M. le président. La parole est à M. Gérard Collomb.
M. Gérard Collomb. Madame la ministre, je me souviens que, lorsque vous vous êtes engagée dans cette réforme des collectivités locales, ils n’étaient guère nombreux ceux qui imaginaient que nous en arriverions là où nous en sommes aujourd’hui ! Les observateurs disaient alors que votre texte ne serait même pas présenté devant le Sénat. Nous avons pourtant voté la loi MAPTAM et, sur cette loi NOTRe, nous ne sommes pas très loin du but.
M. René Vandierendonck, corapporteur. C’est vrai !
M. Gérard Collomb. On fait parfois observer que le processus n’a pas été vraiment linéaire. Sans doute, mais quand les vents sont contraires, il faut savoir tirer des bords. Or, lorsqu’il s’agit de réformer notre organisation territoriale, les vents sont toujours contraires !
M. René Vandierendonck, corapporteur. Très bien !
M. Gérard Collomb. Il est plus facile, en effet, de trouver des majorités « contre » que des majorités « pour ».
M. Gérard Collomb. J’ai eu l’occasion de vivre quelques débats sur la réforme de l’organisation territoriale. Je me rappelle que, sous la présidence de Nicolas Sarkozy, dans une configuration différente de cette assemblée, les réformes présentées avaient été accueillies, sur les travées de gauche de cet hémicycle, par des protestations : « Les 36 000 communes ! Les 500 000 élus locaux ! On ne peut pas faire cela ! »
Alors qu’aujourd’hui nous essayons de faire une réforme qui s’adapte tout de même à la réalité du terrain, on entend de nouveau : « Les 36 000 communes ! Les 500 000 élus locaux ! On ne peut pas faire cela ! »
Mme Jacqueline Gourault. Exact !
M. Gérard Collomb. Mes chers collègues, qui ne voit qu’aujourd’hui nous devons progresser ?
À propos d’Aix-Marseille – je salue M. Jean-Claude Gaudin –, je rappelle que l’immense majorité des élus locaux manifestaient devant la mairie de Marseille, les uns menaçant de se pendre à des arbres, les autres en tenue de Camarguais. (Sourires.) Si nous les avions écoutés, nous n’aurions pas avancé. Pourtant, mes chers collègues, nous l’avons fait, et nos rapporteurs nous ont aidés à progresser.
Si, durant notre discussion, nous continuons à avancer sur certains points, nous pourrons aboutir à un texte qui obtiendra l’accord des deux assemblées, tout en étant, selon moi, plus proche de la version du Sénat que de celle de l’Assemblée nationale. Cela me semble possible, dans le respect de la diversité des territoires.
Oui, il existe de grandes métropoles, et c’est souhaitable. Qui ne voit pas que la métropolisation est aujourd’hui un phénomène mondial ? On connaît toutes les grandes villes à travers le monde. Les grands intellectuels ont tous pensé le concept de métropole : lisez Paul Krugman, les chercheurs en économie géographique ou, en France, Pierre Veltz et Laurent Davezies !
Il faut de grandes métropoles qui tirent le territoire et, en même temps, il est évident que d’autres formes d’organisation doivent exister. Dans un département comme la Lozère, par exemple, on ne saurait mettre en place la même organisation territoriale que dans l’ancien Rhône ! Si ce que nous avons fait pour la métropole de Lyon est un exemple pour les métropoles équivalentes, d’autres territoires appellent d’autres modèles.
Il faut une diversité de l’organisation territoriale !
En tâtonnant, nous approchons du but. Si nous sommes capables de progresser ensemble, personne ne remettra en cause, demain, ce que nous aurons fait ! (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste. – Mme Jacqueline Gourault applaudit également.)
M. René Vandierendonck, corapporteur. Très bien !
M. le président. La parole est à M. Alain Fouché.
M. Alain Fouché. Monsieur le président, madame la ministre, monsieur le secrétaire d’État, mes chers collègues, dans ce pays, depuis trente-cinq ans on décentralise, puis, plus discrètement, lorsque les gouvernements sentent que le pouvoir leur échappe, on recentralise.
L’administration française – et je suis prudent dans le choix de mes termes – est dirigée par des fonctionnaires qui sont parfois éloignés des territoires.
En matière de décentralisation, la loi Deferre a été la plus novatrice, il faut le reconnaître. D’autres lois ont également permis des avancées, mais c’est celle-là qui a permis un développement sans précédent de l’action des départements et des régions, dans tous les domaines.
Hélas, les économies attendues n’ont pas été au rendez-vous, l’État et les collectivités ayant maintenu, voire augmenté leur personnel pour effectuer des tâches identiques.
Les nouvelles propositions du Gouvernement ne constituent, ni plus ni moins, qu’une recentralisation des compétences, sur des espaces plus grands, les décisions se prenant donc de plus en plus loin des citoyens.
Certains transferts me conviennent : les départements ont souhaité conserver la solidarité, même si cela coûte très cher, en liaison avec les régions, faute de quoi on ferait sans doute n’importe quoi.
D’autres dispositions, en revanche, m’inquiètent. L’État se retire de tout : des routes, du rural, des permis de construire, des services publics. Les collectivités ou les syndicats mixtes prennent le relais et subissent le transfert des compétences et des personnels.
Les communes et les élus perçoivent la diminution des représentants de l’État comme le signe que ceux-ci ne sont plus des soutiens, mais des censeurs, recherchant continuellement ce qui ne va pas et faisant subir aux gens des tracasseries journalières.
M. Jean-François Longeot. C’est vrai !
M. Alain Fouché. Pourtant, madame la ministre, le rôle des élus est essentiel. Si les 500 000 élus communaux, pour la plupart bénévoles, venaient à disparaître, combien cela coûterait-il à l’État ?
Autre motif d’inquiétude : la décision de transférer le pouvoir économique aux régions. Sur ce point, mon avis diverge un peu de celui de mon groupe. De nombreuses opérations réussies ont été réalisées sur l’initiative de villes ou de départements, par exemple en matière touristique ou économique.
Je prendrai l’exemple de la nouvelle région qui va s’étendre de Saint-Jean-de-Luz à Loudun, soit sur 500 kilomètres ! Croyez-vous que les élus régionaux qui siégeront à Bordeaux apporteront un soutien financier aussi important que celui des conseils généraux à des projets situés à 400 kilomètres de la capitale régionale, parfois concurrents entre eux et nés de la volonté et du travail locaux ?
Croyez-vous que la nouvelle région prêtera un concours suffisant à un grand projet tel que celui du Futuroscope et de sa technopole, que le conseil général de la Vienne – je l’ai présidé pendant cinq ans – a réalisé seul et qui a permis la création de plus de 10 000 emplois ?
Croyez-vous qu’il investira les fonds nécessaires à l’implantation, sur l’initiative d’un conseil général, d’un Center Parcs situé à 30 kilomètres de Tours et à 500 kilomètres de Bordeaux ? J’imagine déjà les discussions concernant l’emplacement de ce parc de loisirs – « Pourquoi à tel endroit et non à tel autre ? » –, car les logiques territoriales antérieures subsisteront nécessairement…
Enfin, ne croyez-vous pas que, pour tous les petits projets d’implantation d’entreprises, le conseil départemental, par sa connaissance du dossier, ait un rôle essentiel à jouer ?
Je le dis avec force et solennellement : il s’agit là d’un sujet majeur et, si ce transfert a lieu, vous en verrez les conséquences. Les départements doivent pouvoir conserver l’initiative et la maîtrise des grands projets économiques et touristiques, sans préjudice bien sûr d’éventuels partenariats !
Mme Jacqueline Gourault. On ne va pas revenir là-dessus !
M. Jean-Jacques Hyest, corapporteur. Ou alors, on peut rentrer chez nous !
M. Alain Fouché. Enfin, concernant les intercommunalités, la méthode des préfets me paraît tout à fait scandaleuse. On n’a pas encore, à ce jour, décidé si la taille minimale serait fixée à 5 000 ou à 20 000 habitants ; pourtant, madame la ministre, on demande déjà, en dehors de la loi, aux communautés de communes de faire des propositions de territoires nouveaux, souvent liés à de grandes agglomérations dépassant largement le seuil de 20 000 habitants, comme si le texte était voté.
Mme Sylvie Goy-Chavent. C’est scandaleux !
M. Alain Fouché. La concertation ne me semble donc pas avoir été sérieusement menée ; cette précipitation entraînera inéluctablement des difficultés et elle est contraire à l’esprit de proximité et de défense des territoires qui est l’une des missions essentielles du Sénat. (Applaudissements sur les travées de l'UMP et de l’UDI-UC.)
Mme Sylvie Goy-Chavent. Vous avez raison !
M. le président. La parole est à M. Alain Duran.
M. Alain Duran. Monsieur le président, madame la ministre, monsieur le secrétaire d’État, mes chers collègues, au terme d’une année d’âpre travail parlementaire, en particulier sénatorial, et avant d’achever le débat sur les derniers points restant en suspens, il convient de souligner, à la suite de MM. les corapporteurs, les avancées de ce texte.
Premièrement, les compétences des divers niveaux de collectivités sont incontestablement clarifiées. Il était en effet nécessaire, en corollaire de la suppression de la clause de compétence générale, d’attribuer une spécialisation à chaque échelon.
À travers les deux schémas régionaux et leur compétence exclusive sur les régimes d’aides aux entreprises, les régions, renforcées dans leurs nouveaux périmètres, seront en mesure d’être les moteurs du développement économique de leurs territoires, ce qui est positif pour notre pays. L’affirmation de la région en matière d’orientation stratégique, sans réduction de la capacité des autres collectivités associées à leur élaboration, concilie intelligemment concertation entre élus et rationalisation des politiques territoriales.
Alors que la création du conseiller territorial votée en 2010 par la précédente majorité gouvernementale devait aboutir à enterrer les départements sous les régions et à faire de leurs conseillers des élus hors sol, saluons la capacité d’écoute du Gouvernement, qui a su entendre les parlementaires et les élus locaux pour sanctuariser ce niveau de collectivités, essentiel aux solidarités humaines et territoriales.
Élu d’un territoire rural et maire d’une commune de montagne, je mesure quotidiennement à quel point est précieux et vital l’appui technique, humain et financier apporté par le conseil départemental. À cet égard, je me réjouis qu’ait été adopté en commission l’amendement que j’ai déposé avec le groupe socialiste – d’autres groupes avaient d’ailleurs formulé une proposition identique –, visant à maintenir la voirie parmi les domaines pour lesquels les communes pourront continuer à bénéficier de l’ingénierie départementale.
M. René Vandierendonck, corapporteur. C’est vrai !
Mme Jacqueline Gourault. De même que les intercommunalités !
M. Alain Duran. Compétent pour toute action favorisant un développement équilibré de son territoire, permettant l’égal accès aux équipements et aux services, le département se verra confier la mission fondamentale de l’élaboration et de la mise en œuvre du schéma d’amélioration des services au public. Ce schéma constituera un outil pertinent, permettant de prendre en compte les spécificités de la ruralité.
Deuxièmement, la montée en puissance des intercommunalités constitue incontestablement un levier essentiel du développement des petites communes.
La question du nombre minimal d’habitants d’une communauté de communes est, il est vrai, l’un des derniers points chauds en débat. L’erreur eût consisté à ne prendre en compte que le critère démographique ; mais le travail parlementaire a entériné la prise en compte de la complexité des réalités locales, en particulier pour les zones de montagne ou à faible densité.
Il appartient maintenant au Sénat de se montrer ambitieux, pour, comme le disait tout à l’heure Michel Delebarre, façonner des intercommunalités fortes et organisées de manière pertinente autour des bassins de vie.
Alors, mes chers collègues, sachons nous rassembler, dans le respect de l’autre, pour être plus forts et donc plus efficaces, et, comme nous y a invités tout à l’heure Mme la ministre, ne nous cantonnons pas au diagnostic.
Enfin, troisièmement, notre travail et notre mobilisation ont permis le maintien des collèges et des routes au sein des compétences propres des départements.
Mes chers collègues, le président Larcher n’a pas eu tort, la semaine dernière, lorsqu’il a appelé sa famille politique à s’abstenir d’envisager une nouvelle réforme des territoires. Venant parachever le triptyque qu’il forme avec la loi du 27 janvier 2014 de modernisation de l’action publique territoriale et d’affirmation des métropoles et celle du 16 janvier 2015 relative à la délimitation des régions, aux élections régionales et départementales et modifiant le calendrier électoral, ce projet de loi constitue un socle majeur pour l’avenir de nos territoires.
Construisons cet avenir ensemble, mes chers collègues : il y va de l’intérêt de tous, en particulier des territoires ruraux ! (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste.)
M. le président. La parole est à M. Gérard César.
M. Gérard César. Monsieur le président, madame la ministre, monsieur le secrétaire d’État, messieurs les corapporteurs, mes chers collègues, c’est aussi en tant que président de l’association des maires de la Gironde que je m’exprime ici.
Tous, élus de territoires ruraux ou urbains, de droite ou de gauche, m’ont fait part de leur découragement et de leur exaspération après le vote en première lecture par l’Assemblée nationale du projet de loi NOTRe.
L’Assemblée nationale a notamment renforcé les compétences des intercommunalités au détriment de la commune. Ainsi, après la baisse des dotations de l’État, décidée sans aucune concertation et vécue par les collectivités comme un coup de poignard dans le dos, ce texte semble être le coup de grâce porté à la structure de base de notre démocratie locale : la commune !
Mme Sylvie Goy-Chavent. C’est vrai !
M. Gérard César. Il s’agit en effet, par ce texte, de diluer les communes dans de grandes entités intercommunales déconnectées des réalités du terrain, dont la vision ainsi déformée risque d’entraîner la paralysie et la désorganisation de l’action publique locale !
Mme Sylvie Goy-Chavent. Et cela coûtera plus cher !
M. Gérard César. Nous, élus de proximité, souscrivons à l’objectif de renforcement de l’intercommunalité, mais à condition qu’il ne se fasse pas au détriment des communes. Ce projet de loi se trompe de moyen pour renforcer les intercommunalités.
En effet, le principe de l’élection généralisée au suffrage universel direct, à compter de 2020, des élus intercommunaux, sans fléchage, créerait de fait une nouvelle collectivité territoriale. Cela marginaliserait les maires dans les futures assemblées intercommunales, supprimerait le lien entre la commune et l’intercommunalité et amorcerait la disparition à terme des communes !
Nous nous opposons également au rétablissement du seuil minimal absurde et artificiel de 20 000 habitants pour les intercommunalités. Encore une fois, l’État voudrait réglementer, à travers des chiffres injustifiés et injustifiables, une réalité multiple dans l’Hexagone ! Dans certains arrondissements de Gironde, il faut plus de 150 communes et une superficie représentant quasiment la taille d’un département pour rassembler ces 20 000 habitants !
Nous, maires et présidents d’intercommunalités, restons attachés aux principes de coopération, de gestion mutualisée, de subsidiarité et de complémentarité entre communes et intercommunalités, dans une logique de maîtrise des dépenses publiques. C’est pourquoi nous nous opposons à la suppression de la notion d’intérêt communautaire, qui est le meilleur moyen de se concerter autour d’un projet de territoire, d’un bassin de vie et de se fixer ensemble des objectifs pour déterminer l’échelon optimal d’exercice d’une compétence.
En fait, il s’agit précisément de la raison d’être de l’intercommunalité : assurer des services publics efficaces sans créer une couche supplémentaire au milieu du millefeuille administratif !
Nous nous opposons donc au transfert obligatoire aux intercommunalités d’ici au 31 décembre 2017 des compétences en matière d’eau, d’assainissement, de regroupement pédagogique intercommunal et de déchets, qui sont au cœur des compétences communales historiques et sont exercées aujourd’hui sur une base territoriale efficiente. Ces transferts tueraient les structures syndicales existantes, qui, elles aussi, ont fait leur preuve et ne recoupent absolument pas les périmètres des actuelles communautés de communes.
Madame la ministre, je vous laisse imaginer ce que seront, si ce projet est adopté en ces termes, les coûts auxquels nous allons nous trouver confrontés ! La résiliation des contrats existants, la renégociation de nouveaux contrats, le recrutement au sein de plus grosses structures se traduiront inévitablement par des augmentations de prix pour le consommateur ; je pense en particulier à celui de l’eau potable.
Enfin, nous dénonçons dans ce projet de loi le changement permanent des règles, qui exaspère les élus et leurs équipes.
Mme Sylvie Goy-Chavent. C’est vrai !
M. Gérard César. À cet égard, l’énième modification des plans locaux d’urbanisme intercommunaux, les PLUI, et de leurs modalités d’adoption, pourtant issues d’un compromis trouvé entre les deux chambres voilà à peine un an, en est l’exemple le plus caricatural.
Madame la ministre, monsieur le secrétaire d'État, après avoir baissé les dotations de l’État aux communes et aux intercommunalités et leur avoir infligé des charges supplémentaires liées aux rythmes scolaires – que l’État devait compenser à 100 % –, laissez-nous vivre et nous organiser librement, dans le cadre de la concertation locale ! (Applaudissements sur les travées de l'UMP et de l'UDI-UC.)
M. le président. La parole est à M. le secrétaire d'État.
M. André Vallini, secrétaire d'État auprès de la ministre de la décentralisation et de la fonction publique, chargé de la réforme territoriale. Monsieur le président, mesdames, messieurs les sénateurs, je voudrais simplement dire quelques mots en réponse aux nombreux orateurs, qui ont tous tenu des propos très intéressants, qu’ils aillent ou non dans le sens du Gouvernement.
Je remercie tout d’abord les deux corapporteurs, MM. Hyest et Vandierendonck, du travail considérable qu’ils ont accompli depuis la première lecture de ce texte.
Marylise Lebranchu et moi-même nous félicitons également de la tonalité positive de ce débat. Il y a certes eu de la part du groupe UMP et du groupe RDSE des attaques, normales et attendues, contre la réforme elle-même. Je veux toutefois préciser que, au-delà de ce qui a été dit sur l’opportunité de cette réforme, son contenu même a beaucoup évolué depuis la première lecture, qui avait donné lieu à un débat très constructif. Depuis lors, l’Assemblée nationale a fait son travail et le texte revient devant vous, avec des modifications qui vous conviennent, et d’autres pas du tout. Nous avons donc maintenant une semaine pour écouter la Haute Assemblée.
J’ai par ailleurs noté dans les propos de Michel Mercier et de Gérard Collomb un souhait commun ; il n’est d’ailleurs pas étonnant que, sur un tel sujet, ils tiennent le même discours. Tous deux appellent de leurs vœux, comme d’autres du reste, un accord entre l’Assemblée nationale et le Sénat, de sorte que cette réforme soit durable. Car c’est bien de ce cela qu’il s’agit : élaborer une réforme durable.
J’ai entendu, à cet égard, ce qu’a déclaré le président Larcher la semaine dernière : après 2017, quel que soit le sort réservé par les urnes aux uns et aux autres, cette réforme ne devra pas être remise en chantier. Je remarque là, monsieur Retailleau, une nuance importante par rapport à ce que disait quelques jours plus tôt le président de l’UMP. Gérard Larcher pense, lui, que cette réforme, a fortiori si elle est votée par les deux assemblées, ne sera pas remise en cause en 2017, quel que soit le résultat des élections.
M. Bruno Retailleau. Ce n’est pas ce qu’il a dit ! Lisez-le bien !
M. André Vallini, secrétaire d'État. Je constate donc avec satisfaction que Michel Mercier et Gérard Collomb, et beaucoup d’autres avec eux, souhaitent une réforme durable. Alors, faisons-la ensemble et le mieux possible !
Il est vrai qu’il demeure quelques points de divergence avec l’Assemblée nationale. Toutefois, sur la clarification des compétences, je pense que le consensus n’est pas loin – nous allons parler de l’économie, de l’emploi ou encore des transports scolaires.
Concernant l’avenir des départements, la situation est maintenant très claire : ils sont non seulement maintenus, mais encore confortés dans leur rôle de solidarité sociale et territoriale.
M. Alain Fouché. Cela arrange l’État !
Mme Jacqueline Gourault. Cela n’en demeure pas moins positif !
M. André Vallini, secrétaire d'État. Manuel Valls l’a dit ici même le 28 octobre 2014 : au cours des années 2020, lorsque les intercommunalités et les régions, agrandies, auront achevé leur montée en puissance, il sera toujours temps d’envisager le sort à réserver aux départements, région par région. Mais il est vrai que l’on ne pouvait en même temps agrandir les régions et supprimer les départements.
Sur l’intercommunalité, qui est un point de fixation important du débat, chacun voit les choses en fonction de son territoire. C’est bien normal ! La semaine dernière, j’ai passé deux jours en Lozère, département du sénateur Alain Bertrand, qui, lui, pense toujours qu’il faut retenir le seuil de 20 000 habitants, une intercommunalité devant avoir une taille critique suffisante pour rendre des services à la population.
D’ailleurs, je vous rappelle que, si Marylise Lebranchu et moi-même continuons à penser que le seuil de 20 000 habitants a sa pertinence, c’est bien sûr moyennant les adaptations qui sont rendues possibles par le texte. Vous estimez qu’un seuil de 15 000 habitants serait préférable. Les députés diront ce qu’ils en pensent.
Je reviens à la Lozère. En Lozère, le problème est d’atteindre les 5 000 habitants. Il y a encore 23 intercommunalités en Lozère, dont 19 regroupent moins de 5 000 habitants. C’est vous dire si les choses diffèrent d’un département à l’autre !
Pour terminer, je veux évoquer la question des communes. J’entends dire, notamment sur les travées de droite de cet hémicycle, que le Gouvernement voudrait la mort des communes, que ce texte a pour objectif caché de les faire disparaître – M. Mézard l’a dit à sa manière. C’est tout le contraire !
À cet égard, je ne peux que répéter ce que j’avais déjà dit devant vous en première lecture, mesdames, messieurs les sénateurs : je pense que plus les intercommunalités seront grandes, plus elles auront de compétences, plus la commune restera l’échelon de base de la démocratie locale. (Marques de scepticisme sur les travées de l'UMP.) La meilleure façon de sauver les communes, c’est d’agrandir les intercommunalités et de les renforcer, parce que la commune sera alors, pour les citoyens, le premier point de référence. N’opposons donc pas l’intercommunalité à la commune ! Je le répète, les communes ont leur avenir assuré, à condition que les intercommunalités voient leur taille agrandie et montent en puissance.
M. le président. La parole est à Mme la ministre.
Mme Marylise Lebranchu, ministre. Je voudrais simplement procéder à quelques mises au point après avoir entendu certains propos.
S’agissant d'abord du Haut Conseil des territoires, je tiens à souligner que, si sa création a été inscrite à l’origine dans le texte, c’était à la demande de l’Association des maires de France, qui assume d'ailleurs totalement cette démarche et a réitéré cette proposition auprès de votre assemblée.
Je me souviens du débat que le Gouvernement a eu avec le président de l’époque de l’AMF et tout son bureau unanime. Nous avions soutenu que le Sénat ne devait pas être confondu avec un Haut Conseil des territoires, assemblée d’exécutifs ayant vocation à travailler sur des études d’impact – nous avions alors cité l’exemple de la mise en œuvre des rythmes scolaires et celui des normes –, alors que le Sénat est une assemblée qui fait la loi. Nous avions insisté sur le fait que le Sénat devait être considéré pour ce qu’il est : une composante, et une composante majeure, du Parlement.
Dans ces conditions, c’est à l’Association des maires de France que vous devez faire vos procès d’intention sur le Haut Conseil des territoires. (Mme Jacqueline Gourault opine.)
Si le Sénat représente les collectivités territoriales, ses membres ne peuvent pas être réunis par le Gouvernement pour la discussion d’une norme relative, par exemple, à tel ou tel aspect de la qualité de l’air. Je me souviens des grands éclats de rire que ce sujet a suscités au Sénat en première lecture ! Nous étions convenus que la création, par le Premier ministre, d’un tel lieu de discussion, d’un tel point de rencontre entre les exécutifs était nécessaire, pour discuter non pas, par exemple, de la loi ayant créé la compétence GEMAPI, mais de l’application de celle-ci, de la façon de faire face à un certain nombre de difficultés. C’est bien à une assemblée d’exécutifs qu’il revient de se poser ces questions.
Je ne veux assumer que les responsabilités qui m’ont été dévolues, et non pas celles que l’on m’attribue, de manière parfois indue. Je tenais à ce que cela soit dit.
Pour le reste, vous avez répété, monsieur Retailleau, ce que vous aviez dit il y a quelques mois, à savoir que ce texte de loi avait été griffonné par le Président de la République sur un coin de table.
D'abord, j’ai trop d’estime pour les présidents de la République pour penser qu’ils travaillent sur des coins de table.
Ensuite, je vous rappelle que nous avons pris le soin, le 10 juillet 2012, après que le texte eut été présenté à une association d’élus à laquelle j’appartenais alors – je parle bien d’élus, fussent-ils d’une tendance différente de la vôtre –, de faire droit à la demande du Sénat d’aller au bout des états généraux de la démocratie territoriale qu’il avait organisés, ce qui n’était pas illogique. Et, pendant ces semaines, nous avons repris un certain nombre de textes pour affiner le nôtre. Je pense aux travaux qu’avait conduits Mme Gourault et dont nous pouvons encore la remercier aujourd'hui, à ceux de M. Belot, à ceux, plus récents, de M. Bertrand sur l’hyper-ruralité, ainsi qu’au rapport Raffarin-Krattinger.
De là sont nées les interrogations du Président de la République, de M. Vallini et de moi-même sur le couple région-département.
Dans cet hémicycle même, le 8 janvier dernier – vous étiez présent du début à la fin de la séance, monsieur Retailleau –, nous avons longuement débattu du rapport Raffarin-Krattinger. L’alternative a alors été très clairement formulée : soit on instituait de grandes régions, en conservant des départements – c’est plutôt ce que prônait M. Raffarin –, soit on gardait les régions en l’état, en supprimant les départements.