M. le président. La parole est à Mme Christine Prunaud.
Mme Christine Prunaud. Monsieur le président, monsieur le ministre, monsieur le rapporteur, chers collègues, au risque de surprendre, je vous dirai d’emblée que le groupe CRC porte une appréciation positive sur l’accord trouvé en commission mixte paritaire entre nos deux assemblées relatif à l’actualisation de la loi de programmation militaire.
D’ailleurs, plutôt que d’« actualisation », il serait préférable de parler de « correction » indispensable pour adapter nos armées à des situations dont l’évolution avait sans doute été sous-estimée.
Les aspects positifs de ces corrections sont principalement d’avoir su tirer les leçons des engagements intensifs de nos forces, de l’évolution des menaces et des besoins nouveaux qui sont apparus depuis le mois de décembre 2013.
Ces enseignements ont trouvé une juste traduction en termes budgétaires, ce qui permettra de financer la préservation de 18 750 emplois, l’entretien des matériels et des commandes de nouveaux équipements.
Néanmoins – cela a été dit par l’orateur précédent –, un collectif budgétaire apporterait une preuve tangible que le Gouvernement respecte ses engagements.
À l’issue de la commission mixte paritaire, nous voudrions relever le travail fait par la commission des affaires étrangères, de la défense et des forces armées de notre assemblée, qui a permis de notables améliorations du texte du Gouvernement.
Un certain nombre de « clauses de sauvegarde » et de compensations par des crédits budgétaires ont permis de sécuriser des ressources qui pouvaient sembler incertaines
De même, nous portons une appréciation positive sur le fait que le Parlement soit associé à la réflexion en cours consacrée à la doctrine des opérations militaires menées sur le territoire national.
C’est d’ailleurs une préoccupation que nous avions exprimée en considérant que les décisions du Président de la République visant à mobiliser les forces terrestres sur la durée relevaient d’une conception nouvelle de la protection du territoire, fortement recentrée sur le territoire national.
Dans le même ordre d’idées, la commission mixte paritaire s’est également accordée sur le renforcement des outils du contrôle parlementaire, avec un débat annuel sur les missions de protection du territoire national par nos armées, ainsi que sur la fixation de la période de prochaine évaluation de l’exécution de la loi de programmation militaire
Cependant – et j’en ai donc terminé avec les aspects positifs importants –, notre groupe regrette que les associations professionnelles de militaires ne puissent pas siéger dans les conseils de la fonction militaire de chacune des armées ni se porter parties civiles, quelles que soient les procédures judiciaires.
Tout cela étant dit, je rappelle que nous avions pris soin, dans la discussion générale, de distinguer les appréciations positives que nous pouvions porter sur des mesures rendues nécessaires par l’évolution du contexte et nos désaccords sur certaines grandes orientations de la loi de programmation initiale. Vous le savez, monsieur le ministre, ces désaccords sont essentiellement motivés par ce que nous estimons être la place trop importante réservée à la dissuasion nucléaire, alors que nous doutons toujours de la pertinence de cette arme, qui plus est dans le contexte géostratégique actuel. Notre opposition à la loi de programmation militaire initiale ne saurait donc être interprétée comme le refus de donner à nos forces armées les moyens nécessaires pour remplir leurs missions.
La cohérence de cette démarche conduit toutefois aujourd’hui notre groupe – surtout pour ces dernières raisons – à ne pas voter l’actualisation de la loi de programmation militaire 2015-2019.
M. le président. La parole est à M. Jean-Claude Requier.
M. Jean-Claude Requier. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, nous arrivons au terme de l’examen du projet de loi actualisant la programmation militaire pour les années 2015 à 2019. Ce texte, le Sénat l’a approuvé avec une ampleur qui témoigne du souci partagé sur ces travées de donner à notre armée toute la crédibilité dont elle a besoin pour effectuer ses missions, de plus en plus nombreuses.
En effet, l’aggravation de la menace terroriste sur notre territoire et la multiplication des crises au sein d’un arc de plus en plus étendu imposent un format d’armée supérieur à celui que nous avions adopté en 2013 dans le cadre de la loi de programmation militaire.
Des moyens supplémentaires à la fois en hommes et en matériel sont indispensables afin de garantir l’efficacité de notre outil de défense.
Dans cette perspective, le projet de loi d’actualisation prévoit un effort budgétaire de 3,8 milliards d’euros pour les trois prochaines années de la programmation. Cette évolution favorable a été naturellement soulignée par tous les orateurs.
Comme l’a très justement reconnu dans son rapport le président de la commission des affaires étrangères, de la défense et des forces armées, la mobilisation budgétaire repart à la hausse pour la première fois depuis des années.
Je crois que c’est là l’élément essentiel qui a conduit le Sénat à examiner votre texte avec bienveillance, monsieur le ministre : le montant est à la hauteur des enjeux, même si on peut toujours espérer plus.
J’ajouterai que les priorités que vous avez définies ont également recueilli un relatif consensus au sein des deux assemblées.
En tout cas, le RDSE approuve le ralentissement de la déflation des effectifs, qui absorbera 2,8 milliards d’euros. Cette inflexion est devenue indispensable, car l’opération Sentinelle, déployée sur notre territoire depuis le début de l’année, a accru les tensions déjà existantes au sein de l’ensemble de nos forces armées, déjà très sollicitées sur les théâtres extérieurs.
Nous sommes également satisfaits par le fléchage d’un milliard d’euros vers l’équipement des forces. Le renforcement des moyens dédiés au renseignement, à la composante Hélicoptères, aux forces spéciales, ainsi qu’à la régénération des matériels permettront de répondre aux enjeux contemporains de sécurité.
Mes chers collègues, la commission mixte paritaire, qui s’est réunie avant-hier, a adopté un texte conservant un équilibre qui devrait satisfaire le plus grand nombre d’entre nous.
Le Sénat, soucieux de la trajectoire budgétaire de la loi de programmation militaire la plus sincère possible, avait introduit un certain nombre de clauses de sauvegarde. La recherche d’un compromis entre les deux assemblées a conduit à ne pas conserver l’article 2 bis sur le financement interministériel du surcoût OPEX dans sa version sénatoriale. Quant à l’article 2 ter sur le financement des missions intérieures, il a été infléchi dans un sens moins contraignant.
Le RDSE se range à ces modifications, car, en contrepartie, la clause sur l’évolution des coûts des facteurs a été conservée. Sur ce point, comme l’a déjà souligné notre collègue Philippe Esnol lors de la discussion générale, l’actualisation doit être cohérente.
En effet, la réduction à une portion congrue des ressources extrabudgétaires a levé une incertitude financière liée à l’imprévisibilité de l’encaissement des fréquences hertziennes. Or gager des dépenses– en l’occurrence, une partie de l’équipement des forces – sur l’évolution du coût des facteurs, par nature aléatoire, n’est pas compatible avec l’objectif général de sécurisation du budget de la défense, qui nous anime tous ici.
S’agissant de l’article 4 quater ouvrant des prérogatives au Parlement sur le secret-défense, le RDSE est favorable à cette initiative dans la mesure où elle est bien encadrée.
Enfin, je dirai un mot des associations professionnelles nationales de militaires pour lesquelles l’Assemblée nationale avait une vision orientée dans un sens, disons, plus « syndical ».
Le point de vue du Sénat, à mon avis plus sage, comme à l’accoutumée, l’a emporté. Il concilie les contraintes inhérentes à la fonction et l’obligation de renforcer le dialogue sur la condition militaire.
Au cours de ces dernières années, le ministère de la défense a été fortement réorganisé sur le plan humain. Si l’on ajoute la dureté des théâtres d’opération actuels, on peut comprendre le besoin d’une instance de représentation. La « Grande muette » doit pouvoir parler !
Voilà, mes chers collègues, les quelques remarques que je souhaitais formuler au nom du RDSE. Compte tenu de « l’entente cordiale » qui a présidé aux travaux de la commission mixte paritaire, nous voterons ses conclusions. (Applaudissements sur les travées de l'UDI-UC, du groupe Les Républicains, ainsi que du groupe socialiste et républicain.)
M. le président. La parole est à Mme Nathalie Goulet.
Mme Nathalie Goulet. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, alors que nous approchons du terme de ce débat, tout a déjà été dit.
Le groupe UDI-UC se félicite des conclusions adoptées par la commission mixte paritaire, que, bien évidemment, il votera.
En général, les lois de programmation sont des exercices d’équilibrisme aveugle et ne sont pas respectées. Il en va ainsi, en particulier, des lois de programmation des finances publiques. Comme le dirait l’un de nos collègues, les chiffres sont faux, mais ils servent à asseoir le raisonnement…
En l’espèce, toutefois, les chiffres figurant dans ce projet de loi actualisant la programmation militaire pour les années 2015 à 2019 sont justes. L’an dernier, monsieur le ministre, lorsque vous étiez venu présenter devant la commission des affaires étrangères, de la défense et des forces armées du Sénat la première étape de la mise en œuvre de la programmation militaire, vous nous aviez assurés de votre volonté de tenir les engagements pris et, surtout, de faire preuve de transparence. L’ajustement budgétaire que nous allons approuver aujourd’hui témoigne que vous respectez votre parole.
Nous prenons acte de cette nouvelle trajectoire financière. Comme l’a dit M. de Legge, ni le rapport annexé ni la loi de programmation n’ont de réelle portée normative. Il va donc maintenant falloir mettre celle-ci en musique et mobiliser les crédits.
En tant qu’ancienne présidente de la commission d’enquête sur l’organisation et les moyens de la lutte contre les réseaux djihadistes en France et en Europe, je veux souligner à quel point cet ajustement est nécessaire au regard des menaces tant intérieures qu’extérieures. Voilà encore quatre ou cinq ans, personne ne pouvait imaginer que la cybercriminalité se développerait dans de telles proportions et qu’internet servirait de vecteur aux djihadistes et aux terroristes. Personne ne pouvait alors anticiper l’évolution dramatique des événements à laquelle nous assistons en Syrie, en Irak ou en Lybie, non plus que l’émergence de Boko Haram.
Le travail accompli par nos forces en Afrique subsaharienne est exceptionnel. Je partage à cet égard le point de vue de M. de Legge : nous sommes un peu seuls dans cet engagement. Sans parler de défense européenne, une contribution de nos partenaires européens à cet effort de défense consenti au bénéfice de la sécurité de l’Europe tout entière serait bienvenue.
M. Robert del Picchia. Nous sommes d’accord !
Mme Nathalie Goulet. Nous devrons nous pencher très sérieusement sur ce sujet.
Par ailleurs, nous avons connu ces derniers temps, monsieur le ministre, un certain nombre d’incidents : survol de centrales nucléaires par des drones, attaque d’un site de stockage de munitions, projet déjoué d’attentat contre un centre de formation militaire… La loi de programmation militaire doit aussi viser au renforcement de la sécurité de l’ensemble des lieux d’implantation de nos forces de police, de gendarmerie et militaires. Il faut penser à la protection de ceux qui assurent la nôtre !
L’élaboration de cette loi est une bonne nouvelle pour nos forces armées, pour la cohésion nationale et pour le Sénat, qui a démontré une fois de plus la nécessité du bicaméralisme et l’importance de son apport. Tout cela est de très bon aloi. Permettez-moi enfin, monsieur le ministre, de me féliciter de la grande qualité de nos échanges. (Applaudissements.)
M. le président. La parole est à Mme Leila Aïchi.
Mme Leila Aïchi. Monsieur le président, monsieur le ministre, chers collègues, un peu plus d’une semaine après l’examen en séance publique du projet de loi actualisant la programmation militaire pour les années 2015 à 2019, nous voici ce matin réunis pour la dernière étape du parcours législatif de ce texte au Sénat.
Si les écologistes ne sont pas favorables à une expansion démesurée du budget de la défense à long terme, ils considèrent que les circonstances actuelles imposent à chacun de faire preuve de sagesse et de pragmatisme. En effet, les menaces auxquelles nous sommes aujourd’hui confrontés appellent un engagement accru de nos forces, notamment sur le territoire national. C’est pourquoi nous accompagnons l’effort budgétaire entrepris par le Gouvernement, au travers d’une augmentation du budget de la défense de 3,8 milliards d’euros étalée jusqu’en 2019.
Dans une large mesure, nous avons réussi, mardi soir, à nous accorder sur les différents mécanismes de sécurisation des ressources de la défense. Mais si les écologistes font preuve d’esprit de consensus sur ce point, vous comprendrez, monsieur le ministre, que la sanctuarisation de la dissuasion nucléaire reste à nos yeux une impasse et que nous ne pouvons pas y souscrire.
Au regard des menaces transnationales d’aujourd’hui –dérèglement climatique, terrorisme, instabilité régionale, menaces de la faiblesse, menaces de la force –, nous devons repenser de manière globale notre modèle d’armée et nos priorités. C’est justement parce que ces menaces sont transnationales que nous devons relancer le processus de création de cette fameuse défense européenne à laquelle nous aspirons tous. Nous savons tous, mes chers collègues, qu’il s’agit là d’une formidable opportunité.
Concernant les effectifs, force est de constater que les contrats opérationnels initialement définis en 2013 étaient devenus obsolètes et que le ralentissement de la déflation que vous avez décidé, monsieur le ministre, était une nécessité. Nous saluons votre engagement dans ce domaine. Il s’agit à présent de pérenniser cet effort sur le long terme, car les hommes ne sont pas une simple variable d’ajustement ponctuelle. Nous serons vigilants sur ce point.
Dans cette perspective, les écologistes soutiennent également l’avancée que représente l’ouverture aux militaires du droit, pour la première fois, de constituer des associations afin de soutenir leurs revendications et de défendre leurs intérêts professionnels. Malgré quelques reculs par rapport au texte de l’Assemblée nationale, un équilibre a tout de même pu être trouvé entre le devoir de réserve des militaires et les impératifs de démocratisation et d’ouverture, aujourd’hui inéluctables pour l’armée.
Enfin, je tiens à saluer la place accordée au Parlement dans ce texte. Nous aurons en effet l’occasion de nous retrouver, en 2016, pour un débat sur la doctrine des opérations militaires menées sur le territoire national. Le caractère inédit des événements de ces derniers mois et de la mobilisation de nos soldats dans le cadre de l’opération Sentinelle appellent un tel débat, qui nous permettra de dresser un premier bilan.
Plus encore, l’instauration d’un débat annuel sur les missions de protection du territoire national par les forces armées consolide le contrôle parlementaire. Les écologistes considèrent en effet que le Parlement, qui constitue une passerelle entre les citoyens et l’armée, doit avoir toute sa place dans la discussion de nos objectifs et de nos moyens de défense. Il est de notre responsabilité d’élus de la nation de pérenniser et de renforcer ce lien.
Vous l’aurez compris, monsieur le ministre, malgré les oppositions de fond qui subsistent, les écologistes soutiennent l’engagement de nos soldats dans un contexte particulièrement difficile et saluent le travail collectif effectué sur ce texte. Pour ces raisons, nous nous abstiendrons. (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste et républicain.)
M. Jacques Gautier, rapporteur. Très bien !
M. le président. La parole est à M. Gilbert Roger.
M. Gilbert Roger. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, nous voici réunis pour l’examen des conclusions de la commission mixte paritaire sur le projet de loi actualisant la programmation militaire pour la période 2014-2019.
Nous avons apprécié que l’Assemblée nationale ait proposé que la discussion en commission mixte paritaire s’engage sur la rédaction adoptée par le Sénat. Cet esprit de responsabilité a permis d’adopter un texte commun sans aucune difficulté majeure ; chacun a pu aborder cette commission mixte paritaire avec une grande volonté d’efficacité, dans un climat de coopération.
Je profite de cette occasion pour souligner une nouvelle fois le travail fructueux réalisé au sein de la commission des affaires étrangères, de la défense et des forces armées du Sénat, sous l’égide de son président, Jean-Pierre Raffarin, que je tiens à remercier de nouveau du climat de nos échanges.
Devant l’aggravation des menaces et des risques, une actualisation de la programmation militaire s’imposait, prévoyant en premier lieu des ajustements humains et budgétaires au bénéfice des armées françaises, afin de leur conserver leur niveau d’excellence.
Cette actualisation comporte une traduction budgétaire importante et inédite, puisqu’elle entérine une augmentation du budget de la défense de 3,8 milliards d’euros par rapport à la trajectoire initiale.
La commission mixte paritaire a naturellement repris les grands axes budgétaires de ce projet de loi que sont l’augmentation des crédits en cours d’exécution et la substitution de crédits budgétaires aux ressources exceptionnelles, par nature incertaines. Elle a également validé le maintien de l’opération Sentinelle, l’augmentation des effectifs de la force opérationnelle terrestre, ainsi qu’une réduction de la déflation des effectifs, à hauteur de 18 750 postes, afin d’adapter l’organisation des armées à l’évolution de leurs missions. La commission mixte paritaire a aussi maintenu notre demande d’évaluation de la doctrine d’emploi des forces.
À l’article 2, la CMP a adopté un amendement de repli présenté par les membres socialistes de la commission des affaires étrangères du Sénat et visant à plafonner à 30 % le taux de la décote applicable aux cessions de terrains occupés par le ministère de la défense. J’ai moi-même expliqué devant la commission mixte paritaire que cette mesure ferait jurisprudence pour d’autres ministères. Cet amendement tend à ce que les cessions immobilières participent à la soutenabilité du financement de la programmation militaire, sans pour autant que le ministère de la défense se désolidarise du Gouvernement en matière d’objectifs de construction de logements.
Par ailleurs, la commission mixte paritaire n’est pas revenue sur les avancées adoptées par le Sénat en séance publique. Je pense en particulier à notre amendement, cher Robert del Picchia, visant à rétablir la rédaction initiale du projet de loi concernant les associations professionnelles nationales de militaires, aux termes de laquelle ces dernières ne pourront se porter parties civiles que pour des faits dont elles sont personnellement et directement victimes. Nous pensons en effet qu’un élargissement du champ d’exercice de cette faculté pourrait aboutir à une judiciarisation croissante de l’action militaire. La commission mixte paritaire a souhaité conserver cet apport sénatorial.
Concernant un autre dispositif important, l’expérimentation d’un service militaire volontaire, nous avions déposé, en commission des affaires étrangères, de la défense et des forces armées du Sénat, un amendement ayant pour objet d’étendre les missions de sécurité civile et les chantiers d’application à l’outre-mer et à l’étranger, afin de ne pas les cantonner à la seule métropole. La commission mixte paritaire a maintenu cette rédaction issue du Sénat.
Enfin, les conditions dans lesquelles les surcoûts engendrés par les opérations extérieures du ministère de la défense pourront faire l’objet d’un financement interministériel seront examinées à l’automne, à l’occasion de la discussion du projet de loi de finances.
La commission mixte paritaire soumet au vote du Sénat un texte qui maintient les grandes orientations du projet de loi présenté par le Gouvernement, ainsi que les améliorations apportées par l’Assemblée nationale puis par le Sénat. Je vous invite donc, mes chers collègues, à adopter ses conclusions en l’état. Le ministre de la défense, M. Jean-Yves Le Drian, doit pouvoir compter sur la mobilisation des sénateurs pour garantir la sécurité de notre pays.
Mme Nathalie Goulet. Très bien !
M. Gilbert Roger. Il y va de la crédibilité du Gouvernement auprès de nos militaires et du maintien d’un niveau d’ambition élevé pour la France sur la scène internationale. (Applaudissements.)
M. le président. La parole est à M. Robert del Picchia. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains.)
M. Robert del Picchia. Monsieur le président, monsieur le ministre, messieurs les rapporteurs, mes chers collègues, nous voici arrivés au terme de l’examen d’un projet de loi très attendu au vu des besoins des armées et de la réalité des menaces auxquelles la France doit faire face, tant à l’étranger que sur le sol national.
En préambule, permettez-moi, en tant qu’élu des Français de l’étranger, de rappeler combien nous pouvons être fiers du travail accompli par les soldats français. Monsieur le ministre, les Français vivant à l’étranger ont souvent et largement pu le constater : grâce à une capacité de projection et d’intervention rapide lors de crises régionales souvent violentes, les soldats français concourent à la sécurité de nos concitoyens installés hors de nos frontières. Soulignons d’ailleurs que les autres ressortissants européens bénéficient eux aussi de cette protection. Je partage à cet égard le souhait exprimé à juste titre par Dominique de Legge de voir les autres États de l’Union européenne contribuer au financement de ces opérations.
Il est certainement difficile de s’en rendre compte depuis Paris, mais, pour nos expatriés, le simple fait de savoir que nos soldats viendront à leur secours en cas de besoin – ils l’ont fait à de nombreuses reprises – les rassure pleinement. C'est un gage très fort chez eux du lien entre l’armée et la nation. Je tenais à le dire ici, car nos compatriotes vivant à l’étranger ont peu souvent l’occasion d’exprimer leur gratitude envers nos militaires.
Pour en revenir au texte de la commission mixte paritaire, je pense qu’il mérite avant tout que nous le votions sans arrière-pensées. Je formulerai toutefois quelques observations.
Je ne reviendrai pas sur le volet financier du texte ni sur les clauses de sauvegarde, mes collègues Jacques Gautier, Dominique de Legge et Daniel Reiner l’ayant parfaitement fait, sinon pour dire que nous regrettons que le financement interministériel des opérations extérieures soit maintenu, car il nous apparaît que ce mode de financement pénalise in fine le budget de la défense, comme le souligne d’ailleurs la Cour des comptes dans son dernier rapport.
Monsieur le ministre, mes chers collègues, en tant que rapporteur pour avis, avec mon collègue Gilbert Roger, du programme 212 « Soutien de la politique de défense », j’estime que ce texte représente un vrai tournant pour notre défense.
La France, à la suite de sa condamnation par la Cour européenne des droits de l’homme, la CEDH, n’avait pas d’autre choix que de créer les associations professionnelles nationales de militaires, les APNM. En effet, le vide juridique dans lequel nous nous trouvions aurait permis à n’importe quel contentieux de déboucher sur l’établissement d’une jurisprudence.
Au moment où nos soldats sont de plus en plus sollicités et sont très éprouvés par de longues missions en opérations extérieures ou en France, cette adaptation législative paraissait donc plus que nécessaire.
Ce texte permet à la France de créer son propre modèle de « dialogue social » adapté aux armées, définissant les conditions de libre expression et de défense des intérêts professionnels pour les militaires. Rappelons ici que les arrêts de la CEDH n’imposent pas de modèle précis.
De fait, à nos yeux, il était primordial que la nouvelle législation ne déstabilise pas les armées. Ce sont elles qui auront la charge de mettre en place un système qui leur est encore inconnu. Pour autant, je tiens à rappeler que, tout au long de nos auditions, nous n’étions pas dans une posture de défiance à l’égard des futures APNM. Nous avons choisi la responsabilité, afin de permettre la mise en œuvre de ces associations dans la sérénité et la confiance, l’essentiel étant de créer un dispositif accordant aux militaires une liberté d’expression et d’association en vue de la défense de leurs intérêts professionnels, dans le strict respect de la condition militaire telle que définie par le code de la défense.
Au vu de la tradition, de l’histoire, de la législation syndicale française, il importait que la France fasse un choix entre « syndicat » et « association professionnelle », en particulier pour une institution dont le fonctionnement ne repose que sur la hiérarchie. Le modèle d’APNM créé par le projet de loi ne comporte pas de critères trop restrictifs, afin de ne pas créer de nouveaux contentieux auprès de la CEDH.
Notre commission est donc revenue sur le texte de l’Assemblée nationale, qui permettait aux APNM d’être intégrées à terme aux conseils de la fonction militaire. La position du Sénat a prévalu lors de la commission mixte paritaire ; nous nous en félicitons. Là encore, il s’agit non pas de marquer de la défiance à l’égard des futures APNM, mais de trouver un juste milieu et une procédure équilibrée.
En outre, si ce besoin d’expression s’est fait plus prégnant, c’est peut-être aussi parce que nos armées, comme la société, évoluent et que leurs conditions de travail ne sont pas toujours optimales. Ainsi, la mise en œuvre du dispositif Louvois aura laissé quelques séquelles. Il importait de bien prendre en compte ces paramètres : cela a été fait, et je m’en réjouis.
Par ailleurs, concernant le volet « manœuvre ressources humaines », nous avons salué l’arrêt des déflations d’effectifs ; nous savions tous que l’ampleur des suppressions de postes annoncées en 2013 n’était pas supportable, eu égard en particulier au turnover imposé par la professionnalisation des armées, conjugué aux exigences des opérations extérieures et, dorénavant, de l’opération Sentinelle.
Toutefois, des réductions d’effectifs demeurent prévues. Elles comportent deux risques : celui de favoriser le départ de personnels ayant des compétences utiles ou critiques pour les forces armées et celui d’inciter, en fin d’exercice, des gestionnaires peinant à atteindre les objectifs de déflation à ne pas renouveler des contrats, par facilité.
Aussi, monsieur le ministre, j’espère que les responsables de la difficile « manœuvre ressources humaines » agiront avec la prudence nécessaire. Nous savons qu’ils feront au mieux, mais il faut que le ministère puisse les aider le plus possible et que la logique comptable ne prime pas sur la logique qualitative.
En dépit de ces observations et de ces « points d’attention pour l’avenir », notre groupe est, vous l’aurez compris, favorable à l’adoption des conclusions de la commission mixte paritaire.
Je réitère les remerciements exprimés à tous par Jacques Gautier, en particulier à votre adresse, monsieur le ministre.
Mes chers collègues, nous avons réussi à améliorer ce projet de loi ; nous étions dans notre rôle, tout comme nous le serons, lors de l’examen du prochain projet de budget, en continuant à être vigilants, pour le bon fonctionnement de notre défense et le bien de nos armées. (Applaudissements.)