M. Georges Labazée. Nous allons l’appeler !
M. le président. La parole est à M. Gérard Roche, pour explication de vote.
M. Gérard Roche. Au fil des amendements, c’est toujours le même débat qui revient et ce sont toujours les mêmes convictions et les mêmes arguments de fond qui sont avancés.
Je comprends que les départements soient extrêmement vigilants et prudents, après avoir subi autant de désillusions. Je rappelle qu’en 2007 la loi réformant la protection de l’enfance prévoyait des compensations financières : elles n’ont jamais été versées. Le dernier gouvernement a consenti une compensation d’un montant d’une année, pour solde de tout compte. Or c’est tous les ans que cette somme devrait être allouée aux départements si l’on souhaite conforter les équipes de l’ASE et mettre en place une réelle politique de protection de l’enfance.
Idem pour les jeunes majeurs, qui étaient pris en charge par l’État, par l’intermédiaire de la justice. Il n’était pas question, en effet, qu’ils arrêtent leur vie scolaire après dix-huit ans ni que cesse l’accompagnement. Celui-ci passait alors à la charge de l’État après avoir été supporté par le département. Je ne sais plus si c’était en 2011 ou en 2012 – étant au centre, je m’abstiens de toute politique politicienne –, mais je me souviens que l’on est venu me dire, à l’époque où j’étais président de conseil général : vous aviez 800 000 euros, l’année prochaine ce sera 400 000 euros, mais l’année n+2 vous n’aurez plus rien, et vous vous débrouillerez !
Les services de l’ASE réalisent un travail formidable. Il est certes imparfait, car, dans le secteur de la protection de l’enfance, on n’en fait jamais assez, mais il a le mérite d’exister. Ce n’est donc pas comme s’il n’y avait rien avant cette proposition de loi !
Par ailleurs, la décentralisation n’est pas non plus l’indépendance. En matière d’enfance et de protection de l’enfant, il faut des règles homogènes sur l’ensemble du territoire. C’est fondamental.
M. Georges Labazée. En effet !
M. Gérard Roche. Ne transformons pas un texte relatif à la protection de l’enfant en une loi de défense des finances locales ! Les deux problèmes sont différents. Je me sens d’autant plus autorisé à faire ce petit rappel qu’au sein de l’Assemblée des départements de France, l’ADF, sous tous les régimes, j’ai été l’un des présidents les plus vindicatifs – certains, ici, peuvent l’attester – lorsqu’il s’agissait de défendre les finances des départements. Or ici il s’agit de défendre l’enfant.
Qu’il y ait une loi-cadre, une référence sur laquelle se « mouler » pour que la défense de l’enfant soit homogène sur l’ensemble du territoire, j’y suis favorable.
L’amendement présenté par Mme Malherbe me paraît judicieux puisqu’il prévoit un cadre, mais laisse une marge de manœuvre pour des arrangements. En effet, les problèmes liés à l’enfance ne sont pas les mêmes dans les milieux ruraux que dans les banlieues : s’ils y sont souvent plus cachés, ils sont aussi parfois plus graves.
Le débat est donc faussé depuis le début, et il continuera à l’être jusqu’à la fin de l’examen de ce texte si nous n’actons pas qu’il s’agit ici de discuter non pas des finances départementales, mais de la protection de l’enfant.
Lorsque le temps viendra d’examiner les budgets alloués aux conseils généraux pour qu’ils assument leurs missions, ce qu’ils font d’ailleurs très bien avec les moyens qu’ils ont, je ne manquerai pas d’être de leur côté pour les soutenir.
M. le président. Veuillez conclure, mon cher collègue.
M. Gérard Roche. Aujourd'hui, concentrons-nous plutôt sur la situation de l’enfant. C’est lui qu’il faut défendre !
M. le président. La parole est à M. Jean Desessard, pour explication de vote, mais j’invite notre collègue à respecter son temps de parole.
M. Jean Desessard. La tâche sera d’autant plus facile, monsieur le président, que je serai très bref.
Madame la secrétaire d’État, j’ai trouvé votre argumentaire complet, intelligent, pour ne pas dire brillantissime ! (Sourires sur les travées du groupe socialiste et républicain. – Exclamations amusées sur les travées du groupe Les Républicains.)
Vous l’aurez compris, cette appréciation vaudra explication de vote !
M. le président. La parole est à Mme Laurence Cohen, pour explication de vote.
Mme Laurence Cohen. Il est essentiel de bien cadrer le débat pour savoir de quoi il est question ici. À défaut, nous pourrions y passer la nuit !
S’agit-il d’un texte relatif aux départements et à leurs prérogatives ? Examinons-nous une proposition de loi qui porte sur les finances des départements ou un texte sur la protection de l’enfant ?
En ce qui concerne la protection de l’enfance, des améliorations sont nécessaires. Je suis donc très étonnée de constater qu’un certain nombre de nos collègues se sentent attaqués dès que l’on parle d’améliorer la protection de l’enfant ! Nous avons pour mission de voter la loi, d’examiner ce qui va, de prendre la mesure de ce qui ne fonctionne pas et d’essayer ensemble d’améliorer les différents mécanismes.
Dans ma pratique professionnelle, j’ai pu constater des dysfonctionnements. Je me réjouis donc qu’une loi vienne améliorer la prise en charge des enfants. Je n’accuse personne ; c’est un constat, et je me réjouis qu’une loi vienne bientôt améliorer la situation.
Je suis également très contente de découvrir que l’on se soucie sur toutes les travées des finances des conseils généraux. Il m’avait pourtant semblé que, jusqu’à présent, seul le groupe CRC réclamait la fin des restrictions budgétaires. Or le sujet fait visiblement consensus. Nous saurons nous en souvenir pour d’autres propositions de loi !
Quoi qu’il en soit, prévoir qu’« un référentiel approuvé par décret définit le contenu du projet pour l’enfant » coûtera-t-il de l’argent ?
Mme Hermeline Malherbe. Non !
Mme Laurence Cohen. Par conséquent, l’argument financier n’est pas recevable pour demander la suppression de cet alinéa. Soyez logique !
Les différentes interventions ont prouvé que le maintien de cet alinéa donnerait satisfaction à tout le monde. Pourquoi ne vous en trouveriez-vous pas également satisfaite, madame Doineau ?
M. le président. La parole est à Mme Hermeline Malherbe, pour explication de vote.
Mme Hermeline Malherbe. Une fois n’est pas coutume, je suis d’accord avec M. Roche.
J’entends l’inquiétude des conseils départementaux – nous en avons déjà parlé dans cet hémicycle –, mais, je suis d’accord, les finances départementales ne sont pas le sujet du jour. Nous aurons bien d’autres occasions et d’autres textes – notamment le projet de loi de finances – pour les évoquer !
Mme Nicole Bricq. Exactement !
Mme Hermeline Malherbe. En tout état de cause, je ne vois pas en quoi l’élaboration d’un référentiel pouvant être repris par l’ensemble des départements et des professionnels de l’enfance pèserait sur les finances départementales. C’est au contraire une aide qui doit permettre d’économiser du « temps agent ». L’argument financier avancé contre le référentiel n’est donc pas recevable.
Pourquoi donc supprimer cet alinéa ?
M. le président. La parole est à M. le président de la commission.
M. Alain Milon, président de la commission des affaires sociales. Monsieur le président, je souhaite tout d’abord exprimer le mécontentement de la commission des affaires sociales. Le « saucissonnage » des textes est de plus en plus fréquent, et de moins en moins admissible pour nos commissaires.
Lors de l’examen du projet de loi de modernisation de notre système de santé, nous avions déjà repris la séance à vingt-trois heures. Aujourd'hui, la séance, prévue pour vingt et une heures trente, a repris à vingt-deux heures quinze ! Aurons-nous le temps de finir l’examen du texte ce soir ? Je l’ignore. Tout cela commence à être pénible. Je tenais à le signaler, pour que vous puissiez faire remonter notre mécontentement, monsieur le président. (Applaudissements.)
Pour en revenir au fond du débat, je suis d’accord avec M. Roche. La décentralisation donne des compétences aux collectivités territoriales, parmi lesquelles l’aide sociale à l’enfance. Il n’empêche que l’État a pour devoir de faire en sorte que les enfants de la France entière soient protégés. Il importe donc de mettre en place des lois que les collectivités territoriales et chaque citoyen devront appliquer.
Par ailleurs, s’il a été abondamment question cet après-midi de finances, et à juste titre, ce n’est pas le sujet ici. Il s’agit uniquement de prévoir un référentiel définissant un cadre général et national afin de mettre en place un projet pour l’enfant.
Enfin, de nombreux départements, depuis la loi de 2007, n’ont pas mis en place le projet pour l’enfant. L’instauration d’un référentiel national sur lequel chacun des départements s’appuiera obligatoirement pour définir un projet pour l’enfant me paraît une excellente solution.
Je vous demande donc, mes chers collègues, de ne pas voter ces deux amendements.
M. le président. La parole est à Mme Élisabeth Doineau, pour explication de vote.
Mme Élisabeth Doineau. Je ne suis évidemment pas contre le projet pour l’enfant. Nous l’avons d’ailleurs mis en place dans mon département, et nous ne sommes sans doute pas les seuls à l’avoir fait.
Je comprends la volonté d’appliquer à tous les mêmes principes sur le plan national. Néanmoins, en lisant le texte de la proposition de loi, j’ai constaté que de nombreuses mesures, dont celle-ci, seraient définies par décret. J’ai eu le sentiment que les départements se trouvaient dépossédés de la méthode qu’ils auraient à déployer sur leur territoire, et que cette décentralisation à laquelle nous sommes attachés partait en morceaux.
J’accepte de retirer mon amendement, mais il est essentiel de faire confiance aux élus et aux professionnels des départements. Je vous donne rendez-vous dans quelques années pour vérifier si tous les départements auront appliqué le référentiel et défini un projet pour l’enfant. De tels projets sont très importants et doivent surtout être stables pour les enfants. C’est du moins ainsi que nous l’appréhendons dans mon département.
En cas de non-application du dispositif dans certains départements, des contrôles sont toujours possibles.
Cela étant, je retire l’amendement, monsieur le président.
M. le président. L'amendement n° 19 rectifié bis est retiré.
Mme Hermeline Malherbe. Je retire également le mien !
M. le président. L'amendement n° 11 rectifié est retiré.
Je mets aux voix l'article 5, modifié.
(L'article 5 est adopté.)
Article 6
I. – Après l’article L. 223-1 du code de l’action sociale et des familles, il est inséré un article L. 223-1-2 ainsi rédigé :
« Art. L. 223–1–2. – Lorsque l’enfant est accueilli, pour le compte du service d’aide sociale à l’enfance, par une personne physique ou morale, le projet pour l’enfant précise ceux des actes usuels de l’autorité parentale que cette personne ne peut accomplir, au nom de ce service, sans lui en référer préalablement. Il mentionne, à titre indicatif, une liste d’actes usuels que la personne qui accueille l’enfant peut accomplir sans formalités préalables.
« Le projet pour l’enfant définit les conditions dans lesquelles les titulaires de l’autorité parentale sont informés de l’exercice des actes usuels de l’autorité parentale, en fonction de leur importance. »
II. – Avant la dernière phrase du deuxième alinéa de l’article L. 421-16 du code de l’action sociale et des familles, est insérée une phrase ainsi rédigée :
« Il reproduit les dispositions du projet pour l’enfant relatives à l’exercice des actes usuels de l’autorité parentale et à l’information des titulaires de l’autorité parentale sur cet exercice, mentionnées à l’article L. 223-1-2. »
M. le président. L'amendement n° 47, présenté par Mme Campion et les membres du groupe socialiste et républicain, est ainsi libellé :
I. – Alinéa 2
Rédiger ainsi cet alinéa :
« Art. L. 223-1-2. – Lorsque l’enfant, accueilli au service de l’aide sociale à l’enfance, est confié à une personne physique ou morale, une liste des actes usuels de l’autorité parentale que cette personne ne peut pas accomplir, au nom de ce service, sans lui en référer préalablement est annexée au projet pour l’enfant.
II. – Alinéa 3
Supprimer les mots :
, en fonction de leur importance
La parole est à Mme Claire-Lise Campion.
Mme Claire-Lise Campion. Cet amendement vise à réécrire l’alinéa 2 de l’article 6 pour inverser la logique de la liste, dans un souci de simplification. Ainsi, il s’agit d’annexer au projet pour l’enfant la seule liste des actes qui ne peuvent être accomplis sans en référer au service et non en sus la liste des actes que la personne peut accomplir sans formalités.
M. le président. Quel est l’avis de la commission ?
Mme Michelle Meunier, rapporteur. La commission a émis un avis favorable. La formulation retenue est issue de nos travaux de première lecture. Il n’apparaît pas pertinent de prévoir , en plus de la liste négative, une liste indicative positive.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
Mme Laurence Rossignol, secrétaire d'État. La démarche proposée est pertinente puisque son objectif est de faciliter la prise en charge quotidienne de l’enfant. La rédaction sera également plus efficace que celle qui était prévue initialement.
J’émets donc un avis favorable.
M. le président. La parole est à M. le rapporteur pour avis.
M. François Pillet, rapporteur pour avis de la commission des lois constitutionnelles, de législation, du suffrage universel, du règlement et d'administration générale. La commission des lois ne partage pas cet avis.
L’amendement vise en effet à supprimer le principe d’une liste indicative des actes usuels de l’autorité parentale que la personne qui accueille un enfant peut accomplir sans en référer à l’ASE.
Si cet amendement était adopté, nous ne disposerions plus que d’une liste négative des actes qui doivent obligatoirement donner lieu à la consultation de l’ASE.
J’attire l’attention des auteurs de l’amendement sur un point important : ils se proposent de remettre en cause une rédaction que le Sénat avait adoptée dès la première lecture en commission et qui a été ensuite validée par les députés, même si le vote n’avait pas été totalement conforme, une petite modification rédactionnelle ayant été introduite.
Surtout, nous avions fait le choix de compléter la liste négative par une liste positive pour la raison suivante : la liste négative ne lève pas toutes les incertitudes ; elle permet de savoir ce que l’on ne peut pas faire, mais, faute d’être exhaustive, elle ne donne aucun renseignement sur ce qui ne s’y trouve pas. Le risque est donc grand que les personnes, dans le doute et par prudence, préfèrent en référer à l’ASE. Cela revient exactement à la situation actuelle, à laquelle nous nous efforçons pourtant de remédier.
Avec une liste positive, les intéressés seront certains de pouvoir agir sans en référer à l’ASE.
Certes, la liste ne pourra pas être exhaustive et il restera des actes qui ne figureront ni sur la liste négative ni sur la liste positive. Pour ceux-ci, de deux choses l’une : soit on pourra raisonner par analogie par rapport à des actes inscrits sur l’une ou l’autre des listes ; soit on ne le pourra pas, et il faudra alors saisir l’ASE. Celle-ci proposera peut-être une modification de la liste indicative positive, ce qui améliorera la situation pour l’avenir.
L’amendement tend également à supprimer la mention selon laquelle les parents sont informés des actes usuels accomplis, « en fonction de leur importance ».
Encore une fois, j’attire l’attention des auteurs de l’amendement sur le fait que le texte lui-même distingue entre les actes usuels, ceux qui appellent une autorisation de l’ASE, et les autres. Il s’agit uniquement de rendre compte et de ne pas soumettre au même régime d’information, par exemple, l’autorisation de départ en classe de neige et l’achat d’une nouvelle chemise !
Pour cette raison, la commission des lois a émis un avis défavorable.
En conclusion, je tiens à insister sur ce que je disais au début de cette intervention : le texte initial avait été voté par le Sénat, de même que par l’Assemblée nationale. Si nous adoptions cet amendement, nous renoncerions à un vote conforme sur une formule qui donnait satisfaction à nos deux assemblées.
M. le président. Je mets aux voix l’article 6.
(L'article 6 est adopté.)
Article 6 bis
(Non modifié)
À la seconde phrase du troisième alinéa de l’article 373-2-9 du code civil, après le mot : « peut », sont insérés les mots : « , par décision spécialement motivée, ».
M. le président. L’amendement n° 3, présenté par M. Pillet, au nom de la commission des lois, est ainsi libellé :
Supprimer cet article.
La parole est à M. le rapporteur pour avis.
M. François Pillet, rapporteur pour avis. L’article 6 bis vise à imposer au juge aux affaires familiales de motiver spécialement sa décision lorsqu’il décide que le droit de visite du parent qui n’a pas la garde de l’enfant ne peut s’exercer que dans un espace de rencontre.
La situation plus particulièrement visée par cet amendement est celle où « il existe un contexte de violence entre les parents ».
La commission des lois, vous le savez, s’attache toujours à rappeler les textes en vigueur pour éviter l’adoption de dispositions surabondantes. Or, aux termes de l’article 373-2-9 du code civil, le juge aux affaires familiales ne peut imposer le recours à un espace de rencontre, pour l’exercice du droit de visite du parent qui n’a pas la garde de l’enfant, que « lorsque l’intérêt de l’enfant le commande ».
Cette incise impose d’ores et déjà au juge aux affaires familiales de motiver sa décision, puisqu’il doit justifier en quoi l’intérêt de l’enfant commande ce recours, par exemple en faisant état d’un risque de violence contre l’enfant ou de mise en danger de celui-ci. Une obligation de motivation spéciale serait donc surabondante.
D’une manière générale, mes chers collègues, j’attire votre attention sur le fait qu’à vouloir toujours des « décisions spécialement motivées », on finira un jour par penser que, lorsqu’on ne l’aura pas précisé, le juge ne sera pas obligé de motiver sa décision, ce qui est une aberration juridique.
Je conclurai en paraphrasant Montesquieu : il ne faut pas oublier que les mentions inutiles affaiblissent les mentions nécessaires !
M. le président. Quel est l’avis de la commission ?
Mme Michelle Meunier, rapporteur. La commission des affaires sociales a émis un avis favorable, suivant en cela les arguments qui viennent d’être défendus par M. Pillet.
À titre personnel, j’y suis défavorable. L’article 6 bis avait en effet été introduit dans la proposition de loi à la suite d’un drame qui s’est produit à Nantes en mars dernier : un travailleur social avait été poignardé par un homme, en lieu et place de l’ex-conjointe de celui-ci, lors d’une visite médiatisée.
La présence d’un tiers lors de l’exercice du droit de visite a pour but de préserver l’enfant. Toutefois, cette présence, souvent mal acceptée, peut être source de tensions, voire de violences, qui peuvent déboucher sur des drames, comme dans le cas que je viens de citer.
Sans remettre en cause la faculté pour le juge d’apprécier les circonstances, il apparaît donc opportun que la décision d’organiser un tel droit de visite soit spécialement motivée, afin que le juge précise, à l’intention des parties concernées et du service de l’aide sociale à l’enfance, les raisons qui la sous-tendent.
En effet, la médiatisation de la visite peut avoir pour objectif de protéger l’enfant contre la violence potentielle du parent, mais aussi de protéger l’autre parent ou encore d’accompagner le parent dans la construction ou le maintien d’une relation de parentalité.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
Mme Laurence Rossignol, secrétaire d'État. Il aurait presque fallu examiner les articles 6 bis et 6 ter dans l’ordre inverse.
L’article 6 bis concerne les visites dans un lieu de rencontre prescrites par le juge aux affaires familiales, et l’article 6 ter est relatif aux visites médiatisées prescrites par le juge des enfants.
Mme la rapporteur l’a évoqué, on observe une augmentation assez étonnante de la prescription par les juges des visites médiatisées, soit dans un lieu de rencontre lorsqu’un des deux parents a la garde de l’enfant, soit, en application de l’article 375-7 du code civil, en présence d’un tiers désigné par l’établissement ou le service à qui l’enfant est confié.
Pour le coup, ces deux articles visent à permettre aux départements de faire des économies, dans la mesure où la multiplication de ces visites médiatisées pèse lourdement sur l’activité des travailleurs sociaux. Or ni ces derniers ni les enfants ne perçoivent toujours clairement le but de ces visites.
Par ailleurs, comme l’a dit également Mme la rapporteur, il arrive que ces visites médiatisées, lorsqu’elles interviennent dans des contextes de conflit intrafamilial, donnent lieu à des agressions à l’encontre des travailleurs sociaux.
Mme Meunier a rappelé l’affaire de Nantes, dans laquelle un travailleur social a été assassiné par un père à l’occasion de l’une de ces visites. J’ajoute que, samedi dernier, une éducatrice spécialisée a également été agressée par un père dans des circonstances similaires.
Pour résumer ce que nous disent les travailleurs sociaux à propos des visites médiatisées, il n’est pas évident de convaincre les enfants de s’y rendre dans un contexte familial de violence. Par ailleurs, ces visites n’apparaissent pas en elles-mêmes comme étant réparatrices pour l’enfant. Enfin, il faut ensuite « récupérer » un enfant qui a souvent été bouleversé par la visite.
Notre but n’est pas d’interdire ces visites, mais plutôt de donner aux travailleurs sociaux un outil pour comprendre pourquoi une telle mesure a été prescrite et quelle est l’attente du juge en la matière.
Cette compréhension est importante à la fois pour les travailleurs sociaux et pour l’enfant. Il faut aussi que les juges se posent la question de la raison pour laquelle, dans un cas précis, ils prescrivent une visite médiatisée. La mention « par décision spécialement motivée » permettra d’éviter les motivations « copiées-collées » et obligera le juge à rédiger une prescription adaptée à la situation précise de l’enfant.
Les articles 6 bis et 6 ter ont donc pour objet de répondre à cette inflation de demandes et à une situation qui échappe un peu aux travailleurs sociaux, tout en étant génératrice de tensions tant pour les enfants et les mères, dans un contexte de violences, que pour les travailleurs sociaux eux-mêmes.
L’avis du Gouvernement est donc défavorable.
M. le président. En conséquence, l’article 6 bis est supprimé.
Article 6 ter
(Non modifié)
Après le mot : « exige, », la fin du quatrième alinéa de l’article 375-7 du code civil est ainsi rédigée : « notamment dans les situations de violences commises par l’un des parents sur la personne de l’autre parent ou de l’enfant, décider que l’exercice de tout ou partie de ces droits est provisoirement suspendu. Il peut également, par décision spécialement motivée, imposer que le droit de visite du ou des parents ne puisse être exercé qu’en présence d’un tiers désigné par l’établissement ou le service à qui l’enfant est confié, ou par lui quand il a confié l’enfant à un tiers digne de confiance. Les modalités d’organisation de la visite en présence d’un tiers sont précisées par décret. »
M. le président. L’amendement n° 4, présenté par M. Pillet, au nom de la commission des lois, est ainsi libellé :
Rédiger ainsi cet article :
La dernière phrase du quatrième alinéa de l’article 375-7 du code civil est ainsi modifiée :
1° Le mot : « décider » est remplacé par les mots : « , par décision spécialement motivée, imposer » ;
2° Après le mot : « tiers », sont insérés les mots : « qu’il désigne lorsque l’enfant est confié à une personne ou ».
La parole est à M. le rapporteur pour avis.
M. François Pillet, rapporteur pour avis. Cet amendement procède de la même logique que le précédent puisqu’il tend à supprimer les précisions inutiles figurant à l’article 6 ter.
Il n’y a, en effet, aucune raison de préciser que la suspension provisoire de tout ou partie de l’exercice du droit de correspondance ou du droit de visite et d’hébergement des parents de l’enfant placé peut « notamment » être prononcée par le juge « dans les situations de violences commises par l’un des parents sur la personne de l’autre parent ou de l’enfant », plutôt que de mentionner d’autres situations.
Il n’est pas non plus opportun de tenter de dresser la liste exhaustive de ces situations, car, à tous les coups, on en oubliera.
L’amendement vise également à supprimer le renvoi à un décret pour la fixation des modalités d’organisation de la visite en présence d’un tiers. D’un point de vue légistique, le pouvoir réglementaire n’a en effet pas besoin de l’autorisation du législateur pour prendre un tel décret d’application.
Toutefois, après des échanges avec Mme la secrétaire d’État sur ce point, le Gouvernement a déposé un sous-amendement visant à maintenir ce décret.
L’objectif gouvernemental est à l’évidence de prendre l’engagement d’intervenir sur ce sujet. Je ne m’y opposerai pas, mais je proposerai une légère modification rédactionnelle du sous-amendement que Mme la secrétaire d’État va nous présenter. Il s’agirait, concernant les modalités, de remplacer les mots « de fonctionnement » par les mots « d’organisation ». Ainsi parviendrons-nous sur ce point, madame la secrétaire d’État, à un accord total...
M. le président. Le sous-amendement n° 57 rectifié, présenté par le Gouvernement, est ainsi libellé :
Amendement n° 4
Compléter cet amendement par un paragraphe ainsi rédigé:
... - Le quatrième alinéa de l'article 375-7 du code civil est complété par une phrase ainsi rédigée :
« Les modalités de fonctionnement de la visite en présence d’un tiers sont précisées par décret en Conseil d'État. »
La parole est à Mme la secrétaire d'État.
Mme Laurence Rossignol, secrétaire d'État. Ce sous-amendement se justifie par son texte même, monsieur le président.
S’agissant de la modification suggérée par M. le rapporteur pour avis, j’y souscris : « les modalités d’organisation », c’est mieux ! Je rectifie par conséquent le sous-amendement en ce sens.