M. le président. L'amendement n° 958 rectifié n'est pas soutenu.
Quel est l’avis de la commission sur les amendements identiques nos 92 et 491 ?
Mme Catherine Deroche, corapporteur. L’article 102 neutralise les conséquences de l’annulation par le juge administratif d’une décision de validation ou d’homologation d’un plan de sauvegarde de l’emploi fondée uniquement sur un défaut de motivation, en permettant à l’administration de reprendre, dans un délai de quinze jours, une seconde décision motivée qui fait échec à toute demande d’un salarié licencié tendant à sa réintégration ou au versement d’une indemnité par l’employeur.
Sa portée est donc très limitée.
Elle l’est encore plus quand on observe les statistiques. Depuis l’entrée en vigueur des nouvelles règles d’élaboration des PSE, les décisions de la DIRRECTE de valider ou d’homologuer les plans ont été annulées neuf fois seulement par le juge administratif pour défaut de motivation, c’est-à-dire pour des raisons de forme uniquement. En clair, le juge a estimé que ces décisions n’étaient pas exhaustives, ce grief pouvant être retenu s’il manque dans la décision quelques considérants. Ce chiffre est faible, car l’administration examine environ 1 000 dossiers par an.
Mais les conséquences de ces annulations sont parfois lourdes : les salariés saisissent de bonne foi le conseil des prud’hommes pour demander leur réintégration et des indemnités pour un licenciement nul, mais c’est en pure perte car l’administration reprend quelques jours plus tard une décision d’autorisation en bonne et due forme. (Mme Nicole Bricq opine.)
De ce fait, l’insécurité juridique est forte à la fois pour les salariés et pour les employeurs, qui dépensent en vain du temps et de l’argent, tous devant collectivement supporter les conséquences d’une faute de l’administration dont ils ne sont pas responsables.
L’objet de l’article 102 est de limiter ces effets indésirables de la loi relative à la sécurisation de l’emploi (Mme Nicole Bricq opine de nouveau.), en reconnaissant un droit à l’erreur formelle de l’administration, strictement encadré pour préserver l’autorité des décisions de justice.
La commission est donc défavorable à ces amendements de suppression.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. Emmanuel Macron, ministre. L’article 101 concernait les cas d’entreprises en redressement judiciaire ou liquidation judiciaire et, à l’occasion de son examen, nous avons eu tout un raisonnement autour des moyens du groupe. Ici, nous traitons d’entreprises in bonis, susceptibles de mettre en œuvre un PSE et, précisément, de voir celui-ci annulé pour cause de décision insuffisamment motivée de l’administration, alors même qu’un accord syndical, là aussi, a été trouvé au niveau du groupe.
Nous faisons donc face à une situation d’insécurité juridique, qui nous semble devoir être corrigée.
La loi relative à la sécurisation de l’emploi prévoit que la décision d’homologation ou de validation du PSE prise par la DIRRECTE est motivée, sans pour autant préciser quel doit être le contenu ou le niveau de détail de la motivation.
Nous avons connaissance à ce jour de sept jugements ayant annulé des décisions administratives au seul motif d’une insuffisance de motivation. Or l’annulation pour un tel motif remet en cause des licenciements prononcés a posteriori. Elle fait retomber sur l’employeur les conséquences d’un acte qui lui est extérieur, alors même que la procédure d’information-consultation, dépendant de lui, a été régulièrement conduite dans les sept cas précités, que les mesures du PSE sont de bonne qualité et proportionnées et qu’elles ont fait l’objet d’un accord par les syndicats.
Cet article 102 du projet de loi tend donc à éviter de telles annulations.
En cas d’annulation d’une décision de validation ou d’homologation d’un plan de sauvegarde de l’emploi sur le seul motif d’une insuffisance de motivation de cette décision, la DIRRECTE devra prendre dans les quinze jours une nouvelle décision suffisamment motivée et l’annulation, pour ce seul motif, ne rendra plus irrégulière la procédure d’information-consultation et le plan de sauvegarde de l’emploi mis en œuvre, la première ayant été correctement conduite et le second ayant fait l’objet d’un accord.
En d’autres termes, nous évitons simplement de repartir à zéro, alors même que le défaut est purement formel et que tout le reste a été sécurisé.
Cette évolution est donc typiquement de celles qui sont positives pour l’entreprise et pour les salariés. Elle est source de clarification, et permet d’accélérer le traitement d’une situation qui, de toute façon, est mauvaise pour tout le monde.
C’est pourquoi, mesdames, messieurs les sénateurs, je vous invite vraiment à ne pas tirer de conclusions ou avoir des interprétations qui ne sont pas conformes au contenu de ce texte, tel que je viens, à nouveau, de le décrire, et, surtout, à la réalité des situations vécues. Les sept jugements auxquels j’ai fait référence ont véritablement été sources d’instabilité et ont créé objectivement des situations néfastes à tous les acteurs.
Pour toutes ces raisons, le Gouvernement émet un avis défavorable sur ces amendements identiques.
M. le président. La parole est à M. Thierry Foucaud, pour explication de vote.
M. Thierry Foucaud. M. le ministre et Mme la rapporteur ont évoqué les décisions insuffisamment motivées. Si une décision est insuffisamment motivée, cela veut dire ce que cela veut dire. Il ne faut pas tenir de propos exagérés. Certaines annulations d’homologation ont d'ailleurs donné lieu à la réintégration des salariés licenciés dans leur entreprise.
Monsieur le ministre, vous insistez sur le rôle de la DIRECCTE. Cependant, celle-ci ne remettra pas en cause la validité du licenciement, si bien que les salariés ne pourront malheureusement plus espérer obtenir leur réintégration dans l’entreprise ni réclamer des indemnités, à moins de tenter leur chance devant les prud’hommes. Ce qu’il faut savoir, et que n’ont dit ni M. le ministre ni Mme la rapporteur, c’est que, entre l’annulation de la première décision et la prise de la seconde, les salariés auront bel et bien perdu leur emploi.
M. le président. La parole est à M. Jean Desessard, pour explication de vote.
M. Jean Desessard. Je vous lis l’article L. 1235–16 du code du travail en vigueur : « L’annulation de la décision de validation mentionnée à l’article L. 1233–57–2 ou d’homologation mentionnée à l’article L. 1233–57–3 pour un motif autre que celui mentionné au deuxième alinéa de l’article L. 1235–10 donne lieu, sous réserve de l’accord des parties, à la réintégration du salarié dans l’entreprise, avec maintien de ses avantages acquis.
« À défaut, le salarié a droit à une indemnité à la charge de l’employeur, qui ne peut être inférieure aux salaires des six derniers mois. Elle est due sans préjudice de l’indemnité de licenciement prévue à l’article L. 1234-9. »
Cet article apporte donc une garantie : l’annulation de la décision donne lieu à la réintégration du salarié ou au versement d’une indemnité. Or vous proposez de supprimer cette garantie.
M. le président. La parole est à Mme Nicole Bricq, pour explication de vote.
Mme Nicole Bricq. Je ne voudrais pas faire à nos collègues un procès en mauvaise foi. Je pense qu’il y a une véritable incompréhension. L’article 102 vise à protéger les salariés, en évitant que l’employeur ne soit obligé de procéder à une réintégration ou à une indemnisation entre l’annulation de la première décision et la prise de la seconde. Je pense qu’il s’agit forcément d’une incompréhension. Ou alors c’est de la mauvaise foi, afin de pouvoir exploiter cet article.
On protège les salariés. J’en veux pour preuve le fait que le délai ait été raccourci par nos collègues députés. Le but est d’éviter qu’une erreur formelle de l’administration ne pénalise les salariés. J’estime qu’on ne peut qu’être défavorable à la suppression de l’article 102.
M. le président. Je mets aux voix les amendements identiques nos 92 et 491.
(Les amendements ne sont pas adoptés.)
M. le président. L'amendement n° 1779, présenté par Mme Deroche, au nom de la commission, est ainsi libellé :
Alinéa 5
Après le mot :
réintégration
insérer les mots :
des salariés licenciés
Mme Catherine Deroche, corapporteur. Je retire cet amendement, monsieur le président !
M. le président. L'amendement n° 1779 est retiré.
Les amendements identiques nos 511 et 735 rectifié ne sont pas soutenus.
L'amendement n° 1320, présenté par Mmes Assassi et David, M. Watrin, Mme Cohen et les membres du groupe communiste républicain et citoyen, est ainsi libellé :
Compléter cet article par un alinéa ainsi rédigé :
« En cas de procédure collective de licenciement, les conventions de formation professionnelle continue conclues entre un employeur et un organisme de formation au profit des salariés poursuivent leurs effets de plein droit. Les créances consécutives de l’organisme de formation sont prises en compte parmi les créances de privilège à charge pour le mandataire judiciaire d’en solliciter la couverture auprès de l’organisme collecteur paritaire agréé par l’entreprise. »
La parole est à M. Thierry Foucaud.
M. Thierry Foucaud. Nous considérons – c’est notre philosophie depuis le départ – qu’il est nécessaire, en cas de dépôt de bilan de l’entreprise, de garantir au salarié la poursuite de sa formation et à l’organisme de formation la couverture de sa créance.
M. le président. Quel est l’avis de la commission ?
Mme Catherine Deroche, corapporteur. Cet amendement vise à garantir aux salariés qu’ils pourront mener à leur terme leurs formations professionnelles même si leur entreprise dépose entre-temps son bilan. L’idée nous semble intéressante, mais elle soulève de nombreuses difficultés.
Tout d'abord, aucune distinction n’est faite entre les salariés, alors qu’on peut penser que la formation des salariés peu qualifiés doit être mieux protégée que celle des cadres dirigeants, même si tous les salariés ont évidemment le droit de bénéficier d’actions de formation.
Par ailleurs, on ignore le nombre de salariés qui pourraient être concernés par cette mesure et donc son coût. En outre, on ne sait pas qui supporterait in fine la charge financière. Les auteurs de l’amendement précisent seulement que les créances auprès de l’organisme de formation deviendraient des « créances de privilège ». On peut dès lors penser que c’est l’Association pour la gestion du régime de garantie des créances des salariés, l’AGS, qui serait mise à contribution. Or, comme chacun sait, l’AGS est confrontée à des difficultés financières. La mesure aurait des conséquences sur les sommes qu’elle garantit et donc, in fine, sur les salariés.
Enfin, les salariés licenciés pour motif économique peuvent bénéficier du contrat de sécurisation professionnelle, qui comprend notamment un bilan de compétences, un suivi personnalisé et des actions de formation. Ce contrat permet aux personnes concernées de prendre un nouveau départ dans leur vie professionnelle. La commission émet donc un avis défavorable.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. le président. La parole est à M. Thierry Foucaud, pour explication de vote.
M. Thierry Foucaud. Vos propos me semblent exagérés, madame la rapporteur. Vous dites que vous ne savez pas comment on peut faire, ni combien de salariés pourraient être concernés… Il faut dire directement que vous n’êtes pas d'accord !
Je vous rappelle que les sommes versées par l’employeur pour favoriser la formation continue des salariés ne sont rien d’autre qu’une partie socialisée du salaire de ces derniers, qui est le fruit de leur travail et de leur productivité. J’ajoute que le droit à la formation est une garantie pour le salarié, car il contribue à sa sécurité professionnelle.
Cela va toujours dans le même sens. Avec votre système, les salariés seront complètement lésés, et même défigurés, en quelque sorte, puisqu’on les empêchera de suivre une formation professionnelle pour retrouver du travail en cas de licenciement.
M. le président. La parole est à M. le président de la commission spéciale.
M. Vincent Capo-Canellas, président de la commission spéciale. Je rappelle aux membres de la commission spéciale que celle-ci se réunira à quatorze heures quinze en salle 263.
4
Dépôt d'une question orale avec débat
M. le président. J’informe le Sénat que j’ai été saisi de la question orale avec débat suivante :
« n° 11 - Le 11 mai 2015 - Mme Élisabeth Lamure attire l’attention de M. le Premier ministre sur le bilan de la circulaire du 17 juillet 2013 relative à la mise en œuvre du gel de la réglementation en ce qui concerne les entreprises.
« La délégation sénatoriale aux entreprises, créée en novembre 2014, est chargée d’informer le Sénat sur la situation et les perspectives de développement des entreprises, de recenser les obstacles à leur développement et de proposer des mesures visant à favoriser l’esprit d’entreprise et à simplifier les normes applicables à l’activité économique, en vue d’encourager la croissance et l’emploi dans les territoires. À cette fin, elle a entrepris d’aller à la rencontre des entrepreneurs et effectué ses premiers déplacements en Vendée, dans la Drôme, le Rhône et l’Hérault. Elle s’est aussi rendue à Londres le 13 avril 2015 afin de comparer l’environnement des entreprises de part et d’autre de la Manche.
« Lors de tous ses déplacements, la délégation a pu recueillir les témoignages convergents des entrepreneurs, dénonçant la lourdeur, la complexité et l’instabilité du cadre réglementaire. Elle a aussi relevé que le Royaume-Uni avait adopté en mars 2015 une loi relative aux petites et moyennes entreprises – PME – et à l’emploi – Small Business, Enterprise And Employment Act – qui comprend une règle visant la déflation législative : désormais, le Gouvernement du Royaume-Uni devra respecter, sur la durée de la législature – cinq ans –, un objectif de simplification réglementaire, destiné à favoriser la croissance des entreprises et fixé au début de chaque législature.
« Si la France ne s’est pas encore dotée d’une telle disposition d’ordre législatif, son Premier ministre a publié une circulaire relative à la mise en œuvre du gel de la réglementation, datée du 17 juillet 2013 ; elle prévoit qu’“un projet de texte réglementaire nouveau créant des charges pour [...] les entreprises [...] ne pourra être adopté que s’il s’accompagne, à titre de « gage », d’une simplification équivalente”.
« Soucieuse de faciliter la vie des entreprises afin de soutenir l’emploi et la croissance dans nos territoires, elle souhaite le solliciter, au nom de la délégation aux entreprises, afin qu’il présente au Sénat le bilan d’application, par les ministres et secrétaires d’État, de la règle posée par cette circulaire, selon laquelle un projet de texte réglementaire créant des charges pour les entreprises ne pourra être adopté que s’il est accompagné d’une simplification correspondante. »
Conformément aux articles 79 et 80 du règlement, cette question orale avec débat a été communiquée au Gouvernement et la fixation de la date de la discussion aura lieu ultérieurement.
Mes chers collègues, nous allons maintenant interrompre nos travaux ; la commission spéciale devant se réunir à quatorze heures quinze, nous les reprendrons à quatorze heures quarante-cinq.
La séance est suspendue.
(La séance, suspendue à douze heures cinquante, est reprise à quatorze heures cinquante-cinq, sous la présidence de M. Claude Bérit-Débat.)
PRÉSIDENCE DE M. Claude Bérit-Débat
vice-président
M. le président. La séance est reprise.
5
Croissance, activité et égalité des chances économiques
Suite de la discussion en procédure accélérée d’un projet de loi dans le texte de la commission
M. le président. Nous reprenons la suite de la discussion du projet de loi, considéré comme adopté par l’Assemblée nationale en application de l’article 49, alinéa 3, de la Constitution, après engagement de la procédure accélérée, pour la croissance, l’activité et l’égalité des chances économiques.
Dans la discussion des articles, nous en sommes parvenus aux amendements portant article additionnel après l’article 102.
Articles additionnels après l'article 102
M. le président. Je suis saisi de quatre amendements portant article additionnel après l’article 102.
L'amendement n° 1321, présenté par Mmes Assassi et David, M. Watrin, Mme Cohen et les membres du groupe communiste républicain et citoyen, est ainsi libellé :
Après l’article 102
Insérer un article additionnel ainsi rédigé :
Dans les entreprises d’au moins cinquante salariés, lorsque le projet de licenciements dont le motif doit être conforme aux dispositions de l’article L. 1233-3 concerne au moins dix salariés dans une même période de trente jours, la procédure de licenciement est nulle tant que le plan de reclassement des salariés prévu à l’article L. 1233-61 et s’intégrant au plan de sauvegarde de l’emploi n’est pas présenté par l’employeur aux représentants du personnel, qui doivent être réunis, informés et consultés.
La réalité et le sérieux du motif économique sont appréciés au niveau de l’entreprise ou, de l’unité économique et sociale ou du groupe.
La validité du plan de sauvegarde de l’emploi est appréciée au regard des moyens dont dispose l’entreprise ou l’unité économique et sociale ou le groupe.
Le respect des obligations en matière de gestion prévisionnelle des emplois et des compétences ainsi que la nécessité d’informer le plus en amont possible les représentants du personnel doivent être également pris en compte.
La nullité du licenciement peut être prononcée par le juge dès lors que l’information et la consultation ne revêtent pas un caractère loyal et sincère ou lorsqu’elles ne comprennent pas un effet utile lié à la consultation.
La parole est à Mme Éliane Assassi.
Mme Éliane Assassi. Permettez-moi d’abord de regretter que cet hémicycle soit quasiment vide cet après-midi. Pourtant, nous allons aborder des sujets importants, comme c’était d’ailleurs le cas au début du projet de loi. J’espère simplement que nos concitoyens concernés par ces questions intégreront cette donnée, que je regrette, croyez-le bien.
L’amendement n° 1321 prévoit la possibilité pour le juge d’apprécier au fond, et non plus seulement sur la forme, les licenciements économiques attaqués. Il pourra ainsi juger du caractère réel et sérieux et, donc, de la loyauté du licenciement.
Cette appréciation se fera au niveau de l’entreprise, de l’unité économique et sociale ou du groupe auquel appartient l’entreprise et devra, en outre, s’assurer que l’employeur a respecté ses obligations en matière de gestion prévisionnelle des emplois et des compétences et que l’information fournie aux représentants du personnel a été sincère et loyale.
Le non-respect de ces obligations ou l’insincérité de l’information pourront à eux seuls justifier la nullité du licenciement.
M. le président. L'amendement n° 1322, présenté par Mmes Assassi et David, M. Watrin, Mme Cohen et les membres du groupe communiste républicain et citoyen, est ainsi libellé :
Après l’article 102
Insérer un article additionnel ainsi rédigé :
Est réputé dépourvu de cause réelle et sérieuse tout licenciement pour motif économique ou toute suppression d’emplois sous quelque forme que ce soit, décidé par un employeur dont l’entreprise a constitué des réserves ou réalisé un résultat net ou un résultat d’exploitation positifs au cours des deux derniers exercices comptables.
Est également dépourvu de cause réelle et sérieuse tout licenciement pour motif économique ou toute suppression d’emploi sous quelque forme que ce soit, décidé par un employeur dont l’entreprise a, au cours des deux derniers exercices comptables, distribué des dividendes ou des stocks options ou des actions gratuites ou procédé à une opération de rachat d’actions.
La parole est à Mme Éliane Assassi.
Mme Éliane Assassi. Cet amendement définit comme licenciement sans cause réelle et sérieuse tout licenciement pour motif économique décidé par un employeur dont l’entreprise affiche un résultat net ou un résultat d’exploitation positif depuis au moins deux exercices comptables. Il en est de même pour les entreprises ayant constitué des réserves, distribué des dividendes, des stock-options ou des actions gratuites, ou procédé à une opération de rachat d’actions.
L’idée est claire : interdire la gestion d’une entreprise fondée sur la rentabilité à très court terme, au détriment de l’emploi et de son intérêt à moyen et à long terme.
M. le président. L'amendement n° 1288 rectifié, présenté par Mmes Assassi et David, M. Watrin, Mme Cohen et les membres du groupe communiste républicain et citoyen, est ainsi libellé :
Après l’article 102
Insérer un article additionnel ainsi rédigé :
L’article L. 1233-10 du code du travail est complété par un alinéa ainsi rédigé :
« Les représentants du personnel disposent d’un droit de veto suspensif sur les plans de licenciements collectifs. »
La parole est à Mme Éliane Assassi.
Mme Éliane Assassi. À travers cet amendement, il est prévu que le droit de veto suspensif sur les plans de licenciements et les plans de restructurations permet au juge de suspendre le plan de licenciements s’il n’y a pas de motif économique. Il s’agit dans ce cas de faire prévaloir la recherche de propositions alternatives aux licenciements.
Cet amendement vise à responsabiliser plus fortement les grandes entreprises ou groupes – en particulier ceux qui usent et abusent de l’alibi de difficultés conjoncturelles sans qu’on puisse contester leurs choix de gestion ou ceux qui licencient avec des bénéfices –, à l’égard des salariés licenciés et des territoires dont l’activité économique d’ensemble est affectée par les décisions de ces entreprises.
M. le président. L'amendement n° 1287 rectifié, présenté par Mmes Assassi et David, M. Watrin, Mme Cohen et les membres du groupe communiste républicain et citoyen, est ainsi libellé :
Après l’article 102
Insérer un article additionnel ainsi rédigé :
L’article L. 1233-21 du code du travail est abrogé.
La parole est à Mme Éliane Assassi.
Mme Éliane Assassi. Cet amendement vise à abroger l’article L. 1233–21 du code du travail, qui permet, par accord d’entreprise, de groupe ou de branche, de déroger aux règles de consultation et d’information des instances représentatives du personnel applicables, lorsque l’employeur envisage de prononcer le licenciement économique d’au moins dix salariés dans une même période de trente jours.
Dérogation ne signifie certes pas suppression de l’obligation d’information et de consultation du comité d’entreprise. Pour des employeurs bien intentionnés, comme cela s’est vérifié dans quelques cas, ce dispositif a permis d’aller au-delà de l’obligation faite en la matière. Toutefois, une telle dérogation autorise aussi l’employeur à se situer en deçà du seuil minimal applicable en matière d’information et de consultation, ce qui peut être tentant, vous l’avouerez, pour des employeurs peu scrupuleux.
Je prendrai un exemple récent pour illustrer mon propos, celui de l’entreprise Sober ; exemple que ma collègue Annie David, qui a malheureusement dû nous quitter, connaît d’ailleurs mieux que moi. L’inspecteur du travail vient de prononcer un refus d’autorisation de licenciement d’une salariée protégée, compte tenu des manquements de l’employeur dans la procédure d’information et de consultation. Les motifs économiques du licenciement ayant également été épinglés par l’inspecteur du travail, je comprends que l’employeur ait voulu « simplifier » la procédure d’information et la consultation des salariés afin de pouvoir supprimer vingt-trois emplois.
Nul doute que nombre d’employeurs trouvent dans cette dérogation la possibilité d’organiser au mieux les procédures d’information-consultation du comité d’entreprise, cela afin de réduire les risques de recours lors d’un projet de restructuration. Or ce que fixent les règles de l’information-consultation, ce sont les conditions dans lesquelles le comité d’entreprise « est réuni et informé de la situation économique et financière de l’entreprise » et les conditions dans lesquelles il « peut formuler des propositions alternatives » et « obtenir une réponse motivée de l’employeur à ses propositions ».
Ces règles fixent également les délais à partir desquels les salariés pourront engager un recours en cas de contestation. Avouez, chers collègues, que ce n’est pas neutre !
Nous l’avons répété à plusieurs reprises au cours de nos débats, nous pensons que la loi et le code du travail ont pour objet de protéger les salariés et de les préserver de ce qui pourrait aller à l’encontre de leurs intérêts, fût-ce dans le cadre d’un accord collectif. Comme tout accord, en effet, l’accord collectif court le risque d’être soumis à diverses pressions de la part d’employeur.
J’ajoute que, pour nous, le dialogue social est bien évidemment un moteur de la croissance.
M. le président. Quel est l’avis de la commission sur ces quatre amendements ?
Mme Catherine Deroche, corapporteur de la commission spéciale. L’amendement n° 1321 vise à supprimer les acquis de la loi du 14 juin 2013 relative à la sécurisation de l’emploi, qui réforme la procédure du plan de sauvegarde de l’emploi, ou PSE.
D’un côté, la direction régionale des entreprises, de la concurrence, de la consommation, du travail et de l’emploi, la DIRECCTE, est seule compétente pour valider un accord ou homologuer un document unilatéral de l’employeur qui définissent le PSE, sous le contrôle du juge administratif.
De l’autre côté, le conseil des prud’hommes reste compétent pour vérifier la cause réelle et sérieuse du motif économique.
L’amendement tend à supprimer cette répartition des rôles. La commission y est donc défavorable.
L’amendement n° 1322 s’inscrit dans la continuité de la proposition de loi tendant à interdire les licenciements boursiers déposée par le groupe CRC et rejetée le 16 février 2012 par le Sénat.
Son dispositif présente plusieurs difficultés.
La première est que la période de référence – deux ans – est longue. Une entreprise peut enregistrer un résultat net ou un résultat d’exploitation positif, ou distribuer des dividendes ou des actions gratuites, et devoir faire face l’année suivante à un bouleversement qui nécessite une restructuration.
La deuxième difficulté est que la formulation de l’interdiction qu’il tend à insérer semble trop large et imprécise, à savoir « toute suppression d’emploi, sous quelque forme que ce soit ».
La troisième difficulté est qu’il méconnaît la définition du licenciement économique, telle qu’apparaissant dans l’article L. 1233–3 du code du travail, définition qui concerne également le refus d’un salarié d’une modification d’un élément essentiel du contrat de travail, consécutive notamment à des mutations technologiques.
Pour toutes ces raisons, la commission est défavorable à l’amendement n° 1322.
L’amendement n° 1288 rectifié tend à donner aux représentants du personnel un « droit de veto suspensif » sur les licenciements collectifs.
Mais alors, que resterait-il du pouvoir de direction de l’employeur ? Quels seraient par ailleurs les représentants du personnel concernés ? Enfin, qu’est-ce qu’un « veto suspensif » ? Cela signifie-t-il qu’à l’expiration d’un certain délai les licenciements pourraient avoir lieu ?
Pour toutes ces questions, qui sont autant de raisons, la commission est défavorable à cet amendement.
Enfin, l’amendement n° 1287 rectifié tend à supprimer la possibilité de fixer, par accord collectif, des modalités spécifiques d’information et de consultation du comité d’entreprise en cas de PSE.
Cette disposition est présente dans le code du travail depuis 2005. Il s’agit de faire confiance au dialogue social dans l’entreprise. Si les délégués syndicaux ne sont pas d’accord avec les propositions de l’employeur en matière d’aménagement de la consultation du comité d’entreprise en cas de PSE, la négociation aboutit à un échec et le droit commun s’applique.
La commission est donc également défavorable à cet amendement.