Mme la présidente. La parole est à M. Michel Le Scouarnec.

M. Michel Le Scouarnec. Madame la présidente, monsieur le secrétaire d’État, mes chers collègues, je prends la parole à la place de ma collègue Évelyne Didier, qui a étudié les questions dont nous débattons avec le sérieux que chacun lui connaît,…

M. Hervé Maurey, président de la commission de l'aménagement du territoire et du développement durable. Tout à fait !

M. Michel Le Scouarnec. … mais qui, aujourd'hui victime d’une extinction de voix, n’est pas en mesure d’intervenir entendre.

La proposition de loi soumise à notre examen vise à clarifier juridiquement la priorité d’emploi reconnue aux ouvriers dockers, priorité que nous souhaitons voir préservée.

Elle est issue d’un travail de concertation approfondi, mené sous l’égide du Conseil général de l’environnement et du développement durable pour répondre à une situation d’urgence. Pendant six mois, ce sont tous les acteurs du secteur de la manutention portuaire qui ont été entendus : syndicats de dockers, représentants des entreprises de manutention, représentants des entreprises utilisatrices de transport de fret, autorités portuaires, membres de l’administration en charge du transport maritime et personnalités qualifiées. Les préconisations présentées par Mme Bonny à l’issue de ce travail sont des propositions d’équilibre, traduisant un consensus entre l’ensemble de ces acteurs.

Or les amendements adoptés en commission sur l’initiative du rapporteur ont profondément modifié le texte, réduisant à néant plusieurs mois de travail et les espoirs de nombreux salariés. Il est suffisamment rare qu’un tel consensus soit obtenu pour que nous, parlementaires, ayons la sagesse d’en prendre acte. C’est pourquoi nous en appelons à la raison et demandons à la majorité du Sénat de bien vouloir reconsidérer sa position, faute de quoi nous serions tentés de penser que certains aimeraient voir la situation se bloquer… Je n’ose l’imaginer !

Je ne doute pas du sérieux du travail accompli par M. le rapporteur ; mais peut-être a-t-il été trop sensible à certaines dissonances et, surtout, à l’idéologie qui veut casser tous les statuts protecteurs pour les salariés.

J’ajoute que certains ont voulu faire peur en laissant croire que tous les accords seraient caducs, alors que la charte ne s’appliquerait que pour l’avenir.

Si la majorité du Sénat ne revient pas à la raison, nous souhaitons que le Gouvernement s’engage à faire adopter à l’Assemblée nationale, à l’issue de la navette parlementaire, un texte conforme à l’accord trouvé grâce au dialogue social et à l’intelligence collective, en d’autres termes un texte qui soit fidèle aux préconisations du rapport Bonny.

Le texte issu des travaux de la commission maintient la clarification juridique consistant à rompre le lien entre priorité d’emploi et présence de dockers intermittents et conserve le travail de définition qui a été opéré, ce dont nous nous réjouissons. Malheureusement, la commission a effacé tous les autres aspects positifs de la proposition de loi.

Ainsi, à l’article 5, elle a supprimé la définition du docker occasionnel, c'est-à-dire un docker dont le contrat est régi par la convention collective unifiée, ce qui revient à favoriser le recours à l’intérim classique. Il y a là une position de principe qui ne résiste pas à l’analyse. Monsieur le rapporteur, dans l’exposé des motifs de l’amendement que vous avez fait adopter par la commission, vous expliquez vouloir lutter contre les corporatismes. Est-ce à dire que votre position est d’abord dogmatique ?

Pour notre part, nous considérons qu’il convient de maintenir la priorité d’emploi des ouvriers dockers occasionnels sur les intérimaires, parce que le statut de docker est associé à une convention collective unifiée qui protège l’ensemble de ces salariés, dans l’intérêt de tous.

Est-il donc si grave de protéger les salariés ?

Par ailleurs, ce régime répond aux objectifs de sécurité et de continuité des opérations de manutention. Il contribue aussi à mieux garantir le savoir-faire spécifique des ouvriers dockers, un savoir-faire d’autant plus précieux que l’amélioration des conditions de chargement et de déchargement de cargaisons qui sont parfois dangereuses est un objectif d’intérêt général.

Nous regrettons également que la commission ait fait le choix de s’abstenir de toute réflexion sur l’avenir du périmètre de la priorité d’emploi, alors que, à l’évidence, celui-ci semble menacé.

L’article 6, supprimé par la commission, prévoyait qu’un décret en Conseil d’État définirait un périmètre de priorité d’emploi justifié par la nécessité de garantir la sécurité des personnes et des biens. Il n’incluait pas dans ce périmètre les entreprises titulaires de titres d’occupation domaniale comportant le bord à quai, renvoyant cette question à une charte nationale conclue entre les organisations d’employeurs et de salariés représentatives du secteur de la manutention portuaire. En effet, toute disposition législative établissant une priorité d’emploi générale serait regardée par l’Union européenne comme une atteinte aux règles de la libre concurrence. C’est d’ailleurs ce même argument que vous invoquez, monsieur le rapporteur, pour ne pas légiférer sur ce point.

Vous arguez également que des discussions sur les qualifications professionnelles requises auront lieu l’année prochaine au sein du comité du dialogue social sectoriel européen pour les travailleurs portuaires, de sorte qu’il conviendrait d’attendre. Nous ne partageons pas votre position. Nous considérons au contraire que la France doit agir vite pour promouvoir son modèle, celui du service public, dans les domaines mettant en jeu la sécurité et l’intérêt général, et qu’elle doit montrer le chemin d’une mise en conformité laissant du champ à la négociation collective.

Ainsi, nous souhaitons que la charte négociée entre en vigueur le plus rapidement possible, afin que le modèle français soit protégé.

Nous appelons également à un débat plus large sur la situation des ports français, dont ni la réforme de 1992 ni celle de 2008 n’ont enrayé le déclin. Alors que la mer recèle des possibilités immenses de développement industriel, comme le soulignent les conclusions du Grenelle de la mer, il serait intéressant d’approfondir l’analyse et les propositions au sujet de l’ensemble du secteur.

Monsieur le secrétaire d’État, mes chers collègues, nous voterons contre la proposition de loi amendée par la majorité sénatoriale. (Applaudissements sur les travées du groupe CRC et du groupe socialiste et républicain.)

Mme la présidente. La parole est à Mme Natacha Bouchart. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains.)

Mme Natacha Bouchart. Madame la présidente, monsieur le secrétaire d’État, mes chers collègues, la proposition de loi tendant à consolider et clarifier l’organisation de la manutention dans les ports maritimes répond à plusieurs enjeux, qui, j’en suis convaincue, doivent être appréhendés avec quelques exigences de bon sens : d’abord, celle de la considération profonde que nous portons au métier de dockers ; ensuite, celle du pragmatisme, qui doit nous guider dans le traitement de ces questions.

Les ouvriers dockers exercent une activité qui reste liée à une culture maritime à laquelle, en tant que maire de Calais, je suis attachée.

Bien sûr, au-delà des symboles, le métier de docker a beaucoup changé au cours des dernières décennies ; mais il a gardé son importance stratégique à mesure que sa technicité s’accroissait. Pouvoir compter sur une main-d’œuvre efficace et compétente est indispensable à notre économie des flux comme à la sécurité des opérations de manutention.

J’ai parlé de pragmatisme. Tel est, en effet, l’esprit qui doit prévaloir dans un secteur économique stratégique pour l’ensemble de notre pays, dont la compétitivité passe aussi par celle de ses ports.

Notre compétitivité passe également par la préservation du consensus social qui s’est construit au cas par cas, au niveau local. Le conflit de MyFerryLink, dont nous sommes récemment sortis à Calais, a rappelé ce que coûtent à une place portuaire des blocages qui pourraient être évités.

Forte de ces convictions, je tiens à formuler plusieurs remarques au sujet de la présente proposition de loi.

D’abord, la résolution de la question soulevée par le conflit de Port-la-Nouvelle est la priorité à laquelle le législateur doit se consacrer.

Alors que le statut d’intermittent est appelé à disparaître dans quelques années, il est essentiel de prévenir d’éventuels conflits qui pourraient résulter de la rédaction inadaptée du dispositif actuel. En dissociant la notion d’intermittence de celle de priorité d’embauche, nous confortons le cadre juridique dans lequel évoluent les ouvriers dockers. Le texte initial de la proposition de loi est à cet égard tout à fait pertinent.

En revanche, je considère, comme notre rapporteur, qu’il importe de ne pas troubler les équilibres fragiles qui existent localement. C’est pourquoi j’estime que notre commission a fait preuve de sagesse en s’en tenant à dissiper le flou juridique actuel, sans ouvrir de nouveaux fronts.

En particulier, l’introduction d’une charte suscite certaines interrogations. Pourquoi créer un dispositif qui instaure une méthode à l’échelon national sans prévoir explicitement de déclinaisons au niveau local ? De ce point de vue, il me semble que la charte est non seulement inutile, mais aussi source d’ambiguïtés et de tensions futures.

Je veux également dire combien les dockers occasionnels constituent une catégorie importante pour les activités de manutention. À Calais, par exemple, le principal opérateur emploie douze dockers professionnels et quarante-deux dockers occasionnels. En cas de surcroît important d’activité, le recours à l’intérim peut porter les effectifs à cent, voire cent cinquante personnes. Quoi qu'il en soit, le professionnalisme des dockers occasionnels leur permet naturellement d’être retenus de manière privilégiée.

À la lumière de cette expérience locale, je n’aurais pas été opposée par principe au renforcement de leur statut, tel que le prévoit le texte transmis par l’Assemblée nationale. Toutefois, ces dispositions ne changeront pas la donne, pas plus que leur suppression !

En résumé, je partage le souci exprimé par M. le rapporteur de soutenir en priorité le métier de docker, en cherchant des solutions aux défauts de la législation actuelle. C’est pourquoi le groupe Les Républicains votera en faveur du texte issu des travaux de la commission.

M. Michel Savin. Très bien !

Mme Natacha Bouchart. Pour le reste, soyons pragmatiques : faisons en sorte de préserver le consensus social indispensable à l’activité portuaire et continuons de renforcer la compétitivité des ports français ! (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains et de l'UDI-UC, ainsi qu’au banc de la commission.)

Mme la présidente. La parole est à M. Michel Canevet, pour le groupe UDI-UC.

M. Michel Canevet. Madame la présidente, monsieur le secrétaire d’État, mes chers collègues, je veux tout d’abord saluer le travail réalisé par la commission de l’aménagement du territoire et du développement durable et par son rapporteur pour améliorer ce texte.

Il y a quelques jours, le Président de la République était au Havre pour rappeler l’importance de la « croissance bleue ». La mer représente en effet un vrai potentiel de développement pour notre pays.

Monsieur le secrétaire d’État, votre responsabilité est d’agir pour que la France puisse soutenir son ambition maritime, ce qu’elle n’a pas toujours fait. Du reste, l’ambition que nous nourrissons pour nos ports, puisque c’est d’eux qu’il est question aujourd'hui, doit s’étendre au secteur de la pêche et aux énergies renouvelables liées à notre espace maritime.

Pour ce qui est du transport maritime, le texte que nous examinons aujourd’hui n’apportera pas des changements révolutionnaires : cette proposition de loi est même de portée plutôt modeste au regard des textes dont nous débattons habituellement au Sénat. Elle succède aux lois de 1941 et de 1947, mais surtout à la loi de 1992 modifiant le régime du travail dans les ports maritimes. Par la suite, deux autres lois ont également été adoptées : la loi relative aux libertés et responsabilités locales de 2004, qui a transféré la gestion des ports aux collectivités territoriales, et la loi de 2008 portant réforme portuaire, qui a créé la notion de « grand port maritime ».

Je l’ai dit, le Président de la République s’est récemment rendu au Havre pour inaugurer le Bougainville, un nouveau porte-conteneurs qui est désormais le plus gros navire de la flotte de commerce française.

S’agissant de notre flotte de commerce, précisément, force est de constater, monsieur le secrétaire d’État, que son importance n’a cessé de décroître depuis la dernière guerre : alors que l’on comptait environ 500 navires de commerce français en 1945, on n’en dénombrait plus que 301 en juillet dernier, dont 125 dédiés à des activités de service maritime. Cela signifie que la flotte dédiée aux activités de transport est extrêmement réduite.

Il est tout à fait anormal qu’un pays qui s’enorgueillit de posséder le deuxième espace maritime le plus étendu du monde l’exploite aussi peu et aussi mal. Il y a là, pour nous tous, un défi à relever !

Cette proposition de loi a été déposée à la suite de différents incidents qui ont impliqué des dockers. Je pense, en particulier, au conflit de la SNCM de 2012, lors duquel il a fallu renflouer un navire, ou encore au conflit qui a éclaté à Port-La-Nouvelle en 2013 et qui est à l’origine du rapport commandé à Mme Martine Bonny, rapport dont cette proposition de loi reprend les conclusions.

D’autres événements survenus dans les ports français ont récemment émaillé l’actualité, comme celui qui a concerné la compagnie maritime Bretagne–Angleterre–Irlande – la BAI – à Ouistreham, lorsque les responsables de cette compagnie ont dû, en avril dernier, prendre les commandes d’un de leurs navires bloqué à quai par les dockers. Je citerai encore le conflit qui a opposé une entreprise céréalière aux dockers à Rouen en août dernier.

Ces conflits montrent non seulement la nécessité d’évoluer sur le sujet, mais aussi de l’aborder avec beaucoup de souplesse.

Pour ma part, à la différence de M. Dantec, je ne crois pas avoir entendu M. le rapporteur expliquer qu’il fallait respecter l’identité culturelle de chaque port. Néanmoins, je pense que l’on doit tenir compte de la diversité portuaire de notre pays. Il importe de ne pas aborder la problématique de la manutention portuaire de manière uniforme sur l’ensemble du territoire national ; il faut prendre en compte les spécificités et les pratiques de chacun des ports français, et vos propositions, monsieur le rapporteur, vont dans ce sens.

Disons-le clairement, malgré la façade maritime très étendue dont dispose notre pays, nos ports n’ont pas, aujourd’hui, l’activité à laquelle on pourrait s’attendre. En effet, on le sait bien, les principaux ports en Europe sont ceux de Rotterdam, d’Anvers ou d’Amsterdam.

En France, les principaux ports demeurent Marseille, Le Havre – on parle désormais d’HAROPA, ce groupe d’intérêt économique qui rassemble le Havre, Rouen et Paris – et Dunkerque. Mais seul le premier apparaît parmi les cinquante premiers dans le classement mondial des ports, et il est loin de la tête. Cela est absolument anormal !

Il reste, en vérité, beaucoup à faire pour que nos ports soient compétitifs. S’ils ne sont pas bien classés dans la hiérarchie mondiale, c’est notamment parce que les armateurs se sont tournés vers des ports leur proposant des services sans doute plus appropriés, et leur assurant probablement aussi une fiabilité beaucoup plus grande en matière de manutention. Les exemples que je donnais à l’instant montrent que notre pays a, hélas ! dû faire face à des mouvements sociaux qui ont altéré cette fiabilité.

Nous devons donc faire en sorte que la compétitivité de nos ports se renforce. Cela signifie que nos entreprises doivent être compétitives au niveau tarifaire, afin de pouvoir faire face à la concurrence internationale. Car s’il est un domaine dans lequel cette concurrence joue, c’est bien celui du transport maritime, qui assure 80 % des échanges internationaux de marchandises !

Monsieur le secrétaire d’État, cette compétitivité résultera de l’alignement de nos coûts sur ceux que supportent les ports étrangers les plus proches de la France. C’est ainsi que le trafic maritime passera moins par ces ports et davantage par les ports français.

Monsieur le rapporteur, je vous remercie des adaptations que la commission a apportées à ce texte. Elles favorisent, je l’ai dit, cette plus grande souplesse qui est au cœur de nos préoccupations.

En conclusion, j’ajouterai, monsieur le secrétaire d’État, que nos ports doivent pouvoir bénéficier d’investissements technologiques afin qu’ils soient plus compétitifs à l’avenir ! (Applaudissements sur les travées de l'UDI-UC et du groupe Les Républicains, ainsi qu’au banc de la commission.)

(M. Claude Bérit-Débat remplace Mme Jacqueline Gourault au fauteuil de la présidence.)

PRÉSIDENCE DE M. Claude Bérit-Débat

vice-président

M. le président. La parole est à M. le secrétaire d'État.

M. Alain Vidalies, secrétaire d'État auprès de la ministre de l'écologie, du développement durable et de l'énergie, chargé des transports, de la mer et de la pêche. . Je remercie l’ensemble des intervenants. Chacun a pu faire valoir l’approche qui lui est propre.

Je souhaiterais tout d’abord rappeler que, dans cette affaire, nous devons avoir deux objectifs.

Le premier est celui de la sécurité des ports. À cet égard, tout le monde semble s’être accordé pour reconnaître que le professionnalisme des dockers est un atout pour les ports de notre pays.

Le second objectif a trait à la concurrence.

Si salariés et patrons sont parvenus à un accord, c’est bien que leur démarche était inspirée par cette double préoccupation, même si les deux parties n’ont peut-être pas fixé les mêmes priorités derrière ces objectifs !

On défend les principes de libre entreprise ou de liberté de commerce, mais encore faut-il que la concurrence soit loyale, que les règles soient les mêmes pour tout le monde. Le concept de concurrence loyale est très intéressant, car celle-ci, d’un côté, emporte des conséquences sociales – la concurrence déloyale implique souvent la mise en cause d’un certain nombre de règles sociales – et, d’un autre côté, suppose le respect des règles de la concurrence, c’est-à-dire le principe d’une compétition à armes égales.

Que trouve-t-on à l’origine du problème et quelle vision en ont les uns et les autres ?

Du point de vue des salariés, les pratiques concurrentielles mettent en cause ce qu’ils regardent comme un statut ainsi que l’esprit qui découle du droit social positif.

C’est sur la vision qu’ont les patrons à cet égard que nous avons un désaccord. Je n’approuve pas du tout la démarche suivie par la commission et la majorité sénatoriale sur ce point. En effet, si un accord a été possible, c’est aussi parce qu’un certain nombre d’entreprises ont constaté que la concurrence était faussée du fait de pratiques sociales qui ne respectent pas ce qui devrait constituer la règle commune.

Après que Mme Bonny a été désignée pour conduire la réflexion et formuler des propositions, il y avait deux issues possibles.

On pouvait choisir celle de la « loi de la jungle » : chacun fait ce qu’il veut et on verra bien ce qu’il adviendra… Dans cette hypothèse, un certain nombre d’acteurs économiques auraient été tentés d’utiliser le paramètre social comme facteur de concurrence, afin de faire la différence dans la compétition que les entreprises se livrent à travers les prix. On se serait alors retrouvé dans une situation de conflit entre entreprises et organisations représentatives des salariés.

Mais, aujourd’hui, nous ne sommes tout de même pas devant une page blanche ! Nous n’abordons pas ce débat en nous demandant ce qu’il est possible de faire pour améliorer les choses. Si cela avait été le cas, j’aurais compris votre démarche, monsieur le rapporteur ! Nous aurions été dans la situation habituelle où le Parlement délibère hors de toute contrainte. Mais, en l’occurrence, notre réflexion doit prendre en compte deux réalités que personne ne peut ignorer.

Tout d’abord, nous avons connu un conflit grave. Ce sont, du reste, les parlementaires concernés par celui-ci, monsieur le président de la commission, qui sont à l’origine de cette proposition de loi, et c’est bien normal.

Ensuite, nous sommes en présence d’un accord signé à la fois par les salariés et par l’UNIM, l’Union nationale des industries de la manutention, qui représente les intérêts patronaux dans les ports français, intérêts dont, mesdames, messieurs les sénateurs de la majorité sénatoriale, vous entendez vous faire les défenseurs. Mais vous le faites en allant au-delà de la position que ces patrons ont eux-mêmes adoptée. Comprenez que nous soyons interloqués !

À la rigueur, nous aurions pu nous emparer de la première de ces deux réalités, puisque le Parlement peut être amené à intervenir à ce niveau. Cependant, nous nous trouvons devant un cas de figure auquel nous pourrions être confrontés de plus en plus souvent à l’avenir, et je vous invite, mesdames, messieurs les sénateurs, à y être très attentifs.

Au fond, je crois que l’évolution de notre société nous conduira assez fréquemment à rencontrer des situations dans lesquelles tout ne figurera pas nécessairement dans la loi ou dans un cadre juridique extrêmement strict et où il faudra faire confiance aux acteurs – sans que cette confiance soit aveugle, bien sûr – lorsqu’un accord majoritaire aura été conclu.

Lorsque les acteurs sur le terrain, opposés parfois par des intérêts contradictoires, annonceront qu’ils ont trouvé une solution, oui, nous aurons à nous interroger sur ce que doit faire le Parlement !

Ce problème ne date d’ailleurs pas d’aujourd’hui : en tant que parlementaire, alors même que je me trouvais dans l’opposition, je me rappelle la réaction que j’avais eue – on me l’a parfois reprochée – face à l’accord conclu sur la rupture conventionnelle du contrat de travail. J’étais alors plutôt hésitant sur l’intérêt de l’introduction d’une telle disposition dans le droit positif. Toutefois, alors porte-parole de mon groupe, j’avais déclaré qu’il fallait respecter cet accord parce qu’il était majoritaire – il avait été signé par tous les syndicats, à l’exception de la CGT.

Nous touchons là, me semble-t-il, au cœur du problème. En matière de démocratie sociale, il ne s’agit pas simplement d’être croyant ; il faut aussi être pratiquant ! (Sourires.) Or, bien évidemment, la mise en pratique est souvent ce qu’il y a de plus exigeant.

Ainsi – je réponds à l’intervention de Mme Natacha Bouchart –, lorsque l’on m’oppose le pragmatisme, tout en expliquant en fin de démonstration qu’il faut, pour ce motif, remettre en cause l’accord survenu entre les partenaires sociaux, je me dis que l’on peut aussi avoir de cette notion une lecture politique. Le pragmatisme que, pour sa part, le Gouvernement défend consiste à enregistrer l’accord !

Certes, on pourrait considérer que certaines précisions juridiques méritaient d’être apportées. Toutefois, cet accord est un bon signal pour la société française. Face à la situation que nous connaissons, ceux qui, peut-être, ont davantage la préoccupation de la compétitivité, comme l’UNIM, l’Union nationale des industries de la manutention dans les ports français, et ceux qui défendent les salariés – tout à fait légitimement, puisque cela entre bien dans les attributions syndicales –, nous montrent une porte de sortie, à l’issue de trente séances de travail ! On peut donc y voir aussi un très bon indicateur pour un certain nombre de conflits futurs.

Je l’ai dit, ce débat ne porte pas sur la légitimité. Une telle discussion n’aurait pas lieu d’être dans une République, la seule légitimité qui vaille étant la vôtre, mesdames, messieurs les sénateurs. Nous sommes dans une discussion politique. Ce n’est pas la première de ce genre et, me semble-t-il, nous serons régulièrement confrontés à ce type de situations dans les années à venir.

Vous l’avez donc compris, le Gouvernement en fait une question de principe, non pas parce que c’est la seule solution – tout est toujours possible –, mais parce que nous nous trouvons probablement à un croisement dans notre histoire sociale. Lorsque des partenaires sociaux sont capables de nous dire qu’ils vont prendre la situation en main, il vaut mieux y regarder à deux fois avant de rejeter leur proposition, au motif qu’il faudrait recommencer le travail pour répondre à d’autres exigences juridiques.

C’est une fausse route que nous propose aujourd'hui la majorité sénatoriale, et je confirme, notamment à l’attention de M. Michel Le Scouarnec, que le Gouvernement est déterminé à aller jusqu’au bout sur ce texte. (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste et républicain, ainsi que sur quelques travées du groupe CRC.)

M. le président. La discussion générale est close.

Nous passons à la discussion du texte de la commission.

proposition de loi tendant à consolider et clarifier l’organisation de la manutention dans les ports maritimes

Discussion générale (suite)
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Article 2

Article 1er

(Non modifié)

L’article L. 5343-1 du code des transports est ainsi rédigé :

« Art. L. 5343-1. – Dans les ports maritimes de commerce, les travaux de manutention portuaire sont réalisés par des ouvriers dockers, dans les conditions fixées au présent chapitre. »

M. le président. Je mets aux voix l'article 1er.

(L'article 1er est adopté.)

Article 1er
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Article 3

Article 2

(Non modifié)

Après le mot : « mensualisés, », la fin du dernier alinéa de l’article L. 5343-2 du code des transports est ainsi rédigée : « au sens de l’article L. 5343-3, soit intermittents, au sens de l’article L. 5343-4. » – (Adopté.)

Article 2
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Article 4

Article 3

L’article L. 5343-3 du code des transports est ainsi rédigé :

« Art. L. 5343-3. – Les ouvriers dockers professionnels mensualisés sont les ouvriers qui, afin d’exercer les travaux de manutention portuaire mentionnés à l’article L. 5343-7, concluent avec une entreprise ou avec un groupement d’entreprises un contrat de travail à durée indéterminée.

« Ce contrat de travail est régi par la convention collective nationale applicable aux entreprises de manutention portuaire.

« Les entreprises de manutention portuaire ou leurs groupements recrutent en priorité les ouvriers dockers professionnels mensualisés parmi les ouvriers dockers professionnels intermittents, s’il en reste sur le port, puis parmi les ouvriers dockers occasionnels qui ont régulièrement travaillé sur le port au cours des douze mois précédents.

« Les ouvriers dockers mensualisés issus de l’intermittence conservent leur carte professionnelle et restent immatriculés au registre mentionné au 1° de l’article L. 5343-9 tant qu’ils demeurent liés par le contrat de travail mentionné au premier alinéa du présent article. Ils conservent leur carte professionnelle lorsque ce contrat de travail est rompu à l’issue de la période d’essai ou du fait d’un licenciement pour motif économique, si ce licenciement n’est pas suivi d’un reclassement ou s’il est suivi d’un reclassement dans un emploi d’ouvrier docker professionnel.

« Lorsque le licenciement intervient pour une autre cause, le bureau central de la main-d’œuvre, institué par l’article L. 5343-8, décide, dans des conditions définies par voie réglementaire, si l’intéressé conserve sa carte professionnelle ou non. »