant, face aux sociétés d’autoroutes, il aurait été préférable que l’on ne parle que d’une seule et même voix.
En second lieu, je considère qu’il n’est pas normal que des voix s’élèvent pour rejeter l’idée d’un contrôle lorsqu’un groupe, quelle que soit sa nuance politique, présente des amendements ou des propositions qui permettent d’avancer sur une telle voie.
En effet, il s’agit tout de même de l’argent de nos usagers et de l’argent de l’État ! Que ces personnes cherchent à mettre en difficulté le Gouvernement, parce que cela s’est vu, ou s’opposent pour d’autres mauvaises raisons importe peu : je trouve que, en agissant ainsi, elles manquent à leur devoir de parlementaires qui doivent en toutes circonstances être garants de l’intérêt général.
Notre intérêt était véritablement d’avancer sur le chemin d’un meilleur contrôle. Pour ma part, je pense avoir vraiment présenté des arguments, donné des exemples et m’être appuyé sur des faits avérés.
Je peux également vous dire que des sociétés de BTP, et pas des moindres, se plaignent aujourd’hui de ne pas bénéficier d’une part du gâteau et qu’elles aimeraient obtenir un petit plus d’ouverture. Nous le savons, puisqu’elles le disent ! Elles ne le disent cependant pas trop fort, parce qu’il pourrait y avoir des distorsions.
Je ne comprends pas pourquoi nous ne sommes pas unanimes sur ces travées lorsque sont présentés des amendements visant à renforcer le contrôle. J’espère que nous ferons avancer ce sujet ensemble, parce qu’il est anormal que, s’agissant d’un outil public, dans une situation de monopole géographique et d’exploitation, on souhaite avoir le beurre, l’argent du beurre et le sourire du crémier. (Sourires.)
On essaie de tirer avantage d’un système supposé favoriser la concurrence, alors que, en réalité, chacun sait que celle-ci n’existe pas, notamment lorsque sont passés des appels d’offres restreints, des marchés de gré à gré ou encore des contrats dont le seuil est inférieur à 2,5 millions d’euros. Or ces pratiques concernent presque tous les marchés !
Pour ma part, comme certains amendements dont je suis l’auteur ont été adoptés et comme j’ai accepté de voter en faveur d’amendements déposés par des collègues, par respect pour le travail réalisé ensemble, je voterai pour cet article 5.
Toutefois, mes collègues du groupe CRC voteront contre, parce qu’ils sont opposés par principe à cet article. Ils ont en effet présenté un amendement de suppression dont les dispositions correspondent à la logique que nous avons toujours défendue et qui est cohérente.
Je comprends et j’approuve d’ailleurs mon groupe lorsqu’il défend cette position constante, même si je respecte aussi les échanges qui se sont déroulés et si des amendements que j’approuve ont été acceptés : ce n’est que le juste retour des choses.
M. le président. La parole est à M. Jean-Jacques Filleul, pour explication de vote.
M. Jean-Jacques Filleul. Le groupe socialiste votera en faveur de cet article 5, qui est important, même si nous regrettons que l’amendement n° 680 n’ait pas été adopté, car ses dispositions proposaient un équilibre d’ensemble pour le contrôle financier et le contrôle des péages autoroutiers ; peut-être trouvera-t-il une autre demeure législative.
Par ailleurs, je me félicite une nouvelle fois de l’annonce du plan de relance et de la volonté du Gouvernement de réguler les situations constatées par les différents groupes parlementaires, l’Autorité de la concurrence et la Cour des comptes. Nous avons réalisé là un grand progrès, dont il faut se satisfaire, même s’il y a encore du travail à réaliser en matière de régulation et de transparence.
Aussi, je pense que nous pouvons être fiers du travail entrepris sur ce point.
M. le président. La parole est à M. Jean Desessard, pour explication de vote.
M. le président. Je mets aux voix l'article 5, modifié.
(L'article 5 est adopté.)
Articles additionnels après l'article 5
M. le président. L'amendement n° 1364, présenté par Mmes Assassi, Didier et les membres du groupe communiste républicain et citoyen, est ainsi libellé :
Après l’article 5
Insérer un article additionnel ainsi rédigé :
L’Autorité de la concurrence remet au Parlement un avis sur le taux de rendement interne des sociétés concessionnaires d’autoroutes et elle quantifie les impacts des contrats de plan successifs depuis 2006. Cet avis est rendu dans les trois mois suivant la promulgation de la présente loi.
La parole est à Mme Évelyne Didier.
Mme Évelyne Didier. Lors des travaux auxquels j’ai participé dans le cadre de la commission du développement durable du Sénat, ou lors de l'espèce de cours magistral auquel les parlementaires ont été convoqués à Matignon (Sourires sur les travées du groupe CRC.), nous avons pu constater que les sociétés d’autoroutes avaient largement bénéficié de contrats avantageux et de règles d’interprétation toujours favorables à leurs intérêts.
Pourtant, elles ont tendance, en tout cas certaines d’entre elles, à se présenter comme les victimes d’une cabale. Nous avons ainsi lu quelques articles croustillants ces derniers temps.
Dans un courrier adressé en février dernier au président de l’Autorité de la concurrence, M. Bruno Lasserre, les sociétés concessionnaires ont estimé que la rentabilité devait se calculer sur l’ensemble de la durée des concessions, soit une trentaine d’années, cette activité « capitalistique » devant « être jugée en fonction de son taux de rentabilité interne », le TRI. Selon eux, leur rentabilité était bien inférieure aux 20 % ou plus évoqués par l’Autorité.
Or, selon les économistes du cabinet Microeconomix, notamment, que nous avons auditionnés au Sénat, « le TRI de près de 9 % revendiqué par les actionnaires des sociétés d’autoroutes est considérablement plus élevé » que celui qui avait été présenté lors de la privatisation.
Le taux de rentabilité interne des capitaux investis au moment de la privatisation représente le coût du capital pour lequel un investisseur serait indifférent à acquérir ou non une SCA. On l’obtient grâce aux résultats financiers sur l’ensemble de la durée de la concession.
Pour la durée des concessions au-delà de 2014, on doit se contenter des projections de la capacité de l’entreprise à générer des ressources supplémentaires. Cette dernière donnée va dépendre de plusieurs hypothèses : l’inflation, l’augmentation du trafic, l’évolution des charges en personnel, des achats et des charges externes.
Lors des négociations avec l’État, que ce soit dans le cadre du « paquet vert » ou du contrat de plan de relance, les sociétés ont eu intérêt, et c’est ce qu’elles ont fait, à minimiser leur capacité à générer des ressources pour obtenir les prolongations de concessions les plus longues au titre des compensations.
Si l’on se réfère aux hypothèses retenues, favorables aux sociétés concessionnaires d’autoroutes, on obtient un TRI de 8,7 %. Si l’on retient des hypothèses favorables à la croissance, comme l’a fait le cabinet privé Microeconomix, on obtient un TRI légèrement supérieur à 10 %.
Notons que, si la différence entre 8,7 % et 10 % paraît insignifiante à première vue, elle représente en réalité quelque 13 milliards d’euros de cash flow entre 2015 et 2033. Un écart d’un point de TRI correspond à un profit supplémentaire pour les sociétés d’une dizaine de milliards d’euros. C’est loin d’être anodin !
Pour obtenir une connaissance plus approfondie du dossier des concessions autoroutières, nous avons besoin d’éléments précis d’éclairage. C’est pourquoi nous vous proposons, mes chers collègues, d’adopter cet amendement.
M. le président. Quel est l’avis de la commission ?
Mme Dominique Estrosi Sassone, corapporteur. On voit mal sur quoi pourrait porter un tel avis de l’Autorité de la concurrence rendu à un instant t. Mieux vaut que celle-ci suive l’ensemble des données dans le temps.
La commission émet donc un avis défavorable.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
Mme Axelle Lemaire, secrétaire d'État. Il ne s’agit pas tant de discuter du niveau le plus adéquat du TRI que de s’interroger sur l’autorité compétente pour délivrer des informations, sur ce sujet comme sur d’autres.
Or ce débat a déjà eu lieu, et le Gouvernement a fait le choix de confier à une autorité spécialisée, l’ARAFER, tous les pouvoirs de contrôle et de sanction dans ce secteur, s’inspirant du modèle de l’ARCEP pour le secteur des télécoms, que je connais bien.
Nous pensons qu’il convient de poursuivre cette logique d’extension et de renforcement des pouvoirs de l’ARAFER. Ce faisant, il ne serait pas logique de confier de nouvelles missions à l’Autorité de la concurrence.
Le Gouvernement demande donc le retrait de cet amendement.
M. le président. Madame Didier, l'amendement n° 1364 est-il maintenu ?
Mme Évelyne Didier. Madame la secrétaire d’État, l’un n’empêche pas l’autre !
L’Autorité de la concurrence a déjà rendu un rapport très détaillé sur le sujet. Si, dès le départ, on l’avait interrogée sur le TRI, elle aurait pu expliquer ce qui s’était passé depuis la privatisation, ce qui nous aurait peut-être épargné de longs débats sur la question.
Au demeurant, il s’agit juste de faire le point à un moment donné, afin de repartir sur de bonnes bases ; nous n’exigeons pas la remise d’un rapport annuel !
Je maintiens donc cet amendement, monsieur le président.
M. le président. L'amendement n° 1365, présenté par Mmes Assassi, Didier et les membres du groupe communiste républicain et citoyen, est ainsi libellé :
Après l’article 5
Insérer un article additionnel ainsi rédigé :
L’Autorité de la concurrence remet au Parlement un avis sur le dernier plan de relance autoroutier validé par la Commission européenne, qui porterait notamment sur l’existence éventuelle de surcompensations et sur la répartition des marchés. Cet avis est rendu dans les trois mois suivant la promulgation de la présente loi.
La parole est à M. Patrick Abate.
M. Patrick Abate. Le 28 octobre dernier, la Commission européenne a partiellement validé la mise en œuvre du plan de relance autoroutier notifié par la France le 16 mai 2014. Rien ne va changer !
Pourtant, de nombreuses critiques ont été adressées à l’État et aux sociétés concessionnaires d’autoroutes sur le modèle du plan de relance, qu’elles soient contenues dans les rapports de la Cour des comptes et de l’Autorité de la concurrence ou dans les rapports parlementaires.
Ainsi, le système reste intact. On part sur les mêmes hypothèses favorables aux sociétés autoroutières.
Rappelons que, dans son rapport, la Cour des comptes concluait, à propos des plans de relance, que « le modèle économique est donc construit de telle sorte que tout investissement est compensé par une hausse de tarifs. Les bénéfices des sociétés concessionnaires n’ont pas à être réinvestis dans des investissements nouveaux ou dans des diminutions de tarifs. Par construction, ce modèle ne peut qu’aboutir à une hausse constante et continue des tarifs ».
D’une part, avec le nouveau plan de relance, le Gouvernement montre en réalité son absence de volonté politique pour mettre fin à l’allongement des concessions et aux compensations favorables aux sociétés.
Comme le note notre collègue député Jean-Paul Chanteguet dans son rapport d’information, « le plan de relance autoroutier qui vient d’obtenir le feu vert de Bruxelles marque bien cette fuite en avant qui caractérise notre politique de financement des infrastructures de transport. En effet, la contrepartie du programme d’investissement de 3,271 milliards d’euros que se sont engagées à mettre en œuvre, sur près de 11 ans, les six sociétés historiques plus Cofiroute, ne se limite pas uniquement à un allongement de la durée des concessions pouvant aller jusqu’à plus de quatre ans, soit une augmentation de 30 % de la durée restante, elle se traduit aussi par un élargissement du périmètre concédé ».
D’ailleurs, la réalisation de travaux complémentaires qui ne s’imposaient pas contractuellement sur les réseaux et la persistance de marchés de gré à gré s’apparente « fortement à la pratique de l’adossement », de l’avis même de l’Autorité de la concurrence. La directive du 31 mars 2004 relative à la coordination des procédures de passation des marchés publics de travaux, de fournitures et de services autorise le concédant à attribuer des travaux complémentaires au concessionnaire, sans publicité ni mise en concurrence, par avenant au contrat.
À ce sujet, le Gouvernement non seulement persiste, mais trouve des arguments juridiques pour défendre le nouveau plan de relance. L’obstacle que pouvaient rencontrer les sociétés autoroutières était la limitation des travaux à 50 % du montant de la concession initiale. Si l’on prenait en compte la date de création des sociétés d’économie mixte concessionnaires d’autoroutes – les années cinquante et soixante –, le plan de relance autoroutier n’aurait pas été compatible avec la directive. On a donc retenu la date du 31 décembre 1997 comme référence pour l’ouvrage initial.
D’autre part, au-delà de la question de la compensation des travaux, on a attiré notre attention sur l’impact fiscal du plan de relance. Les sociétés concessionnaires d’autoroutes vont voir leurs amortissements fiscalement déductibles augmenter de près de 188 millions d’euros.
M. le président. Veuillez conclure, mon cher collègue.
M. Patrick Abate. Nous sollicitons donc l’avis de l’Autorité de la concurrence sur le plan de relance.
M. le président. Quel est l’avis de la commission ?
Mme Dominique Estrosi Sassone, corapporteur. Dans son avis de septembre 2014, l’Autorité de la concurrence a déjà abordé la question du plan de relance autoroutier.
En conséquence, l'avis de la commission est défavorable.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
Mme Axelle Lemaire, secrétaire d'État. Le Gouvernement comprend votre raisonnement, monsieur le sénateur. Toutefois, comme cela vient d’être indiqué, un avis a déjà été rendu sur la question. Par ailleurs, les réflexions très nourries du groupe de travail sur ce sujet nous font penser que le débat a déjà largement eu lieu.
Désormais, le Gouvernement veut avancer. Nous attendons beaucoup de ce plan de relance, un plan d’investissements qui doit aussi contribuer à la croissance et se traduire par des créations d’emplois.
Je ne reviendrai pas sur les missions et les pouvoirs confiés à l’ARAFER, qui ont été évoqués à l’instant, mais je vous rappelle que cette autorité aura pour mission de réguler le secteur des autoroutes et qu’elle se penchera aussi vraisemblablement sur la mise en œuvre de ce plan de relance.
En conséquence, le Gouvernement émet un avis défavorable.
M. le président. La parole est à M. Pierre Médevielle, pour explication de vote.
M. Pierre Médevielle. Après avoir écouté les deux dernières interventions des membres du groupe CRC, je voudrais apporter quelques précisions.
Tout d’abord, le rapport du cabinet Microeconomix ressemblait surtout à une lettre au père Noël, puisqu’il s’agissait de racheter les concessions autoroutières pour 30 milliards d’euros et de les revendre pour 40 milliards d’euros le lendemain. Je vous avoue que j’envisageais de postuler ! (Sourires sur les travées de l’UDI-UC et de l’UMP.)
M. Macron a avancé à juste titre tout à l’heure une fourchette prudente de 40 à 55 milliards d’euros et a redit qu’il n’était pas certain de trouver des concessionnaires. Restons sérieux sur les chiffres !
Quant au calcul de rentabilité interne utilisé par l’Autorité de la concurrence, même s’il a suscité une légitime émotion, il se révèle qu’il était inadapté pour calculer la rentabilité d’une concession sur une longue durée. Si, demain, Bercy calcule le taux de rentabilité des entreprises françaises en occultant leur dette et tous leurs investissements, nous serons certainement la première puissance économique européenne, voire mondiale !
Mme Évelyne Didier. Nous ne sommes pas d’accord !
M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 1365.
(L'amendement n'est pas adopté.)
Article 5 bis A
(Supprimé)
M. le président. L'amendement n° 433, présenté par M. Desessard et les membres du groupe écologiste, est ainsi libellé :
Rétablir cet article dans la rédaction suivante :
Sur les autoroutes comportant au moins trois voies et traversant ou menant vers une métropole, une de ces voies peut être réservée aux heures de forte fréquentation à la circulation des véhicules les plus sobres et les moins polluants, des transports en commun, des taxis, des véhicules des services d’autopartage, des véhicules utilisés en covoiturage lorsque le véhicule est utilisé par au moins trois personnes. Les conditions de mise en œuvre de ces dispositions sont précisées par décret en Conseil d’État, notamment pour définir les heures, le type de voies concerné, les aménagements nécessaires à la sécurité et à l’information des usagers, ainsi que les circonstances dans lesquelles les exceptions à ce dispositif doivent être définies.
La parole est à M. Jean Desessard.
M. Jean Desessard. Cet amendement vise à rétablir un article supprimé par la commission spéciale.
Nous proposons que, sur les autoroutes comportant au moins trois voies et traversant une métropole ou y menant, une de ces voies puisse être réservée, aux heures de forte fréquentation, à la circulation des véhicules les plus sobres et les moins polluants, des transports en commun, des taxis, des véhicules des services d’autopartage et des véhicules utilisés en covoiturage.
Une telle mesure permettrait de fluidifier significativement le trafic. En effet, constatant que les véhicules propres et les covoiturages arrivent plus vite à destination, les usagers seraient ainsi incités à les adopter.
Il ne s’agit pas d’une lubie des écologistes, puisqu’une telle disposition existe déjà en Californie. Elle permettrait aussi d’amorcer une relance de l’industrie automobile vers des véhicules plus propres, moins polluants.
La commission spéciale a supprimé cet article au motif qu’il était redondant avec le projet de loi relatif à la transition énergétique. Son argumentation peut toutefois être discutée.
En effet, l’article 14 quater dudit projet de loi prévoit simplement un rapport – j’y insiste – pour évaluer l’opportunité de réserver une voie aux transports en commun, aux taxis et aux covoitureurs. L’article 5 bis A est plus contraignant, puisqu’il renvoie la mise en application à un décret et qu’il inclut les véhicules sobres dans les utilisateurs possibles de cette voie réservée.
Voilà pourquoi nous proposons le rétablissement de cet article.
M. le président. Quel est l’avis de la commission ?
Mme Dominique Estrosi Sassone, corapporteur. En effet, la commission spéciale a supprimé cet article, cher collègue.
Le sujet a déjà été abordé dans le projet de loi relatif à la transition énergétique. Certes, dans ce projet de loi, seul un rapport du Gouvernement au Parlement est prévu pour l’instant. Néanmoins, s’il doit y avoir une évolution, c’est dans ce texte qu’elle doit avoir lieu, et non dans le projet de loi pour la croissance, l’activité et l’égalité des chances économiques.
La commission spéciale a donc émis un avis défavorable sur cet amendement.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
Mme Axelle Lemaire, secrétaire d'État. Cette disposition que vous proposez de rétablir, monsieur le sénateur, concerne la question des voies réservées au transport collectif ou au covoiturage, sous certaines conditions – les autoroutes doivent comporter au minimum trois voies et le véhicule concerné doit transporter au moins trois personnes.
Le Gouvernement s’est déjà engagé dans ce type de démarches. Par exemple, en concertation avec la ville de Paris et le STIF, il a décidé l’ouverture de sept voies supplémentaires sur les autoroutes d’ici à 2020. Il a également décidé que la desserte des aéroports sur les autoroutes A 1 et A 6 sera assurée dès 2015.
Il est vrai que cette disposition est susceptible de répondre à des préoccupations environnementales. Je vous en parle d’autant plus aisément que j’ai été députée d’une circonscription d’Europe du Nord qui inclut des pays ayant mis en place des dispositifs semblables de manière assez efficace.
Compte tenu de tous ces éléments, le Gouvernement s’en remet à la sagesse de la Haute Assemblée.
M. le président. La parole est M. Jean-Claude Requier, pour explication de vote.
M. Jean-Claude Requier. Je suis assez intéressé par cette proposition – comme quoi les radicaux rejoignent quelquefois les écologistes ! Quand il y a un embouteillage et qu’une voie ne sert à rien, il est assez tentant d’autoriser des véhicules à circuler sur cette dernière. Je pense donc que je voterai en faveur de cet amendement.
S’agissant de l’autoroute qui dessert Roissy, nous pourrions décider d’y établir une voie réservée jusqu’à ce que la liaison Charles-de-Gaulle Express fonctionne.
Mme Nicole Bricq. Très bien !
M. le président. En conséquence, l'article 5 bis A est rétabli dans cette rédaction.
Article 5 bis
(Supprimé)
Articles additionnels après l'article 5 bis
M. le président. Je suis saisi de deux amendements identiques.
L'amendement n° 520 rectifié est présenté par M. Nègre.
L'amendement n° 1421 rectifié est présenté par M. Médevielle et les membres du groupe Union des Démocrates et Indépendants - UC.
Ces deux amendements sont ainsi libellés :
Après l’article 5 bis
Insérer un article additionnel ainsi rédigé :
Le chapitre Ier du titre III du livre Ier de la deuxième partie du code des transports est complété par un article L. 2131-… ainsi rédigé :
« Art. L. 2131-… – L’Autorité de régulation des activités ferroviaires et routières peut recueillir des données, procéder à des expertises et mener des études et toutes actions d’information nécessaires dans le secteur ferroviaire. Elle peut notamment, par une décision motivée, prévoir la transmission régulière d’informations par les gestionnaires d’infrastructure, les exploitants d’infrastructures de service, les entreprises ferroviaires et la SNCF.
« À cette fin, les gestionnaires d’infrastructure, les exploitants d’infrastructures de service, les entreprises ferroviaires et la SNCF sont tenus de lui fournir les informations statistiques concernant l’utilisation des infrastructures, la consistance et les caractéristiques de l’offre de transport proposée, la fréquentation des services ainsi que toute information relative aux résultats économiques et financiers correspondants. »
L'amendement n° 520 rectifié n’est pas soutenu.
La parole est à M. Pierre Médevielle, pour présenter l'amendement n° 1421 rectifié
M. Pierre Médevielle. Si, en apparence, cet amendement tend à introduire un article additionnel, il constitue en réalité une mesure de coordination. Il vise en effet à aligner le droit d’accès à l’information de l’autorité de régulation des activités ferroviaires et routières, dans le secteur ferroviaire, sur les dispositions qui viennent d’être adoptées pour le secteur des transports routiers de voyageurs et le secteur autoroutier, par pur parallélisme des formes.
M. le président. Quel est l’avis de la commission ?
Mme Dominique Estrosi Sassone, corapporteur. La commission spéciale émet un avis favorable à cet amendement, qui tend à compléter utilement le dispositif.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
Mme Axelle Lemaire, secrétaire d'État. Les dispositions de cet amendement vont dans le sens d’une plus grande cohérence, mais aller au-delà constituerait une mesure relative à la régulation des services ferroviaires qui irait elle-même au-delà du champ d’application de ce projet de loi.
Le Gouvernement s’en remet donc à l’avis de sagesse du Sénat.
M. le président. En conséquence, un article additionnel ainsi rédigé est inséré dans le projet de loi, après l'article 5 bis.
Article 6
I. – L’article L. 122-4 du code de la voirie routière est ainsi modifié :
1° Au deuxième alinéa et à la dernière phrase du quatrième alinéa, après le mot : « État », sont insérés les mots : « pris après avis de l’Autorité de régulation des activités ferroviaires et routières » ;
1° bis L’avant-dernière phrase de l’avant-dernier alinéa est remplacée par deux phrases ainsi rédigées :
« Le cahier des charges prévoit un dispositif de modération des tarifs de péages, de réduction de la durée de la concession ou d’une combinaison des deux, applicable lorsque les revenus des péages ou les résultats financiers excèdent les prévisions initiales. En cas de contribution de collectivités territoriales ou de l’État au financement de la délégation, ce dispositif peut, à la place ou en complément, prévoir un partage d’une partie des résultats financiers de la délégation au profit de l’État et des collectivités territoriales contributrices. » ;
2° La deuxième phrase de l’avant-dernier alinéa est complétée par les mots : « , le cas échéant dans les conditions prévues à l’article L. 122-8 ».
II. – L’article L. 122-4-1 du même code est ainsi rétabli :
« Art. L. 122-4-1. – En cas de délégation des missions du service public autoroutier, la convention de délégation, le cahier des charges annexé, y compris la version modifiée par leurs avenants, ainsi que les autres documents contractuels, sont mis à disposition du public par voie électronique, selon des modalités arrêtées par l’autorité administrative compétente. L’autorité administrative compétente arrête également les modalités de consultation des documents dont le volume ou les caractéristiques ne permettent pas la mise à disposition par voie électronique.
« Cette publication est réalisée dans le respect des secrets protégés par la loi. »
M. le président. La parole est à Mme Évelyne Didier, sur l’article.
Mme Évelyne Didier. L’article 6 du projet de loi dispose, sur l’initiative des députés, que le cahier des charges annexé à chaque convention de délégation prévoit un dispositif de modération des tarifs de péage, de réduction de la durée de la concession ou une combinaison des deux, applicable lorsque les revenus des péages ou les résultats financiers excèdent les prévisions initiales.
En cas de contribution des collectivités territoriales ou de l’État au financement de la délégation – cela arrive ! –, le dispositif peut prévoir, en lieu et place ou en complément, un partage d’une partie des résultats financiers de la délégation au profit de l’État et des collectivités territoriales contributrices.
Cette disposition constitue un moindre mal, mais pas la réponse. Une telle précision reste limitée au regard de l’ensemble de la question de la rente autoroutière.
En effet, comme nous avons eu l’occasion de le rappeler, les SCA ont bénéficié, depuis la privatisation de 2006, de nombreux avantages : avantages fiscaux, avantages en raison d’une loi tarifaire favorable, en raison de la prolongation des durées de concessions, de la compensation des travaux ne relevant pas forcément de ce cadre, ou encore en raison des marchés passés de gré à gré avec les entreprises du BTP de leur groupe. Elles ne sont donc pas à plaindre !
Au-delà des tarifs des péages qui ne cessent d’augmenter, les SCA facturent d’autres services pourtant compensés. Mes chers collègues, je vous en fournis un exemple concret. Une personne m’a écrit pour me dire que « depuis quelques années, les chèques vacances donnés aux salariés et qui servent à payer l’autoroute sont utilisables si on souscrit à un badge APRR ». Ce badge est payant ! Ainsi, les sociétés ont réduit leurs effectifs et par conséquent leurs coûts. Et ce sont les usagers qui supportent maintenant ce coût, puisqu’ils paient le contrat d’accès à ce badge.
Cela soulève la question du télépéage et de l’automatisation des péages, avec paiement par carte bleue, qui a permis aux SCA de réaliser une diminution de leurs charges, notamment par une baisse importante des effectifs des péages.
Or cette baisse des charges n’a pas été répercutée sur les prix des péages et n’a jamais bénéficié aux usagers. Sans compter que, aux termes du « paquet vert », l’automatisation a même été intégrée dans le système de compensation – tant qu’à faire !
Quant au télépéage, la personne que je citais à l’instant souligne le coût de l’abonnement à ce système, qui peut s’élever jusqu’à vingt euros par an, pour certaines sociétés. Là encore, nous pourrions considérer que, compte tenu du gain procuré par cette automatisation, les sociétés ne devraient pas faire payer à l’usager cet abonnement. Voilà quelques exemples facilement accessibles. Ils montrent que, sincèrement, les sociétés d’autoroutes ne sont pas à plaindre !
M. le président. La parole est à Mme Laurence Cohen, sur l’article.
Mme Laurence Cohen. Avec l’extension de ses compétences, l’ARAF, transformée en ARAFER, vient s’immiscer dans tous les domaines relatifs aux activités de transports.
L’article prévoit que les décrets pris en Conseil d’État concernant les modalités de dérogation au principe de gratuité des autoroutes – principe inscrit dans notre code de la voirie routière – devront dorénavant dépendre d’un avis donné par l’autorité de régulation des activités ferroviaires et routières. Rappelons une fois de plus que l’ARAF était une entité mise en place afin de répondre aux exigences de la Commission européenne, dans le cadre d’une ouverture à la concurrence du transport ferroviaire.
En matière de transport et de maillage territorial, une somme de critères doit être prise en compte pour établir une politique globale et cohérente. Les questions du développement économique, de la desserte des zones géographiques, y compris les moins rentables, pour répondre aux besoins de nos concitoyens, du transport marchand, de la transition énergétique et du développement des modes de locomotion non polluants sont au cœur de notre politique des transports. Or, avec cette autorité indépendante, qui prend de plus en plus d’importance, c’est la maîtrise publique qui recule davantage.
L’ARAFER, pour accomplir ses missions dites « de régulation », se fonde sur le critère prédominant qu’est le critère économique et laisse de côté les autres paramètres que je viens de citer.
Or, lorsqu’il sera question de rendre une autoroute payante ou d’accorder un allongement de la durée de délégation ou une hausse des tarifs de péages à un concessionnaire d’autoroutes, l’avis de l’ARAFER sera indispensable. Nous ne pouvons, dans l’organisation d’une politique nationale de transport, accepter que seule une logique de marché prévale.
La privatisation des autoroutes en est pour nous un exemple probant ; je n’y reviendrai pas plus longtemps, puisque nous avons déjà eu des échanges sur ce sujet.
Toutefois, rappelons pour mémoire que pour 100 euros récoltés par les concessionnaires, 20 euros vont directement dans les poches des actionnaires. Comment accepter cette perte de souveraineté de l’État sur l’organisation du territoire, mais également ce manque à gagner considérable pour la puissance publique ? Et comment justifier que des millions de personnes qui traversent la France chaque année dépensent des sommes astronomiques en péages sans que cela ait pour effet de permettre aux sociétés de financer de nouveaux investissements des infrastructures, mais dans l’unique objectif d’enrichir les actionnaires de concessions qui ont déjà été rachetées à un prix totalement sous-évalué ?
Par conséquent, vous l’aurez compris, mes chers collègues, nous nous inscrivons dans une tout autre logique que celle qui est portée par cet article 6.
M. le président. L'amendement n° 1355 rectifié, présenté par Mme Assassi, M. Abate, Mme Beaufils, MM. Billout, Bocquet et Bosino, Mmes Cohen, Cukierman, David et Demessine, MM. Favier et Foucaud, Mme Gonthier-Maurin, MM. P. Laurent et Le Scouarnec, Mme Prunaud et MM. Vergès et Watrin, est ainsi libellé :
Supprimer cet article.
La parole est à M. Thierry Foucaud.
M. Thierry Foucaud. La privatisation des SCA a fait évoluer durablement les relations entre ces sociétés et l’État sans bien sûr que le cadre juridique du suivi des concessions ni l’organisation de l’État pour assurer ce suivi n’évoluent en conséquence.
En ce qui concerne, d’ailleurs, les sociétés concessionnaires privées dites « historiques », les conditions actuelles ne permettent pas de garantir que les intérêts des usagers et de l’État sont suffisamment pris en compte.
En matière de contrôle des obligations des concessionnaires en termes de préservation du patrimoine en service et de qualité du service rendu aux usagers, la DIT a engagé des chantiers importants, notamment l’insertion d’indicateurs de performance assortis de pénalités dans les contrats de plan, mais également le renforcement de ses équipes pour commencer à prendre en compte la dimension patrimoniale des bâtiments. Elle bénéficie d’une expertise reconnue, renforcée par le réseau scientifique et technique du ministère.
Pour autant, les contrôles relatifs à la préservation du patrimoine sont trop peu fréquents, notamment en ce qui concerne les chaussées, les ouvrages en terre et les aménagements « environnementaux » et leur méthodologie reste insuffisamment formalisée.
L’État se montre insuffisamment exigeant lorsque se produit un cas de non-respect des obligations par les concessionnaires, qu’il s’agisse de préserver le patrimoine, de respecter tous les engagements souscrits aux termes des contrats de plan ou de transmettre les données physico-financières demandées par le concédant.
En ce qui concerne les évolutions tarifaires, il apparaît que le cadre juridique actuel n’est plus à même de protéger les intérêts du concédant et des usagers. Les hausses de tarifs annuelles dont bénéficient les concessionnaires historiques ne sont pas suffisamment régulées.
Ces quelques phrases que je viens de citer figurent en toutes lettres dans le texte des conclusions du rapport réalisé pour le compte de la commission des finances de l’Assemblée nationale par les services de la Cour des comptes, en janvier 2013.
Ces phrases montrent avec précision que le processus de privatisation des sociétés concessionnaires d’autoroutes a été mené en dépit de la plus élémentaire prudence et sans véritablement tenir compte des intérêts de l’État et de la puissance publique.
L’action de l’autorité de régulation des activités ferroviaires et routières ne règlera sans doute pas la difficulté, d’autant que la formule choisie dans le présent article 6 pour garantir ou au moins protéger le respect des intérêts de l’État et des usagers de la route semble bel et bien insuffisante.
En effet, la déontologie en vigueur en matière de passation de marchés ne semble pas de nature à éviter que les actionnaires des actuelles sociétés privées gestionnaires du réseau routier concédé ne continuent à y trouver leur compte.
M. le président. Quel est l’avis de la commission ?
Mme Dominique Estrosi Sassone, corapporteur. En cohérence avec la position qu’elle a prise sur l’article 6, la commission spéciale est défavorable à cet amendement.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
Mme Axelle Lemaire, secrétaire d'État. L’article 6 définit le dispositif qui permet le contrôle effectif de la concession et met en place, en particulier, un processus de transparence inédit.
Ainsi – j’y suis d’autant plus sensible que cela permet de recourir aux outils numériques –, le cahier des charges, la convention de délégation, la délégation elle-même, y compris la version modifiée par tous les avenants, et tous les autres documents contractuels, bref, toutes les informations relatives à la concession seront désormais disponibles sur Internet et accessibles au grand public, afin de garantir toutes les conditions possibles de transparence.
Je vois mal comment l’on peut être hostile à cet article, sauf à s’opposer au choix du Gouvernement de maintenir le dispositif de concession d’autoroutes. L’article 6 va exactement dans le même sens que les autres dispositions prévues pour un meilleur contrôle, une meilleure régulation et une plus grande transparence. Il est essentiel à l’équilibre du projet de loi.
Le Gouvernement émet donc un avis défavorable sur cet amendement.
M. le président. La parole est à Mme Cécile Cukierman, pour explication de vote.
Mme Cécile Cukierman. Je pense qu’il est utile de revenir au contenu du rapport rédigé par la Cour des comptes sous la responsabilité directe de son Premier président, à la demande de la commission des finances de l’Assemblée nationale. Dans ce rapport, la haute juridiction financière formulait un certain nombre de recommandations, que je souhaite rappeler :
« 1. Définir et formaliser, pour les contrats de plan et les autres avenants aux contrats de concession, une procédure interministérielle de conduite des négociations et de décision comportant notamment un mandat de négociation interministériel, un suivi interministériel régulier de l’avancée des négociations et obtenir à la fin de ces dernières l’approbation formelle par le Premier ministre des contrats négociés et des hypothèses sur lesquelles ils s’appuient ;
« 2. Mettre en œuvre les dispositions contraignantes prévues par les cahiers des charges en cas de non-respect par les concessionnaires de leurs obligations contractuelles, en particulier de celles relatives à la préservation du patrimoine ou de transmission de données. Au besoin, subordonner l’ouverture des négociations relatives au contrat de plan au respect de ces obligations ;
« 3. Réaliser systématiquement une contre-expertise, formalisée et documentée, de tous les coûts prévisionnels des investissements, ainsi que le bilan des contrats de plan précédents (bilan financier de l’article 7-5 et des surcoûts éventuels), les surcoûts d’exploitation et les coûts de renouvellement ;
« 4. Revoir le décret de 1995, afin de définir un plafond d’évolution des hausses de tarifs, qui s’appliquerait également aux contrats de plan ;
« 5. Élaborer une doctrine sur le champ des opérations compensables, définir avec plus de précision le bon état du patrimoine et préciser les attentes du concédant relatives aux biens de retour et aux biens de reprise ;
« 6. Inclure toutes les opérations compensées dans le champ de l’article 7-5 (ou 7-4) et les documenter dans des fiches descriptives détaillées et précises annexées aux contrats de plan ;
« 7. Formaliser la méthodologie des contrôles relatifs au patrimoine et accroître la fréquence des contrôles, notamment pour vérifier l’état des chaussées, des ouvrages en terre et aménagements “environnementaux” ;
« 8. Réaliser une analyse ex post des modèles financiers des contrats de plan et du "paquet vert" et obtenir des concessionnaires le montant des coûts réalisés des investissements prévus aux contrats de plan et dans le "paquet vert", afin de s’assurer de la tenue des engagements.
Nulle part, parmi les recommandations formulées par les sages de la rue Cambon, ne figure la moindre idée de transfert du suivi des concessions autoroutières à la moindre autorité indépendante. La plupart des recommandations formulées peuvent fort bien être mises en œuvre par les directions du ministère. Il en est même appelé à la diligence du ministère des finances, tout autant qu’à celle des services du ministère des transports.
Le principal fait souligné par ces recommandations est que le cahier des charges établi au moment de la cession des parts de l’État dans les sociétés d’économie mixte est trop favorable aux nouveaux concessionnaires. Cette situation est encore plus regrettable quand on connaît la qualité des actionnaires.
Autoroutes Paris-Rhin-Rhône, ou APRR, qui exploite notamment les autoroutes A 5 et A 6, et présente un chiffre d’affaires de juste 2,1 milliards d'euros et un résultat net de juste 392 millions d'euros, appartient pour l’essentiel à une alliance entre le groupe Eiffage, spécialisé dans les travaux publics – nous en avons parlé –, et le fonds australien Macquarie.
Le groupe Vinci contrôle pour sa part Cofiroute et Autoroutes du sud de la France, ou ASF ; il est particulièrement présent sur les grands chantiers de travaux publics.
Quant à l’espagnol Abertis, il gère lui aussi un important patrimoine – notamment l’autoroute A 1 et l’autoroute de Normandie –, en accord avec la Caisse des dépôts et consignations, le groupe AXA, le Crédit agricole et quelques fonds communs de placement ou fonds spécialisés.
Cela signifie qu’une bonne partie des contrats d’entretien se trouve confiée à des équipes de nettoyage placées au meilleur endroit pour mesurer l’apport de ces personnes à la vie sociale telle qu’elle se dessine désormais.
Mes chers collègues, c’est sous le bénéfice de ces observations que je vous invite à voter notre amendement.
M. le président. Je suis saisi de deux amendements faisant l'objet d'une discussion commune.
L'amendement n° 572 rectifié bis, présenté par M. Maurey, Mmes Morin-Desailly et Férat, MM. Guerriau, Pozzo di Borgo, Revet, Bignon, Bonnecarrère, Détraigne, Chaize et Bockel, Mme Gatel, MM. Roche, Kern et les membres du groupe Union des Démocrates et Indépendants - UC, est ainsi libellé :
Après l’alinéa 2
Insérer deux alinéas ainsi rédigés :
…° La deuxième phrase du quatrième alinéa est remplacée par deux phrases ainsi rédigées :
« Leur financement est couvert par une augmentation raisonnable des tarifs de péage, qui est strictement limitée à ce qui est nécessaire. Tout allongement de la durée de la délégation est interdit. » ;
Cet amendement a été précédemment retiré.
L'amendement n° 681, présenté par M. Guillaume, Mme Bricq, M. Filleul, Mmes Emery-Dumas et Génisson, MM. Bigot, Cabanel, Marie, Masseret, Raynal, Richard, Sueur, Vaugrenard et les membres du groupe socialiste et apparentés, est ainsi libellé :
Après l’alinéa 2
Insérer deux alinéas ainsi rédigés :
…°La deuxième phrase du quatrième alinéa est ainsi rédigée :
« Leur financement ne peut être couvert que par une augmentation des tarifs de péages, raisonnable et strictement limitée à ce qui est nécessaire. » ;
La parole est à M. Jean-Jacques Filleul.
M. Jean-Jacques Filleul. Cet amendement vise à soumettre au Parlement les projets d’allongement de la durée des concessions. Le groupe de travail mis en place en janvier dernier par le Premier ministre a majoritairement dénoncé les allongements successifs de la durée de concessions que nous avons qualifiées de « perpétuelles ».
Jusqu’aux années 1990, les allongements successifs de la durée des contrats de concession historiques ont reposé sur le système de l’adossement. Aujourd'hui, ce dernier n’existe plus, mais la durée des concessions est encore allongée, dans le cadre des négociations pour réorganiser le secteur autoroutier ; on l’a vu, par exemple, avec le « paquet vert » de 2010 ou les différents contrats de plan.
Les récents contrats de concession comportent des clauses dites « endogènes ». Celles-ci permettent de mettre fin au contrat avant le terme de la concession. De telles clauses ne figurant pas dans les contrats historiques, le groupe de travail a considéré que tout projet futur d’allongement des concessions devait être soumis au Parlement.
Afin de limiter le recours à l’allongement de la durée des concessions, cet amendement tend à inscrire dans la loi le principe que le financement de travaux ne peut être couvert que par une hausse raisonnable des tarifs de péages. Cela implique a contrario que seul le législateur pourra prévoir l’allongement de la durée d’une concession.
Notre proposition diffère de celle qu’avait formulée Hervé Maurey au travers de l’amendement n° 572 rectifié bis, car nous ne souhaitons pas interdire strictement l’allongement de la durée des concessions.
En effet, nous appelons à une mise en œuvre rapide du plan de relance autoroutier, qui nous a été annoncé cet après-midi par le ministre de l'économie. Ce plan représente une occasion importante de création d’emplois. Or, je vous le rappelle, quelque 30 000 emplois ont été détruits dans le secteur du bâtiment et des travaux publics depuis 2007. Pour autant, le plan doit être exemplaire en termes de travaux et de marchés, ce qui sera rendu possible par les dispositions que nous avons adoptées à l’article 5 du projet de loi.
Mise en œuvre encadrée du plan de relance autoroutier, relance de l’emploi et encadrement restrictif de l’allongement des concessions, telles sont nos propositions.
M. le président. Quel est l’avis de la commission ?
Mme Dominique Estrosi Sassone, corapporteur. Monsieur le sénateur, je m’étonne que vous nous proposiez de voter l’interdiction de la prolongation des concessions, compte tenu des annonces faites par le ministre de l’économie en fin d’après-midi. Vous affirmez que votre amendement ne vise pas à interdire la prolongation des concessions, mais telle serait bien la conséquence de son adoption. Vous faites référence à l’article 5 du projet de loi, qui n’entrera pas tout de suite en vigueur.
Cher collègue, je vous invite donc à imiter Hervé Maurey en retirant votre amendement ; à défaut, l’avis de la commission sera défavorable.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
Mme Axelle Lemaire, secrétaire d'État. Peut-être une lecture un peu rapide pourrait-elle laisser penser qu’il y a là une incohérence. En réalité, la proposition de Jean-Jacques Filleul prépare l’avenir, tout en étant guidée par un principe de réalisme.
Les annonces faites par le ministre de l’économie cet après-midi, notamment l’autorisation de la prolongation de la durée des concessions de 2,4 années en moyenne, sont le résultat de négociations qui ont commencé il y a longtemps.
Ce résultat est équilibré pour les finances publiques et ouvre des perspectives de relance par l’investissement et de maintien et de création d’emplois. Vous savez comme moi, mesdames, messieurs les sénateurs, que l’urgence économique et l’urgence sociale guident l’action du Gouvernement. Il aurait sans doute été irresponsable de mettre fin aux discussions en cours sur ce sujet et de refuser un éventuel plan de relance.
Avec ce projet de loi, nous préparons également l’avenir en proposant un dispositif désormais très solide de régulation du marché autoroutier, de contrôle transparent et d’interdiction de la prolongation des concessions, même si le Parlement doit émettre un avis. Nous introduisons ainsi une nouvelle forme de contrôle, en plus du contrôle réglementaire exercé par une autorité administrative indépendante : le contrôle du peuple. À l’avenir, il appartiendra aux parlementaires de se prononcer sur la prolongation de la durée des concessions.
Il me semble que le dispositif est pragmatique, réaliste et équilibré. Il vise des objectifs d’encadrement régulé et permet de préserver les perspectives d’emploi ouvertes par le plan de relance autoroutier.
Le Gouvernement émet donc un avis favorable sur cet amendement.
M. le président. La parole est à M. le président de la commission spéciale.
M. Vincent Capo-Canellas, président de la commission spéciale. Je voudrais revenir sur le débat de fond. Le Gouvernement a commencé par fustiger les concessions ; certains de ses membres ont même employé des mots d’une violence étonnante. Or, aujourd'hui, vous nous dites que les concessions sont finalement formidables, que l’on va prolonger le système en organisant une régulation et que la faute initiale, maintes fois reprochée au gouvernement de Dominique de Villepin, ce n’est plus le sujet.
M. Jean-Jacques Filleul. C’est le sujet, au contraire !
M. Vincent Capo-Canellas, président de la commission spéciale. Il s’agit d’un retournement qu’il faut saluer. La capacité de contorsion du Gouvernement mérite d’être notée. Un texte prévoyait que la prolongation n’était pas envisageable dans les mêmes conditions. Vous nous dites que ce texte n’est plus d’actualité, mais que ce n’est pas un problème. On peut difficilement faire mieux en matière d’habillage rhétorique d’une reculade !
Le procédé est habile. La proposition obligeamment formulée par nos collègues – je les comprends, ils sont dans leur rôle de soutien à la majorité gouvernementale – revient à dire que le problème n’existe plus, de sorte qu’on peut envisager de modifier le texte. Une annonce ayant été faite cet après-midi, le Parlement est prié de délibérer. On est passé d’un extrême à l’autre, un peu imprudemment, me semble-t-il.
J’estime que le Parlement n’a pas assez d’éléments pour s’engager dans la voie que lui suggère le Gouvernement. Le dispositif mériterait tout de même d’être mieux bordé.
M. Jean-Claude Lenoir. Très bien !
M. Vincent Capo-Canellas, président de la commission spéciale. Vous nous avez d'ailleurs dit vous-même, par le passé, que les choses n’étaient pas assez bordées. Je le répète, nous n’avons pas les éléments nécessaires pour délibérer sur votre proposition ce soir.
M. le président. La parole est à Mme Évelyne Didier, pour explication de vote.
Mme Évelyne Didier. J’avoue que l’exercice est intéressant. Nous avons effectivement dit, sur toutes les travées, qu’on risquait d’en arriver à des concessions perpétuelles, les années s’ajoutant les unes aux autres, de plans de relance en contrats de plan… Certaines concessions sont déjà censées durer jusqu’en 2033. Nous ne serons plus là, pour la plupart d’entre nous. La charge est donc reportée sur les collègues qui nous succéderont. Du coup, on ne prend pas trop de risques : on prolonge les concessions.
Pourtant, nous avons tous affirmé que ce n’était pas normal. Quand j’entends le Gouvernement nous proposer un système non pas pour tout de suite, mais pour plus tard, je suis tentée de dire qu’il vaut mieux tard que jamais. Par ailleurs, sur toutes les travées, nous avons déclaré qu’il n’était pas normal qu’un plan de relance autoroutier soit décidé sans que le Parlement puisse donner son avis.
Là encore, le Gouvernement, avec habileté, nous donne satisfaction, en précisant que le Parlement donnera son avis, à l’avenir. Dans l’immédiat, ce n’était pas possible, mais, pour plus tard, ce sera le cas, c’est-à-dire qu’on n’aura plus de concessions à perpétuité !
Je ne peux pas reprocher au Gouvernement de donner la parole au Parlement, car une telle attitude relèverait assurément de la schizophrénie. Je suis bien obligée d’admettre qu’il s’agit d’une bonne idée. Ce qui est dommage, c’est qu’il ne s’applique pas cette règle tout de suite. En effet, il aurait été bienvenu que nous puissions donner notre avis sur plan de relance qui a été lancé aujourd’hui…
Cependant, et c’est la dernière astuce du Gouvernement, si le Parlement doit donner son avis sur un plan de relance, que croyez-vous qu’il fera, mes chers collègues ? Pensez-vous que les parlementaires, au Sénat en particulier, vont dire qu’ils ne veulent pas du contournement qui facilitera la vie à leurs concitoyens ou de ce morceau d’autoroute ?
M. Jean Desessard. Bien sûr que oui !
M. Bruno Retailleau. Elle a raison !
Mme Évelyne Didier. Merci, monsieur Retailleau.
Autrement dit, je trouve le procédé particulièrement habile, car on ne peut pas être contre. Néanmoins, mes chers collègues, ne soyons pas complètement dupes.
M. le président. La parole est à M. Bruno Retailleau, pour explication de vote.
M. Bruno Retailleau. J’ai souligné tout à l’heure une contradiction : au moment même où le Gouvernement veut relancer l’investissement sur les autoroutes, il empêche les SCA d’augmenter leurs tarifs.
Toutefois, j’en note une seconde : depuis des mois et des mois, c’est-à-dire depuis que l’Autorité de la concurrence a sorti son rapport, il y a eu d’autres rapports parlementaires, et nous savons désormais que l’État, quels que soient les gouvernements, a été bien peu exigeant sur les contrats de concession, comme de multiples exemples le montrent.
Voilà une vingtaine d’années existait ce que nous appelions l’adossement,…
Mme Évelyne Didier. C’était l’idéal !
M. Bruno Retailleau. … c’est-à-dire que l’on augmentait, si j’ose dire, les durées des concessions, lesquelles relevaient d’un partage territorial, et en contrepartie les sociétés d’autoroute s’engageaient à faire des prolongements, des bouts autoroutiers, etc.
Mme Évelyne Didier. L’État était majoritaire !
M. Bruno Retailleau. Cette pratique a été interrompue, notamment à cause de la conception de la concurrence des autorités bruxelloises.
Depuis le début de la polémique sur les concessions d’autoroutes, et je remercie Vincent Capo-Canellas de l’avoir rappelé, le Gouvernement nous dit qu’il souhaite mieux réguler, mieux encadrer. En réalité, que se passe-t-il avec ce plan de relance ? Nous avons la preuve d’un nouveau troc entre le Gouvernement et les sociétés concessionnaires. Le reste n’est que littérature !
On peut toujours faire appel au Parlement, et je remercie Évelyne Didier de son intervention à ce sujet…
Mme Évelyne Didier. On ne peut pas être contre !
M. Bruno Retailleau. Évidemment, nous ne refuserons pas, mais nous voyons bien que, à chaque fois, l’État se montre faible en se pliant à une sorte de marchandage avec les sociétés concessionnaires.
Mme Catherine Génisson. S’il n’y avait pas eu la faute de départ…
M. Bruno Retailleau. Quelle faute de départ ?
Mme Catherine Génisson. La privatisation !
M. Bruno Retailleau. Chère collègue, je m’honore d’être l’un de ceux, sur ces travées, qui ont refusé la privatisation des sociétés concessionnaires d’autoroutes. Comme vous voyez, on peut refuser le sectarisme et adopter des positions conformes à ses convictions intimes.
M. Jean-Pierre Bosino. Bravo !
M. Bruno Retailleau. En tout cas, je relève simplement une nouvelle contradiction. Le Gouvernement a beau discuter pour essayer de mieux encadrer, nous savons désormais que les relations entre l’État et les sociétés concessionnaires restent profondément incestueuses. (Exclamations sur les travées du groupe socialiste.)
M. le président. La parole est à Mme Nicole Bricq, pour explication de vote.
Mme Nicole Bricq. Monsieur Retailleau, il ne faut pas inverser la charge de la preuve : la faute originelle, de la part de l’État, c’est d’avoir bradé les concessions d’autoroutes, voilà tout. Or, ne l’oubliez pas, nous n’étions pas alors aux responsabilités.
Vous nous parlez de contradiction, mais il fallait bien sortir de cet épisode !
M. Bruno Retailleau. Au prix d’une nouvelle contradiction !
Mme Nicole Bricq. Vous le savez, dans un accord, chacun fait un pas vers l’autre. C’est ce que nous avons fait de façon pragmatique.
Vous nous reprochez souvent d’être rigides, mais, en l’occurrence, nous avons été pragmatiques. Au travers de cet amendement, nous posons le principe d’augmentations des tarifs des péages pour compenser les travaux. Dès lors, il faut en déduire que c’est le Parlement qui donnera, ou non, son accord à des allongements de concession. C’est tout, et c’est difficile à refuser !
Cet après-midi, tout le monde était d’accord pour reconnaître que, finalement, la négociation était positive. Je rappelle les chiffres : quelque 3,2 milliards d’euros d’investissements et 1 milliard d’euros qui financera des infrastructures terrestres, avec toutes les créations d’emplois que cela implique. Si l’on y ajoute le gel des péages en 2015, je trouve que le Gouvernement ne s’en est pas trop mal sorti. Maintenant, il nous faut regarder vers l’avenir.
M. le président. La parole est à Mme la secrétaire d'État.
Mme Axelle Lemaire, secrétaire d'État. Je souhaite simplement réagir à l’accusation selon laquelle le Gouvernement ferait preuve de faiblesse.
Eu égard à l’importance du sujet, je crois qu’il faut sortir des attitudes de façade et des positionnements dogmatiques. À ce sujet, je suis ravie d’apprendre, monsieur Retailleau, que vous étiez contre les privatisations en 2006. Voilà une information qui restera dans les annales de cette assemblée !
M. Bruno Retailleau. Ce n’est pas la première fois que je votais en conscience ! (Sourires sur les travées de l’UMP.)
Mme Axelle Lemaire, secrétaire d'État. Que ne l’avez-vous dit ? Depuis 2006, vous avez eu tout loisir de vous exprimer fortement sur ce sujet.
M. Vincent Capo-Canellas, président de la commission spéciale. Mais il l’a fait !
Mme Axelle Lemaire, secrétaire d'État. Il s’agit non pas de faire preuve de faiblesse, mais de mettre fin à la complaisance.
M. Vincent Capo-Canellas, président de la commission spéciale. Respectez les parlementaires !
Mme Axelle Lemaire, secrétaire d'État. Il se trouve que le Gouvernement respecte beaucoup le Parlement,…
M. Vincent Capo-Canellas, président de la commission spéciale. Pas en ce moment ! Vous accusez un président de groupe !
Mme Axelle Lemaire, secrétaire d'État. … qui a joué un rôle important dans le suivi des négociations organisées pendant plusieurs semaines. Menées en continu sous la responsabilité de deux ministres, elles ont été difficiles, pour arriver à imposer certaines conditions et contreparties qui n’avaient jamais pu être abordées auparavant.
Soit vous décidez de faire preuve de dogmatisme, attitude un peu trop rigide au regard de l’urgence économique et sociale, soit vous acceptez de considérer que ces négociations ont abouti à un résultat positif pour tous les acteurs concernés.
En tout état de cause, vous devez admettre qu’il y aura un avant et un après-loi Macron. Une fois que vous l’aurez votée, le contrôle sera applicable, y compris sur la rentabilité financière des sociétés concessionnaires. Par ailleurs, les travaux feront l’objet d’un suivi par une autorité indépendante et non plus par une commission nationale comme celle qui existait jusqu’alors, qui n’avait aucune indépendance et souffrait d’une absence totale de neutralité et d’objectivité.
Vous l’aurez compris, je pense que cet amendement est équilibré, entre le réalisme pour l’emploi et une position de principe défendue par la gauche, afin que, dorénavant, il n’y ait plus jamais de concessions perpétuelles.
M. le président. La parole est à Mme Dominique Estrosi Sassone, corapporteur.
Mme Dominique Estrosi Sassone, corapporteur. Mme la secrétaire d’État a fait référence au groupe de travail, dont nous avons parlé à l’occasion de la discussion d’un précédent amendement, pour montrer que le Parlement avait été associé aux travaux.
Je veux lui rappeler que, voilà quelques semaines, un député socialiste, M. Chanteguet, a démissionné de ce groupe de travail parce qu’il considérait justement qu’il ne s’agissait que d’une chambre d’enregistrement. (Bravo ! et applaudissements sur les travées de l'UMP.)
M. Jean-Claude Lenoir. Très bien !
M. le président. La parole est à M. Jean-Jacques Filleul, pour explication de vote.
M. Jean-Jacques Filleul. J’ai beaucoup d’estime pour le travail de Mme la corapporteur, mais, étant moi-même membre de ce groupe de travail, je peux dire que notre collègue Chanteguet a démissionné parce que nos travaux ne s’orientaient pas vers le choix d’une renationalisation des autoroutes.
Mme Éliane Assassi. Ce n’est pas ce qu’il a dit !
M. Jean-Jacques Filleul. Je vous l’assure, j’y étais !
M. le président. Je mets aux voix l'article 6.
(L'article 6 est adopté.)
Article 6 bis
(Non modifié)
L’ordonnance n° 2014-690 du 26 juin 2014 relative à la participation de la Société du Grand Paris à certains projets du réseau des transports en Île-de-France est ratifiée. – (Adopté.)
Article 6 ter (nouveau)
Au sixième alinéa de l’article L. 1424-42 du code général des collectivités territoriales, après les mots : « autoroutier concédé », sont insérés les mots : « , y compris sur les parties annexes et les installations annexes, ». – (Adopté.)
Article 7
I. – Entrent en vigueur le premier jour du sixième mois suivant la promulgation de la présente loi :
1° Les I et III de l’article 1er ;
2° L’article L. 3111-17 du code des transports, dans sa rédaction résultant de l’article 2 de la présente loi, pour ce qui concerne les liaisons effectuées entre deux points d’arrêt séparés par une distance inférieure ou égale à 200 kilomètres ;
3° Les articles L. 3111-17-1, L. 3111-18, L. 3111-18-1, L. 3111-20, L. 3111-21, L. 3111-21-1 et L. 3111-23 du même code, dans leur rédaction résultant de l’article 2 de la présente loi ;
4° Les 6° et 6° ter du I de l’article 3 ;
5° Les articles 5 et 6.
I bis (nouveau). – À compter du premier jour du sixième mois suivant la promulgation de la présente loi, à l’article L. 3111-19 du code des transports, dans sa rédaction résultant de l’article 2 de cette même loi, après le mot : « décret », sont insérés les mots : « , après avis de l’Autorité de régulation des activités ferroviaires et routières, ».
I ter (nouveau). – À compter du premier jour du sixième mois suivant la promulgation de la présente loi, l’article L. 3111-25 du code des transports, dans sa rédaction résultant de l’article 2 de cette même loi, est complété par les mots : « , pris après avis de l’Autorité de régulation des activités ferroviaires et routières ».
I quater (nouveau). – À compter du premier jour du sixième mois suivant la promulgation de la présente loi, aux articles L. 3521-5 et L. 3551-5 du code des transports, dans leur rédaction résultant de l’article 3 de cette même loi, la référence : « le 5° » est remplacée par les références : « les 5° et 6° ».
II. – Les articles L. 122-10 à L. 122-18 du code de la voirie routière, dans leur rédaction résultant de la présente loi, s’appliquent aux marchés passés par les concessionnaires d’autoroutes pour lesquels une procédure de publicité est engagée à compter de la date mentionnée au I du présent article, même en cas de clause contraire de la convention de délégation ou du cahier des charges annexé.
M. le président. L'amendement n° 10, présenté par Mmes Assassi, Didier et les membres du groupe communiste républicain et citoyen, est ainsi libellé :
Supprimer cet article.
La parole est à M. Michel Le Scouarnec.
M. Michel Le Scouarnec. Cette demande de suppression est cohérente avec tout ce que nous avons porté jusqu’à présent, que ce soit sur l’extension des compétences de l’ARAF ou sur la libéralisation des transports par autocar.
En effet, l’article 7 déterminant les dates d’entrée en vigueur des modifications apportées par ce projet de loi sur la partie « mobilité », il est logique que nous en sollicitions la suppression.
M. le président. Quel est l’avis de la commission ?
Mme Dominique Estrosi Sassone, corapporteur. L’avis de la commission est défavorable, en cohérence avec notre position sur le volet « mobilité » de ce texte.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. le président. L'amendement n° 1677, présenté par Mme Estrosi Sassone, au nom de la commission, est ainsi libellé :
Alinéa 3
Remplacer les mots :
liaisons effectuées entre deux points d'arrêt
par les mots :
services dont le point d'origine et le point de destination sont
La parole est à Mme Dominique Estrosi Sassone, corapporteur.
Mme Dominique Estrosi Sassone, corapporteur. Il s’agit d’un amendement rédactionnel.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. Emmanuel Macron, ministre. En cohérence avec sa position sur l’amendement n° 1675 visant l’alinéa 7 de l’article 2, le Gouvernement est défavorable à cet amendement. Nous continuons à avoir des divergences d’appréciation avec la commission sur le mot « liaisons », tel que nous l’avons retenu dans le texte original.
M. le président. La parole est à M. Jean Desessard, pour explication de vote.
M. Jean Desessard. Je fais une explication de vote pour que l’on m’explique ! (Sourires.)
Franchement, je ne comprends pas la différence entre « liaisons » et « services », qui doit avoir une importance capitale, puisque l’on en a déjà discuté hier. Par « liaisons », je comprenais « services » d’un point à un autre. C’est difficile à évaluer… Je comprends que le terme « services » englobe plus de choses, mais quelle est la valeur ajoutée de votre amendement, madame la corapporteur ?
M. le président. La parole est à Mme Dominique Estrosi Sassone, corapporteur.
Mme Dominique Estrosi Sassone, corapporteur. C’est une question de clarté, mon cher collègue. (Sourires.)
M. le président. Monsieur Desessard, êtes-vous éclairé ?
M. Jean Desessard. Non, pas du tout ! (Rires.)
M. le président. L'amendement n° 1543, présenté par le Gouvernement, est ainsi libellé :
Alinéa 3
Remplacer le nombre :
200
par le nombre :
100
La parole est à M. le ministre.
M. Emmanuel Macron, ministre. Cet amendement a pour objet de mettre en cohérence le seuil kilométrique avec les souhaits du Gouvernement.
M. le président. Quel est l’avis de la commission ?
Mme Dominique Estrosi Sassone, corapporteur. L’avis est défavorable, car nous souhaitons maintenir le seuil de 200 kilomètres.
M. le président. L’amendement n° 1681, présenté par Mme Estrosi Sassone, au nom de la commission, est ainsi libellé :
Alinéa 4
Remplacer les références :
, L. 3111-21-1 et L. 3111-23
par la référence :
et L. 3111-21-1
La parole est à Mme Dominique Estrosi Sassone, corapporteur.
Mme Dominique Estrosi Sassone, corapporteur. Il s’agit d’un amendement de coordination.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. le président. L’amendement n° 1682, présenté par Mme Estrosi Sassone, au nom de la commission, est ainsi libellé :
Alinéa 7
Remplacer la référence :
à l’article L. 3111-19
par la référence :
au premier alinéa de l’article L. 3111-19
et avant les mots :
après avis
insérer le mot :
pris
La parole est à Mme Dominique Estrosi Sassone, corapporteur.
Mme Dominique Estrosi Sassone, corapporteur. Il s’agit d’un amendement rédactionnel.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. le président. L’amendement n° 1683, présenté par Mme Estrosi Sassone, au nom de la commission, est ainsi libellé :
Alinéa 10
Avant les mots :
présente loi
rédiger ainsi le début de cet alinéa :
II. - Les articles L. 122-10 à L. 122-17-6 du code de la voirie routière, dans leur rédaction résultant de l’article 5 de la
La parole est à Mme Dominique Estrosi Sassone, corapporteur.
Mme Dominique Estrosi Sassone, corapporteur. Il s’agit d’un amendement de coordination.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. le président. Je mets aux voix l’article 7, modifié.
(L’article 7 est adopté.)
Article 8
I. – Le code des transports est ainsi modifié :
1° (Supprimé)
2° L’article L. 3121-3 est ainsi rétabli :
« Art. L. 3121-3. – En cas de cessation d’activité totale ou partielle, de fusion avec une entreprise analogue ou de scission, nonobstant l’article L. 3121-2, les entreprises de taxis exploitant plusieurs autorisations délivrées avant la promulgation de la loi n° 2014-1104 du 1er octobre 2014 relative aux taxis et aux voitures de transport avec chauffeur, et dont le ou les représentants légaux ne conduisent pas eux-mêmes un véhicule sont admises à présenter à titre onéreux un ou plusieurs successeurs à l’autorité administrative compétente.
« Sous réserve des titres II, III et IV du livre VI du code de commerce, la même faculté est reconnue, pendant la période de sauvegarde ou en cas de redressement judiciaire, selon le cas, à l’entreprise débitrice ou à l’administrateur judiciaire ou, en cas de liquidation judiciaire, au mandataire liquidateur.
« En cas d’inaptitude définitive, constatée selon les modalités fixées par voie réglementaire, entraînant l’annulation du permis de conduire les véhicules de toutes les catégories, les titulaires d’autorisations de stationnement acquises à titre onéreux peuvent présenter un successeur sans condition de durée d’exploitation effective et continue.
« Les bénéficiaires de cette faculté ne peuvent conduire un taxi ou solliciter ou exploiter une ou plusieurs autorisations de stationnement qu’à l’issue d’une durée de cinq ans à compter de la date de présentation du successeur.
« En cas de décès du titulaire d’une autorisation de stationnement, ses ayants droit bénéficient de la faculté de présentation pendant un délai d’un an à compter du décès. » ;
3°À la fin de la seconde phrase du dernier alinéa de l’article L. 3121-5, les mots : « l’inscription sur liste d’attente » sont remplacés par le mot : « délivrance » ;
4° Après le mot : « clientèle », la fin de la première phrase de l’article L. 3121-11 est ainsi rédigée : « dans le ressort de l’autorisation défini par l’autorité compétente. »
II (Non modifié). – La loi n° 2014-1104 du 1er octobre 2014 relative aux taxis et aux voitures de transport avec chauffeur est ainsi modifiée :
1° Au début du premier alinéa du I de l’article 5, les mots : « Après l’article L. 3121-1 du même code, il est inséré » sont remplacés par les mots : « Au début de la section 2 du même chapitre Ier, il est ajouté » ;
2° Le II de l’article 6 est abrogé.
III (Non modifié). – Le 13° de l’article 230-19 du code de procédure pénale est abrogé.
IV (Non modifié). – Le 7° de l’article L. 311-3 du code de la sécurité sociale est abrogé à compter du 1er janvier 2017.
V (nouveau). – Le III de l’article 5 de la loi n° 2014-1104 du 1er octobre 2014 relative aux taxis et aux voitures de transport avec chauffeur est abrogé.
M. le président. La parole est à Mme Laurence Cohen, sur l’article.
Mme Laurence Cohen. L’article 8, tel qu’il a été amendé par la droite, suscite notre opposition. Les quelques dispositions qui pouvaient être utiles dans le texte initial ont été supprimées et celles auxquelles nous étions déjà opposés ont été aggravées. La droite pousse encore plus loin la logique libérale du texte, ce qui n’est pas pour nous étonner ; nous y reviendrons.
Permettez-moi également, à l’occasion de cette intervention sur article concernant les VTC, les voitures de transport avec chauffeur, et les taxis, de revenir sur une problématique connexe, à savoir la tentative du Gouvernement d’imposer le forfait aux taxis, alors qu’aucun acteur ne le revendiquait.
Ces forfaits concerneraient notamment les courses entre Paris et les aéroports dans les deux sens, ainsi que les courses d’approche. Cette tarification n’est-elle pas injuste, non seulement pour les chauffeurs, mais aussi pour les usagers ? En effet, quoi de plus juste que le taximètre, puisque le client ne paie que ce qu’il consomme ?
Est-il normal qu’un client partant du terminal 1 de Roissy-Charles-de-Gaulle et se rendant porte de la Chapelle paie le même prix que celui qui part du terminal 2G du même aéroport pour se rendre à la porte de Saint-Cloud ? Est-il normal qu’un chauffeur qui travaille un dimanche ou la nuit gagne autant qu’un chauffeur de jour et en semaine ? Renoncer à la tarification horokilométrique, c’est renoncer à ce qui caractérise les taxis.
Alors que le Gouvernement a ouvert l’activité aux VTC, il aggrave les conditions d’exercice des taxis en leur imposant sans cesse de nouvelles contraintes. À ceux dont le seul argument pour défendre le forfait est de prétendre « moderniser » le taxi, il faut rappeler que les VTC se battent actuellement pour avoir le droit à la tarification horokilométrique.
Est-ce à dire que les VTC veulent faire du taxi et que le Gouvernement veut que les taxis fassent du VTC ? C’est le monde à l’envers ! Ce constat témoigne du désordre que la libéralisation de la profession de taxi a suscité depuis des décennies.
Quant aux couloirs censés faciliter la circulation et promis depuis 2008, ils n’existent pas dans les deux sens et ne couvrent pas la totalité des trajets ni des autoroutes reliant les aéroports à Paris.
De plus en plus de chauffeurs se mobilisent contre ce projet de forfait. Pour un tarif des taxis transparent et juste pour les chauffeurs et les usagers, pour éviter la confusion avec les VTC, pour respecter le travail des chauffeurs, nous pensons, comme eux, qu’il faut défendre le taximètre et la tarification horokilométrique.
En revanche, il nous semble qu’une réflexion s’impose quant à la déclinaison de cette logique tarifaire chez les taxis parisiens. Le système actuel des trois tarifs inclut la non-obligation de desservir les départements au-delà de ceux de la première couronne.
Sans modifier la zone de charge, une obligation de destination pourrait être établie pour l’ensemble des départements d’Île-de-France, avec pour corollaire l’introduction d’un quatrième tarif, par exemple. Une telle solution permettrait de faire cesser une situation préjudiciable pour les usagers et contribuerait positivement à l’équilibre économique de la profession.
M. le président. L’amendement n° 1409, présenté par Mme Assassi, M. Bosino et les membres du groupe communiste républicain et citoyen, est ainsi libellé :
Supprimer cet article.
La parole est à Mme Annie David.
Mme Annie David. Pour défendre cet amendement de suppression, je ne reprendrai pas les arguments que vient de développer ma collègue. En effet, Laurence Cohen l’a dit, la réécriture de cet article par la commission spéciale a aggravé les dispositions qui nous déplaisaient.
Ma collègue ayant évoqué la situation des taxis, j’insisterai sur celle des chauffeurs de VTC, puisque l’une des dispositions maintenues dans le texte de la commission est la désaffiliation de ces locataires-gérants du régime général de la sécurité sociale. Comme dans d’autres secteurs, le statut d’auto-entrepreneur des chauffeurs de VTC permet aux grandes entreprises qui utilisent ce type de transport de s’exempter complètement de leur responsabilité d’employeur et précarise encore un peu plus ces travailleurs, réduisant d’autant les recettes de la sécurité sociale.
Cet amendement de suppression tend donc à s’inscrire dans la logique que nous défendons.
M. le président. Quel est l’avis de la commission ?
Mme Dominique Estrosi Sassone, corapporteur. Chère collègue, vous dites que la commission spéciale aurait aggravé la rédaction de cet article 8. Au contraire, je tiens à préciser qu’elle a uniquement introduit des coordinations rédactionnelles utiles, tout en supprimant une disposition que le Gouvernement présente comme une simple correction rédactionnelle, alors qu’elle ne l’est pas en réalité. Nous avons ainsi clarifié les dispositions qui méritaient de l’être.
La commission spéciale a donc émis un avis défavorable sur cet amendement de suppression.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. le président. L’amendement n° 1544, présenté par le Gouvernement, est ainsi libellé :
Alinéa 2
Rétablir le 1° dans la rédaction suivante :
« 1° À la fin du 3° du II de l’article L. 3120-2, les mots : « de clients, sauf s’il justifie d’une réservation préalable ou d’un contrat avec le client final » sont remplacés par les mots : « du client qui a effectué une réservation préalable » ;
La parole est à M. le ministre.
M. Emmanuel Macron, ministre. Le présent amendement a pour objet de rétablir un alinéa corrigeant une des dispositions de la loi Thévenoud qui avait supprimé toute protection du monopole des taxis dans les aéroports.
M. le président. Quel est l’avis de la commission ?
Mme Dominique Estrosi Sassone, corapporteur. Sur ce point, je serai un peu plus longue que M. le ministre.
Cet amendement tend à revenir sur les dispositions que nous avons adoptées en commission spéciale. Vous persistez à expliquer, monsieur le ministre, que les dispositions de votre amendement viennent corriger une « erreur rédactionnelle » qui se serait glissée dans le texte adopté par le Sénat en juillet dernier. Tout dépend, en réalité, de ce que vous avez compris de l’intention du Sénat quand il a adopté, lors de l’examen de la proposition de loi relative aux taxis et aux voitures de transport avec chauffeur, les amendements identiques du groupe UMP et du président de notre commission spéciale, M. Vincent Capo-Canellas.
Vous estimez qu’il s’agit d’une erreur rédactionnelle, car, de votre point de vue, cette modification de l’article L. 3120-2 du code des transports n’est pas cohérente avec les dispositions de la loi relative à la consommation de M. Hamon.
C’est exact, monsieur le ministre : notre amendement avait effectivement élargi la possibilité pour les VTC de stationner aux abords des gares et aérogares, car, je le rappelle, ils ne bénéficient pas des mêmes facilités que les taxis pour accéder à ces enceintes. Nous sommes effectivement allés plus loin que la loi Hamon, et les VTC peuvent désormais stationner dans les gares et aérogares, mais uniquement pour une durée définie par décret. En outre, lorsqu’ils ont une réservation préalable, il ne leur est pas interdit de dépasser cette durée.
Je maintiens donc qu’il ne s’agit pas d’une erreur rédactionnelle, monsieur le ministre. Le simple fait de ne pas être en accord avec la loi Hamon, qui était d’ailleurs plus restrictive que le droit en vigueur, ne peut être assimilé à une erreur rédactionnelle : vous-même avez jugé bon, à de nombreuses reprises, de revenir sur certains aspects de cette loi relative à la consommation.
L’avis de la commission spéciale est donc défavorable.
M. le président. L’amendement n° 1410, présenté par Mme Assassi, M. Bosino et les membres du groupe communiste républicain et citoyen, est ainsi libellé :
Après l’alinéa 10
Insérer un alinéa ainsi rédigé :
…° À la première et la seconde phrases du premier alinéa de l’article L. 3122-1, après le mot : « chauffeur », il est inséré le mot : « professionnel ».
La parole est à M. Jean-Pierre Bosino.
M. Jean-Pierre Bosino. Cet amendement vise à attirer l’attention sur la situation de concurrence déloyale introduite par la société Uber, avec son service Uber Pop. Ce dernier met en relation des passagers et des automobilistes qui ne sont pas des chauffeurs professionnels via une application pour smartphone.
Ce service crée une forme de concurrence déloyale – certains parlent de dumping social –, car il recourt à des particuliers qui ne paient pas de cotisations sociales, ce qui est préjudiciable pour eux-mêmes, déloyal à l’égard des conducteurs professionnels et dangereux pour l’équilibre de la sécurité sociale. Par ailleurs, les usagers peuvent être victimes de l’amateurisme de conducteurs qui ne sont soumis à aucun contrôle sérieux.
Après la location chez les taxis et l’introduction du système des VTC, qui a provoqué la vive colère des taxis, nous en arrivons au degré ultime de la libéralisation et de la déréglementation de ce secteur.
Depuis le 1er janvier 2015, les textes légaux visent à interdire l’activité d’Uber, mais cette société cherche à outrepasser cette interdiction depuis l’année dernière, profitant de failles que les pouvoirs publics laissent subsister de manière incompréhensible. En effet, la société Uber a soulevé deux questions prioritaires de constitutionnalité, dont l’une portant sur la régulation des tarifs, dans l’espoir qu’elles soient transmises au Conseil constitutionnel. Cette société a également déposé deux plaintes auprès de la Commission européenne. Le but évident de ces procédures est de gagner du temps pour installer la marque et assécher le vivier des chauffeurs.
Nous appelons les pouvoirs publics à tout faire pour que l’interdiction de l’application Uber Pop soit effective. Nous constatons qu’une telle interdiction a été possible dans d’autres pays de l’Union européenne, comme l’Allemagne ou le Royaume-Uni.
Notre amendement vise à mettre fin à une situation insupportable pour la profession, préjudiciable pour les usagers et contraire à l’intérêt général.
M. le président. Quel est l’avis de la commission ?
Mme Dominique Estrosi Sassone, corapporteur. Monsieur le sénateur, la commission spéciale comprend l’esprit de votre amendement. Ce service est en effet illégal et s’apparente à une activité de faux taxi.
En revanche, je ne pense pas que la précision apportée par l’ajout de l’épithète « professionnel » au titre des VTC changera quoi que ce soit à cette difficulté. En effet, le code des transports prévoit déjà que les conducteurs de VTC doivent justifier de compétences professionnelles.
Vous l’avez rappelé, il convient en outre d’attendre la position qu’adopteront la Cour de cassation et le Conseil constitutionnel sur la question prioritaire de constitutionnalité relative à l’article de la loi Thévenoud interdisant la mise en relation de particuliers avec des conducteurs qui ne seraient pas des professionnels. En attendant, il est toujours possible pour la police des transports de verbaliser les conducteurs Uber Pop, qui sont en infraction avec la loi.
L’avis de la commission spéciale est donc défavorable.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. Emmanuel Macron, ministre. Monsieur le sénateur, je pense que votre amendement est satisfait par le droit positif. En effet, les articles L. 3122-7 et L. 3122-8 du code des transports disposent bien que les conducteurs de VTC « justifient d’aptitudes professionnelles », d’une part, et ils prévoient la délivrance d’une carte professionnelle, d’autre part.
Permettez-moi de revenir quelques instants sur cette question, qui est importante.
Tout d’abord, il est nécessaire d’exercer un contrôle sur ces sociétés qui embauchent des professionnels. Je rappelle que quelque 350 contrôles ont été effectués par les services de l’État à Paris et dans les grandes agglomérations depuis le début de l’année et transmis au parquet. On ne peut donc pas nous reprocher un excès de libéralisme ou je ne sais quoi d’autre !
Un service particulier a été développé par la compagnie Uber, qui s’appelle Uber Pop. Il s’agit d’un mixte entre un covoiturage organisé et un service non professionnel. Nous avons avancé sur ce sujet grâce à une décision du tribunal de commerce d’octobre 2014, et l’action judiciaire suit son cours.
Du reste, l’ajout du terme « professionnel » que vous proposez dans votre amendement ne permettrait pas de couvrir davantage que le droit positif la situation d’Uber Pop.
Le Gouvernement continuera à lutter contre ce service qui, en effet, ne correspond pas à l’esprit de notre réglementation, et nous persévérerons dans notre volonté de protéger et d’encadrer correctement ces activités.
Dans le même temps, il existe une activité encadrée, outre l’activité de taxis, qui est celle des voitures de transport avec chauffeur, ou VTC : dans ce cas, les chauffeurs sont bien des professionnels, et cette activité est régulée. Or il faut aussi que cette activité puisse se développer, parce qu’elle suscite de l’embauche. Elle crée des emplois, notamment des emplois peu qualifiés.
Ainsi, monsieur le sénateur, je vous invite à retirer l’amendement n° 1410 ; à défaut, j’émettrai un avis défavorable.
M. le président. La parole est à M. Jean-Pierre Bosino, pour explication de vote.
M. Jean-Pierre Bosino. Plutôt que d’une création d’emplois, il s’agit d’une mise en opposition d’emplois ! En effet, le système Uber Pop créera peut-être quelques emplois, mais il en mettra assurément d’autres en cause ailleurs, détruisant des emplois de professionnels qui, eux, paient des cotisations à la sécurité sociale et chargent les passagers en toute sécurité.
Vous nous parlez de 350 à 400 contrôles, mais il faut mettre ces chiffres en relation avec le nombre de véhicules qui circulent avec cette société. On se rendra compte alors que ces contrôles sont une goutte d’eau par rapport à la réalité de cette société.
Vous nous dites qu’ajouter le terme « professionnel » n’améliorerait pas la situation. Il faut donc aller plus loin : proposez-nous effectivement des contrôles et des dispositifs plus importants que ceux qui existent ! En effet, nous avons le sentiment que, pour l’instant, rien n’est fait réellement pour empêcher le développement de cette société.
M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 1410.
J'ai été saisi d'une demande de scrutin public émanant du groupe CRC.
Je rappelle que l'avis de la commission est défavorable, de même que celui du Gouvernement.
Il va être procédé au scrutin dans les conditions fixées par l'article 56 du règlement.
Le scrutin est ouvert.
(Le scrutin a lieu.)
M. le président. Personne ne demande plus à voter ?…
Le scrutin est clos.
J'invite Mmes et MM. les secrétaires à procéder au dépouillement du scrutin.
(Il est procédé au dépouillement du scrutin.)
M. le président. Voici, compte tenu de l’ensemble des délégations de vote accordées par les sénateurs aux groupes politiques et notifiées à la présidence, le résultat du scrutin n° 129 :
Nombre de votants | 340 |
Nombre de suffrages exprimés | 340 |
Pour l’adoption | 30 |
Contre | 310 |
Le Sénat n'a pas adopté.
L'amendement n° 1043, présenté par Mme Assassi, M. P. Laurent et les membres du groupe communiste républicain et citoyen, est ainsi libellé :
Alinéa 15
Supprimer cet alinéa.
La parole est à Mme Christine Prunaud.
Mme Christine Prunaud. Mes chers collègues, je vous rappelle tout d’abord que le locataire-gérant comme le locataire ne sont ni propriétaires de leur outil de travail – en l’occurrence, leur véhicule –, ni titulaires de la licence de taxi.
Permettez-moi ensuite de dresser le tableau peu reluisant de l’actuelle situation des locataires. Ni le repos dominical ni les congés payés annuels ne sont obligatoires et, de fait, ils ne sont ni respectés ni sanctionnés. Les conducteurs locataires n’entrent pas dans le champ des règles d’hygiène et de sécurité ; ils ne relèvent pas de la médecine du travail. Ils n’ont pas de représentants élus du personnel, ni de délégués syndicaux, ni de droits syndicaux. En cas de rupture ou de non-renouvellement de leur contrat, ils ne bénéficient pas des indemnités de chômage.
Toutes les formes de location sont condamnables par leurs effets négatifs. Elles entraînent l’allongement inconsidéré des journées de travail, encore aggravé à Paris par le protocole du 28 mai 2008, qui a ajouté la onzième heure, et l’augmentation de l’amplitude horaire par la multiplication des coupures, ce qui pose le grave problème de la sécurité du chauffeur et, bien sûr, du client. Elles font de ces travailleurs des exclus de la juridiction salariale.
À ce tableau désastreux s’ajouterait donc, avec ce projet de loi, le fait que le locataire-gérant, contrairement au locataire actuel, ne serait pas couvert en cas d’accident du travail. Ce serait une première ! Ce projet de loi est décidément bien anachronique !
On peut d’ailleurs se demander s’il est raisonnable dans le contexte actuel d’enlever 6 000 à 8 000 cotisants du régime général de la sécurité sociale. En effet, jusqu’ici – paradoxalement – les locataires y cotisaient.
L’abolition de la location associée à une nouvelle convention collective est le seul moyen de sécuriser véritablement les relations contractuelles entre les employeurs et les chauffeurs.
La volonté des grandes sociétés de location de se défaire définitivement des cotisations patronales dues et d’éviter la requalification par la justice des contrats de location en contrats de travail par l’établissement de la location-gérance existe depuis bien longtemps. En outre, dans la pratique, l’exploitation du taxi par l’intermédiaire de la location-gérance, comme précédemment par la location, fait naître un lien de subordination. Par conséquent, l’instabilité juridique est loin de disparaître !
Pour toutes ces raisons, mes chers collègues, nous vous demandons d’adopter notre amendement.
M. le président. Quel est l’avis de la commission ?
Mme Dominique Estrosi Sassone, corapporteur. La commission émet un avis défavorable sur cet amendement de suppression.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. Emmanuel Macron, ministre. Madame la sénatrice, je souhaite apporter quelques précisions sur les points que vous avez soulevés.
La fin du mécanisme de la location taxi est l’une des mesures importantes de la loi relative aux taxis et aux voitures de transport avec chauffeur, qui a organisé le transfert avant 2017 des contrats de location taxi, que vous avez mentionnés, vers le régime général de la location-gérance.
Le régime de la location taxi, comme vous avez eu raison de le dire, était un régime qui bénéficiait entièrement aux loueurs de l’autorisation de stationnement et qui maintenait les locataires dans un statut de dépendance équivalent à celui d’un salarié sans bénéficier des mêmes droits. Il a été mis fin à ce régime exorbitant du droit commun.
L’alinéa 15 vise uniquement à assurer une coordination avec la fin de ce régime. Il abroge, à compter du 1er janvier 2017, la disposition du code de la sécurité sociale qui visait spécifiquement la location taxi.
Par conséquent, si vous supprimez l’alinéa 15, vous empêchez la simple mise en cohérence d’une disposition d’un code avec la réforme que la Haute Assemblée a votée par ailleurs et qui me semble aller, précisément, dans le sens que vous désirez.
Le Gouvernement demande donc le retrait de cet amendement, faute de quoi il émettrait un avis défavorable.
M. le président. La parole est à M. Jean Desessard, pour explication de vote.
M. Jean Desessard. Je remercie M. le ministre de nous avoir donné une explication claire. En effet, cela fait suite au débat que nous avons eu sur la loi Thévenoud… Je ne sais pas si l’on a encore le droit de prononcer ce nom ! (Sourires.)
Cette loi visait à mettre fin à un système d’exploitation que vous avez bien décrit. Il s’agissait en effet de faux locataires, c’est-à-dire en fait de salariés sous-payés. On leur imposait un certain nombre d’heures pour rembourser la location. L’entreprise mettait à disposition des locataires non seulement le véhicule, mais aussi la licence, et parfois les locataires devaient en outre assurer l’entretien du véhicule et payer un certain nombre de choses. On avait donc décidé de mettre fin à ce système.
Il y aurait donc trois catégories, me semble-t-il : premièrement, le taxi artisan, propriétaire de sa licence, le salarié – je ne sais pas s’il y en aura dorénavant – et le locataire-gérant. Dans ce dernier cas, un véritable contrat devra s’instaurer entre la compagnie et le locataire-gérant.
Cependant, je ne sais pas si le locataire-gérant est propriétaire de sa licence. Si j’ai bien compris, il loue la licence, même si un certain nombre de garanties ont été apportées par rapport au locataire, mais je ne me souviens plus desquelles.
La question que pose le groupe CRC est la suivante : le locataire-gérant est-il encore un salarié dissimulé, qui n’aurait ni droits ni salaire garanti, et qui subirait une pression importante pour rembourser la licence, ou bien les garanties que nous avons mises en place lors de l’adoption de la loi relative aux taxis et aux voitures de transport avec chauffeur sont-elles suffisantes pour que l’on puisse considérer que le locataire-gérant s’organise lui-même sans faire l’objet d’une exploitation ? Le locataire-gérant dispose-t-il d’une marge d’initiative et peut-il s’en sortir financièrement ?
M. le président. Madame Prunaud, l'amendement n° 1043 est-il maintenu ?
Mme Christine Prunaud. Oui, il est maintenu, monsieur le président.
M. le président. L'amendement n° 852 n'est pas soutenu.
Je mets aux voix l'article 8.
(L'article 8 est adopté.)
Article 8 bis A
(Non modifié)
I. – Le code de la route est ainsi modifié :
1° Après le 12° de l’article L. 130-4, il est inséré un 13 ainsi rédigé :
« 13° Les agents des exploitants de parcs publics de stationnement situés sur le domaine public ferroviaire, assermentés et agréés par le représentant de l’État dans le département, pour les seules contraventions aux règles concernant la circulation, l’arrêt et le stationnement des véhicules dans l’emprise du parc public. » ;
2° Aux premier et second alinéas de l’article L. 142-4-1, la référence : « 13° » est remplacée par la référence : « 14° ».
II. – Le II de l’article L. 2241-1 du code des transports est complété par un 4° ainsi rédigé :
« 4° Les agents assermentés mentionnés au 13° de l’article L. 130-4 du code de la route. » – (Adopté.)
Article 8 bis
(Supprimé)
Article 8 ter
(Non modifié)
Le code de la route est ainsi modifié :
1° Le I de l’article L. 212-4 est ainsi modifié :
a) À la première phrase, après le mot : « routière », sont insérés les mots : « ou d’animer un stage de sensibilisation à la sécurité routière » ;
b) À la seconde phrase, après le mot : « routière », sont insérés les mots : « ou de l’animation d’un stage de sensibilisation à la sécurité routière » ;
2° Le I de l’article L. 213-6 est ainsi modifié :
a) Au premier alinéa, après le mot : « enseignant », sont insérés les mots : « ou d’exploiter un établissement organisant des stages de sensibilisation à la sécurité routière » ;
b) Au second alinéa, après le mot : « enseignant », sont insérés les mots : « ou un animateur ». – (Adopté.)
Article 8 quater
Le code de la route est ainsi modifié :
1° À la fin des premier et dernier alinéas de l’article L. 213-1, les mots : « , après avis d’une commission » sont supprimés ;
2° Au deuxième alinéa de l’article L. 213-5, les mots : « et recueilli l’avis de la commission mentionnée à l’article L. 213-1 » sont supprimés.
M. le président. La parole est à Mme Cécile Cukierman, sur l'article.
Mme Cécile Cukierman. Plus rapide, moins cher ; en bref, plus accessible. Cette maxime résume notre position en ce qui concerne le permis de conduire.
Il est un constat partagé sur toutes les travées de cet hémicycle : passer un permis de conduire s’apparente plus à une traversée de la jungle qu’à une promenade en forêt.
Le Gouvernement lui-même semble avoir pris conscience des difficultés que rencontrent aujourd’hui nos concitoyens, et particulièrement les jeunes, pour passer l’examen du permis de conduire. Les conclusions du rapport élaboré par Florence Gilbert sont là pour nous rappeler ce qu’il en est.
De 1 600 à plus de 3 000 euros, c’est la somme moyenne que doivent débourser les personnes désireuses d’obtenir le permis de conduire en France. Ces chiffres sont à examiner, aussi, sous le prisme de l’inégalité territoriale puisque, d’après des associations de consommateurs, les prix peuvent varier du simple au double.
Ces montants rendent aujourd’hui le permis totalement inaccessible à la plupart des jeunes, qui cherchent bien souvent, en passant ce diplôme, à s’insérer plus facilement dans le monde du travail et à répondre à ce fameux besoin de mobilité dont on nous parle à longueur de journée.
Si une grande partie des départements et des villes ont intégré la problématique du permis de conduire dans leur éventail d’aides sociales, la rigueur budgétaire qui leur est imposée constitue forcément une menace.
Autre intervention de l’État, qui n’est pas totalement satisfaisante à nos yeux : le recours à l’endettement, avec le permis à un euro par jour. Comment demander à des jeunes qui n’ont que très peu de ressources, et souvent précaires, de s’engager sur des remboursements réguliers et fixes ?
Au caractère incomplet, voire simpliste de ces mesures, s’ajoute une autre difficulté, la nécessité pour les bénéficiaires de ces aides de trouver un établissement d’apprentissage de la conduite prenant part à ces dispositifs, ce qui peut vite relever d’une mission impossible !
Deuxième cheval de bataille, à défaut de voiture : la question des délais.
Une nouvelle fois, tous nos concitoyens ne sont pas logés à la même enseigne. Je sais que notre collègue député Jean Lassalle a fait état, dans son cas, d’un délai de trente mois. Cette exception béarnaise, rapportée lors des débats à l’Assemblée nationale, n’a pas dû être prise en compte par Florence Gilbert, qui évoque des délais moyens de trois à cinq mois.
Cette attente, de plus du double des autres moyennes européennes, est devenue insupportable pour la majorité de nos concitoyens. Car, outre le sentiment de blocage qui en ressort, ces mois d’attente sont synonymes de nouvelles dépenses pour continuer à se préparer à l’examen et maintenir son niveau.
Mais si, comme je l’ai dit, le Gouvernement a pris conscience du problème, les solutions qu’il propose ne sont, à nos yeux, que superficielles, ou à tout le moins très insuffisantes. Pourtant, nous convenons tous que la question du permis de conduire est centrale pour bon nombre de nos concitoyens. Celui-ci est bien souvent synonyme d’accès à la mobilité et à l’indépendance, particulièrement dans les zones peu pourvues en dispositifs de transport en commun. Même avec l’ouverture de nouvelles lignes de car, la question continuera à se poser pour les déplacements quotidiens.
Le permis est aussi un levier important pour l’accès à l’emploi. Il me semble important de le rappeler dans la période de chômage important que nous connaissons.
Enfin, rendre plus accessible le permis de conduire est aussi une mesure de sécurité publique. Les études démontrent en effet que de plus en plus de personnes sont interpellées en situation de défaut de permis ; or elles l’auraient passé depuis longtemps si celui-ci avait été plus accessible. Il s’agit d’une véritable question de sécurité.
Nous ne pouvons que regretter que l’une des seules solutions avancées, celle de l’article 8 quater de ce projet de loi, consiste à empêcher les commissions départementales de la sécurité routière d’être saisies pour avis au cours de la procédure d’institution et de suspension d’agrément des établissements d’enseignement de la conduite.
Ces commissions composées, en vertu de l’article R. 411–11 du code de la route, de membres des collectivités territoriales, de représentants des organisations professionnelles mais aussi de représentants des usagers permettaient un travail partenarial entre tous les acteurs concernés par la sécurité routière, et à chacun d’apporter ses compétences afin de donner une appréciation au plus juste aux autorités administratives, et de garantir la formation et la sécurité routière qui en découlent.
M. le président. L’amendement n° 665 rectifié, présenté par MM. Kern et Médevielle, est ainsi libellé :
Supprimer cet article.
La parole est à M. Pierre Médevielle.
M. Pierre Médevielle. L’article 8 quater du présent projet de loi a pour ambition de simplifier la procédure d’agrément des établissements d’enseignement et de formation en matière de conduite et de sécurité routière.
Il supprime en effet l’obligation imposée à l’autorité administrative compétente, avant de délivrer l’agrément, de consulter les commissions départementales de la sécurité routière, composées de représentants des services de l’État, d’élus départementaux et communaux, de représentants des organisations professionnelles, des fédérations sportives et des associations d’usagers.
Cette suppression, qui vise à alléger la procédure, est motivée par deux constats.
Tout d’abord, « en pratique, lorsque la commission départementale examine en section spécialisée les demandes d’agrément, elle comprend le plus souvent uniquement des représentants de l’État et des professionnels ».
Ensuite, la présence des professionnels dans une instance chargée de rendre un avis sur la demande d’ouverture d’un concurrent potentiel serait « susceptible de présenter un risque d’incompatibilité avec le droit communautaire ».
Dépassant ces constats, le présent amendement rétablit l’obligation de consultation des commissions départementales de la sécurité routière. Par là même, il garantit l’équilibre entre les préoccupations relatives à la pertinence de la décision administrative et à la conformité au droit communautaire.
En effet, la présence dans ces commissions départementales des organisations professionnelles, qui ont une connaissance parfaite du tissu local, permet à l’autorité administrative de prendre la meilleure décision. L’avis de cette commission étant uniquement consultatif, le préfet reste souverain dans la décision finale.
M. le président. Quel est l’avis de la commission ?
Mme Dominique Estrosi Sassone, corapporteur. L’article 8 quater supprime une contrainte inutile qui ne semble pas conforme au droit européen, puisque des représentants d’auto-écoles sont conduits à se prononcer sur l’ouverture d’auto-écoles concurrentes.
L’avis est donc défavorable.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. le président. L’amendement n° 1044, présenté par Mmes Assassi, Cukierman et les membres du groupe communiste républicain et citoyen, est ainsi libellé :
Compléter cet article par deux alinéas ainsi rédigés :
…° Le deuxième alinéa de l’article L. 212–3 est complété par une phrase ainsi rédigée :
« L’activité des titulaires d’une autorisation d’enseigner est incompatible avec le statut d’auto-entrepreneur. »
La parole est à M. Thierry Foucaud.
M. Thierry Foucaud. Cet amendement s’inscrit dans la droite ligne de notre discussion précédente sur les taxis et les VTC.
Vous le savez, nous faisons depuis toujours le choix de lutter contre le salariat déguisé, mis en place dans le but d’exempter le patronat de ses responsabilités, tout en précarisant les travailleurs et en faisant une concurrence déloyale aux artisans. C’est d’ailleurs ce dernier aspect qui est prédominant dans cet amendement.
En effet, les nouveaux acteurs dématérialisés concurrencent déloyalement les auto-écoles classiques, dans la mesure où ils n’ont pas de locaux dédiés et font appel à des moniteurs sous statut d’auto-entrepreneur.
Contrairement aux auto-écoles classiques, qui emploient des salariés, ils s’exemptent ainsi des cotisations patronales ; quant aux travailleurs qu’ils emploient, ils ne bénéficient que d’une protection sociale réduite. L’effet est également négatif pour le régime général de la sécurité sociale.
Cette stratégie de l’évitement de l’emploi stable et de précarisation des travailleurs n’est pas acceptable, dans ce domaine comme dans d’autres.
C’est pourquoi nous avons déposé le présent amendement.
M. le président. Quel est l’avis de la commission ?
Mme Dominique Estrosi Sassone, corapporteur. Cette mesure remettrait en question le modèle de certaines auto-écoles.
L’avis est donc défavorable.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. le président. La parole est à Mme Cécile Cukierman, pour explication de vote sur l’article.
Mme Cécile Cukierman. Il y a eu un léger cafouillage, car nous n’avons pas tous levé la main pour voter l’amendement n° 665 rectifié de suppression de l’article.
Dans ces conditions, eu égard aux propos que nous avons tenus il y a quelques instants, nous ne voterons pas l’article 8 quater.
M. le président. Je mets aux voix l’article 8 quater.
(L'article 8 quater est adopté.)
Article 8 quinquies
L’article L. 213-2 du code de la route est ainsi modifié :
1° À la première phrase du premier alinéa, après le mot : « écrit », sont insérés les mots : « , qui peut être conclu dans l’établissement ou à distance, dans le respect de la section 2 du chapitre Ier du titre II du livre Ier du code de la consommation, » ;
2° Après la première phrase du premier alinéa, il est inséré une phrase ainsi rédigée :
« Ce contrat est conclu après une évaluation préalable du candidat par l’établissement, en sa présence. »
M. le président. L’amendement n° 435 rectifié, présenté par M. Desessard et les membres du groupe écologiste, est ainsi libellé :
I. - Avant l'alinéa 1
Insérer un paragraphe ainsi rédigé :
... - L’article L. 213–1 du code de la route est ainsi modifié :
a) Le premier alinéa est complété par les mots : « ou auprès d’un enseignant titulaire de l'autorisation d'enseigner la conduite des véhicules à moteur » ;
b) La première phrase du deuxième alinéa est complétée par les mots : « , ou auprès d'un enseignant titulaire de l'autorisation d'enseigner la conduite des véhicules à moteur » ;
II. - Après l'alinéa 2
Insérer un alinéa ainsi rédigé :
...° La première phrase du premier alinéa est complétée par les mots : « ou l'enseignant » ;
III. - Compléter cet article par trois alinéas ainsi rédigés :
...° À la première phrase du deuxième alinéa, après le mot : « établissement », sont insérés les mots : « ou un autre enseignant » ;
...° Le troisième alinéa est complété par les mots : « ou l'enseignant » ;
... - À l’article L. 213–4 du même code, après les mots : « les établissements », sont insérés les mots : « ou les enseignants ».
La parole est à M. Jean Desessard.
M. Jean Desessard. On l’a dit, le permis de conduire coûte cher en France : en moyenne 1 600 euros. Il est possible d’en réduire le coût en dématérialisant l’auto-école – c’est là un point de désaccord avec mes collègues du groupe CRC – ; plusieurs nouveaux entrants sont d’ailleurs prêts à proposer des solutions numériques. Il s’agit là d’une ouverture ciblée, justifiée et bénéfique pour les usagers.
Cet amendement vise à permettre à des enseignants de la conduite de dispenser leur enseignement sans l’intermédiaire imposé d’une auto-école traditionnelle, dès lors qu’ils sont diplômés d’État et donc garants de la qualité de la formation et de sa conformité au code de la route.
Je n’avais cependant pas pensé au cas que vous avez évoqué, monsieur Foucaud : il va de soi que ces enseignants ne devront pas exercer sous le statut d’auto-entrepreneur. J’ai, d’ailleurs, voté en faveur de votre amendement.
En effet, les enseignants sont obligés aujourd’hui d’enseigner dans le cadre d’un établissement d’auto-école. Or, selon le rapport de l’Inspection générale des finances – IGF – de mars 2013 sur les professions réglementées, « aucun motif d’intérêt général ne justifie que les écoles de conduite disposent de ce monopole de fait sur la formation pratique à la conduite ».
De plus, les enseignants ont déjà le droit de passer outre l’intermédiaire d’un établissement, mais seulement s’ils font de l’enseignement à titre gratuit. On voit donc bien que ce n’est pas une question de sécurité, mais bien de verrouillage d’un secteur économique au détriment des candidats.
Parmi ces candidats, 80 % ont moins de 25 ans, et sont donc à la recherche de solutions qui pourraient faire baisser le coût du permis. Selon un sondage CSA publié en février, trois Français sur quatre affirment qu’une telle mesure permettrait justement de faire baisser le coût de la formation.
Enfin, les enseignants français souffrent aujourd’hui d’une distorsion de concurrence par rapport aux enseignants ressortissants de l’Union européenne, qui peuvent enseigner en direct depuis la transposition de la directive sur la reconnaissance des qualifications professionnelles.
Nous souhaitons donc qu’existe cette possibilité de dématérialisation de l’enseignement de la conduite, à condition que soient garantis les statuts de profession libérale ou de salarié des enseignants. Les opérateurs que j’ai rencontrés proposent, quant à eux, des emplois salariés.
M. le président. Quel est l’avis de la commission ?
Mme Dominique Estrosi Sassone, corapporteur. La mesure proposée bouleverserait totalement l’organisation de l’enseignement de la conduite en France, en mettant en concurrence des auto-écoles, qui doivent respecter un certain nombre de contraintes – l’obligation de disposer d’un local, le respect des normes d’accessibilité – avec des enseignants qui ne sont pas soumis à de telles dispositions.
Je rappelle aussi que les exploitants d’auto-écoles sont responsables juridiquement du contenu de la formation et de sa conformité aux programmes. Dès lors, sans analyse précise des conséquences d’une telle mesure – nous pouvons le déplorer car, si nous avions eu davantage d’éléments d’information, nous aurions pu faire d’autres propositions –, il ne me semble pas raisonnable d’adopter votre amendement.
L’avis est donc défavorable.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. Jean Desessard. Oui, là, je vais plus loin que vous, monsieur le ministre !
M. Emmanuel Macron, ministre. Votre esprit libéral (Sourires.) vous conduit à vouloir ouvrir ce secteur plus largement.
Vos propos relèvent du bon sens. Néanmoins, un tel dispositif créerait la difficulté que nous avons connue dans beaucoup de secteurs : des professionnels régulés, soumis à des contraintes, notamment en termes de superficie de leurs locaux, seraient soumis à la concurrence de plateformes employant des personnels – il faudra d’ailleurs garantir les conditions de leur bonne formation et prévoir une nouvelle habilitation ! – soumis à des contrôles allégés, en tout cas à des contraintes moindres. Il s’agirait là, comme vient de le dire Mme le rapporteur, d’une distorsion de concurrence.
Sur le fond, ce mouvement est inexorable,…
Mme Nicole Bricq. Bien sûr !
M. Emmanuel Macron, ministre. … et il est déjà en cours. Quant à la difficulté qu’il induit, nous la retrouvons dans l’opposition entre VTC et taxis,…
M. Jean Desessard. Absolument !
M. Emmanuel Macron, ministre. … ou dans l’opposition qui existe encore, quelles que soient les modifications apportées, entre auto-entrepreneurs et indépendants. Il faudrait du temps pour l’aplanir, et nous n’avons pas trouvé la bonne solution dans ce texte.
Je vais émettre un avis défavorable, car cet article est le résultat de l’arbitrage interministériel. Mais, encore une fois, nous n’avons pas trouvé le bon équilibre. Moi-même, je n’ai pas de solution intelligente à proposer qui permette de prendre en compte, à la fois, les intérêts légitimes des professionnels en place, qui ont fait des investissements et sont aujourd’hui régulés, et l’émergence de ce nouveau modèle.
Nous devons continuer à travailler sur ce sujet afin que cette situation ne perdure pas. Les pratiques sont en effet en train de changer et c’est à nous, collectivement, de les accompagner.
J’émets par conséquent un avis défavorable,...
M. Bruno Retailleau. Mais bienveillant !
M. Emmanuel Macron, ministre. ... tout en reconnaissant une forme d’échec de notre part de ne pas pouvoir proposer mieux, car votre intention est la bonne.
Mon avis est donc défavorable, bienveillant comme vient de le dire M. le président Retailleau, mais à tout le moins chagrin.
M. Alain Richard. C’est du Macron low cost ! (Sourires sur les travées du groupe socialiste.)
M. le président. Monsieur Desessard, l'amendement n° 435 rectifié est-il maintenu ?
M. Jean Desessard. Dans la mesure où le Gouvernement a émis un avis bienveillant, mais défavorable sur cet amendement, je le maintiens, monsieur le président ! (Sourires.)
M. le président. Je suis saisi de trois amendements faisant l'objet d'une discussion commune.
Les deux premiers sont identiques.
L'amendement n° 682 rectifié ter est présenté par M. D. Laurent, Mmes Imbert et Gruny et MM. Morisset, Chaize, Vogel, Grand, de Nicolaÿ et Gremillet.
L'amendement n° 854 rectifié est présenté par MM. Doligé, Cardoux, Calvet, Charon et Commeinhes, Mmes Cayeux et Duchêne, M. Falco, Mme Garriaud-Maylam, MM. Grosdidier et Houel, Mme Hummel, MM. Kennel, Laménie, Lefèvre et de Legge, Mme Micouleau et MM. Milon, Pintat, Pointereau, D. Robert et Saugey.
Ces deux amendements sont ainsi libellés :
Avant l'alinéa 1
Insérer un paragraphe ainsi rédigé :
... - À la première phrase du deuxième alinéa de l’article L. 213-1 du code de la route, après le mot : « établissements », sont insérés les mots : « disposant d’un local ».
L’amendement n° 682 rectifié ter n'est pas soutenu.
La parole est à Mme Marie-Annick Duchêne, pour présenter l'amendement n° 854 rectifié.
Mme Marie-Annick Duchêne. Il faut maintenir le droit d’accès à l’éducation de la sécurité routière sur le territoire national : non seulement la qualité de la formation est reconnue, mais il existe un véritable maillage territorial des auto-écoles et des emplois associés. Ainsi, 13 000 écoles de conduite sont implantées, qui assurent plus de 50 000 emplois.
La présence d’opérateurs intervenant sur internet aurait pour conséquence la destruction de nombreux emplois.
M. le président. L'amendement n° 1045, présenté par Mmes Assassi, Cukierman et les membres du groupe communiste républicain et citoyen, est ainsi libellé :
Avant l'alinéa 1
Insérer un paragraphe ainsi rédigé :
... – À la première phrase du deuxième alinéa de l’article L. 213-1 du code de la route, après le mot : « établissements », sont insérés les mots : « disposant d’un local dédié à l’apprentissage de la conduite ».
La parole est à M. Patrick Abate.
M. Patrick Abate. L’article 8 quinquies modifie l’article L. 213–2 du code de la route relatif au contrat entre le candidat au permis de conduire et l’établissement d’enseignement du code de la route. Le projet de loi prend en compte les nouvelles formules de permis développées par des acteurs dématérialisés, c’est-à-dire des nouvelles formules de permis de conduire en ligne. Le local n’étant plus une obligation, il devient une simple « devanture » permettant de se faire connaître et l’essentiel de la formation se fait à distance. Les cours de code sont dispensés exclusivement en ligne ; il n’est plus utile de passer par le local pour suivre les cours de conduite : ceux-ci sont réservés directement par internet et s’adressent à une pluralité de moniteurs qui les dispensent en fonction des demandes et se déplacent au domicile des clients. Ce n’est pas un drame, me rétorquerez-vous. Pourtant, ces moniteurs peuvent avoir le statut d’auto-entrepreneur et nous retrouvons donc la même problématique qu’avec les VTC.
Si le coût du permis de conduire est actuellement trop élevé et mérite certainement d’être discuté et revu, il n’est pas souhaitable d’entériner les pratiques de réduction des coûts reposant sur une moindre qualité d’accompagnement et sur une précarisation des employés par un recours abusif au statut d’auto-entrepreneur.
Les entreprises en ligne proposent des tarifs préférentiels de façon abusive, engageant une concurrence déloyale par l’allégement des charges sociales, ainsi que nous l’avons déjà rappelé.
Nous sommes pour une maîtrise des coûts du permis de conduire, à condition qu’elle ne se fasse pas de cette manière. Qui plus est, la concurrence avec les auto-écoles traditionnelles pourrait aboutir à l’affaiblissement du dispositif de conduite accompagnée, puisque l’arrêté du 9 décembre 2009 prévoit l’organisation obligatoire d’un rendez-vous pédagogique dans des locaux pour la conclusion de l’apprentissage anticipé de la conduite.
Or cette modalité sera désormais difficile à mettre en œuvre. Pourtant, ce dispositif, moins cher, bénéficie d’un fort taux de réussite et est particulièrement prisé par les familles et par les jeunes. Ce paradoxe est suffisamment important pour que nous le pointions.
M. le président. Quel est l’avis de la commission ?
Mme Dominique Estrosi Sassone, corapporteur. La commission spéciale émet un avis défavorable sur ces deux amendements. Il s’agit en effet d’une mesure réglementaire, qui figure déjà dans l’arrêté du 8 janvier 2001 relatif à l’exploitation des auto-écoles.
M. Jean Desessard. Absolument !
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. le président. L'amendement n° 666 rectifié bis, présenté par MM. Kern, Marseille, Médevielle et Gabouty, est ainsi libellé :
Alinéa 2
Avant le mot :
, qui
insérer les mots :
, selon un modèle défini par décret du ministre chargé de la sécurité routière,
La parole est à M. Pierre Médevielle.
M. Pierre Médevielle. Cet amendement vise à mieux protéger les consommateurs et à leur garantir un contrat ne présentant aucune clause abusive, aucune clause illicite, aucun déséquilibre entre l’apprenti conducteur ou son représentant légal et l’établissement de la conduite et de la sécurité routière.
L’article 8 quinquies ouvre la possibilité de conclure en ligne le contrat qui lie une école de conduite et son élève, lequel définit les conditions et les modalités de l’enseignement, à titre onéreux, de la conduite des véhicules à moteur d’une catégorie donnée et de la sécurité routière.
Afin de mesurer les besoins de formation de l’élève et son coût prévisible, une évaluation préalable, en la présence physique de l’élève conducteur, est effectuée par l’établissement avant la signature du contrat.
Tel qu’il nous est proposé, le dispositif présente déjà de réelles garanties en matière de droits des consommateurs, mais il nous semble pertinent de prévoir qu’un décret fixera un modèle type de contrat. Ce complément permettra de mieux protéger les consommateurs et de leur garantir un contrat ne présentant, comme je le disais à l’instant, aucune clause abusive, aucune clause illicite, aucun déséquilibre entre les parties.
Dans cet objectif, il paraît opportun que ce contrat, au-delà de lister les éléments à mentionner, corresponde à un modèle défini par décret, à l’instar du « permis à un euro par jour ».
M. le président. Quel est l’avis de la commission ?
Mme Dominique Estrosi Sassone, corapporteur. L’article R. 213–3 du code de la route détermine déjà un certain nombre de mentions devant figurer dans le contrat conclu entre l’auto-école et l’élève. Par conséquent, puisque des mesures réglementaires existent, la commission spéciale émet un avis défavorable sur cet amendement.
Cela étant, monsieur le sénateur, vous soulevez une question importante. En effet, dans une recommandation de 2005, la commission des clauses abusives a dénoncé un certain nombre de clauses abusives dans ces contrats.
Monsieur le ministre, pourriez-vous nous indiquer ce que vous comptez faire pour lutter contre ces pratiques et nous apporter des réponses supplémentaires ?
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. Emmanuel Macron, ministre. Il existe en effet des dispositions réglementaires qui satisfont selon moi l’objet de cet amendement et qui précisent d’ores et déjà le contenu du contrat entre les auto-écoles et les élèves.
Par ailleurs, la DGCCRF, saisie spécifiquement sur ce sujet par Carole Delga, a engagé une enquête nationale visant le secteur des auto-écoles pour identifier et faire supprimer les clauses abusives et illicites des contrats. Les résultats de cette enquête sont attendus cet été.
À la lumière de ces informations, le Gouvernement demande le retrait de cet amendement.
M. le président. Monsieur Médevielle, l'amendement n° 666 rectifié bis est-il maintenu ?
M. Pierre Médevielle. Non, je le retire, monsieur le président.
M. le président. L'amendement n° 666 rectifié bis est retiré.
Je suis saisi de deux amendements faisant l'objet d'une discussion commune.
L'amendement n° 1459, présenté par M. Guillaume, Mme Bricq, M. Filleul, Mmes Emery-Dumas et Génisson, MM. Bigot, Cabanel, Marie, Masseret, Raynal, Richard, Sueur, Vaugrenard et les membres du groupe socialiste et apparentés, est ainsi libellé :
Alinéas 3 et 4
Remplacer ces alinéas par trois alinéas ainsi rédigés :
2° Sont ajoutés deux alinéas ainsi rédigés :
« Ce contrat précise les conditions dans lesquelles une évaluation du candidat est effectuée, en sa présence, avant sa première leçon.
« La présentation du candidat aux épreuves organisées en vue de l’obtention du permis ne peut donner lieu à l’application d’aucun frais. Les frais facturés au titre de l’accompagnement du candidat à l’épreuve sont réglementés dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l’article L. 410-2 du code de commerce. »
La parole est à M. Jean-Jacques Filleul.
M. Jean-Jacques Filleul. Cet amendement tend à modifier la rédaction de l’alinéa 4, afin que le dispositif relatif à l’évaluation de l’élève conducteur soit juridiquement plus sécurisant pour ce dernier, tout en étant pleinement compatible avec une souscription en ligne et un accès facilité aux auto-écoles sur une base d’heures de conduite minimale de vingt heures.
La rédaction proposée exige que les conditions de l’évaluation de l’élève conducteur soient précisées dans le contrat, ce qui est notamment justifié par le fait que, dans certains cas, cette prestation est fournie à titre onéreux.
Par souci de lisibilité, cet amendement prévoit de transférer à l’article 8 quinquies l’alinéa 4 de l’article 9 bis A du projet de loi, qui interdit la perception de frais pour la présentation d’un candidat aux épreuves du permis de conduire et qui encadre les frais perçus pour l’accompagnement d’un candidat à ces épreuves.
M. le président. L'amendement n° 434, présenté par M. Desessard et les membres du groupe écologiste, est ainsi libellé :
Alinéa 4
Après le mot :
établissement
insérer les mots :
ou l’enseignant
La parole est à M. Jean Desessard.
M. Jean Desessard. Il s’agit d’un amendement de cohérence avec l’amendement n° 435 rectifié. Dans la mesure où celui-ci a reçu un avis bienveillant, mais défavorable du Gouvernement, et n’a pas été adopté, l’amendement n° 434 n’a plus d’objet. Par conséquent, je le retire, monsieur le président.
M. le président. L'amendement n° 434 est retiré.
Quel est l’avis de la commission sur l’amendement n° 1459 ?
Mme Dominique Estrosi Sassone, corapporteur. Réaliser une évaluation de l’élève une fois le contrat signé n’a plus de sens, puisque cette évaluation préalable est destinée à identifier les besoins de l’élève et la formation qui lui est la mieux adaptée. Par exemple, si l’élève signe en ligne un contrat pour une formation classique et qu’il se rend ensuite compte en dialoguant avec un membre de l’auto-école qu’une formation en conduite accompagnée aurait été plus adaptée, il sera trop tard ! Il en est de même pour le choix du nombre d’heures de formation.
Aussi, la commission spéciale émet un avis défavorable sur cet amendement.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. le président. L'amendement n° 667 rectifié bis, présenté par MM. Kern, Marseille, Médevielle et Gabouty, est ainsi libellé :
Compléter cet article par deux alinéas ainsi rédigés :
…°Il est complété par un alinéa ainsi rédigé :
« Les modalités d’application du présent article sont définies par décret. »
M. Pierre Médevielle. Je retire cet amendement, monsieur le président !
M. le président. L'amendement n° 667 rectifié bis est retiré.
Je mets aux voix l'article 8 quinquies.
(L'article 8 quinquies est adopté.)
M. le président. Monsieur le ministre, mes chers collègues, il est bientôt minuit. Je propose que nous poursuivions nos travaux jusqu’à zéro heure trente.
M. Vincent Capo-Canellas, président de la commission spéciale. Très bien !
M. le président. Je suis saisi de deux amendements faisant l'objet d'une discussion commune.
L'amendement n° 1046, présenté par Mmes Assassi, Cukierman et les membres du groupe communiste républicain et citoyen, est ainsi libellé :
Rétablir cet article dans la rédaction suivante :
Un rapport est présenté par le Gouvernement au Parlement dans les douze mois sur la caution par l’État pour tout jeune de 16 à 25 ans faisant la demande d’un prêt permis à un euro par jour.
La parole est à Mme Laurence Cohen.
Mme Laurence Cohen. D’aucuns l’ont rappelé, si les entreprises dématérialisées du permis de conduire peuvent présenter des avantages et des avancées avec les nouveaux modes d’utilisation qu’elles valorisent, elles participent à la déréglementation autour du permis de conduire.
Je souhaite insister sur un élément important, voire capital pour nous. Le permis de conduire est essentiel à l’insertion sociale, à l’insertion professionnelle, mais aussi à l’autonomie des jeunes.
Mme Nicole Bricq. Oui !
Mme Laurence Cohen. Cependant, il est trop cher et les délais d’attente pour le passer restent trop longs, ce qui n’est d’ailleurs pas sans influence sur le coût, puisque des heures supplémentaires de conduite avant le passage sont programmées durant cette attente.
Le tarif moyen est ainsi de 1 500 euros, avec des coûts pouvant aller jusqu’à 2 000 euros, voire 2 500 euros en cas d’échec au premier passage.
Le délai d’attente moyen constaté sur l’ensemble de la France était de 98 jours en 2013, soit plus du double de la moyenne européenne, avec des variations importantes selon le département, près de 200 jours en Seine-Saint-Denis et un délai moyen de 140 jours en Île-de-France.
Face à cela, notre groupe souhaite valoriser les initiatives permettant de rendre plus accessible le permis de conduire aux jeunes. Nous souhaitons ainsi que soit généralisée la pratique du prêt à un euro par jour.
Ce dispositif de prêt à taux zéro mis en place en 2005 a bénéficié depuis l’origine à environ 680 000 jeunes, à plus de 10 % d’une classe d’âge chaque année.
Toutefois, ce chiffre semble largement insuffisant. C’est pourquoi nous souhaitons rendre accessible à tous les jeunes ce dispositif, tant le permis de conduire est fondamental pour leur insertion.
M. le président. L'amendement n° 1461, présenté par M. Guillaume, Mme Bricq, M. Filleul, Mmes Emery-Dumas et Génisson, MM. Bigot, Cabanel, Marie, Masseret, Raynal, Richard, Sueur, Vaugrenard et les membres du groupe socialiste et apparentés, est ainsi libellé :
Rétablir cet article dans la rédaction suivante :
Au 3° de l’article L. 213-3 du code de la route, les mots : « , d’ancienneté du permis de conduire » sont supprimés.
La parole est à M. Jean-Jacques Filleul.
M. Jean-Jacques Filleul. L’article 8 sexies vise à supprimer dans les conditions de délivrance de l’agrément par l’autorité administrative la condition d’ancienneté du permis de conduire figurant au 3° de l’article L. 213–3 du code de la route pour l’exploitant d’une école de conduite.
On peut considérer que cette dernière condition est directement liée à la condition d’expérience professionnelle qui avait été supprimée en 2011 afin de respecter la directive européenne « Services » pour ne pas exposer la France à une procédure pour transposition incomplète.
La commission spéciale a supprimé cet article, ce qui revient à restaurer la condition d’ancienneté du permis de conduire au motif qu’il n’est « pas illogique d’exiger une telle qualification de la part d’un exploitant d’auto-école ».
Pour les acteurs du secteur qui étaient déjà opposés à la suppression de la condition de l’exigence de qualification professionnelle, le respect de la condition d’ancienneté du permis est une évidence, ne serait-ce que pour des raisons de sécurité.
Toutefois, si l’on considère que la gestion d’une auto-école et l’enseignement de la conduite sont deux métiers différents demandant des qualifications distinctes, on ne peut exiger de l’exploitant d’une auto-école des conditions d’ancienneté du permis.
M. le président. Quel est l’avis de la commission ?
Mme Dominique Estrosi Sassone, corapporteur. Sur l’amendement n° 1046, l’avis est défavorable, car il s’agit d’une demande de rapport.
Concernant l’amendement n° 1461, il vise à rétablir l’article 8 sexies – supprimé par la commission spéciale – qui lui-même supprimait la condition d’ancienneté du permis de conduire pour les exploitants d’auto-écoles. Certes, la gestion d’une auto-école et l’enseignement de la conduite sont deux métiers bien différents, mais il me semble surprenant d’autoriser des personnes n’ayant pas le permis de conduire, et n’ayant donc aucune notion de la matière enseignée, à exploiter des auto-écoles.
Quant à l’incompatibilité de cette mesure avec le droit communautaire, je souhaiterais que l’on me dise précisément où elle se situe.
En conséquence, l’avis est également défavorable sur cet amendement.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. Emmanuel Macron, ministre. Pour ce qui est de l’amendement n° 1046, je comprends l’objectif visé. Je vous invite néanmoins à le retirer au profit de l’amendement n° 1462 que nous examinerons ultérieurement, lequel a pour objet de réintroduire le comité d’apprentissage de la route. Le permis à un euro par jour entre tout à fait dans le champ des mesures visant à garantir le service universel du permis de conduire, qui sera l’objet premier de cette commission. Il me semble que l’on couvrirait ainsi plus largement la finalité qui est la vôtre, madame la sénatrice.
Concernant l’amendement n° 1461, j’émets un avis favorable. En effet, il tend à rétablir la modification de l’article L. 213–3 du code de la route qui avait été adoptée par l’Assemblée nationale et donc à supprimer la condition d’ancienneté du permis de conduire pour les exploitants d’auto-écoles, conformément à la directive européenne 2006/123/CE, dite directive « Services », qui menace notre réglementation actuelle.
Cet amendement me semble aller dans la bonne direction, c'est-à-dire vers une plus grande ouverture de ces professions et vers une désescalade progressive de la surréglementation qui a pu prévaloir. De surcroît, il nous permettrait de nous mettre en conformité avec le droit européen.
M. le président. Madame Cohen, l'amendement n° 1046 est-il maintenu ?
Mme Laurence Cohen. Compte tenu des explications que vient de donner M. le ministre, je retire cet amendement au profit de l’amendement n° 1462 qui nous sera présenté tout à l’heure.
M. le président. L'amendement n° 1046 est retiré.
La parole est à M. Jean Desessard, pour explication de vote sur l'amendement n° 1461.
M. Jean Desessard. Les arguments de M. le ministre sont très intéressants. Je me pose toutefois une question : supprime-t-on la condition d’ancienneté ou l’exigence de détention du permis de conduire ? Il me semble tout de même nécessaire d’être titulaire du permis de conduire ! Peut-on m’apporter des précisions sur ce point ?
M. le président. La parole est à M. le ministre.
M. Emmanuel Macron, ministre. Il s’agit ici de gérer une auto-école. Le critère posé, c’est celui de l’ancienneté du permis de conduire. Mais il est vrai qu’on pourrait envisager que les personnes qui gèrent une auto-école n’aient pas besoin d’être titulaires du permis de conduire, car elles ne sont pas des formateurs.
Le problème se pose dans les mêmes termes concernant de multiples métiers et qualifications. Je n’irai pas jusqu’à étendre le débat à d’autres secteurs, mais je considère que le problème est le même par exemple dans les salons de coiffure. Cette disposition fait partie des surréglementations qui brident les possibilités d’entreprendre.
En l’occurrence, rien ne contrevient à la sécurité routière. C’est un critère d’antécédents, mais il s’agit de gérer une auto-école. Or gérer une auto-école, ce n’est pas former. Les critères de formation sont couverts par le code par ailleurs, en pleine sécurité, dans d’autres articles.
Ainsi, et cela va dans le sens de ce que vous disiez, on peut entreprendre, ouvrir une auto-école, gérer une auto-école, y embaucher des formateurs, qui relèvent d’autres articles du code et qui, eux, sont parfaitement régulés, qui doivent bien sûr détenir le permis de conduire ; ils sont, d’ailleurs, surveillés au quotidien par le ministère de l’intérieur.
Mais pour gérer une auto-école, il n’est pas illégitime – ’est d’ailleurs conforme au droit européen – de ne pas avoir à satisfaire des critères excessifs, en l’occurrence d’ancienneté du permis de conduire. (M. Alain Richard s’exclame.)
M. le président. La parole est à M. le président de la commission spéciale.
M. Vincent Capo-Canellas, président de la commission spéciale. Monsieur le ministre, j’ai du mal à comprendre le parallèle que vous venez de faire entre les gestionnaires d’auto-écoles et les coiffeurs.
M. Vincent Capo-Canellas, président de la commission spéciale. Sans doute avez-vous pris cet exemple pour illustrer vos propos, mais il ne me paraît pas tout à fait juste. D’ailleurs, j’ai des soucis de coiffeur qui, j’en conviens, sont très relatifs (Sourires.),…
M. Jean Desessard. Une ancienneté de coiffeur ! (Nouveaux sourires.)
M. Vincent Capo-Canellas, président de la commission spéciale. … et je ne suis pas le seul. Pour gérer un salon de coiffure, il me semble qu’il vaut tout de même mieux savoir coiffer !
Je comprends l’observation de Mme la corapporteur et l’orientation retenue par la commission spéciale. Avouez, monsieur le ministre, qu’un gestionnaire d’auto-école n’ayant à aucun moment de relations avec la pratique et n’ayant pas le permis de conduire qu’il est censé permettre à ses clients d’obtenir serait un peu comme un boulanger qui ne mangerait pas son pain.
Mme Catherine Génisson. Non ! Pourquoi ?
M. Vincent Capo-Canellas, président de la commission spéciale. En l’occurrence, vous parlez de surréglementation. Pour ma part, je pense qu’un minimum de règles doivent s’appliquer. Je suis étonné qu’on puisse considérer que le gérant d’une auto-école pourrait ne pas avoir le permis de conduire. C’est comme si l'on n’appliquait pas un minimum de règles aux policiers !
M. le président. La parole est à M. Marc Laménie, pour explication de vote.
M. Marc Laménie. Monsieur le ministre, veuillez m’excuser, mais j’avoue ne pas avoir été du tout convaincu par vos explications. Historiquement, les personnes dirigeant les auto-écoles ont toujours eu une très grande expérience. Elles font un métier artisanal, cela a été rappelé.
L’enseignement de la conduite et la gestion de l’auto-école sont liés. Il est donc important que le professionnalisme des gestionnaires soit reconnu. Quant à la pédagogie, elle est très importante. La sécurité routière est un combat permanent.
Je partage donc tout à fait l’avis du président de la commission spéciale. Une grande rigueur est nécessaire. (M. Bruno Retailleau applaudit.)
M. le président. La parole est à M. le ministre.
M. Emmanuel Macron, ministre. Je vais cesser de faire des comparaisons et m’en tenir au fond. (M. Michel Le Scouarnec s’exclame.) Après tout, même si les comparaisons et les métaphores peuvent éclairer un débat, tout le monde n’est pas obligé de les apprécier ! (Sourires.)
Premier point : gérer une auto-école et y être formateur sont deux choses différentes.
Mme Nicole Bricq. Oui !
M. Emmanuel Macron, ministre. En l’espèce, nous évoquons le cas des gestionnaires d’auto-écoles.
Second point : la question est de savoir non pas si les gestionnaires d’auto-écoles doivent être titulaires du permis de conduire, mais s’ils doivent remplir des conditions d’ancienneté de détention du permis.
M. Jean Desessard. Voilà !
M. Emmanuel Macron, ministre. L’amendement, je le rappelle, ne vise nullement à supprimer l’obligation d’être titulaire du permis, il tend à supprimer les conditions d’ancienneté. C’est sur ce dernier point que je suis en désaccord avec Mme la corapporteur.
Telle est la double clarification que je souhaitais effectuer et qui me conforte dans l’avis que j’ai précédemment rendu.
M. Jean Desessard. Merci de ces précisions, monsieur le ministre !
M. le président. Je suis saisi de deux amendements faisant l'objet d'une discussion commune.
L'amendement n° 1047, présenté par Mmes Assassi, Cukierman et les membres du groupe communiste républicain et citoyen, est ainsi libellé :
Rétablir cet article dans la rédaction suivante :
Le Gouvernement rend un rapport au Parlement sur l’opportunité de la création d’un dispositif de permis de conduire social dont le tarif serait réglementé pour que les personnes sans emploi et les étudiants boursiers puissent accéder au permis de conduire à un coût raisonnable. Pour ce faire, il étudie les modalités de mise en œuvre de ce dispositif, notamment l’instauration d’une obligation d’accueil de ces personnes, le niveau de plafonnement des tarifs des établissements d’enseignement de la conduite, la mise en œuvre d’un dispositif d’aide financière et de subvention.
La parole est à M. Jean-Pierre Bosino.
M. Jean-Pierre Bosino. Comme l’ont déjà dit mes collègues Cécile Cukierman et Laurence Cohen, il est aujourd'hui très difficile pour un grand nombre de jeunes de passer le permis de conduire, compte tenu de son coût, qui représente des sommes considérables. Évidemment, c’est plus facile pour les jeunes qui sont nés avec une cuillère en argent dans la bouche. (Mme Nicole Bricq s’exclame.) Certains jeunes vont même jusqu’à contracter un emprunt et s’endetter alors qu’ils n’ont pas encore commencé à travailler.
Aussi nous considérons que les entreprises devraient être mises à contribution pour financer l’obtention du permis de conduire dans la mesure où elles exigent souvent que leurs salariés aient leur permis et où elles ont intérêt à ce qu’ils soient formés et mobiles sur le territoire. Une telle mesure permettrait de lutter contre cette triple peine des jeunes sans emplois, qui n’ont pas les moyens de payer des heures de conduite ou le passage du code.
Certaines auto-écoles ont d’ores et déjà mis en œuvre des dispositifs pour les personnes sans emploi et pour les étudiants boursiers.
Nous proposons donc que le Gouvernement remette un rapport au Parlement sur l’opportunité de créer un permis de conduire social dont le tarif serait réglementé afin que les personnes sans emploi et les étudiants boursiers puissent accéder au permis de conduire à un coût raisonnable.
Pour ce faire, le Gouvernement étudierait les modalités de mise en œuvre de ce dispositif, notamment l’instauration d’une obligation d’accueil de ces personnes, le niveau de plafonnement des tarifs des établissements d’enseignement de la conduite et la mise en œuvre d’un dispositif d’aide financière et de subvention.
M. le président. L'amendement n° 1405, présenté par Mme Assassi, M. Bosino et les membres du groupe communiste républicain et citoyen, est ainsi libellé :
Rétablir cet article dans la rédaction suivante :
Le Gouvernement remet au Parlement, dans les six mois suivant la promulgation de la présente loi, une étude de faisabilité portant sur la création d’une filière de déconstruction des navires.
La parole est à Mme Annie David.
Mme Annie David. Cet amendement est défendu, monsieur le président.
M. le président. Quel est l’avis de la commission ?
Mme Dominique Estrosi Sassone, corapporteur. La commission émet un avis défavorable sur ces deux amendements, car il s’agit de demandes de rapport.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. Emmanuel Macron, ministre. J’émets un avis défavorable sur l’amendement n° 1047. Je me suis déjà exprimé sur ce sujet et je vous renvoie, monsieur le sénateur, au même amendement que précédemment.
Je suis également défavorable à l’amendement n° 1405. Plusieurs rapports ont déjà été rédigés sur la création d’une filière de déconstruction des navires, notamment par Jean-François Lamour ou encore par Pierre Cardo, dans le cadre d’une mission parlementaire faisant suite aux quatre engagements du livre bleu du Grenelle de la mer.
Les temps ne sont donc plus à la rédaction de rapports. Ce qu’il faut désormais, c’est organiser le secteur. Les problèmes sont bien identifiés, les élus concernés les connaissent. Ils soulèvent de nombreuses questions, en particulier de droit social. Je vous invite d’ailleurs, madame la sénatrice, à vous rapprocher de ces élus. À cet égard, je pense que votre groupe ne soutiendrait pas les propositions sociales, si on allait au bout du raisonnement.
Nous pourrions évoquer ce sujet à satiété, mais, pour en avoir longuement discuté avec les élus, en particulier ceux de Brest, je pense que nous devons essayer de trouver des solutions concrètes pour faire face à la concurrence dans cette filière, en particulier à la concurrence des Pays-Bas.
M. le président. L'amendement n° 1462, présenté par M. Guillaume, Mme Bricq, M. Filleul, Mmes Emery-Dumas et Génisson, MM. Bigot, Cabanel, Marie, Masseret, Raynal, Richard, Sueur, Vaugrenard et les membres du groupe socialiste et apparentés, est ainsi libellé :
Rétablir cet article dans la rédaction suivante :
Le chapitre 2 du titre 2 du livre 2 du code de la route est ainsi rédigé :
« Chapitre 2
« Comité d’apprentissage de la route
« Art. L. 222-1 - Il est institué un comité d’apprentissage de la route auprès du ministre de l’intérieur qui peut le saisir de toute question relative à la garantie du service universel du permis de conduire.
« Il comprend les ministres intéressés, des membres de l’Assemblée nationale et du Sénat, le délégué interministériel à la sécurité routière, le président du Conseil national de la sécurité routière, le président du Conseil supérieur de l’éducation routière, l’ensemble des acteurs de la filière d’enseignement de la conduite et des représentants de la société civile.
« Le comité d’apprentissage de la route peut présenter toutes propositions relatives à l’organisation du service universel du permis de conduire.
« Les modalités d’application du présent article sont fixées par décret en Conseil d’État. »
La parole est à M. Jean-Jacques Filleul.
M. Jean-Jacques Filleul. L’article 8 octies a été supprimé par la commission spéciale pour des raisons de forme et de fond.
Nous souhaitons le rétablir, car la nouvelle instance qu’il crée, le comité d’apprentissage de la route, devra jouer un rôle déterminant dans le cadre de la réforme du permis de conduire engagée par le ministre de l’intérieur et qui est en train de se mettre en place, puisqu’elle est appelée à veiller à ce que l’accès au permis de conduire soit un véritable service universel.
Toutefois, la rédaction de l’article 8 octies n’a pas été reprise dans les termes du texte adopté à l’Assemblée nationale. Elle a été modifiée afin de prendre en considération les observations que vous aviez faites, madame le corapporteur, à la commission spéciale.
Le nouveau comité d’apprentissage de la route ne vient concurrencer ni le Conseil national de la sécurité routière ni le Conseil supérieur de l’éducation routière. Il s’agit plus exactement d’une instance complémentaire aux instances consultatives actuelles, créée auprès du ministre de l’intérieur qui peut la saisir de toute question relative à la garantie du service universel du permis de conduire.
Le champ de compétence du nouveau comité d’apprentissage de la route est circonscrit dans un but précisément défini : présenter toutes les propositions relatives à l’organisation du service universel du permis de conduire.
Il s’inscrit davantage dans une perspective opérationnelle. C’est la raison pour laquelle le nouveau comité comprend l’ensemble des acteurs intéressés à cette fin : le délégué interministériel à la sécurité routière, le président du Conseil national de la sécurité routière, le président du Conseil supérieur de l’éducation routière, l’ensemble des acteurs de la filière d’enseignement et des représentants de la société civile.
Sans entrer plus dans le détail, l’objet du comité est de rassembler toutes les parties prenantes : celles qui prennent déjà une part active, mais aussi les nouveaux opérateurs.
Le caractère de service universel de l’accès au permis de conduire est un impératif novateur et ambitieux. Pour que cette mesure n’en reste pas au stade de la pétition de principe, il serait opportun de mettre en place cette nouvelle instance de pilotage complémentaire aux instances existantes dont la mission s’inscrit dans une perspective pratique et opérationnelle afin de réaliser durablement cet objectif, que nous considérons comme très important.
M. le président. Quel est l’avis de la commission ?
Mme Dominique Estrosi Sassone, corapporteur. Monsieur Filleul, la préoccupation qui a été la mienne, et qui a convaincu la commission spéciale, a été celle du respect des domaines respectifs de la loi et du règlement. Cette position ne répond pas seulement à une sorte de purisme de ma part, elle répond aussi à des raisons pratiques : toutes ces mesures réglementaires introduites dans la loi seront demain – vous me l’accorderez – très difficiles à modifier, puisqu’il faudra à chaque fois trouver un véhicule législatif adapté. Cette façon de procéder n’est pas raisonnable. (M. Alain Richard s’exclame.)
En outre, cet article n’est même pas applicable en tant que tel, puisqu’il fait référence à deux instances qui, elles, sont créées par voie réglementaire : le Conseil national de la sécurité routière et le Conseil supérieur de l’éducation routière. La création de ce comité d’apprentissage de la route par la loi me paraît donc déraisonnable.
Aussi, l’avis est défavorable.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. le président. En conséquence, l’article 8 octies demeure supprimé.
Article additionnel après l’article 8 octies
M. le président. L'amendement n° 518 rectifié, présenté par MM. Raison, Pierre, G. Bailly, Cornu, Vaspart et Gremillet, est ainsi libellé :
Après l’article 8 octies
Insérer un article additionnel ainsi rédigé :
Les troisième et quatrième alinéas de l’article L. 221-2 du code de la route sont remplacés par un alinéa ainsi rédigé :
« Tous les véhicules et appareils agricoles ou forestiers, dont la vitesse n’excède pas 40 km/h, peuvent être conduits par les personnes titulaires du permis de conduire prévu pour les véhicules ayant un poids total autorisé en charge inférieur à 3,5 tonnes affectés au transport de personnes et comportant, outre le siège du conducteur, huit places assises au maximum ou affectés au transport de marchandises, ainsi que les véhicules qui peuvent être assimilés aux véhicules précédents. »
La parole est à M. Michel Raison.
M. Michel Raison. Cet amendement est le résultat d’une longue histoire. J’en fais un bref rappel. Avant la loi Warsmann de mars 2012, on vivait une grande injustice puisque seuls les agriculteurs dont l’exploitation est immatriculée ainsi que leurs enfants à partir de seize ans avaient le droit de conduire des tracteurs agricoles, quels que soient leur tonnage et leur vitesse, sans permis de conduire. Dans le même temps, un employé municipal à mi-temps, s'il était aussi agriculteur à mi-temps, avait le droit de conduire son tracteur le matin, alors qu’il ne le pouvait plus l'après-midi. (M. Jean Desessard sourit.)
L'amendement que je vous présente a été adopté à l’unanimité par l’Assemblée nationale en 2012. Mais le Gouvernement l’a faiblement soutenu : après avoir émis un avis défavorable à l’Assemblée nationale, il a réussi à convaincre le Sénat de revenir sur cet amendement, qui avait donc alors été supprimé.
En deuxième lecture, à l’Assemblée nationale, j’avais réussi, avec mon collègue Warsmann, à sauver une petite partie de cet amendement, si bien qu’aujourd'hui les retraités agricoles ont le droit de conduire un tracteur dès lors qu’il appartient à l’exploitation. Représentez-vous qu’auparavant, après avoir conduit un tracteur durant quarante ou cinquante ans, les agriculteurs n’en avaient plus le droit au lendemain de leur retraite ! Sauf que personne ne le savait, qu’ils continuaient à conduire les tracteurs et que les gendarmes ne disaient rien... (Rires.) Cela peut paraître drôle, mais le jour où se produisait un accident, le retraité concerné « bouffait la cabane » ! En réalité, ce n’était pas drôle du tout.
On a donc sauvé les retraités agricoles, et on a aussi sauvé les employés municipaux. Vous comprendrez bien que, lorsque le maire voulait faire passer un permis poids lourd à l’employé municipal, cela coûtait très cher, c'était long, et, bien souvent, ce dernier échouait à l’obtenir. Alors il fallait revendre le tracteur pour en racheter un tout petit. Ce n’était pas pratique, et c'est pourquoi l’on a sauvé ces employés municipaux. De même, au gré de quelques paroles, on a récupéré les affouagistes. (Nouveaux rires.)
Aujourd'hui, peuvent conduire un tracteur de gros tonnage les agriculteurs, qui peuvent toujours le conduire sans permis – y compris leurs enfants dès l’âge de seize ans –, les affouagistes et les retraités agricoles ayant un permis B, ainsi que les employés municipaux.
Mais l’ouvrier d’usine avec un gros SMIC – parce qu'il a bien travaillé et qu’il a fait quelques heures supplémentaires –, qui est parfois cariste dans la journée, n’a pas le droit de conduire un gros tracteur avec une remorque pour aller chercher, par exemple, des cailloux.
Ainsi, en ayant réglé une toute petite partie du problème, on a presque accentué l’injustice dans cette conduite des tracteurs agricoles qui, je le rappelle, ne dépassent pas 40 kilomètres à l’heure – l'amendement le précise –, vitesse qui ne pose évidemment aucun problème.
Mon amendement tend ainsi à ce que tous les titulaires du permis B puissent enfin, de façon équitable, en France, conduire un tracteur agricole quel que soit son tonnage, à condition qu’il ne dépasse pas 40 kilomètres à l’heure – mais ce point est réglé puisque cette limite résulte de l’électronique ou d’une vitesse verrouillée.
Je vous remercie de votre attention, et j’attends vos réponses sur ce sujet, avant de reprendre la parole si besoin est.
M. le président. Quel est l’avis de la commission ?
Mme Dominique Estrosi Sassone, corapporteur. Mon cher collègue, la commission spéciale est très heureuse de donner un avis favorable à votre amendement.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. Emmanuel Macron, ministre. Monsieur le sénateur, si d’autres gouvernements ont pu commettre des erreurs par le passé, le gouvernement actuel les réparera : avis favorable. (Applaudissements sur les travées de l'UMP.)
M. le président. En conséquence, un article additionnel ainsi rédigé est inséré dans le projet de loi, après l'article 8 octies.
Je constate, par ailleurs, que cet amendement a été adopté à l’unanimité des présents.
Pour ce soir, nous allons en rester à cette unanimité.
M. Jean-Claude Lenoir. C’est de bon augure pour demain !
M. le président. Mes chers collègues, nous avons examiné 92 amendements au cours de la journée ; il en reste 1 373.
M. Jean-Claude Lenoir. On avance !
M. Jean Desessard. À 40 kilomètres à l’heure ! (Sourires.)
M. le président. La suite de la discussion est renvoyée à la prochaine séance.
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Ordre du jour
M. le président. Voici quel sera l’ordre du jour de la prochaine séance publique, précédemment fixée à aujourd’hui, vendredi 10 avril 2015, à neuf heures trente, à quatorze heures trente et le soir :
Suite du projet de loi, considéré comme adopté par l’Assemblée nationale en application de l’article 49, alinéa 3, de la Constitution après engagement de la procédure accélérée, pour la croissance, l’activité et l’égalité des chances économiques (n° 300, 2014-2015) ;
Rapport de Mmes Catherine Deroche, Dominique Estrosi Sassone et M. François Pillet, fait au nom de la commission spéciale (n° 370, tomes I, II et III, 2014-2015) ;
Texte de la commission (n° 371, 2014-2015).
Personne ne demande la parole ?…
La séance est levée.
(La séance est levée le vendredi 10 avril 2015, à zéro heure vingt-cinq.)
Le Directeur du Compte rendu intégral
FRANÇOISE WIART