Mme Catherine Troendlé, rapporteur. Très bien !
M. le président. La parole est à Mme Éliane Assassi.
Mme Éliane Assassi. Monsieur le président, madame la ministre, madame la vice-présidente de la commission des lois, mes chers collègues, je veux à mon tour adresser mes félicitations à M. Jean-Jacques Hyest, même si beaucoup ici connaissent les réserves de mon groupe à l’égard du Conseil constitutionnel et de son existence même.
Toujours est-il que j’ai eu plaisir à travailler avec M. Hyest, notamment quand il présidait la commission des lois, raison pour laquelle je tenais à le féliciter du haut de cette tribune.
Dans ce projet de loi dit d’« actualisation » du droit des outre-mer – il aurait été plus juste de dire d’« adaptation » –, il y a de tout. J’admets volontiers quelques avancées, bien que certains points aient mérité d’être traités de manière plus approfondie.
Concernant les avancées, je pense particulièrement à celle qui figure à l’article 1 ter : les associations de consommateurs représentatives dans chaque outre-mer pourront enfin ester en justice. Selon moi, il s’agit d’un réel progrès, d’autant que mon ami Paul Vergès avait déposé, avec notre groupe, au cours de l’examen du projet de loi relatif à la consommation, en septembre 2013, un amendement visant justement à obtenir cette reconnaissance. Le ministre de l’époque nous avait alors rétorqué en substance qu’il était plus simple, pour les associations de consommateurs d’outre-mer, de mettre sur pied des partenariats avec une association nationale agréée. Cela me rappelle le débat que nous avons eu hier sur le projet de loi de modernisation de notre système de santé !
Notre groupe avait également déposé un tel amendement dans le cadre du projet de loi Macron, sans plus de succès, mais –il est vrai – pour des questions de procédure.
Une deuxième avancée concerne la question des frais d’itinérance : sur ce sujet, notre groupe avait également présenté un amendement lors de la discussion du projet de loi Macron.
Les réponses apportées tant par la rapporteur que par le ministre avaient été identiques : « l’Union européenne, via un règlement du 13 août 2014, a déjà proposé de faire baisser les tarifs ». Certes, mais cette disposition portait uniquement sur les liaisons entre pays, et non à l’intérieur d’un même pays. Il restait donc à agir au sein même de l’espace français.
Ce texte va donc permettre de faire évoluer la situation, mais seulement au mois de mai prochain, et non au 1er janvier. Pourquoi ? Tout simplement parce que les opérateurs en téléphonie mobile s’accommodent fort bien de la situation, leur rente étant conséquente. Leur mobilisation unanime contre cet article en est une preuve évidente.
Néanmoins, derrière la question du coût de ce qu’il est convenu d’appeler « roaming » en franglais, persiste une situation inacceptable : tous nos collègues d’outre-mer ont d’ailleurs été confrontés à la même réponse de l’opérateur choisi par le Sénat lors du renouvellement du contrat téléphonie.
En effet, les outre-mer sont considérés comme pays étrangers : aucun forfait, de quelque opérateur que ce soit, n’inclut les communications échangées par mobile entre l’outre-mer et la France métropolitaine. Toutes les communications sont hors forfait, et donc surtaxées ! On pourrait presque voir là une forme de discrimination.
Quant à l’article 2 bis, il permet une avancée en demi-teinte, puisqu’il se limite à demander au Gouvernement de remettre un rapport sur les « surcharges carburants ». Il est vrai que cette ligne, composante du prix des billets d’avion entre la France métropolitaine et les outre-mer, est une variable d’ajustement du prix pratiqué par les compagnies aériennes. Espérons donc que ce rapport débouche sur la demande d’un réel contrôle effectué par un organisme indépendant !
Toutefois, cela paraît bien incertain : au nom du sacro-saint secret commercial, les compagnies aériennes se gardent bien de communiquer ces chiffres, et ce depuis des années.
L’article 4 quinquies permet également une avancée. Il concerne les délais de paiement des entreprises, notamment par les collectivités. Le problème est réel, les délais étant plus longs. Paul Vergès, pour notre groupe, l’a souvent souligné.
Cet article confère à l’IEDOM, l’Institut d’émission des départements d’outre-mer, la charge de rédiger un rapport annuel sur la question, afin d’y apporter des solutions.
Les collectivités territoriales d’outre-mer sont souvent dénoncées comme étant « mauvaises payeuses ». Mais quelle est leur marge de manœuvre financière ? C’est la question des dotations aux collectivités qui apparaît en filigrane derrière ce problème. Elle concerne bien sûr les outre-mer, mais aussi la totalité des collectivités : régions, départements, EPCI et communes. Soyez assurée, madame la ministre, que nous continuerons à mener cette bataille, en particulier au cours des prochaines semaines.
Dans un tout autre domaine, nous apprécions que l’article 4 quinquies B prévoie que les statistiques nationales devront également comporter des données chiffrées concernant les outre-mer. Je rappelle que, dans le projet de loi de modernisation de notre système de santé, notre groupe avait proposé la même chose. Nous serons donc attentifs à la publication rapide de ce décret visant à encadrer la communication de ces données, et vigilants sur son contenu.
Concernant la lutte contre l’habitat indigne, qui fait l’objet de l’article 7 bis A, il y aurait beaucoup à dire. Certes, le fait d’aborder cette question est une avancée significative. Mais celle-ci se pose de façon récurrente : quel que soit le cadre dans lequel s’inscrit la lutte contre l’habitat indigne, le point essentiel, à savoir celui des financements, n’est pas abordé, pas plus, d’ailleurs, que n’avait été abordée la question du logement en outre-mer dans le projet de loi pour l’accès au logement et un urbanisme rénové, ou projet de loi ALUR. Il est vrai que le plan « logement outre-mer » est une première réponse. Là aussi, nous veillerons, dans les prochaines semaines, à ce que les crédits annoncés soient bien inscrits dans le projet de loi de finances.
J’en viens aux points qui auraient mérité d’être approfondis. Je pense essentiellement à la question de LADOM, l’Agence de l’outre-mer pour la mobilité. On ne peut que se féliciter du changement de statut. Mais nous regrettons que le Gouvernement n’ait pas saisi cette occasion pour dresser un réel bilan de l’action de LADOM, pour chaque entité d’outre-mer.
Au sujet de la formation et de la mobilité, l’article 12 de la loi n° 2014-288 du 5 mars 2014 relative à la formation professionnelle, à l’emploi et à la démocratie sociale prévoyait que « le Gouvernement présente au Parlement, dans les dix-huit mois suivant la promulgation de la présente loi, un rapport sur la formation professionnelle en outre-mer, notamment par la mobilité dans le cadre de la continuité territoriale ». L’échéance en était fixée au 5 septembre 2015. D’où ma question, madame la ministre : où en est ce rapport ?
En conclusion, je me félicite que notre travail d’élaboration de la loi ait été fructueux. Grâce aux amendements déposés tant ici qu’à l’Assemblée nationale, ce projet de loi est plus consistant, mieux charpenté. C’est dire l’importance de l’initiative parlementaire. Dès lors, est-il bien judicieux de revenir sur le fonctionnement du travail parlementaire, quand on voit les effets positifs qu’il implique ?
Au total, malgré des progrès significatifs, ce texte reste assez disparate. Il ne permettra pas à nos outre-mer de sortir de la profonde crise structurelle dans laquelle vivent depuis des années les populations concernées.
Néanmoins, bien qu’il « reste sur sa faim », le groupe CRC votera les conclusions de la commission mixte paritaire sur ce projet de loi. (Applaudissements sur les travées du groupe CRC.)
M. le président. La parole est à M. Serge Larcher.
M. Serge Larcher. Monsieur le président, madame la ministre, mes chers collègues, nous sommes réunis aujourd’hui pour discuter du texte élaboré par la commission mixte paritaire qui s’est tenue mardi.
Avant toute chose, je tiens à saluer chaleureusement votre présence dans cet hémicycle, madame la ministre, vous qui n’aviez malheureusement pas pu être des nôtres à l’occasion de la première lecture de ce texte au Sénat. Nous avions beaucoup regretté votre absence ; nous sommes donc heureux qu’elle ait été de courte durée et que nous puissions vous retrouver aujourd’hui en bonne santé.
Je salue le travail de notre rapporteur jusqu’à la CMP, notre collègue Jean-Jacques Hyest, qui a attrapé le « virus » de l’outre-mer et suivait nos travaux de très près, tant à la délégation sénatoriale à l’outre-mer qu’au sein de la commission des lois. Je lui présente toutes mes félicitations et lui souhaite un plein succès dans ses nouvelles fonctions. Enfin, je tiens à saluer la belle coordination qui s’est mise en place avec Mme Paola Zanetti, rapporteur du texte à l’Assemblée nationale, ce qui nous a permis de finaliser ce texte de modernisation et d’égalité.
Je souhaite cependant exprimer un regret : celui de découvrir aujourd’hui un texte profondément modifié et densifié depuis sa première lecture au Sénat. Au final, c’est près de 50 % des articles qui n’ont pas été soumis au Sénat, maison, je le rappelle, des collectivités. La procédure accélérée ayant été engagée sur ce projet de loi, nous sommes un peu frustrés de n’avoir pas eu l’occasion de débattre des nombreux amendements présentés par le Gouvernement, au dernier moment, devant l’Assemblée nationale.
Je me félicite toutefois du travail accompli et de l’utilité de cette loi de clarification pour de nombreux dispositifs juridiques s’appliquant dans nos outre-mer.
Je me réjouis que ce texte permette des avancées marquantes sur plusieurs sujets. Bien évidemment, je pense à la question de la zone des cinquante pas géométriques, dont le dénouement se profile enfin – j’ose du moins le croire ! – à un horizon défini, 2021, certes lointain. Depuis des années, j’ai fait du règlement de cette question des cinquante pas géométriques un véritable combat personnel, multipliant les rencontres, tant sur le terrain qu’auprès des ministères. Auteur d’une proposition de loi sur le sujet en 2013, j’ai également rédigé un rapport commun avec les sénateurs Thani Mohamed Soilihi, Georges Patient et Joël Guerriau au sein de la délégation sénatoriale à l’outre-mer, rapport publié en juin dernier et intitulé Domaines public et privé de l’État outre-mer : 30 propositions pour mettre fin à une gestion jalouse et stérile.
Notre travail de terrain et d’analyse a été fort utile dans le cadre des débats sur l’article 8 du présent projet de loi. À cette occasion, conformément aux recommandations de ce rapport, j’ai appelé le Gouvernement à s’engager, avant la fin de la mandature, à préparer les conditions du transfert de propriété de la partie urbanisée de la zone des cinquante pas géométriques à la collectivité territoriale de Martinique et à la collectivité régionale de Guadeloupe.
Je me félicite que le Gouvernement ait entendu ce vœu et proposé à l’Assemblée nationale un amendement pour mettre fin à ce régime d’exception, hérité du passé.
Il était plus que temps de résoudre ce fossé entre droit et réalité et de suivre l’évolution sociale et économique de collectivités décentralisées, compétentes en matière tant d’aménagement que de gestion foncière. Tous les problèmes rencontrés sur la zone des cinquante pas géométriques sont connus depuis des lustres, mais demeurent irrésolus, faute de pilotage et de stratégie cohérente à long terme. Cette bande des cinquante pas géométriques, derniers oripeaux d’une période coloniale que l’on sait révolue, résiste malheureusement aux évolutions du temps.
Le nouvel article 8 issu des travaux de l’Assemblée nationale constitue donc une annonce majeure pour les Antilles, en matière de logement, de transports, d’équipements collectifs, de protection de la nature et, surtout, de « droit à la terre ».
Je regrette cependant que l’Assemblée ait décidé d’échelonner ce transfert sur un délai de cinq ans et non plus de trois ans, comme je l’avais proposé. En effet, cette question a fait l’objet d’une législation d’une abondance historique, avec le report incessant d’un dispositif supposé transitoire. J’aurais préféré que l’actuel gouvernement s’engage avec plus de volonté pour finaliser la résolution de cette question avant la fin de la mandature. Espérons cependant que tout cela ne sera pas « détricoté » dans le cadre d’une future loi et ne connaîtra pas le sombre destin des établissements publics fonciers d’État, qui n’ont jamais vu le jour ! Espérons également que le retrait par l’Assemblée nationale du rapport d’audit que j’avais demandé sur la situation sociale, économique et financière des agences des cinquante pas géométriques, avant le transfert de leurs compétences et de leurs actifs, ne soit pas l’occasion d’un énième report, faute de préparation préalable. Je compte sur vous, madame la ministre, pour nous faire des points d’étape réguliers sur l’évolution de ce processus.
Une autre proposition du rapport Domaines public et privé de l’État outre-mer : 30 propositions pour mettre fin à une gestion jalouse et stérile a également été supprimée au cours de l’examen du texte par l’Assemblée nationale. Elle visait à exonérer les forêts des collectivités territoriales de Guyane des frais de garderie et d’administration normalement versés à l’Office national des forêts. L’objectif était de stimuler la création de forêts communales et de rendre les communes pilotes de l’exploitation du bois sur leur territoire. Par ailleurs, cette exonération au bénéfice des communes constituait une juste contrepartie pour l’absence de versement par l’ONF de la taxe foncière sur le non bâti, au mépris des dispositions du code général des impôts.
Le Gouvernement s’est engagé à étudier ce sujet dans le cadre des travaux d’une mission interministérielle actuellement en cours sur le coût du régime forestier. Gageons que ces réflexions serviront de base dans le cadre de la révision du contrat d’objectifs de l’ONF pour la période 2016-2020 et que nos outre-mer, avec leurs problématiques si spécifiques, ne seront pas oubliés.
D’autres avancées notables doivent également être saluées concernant la lutte contre l’habitat indigne et insalubre. Des amendements introduits à l’Assemblée nationale ont permis de rendre obligatoire l’élaboration, dans les départements d’outre-mer et à Saint-Martin, de plans communaux ou intercommunaux de lutte contre l’habitat indigne et, surtout, de faire de ces plans une composante essentielle des plans locaux de l’habitat. Malgré de grandes opérations visant à résorber l’habitat insalubre, nombre de situations inacceptables se prolongent dans nos territoires d’outre-mer. Rendre ces plans obligatoires permettra de les rendre plus opérationnels et de mieux impliquer les collectivités dans cette lutte.
D’autres amendements viennent également compléter la loi du 23 juin 2011 portant dispositions particulières relatives aux quartiers d’habitat informel et à la lutte contre l’habitat indigne dans les départements et régions d’outre-mer, concernant les démolitions d’ordre public. Tant la procédure d’information et de concertation préalable à la démolition que la définition de l’autorité compétente pour ordonner une démolition ont été précisées dans ce texte, afin de gérer au mieux des situations d’urgence aux risques souvent élevés.
Par ailleurs, plusieurs articles viennent mettre fin à des inégalités de traitement subies par les outre-mer.
La première d’entre elles concerne les frais liés au roaming, c’est-à-dire les frais d’itinérance en matière de communication mobile. Sachant qu’un règlement adopté par l’Union européenne prévoit de supprimer ces frais dans un délai de deux ans, l’anticipation, pour une entrée en vigueur au 1er mai 2016, me semble raisonnable. Cela permet de respecter le temps d’adaptation nécessaire aux opérateurs, tout en poursuivant le combat contre la vie chère, un combat quotidien pour nos outre-mer.
Cependant, un autre article concernant la vie chère outre-mer a – hélas ! – disparu en commission mixte paritaire. Il s’agit du rapport sur la légalité des suppléments non cotés utilisés pour la facturation des produits pétroliers. Même si je conçois qu’il faille éviter une multiplication de demandes de rapports au Gouvernement, il serait tout de même utile et légitime de lever l’incompréhension relative au poids des surcharges carburant dans le prix des billets d’avion, alors même que le prix du baril de pétrole diminue. Cet enjeu s’inscrit dans le cadre de la lutte contre la vie chère, mais aussi de la concurrence touristique au sein de notre environnement régional.
Permettez-moi de souligner une autre adaptation nécessaire à nos spécificités locales ; je veux parler des actions de groupe.
Les associations nationales de défense des consommateurs ne sont pas toujours présentes en outre-mer. Il est coutume que des associations locales les remplacent. Il semble donc très opportun de leur permettre d’agir sur le territoire concerné devant la juridiction civile, afin d’obtenir réparation des préjudices individuels subis par les consommateurs.
De plus, je souhaite souligner l’adoption d’un amendement tendant à mettre fin au déficit des données statistiques outre-mer.
Chaque fois que nous avons réalisé des études pour la délégation sénatoriale à l’outre-mer, nous avons remarqué le manque cruel de données chiffrées et la difficulté d’avoir un panorama représentatif de la situation pour engager des politiques publiques. Dans son rapport, à charge, de 2013 sur la fiscalité en outre-mer, la Cour des comptes préconisait déjà une telle mise à jour des données. Je me félicite que ce véhicule législatif ait été l’occasion de mettre fin à une telle inégalité de traitement.
Enfin, je souhaite aborder plus spécifiquement une différence touchant les Mahorais.
Je rappelle l’engagement du Gouvernement à mettre rapidement en place les leviers existants dans l’Hexagone pour favoriser l’emploi à Mayotte, département fortement touché par le chômage.
Il s’agit, notamment, du travail intérimaire, qui constituerait un outil précieux et adapté à la culture locale. Car, dans cette île, il est fréquent que l’on cumule plusieurs emplois. Un tel dispositif contribuerait grandement à lutter contre le chômage, dans un territoire où son taux est l’un des plus élevés de notre pays. Cela permettrait de réduire significativement le travail dissimulé, auquel certains préfèrent recourir en raison de la lourdeur des formalités administratives.
Les élus locaux devraient, me semble-t-il, être associés à la nécessaire réforme du droit du travail à Mayotte, afin que ce processus puisse être mis en place au plus près des réalités locales.
De manière générale, on peut observer que, plus le travail est accompli en amont et en concertation avec les élus de terrain, plus les textes législatifs sont applicables et proches des sujets touchant nos concitoyens.
La concertation a aussi pour intérêt d’éviter les incompréhensions et d’anticiper les polémiques, en envisageant, aux côtés des élus concernés, tous les tenants et aboutissants d’une mesure. Vous voyez sans doute à quoi je fais allusion, madame la ministre... Bien des polémiques auraient pu être évitées si le bien-fondé de certaines dispositions avait été connu localement ! Mais vous avez bien expliqué la situation au cours de votre intervention liminaire. Il importe que nous poursuivions dans cette voie.
Même si aucun rendez-vous ultramarin n’est prévu spécifiquement dans les mois à venir, hormis l’examen des crédits de la mission « Outre-mer » du projet de loi de finances, j’encourage le Gouvernement à nous solliciter dès que l’occasion se présentera. De notre côté, en particulier avec la délégation à l’outre-mer, nous continuerons notre travail d’initiative et d’anticipation, au service des politiques publiques.
Madame la ministre, nous voulons vous aider. Aidez-nous à agir en ce sens ! (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste et républicain, du groupe écologiste, du RDSE et sur plusieurs travées de l'UDI-UC.)
M. le président. La parole est à Mme Aline Archimbaud.
Mme Aline Archimbaud. Monsieur le président, madame la ministre, mes chers collègues, le droit de l’outre-mer se caractérise par de nombreuses et parfois originales dérogations au droit commun. Il est largement conditionné par l’héritage historique, notamment le passé colonial, et par l’éloignement géographique des collectivités qu’il régit.
Ce projet de loi a pour objet de moderniser le droit de l’outre-mer. Le groupe écologiste s’en félicite, tant cela était devenu nécessaire sur certains plans pour lesquels la législation en vigueur ne répondait plus – ou en tout cas plus totalement – aux enjeux auxquels les collectivités concernées sont confrontées.
Ainsi, avec ce texte, nous avons eu l’occasion d’examiner des mesures spécifiques, portant sur des domaines aussi différents que le développement économique et social, les transports, la lutte contre la vie chère, la sécurité, l’aménagement du territoire, la fonction publique ou encore les jeux de hasard et les collectivités territoriales. Le projet de loi présenté au Sénat voilà quelques mois abordait déjà une multiplicité de thématiques ; il a été encore largement complété lors des débats ici même et à l’Assemblée nationale.
Certains de mes collègues ont regretté le caractère composite de ce texte. Pour ma part, je préfère m’y résoudre, car c’est parfois nécessaire sur un texte de ce type, qui embrasse des sujets aussi variés.
Cependant, cela ne nous exonère pas d’examiner avec attention chacune des dispositions proposées. Beaucoup étaient attendues et sont consensuelles. Pour preuve, les débats en commission mixte paritaire qui ont eu lieu mardi dernier n’ont pas vraiment été le théâtre d’âpres discussions…
L’article 1er vise à créer à Saint-Barthélemy et Saint-Martin certains dispositifs de lutte contre la vie chère, comme l’Observatoire des prix, des marges et des revenus. Cela avait donné l’occasion à M. Hyest de rappeler, lors de nos débats, le bilan positif de cette mesure, que nous avions adoptée en 2012, en précisant qu’ils avaient « favorisé la prise de conscience de certains abus » et « donné aux pouvoirs publics des éléments permettant de mettre fin à des pratiques anticoncurrentielles ». Madame la ministre, pouvez-vous nous confirmer que le dispositif est en place ? Une évaluation régulière sera-t-elle réalisée ?
Je formulerai les mêmes remarques et interrogations sur le bouclier qualité-prix, dispositif issu du même texte, que le Gouvernement a décidé d’appliquer également à Saint-Martin.
Toujours dans cet objectif de lutter contre la vie chère en outre-mer, nous nous réjouissons de l’introduction par l’Assemblée nationale de l’article 4 quater BA visant à supprimer le surcoût de l’itinérance ultramarine, comme cela a été évoqué par plusieurs collègues. La mise en œuvre de cette mesure est fixée au 1er mai 2016, c'est-à-dire avant la date fixée par l’Union européenne, ce qui nous semble une bonne chose.
D’autres dispositions tendent à prendre en compte l’arrivée à échéance de certaines mesures. Ainsi, l’article 8 concerne une nouvelle prorogation des agences de la zone des cinquante pas géométriques, jusqu’au 31 décembre 2018. Cette mesure ne doit cependant pas empêcher, nous semble-t-il, de poursuivre la réflexion sur les questions foncières.
Permettez-moi, enfin, d’évoquer l’article 24 bis, qui a trait à la reconnaissance de l’existence en France de langues régionales et l’éducation des enfants dans ces langues.
À la fin du mois de mai dernier, j’ai été nommée, en compagnie de notre collègue députée Marie-Anne Chapdelaine, parlementaire en mission sur la problématique très grave du taux de suicide particulièrement élevé chez les jeunes des communautés amérindiennes et bushinengue de Guyane.
Au cours de cette mission, dont je reviens tout juste, j’ai pu rencontrer les jeunes, les enfants et leurs familles, afin de discuter avec eux de leurs attentes. Je suis aussi allée voir les élus, ainsi que les équipes dans les écoles et les collèges. J’ai eu un aperçu des conditions d’enseignement des enfants de ces communautés. En effet, la question de l’accès à l’école et de la langue d’enseignement paraît fondamentale.
L’application, comme il est prévu par l’article 24 bis du projet de loi, des dispositions du code de l’éducation relatives à l’enseignement en langue régionale doit être assurée. À cet égard, les intervenants en langue maternelle font un très bon travail, qui doit être considérablement renforcé. Ces langues font partie intégrante de l’identité des enfants, ainsi que du patrimoine de notre pays. L’article 24 bis en est une reconnaissance de plus, mais nous aurons très probablement l’occasion de reparler prochainement de cette question.
Enfin, puisque nous balayons des sujets très variés ce matin, je me permets de relayer une question qui a été soulevée à plusieurs reprises ici même au cours de ces derniers jours, lors de l’examen du projet de loi de modernisation de notre système de santé.
Pourquoi les délais de publication des décrets d’application de la loi du 3 juin 2013 visant à garantir la qualité de l’offre alimentaire en outre-mer sont-ils aussi longs ? La teneur en sucre des produits distribués en outre-mer est supérieure, parfois très supérieure à celle des mêmes produits distribués en métropole. Cela pose de graves problèmes sanitaires. Les territoires concernés sont confrontés à une épidémie d’obésité et de diabète. Pourquoi les décrets d’application ne sont-ils toujours pas parus plus de deux ans après l’adoption de la loi ?
Cela étant, au-delà de ces remarques et interrogations, le groupe écologiste votera en faveur de ce projet de loi tel qu’il résulte des travaux de la commission mixte paritaire. (Applaudissements sur les travées du groupe écologiste et du groupe socialiste et républicain.)
M. le président. La parole est à M. Jean-Claude Requier.
M. Jean-Claude Requier. Monsieur le président, madame la ministre, mes chers collègues, permettez-moi, à mon tour, de féliciter notre collègue Jean-Jacques Hyest de sa nomination au Conseil constitutionnel. Il y apportera sa compétence, ses qualités de juriste, ainsi qu’un solide bon sens forgé par des années d’élu local et de parlementaire.
Le texte corédigé par Jean-Jacques Hyest et les autres membres de la commission mixte paritaire est consensuel. S’il ne constitue pas une réforme en profondeur, il permettra tout de même de procéder à des mises à jour nécessaires.
À la lecture du projet de loi, ce qui frappe, c’est la diversité des situations particulières de chacun des départements et collectivités d’outre-mer. La plupart sont issus du premier empire colonial français. Napoléon les qualifiait avec mépris de « confettis d’empire ». Pour ma part, je préfère parler de territoires éparpillés à tous les vents, sur toutes les mers.
La diversité est d’abord géographique. Les territoires concernés étant répartis sur trois océans, ils s’inscrivent dans des contextes régionaux distincts. Ils sont souvent insulaires, mais pas toujours. Songeons, par exemple, à la Guyane, dont la superficie équivaut au cinquième de celle de la métropole.
La situation de Saint-Martin, représenté ici même par notre excellent collègue Guillaume Arnell, est également unique : cette île est partagée entre une partie française et une partie néerlandaise. Cette situation pose des problématiques spécifiques au regard non seulement de l’accès – le principal aéroport de l’île est situé sur la partie néerlandaise –, mais également des régimes juridiques et sociaux.
La diversité est aussi économique. Les départements et régions d’outre-mer ont des économies encore très liées à la métropole, tandis que les collectivités d’outre-mer connaissent une large autonomie. La mise en place du marché unique antillo-guyanais vise à encourager l’intégration régionale, alors que l’économie guyanaise est dans une situation de rattrapage par rapport à la Martinique et la Guadeloupe. Saint-Barthélemy tire ses revenus du tourisme haut de gamme : on parle alors de « Saint-Barth » ! (Sourires.) La Nouvelle-Calédonie, quant à elle, abrite le tiers des réserves mondiales de nickel.
Toutes ces raisons expliquent l’impression de juxtaposition de mesures particulières, dénuées de liens les unes avec les autres, qui se dégage du texte.
Concernant les principales mesures, nous sommes plutôt satisfaits des travaux réalisés en première lecture et en commission mixte paritaire.
La création d’un Observatoire des prix, des marges et des revenus, ainsi que l’instauration d’un bouclier qualité-prix à Saint-Martin et Saint-Barthélemy, comme il en existe déjà en Martinique, Guadeloupe, Guyane et à la Réunion, permettra de lutter efficacement contre la vie chère, véritable fléau en outre-mer.
De même, l’extension de la réglementation européenne en matière de transport aérien civil devrait renforcer la sécurité aérienne, s’agissant à la fois de la prévention des actes de terrorisme et de la sécurité technique des avions.
En outre, l’application d’une série d’articles du code de la sécurité sociale à ces deux territoires préservera la sécurité juridique de ces derniers, dont on pouvait craindre la remise en cause depuis leur détachement de la Guadeloupe en 2007 et leur accession au statut de collectivité d’outre-mer.
La transformation de l’Agence de l’outre-mer pour la mobilité, ou LADOM, présente dans de nombreux territoires, en établissement public administratif est devenue une nécessité du fait des dérives constatées dans la gestion passée.
Veillons à ce que ce changement de statut n’entrave pas cette agence dans l’accomplissement de sa mission, qui consiste en particulier à aider les jeunes d’outre-mer à poursuivre des études en métropole, afin de leur assurer de meilleures perspectives professionnelles.
Je souhaite, enfin, saluer l’initiative prise par Mme la ministre, lors de l’examen de ce texte à l’Assemblée nationale, d’habiliter, pour une durée de deux ans, le conseil territorial de Saint-Martin à adapter à sa situation spécifique la législation en vigueur concernant le revenu de solidarité active, le RSA. La fraude au RSA, liée à la situation binationale de ce territoire, représente une véritable difficulté pour les finances de cette collectivité.
Aussi, en ajustant les conditions d’accès à cette prestation ainsi que son montant et les conditions de versement aux spécificités de Saint-Martin, le conseil territorial espère limiter les abus.
Vous l’aurez compris, madame la ministre, mes chers collègues, l’ensemble des membres du groupe RDSE votera en faveur de ce projet de loi. (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste et républicain.)