compte rendu intégral
Présidence de M. Gérard Larcher
Secrétaires :
Mme Colette Mélot,
M. Philippe Nachbar,
Mme Catherine Tasca.
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Procès-verbal
M. le président. Le compte rendu analytique de la précédente séance a été distribué.
Il n’y a pas d’observation ?…
Le procès-verbal est adopté sous les réserves d’usage.
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Hommage à Charles Pasqua, ancien sénateur
M. le président. Mes chers collègues, nous avons appris hier soir, avec beaucoup de tristesse, le décès de Charles Pasqua (Mmes et MM. les sénateurs se lèvent, ainsi que M. le ministre du travail.), ancien ministre, ancien sénateur, ancien président du groupe du Rassemblement pour la République du Sénat.
Sa disparition nous a profondément affectés. Nous avons perdu un collègue estimé, auquel nous étions tous attachés, au-delà de nos appartenances politiques.
De la Résistance à la vie publique, sa fidélité aux valeurs gaullistes a toujours témoigné de la même passion totale pour la France.
Élu sénateur le 25 septembre 1977, il le restera jusqu’à son entrée au Gouvernement, en 1986. Il le redeviendra de 1988 à 1993, date à laquelle il est à nouveau nommé ministre de l’intérieur, mais avec cette fois un portefeuille beaucoup plus large comprenant l’aménagement du territoire – souvenons-nous de la loi de 1995 !
Réélu en septembre 1995, il siégera trois ans plus tard au Parlement européen. De nouveau élu sénateur en septembre 2004, il achèvera son mandat en 2011. Il fut, je le disais, président du groupe du Rassemblement pour la République au sein de la Haute Assemblée.
Certains d’entre nous, dont je suis, ont encore en mémoire ses prises de parole dans cet hémicycle, toujours fortes, toujours passionnées, car inspirées par ses convictions, sur l’école libre, la liberté de la presse, le maintien du lien unissant la Nouvelle-Calédonie à la France ou encore l’application des accords de Schengen ou le traité de Maastricht.
Sa voix résonne encore dans nos mémoires. Permettez-moi de le citer : « La France n’a jamais été aussi forte que lorsqu’elle a su se hisser au-delà du destin auquel elle paraissait promise ».
Au nom du Sénat tout entier, je veux assurer sa famille de notre compassion et lui présenter nos condoléances les plus attristées. La République perd l’un de ses grands serviteurs. (Mmes et MM. les sénateurs, ainsi que M. le ministre du travail, observent une minute de silence.)
3
Souhaits de bienvenue à une délégation parlementaire
M. le président. Monsieur le ministre, mes chers collègues, j’ai le plaisir et l’honneur de saluer la présence, dans notre tribune officielle, d’une délégation de six de nos collègues du Sénat de la République de Pologne – dont deux présidents de commission –, conduite par le président du groupe d’amitié, M. Aleksander Pociej. (Mmes et MM. les sénateurs se lèvent, ainsi que M. le ministre du travail.)
Cette délégation est reçue en France par le groupe d’amitié France-Pologne, présidé par notre collègue Jean-Pierre Leleux.
Il existe entre la France et la Pologne une relation ancienne d’amitié et de coopération ; en témoignent les noms de Frédéric Chopin, de Marie Curie et bien d’autres.
Forts de ces liens historiques et culturels, soudés par la fraternité de destins parfois douloureux, nos deux pays sont désormais, avec l’Allemagne, des partenaires stratégiques au sein de l’Union européenne, notamment au travers du « triangle de Weimar ».
Nos collègues polonais sont dans notre pays pour étudier en particulier les questions énergétiques et militaires, à un moment à la fois difficile et essentiel pour notre Union européenne, notamment en raison des dossiers ukrainien et méditerranéen.
Nous vous souhaitons, chers collègues polonais, un fructueux séjour dans notre pays et je forme le vœu que votre visite contribue encore au renforcement des relations d’amitié et de coopération qui lient nos deux pays à un moment crucial pour l’avenir de l’Union européenne. (Applaudissements prolongés.)
4
Candidature à une commission
M. le président. J’informe le Sénat que le groupe socialiste et républicain a fait connaître à la présidence le nom du candidat qu’il propose pour siéger à la commission de l’aménagement du territoire et du développement durable, en remplacement de François Aubey, démissionnaire d’office de son mandat de sénateur.
Cette candidature a été publiée et la nomination aura lieu conformément à l’article 8 du règlement.
5
Dialogue social et emploi
Suite de la discussion en procédure accélérée et adoption d’un projet de loi dans le texte de la commission modifié
M. le président. L’ordre du jour appelle les explications de vote des groupes et le vote par scrutin public sur le projet de loi, adopté par l’Assemblée nationale après engagement de la procédure accélérée, relatif au dialogue social et à l’emploi (projet n° 476, texte de la commission n° 502, rapport n° 501, avis nos 490 et 493).
Avant de passer au vote, je vais donner la parole à ceux de nos collègues qui ont été inscrits par les groupes pour expliquer leur vote.
Je vous inviterai ensuite, mes chers collègues, à vous rendre en salle des Conférences pour voter et suspendrai la séance pendant la durée du scrutin, prévue pour une demi-heure au maximum. Qu’on se le dise ! (Sourires.)
Je proclamerai enfin le résultat à l’issue du dépouillement, aux alentours de quinze heures quarante-cinq, puis je donnerai la parole au Gouvernement, s’il souhaite conclure.
Explications de vote sur l’ensemble
M. le président. J’indique au Sénat que la conférence des présidents a fixé, à raison d’un orateur par groupe, à sept minutes le temps attribué à chaque groupe politique, les sénateurs ne figurant sur la liste d’aucun groupe disposant de trois minutes.
La parole est à M. Jean Desessard, pour le groupe écologiste.
M. Jean Desessard. Monsieur le président, monsieur le ministre, madame la rapporteur, mes chers collègues, après une semaine de débats au Sénat, que reste-t-il du projet de loi sur le dialogue social ? (Exclamations sur les travées du groupe Les Républicains.)
M. Jean-Baptiste Lemoyne. Plus d’ambition !
M. Jean Desessard. Le Gouvernement nous proposait un équilibre entre salariés, syndicats et employeurs. C’est le point d’équilibre, disait même M. le ministre. La majorité sénatoriale a cependant retenu un autre équilibre. En matière de dialogue social, y aurait-il un équilibre de droite et un équilibre de gauche ? (Oui ! et exclamations sur les travées du groupe Les Républicains.) Je n’ose demander aux communistes et aux écologistes où se situent leurs points d’équilibre respectifs ! (Sourires.)
Nous sommes donc à la recherche d’un équilibre…
Je l’ai dit dans la discussion générale, nous n’étions pas pleinement satisfaits du texte initial (Exclamations ironiques sur les travées du groupe Les Républicains.). Nous refusions notamment le regroupement des comités d’entreprise et des comités d’hygiène, de sécurité et des conditions de travail, les CHSCT.
M. Roger Karoutchi. Pourquoi ?
M. Jean Desessard. J’y viens, monsieur Karoutchi.
Ces deux instances ont des missions fondamentalement différentes. Si l’une a un droit de regard sur les orientations stratégiques de l’entreprise, l’autre est en charge de la santé, de la sécurité et des conditions de travail. Regrouper ces deux comités, c’est automatiquement diluer les CHSCT et mettre en danger leur rôle de lanceur d’alerte au sein de l’entreprise.
Aujourd’hui, le texte a évolué. Comme pour le projet de loi Macron, que nous allons examiner en nouvelle lecture dans quelques instants, la majorité sénatoriale a profité de ce texte pour apposer sa marque et dévoiler sa conception du dialogue social.
M. Bruno Sido. C’est notre droit !
Mme Marie-Hélène Des Esgaulx. Nous avons été élus pour ça !
M. Gérard Cornu. C’est normal !
M. Jean-Baptiste Lemoyne. Plus de souplesse !
M. Jean Desessard. Quelles en sont les grandes lignes ?
Le dialogue social, pour la droite, c’est un dialogue limité aux employés des grandes entreprises. L’article 1er proposait des commissions régionales pour représenter les salariés des très petites entreprises, les TPE. Il s’agissait d’un premier pas, timide, et la disposition était perfectible, puisque les centaines de milliers de salariés des grandes régions n’auraient été représentées que par dix conseillers salariés, disposant seulement de cinq heures de délégations par mois.
Mais, même cela, c’était trop ! La majorité sénatoriale, n’en a pas voulu et a supprimé cet article 1er.
Mme Marie-Hélène Des Esgaulx. C’était inefficace !
M. Pierre-Yves Collombat. Mais oui, c’était trop !...
Mme Catherine Procaccia, rapporteur de la commission des affaires sociales. C’est la gauche qui l’a supprimé en premier !
M. Jean Desessard. Le dialogue social, pour la droite, c’est également un déni de l’évolution du monde du travail.
En supprimant l’article relatif à la reconnaissance des pathologies psychiques telles que le burn-out, vous affirmez que ces maux ne sont pas directement liés au monde du travail, mais qu’ils tiennent à la personne et à son hygiène de vie. En adoptant cette approche, vous empêchez toute interrogation sur notre système productif et sur les rapports au travail. Vous faites reposer intégralement la responsabilité sur les individus. C’est là un choix purement idéologique, voire rétrograde !
Le dialogue social, pour la droite, c’est la simplification, mais uniquement au profit des employeurs : vous avez ainsi supprimé le compte personnel d’activité – il s’agissait pourtant d’une mesure de simplification en faveur des salariés – au motif qu’il pourrait changer les obligations des employeurs vis-à-vis des droits des salariés !
Or, dans la rédaction du Gouvernement, l’article prévoyait seulement la mise en place de négociations entre syndicats et organisations patronales, ce qui – il faut l’avouer – n’était pas particulièrement contraignant. Vous avez ainsi prouvé une opposition de principe aux droits rechargeables, ce que nous ne pouvons que déplorer.
Je reconnais toutefois quelques petites avancées dans le texte (Ah ! sur les travées du groupe Les Républicains.). Ainsi, notre amendement permettant l’élargissement du renouvellement des contrats aidés pour les seniors jusqu’à l’âge de la retraite a été adopté, ainsi que celui qui facilite l’accès des personnes sous main de justice aux dispositifs d’insertion par l’activité économique, l’IAE. Ces mesures permettront l’une et l’autre d’améliorer l’insertion dans l’emploi de ces deux publics.
Nous nous réjouissons également de l’adoption par le Sénat des amendements déposés par mes collègues Marie-Christine Blandin et Corinne Bouchoux sur la partie du texte concernant les intermittents. L’un permet de clarifier le cadre financier des négociations imposées par le niveau interprofessionnel aux organisations représentatives au niveau professionnel, tandis que l’autre, également déposé par les différents groupes politiques de gauche, rétablit le rapport sur les « matermittentes », dont la situation doit faire l’objet d’une attention particulière.
Mais, lorsque l’on met dans la balance ces maigres avancées face au détricotage en règle effectué par la majorité du Sénat, on voit bien que le compte n’y est pas ! Loin de représenter un équilibre, le projet de loi, dans sa rédaction actuelle, est au contraire fortement déséquilibré, puisqu’il penche nettement en faveur des employeurs. Or, lorsqu’on parle de dialogue social, il ne faut pas oublier les salariés ! Beaucoup de mesures positives les concernant ayant été supprimées, le groupe écologiste votera contre le texte ainsi remanié. (Applaudissements sur les travées du groupe écologiste, du groupe socialiste et républicain et du groupe CRC. – Exclamations sur les travées du groupe Les Républicains.)
M. le président. La parole est à Mme Annie David, pour le groupe CRC.
Mme Annie David. Monsieur le ministre, vous avez insisté au cours du débat sur les avancées que comporterait votre projet de loi en matière de droits des salariés. Dès lors, pourquoi les principales organisations représentatives des salariés s’y opposent-elles ? Pourquoi les négociations entre organisations syndicales, tant patronales que salariales, ont-elles échoué ? Sans doute parce que votre texte n’est pas favorable au dialogue social, au sens où l’entendent les salariés !
J’en veux pour preuve les dispositions sur la délégation unique du personnel. D’abord, vous proposez de l’étendre aux entreprises de moins de trois cents salariés, contre deux cents salariés actuellement. Ensuite, vous proposez qu’elle soit élargie aux autres entreprises via la conclusion d’un accord interne. Enfin, vous permettez d’y inclure le comité d’hygiène, de sécurité et des conditions de travail.
En fusionnant le CHSCT et le CE, car c’est bien de cela qu’il s’agit, le Gouvernement fait fi de l’expertise acquise au cours du temps par les CHSCT et par chacune des instances représentatives du personnel.
De surcroît, à cause de cette fusion, les mêmes représentants participeront à un plus grand nombre de réunions, ce qui les éloignera d’autant de leur travail et des autres salariés. C’est sans doute ce que vous recherchez, pour pouvoir dire ensuite qu’ils ne sont pas représentatifs, car trop absents de l’entreprise.
Sans compter que, plutôt que d’imposer cette fusion, vous auriez pu encourager la création de CHSCT de site ou de plateforme, actifs dans plusieurs entreprises de taille moyenne. Une telle solution est particulièrement pertinente pour répondre aux enjeux de sécurité, notamment sur les sites des entreprises classées Seveso.
Je vous le rappelle, monsieur le ministre, les comités d’hygiène et de sécurité ont intégré, en 1982, les conditions de travail, grâce à la volonté d’un de vos prédécesseurs, Jean Auroux, qui a voulu que les usines ne soient plus seulement le « lieu du bruit des machines et du silence des hommes ». (Protestations agacées sur les travées du groupe Les Républicains.)
Cette volonté est loin d’être respectée dans ce texte, puisque vous reculez sur le compte pénibilité et que vous vous attaquez à la médecine du travail.
Autre exemple, le regroupement des négociations autour de trois grands thèmes aura pour conséquence de réduire le temps et l’attention accordés à chaque sujet, comme l’égalité professionnelle ou la politique d’emploi des travailleurs handicapés.
Au vu de la situation actuelle de l’emploi, vous devriez au contraire renforcer les IRP, pour permettre un dialogue social à la hauteur des enjeux économiques et industriels de notre pays !
Comme si cela ne suffisait pas, vous proposez encore plus de précarité au travail, en permettant deux renouvellements de CDD, au lieu d’un actuellement, et ce sans permettre un débat à l’Assemblée nationale, cette mesure ayant été proposée par voie d’amendement au Sénat, en séance plénière.
Votre texte prévoyait toutefois quelques avancées, même si leur portée était limitée. Je citerai, à ce titre, la prime d’activité, en émettant cependant des réserves sur le budget accordé et le taux de recours ; le renforcement du statut des intermittents ; les mesures visant à favoriser les évolutions de carrière des représentants syndicaux ; la création de commissions paritaires régionales interprofessionnelles pour permettre la représentation des salariés des TPE.
Pour l’essentiel, ces rares avancées, et en premier lieu la création de ces commissions régionales, ont été remises en cause par la droite sénatoriale. Le leitmotiv de la majorité de notre assemblée, c’est qu’il faut « arranger » les employeurs et affaiblir le dialogue social.
Ainsi, les employeurs pourront supprimer un comité d’entreprise dès que le nombre de salariés passera sous la barre des cinquante salariés, mais ils auront plusieurs années pour mettre en place un comité d’entreprise quand le nombre de salariés aura franchi ce même seuil de cinquante salariés.
En outre, un amendement proposé par Mme la rapporteur permet de relever la durée maximale des CDD ou des contrats de travail temporaire, qui passe de dix-huit à vingt-quatre mois. Avec cette mesure, associée à celle que vous avez fait adopter par amendement, monsieur le ministre, on en rajoute dans la précarité ! (M. le ministre fait un signe de dénégation.)
Le Sénat a par ailleurs élargi le recours à la visioconférence, mais amoindri la possibilité, pour le comité d’entreprise, d’être consulté sur le crédit d’impôt recherche. Surtout, il a remis en cause la désignation, par les organisations syndicales, des candidates et des candidats au premier tour des élections des membres du comité d’entreprise ou des délégués du personnel. Ce faisant, il ignore le rôle fondamental des organisations syndicales pour choisir des candidats indépendants, les accompagner et les former.
De notre côté, nous ne sommes pas uniquement dans la critique, nous sommes aussi force de propositions. C’est ainsi que nous avons porté des amendements s’agissant, notamment, de l’égalité professionnelle. Ils ont été rejetés au motif que nos demandes étaient satisfaites. Nous n’avons pas la même lecture de ce texte, car c’est bel et bien un recul que nous observons en la matière.
De même, nous avons proposé, sans succès, de rendre les commissions paritaires interprofessionnelles départementales, et non régionales, pour qu’elles soient plus proches des salariés.
Au final, sur les 85 amendements que nous avions déposés, seuls deux ont été retenus, le premier visant à qualifier la notion d’agissement sexiste dans le code du travail, le second concernant les intermittents du spectacle.
Pour conclure, dans cette période terrible de chômage et de chantage à l’emploi, le Gouvernement, avec la droite, continue de penser que ce qui « bloque » la croissance, ce sont les protections accordées aux salariés et un code du travail qui serait « obèse » !
Que vous adhériez à ce discours, monsieur le ministre, me désole !
M. Philippe Bas. Il n’y adhère pas !
Mme Annie David. Au contraire, le dialogue social joue un rôle essentiel dans l’économie. En effet, qui mieux qu’une organisation représentant les salariés peut s’opposer aux logiques court-termistes du marché, qui nous ont menés à la crise que nous subissons actuellement ? À cet égard, les exemples sont légion. Je ne ferai que citer, faute de temps, les Fralib, dont les produits seront bientôt commercialisés à grande échelle, mais aussi Ecopla, qui produit de l’aluminium, et ArjoWiggins, une papeterie, deux entreprises actuellement en lutte dans mon département, l’Isère, contre les projets de délocalisation de leur direction, plus avide de dividendes que soucieuse du maintien de l’emploi !
Vous l’aurez compris, mes chers collègues, le groupe communiste, républicain et citoyen votera contre ce texte. (Applaudissements sur les travées du groupe CRC et du groupe écologiste.)
M. le président. La parole est à Mme Françoise Laborde, pour le groupe du RDSE.
Mme Françoise Laborde. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, le Premier ministre déclarait le 25 février dernier : « Le dialogue social de qualité est vital pour les salariés, pour les entreprises, et donc vital pour l’économie de notre pays. »
Les relations sociales sont en effet un facteur de réussite à chaque niveau de l’entreprise. Elles ont un impact sur la performance, sont un outil de négociation et une condition nécessaire pour la qualité de vie au travail. Dans le contexte économique que nous connaissons, marqué par une faible croissance et une crise de l’emploi, le dialogue social constitue un levier de régulation sociale et d’adhésion au projet collectif de l’entreprise.
C’est dans cet esprit que le Gouvernement a proposé une réforme ambitieuse. Monsieur le ministre, vous l’avez parfaitement expliquée au cours de la discussion générale : « Ce projet de loi répond à deux exigences : il vise, sur le plan de la démocratie, à développer notre démocratie sociale et, sur le plan de l’efficacité économique, à instaurer un cadre favorable à l’emploi. Il comporte à mon sens de vrais progrès sociaux, tant pour les salariés que pour les employeurs. »
Je pense évidemment à la mise en place des commissions paritaires régionales interprofessionnelles, les CPRI, véritables lieux d’échanges à l’extérieur de l’entreprise. Elles doivent permettre aux entreprises de moins de onze salariés de bénéficier d’une forme de représentation adaptée à leur taille. Ces commissions existent déjà, avec le succès que l’on connaît, notamment dans l’artisanat. Pour la première fois, l’ensemble des salariés et des employeurs pourront faire entendre leur voix, conformément au préambule de la Constitution de 1946, selon lequel « tout travailleur participe, par l’intermédiaire de ses délégués, à la détermination collective des conditions de travail ainsi qu’à la gestion des entreprises. »
Aussi, je ne peux que regretter la suppression de cette disposition. Dans sa très grande majorité, mon groupe a été contraint de voter contre, non seulement parce que la commission des affaires sociales a préféré subordonner la mise en place de ces CPRI à la signature d’un accord interprofessionnel national ou régional, mais aussi parce que nos amendements visant à revenir au texte initial ont été rejetés en séance. Désormais, il s’agit non plus d’une obligation, mais d’une simple faculté. C’est surtout, de notre point de vue, une régression pour le dialogue social.
Cette mesure aurait pourtant dû permettre à chaque salarié, quelle que soit l’entreprise dans laquelle il travaille, d’être enfin représenté. Il s’agit, de mon point de vue, d’une préoccupation tout à fait légitime, dont la satisfaction permettrait une avancée sociale.
Le Sénat a en outre refusé de rétablir la mission de médiation des CPRI, qui permettait pourtant aux membres de la commission de jouer les médiateurs en cas de conflit individuel entre le salarié d’une TPE et l’employeur ou en cas de conflit collectif.
Monsieur le ministre, vous proposiez également de sécuriser les parcours professionnels par la création d’un compte personnel d’activité. Là encore, je ne peux que déplorer la suppression de cette disposition, qui visait à regrouper les droits acquis sur différents comptes mis en place depuis plusieurs années.
Je m’étonne que la majorité sénatoriale s’oppose à l’instauration d’un système plus simple et plus lisible permettant aux salariés de conserver leurs droits tout au long de leur vie professionnelle. Ce nouvel outil nous semblait pour le moins pertinent, à une époque où les Français ne passent plus toute leur vie professionnelle dans la même entreprise.
Certes, seize articles ont été adoptés conformes et je reconnais bien volontiers que les débats en séance plénière ont permis quelques améliorations.
Nous avons ainsi précisé que les suppléants ne devaient siéger, au sein des instances représentatives du personnel, qu’en l’absence des titulaires. En effet, laisser aux suppléants la possibilité d’assister aux réunions et d’y avoir voix consultative ne nous semblait pas opportun.
Nous avons rétabli les commissions paritaires de branche. Monsieur le ministre, vous l’avez rappelé la semaine dernière, ces commissions ne fonctionnent pas toujours bien dans la pratique, mais certaines expériences sont très positives, notamment dans le secteur du bâtiment, et les partenaires sociaux vous ont fait savoir qu’ils y étaient très attachés.
Nous avons également permis la mise en place d’un dispositif électoral spécifique pour les agents de direction des organismes de protection sociale.
S’agissant de la question, délicate, des intermittents du spectacle, nous avons rétabli, et je m’en félicite, le rapport sur la situation des femmes intermittentes au regard du congé maternité – les « matermittentes » -, lesquelles se trouvent souvent privées de ressources financières pendant la durée de ce congé. C’est un problème que nous ne pouvons plus ignorer.
Enfin, nous saluons la mise en place de la prime d’activité, même si nous regrettons certaines modifications. Cette prime remplacera la prime pour l’emploi et le RSA activité ; elle constitue une avancée majeure pour tous ceux qui travaillent, mais perçoivent des revenus modestes.
Pour autant, certaines des dispositions emblématiques de ce projet de loi ont été dénaturées ou supprimées. Je regrette que nous n’ayons pu nous rassembler autour d’un texte empreint de progrès social. C’est la raison pour laquelle l’ensemble du groupe du RDSE s’abstiendra sur ce projet de loi. (Applaudissements sur les travées du RDSE et du groupe socialiste et républicain.)
M. le président. La parole est à M. Jean-Marc Gabouty, pour le groupe UDI-UC.
M. Jean-Marc Gabouty. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, le dialogue social n’est pas un exercice de style ni une fin en soi ; il est le moyen de répondre aux attentes des salariés comme des employeurs, en conservant à l’esprit la nécessité d’organiser les conditions de travail dans le respect des salariés et de prendre en compte l’impératif de performance de l’entreprise.
Si ce texte a une portée certes limitée au regard de l’ensemble du domaine qu’il pourrait couvrir, j’ai eu l’occasion de souligner, lors de la discussion générale, la base sérieuse que constituait la version initiale présentée par le Gouvernement, malheureusement rigidifiée et complexifiée lors de son examen à l’Assemblée nationale. Néanmoins, après les améliorations et les assouplissements issus du travail au Sénat tant en commission qu’ en séance plénière, le texte sur lequel nous sommes amenés à nous prononcer aujourd’hui va dans un sens plus favorable.
Notre rapporteur, Catherine Procaccia, et les rapporteurs pour avis ont réussi à accorder nos positions sur nombre de points sensibles et techniques ; je tiens à les en féliciter.
Je reviendrai sur quelques aspects du texte pour souligner, si cela était nécessaire, que le fil conducteur qui a guidé nos travaux et présidé au dépôt de la plupart de nos amendements a été, à mon sens, le souci de simplification et de souplesse, l’une et l’autre nécessaires au bon fonctionnement des entreprises, en particulier des PME et des TPE.
Parmi les modifications et les améliorations apportées, nous avons considéré que le compte personnel d’activité, dont le principe peut paraître intéressant, méritait, au préalable, une véritable concertation avec les partenaires sociaux, complétée par une expérimentation. Cela permettra de s’assurer de sa faisabilité, en particulier pour les TPE, et de ne pas retomber dans les difficultés de mise en œuvre rencontrées avec le compte de pénibilité.
J’en viens à la reconnaissance du syndrome d’épuisement professionnel, aussi appelé « burn-out », comme maladie professionnelle. J’ai proposé la suppression de la disposition introduite à l’Assemblée nationale, car ce syndrome peut être dû à plusieurs facteurs ; il n’est pas sérieux, il peut même être dangereux, de faire supporter tout le mal-être de notre société par l’entreprise. On pourrait sinon allonger indéfiniment le tableau des maladies professionnelles, alors que c’est l’absence de travail, et donc le chômage ou la crainte de s’y retrouver, qui a peut-être le rôle de déstabilisation le plus prégnant pour tous ceux qui y sont confrontés.
En ce qui concerne la prime d’activité, nous estimons que le dispositif proposé va dans la bonne direction, car il vise à simplifier l’existant, même si l’on peut s’interroger sur sa mise en œuvre, qui se fera à enveloppe financière constante, soit 4,1 milliards d’euros.
Notons également que l’instauration d’une délégation unique du personnel pour certaines catégories d’entreprises introduit un peu de souplesse dans le franchissement des seuils et dans le fonctionnement des instances représentatives du personnel.
Le groupe de l’UDI-UC a également participé à l’amélioration du texte, grâce à l’adoption d’amendements déposés notamment par Élisabeth Doineau, Françoise Gatel, Claude Kern et Olivier Cadic, et ayant trait aux seuils, aux délibérations des instances représentatives du personnel et au contrôle des salariés détachés.
Nous nous sommes également opposés à une initiative confuse et surprenante du Gouvernement, visant à calquer la représentation des organisations patronales et une partie de leur financement sur le seul critère de la proportionnalité, assise sur le nombre de salariés des entreprises adhérentes, et ce sans aucune pondération, contrairement à vos affirmations, monsieur le ministre, et contrairement peut-être à votre souhait. Voyez que je ne vous fais pas de procès d’intention en la matière !
J’en viens à un point sensible : la création des commissions paritaires régionales interprofessionnelles, les CPRI, à l’article 1er. Le texte de cet article avait été très largement amendé par la commission et les amendements de suppression que j’avais déposés ou soutenus n’avaient pas été retenus. Néanmoins, l’article n’a pas été voté par notre assemblée.
La disparition de cet article n’empêche cependant pas la création de commissions paritaires régionales à l’initiative de branches professionnelles, comme c’est déjà le cas. Nous refusons seulement l’institutionnalisation de ce dispositif et le caractère obligatoire de structures dénuées de tout rôle opérationnel dès lors qu’elles auraient une dimension interprofessionnelle. Il ne nous paraît en outre pas souhaitable qu’elles disposent d’un rôle de médiation.
Bien évidemment, dans la recherche d’un accord en commission mixte paritaire sur ce dernier point, il me semble que la majorité sénatoriale pourrait accepter une réintroduction de ce dispositif dans la rédaction du Sénat, à condition qu’elle ne vienne pas décourager les petites entreprises de moins de onze salariés ou affecter leur fonctionnement.
Nous restons tout à fait persuadés que, dans ce type d’entreprise, le dialogue doit s’instaurer directement, au quotidien, entre le chef d’entreprise et ses salariés.
L’ensemble de ces éléments et de ces explications nous amène à émettre un avis globalement favorable sur ce texte et donc à le voter. (Applaudissements sur les travées de l’UDI-UC et du groupe Les Républicains.)