M. Vincent Delahaye. Le présent amendement tend à ce que les propriétaires indirects ou copropriétaires de monuments historiques inscrits puissent de nouveau bénéficier du régime fiscal des monuments historiques.
Ce régime permet aux propriétaires de monuments historiques de déduire de leur revenu foncier ou global une partie du coût des travaux réalisés sur le bâtiment. Il s’agit d’une incitation forte à l’entretien privé de notre patrimoine historique, d’autant plus nécessaire que l’État et les collectivités territoriales ont de moins en moins les moyens d’assurer seuls la préservation de l’ensemble du patrimoine monumental français. Il faut d’ailleurs rappeler que près de la moitié des 44 000 monuments historiques que compte la France est détenue par des personnes privées.
La loi de finances rectificative pour 2014 a exclu de ce régime les monuments inscrits détenus par propriété indirecte ou en copropriété. Pourtant, la détention indirecte ou en copropriété concerne presque toujours les monuments inscrits : un ancien hôpital, une caserne, un couvent ne peuvent, sauf rare exception, être détenus par une personne privée unique qui assumerait seule l’ensemble des charges liées à la rénovation et à l’entretien du bâtiment.
Cette exclusion ne représente pas un gain financier très important pour l’État, mais bloque la rénovation de nombreux monuments historiques inscrits.
C’est la raison pour laquelle cet amendement vise à réintroduire pleinement les monuments inscrits dans le régime des monuments historiques, afin de permettre à des sociétés civiles immobilières ou à des copropriétés de participer à la préservation de notre patrimoine.
Le coût de la réforme n’ayant pas été chiffré par le Gouvernement, il est difficile de donner une estimation précise des conséquences budgétaires de cet amendement. Celles-ci ne dépasseront pas quelques dizaines de millions d’euros, puisque le régime fiscal des monuments historiques s’élève à quelque 60 millions d’euros et que seule une fraction de ce montant est dirigée vers des propriétaires indirects ou des copropriétés.
En contrepartie, l’adoption de cet amendement permettrait de favoriser la conservation de notre patrimoine historique privé et sa mise à disposition, au bénéfice de l’ensemble de nos concitoyens.
M. le président. L'amendement n° I-344, présenté par MM. Eblé, Chiron, Lalande, Raynal, Yung et D. Bailly, Mmes Claireaux, Cartron et Emery-Dumas, MM. Filleul, Kaltenbach et Marie, Mmes D. Michel et Monier, M. Poher et Mme S. Robert, est ainsi libellé :
Après l’article 2 quater
Insérer un article additionnel ainsi rédigé :
I. – L’article 156 bis du code général des impôts est ainsi modifié :
1° Après les mots : « est affecté », la fin du 1° du II est ainsi rédigée : « , dans les quatre ans qui suivent cette demande, à un usage compatible avec la préservation de son intérêt patrimonial ; »
2° Après les mots : « est affecté », la fin du V est ainsi rédigée : « , dans les quatre ans qui suivent cette demande, à un usage compatible avec la préservation de son intérêt patrimonial. »
II. – Le présent article s'applique aux demandes d'agrément déposées à compter du 1er janvier 2015.
III. − Le I ne s’applique qu’aux sommes venant en déduction de l’impôt dû.
IV. – La perte de recettes pour l’État résultant du paragraphe précédent est compensée, à due concurrence, par la création d’une taxe additionnelle aux droits prévus aux articles 575 et 575 A du code général des impôts.
La parole est à M. Vincent Eblé.
M. Vincent Eblé. Cet amendement a été défendu. Il vise les critères de délivrance de l’agrément.
M. le président. L'amendement n° I-320 rectifié, présenté par MM. Guené et Baroin, Mmes Garriaud-Maylam et Cayeux, MM. Commeinhes, Joyandet, de Legge, Cambon, Mouiller, Masclet, Pellevat, Bignon, Grand, Milon, Doligé, D. Bailly et Gilles, Mmes Imbert et Estrosi Sassone, MM. Fouché, Perrin, Raison, Laufoaulu et Morisset, Mmes Morhet-Richaud et Chain-Larché, MM. Pierre et Bouchet, Mmes Troendlé et Hummel, MM. Dallier et Husson, Mme Deromedi, MM. Laménie, Saugey, D. Laurent, Savary, Revet et Grosdidier, Mmes Deseyne, Canayer et Deroche, MM. Falco, Trillard, Cornu, Vaspart et César, Mme Gruny, MM. Chasseing, Danesi, P. Leroy, B. Fournier, del Picchia et Lefèvre, Mme Primas, MM. Gournac, Mandelli et Dufaut et Mme Des Esgaulx, est ainsi libellé :
Après l’article 2 quater
Insérer un article additionnel ainsi rédigé :
I. – À la première phrase du V de l’article 156 bis du code général des impôts, après les mots : « ministre de la culture, », la fin de l’article est ainsi rédigée :
« lorsque le monument :
« a) a fait l’objet d’un arrêté de classement ou d’une inscription, en tout ou en partie, au titre des monuments historiques au moins douze mois avant la demande d’agrément, et
« b) est affecté, dans les deux ans qui suivent cette demande, à l’habitation pour au moins 75 % de ses surfaces habitables portées à la connaissance de l’administration fiscale ; à cet égard, les immeubles ou fractions d’immeubles destinés à une exploitation à caractère commercial ou professionnel ne sont pas considérés comme affectés à l’habitation. »
II - Les dispositions du I ne s'appliquent qu'aux sommes venant en déduction de l'impôt dû.
III - La perte de recettes résultant pour l'État des I et II est compensée, à due concurrence, par la création d'une taxe additionnelle aux droits prévus aux articles 575 et 575 A du code général des impôts.
La parole est à M. Éric Doligé.
M. Éric Doligé. Cet amendement, dans la même veine que ceux qui viennent d’être présentés, tend à s’appuyer sur les travaux réalisés par notre collègue Vincent Eblé.
Le V de l’article 156 bis du code général des impôts issu de la réforme engagée à la fin de 2014 limite fortement le bénéfice de la déduction du revenu imposable relative à la restauration des monuments historiques en copropriété. En sont en effet exclues toutes les copropriétés des immeubles « inscrits » à l’inventaire des monuments historiques.
Or les immeubles inscrits représentent les deux tiers des bâtiments historiques, et leur préservation est problématique, comme le souligne le rapport d’information de Vincent Eblé, établi en octobre 2015.
La lutte contre les schémas abusifs ayant été parachevée par les réformes successives de 2009 et de la fin de 2014, il est anormal, et au final très coûteux pour la collectivité, que ces immeubles inscrits ne puissent être éligibles au régime d’agrément ministériel préalable à leur division, régi par le V de l’article 156 bis.
L’amendement vise donc à rétablir cette possibilité d’agrément en cas de division d’un immeuble inscrit, en la soumettant aux conditions instaurées par la deuxième loi de finances rectificative pour 2014, tenant à la priorité donnée au logement et à l’antériorité de l’inscription du monument.
L’évaluation de l’impact budgétaire de ce réalignement fait apparaître un coût quasi nul, car l’avantage fiscal, limité, est compensé immédiatement par les recettes fiscales résultant de la restauration et de la transformation en logements, sans compter les gains pour les collectivités, qui sont liés à la vente des immeubles et à l’économie des charges d’entretien.
En pratique, la division en copropriété d’un monument historique inscrit est souvent utilisée pour des programmes de réhabilitation de casernes, d’hospices, etc. Exclure ces programmes du régime fiscal conduirait à laisser ces immeubles à l’abandon, donc à la charge des collectivités.
Par ailleurs, faciliter la réhabilitation de ces bâtiments favorisera au contraire l’activité du BTP et des métiers du patrimoine, tout en accroissant l’offre de logements.
M. le président. Quel est l’avis de la commission ?
M. Albéric de Montgolfier, rapporteur général de la commission des finances. Comme cela a été souligné, les dispositions de l’amendement n° I-342 présenté par Vincent Eblé font suite au contrôle approfondi que celui-ci a exercé sur le régime fiscal des monuments historiques et qui a fait l’objet d’une présentation extrêmement intéressante devant la commission.
Cet amendement tend à soulever deux problèmes.
Le premier problème est la différence de traitement entre les monuments détenus directement et ceux qui sont détenus par l’intermédiaire d’une société civile immobilière, ou SCI. Pourquoi la détention d’un monument par l’intermédiaire d’une SCI, avec un agrément qui, de surcroît, met en place des conditions restrictives, devrait-elle faire l’objet d’un régime fiscal différent ? Il s’agit d’un problème d’égalité devant l’impôt, qui est peut-être même de nature constitutionnelle.
Le second problème concerne les conditions de l’agrément, notamment l’obligation de consacrer une part prépondérante de ces monuments à l’habitation. Comme l’a souligné à juste titre Vincent Eblé, il ne s’agit pas d’un dispositif adapté, car les trois quarts des monuments ne sont pas destinés à l’habitation. Je pense aux bâtiments transformés en centres culturels ou destinés à l’hôtellerie. Bref, le critère à privilégier est davantage l’intérêt patrimonial du monument, dans l’esprit de la loi de 1913 sur les monuments historiques, que sa transformation en logement.
Les élus locaux, quelle que soit leur appartenance politique, peuvent tous constater qu’il existe des réutilisations réussies de monuments historiques – à commencer par le Palais du Luxembourg où nous siégeons, sans parler des nombreux ministères classés. Ce ne sont pas forcément des transformations en logement.
Dans la pratique, comme l’a précisé Vincent Eblé, une telle disposition pose de vraies difficultés au bureau des agréments. Comment apprécier l’affectation aux trois quarts de la superficie lorsqu’il s’agit d’un château ou d’une ancienne abbaye ? Doit-on prendre en compte les annexes, les greniers, les douves, etc. ?
L’amendement n° I-342 est un amendement bon sens, sans coût réel, puisqu’il vise à prévoir un simple réaménagement. Le coût total de la dépense fiscale sera relativement modeste au regard des 42 000 monuments protégés. C’est la raison pour laquelle la commission des finances a émis un avis favorable.
La commission est également favorable aux amendements identiques nos I-343 rectifié et I-401 rectifié, ainsi qu’aux amendements nos I-344 et I-320 rectifié, mais elle demande à leurs auteurs de bien vouloir se rallier à l’amendement n° I-342, dont la rédaction, plus aboutie, est de nature à atteindre l’objectif visé par toutes ces dispositions.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. Christian Eckert, secrétaire d'État. Je ne partage pas l’analyse de M. le rapporteur général : une détention directe ou via une SCI ou une copropriété ne crée pas des droits ou des devoirs différents – c’est le point mis en avant par la commission, y compris pour des questions de constitutionnalité. Que l’on soit propriétaire individuel, propriétaire au travers d’une SCI ou propriétaire en copropriété, les conditions sont les mêmes.
Quelles sont-elles ? Tout d’abord, il doit s’agir d’un monument classé. Sur ce point, il existe bien entre nous une différence, que nous assumons. Vous souhaitez que la mesure concerne tous les monuments inscrits, alors que le Gouvernement souhaite quant à lui clairement resserrer le dispositif sur les seuls monuments classés. Cependant, contrairement à ce que vous avez affirmé, cela ne pose pas de problème d’égalité devant l’impôt ni de problème de constitutionnalité.
Il existe également une seconde différence entre nous : nous avons souhaité recentrer le dispositif en prévoyant une condition : quelque 75 % de la surface habitable doivent être consacrés au logement. Je précise bien qu’il s’agit de la surface habitable, non de la surface totale.
M. Albéric de Montgolfier, rapporteur général de la commission des finances. Comment la mesure-t-on ?
M. Christian Eckert, secrétaire d'État. C’est une volonté politique de la part du Gouvernement, avec laquelle vous pouvez ne pas être d’accord. Vous avez d’ailleurs proposé une rédaction beaucoup plus large, puisque vous prévoyez que cette demande soit affectée « à un usage compatible avec la préservation de son intérêt patrimonial ». J’ignore ce qu’en pensera le Conseil constitutionnel, mais il risque d’y voir un cas d’incompétence négative…
Par ailleurs, comment estimer la préservation de l’intérêt patrimonial suivant la nature de l’opération, selon qu’il s’agisse d’un musée, de bureaux, de logements, d’un commerce, d’une salle de sport, d’un gîte rural, que sais-je encore ? Les choses peuvent être vues d’une façon ou d’une autre. Cette rédaction est donc très fragile et peut donner lieu à des applications extrêmement subjectives, ce qui n’est pas le but du législateur.
Bref, il est important de clarifier ces points. Nous avons des lectures différentes. Pour ma part, je prétends que le mode de détention du patrimoine n’a pas d’influence sur les conditions de sa fiscalité.
De plus, il nous a paru légitime, en cas de changement du mode de détention, de renouveler l’agrément, car il s’agit de personnes juridiques différentes.
Enfin, le Gouvernement souhaite s’en tenir aux monuments classés, alors que vous souhaitez assouplir le dispositif en l’élargissant aux monuments inscrits et en faisant sauter la condition de logement. Une telle mesure aura certainement des incidences en termes de coût. Je ne conteste pas les chiffres que vous avez évoqués. Ils sont de l’ordre de 60 ou de 70 millions d’euros. Quel sera exactement le surcoût ? Je l’ignore. Je suis uniquement en mesure de vous dire que l’on recevait environ soixante demandes d’agrément entre 2012 et 2014.
Pour toutes ces raisons, le Gouvernement a émis un avis défavorable sur l’ensemble de ces amendements.
M. le président. La parole est à M. le rapporteur général.
M. Albéric de Montgolfier, rapporteur général de la commission des finances. Je souhaite m’expliquer sur la différence de traitement, qui pose à mon sens un problème d’égalité devant l’impôt, peut-être de nature constitutionnelle.
Je parlais bien, monsieur le secrétaire d'État, de la différence de traitement entre deux monuments inscrits, et non de la différence entre monuments classés et monuments inscrits.
Prenons deux monuments inscrits : un monument A détenu directement par un propriétaire et un monument B détenu par une SCI. Pourquoi le monument A peut-il bénéficier des dispositions de l’article 156 bis du code général des impôts, contrairement au monument B ? Il ne me paraît pas opportun que le mode de détention influence le régime fiscal.
Le fait que les monuments détenus de manière indirecte, sauf les SCI familiales, soient exclus ipso facto du bénéfice de l’article 156 bis du code général des impôts pose, selon moi, un problème de nature constitutionnelle.
M. le président. La parole est à M. Michel Bouvard, pour explication de vote.
M. Michel Bouvard. Monsieur le secrétaire d’État, les dépenses liées au dispositif Malraux sont très stables dans la durée, puisqu’elles oscillent globalement chaque année entre 50 et 60 millions d’euros. Le nombre de dossiers déposés est donc à peu près le même d’un an sur l’autre. Dans le même temps, certains édifices se dégradent, ce qui met en péril une partie du patrimoine protégé de notre pays.
Pour ma part, je suis tout à fait favorable à ce que l’on élargisse le dispositif aux monuments inscrits. En effet, la différence entre monuments classés et monuments inscrits se justifiait il y a quarante ou cinquante ans, mais elle ne vaut plus depuis quelques années. En effet, la qualité du monument n’est plus le seul paramètre qui entre en ligne de compte pour le classement. Disons-le clairement : si l’on ne procède quasiment plus à des classements, mais uniquement à des inscriptions à l’inventaire complémentaire des monuments historiques, c’est d’abord pour des raisons budgétaires, car l’État se doit d’apporter davantage de subventions au patrimoine classé.
Je le répète, le problème de fond auquel nous sommes confrontés est la dégradation de notre patrimoine.
D’un côté, les crédits de l’action Patrimoine monumental diminuent ou stagnent depuis quelques années, même si pour 2016 un rétablissement a été décidé ; de l’autre, notre patrimoine monumental continue à se dégrader. Nous devons passer à la vitesse supérieure, dans le même esprit que la loi Malraux, votée à l’époque pour inciter l’investissement privé en faveur du patrimoine. C’est évident, tout cela aura un coût budgétaire, mais qui sera somme toute assez limité au regard des enjeux, car cette dépense fiscale n’est pas galopante et elle est loin d’être exorbitante au regard d’autres dépenses.
M. le président. Veuillez conclure, mon cher collègue.
M. Michel Bouvard. Comme je l’ai souligné au cours de la discussion générale, je plaide en faveur d’une vision consolidée des crédits budgétaires et de la dépense fiscale dans les politiques d’investissement de l’État.
M. le président. La parole est à M. Vincent Eblé, pour explication de vote.
M. Vincent Eblé. Nous savons de façon certaine que l’ensemble du dispositif coûtait quelque 60 millions d’euros avant la réforme de 2014. (M. Michel Bouvard opine.) Cette réforme a eu un impact partiel sur ces chiffres, même si nous n’arrivons pas à obtenir davantage de précisions de la part de Bercy ou de la rue de Valois, comme M. le secrétaire d’État l’a lui-même reconnu, ce qui d'ailleurs soulève tout de même quelques questions après une mission de contrôle et la publication d’un rapport…
M. Michel Bouvard. Tout à fait !
M. Vincent Eblé. Néanmoins, il ne peut s’agir que d’une fraction de 60 millions d’euros, ce qui reste une somme assez raisonnable.
M. le président. La parole est à M. Daniel Raoul, pour explication de vote.
M. Daniel Raoul. Je veux simplement apporter une précision sur l’évolution du nombre des inscriptions. Je constate en effet que les DRAC font du zèle en inscrivant à l’inventaire supplémentaire des monuments historiques des églises que les communes sont incapables de maintenir en état. Je pourrai citer des exemples précis.
Je n’arrive pas à comprendre l’intérêt culturel ou artistique de ce classement ! Je ne vois pas pourquoi on continue à classer des monuments en état de quasi-péril, que les communes ne peuvent pas continuer à entretenir.
M. le président. En conséquence, un article additionnel ainsi rédigé est inséré dans le projet de loi, après l’article 2 quater.
En outre, les amendements identiques nos I-343 rectifié et I-401 rectifié, ainsi que les amendements nos I-344 et I-320 rectifié, n’ont plus d'objet.
Article 2 quinquies (nouveau)
Le IX de l’article 199 novovicies du code général des impôts est abrogé à compter du 1er janvier 2016. – (Adopté.)
Articles additionnels après l'article 2 quinquies
M. le président. L’amendement n° I-356 rectifié, présenté par Mme Lamure, MM. Retailleau, Allizard, G. Bailly, Baroin, Bignon, Bizet, Bonhomme, Buffet, Calvet et Cambon, Mme Canayer, M. Cardoux, Mme Cayeux, MM. César, Chaize, Charon, Chasseing, Chatillon, Commeinhes, Cornu, Dallier et Danesi, Mme Debré, MM. Delattre et del Picchia, Mmes Deroche, Deromedi, Des Esgaulx, Deseyne et Di Folco, M. P. Dominati, Mmes Duchêne et Estrosi Sassone, M. Bouchet, Mme Duranton, MM. B. Fournier, J.P. Fournier et Frassa, Mme Garriaud-Maylam, M. Genest, Mme Giudicelli, MM. Gournac, Gremillet et Grosdidier, Mme Gruny, MM. Huré, Husson, Joyandet et Karoutchi, Mme Keller, MM. Kennel, D. Laurent, Lefèvre, Leleux et Lenoir, Mme Lopez, MM. Malhuret, Mandelli, Masclet, A. Marc et Mayet, Mmes M. Mercier et Micouleau, MM. Milon, Morisset, Mouiller, Nègre, de Nicolaÿ, Panunzi, Paul, Pellevat, Perrin, Pierre, Pillet, Pointereau et Poniatowski, Mme Primas, MM. de Raincourt, Raison, Reichardt, Revet, D. Robert, Savary, Savin et Trillard, Mme Troendlé et MM. Vaspart, Vasselle, Vogel, Dassault et Dufaut, est ainsi libellé :
Après l’article 2 quinquies
Insérer un article additionnel ainsi rédigé :
I. – Lorsque les conditions prévues au II du présent article sont remplies, les gains nets mentionnés à l’article 150-0 A du code général des impôts sont réduits, par dérogation au 1 ter de l’article 150-0 D du même code, d’un abattement égal à :
1° 50 % de leur montant lorsque les actions, parts, droits ou titres sont détenus depuis moins de quatre ans à la date de la cession ;
2° 75 % de leur montant lorsque les actions, parts, droits ou titres sont détenus depuis au moins quatre ans et moins de huit ans à la date de la cession ;
3° 100 % de leur montant lorsque les actions, parts, droits ou titres sont détenus depuis au moins huit ans à la date de la cession.
II. – L’abattement mentionné au I s’applique lorsque sont réunies les conditions suivantes :
1° La cession est intervenue entre le 15 décembre 2015 et le 31 décembre 2016 ;
2° Les actions, parts ou droits cédés ne sont pas éligibles au plan d’épargne en actions destiné au financement des petites et moyennes entreprises et des entreprises de taille intermédiaire mentionné à l’article L. 221-32-1 du code monétaire et financier ;
3° Le produit de la cession est, dans un délai de trente jours, versé sur un plan d’épargne en actions destiné au financement des petites et moyennes entreprises et des entreprises et investis en titres mentionnés à l’article L. 221-32-2 du même code ;
4° Le contribuable s’engage à détenir les titres mentionnés au 3° de manière continue pour une durée minimale de 5 ans.
III. – Un décret précise les obligations déclaratives nécessaires à l’application du présent article.
IV. – La perte de recettes pour l’État résultant des I et II du présent article est compensée, à due concurrence, par la création d’une taxe additionnelle aux droits mentionnés aux articles 575 et 575 A du code général des impôts.
La parole est à M. Francis Delattre.
M. Francis Delattre. Nous allons désormais aborder un certain nombre de questions liées au financement de notre économie, qui concernent en particulier les PME, PMI et ETI, ou entreprises de taille intermédiaire.
Le présent amendement a pour objet le plan d’épargne en actions destiné au financement des PME et ETI, le PEA-PME, un très bon outil qui mériterait d’être développé. À cette fin, le Sénat avait déjà voté un amendement en ce sens lors de l’examen de la loi Macron.
Il s’agit d’instaurer un dispositif d’abattement exceptionnel, afin d’encourager l’investissement dans le PEA-PME et de permettre ainsi aux PME, PMI et ETI de disposer de fonds et moyens propres.
Il faut bien comprendre une réalité de ce pays : quelque 90 % des investissements des entreprises sont financés par des crédits bancaires. C’est un véritable problème pour la France, qui est, de ce fait, désavantagée par rapport à ses concurrents. À cet égard, nous en étions tous d’accord, le PEA-PME est un bon dispositif. Il permet en effet d’orienter l’épargne française vers le secteur économique, lequel est plus « à risque » que les placements traditionnels, tels que l’assurance-vie ou les livrets d’épargne.
M. le président. Quel est l’avis de la commission ?
M. Albéric de Montgolfier, rapporteur général de la commission des finances. La commission est favorable à cette mesure, qui avait été adoptée à l’occasion de l’examen de la loi Macron.
Cet amendement vise à encourager ou à relancer le PEA-PME, lequel ne rencontre malheureusement pas le succès escompté. Je souligne que le dispositif proposé, dont le coût est très limité, est entouré d’un certain nombre de garanties qui doivent permettre d’éviter les dérapages : des conditions d’investissement effectives dans les titres éligibles au PEA-PME et une obligation de détention d’une durée minimale de cinq ans. Par ailleurs, les titres cédés ne doivent pas être éligibles au PEA-PME, afin d’éviter les effets d’aubaine.
Compte tenu de ces garanties et de l’utilité du dispositif pour encourager l’investissement dans le PEA-PME, la commission a émis, je le répète, un avis favorable.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. Christian Eckert, secrétaire d'État. Mesdames, messieurs les sénateurs, le Gouvernement réfléchit actuellement à la mise en place de dispositions non pas identiques, mais proches de celles que vous préconisez, qu’elle vous soumettra à l’occasion de la présentation du projet de loi de finances rectificative.
Nous vous proposerons ainsi d’exonérer les plus-values de SICAV à hauteur des montants investis dans les PME-PEA, et non pas celles de titres de PME, comme vous l’indiquez dans l’amendement.
J’ai bien compris que vous aviez prévu des mesures d’encadrement, mais il me paraît toutefois difficile de contrôler le dispositif. Il faudra en effet s’assurer que les plus-values proviennent de titres non éligibles au PEA-PME.
M. Albéric de Montgolfier, rapporteur général de la commission des finances. C’est l'objet de cet amendement !
M. Christian Eckert, secrétaire d'État. Certes, philosophiquement, l’intention est bonne, mais, encore une fois, ce sera difficile à contrôler. En effet, vous pouvez investir dans un PEA-PMA sous forme de liquidités. Il faudra donc vérifier que le montant correspondant à l’abattement de certaines plus-values soit bien réinvesti dans le PEA-PMA, lequel comporte une part en liquidités et une part en titres.
Le dispositif est assez lourd, même s’il est intellectuellement séduisant. Pour ma part, je me mets à la place de la personne qui devra contrôler une telle opération, y compris dans le temps : ce sera difficile, dans la mesure où l’investissement peut être immédiatement suivi d’une revente. Peuvent se produire des effets de contournement et d’opportunité tout à fait massifs.
Vous prévoyez que le montant consacré au PEA-PME doit être investi en actions. Certes, mais si celles-ci sont vendues trois jours plus tard, que se passera-t-il ?
M. Albéric de Montgolfier, rapporteur général de la commission des finances. L’amendement vise une obligation de détention de cinq ans !
M. Christian Eckert, secrétaire d'État. Pour le PEA-PME ? Dans ce cas, j’ai lu le texte de cet amendement un peu trop vite...
Quoi qu’il en soit, cette proposition doit être retravaillée. À ce stade, le Gouvernement y est défavorable.
M. le président. La parole est à M. Francis Delattre, pour explication de vote.
M. Francis Delattre. Vous nous avez dit, monsieur le secrétaire d’État, que vous alliez proposer un dispositif visant à atteindre le même objectif que celui qui est visé au travers de cet amendement. Pourriez-vous nous indiquer à quelle date ?
Nous sommes prêts à retirer notre amendement. Nous comprenons tout à fait qu’un dispositif fiscal doive être techniquement au point.
M. le président. La parole est à M. le secrétaire d'État.
M. Christian Eckert, secrétaire d'État. Nous présenterons ce dispositif à l’occasion de l’examen du projet de loi de finances rectificative.
M. Francis Delattre. Dans ce cas, nous retirons notre amendement, monsieur le président !