M. le président. La parole est à M. le secrétaire d'État.
M. Thierry Mandon, secrétaire d'État auprès du Premier ministre, chargé de la réforme de l'État et de la simplification. Monsieur Sido, je vous prie d’excuser l’absence de Mme Vallaud-Belkacem, qui, vous le savez, a beaucoup à faire en ce moment et m’a donc chargé de vous répondre.
Vous l’avez souligné, l’apprentissage souffre d’un manque d’attractivité. Le ministère de l’éducation nationale agit donc pour lui redonner toute la visibilité nécessaire ; cette action est vraiment au tout premier rang de ses priorités. Ainsi, les journées d’information sur les métiers, qui précèdent les choix d’orientation, réserveront désormais une place particulière à l’apprentissage. La découverte de cette voie sera également intégrée dans le parcours individuel d’information, d’orientation et de découverte du monde économique et professionnel, le PIODMEP, à partir de la classe de cinquième. En outre, les formations en apprentissage seront intégrées dans les logiciels d’orientation post-baccalauréat. Enfin, des parcours mixtes combinant statut scolaire et apprentissage seront désormais possibles, afin d’éviter aux élèves des changements d’établissement qui pourraient les détourner de cette voie.
Toutefois, si l’information et l’orientation doivent être renforcées, il est également très important, me semble-t-il, de rapprocher l’éducation nationale du monde de l’entreprise, pour améliorer l’attractivité et la réussite des actions d’apprentissage.
De ce point de vue, le ministère de l’éducation nationale est déterminé à rendre les formations par la voie de l’apprentissage plus conformes aux attentes du monde du travail, afin de favoriser l’insertion rapide des jeunes apprentis dans le monde professionnel. Il a engagé une expérimentation avec huit branches professionnelles, afin de rénover en profondeur le processus d’élaboration des diplômes. Il sera particulièrement attentif aux filières le plus en tension, ainsi qu’aux premiers niveaux de qualification.
Enfin, pour lutter contre l’échec scolaire, qui touche plus fortement le secteur de l’apprentissage, des mesures concrètes de lutte contre le décrochage ont été mises en œuvre par ce gouvernement. Une attention toute particulière est accordée au choix de l’orientation et à l’assiduité des élèves. S’agissant plus particulièrement des établissements accueillant des apprentis, ils sont encouragés à développer la mixité des publics, afin de créer une atmosphère stimulante et valorisante pour ces derniers.
Au travers de ces différentes mesures, il s’agit de mettre en œuvre progressivement un plan d’action systématique, qui doit aider les élèves à s’accomplir et à se réaliser, que ce soit par la voie générale ou la voie professionnelle.
M. le président. La parole est à M. Bruno Sido.
M. Bruno Sido. Je vous remercie, monsieur le secrétaire d’État, de votre réponse.
Je voudrais cependant citer quelques chiffres, qui sont accablants. Le nombre d’apprentis a baissé de 8 % en 2013, de 3 % en 2014 et de 15 % depuis le début de l’année 2015. Aussi M. le Président de la République, qui, j’en conviens, est très mobilisé sur ce sujet, a-t-il fixé un objectif de 500 000 jeunes en alternance, en affirmant que « relancer l’apprentissage, c’est relancer l’emploi, c’est réaffirmer la priorité à la jeunesse ».
Je veux également signaler que 70 % des apprentis qui vont jusqu’au bout de leur cursus trouvent un emploi dans les six mois suivant la fin de leur formation, alors que 25 % de nos jeunes sont, hélas, au chômage…
Monsieur le secrétaire d’État, vous l’avez bien compris, il s’agit non pas d’une question politicienne, mais d’une vraie question politique : comment faire pour que nos jeunes intègrent le monde du travail ? Il faut rassembler l’éducation nationale et les entreprises pour définir des programmes adaptés à des jeunes qui, s’ils ne sont pas forcément très intellectuels, sont pétris de qualités.
classement du collège kerhallet de brest en réseau d'éducation prioritaire renforcé
M. le président. La parole est à M. Michel Canevet, auteur de la question n° 1064, adressée à Mme la ministre de l'éducation nationale, de l'enseignement supérieur et de la recherche.
M. Michel Canevet. J’ai souhaité interroger la ministre de l’éducation nationale, de l’enseignement supérieur et de la recherche, qui est effectivement très occupée en ce moment, sur la situation du collège Kerhallet à Brest, qui devrait être classé en réseau d’éducation prioritaire renforcée, dit REP+, si l’on veut confirmer la priorité accordée à la formation des jeunes et à leur meilleure insertion en milieu scolaire.
La première carte relative à ce nouveau dispositif ne retenait qu’un seul collège situé en Bretagne, ce qui fait de celle-ci la région métropolitaine comptant le moins d’établissements classés en zones sensibles, au titre des dispositifs REP+ et REP. On en dénombre dix-sept pour la seule agglomération de Marseille, monsieur le président.
Le secteur de rattachement de ce collège est constitué pour l’essentiel par le quartier de Bellevue, dont la population rencontre des difficultés sociales. Il est reconnu comme quartier prioritaire au titre de la politique de la ville depuis janvier dernier. Sachant que 80 % des élèves du collège sont désormais issus des quartiers sensibles de Brest, l’inadéquation entre la politique d’intégration scolaire et la politique urbaine me semble dommageable.
Les élèves fréquentant cet établissement connaissent un taux d’échec assez élevé et des retards scolaires, ce qui montre bien la nécessité d’un accompagnement plus soutenu, même si le taux de réussite au diplôme national du brevet s’est ponctuellement amélioré.
S’agissant des difficultés sociales des familles de ce quartier, j’observe que le nombre d’élèves boursiers s’accroît régulièrement depuis plus de quinze ans. Ils représentent aujourd’hui les deux tiers de l’effectif du collège, contre 33 % en 2000. En outre, l’établissement accueille cette année des élèves de seize nationalités différentes, ce qui oblige l’équipe éducative, dont j’ai constaté la mobilisation et la très forte motivation, à apporter un soutien accru.
En conséquence, il me semble nécessaire, monsieur le secrétaire d’État, que soient mis à jour les critères ayant présidé au choix des collèges classés en REP+, pour intégrer les évolutions observées depuis lors.
Si le Gouvernement souhaite la réussite scolaire de tous, le classement de cet établissement doit être revu. Cela est justifié par les difficultés des élèves le fréquentant.
M. le président. La parole est à M. le secrétaire d'État.
M. Thierry Mandon, secrétaire d'État auprès du Premier ministre, chargé de la réforme de l'État et de la simplification. Monsieur le sénateur, je vous confirme que le Gouvernement souhaite la réussite scolaire de tous les élèves. C’est la raison pour laquelle il a mis en place une nouvelle cartographie de l’éducation prioritaire, qui a été déterminée dans chaque académie au terme d’un dialogue et en tenant compte de critères objectifs dont on sait qu’ils ont une incidence sur la réussite scolaire.
S’agissant plus particulièrement de l’académie de Rennes, au terme de la discussion qui a été menée, le collège Kerhallet a été maintenu dans le dispositif de l’éducation prioritaire, et cinq écoles primaires lui ont été rattachées pour la rentrée de 2015.
S’agissant plus particulièrement de son classement en REP et non en REP+, l’académie reste pleinement attentive aux besoins des élèves du collège Kerhallet. À cet égard, 40 heures ont été attribuées en sus de la dotation horaire globale, pour permettre d’organiser les enseignements de manière plus individualisée. Le collège bénéficie également d’une dotation en heures d’accompagnement éducatif trois fois plus importante que la moyenne départementale. Un emploi d’assistant d’éducation supplémentaire à temps plein a également été octroyé. Enfin, les fonds sociaux de cet établissement sont trois fois plus élevés que la moyenne des collèges du département.
Ainsi, bien qu’il n’ait pas été classé en REP+, les moyens du collège Kerhallet ont été considérablement renforcés, eu égard à la situation particulière dont vous vous êtes fait l’écho. En effet, il est le collège du département du Finistère le mieux doté au regard du nombre d’élèves qui y sont scolarisés.
Vous le voyez, monsieur le sénateur, le ministère est attentif aux difficultés de chaque établissement. Il adapte la répartition des moyens pour que chaque élève puisse apprendre dans un environnement favorable permettant à tous de réussir.
M. le président. La parole est à M. Michel Canevet.
M. Michel Canevet. Je vous remercie, monsieur le secrétaire d’État, de cette réponse. Toutefois, elle ne me satisfait guère.
Si ce collège bénéficie effectivement de moyens accrus par rapport aux autres collèges du département, cela est justifié par le fait qu’il a à accueillir une population affrontant de grandes difficultés.
Ce que je dénonce surtout, c’est l’inadéquation entre la politique de la ville définie par le Gouvernement et la politique de soutien scolaire. Il me semblerait en effet logique que ces deux politiques soient mises en cohérence. Dès lors que des quartiers ont été classés en zones sensibles, il convient de prendre en compte cette nouvelle situation.
Je suis donc déçu par la réponse de Mme la ministre de l’éducation nationale.
M. le président. Mes chers collègues, l'ordre du jour de ce matin étant épuisé, nous allons maintenant interrompre nos travaux ; nous les reprendrons à quatorze heures trente.
La séance est suspendue.
(La séance, suspendue à onze heures cinquante-cinq, est reprise à quatorze heures trente, sous la présidence de M. Gérard Larcher.)
PRÉSIDENCE DE M. Gérard Larcher
M. le président. La séance est reprise.
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Souhaits de bienvenue à deux nouveaux sénateurs
M. le président. Mes chers collègues, nous accueillons aujourd’hui dans l’hémicycle nos deux nouveaux collègues sénateurs de Polynésie française, Mme Lana Tetuanui et M. Nuihau Laurey. Je leur souhaite, au nom du Sénat tout entier, la bienvenue, ainsi qu’un excellent mandat. (Applaudissements.)
5
Croissance, activité et égalité des chances économiques
Suite de la discussion en procédure accélérée et adoption d’un projet de loi dans le texte de la commission modifié
M. le président. L’ordre du jour appelle les explications de vote et le vote par scrutin public sur le projet de loi, considéré comme adopté par l’Assemblée nationale en application de l’article 49, alinéa 3, de la Constitution, après engagement de la procédure accélérée, pour la croissance, l’activité et l’égalité des chances économiques (projet n° 300, texte de la commission n° 371, rapport n° 370, tomes I, II et III).
Avant de passer au vote, je vais donner la parole à ceux de nos collègues qui ont été inscrits pour expliquer leur vote.
Je vous inviterai ensuite, mes chers collègues, à vous rendre en salle des conférences pour voter et suspendrai la séance pendant la durée du scrutin, prévue pour une demi-heure.
Je proclamerai enfin le résultat à l’issue du dépouillement, aux alentours de quinze heures quarante-cinq, puis je donnerai la parole au Gouvernement.
Explications de vote sur l’ensemble
M. le président. J’indique au Sénat que la conférence des présidents a fixé, à raison d’un orateur par groupe, à sept minutes le temps attribué à chaque groupe politique, les sénateurs ne figurant sur la liste d’aucun groupe disposant de trois minutes.
La parole est à M. Bruno Retailleau, pour le groupe UMP. (Applaudissements sur les travées de l'UMP.)
M. Bruno Retailleau. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, avant tout, permettez-moi de remercier ceux qui, outre vous-même, bien sûr, monsieur le ministre, ont accompli, à l’occasion du débat en séance publique sur ce projet de loi pour la croissance, l’activité et l’égalité des chances économiques, un énorme travail : chacun en conviendra, rester 135 heures au banc de la commission, c’est tout de même très long !
À cet égard, Vincent Capo-Canellas, président de la commission spéciale, mérite tout particulièrement vos applaudissements, mes chers collègues. (Applaudissements sur les travées de l'UMP et de l'UDI-UC, ainsi que sur plusieurs travées du RDSE, du groupe écologiste et du groupe socialiste.) Les méritent tout autant les trois corapporteurs, Catherine Deroche, Dominique Estrosi-Sassone et François Pillet. (Mêmes mouvements.)
Pour donner une juste mesure de leur travail, rappelons que nos collègues députés avaient, eux, confié ce texte à neuf rapporteurs. Entre le Sénat et l’Assemblée nationale, le rapport est donc de 1 à 3 : voilà qui illustre la force de travail dont notre institution peut faire preuve ! (Sourires.)
Monsieur le ministre, non seulement votre projet de loi est copieux, mais il renferme des dispositions très diverses ; son caractère éclectique n’a échappé à personne.
Le texte sur lequel nous allons nous prononcer est donc le fruit d’un gros travail, mais aussi d’un beau travail, en ce sens qu’il est utile, pour les Français et pour la France.
Il y a quelques semaines, le Sénat a reçu un texte que l’Assemblée nationale avait affadi et qui, de surcroît, restait assez emblématique de la méthode habituellement suivie par le Gouvernement : celle des petits pas, des tout petits pas, pour ne pas dire des petits pas de côté, voire des petits pas en arrière. (Sourires sur les travées de l'UMP et de l'UDI-UC.)
M. Didier Guillaume. Cela n’a aucun sens !
M. Bruno Retailleau. Pour notre part, nous avons souhaité rendre du souffle à ce projet de loi, lui donner un élan réformateur, à l’heure où la France doit affronter une situation économique très difficile.
Nous avons tenu à agir de manière constructive, en écartant les postures politiciennes ou idéologiques,… (Exclamations ironiques sur les travées du groupe socialiste et du groupe CRC.)
Mme Nicole Bricq. Pas toujours !
M. Bruno Retailleau. … en repoussant aussi la tentation de nous arrimer à un certain nombre de marqueurs.
Notre seule ligne, notre seul horizon, mes chers collègues, c’est l’intérêt supérieur du pays, c’est de réformer la France ! (Applaudissements sur les travées de l'UMP et de l'UDI-UC.)
M. Didier Guillaume. On ne s’en est pas rendu compte…
M. Alain Néri. Vous n’avez pas le monopole de l’intérêt général !
M. Bruno Retailleau. Pas plus que vous, cher collègue !
Nous avons suivi nos convictions, et personne ne peut nous reprocher d’y être fidèles.
M. Alain Néri. Encore faudrait-il respecter celles des autres !
M. Bruno Retailleau. De plus, nous avons systématiquement cherché les points d’équilibre. Nous avons voté les mesures dont nous avions dit que nous les approuvions et nous avons rejeté celles qui nous paraissaient contre-productives.
De ce point de vue, je songe à la réforme par ordonnance de l’inspection du travail – sans doute un gage donné aux « frondeurs…
Je pense également aux dispositions qui visaient à étendre les attributions de l’Autorité de la concurrence. Ainsi, cette instance était censée améliorer la répartition territoriale des professions réglementées. Qui, dans cet hémicycle, peut croire sérieusement qu’en remettant notre pouvoir à l’Autorité de la concurrence nous pourrions prévenir l’apparition de déserts juridiques, comme nous avons déjà des déserts médicaux ? Grâce à François Pillet, nous avons avancé sur ce sujet et nous avons atteint un point d’équilibre qui n’est pas réductible à un statu quo.
En limitant aux entreprises de plus de 250 salariés le transfert des dossiers aux tribunaux de commerce spécialisés, nous avons, je le crois, également atteint un juste équilibre.
Parallèlement, nous avons conforté tout ce qui allait dans le bon sens. Car, pourquoi ne pas l’admettre, le projet de loi tel qu’il nous a été transmis était porteur d’heureuses initiatives : je pense à la libéralisation du transport par autocar, au financement interentreprises ou encore à diverses mesures de simplification. L’idée d’attribuer à chaque entreprise une carte d’identité numérique valant devant toutes les administrations est positive.
Monsieur le ministre, dans certains cas, nos volontés se sont même rejointes, par exemple pour réduire la facture numérique.
M. Bruno Sido. C’est vrai !
M. Bruno Retailleau. Il est tout naturel que cet enjeu obsède le Sénat : nous ne connaissons que trop les difficultés auxquelles les carences des réseaux, notamment des réseaux de téléphonie mobile, exposent nos territoires.
De même, au sujet du suramortissement, nous avons voté l’amendement que vous avez déposé. Au reste, voilà quelques mois, nous avions nous-mêmes proposé, dans le cadre du projet de loi de finances, puis du projet de loi de finances rectificative, des mécanismes permettant de faciliter l’amortissement et, ainsi, l’investissement des entreprises. Car il n’y a pas de reprise durable sans investissement !
En règle générale, au-delà des dispositions que nous avons pu conforter, nous nous sommes efforcés de muscler ce texte pour en faire un accélérateur de croissance. Nous avons tâché d’apporter à l’économie française ce qui lui fait le plus cruellement défaut : de la souplesse et de la simplification.
La souplesse, nous l’avons accrue en adaptant les accords défensifs, qui permettent notamment de sortir des 35 heures, mais aussi en créant des accords offensifs. Nous nous sommes penchés sur les contrats de travail et, en particulier, nous avons institué les contrats de mission. En outre, nous avons plafonné les indemnités de licenciement.
Il est un chiffre, mes chers collègues, qui vous a peut-être échappé : savez-vous quel est, en France, le délai moyen avant que l’emploi s’adapte à l’activité réelle de l’économie ? Vingt-quatre trimestres, soit six années ! En Allemagne, il n’est que de cinq trimestres et, en Italie comme en Grande-Bretagne, de deux trimestres ! De tels chiffres montrent l’écart abyssal qui sépare, en la matière, notre pays de ses voisins.
Mme Catherine Tasca. Mais vous l’avez géré pendant dix ans !
M. Bruno Retailleau. Ils permettent aussi de prendre la mesure des réformes qu’il nous faut mener !
Avec M. le président de la commission spéciale et nos trois corapporteurs, nous avons en outre introduit dans le présent texte des mesures de simplification, s’agissant par exemple du compte pénibilité. Dans le même esprit, nous avons voté le doublement des seuils sociaux, les portant de dix à vingt et de cinquante à cent salariés. Car c’est cela qui, aujourd’hui, entrave les embauches dans nos PMI et nos ETI.
M. Didier Guillaume. Impensable…
M. Bruno Retailleau. De même, nous avons souhaité modifier le dispositif de la loi Hamon, qui bloque actuellement la transmission d’entreprises dans notre pays.
Ainsi, nous nous sommes efforcés d’être constructifs. À mes yeux, le texte auquel nous avons abouti est véritablement réformateur.
Désormais, monsieur le ministre, vous êtes face à un choix, le choix entre l’audace et la prudence.
Si vous optez pour le chemin de l’audace, vous aurez à vos côtés des sénatrices et des sénateurs de bonne volonté, qui, en commission mixte paritaire, vous tendront la main pour que ces réformes aboutissent.
L’autre choix vous est beaucoup plus politicien. C’est un choix de calcul.
M. Jean-Louis Carrère. Dans ce domaine, vous êtes experts !
M. Bruno Retailleau. Il consiste tout simplement à ménager les « frondeurs », dans la perspective du congrès de Poitiers ! (Vives protestations sur les travées du groupe socialiste. – Applaudissements sur les travées de l'UMP et de l'UDI-UC.)
M. Didier Guillaume. Respectez nos convictions !
M. Jean-Louis Carrère. C’est bien une réflexion de « républicain » !
M. le président. Veuillez conclure, monsieur Retailleau.
M. Bruno Retailleau. À cet égard, je ne formulerai qu’un seul conseil : quitte à recourir au « 49.3 », autant l’utiliser pour quelque chose ! (Nouvelles protestations sur les travées du groupe socialiste.)
M. Jean-Louis Carrère. C’est comme pour les primaires !
Mme Isabelle Debré. Monsieur Carrère…
Mme Éliane Assassi. Le temps de parole est épuisé !
M. Didier Guillaume. Ces polémiques politiciennes sont stériles !
M. Bruno Retailleau. Je conclurai en citant notre excellent collègue député Bruno Le Roux, qui a, comme moi, l’honneur de présider un groupe parlementaire fort d’un grand nombre d’élus. Il y a quelques jours, M. Le Roux a souligné, dans un tweet absolument génial, que le courage de réformer pouvait de révéler payant. Oui, cela a payé en Allemagne, avec Mme Merkel, et cela a payé en Grande-Bretagne, avec M. Cameron.
M. Didier Guillaume. Et en France, que s’est-il passé en 2012 ?
M. Alain Néri. Vous êtes restés dix ans aux commandes !
M. Bruno Retailleau. Monsieur le ministre, je vous en prie, ayez la hauteur de vue qu’exige aujourd’hui la transformation de l’économie française ! (Bravo ! et vifs applaudissements sur les travées de l'UMP. – Applaudissements sur les travées de l'UDI-UC.)
M. le président. La parole est à M. François Zocchetto, pour le groupe UDI-UC.
M. François Zocchetto. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, à mon tour, je tiens à ouvrir mon propos par des remerciements, destinés à toutes celles et tous ceux qui ont pris part à ces discussions, et en particulier au président et aux corapporteurs de la commission spéciale : au cours de ces longs débats, ils ont, sans relâche, défendu les positions de la commission spéciale et du Sénat.
La Haute Assemblée peut légitimement être fière du travail accompli…
M. Jean-Louis Carrère. Ça, c’est vrai !
M. François Zocchetto. … et du résultat obtenu.
M. Jean-Louis Carrère. Ça, c’est une autre affaire… (Sourires sur les travées du groupe socialiste.)
M. François Zocchetto. Au terme d’un débat nourri, c’est un texte sensiblement amélioré qui va être mis aux voix. Accessoirement – mais c’est, pour nous, un point essentiel –, un tel travail démontre la vigueur du bicamérisme et l’utilité du Sénat.
Monsieur le ministre, avant d’évoquer le contenu du présent texte, je tiens à dire quelques mots de sa forme.
Ce projet de loi, comme d’autres avant lui – je songe par exemple à la loi pour l’accès au logement et un urbanisme rénové, la loi ALUR –, est à l’évidence beaucoup trop long. Il s’est, de ce fait, éloigné de ses objectifs initiaux, étant donné que ses principales mesures ont été diluées parmi des dizaines d’articles supplémentaires.
Cette réforme regroupait trop de thématiques différentes. Avec des textes plus courts, la loi gagnerait en efficacité et en lisibilité.
Mme Éliane Assassi. C’est certain !
M. François Zocchetto. J’ajoute qu’en procédant ainsi on faciliterait les navettes entre les deux chambres. Nous avons, en l’occurrence, un bel exemple de l’enrichissement mutuel des débats qu’assure le dialogue entre les deux assemblées.
Aussi, j’ai peine à comprendre pourquoi le Président de la République, François Hollande, a critiqué, le 19 avril dernier, « la lenteur des débats parlementaires ». Personne n’a jamais pu prouver que la précipitation était l’alliée du législateur. En l’espèce, pour des mesures qui vont toucher la vie quotidienne de nos concitoyens et transformer les conditions d’exercice de nombreuses professions, un total de cinq mois de débats ne me semble pas du tout excessif.
Disons-le nettement : si le Gouvernement était plus clair dans ses axes de réforme, nous ne serions pas contraints d’examiner des textes si longs et si complexes.
M. David Assouline. Parce que c’était mieux avant, sans doute ?...
M. François Zocchetto. Le Sénat est en train de réformer ses méthodes de travail, et c’est bien, mais l’exécutif pourrait faire de même, car le Gouvernement est le premier responsable des longueurs que déplore le Président de la République.
J’en viens maintenant au fond de ce projet de loi.
Nous partageons, monsieur le ministre, le constat que vous avez dressé sur l’économie française. La France souffre, selon vous, de trois maux : la défiance, la complexité et le corporatisme. Ces trois sources de difficultés sont connues, et il est grand temps de s’y attaquer.
La confiance des Français s’est profondément détériorée. Nous vivons dans un désagréable climat de défiance à l’égard de nos institutions, de ce que l’on appelle la « classe politique » et, plus généralement, de notre modèle social et économique. Si la confiance est si difficile à retrouver, c’est parce que notre pays fonctionne au ralenti depuis plusieurs années.
Mme Nicole Bricq. Ça, c’est vrai !
M. François Zocchetto. En effet, le retour de la compétitivité, tant espéré, se fait attendre, encore et toujours. Le Gouvernement peine à trouver des réponses à une crise qui n’a que trop duré. Il n’a, selon nous, jamais su prendre de véritables mesures d’envergure, ambitieuses et visionnaires.
Cela a été souvent dit à cette tribune : seules des réformes structurelles permettront à la France de se relever et de retrouver son attractivité.
Or, monsieur le ministre, je n’ai vu dans ce texte aucune réforme systémique de notre fiscalité assourdissante. Je n’y ai pas vu non plus de modernisation de la fonction publique, pour libérer des emplois, pas plus que de réformes des retraites ou d’allégement substantiel du droit du travail.
M. Alain Néri. Vous devriez vous acheter des lunettes !
M. François Zocchetto. Ce ne sont pas les notaires, les huissiers, les avocats ou les commissaires-priseurs qui étouffent notre économie. Ce sont les 57 points de PIB consacrés à la dépense publique, au détriment de l’initiative privée, (Protestations sur les travées du groupe CRC.) qui verrouillent tout esprit de réforme et d’entreprise dans notre pays.
Face à tous ces doutes, le Sénat a travaillé et propose aujourd’hui un texte différent, plus riche et plus ambitieux…
M. Jean-Louis Carrère. Plus à droite !
M. François Zocchetto. … pour notre pays, qui permettra de répondre aux trois grands objectifs que vous aviez énoncés dans votre exposé préalable.
Je ne peux pas citer l’ensemble des avancées réalisées au cours des dernières semaines, mais je rappellerai les plus significatives.
En matière de mobilité, l’ouverture à la concurrence des TER dès le 1er janvier 2019 s’articule parfaitement avec la clarification des compétences recherchée par tous.
Nous avons également confirmé le doublement du montant du plafond de la réduction ISF-PME.
S’agissant de la réforme des professions juridiques et judiciaires réglementées, notre approche a été raisonnable et constructive. Nous avons réaffirmé la spécificité de la prestation juridique et créé un code de l’accès au droit et de l’exercice du droit.
Dans le domaine du droit du travail, soulignons les simplifications bienvenues du compte pénibilité, avec la suppression de la fiche individuelle et la limitation du nombre de facteurs mesurés pour évaluer la pénibilité.
Nous avons également revu le cadre des accords possibles en entreprise sur les 35 heures. Il me semble d’ailleurs, monsieur le ministre, que vous partagez notre point de vue sur ce sujet. Nous allons ainsi passer d’accords défensifs à des accords offensifs, en conférant aux entreprises la souplesse nécessaire.
Dans ce même domaine, le lissage des effets de franchissement des seuils sociaux était attendu depuis longtemps.
Concernant le travail dominical, nous avons su préserver l’équilibre entre zones touristiques et commerciales et zones moins concernées comme entre petits commerces et grandes surfaces.
Dernier point, mais qui n’est pas le moins important, le Sénat a adopté en début de semaine l’amendement du Gouvernement permettant de soutenir à hauteur de 2,5 milliards d’euros les entreprises qui réaliseront des investissements entre avril 2015 et avril 2016. J’hésite à vous dire, monsieur le ministre, car je ne souhaite pas vous compliquer la tâche, notre satisfaction – je ne parlerai pas de victoire –, au sein du groupe UDI-UC comme de l’ensemble de la majorité sénatoriale. Cet amendement s’inscrit en effet dans la filiation de celui que nous avions présenté à l’occasion du débat budgétaire de l’automne dernier.
Il s’agit surtout d’une bonne nouvelle pour les entreprises françaises, en dépit du temps perdu, car cette disposition aurait pu et aurait dû être votée depuis longtemps. Il est donc essentiel qu’elle soit maintenue.
Vous partiez, en août dernier, d’une démarche assez idéologique, que vous aviez essayé de traduire dans un texte présentable, qui faisait toutefois de plusieurs professions les comptables et les boucs émissaires des échecs de la politique économique du Gouvernement.
Nous avons finalement vu arriver un texte plus mesuré, il est vrai, mais très incomplet, et surtout très confus. Je crois pouvoir dire aujourd’hui que ce texte, complètement remanié, répond aux attentes de nos concitoyens, des professionnels, des entreprises, et donc de la majorité sénatoriale.
Dès lors, c’est tout naturellement que le groupe UDI-UC votera ce projet de loi, en encourageant le Gouvernement à préserver, au-delà de nos travaux, les acquis du débat sénatorial ! (Applaudissements sur les travées de l'UDI-UC et de l'UMP.)