M. Philippe Dallier. … en disant craindre qu’une nouvelle majorité ne puisse s’en prendre au régime général.
Ma réponse sera simple, chère collègue : non, non et non ! Ces dernières années, nous avons beaucoup plus réformé pour sauver les régimes de retraite que les majorités de gauche ! (M. Roger Karoutchi marque son approbation.)
Mme Marie-France Beaufils. Vous ne me rassurez pas du tout ! (Sourires sur les travées du groupe CRC et du groupe socialiste et républicain.)
M. Philippe Dallier. Ne craignez rien, nous sommes tout autant que vous attachés à notre régime de retraite. Et si certains salariés peuvent bénéficier d’une meilleure retraite grâce aux dispositifs existants, à l’instar de la Préfon pour les fonctionnaires, c’est tant mieux ! Beaucoup de Français en profitent et y sont attachés. Soyez donc tout à fait rassurée !
M. le président. L'amendement n° I-371 rectifié ter, présenté par MM. Delahaye, Capo-Canellas, Marseille, Canevet, Laurey, Delcros, Zocchetto et les membres du groupe Union des Démocrates et Indépendants - UC, est ainsi libellé :
Après l’article 2 bis
Insérer un article additionnel ainsi rédigé :
I. – Le code général des impôts est ainsi modifié :
1° Après la première phrase du I de l’article 150 VB, est insérée une phrase ainsi rédigée :
« Le prix d’acquisition s’entend également de l’effet de l’érosion de la valeur de la monnaie pendant la durée de détention du bien. » ;
2° Les six premiers alinéas du I de l’article 150 VC sont remplacés par un alinéa ainsi rédigé :
« I. – Pour la prise en compte de l’effet de l’érosion de la valeur de la monnaie mentionnée au I de l’article 150 VB, dans l’établissement du prix d’acquisition, la durée de détention est décomptée : » ;
3° À la première phrase du premier alinéa de l’article 200 B, le taux : « 19 % » est remplacé par le taux : « 9 % » ;
4° Après la première phrase du premier alinéa du même article, il est inséré une phrase ainsi rédigée :
» Pour les cessions intervenant après moins de deux ans de détention, les plus-values réalisées sont, par exception, imposées au taux forfaitaire de 18 % » ;
5° L’article 1609 nonies G est abrogé.
II. – Le code de la sécurité sociale est ainsi modifié :
1° Le I de l’article L. 136-6 est ainsi modifié :
a) Au e, après le mot : « Des plus-values », sont insérés les mots : « de cessions mobilières » ;
b) Après le e, il est inséré un alinéa ainsi rédigé :
« …) Des plus-values de cessions immobilières et de terrains à bâtir soumises à l’impôt sur le revenu ; »
2° Le I de l’article L. 136-8 est ainsi modifié :
a) Au 2° , après la référence : « à l’article L. 136-6 », sont insérés les mots : « à l’exception des plus-values de cessions immobilières visées par son septième alinéa, » ;
b) Après le 2° , il est inséré un alinéa ainsi rédigé :
« …° A 8 % pour les plus-values mentionnées au septième alinéa de l’article L. 136-6 pour les cessions intervenant après moins de deux ans de détention. À 3 % pour les plus-values mentionnées au même alinéa pour les cessions intervenant après plus de deux ans de détention ; »
3° L’article L. 245-16 est complété par un paragraphe ainsi rédigé :
« … – Par exception au I du présent article, les plus-values de cessions immobilières visées au septième alinéa de l’article L. 136-6 sont soumises à un taux de 4 % de prélèvements sociaux pour les cessions intervenant après moins de deux ans de détention. Pour les cessions intervenant après plus de deux ans de détention, le taux de prélèvements sociaux est de 3 %.
« Le produit de ces prélèvements est ainsi réparti :
« 1° Une part correspondant à un taux de 1 % à la Caisse d’amortissement de la dette sociale quelle que soit la durée de détention ;
« 2° Une part correspondant à un taux de 1 % à la Caisse nationale d’assurance vieillesse des travailleurs salariés quelle que soit la durée de détention ;
« 3° Une part correspondant à un taux de 2 % à la Caisse nationale de l’assurance maladie des travailleurs salariés pour les cessions intervenant après moins de deux ans de détention. Pour les cessions intervenant après plus de deux ans de détention, le taux correspondant est de 1 %. »
III. – Le III de l’article 27 de la loi n° 2013-1278 du 29 décembre 2013 de finances pour 2014 est abrogé.
IV. – Les dispositions du présent article s’appliquent aux cessions intervenant à compter du 31 décembre 2016.
V. – La perte de recettes résultant pour l’État des I à IV est compensée, à due concurrence, par la création d’une taxe additionnelle aux droits prévus aux articles 575 et 575 A du code général des impôts.
VI. – La perte de recettes résultant pour les organismes de sécurité sociale visés au II est compensée, à due concurrence, par la création d’une taxe additionnelle aux droits prévus aux articles 575 et 575 A du code général des impôts.
La parole est à M. Vincent Delahaye.
M. Vincent Delahaye. Cet amendement, que nous avions déjà déposé l’an dernier, vise à simplifier la taxation des plus-values immobilières et à la rendre plus efficace économiquement, un impôt simple sur une base plus large étant de nature à favoriser l’augmentation du nombre de transactions.
Le régime actuel prévoit un taux différent pour l’imposition de la plus-value et la CSG, ainsi qu’une durée d’abattement différente : vingt-deux ans pour l’un, trente ans pour l’autre. Ce système complexe favorise la détention longue des biens, ce qui n’est pas très favorable économiquement.
À travers cet amendement, nous proposons de fixer un taux unique de 15 % – 9 % au titre de l’impôt sur le revenu et 6 % au titre de la CSG –, bien plus bas que le taux facial de 34,5 % actuellement en vigueur.
L’an dernier, M. le secrétaire d’État s’était montré intéressé. Il nous avait demandé de nous appuyer sur des simulations afin de démontrer qu’aucune perte de recettes n’en résulterait pour l’État. Au contraire, l’idée est de dégager davantage de recettes grâce à une augmentation du nombre de transactions.
Les premières simulations que nous avons obtenues de Bercy ne nous ont pas satisfaits. Nous avons fini par obtenir un échantillon de 100 000 transactions au premier semestre 2014, sur la base duquel nous avons pu calculer qu’un taux global – impôt sur le revenu et CSG – d’un peu plus de 10 % suffirait pour obtenir le même produit. Or nous proposons ici un taux de 15 %, ce qui garantit un produit au moins équivalent.
La commission des finances avait formulé deux observations. La première portait sur la période transitoire, que nous proposons d’étendre jusqu’au 31 octobre 2016.
La seconde concernait les transactions de court terme, plus spéculatives. Nous proposons donc un doublement du taux à la fois de l’impôt sur le revenu et de la CSG – 30 % – sur les transactions lors des deux premières années, afin de décourager la spéculation de court terme.
Tel est le sens de cet amendement qui me paraît aller dans la bonne direction en termes de fiscalité.
M. le président. Le sous-amendement n° I-422, présenté par M. Bouvard, est ainsi libellé :
Amendement n° I-371 rectifié ter
I. – Alinéa 10
Remplacer le chiffre :
deux
par le chiffre :
trois
II. – Alinéa 20, première phrase
Remplacer le chiffre :
deux
par le chiffre :
trois
III. – Alinéa 20, seconde phrase
Remplacer le chiffre :
deux
par le chiffre :
trois
IV. – Alinéa 22, première phrase
Remplacer le chiffre :
deux
par le chiffre :
trois
V. – Alinéa 22, seconde phrase
Remplacer le chiffre :
deux
par le chiffre :
trois
VI. – Alinéa 26, première phrase
Remplacer le chiffre :
deux
par le chiffre :
trois
VII. – Alinéa 26, seconde phrase
Remplacer le chiffre :
deux
par le chiffre :
trois
La parole est à M. Michel Bouvard.
M. Michel Bouvard. Ce sous-amendement a été déposé après que l’on a débattu de l’amendement n° I-372 rectifié ter en commission et avant que M. Delahaye ne rectifie ce dernier.
Ce sous-amendement, à l’instar de la rectification, vise à éviter les effets d’aubaine. Il s’agit en effet de prévenir certains effets pervers tenant à l’acquisition de terrains préalablement à une modification de documents d’urbanisme, par exemple, afin de réaliser une plus-value substantielle sans être rattrapé par la fiscalité.
Il s’agit également d’un vieux sujet, à l’instar de celui des parachutes dorés ou des retraites chapeaux. Voilà des années que nous tâtonnons sur la définition de ce que peut être ou non le bon régime en matière de plus-value immobilière. Les textes ont été modifiés à de multiples reprises, sans avoir pris la peine de s’assurer que ces changements avaient eu un quelconque effet sur le déblocage du marché du foncier et la libération d’un plus grand nombre de terrains.
À titre personnel, je suis intellectuellement favorable à l’amendement n° I-371 rectifié ter, que je vais voter.
Cela étant, je pense souhaitable de disposer d’une estimation réelle des effets de toutes les mesures d’ajustement du régime des plus-values immobilières prises depuis vingt ans : eu égard à leur environnement économique, quels ont été leurs effets, en bien ou en mal, en termes de libération du foncier ? Une telle estimation me semblerait d’autant plus utile que, sur ce sujet, nous légiférons depuis des années un peu à l’aveugle, sinon dans le brouillard.
M. le président. Quel est l’avis cela commission ?
M. Albéric de Montgolfier, rapporteur général de la commission des finances. Tout au long de cette année, un groupe de travail – je précise qu’il était pluraliste – sur l’immobilier s’est réuni au sein de la commission des finances. Nous avons auditionné des acteurs extrêmement variés dans le domaine du logement, promoteurs ou fiscalistes, par exemple.
Nous pouvons d'ores et déjà partager un constat : il est extrêmement difficile de mesurer l’incidence d’un certain nombre de mesures fiscales, qu’il s’agisse de tous les régimes d’immobilier aidé ou des abattements en matière de plus-value immobilière. En clair, nous n’avons pas pu mesurer d’effet direct de ces mesures, notamment concernant les abattements exceptionnels sur les plus-values immobilières.
Un abattement exceptionnel est actuellement en vigueur jusqu’au 31 décembre 2015 sur le fait de donner un terrain à bâtir ; d’autres abattements exceptionnels à durée limitée ont également cours. Or personne n’est capable de démontrer que ces mesures, qui ont un coût, produisent un quelconque effet, notamment en termes de nombre de transactions.
Par ailleurs, des dispositifs de surtaxe sont venus complexifier le système. Taxes sur les plus-values élevées, abattements, exonérations : force est de constater que le régime est devenu extrêmement complexe et que, comme le soulignait à l’instant Michel Bouvard, nous sommes incapables de faire le bilan de ces abattements exceptionnels ou de ces surtaxes.
En outre, le régime des plus-values immobilières reste fondamentalement complexe. Le Gouvernement dit l’avoir réformé, prétendant que les exonérations interviennent après vingt-deux ans de détention. Mais non ! Cela reste bien trente ans en matière de CSG et de prélèvements sociaux ! Pourquoi une telle différence ?
Au travers de cet amendement, Vincent Delahaye pose une question essentielle sur notre système de taxation des plus-values, qui favorise la détention longue et incite les propriétaires à conserver leurs biens. Dans la mesure où ce système exonère les propriétaires, de fait, au-delà de trente ans de détention, ceux-ci ne sont absolument pas incités fiscalement à céder leurs biens. Cela n’accélère pas la rotation des transactions, puisque ne sont pas mis sur le marché des logements ou des terrains dont on a besoin pour la construction.
Ainsi, le système va sans doute à l’encontre de son objectif. C’est la raison pour laquelle il convient d’encourager un mécanisme qui ne tienne pas compte de la durée de détention, afin de favoriser les transactions.
J’ajoute qu’il existe deux bornes constitutionnelles en la matière : l’érosion monétaire, dont nous tenons compte, et le caractère non confiscatoire. Le système proposé a été conçu pour susciter autant de recettes que l’ancien dispositif, mais la conviction de la commission est qu’il en produira plus.
La commission avait émis un avis de sagesse bienveillante sur cet amendement, dont les dispositions prévoient, comme nous le souhaitions, une période transitoire jusqu’au 31 décembre 2016 et une taxation des plus-values réalisées après deux ou trois ans de détention, de façon à éviter les spéculations des marchands de biens, à savoir les allers et retours très rapides en matière d’immobilier.
Les dispositions du sous-amendement n° I-422 vont exactement dans le sens souhaité par la commission, qui a souhaité régler la question de la période transitoire. Le dispositif proposé prévoit en effet que les propriétaires envisageant de vendre et bénéficiant à l’heure actuelle d’une exonération disposent encore d’un an, jusqu’au 31 décembre 2016, pour réaliser leur transaction sans être taxés ; ensuite, c’est le nouveau système qui prendra le relais.
L’objet de ce sous-amendement est d’éviter que les transactions bénéficient d’un effet d’aubaine, en portant à trois ans la durée minimum de détention pour bénéficier du nouveau système. Je ne sais pas si l’auteur de l’amendement et celui du sous-amendement se mettront d’accord sur cette durée minimum de détention. En tout cas, je le répète, la commission souhaite éviter un achat suivi d’une revente immédiate, qui bénéficierait de fait d’un régime fiscal extrêmement favorable.
M. Michel Bouvard. Tout à fait. Il faut éviter les dérives crapuleuses !
M. Albéric de Montgolfier, rapporteur général de la commission des finances. J’émets donc un avis de sagesse positive sur le sous-amendement n° I-422, ainsi que sur l'amendement n° I-371 rectifié ter.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. Christian Eckert, secrétaire d'État. Monsieur le rapporteur général, vous venez de l’expliquer vous-même, il est impossible de dresser le bilan des mesures qui ont été prises, quels que soient les gouvernements concernés. Dès lors, comment voulez-vous renforcer des dispositifs dont vous ne savez pas vous-mêmes évaluer les effets ?
Au reste, il est normal de rencontrer des difficultés en la matière, puisque les différents dispositifs adoptés ces dernières années, par des majorités de droite ou de gauche, s’inscrivent dans des contextes qui ont complètement changé : la crise, l’évolution favorable, mais brutale, des taux d’intérêt… Tant de facteurs interviennent sur ce marché qu’il est difficile d’apprécier la part de la fiscalité en la matière.
De mon côté, pour avoir rencontré un grand nombre d’acteurs dans ce domaine, je sais qu’ils nous demandent d’abord de la stabilité.
M. Philippe Dallier. C’est vrai !
M. Christian Eckert, secrétaire d'État. Ils nous exhortent à cesser de changer les règles. Vous le dites vous-mêmes, nous n’avons apporté la démonstration ni de l’efficacité ni même de l’inefficacité des dispositifs existants. Parallèlement, tout le monde nous dit de laisser vivre le régime des plus-values. Je ne vois donc pas pourquoi vous le voulez le bouleverser avec cet amendement.
Vous allégez la fiscalité sur les transactions de courte durée. Finalement, alors que la taxation disparaissait au bout de vingt-deux ans pour l’imposition sur le revenu et de trente ans pour les cotisations sociales, elle subsistera – on paiera toujours –, quelle que soit la durée de détention, même si, je l’ai bien noté, le mécanisme de l’érosion monétaire doit être pris en compte.
Vous affirmez que l’adoption de cet amendement ne pèsera pas sur le budget de l’État. Pour notre part, nous évaluons son coût à quelque 800 millions d’euros. (Exclamations sur les travées de l'UDI-UC et du groupe Les Républicains.) Mesdames, messieurs les sénateurs, j’assume une telle évaluation : vous avez fait vos calculs, nous faisons les nôtres.
Certes, je connais le discours – je l’ai d’ailleurs entendu à l’instant – qui consiste à dire qu’un tel système multipliera le nombre de transactions, ce qui augmentera les recettes de l’État.
Toutefois, le Gouvernement ne comprend pas le sens de cet amendement, qui vise un secteur pour lequel tout le monde demande de la stabilité. Il faut bien le reconnaître, nous sommes tous quelque peu interrogatifs. Certains veulent des chocs d’offre, d’autres des chocs fiscaux dissuasifs… Ce n’est d’ailleurs pas une question de gauche ou de droite : j’entends ces demandes depuis plusieurs années.
Je pense que la sagesse qui caractérise votre assemblée serait de ne pas légiférer sur ce point à ce stade et de laisser vivre les dispositifs mis en place. Vous le savez, le secteur s’adapte assez bien à la complexité, même si elle est parfois regrettable.
Le Gouvernement émet donc un avis défavorable sur le sous-amendement n° I-422 et sur l'amendement n° I-371 rectifié ter.
M. le président. La parole est à M. Philippe Dallier, pour explication de vote.
M. Philippe Dallier. Monsieur le secrétaire d’État, vous avez raison, tous les acteurs que nous avons rencontrés nous ont demandé de la stabilité fiscale. Pour autant, ils considèrent que le système en vigueur n’est pas bon. Ils souhaitent que nous trouvions le bon système, auquel on ne touchera plus au cours des vingt ou trente ans à venir, si tant est que cela soit possible !
Ces acteurs nous ont aussi parlé de la complexité et de l’illisibilité du dispositif. Il faut bien le reconnaître, aussi bien sous les gouvernements que nous soutenions que depuis 2012, les règles du jeu ont été modifiées, pour ainsi dire, tous les quatre matins.
Notre collègue Vincent Delahaye a le mérite, depuis deux ans, de soulever cette question et de travailler à un nouveau mécanisme. Certes, le problème du coût se pose. Toutefois, j’ai un peu de mal à croire, monsieur le secrétaire d’État, que le chiffre que vous venez d’annoncer reflète la réalité de la situation.
On a là un nouveau dispositif, qui pourrait être durable. Les dispositions visant des chocs d’offre ou des allégements pour détention longue sont complètement illisibles ! Les notaires nous l’ont dit, les chocs d’offre ne fonctionnent absolument pas. Ils ne déclenchent que des effets d’aubaine : celui qui se trouve là au bon moment en profite, et c’est tant mieux pour lui.
Le cas contraire s’est aussi présenté : il faut voir les bêtises que nous avons commises sur le foncier non bâti, avec ces taxes à cinq euros le mètre carré, qui auraient dû passer à dix euros le mètre carré. Franchement, on a tout essayé ! Selon moi, on s’est beaucoup trompé au cours des dernières années. Il faut donc que l’on trouve le dispositif le plus simple et le plus clair possible, permettant de neutraliser la durée de détention.
Le seul point d’achoppement, qui est peut-être traité par le sous-amendement défendu par M. Bouvard, c’est la durée de la période transitoire. Deux ans, c’est court. Une durée de trois ou quatre ans ne m’aurait pas particulièrement choqué. À mes yeux, le dispositif est bon, même si l’on peut encore discuter de la durée minimale de détention.
M. le président. La parole est à Mme Marie-Noëlle Lienemann, pour explication de vote.
Mme Marie-Noëlle Lienemann. Je suis tout à fait défavorable à cet amendement. M. le secrétaire d’État a eu raison de l’indiquer, nous avons besoin aujourd'hui d’une grande stabilité dans le domaine fiscal.
Chers collègues, ce que vous proposez, je le rappelle, aura pour premier effet de diminuer le montant des sommes payées par la grande masse des vendeurs de terrains qui réalisent une plus-value immobilière.
Par ailleurs, j’observe que la majorité du Sénat propose un mécanisme visant à favoriser un certain nombre de transactions, alors qu’elle a supprimé au sein de la commission des finances l’avantage fiscal accordé au logement social au moment de la vente du terrain – aujourd'hui, quand la vente s’effectue en faveur d’un organisme d’HLM, le vendeur bénéficie d’allégements fiscaux. J’espère bien que l’Assemblée nationale restaurera ces dispositions.
Les seuls mécanismes dont l’efficacité a été prouvée concernent des créneaux très limités du marché. Sinon, ils se traduisent par une hausse des prix, par un biais ou un autre.
Certes, une réforme fondamentale de la fiscalité sur les transactions immobilières et sur le foncier est nécessaire, car la compétitivité de la France pâtit de la rente foncière considérable qui s’est accumulée au cours du temps. Tous les experts économiques considèrent qu’il s’agit là d’un handicap majeur de notre pays. De ce point de vue, France Stratégie a réalisé un certain nombre d’études tout à fait intéressantes.
M. Francis Delattre. Cela fait des années qu’on le dit !
Mme Marie-Noëlle Lienemann. Si l’on veut réformer le système, et il faut le faire, il convient de procéder de manière globale et pérenne.
On ne peut donc pas éluder la question de l’évolution du foncier non bâti et, plus globalement, de la taxe foncière. Dans la plupart des pays du monde, le foncier est taxé en fonction de la valeur vénale du bien. Ainsi, dans le cas de la construction d’un tramway, la valeur du bien a un impact sur le montant de l’impôt versé. Au moment de la transaction, la plus-value effectivement réalisée est taxée, de manière que la puissance publique puisse récupérer une partie de ce que le privé a capté de la richesse publique d’intérêt général. Il y a donc un effet anti-spéculatif.
En conclusion, en l’état actuel des choses, la mesure que vous proposez allégera la taxe pesant sur un certain nombre de propriétaires qui ont les moyens de payer et favorisera l’augmentation des prix du foncier,…
M. le président. Il faut conclure, ma chère collègue.
Mme Marie-Noëlle Lienemann. … car vous avez supprimé les outils de régulation qui existaient.
Selon moi, il faut donc s’opposer fermement à l’amendement qui nous est proposé.
M. le président. La parole est à M. Daniel Raoul, pour explication de vote.
M. Daniel Raoul. Je soutiens le principe qui a présidé à l’élaboration de cet amendement. Je considère en effet que le système d’abattement actuellement en vigueur ne fait que favoriser la durée de la détention.
Au sein du groupe de travail, nous avons comparé le nombre de logements vacants, qui ne sont mis ni en location ni à la vente, soit 2,8 millions d’habitations, au nombre de logements dont nous manquerions dans notre pays, qui est estimé à un million environ. Dans un tel contexte, je me pose la question : ce système d’abattement ne fait-il que favoriser la spéculation ?
Par ailleurs, j’avais imaginé, et M. Vincent Delahaye l'avait promis, qu’une telle modification de la fiscalité serait neutre en termes de recettes fiscales. Or je constate sur ce point une différence d’appréciation relativement importante entre le Gouvernement et l’auteur de l’amendement. Par conséquent, il ne m’est pas possible de suivre complètement le raisonnement proposé et je demande une estimation réelle et contradictoire de la situation.
Sur le cas particulier des terrains à bâtir, je prendrai l’exemple des pays nordiques, dans lesquels la plus-value, hors érosion monétaire, est taxée à 100 %, directement versée aux collectivités et affectée au logement. Ce serait selon moi une bonne mesure à prendre, si l’on considère le manque de foncier actuel. Dans tous les cas, cela donnerait des moyens supplémentaires aux collectivités pour faire de la construction.
Par conséquent, bien que je soutienne le principe qui sous-tend cet amendement, je m’abstiendrai.
M. le président. La parole est à M. Francis Delattre, pour explication de vote.
M. Francis Delattre. Le prix du foncier est effectivement un dossier intéressant. Certains prétendent d’ailleurs que ce seul facteur renchérit de 50 % le coût du logement en France par rapport à celui qui s’applique en Allemagne. Au demeurant, tout ceci mériterait d’être vérifié.
Si la fiscalité organise, bien sûr, les conditions du marché, des outils adéquats sont également nécessaires. Dans la région parisienne, où vous avez été élue durant de nombreuses années, madame Lienemann,…
Mme Marie-Noëlle Lienemann. Je le suis toujours !
M. Francis Delattre. … nous disposions d’un outil, l’Agence foncière technique de la région parisienne, ou AFTRP. Elle a acquis des milliers d’hectares pour construire cinq villes nouvelles.
Or, aujourd'hui, plus une seule commune n’est capable de constituer une réserve d’un ou deux hectares ! Pourquoi ? La réponse est simple : l’AFTRP a été complètement dépouillée de l’instrument dont elle disposait pour agir, à savoir le Fonds national d’aménagement foncier et d’urbanisme.
M. Roger Karoutchi. Tout à fait !
Mme Marie-Noëlle Lienemann. Qui a supprimé ce fonds ?
M. Francis Delattre. Il s’agissait d’un compte spécial du Trésor, dont les dotations permettaient d’allouer à l’Agence des avances pour financer, par exemple, le lancement de projets de construction de lignes de tramway ou de train – ce compte spécial a même permis, dans certains cas, de financer leur équipement. Grâce au crédit revolving, les comptes de l’AFTRP étaient parfaitement équilibrés, et des milliers de maîtrises foncières ont pu être réalisées, la plupart du temps sans expropriation.
Le problème de la région parisienne, c’est que depuis la suppression de ce compte spécial du trésor, aucune anticipation d’aucune sorte n’est plus possible ! Une commune ou un département, face à un problème foncier, n’a plus les moyens de procéder à des acquisitions.
Il faut donc certes améliorer la législation fiscale, mais surtout réfléchir aux outils qui ont permis d’accomplir ce travail de façon intelligente pendant trente ans.
M. Roger Karoutchi. Bien sûr !
M. Francis Delattre. Le président de la commission des finances de l’Assemblée nationale doit se féliciter de cette situation, puisqu’il fut l’un des administrateurs de ce compte spécial du Trésor.
M. le président. La parole est à M. le rapporteur général.
M. Albéric de Montgolfier, rapporteur général de la commission des finances. Nous pouvons au moins nous accorder sur un point : comme l’a dit Daniel Raoul, le système actuel favorise franchement les détentions longues.
M. Philippe Dallier. C’est certain !