M. le président. La parole est à M. Jean-Pierre Sueur.
M. Jean-Pierre Sueur. Monsieur le président, les membres du groupe socialiste et républicain voteront bien entendu tous ensemble ce texte, ainsi que l’a expliqué notre président, Didier Guillaume.
Mes chers collègues, pourquoi votons-nous ce texte ? Parce qu’un ordre a été donné à des assassins, qui l’ont exécuté. Cet ordre est le suivant : tuer des Français, des personnes vivant en France, n’importe qui, n’importe où et n’importe quand. Et nous savons tous que cela peut recommencer - n’importe qui, n’importe où, n’importe quand.
Dans ces circonstances, il faut prendre les responsabilités que, avec M. le Premier ministre, vous avez sollicitées de notre part à juste titre, monsieur le ministre, conformément à ce qu’a annoncé le Président de la République.
Ce texte est extrêmement réaliste ; il est mesuré par rapport aux conséquences potentielles. S’agissant, par exemple, du bracelet électronique, le texte est totalement conforme aux décisions du Conseil constitutionnel.
En outre, il ne porte aucunement atteinte à la liberté de la presse, comme vient de le dire David Assouline.
Enfin, ainsi que l’a rappelé l’une de nos collègues, l’interdiction de tous les sites faisant l’apologie du terrorisme figure déjà dans la loi sur le terrorisme. C’est une décision totalement responsable.
J’ajouterai que des mesures de protection sont maintenues pour les journalistes, les avocats, les magistrats et les parlementaires.
Enfin, je tiens à relire le troisième alinéa de l’article 4, auquel vous avez contribué, monsieur le rapporteur, ainsi que votre homologue de l’Assemblée – je m’associe à tout ce qui a été dit précédemment à cet égard : « L’Assemblée nationale et le Sénat sont informés sans délai des mesures prises par le Gouvernement pendant l’état d’urgence. Ils peuvent requérir toute information complémentaire dans le cadre du contrôle et de l’évaluation de ces mesures. »
Monsieur le président du Sénat, monsieur le rapporteur, nous allons travailler ensemble, semaine après semaine, à la mise en place de ces mesures, afin que nous soyons informés et que nous exercions comme il est légitime, monsieur le ministre, nos missions de contrôle, de telle manière que, au service de nos concitoyens et de leur nécessaire protection, nous conciliions la sécurité et la liberté ! (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste et républicain. – M. Guillaume Arnell applaudit également.)
M. le président. La parole est à Mme Leila Aïchi.
Mme Leila Aïchi. Monsieur le président, monsieur le ministre, monsieur le rapporteur, mes chers collègues, nous sommes dans un moment d’une extrême gravité.
En effet, il s’agit là d’un texte particulièrement difficile, dans la mesure où il touche directement au cœur de notre démocratie, aux libertés individuelles et aux libertés publiques qui font la grandeur de la France.
Ce projet de loi s’inscrit également, dans notre pays, dans une tendance de fond qui, depuis quelques années, donne la primauté à une réponse uniquement sécuritaire face à des enjeux dont nous savons tous pertinemment qu’ils sont éminemment complexes. Nous le regrettons et nous resterons vigilants.
Néanmoins, après le déchaînement de violence, de haine et de barbarie que notre jeunesse a subi, nous devons, en tant que représentants de la Nation, nous montrer à la hauteur de la situation.
C’est pourquoi, bien qu’ayant personnellement quelques préventions, j’ai décidé, en conscience et en responsabilité, de voter pour ce texte.
Toutefois, il ne doit en aucun cas nous acquitter d’une réflexion globale, multidimensionnelle et de long terme pour le devenir de notre société. De même, il ne doit également en aucun cas nous acquitter d’une réflexion globale sur nos relations internationales, eu égard aux enjeux stratégiques.
Mes chers collègues, les débats législatifs et la vie institutionnelle sont une chose, mais je tenais à vous alerter sur la responsabilité qui est la nôtre vis-à-vis des Françaises et des Français dans leur ensemble.
Évitons de céder à la tentation facile de verser dans l’angélisme ou dans la démagogie, mais au contraire unissons-nous contre tous les extrémismes qui assaillent notre société et qui cherchent à la fragiliser, à la diviser, à la déshumaniser.
Il y va de notre conscience et de l’honneur de notre République, afin de donner tout son sens à la devise qui est la sienne : Liberté, Égalité, Fraternité ! (Applaudissements sur les travées du groupe écologiste et sur certaines travées du groupe socialiste et républicain. – Mme Jacqueline Gourault et M. Guillaume Arnell applaudissent également.)
M. le président. La parole est à M. Martial Bourquin.
M. Martial Bourquin. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, voilà une semaine, des attentats d’une violence extrême ont été perpétrés, entraînant des dizaines de morts et plongeant le pays dans la stupeur. Nous avons été vraiment heureux de voir le Président de la République prendre immédiatement la situation en main en déclarant l’état d’urgence, mesure qui s’est immédiatement concrétisée par une réaction très forte des forces de l’ordre ayant abouti à ce que des terroristes soient éliminés, d’autres pourchassés pour éviter des attentats en préparation.
On parlait à l’instant de durée des mesures, rappelant le passé et l’histoire. Il faut savoir entendre ces interrogations, mais sans se dissimuler que la lutte ici engagée contre Daech n’est pas une lutte comme les autres. C’est une armée, avec des ramifications, qui est en face. Battre le terrorisme requiert du temps et il faut pour ce faire proroger l’état d’urgence.
Je dois vous dire, pour avoir récemment eu, moi aussi, de nombreux contacts avec ma population, dans l’est de la France, que le pays attend de ses élus de telles décisions : il attend du Parlement qu’il prenne toute la responsabilité qui est la sienne. Face au danger, il nous faut protéger nos populations. C’est ce que nous faisons.
Je voudrais aussi rendre hommage aux forces de l’ordre, au personnel soignant, à toutes celles et à tous ceux qui ont contribué par leur action à sauver des vies.
Aujourd’hui, c’est avec une grande émotion que nous prenons cette responsabilité.
Nous nous apprêtons à voter un texte équilibré entre la nécessaire sauvegarde des libertés et la non moins nécessaire prolongation de l’état d’urgence, pour faire face à un ennemi qui n’a que faire des libertés et qui s’en prend à la République française.
Eh bien, aujourd’hui, la République française a une responsabilité : faire en sorte que ses ennemis soient éliminés et que nous puissions au plus vite vivre de nouveau en liberté.
Voilà pourquoi, comme tous mes collègues du groupe socialiste et républicain, je voterai ce texte équilibré, qui va permettre au Gouvernement et à nos forces de sécurité de prendre la mesure de l’ennemi pour mieux l’éliminer.
Oui, nous avons besoin de liberté. Oui, les grandes valeurs de la République, la liberté, l’égalité, la fraternité et la laïcité doivent être garanties ! (Applaudissements sur plusieurs travées du groupe socialiste et républicain.)
M. le président. La parole est à Mme Éliane Assassi.
Mme Éliane Assassi. Comme je l’ai fait devant le Congrès, à Versailles, je tiens à mon tour à rendre hommage à toutes celles et à tous ceux qui se sont mobilisés pour sauver des vies, il y a de cela une semaine, ainsi qu’aux forces de police qui étaient présentes sur le terrain, à Saint-Denis, il y a quelques jours.
Plus largement, je tiens à saluer nos services publics. Nous avons, en France, de grands services publics.
M. Jean-François Husson. Et privés ! C’est aussi cela, la France !
Mme Éliane Assassi. Il faut les protéger, en leur allouant les moyens dont ils ont besoin. Or, aujourd’hui, un certain nombre d’entre eux souffrent d’une réduction drastique de crédits.
M. Jean-François Husson. Oh ! Ce n’est pas le moment !
Mme Éliane Assassi. Si, précisément, c’est le moment, c’est même toujours le moment ! On peut faire de grands discours pour se féliciter de l’action des services publics…
M. Jean-François Husson. … et privés !
Mme Éliane Assassi. Je ne nie pas du tout leur rôle, mais mon propos porte plus spécifiquement sur les services publics, cher collègue.
On peut, je le répète, se féliciter à longueur de discours de l’action de nos services publics, mais voter tout de même la réduction drastique des moyens qui devraient leur être accordés.
M. Jean-François Husson. Affligeant…
Mme Éliane Assassi. À mon sens, le temps du débat parlementaire a pour vocation d’aider nos concitoyens à mieux comprendre la situation et les raisons nous imposant de légiférer pour modifier la loi de 1955.
Oui, la situation est extrêmement grave. Elle exige que nous prenions des mesures. C’est la raison pour laquelle nous avons voté l’article 1er du présent texte, lequel proroge l’état d’urgence de trois mois.
Pour autant, nous persistons à refuser le déséquilibre entre, d’une part, la sécurité et, de l’autre, les libertés collectives et individuelles.
Nos amendements ont été rejetés : soit ! J’observe néanmoins qu’un certain nombre des questions que j’ai posées lors de la discussion générale sont restées sans réponse. À l’évidence, la volonté de légiférer vite et d’aboutir à un vote conforme a dominé nos débats.
Je me plais à le répéter, à l’instar de plusieurs collègues siégeant sur d’autres travées de cet hémicycle : il est rarement bon de légiférer vite, sous le coup de l’émotion.
Mme Catherine Procaccia. Il n’y a pas que l’émotion !
M. Jean-François Husson. Il s’agit d’autre chose ! C’est la guerre !
Mme Isabelle Debré. Oui !
Mme Éliane Assassi. En l’occurrence, nous sommes face à un cas d’école.
Pour autant, comme vous, mes chers collègues, nous sommes des élus responsables et nous savons prendre nos responsabilités, quelle que soit la situation, particulièrement dans les circonstances dramatiques qu’affronte notre pays. C’est la raison pour laquelle, aucune des sénatrices, aucun des sénateurs du groupe CRC ne votera contre ce texte,…
M. Christian Cambon. C’est déjà quelque chose !
Mme Éliane Assassi. … que cela soit bien clair.
Mais je me tourne vers M. Richard : permettez-moi de vous dire que j’ai horreur du mépris de classe. (M. Alain Richard s’étonne.)
Sachez que je lis beaucoup et que j’écoute beaucoup de musique – même si ce n’est sans doute pas celle que vous écoutez vous-même. (Protestations amusées sur les travées du groupe Les Républicains.).
M. Roger Karoutchi. Moi, je n’écoute plus rien… (Sourires sur les mêmes travées.)
M. le président. Veuillez conclure, ma chère collègue.
Mme Éliane Assassi. Alors, oui, je déteste le mépris de classe !
Enfin, monsieur Lenoir, permettez-moi de vous rappeler la citation exacte de Benjamin Franklin : « Ceux qui peuvent renoncer à la liberté essentielle pour obtenir un peu de sécurité temporaire ne méritent ni la liberté ni la sécurité. » Ce n’est pas tout à fait la phrase que vous avez citée ! (Applaudissements sur les travées du groupe CRC.)
Mme Marie-France Beaufils. Très bien !
M. Jean-Claude Lenoir. Merci, madame Assassi, d’avoir confirmé mes propos !
M. le président. La parole est à M. Jacques Legendre.
M. Jacques Legendre. Bien entendu, je voterai la prorogation de l’état d’urgence.
Nous tous, dans cet hémicycle, sommes bien conscients que nous avons affaire à des assassins déterminés, et que, face à pareille menace, les mots doivent avoir pleinement leur sens.
M. Karoutchi le faisait remarquer, cette guerre ne ressemble à aucune autre.
M. Roger Karoutchi. Tout à fait !
M. Jacques Legendre. Au début, peut-être l’avons-nous appréhendée comme une « drôle de guerre » qui ne nous concernait pas vraiment. À présent, force est de constater que cette guerre nous concerne tous. Il y va de nos valeurs, et il y va de nos vies.
Nous débattons aujourd’hui des mesures à prendre à l’échelle de la France. Mais cette guerre est aussi, à sa manière, une guerre mondiale. (Mme Catherine Tasca acquiesce.) L’attentat qui s’est produit aujourd’hui même à Bamako est, lui aussi, particulièrement inquiétant, et particulièrement triste.
Je viens d’apprendre que, parmi les dizaines de morts que l’on déplore à Bamako, figure un fonctionnaire du Parlement de la fédération Wallonie-Bruxelles, qui, dans le cadre de l’assemblée parlementaire de la francophonie, prenait part à un séminaire de formation de parlementaires et de fonctionnaires parlementaires maliens.
Mme Michèle André. C’est exact !
M. Jacques Legendre. Ce jeune homme a été froidement abattu ce matin. Peut-être l’a-t-on pris pour un Français. Peut-être a-t-on visé les valeurs qu’il incarnait en défendant les techniques de la démocratie parlementaire.
Nonobstant notre profond attachement aux libertés publiques, nous devons bien voir à qui nous avons affaire. (Mme Stéphanie Riocreux opine.) Tout scrupule de notre part, si respectable soit-il, aurait, dans ce contexte, quelque chose d’excessif. Le laisser primer, ce serait donner à ces barbares une possibilité supplémentaire de réussir leurs opérations.
Nous ne pouvons en aucun cas renoncer à être énergiques et efficaces. L’efficacité : voilà la première règle de l’action que nous voulons mener tous ensemble ! (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains.)
M. Christian Cambon. Très bien !
M. le président. La parole est à M. Jean-Claude Requier.
M. Jean-Claude Requier. Héritier de la Gauche démocratique, qui fut le groupe le plus important du Sénat sous la IIIe République, le RDSE est très attaché à la défense des libertés publiques et des libertés fondamentales.
Mais, si nous sommes très sourcilleux sur le sujet des libertés, nous sommes également favorables à la sécurité. Or la sécurité, elle aussi, mérite d’être défendue, qui plus est par les temps qui courent. Il fallait agir vite et avec force : c’est ce qu’ont fait le Président de la République et le Gouvernement, ce dont je les remercie.
Certes, le présent texte restreint certaines libertés, mais le Parlement est associé au contrôle de ces mesures, ce qui permet de concilier liberté et sécurité.
Mes chers collègues, plus que jamais la laïcité doit reprendre le dessus. Il faut lutter contre les dérives des religions et, à cette fin, appliquer strictement la loi de 1905. Ce texte peut paraître ancien, mais il a fait ses preuves. Il est garant des libertés civiles et religieuses.
Je rends hommage aux forces de sécurité et aux personnels soignants et au Gouvernement, derrière lequel toute la Nation, tous les territoires sont rassemblés. Symboliquement, c’est notre collègue Guillaume Arnell, élu de Saint-Martin, donc d’une de nos collectivités d’outre-mer, qui, lors de la discussion générale, a présenté la position du RDSE.
Ainsi, monsieur le ministre, dans ce grand mouvement de solidarité, nous symbolisons l’union entre la métropole et l’outre-mer, c’est-à-dire la Nation rassemblée derrière vous, derrière le Gouvernement ! (Applaudissements sur les travées du RDSE et sur plusieurs travées du groupe socialiste et républicain.)
M. le président. Personne ne demande plus la parole ?...
Je mets aux voix, dans le texte de la commission, l’ensemble du projet de loi prorogeant l'application de la loi n° 55-385 du 3 avril 1955 relative à l'état d'urgence et renforçant l'efficacité de ses dispositions.
En application de l’article 60 du règlement, j’ai demandé, en ma qualité de président du Sénat, que ce vote ait lieu par scrutin public.
Il va y être procédé dans les conditions fixées par l’article 56 du règlement.
Le scrutin est ouvert.
(Le scrutin a lieu.)
M. le président. Personne ne demande plus à voter ?…
Le scrutin est clos.
J'invite Mmes et MM. les secrétaires à procéder au dépouillement du scrutin.
(Il est procédé au dépouillement du scrutin.)
M. le président. Voici, compte tenu de l’ensemble des délégations de vote accordées par les sénateurs aux groupes politiques et notifiées à la présidence, le résultat du scrutin n° 64 :
Nombre de votants | 348 |
Nombre de suffrages exprimés | 336 |
Pour l’adoption | 336 |
Le Sénat a définitivement adopté le projet de loi, à l’unanimité des suffrages exprimés. (Vifs applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains, de l'UDI-UC, du RDSE, du groupe écologiste et du groupe socialiste et républicain.)
La parole est à M. le ministre.
M. Bernard Cazeneuve, ministre. Mesdames, messieurs les sénateurs, permettez-moi de vous remercier toutes et tous, quelles que soient les travées sur lesquelles vous siégez, de l’esprit d’unité nationale qui a présidé à ces débats de qualité, sans que personne, à aucun moment, n’abandonne ses convictions.
Forts de ces dispositions, nous allons poursuivre cette guerre contre le terrorisme. C’est là un combat extrêmement difficile, qui impose une mobilisation de chaque instant et implique que le Gouvernement trouve des forces sur toutes les travées de nos assemblées.
Par-delà ce qui peut nous différencier, lorsque l’essentiel est en jeu, une seule chose compte : c’est l’amour de la France et l’amour de la République ! (Applaudissements.)
M. le président. Mes chers collègues, nous allons maintenant interrompre nos travaux ; nous les reprendrons à vingt et une heures, pour la suite de l’examen des articles de la première partie du projet de loi de finances pour 2016.
La séance est suspendue.
(La séance, suspendue à dix-neuf heures, est reprise à vingt et une heures, sous la présidence de M. Hervé Marseille.)
PRÉSIDENCE DE M. Hervé Marseille
vice-président
M. le président. La séance est reprise.
7
Loi de finances pour 2016
Suite de la discussion d’un projet de loi
M. le président. L’ordre du jour appelle la suite de la discussion du projet de loi de finances pour 2016, adopté par l’Assemblée nationale (projet n° 163, rapport général n° 164).
Dans la discussion des articles de la première partie, nous poursuivons l’examen des dispositions relatives aux ressources.
PREMIÈRE PARTIE (suite)
CONDITIONS GÉNÉRALES DE L’ÉQUILIBRE FINANCIER
TITRE IER (suite)
DISPOSITIONS RELATIVES AUX RESSOURCES
– IMPÔTS ET RESSOURCES AUTORISÉS
A. – Autorisation de perception des impôts et produits
Article 1er
I. – La perception des ressources de l’État et des impositions de toute nature affectées à des personnes morales autres que l’État est autorisée pendant l’année 2016 conformément aux lois et règlements et aux dispositions de la présente loi.
II. – Sous réserve de dispositions contraires, la présente loi s’applique :
1° À l’impôt sur le revenu dû au titre de l’année 2015 et des années suivantes ;
2° À l’impôt sur les sociétés dû au titre des exercices clos à compter du 31 décembre 2015 ;
3° À compter du 1er janvier 2016 pour les autres dispositions fiscales.
M. le président. Je mets aux voix l’article 1er.
(L’article 1er est adopté.)
B. – Mesures fiscales
Article 2
I. – Le I de l’article 197 du code général des impôts est ainsi modifié :
1° Le 1 est ainsi rédigé :
« 1. L’impôt est calculé en appliquant à la fraction de chaque part de revenu qui excède 9 700 € le taux de :
« – 14 % pour la fraction supérieure à 9 700 € et inférieure ou égale à 26 791 € ;
« – 30 % pour la fraction supérieure à 26 791 € et inférieure ou égale à 71 826 € ;
« – 41 % pour la fraction supérieure à 71 826 € et inférieure ou égale à 152 108 € ;
« – 45 % pour la fraction supérieure à 152 108 €. » ;
2° Le 2 est ainsi modifié :
a) Au premier alinéa, le montant : « 1 508 € » est remplacé par le montant : « 1 510 € » ;
b) À la fin de la première phrase du deuxième alinéa, le montant : « 3 558 € » est remplacé par le montant : « 3 562 € » ;
c) À la fin du troisième alinéa, le montant : « 901 € » est remplacé par le montant : « 902 € » ;
d) À la première phrase de l’avant-dernier alinéa, le montant : « 1 504 € » est remplacé par le montant : « 1 506 € » ;
e) À la première phrase du dernier alinéa, le montant : « 1 680 € » est remplacé par le montant : « 1 682 € » ;
3° Au 4, les mots : « 1 135 € et » sont remplacés par les mots : « 1 165 € et les trois quarts de » et les mots : « 1 870 € et » sont remplacés par les mots : « 1 920 € et les trois quarts de ».
II. – À la première phrase du second alinéa de l’article 196 B du même code, le montant : « 5 726 € » est remplacé par le montant : « 5 732 € ».
III (nouveau). – Par dérogation à l’avant-dernier alinéa du I de l’article 1414 A et au premier alinéa du III de l’article 1417 du code général des impôts, en 2016, les montants des abattements prévus au I de l’article 1414 A du même code et des revenus prévus aux I et II de l’article 1417 dudit code sont revalorisés de 2 %. Les montants ainsi obtenus sont arrondis à l’euro le plus proche.
M. le président. La parole est à M. le rapporteur général.
M. Albéric de Montgolfier, rapporteur général de la commission des finances. Monsieur le président, monsieur le secrétaire d’État, mes chers collègues, l’article 2 concerne l’impôt sur le revenu. Je souhaite expliquer en quelques mots les amendements adoptés par la commission des finances.
Nous sommes partis de trois constats.
Le premier constat nous est familier et la commission des finances y a consacré des graphiques très éclairants : en quatre ans, le produit de l’impôt sur le revenu a augmenté de 40 %.
Ce chiffre ne correspond évidemment pas à l’augmentation de la richesse ou des revenus en France, mais c’est seulement le résultat des augmentations d’impôt successives. Citons, par exemple, la réforme des heures supplémentaires, devenues imposables, ou celle du quotient familial. Bref, l’ensemble de ces hausses a conduit à une augmentation importante du produit de l’impôt sur le revenu.
Pourtant, comme l’indiquent très clairement les schémas produits par les services de la commission des finances, le nombre de contribuables a stagné, sinon diminué, durant cette période. C’est le deuxième constat.
Dès lors que le produit de l’impôt augmente très fortement et que le nombre de contribuables diminue, nous assistons à une hyperconcentration de l’impôt sur le revenu, laquelle a été aggravée par les réformes successives. Nous examinerons un amendement défendu par le groupe du RDSE visant à rétablir la première tranche de l’impôt sur le revenu, en mémoire de Joseph Caillaux (Sourires.), et un autre amendement, défendu, lui, par notre collègue Vincent Delahaye, tendant à créer une tranche à 1 %.
Le problème posé par la disparition d’un certain nombre de contribuables de l’assiette de l’impôt sur le revenu a sans doute conduit au dépôt de ces amendements. Avec de moins en moins de foyers fiscaux contributeurs, la concentration de l’impôt sur le revenu se renforce.
Cela explique – c’est le troisième constat – des phénomènes comme l’amplification des départs à l’étranger. Vous nous aviez très aimablement accueillis, Gilles Carrez et moi, pour en parler avec vous au mois de juillet, monsieur le secrétaire d’État. En examinant le dernier rapport remis au Parlement concernant le seul départ de contribuables pour la Belgique, nous constations une accélération du processus due, tout simplement, aux 7 milliards d’euros de hausse de l’impôt sur le revenu depuis 2012.
Tels sont donc nos trois constats de départ : hausse massive du produit de l’impôt en quatre ans, hyperconcentration sur certaines tranches, accélération des départs à l’étranger.
La commission des finances a entendu rééquilibrer cette situation, en adoptant les amendements appropriés.
L’amendement n° I-22 vise ainsi à abaisser le taux marginal de la troisième tranche d’impôt sur le revenu, en le portant de 30 % à 28 %, parce que c’est la tranche qui a accumulé le plus d’impôt : 30 milliards d’euros en 2015 pour 65 milliards d’euros au total. Cette tranche concerne les classes moyennes supérieures, qui ont le plus contribué, sans jamais bénéficier des mesures fiscales que vous n’allez pas manquer de nous rappeler, comme la suppression de la première tranche ou les mécanismes de décote.
La commission des finances propose donc d’abaisser cette tranche de 30 % à 28 %, ce qui permettrait d’alléger l’impôt de plus de 3 millions de foyers fiscaux, avec un gain moyen d’environ 430 euros par foyer. Cette mesure entraînera une perte de recettes de quelque 2,3 milliards d’euros, d’après le chiffrage que vous avez bien voulu nous fournir. Nous l’assumons.
L’amendement n° I-23 est un amendement de justice fiscale à l’égard des familles qui ont été victimes de la réforme des allocations familiales et de la baisse du quotient familial. Il vise à relever le plafond de ce quotient, afin de redonner à ces familles du pouvoir d’achat.
L’amendement n° I-24 tend, quant à lui, à supprimer la réforme de la décote que le Gouvernement propose.
Je présenterai ces amendements de manière plus détaillée au cours de la discussion. Le coût net de l’ensemble de ces mesures s’élève à environ 850 millions d’euros pour l’État.
M. le président. La parole est à Mme Marie-France Beaufils, sur l’article.
Mme Marie-France Beaufils. Monsieur le président, monsieur le secrétaire d’État, mes chers collègues, l’article 2 du présent projet de loi de finances porte sur le barème de l’impôt sur le revenu des personnes physiques.
Cette année, ce barème marque une pause relative dans le mouvement entrepris ces dernières années d’augmentation du rendement de l’impôt sur le revenu. Pour autant, la principale mesure nouvelle est un renforcement de la décote, un dispositif visant à réduire le nombre de contribuables effectivement imposables. Cela ne me semble pas constituer une démarche pérenne susceptible de résoudre les problèmes.
Dans les faits, la situation au regard de l’impôt sur le revenu est connue : les contribuables potentiels sont nombreux – il y a plus de 36 millions de foyers fiscaux –, mais une part importante d’entre eux ne sont pas imposables, en raison de la modicité de leurs ressources.
Pour autant, l’orientation fixée par l’article 2 du projet de loi de finances présente plus d’un défaut, et nous vous proposerons d’autres aménagements. Il nous semble, en effet, que cet article réduit à la portion congrue l’impôt progressif et ménage une place de plus en plus importante aux droits indirects. Or, en examinant la situation des familles, il apparaît que, si l’impôt progressif est faible sur les petits revenus, ce n’est pas le cas des impôts indirects, qui pèsent lourdement. M. le secrétaire d’État le reconnaissait d’ailleurs récemment.
Cet article tend également à faire de la contribution sociale généralisée, ou CSG, le véritable impôt sur le revenu, mais un impôt proportionnel, qui touche plus largement chaque contribuable.
De surcroît, le rendement de la CSG est autrement plus spectaculaire que celui de l’impôt progressif, puisqu’il s’en faut désormais de près de 30 milliards d’euros pour que les cotisations perçues soient équivalentes.
Et on oublie le véritable débat, qui est celui de l’assiette de l’impôt sur le revenu, très restreinte aujourd’hui. En effet, cette assiette est constituée pour 85 % par les salaires ou revenus assimilés et par les pensions et retraites. La seule évolution du taux ne peut donc pas créer les conditions pour plus de justice sociale et fiscale.
Agir sur les taux ou la décote nous paraît donc insuffisant.
Il serait nécessaire, pour respecter véritablement le principe constitutionnel d’égalité devant l’impôt, de poser la question de la prise en compte des revenus du capital et du patrimoine dans l’assiette de l’impôt. Il est donc temps de questionner le devenir des dispositifs divers de correction de l’impôt sur le revenu. Ils constituent autant d’éléments de dévitalisation de l’impôt progressif et, partant, d’injustice sociale.
Par ce propos liminaire, nous formons donc le vœu que soit entamé un véritable travail sur une réforme de l’ensemble de la fiscalité sur le revenu.