Mme Marie-Noëlle Lienemann. Cet amendement vise à supprimer un ajout résultant de la loi n° 2015-990 du 6 août 2015, dite loi Macron, qui a étendu le régime d’exonération d’impôt sur le revenu de certains salariés et dirigeants étrangers travaillant en France et y étant fiscalement domiciliés. Il s’agit de ce que l’on appelle le régime des « impatriés ».
En effet, ce régime, instauré par la précédente majorité, est extrêmement favorable aux impatriés. Durant cinq ans, les cadres et dirigeants étrangers embauchés dans une entreprise française voient leur prime d’impatriation, ainsi que la part de leur revenu correspondant à leur activité liée à l’étranger, exonérée d’impôt sur le revenu. Certaines valeurs mobilières et cessions de plus-values le sont également. En outre, des dispositions favorables concernant l’impôt de solidarité sur la fortune leur sont accordées.
Cette « niche fiscale » ne touche que très peu de contribuables, lesquels sont de plus très aisés en raison de la nature même du dispositif qui vise à attirer des salariés et dirigeants étrangers très qualifiés. En 2013, seuls 11 070 contribuables en ont bénéficié, pour un gain moyen par bénéficiaire de 12 195 euros.
Le nombre de bénéficiaires a augmenté de 51 % depuis 2007, et le gain moyen par bénéficiaire de 124 %. À titre de comparaison, l’Allemagne n’accorde aucun régime favorable à ses impatriés. Le Luxembourg, quant à lui, n’exonère que les dépenses concrètes liées à l’impatriation, comme les frais de déménagement ou les frais scolaires. Le régime français est ainsi l’un des plus favorables en Europe ;…
M. Albéric de Montgolfier, rapporteur général de la commission des finances. Pour une fois !
Mme Marie-Noëlle Lienemann. … or je ne crois pas qu’il ait contribué massivement à notre compétitivité. Enfin, son coût pour les finances publiques est assez élevé, puisqu’il était de 135 millions d’euros en 2013 et a considérablement augmenté depuis.
Cet amendement vise non pas à supprimer totalement l’avantage acquis par les impatriés, mais à revenir simplement sur son extension prévue par la loi d’août 2015. Celle-ci a pour effet d’accorder l’exonération d’impôt sur le revenu également en cas de changement de poste ou d’entreprise au sein d’un même groupe. Vous voyez comment ce petit jeu peut favoriser le développement des niches fiscales.
Monsieur le secrétaire d’État, au regard des graves difficultés rencontrées par nos finances publiques et des ruptures de financement touchant des activités beaucoup plus utiles à la nation, l’augmentation des aides aux impatriés qui bénéficient déjà d’un régime très favorable dont l’efficacité n’est pas prouvée pour l’économie française ne me paraît pas prioritaire. Je sollicite donc nos collègues afin de revenir sur cet avantage que je considère comme indu et qui est en tout cas inconsidéré au regard de l’état de nos finances publiques.
M. le président. Quel est l’avis de la commission ?
M. Albéric de Montgolfier, rapporteur général de la commission des finances. Mme Lienemann nous propose de revenir sur le régime des impatriés qui a été créé en 2004, réformé en 2008 et étendu par la loi Macron en 2015. Ce régime permet effectivement d’attirer en France des cadres de haut niveau qui paient des impôts en France, mais qui sont exonérés de taxation sur le surplus de rémunération lié de l’impatriation.
La commission est très défavorable à cet amendement. En effet, ce dispositif a un coût, mais il a également un effet bénéfique, car il permet tout simplement – avec un succès grandissant, puisqu’il compte déjà plus de 11 000 bénéficiaires – de faire venir en France des cadres qui paient leurs impôts en France. Sans ce régime, ces cadres de haut niveau ne viendraient pas dans notre pays, pour des raisons fiscales notamment.
La commission estime donc qu’il ne faut pas limiter la réflexion au coût brut de cette mesure, qui comporte un aspect positif, à savoir un véritable effet de levier qui se traduit par un surcroît de recettes, de quinze à vingt fois supérieur à ce coût, selon les évaluations qui nous avaient été communiquées lors de la discussion du projet de loi Macron.
Mme Lienemann a mis en avant l’attention toute particulière qu’elle porte à l’état de nos recettes fiscales. La commission est également sensible à ces considérations et estime que le régime des impatriés est à l’origine d’un surplus de recettes fiscales. C’est pourquoi elle a émis un avis défavorable sur cet amendement.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. Christian Eckert, secrétaire d’État. Madame la sénatrice, la loi Macron n’a ni révolutionné, ni amplifié, ni fait exploser le régime fiscal des impatriés.
Les bénéficiaires de ce régime sont exonérés d’impôt sur le revenu uniquement sur leur surplus de rémunération pendant cinq ans. Le correctif introduit par la loi Macron consiste à laisser courir ce délai lorsque la personne qui bénéficie du dispositif change de poste ou de société tout en restant en France.
Auparavant, une personne qui changeait de poste au sein de la même société cessait de bénéficier du régime des impatriés, ce qui n’était pas équitable. En effet, un collègue dans la même situation qui conservait son poste pendant cinq ans conservait l’avantage fiscal. La loi Macron n’a donc pas procédé à une modification majeure, et celle-ci me paraît cohérente.
Puisque c’est le seul élément que vous souhaitez changer, il ne me semble pas judicieux de vous suivre dans cette voie, madame la sénatrice. L’avis du Gouvernement est donc défavorable.
M. le président. Je mets aux voix l’amendement n° I-313 rectifié.
(L’amendement n’est pas adopté.)
Article 2 bis (nouveau)
À la seconde phrase du 2 de l’article 80 duodecies du code général des impôts, les mots : « les montants définis aux 3° et 4° du 1 » sont remplacés par les mots : « trois fois le plafond mentionné à l’article L. 241-3 du code de la sécurité sociale ».
M. le président. L’amendement n° I-158, présenté par M. Bocquet, Mme Beaufils, M. Foucaud et les membres du groupe communiste républicain et citoyen, est ainsi libellé :
Remplacer les mots :
trois fois
par les mots :
une fois
La parole est à M. Éric Bocquet.
M. Éric Bocquet. Nous souhaitons attirer l’attention du Sénat sur la portée symbolique de la mesure introduite par l’article 2 bis, qui tend à ramener à trois fois le plafond annuel de la sécurité sociale – soit plus de 114 000 euros, tout de même ! – le montant exonéré d’impôt sur le revenu de l’indemnité de rupture du contrat de travail d’un dirigeant ou mandataire social. Nous parlons ici des fameux « parachutes dorés » qui défrayèrent la chronique à une certaine époque.
La morale semble bien nous indiquer que permettre aujourd’hui à quelqu’un de disposer d’une franchise fiscale sur un revenu de 228 240 euros laisse sans doute quelque peu rêveurs ceux qui vivent de revenus modestes. Comme il n’y a pas, en général, de préjudice moral à réparer, on se demande même si l’indemnité de rupture n’est pas plutôt, dans certains cas, la preuve d’une certaine forme de reconnaissance…
En revanche, il est sûr que le code déontologique de l’Association française des entreprises privées, dont certains feignaient d’attendre qu’il constituât le remède miracle à tous les travers du capitalisme moderne, n’a pas empêché que l’on constate, encore trop souvent, le caractère exorbitant des conditions de cessation d’activité offertes à quelques hauts dirigeants, même lorsqu’ils ont failli dans leur démarche de gestion de leur entreprise, accompagné moult plans sociaux meurtriers, voire perdu des parts de marché.
Un grand dirigeant d’entreprise a récemment vu son indemnité fixée à un niveau fort élevé qui a fait scandale. Le seul motif de cette décision était qu’il avait atteint l’un des objectifs qui lui étaient assignés, à savoir la remontée du cours de bourse d’Alcatel-Lucent...
Nous ne pouvons donc, mes chers collègues, que vous inciter à donner plus de force encore au dispositif instauré par cet article 2 bis et nous vous invitons à adopter notre amendement.
M. le président. Quel est l’avis de la commission ?
M. Albéric de Montgolfier, rapporteur général de la commission des finances. Les « parachutes dorés » ont, à juste titre, choqué par leurs montants, mais la question est très largement résolue, puisqu’une taxation leur est applicable aujourd’hui.
Toutefois, l’abaissement à 114 000 euros du plafond à partir duquel ces indemnités sont soumises à l’impôt sur le revenu vise des cas qui ne correspondent pas à ceux que vous évoquez, où les indemnités se chiffrent en millions d’euros.
La commission s’interroge donc sur l’incidence réelle de cette mesure. Elle considère que le problème est d’ores et déjà résolu par les plafonds actuels, qui permettent de répondre aux situations les plus choquantes. Si l’on abaissait encore ces plafonds, on ne viserait plus les « parachutes dorés », mais plutôt les « parachutes argentés ».
La commission a donc émis un avis défavorable.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. Christian Eckert, secrétaire d’État. Le Gouvernement comprend votre argumentation, monsieur Bocquet. C’est la raison pour laquelle il a accepté la proposition de vos collègues députés lors de l’examen du projet de loi de finances à l’Assemblée nationale.
Cela dit, vous souhaitez aller plus loin et vous visez des niveaux d’indemnité que l’on ne peut qualifier de vraiment excessifs.
Peu de personnes sont concernées, puisque l’article ne concerne que les départs forcés des mandataires sociaux ou des dirigeants d’entreprise. On est loin de milliers de cas !
Le Gouvernement ne souhaite pas aller jusqu’à abaisser le seuil d’assujettissement à l’impôt sur le revenu à une seule fois le plafond annuel de la sécurité sociale, le PASS.
Il souhaite en rester au niveau fixé par les auteurs de l’amendement qu’il a soutenu à l’Assemblée nationale et émet donc un avis défavorable sur le présent amendement.
M. le président. La parole est à M. Didier Guillaume, pour explication de vote.
M. Didier Guillaume. Le groupe socialiste suivra l’avis de la commission et du Gouvernement. Certes, il est toujours possible d’aller plus loin, mais le dispositif adopté par l’Assemblée nationale constitue déjà une avancée significative.
Cela dit, je veux soutenir l’argumentation de notre collègue Éric Bocquet.
Dans cette période troublée, alors que nombre de nos concitoyens sont en difficulté et perçoivent de tout petits salaires, quand certains ont été licenciés dans le cadre d’un plan social – nous aurions pu évoquer ce point –, cet amendement, que je considère comme un amendement d’appel, M. le secrétaire d'État nous ayant bien montré sa faible portée pratique, a le mérite de nous faire réfléchir à la situation et à l’équilibre social et économique de notre pays.
Indépendamment de leur qualité, je ne veux plus voir de mandataires sociaux ou de grands chefs d’entreprise recevoir 12 ou 15 millions d’euros ! Cela a encore été le cas récemment, et c’est inacceptable ! Au demeurant, ces sommes sont bien loin des montants proprement ahurissants qu’a touché ou que va toucher le PDG de Volkswagen qui vient de se faire débarquer.
En tant que parlementaires de la République, nous représentons toute la société, ceux qui réussissent comme ceux qui sont en difficulté. Il ne faut jamais oublier d’où l’on vient !
Monsieur le secrétaire d'État, quand je vois les difficultés que rencontrent nombre de nos concitoyens dans ma région, quand, surtout, je les vois choqués par les parachutes dorés déplacés dont ils ont entendu parler à la télévision, j’estime que les avancées qui ont été permises à l’Assemblée nationale vont dans le bon sens.
J’y insiste, si nous soutenons le texte de l’Assemblée nationale, je considère que l’amendement de M. Bocquet, auquel nous sommes défavorables, a permis d’ouvrir le débat. Celui-ci méritait d’avoir lieu aussi devant la Haute Assemblée. En effet, par leur présence sur le terrain, les sénateurs sont aux prises avec la réalité.
M. le président. La parole est à M. le rapporteur général.
M. Albéric de Montgolfier, rapporteur général de la commission des finances. Concrètement, les cas choquants par leur montant que nous évoquons sont d'ores et déjà soumis à l’imposition et aux cotisations, grâce au plafond actuel. Je ne vois donc pas en quoi abaisser celui-ci de 114 000 à 38 000 euros aurait un effet dissuasif.
Pour éviter les cas les plus choquants de parachutes dorés, il faut s’en remettre à d’autres mécanismes de régulation – je pense au rôle que peuvent jouer les comités de rémunération, les conseils d’administration, à l’édiction de nouvelles règles extrafiscales…
Pour ce qui me concerne, je considère qu’il ne faudrait pas complexifier notre législation fiscale pour un nombre de cas très limité. Il ne s’agirait pas de procéder à une modification ad hominem !
D’ailleurs, je veux vous interroger, monsieur le secrétaire d'État : avez-vous une idée du nombre de cas concernés par de tels montants ? Dans son analyse, la commission en avait recensé très peu – dix ou vingt, peut-être –, la plupart des cas choquants étant évidemment résolus par le plafond actuel.
M. Daniel Raoul. C’est une question de morale !
M. le président. La parole est à M. le secrétaire d'État.
M. Christian Eckert, secrétaire d'État. Je veux apporter quelques précisions.
Effectivement, monsieur le rapporteur général, le nombre de cas concernés est très faible.
M. Michel Bouvard. Heureusement !
M. Christian Eckert, secrétaire d'État. Au reste, il est vrai que l’amendement ne modifiera pas considérablement les choses pour les cas extravagants que vous évoquez, à juste titre.
Monsieur Bocquet, dans la présentation de votre amendement, vous avez fait remarquer, avec raison, qu’un code dit « de bonne conduite » avait été édicté voilà quelques années. Certains avaient pensé que ce document résoudrait tous les problèmes. Pour ce qui nous concerne, nous avions des doutes… et nous avions raison !
Il nous faut d'ailleurs constater aujourd'hui qu’un certain nombre de comportements n’ont pas été conformes à ce code de bonne conduite – le MEDEF, pour ne pas le citer, l’a lui-même reconnu.
De ce point de vue, M. Guillaume a raison : les choses sont évidemment trop choquantes pour que l’on s’en remette à des codes de bonne conduite, lesquels sont de toute façon transgressés, puisqu’ils sont souvent rédigés par les personnes directement concernées par les pratiques en cause.
La loi doit s’intéresser à ce problème. C’est le sens de l’amendement adopté à l’Assemblée nationale, qui permet des progrès. C’est aussi le sens d’autres dispositions qui ont été prises, mais qu’il serait quelque peu fastidieux d’énumérer à cet instant.
M. le président. La parole est à M. François Marc, pour explication de vote.
M. François Marc. Bien entendu, je me réjouis de l’évolution positive qui a été introduite à l’Assemblée nationale en matière de fiscalisation des revenus provenant de parachutes dorés.
D’autres évolutions pourraient encore être imaginées à l’avenir. À cet égard, la philosophie développée par nos collègues du groupe CRC paraît tout à fait pertinente, mais, comme l’a dit M. le secrétaire d'État, l’avancée que marque l’article 2 bis semble pour l’instant déjà significative.
Cependant, je veux attirer l’attention sur un point, qui porte non pas sur la fiscalisation, mais sur la fixation des rémunérations par les conseils d’administration. Le fond du problème est bien là ! En effet, aujourd'hui, nos concitoyens souhaitent que tout le monde participe à l’effort collectif qui permettra à la situation de s’améliorer.
Pour ma part, je me félicite que l’on puisse déjà constater une prise de conscience incontestable des membres des conseils d’administration sur la question des rémunérations – les décisions prises par certains le prouvent. On sent bien qu’une évolution est en cours. Je note, par exemple, que plus de la moitié des groupes du CAC40 – 23 sociétés, pour être exact – ont adopté, en 2014, une indexation de la rémunération variable sur des critères de responsabilité sociale ou environnementale de l’entreprise.
Toutefois, il faudra sans doute susciter de nouvelles évolutions.
Je compte, pour ma part, sur le projet de loi « Macron II » pour responsabiliser les conseils d’administration et conduire à une évolution des mécanismes qu’ils mettent en œuvre pour fixer les rémunérations variables.
En résumé, les choses avancent, la fiscalisation progresse, mais de nouvelles avancées peuvent être utiles ; je compte à cet égard, je le répète, sur la loi Macron II.
M. le président. La parole est à M. Michel Bouvard, pour explication de vote.
M. Michel Bouvard. Voilà quelques années, à l’Assemblée nationale, j’avais été le premier à déposer des amendements relatifs aux parachutes dorés. Ces amendements avaient été adoptés par la commission des finances.
Il est vrai que nous avons beaucoup progressé depuis.
Pour autant, les propos de François Marc me paraissent parfaitement fondés : il convient de réaliser un bilan et de réfléchir à la manière d’encadrer encore mieux les choses.
Comme certains le savent ici, j’ai eu à m’occuper, pendant un temps limité, du Crédit immobilier de France, société anonyme incluse dans la sphère sociale.
Les conditions de départ de son dirigeant, qui a failli dans ses responsabilités – cela a d'ailleurs abouti à la disparition de la société –, ont été particulièrement choquantes, compte tenu du parachute doré qui lui a été versé sous couvert de retraite.
En clair, sans vouloir tout contrôler, sans vouloir brider la compétitivité du pays ni sa capacité à attirer des dirigeants de talent, nous devons aujourd'hui régler notamment le problème des dirigeants des entreprises ayant connu une mauvaise gouvernance, des déficits ou une gestion calamiteuse qui partent avec des primes ou avec des rémunérations complémentaires, au titre de la retraite ou à d’autres titres. Ce sont ces situations qu’il faut encadrer.
En revanche, nous ne pouvons évidemment pas voter l’amendement, qui, pour le coup, ne traite pas de ce sujet et qui est sans doute trop ample, eu égard au nombre de personnes qui seraient couvertes par les plafonds de rémunération mentionnés.
M. le président. La parole est à M. Roger Karoutchi, pour explication de vote.
M. Roger Karoutchi. J’entends bien tout ce qui vient d’être dit ! Cependant, j’estime que nous devons faire un peu attention.
Bien évidemment, il me paraît scandaleux que l’on verse des parachutes dorés à des chefs d’entreprise qui ont échoué dans leur mission, qui ont conduit leur entreprise au désastre, qui ont licencié des salariés, réduit l’emploi… Mais ce n’est ni plus ni moins scandaleux que nombre de ventes ou d’achats de joueurs de football à coup de millions d’euros ou que les salaires versés dans le show-business ! (Exclamations sur les travées du groupe socialiste et républicain.) Dans une période difficile, il est assez légitime que nos concitoyens trouvent les sommes en question un peu surprenantes, pour ne pas dire indécentes.
En revanche, je veux rappeler aux auteurs de l’amendement que nous sommes dans une économie ouverte. Nous sommes très heureux que certains Français réussissent parfaitement à l’étranger, deviennent patrons de grandes sociétés internationales et perçoivent des salaires mirobolants ! (Exclamations sur les travées du groupe socialiste et républicain.)
M. Richard Yung. Des exilés fiscaux !
M. Roger Karoutchi. Cela se passe souvent ainsi au Japon ou aux États-Unis, et c’est tant mieux.
En sens inverse, nous avons aussi parfois besoin de faire venir en France de grands patrons étrangers. Si nous voulons réussir, il ne faut pas que la France soit perçue, dans la compétition internationale, comme le pays qui, au final, n’offre pas de capacités aux dirigeants.
Autant je suis favorable à l’absence d’indemnités, voire à des sanctions pour les dirigeants qui ont échoué ou licencié, autant j’en appelle à un minimum de prudence pour ceux qui réussissent bien, qui créent de l’emploi et de la richesse et qui développent leur entreprise.
Il ne faut pas d’excès, mais il ne faut pas non plus décourager ! (Nouvelles exclamations sur les travées du groupe socialiste et républicain.)
M. le président. Je mets aux voix l'article 2 bis.
(L'article 2 bis est adopté.)
Articles additionnels après l’article 2 bis
M. le président. L'amendement n° I-162, présenté par M. Bocquet, Mme Beaufils, M. Foucaud et les membres du groupe communiste républicain et citoyen, est ainsi libellé :
Après l’article 2 bis
Insérer un article additionnel ainsi rédigé :
À la première phrase du deuxième alinéa du 2° de l’article 83 du code général des impôts, les mots : « huit fois » sont remplacés par les mots : « une fois ».
La parole est à Mme Marie-France Beaufils.
Mme Marie-France Beaufils. La question du devenir de nos retraites est posée depuis plusieurs années, l’assurance vieillesse solidaire et intergénérationnelle, élément clé de notre pacte social et républicain, étant progressivement minée par l’accroissement des inégalités salariales, le développement préoccupant du chômage, la précarité grandissante des conditions de travail et de rémunération imposées aux salariés.
Depuis la « loi Balladur » de 1993, puis avec la « loi Fillon » de 2003 et avec certaines dispositions de la « loi Macron », votée à l’été 2015, une démarche visant à favoriser le développement de l’épargne retraite individualisée a été mise en œuvre.
L’objectif fondamental de cette démarche n’a pas changé : sous couvert d’une inquiétude plus ou moins feinte à l’endroit de l’avenir du régime général et, plus récemment, des régimes complémentaires obligatoires, les promoteurs de l’épargne retraite individualisée entendent distraire du financement mutualisé de l’assurance vieillesse des sommes sans cesse plus importantes, pour pouvoir les engager sur les marchés financiers à long terme. Ce recours au long terme est évidemment encouragé par le fait que les salariés doivent désormais consacrer plus de quarante ans à leur vie professionnelle.
Le système de retraite individualisée crée de profondes inégalités.
Il pose un véritable problème pour les retraites dites « chapeau » : les niveaux de financement par l’entreprise de dispositifs qui sont très largement dérogatoires du droit commun conduisent à des montants de prestations servies particulièrement élevés.
C’est pour éviter ces travers que nous vous proposons, mes chers collègues, de plafonner, par référence au plafond annuel de la sécurité sociale, le montant des abondements aux régimes de retraite supplémentaire ne présentant pas le caractère de rémunérations dissimulées.
M. le président. Quel est l’avis de la commission ?
M. Albéric de Montgolfier, rapporteur général de la commission des finances. Nous parlons ici non pas des « retraites chapeaux », mais des régimes de retraite supplémentaire qui concernent environ 3,5 millions de salariés.
Abaisser le plafond de huit fois à une fois, comme l’a proposé à l’instant Mme Beaufils, reviendrait à pénaliser ces salariés, ce qui n’est pas acceptable. C'est la raison pour laquelle la commission des finances émet un avis défavorable sur cet amendement.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. Christian Eckert, secrétaire d'État. L’avis du Gouvernement rejoint celui de la commission.
Pardon de le redire, mais il s’agit de sujets très complexes. Quand on évoque les « retraites chapeaux », tout le monde a en tête des exemples extravagants.
Or, certaines entreprises, notamment dans le secteur de la sidérurgie…
M. Michel Bouvard. Tout à fait !
M. Christian Eckert, secrétaire d'État. … secteur que je connais bien en tant que Lorrain, ont mis en place des systèmes de retraite supplémentaire. Il s’agit en quelque sorte du troisième étage, après la retraite de base et la retraite complémentaire. C’est le cas, par exemple, de grands groupes comme Arcelor, entre autres. Des centaines de milliers de personnes touchent ainsi des retraites supplémentaires, liées à différents régimes.
Voilà deux ans, en collaboration avec le président Carrez, nous avons décidé de mettre en place un système d’imposition différent suivant le niveau de ces retraites dites « chapeaux » : quasi-exonération – de mémoire – pour les plus petits niveaux, taux d’imposition moyen pour les niveaux intermédiaires, et taux beaucoup plus fort pour les montants dépassant l’entendement.
Vous soulevez le problème de l’exonération au moment de la constitution de ces retraites. Or il s'agit d’un dispositif visant justement à éviter tout risque de double imposition, ces retraites étant imposées lors de la sortie.
Il faut distinguer entre les retraites constituées au sein de l’entreprise – c’est là qu’est la complexité – ou déléguées à des organismes extérieurs. Dans ce dernier cas, les traitements sont différents. Il faut donc éviter de généraliser, tout en combattant tout ce qui peut choquer l’entendement.
Pour ces raisons, le Gouvernement est défavorable à cet amendement.
M. le président. La parole est à M. Michel Bouvard, pour explication de vote.
M. Michel Bouvard. La réponse de M. le secrétaire d’État va me permettre de me limiter à un bref propos.
Ce régime concerne en effet de nombreuses entreprises industrielles du secteur de la métallurgie, dans lequel il s’agit d’une tradition. Voilà quelques années, nous avons légiféré trop vite et de manière trop intense au détriment de centaines de salariés du groupe Pechiney Ugine-Kuhlmann, et il a fallu revenir sur ces dispositions.
Je pense que nous devons garder le souvenir des erreurs que nous avons pu commettre collectivement, ainsi que des rectifications intervenues. Il serait judicieux, madame Beaufils, de ne pas pénaliser ces anciens salariés, dont beaucoup sont des retraités modestes ou moyens,…
M. Michel Bouvard. … en opérant un amalgame qui n’a pas lieu d’être.
M. le président. La parole est à M. Richard Yung, pour explication de vote.
M. Richard Yung. Nous considérons que ces plans d’épargne retraite sont une bonne chose, non seulement pour le salarié, même modeste, comme l’a souligné M. Bouvard – il s’agit d’un bon complément –, mais aussi pour la structuration de l’épargne à long terme dans notre pays, objectif que nous poursuivons tous.
J’ai le sentiment d’une confusion, ou d’un amalgame, entre ce que l’on appelle traditionnellement les « retraites chapeaux » des grands dirigeants, souvent choquantes – cela rejoint notre précédent débat –, et les plans d’épargne des salariés.
C'est la raison pour laquelle nous ne soutiendrons pas cette mesure qui, au final, tend à écraser tout le monde de la même façon. Il ne s’agit pas, à notre avis, d’une bonne proposition.
M. le président. La parole est à Mme Marie-France Beaufils, pour explication de vote.
Mme Marie-France Beaufils. Nous allons maintenir notre amendement, même si j’entends les remarques qui ont été formulées sur ces cas particuliers.
Par cet amendement, nous avons voulu alerter sur le développement de ces régimes qui semblent, petit à petit, vouloir prendre le pas sur notre système de retraite actuel.
Entre le « huit fois » et le « une fois » que nous proposons, il existe tout de même une marge non négligeable. Notre amendement vise à soulever un vrai problème : prenons garde de ne pas soutenir la création d’outils de type fonds de pension qui pourraient être facilement utilisés, à terme, par une autre majorité pour mieux encore aller à l’encontre de notre régime solidaire de retraite.
Nous maintenons notre amendement, même si nous reconnaissons qu’il faudrait peut-être l’améliorer eu égard au problème particulier de la sidérurgie qui a été soulevé.
M. le président. La parole est à M. Philippe Dallier, pour explication de vote.
M. Philippe Dallier. Je voudrais rassurer Mme Beaufils, qui doit lire dans le marc de café…
Mme Marie-France Beaufils. Non, monsieur Dallier, je ne lis pas dans le marc de café !