Sommaire

Présidence de Mme Isabelle Debré

Secrétaires :

MM. Jean Desessard, Christian Cambon.

1. Procès-verbal

2. Hommage de la Nation aux victimes des attentats du 13 novembre 2015

3. Loi de finances pour 2016. – Suite de la discussion d’un projet de loi

Seconde partie (suite)

Recherche et enseignement supérieur

M. Philippe Adnot, rapporteur spécial de la commission des finances

M. Michel Berson, rapporteur spécial de la commission des finances

M. Henri Tandonnet, rapporteur pour avis de la commission des affaires économiques

M. Jacques Grosperrin, rapporteur pour avis de la commission de la culture

Mme Dominique Gillot, rapporteur pour avis de la commission de la culture

Mme Odette Herviaux, rapporteur pour avis de la commission de l'aménagement du territoire, pour la recherche dans le domaine du développement durable

Mme Françoise Laborde

Mme Brigitte Gonthier-Maurin

Mme Corinne Bouchoux

M. Antoine Lefèvre

M. Joël Guerriau

Mme Dominique Gillot

Mme Sylvie Robert

M. Thierry Mandon, secrétaire d'État auprès de la ministre de l'éducation nationale, de l'enseignement supérieur et de la recherche, chargé de l'enseignement supérieur et de la recherche

État B

Amendements identiques nos II-139 de la commission et II-202 rectifié de M. Jacques Grosperrin, rapporteur pour avis. – Adoption des deux amendements.

Amendement n° II-211 de M. Michel Bouvard. – Retrait.

Amendement n° II-210 de M. Michel Bouvard. – Rejet.

Amendements identiques nos II-157 de la commission et II-201 de M. Jacques Grosperrin, rapporteur pour avis. – Adoption par scrutin public.

Adoption des crédits modifiés de la mission « Recherche et enseignement supérieur ».

Suspension et reprise de la séance

PRÉSIDENCE DE Mme Françoise Cartron

Défense

M. Dominique de Legge, rapporteur spécial de la commission des finances

M. Jacques Gautier, rapporteur pour avis de la commission des affaires étrangères pour l’équipement des forces

M. Daniel Reiner, rapporteur pour avis de la commission des affaires étrangères pour l’équipement des forces

M. Jacques Gautier, en remplacement de M. Xavier Pintat, rapporteur pour avis de la commission des affaires étrangères pour l’équipement des forces

M. André Trillard, rapporteur pour avis de la commission des affaires étrangères pour l’environnement et la prospective de la politique de défense

M. Jeanny Lorgeoux, rapporteur pour avis de la commission des affaires étrangères pour l’environnement et la prospective de la politique de défense

M. Yves Pozzo di Borgo, rapporteur pour avis de la commission des affaires étrangères pour la préparation et l’emploi des forces

Mme Michelle Demessine, rapporteur pour avis de la commission des affaires étrangères pour la préparation et l’emploi des forces

M. Jacques Gautier, en remplacement de M. Robert del Picchia, rapporteur pour avis de la commission des affaires étrangères pour le soutien de la politique de défense

M. Gilbert Roger, rapporteur pour avis de la commission des affaires étrangères pour le soutien de la politique de défense

Mme Leila Aïchi

M. Yvon Collin

M. Daniel Reiner

Mme Joëlle Garriaud-Maylam

M. Joël Guerriau

Mme Michelle Demessine

M. Jeanny Lorgeoux

M. Cédric Perrin

M. Pascal Allizard

M. Jean-Yves Le Drian, ministre de la défense

État B

Amendement n° II-311 du Gouvernement. – Adoption.

Amendements identiques nos II-84 de M. André Trillard, rapporteur pour avis, et II-181 de M. Michel Bouvard. – Retrait des deux amendements.

Adoption des crédits modifiés de la mission « Défense ».

Engagements financiers de l’État

Compte de concours financiers : Accords monétaires internationaux

Compte de concours financiers : Avances à divers services de l’État ou organismes gérant des services publics

Compte d’affectation spéciale : Participation de la France au désendettement de la Grèce

Compte d’affectation spéciale : Participations financières de l’État

M. Serge Dassault, rapporteur spécial de la commission des finances

M. Maurice Vincent, rapporteur spécial de la commission des finances pour les participations financières de l’État

M. Philippe Leroy, en remplacement de M. Alain Chatillon, rapporteur pour avis de la commission des affaires économiques pour les participations financières de l’État

Mme Nathalie Goulet

Mme Marie-France Beaufils

M. André Gattolin

M. Francis Delattre

M. Martial Bourquin

M. Michel Sapin, ministre des finances et des comptes publics

engagements financiers de l’état

Adoption des crédits de la mission « Engagements financiers de l’État » figurant à l’état B.

compte de concours financiers : accords monétaires internationaux

Adoption des crédits du compte de concours financiers « Accords monétaires internationaux » figurant à l’état D.

compte de concours financiers : avances à divers services de l’état ou organismes gérant des services publics

État D

Amendement n° II-276 du Gouvernement. – Adoption.

Adoption des crédits modifiés du compte de concours financiers « Avances à divers services de l’État ou organismes gérant des services publics ».

compte d’affectation spéciale : participation de la france au désendettement de la grèce

compte d’affectation spéciale : participations financières de l’état

Adoption des crédits du compte d’affectation spéciale « Participation de la France au désendettement de la Grèce » et du compte d’affectation spéciale « Participations financières de l’État », figurant à l’état D.

Régimes sociaux et de retraite

Compte d’affectation spéciale : Pensions

M. Jean-Claude Boulard, rapporteur spécial de la commission des finances

Mme Agnès Canayer, rapporteur pour avis de la commission des affaires sociales

M. Olivier Cadic

Mme Laurence Cohen

M. Michel Sapin, ministre des finances et des comptes publics

régimes sociaux et de retraite

Adoption des crédits de la mission « Régimes sociaux et de retraites » figurant à l’état B.

compte d’affectation spéciale : pensions

Adoption des crédits du compte d’affectation spéciale « Pensions » figurant à l’état D.

Remboursements et dégrèvements

Mme Marie-France Beaufils, rapporteur spécial de la commission des finances

M. Maurice Vincent

M. André Gattolin

M. Michel Sapin, ministre des finances et des comptes publics

État B

Amendement n° II-253 du Gouvernement. – Adoption.

Adoption des crédits modifiés de la mission « Remboursements et dégrèvements ».

Suspension et reprise de la séance

PRÉSIDENCE DE M. Jean-Pierre Caffet

Aide publique au développement

Compte de concours financiers : Prêts à des États étrangers

Mme Fabienne Keller, rapporteur spécial de la commission des finances

M. Yvon Collin, rapporteur spécial de la commission des finances

M. Henri de Raincourt, rapporteur pour avis de la commission des affaires étrangères, de la défense et des forces armées

Mme Hélène Conway-Mouret, rapporteur pour avis de la commission des affaires étrangères, de la défense et des forces armées

Mme Leila Aïchi

M. Yves Pozzo di Borgo

M. Michel Billout

Mme Hélène Conway-Mouret

M. Robert Hue

Mme Joëlle Garriaud-Maylam

Mme Claudine Lepage

Mme Christiane Kammermann

Mme Annick Girardin, secrétaire d'État auprès du Premier ministre, chargée du développement et de la francophonie

aide publique au développement

État B

Amendement n° II-213 rectifié de M. Ronan Dantec. – Rejet.

Amendement n° II-188 de Mme Marie-Noëlle Lienemann. – Non soutenu.

Amendement n° II-200 rectifié bis de M. Cyril Pellevat. – Non soutenu.

Adoption des crédits de la mission « Aide publique au développement ».

Article 48 – Adoption.

compte de concours financiers : prêts à des états étrangers

Adoption des crédits du compte de concours financiers « Prêts à des États étrangers » figurant à l’état D.

4. Décisions du Conseil constitutionnel sur trois questions prioritaires de constitutionnalité

5. Ordre du jour

compte rendu intégral

Présidence de Mme Isabelle Debré

vice-présidente

Secrétaires :

MM. Jean Desessard, Christian Cambon.

Mme la présidente. La séance est ouverte.

(La séance est ouverte à dix heures trente-cinq.)

1

Procès-verbal

Mme la présidente. Le compte rendu analytique de la précédente séance a été distribué.

Il n’y a pas d’observation ?…

Le procès-verbal est adopté sous les réserves d’usage.

2

Hommage de la Nation aux victimes des attentats du 13 novembre 2015

Mme la présidente. Monsieur le secrétaire d'État, mes chers collègues (Mmes et MM. les sénateurs ainsi que M. le secrétaire d'État chargé de l’enseignement supérieur et de la recherche se lèvent.), au moment où commence, aux Invalides, l’hommage de la Nation aux victimes des attentats du 13 novembre dernier, je vous propose d’observer un moment de recueillement en leur mémoire. (Mmes et MM. les sénateurs ainsi que M. le secrétaire d'État observent un moment de recueillement.)

3

Etat B (interruption de la discussion)
Dossier législatif : projet de loi de finances pour 2016
Seconde partie

Loi de finances pour 2016

Suite de la discussion d’un projet de loi

Discussion générale
Dossier législatif : projet de loi de finances pour 2016
Recherche et enseignement supérieur

Mme la présidente. L’ordre du jour appelle la suite de la discussion du projet de loi de finances pour 2016, adopté par l’Assemblée nationale (projet n° 163, rapport général n° 164, avis nos 165 à 170).

SECONDE PARTIE (SUITE)

MOYENS DES POLITIQUES PUBLIQUES ET DISPOSITIONS SPÉCIALES

Seconde partie
Dossier législatif : projet de loi de finances pour 2016
Etat B

Mme la présidente. Nous poursuivons l’examen, au sein de la seconde partie du projet de loi de finances, des différentes missions.

Recherche et enseignement supérieur

Mme la présidente. Le Sénat va examiner les crédits de la mission « Recherche et enseignement supérieur ».

La parole est à M. Philippe Adnot, rapporteur spécial.

M. Philippe Adnot, rapporteur spécial de la commission des finances. Madame la présidente, monsieur le secrétaire d'État, mes chers collègues, le budget proposé pour la mission « Recherche et enseignement supérieur » dans le projet de loi de finances pour 2016 était initialement stable. À l’issue de l’examen du projet de loi par l’Assemblée nationale, l’enveloppe a finalement été réduite de 19 millions d’euros à périmètre constant, avec à la fois une hausse de 100 millions d’euros sur le programme 150, « Formations supérieures et recherche universitaire », et une diminution de 119 millions d’euros sur les programmes dédiés à la recherche.

Cette baisse des moyens accordés à la recherche est contraire à l’engagement du Président de la République de garantir la sanctuarisation des crédits de la recherche. C’est un signal négatif envoyé au monde de la recherche, et nous le regrettons.

Concernant plus spécifiquement les crédits consacrés à l’enseignement supérieur, ils sont préservés pour 2016, malgré la contrainte budgétaire forte. Je m’en félicite.

L’enveloppe supplémentaire de 100 millions d’euros est présentée comme permettant de couvrir les besoins des établissements d’enseignement supérieur, compte tenu de la dynamique du nombre d’étudiants. En réalité, elle correspond surtout au montant du prélèvement opéré par le Gouvernement, en 2015, sur le fonds de roulement de plusieurs établissements et constitue ainsi un rattrapage bienvenu, même s’il faut bien avoir conscience que ce ne sont pas nécessairement les établissements ponctionnés qui bénéficieront de ce retour…

Les subventions pour charges de service public versées aux établissements augmentent, sous l’effet notamment de la création de 1 000 emplois. Je m’interroge toutefois sur la réalité du nombre de postes effectivement pourvus et sur les incidences concrètes de ces créations d’emplois sur l’encadrement des étudiants. Vous savez très bien, mes chers collègues, que l’équilibre budgétaire d’un certain nombre d’universités est construit à partir d’un gel de postes !

Si l’enveloppe contractualisée au titre des contrats de plan État-région, les CPER, pour la période 2014-2020 est modeste, il est surtout à espérer que les collectivités territoriales disposeront des moyens nécessaires pour participer à la hauteur des attentes, alors que leurs dotations sont en baisse.

Le nombre d’étudiants ne cesse d’augmenter, comme le montrent les quelque 40 000 étudiants supplémentaires inscrits à la rentrée 2015. La question de l’orientation de tous ces jeunes devra être posée. En effet, on sait très bien qu’un certain nombre entre eux choisissent davantage un statut qu’un avenir !

Au-delà des crédits budgétaires, dont la hausse est nécessairement contrainte, il est également indispensable de maintenir et de développer les autres ressources.

Parmi les ressources qui diminuent de façon très inquiétante et pour lesquelles une solution pérenne devra être trouvée figure la taxe d’apprentissage. Des études annoncent des baisses moyennes de 37 % des recettes issues de la part « barème » de cette taxe par rapport à 2015.

Monsieur le secrétaire d'État, selon la presse, vous auriez vous-même reconnu avoir été « surpris par la violence de l’impact de la réforme ». Nous vous écouterons donc avec intérêt sur ce sujet.

Ensuite, je le réaffirme, selon moi, les frais d’inscription universitaires devraient être augmentés. Avoir gelé les droits d’inscription à la rentrée 2015 est une erreur. Les frais d’inscription en licence s’élèvent à 184 euros : autant dire que s’inscrire à l’université coûte moins cher que s’inscrire à la plupart des clubs de sport ! Cette augmentation se justifierait encore davantage pour les étudiants étrangers, les montants actuels conduisant même à dévaloriser certaines formations aux yeux d’étudiants, qui, habitués à des frais autrement plus élevés dans leur pays, peuvent douter de la valeur de nos formations.

Les contrats de recherche doivent également être développés. À cet effet, je présenterai, lors de l’examen des articles non rattachés de la seconde partie du projet de loi de finances, un amendement visant à ce qu’au moins 10 % des dépenses de recherche ouvrant droit au bénéfice du crédit d’impôt recherche – le CIR – réalisées par les plus grosses entreprises le soient dans le cadre de laboratoires universitaires. Actuellement, moins de 5 % de l’assiette du CIR concerne la recherche effectuée par des organismes publics. C’est dommage, car une augmentation de cette part améliorerait considérablement l’efficacité du dispositif, tout en donnant des moyens supplémentaires à l’université, à partir de l’argent de l’État, sans déséquilibrer le budget. Nous y reviendrons tout à l'heure.

Les universités ont amélioré leur gestion et mis à profit l’autonomie qu’elles ont acquise depuis l’adoption de la loi relative aux libertés et responsabilités des universités, ou « loi LRU ». Elles connaissent une situation financière stable, satisfaisante. Toutefois, certaines maintiennent leur équilibre au prix d’arbitrages lourds et engageants pour l’avenir. Je pense à la non-réalisation de certaines opérations d’entretien, ou encore aux gels de postes que j’ai évoqués tout à l'heure. Ce ne sont pas là des solutions d’avenir !

Il est indispensable que l’autonomie soit poursuivie, en particulier dans les domaines des ressources humaines et du patrimoine immobilier. Certes, l’expérimentation de la dévolution du patrimoine ne peut être généralisée, du moins pas dans les conditions actuelles, car la pérennisation de cette charge, dont le coût s’élève aujourd'hui à 850 millions d’euros par an, serait, bien évidemment, très difficile à supporter pour l’État.

Pour autant, monsieur le secrétaire d'État, vous avez indiqué que ce sujet constituait l’une de vos priorités. Nous suivrons donc avec attention les différentes propositions que vous formulerez.

Par ailleurs, la réforme du système de répartition des moyens à la performance et à l’activité, ou SYMPA, est au point mort. Depuis le début de l’année, rien n’a été proposé. La conférence des présidents d’université a fait savoir qu’elle ne souhaitait pas pour l’instant que lui soit appliqué le modèle de répartition des crédits concernant les établissements formant les ingénieurs. Je pense que l’on ne pourra pas en rester là.

Mes chers collègues, je veux également insister auprès de vous tous sur la situation de l’enseignement supérieur privé, aujourd'hui sacrifié, alors qu’il rend un service énorme à notre nation, en formant 80 000 jeunes – c’est tout de même extrêmement important –, sans coûter cher à l’État. C'est la raison pour laquelle je vous proposerai d’adopter, de nouveau, un amendement tendant à réévaluer la dotation des établissements concernés, comme nous l’avons déjà fait depuis plusieurs années dans cette enceinte.

S’agissant des crédits du programme 231, « Vie étudiante », l’effort budgétaire en faveur des aides sociales directement versées aux étudiants reste élevé – je rappelle que le nombre d’étudiants boursiers a augmenté de plus de 12 % entre 2010 et 2015.

Je regrette vivement que le Gouvernement, après avoir voulu les supprimer, décide, cette année, de réduire de moitié le montant des aides au mérite des nouveaux entrants…

Mme la présidente. Veuillez conclure, mon cher collègue !

M. Philippe Adnot, rapporteur spécial. … et de ne plus les maintenir pour le niveau master.

Je constate également que le Gouvernement prélèvera une somme de 50 millions d’euros sur les centres régionaux des œuvres universitaires et scolaires, les CROUS, comme il avait ponctionné, l’an dernier, les établissements d’enseignement supérieur.

Enfin, le plan visant à construire 40 000 nouveaux logements étudiants, ou « plan 40 0000 », semble avancer correctement.

Mme la présidente. Concluez, mon cher collègue !

M. Philippe Adnot, rapporteur spécial. Compte tenu de l’ensemble de ces éléments, la commission des finances vous propose, mes chers collègues, d’adopter les crédits de la mission « Recherche et enseignement supérieur » tels que modifiés par les amendements qu’elle vous présentera.

Mme la présidente. La parole est à M. Michel Berson, rapporteur spécial.

M. Michel Berson, rapporteur spécial de la commission des finances. Dans un contexte budgétaire très contraint, il faut saluer l’effort réalisé par votre gouvernement, monsieur le secrétaire d’État, pour soutenir la recherche dans notre pays et préserver ses crédits.

Il convient toutefois de relativiser la sanctuarisation des crédits alloués à la recherche – ce sera ma première observation.

En 2016, ces crédits devraient diminuer. Le montant total alloué aux programmes consacrés à la recherche dans le projet de loi de finances pour 2016 s’élèverait à 10,6 milliards d’euros en autorisations d’engagement et à 10,9 milliards d’euros en crédits de paiement, soit une diminution respective de 3,3 % et de 1,1 %, à périmètre constant.

Entre 2011 et 2014, on observe que la part des programmes consacrés à la recherche dans le PIB a connu une baisse de 6 % que les crédits du programme d’investissements d’avenir, le PIA, ont corrigée.

La dynamique des dépenses de fonctionnement et de personnel contraint d’autant plus – à crédits constants – la capacité d’investissement de certains organismes que des diminutions significatives de crédits interviennent en cours de gestion, à travers les « gels ».

Enfin, je voudrais souligner que, comme l’an dernier, l’Assemblée nationale a voté, sur l’initiative du Gouvernement, en seconde délibération, une baisse de 119 millions d’euros concernant plusieurs programmes de la recherche, dont 70 millions d’euros portent sur le programme « Recherche spatiale ». La contribution française à l’Agence spatiale européenne va donc être réduite, augmentant d’autant notre dette à l’égard de l’Agence.

Alors que cette diminution de 119 millions d’euros sur le budget de la recherche s’accompagne d’une augmentation de 100 millions d’euros sur celui de l’enseignement supérieur, je veux répéter en cet instant qu’il est regrettable que les crédits alloués à la recherche servent trop souvent de variable d’ajustement. Ce coup de rabot remet en cause l’engagement d’une sanctuarisation des crédits de la recherche et mine la confiance des chercheurs. C’est pourquoi j’ai proposé à la commission des finances de rétablir les 119 millions d’euros supprimés par l’Assemblée nationale.

Ma deuxième observation porte sur la recherche par projet.

La baisse des crédits et des taux de succès des appels à projet de l’Agence nationale de la recherche, l’ANR, se poursuit. Il en résulte une érosion du taux de projets financés, amplifiée par l’augmentation du nombre de projets soumis. Le taux de succès, tombé à 10 %, est devenu peu incitatif pour les équipes de recherche. Quant au préciput, fixé à 11 %, il est loin des 25 % des programmes européens qui sont la norme. Le taux de préciput de l’ANR devait passer, en 2015, de 11 % à 15 %, mais le règlement financier de l’Agence ne prévoit aucune évolution sur ce point, qui ne semble pas à l’ordre du jour pour 2016.

En outre, la règle demeure la facturation à coût marginal et non à coût complet : elle ne recouvre que l’exact surcoût lié au projet, sans prendre en compte les coûts liés au personnel permanent. Il ne s’agit pas seulement d’un problème de principe : la faiblesse du préciput et l’absence de facturation à coût complet remettent en cause l’idée même selon laquelle les ressources propres peuvent permettre aux organismes de recherche de trouver des marges de manœuvre budgétaires.

Ma troisième observation concerne l’emploi scientifique, dont la situation demeure préoccupante.

Dans le secteur public, la baisse du nombre de départs à la retraite réduit mécaniquement le nombre d’embauches de chercheurs, d’ingénieurs et de techniciens, quand bien même ces départs seraient tous remplacés, ce qui n’est pas toujours le cas, en raison des contraintes budgétaires très fortes qui pèsent sur les opérateurs.

Dans le secteur privé, la modulation de l’assiette du CIR en faveur de l’embauche de jeunes docteurs ne semble pas vaincre les difficultés rencontrées par ces derniers pour s’insérer dans le secteur de la recherche privée. En effet, le nombre de docteurs recrutés par une entreprise reste faible, de l’ordre de 12 % des chercheurs salariés. C'est la raison pour laquelle je propose de conditionner l’application du taux de CIR de 5 % à l’embauche de docteurs ou à un effectif significatif de docteurs au sein du personnel de recherche salarié.

Ma quatrième observation concerne une autre composante du CIR qui me semble mériter une amélioration.

Depuis une instruction fiscale du mois d’avril 2014, les entreprises sous-traitantes ne peuvent plus déclarer, au titre du CIR, les dépenses de recherche qu’elles effectuent pour le compte d’une autre entreprise, même si l’entreprise donneuse d’ordre ne demande pas, elle, à bénéficier du crédit d’impôt recherche. Cette règle a des conséquences néfastes pour les petites entreprises de recherche et développement, dont la survie repose sur la passation de contrats avec de grands groupes.

Je pense donc que la loi doit préciser que les sous-traitants peuvent bénéficier du CIR, dès lors que la dépense de recherche n’est pas déclarée par l’entreprise donneuse d’ordre parce qu’elle a dépassé ses plafonds de sous-traitance ou qu’elle renonce au CIR.

Ces deux propositions concernant le crédit d’impôt recherche seront examinées dans le cadre des articles non rattachés du présent projet de loi de finances.

Enfin, et ce sera ma dernière observation, le taux de mise en réserve des crédits devient un enjeu crucial pour les opérateurs.

Ces dernières années, ce taux a été augmenté et la plus grande partie des crédits gelés est annulée. Or le taux de mise en réserve diffère selon le ministère de rattachement de l’organisme, critère formel qui dépend de l’histoire de l’organisme de recherche. Il serait préférable qu’il soit modulé au regard des contraintes effectives des opérateurs.

Cette situation traduit les limites de la mise en œuvre de la logique par mission prévue par la LOLF, la loi organique relative aux lois de finances : les missions budgétaires, correspondant chacune à une politique publique de l’État, ne se sont pas complètement imposées et les arbitrages continuent d’être pris à l’échelon ministériel.

Sans rattacher l’ensemble des opérateurs au ministère chargé de la recherche, il me semble nécessaire de réfléchir à des modalités permettant d’organiser des arbitrages globaux et équitables, conduisant à la constitution d’un budget unifié de la recherche.

Sous le bénéfice de ces cinq observations, je suis favorable à l’adoption des crédits de la mission « Recherche et enseignement supérieur » tels que modifiés par l’amendement que je présenterai, au nom de la commission des finances, visant à rehausser de 119 millions d’euros le budget de la mission.

Mme la présidente. La parole est à M. Henri Tandonnet, rapporteur pour avis.

M. Henri Tandonnet, rapporteur pour avis de la commission des affaires économiques. Madame la présidente, monsieur le secrétaire d’État, mes chers collègues, mon intervention portera plus spécifiquement sur le volet « recherche » de la MIRES, la mission interministérielle « Recherche et enseignement supérieur ».

Je ne m’attarderai pas sur les crédits, si ce n’est pour regretter, bien évidemment, le substantiel rabotage de l’enveloppe de la MIRES en seconde délibération, par l’Assemblée nationale, pour financer des évolutions de carrières statutaires. Comme vient de le rappeler M. Berson, la mission a ainsi été privée de 119 millions d’euros, essentiellement sur ses programmes consacrés à la recherche.

Par ailleurs, 70 millions d’euros ont été prélevés sur la contribution du Centre national d’études spatiales, le CNES, à l’Agence spatiale européenne, à l’égard de laquelle notre dette est déjà très élevée. Le Gouvernement avait déjà agi de la sorte l’année passée, pour un montant comparable. Aussi, je soutiens l’amendement par lequel nos collègues de la commission des finances rétablissent ces 119 millions d’euros dans leur répartition initiale.

Je souhaite à présent faire quelques remarques d’ordre plus général sur le budget de la recherche.

J’observe tout d’abord l’absence de ligne claire du Gouvernement en la matière.

Au-delà de la présentation d’une stratégie nationale de la recherche restant très formelle, il n’existe aucune dynamique portée dans ce domaine. Ma collègue Valérie Létard alertait déjà, voilà deux ans, sur un « empilement d’instruments devenu totalement illisible ».

Je remarque que le rapport de la commission des finances évoque, lui aussi, une « mission budgétaire complexe » rassemblant neuf programmes, six ministères et des dizaines d’opérateurs de nature diverse. Quelle vision stratégique avez-vous, monsieur le secrétaire d’État, dans un environnement aussi peu lisible ?

Par ailleurs, j’observe que si les dotations dédiées à la recherche sont globalement reconduites cette année, à l’instar de l’année précédente, l’évolution est négative en termes réels.

En outre, il n’est ici rendu compte que des dotations en loi de finances initiale, lesquelles sont bien souvent affectées par des mesures de régulation budgétaires en cours d’année.

Enfin, cette évolution généralement négative vise des organismes, qui, pour beaucoup d’entre eux, ont déjà « rogné » au maximum leurs dépenses courantes et risquent de voir remise en cause la pérennité de leurs actions d’intérêt général. Tel est le cas de l’Institut français du pétrole-énergies nouvelles, l’IFP-EN, ou de l’Institut national de recherche en sciences et technologies pour l’environnement et l’agriculture, l’IRSTEA, dont j’ai reçu les représentants.

Je dirai maintenant un mot du crédit d’impôt recherche, devenu incontournable avec une dépense fiscale estimée à 5,5 milliards d’euros pour l’an prochain.

Si je ne remets pas en cause son effet bénéfique sur l’emploi des chercheurs, je m’interroge en revanche quant à son incidence réelle sur l’activité de recherche dans notre pays. Il existe là un point d’incertitude que la non-adoption du rapport de la commission d’enquête sénatoriale sur le sujet, au mois de juin dernier, n’a pas contribué à éclaircir.

Telles sont, madame la présidente, monsieur le secrétaire d’État, mes chers collègues, les analyses et propositions que m’a inspirées la présente mission.

La commission des affaires économiques a fait preuve de souplesse en proposant de s’abstenir sur le vote des crédits correspondants. J’y insiste toutefois, le contexte actuel, qui exige un accroissement des dépenses en matière de sécurité et de défense, joue pour beaucoup dans cette indulgence.

Mme la présidente. La parole est à M. Jacques Grosperrin, rapporteur pour avis.

M. Jacques Grosperrin, rapporteur pour avis de la commission de la culture, de l’éducation et de la communication. Madame la présidente, monsieur le secrétaire d’État, mes chers collègues, le Gouvernement propose un budget de l’enseignement supérieur « préservé » cette année. Mais nous savons tous dans cet hémicycle que l’État est à bout de souffle pour accompagner le développement de l’enseignement supérieur.

Nous savons aussi que, dans le contexte que nous connaissons – crise depuis 2008, impératif de réduction des déficits et, depuis ce triste vendredi 13 novembre, réorientation de nos priorités –, nous ne pourrons aller bien au-delà.

Je ne suis pas de ceux qui considèrent qu’un « bon budget » est forcément un budget qui augmente. Toutefois, les enjeux sont immenses ! Ils concernent tout simplement la place de la France dans le monde pour les vingt, trente, quarante prochaines années. Quelle part de la richesse nationale voulons-nous, pouvons-nous, consacrer à notre enseignement supérieur ? C’est la question que s’est posée la commission de la culture, de l’éducation et de la communication présidée par Mme Catherine Morin-Desailly, que je salue et remercie de sa remarquable implication sur l’ensemble des dossiers.

Le Gouvernement est aujourd’hui dans l’incapacité d’accompagner seul le développement de l’enseignement supérieur à la hauteur de nos ambitions communes. D’un côté, il maintient les crédits, mais, de l’autre, il ponctionne les fonds de roulement, diminue de moitié son engagement dans les CPER, siphonne les crédits des collectivités territoriales et des chambres de commerce et d’industrie, les CCI, laisse des ardoises impayées aux établissements, réforme la taxe d’apprentissage et fragilise ainsi les rares ressources propres des établissements…

Si l’objectif annoncé dans le cadre de la Stratégie nationale de l’enseignement supérieur, la STRANES, et par le secrétaire d’État est de passer, en 2025, à 2 % du PIB consacré chaque année à l’enseignement supérieur – nous n’en sommes pas encore à 1,5 %, et les États-Unis et le Canada sont au-delà de 2,5 % –, c’est une marche de 40 milliards d’euros que nous devons franchir. Cela suppose d’y dédier chaque année, pendant dix ans, 2,5 milliards d’euros supplémentaires.

Face à l’essoufflement des financements publics, il est indispensable de repenser le modèle économique de notre enseignement supérieur. Le Gouvernement agite le mirage des fonds de la formation professionnelle continue, alors que ces derniers ne pourront représenter, dans le meilleur des cas, que 1 % des 40 milliards d’euros nécessaires.

Nous devons nous montrer réalistes et responsables pour sortir des postures idéologiques et des tabous, et envisager avec sérénité, d’une part, la hausse des frais d’inscription et, d’autre part, le développement des établissements privés à but non lucratif.

Comme mon collègue Philippe Adnot, dont je salue le remarquable travail, je plaide aujourd’hui pour une hausse raisonnable des frais d’inscription, de l’ordre de 500 euros par an, ce qui porterait le coût d’inscription en licence à moins de 700 euros par an. Nous sommes loin du modèle américain !

J’y pose toutefois deux conditions : premièrement, que cette augmentation soit compensée à due concurrence pour les familles modestes par un élargissement des bourses sur critères sociaux, afin de ne pas détourner leurs enfants de l’enseignement supérieur ; deuxièmement, que cette hausse ne soit pas l’occasion pour l’État de se désengager.

Enfin, n’oublions pas la contribution de l’enseignement privé à but non lucratif en France à la mission de service public de l’enseignement supérieur. Le secteur privé entend en effet y prendre sa part : il accueille 500 000 étudiants, soit près d’un sur cinq.

Or les crédits consacrés à ces établissements atteignent aujourd’hui leur niveau d’étiage en deçà duquel la pérennité de ces établissements n’est plus garantie. C'est la raison pour laquelle j’ai tenu à déposer un amendement identique à celui de Philippe Adnot. Sachons faire appel à l’esprit de service public des intervenants du secteur privé.

La commission de la culture émet un avis favorable sur l’adoption des crédits de la MIRES, sous réserve de l’adoption des deux amendements identiques que je viens d’évoquer.

Mme la présidente. La parole est à Mme Dominique Gillot, rapporteur pour avis.

Mme Dominique Gillot, rapporteur pour avis de la commission de la culture, de l’éducation et de la communication. Comme s’y était engagé le secrétaire d’État, le montant alloué aux programmes de recherche relevant du ministère de l’éducation nationale, de l’enseignement supérieur et de la recherche, dans le projet de loi de finances initial pour 2016, était stable par rapport à 2015.

Toutefois, il conviendrait que cette sanctuarisation touche les programmes de tous les ministères contribuant au financement des organismes de recherche de la MIRES relevant de la double tutelle.

Au chapitre des points favorables, je citerai la subvention pour charges de service public des opérateurs de recherche, laquelle est stabilisée. Je citerai également les programmes d’investissements d’avenir, ou PIA, qui ont un effet positif : d’une part, les 11,7 milliards d’euros du PIA 1, entre 2010 et 2020, représentent une ressource non négligeable pour les organismes de recherche ; d’autre part, avec la loi pour l’enseignement supérieur et la recherche, dite « loi ESR », du 22 juillet 2013, ces programmes constituent un formidable levier pour renforcer la visibilité de la recherche française et induire de nouvelles pratiques, propices à l’interdisciplinarité, facteur de cohésion et d’intégration des projets soutenus.

Je serai moins optimiste concernant les crédits de l’ANR : reconduits pour 2016, ils constituent un budget plancher qui ne doit pas être réduit davantage, sauf à s’interroger sur l’utilité d’une agence de recherche. J’invite à la vigilance parlementaire pour obtenir un budget conforme aux engagements du secrétaire d’État.

J’encourage la communauté scientifique française à profiter des opportunités financières liées au programme européen Horizon 2020, en répondant plus systématiquement aux appels à projet.

L’année 2015 a été marquée par la publication de la stratégie nationale de recherche. Je souhaiterais que le Conseil stratégique de la recherche affirme son rôle d’impulsion et de conseil auprès du Premier ministre pour la mise en œuvre de cette stratégie.

Par ailleurs, l’État, qui devra nécessairement s’impliquer, pourra s’appuyer sur le Conseil national de la culture scientifique, technique et industrielle pour l’amplification du partage de la culture scientifique.

Concernant la valorisation de la recherche, l’État, comme les organismes de recherche et de nombreux scientifiques qui y travaillent, a pris conscience du renfort et de la professionnalisation nécessaires. Toutefois, le foisonnement des outils rend le dispositif complexe et difficilement lisible, notamment pour les entreprises désirant bénéficier des découvertes des laboratoires et les déployer.

Le devenir des sociétés d’accélération du transfert de technologies, les SATT, suscite des interrogations. Quid de leur intégration dans un système où les grands organismes de recherche disposent déjà de leur propre structure de valorisation et où de grands groupes développent des politiques d’innovation, soit à partir de la recherche publique, soit à partir de leur propre recherche et développement, soit en étant tuteur de start-up ? Peut-être faudrait-il une évaluation transparente des secteurs couverts ou non, des chevauchements et des synergies mises en œuvre.

En conclusion, je rappelle que la commission de la culture a émis un avis favorable sur les crédits de la recherche au sein de la MIRES.

Mme la présidente. La parole est à Mme Odette Herviaux, rapporteur pour avis.

Mme Odette Herviaux, rapporteur pour avis de la commission de l'aménagement du territoire et du développement durable, pour la recherche dans le domaine du développement durable. Madame la présidente, monsieur le secrétaire d’État, mes chers collègues, le programme 190 de la mission « Recherche et enseignement supérieur » a pour objet de financer des actions de recherche de six opérateurs de l’État dans le domaine du développement durable.

Les crédits pour 2016, de 1,4 milliard d’euros, sont en légère hausse, ce dont nous pouvons nous féliciter. Cette augmentation s’explique par la forte élévation des crédits versés au CEA, le Commissariat à l’énergie atomique et aux énergies alternatives, pour la couverture des charges nucléaires de long terme de ses installations et le financement des opérations de démantèlement et d’assainissement en cours.

Dans le court délai qui m’est imparti, je souhaiterais attirer votre attention, mes chers collègues, sur deux opérateurs qui ne bénéficient pas de la même évolution positive : l’IRSN et l’IFP Énergies nouvelles.

L’Institut de radioprotection et de sûreté nucléaire va se trouver, dans les années à venir, confronté aux défis du vieillissement et du démantèlement des réacteurs nucléaires actuels. Je me réjouis que ses dotations soient à peu près stabilisées cette année, après avoir connu une forte baisse les années précédentes. Pour autant, cela reste insuffisant pour que l’Institut puisse faire face à ses missions. Une piste serait de faire évoluer le dispositif des contributions qu’il perçoit des exploitants d’installations nucléaires de base. Monsieur le secrétaire d’État, le Gouvernement pourrait-il engager une réflexion sur ce sujet ?

Deuxième sujet de préoccupation, l’IFP Énergies nouvelles est l’opérateur du programme qui enregistre la plus forte baisse de crédits, avec une diminution de 6,6%.

La réduction constante de sa subvention depuis 2002 l’a contraint à réduire ses effectifs de près de 150 personnes et d’arrêter des projets de recherche aux débouchés à long terme. C’est d’autant plus regrettable que cet établissement mène des projets fondamentaux – je pense notamment à l’éolien offshore – et qu’il fait figure de bon élève, avec des ressources propres dynamiques, issues des produits des dividendes de ses filiales et de redevances pour exploitation de licences.

Il conviendrait donc, à tout le moins, monsieur le secrétaire d’État, d’éviter de nouveaux gels de crédits en cours d’année, pour lui permettre de maintenir ses travaux de recherche.

Madame la présidente, monsieur le secrétaire d’État, mes chers collègues, à l’heure de la mise en œuvre de la loi relative à la transition énergétique et à la veille de la COP 21, il est plus que jamais nécessaire d’insister sur l’importance du programme 190. C’est par la recherche et l’innovation que la France pourra changer de modèle en matière d’énergie, de bilan carbone ou encore de mobilité et d’aménagement durables.

Ces crédits étant globalement stabilisés, en légère augmentation dans un contexte financier contraint, la commission de l’aménagement du territoire et du développement durable a donné un avis favorable à leur adoption.

Mme la présidente. Monsieur le secrétaire d’État, mes chers collègues, je vous rappelle que le temps de parole attribué à chaque groupe pour chaque discussion comprend le temps d’intervention générale et celui de l’explication de vote.

Par ailleurs, le Gouvernement dispose au total de vingt minutes pour intervenir.

Dans la suite de la discussion, la parole est à Mme Françoise Laborde.

Mme Françoise Laborde. Madame la présidente, monsieur le secrétaire d’État, mes chers collègues, les crédits de la mission « Enseignement supérieur et recherche » pour l’année 2016 traduisent la volonté du Gouvernement de préserver les moyens dont elle a besoin pour demeurer une politique publique fondamentale pour notre pays.

Si les crédits de la mission sont globalement préservés, avec environ 25,89 milliards d’euros, ce dont nous nous réjouissons au vu du contexte budgétaire actuel, l’effort consenti n’est peut-être pas à la hauteur des enjeux, comme en témoignent les investissements d’autres pays de l’OCDE.

Les dépenses de personnel augmentent inéluctablement en raison de l’évolution du glissement vieillesse technicité, le GVT, les opérateurs concernés devant alors maîtriser leurs dépenses d’intervention.

Avec environ 15,6 milliards d’euros, le budget de l’enseignement supérieur demeure stable. Il représente 1,5 % de notre produit intérieur brut, soit un niveau très inférieur à ce qu’il est dans des pays comme le Canada, les États-Unis ou la Corée, où il dépasse les 2 %. La Stratégie nationale de l’enseignement supérieur vise cet objectif, mais encore faut-il s’en donner les moyens.

Il y a urgence au regard tant de la hausse des effectifs des étudiants, qui atteignent désormais la barre symbolique de 2,5 millions, que de l’objectif du Gouvernement de permettre à 60 % d’une classe d’âge d’obtenir un diplôme d’enseignement supérieur, contre un taux de 43,6 % aujourd'hui.

Certaines universités se voient contraintes de tirer au sort leurs inscrits. Il faut admettre que nous avons de réels problèmes d’orientation.

Monsieur le secrétaire d’État, cet investissement s’impose si l’on veut réduire efficacement le taux d’échec des étudiants et colmater les fractures sociales de notre système éducatif. Bien sûr, cela doit commencer dès l’école. Les étudiants arrivent en première année de licence avec leurs lacunes, accumulées tout au long de leur scolarité. L’université ne peut être considérée comme seule responsable.

La situation financière des établissements d’enseignement supérieur est inquiétante. L’accueil des étudiants et leurs conditions de travail continuent à se dégrader. Aussi l’abondement de 100 millions d’euros proposé par le Gouvernement à l’Assemblée nationale n’est-il pas un luxe : il convient en effet de rappeler que cette somme correspond au prélèvement effectué en 2015 sur les fonds de roulement des universités. Il s’agit d’un juste retour !

Comme le souligne la commission de la culture dans son rapport pour avis, la création de 1 000 emplois sera malheureusement grignotée pour un tiers par les fonctions administratives des nouvelles communautés d’universités et d’établissements, ces COMUE censées permettre une mutualisation des moyens.

Nous constatons également une forte baisse des crédits alloués dans le cadre des contrats de plan État-régions.

De plus, nous n’approuvons pas l’amendement déposé par le rapporteur spécial visant à relever les crédits des établissements d’enseignement supérieur privés. Un tel amendement n’est pas acceptable, puisqu’il prévoit en contrepartie une réduction de 5,59 millions d’euros du programme « Vie étudiante », qui, parce qu’il contribue à garantir un égal accès de tous les jeunes aux études supérieures et à améliorer leurs conditions de vie et leur pouvoir d’achat, participe à leur réussite.

Au-delà de ces réserves, je me réjouis de la poursuite du plan de construction de 40 000 logements étudiants d’ici à 2017.

Le budget de la recherche est, quant à lui, presque stabilisé, avec un peu plus de 10 milliards d’euros. Toutefois, nous regrettons la baisse de crédits de 119 millions d’euros, votée en seconde délibération à l’Assemblée nationale, qui pèse notamment sur le programme « Recherche spatiale », à l’heure du développement du futur lanceur européen Ariane 6. C’est un très mauvais signal envoyé à nos chercheurs. C’est la raison pour laquelle nous soutiendrons l’amendement de M. le rapporteur spécial Michel Berson.

Il convient par ailleurs de renforcer l’efficacité de cette politique publique. On le sait, la recherche d’aujourd’hui, ce sont les investissements de demain et les emplois d’après-demain.

À l’heure actuelle, la France n’est à l’origine que de 3,5 % des publications scientifiques mondiales, et la part de la recherche privée ne parvient pas à rattraper son retard, bien que l’État consacre 2,23 % du PIB à la recherche et développement.

Le crédit d’impôt recherche, le CIR, qui représente la moitié des crédits du budget de la recherche, mériterait un meilleur suivi. S’il favorise l’investissement des entreprises innovantes en matière de recherche et développement, son coût doit être contenu en ciblant les PME, l’embauche de jeunes doctorants et, véritablement, la recherche.

Il ne suffit pas de donner « plus » pour obtenir « mieux ». Comme l’a rappelé la Cour des comptes, l’encadrement du CIR doit être réalisé uniquement grâce à des corrections à la marge, afin d’assurer visibilité et stabilité aux entreprises.

Mes chers collègues, l’investissement de la Nation dans ces dépenses d’avenir est un message positif adressé à nos jeunes et à toute notre société. Il constitue le principal moyen pour reconstituer le tissu industriel de notre pays, relancer la croissance et créer des emplois à forte valeur ajoutée.

Parce que nous soutenons une politique ambitieuse, tant pour nos universités que pour notre recherche, nous nous prononcerons sur les crédits de cette mission en fonction du sort qui sera réservé aux amendements déposés. (Mmes Dominique Gillot et Corinne Bouchoux applaudissent.)

Mme la présidente. La parole est à Mme Brigitte Gonthier-Maurin.

Mme Brigitte Gonthier-Maurin. Madame la présidente, monsieur le secrétaire d’État, mes chers collègues, notre discussion intervient alors que notre pays est en état d’urgence, après les terribles attentats qui l’ont à nouveau endeuillé. Je m’associe à l’hommage national rendu ce matin aux victimes.

Dans ce contexte, l’urgence est aussi de lutter contre l’ignorance, contre tout rétrécissement de la pensée, par l’éducation et la culture. Les moyens accordés à l’enseignement supérieur et la recherche y participent pleinement.

En septembre dernier, la Stratégie nationale de l’enseignement supérieur a été remise au Président de la République. Elle porte, à juste titre, une grande ambition pour l’enseignement supérieur et la recherche de notre pays.

Or, à la lecture des documents budgétaires, je constate une véritable déconnexion entre le niveau d’ambition affiché et la faiblesse des moyens mobilisés.

Concernant les crédits alloués aux universités pour « assurer la réussite de tous les étudiants », un « effort » de 100 millions d’euros, qualifié d’« exceptionnel », est consenti sur les crédits du programme 150, alors que l’on comptait 45 000 étudiants supplémentaires à la rentrée 2015.

Si l’on fait le ratio entre cette somme et le nombre de nouveaux étudiants, on arrive à une enveloppe annuelle, pour chaque étudiant, de 2 000 euros, alors que les universités consacrent annuellement par étudiant 8 300 euros en moyenne.

Une telle inégalité creusera les disparités déjà existantes entre filières et d’une université à l’autre, avec des budgets par étudiant variant de 6 000 à 13 000 euros. À titre d’exemple, dans les écoles d’ingénieurs publiques, le budget moyen par étudiant est de 16 300 euros.

Comment, dans ces conditions, assurer la réussite de tous ? Comment amener, d’ici à 2025, 60 % d’une classe d’âge à un diplôme de l’enseignement du supérieur – l’un des objectifs de la STRANES -, alors que le taux de réussite en L1 a encore baissé cette année ?

On nous parle de « sanctuarisation des moyens », mais il est clair que l’augmentation de la démographie étudiante est sous-budgétisée et que les 1 000 postes budgétés feront de nouveau l’objet d’un gel dans les universités, pour affronter le quotidien.

On rogne sur la vie étudiante, et les centres régionaux des œuvres universitaires et scolaires, les CROUS, auront du mal à faire face au nouvel effort demandé, notamment dans le domaine du logement.

Ce budget ne permet même pas, de mon point de vue, de maintenir la situation en l’état, et le risque de paupérisation est bien réel. L’objectif fixé dans la STRANES de consacrer 2 % du PIB à l’enseignement supérieur, soit 40 milliards d’euros par an, paraît bien lointain.

Je m’inquiète aussi du coût des fusions, non budgété, alors même que les budgets des contrats de plan État-régions ont baissé de 48 % et que se dessine un nouveau paysage, avec treize grandes régions.

Monsieur le secrétaire d’État, vous invitez à repenser le « modèle économique de notre enseignement supérieur » et appelez au développement des ressources propres.

Certaines des solutions avancées – l’organisation de summer schools ou le développement de la formation continue – ne sauraient combler les besoins de financement des universités, sans compter que ces activités supplémentaires auront elles-mêmes un coût, en termes de fonctionnement.

M. Jacques Grosperrin, rapporteur pour avis de la commission de la culture, et M. Philippe Adnot, rapporteur spécial de la commission des finances, suggèrent une hausse des frais d’inscription. Je n’approuve pas cette recommandation. La hausse des frais d’inscription serait au contraire le pire des messages à envoyer.

Nous le voyons bien : l’exercice que représente la réduction des dépenses publiques est inextricable. De ce point de vue, l’invocation incessante de la notion de « réalisme» confine au dogmatisme.

Je soutiens, a contrario, l’une des propositions formulées par la STRANES, à savoir engager l’Europe à reconnaître l’enseignement supérieur comme un investissement nécessaire à son avenir. Concrètement, il s’agirait de porter, au niveau européen, une autre vision de la dépense publique, en excluant l’enseignement supérieur des normes de la Commission européenne pour le calcul des déficits publics.

Il y a urgence.

Quant à la recherche, les plafonds d’emplois des EPST, les établissements publics à caractère scientifique et technologique, ne traduisent plus la réalité. Pour reprendre la formule d’un enseignant-chercheur, on « sanctuarise du virtuel ».

Contrairement aux engagements pris, tous les départs en retraite ne sont pas remplacés – c’est le cas, par exemple, à l’INRA -, et les postes libérés pour d’autres motifs de départ ne le sont souvent pas plus. On oublie ainsi que, s’il faut deux ans pour fermer un laboratoire de recherche, il en faut dix pour en ouvrir un !

Dans le même temps, la précarité reste massive dans les laboratoires et dans les services, où l’on compte plus de 70 000 précaires.

Cette situation engendre un profond désarroi et alimente un sentiment d’apathie au sein des équipes de recherche.

Il faut faire davantage sur le terrain pour résorber la précarité, et donc ouvrir davantage de postes de titulaires.

Prenons le cas des jeunes docteurs. Il existe, là encore, un décalage entre le budget et l’objectif annoncé dans le rapport de la STRANES, qui consiste à porter à 20 000 par an le nombre de doctorats délivrés.

La France forme aujourd’hui, chaque année, environ 12 000 docteurs. Mais, avec un taux de chômage de 8 % déjà, qu’en sera-t-il demain, sans nouvelles dispositions ?

La STRANES préconise de conditionner l’octroi du CIR à l’embauche de nouveaux docteurs et de créer des voies d’accès réservées aux concours de la fonction publique.

Le budget ne comporte aucune proposition en ce sens, alors même que la dépense publique mobilisée au travers du crédit d’impôt recherche connaît une nouvelle progression de 240 millions d’euros.

Monsieur le secrétaire d’État, ce dispositif fiscal doit être, a minima, sécurisé. J’ai tenté par voie d’amendement, lundi dernier, de mettre fin à une première anomalie : la possibilité pour les entreprises de cumuler, sur une même base éligible, grâce à un chevauchement des deux assiettes, les bénéfices du CIR et du CICE, le crédit d’impôt pour la compétitivité et l’emploi.

Vous l’aurez compris, les crédits de la mission « Recherche et enseignement supérieur » ne sont pas à la hauteur des enjeux auxquels sont confrontés l’enseignement supérieur et la recherche. Ils ne permettront de répondre ni au défi de la démocratisation ni à celui du changement de notre modèle de développement, nécessaire pour éradiquer les inégalités et garantir la préservation de notre planète.

Ces crédits ne recueilleront donc pas l’assentiment de notre groupe. (Applaudissements sur les travées du groupe CRC.)

Mme la présidente. La parole est à Mme Corinne Bouchoux.

Mme Corinne Bouchoux. Madame la présidente, monsieur le secrétaire d’État, mesdames, messieurs les rapporteurs, madame la présidente de la commission des finances, madame la présidente de la commission de la culture, mes chers collègues, nous sommes ici ensemble, mais notre cœur est aux Invalides.

Les crédits de la mission « Recherche et enseignement supérieur » tels qu’ils sont prévus dans le projet de loi de finances pour 2016 étaient initialement la reconduction du montant voté pour 2015. Ces crédits, que nous jugions insuffisants eu égard à la hausse des effectifs à la rentrée universitaire de 2015, ont été augmentés au profit de l’enseignement supérieur, sous l’impulsion de nos collègues de l’Assemblée nationale.

Quant aux crédits de la recherche, deux amendements, l’un présenté par M le rapporteur spécial Michel Berson, l’autre par M. le rapporteur pour avis Jacques Grosperrin, ont pour objet de les rétablir au niveau prévu avant la seconde délibération de l’Assemblée nationale.

Une augmentation plus importante des crédits de la mission « Recherche et enseignement supérieur » aurait été souhaitable ; l’effort, cependant, est incontestable ; nous le saluons.

Suite à la publication du rapport du comité STRANES Pour une société apprenante, le Président de la République annonçait à la rentrée universitaire 2015 un objectif très ambitieux : atteindre 60 % de diplômés de l’enseignement supérieur dans chaque classe d’âge. Cette ambition est louable à plusieurs égards, et nous l’encourageons tout particulièrement parce qu’elle répond à la volonté de réussite de toutes les étudiantes et de tous les étudiants, quelle que soit leur origine sociale.

Pour atteindre cet objectif, il conviendrait d’augmenter le budget du programme « Formations supérieures et recherche universitaire », de sorte que les moyens par étudiant restent stables.

Néanmoins, vous le savez, monsieur le secrétaire d’État, l’obtention par chaque étudiant d’un diplôme de l’enseignement supérieur ne dépend pas uniquement de la qualité de la formation reçue. Les crédits alloués au programme « Vie étudiante » jouent, de ce point de vue, un rôle fondamental : ils ont vocation à faciliter l’accès des étudiants au logement, à la nourriture et à la santé.

Les projets de loi de finances à venir devront donc constituer des leviers d’accessibilité sociale et d’action pour l’inclusion de tous les étudiants, pour que les deux dimensions de l’enseignement supérieur, la formation et la vie étudiante, soient reliées, ou mieux reliées.

En plus d’accueillir davantage d’étudiants, l’université de demain sera confrontée à un défi de taille : continuer de proposer une formation de qualité. La population estudiantine augmente beaucoup plus rapidement que le budget. Cette dissymétrie doit attirer notre vigilance, afin que le budget par étudiant soit maintenu à un niveau correct. Des économies d’échelle sont certes possibles, monsieur le secrétaire d’État ; mais cette logique atteint ses limites dès lors que l’on accueille 65 étudiants dans une salle de travaux dirigés conçue pour 40 !

Par ailleurs, il convient de rapprocher plus et mieux les étudiants des classes préparatoires aux grandes écoles des étudiants des premiers cycles des universités. Les uns et les autres doivent se rencontrer plus fréquemment, et leurs enseignants doivent plus souvent travailler ensemble. Vous savez comme moi que les premiers bénéficient actuellement, chacun, de trois à quatre fois plus de moyens que les seconds. Il y a là une véritable injustice, à laquelle il convient de remédier.

Les classes préparatoires doivent apporter davantage à l’université, et l’université doit s’enrichir en s’inspirant de certaines méthodes en vigueur dans les classes préparatoires, qui ont beaucoup évolué depuis vingt ans.

De manière très symptomatique – nous sommes, nous législateurs, en cause sur ce point –, la double inscription n’est pas obligatoire pour les étudiants des classes préparatoires de l’enseignement privé, qui n’apportent donc pas leur l’obole à l’université au titre des frais d’inscription.

Il y a là une injustice que nous avons tous laissé passer. Monsieur le secrétaire d’État, à quand une solution, dans le dialogue avec les établissements concernés ?

Augmenter le nombre de diplômés de l’enseignement supérieur est un objectif ambitieux ; nous le partageons. Son corollaire doit être la bonne insertion des diplômés dans la vie active.

Comme l’a rappelé le comité STRANES dans son rapport, un des leviers de cette insertion professionnelle réside dans le développement de l’apprentissage ou de l’alternance, voire des deux. Nous sommes convaincus que les marges existent pour faire mieux et plus, notamment à l’université, et notamment pour les étudiants qui préparent un doctorat – ces derniers gagneraient également à pouvoir accéder à ces modes de formation.

Vous nous avez répondu en commission, monsieur le secrétaire d’État, que 140 000 étudiants sont déjà accueillis en apprentissage en France. C’est bien, mais ce n’est pas assez : il faut aller plus loin, sans déshabiller l’université pour autant.

L’internationalisation des parcours constitue un autre levier de l’insertion professionnelle. Elle permet la maîtrise d’une ou de plusieurs langues étrangères, la connaissance d’autres cultures, mais aussi le développement de qualités personnelles, et favorise ainsi l’adaptation au changement.

Malheureusement, certains programmes, comme le programme Erasmus, ne sont toujours pas accessibles à tous les étudiants, et le sont en particulier très difficilement pour les étudiants d’origine modeste.

Je souhaite enfin attirer votre attention sur les rapprochements entre universités. Ils peuvent certes présenter un certain nombre d’avantages, en termes de visibilité, de masse critique pour les bibliothèques, d’économies d’échelle. Il nous semble néanmoins nécessaire, monsieur le secrétaire d’État, de conduire une étude minutieuse des coûts que ces rapprochements induisent.

Au-delà de leur coût, ces rapprochements peuvent constituer aussi, en région, un danger pour certaines universités de taille moyenne, qui risquent de devenir de simples pôles d’enseignement, alors qu’elles doivent être des pôles d’enseignement et de recherche.

Je tiens, pour conclure, à souligner le rôle prépondérant des ESPE, les écoles supérieures du professorat et de l’éducation, dans les universités ; ce rôle doit être préservé et développé. La formation des enseignants, y compris de l’enseignement supérieur, doit être enrichie si nous voulons relever le défi du numérique.

Favorables aux crédits de la mission « Recherche et enseignement supérieur » du projet de loi de finances pour 2016 tel qu’ils ont été modifiés par l’Assemblée nationale, nous les voterons, mais nous conditionnons notre soutien au maintien de réels efforts budgétaires. (Applaudissements sur quelques travées du groupe socialiste et républicain.)

Mme la présidente. La parole est à M. Antoine Lefèvre.

M. Antoine Lefèvre. Madame la présidente, monsieur le secrétaire d’État, mesdames les présidentes de commission, messieurs les rapporteurs, mes chers collègues, mon intervention sera brève et tiendra en quelque sorte du billet d’humeur, l’état de l’enseignement supérieur et de la recherche n’étant pas aussi réjouissant que nous pourrions le souhaiter.

Alors que la rentrée universitaire 2015 a été marquée, pour la septième année consécutive, par une augmentation substantielle du nombre d’étudiants – environ 40 000 étudiants supplémentaires –, le Gouvernement affirme que les budgets des universités pour 2016 seraient en augmentation.

Cette augmentation, annoncée en fanfare par le Premier ministre comme un « effort exceptionnel » de 100 millions d’euros supplémentaires en faveur des universités, ne représente en réalité que l’annulation du prélèvement effectué en 2015 sur leurs fonds de roulement !

Je rappelle en effet que l’État a opéré, en 2015, une ahurissante ponction de 100 millions d’euros sur le budget des universités et des grandes écoles, ponction dont ma région, Nord -Pas-de-Calais - Picardie, a dû assumer plus du tiers !

Je précise, pour que vous preniez bien la mesure de la colère des élus, que cette région aura la dette cumulée la plus élevée de France, les taux de pauvreté, de chômage et d’illettrisme les plus importants, et sera placée en queue de peloton s’agissant de la plupart des indicateurs de formation.

Cette ponction, une véritable hérésie, a été très durement vécue par les universités de ma région.

J’ajoute que, dans le temps même où le Gouvernement accordait, en seconde délibération à l’Assemblée nationale, 100 millions d’euros supplémentaires aux universités, il a supprimé 119 millions d’euros de crédits au détriment de la recherche, plus particulièrement du programme 193, « Recherche spatiale », qui voit ses crédits réduits de près de 5 % !

Depuis plusieurs années, les crédits alloués à la recherche servent ainsi de variable d’ajustement aux augmentations décidées dans d’autres domaines, ce qui remet en cause l’engagement d’une sanctuarisation desdits crédits.

Notre groupe soutiendra donc l’amendement déposé par la commission des finances visant à rétablir les 119 millions d’euros supprimés par l’Assemblée nationale.

Nous soutiendrons également l’amendement tendant à augmenter les crédits de l’enseignement supérieur privé, lequel accueille, je le souligne, 500 000 étudiants, soit près d’un étudiant sur cinq.

M. Jacques Grosperrin, rapporteur pour avis de la commission de la culture. Très bien !

M. Antoine Lefèvre. Depuis 1998, ses effectifs ont augmenté de 75 %, contre une augmentation de 6 % pour ceux du public.

Bien que l’enseignement supérieur privé revienne moins cher à l’État, ses crédits ont été réduits de 36 % depuis 2011, ce qui les ramène à un niveau en deçà duquel la pérennité des établissements risque de ne plus être garantie.

De l’adoption de ces deux amendements dépendra donc, vous l’aurez compris, notre vote final.

Quoi qu’il en soit, nous ne voterons pas ce budget sans protester contre le positionnement plutôt idéologique de ce gouvernement.

Le scandale de la suppression des bourses destinées aux meilleurs bacheliers et diplômés de licence est particulièrement révélateur. Il s’agissait d’un dispositif de mérite républicain, peu coûteux pour le budget de l’État et à forte portée symbolique ; vous avez préféré le supprimer, au profit d’un nouveau système généralisé de bourses sur critères sociaux, totalement déconnecté des performances scolaires. Le montant de ces bourses s’est d’ailleurs effondré : les futurs bacheliers, au lieu de recevoir, comme leurs prédécesseurs, 1 800 euros, n’auront plus droit qu’à 900 euros !

Or le principal investissement d’une nation est celui qu’elle sait consacrer aux femmes et aux hommes qui la composent, et qu’elle peut contribuer à former, car l’éducation et la recherche constituent l’un des leviers essentiels du redressement d’un pays, en l’occurrence le nôtre.

À l’heure où nous devons nous préoccuper du problème de la fuite à l’étranger de nos forces vives, le signal envoyé à la jeunesse la plus engagée et la plus travailleuse est désastreux.

Je le rappelle, un certain nombre de nos doctorants ne trouvent aucun débouché en France ; les crédits pour la recherche étant toujours aussi peu efficients, ces doctorants finissent par s’expatrier pour aller travailler dans des laboratoires étrangers.

La contribution de l’État aux universités est, de fait, gelée depuis 2010. Les étudiants rencontrent pourtant, à la mesure de la croissance de leur nombre, des difficultés récurrentes pour s’inscrire dans les filières de leur choix, et les universités peinent à les accueillir dans les amphithéâtres, comme certains de mes collègues l’ont déjà signalé.

Se pose aussi la question de leur orientation, avec l’échec de nombre d’entre eux en fin de première année !

La volonté affichée d’une démocratisation toujours plus importante des études supérieures et le manque de sélectivité du baccalauréat actuel créent un engorgement des universités et suscitent une déception grandissante chez nos jeunes, qui n’y trouvent ni perspectives ni débouchés.

Tout ceci fait douter de la pertinence du système en place.

Enfin, la baisse des dotations, tant de l’État que des collectivités locales, constitue, et à juste titre, un motif d’inquiétude pour les universités : elle aura pour conséquence d’aliéner la capacité des régions à investir dans les infrastructures, par le biais notamment des contrats de plan.

Sous réserve de l’adoption des deux amendements que j’ai évoqués, notre groupe votera les crédits de la mission « Recherche et enseignement supérieur ».

Mme la présidente. La parole est à M. Joël Guerriau.

M. Joël Guerriau. Madame la présidente, monsieur le secrétaire d’État, mes chers collègues, l’enseignement des savoirs et la recherche participent à la transmission d’un modèle de valeurs qu’il importe plus que jamais de défendre. L’enjeu est majeur, et il convient d’analyser les moyens alloués à ce titre par l’État.

Cette mission semble ne pas subir les réductions budgétaires que d’autres connaissent. Au cours de la première lecture à l’Assemblée nationale, un abondement supplémentaire de 100 millions d’euros a été introduit par voie d’amendements pour tenir compte des conditions de la rentrée universitaire. Un autre amendement présenté par le Gouvernement augmente les crédits de la recherche, mais il s’agit en fait d’une opération technique neutre.

Le niveau des crédits nous préoccupe, car, récemment, nous avons pu constater qu’entre l’affichage d’un budget et la réalité de son exécution, il pouvait exister plus qu’un simple écart.

S’agissant des universités, la loi Fioraso de 2013 n’entendait pas remettre en cause l’autonomie des établissements instituée par la loi de 2007. Nous nous en sommes réjouis, mais nous avons vite déchanté : nous assistons à une recentralisation insidieuse qui s’est notamment manifestée par le prélèvement sur les fonds de roulement des universités et des écoles qui disposaient de quelques réserves. Grâce à cela, le Gouvernement a pu distribuer généreusement quelques subsides à des universités en difficulté.

Ce jeu de vases communicants organisé par l’État en 2014 est tout à fait discutable.

Aujourd’hui, nous constatons toujours que l’État se désengage du volet « enseignement supérieur, recherche » des contrats de plan État-régions, bloquant ainsi nombre de projets structurants pour les établissements. La politique que votre gouvernement conduit à l’égard des collectivités territoriales prive aussi nos universités de soutiens locaux indispensables.

Notre visibilité sur l’exécution du budget de 2015 n’est pas très claire. Si les crédits de la recherche culturelle et de la culture scientifique augmentent de 4,8 %, tous les autres programmes sont en baisse.

Monsieur le secrétaire d’État, vous affirmez renoncer à de nouveaux prélèvements – du moins sur les universités –, mais vous n’évoquez pas le sort des grandes écoles. Le doute subsiste.

En application de la loi de 2013, les universités sont désormais regroupées en communautés d’universités et d’établissements. Sur les 1 000 emplois que vous destinez à ces COMUE, un tiers environ sont déjà destinés à la gestion administrative. Les fusions ambitionnent de mieux rationaliser les fonctions support, mais la tâche est bien plus complexe pour les communautés d’universités en réseau, pour lesquelles l’éloignement géographique demeure un obstacle.

Afficher des ensembles de taille imposante n’est pas une garantie de pertinence en matière d’efficacité.

Dans un contexte budgétairement contraint, ces recompositions structurelles et ces flux nouveaux interrogent sur les moyens qu’il convient de fournir aux acteurs publics et privés de l’enseignement supérieur.

Les universités ont plus que jamais besoin d’autonomie. Elles doivent être en mesure de développer des stratégies locales adaptées à leur territoire pour atteindre les objectifs que vous leur assignez. Vous ne pouvez pas, dans le même temps, les priver de marges de manœuvre et les exhorter à optimiser leurs moyens et à développer leurs ressources propres, notamment via la formation professionnelle continue.

Nous regrettons également que les universités soient plongées dans l’incertitude quant aux évolutions, promises mais jamais précisées, du modèle d’allocation des ressources en fonction de leur activité et de leurs performances. Il s’agit de respecter leurs démarches lorsqu’elles préparent, par exemple, leur projet d’établissement, étape clé de la contractualisation avec l’État. Cela permettrait aussi un suivi parlementaire mieux éclairé quant à la stratégie que l’État poursuit dans le domaine de l’enseignement supérieur.

Pour en revenir au contexte spécifique de cette rentrée 2015, les augmentations d’effectifs que les universités doivent assumer mériteraient d’être mieux renseignées tant elles ne semblent pas toujours correspondre à une évolution de la démographie locale des lycées. Nous souhaitons une analyse plus précise de cette situation.

Ces flux nouveaux, qui doivent se poursuivre au cours des années à venir, conduisent vers les universités des publics dont il nous paraît nécessaire de mieux connaître les aspirations, les profils et les parcours. Plus que jamais, ces flux exigent un travail majeur sur l’orientation et la liaison entre le lycée et l’université, tout autant que sur l’adaptation des formations, notamment aux besoins des entreprises.

Nous aimerions être convaincus que des solutions concrètes sont engagées. Il ne s’agit pas d’autoproclamer l’attractivité de l’université. Les jeunes doivent pouvoir réussir une insertion professionnelle, car l’échec nourrit des frustrations, des tensions et des sentiments d’exclusion.

La bourse au mérite ne nous rassure pas sur l’accompagnement que vous entendez accorder aux plus méritants de nos étudiants. Après avoir suspendu le dispositif, vous avez créé l’illusion de son rétablissement sous la pression de la société civile et des sénateurs, mais en réduisant drastiquement -de moitié -, leur montant. Un réel soutien social aux étudiants est pour nous incontournable. Dans ce domaine, beaucoup reste à faire.

Nous nous inquiétons également quant aux droits d’inscription des étudiants. Nous en débattrons, entre autres, dans le cadre de la Stratégie nationale de l’enseignement supérieur, la STRANES.

S’agissant de la recherche, on ne peut que regretter l’absence d’une stratégie à long terme, qui constitue un frein à l’innovation et ne peut que creuser encore le retard de notre pays par rapport à ses partenaires étrangers. Ainsi, le numérique se développe dans tous les domaines, mais les moyens des organismes de recherche français ne permettent pas de développer suffisamment de projets d’avant-garde, alors que nous en avons pourtant la compétence.

Dans le domaine scientifique, nous manquons d’opportunités pour les jeunes chercheurs, qu’il s’agisse du recrutement ou du signal donné aux futurs doctorants. L’Agence nationale de la recherche, acteur national majeur pour le financement sur projets, conserve le niveau de ses crédits pour 2016, mais elle avait subi de fortes baisses qui l’ont fragilisée, en 2014 comme en 2015.

Par ailleurs, il convient de renforcer la protection des universités – et je veux me faire ici l’écho de l’hommage qui est rendu en cet instant même aux victimes des attentats de ces dernières semaines.

Protéger les universités a un coût. Ainsi, Cergy-Pontoise a déjà déboursé 180 000 euros en janvier, après les premiers attentats. À Créteil, le renfort est estimé à 8 000 euros par jour depuis les attentats du 13 novembre. Or l’état d’urgence est prolongé de trois mois. Les universités qui ont engagé des moyens supplémentaires pour la sécurisation de leurs sites assurent que, sans une aide de l’État, elles ne pourront pas la financer. Elles ne disposent pas des moyens budgétaires pour faire face à cette situation.

Monsieur le secrétaire d’État, quels moyens l’État est-il prêt à dégager pour la sécurisation de nos universités dans ce contexte d’état d’urgence prolongé ?

Pour finir, nous sommes surpris que l’amendement du Gouvernement voté en première lecture par l’Assemblée nationale soit un mouvement technique interne au budget concernant les financements de l’État pour le démantèlement d’installations nucléaires, pour un montant de 321 millions d’euros, un transfert des missions qui ne saurait constituer des moyens supplémentaires pour la recherche.

Toutes ces imprécisions confortent nos interrogations et nos inquiétudes sur le budget de la mission « Recherche et enseignement supérieur ».

Pour ces raisons, le groupe UDI-UC sera attentif à la suite du débat et au vote des amendements pour arrêter une position définitive. À ce stade, notre groupe est plutôt enclin à s’abstenir.

Mme la présidente. La parole est à Mme Dominique Gillot.

Mme Dominique Gillot. Madame la présidente, monsieur le secrétaire d’État, mes chers collègues, cette rentrée universitaire a été marquée par les commentaires sur l’augmentation du nombre d’étudiants. En fait, ils sont 38 700 étudiants de plus cette année.

Anticipé à 8,5 % entre 2012 et 2020 par les systèmes d’information et d’études du ministère de l’enseignement supérieur et de la recherche, cet afflux est un défi à relever sur trois aspects : la démocratisation de l’enseignement supérieur qui oblige, en termes de budget, de statut social des étudiants, d’accompagnement vers la réussite de tous ; l’hétérogénéité des publics accueillis qui, conjuguée au rejet de la sélection et de l’augmentation des droits d’inscription, pose la question du modèle économique de l’enseignement supérieur à moyen terme ; enfin, la révolution numérique, l’autonomie plus ou moins forte des étudiants, l’agilité et l’adhésion plus ou moins grandes des enseignants et des enseignants-chercheurs, qui bouleversent la construction de la connaissance et la transmission des savoirs.

Le premier constat qui s’impose est celui d’un enseignement supérieur français attractif, ouvert sur la Cité, proposant des formations d’excellence, adossé à la recherche, assumant son rôle d’acteur de transformation sociale.

Le second constat, c’est que le diplôme d’enseignement supérieur constitue, pour les jeunes et leurs familles, un atout pour l’insertion dans l’emploi et la carrière professionnelle.

Cette augmentation du nombre d’étudiants dans l’enseignement supérieur, particulièrement à l’université, n’est pas seulement le fruit d’une démographie dynamique. Cette appétence de la jeunesse pour les études répond également à la priorité « Jeunesse » fixée comme cap du quinquennat et que le Gouvernement traduit notamment en refondant les aides sociales étudiantes.

Depuis le début du quinquennat, ce sont plus de 500 millions d’euros supplémentaires qui ont été accordés pour les bourses, un investissement qui a permis d’élargir l’assiette des bénéficiaires tout en introduisant de la progressivité dans le système d’attribution.

De nombreuses aides indirectes ont été développées qui bénéficient aux enfants dits « de la classe moyenne » : caution locative étudiante, centres de santé universitaires, plan de 40 000 logements, développement de plateformes, de guichets uniques, non-augmentation des frais d’inscription.

Ce sont des choix politiques, assumés par la gauche pour démocratiser l’enseignement supérieur en favorisant l’égalité des droits, pour rester dans la course internationale, permettre l’émancipation intellectuelle, sociale et culturelle des jeunes et élever le niveau global de connaissances de la population.

Cela implique une qualité renouvelée des enseignements par un meilleur accompagnement du premier cycle, l’évaluation des expérimentations et bonnes pratiques en vue de leur généralisation, la mobilisation du ministère de l’éducation nationale pour une meilleure orientation fondée sur le lien « Bac-3/Bac+3 » qui vise, en étroite complicité avec l’étudiant, sa réussite personnelle et son épanouissement.

Cela implique également une introduction de la méthode scientifique d’observation des évolutions à l’œuvre, à savoir le suivi de cohortes de diplômés ainsi que l’identification des blocages, universitaires, pédagogiques ou conceptuels.

Mais la démocratisation de l’accès au savoir et l’égalité des possibles ont leurs détracteurs – nous les avons entendus -, qui appellent à une sélection académique et à une augmentation des frais d’inscription que nous combattons.

Pour l’élaboration de la STRANES, qui sera bientôt présentée au Parlement, le comité a conduit des études scientifiques comparatives qui concluent que construire une société apprenante et soutenir notre économie ne sont des objectifs compatibles ni avec une augmentation des frais d’inscription ni avec des prêts à remboursement différé.

Construire une société apprenante, c’est garantir à chacun la possibilité d’apprendre et de maîtriser les savoirs utiles à son épanouissement. Et s’il est un dogme concernant les frais d’inscription, il est porté par ceux qui veulent toujours faire payer plus les étudiants et qui n’adhèrent pas au principe d’un enseignement supérieur intégrateur, accessible, bien public profitable à l’ensemble de la société. (M. Jacques Grosperrin, rapporteur pour avis, s’exclame.)

Ne cédant pas aux antiennes simplistes, le projet de loi de finances pour 2016 préserve le budget de l’enseignement supérieur dans le cadre de l’effort de maîtrise des dépenses publiques.

Favoriser la réussite étudiante se traduit par la création de 1 000 emplois nouveaux, fléchés sur le premier cycle. L’an dernier, sur les 1 000 postes attribués, un tiers avaient été affectés aux fonctions support administratives, un tiers à l’enseignement et un tiers à l’équilibre budgétaire. L’année 2016 devrait voir une meilleure affectation des postes créés, ouverts au recrutement.

La compensation boursière est prévue et une part significative du GVT, le glissement vieillesse technicité, est inscrite en base, ce qui redonne des marges aux établissements.

Aucun prélèvement n’est prévu sur les fonds de roulement.

Grâce au soutien méthodologique engagé par le ministère, la situation financière de certaines universités, dégradée après leur passage aux responsabilités et compétences élargies, s’est bien redressée. L’exercice de l’autonomie a entraîné l’organisation de gouvernances maîtrisant les fonctions support et inscrivant les établissements dans une gestion de plus en plus prospective, y compris des ressources humaines, qui appelle toutefois quelques assouplissements et simplifications utiles. Je sais que vous y êtes sensible, monsieur le secrétaire d’État.

Conformément à l’engagement du Gouvernement, le programme 150 de la MIRES bénéficie, dès la rentrée universitaire, d’une augmentation de 165 millions d’euros. Ces nouveaux crédits sur la ligne Formation devront bénéficier de la vigilance parlementaire jusqu’à l’amendement d’équilibre qui sera examiné en toute fin de marathon budgétaire.

Pour favoriser la réussite étudiante, les crédits de la formation initiale et continue, qui correspondent aux trois premières années de licence, passent à 2,93 milliards en 2016. Les formations par alternance sont justement encouragées ; elles feront, avec la formation tout au long de la vie, évoluer les offres universitaires vers plus de pragmatisme et d’ouverture, vers davantage de démarches de projet, aussi, pour atteindre les objectifs énoncés.

Ce budget de la MIRES est aussi orienté dans le cadre d’une politique de site ambitieuse. Les rapprochements entre universités, écoles et organismes de recherche permettent maintenant, sur tous les territoires, l’émergence de pôles forts, favorisant les décloisonnements.

Les contrats de sites, garants d’une offre de formation coordonnée, permettent aux étudiants de suivre la formation de leur choix, et pas seulement la formation la plus proche du lieu d’habitation de la famille.

L’enseignement supérieur est un levier décisif pour le développement économique, mais aussi pour le progrès social. Les universités sont les laboratoires de la société. La loi relative à l'enseignement supérieur et à la recherche a instauré cette approche, en investissant la responsabilité sociale des universités, indissociable des missions de formation et de recherche, afin de promouvoir systématiquement une interaction transformatrice entre l’université et la société.

Dans la période tragique que traverse la France, dans cette guerre d’un nouveau genre que nous ont déclarée des extrémistes déterminés, lourdement armés, sans aucune considération pour la vie humaine, l’apport de la recherche est indispensable.

Indispensable pour comprendre, indispensable pour prévenir, indispensable pour appuyer les décisions politiques, indispensable pour faire triompher les valeurs de la vie qui identifient notre société.

L’enjeu est de faire de la France « une société apprenante ». Le programme 150 en est la traduction opérationnelle.

En conclusion, le groupe socialiste et républicain votera le projet de budget de la recherche et de l’enseignement supérieur tel que présenté. (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste et républicain.)

Mme la présidente. La parole est à Mme Sylvie Robert.

Mme Sylvie Robert. Madame la présidente, monsieur le secrétaire d'État, mes chers collègues, nous sommes ici, mais nos pensées sont aux Invalides.

En cette journée particulière d’hommage national, le présent débat sur les crédits consacrés à l’enseignement supérieur et à la recherche, et demain sur ceux de la culture, prend indiscutablement une tonalité particulière.

Oui, nous avons besoin de la culture et de l’éducation pour lutter contre la barbarie. Oui, nous devons agir pour développer l’émancipation individuelle et collective, car la liberté de penser, de créer et d’agir est nécessaire pour éclairer plus que jamais notre compréhension d’un monde qui se complexifie.

Que le budget de l’éducation nationale soit le premier budget de l’État témoigne de la responsabilité et de l’engagement du Gouvernement en la matière, surtout dans la période budgétaire que nous connaissons.

La massification scolaire est un phénomène sociétal indéniable. Le taux d’accès au baccalauréat est passé de 25,9 % en 1980 à 77,1 % en 2014. Quant au taux de réussite global, il a atteint un nouveau sommet en 2014, culminant à plus de 87 %.

Il s’ensuit, et nous devons grandement nous en réjouir, que de plus en plus d’étudiants obtiennent un diplôme du second degré et suivent des études supérieures. Cette capacité à offrir à la jeunesse une formation de qualité, avec des savoirs diversifiés, est tout à fait révélatrice de la maturité d’une société démocratique.

Ainsi, la démocratisation de l’enseignement est à la fois un enjeu majeur, mais aussi un défi imposant, en particulier pour les universités. Au cours de cette rentrée, pour la première fois, le nombre d’étudiants a été supérieur à 2,5 millions. Les projections font même état de 3 millions d’étudiants à l’horizon de 2020.

Devant cette augmentation démographique, les universités et plus généralement les acteurs de la communauté éducative du supérieur ont dû s’ajuster rapidement. Le Gouvernement a accompagné ce mouvement.

Cette volonté politique met en lumière la priorité constante de l’exécutif depuis 2012 : la jeunesse. Des moyens importants déployés pour l’école primaire à la réforme du collège, sans oublier la loi relative à l’enseignement supérieur et à la recherche, la réflexion est et doit être globale, articulée autour d’une vision précise de l’avenir du système éducatif, au service des jeunes de notre pays.

Car il s’agit bien de renforcer le continuum éducatif en liant enseignement scolaire et supérieur, en facilitant les transitions, en multipliant les passerelles, en décloisonnant les enseignements par plus de transversalité, et en préparant ainsi mieux l’insertion professionnelle. En un sens, il s’agit d’adapter notre système éducatif, dans son intégralité, aux évolutions du monde, faites de mutations brutales et d’aléas soudains.

La modernisation du fonctionnement des établissements supérieurs participe donc de cette dynamique éducative d’ensemble, dont l’un des objectifs, primordial, est de sensibiliser les étudiants à la vélocité, mais aussi à la profondeur des bouleversements sociétaux et internationaux actuels.

Leur donner un bagage de connaissances élevé afin de s’adapter, mais aussi les préparer à affronter les tribulations du monde du travail et les habituer à la mobilité professionnelle : telle est notre responsabilité partagée. Telle est aussi la vision que nous devons porter, de la formation à l’insertion professionnelle, en nous adaptant aux grandes mutations d’hier et d’aujourd’hui, et en anticipant celles de demain.

Depuis le début du quinquennat, cette priorité accordée à la jeunesse s’est traduite, pour l’enseignement supérieur, par une sanctuarisation de ses crédits, et ce dans le contexte économique que l’on sait. Ce choix politique, assumé par le Gouvernement, est à saluer.

Pour l’année 2016, le budget consacré à l’enseignement supérieur est préservé, et il ne faut pas omettre les efforts réalisés par les opérateurs de l’État, les établissements et leur personnel afin d’accueillir les nouveaux étudiants dans des conditions satisfaisantes.

Comme vous l’avez rappelé lors de votre audition devant la commission de la culture du Sénat, monsieur le secrétaire d'État, nous devons persévérer dans notre démarche de « démocratisation exigeante ».

Pour autant, amener 60 % d’une classe d’âge au niveau de l’enseignement supérieur, comme l’ambitionne le Président de la République dans le cadre de la Stratégie nationale de l’enseignement supérieur, nécessite de se focaliser sur ce qu’Antoine Prost appelle la démocratisation « qualitative », en somme, l’égalité des chances.

Aujourd’hui, le système éducatif français est encore fondamentalement inégalitaire.

Sans revenir sur toutes les réformes engagées, le Gouvernement, mû par une détermination absolue, s’est attaché à enrayer cette funeste spirale et à agir en faveur de l’égalité des chances. Les conditions de vie des jeunes y participent.

Ainsi, en ce qui concerne l’enseignement supérieur, près de 500 millions d’euros ont été mobilisés pour les bourses sur critères sociaux depuis 2012. Deux échelons ont été créés, si bien que 132 000 étudiants ont pu bénéficier d’un soutien financier pour la première fois. L’année prochaine, l’État investira 1,96 milliard d’euros et les bourses seront très légèrement revalorisées.

Le logement est également un enjeu important. Il peut être un problème dans les zones tendues où les loyers sont onéreux. Sur ce point, la construction de 40 000 logements sociaux destinés aux étudiants, d’ici à 2017, se poursuit. À la fin de l’année, ce sont plus de 20 000 logements qui auront été mis à disposition des étudiants.

Par ailleurs, les étudiants logés dans le parc locatif privé peuvent recourir à la caution locative étudiante, ou CLE, depuis la rentrée 2014. Cette dernière a pour objet d’aider les étudiants dépourvus de garant personnel à accéder à un logement. En cette rentrée, environ 6 000 demandes de CLE ont d’ores et déjà été validées, soit le double de dossiers par rapport à 2014 !

Au-delà, les trente-cinq mesures du plan national de la vie étudiante, présentées le mois dernier, apportent des réponses concrètes aux difficultés rencontrées par les étudiants.

Combattre les inégalités passe également par la mise à disposition d’espaces de travail et de savoir pour celles et ceux qui ne peuvent en avoir à leur domicile, et par l’ouverture des campus le week-end ou l’élargissement des horaires d’ouverture des bibliothèques universitaires, sujet qui me tient à cœur. Ces horaires ont certes déjà beaucoup évolué, mais l’effort est encore insuffisant. À l’échelle d’un territoire, une meilleure coordination, voire une coopération avec les bibliothèques publiques est d’ailleurs à rechercher.

Pour finir, je souhaiterais appeler l’attention du Gouvernement sur la situation du Centre national des œuvres universitaires et scolaires, le CNOUS, et des centres régionaux des œuvres universitaires et scolaires, les CROUS. La baisse des crédits alloués à leur investissement et à leur fonctionnement risque de peser directement sur la vie des étudiants : leurs deux premiers postes de dépenses, en l’occurrence le logement et la restauration, pourraient augmenter sous l’effet d’une hausse des loyers et de la restauration universitaire.

Je sais, monsieur le secrétaire d'État, l’attachement qui est le vôtre à l’amélioration des conditions de vie des étudiants. Je ne doute donc pas que vous serez vigilant à ce qu’elles ne s’aggravent pas, car c’est affaire de justice sociale.

Au moment où nous avons collectivement besoin de dresser un idéal commun, de donner de l’espoir et des perspectives aux jeunes qui se sentent désœuvrés, comme mis à l’écart, l’égalité des chances constitue un leitmotiv permanent, un guide indépassable, notre espoir et notre volonté à tous. (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste et républicain.)

Mme la présidente. La parole est à M. le secrétaire d'État.

M. Thierry Mandon, secrétaire d'État auprès de la ministre de l'éducation nationale, de l'enseignement supérieur et de la recherche, chargé de l'enseignement supérieur et de la recherche. Madame la présidente, mesdames, messieurs les sénateurs, notre séance s’est ouverte au moment où débutait l’hommage national rendu aux victimes des actes terroristes du 13 novembre dernier.

L’enseignement supérieur a été profondément touché par ces attentats, puisque onze étudiants ont perdu la vie, dont quatre étrangers, et six enseignants-chercheurs, ce qui porte à dix-sept le nombre des victimes que l’enseignement supérieur et de la recherche doit déplorer, soit le chiffre le plus élevé depuis la Seconde Guerre mondiale.

Je me suis demandé si j’aurais l’esprit à défendre ce matin devant vous ce budget. Finalement, je me suis dit que c’était une heureuse coïncidence : il est utile, au moment où nous rendons à ces victimes l’hommage national qu’elles méritent, que nous réfléchissions ensemble à cette forme d’hommage particulier qu’est le soutien budgétaire apporté à notre système universitaire et à notre recherche nationale, en qui nous avons tous foi ici, quelles que soient nos convictions par ailleurs. La vitalité durable de notre université et de notre recherche constitue, sur un autre terrain, une forme de réponse aux attentats.

L’université, c’est le plus beau des projets démocratiques de notre pays, celui qui s’adresse à tous, qui permet à chacun de s’élever au-dessus de sa condition sociale initiale pour postuler aux plus belles fonctions de la société. C’est, en termes de valeurs, le développement de l’esprit critique. C’est l’endroit où l’on apprend à ne pas considérer tout ce qui est affirmé comme une vérité que l’on doit accepter sans questionner. C’est le lieu où l’on interroge sans arrêt la réalité. C’est aussi celui où l’on apprend le travail en équipe.

Chaque parcours étudiant est fait bien souvent de rencontres, avec des professeurs ou avec d’autres étudiants, et de destins qui se révèlent à eux-mêmes. C’est le moment de l’ouverture, celui où l’on découvre d’autres cultures, et parfois d’autres pays, aussi.

Ce sont toutes ces valeurs que certains ont voulu tuer il y a quelques jours.

Le système universitaire doit aussi et surtout redevenir un intellectuel collectif. Les hommes et les femmes qui font l’université sont des gens qui parlent à la société, qui étanchent sa soif de sens, seule façon in fine de vaincre les peurs. Car si l’on a peur quand on se sent en insécurité, on a peur aussi quand la réalité que l’on vit se dérobe sous nos pieds.

Idem pour la recherche, dont nous avons plus que jamais besoin afin de comprendre le sens de ces événements, pour identifier les poches de violence latente dans notre société, pour essayer de concevoir comment, finalement, un jeune peut, très brutalement, basculer dans les formes les plus extrêmes d’engagement qui l’amèneront à tuer d’autres jeunes, sans même parfois avoir suivi un parcours religieux, lui qui va tuer au nom d’une religion !

C’est aussi la recherche qui peut nous apprendre comment ce formidable outil qu’est internet peut également être vecteur de fascination pour le morbide et se transformer en véritable instrument de manipulation mentale.

Ce matin, dans vos interventions, vous avez tous et toutes, malgré des positions parfois différentes, fait cet acte de foi, véritable hommage que nous devons aux victimes des attentats. Je voulais très chaleureusement vous en remercier.

Vous n’avez pas à avoir honte de vous prononcer sur ce budget, car les crédits de cette mission progressent. Ils marquent même une inflexion dans l’histoire du quinquennat puisque, tous secteurs confondus, les crédits de la MIRES progressent de 400 millions d’euros du PLF 2015 au PLF 2016, ce qui est très significatif dans la période que nous connaissons. À l’intérieur de ces budgets, la recherche est protégée et l’enseignement supérieur voit ses crédits progresser de 165 millions d’euros, ce qui est également significatif.

Avant de répondre précisément à chacune de vos questions, permettez-moi deux remarques liminaires.

Premièrement, il ressort manifestement de vos interventions que le paysage de l’enseignement supérieur et de la recherche est en très profonde évolution. Ce n’est pas un phénomène à la marge, uniquement sur une année, mais c’est une très profonde évolution démographique et organisationnelle, avec la mise en place de cet outil formidable que sont les vingt-cinq COMUE, qui désormais structurent nos paysages. Indépendamment de leur capacité à définir des stratégies, à mener des politiques mutualisées et donc à réaliser des économies, ces communautés présentent surtout l’intérêt de faire travailler des universités et des écoles aux cultures différentes, de les rapprocher et donc d’hybrider qualitativement le système.

La toile de fond de tout cela, nous le verrons dans les mois qui viennent, c’est la réforme territoriale. Si elle se joue sur un terrain institutionnel différent de celui de l’organisation de l’enseignement supérieur et de la recherche, elle ouvrira naturellement des voies nouvelles en matière de coopération entre acteurs de l’enseignement supérieur et de la recherche et acteurs territoriaux.

Deuxièmement, j’aperçois à travers ces évolutions très profondes de nouveaux défis : chacun doit avoir la modestie de reconnaître que nul ne détient seul la réponse. Nous devrons probablement, sur certains terrains, les trouver ensemble.

Il nous faudra relever le défi de la qualité – ce que j’appelle la démocratisation exigeante du système –, de la réussite en premier cycle universitaire, et réfléchir aux conditions pour réussir l’entrée dans l’enseignement supérieur. Nous devons davantage nous pencher sur l’orientation et le contenu même des études ainsi que sur les parcours collectifs au cours du premier cycle universitaire.

Bien souvent, en effet, les étudiants se trouvent seuls, livrés à eux-mêmes, ne sachant vers qui se tourner ou à qui s’adresser, dans un univers qu’il leur est complètement dédié, mais qui reste d’une approche encore complexe.

Il nous faudra également relever le défi social, qui accompagne la démocratisation. Je pense aux bourses, aux logements, à l’accès aux soins, à la lutte contre certaines souffrances comme la solitude, qui existe aussi sur les campus, et contre tous les maux issus d’un modèle économique déstabilisé, notamment par la puissance de la montée démographique.

Je pense aussi aux besoins d’investissement pour adapter les campus au numérique, sans parler des questions de rénovation et de réhabilitation pour un immobilier de qualité. Tout cela constitue pour nous tous un challenge.

Pour ce qui concerne l’emploi scientifique, vous avez tous à l’esprit le fameux paradoxe français : alors que 60 % de la recherche se fait dans les entreprises et 40 % dans le secteur public, plus de la moitié des chercheurs formés dans nos universités travaillent dans le public et 25 % seulement en entreprise.

Cette problématique de l’emploi scientifique, qui dépasse donc celle de la démographie des chercheurs, réside dans le désajustement entre une recherche majoritairement privée et des emplois majoritairement publics.

Nous devons également faire face à un défi transversal, que nous n’avons pas le temps d’évoquer aujourd’hui, mais que nous aborderons de nouveau dans les prochains mois : celui du numérique.

Je répondrai brièvement, mais le plus précisément possible, aux questions que vous avez posées.

M. Adnot, que je remercie pour la grande précision de son intervention, m’a demandé ce qu’étaient devenus les 1 000 emplois. Il s’agit en fait de 3 000 emplois au total, sur les trois années 2013, 2014 et 2015.

Ces 3 000 emplois se décomposent ainsi : 2 450 emplois pour les universités, 127 pour les écoles d’ingénieurs, 37 pour les instituts universitaires professionnalisés, et 230 pour une dizaine d’établissements spécifiques : les écoles supérieures d’agriculture, le centre universitaire de formation et de recherche de Mayotte, le Muséum national d’histoire naturelle, etc.

L’essentiel de ces emplois, soit 2 048, ont été affectés aux universités et aux établissements, au titre du rééquilibrage des dotations entre établissements, plutôt dans l’optique de favoriser la réussite des établissements. Sur la période, le taux de création effectif de ces emplois est supérieur à 89 %.

Les emplois réellement créés sur l’année 2015 représentent 93 % du total, 7 % ayant été différés. Pour la période 2013 à 2014, ils représentaient 88 % du total, soit 12 % de différés, ce qui est un chiffre assez important.

M. Adnot m’a interrogé, par ailleurs, sur l’évolution de la taxe d’apprentissage et le choc considérable que celle-ci représente pour les établissements.

Je suis actuellement en train d’examiner, établissement par établissement, les raisons profondes de cette évolution pour envisager les éventuels points d’inflexion d’une situation qui est très problématique pour certains établissements. Ainsi, 17 millions d’euros ont été perdus par les écoles d’ingénieurs, 35 millions d’euros par les autres écoles.

Ce sont des sommes considérables ! Il convient d’analyser de près les chiffrages pour que cette situation n’ait pas, à terme, d’impact négatif sur l’objectif que la Nation doit se fixer, je veux dire l’augmentation du nombre d’apprentis dans l’enseignement supérieur.

M. Adnot m’a également interrogé sur l’immobilier. Le temps me manquant, je ne peux que vous redire qu’il s’agit, selon moi, du dossier majeur des six prochains mois. Nous ne pouvons pas procéder à la dévolution sur les bases existantes ; pourtant, il faut la faire, car elle est indispensable.

Nos universités doivent franchir une nouvelle étape vers l’autonomie. Cette étape, c’est la propriété de leur immobilier, que cette propriété soit directe ou organisée par une puissance publique de substitution. Nous avons d’ores et déjà quelques idées sur ces modalités. Je vous associerai à ces travaux, qui seront notre priorité dans les six mois qui viennent.

Pour ce qui concerne le modèle SYMPA, que nous avions eu l’occasion d’évoquer lorsque j’ai été auditionné par la commission, je redis qu’il est difficile de le réformer pour l’instant, car les universités sont dans des situations très hétérogènes. Il existe, par ailleurs, des situations acquises.

Il nous faut donc retrouver des dynamiques budgétaires positives afin de mieux prendre en compte cette hétérogénéité et de faire évoluer les situations acquises.

M. Berson a identifié des problématiques extrêmement précises sur l’état de la recherche et mis le doigt là où ça fait mal... Je ne peux pas, là non plus, répondre à toutes ses questions, mais je tiens, à l’occasion de ce débat, à donner à votre assemblée des informations précises sur la question du gel des crédits et des mises en réserve.

Premièrement, je rappelle que le taux de gel des crédits, tous ministères confondus, est passé progressivement de 5 % à 8 %. Pour ce qui concerne notre ministère, nous avons négocié et conservé depuis des années un taux dérogatoire au profit des organismes qui est de l’ordre de 0,35 % sur la part de la masse salariale et de 4,85 % sur la part « fonctionnement » des subventions. Il s’agit donc de taux réduits par rapport au taux de gel de droit commun. Je peux d’ores et déjà vous dire que, pour 2016, nous avons la garantie de pouvoir maintenir ces taux réduits.

Deuxièmement, les universités bénéficient, elles aussi, d’un traitement spécifique puisque, sur 12 milliards d’euros, c’est un montant global forfaitaire de 70 millions d’euros qui est gelé. Là encore, nous avons obtenu voilà peu la garantie que ce montant forfaitaire très bas – comparé aux 12 milliards d’euros – serait conservé l’année prochaine.

Troisièmement, les crédits pour 2016 des universités comme des organismes de recherche seront préservés de tout coup de rabot : zéro euro pour les universités, zéro euro pour les organismes de recherche !

Vous disant cela, je souhaite revenir plus précisément sur l’un des engagements dont nous avions eu l’occasion de parler en commission. La ministre de l’éducation nationale, Najat Vallaud-Belkacem, a voulu, au moins pour l’enseignement supérieur et la recherche, que le budget que vous allez voter soit le plus proche possible de celui qui s’appliquera. Vous me rétorquerez que c’est la moindre des choses. Certes, mais ce n’est pas le cas partout et c’est une bataille à livrer. Cette garantie, nous vous la donnons.

M. Tandonnet m’a interrogé sur la question du coup de rabot, à laquelle je viens de répondre, et sur l’évolution à la baisse de la contribution du Centre national d’études spatiales à l’Agence spatiale européenne.

Premièrement, grâce au choix que nous avons fait, dans la discrétion – sans doute avons-nous eu tort, d’ailleurs, d’être aussi discrets ! –, la France est, à la fin de 2015, pour la première fois depuis des années, créditrice auprès de l’ESA. En effet, elle ne « traîne » plus la dette qu’elle lui devait au titre de sa participation.

Deuxièmement, la contribution du CNES à l’ESA augmentera significativement cette année, passant de 775 millions à 850 millions d’euros, afin de contribuer au financement d’Ariane 6.

Du fait de ces deux données, l’augmentation significative de cette contribution à l’ESA et le solde créditeur du CNES, les crédits que nous vous proposons d’inscrire définitivement au budget sont largement suffisants.

M. Grosperrin a posé, entre autres questions, celles de l’enseignement supérieur privé et des droits d’inscription.

S’agissant de la première question, nous avons veillé à ce que les crédits de l’enseignement supérieur privé pour 2016 soient strictement identiques à ceux de 2015, ce qui représente, là encore, une petite inflexion par rapport aux dernières années.

Il faut ajouter aux crédits de 73 millions d’euros destinés à l’enseignement privé les bourses qui sont versées aux étudiants du supérieur, lesquelles représentent plus de 150 millions d’euros chaque année. Il n’y a donc pas de désengagement budgétaire par rapport à l’enseignement privé, lequel est pour bonne partie sous contrat et contribue à l’effort du service public.

S’agissant maintenant des droits d’inscription, il faut aborder franchement la question, même au prix de désaccords, car il n’y a aucune raison de faire comme si le débat n’existait pas.

Vous connaissez la position du Gouvernement, qui n’est d’ailleurs pas seulement française, puisque les Allemands la partagent, de même que les pays nordiques. Selon nous, les droits d’inscription doivent être les plus faibles possible. L’Allemagne a même adopté le régime de la gratuité totale.

En effet, des études très précises établissent que tout « signal prix » donné à l’accès à l’université a immédiatement pour effet de limiter la démocratisation du système.

Vous proposez, monsieur Grosperrin, de multiplier par trois, voire par quatre les droits d’inscription. J’y insiste, ce « signal prix » très fort se paierait immanquablement par un ralentissement de la démocratisation, quand bien même vous compenseriez cette augmentation – je ne sais pas trop comment, d’ailleurs, mais on peut l’imaginer en théorie – par des bourses nouvelles ou un système de prêts.

J’attire votre attention sur le fait que des pays dans lesquels les droits d’inscription sont élevés se demandent à l’heure actuelle s’ils n’ont pas eu tort de procéder ainsi. C’est l’un des thèmes de la campagne pour l’élection présidentielle américaine. M. Obama a en effet expliqué devant le Congrès des États-Unis que le pays faisait peut-être fausse route en maintenant ce niveau de droits pour le college, c’est-à-dire les trois années consécutives à l’équivalent de notre baccalauréat. En effet, les études étant très coûteuses et nécessitant souvent l’obtention de prêts, les défaillances de remboursement se multiplient.

Il faut donc être très prudent sur ce point. Je tenais à vous le dire, loyalement, même au risque d’un désaccord avec vous.

Lors de sa première intervention, Mme Gillot a évoqué, notamment, la situation de l’Agence nationale de la recherche, l’ANR.

Mme la présidente. Il vous reste deux minutes, monsieur le secrétaire d’État !

M. Thierry Mandon, secrétaire d'État. Je ne peux que reprendre les chiffres qu’elle a cités : le montant de 500 millions d’euros est un plancher en deçà duquel il n’est pas possible d’aller. J’espère que nous trouverons, dans les années qui viennent, le moyen d’augmenter un peu ces crédits ; c’est très important.

Sur le rôle du Conseil national de la culture scientifique, technique et industrielle, le CNCSTI, vous avez raison, il faut, plus que jamais, diffuser la culture scientifique, technologique et industrielle dans la société. C’est un objectif majeur qui doit accompagner le mouvement de démocratisation.

Pour ce qui concerne la valorisation des politiques d’innovation, je vous confirme, madame Gillot, que nous procédons actuellement à une évaluation très précise des dispositifs de soutien à l’innovation qui ont été mis en place au cours des dix dernières années. Il me semble indispensable d’examiner ces dispositifs avec le souci d’un juste retour des outils mis en place sur les fruits de la recherche publique.

On sait qu’un effort considérable a été fait pour drainer les technologies et les savoirs à partir des laboratoires publics vers les entreprises : il commence à produire des effets. Tant mieux, car c’était indispensable, mais il ne faut pas que cet effort se paie par une absence de retour pour les laboratoires publics. C’est le sens du travail que nous menons.

Mme Herviaux a insisté, à propos du programme 190, sur le rôle de la recherche. Je ne peux que partager sa préoccupation et sa volonté.

La discussion qui s’est ouverte à l’issue des propos liminaires des rapporteurs spéciaux et rapporteurs pour avis a permis de mettre au jour les bornes de ce que seront nos efforts, dans les prochaines années, en matière d’enseignement supérieur et de recherche.

Notre enseignement supérieur a besoin d’un nouveau modèle économique. À cet égard, je vais sans doute me répéter, mais c’est ce que j’ai toujours dit.

S’il y a davantage d’étudiants, la Nation devra nécessairement faire des efforts plus importants pour soutenir l’enseignement public. L’engagement de la Nation est donc le premier pilier de toute action en ce domaine, ce qui se traduit dès cette année dans le projet de loi de finances, puisque 165 millions d’euros viennent abonder le programme 190.

Si les droits d’inscription ne sont pas, de notre point de vue, un levier, pour les raisons que j’ai dites, en revanche, les ressources propres le sont.

Dans le domaine de la formation professionnelle, les pistes sont considérables. Nous avons travaillé sur la base d’un rapport et nous lançons actuellement un appel à candidatures pour expérimenter en grandeur nature, dans une dizaine d’universités françaises, l’apport que peut représenter la formation professionnelle.

D’autres idées peuvent être avancées. Ainsi, les universités doivent mieux suivre le parcours de leurs anciens étudiants. Contrairement aux écoles, elles ne savent pas ce que leurs anciens élèves sont devenus. Peut-être certains sont-ils aujourd’hui milliardaires et seraient tout à fait heureux d’aider l’université qui leur a permis de réussir dans la vie... Il y a un gros travail à faire en la matière.

Enfin, et ce sera ma conclusion, le numérique doit être investi pleinement par notre système d’enseignement supérieur, car il permet d’adapter et de personnaliser les enseignements tout en suscitant des économies significatives de dépenses publiques.

J’ai commencé mon propos en rappelant que l’hommage national de la Nation aux victimes des attentats du 13 novembre, qui a dû s’achever il y a quelques minutes, s’ouvrait en même temps que la présente séance.

Mesdames, messieurs les sénateurs, le plus bel hommage à rendre aux victimes, et la meilleure façon d’éviter que notre pays ne vive à nouveau des heures aussi sombres, c’est de consentir des efforts pour défendre et protéger nos concitoyens ; c’est également de consacrer à l’enseignement supérieur et à la recherche des crédits supplémentaires, du même montant que ceux qui sont consacrés à la défense des Français. Car c’est par ce moyen, aussi, que nous préviendrons des actes que chacun d’entre nous condamne. (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste et républicain. – Mme Corinne Bouchoux applaudit également.)

Recherche et enseignement supérieur
Dossier législatif : projet de loi de finances pour 2016
Défense

Mme la présidente. Nous allons procéder à l’examen des crédits de la mission « Recherche et enseignement supérieur », figurant à l’état B.

ÉTAT B

(En euros)

Mission

Autorisations d’engagement

Crédits de paiement

Recherche et enseignement supérieur

26 293 281 084

26 188 995 815

Formations supérieures et recherche universitaire

13 007 103 029

12 893 069 291

Dont titre 2

494 783 080

494 783 080

Vie étudiante

2 541 643 461

2 486 518 461

Recherches scientifiques et technologiques pluridisciplinaires

6 244 286 500

6 248 930 968

Recherche spatiale

1 371 719 890

1 371 719 890

Recherche dans les domaines de l’énergie, du développement et de la mobilité durables

1 718 047 388

1 724 047 388

Recherche et enseignement supérieur en matière économique et industrielle

776 513 020

831 563 057

Dont titre 2

104 883 002

104 883 002

Recherche duale (civile et militaire)

180 074 745

180 074 745

Recherche culturelle et culture scientifique

122 128 455

122 144 698

Enseignement supérieur et recherche agricoles

331 764 596

330 927 317

Dont titre 2

205 371 337

205 371 337

Mme la présidente. Je suis saisie de deux amendements identiques.

L'amendement n° II-139 est présenté par M. Berson, au nom de la commission des finances.

L'amendement n° II-202 rectifié est présenté par M. Grosperrin, au nom de la commission de la culture.

Ces deux amendements sont ainsi libellés :

Modifier ainsi les crédits des programmes :

(en euros)

Programmes

Autorisations d’engagement

Crédits de paiement

 

+

-

+

-

Formations supérieures et recherche universitairedont titre 2 

 

 

 

 

Vie étudiante

 

 

 

 

Recherches scientifiques et technologiques pluridisciplinaires

20 000 000

 

20 000 000

 

Recherche spatiale

70 000 000

 

70 000 000

 

Recherche dans les domaines de l’énergie, du développement et de la mobilité durables

10 741 788

 

10 741 788

 

Recherche et enseignement supérieur en matière économique et industrielle dont titre 2 

15 500 000

 

15 500 000

 

Recherche duale (civile et militaire)

 

 

 

 

Recherche culturelle et culture scientifique

1 000 000

 

1 000 000

 

Enseignement supérieur et recherche agricoles dont titre 2 

2 291 324

 

2 378 603

 

TOTAL

119 533 112

119 620 391

SOLDE

119 533 112

119 620 391

La parole est à M. Michel Berson, rapporteur spécial.

M. Michel Berson, rapporteur spécial. Cet amendement de la commission des finances vise à rétablir les crédits de la mission « Recherche et enseignement supérieur » tels qu’ils étaient prévus avant la seconde délibération à l’Assemblée nationale.

En seconde délibération, sur l’initiative du Gouvernement, l’Assemblée nationale a adopté, comme l’an dernier, une réduction des crédits de la mission, réduction à hauteur de 119 millions d’euros cette année. Cette réduction porte essentiellement sur cinq programmes de recherche pour un montant de 49,6 millions d’euros, et sur le programme « Recherche spatiale » pour 70 millions d’euros, ce qui représente pour cette seule ligne budgétaire une réduction de 5 % tant en autorisations d’engagement qu’en crédits de paiement.

Ces réductions de crédits concernent le périmètre « Recherche » ; parallèlement, le budget du périmètre « Enseignement supérieur » connaît une augmentation de 100 millions d’euros.

Comme je l’ai dit l’an dernier, les crédits alloués à la recherche ne peuvent et ne doivent pas servir de variable d’ajustement aux augmentations décidées dans d’autres domaines.

Ce « coup de rabot », pour employer une expression familière, est critiquable sur le fond, car il remet en cause l’engagement d’une sanctuarisation des crédits de la recherche. Il l’est aussi sur la forme, dans la mesure où la seconde délibération est une procédure par laquelle le Gouvernement demande à une chambre de modifier des crédits déjà votés…

Mme la présidente. Il faut conclure, mon cher collègue.

M. Michel Berson, rapporteur spécial. … par des amendements que lui seul peut déposer, sans laisser aux parlementaires le temps d’examiner l’opportunité et la portée de ces changements.

C'est la raison pour laquelle la commission des finances propose cet amendement qui vise à rétablir les 119 millions d’euros supprimés par l’Assemblée nationale.

Mme la présidente. La parole est à M. Jacques Grosperrin, rapporteur pour avis, pour présenter l'amendement n° II-202 rectifié.

M. Jacques Grosperrin, rapporteur pour avis de la commission de la culture. La commission de la culture présente un amendement identique à celui de la commission des finances, car elle désapprouve la méthode employée par le Gouvernement qui, en déposant des amendements lors de la seconde délibération, ne laisse pas assez de temps aux parlementaires pour étudier les modifications proposées.

Sur le fond, M. le secrétaire d'État a parlé tout à l’heure de sanctuarisation : c'est un signal fort envoyé au secteur de la recherche. Mais l’amendement déposé par le Gouvernement en seconde délibération à l'Assemblée nationale constitue, pour sa part, plutôt un signal défavorable. C'est la raison pour laquelle la commission de la culture a souhaité s’associer à la commission des finances en déposant un amendement identique à l’amendement n° II-157.

Mme la présidente. Quel est l’avis du Gouvernement ?

M. Thierry Mandon, secrétaire d'État. Je serai très bref puisque j’ai évoqué, dans mon intervention en réponse aux orateurs, l’essentiel des crédits dont il est question.

Les crédits relatifs à l’Agence spatiale européenne sont en progression très forte ; le montant qui figure désormais dans le budget suffit.

Par ailleurs, je me réjouis que le rabot épargne cette année tant les universités que les organismes de recherche, ce qui est une nouveauté. Compte tenu de cet effort, je serais sensible au fait que ces amendements soient retirés. Si tel n’était pas le cas, le Gouvernement émettrait un avis défavorable.

Mme la présidente. La parole est à Mme Brigitte Gonthier-Maurin, pour explication de vote.

Mme Brigitte Gonthier-Maurin. Notre groupe soutiendra ces deux amendements, présentés par la commission des finances et par la commission de la culture, qui visent à rétablir les crédits de la mission amputés par un amendement du Gouvernement lors de la lecture du projet de loi de finances à l’Assemblée nationale.

Je voudrais faire trois observations.

Premièrement, nous sommes plusieurs ici à invoquer le fait que les crédits dédiés à cette mission ne peuvent être des variables d’ajustement, notamment pour ce qui concerne la recherche.

Deuxièmement, une fois de plus, nous voyons bien dans quelles difficultés nous placent les contraintes budgétaires, qui nous obligent à des redéploiements.

Troisièmement, j’observe, monsieur le secrétaire d'État, que vous n’avez pas répondu sur l’utilisation du crédit impôt recherche, alors que nous avons été plusieurs à vous interpeller sur ce point. Un meilleur pilotage et une meilleure gestion du dispositif permettraient pourtant de mettre sur la table quelques millions d’euros.

Mme la présidente. La parole est à M. Roger Karoutchi, pour explication de vote.

M. Roger Karoutchi. Monsieur le secrétaire d'État, vous dites que les 119 millions d’euros dont il est question portent presque uniquement sur l’Agence spatiale européenne. Pourtant, si j’en crois le tableau, l’agence est concernée à hauteur de 70 millions d’euros, le reste portant sur la recherche économique ou pluridisciplinaire.

Vous avez dit tout à l’heure dans votre intervention que la recherche était un élément fondamental pour protéger nos concitoyens, pour investir et pour préparer la France de demain. Il faut donc conserver les crédits de recherche au niveau prévu.

Mme la présidente. La parole est à Mme Dominique Gillot, pour explication de vote.

Mme Dominique Gillot. Mes chers collègues, nous pourrions faire confiance à M. le secrétaire d'État qui nous donne des assurances. Mais nous avons déjà vu, au cours de précédents exercices budgétaires, le ministre du budget, en présentant au dernier moment un amendement d’équilibre, donner de sérieux coups de rabot !

Nous apporterons donc notre soutien à la préservation des crédits en matière de recherche, de telle sorte que si, par malheur, il devait y avoir à la fin de la discussion budgétaire un amendement prévoyant des coups de rabot,…

M. Roger Karoutchi. Et il y en aura un !

Mme Dominique Gillot. … ses conséquences seraient moins lourdes. (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste et républicain, du groupe CRC, du groupe écologiste.)

Mme la présidente. Je mets aux voix les amendements identiques nos II-139 et II-202 rectifié.

(Les amendements sont adoptés.)

Mme la présidente. Je constate que ces amendements ont été adoptés à l’unanimité des présents.

Je suis saisie de deux amendements faisant l'objet d'une discussion commune.

L'amendement n° II-211, présenté par M. Bouvard, est ainsi libellé :

Modifier ainsi les crédits des programmes :

(en euros)

Programmes

Autorisations d’engagement

Crédits de paiement

+

-

+

-

Formations supérieures et recherche universitairedont titre 2 

14 000 000

14 000 000

Vie étudiante

Recherches scientifiques et technologiques pluridisciplinaires

Recherche spatiale

Recherche dans les domaines de l’énergie, du développement et de la mobilité durables

Recherche et enseignement supérieur en matière économique et industrielle dont titre 2 

Recherche duale (civile et militaire)

Recherche culturelle et culture scientifique

Enseignement supérieur et recherche agricoles dont titre 2 

TOTAL

14 000 000

14 000 000

SOLDE

- 14 000 000

- 14 000 000

La parole est à M. Michel Bouvard.

M. Michel Bouvard. Je reviens cette année encore sur la problématique des opérateurs, au travers du budget du ministère de la recherche et de l’enseignement supérieur.

Ces opérateurs représentent un poids très lourd, ce qui nous amène à nous interroger sur leur utilité, et notamment sur celle de la chancellerie des universités de Paris.

Monsieur le secrétaire d'État, comme vous avez pris vos fonctions récemment, je serai indulgent en répétant les reproches cumulés déjà adressés à vos prédécesseurs, de la majorité comme de l’opposition, au cours des années précédentes.

Je rappelle simplement que la chancellerie gère un patrimoine de 15 500 mètres carrés de locaux à usage d’habitation, avec des loyers souvent en dessous des loyers du marché. Son patrimoine locatif, qui est évalué à 123 millions d’euros, est composé de divers biens dont la chancellerie n’a absolument pas l’utilité et qui n’ont rien à voir avec ses missions, à commencer par le domaine de Richelieu avec sa chasse et ses terres agricoles, et par une villa à Casablanca.

Je propose tout d’abord, par mon amendement n° II-211, de supprimer l’équivalent du budget de la chancellerie des universités de Paris et, partant, la chancellerie elle-même, comme cela est réclamé depuis plusieurs années par la Cour des comptes, qui s’interroge aussi sur l’utilité de cet organisme. À titre de repli, je propose, dans l’amendement n° II-210, de réduire à zéro la subvention pour charges de service public attribuée à la chancellerie des universités de Paris.

Il apparaît en effet que la chancellerie a principalement une activité immobilière, pour gérer, certes, en partie des biens des universités utilisés par celles-ci, mais surtout des biens extérieurs aux universités utilisés non par ces dernières, mais parfois par d’autres opérateurs. Elle distribue même parfois des subventions à d’autres opérateurs de l’État – je pense aux subventions à l’Institut national d’histoire de l’art. Elle est donc un facteur d’opacité dans la transparence budgétaire que nous devons avoir en matière de gestion des fonds publics.

Ces deux amendements ont d’abord pour but d’inciter l’État à réformer enfin la chancellerie des universités de Paris et à s’interroger sur l’utilité d’un outil qui a été créé il y a un certain nombre de décennies et qui ne correspond plus à l’organisation universitaire actuelle.

Mme la présidente. L'amendement n° II-210, présenté par M. Bouvard, est ainsi libellé :

Modifier ainsi les crédits des programmes :

(en euros)

Programmes

Autorisations d’engagement

Crédits de paiement

+

-

+

-

Formations supérieures et recherche universitairedont titre 2 

200 000

200 000

Vie étudiante

Recherches scientifiques et technologiques pluridisciplinaires

Recherche spatiale

Recherche dans les domaines de l’énergie, du développement et de la mobilité durables

Recherche et enseignement supérieur en matière économique et industrielle dont titre 2 

Recherche duale (civile et militaire)

Recherche culturelle et culture scientifique

Enseignement supérieur et recherche agricoles dont titre 2 

TOTAL

200 000

200 000

SOLDE

- 200 000

- 200 000

Cet amendement vient d’être défendu.

Quel est l’avis de la commission ?

M. Philippe Adnot, rapporteur spécial. Mon cher collègue, nous sommes un certain nombre à partager votre sentiment sur cet outil qui ne remplit pas vraiment aujourd’hui une mission essentielle.

Cela étant, votre amendement aurait comme conséquence de supprimer 14 millions d’euros du budget du programme 150 : vous comprendrez donc que la commission des finances ne puisse y être favorable.

Dans ce programme 150, 200 000 euros sont effectivement affectés au financement de la chancellerie. Ils font l’objet de votre second amendement, sur lequel la commission des finances émet un avis de sagesse bienveillante, sous réserve que le Gouvernement s’engage à doter la chancellerie des 200 000 euros normalement prévus.

Mme la présidente. Quel est l’avis du Gouvernement ?

M. Thierry Mandon, secrétaire d'État. Monsieur le sénateur, le Gouvernement est défavorable aux deux amendements.

Chacun sait ici que la chancellerie des universités de Paris a un rôle très important et particulier par rapport aux autres chancelleries. Elle gère le plan campus, ainsi qu’un patrimoine privé de dons et de legs considérable. La solution radicale que vous proposez dans votre premier amendement nous causerait de grands tracas.

Par ailleurs, je tiens à dire que le recteur a fait, à la suite des différentes suggestions de la Cour des comptes, un énorme travail pour rationaliser les procédures de gestion de la chancellerie. Il serait très intéressant qu’il puisse vous expliquer l’état exact des choses et vous présenter le travail accompli. C'est la raison pour laquelle votre second amendement doit être rejeté. En effet, son adoption gênerait grandement le fonctionnement de l’immobilier universitaire en région parisienne. En revanche, il serait intéressant de creuser les efforts réalisés ces derniers temps en matière de gestion de la chancellerie.

Mme la présidente. La parole est à M. Michel Bouvard, pour explication de vote.

M. Michel Bouvard. Je vais retirer mon premier amendement, qui était à l’évidence un amendement d’appel destiné à poser le problème.

En revanche, je me réjouis de la position de la commission sur mon second amendement. Monsieur le secrétaire d'État, je pense que nous ne pouvons pas nous en tenir au statu quo dans ce dossier. Je suis tout prêt à vous faire confiance quant à votre volonté de réformer cette structure, voire de la supprimer ou de la transformer. Mais de trop nombreux dossiers comme celui-ci stagnent depuis des années, alors même que l’on a constaté la nécessité de faire des réformes, singulièrement en matière de gestion immobilière de l’État, qui est un sujet important.

Des dizaines de millions d’euros d’actifs existants ne sont pas utilisés pour la finalité qui leur a été dévolue et sont une source d’opacité dans la gestion publique. Si nous voulons progresser, singulièrement au moment où votre ministère aborde, avec courage, la problématique de la dévolution immobilière aux universités puisqu’il va falloir sortir du moratoire, il faudrait envoyer à l’ensemble des opérateurs le signal d’un meilleur contrôle et d’une plus grande efficacité en matière de gestion immobilière.

Madame la présidente, je retire donc mon premier amendement. Je maintiens le second, qui me paraît pouvoir progresser durant la navette.

Mme la présidente. L'amendement n° II-211 est retiré.

La parole est à M. Roger Karoutchi, pour explication de vote sur l’amendement n° II-210.

M. Roger Karoutchi. Pour une fois, je serai en désaccord avec mon ami Michel Bouvard ; cela peut arriver… (Sourires.) Pourtant, Dieu sait que je l’ai écouté avec attention.

En effet, si l’on en croit les rapports de la Cour des comptes, sincèrement, on pourrait pratiquement tout fermer dans ce pays (Nouveaux sourires.), car rien n’y fonctionnerait, rien n’y serait bien géré… J’ai pour ma part lu bien des rapports de la Cour des comptes considérant de nombreux rectorats de province comme catastrophiques et très mal administrés. Je veux bien croire que la chancellerie des universités de Paris ait beaucoup de défauts, mais je veux tout de même dire quelque chose d’assez simple : attention à ne pas systématiquement tout casser !

La plupart des universités, et du secteur de l’enseignement supérieur en général, de province reçoivent des aides financières considérables des régions, parce qu’il existe des conventions entre les conseils régionaux et les rectorats ou les universités. Ces dernières sont donc largement bénéficiaires de fonds publics régionaux. En revanche, en ce qui concerne les universités parisiennes, l’intervention du conseil régional est, pour diverses raisons, très faible. La chancellerie des universités de Paris se débrouille donc par ses propres moyens, avec son patrimoine et sa gestion.

Certes, je comprends que M. Bouvard demande à M. le secrétaire d’État de supprimer cette subvention de 200 000 euros. Néanmoins, à titre de comparaison, j’aimerais savoir combien les universités de province reçoivent d’argent public par le biais des régions, par rapport à l’ensemble des universités d’Île-de-France, lesquelles accueillent, je le rappelle, 25 % des étudiants de France. Je pense que cette comparaison serait extrêmement désagréable pour les universités provinciales.

Je préfère donc que l’État maintienne cette subvention de 200 000 euros et qu’on ne demande pas trop d’argent public aux collectivités. En effet – pardon de vous le dire, monsieur le rapporteur spécial Adnot –, je ne suis pas sûr que, si ces 200 000 euros venaient à disparaître, l’État les compenserait ; les universités se tourneraient alors vers les collectivités ! Or comme celles-ci n’en peuvent mais, par pitié, laissez l’État maintenir cette subvention !

Mme la présidente. La parole est à M. Maurice Vincent, pour explication de vote.

M. Maurice Vincent. Je veux juste répondre très rapidement à notre collègue Roger Karoutchi.

Honnêtement, il ne me semble pas opportun de procéder, sur la question des moyens, à une opposition entre universités parisiennes et universités des régions. Il y aurait bien des choses à dire à ce sujet ; ce n’est pas le moment d’entrer dans ce débat mais on pourrait parler de nombreux aspects issus de l’histoire, notamment des dotations en enseignants.

C’est donc, selon moi, un sujet plus complexe que ce que vous avez bien voulu décrire, mon cher collègue.

Mme la présidente. Je mets aux voix l’amendement n° II-210.

(L’amendement n’est pas adopté.)

Mme la présidente. Je suis saisie de deux amendements identiques.

L’amendement n° II-157 est présenté par M. Adnot, au nom de la commission des finances.

L’amendement n° II-201 est présenté par M. Grosperrin, au nom de la commission de la culture.

Ces deux amendements sont ainsi libellés :

Modifier ainsi les crédits des programmes :

 (en euros)

Programmes

Autorisations d’engagement

Crédits de paiement

+

-

+

-

Formations supérieures et recherche universitairedont titre 2

5 590 000

5 590 000

Vie étudiante

5 590 000

5 590 000

Recherches scientifiques et technologiques pluridisciplinaires

Recherche spatiale

Recherche dans les domaines de l’énergie, du développement et de la mobilité durables

Recherche et enseignement supérieur en matière économique et industrielle dont titre 2

Recherche duale (civile et militaire)

Recherche culturelle et culture scientifique

Enseignement supérieur et recherche agricoles dont titre 2

TOTAL

5 590 000

5 590 000

5 590 000

5 590 000

SOLDE

0

0

La parole est à M. Philippe Adnot, rapporteur spécial.

M. Philippe Adnot, rapporteur spécial. Je crois que tout le monde connaît bien le sujet et sait la contribution de l’enseignement supérieur privé à la formation de notre jeunesse, avec un peu plus de 80 000 étudiants par an. Cet enseignement entraîne un allégement de charges pour l’État : si celui-ci devait assumer cette formation à son coût actuel, cela représenterait pratiquement 1 milliard d’euros supplémentaire par an. Nous devons donc tenir compte de cette réalité et de l’intérêt représenté par cette formation.

Toutefois, depuis quelques années, le financement de l’État a systématiquement baissé, pour atteindre un niveau inférieur à 800 euros par étudiant et par an, alors qu’il dépassait 1 000 euros en 2013. L’objet de cet amendement est donc de rétablir le soutien à l’enseignement supérieur privé à son niveau de 2013.

Je sais très bien que, pour un amendement de cette nature, il faut trouver l’argent quelque part ; je connais les réserves d’un certain nombre de nos collègues, d’accord pour voter cet amendement mais s’inquiétant de son financement. Cela ne sera pas pris sur la partie du programme « Vie étudiante » relative à la qualité de vie des étudiants, mais sur l’action 2, par exemple sur le logement étudiant – non pas sur le soutien au logement mais sur l’investissement dans le logement.

Mme Brigitte Gonthier-Maurin. C’est un scandale !

M. Philippe Adnot, rapporteur spécial. C’est un sujet que je défends régulièrement ; je pense pour ma part que le cœur de métier de l’université n’est pas de construire des logements ; il y a des offices qui en sont chargés. Dans le département dont je suis l’élu, c’est le conseil départemental qui construit les logements estudiantins puis les fait administrer par le CROUS, et cela ne coûte rien à personne ! Il est donc tout à fait possible de trouver les 5 590 000 euros nécessaires.

Tel est l’objet de cet amendement.

Mme la présidente. La parole est à M. Grosperrin, rapporteur pour avis, pour présenter l’amendement n° II-201.

M. Jacques Grosperrin, rapporteur pour avis de la commission de la culture. Je veux simplement ajouter que l’enseignement supérieur non lucratif joue un rôle important, mais que l’investissement public y afférent représente moins de 800 euros par étudiant et par an, ce qui me semble dérisoire.

Augmenter les droits d’inscription, en les faisant passer de 500 euros à 700 euros, ne permettrait pas d’atteindre un niveau comparable à celui d’autres pays. Il y a eu, depuis 2011, une baisse importante, de l’ordre de 38 % ; il est donc intéressant d’agir dans cette direction.

Mme la présidente. Quel est l’avis du Gouvernement ?

M. Thierry Mandon, secrétaire d’État. Il est défavorable, pour deux raisons.

Premièrement, je le disais tout à l’heure, les crédits de l’enseignement supérieur privé ont été maintenus cette année, pour la première fois depuis quelques années, malgré un contexte budgétaire difficile.

Secondement, alors que ces crédits sont maintenus, c’est principalement dans l’enseignement supérieur public, notamment dans les universités, que les effectifs d’étudiants ont augmenté. Généralement, c’est plutôt l’enseignement supérieur privé qui voit ses élèves augmenter ; cette année, il y a une inversion.

Pour ces deux raisons – maintien des crédits pour l’enseignement supérieur privé et flux d’étudiants plutôt tournés vers l’enseignement supérieur public –, l’augmentation contenue dans ces amendements ne me semble pas judicieuse.

J’ajoute que financer cette augmentation en prélevant sur les crédits des CROUS semble vraiment contraire à ce que j’ai entendu tout à l’heure, quand tout le monde demandait que l’on remette de l’argent dans ces organismes. (Mme Maryvonne Blondin opine.) Vous proposez donc d’en enlever encore ; là, les conséquences sur la programmation seraient réelles.

Pour toutes ces raisons, le Gouvernement émet un avis défavorable sur ces deux amendements identiques.

Mme la présidente. La parole est à M. Philippe Adnot, rapporteur spécial.

M. Philippe Adnot, rapporteur spécial. Monsieur le secrétaire d’État, vous nous reprochez de prendre 5 590 000 euros aux CROUS mais vous-même venez de leur prélever 50 millions d’euros ! Vos reproches sont donc assez étonnants, et votre argument plutôt malvenu !

L’amendement est bien sûr maintenu.

Mme la présidente. La parole est à M. Daniel Raoul, pour explication de vote.

M. Daniel Raoul. Monsieur le rapporteur spécial Adnot, votre présentation de l’amendement en commission des finances a été assez différente, car vous n’aviez pas gagé les fameux 5 millions d’euros sur l’action 2 du programme « Vie étudiante » ; en tout cas, nous ne l’avions pas entendu ainsi, ce qui explique notre vote en commission.

En effet, après avoir voté les 119 millions d’euros, on pouvait fort bien, en utilisant une lame de rabot relativement fine, trouver ces 5 millions d’euros supplémentaires, qui constitueraient une forme de reconnaissance pour une partie – j’y insiste – de l’enseignement supérieur privé.

Il faudrait en effet faire le ménage dans l’aide apportée à l’enseignement supérieur privé. Certains établissements relèvent franchement du service public, qu’ils assurent correctement, quand d’autres, vu notamment le niveau de leurs droits d’inscription, posent un réel problème. Aussi, apporter 5 millions d’euros de plus d’une façon indifférenciée me gêne ; mais c’est surtout le prélèvement sur le programme « Vie étudiante » qui emportera mon vote contre cet amendement.

Il semble en effet incroyable de vouloir diminuer les moyens affectés à la vie estudiantine, dans le contexte que l’on connaît ; cela aurait en particulier pour effet de nuire à l’accessibilité des études supérieures. L’effort de 5 millions d’euros demandé à ce programme est donc inadmissible.

Mme la présidente. La parole est à Mme Brigitte Gonthier-Maurin, pour explication de vote.

Mme Brigitte Gonthier-Maurin. Mon intervention sera exactement dans la même tonalité. Il me semble qu’une ponction sur l’action 2 du programme « Vie étudiante » serait vraiment un mauvais signal, surtout aujourd’hui. Le motif invoqué est la trop forte participation des établissements considérés à l’effort de redressement des comptes publics ; mais ces établissements ne sont pas non plus sans disposer de ressources, en particulier grâce aux frais d’inscription, qu’ils fixent à leur guise et à un niveau parfois très élevé. Adopter cet amendement serait donc vraiment la pire des choses à faire aujourd’hui. Malheureusement, j’ai l’impression que c’est ce qui va se passer…

Mme la présidente. La parole est à Mme Dominique Gillot, pour explication de vote.

Mme Dominique Gillot. Je serai pour ma part beaucoup plus nuancée dans mon explication de vote. Sans doute, nous n’allons pas voter cet amendement pour les raisons mentionnées : cela enverrait un signal très négatif concernant la vie estudiantine, malgré la volonté de prélever plutôt sur la partie logement du programme ; mais le logement fait aussi partie de la vie estudiantine.

Le Centre national des œuvres universitaires et scolaires, le CNOUS, a admis, contraint, la nécessité de contribuer à l’effort de redressement des finances publiques, en acceptant un prélèvement de 50 millions d’euros sur son fonds de roulement. Un prélèvement supplémentaire de 5 millions d’euros ne semblerait pas correct ; nous ne pouvons y procéder.

En revanche, je n’ai pas un avis aussi tranché sur l’enseignement supérieur privé. Il existe aussi des écoles privées à but non lucratif, qui bénéficient d’ailleurs maintenant du label d’établissement d’enseignement supérieur privé d’intérêt général, ou EESPIG, sur le fondement de la loi du 22 juillet 2013 relative à l’enseignement supérieur et à la recherche, dite « loi ESR ». (M. Daniel Raoul opine.)

Ces écoles entrent dans les communautés d’universités et d’établissements, les COMUE, et on se rend compte qu’elles ont les mêmes intérêts, les mêmes ambitions – la réussite des étudiants – et une volonté de modération des droits d’inscription, qui ne représentent pas pour elles qu’une variable d’ajustement. Pour ma part, je souhaiterais que l’on soit beaucoup plus attentif à ces écoles, qui contribuent à la qualité de l’enseignement supérieur et qui en sont un complément, comme on en a dans le secteur de la santé, avec les hôpitaux privés participant au service public de santé.

Dans l’éducation, dans l’enseignement supérieur, nous aurions intérêt à considérer ces écoles comme des partenaires et à répondre à leurs attentes, pour qu’elles puissent modérer leurs frais d’inscription et entrer de plain-pied dans les COMUE, établissements d’avenir pour la visibilité de l’enseignement supérieur français.

Mme la présidente. La parole est à Mme Corinne Bouchoux, pour explication de vote.

Mme Corinne Bouchoux. Ces amendements me semblent procéder d’une fausse bonne idée. Comme ma collègue Dominique Gillot, dont je partage les vues, je viens d’un département où l’on s’échine à faire travailler les secteurs privé et public en bonne intelligence ; ce n’est pas toujours facile mais on y arrive.

On comprend le sens de cet amendement, mais il s’agit ici de déshabiller Pierre pour habiller Jacques, et c’est une ineptie qui ne sera comprise par personne sur le terrain. Empiéter sur la vie estudiantine, sur le logement des boursiers et des plus démunis, pour donner au privé, en touchant indistinctement des boîtes qui ne sont pas très sérieuses et des écoles de grande qualité, me semble contre-productif et dangereux.

Le groupe écologiste votera donc, sans état d’âme, contre cet amendement, et j’irai expliquer à des amis du public comme du privé que ce n’est pas comme cela, selon nous, qu’il faut raisonner !

M. Daniel Raoul. C’est ce qui s’appelle être courageux !

Mme la présidente. La parole est à M. Roger Karoutchi, pour explication de vote.

M. Roger Karoutchi. Autant je partage l’avis de Mme Gillot sur les qualités et l’apport de l’enseignement supérieur privé, autant nous devons cesser de constamment l’opposer à l’enseignement supérieur public. Dans les deux, on trouve des gens très bien, de parfaites réussites, mais aussi des nuls et des échecs... De ce point de vue, les choses sont partagées !

En revanche, monsieur le secrétaire d’État, je vous disais tout à l’heure que les régions interviennent peu dans le financement des universités en tant que tel.

Mais en Ile-de-France, qui regroupe 25 % des étudiants, nous avons pris la construction des logements étudiants à notre charge.

M. Roger Karoutchi. En 2010, le président de la région, M. Jean-Paul Huchon, a fait campagne sur l’engagement de construire, en un mandat, 15 000 logements étudiants. En tant que président de la commission des finances du conseil régional, j’ai suivi cela de très près, et nous avons effectivement construit 15 000 logements étudiants en Île-de-France sur les fonds de la région.

À chacun son métier ! Je comprends très bien qu’on dise que le budget de l’enseignement supérieur est destiné à faire fonctionner les universités. Dans le même temps, c’est aux collectivités territoriales qui s’occupent de logement, notamment en construisant des logements sociaux, dont les régions, d’exercer leurs compétences. Dans notre programme des dernières élections régionales, nous avions bien, en ce qui nous concerne, la construction de logements pour les étudiants.

Mme la présidente. La parole est à Mme Françoise Laborde, pour explication de vote.

Mme Françoise Laborde. Nous ne voterons pas ces amendements pour toutes les raisons qui viennent d’être indiquées. Il me semble important de le préciser, car, grâce au scrutin public, ils seront finalement adoptés. Il ne faudrait pas croire que c’est la majorité des personnes présentes qui les voteront ; c’est bien la majorité sénatoriale !

Mme la présidente. La parole est à M. Philippe Adnot, rapporteur spécial.

M. Philippe Adnot, rapporteur spécial. Je ne peux pas laisser croire que je n’aurais pas présenté en commission l’amendement tel qu’il est rédigé aujourd’hui. Ce dernier n’a pas changé d’une ligne. C’est exactement le même ! Je vous donne à nouveau son objet : réduire de 5,59 millions d’euros le programme 231, en faisant porter cette baisse sur l’action 02 « Aides indirectes ».

Tous les membres de la commission des finances, qui ont pris position lors de la réunion au cours de laquelle cet amendement a été adopté, l’ont fait en connaissance de cause. Chacun a le droit d’évoluer, mais c’est en tout cas ce qui a été présenté en commission.

Mme la présidente. Je mets aux voix les amendements identiques nos II-157 et II-201.

J'ai été saisie d'une demande de scrutin public émanant du groupe Les Républicains.

Je rappelle que l'avis de la commission est favorable et que celui du Gouvernement est défavorable.

Il va être procédé au scrutin dans les conditions fixées par l'article 56 du règlement.

Le scrutin est ouvert.

(Le scrutin a lieu.)

Mme la présidente. Personne ne demande plus à voter ?…

Le scrutin est clos.

J'invite Mmes et MM. les secrétaires à procéder au dépouillement du scrutin.

(Il est procédé au dépouillement du scrutin.)

Mme la présidente. Voici, compte tenu de l’ensemble des délégations de vote accordées par les sénateurs aux groupes politiques et notifiées à la présidence, le résultat du scrutin n° 75 :

Nombre de votants 344
Nombre de suffrages exprimés 344
Pour l’adoption 189
Contre 155

Le Sénat a adopté.

Nous allons procéder au vote des crédits, modifiés, de la mission « Recherche et enseignement supérieur », figurant à l’état B.

Je n’ai été saisie d’aucune demande d’explication de vote avant l’expiration du délai limite.

Je mets aux voix les crédits, modifiés.

(Ces crédits sont adoptés.)

Mme la présidente. Je constate que ces crédits ont été adoptés à l’unanimité des présents. (Mme Dominique Gillot applaudit.)

Nous avons achevé l’examen des crédits de la mission « Recherche et enseignement supérieur ».

Mes chers collègues, nous allons maintenant interrompre nos travaux ; nous les reprendrons à quatorze heures trente.

La séance est suspendue.

(La séance, suspendue à douze heures cinquante, est reprise à quatorze heures trente, sous la présidence de Mme Françoise Cartron.)

PRÉSIDENCE DE Mme Françoise Cartron

vice-présidente

Mme la présidente. La séance est reprise.

Nous poursuivons l'examen, au sein de la seconde partie du projet de loi de finances, des différentes missions.

Défense

Etat B
Dossier législatif : projet de loi de finances pour 2016
Etat B

Mme la présidente. Le Sénat va examiner les crédits de la mission « Défense ».

La parole est à M. le rapporteur spécial.

M. Dominique de Legge, rapporteur spécial de la commission des finances. Madame la présidente, monsieur le ministre, mes chers collègues, l’actualisation de la programmation militaire intervenue l’été dernier a revu à la hausse les moyens humains et financiers de la défense pour la période 2015-2019. Cette actualisation a fait l’objet d’un consensus entre l’Assemblée nationale et le Sénat, lequel a été à l’initiative de l’introduction de plusieurs garanties supplémentaires pour les ressources de la défense.

Le projet de budget pour 2016 est conforme à la nouvelle programmation.

Ainsi, les recettes exceptionnelles, initialement de 1,6 milliard d’euros, se limitent dorénavant aux seuls produits de cession, pour 250 millions d’euros. Notre position sur ce point a donc été entendue. Je m’en félicite, tout comme de la décision du Sénat de maintenir le plafonnement de la décote « Duflot », que l’Assemblée nationale voulait supprimer, au mépris du respect de la loi de programmation militaire. Aujourd’hui comme hier, notre souci est d’assurer des recettes certaines à la défense, dans le cadre d’un budget sincère.

Les ressources de la mission « Défense » augmentent de 600 millions d’euros par rapport à la programmation initiale et vous allez nous présenter tout à l’heure, monsieur le ministre, un amendement dont l’adoption portera cette augmentation à 700 millions d’euros. Par conséquent, les crédits de la mission s’établiront à 32,1 milliards d’euros.

Après l’annulation des déflations d’effectifs prévues en 2015, ce sont 2 300 postes qui seront créés en 2016. Pour la période allant de 2017 à 2019, le Président de la République a indiqué que les déflations d’effectifs prévues n’auraient pas lieu. J’espère que M. le ministre pourra nous en dire plus tout à l’heure.

La conformité du projet de budget pour 2016 à la loi de programmation militaire actualisée justifie l’avis favorable de la commission des finances, qui s’est prononcée avant les événements du 13 novembre.

Pour autant, et indépendamment des nécessaires ajustements qui devront intervenir pour tenir compte de la situation nouvelle, je souhaite relever quelques points qui devront faire l’objet d’une vigilance particulière de notre part, concernant les conditions d’exécution de l’exercice 2015 et de la loi de programmation militaire elle-même.

En effet, le budget pour 2016 ne permettra de respecter la programmation que si l’exécution de l’année 2015 est elle-même conforme, sinon le report de charges enflera et la soutenabilité de la programmation sera compromise.

Pour cela, il faut bien sûr que les crédits budgétaires de 2 milliards d’euros remplaçant les recettes exceptionnelles prévues en 2015 soient ouverts. Il faut également que le dépassement de la provision pour les opérations extérieures, les OPEX, soit bien pris en charge dans le cadre de la solidarité interministérielle. Ce principe vaut d’ailleurs aussi pour le surcoût lié à l’opération Sentinelle. Il faut ensuite que soient restitués à la mission « Défense » les 56,7 millions d’euros réglés à la Russie cet été, à la suite de l’annulation de la vente des Mistral.

M. Jean-Yves Le Drian, ministre de la défense. C’est fait !

M. Dominique de Legge, rapporteur spécial. Il faut enfin que la contribution du ministère de la défense à la solidarité interministérielle soit aussi réduite que possible.

Le projet de loi de finances rectificative et le décret d’avance sont plutôt rassurants sur ces points, même si, une fois encore, le ministère de la défense participe à la réserve de solidarité interministérielle, qui ne finance pas que les OPEX, mais aussi des dépenses qui n’ont pas de lien direct avec les besoins de nos armées. De ce point de vue, on ne peut pas dire que le budget de la défense soit totalement sanctuarisé.

Nous devrons veiller à ce que les bonnes intentions soient maintenues jusqu’à l’adoption du collectif. Il conviendra de voir – et je vous pose la question, monsieur le ministre – si le renforcement de Sentinelle et l’intensification des frappes en Syrie n’imposent pas de réévaluer le surcoût des OPEX et des opérations intérieures, les OPINT. Nous aurons l’occasion d’en parler à la faveur de l’examen de l’amendement que vous avez déposé.

La vigilance s’impose également parce que la loi de programmation militaire actualisée, et donc le projet de budget pour 2016, comporte des insuffisances. Je pense aux besoins d’infrastructures, liés notamment à l’opération Sentinelle ou à la sécurisation des sites de stockage de munitions, aux financements des OPEX et des OPINT.

Pour conclure, je souhaite m’interroger avec vous, monsieur le ministre, mes chers collègues, sur deux points liés à la situation nouvelle.

Le Président de la République comme le Premier ministre ont déclaré que nous étions en situation de guerre, ce qui change la nature et l’importance des OPEX et des OPINT et, partant, leur financement. Peut-on encore parler de surcoûts et de provisions pour n’en fixer le montant qu’à un tiers de la dépense réelle ? Je ne pense pas que la réponse au besoin de financement puisse consister à choisir entre un pacte de sécurité et un pacte de stabilité. Nous avons besoin des deux et les deux sont complémentaires et indissociables, car la souveraineté d’un pays ne se divise pas : elle est militaire, diplomatique, mais aussi financière.

Dans le même temps, il n’y a pas de raison que la France supporte seule une dépense qui contribue à la sécurité de l’Europe entière.

Mme Nathalie Goulet. Très bien !

M. Dominique de Legge, rapporteur spécial. Nous sommes sensibles aux manifestations de solidarité de nos partenaires et amis. Cependant, je forme le vœu que l’expression de cette solidarité ne se limite pas à se donner bonne conscience en nous accordant des facilités pour atteindre les objectifs de convergence, mais qu’elle se traduise également sous une forme concrète et financière.

Les OPEX représentent 1,2 milliard d’euros en 2015, soit une somme relativement modeste ramenée à l’échelle des vingt-huit pays de l’Union européenne et de ses plus de 500 millions d’habitants. Au-delà de la dimension purement financière, une telle manifestation de solidarité serait aussi l’occasion d’envoyer un message politique et diplomatique au monde entier et de relancer la construction européenne.

Plus globalement, je pose la question de la signification d’une loi de programmation pluriannuelle dans un état de guerre où les maîtres mots sont « adaptation » et « réactivité ». Sans doute une programmation et des perspectives sont-elles souhaitables, mais, en cet instant, nous sommes dans l’urgence et devons en permanence adapter nos moyens et nos objectifs à la situation, comme vous le faites en nous soumettant un amendement, monsieur le ministre.

Le Président de la République lui-même en convient, quand il annonce, devant le Parlement réuni en Congrès à Versailles, l’abandon de la suppression de 9 218 postes programmée entre 2017 et 2019. Nous approuvons cette décision, mais celle-ci constitue, en soi, une modification des objectifs et des moyens de la loi de programmation militaire, qui vient d’être révisée.

À défaut d’une nouvelle actualisation de la loi de programmation, se pose la question de la manière dont le Parlement sera saisi des nécessaires inflexions et de leur financement. La loi sur l’état d’urgence que nous venons de voter prévoit un rendez-vous régulier avec le Parlement : il me semble souhaitable que ce rendez-vous, même s’il porte par essence sur la situation intérieure, puisse être l’occasion pour le Gouvernement de faire un point sur nos engagements extérieurs et d’informer le Parlement des besoins de nos armées.

Je ne saurais terminer mon propos sans rendre hommage à travers vous, monsieur le ministre, à nos militaires qui assurent ici, sur notre territoire, aux côtés des forces de l’ordre, la sécurité des Français, et à ceux qui, à l’extérieur de nos frontières, traquent l’État islamique sous toutes ses formes. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains et de l’UDI-UC. – M. Daniel Reiner applaudit également.)

Mme la présidente. La parole est à M. Jacques Gautier, rapporteur pour avis.

M. Jacques Gautier, rapporteur pour avis de la commission des affaires étrangères, de la défense et des forces armées, pour l’équipement des forces. Madame la présidente, monsieur le ministre, mes chers collègues, je tiens avant tout à rendre hommage au sergent-chef Alexis Guarato, des forces spéciales, dont le véhicule avait sauté sur une mine, le 13 octobre dernier, au nord du Mali, et qui est mort dans la nuit de mercredi à jeudi des suites de ses blessures. J’ai une pensée pour sa famille et ses deux camarades toujours hospitalisés. Nous savons que c’est au péril de leur vie que nos militaires sont engagés pour la défense de la France.

Je formulerai quelques constats, monsieur le ministre.

Premièrement, le budget de la défense prévu pour l’année prochaine est conforme à la programmation militaire actualisée en juillet dernier. En particulier, la priorité est donnée à l’équipement, et je salue le dépôt par le Gouvernement d’un amendement visant notamment à abonder les crédits de munitions, mesure que j’avais demandée il y a un an.

Actuellement, les programmes 146 et 178 connaissent de fortes tensions de trésorerie, mais les mesures du projet de collectif budgétaire en cours d’examen à l’Assemblée nationale lèvent a priori les difficultés de fin de gestion de l’exercice 2015, et donc les hypothèques qu’elles représentaient pour le budget de 2016. Je signale que le report de charges, quoiqu’il demeure important, diminue.

C’est bien sûr avec satisfaction que je relève ces éléments, alors que l’année qui s’achève aura été marquée, de façon si tragique, par l’évidence des menaces et, par conséquent, la nécessité de sanctuariser, puis de renforcer, les moyens de notre défense.

À cet égard, comme Dominique de Legge, je me félicite que le Sénat ait adopté, lors de l’examen de la première partie du projet de loi de finances, les amendements de nos deux commissions qui visent à maintenir le plafonnement de la décote dite « Duflot » pour les cessions immobilières du ministère de la défense.

Deuxièmement, les annonces du Président de la République devant le Congrès, le 16 novembre dernier, n’ont pas d’incidence sur le projet de loi de finances pour 2016, puisque l’abandon de la déflation de 6 915 postes concerne les exercices 2017, 2018 et 2019. Les candidats à l’élection présidentielle de 2017 devront intégrer dans leur réflexion économique que les engagements pris en matière d’équipements et d’effectifs les obligeront à augmenter de plus de 1 milliard d’euros au minimum, chaque année, les crédits de la mission « Défense » à partir de 2017.

Troisièmement, une dizaine de programmes d’armement doivent être lancés avant la fin de 2015 et la Délégation générale de l’armement, la DGA, devra dépenser 2,2 milliards d’euros en quelques heures à la fin de l’année calendaire, entre la publication de la loi de finances rectificative pour 2015 et la clôture de l’exercice. Monsieur le ministre, pouvez-vous nous rassurer sur ces deux sujets ?

En ce qui concerne les équipements, je souhaiterais vous poser trois questions.

Tout d’abord, vous avez exigé d’Airbus, pour la fin de 2016, la mise à disposition de six avions A400M au standard 1.5, premier standard militaire pour un appareil qui reste, pour le moment, essentiellement logistique. Êtes-vous confiant dans le respect de cette échéance ?

Ensuite, nous avons largement évoqué la nécessité d’acheter des avions de transport tactique d’occasion –C130H – ou neufs – C130J. Il semble que l’offre américaine soit d’un montant supérieur aux crédits prévus pour cette acquisition. Allez-vous réduire la cible ou procéderez-vous par réaffectation de crédits ?

Enfin, nous savons que les ravitaillements en vol des hélicoptères sont indispensables en opérations extérieures. Il apparaît que seuls les Caracal ont été conçus avec une perche de ravitaillement et que les autres appareils, y compris le NH90, n’ont pas été configurés en ce sens. Comment comptez-vous répondre à cette problématique ?

En conclusion, je vous confirme que la commission des affaires étrangères, de la défense et des forces armées a émis un avis favorable sur les crédits du programme 146. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains. – MM. Yves Pozzo di Borgo et Yvon Collin applaudissent également.)

Mme la présidente. La parole est à M. Daniel Reiner, rapporteur pour avis.

M. Daniel Reiner, rapporteur pour avis de la commission des affaires étrangères, de la défense et des forces armées, pour l’équipement des forces. Madame la présidente, monsieur le ministre, chers collègues, je m’associe naturellement à l’hommage que vient de rendre Jacques Gautier au sous-officier tombé très récemment au Mali et à ses camarades blessés.

Vous le savez, monsieur le ministre, la commission des affaires étrangères, de la défense et des forces armées est particulièrement vigilante quant au respect de la programmation militaire, en particulier de sa trajectoire financière.

Nous considérons que cette vigilance se trouve aujourd’hui récompensée : le projet de loi de finances rectificative qui a été déposé à l’Assemblée nationale règle les questions que soulevait la fin de gestion de l’exercice 2015 et permet donc d’asseoir sur des bases saines le budget pour 2016. Cela a évidemment contribué à l’avis favorable émis par notre commission sur ce projet de budget.

Tous les besoins qui devaient être financés le sont au travers de ce collectif budgétaire, qu’il s’agisse de la conversion en crédits budgétaires des recettes initialement attendues de la cession des fréquences hertziennes, de la couverture du surcoût des OPEX et de l’opération Sentinelle, du remboursement au programme 146 du coût net de l’annulation de la vente du bâtiment de projection et de combat Mistral à la Russie, qui avait été imputé sur ce programme, et, enfin, de la prise en charge des besoins de masse salariale résultant de l’actualisation de la manœuvre « RH » et des dysfonctionnements du logiciel Louvois.

Certes, par le jeu des annulations de crédits, ces besoins de masse salariale ont été laissés à l’autofinancement du ministère de la défense. Cependant, je signale que, sur une annulation globale de près de 300 millions d’euros, seuls les deux tiers relèvent du périmètre financier de la programmation militaire et, pour ce qui concerne ce périmètre, l’essentiel des annulations sont compensées par les intérêts rapportés par les versements français en dépôt à l’Organisation conjointe de coopération en matière d’armement, l’OCCAR.

Le programme d’équipement militaire est ainsi parfaitement sanctuarisé. Le Gouvernement et vous-même, monsieur le ministre, devez être félicités pour cette décision de bon sens.

Bien sûr, nous suivrons avec intérêt, au long de l’exécution de ce budget pour 2016, comment se concrétiseront les annonces faites par le Président de la République devant le Congrès, le 16 novembre, au-delà de l’amendement du Gouvernement visant à augmenter les crédits de la mission que nous allons examiner tout à l’heure.

Parmi les motifs de satisfaction de l’année, je voudrais évoquer la levée de l’hypothèque budgétaire liée au « pari » de l’exportation du Rafale, grâce aux marchés conclus au profit de l’Égypte et du Qatar, sans parler de la commande indienne, dont on attend toujours la confirmation, ni de l’aboutissement d’autres négociations que l’on peut espérer prochainement. Ces contrats sont autant de succès de notre « équipe de France » de la défense.

Je terminerai par deux questions, monsieur le ministre.

Dans l’attente de la disponibilité des crédits que va ouvrir la loi de finances rectificative pour 2015, pouvez-vous nous dire quelles mesures vous avez prises pour que la trésorerie des PME ne subisse pas de conséquences dommageables ?

Par ailleurs, en complément des indications de Jacques Gautier, je rappelle notre souhait que les améliorations techniques qui sont en train d’être apportées par l’industriel au système de filtre des moteurs des hélicoptères Caracal destinés à l’exportation profitent également aux appareils en service dans les armées françaises. Monsieur le ministre, cela est très important pour nos militaires en opération dans la bande sahélo-saharienne. Pouvez-vous y veiller ? (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste et républicain.)

Mme la présidente. La parole est à M. Jacques Gautier, en remplacement de M. Xavier Pintat, rapporteur pour avis.

M. Jacques Gautier, en remplacement de M. Xavier Pintat, rapporteur pour avis de la commission des affaires étrangères, de la défense et des forces armées, pour l’équipement des forces. Madame la présidente, monsieur le ministre, mes chers collègues, je vous prie d’excuser Xavier Pintat, qui n’a pu se libérer d’un engagement de dernière minute.

En trois minutes de temps de parole, j’aborderai trois thèmes : la dissuasion, l’espace, les drones.

La dissuasion nucléaire fait la crédibilité de la France sur la scène internationale. Elle légitime la détention par notre pays d’un siège permanent au Conseil de sécurité des Nations unies. À ce sujet, Xavier Pintat se félicite de l’essai réussi, le 30 septembre dernier, du missile balistique stratégique M51.

Fort heureusement, l’actualisation de la programmation militaire, tout en renforçant les moyens de notre défense, n’a pas remis en cause l’effort budgétaire en la matière. J’espère, comme Xavier Pintat, qu’il en ira de même pour les futurs ajustements financiers qu’impliquent les annonces du Président de la République.

Cet effort, en effet, permettra, le moment venu, de moderniser les deux composantes de notre dissuasion : la composante aéroportée et la composante océanique. D’importantes décisions sont à venir à cet égard. Sont-elles anticipées comme il se doit, monsieur le ministre ?

Le soutien accordé au secteur spatial est également important. C’est à la fois un enjeu de souveraineté et un enjeu scientifique, technologique et industriel majeur. Les programmes MUSIS, pour l’imagerie optique et radar, CERES, pour le renseignement électromagnétique, et COMSAT-NG, pour les communications par satellite, montent en puissance, ce qui est une bonne chose.

En particulier, il faut se féliciter de la coopération, décidée cette année, entre le système allemand d’observation radar par satellite SARah et la composante spatiale optique du programme MUSIS, réalisé sous responsabilité française. L’Allemagne financera ainsi aux deux tiers un troisième satellite MUSIS-CSO. Cette coopération a-t-elle réellement démarré, monsieur le ministre ?

Xavier Pintat souhaite saluer une autre coopération européenne, en matière de drones. Le lancement de la recherche pour la mise en place d’une nouvelle génération de drones MALE, à l’horizon de 2025, s’est concrétisé cette année par une lettre d’intention de l’Allemagne, de l’Italie et de la France, rejointes par l’Espagne, concernant la réalisation d’une étude, sur deux ans, et l’élaboration d’un prototype. Le contrat est de 60 millions d’euros au total, mais on parle d’un développement supérieur à 1 milliard d’euros. Monsieur le ministre, à quelle échéance envisagez-vous la notification de ce contrat ? Croyez-vous possible de produire un jour un drone européen qui conjugue satisfaction d’un besoin militaire partagé, compétitivité du coût et profitabilité pour nos industriels ?

En tout cas, nous savons que nos forces ne peuvent plus se passer de drones MALE : dans la bande sahélo-saharienne, les Reaper offrent aujourd’hui une capacité déterminante, qui doit être encore renforcée.

Je dirai un mot, pour finir, du programme SDT, qui vise à doter l’armée de terre d’un système de drones tactiques pérenne. L’appel d’offres a été ouvert en 2014, comme nous l’avions demandé, et deux propositions sont aujourd’hui en lice. Au vu des performances des équipements proposés, plus proches de celles d’un drone MALE que de celles d’un drone tactique, nous recommandons que soit très rigoureusement vérifiée l’adéquation de ces offres aux besoins exprimés par l’armée de terre. Il faut en effet que le programme SDT apporte une véritable plus-value. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains. – M. Daniel Reiner applaudit également.)

Mme la présidente. La parole est à M. André Trillard, rapporteur pour avis.

M. André Trillard, rapporteur pour avis de la commission des affaires étrangères, de la défense et des forces armées, pour l’environnement et la prospective de la politique de défense. Madame la présidente, monsieur le ministre, mes chers collègues, le programme 144 « Environnement et prospective de la politique de défense » ne représente que 3 % du budget de la défense, mais il constitue le cœur d’une fonction de connaissance et d’anticipation qui, plus que jamais, est essentielle pour notre dispositif de défense. Les priorités, dans ce domaine, sont conformes au Livre blanc de 2013 et à la loi de programmation militaire actualisée : réaffirmer le rôle central du renseignement, dont parlera tout à l’heure M. Lorgeoux, consolider les efforts de recherche de défense, maintenir la capacité d’influence de notre pays.

En ce qui concerne la recherche de défense, je note que les études amont font l’objet d’une prévision de 706 millions d’euros de crédits de paiement, pour 2016, en diminution par rapport à 2015. Monsieur le ministre, vous nous confirmerez sans aucun doute que cette évolution d’une année sur l’autre ne remet pas en cause l’objectif fixé en matière d’études amont par la programmation militaire, soit 730 millions d’euros en moyenne annuelle. Nous resterons bien sûr vigilants quant au respect de cet objectif.

L’analyse stratégique, de son côté, doit bénéficier d’un montant d’autorisations d’engagement en forte hausse. Il s’agit d’une conséquence de la réforme mise en œuvre par le ministère de la défense : pour donner plus de prévisibilité et donc améliorer le pilotage des études, des contrats-cadres sont mis en place et le nombre des études de type « observatoire » est accru. Nous considérons ces évolutions comme positives, monsieur le ministre.

Notre satisfaction tient également à l’effort de recherche et développement de défense : tous programmes confondus, le budget en la matière doit s’élever, l’an prochain, à 3,8 milliards d’euros, ce qui correspond à une augmentation de 10 % en deux ans et de 25 % en trois ans. Ce niveau n’avait pas été atteint depuis 2009. Ainsi, malgré les contraintes financières, la France reste le pays d’Europe qui consacre le plus gros effort à ce secteur.

Dans ce contexte, nous sommes préoccupés, monsieur le ministre, par les difficultés de l’ONERA, l’Office national d’études et de recherches aérospatiales ; nous y reviendrons tout à l’heure lors de la discussion d’un amendement.

S’agissant de la capacité d’influence internationale de la France, cette année a été marquée par la création, en janvier, de la direction générale des relations internationales et de la stratégie, la DGRIS, qui tend à rationaliser la fonction « relations internationales » du ministère de la défense. Cette direction générale est née de la fusion entre l’ancienne délégation aux affaires stratégiques et d’éléments de l’état-major des armées et de la direction générale de l’armement. Avec ses 213 agents, elle permet l’économie de 57 équivalents temps plein. Sa mise en place s’est bien déroulée, ce dont nous nous réjouissons.

En revanche, j’observe que l’aide versée à la République de Djibouti au titre de l’implantation des forces françaises requiert une dotation budgétaire de plus en plus importante, en application du traité international entre nos deux pays. Est-il envisageable, monsieur le ministre, d’infléchir légèrement la courbe de cette progression ? (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains. – M. Yves Pozzo di Borgo applaudit également.)

Mme la présidente. La parole est à M. Jeanny Lorgeoux, rapporteur pour avis.

M. Jeanny Lorgeoux, rapporteur pour avis de la commission des affaires étrangères, de la défense et des forces armées, pour l’environnement et la prospective de la politique de défense. Madame la présidente, monsieur le ministre, chers collègues, mon propos se résumera à quelques observations concernant les services de renseignement, dont une partie des crédits, destinés à la direction de la protection et de la sécurité de la défense, la DPSD, et à la direction générale de la sécurité extérieure, la DGSE, sont inscrits au programme 144.

Premièrement, on observe une diminution stricto sensu de 12,7 % des crédits de paiement, prévus à hauteur de 234,7 millions d’euros, ainsi qu’une baisse du même ordre des autorisations d’engagement.

En réalité, cette diminution, largement « optique », résulte de la baisse des crédits de fonctionnement en raison d’une mesure de périmètre, ce qui n’affecte pas les capacités des services, et de la baisse des investissements, conséquence de l’entrée dans le creux du cycle des programmes d’équipement de la DGSE, les années 2014 et 2015 ayant marqué un pic.

Cette évolution, que je qualifierai de mécanique et qui est atténuée par l’amendement bienvenu venant d’être déposé par le Gouvernement, est largement compensée par les renforcements d’effectifs, qui feront l’objet de ma deuxième observation.

La DGSE bénéficiera, sur la période 2014-2019, de 605 créations d’emplois, 169 ayant déjà été réalisées et 122 étant prévues en 2016. Les effectifs de la DPSD, qui étaient tombés à 1 053 personnels à la fin de 2013, connaissent un renforcement significatif, accéléré et amplifié. Ils devraient atteindre 1 200 personnels d’ici à la fin de 2016.

La difficulté de recrutement et de maintien des personnes dans les services tient à la spécificité de certains profils recherchés et à la faiblesse des viviers. Elle est surmontée, mais, pour certaines compétences, il faudrait peut-être, monsieur le ministre, développer des filières de formation initiale et donner de la souplesse en matière de rémunération et de statut.

Le Premier ministre a annoncé un gel des suppressions d’emplois au sein du ministère de la défense : êtes-vous en mesure de nous indiquer si, dans le cadre du redéploiement qui s’ensuivra, des emplois seront créés dans les services de renseignement au-delà des 1 200 postes prévus par la loi de programmation militaire actualisée ?

M. Jean-Yves Le Drian, ministre. Oui !

M. Jeanny Lorgeoux, rapporteur pour avis de la commission des affaires étrangères. C’est parfait !

Au-delà des annonces, il faut recruter, former et gérer. Quelles mesures seront prises pour adapter l’appareil de formation et renforcer les structures de management des ressources humaines des services ?

Enfin, dernière observation, la responsabilité de la DPSD consiste à inspecter les sites sensibles pour identifier leur vulnérabilité, mais encore faut-il que ses préconisations soient mises en œuvre. À la suite de l’incident de Miramas, en juillet dernier, nous vous donnons acte des travaux que vous avez engagés sous la conduite de la DPID, la direction de la protection des installations de défense.

Au-delà du recensement des sites, il y a probablement une question de gouvernance et de moyens. Mettre en place un indicateur de performance en matière de suivi des recommandations des rapports d’inspection serait pertinent.

En conclusion, monsieur le ministre, je voudrais saluer l’effort engagé pour renforcer les services de renseignement de la défense, dont on mesure l’importance capitale non seulement pour nos opérations extérieures, mais aussi pour la protection de nos concitoyens sur le territoire national. Je salue leur engagement.

Notre vote favorable est aussi une marque de confiance envers nos services de renseignement, dans un contexte particulièrement difficile, qui exige de leur part une vigilance permanente. (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste et républicain. – MM. Jacques Gautier et André Trillard applaudissent également.)

Mme la présidente. La parole est à M. Yves Pozzo di Borgo, rapporteur pour avis.

M. Yves Pozzo di Borgo, rapporteur pour avis de la commission des affaires étrangères, de la défense et des forces armées, pour la préparation et l’emploi des forces. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, les crédits du programme 178 progressent conformément à l’actualisation de la loi de programmation militaire du 28 juillet 2015.

Il s’agit d’un réel effort en période budgétaire contrainte, mais, à l’aune des récents événements qui ont frappé notre pays, nous devons nous demander si cette évolution est suffisante.

Monsieur le ministre, l’amendement que vous avez déposé, visant à augmenter de 152 millions d’euros les autorisations d’engagement et de 85,5 millions d’euros les crédits de paiement du programme 178, me semble indispensable. Je précise que cette appréciation est portée à titre personnel, la commission n’ayant pu se prononcer. Il faut augmenter les dépenses de munitions en même temps que notre engagement, et il est fondamental d’adapter la disponibilité des parcs à la montée en puissance de la force opérationnelle terrestre.

Sur ce dernier point, toutefois, je me demande si les crédits inscrits seront suffisants, et pourquoi ils n’avaient pas été prévus lors de l’actualisation de la loi de programmation militaire.

Nos armées sont engagées sur le territoire national et sur une vingtaine de théâtres extérieurs. Le coût en ressources humaines et en matériels des opérations extérieures est sous-évalué.

En outre, les modèles théoriques de maintien en condition opérationnelle s’avèrent sous-dimensionnés de 20 % à 25 %. À cela s’ajoutent la suractivité et la surintensité de l’utilisation des matériels en opérations extérieures. Ainsi, le Caracal a dépassé les prévisions d’activité de 15 % en 2015.

Nos actions sur tous les théâtres d’opérations le prouvent, les acteurs ont su s’adapter, mais il me semble que nous approchons des limites du raisonnable. Comme le dit le chef d’état-major des armées, le général de Villiers, nous sommes « au taquet » !

Je voudrais insister sur un point, monsieur le ministre.

Le montant des commandes annuelles d’armement français est passé de 5,1 milliards d’euros en 2010 à 15 milliards d’euros en 2015. Vous y êtes peut-être un peu pour quelque chose…

M. Jean-Yves Le Drian, ministre. J’essaie ! (Sourires.)

M. Yves Pozzo di Borgo, rapporteur pour avis de la commission des affaires étrangères. Peut-être serions-nous en droit d’attendre un meilleur retour pour le budget de la défense, car si nos entreprises vendent des matériels, c’est bien parce que nos armées se battent et gagnent. Quel retour permet le dispositif de soutien à l’exportation SOUTEX ?

À nos yeux, il importerait de prendre en compte certains coûts induits, qui, d’après nous, ne le sont pas pour l’heure. Ainsi, les dépenses remboursées à nos armées lorsqu’elles soutiennent les exportations d’armement ne comprennent pas les frais supplémentaires de maintien en condition opérationnelle des matériels vieillissants, utilisés plus longtemps pour permettre à l’industriel de prendre à nos armées les frégates ou les Rafale qu’il n’a pas encore produits et qu’il exporte ainsi.

Par ailleurs, le coût complet de possession de matériels de substitution permettant les exportations, la réduction des frais fixes de la chaîne de production, mais aussi des frais de maintien en condition opérationnelle que supportent nos armées doivent être évalués et, pour ces derniers, compensés.

Tout cela n’est pas normal, et je souhaite, monsieur le ministre, que vos services et l’Inspection générale des finances se penchent sur le sujet et y consacrent une étude approfondie.

Les crédits du programme 578 doivent être votés. Monsieur le ministre, je tiens à vous féliciter. En cette période troublée, le budget de l’armée est un budget d’unité nationale. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains.)

Mme la présidente. La parole est à Mme Michelle Demessine, rapporteur pour avis.

Mme Michelle Demessine, rapporteur pour avis de la commission des affaires étrangères, de la défense et des forces armées, pour la préparation et l’emploi des forces. Madame la présidente, monsieur le ministre, mes chers collègues, l’actualisation de la loi de programmation militaire, cet été, a renforcé la force opérationnelle terrestre de 11 000 hommes et a prévu 500 millions d’euros supplémentaires pour l’entretien programmé des matériels.

Cette évolution, louable, ne portera toutefois ses fruits qu’à moyen terme, les retards étant longs à rattraper !

C’est la raison pour laquelle il faut absolument que les autorisations d’engagement et les crédits de paiement nécessaires soient inscrits en temps et en heure, projet de loi de finances après projet de loi de finances, afin que le redressement soit réel.

Dès 2017, il faudra que les autorisations d’engagement soient au rendez-vous ! Vous pourrez compter sur notre soutien en ce sens, monsieur le ministre.

Cette année, nous avons porté une attention particulière au maintien en condition opérationnelle des équipements aéronautiques. Le constat que je dresse est triple.

Tout d’abord, les efforts ont porté. La disponibilité des matériels en OPEX atteint aujourd’hui 80 %. Des actions résolues ont permis de redresser la barre : la réorganisation de la logistique en retour des théâtres d’opérations a réduit les délais de réparation. Ainsi, un moteur revient en dix-huit jours en 2015, contre soixante-dix jours en 2013.

M. Jean-Yves Le Drian, ministre de la défense. Merci de le dire !

Mme Michelle Demessine, rapporteur pour avis de la commission des affaires étrangères. Citons aussi la mise en place du « plateau d’amélioration de la disponibilité rapportée aux hélicoptères », le PADRHé, qui a permis d’éviter l’indisponibilité chronique de ces appareils. Le service industriel aéronautique a joué un rôle-clé dans ce redressement. Nous pouvons nous en féliciter, mais son avenir est incertain.

Monsieur le ministre, avez-vous obtenu les arbitrages interministériels permettant de compenser les nombreux départs qui vont affecter le service industriel de l’aéronautique à moyen terme ?

Ces personnels civils font preuve d’un dévouement et d’un engagement sans faille, eux aussi, tout comme nos militaires, que je veux saluer ici.

Cet hommage rendu aux personnels n’est pas anodin. Outre de mon profond respect à leur égard, il témoigne de la conscience que j’ai des efforts extrêmes qui leur sont demandés. Cette situation me donne à penser que nous arrivons peut-être au bout du modèle.

L’âge et l’usure de certains équipements, leur surutilisation en opérations extérieures, la multiplication des engagements : tout cela concourt à un déficit organique croissant. Ainsi, les militaires moins expérimentés ne parviennent plus à se qualifier, faute de parvenir à accumuler le nombre d’heures de vol nécessaires ; les équipages les plus rôdés repartent en OPEX, ce qui les empêche de former les jeunes.

Comment allez-vous remédier à cette situation, monsieur le ministre, sachant que les conditions d’emploi de nos forces vont encore se tendre, en raison du renforcement de nos engagements, tant sur les théâtres extérieurs que sur le territoire national ? Pouvons-nous réduire le nombre de théâtres d’opérations ? Faudra-t-il, encore une fois, actualiser la loi de programmation militaire ? Pour faire plus, il faudra des moyens, comme l’a dit le chef d’état-major des armées devant notre commission. C’est un point de vue que je partage. (Applaudissements sur les travées du groupe CRC, ainsi que sur quelques travées du groupe socialiste et républicain.)

Mme la présidente. La parole est à M. Jacques Gautier, en remplacement de M. Robert del Picchia, rapporteur pour avis.

M. Jacques Gautier, en remplacement de M. Robert del Picchia, rapporteur pour avis de la commission des affaires étrangères, de la défense et des forces armées, pour le soutien de la politique de défense. Madame la présidente, monsieur le ministre, mes chers collègues, je vous prie d’excuser Robert del Picchia, corapporteur du programme 212, qui n’a pu être présent aujourd’hui compte tenu du changement de la date de la discussion des crédits de la mission « Défense ».

Monsieur le ministre, l’année dernière, lors de l’examen des crédits de cette mission, la commission évoquait les déflations d’effectifs et la baisse de la masse salariale.

Depuis, le contexte a changé. Les dramatiques attentats qui ont frappé la France ont justifié un changement d’orientation. Désormais, la priorité est de donner à nos armées les moyens, notamment humains, leur permettant d’assurer la protection du territoire national et d’accomplir leurs missions extérieures.

Ainsi, pour 2016, les crédits de personnel inscrits au programme 212 s’établissent à 19,13 milliards d’euros, en hausse de 2,17 %. Cette hausse traduit l’augmentation nette des effectifs décidée en 2016 au travers de l’actualisation de la LPM votée le 28 juillet dernier, en vue de permettre la remontée en puissance de la force opérationnelle terrestre. Ce renforcement porte sur 11 000 hommes. Il était indispensable pour que l’armée de terre puisse, dans des conditions satisfaisantes, c’est-à-dire sans renoncer à l’entraînement ni à la récupération, poursuivre les opérations extérieures et assurer une mission Sentinelle appelée à perdurer.

Pour l’armée de terre, il s’agit d’un tournant important, car, après des années de baisse, elle regagne enfin des effectifs, et va même pouvoir reconstituer deux régiments. Ces renforts profiteront aussi au renseignement, à la cyberdéfense, au soutien à l’exportation, ainsi qu’à d’autres composantes de la protection du territoire.

Les récentes annonces du Président du République concernant la renonciation aux diminutions d’effectifs dans la défense jusqu’en 2019 n’auront, a priori, pas d’incidence sur l’annuité budgétaire 2016. Pouvez-vous, monsieur le ministre, nous le confirmer ?

S’agissant des années 2017 à 2019, la trajectoire sera revue, mais dans quelle mesure ? Faut-il considérer les déflations d’effectifs nettes ou le total des déflations ? Les conséquences ne sont en effet pas les mêmes pour nos armées. Il est évident que la commission de la défense est favorable au renforcement des effectifs. La défense doit devenir un ministère prioritaire quand la France est en guerre !

Notre collègue del Picchia se félicite, à cet égard, de l’effort consenti en matière de réserves, effort qui devrait être amplifié par l’adoption de l’amendement déposé par le Gouvernement tendant à leur consacrer 8 millions d'euros supplémentaires.

Le desserrement de la contrainte en matière de déflations d’effectifs ne signifie pas la fin de la manœuvre « RH ». Celle-ci se poursuit dans ses différents volets, car les armées continuent de se transformer. Le principal défi pour 2016 est celui du recrutement, qui concerne principalement l’armée de terre. Celle-ci doit procéder à 11 000 recrutements supplémentaires : cela signifie 9 000 recrutements en 2015 et 16 000 en 2016, ce qui est considérable.

L’évolution du contexte sécuritaire joue heureusement de manière positive sur le nombre des vocations, les armées ayant enregistré une forte progression des candidatures tout au long de l’année 2015, avec des pics très nets au lendemain des attentats. Cet élan démontre la réalité de la cohésion nationale et un attachement réconfortant à la nation.

Pour conclure, notre collègue del Picchia indique que la commission des affaires étrangères, de la défense et des forces armées a émis un avis positif sur le programme 212. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains et sur certaines travées de l'UDI-UC.)

Mme la présidente. La parole est à M. Gilbert Roger, rapporteur pour avis.

M. Gilbert Roger, rapporteur pour avis de la commission des affaires étrangères, de la défense et des forces armées, pour le soutien de la politique de défense. Madame la présidente, monsieur le ministre, chers collègues, je commencerai par me féliciter que ce projet de budget soit fondé sur des crédits budgétaires, et non sur des recettes exceptionnelles.

Ma première observation portera sur la politique immobilière du ministère de la défense. Dotée de 1,2 milliard d’euros, cette politique devra répondre, en 2016, à de multiples priorités.

La politique immobilière doit, d’abord, permettre la poursuite des investissements en infrastructures pour l’accueil des grands programmes d’armement.

Elle doit, ensuite, accompagner le tournant de la remontée en puissance de nos forces armées. L’opération Sentinelle nécessite des adaptations pour améliorer les conditions d’hébergement des militaires déployés sur le territoire national. La réflexion actuellement menée sur le rôle et la place de l’armée sur le territoire suppose d’anticiper les conséquences, en termes d’infrastructures, des évolutions envisagées, mais aussi de réparer les effets de la révision générale des politiques publiques, la RGPP.

En parallèle, l’effort de rénovation des logements et de réhabilitation des bâtiments de vie les plus dégradés doit être poursuivi.

Enfin, s’agissant de la politique immobilière, il nous semble que l’effort à réaliser pour la protection des sites de défense devrait être supérieur à ce que prévoit le projet de loi de finances pour 2016, à savoir 60 millions d’euros destinés au renforcement de la sécurité des seuls dépôts de munitions. Un plan plus vaste doit être engagé ; nous y serons attentifs.

Ma deuxième observation concernera le déménagement des états-majors et services centraux sur le site de Balard, mis à disposition du ministère au début de l’année 2015. Il n’est pas étonnant qu’un déménagement d’une telle ampleur donne lieu à quelques difficultés.

Plus généralement, toutefois, il nous semble qu’un bilan global de l’opération devrait être effectué, afin d’en évaluer les coûts et les avantages et d’en vérifier la neutralité financière. Rappelons que le montant total du contrat a été évalué à 3,5 milliards d’euros constants hors taxes et la redevance annuelle moyenne à 130 millions d’euros hors taxes. Les ressources nécessaires au financement de cette redevance doivent être assurées sans abondement, par redéploiement de crédits budgétaires.

Ma troisième et dernière observation portera sur les coûteux dysfonctionnements du logiciel Louvois de gestion de la solde. Certes, les indus sont progressivement reversés, et le système a été amélioré.

Un nouveau logiciel est en cours d’élaboration. Ce projet est conduit par la Direction générale de l’armement, la DGA, avec la volonté de le mener « comme un programme d’armement ». Ce logiciel doit être testé en 2016, pour une mise en service au cours des années ultérieures. Nous continuerons à suivre attentivement l’évolution de ce dossier. Le remplacement du logiciel Louvois doit s’accompagner d’une réflexion sur la simplification du dispositif indemnitaire des militaires, dont la complexité est, pour partie, à l’origine des problèmes.

Au-delà de ces quelques remarques, je m’associe pleinement à l’appréciation positive émise sur les crédits de la mission « Défense », qui correspondent à ce que prévoit la loi de programmation militaire actualisée. (MM. Daniel Reiner et Yves Pozzo di Borgo applaudissent.)

Mme la présidente. Mes chers collègues, je vous rappelle que le temps de parole attribué à chaque groupe pour chaque discussion comprend le temps d’intervention générale et celui de l’explication de vote.

Par ailleurs, le Gouvernement dispose au total de vingt minutes pour intervenir.

Dans la suite de la discussion, la parole est à Mme Leila Aïchi.

Mme Leila Aïchi. Madame la présidente, monsieur le ministre, monsieur le président de la commission des affaires étrangères, de la défense et des forces armées, madame, messieurs les rapporteurs, mes chers collègues, je tiens tout d’abord à saluer le ralliement, certes tardif, du Gouvernement aux positions pertinentes du ministère de la défense et de l’état-major sur la question syrienne.

Avant toute autre chose, je tiens à exprimer la reconnaissance de l’ensemble des membres du groupe écologiste du Sénat aux forces armées pour l’engagement, le professionnalisme et le courage dont elles font preuve.

Aujourd’hui, plus qu’hier, la promotion du lien entre l’armée et la nation est une priorité. Les initiatives que vous promouvez, monsieur le ministre, concernant par exemple la réserve citoyenne ou le service national volontaire, doivent être accompagnées et s’inscrire dans le cadre d’une réflexion collective visant à soutenir nos armées.

Ces dernières sont, en effet, particulièrement sollicitées depuis quelques mois, que ce soit dans le cadre de l’opération Sentinelle ou à l’étranger. C’est pourquoi le projet de budget que nous examinons aujourd’hui est éminemment important.

L’annulation annoncée par le Président de la République devant le Congrès de toutes les déflations d’effectifs qui étaient encore prévues d’ici à 2019 était attendue.

Si le projet de loi de finances prévoyait déjà une pause dans la déflation, les écologistes saluent cette annonce, puisque, comme nous l’avons toujours dit, les soldats doivent être la priorité. Je sais, monsieur le ministre, que c’est également votre position, et je connais votre engagement en la matière.

Devant la multiplication des engagements de la France à l’étranger, la question des effectifs est devenue centrale. Toutefois, avons-nous les moyens d’être le gendarme du monde ? Avons-nous toujours aujourd’hui les moyens d’intervenir à la fois en Afrique et au Moyen-Orient ?

Nous l’avons dit lors du débat sur notre engagement en Syrie, la multiplication des OPEX aboutit à une incapacité pour la France de s’engager davantage aujourd’hui, à quelque niveau que ce soit, y compris dans le domaine humanitaire et celui de la prévention.

Si nous reconnaissons, bien évidemment, que la menace terroriste a pris une dimension sans précédent dans ces régions, nous posons néanmoins la question de la soutenabilité de notre engagement sur le plan international.

En effet, les écologistes mettent en garde contre le risque de nous enfermer dans une vision de court terme. Le contexte particulièrement difficile que nous connaissons aujourd’hui et la tentation de recourir à des réponses hâtives pour y faire face ne doivent pas nous exonérer d’une préparation du temps long.

Vous connaissez l’approche qui est la mienne sur ce sujet, monsieur le ministre : dans notre voisinage proche ou éloigné, les risques engendrés par le stress environnemental seront les déclencheurs et les signes avant-coureurs des crises de demain. Les principaux enjeux stratégiques sont intimement liés à l’accès aux ressources naturelles, aux matières premières et à l’énergie, ainsi qu’à la démographie.

Monsieur le ministre, nous savons tous que les conflits de demain se nourrissent des ruptures d’aujourd’hui. Alors, comment nous adapter face à ces risques ?

Je ne reviendrai pas sur la question de la dissuasion. Vous connaissez en effet très bien, monsieur le ministre, notre position sur le renouvellement automatique des programmes, qui empêche une réflexion, pourtant nécessaire, sur le dimensionnement, la posture et l’efficacité de la dissuasion pour faire face aux menaces présentes et à venir.

L’armée doit se préparer dès aujourd’hui aux missions de demain ; l’absence criante d’une défense européenne est un frein à la fois budgétaire et stratégique.

Ce besoin d’anticiper les risques se fait particulièrement ressentir dans le milieu maritime. En effet, de l’aveu même de l’amiral Rogel, le monde connaît une « bascule environnementale », avec un accroissement des populations côtières et une augmentation des trafics maritimes illégaux. Face à cela, la marine voit ses missions se multiplier : assistance en mer, lutte contre la surpêche, la pollution ou encore la piraterie.

Nous avons du retard dans le développement de notre marine et dans l’appréhension de la sécurité au sens large. Disposant de la deuxième zone économique exclusive au monde, nous devons renforcer le contrôle de notre espace maritime afin de lutter contre les activités qui déstabilisent nos marchés locaux et contribuent à la dégradation de l’environnement.

Mes collègues Éliane Giraud, Cédric Perrin et moi-même avons présenté un rapport allant dans ce sens, qui, tout en prenant l’Arctique comme sujet d’une étude de cas, explicite le rôle de la défense, lequel nous paraît aujourd’hui majeur, dans la prévention des risques liés à la montée du niveau de la mer.

Enfin, si le budget de la défense est en hausse, avec des ressources s’établissant à 32 milliards d’euros pour 2016, les surcoûts des opérations intérieures et extérieures prévisibles et la faiblesse de la provision destinée à les couvrir nous interpellent. Il serait regrettable que ces surcoûts aient une incidence sur les crédits consacrés à la régénération des équipements ou sur les moyens alloués à la formation et à la préparation des forces.

En outre, si l’évolution favorable des indices économiques est une bonne nouvelle d’un point de vue budgétaire, nous devons rester vigilants quant à la réalité des économies réalisées. Ces projections, aussi encourageantes soient-elles, ne sauraient nous dispenser de trouver des marges d’ajustement budgétaire par ailleurs.

Plus généralement, se pose la question du budget de la défense dans son ensemble, de sa stabilité mais surtout de sa transparence, notamment en ce qui concerne les contrats passés entre l’État et les grands groupes de défense.

À l’image de ce qui se fait aux États-Unis avec le Government Accountability Office, ne serait-il pas pertinent, monsieur le ministre, de centraliser et de mettre en cohérence les multiples audits auxquels est aujourd’hui soumis le budget de la défense, s’agissant notamment des contrats passés dans le cadre du maintien en condition opérationnelle des matériels, ou MCO ?

Plus précisément, monsieur le ministre, pourquoi avoir supprimé le Comité des prix de revient des fabrications d'armement, seul organisme ouvert à la représentation nationale ? Compte tenu de l’importance du budget de votre ministère, de son évolution ces dernières années et de la nécessité de renforcer le lien entre l’armée et la nation, l’existence d’un tel organisme représentait un signal fort au regard des prérogatives du Parlement.

Pour conclure, monsieur le ministre, quoique nous réaffirmions notre soutien plein et entier à nos forces armées, les désaccords de fond que vous connaissez nous conduiront à nous abstenir sur les crédits de la mission « Défense ». (Applaudissements sur les travées du groupe écologiste.)

Mme la présidente. La parole est à M. Yvon Collin.

M. Yvon Collin. Madame la présidente, monsieur le ministre, mes chers collègues, mercredi dernier, le débat sur la demande d’autorisation de prolongation de l’engagement des forces aériennes au-dessus du territoire syrien a permis de rappeler combien notre sécurité intérieure se jouait aussi au-delà de nos frontières. Les deux derniers Livres blancs sur la défense et la sécurité nationale avaient intégré ce paradigme dont la pertinence a, malheureusement, trouvé une tragique illustration vendredi 13 novembre, à Paris et au Stade de France, à Saint-Denis.

Dans ces conditions, comme j’ai eu l’occasion de le dire lors de l’examen de la première partie du présent projet de loi de finances, le pacte de sécurité peut effectivement occulter, pour un temps, le pacte de stabilité. Oui, l’urgence de la situation – pour ne pas dire l’état d’urgence dans lequel se trouve la France – appelle un effort budgétaire exceptionnel.

D’ailleurs, le traité sur l’Union européenne le permet et j’observe que le Premier ministre britannique vient tout juste d’annoncer un « plan de défense » prévoyant 17 milliards d’euros de dépenses supplémentaires sur dix ans. Cela tend à prouver que nous ne sommes pas seuls à avoir pris la mesure des menaces.

Le RDSE, comme vous le savez, monsieur le ministre, soutient la décision du Gouvernement d’octroyer rapidement des moyens supplémentaires à la justice, à la police et à la défense, domaine qui nous intéresse directement aujourd’hui. Nous le devons à tous nos concitoyens, qui attendent des décisions concrètes. Nous le devons avant tout, bien sûr, à toutes les victimes des attentats terroristes. À ce propos, je m’associe à mon tour à l’hommage national particulièrement émouvant qui leur a été rendu ce matin aux Invalides. Je salue le dévouement de tous nos militaires, policiers et secouristes, qui sont actuellement plus que jamais sollicités.

En conséquence, nous ne pouvons que nous satisfaire des 2 300 créations de postes annoncées pour 2016, ainsi que de la stabilisation des effectifs du ministère de la défense jusqu’en 2019, qui va également dans le bon sens.

Cet effort, monsieur le ministre, s’ajoutera à celui déjà entrepris dans le cadre de l’actualisation de la loi de programmation militaire pour la période 2014-2019. Je rappellerai notamment que nous avions voté, avant l’été, la sécurisation des ressources du ministère de la défense. Il en résulte que le montant des recettes exceptionnelles est de l’ordre de 250 millions d’euros dans le projet de budget pour 2016, contre 1,9 milliard d’euros initialement prévus. Les recettes exceptionnelles se voient ainsi ramenées à moins de 0,8 % des ressources totales de la mission.

La trajectoire globale du budget est renforcée au-delà des prescriptions de la loi de programmation militaire. En effet, les crédits ont été fixés à 32 milliards d’euros ; il faut y ajouter 100 millions d’euros de crédits supplémentaires prévus par un amendement du Gouvernement que la commission des finances unanime a accueilli favorablement.

Il s’agit d’un budget responsable et je salue, monsieur le ministre, l’énergie que vous avez toujours déployée pour qu’il en soit ainsi. Il me faut aussi souligner que la commission des affaires étrangères, de la défense et des forces armées du Sénat exerce une vigilance très utile. Nos collègues sont en effet souvent à l’initiative de clauses de revoyure ou de mesures de sécurisation budgétaire qui tracent la voie à suivre.

Une nouvelle fois, d’ailleurs, la commission pointe la sous-évaluation récurrente du coût des OPEX. S’y ajoutent les incertitudes liées aux modalités de financement des opérations intérieures, elles aussi insuffisamment provisionnées.

En ce qui concerne les priorités définies au sein de ce projet de budget – effort sur les programmes d’armement, renforcement de la préparation opérationnelle et hausse des moyens dédiés au renseignement et à la cyberdéfense –, sachez, monsieur le ministre, que le RDSE partage ces choix, qui sont de nature à assurer la prise en compte des nouvelles menaces, en particulier celles liées au terrorisme.

Permettez-moi de revenir, pour conclure, sur les conséquences des attentats sur le débat public. Devant la gravité des événements, l’idée d’un retour du service national obligatoire ressurgit. Pour ma part, comme vous le savez, je suis à l’initiative, avec mon groupe, de la création du service civique, que je souhaitais obligatoire. D’une façon générale, tout ce qui concourt à la cohésion nationale est évidemment positif. De fait, au-delà de la mission de défense, le service national répondait à cet objectif.

C’est donc un débat que nous pouvons avoir, même s’il faut garder à l’esprit que nous sommes confrontés à des conflits asymétriques, qui exigent avant tout qu’une armée professionnelle soit aux avant-postes. Le modèle de guerre clausewitzien est derrière nous. La nation en armes n’est par conséquent pas la solution, même si, en ces temps difficiles, nous cherchons à trouver les moyens de la puissance.

C’est pourquoi, afin de définir la meilleure formule pour un service national adapté aux enjeux contemporains, qui soit un véritable creuset des valeurs républicaines, il convient de prendre le temps de la réflexion, une fois passé celui de la légitime émotion. (M. Daniel Reiner applaudit.)

Mme la présidente. La parole est à M. Daniel Reiner.

M. Daniel Reiner. Je voudrais tout d’abord, au nom de mon groupe, délivrer un satisfecit à M. le ministre et au Gouvernement.

M. Didier Guillaume. Ils le méritent !

M. Daniel Reiner. La vigilance de la commission des affaires étrangères, de la défense et des forces armées du Sénat quant à l’exécution du budget est connue. Nous saluons tout particulièrement la fin de gestion de l’exercice 2015, conduite au mieux des intérêts de la défense.

Je soulignerai que la solidarité interministérielle a pleinement joué, au point que, cette année, le ministère de la défense a été moins mis à contribution – c’est une première –, eu égard aux charges qui pèsent sur lui.

M. Dominique de Legge, rapporteur spécial. C’est vrai !

M. Daniel Reiner. Par ailleurs, tous les engagements ont été respectés, ce qui constitue évidemment une entrée en matière tout à fait satisfaisante pour le projet de budget pour 2016, qui traduit la volonté de l’exécutif de doter notre pays des moyens nécessaires pour permettre à notre défense d’assurer ses missions, et tout particulièrement, en ce moment, de lutter contre la menace du terrorisme djihadiste.

Je voudrais rappeler que, pendant toute la première partie du quinquennat, avant les drames de janvier, le Président de la République avait maintes fois exprimé la volonté de sanctuariser le budget de la défense. Il s’agissait alors, en dépit d’un contexte économique et financier très dégradé, de conserver un modèle de défense à la hauteur de nos ambitions, de poursuivre l’équipement des forces, d’alimenter – déjà – la montée en puissance des services de renseignement et de mettre en œuvre une cyberdéfense plus efficace.

Bien évidemment, les événements dramatiques du mois de janvier dernier ont conforté cette impérieuse nécessité de protéger nos concitoyens. Tel est le sens de l’opération Sentinelle, qu’il nous faut aujourd’hui pérenniser, ce qui implique de revoir le format de nos armées, essentiellement celui de l’armée de terre. C’est chose faite avec l’actualisation de la loi de programmation militaire, qui permet notamment à la force opérationnelle terrestre de passer de 66 000 à 77 000 personnels, de poursuivre l’amélioration de nos équipements, de budgétiser la quasi-totalité des crédits de la défense, en mettant ainsi un terme aux doutes et à l’inquiétude suscités par les ressources exceptionnelles, et enfin de tracer une nouvelle trajectoire financière. Il faut noter que c’est la première fois qu’une loi de programmation militaire fait l’objet d’une réévaluation en cours d’exécution.

Le drame du 13 novembre dernier impose plus encore de consolider certaines de ces tendances, notamment en matière d’effectifs. Ce format devra, dans un avenir très proche, prendre en compte la décision annoncée de geler les suppressions de postes pour les années 2017, 2018 et 2019. Nos forces armées pourront ainsi assurer l’ensemble des engagements et des opérations que nécessite la lutte contre le terrorisme.

Ce projet de budget est totalement conforme à la loi de programmation militaire et à son actualisation. La nouvelle trajectoire budgétaire accordera à la défense un surcroît de ressources de 3,8 milliards d’euros sur la période 2015-2019, ce qui permettra d’inverser la tendance baissière. La France se rapprochera ainsi de l’objectif de consacrer 2 % de son PIB à l’effort de défense, conformément à la norme fixée par l’OTAN et réaffirmée lors du sommet de Newport, en septembre 2014.

Les crédits consacrés par la France à sa défense seront donc en 2016 de 32 milliards d’euros. Nous retrouvons bien les 600 millions d’euros de crédits budgétaires supplémentaires prévus par la loi d’actualisation de la LPM, auxquels s’ajouteront les 100 millions d’euros prévus par l’amendement que vous avez déposé, monsieur le ministre.

Ces crédits supplémentaires permettront d’accompagner une remontée des effectifs de l’ordre de 2 300 personnels pour cette année. Notons que le montant des recettes exceptionnelles ne sera plus que de 250 millions d’euros en 2016.

Le budget est donc aujourd’hui plus que clairement sanctuarisé, si je puis dire. La commission des affaires étrangères, de la défense et des forces armées, sous les présidences de MM. Carrère et Raffarin, a fortement contribué à ce qu’il en soit ainsi. Nous sommes nombreux, au sein de cet hémicycle, à avoir ardemment plaidé en ce sens ; nous ne pouvons donc que nous féliciter de cette décision.

Avec ce budget, la France continue d’exprimer une ambition stratégique à la hauteur des nouveaux défis sécuritaires qui s’imposent à nous. Nous ne pouvons l’ignorer, ces derniers sont nombreux. L’environnement stratégique très dégradé qui affecte aujourd’hui le territoire national nous impose de continuer à moderniser nos équipements et à régénérer nos potentiels.

Compte tenu de l’accroissement des engagements opérationnels qui pèsent sur nos armées ainsi que sur leur capacité à les assumer dans la durée, les crédits destinés à l’activité et à l’entraînement continuent de progresser. Les crédits alloués à l’entretien programmé des matériels augmentent ainsi de 7 % à 8 %, comme vous vous y étiez engagé, monsieur le ministre. Cette progression accompagne l’entrée en service de nouveaux systèmes d’armes : hélicoptères Tigre et NH90, avions Rafale et A400M, une frégate FREMM, lots de missiles de croisières navals et poids lourds pour les forces spéciales, indispensables aux forces projetées. Ces nouveaux équipements s’accompagnent d’une remise à niveau des infrastructures, pour un montant significatif. Au total, les crédits d’équipements passent à 17 milliards d'euros. Il faut souligner que c’est le premier budget d’investissement de l’État.

L’effort en faveur de la préparation de l’avenir est maintenu, près de 4 milliards d'euros étant alloués à la recherche et au développement, dont 710 millions d'euros destinés aux études amont.

Des choix ont donc été faits afin de relever les nouveaux défis sécuritaires, tout en maintenant un niveau d’ambition élevé sur la scène internationale. Cela doit permettre à la France d’assumer les missions fondamentales que sont, aujourd’hui plus que jamais, la protection du territoire et de la population – c’est le sens de l’opération Sentinelle et de la montée en puissance des services de renseignement – et le maintien de forces de projection qui nous permettent d’être la seule nation européenne à détenir la capacité singulière d’entrer la première sur un théâtre d’opérations dans les trois milieux – terrestre, naval et aérien – et de prévoir, planifier et conduire de tels engagements. Les opérations Chammal, Barkhane et Sangaris témoignent tous les jours non seulement du professionnalisme de nos militaires, mais aussi d’un exceptionnel niveau opérationnel.

Ce faisceau de capacités fonde notre autonomie stratégique, que le projet de budget dont nous débattons permet à la France de conserver.

Mes chers collègues, ce projet de loi de finances pour 2016 répond au mieux aux impératifs de la poursuite de la modernisation de nos armées, de leur nécessaire adaptation aux opérations que nous menons aujourd'hui et aux perspectives d’avenir – ce que le chef d’état-major appelle le « temps court » et le « temps long ». C’est pourquoi le groupe socialiste et républicain votera sans aucune réserve les crédits de la mission « Défense ». (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste et républicain. – M. Yvon Collin applaudit également.)

Mme la présidente. La parole est à Mme Joëlle Garriaud-Maylam.

Mme Joëlle Garriaud-Maylam. Madame la présidente, monsieur le ministre, mes chers collègues, avant tout, je tiens à rendre hommage, au nom du groupe Les Républicains, au courage, au dévouement et au professionnalisme des femmes et des hommes de nos armées. Ils font la fierté de notre pays, à l’étranger, sur les théâtres d’opérations extérieurs où la France est engagée, mais également sur le sol national, où ils participent à la sécurité de nos concitoyens. Rentrant d’un séminaire consacré au terrorisme à l’Assemblée parlementaire de l’OTAN, je peux témoigner que tous les participants ont rendu des hommages appuyés à notre pays et à nos forces.

Concernant la mission « Défense », le projet de loi de finances pour 2016 contraste avec celui de 2015 ; nous nous en réjouissons, car le chemin fut quelque peu ardu.

C’est le premier budget résultant de l’application de la loi du 28 juillet 2015 actualisant la programmation militaire pour les années 2015 à 2019 et portant diverses dispositions concernant la défense, que le Sénat a améliorée et votée.

De fait, il importe de saluer la mise en œuvre de modifications que nous appelions de nos vœux : l’augmentation des crédits, la modification de leur nature, qui se traduit par la fin du recours aux recettes exceptionnelles, les REX, en tout cas pour ce qui concerne les fréquences hertziennes, l’arrêt des déflations des effectifs.

En 2016, le budget des armées s’élèvera à 31,7 milliards d'euros, soit une hausse de 1,8 %.

L’année prochaine, les ressources exceptionnelles ne dépasseront pas 250 millions d’euros : 200 millions d'euros proviendront des cessions immobilières et 50 millions d'euros de ventes de matériels militaires.

Si la très forte diminution des REX était attendue, une pierre d’achoppement demeure concernant le produit des cessions immobilières.

Nous regrettons que, lors de l’examen de la première partie du projet de loi de finances par l’Assemblée nationale, nos collègues députés soient revenus sur le plafonnement de la décote résultant de la loi Duflot pour les immeubles de l’îlot Saint-Germain. Rappelons que cette mesure résultait d’un consensus obtenu en commission mixte paritaire, au mois de juillet dernier. En plus de constituer une mauvaise manière à notre égard, ce retour en arrière fragilise les crédits.

M. Philippe Dominati. Tout à fait !

Mme Joëlle Garriaud-Maylam. L’îlot Saint-Germain n’est pas un lieu banal, n’en déplaise à Mme le maire de Paris. Aussi serait-il dommageable que les armées, alors qu’elles sont soumises à de fortes pressions, pâtissent de la négation des lois économiques élémentaires.

C’est pour cette raison que notre groupe soutiendra les amendements du rapporteur spécial, Dominique de Legge, et ceux de la commission des affaires étrangères, de la défense et des forces armées.

Je souhaiterais en outre appeler l’attention sur les crédits d’équipement, qui passeront de 16,7 milliards d'euros en 2015 à 17 milliards d'euros en 2016. Le renforcement de ces crédits est plus que nécessaire, au moment où les OPEX se multiplient et se prolongent. Au-delà de la question du financement des OPEX – parfaitement posée, et depuis longtemps, par le rapporteur spécial –, c’est du maintien en condition opérationnelle dont il s’agit.

Les opérations menées dans la bande sahélo-saharienne constituent un bon exemple à cet égard. Les conditions sont particulièrement éprouvantes pour les matériels, dont le vieillissement et l’usure sont fortement accélérés par une faible disponibilité aggravée par la multiplication des théâtres d’engagement, les conditions climatiques extrêmes, enfin par un état d’usage avancé qui réduit leur marge de régénération et augmente à terme les coûts. Cette surmobilisation des matériels altère nos capacités opérationnelles et a une incidence importante sur les conditions d’entraînement.

N’oublions pas que, après la deuxième intervention en Irak et celle en Afghanistan, la défense britannique avait épuisé ses potentiels de régénération, au point que le Royaume-Uni avait cessé ses participations militaires, en vertu du concept du « at home ».

Dès lors, on ne peut qu’encourager les mesures participant à la régénération et au renouvellement des équipements. Nos trois rapporteurs pour avis du programme 146 nous ayant brillamment présenté les futures acquisitions, j’en viens à un autre sujet, tout aussi important : les ressources humaines.

La révision de la loi de programmation militaire a freiné la déflation des effectifs. Le Président de la République a annoncé qu’elle serait définitivement stoppée en raison du tragique contexte et de nos besoins, tant en OPEX qu’en opérations intérieures. C’est une initiative que nous approuvons. Lors de la révision de la loi de programmation militaire, le relèvement d’effectifs devait profiter à la force opérationnelle terrestre et aux effectifs de la mission de renseignement et de la cyberdéfense. Monsieur le ministre, nous savions que la suppression des effectifs annoncée en 2013 n’était pas soutenable, mais nous aimerions que vous nous éclairiez sur les redéploiements à venir.

Mes chers collègues, cette préservation des effectifs représente un coût, qu’il faudra assumer. Ce sera autant de personnels à entraîner, à équiper et à projeter.

Les rapports de MM. del Picchia et Roger, tant sur la révision de la loi de programmation militaire que sur le projet de loi de finances pour 2016, sont clairs : la manœuvre « RH » doit se poursuivre en dépit du maintien des effectifs. C’est tout le chapitre III de la nouvelle loi de programmation militaire qui est remis en question du fait des impératifs sécuritaires.

Avant de conclure, j’aborderai un sujet qui m’est cher depuis longtemps, celui des réserves opérationnelles et citoyennes. Elles sont un moyen de renforcer notre résilience, en France comme à l’étranger, ainsi que je l’ai souligné dans un rapport d’information, en 2010, et à l’occasion d’une question d’actualité au Gouvernement après les attentats du mois de janvier dernier.

La sécurité nationale doit être l’affaire de chacun. Associer la société civile à cet effort est indispensable. J’ai vivement regretté la parution plus que tardive – quatre ans après son adoption – des décrets d’application de la loi du 28 juillet 2011, qui tend à faciliter l’utilisation des réserves militaires et civiles en cas de crise majeure. Quel bilan pouvons-nous faire ?

Par ailleurs, lors de l’examen du projet de loi d’actualisation de la loi de programmation militaire, j’ai présenté des amendements visant à favoriser le déploiement des réserves parmi nos communautés à l’étranger. Le dernier avait pour objet la mise à disposition de compétences spécifiques des expatriés, au service des besoins de notre défense nationale. Avons-nous un peu avancé sur ce sujet ? S’il est encore trop tôt pour une mise en œuvre effective, monsieur le ministre, sachons user des outils que nous avons créés et inscrits dans la loi.

Monsieur le ministre, mes chers collègues, les tragiques événements survenus en France, l’extrême instabilité géopolitique et les besoins de la lutte contre le terrorisme exigent que nous votions des moyens qui soient à la hauteur des enjeux et des combats que nous souhaitons mener.

Vous l’aurez compris, monsieur le ministre, à la lumière des efforts accomplis, sans pour autant oublier ceux qui restent à faire, le groupe Les Républicains votera les crédits de la mission « Défense » pour 2016. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains, ainsi que sur certaines travées de l’UDI-UC, du RDSE et du groupe socialiste et républicain.)

Mme la présidente. La parole est à M. Joël Guerriau.

M. Joël Guerriau. Madame la présidente, monsieur le ministre, mes chers collègues, les attentats du 7 janvier 2015 ont entraîné le déclenchement de l’opération Sentinelle. Avant cette série d’attaques terroristes islamistes, au cours desquelles ont été tués des journalistes, des policiers et des clients d’une supérette casher, nous avions déjà connu l’horreur, au mois de mars 2012, quand, au nom du djihad, à Montauban et à Toulouse, trois militaires, ainsi qu’un professeur et trois jeunes élèves d’une école juive, avaient été assassinés.

Depuis quelques jours, la France est en guerre. Les actes commis dans la nuit du vendredi 13 novembre sont en effet des actes de guerre. Ces attaques constituent une agression contre notre pays, contre nos valeurs, contre notre jeunesse, contre notre mode de vie. L’ennemi a franchi une nouvelle étape.

À l’extérieur, les OPEX engagent la France. Je tiens à saluer l’action de nos forces, de nos 10 000 soldats présents au Sahel, en Centrafrique et en Irak. Je tiens également à rendre hommage aux victimes, tuées et blessées, de la prise d’otages de Bamako. Par ailleurs, depuis le 27 septembre, notre pays procède à des frappes en Syrie afin de contrer Daech.

En 1918, Georges Clemenceau disait : « Ma politique étrangère et ma politique intérieure, c’est tout un. Politique intérieure ? Je fais la guerre. Politique étrangère ? Je fais toujours la guerre. »

Ainsi, la mission « Défense » du projet de loi de finances pour 2016 n’a plus rien à voir avec la politique de programmation militaire des années 2009 à 2014, remise en cause par la crise des finances publiques et les engagements pris à l’égard de Bruxelles de ramener le déficit public à 3 % du PIB en 2013. En 2015, l’effort de défense représente la moitié du déficit.

Le projet de budget que nous examinons doit être à la mesure des enjeux nationaux et internationaux. Les années passées, nous engagions des restructurations et une réduction des effectifs militaires. Il s’agit désormais de conforter nos effectifs et nos moyens techniques.

C’est avant tout sur le personnel militaire que notre politique de la défense repose. Solliciter nos troupes pour renforcer notre sécurité à chaque instant ne nous exonère pas de tenir compte de la surchauffe et de l’épuisement de nos soldats. Bercy doit comprendre que la masse salariale n’est ni compressible ni aliénable. Il faut être lucides : après des réductions d’effectifs constantes, nos troupes sont juste suffisantes et notre matériel est surutilisé.

Il faut veiller à ne pas trop multiplier nos engagements. Cela pourrait nuire à notre efficacité. Ce projet de loi de finances permet de conserver 18 750 postes, avec un déploiement d’effectifs sur le territoire national pour des opérations intérieures. Si nos militaires peuvent assumer cette mission ponctuellement, il ne leur appartient pas de le faire de manière pérenne.

D’autres fléchages sont possibles. Il faut veiller à ce que les effectifs de gendarmes et de policiers soient suffisants pour assurer pleinement la sécurité intérieure et limiter le déploiement de militaires aux compétences complémentaires.

Le programme 212 « Soutien de la politique de défense » regroupe notamment l’ensemble des crédits de personnel du ministère de la défense. En 2016, ces dépenses devraient augmenter de 3 %.

On apprécie les efforts consentis pour l’augmentation des effectifs dans le domaine du renseignement « sécurité et défense », mais on peut regretter que les dépenses diminuent pour la marine et l’armée de l’air.

La question du surcoût des opérations extérieures a largement alimenté le débat ces dernières années. La provision destinée à couvrir ce surcoût n’est que de 450 millions d’euros, comme en 2015, alors que le dépassement s’élevait à plus de 650 millions d'euros cette année-là. Elle devrait donc de nouveau se révéler insuffisante.

De la même manière, le surcoût lié aux opérations intérieures devrait être largement supérieur aux 26 millions d'euros budgétisés au titre II. En 2015, il s’est élevé à 194 millions d'euros pour l’opération Sentinelle et il ne devrait pas baisser en 2016.

De plus, la question de la budgétisation et du financement des OPEX et des opérations intérieures crée une incertitude sur l’équilibre budgétaire.

Monsieur le ministre, en 2013, l’exécution de la loi de programmation militaire était mal engagée, étant donné l’existence d’une forte contrainte budgétaire, alors que débutaient les interventions au Mali. Nous constatons que vous avez su transformer d’aléatoires recettes extrabudgétaires en crédits budgétaires ; cela représente 9 milliards d’euros de crédits supplémentaires pour la période 2015-2019.

Les opérations extérieures ont fortement mobilisé l’ensemble de nos troupes. Le maintien de l’efficacité opérationnelle nécessite de prendre en considération les difficultés matérielles et morales auxquelles elles sont confrontées.

Les opérations menées de front par l’armée française ne pourront se poursuivre sur le long terme sans effectifs supplémentaires, d’autant que l’étendue des théâtres d’opérations est parfois considérable.

La France s’est investie au-delà de ses capacités. Membre permanent du Conseil de sécurité des Nations unies, elle assume ses responsabilités. Pourrons-nous durablement poursuivre toutes les opérations extérieures en cours ?

Les OPEX démontrent la nécessité d’une Europe de la défense, nécessité dont le groupe UDI-UC est absolument convaincu, car nous sommes désormais en état de guerre, ce qui signifie que nous devrons faire des sacrifices.

Le terrorisme international utilise tous les moyens médiatiques pour séduire, convaincre, tromper, terroriser, notamment à partir des réseaux sociaux. Nous devons gagner la bataille du cyberespace, car la cybernétique est à la source d’une réelle menace, qui ne cesse de croître en se perfectionnant.

Le déploiement d’effectifs est une réponse objective au besoin d’un corps militaire nouveau. Nous en sommes très satisfaits.

J’évoquerai maintenant les moyens techniques. Avec la menace terroriste, tant à l’intérieur de nos frontières qu’à l’international, le contexte a radicalement changé.

Le monde s’arme vite et lourdement. Plus que jamais, nous vendons dans le monde entier des armes terrestres, maritimes ou aériennes. Le montant des commandes annuelles d’armement français a été multiplié par trois, passant de 5,1 milliards d’euros en 2010 à 15 milliards d’euros en 2015.

Nous saluons la réussite à l’exportation de l’avion de combat Rafale, en Égypte, au Qatar et, prochainement, en Inde. La construction de frégates permet également d’optimiser la charge des chantiers navals concernés.

Ces succès à l’export soulagent le budget de la défense. Une bonne partie de cette manne contribue à améliorer le traitement des militaires et une autre à remplacer et à moderniser nos équipements.

Nos excellents résultats à l’exportation ont un effet favorable à court terme, mais ils placent la barre très haut pour les prochaines années. Au rythme où évoluent nos besoins, ne faudra-t-il pas, à moyen terme, trouver encore de nouvelles recettes pour assurer le financement pérenne des programmes militaires et celui des OPEX ?

Nos armées soutiennent nos industriels à l’exportation. Leurs prestations sont facturées. En 2013, l’armée de terre a ainsi reçu 1,3 million d’euros et l’armée de l’air 6,3 millions d’euros. Ces montants sont-ils à la hauteur des services rendus ? Sur ce point, monsieur le ministre, il nous semble qu’une analyse fine s’impose. Dans un contexte budgétaire tendu, toute recette est importante. N’y a-t-il pas lieu de réévaluer le règlement des prestations militaires au bénéfice de nos industriels ?

Les crédits du programme 146 « Équipement des forces » passent de 16,7 milliards d’euros à 17 milliards d’euros. Les actions déjà engagées par les armées françaises rendent urgent l’engagement des dépenses d’équipement prévues par la Direction générale de l’armement. Ce programme connaît de fortes tensions de trésorerie, car les crédits budgétaires sont mis tardivement à disposition du délégué général pour l’armement.

L’intensité de l’engagement des armées sur les théâtres extérieurs et sur le territoire national représente une lourde charge pour le programme 178 et risque d’entraîner d’importants problèmes de trésorerie.

Les crédits du programme 144 « Environnement et prospective de la politique de défense » sont en baisse. Nous approuvons que la priorité soit donnée aux activités opérationnelles.

Au-delà de ce projet de budget, notre diplomatie doit renouer un dialogue ferme avec l’Arabie saoudite, les Émirats arabes unis et le Qatar, qui, du fait d’intérêts divergents, reprennent d’une main ce qu’ils nous concèdent d’une autre.

La France joue un rôle clé en Syrie et en Irak, mais surtout en Europe. Les frontières à l’Est et les frontières en Méditerranée sont d’une importance stratégique essentielle. La mise en place d’un bouclier européen doit se concrétiser. La France seule ne peut pas tout : elle doit agir avec l’OTAN et le Conseil de sécurité des Nations unies.

Pour conclure, nous constatons avec satisfaction, monsieur le ministre, que le projet de budget pour 2016 traduit des changements attendus. Les ressources du ministère de la défense sont accrues et mieux sécurisées. Elles s’établissent à près de 32 milliards d’euros, soit une hausse de 1,8 % par rapport à 2015. Les ressources exceptionnelles sont remplacées par des crédits budgétaires, afin de sécuriser le budget de la défense. L’effort de défense exige un effort de dépense !

Les sénateurs UDI-UC voteront à l’unanimité ce projet de budget. (Applaudissements sur les travées de l'UDI-UC, ainsi que sur certaines travées du groupe Les Républicains, du RDSE et du groupe socialiste et républicain.)

Mme la présidente. La parole est à Mme Michelle Demessine.

Mme Michelle Demessine. Madame la présidente, monsieur le ministre, mes chers collègues, l’examen des crédits de la mission « Défense » pour 2016 intervient dans un contexte dramatique et tout à fait particulier.

Après les attentats terroristes de janvier, ceux du 13 novembre dernier ont entraîné la mort de cent trente de nos compatriotes ; c’est notre pays et son modèle de société qui sont directement attaqués.

À ces victimes s’ajoutent nos soldats tombés cette année au Mali, en opération extérieure de lutte contre le terrorisme djihadiste. C’est aussi pour intensifier notre combat contre cette forme de terrorisme que nous avons triplé nos capacités de frappes aériennes en Syrie et en Irak.

C’est dire combien le budget de la défense joue un rôle de premier plan pour préserver les intérêts fondamentaux de la nation, protéger notre territoire et nos concitoyens.

Avec l’augmentation des effectifs de l’opération Sentinelle à la suite des attentats et l’appareillage du porte-avions Charles-de-Gaulle, 34 000 militaires se trouvent engagés dans ce combat à long terme, en France et dans le monde.

Le premier traumatisme causé par les attentats du mois de janvier avait déjà donné lieu à des décisions fortes du Président de la République, prises au cours d’un conseil de défense en avril. Elles ont nécessité une actualisation de la loi de programmation militaire. Globalement, le présent projet de budget met en œuvre ces décisions. J’en relèverai deux caractéristiques majeures, qui découlent de l’évolution des menaces pesant sur notre pays.

La première, c’est que, après que 18 700 postes ont été préservés au mois de janvier, le projet de budget marque l’arrêt de la déflation des effectifs jusqu’en 2019, au bénéfice des unités opérationnelles de la cyberdéfense et du renseignement. Nous approuvons cette décision. Elle est courageuse, car elle a un coût budgétaire. En outre, elle met temporairement fin à une contradiction absurde consistant à cumuler les diminutions d’effectifs prévues par les lois de programmation militaire successives alors même que nos armées interviennent simultanément dans plusieurs pays étrangers et qu’elles se voient confier un nouveau contrat de protection du territoire national, pouvant amener au déploiement de jusqu’à 10 000 hommes.

La seconde caractéristique majeure de ce projet de budget, c’est d’avoir tiré les conséquences budgétaires de la nécessaire adaptation du format de nos armées à l’évolution des menaces, en attribuant 600 millions d’euros de crédits supplémentaires au budget de la défense, ce qui porte celui-ci à 32 milliards d’euros, au lieu des 31,4 milliards d’euros prévus par la loi de programmation militaire initiale.

Sans entrer dans le détail, je relèverai d’autres motifs de satisfaction, tel le remplacement de la majeure partie des ressources exceptionnelles qui ont fait défaut cette année par des crédits budgétaires. Nous serons évidemment attentifs à ce que cette décision soit effectivement appliquée au travers du collectif budgétaire.

De même, nous souhaitons que soient tenus les engagements concernant les 57 millions d’euros avancés cet été à l’occasion du remboursement à la Russie des deux bâtiments de type Mistral non livrés.

Conformément à la loi de programmation militaire actualisée, les crédits d’équipement pour 2016 progressent de 16,7 milliards d’euros en loi de finances initiale à près de 17 milliards d’euros, afin de permettre la poursuite de la modernisation des matériels, la montée en puissance des nouveaux équipements et la régénération des parcs plus anciens, fortement sollicités lors des OPEX.

Je note avec satisfaction l’évolution positive des crédits destinés à la préparation des forces et au maintien en condition opérationnelle des matériels, d’une importance déterminante pour que les hommes et les matériels puissent remplir des missions de plus en plus nombreuses et exigeantes.

Dans ces temps troublés où le lien entre les armées et la nation a besoin d’être renforcé, il est également important de valoriser les réserves et de porter le nombre des réservistes de 28 000 à 40 000 d’ici à 2019, conformément à la loi de programmation militaire. J’observe que 300 réservistes sont engagés sur le territoire national, l’objectif étant qu’ils soient 1 000 en 2016.

Reste la question récurrente, et toujours délicate, du financement des OPEX et des opérations menées sur le territoire national, telle l’opération Sentinelle.

Par définition, ces opérations sont imprévisibles. Elles sont souvent nécessaires, même si certaines sont discutables, et il serait difficilement concevable d’y renoncer par impossibilité de les financer.

Toutefois, du point de vue de la démocratie, une plus grande transparence serait nécessaire sur le financement du surcoût de 620 millions d’euros des OPEX et des 200 millions d’euros de dépenses de personnel, de frais de fonctionnement, d’équipement et de logement de l’opération Sentinelle. Ce financement est assuré à l’échelon interministériel, par le biais d’un décret d’avance et au prix d’annulations de crédits dans d’autres domaines.

Au final, monsieur le ministre, permettez-moi d’exprimer un certain scepticisme quant aux possibilités d’adaptation de votre budget aux défis auxquels notre pays est aujourd’hui confronté.

Les OPEX, par exemple, sont de plus en plus nombreuses et de plus en plus longues. Elles répondent à des objectifs politiques de plus en plus difficiles à atteindre ; dans le même temps, votre équation budgétaire reste quasiment inchangée. C’est ainsi que les moyens engagés pour des interventions ponctuelles ou de longue durée restent les mêmes.

Dans ces conditions, je crains fort que, comme le dit un ancien directeur de l’École de guerre, officier général placé en deuxième section, nos armées ne soient « surdéployées » par rapport à leurs capacités et qu’elles ne s’usent, à l’instar de ce qui est arrivé aux armées britanniques.

Par ailleurs, l’opération Sentinelle étant appelée à se poursuivre, cette intervention sur le territoire national, dans le cadre qui a été défini, est-elle bien du ressort de nos armées ?

On sait d’ores et déjà que le nouveau contrat assigné à nos forces terrestres, outre son coût budgétaire, pourrait avoir des répercussions négatives sur l’action de nos forces engagées à l’extérieur. C’est pourquoi il est vraiment urgent que vous nous présentiez les conclusions de la réflexion sur une nouvelle doctrine d’emploi de nos forces terrestres.

Je conclurai mon propos en évoquant notre sujet de désaccord principal et récurrent : l’armement nucléaire. Outre qu’il constitue un obstacle aux politiques de désarmement, nous considérons qu’il ne représente plus une réponse pertinente aux menaces d’aujourd’hui. Surtout, son coût budgétaire et les investissements qu’il nécessitera dans l’avenir provoqueront un déséquilibre de notre politique de défense, au détriment de la crédibilité et de l’efficacité de nos forces conventionnelles.

Compte tenu des efforts budgétaires consentis, qui, du fait de leur inscription annoncée dans un pacte de sécurité, ne viendront pas réduire les crédits d’autres missions, dont la préservation et le renforcement sont tout aussi indispensables pour relever les défis qui s’imposent à nous, le groupe CRC s’abstiendra sur les crédits de la mission « Défense ». (Applaudissements sur les travées du groupe CRC.)

Mme la présidente. La parole est à M. Jeanny Lorgeoux.

M. Jeanny Lorgeoux. Madame la présidente, monsieur le ministre, mes chers collègues, pour conduire l’évolution de notre armée, que commandent les bascules stratégiques, ainsi que l’irruption de l’irrationnel sur la scène internationale – je veux parler du terrorisme lâche et aveugle –, il fallait d’abord réviser la loi de programmation militaire. Cela est fait !

Il fallait ensuite inscrire dans le projet de budget pour 2016 la tranche des crédits additionnels, dont nos collègues Daniel Reiner et Jacques Gautier viennent de décrire parfaitement les contours et le contenu. Cela est fait !

Il nous fallait enfin flécher financièrement la prise en compte de la montée en puissance des champs nouveaux de la guerre moderne : renseignement et transmissions, cyber-défense et drones, dont la panoplie devra être encore étendue dans le futur. Cela est fait !

La guerre n’est pas un leurre, la guerre n’est pas un écran virtuel : elle est réelle, même si l’action psychologique et la bataille médiatique sont devenues, de l’amont à l’aval, une composante de la belligérance.

C’est la raison pour laquelle le Gouvernement consacre des financements supplémentaires à la consolidation de nos troupes au sol, à la reconfiguration des dispositifs, à nos capacités d’intervention sur terre, en mer et dans les airs.

Certains esprits chagrins critiquent les OPEX, sous divers prétextes, notamment financiers. Mais, outre les raisons politiques et diplomatiques qui les justifient, que serait une défense si elle n’était pas en même temps une capacité d’attaque ? Notre dissuasion nucléaire, colonne vertébrale de l’indépendance nationale, bouclier de fait de l’Europe occidentale, doit être nécessairement complétée par une armée de protection et de projection, bien et mieux entraînée, et dotée de matériels appropriés.

À un moment où de nouveaux empires se dessinent, mondialisant les enjeux, à un moment où le creusement des inégalités fragilise le pacte social, où l’Europe hésitante, souvent frileuse, parfois tétanisée, hoquète au lieu d’aller de l’avant, l’armature de notre État doit être garantie, densifiée, blindée par une défense solide. Dans le bouillonnement sociétal qui chavire nos certitudes, qui dilate et fait éclater notre cadre de vie, qui égare les consciences civiques, l’armée reste un rempart de la République et de son intégrité.

Et si l’Europe ne veut pas réellement d’une défense européenne, eh bien qu’elle participe, au-delà des pétitions de principe, financièrement à l’effort de la France, quand celle-ci brandit l’étendard de la liberté, de nos valeurs, de notre conception de l’histoire, de Tombouctou à Bamako, de Beyrouth à Raqqa, de N’Djamena à Bangui !

L’Europe ne peut se limiter à un conclave renouvelé de questionnement économique ; elle doit dire que le progrès humain ne se déploie que dans la sécurité. Et en tirer les conséquences !

Aujourd’hui, il nous faut prendre par ailleurs en compte la mutation insolite du terrorisme, notre ennemi intime, à la fois surgi d’un terreau laissé en déshérence par l’aventure américaine en Irak, de Bagdad à Mossoul, mais aussi dissimulé dans des replis de diasporas prises en otage et actionnant des filets mafieux pour se financer.

Et comme ce terrorisme se nourrit des errances de jeunes en quête d’absolu, qui sont-ils ces jeunes, nos jeunes, qui en arrivent à jeter par-dessus bord leurs parents, leur humanité, leur pays ? Des guerriers d’Allah ? Des anticolonialistes ? Des anti-impérialistes ? Non. Ce sont des révoltés, des nihilistes, des individualistes, à peine pratiquants, coupés de leurs coreligionnaires, individus non intégrés issus d’une deuxième génération musulmane ou des égarés fraîchement convertis à des slogans extrémistes, habités par l’instinct de mort.

Car notre ennemi n’est pas l’islam. En France, il y a d’ailleurs, selon la belle formule d’Olivier Roy, non pas « radicalisation de l’islam », mais « islamisation de la radicalité ».

Cela commande donc que l’effort de destruction de l’ancrage territorial de Daech soit adossé naturellement à l’intense travail diplomatique, mais aussi qu’en France l’islam modéré, tel le fil à plomb dans sa verticalité, maîtrise l’enseignement et la transmission du message religieux.

Pour mettre fin à ces folles équipées, la réponse est nécessairement globale, militaire sur le terrain, diplomatique à l’international, sociétale et policière chez nous.

Notre appareil de défense s’adapte à cette nouvelle donne : nos technologies d’écoute, d’analyse et nos moyens d’action directe sont – et seront – renforcés. Et puisque chacun comprend que cette guerre asymétrique et sauvage va hélas ! durer, chacun comprend ici que les efforts budgétaires importants consentis par le Gouvernement s’inscrivent dans le processus de reconquête, nécessaire et long, d’un budget de la défense jusqu’à hauteur de 2 % du PIB.

Qui ne souscrirait, ici, à la prééminence sécuritaire énoncée par le Président de la République lors du Congrès de Versailles ?

Au-dedans, il y a matière et urgence à réorganiser, à redynamiser notre réserve territoriale, pour peut-être en faire une garde nationale. Le raffermissement du lien armée-nation, le déploiement de Sentinelle, l’attention portée au moral de nos soldats, le besoin de mobiliser, notamment dans l’armée de terre, les citoyens au service de la patrie, l’enseignement de l’histoire, l’instruction civique et morale dès l’école primaire et le travail mémoriel viendront compléter l’ensemble du dispositif de défense, qui est aussi une reconquête des esprits.

L’avenir et le rang de la France, notre unité et notre dignité passent par là : ne pas baisser la garde et ne pas baisser la tête.

Pour ce qui nous concerne, nous sommes fiers de voter un budget debout, un budget qui, non seulement, a stoppé une attrition dangereuse, mais qui, surtout, réenclenche une dynamique patriotique vertueuse. (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste et républicain, du RDSE, ainsi que sur plusieurs travées de l'UDI-UC et du groupe Les Républicains.)

Mme Nathalie Goulet. Très bien !

Mme la présidente. La parole est à M. Cédric Perrin.

M. Cédric Perrin. Madame la présidente, monsieur le ministre, mes chers collègues, en cette année marquée par le terrorisme en France et dans le monde, le vote du budget de la défense est un moment évidemment important.

Important pour nos armées, important aussi pour notre communauté nationale, qui, au vu des tragiques événements qui s’enchaînent, est dans l’attente de réponses claires.

La protection de nos compatriotes contre les agressions extérieures doit être au cœur de nos préoccupations. C’est ce qu’attendent les Français dans un monde où nos alliés européens nous laissent bien seuls pour assurer la défense au Levant.

Il est donc capital, monsieur le ministre, que vous ayez fait le choix de mettre un terme aux coupes budgétaires et aux baisses d’effectifs qui ont touché la défense.

Nos forces armées ne pouvaient subir une nouvelle baisse de leurs crédits sans que la cohérence globale et irréversible de notre outil de défense en soit affectée.

Les événements de janvier et novembre 2015, mais aussi la tension qui règne sur la scène internationale, incitent à rééquilibrer la situation dans le cadre du budget pour 2016.

En effet, les coupes budgétaires opérées dans le budget de la défense ont fait perdre de la cohérence en termes d’organisation à nos armées. Elles se retrouvent, aujourd’hui, amputées et déséquilibrées dans l’ensemble de leurs forces.

La déflation des effectifs s’interrompt.

Cette décision s’imposait, mais la programmation et son actualisation renvoient à l’après-2017 de lourds enjeux.

Nous serons alors face à un challenge redoutable entre les économies qui n’auront pas été faites et les investissements importants à consentir pour préparer l’avenir, en particulier moderniser la dissuasion.

Le gel de la déflation est donc un progrès indéniable, mais insuffisant. Des questions restent en suspens pour concrétiser nos engagements et rassurer nos armées.

Concernant le maintien des effectifs, les forces armées s’interrogent légitimement sur la cohérence de l’organisation qu’elles ont repensée sur un nouveau modèle de ressources humaines déflaté.

Vers quelles fonctions ces effectifs vont-ils être affectés, monsieur le ministre ? Comment seront-ils équipés et de quels moyens disposeront-ils pour s’entraîner ?

Concernant la situation au Proche-Orient et au Moyen-Orient, les récents développements de la crise montrent clairement qu’elle comporte des risques importants de contagion régionale : au Liban, en Jordanie, en Égypte et peut-être même dans le reste de la péninsule arabique.

Ces risques semblent avoir été largement sous-estimés par le Livre blanc sur la défense et la sécurité nationale de 2013.

Au-delà de l’inévitable réactualisation de la loi de programmation militaire, la LPM, n’est-il pas nécessaire de relancer une nouvelle appréciation stratégique, un nouveau Livre blanc ?

À long terme, avons-nous une programmation militaire adaptée aux enjeux à venir ?

Prenons l’exemple du Rafale : la cible actuelle du nombre de Rafale a été réduite de façon significative.

Avec un seul porte-avions, nous ne disposerons plus de moyen de réaction aéronaval pendant dix-huit mois d’IPER – indisponibilité périodique pour entretien et réparation – à partir du début de 2017, soit jusqu’à la mi-2018.

La crise s’inscrit dans la durée. Ces brèches capacitaires ne doivent-elles pas être comblées dans ce contexte lourd de menaces ?

Par ailleurs, les événements de janvier dernier ont été le déclencheur de l’opération Sentinelle. Cela a été abordé, à de nombreuses reprises, cet après-midi ; 10 000 hommes ont été mobilisés et 63 000 auront, en 2015, participé à cette opération. Ce dispositif se poursuit dans un contexte où le risque est encore plus élevé.

Cette pérennisation ne sera pas sans conséquence sur le niveau d’entraînement de nos forces, en particulier celui de l’armée de terre, au moins le temps que cette dernière ait recruté et formé les 11 000 hommes destinés à sa remontée en puissance.

C’est d’autant plus vrai que le dispositif actuel est de nature statique et que les capacités opérationnelles de nos unités ne sont donc pas exploitées de manière optimale.

Dans le climat international actuel, est-il raisonnable de figer dans la durée le cœur de notre armée de terre dans des missions de protection du bas du spectre, confiées, il y a peu, à des forces de police ?

Ne serait-il pas plus sage de pérenniser cette surveillance en créant une force dédiée qui n’amputerait pas nos forces armées ?

N’est-il pas temps de repenser, monsieur le ministre, la manière d’employer nos soldats sur le terrain, en cohérence avec les modes d’action qu’ils mettent en œuvre en opérations extérieures ?

En parallèle, n’est-il pas urgent de rendre plus facile l’emploi des réservistes ? Leur engagement constituerait une réponse citoyenne à la menace actuelle, et nous avons tous des témoignages nombreux de gens qui souhaiteraient s’investir.

Compte tenu de nos engagements, quelle est notre crédibilité si nous ne disposons plus d’une réserve stratégique capable d’être engagée dans un nouveau soubresaut de la crise ?

Pour conclure, je veux, à mon tour, rendre hommage à l’engagement et au courage de nos soldats.

Malgré les difficultés matérielles, ils sont présents sur de multiples théâtres d’opérations, extérieures comme intérieures. Ils interviennent au péril de leur vie.

L’actualité récente nous le rappelle cruellement puisque l’un de nos soldats d’un commando parachutiste de l’air, le CPA 10, blessé au Mali, est décédé hier.

Ils sont les premiers défenseurs de la démocratie et de la liberté.

Ils méritent notre respect et notre admiration et ils méritent surtout qu’on prenne de bonnes décisions. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains et de l'UDI-UC.)

Mme la présidente. La parole est à M. Pascal Allizard.

M. Pascal Allizard. Madame la présidente, monsieur le ministre, mes chers collègues, je tiens, d’abord, à saluer le travail des rapporteurs de la commission des finances et de la commission des affaires étrangères et de la défense sur ce projet de loi.

Ce débat budgétaire s’ouvre dans un contexte sécuritaire inédit.

Longtemps mal comprise, son parc d’équipements vieillissant, ses effectifs rognés, la défense a souvent servi de variable d’ajustement : une solution de simplicité, peut-être, accompagnée parfois d’un certain angélisme vis-à-vis des questions de sécurité.

La dégradation de la situation internationale, la multiplication des attentats ont fait entrer la France et l’Europe dans une dure réalité.

Dans ces moments difficiles, c’est vers la nation, le drapeau, l’armée – des symboles parfois jugés « surannés » par certains – que les Français se tournent. Et l’on assiste aujourd’hui au retour en grâce de l’armée, que de nombreux jeunes souhaitent désormais intégrer.

Nos soldats, dont je salue l’engagement total, sont présents sur tous les fronts.

Dans un conflit asymétrique, je voudrais m’arrêter un instant sur le travail très difficile accompli par nos forces spéciales, dont je rappelle qu’elles paient un lourd tribut aux opérations : trois commandos parachutistes de l’armée de l’air ont été très gravement blessés en octobre dernier, et l’un d’eux est décédé hier.

Les récents événements ont montré le besoin de poursuivre les opérations militaires extérieures. Dans ce contexte, on comprend mal le mode de financement des OPEX, notamment leur surcoût toujours insuffisamment provisionné et les modalités de son financement par la solidarité interministérielle, qui pénalisent le ministère de la défense. Le rapporteur spécial l’a d'ailleurs très bien souligné.

Les opérations intérieures aussi coûtent cher et mobilisent de nombreux personnels, en particulier pour l’armée de terre, dont les effectifs vont quelque peu remonter – cela a été dit –, mais qui devra faire face au défi du recrutement et de la fidélisation.

L’engagement dans le cadre de Sentinelle érode aussi la préparation opérationnelle de l’armée de terre. Il y aura probablement encore une à deux années difficiles sur lesquelles il faudra être attentif.

Je voudrais dire également quelques mots plus spécifiques des problématiques de la marine.

En octobre dernier, nous avons pu, avec quelques collègues emmenés par le président Raffarin, embarquer sur le Charles-de-Gaulle et constater le professionnalisme de son équipage. Aujourd’hui, le déploiement de notre groupe aéronaval, en démultipliant nos capacités de frappe et de renseignement, par l’intérêt aussi qu’il suscite de la part des marines étrangères, valide la pertinence du maintien des capacités de premier rang au sein du modèle d’armée issu des Livres blancs et les lois de programmation militaire successives.

Il y a néanmoins des problèmes de disponibilité pour certains aéronefs de la marine et la nécessité d’accélérer le remplacement des plus anciens, singulièrement des hélicoptères légers.

Des difficultés existent aussi pour les avions Atlantique II, dont l’utilité opérationnelle n’est plus à démontrer, en particulier en matière de renseignement. Il y aura lieu de rester vigilant.

Par ailleurs, la France dispose d’un domaine maritime important, lequel s’est encore étendu récemment, qu’il faut surveiller et protéger. Certains patrouilleurs hauturiers qui participent à ces missions présentent des signes de fatigue après plus de trente ans de service. De plus, les patrouilleurs océaniques assurent la défense maritime du territoire au large, ce qui, dans un contexte sécuritaire dégradé comme il l’est actuellement, doit nous convaincre de l’importance d’anticiper le programme BATSIMAR, bâtiment de surveillance et d’intervention maritime.

Plusieurs bâtiments manquent déjà à l’appel outre-mer et nous arriverons à un déficit plus important en 2020, alors que le programme est prévu pour 2024.

Dans un contexte de globalisation des opérations maritimes, de globalisation économique et de retour en force des puissances maritimes, une marine française moderne est un atout majeur pour notre pays.

De plus, alors que nous peinons déjà à trouver des financements, nous ne pourrons pas toujours « courir » seuls après les effectifs et les moyens. « L’Europe désarme, mais le monde réarme », notaient dans un rapport nos collègues Jacques Gautier et Daniel Reiner, alors que la menace s’accroît.

Il faut aussi faire face à l’augmentation du coût des équipements militaires, qui rend indispensable un meilleur partage à l’échelle européenne.

Ainsi, en matière de sécurité et de défense, nous payons les atermoiements de l’Union européenne et de certains États membres.

Le Président français a choisi d’invoquer le traité de l’Union européenne pour demander l’assistance des autres États membres. Les ministres européens de la défense ont récemment exprimé leur soutien à la France. Je sais et je salue, monsieur le ministre, votre engagement sur ce dossier. Mais au-delà des mots, nous attendons de nos partenaires des actes concrets perceptibles par les personnels engagés sur le terrain. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains, de l'UDI-UC, ainsi que sur certaines travées du groupe socialiste et républicain.)

Mme la présidente. La parole est à M. le ministre. (Applaudissements.)

M. Jean-Yves Le Drian, ministre de la défense. Madame la présidente, monsieur le président de la commission, mesdames, messieurs les sénateurs, je voudrais à mon tour rendre hommage au sergent-chef Alexis Guarato, du commando parachutiste de l’air n° 10 – CPA 10 –, récemment décédé à la suite d’un attentat au nord du Mali. Je serai amené à présider l’hommage qui lui sera rendu par la nation au début de la semaine prochaine.

Je voudrais aussi en profiter pour saluer à mon tour l’engagement, le dévouement et le courage de nos forces, qui opèrent aujourd’hui sur le théâtre extérieur, à travers les opérations Barkhane, Sangaris et Chammal, au Liban et en prépositionnement sur un certain nombre de lieux, mais aussi sur notre sol, dans le cadre de l’opération Sentinelle – j’aurai l’occasion d’y revenir.

Je vous remercie, les uns et les autres, d’avoir pensé à leur rendre hommage, ce sentiment étant partagé, je n’en doute pas, par l’ensemble du pays.

L’examen de notre budget 2016 intervient dans un contexte d’une gravité particulière, que vous me permettrez d’évoquer pour commencer. Depuis l’adoption du projet de loi de finances pour 2016 en conseil des ministres, et son vote par l’Assemblée nationale, la France a basculé dans la guerre.

Vendredi 13 novembre, ce que nous redoutions, ce que nous appréhendions, en particulier depuis le 7 janvier dernier, s’est dramatiquement concrétisé : la France a subi une attaque armée sur son sol, perpétrée par les membres d’un groupe terroriste militarisé qui prétend s’ériger en État.

Un hommage national vient d’être rendu ce matin aux morts et aux blessés de cette agression, au cours duquel le Président de la République a exprimé la compassion et la détermination de la nation.

Au moment de conclure cette discussion, je voudrais saluer ici, mesdames, messieurs les sénateurs, votre mobilisation permanente, depuis trois ans et demi, en faveur des moyens de notre défense, plus que jamais sollicités par cette actualité tragique.

Au cours des différentes discussions que nous avons pu avoir dans cette enceinte, vous nous avez toujours soutenus, vous avez toujours apporté votre contribution, en particulier, tout récemment, lors de l’actualisation de la loi de programmation militaire, qui nous permet aujourd’hui de disposer d’une base solide pour aborder le budget 2016.

Mes remerciements s’adressent en particulier à M. le président de la commission, à M. le rapporteur spécial et à l’ensemble des porte-parole des différents groupes qui se sont exprimés tout à l’heure.

Ce soutien est très précieux en cette période, et le vote que vous allez émettre, mesdames, messieurs les sénateurs, sera aussi une manière forte de lutter contre Daech, en montrant que l’effort en faveur de la sécurité et de la défense de notre territoire se poursuit et rencontre un consensus fort.

Je n’ai pas le temps de répondre à l’ensemble des observations qui ont été formulées.

Comme je vous le disais à l’instant, monsieur Raffarin, je pourrais peut-être, dans les jours qui viennent, fournir à la commission des réponses plus techniques sur un certain nombre de points.

Je me concentrerai aujourd’hui sur les éléments les plus directement en rapport avec le budget.

À la suite des décisions annoncées par le Président de la République le 16 novembre devant le Congrès, j’ai déposé un amendement qui prévoit, pour 2016, une hausse de 100 millions d’euros des crédits de paiement et de 173 millions des autorisations d’engagement par rapport au projet de budget qui vous était soumis initialement.

Cet amendement, dont je détaillerai tout à l’heure le contenu, vise en particulier à couvrir les besoins en munitions pour les opérations en Syrie et en Irak. Les flux de munitions peuvent être éligibles aux OPEX, au contraire des stocks. Il nous faut donc inscrire ces crédits au budget, de même que quelques moyens supplémentaires permettant de répondre aux orientations fixées par le Président de la République, en particulier le renforcement du renseignement, de la cyberdéfense et de la réserve opérationnelle dès l’année 2016.

Au-delà de cet amendement, qui s’inscrit dans le droit fil des orientations qui avaient été arrêtées au moment de l’actualisation de la loi de programmation militaire, je voudrais revenir sur quelques points relatifs aux effectifs, aux engagements financiers pour 2015 et 2016 et aux engagements capacitaires, pour répondre aux questions posées et lever toute ambiguïté.

S’agissant des effectifs, nous devons avoir à l’esprit l’ensemble des chiffres.

Dans la loi de programmation militaire 2014-2019, 34 000 suppressions de postes étaient prévues, mais elles intégraient 10 000 suppressions de postes issues de la loi de programmation militaire 2009-2014 – sur les 54 000 suppressions de postes que celle-ci avait prévues, un peu plus de 40 000 avaient été exécutées ; il en restait donc 10 000, qui s’ajoutaient aux 24 000 suppressions découlant du Livre blanc.

Depuis lors, l’actualisation de la loi de programmation militaire a permis le rétablissement de 18 500 postes. Nous honorerons ces engagements en 2015 et en 2016, ce qui nous permet, au budget 2016, d’afficher un solde positif de 2 300 postes. S’y ajouteront 10 000 postes supplémentaires à l’horizon 2017, 2018 et 2019, qui seront sauvegardés en application de la décision du Président de la République et affectés à la cyberdéfense, au renseignement et aux forces opérationnelles.

Puisque la question m’a été posée par M. Lorgeoux ou par M. Reiner, je précise que 1 000 postes supplémentaires seront affectés au renseignement à l’horizon 2017, 2018, et 2019 par rapport aux chiffres contenus dans l’actualisation de la loi de programmation.

Cette orientation ne modifie en rien la nécessité de rationaliser, de réorganiser et de transformer nos armées, de nous adapter aux nouvelles menaces. Ainsi, les programmes prévus par les chefs d’état-major des différentes armées, notamment le programme d’adaptation « Au contact » pour l’armée de terre, seront mis en œuvre, avec toutefois un peu plus de souplesse et de moyens, ce qui les aidera à accomplir leurs missions. Cette adaptation de nos forces aux nouvelles menaces est nécessaire.

Dans ce contexte, pour tirer les conséquences des engagements pris par le Président de la République devant le Congrès, je précise aussi que nous allons renforcer notre capacité de réserve.

Plusieurs orateurs, en particulier Mme Garriaud-Maylam, ont parlé de cette perspective avec enthousiasme. Comme vous le savez, c’est l’une de mes préoccupations depuis que j’exerce mes responsabilités ministérielles. Les réserves, c’est vrai, servaient souvent de variables d’ajustement dans les choix budgétaires. De fait, les engagements passeront, pour la période 2016-2019, de 28 000 à 40 000 réservistes, en favorisant l’élargissement des recrutements.

Nous engagerons également une réflexion – j’insiste sur ce point – sur le lien opérationnel entre la garde nationale et la réserve territoriale. Comment faire pour que l’accroissement de la réserve puisse, en se territorialisant, devenir une forme de réserve-garde nationale ? Telle est la question à laquelle le Président de la République me demande de réfléchir, à la suite des engagements qu’il a pris devant le Congrès. Je souhaite bien entendu que vous soyez, les uns et les autres, associés à cette réflexion. D’ores et déjà, l’amendement présenté par le Gouvernement permet une montée en puissance de notre capacité de réserve à l’horizon 2016.

Je voudrais aussi prendre note avec vous – Mme Demessine, comme d’autres orateurs, a soulevé cette difficulté – des contraintes qu’entraîne l’opération Sentinelle.

En effet, cette dernière a été mise en œuvre très rapidement, et les recrutements prévus ne produiront leurs effets qu’en 2016. L’année 2015 contribue pour moitié au recrutement supplémentaire destiné à la force opérationnelle terrestre, mais il faut le temps de recruter et de former les nouveaux personnels. En 2016, la deuxième phase permettra d’aboutir au résultat escompté.

L’année 2015 est donc particulièrement difficile pour les soldats engagés dans l’opération Sentinelle. J’ai pris des mesures d’accompagnement indispensables dans le domaine de l’hébergement, des primes et des décorations, et je vais souvent à la rencontre de nos soldats. Il est vrai que nous traversons une période de forte tension à la suite des tragédies que nous avons vécues, mais l’horizon va sensiblement se dégager grâce aux inflexions qui ont été apportées et aux recrutements qui sont en cours.

Je voudrais encore ajouter deux choses à propos de l’opération Sentinelle.

D’abord, notre pays compte une armée, et une seule. Il n’y aura pas une armée spécialisée dans les opérations intérieures et une autre spécialisée dans les opérations extérieures ; c’est le même ennemi, il sera combattu par la même armée, celle qui, aujourd’hui, intervient aussi bien dans les OPEX que dans les opérations intérieures. C’est un point majeur, et j’ajoute, comme je l’avais déjà annoncé au moment de l’actualisation de la loi de programmation militaire, qu’il nous faudra réfléchir ensemble au nouveau concept de « sécurité intérieure » et au lien qu’il entretient avec la sécurité extérieure.

Je serai amené à soumettre au Parlement, avant la fin du mois de janvier, des propositions qui nous permettront d’engager un débat sur ce point. Nous sommes confrontés à une nouvelle donne, nous avons fait le choix de la cohérence globale de l’action de nos forces armées sur les théâtres extérieurs comme sur le terrain intérieur, mais il convient de définir plus précisément le concept.

J’ajoute – ce point est peut-être passé un peu inaperçu à l’Assemblée nationale mercredi dernier – que le Premier ministre a décidé, à la demande du Président de la République, d’engager une réflexion commune sur l’articulation entre sécurité intérieure et sécurité extérieure. Cette réflexion, à laquelle chacun sera associé, permettra de définir plus précisément les concepts.

Nous avons donc une vraie question et une amorce de réponse, mais nous devons encore intensifier notre réflexion en vue d’aboutir, dès le début de l’année prochaine, à une élaboration conceptuelle plus forte.

À M. le rapporteur spécial, qui m’a interrogé à juste titre sur la validité et l’opérabilité de mes propos, je veux dire que les arbitrages budgétaires qui ont été rendus sont en tout point conformes aux engagements pris lors de l’actualisation de la loi de programmation militaire et lors du débat que nous avons eu, ici même, pour l’exercice de fin de gestion et le budget 2016.

Pour l’exercice de fin de gestion, tous les engagements que j’avais pris sont respectés, grâce au décret d’avance et au projet de loi de finances rectificative de fin d’année, parfaitement conforme à la volonté du Parlement.

S’agissant des OPEX, leur surcoût pour 2015, au-delà des 450 millions d’euros inscrits en loi de finances initiale, s’élève à 625 millions d’euros et, conformément à la loi de programmation militaire, ce montant sera intégralement couvert par le décret d’avance.

Quant aux dépenses de l’opération Sentinelle, dont plusieurs sénateurs se sont souciés, notamment MM. Gautier et Reiner, qui, sur ce sujet comme sur d’autres, font front commun, elles seront intégralement financées par le décret d’avance, pour un montant de 171 millions d’euros.

C’est un engagement que j’avais pris.

Par ailleurs, le ministère de la défense va « autoassurer », au sein de la mission « Défense », les dépassements de crédits de masse salariale, dus, notamment, aux déboires de Louvois. C’était un autre de mes engagements, et nous avons réussi à le mettre en œuvre en interne.

En ce qui concerne, toujours, le budget 2015, la suppression des ressources exceptionnelles se traduit par l’ouverture de crédits budgétaires propres, à hauteur de 2,144 milliards d’euros, dans le projet de loi de finances rectificative qui a été présenté en conseil des ministres au matin du vendredi 13 novembre dernier. S’y ajouteront les 57 millions d’euros de charges induites par le remboursement à l’État russe des deux bâtiments de projection et de commandement non livrés, ce qui rend l’opération parfaitement blanche, monsieur le rapporteur spécial.

Enfin, une annulation de 200 millions d’euros, répartie entre le décret d’avance et le projet de loi de finances rectificative, constituera la contribution de la mission « Défense » à la solidarité interministérielle de fin de gestion – vous avez soulevé cette aspérité. Ce montant sera presque intégralement compensé par la reprise, en 2015, de 187 millions d’euros d’intérêts financiers accumulés sur les comptes de l’Organisation conjointe de coopération en matière d'armement, l’OCCAr, si bien que l’annulation « nette », pour la mission « Défense », ne portera que sur 13 millions d’euros.

Mesdames, messieurs les sénateurs, avouez que l’ensemble présente, globalement, la forme d’une sanctuarisation de nos crédits !

M. Michel Sapin, ministre des finances et des comptes publics. C’est vrai !

M. Dominique de Legge, rapporteur spécial. C’est moins pire que cela n’a été…

M. Jean-Yves Le Drian, ministre. Je veux que les choses soient très claires sur ce point.

Le budget pour 2016 connaît, quant à lui, une augmentation de 600 millions d’euros, auxquels s’ajouteront 100 millions d’euros, si vous adoptez l’amendement que je vous présenterai tout à l'heure. Les crédits de la mission seraient alors portés à 32,1 milliards d’euros, ce qui constitue une progression significative.

J’ai déjà eu l’occasion de m’expliquer sur le coût des facteurs. Toutefois, je me tiens à votre disposition pour analyser leur évolution favorable et la réaffectation qui en découlera au profit des opérations d’armement à l’occasion d’une prochaine réunion de votre commission des affaires étrangères. Je n’entrerai pas maintenant dans le détail de ce dossier, mais sachez que la diminution du coût des facteurs sera bien au rendez-vous et nous permettra d’acquérir les équipements inscrits dans la loi actualisant la programmation militaire.

Je veux profiter du peu de temps qui me reste pour rassurer M. Gautier sur la question des drones : effectivement, nous avons engagé, avec l’Allemagne, puis avec l’Italie et, maintenant, avec l’Espagne – la Pologne manifestant à son tour beaucoup d’intérêt – une discussion extrêmement approfondie sur le drone Reaper de nouvelle génération à l’horizon 2025-2030, de manière à ne pas être dépendants de la technologie américaine, aussi performante soit-elle. Il serait tout à fait dommageable que l’Europe ne soit pas au rendez-vous sur ce dossier ! En tout état de cause, je peux vous dire que celui-ci avance bien et que je serai amené à signer, au premier semestre 2016, les études de définition du concept avec les industriels concernés.

J’ai également été interrogé sur l’A400M, le transport tactique et les discussions engagées avec Airbus à propos des trois avions qui doivent être livrés à la fin de l’année 2016 et des trois, déjà livrés, qui doivent être rétrofités. Disons, sur cette question très sensible, que nous avons des discussions « toniques » avec Airbus. M. Enders, avec lequel mes échanges sont directs, m’a écrit qu’Airbus devrait être en mesure de tenir l’engagement pris. J’espère que tel sera effectivement le cas.

Au reste, cela ne nous empêchera pas d’engager l’acquisition de quatre avions C130, pour compléter la flotte d’A400M disponibles. Nous discutons actuellement en interne du type de C130 qu’il nous faut acquérir. Quel que soit le choix qui sera fait au final – avion ultraperformant très récent ou avion d’occasion –, je peux vous assurer que nous serons au rendez-vous pour honorer le besoin existant en la matière.

Mme la présidente. Prenez le temps nécessaire, monsieur le ministre !

M. Jean-Yves Le Drian, ministre. Mais, madame la présidente, on ne m’a alloué qu’un temps de parole de vingt minutes, et je l’ai déjà presque épuisé !

Mme la présidente. La souplesse est possible !

M. Jean-Yves Le Drian, ministre. Vous connaissez la discipline militaire : quand on nous alloue un temps, on le respecte… (Sourires.) Et je ne voudrais pas faire attendre mon collègue Michel Sapin !

M. Roger Karoutchi. En plus, ce sera moins facile pour lui ! (Nouveaux sourires.)

M. Michel Bouvard. Il a beaucoup de choses à se reprocher ! (Mêmes mouvements.)

M. Jean-Yves Le Drian, ministre. Néanmoins, puisqu’il est possible de faire preuve d’un peu de souplesse, je veux en profiter pour porter à votre connaissance quelques éléments significatifs.

Tout d’abord, certains intervenants ont estimé que nous étions présents sur de trop nombreux théâtres d’opérations. Je ne peux pas les laisser dire, car j’estime que l’on ne se retire pas des théâtres sur lesquels on s’engage !

Aujourd'hui, nous participons à l’opération Barkhane ; je vois mal comment nous pourrions nous en retirer ! Nous prenons part à l’opération Chammal ; personne ne peut imaginer que nous puissions abandonner cette opération ! Nous sommes engagés dans l’opération Sangaris ; j’ai déjà indiqué ici que nous envisagions de réduire progressivement notre participation de manière très sensible, lorsque les conditions politiques auront été rétablies en Centrafrique.

De ce point de vue, dès lors que l’élection présidentielle est maintenant annoncée, qu’un calendrier a été défini et que les candidats sont en train de se manifester, il me semble que nous sommes engagés dans un processus vertueux, même si des tensions préoccupantes demeurent.

Nous avons estimé indispensable de rester présents en République centrafricaine pendant toute la période électorale, afin que l’autorité politique qui émergera des élections puisse être en situation d’assurer sa prise de fonctions dans les meilleures conditions.

Je rappelle, du reste, que nous nous sommes retirés d’autres théâtres. Je le dis aussi à l’attention de M. Perrin, qui s’interrogeait sur ce point. Ainsi, nous ne sommes plus engagés au Kosovo, et nous nous sommes retirés de l’opération Atalante, compte tenu de ses bons résultats. Nous intervenons au moment où notre présence est requise et, quand notre présence n’est plus indispensable, nous pouvons nous retirer.

À ceux qui m’ont interrogé sur ce point, je veux dire que la France a les moyens d’être en situation de répondre aux différents défis et aux différentes menaces auxquels elle fait face, conformément à son rang et à ses capacités et contrairement à ce que j’ai pu entendre ici ou là, notamment dans la bouche de Mme Demessine ou dans celle d’un ancien patron de l’École de guerre, qui ne semble aujourd'hui plus tellement aux prises avec l’actualité militaire immédiate (Mme la présidente de la commission des finances opine.) – il se reconnaîtra… (Sourires.)

Une inquiétude a été exprimée à propos de la participation européenne à notre effort. Sachez, mesdames, messieurs les sénateurs, que j’ai pris part, la semaine dernière, à Bruxelles, à la réunion des ministres de la défense de l’Union européenne. À la demande du Président de la République, j’ai sollicité l’application du 7 de l’article 42 du traité de Lisbonne, qui précise qu’un État membre victime d’une agression armée sur son territoire bénéficie de la solidarité de l’ensemble des autres États membres. Cette solidarité nous est acquise !

Je veux insister sur la participation de l’Allemagne, entre autres soutiens qui nous sont apportés. Cette participation, très récente, a fait l’objet de discussions entre le Président de la République et Mme Merkel. Pour ce qui me concerne, j’ai été plusieurs fois en contact cette semaine, jusqu’à ce matin, avec ma collègue Ursula von der Leyen, ministre de la défense de la République fédérale d’Allemagne. Notre voisin va soutenir la MINUSMA en envoyant 650 hommes au Mali, ce qui allégera d’autant la participation française. C’est un point très important. (Mme la présidente de la commission des finances approuve.)

Plus importante encore est sa participation sur le théâtre du Levant. D’une part, elle va mobiliser des avions de chasse de type Tornado pour effectuer des vols de reconnaissance en Irak et en Syrie. D’autre part, elle apportera un soutien dans le domaine du ravitaillement par la mise à disposition d’un A310 MRTT, un appui renforcé de conseil aux peshmergas du Kurdistan irakien et dépêchera une frégate d’accompagnement du porte-avions Charles-de-Gaulle dans le golfe arabo-persique à partir du début de l’année prochaine.

Mesdames, messieurs les sénateurs, mesurez-vous l’ampleur de ce que cela représente sur le plan politique en l’Allemagne ? Si la décision du Gouvernement allemand n’a pas encore été validée par le Bundestag, elle a été rendue publique hier soir ou ce matin (M. Michel Bouvard applaudit.), et nous avons eu l’occasion de dire que nous nous en réjouissions. (Mme Joëlle Garriaud-Maylam opine.)

Mesdames, messieurs les sénateurs, vous le voyez, des étapes importantes sont franchies. À l’heure où je vous parle, on trouve, autour du porte-avions Charles-de-Gaulle, en plus de notre propre frégate d’accompagnement et de notre navire ravitailleur de pétrole, une frégate belge et une frégate britannique, qui contribuent à la force que nous représentons.

Des évolutions très sensibles se manifestent. La décision du gouvernement allemand et la volonté, annoncée par le Premier ministre britannique David Cameron, de s’engager plus fortement dans le théâtre du Levant témoignent d’une prise de conscience européenne dont il faut se réjouir.

Je répondrai de manière plus détaillée à plusieurs questions techniques qui m’ont été posées à l’occasion d’une prochaine réunion de la commission des affaires étrangères.

Toutefois, je veux encore répondre à M. Lorgeoux sur la nécessité de la formation dans le domaine du renseignement, singulièrement dans le secteur de la cybersécurité. Je sais que cette question vous préoccupe beaucoup – moi aussi, du reste ! Comme vous le savez, j’ai annoncé un plan relatif à la cybersécurité il y a peu, avant même les événements tragiques du 13 novembre dernier.

Il est vrai que le ministère de la défense connaît un problème de recrutement et de qualification. Cela vaut également pour les grands groupes industriels, qui ont eux aussi besoin de compétences en matière de cybersécurité. À cet égard, je me réjouis que le nombre d’étudiants formés dans ce domaine dans le cadre du pôle d’excellence Cyber, que j’ai créé pour tenir compte des risques nouveaux, soit passé, en une seule année, de 2 000 à 2 800. Cela donne la mesure de l’intérêt que suscite ce secteur et des perspectives en la matière.

Enfin, Mme Demessine s’est interrogée sur le maintien en condition opérationnelle aéronautique, ou MCO aéronautique, sujet très compliqué, mais qu’il est tout à fait nécessaire d’aborder. Avant-hier, la réunion du conseil de surveillance du service industriel de l'aéronautique, le SIAé, a abouti à des décisions importantes, dont l’autorisation du recrutement d’ouvriers d’État. L’engagement que j’avais pris sur ce plan est donc tenu.

M. Jean-Yves Le Drian, ministre. Mesdames, messieurs les sénateurs, je terminerai par une simple observation : comme vous, je suis frappé, mais aussi ému et réconforté par la montée de l’élan patriotique que l’on constate depuis les attentats du 13 novembre. (Mme Joëlle Garriaud-Maylam opine.)

L’image de nos armées était déjà très positive ; elle ne l’avait même jamais été autant depuis de nombreuses années. Elle est maintenant vraiment très attractive.

Ainsi, ce sont en moyenne 1 500 jeunes, contre 500 avant les attentats, qui, chaque jour, sur l’ensemble du territoire national, entrent en contact avec l’armée de terre pour se renseigner sur les carrières qu’elle propose. Le chiffre a triplé ! Ce regain d’intérêt se vérifie aussi, dans des proportions à peu près identiques, pour les autres armées.

Cet élan patriotique est formidable. C’est celui d’une nouvelle génération, d’une génération qui croit en notre pays, qui considère qu’il faut se battre pour sa sécurité, qui est attaché à notre manière de vivre ensemble. Cet élan, je veux, en conclusion de mon propos, le saluer ! (Vifs applaudissements.)

défense

Défense
Dossier législatif : projet de loi de finances pour 2016
Engagements financiers de l'Etat - Compte de concours financiers : accords monétaires internationaux - Compte de concours financiers : avances à divers services de l'Etat ou organismes gérant des services publics - Compte d'affectation spéciale : participation de la France au désendettement de la Grèce - Compte d'affectation spéciale : participations financières de l'Etat

Mme la présidente. Nous allons procéder à l’examen des crédits de la mission « Défense », figurant à l’état B.

ÉTAT B

(En euros)

Mission

Autorisations d’engagement

Crédits de paiement

Défense

45 387 166 899

39 589 278 602

Environnement et prospective de la politique de défense

1 282 686 142

1 284 766 016

Préparation et emploi des forces

9 031 105 010

7 191 674 335

Soutien de la politique de la défense

21 459 934 680

21 159 919 557

Dont titre 2

19 132 708 271

19 132 708 271

Équipement des forces

13 613 441 067

9 952 918 694

Mme la présidente. L'amendement n° II-311, présenté par le Gouvernement, est ainsi libellé :

Modifier ainsi les crédits des programmes :

(En euros)

Programmes

Autorisations d’engagement

Crédits de paiement

+

-

+

-

Environnement et prospective de la politique de défense

13 000 000

6 500 000

Préparation et emploi des forces

152 000 000

85 500 000

Soutien de la politique de la défensedont titre 2

8 000 000

8 000 000

8 000 000

8 000 000

Équipement des forces

TOTAL

173 000 000

 

100 000 000

 

SOLDE

+173 000 000

+100 000 000

La parole est à M. le ministre.

M. Jean-Yves Le Drian, ministre. J’ai déjà évoqué, dans mon intervention, les engagements nouveaux dont je voulais proposer l’adoption au Parlement, à la suite des déclarations du Président de la République et des mesures que celui-ci a annoncées lors de son discours devant le Congrès.

Par cet amendement, il vous est proposé d’augmenter les crédits de paiement de 100 millions d’euros et les autorisations d’engagement, de 173 millions d’euros.

Ces ressources supplémentaires visent à couvrir les quatre besoins suivants : les munitions – c’est le besoin le plus important – ; le dispositif renforcé d’intervention lié à l’opération Sentinelle ; le renseignement, pour se doter des moyens techniques nécessaires à la mise en œuvre immédiate de la loi relative au renseignement ; le renforcement de la réserve opérationnelle.

Il s’agit de permettre la mise en œuvre immédiate, dès 2016, de l’ensemble de ces mesures.

Mme la présidente. Quel est l’avis de la commission ?

M. Dominique de Legge, rapporteur spécial. Cet amendement, que la commission n’a pu examiner que peu de temps avant le début de la séance, vise à modifier le projet de loi de finances initiale pour 2016, conformément aux annonces du Président de la République.

Par cet amendement, le Gouvernement nous demande d’allouer des crédits complémentaires à la mission « Défense », à l’instar de ceux que nous avons accordés, hier, à la mission « Justice ».

Le ministre a expliqué à l’instant les besoins que ces crédits sont destinés à couvrir.

Il s’agit tout d’abord de financer la reconstitution des stocks de munitions à la suite de l’intensification des frappes. J’avoue qu’il existe une subtilité que je n’ai pas encore bien saisie – mais que je vous promets d’examiner de plus près – sur le point de savoir ce qui, des stocks ou des flux, est éligible aux OPEX. Mais les opérations extérieures, ce sont aussi des dépenses de carburant ou de personnels, par exemple. Pourriez-vous, monsieur le ministre, nous faire un point sur les opérations actuellement en cours et le solde des OPEX pour 2015, eu égard à l’intensification des frappes ?

La question de la réserve, quant à elle, ne nous pose aucune difficulté.

M. Lorgeoux évoquait, voilà quelques instants, une baisse des crédits alloués au renseignement entre 2015 et 2016. Vous nous proposez, par cet amendement, de les réévaluer. Pourriez-vous nous apporter également quelques précisions sur ce sujet ?

Sous ces réserves, la commission des finances a émis un avis favorable sur cet amendement.

Mme la présidente. La parole est à M. le ministre.

M. Jean-Yves Le Drian, ministre. Monsieur le rapporteur spécial, vous m’interrogez tout d’abord sur la question des munitions. Il s’agit d’un débat technico-financier que nous pourrons poursuivre avec mon collègue Michel Sapin, dont les compétences sont grandes en ce domaine. (Sourires.)

Il se trouve que, juridiquement parlant, les flux de munitions sont éligibles aux OPEX, mais non les stocks.

M. Michel Sapin, ministre. Et quand il n’y a plus de stocks ? (Sourires.)

M. Jean-Yves Le Drian, ministre. Quand il n’y a plus de stocks, il n’y a plus de flux ! (Nouveaux sourires.)

Nos discussions inspireront peut-être aux chercheurs des sujets de thèse très pointus…

S’agissant du niveau des OPEX pour 2015, monsieur le rapporteur spécial, il me semble vous avoir répondu lors de mon intervention liminaire. Comme je vous l’ai indiqué, leur coût sera intégralement couvert par le décret d’avance.

Je ne peux faire aucun commentaire sur les outils techniques que les crédits supplémentaires que je vous demande de bien vouloir allouer au renseignement nous permettront de mettre en place. Ces détails relèvent du secret-défense. Je dirai simplement qu’il s’agit d’appliquer les dispositions techniques prévues dans la loi relative au renseignement afin de la rendre complètement opérationnelle.

Je souhaite préciser, notamment à M. Lorgeoux, que les crédits affectés au renseignement n’ont jamais diminué. Leur baisse apparente tient au changement de périmètre de ces services dont je vous propose, à travers cet amendement, de renforcer encore les moyens.

Nous n’avons cessé d’accroître les effectifs de nos services de renseignement, qui sont un outil de notre souveraineté. Il est indispensable de garantir et de poursuivre cet effort.

Un besoin en moyens techniques supplémentaires se fait sentir pour 2016. S’agissant des besoins en personnels, j’ai indiqué à quel rythme ils pourraient être pourvus dans le cadre de la loi de programmation militaire.

Mme la présidente. La parole est à M. le président de la commission des affaires étrangères.

M. Jean-Pierre Raffarin, président de la commission des affaires étrangères, de la défense et des forces armées. J’exprimerai d’abord un regret sur notre méthode de travail.

Si je comprends qu’il faille faire vite et que les règles de la discussion budgétaire nous obligent à des interventions courtes, je trouve que disposer de trois minutes seulement pour s’exprimer sur un sujet aussi important que celui des crédits du programme 146, ce n’est pas suffisant. (Applaudissements.)

MM. Christian Cambon et Yves Pozzo di Borgo. Très bien !

M. Jean-Pierre Raffarin, président de la commission des affaires étrangères. Le Parlement devrait revoir ses méthodes de travail. Nous sommes contraints de résumer nos travaux, alors que les circonstances actuelles devraient nous pousser à aller au fond des choses.

Cela étant dit, monsieur le ministre – et je sais que nous aurons l’occasion de poursuivre notre discussion en commission –, je voudrais vous dire pourquoi je vais voter avec conviction cet amendement.

D’abord, parce qu’il correspond aux engagements que vous avez pris. Nous avons entrepris un effort de redressement et, de rendez-vous en rendez-vous, tout se passe comme nous le souhaitons.

Mais surtout, parce que ce vote, que nous souhaitons le plus large, le plus massif possible, sera la vraie réponse à apporter aux terroristes. Ces derniers spéculent toujours sur la fragilité de la démocratie, sur nos divisions, sur nos incapacités – par moments – à décider.

Le Président de la République a fixé une orientation. La démocratie française, forte autour de ses institutions, forte autour de son État, forte autour de son Parlement, est capable de répondre massivement « oui » à cet effort de défense pour protéger la France et les Français.

Ce vote, qui nous satisfait sur le plan technique, exprime avant tout notre volonté, celle d’un pays qui veut se défendre avec cœur, avec courage dans le respect de ses institutions rassemblées. (Applaudissements.)

Mme la présidente. La parole est à Mme la présidente de la commission.

Mme Michèle André, présidente de la commission des finances. Je m’associe à tout ce qui s’est dit sur la qualité de notre défense, l’effort fourni et la façon dont la nation soutient à la fois ce que vous êtes, monsieur le ministre, et ce que vous représentez.

Je ne veux pas apporter de bémol et j’entends bien la problématique de la durée des interventions. Je veux simplement rappeler que nous devons examiner trente missions en vingt jours. Je comprends que le temps de parole alloué puisse ne pas sembler suffisant, mais nous avons dû faire des arbitrages et formuler des propositions. À notre grand regret, mon cher collègue et président de la commission des affaires étrangères, nous ne pouvons guère faire mieux.

Lorsque j’avais présenté l’organisation de la discussion budgétaire, en juillet dernier, lors de la conférence des présidents, j’avais indiqué combien ce serait difficile.

Les commissions, notamment la commission des finances, ont réalisé un travail remarquable. Nous vous avions d’ailleurs reçu, monsieur le ministre, avec grand plaisir au moment de l’examen de la loi de règlement.

Je sais que cela peut sembler difficile, mais accorder plus de temps aux orateurs nous emmènerait trop loin.

L’importance de ce vote se trouve non pas dans les temps de parole, monsieur le ministre, mais dans la façon dont vous allez être soutenu. Je pense que la quasi-totalité, sinon la totalité, des membres de cet hémicycle votera les crédits de cette mission. C’est historique.

Mme la présidente. Vous aurez noté, monsieur le président Raffarin, que j’ai laissé à M. le ministre tout le temps nécessaire pour s’exprimer, eu égard à l’importance du sujet.

M. Jean-Pierre Raffarin, président de la commission des affaires étrangères. Je vous en remercie, madame la présidente.

Mme la présidente. La parole est à Mme Leila Aïchi, pour explication de vote.

Mme Leila Aïchi. Monsieur le ministre, en toute responsabilité, nous voterons cet amendement.

Nous regrettons cependant que le Gouvernement n’ait pas dévolu davantage de moyens à l’opération Sentinelle et au renseignement.

Au regard des tristes événements du 13 novembre dernier, il semble clair que l’armée est plus à même de répondre aux défis d’une guerre asymétrique qui ne porte pas son nom.

Sous ces deux réserves, nous voterons cet amendement.

Mme la présidente. La parole est à Mme Nathalie Goulet, pour explication de vote.

Mme Nathalie Goulet. Le groupe UDI-UC avait majoritairement voté la loi de programmation militaire, ce qui avait permis de faciliter l’adoption de ce texte, sous la houlette du président Carrère, auquel je voudrais aussi rendre hommage. (M. Yves Pozzo di Borgo applaudit.)

L’ensemble de mon groupe votera cet amendement pour les raisons déjà invoquées par les précédents orateurs.

Mme la présidente. La parole est à M. Yves Pozzo di Borgo, pour explication de vote.

M. Yves Pozzo di Borgo. Nous sommes quelque peu frustrés de ces temps de parole écourtés et je m’associe à la remarque du président de la commission des affaires étrangères, ainsi qu’à celle de la présidente de la commission des finances.

Je voudrais juste évoquer deux chiffres : les exportations d’armement ont rapporté 15 milliards d’euros à la France en 2015. Savez-vous quelle est la part de l’armée dans cette somme ? Elle n’est que de 7,5 millions d’euros, au titre des prestations vendues, ainsi que l’a rappelé tout à l’heure Joël Guerriau ! La comparaison se passe de mots.

Il nous semble plus que jamais nécessaire de réfléchir à la façon dont l’armée pourrait bénéficier davantage de ces ventes d’armes. Si nous arrivions à gratter tout cela, peut-être pourrions-nous éviter, à l’avenir, d’avoir à adopter de tels amendements.

Mme la présidente. Je mets aux voix l'amendement n° II-311.

(L'amendement est adopté.)

Mme la présidente. Je constate que cet amendement a été voté à l’unanimité des présents.

Je suis saisie de deux amendements identiques.

L'amendement n° II-84 est présenté par MM. Trillard, Lorgeoux, J. Gautier, Reiner et Pintat, au nom de la commission des affaires étrangères.

L'amendement n° II-181 est présenté par M. Bouvard.

Ces deux amendements sont ainsi libellés :

Modifier ainsi les crédits des programmes :

(en euros)

Programmes

Autorisations d’engagement

Crédits de paiement

+

-

+

-

Environnement et prospective de la politique de défense

15 000 000

 

15 000 000

 

Préparation et emploi des forces

Soutien de la politique de la défensedont titre 2 

Équipement des forces

 

15 000 000

 

15 000 000

TOTAL 

15 000 000 

15 000 000 

15 000 000 

15 000 000 

SOLDE

0

0

La parole est à M. André Trillard, rapporteur pour avis, pour présenter l’amendement n° II-84.

M. André Trillard, rapporteur pour avis de la commission des affaires étrangères. La Cour des comptes s’est fait l’écho des difficultés bien connues que traverse actuellement l’Office national d’études et de recherches aérospatiales, l’ONERA, comme elle s’est fait l’écho de difficultés dans toutes les administrations.

La situation appelle non seulement des solutions à moyen terme, mais surtout la conclusion rapide d’un contrat d’objectifs et de performance.

Nous avons que la soufflerie de Modane est en danger et que le site de Châtillon n’est pas tout à fait aux normes de sécurité.

C'est la raison pour laquelle nous proposons de transférer 15 millions d’euros du programme 146 vers le programme 144.

Cet amendement nous permettra au moins d’entendre le ministre sur ce sujet. Peut-être a-t-il des solutions à nous proposer…

Mme la présidente. La parole est à M. Michel Bouvard, pour présenter l’amendement n° II-181.

M. Michel Bouvard. Eu égard au contexte actuel, je n’aurais pas déposé cet amendement si nous n’étions pas en situation de grande urgence.

Il faut, à l’évidence, que le contrat d’objectifs et de moyens soit négocié, que l’ONERA relève le challenge et que la direction générale de l’aviation civile apporte sa part au financement de l’ONERA, car il s’agit ici de recherche duale.

Je le répète, l’urgence est extrême. La soufflerie de Modane, dont l’intérêt stratégique est souligné par tous les constructeurs européens, est menacée par un affaissement des sols, qui s’est amplifié ces derniers temps. À terme, c’est la structure même du bâtiment qui pourrait être affectée.

Le coût de la reconstruction de cette soufflerie s’élèverait à 700 millions d’euros. Si nous n’intervenons pas rapidement, sa remise en état, quant à elle, peut coûter jusqu’à 300 millions d’euros.

La soufflerie de Modane est unique au monde. C’est la seule qui permette d’analyser des maquettes de missile en grandeur réelle ou des maquettes de gros avions à une taille raisonnable.

Il y a une vingtaine d’années, on considérait que le numérique pouvait tout faire. Puis on s’est aperçu que ces grandes souffleries gardaient toute leur utilité, puisqu’elles permettaient d’obtenir des résultats qu’on ne peut avoir qu’en situation réelle.

Monsieur le ministre, nous avons besoin d’une décision rapide. L’ONERA autofinance déjà 1,6 million d’euros, pour mener les études et trouver la solution technique, qui est complexe. Les travaux doivent être engagés en 2016, ce qui suppose que l’ONERA en ait les moyens budgétaires.

Il s’agit de sauvegarder un patrimoine de recherche scientifique incomparable au niveau mondial. Pour avoir été longtemps l’élu territorial de ce secteur, j’ai vu défiler à cet endroit tous les grands constructeurs mondiaux, toutes les équipes de recherche.

Mme la présidente. Quel est l’avis de la commission ?

M. Dominique de Legge, rapporteur spécial. Je rappelle que nous avons été alertés sur la situation de la soufflerie de Modane, qui est désormais bien connue. Je note que la subvention du ministère de la défense à l’ONERA augmente de 7 % cette année, ce qui constitue déjà un effort.

La position de la commission des finances, c’est la sanctuarisation des crédits de la défense.

Si l’ONERA a incontestablement une vocation militaire, il a également une vocation civile. Je ne verrais aucun inconvénient à ce que la direction générale de l’aviation civile participe au financement en question. J’observe simplement qu’elle ne subventionne plus l’ONERA.

J’ajoute que l’office est un EPIC, un établissement public à caractère industriel et commercial, qui a vocation à travailler avec le secteur public, mais aussi avec le secteur privé. En tant qu’EPIC, il est tout à fait à même d’avoir un plan de développement. La Cour des comptes l’a souligné elle-même, il faut éviter de lancer des investissements sans plan stratégique ni contrat d’objectifs. Je n’ai pas noté que l’ONERA disposait de ces deux outils.

Enfin, d’un strict point de vue budgétaire, l’ONERA dispose de biens immobiliers inutilisés dans les secteurs de Meudon et Châtillon, certains de mes collègues, notamment des Hauts-de-Seine, me l’ont rappelé. Il y a peut-être là une recette possible…

Pour toutes ces raisons, la commission des finances demande le retrait de ces amendements identiques, qui sont des amendements d’appel. À ce titre, ils seront, j’en suis sûr, entendus par M. le ministre.

S’ils n’étaient pas retirés, la commission se verrait contrainte d’émettre un avis défavorable.

Mme la présidente. Quel est l’avis du Gouvernement ?

M. Jean-Yves Le Drian, ministre. J’ai bien entendu les appels des sénateurs faisant état des difficultés de l’ONERA. Je les entends d’autant mieux qu’elles ont déjà été portées à ma connaissance au moment du débat qui s’est tenu à l’Assemblée nationale. Il y a vraiment un groupe qui soutient fortement l’ONERA ! Et je voudrais en faire partie !

Premier point, le ministère de la défense, contrairement à ce que j’ai pu lire ou entendre ici ou là – je ne parle pas de ce que vous venez de dire – ne laissera pas tomber l’ONERA. D’ailleurs, en 2015, nous avons ajouté 9 millions d’euros pour boucler le budget de l’office. Nous sommes donc tout à fait conscients de la situation.

Deuxième point, cette situation traduit un problème de fond, évoqué par le rapporteur spécial. Il convient en effet d’envisager avec l’ONERA une refondation de sa stratégie, qui permette aux industriels de s’investir davantage dans cet outil, qui n’est pas propre au ministère de la défense. Un contrat d’objectifs et de performance, que j’espère pouvoir valider, me sera ainsi présenté avant la fin de cette année.

Troisième point, concernant la soufflerie, qui est un sujet dans le sujet, je comprends vos préoccupations. Des mesures urgentes ont été prises par l’ONERA et un plan de rénovation pour les années 2016-2017, que je vais étudier avec beaucoup d’attention, est en cours d’élaboration. Il entrera dans le cadre du contrat d’objectifs que je viens d’évoquer.

Je suis défavorable à ces amendements identiques. J’espère toutefois avoir apporté les réponses nécessaires.

Mme la présidente. L’amendement n° II-84 est-il maintenu, monsieur Trillard ?

M. André Trillard, rapporteur pour avis de la commission des affaires étrangères. M. le ministre a toutes les cartes en main pour mener une telle opération. Je ne voudrais pas être amené à déposer un nouvel amendement sur le même sujet l’an prochain. Je lui fais donc confiance pour analyser rapidement la direction à prendre. Certaines solutions ont été avancées. Il est possible que les industriels préfèrent payer les brevets à la valeur qu’ils ont plutôt que la recherche. (M. Jacques Gautier applaudit.)

Quoi qu’il en soit, je retire l’amendement n° II-84.

Mme la présidente. L’amendement n° II-84 est retiré.

L’amendement n° II-181 est-il maintenu, monsieur Bouvard ?

M. Michel Bouvard. Je partage l’analyse de M. le rapporteur spécial. Les travaux de la Cour vont dans le bon sens. J’ai entendu le ministre affirmer qu’il y avait « un sujet dans le sujet » et que des décisions pourront être prises s’agissant de la soufflerie S1, dans le cadre d’un contrat d’objectifs et de performance, qui est nécessaire et à propos duquel le Gouvernement est légitimement exigeant.

Je retire l’amendement n° II-181.

Mme la présidente. L’amendement n° II-181 est retiré.

Nous allons procéder au vote des crédits de la mission « Défense », figurant à l’état B.

Je n’ai été saisie d’aucune demande d’explication de vote avant l’expiration du délai limite.

Je mets aux voix les crédits, modifiés.

(Ces crédits sont adoptés.)  (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste et républicain, du groupe écologiste, de l'UDI-UC et du groupe Les Républicains.)

Etat B
Dossier législatif : projet de loi de finances pour 2016
Etat D

Mme la présidente. Nous avons achevé l’examen des crédits de la mission « Défense ».

Engagements financiers de l’État

Compte de concours financiers : Accords monétaires internationaux

Compte de concours financiers : Avances à divers services de l’État ou organismes gérant des services publics

Compte d’affectation spéciale : Participation de la France au désendettement de la Grèce

Compte d’affectation spéciale : Participations financières de l’État

Mme la présidente. Le Sénat va examiner les crédits de la mission « Engagements financiers de l’État », des comptes de concours financiers « Accords monétaires internationaux » et « Avances à divers services de l’État ou organismes gérant des services publics », ainsi que des comptes d’affectation spéciale « Participation de la France au désendettement de la Grèce » et « Participations financières de l’État ».

La parole est à M. Serge Dassault, rapporteur spécial.

M. Serge Dassault, rapporteur spécial de la commission des finances. Madame la présidente, monsieur le ministre, mes chers collègues, en tant que rapporteur spécial de la mission « Engagements financiers de l’État », je vais vous faire part de mes observations sur la situation de nos finances publiques, avant de formuler un certain nombre de propositions qui permettraient de contribuer à une véritable amélioration de notre situation économique et budgétaire. En réalité, cette dernière n’est pas aussi brillante qu’on le souhaiterait ou qu’on le dit.

Le Gouvernement prévoit en effet une croissance de 1,1 % pour 2015 et de 1,6 % pour 2016. Si le Haut Conseil des finances publiques estime, dans son avis rendu le 30 septembre dernier, que l’objectif du Gouvernement est crédible pour 2015, il considère en revanche que, « compte tenu de l’accroissement des incertitudes depuis l’été, […] l’hypothèse d’une croissance de 1,5 % en 2016 ne peut plus être qualifiée de “prudente” ».

Si le Gouvernement doit à juste titre augmenter le financement de notre sécurité, rien ne l’empêche de faire aussi des économies, en arrêtant de financer des dépenses de fonctionnement par des emprunts. Je pense notamment aux aides supposées inciter les chômeurs à travailler et qui ne servent malheureusement à rien.

Le 18 septembre 2015, l’agence de notation Moody’s a procédé à une nouvelle dégradation de la note de la dette française. Elle s’est ainsi alignée sur les autres agences, qui avaient dégradé la note de la France au dernier trimestre 2014. La prochaine baisse risque de décourager nos investisseurs et de déclencher une augmentation des taux d’intérêt exigés par eux, ce qui serait dramatique, car cela pourrait nous mettre en cessation de paiement. Ce n’est pas sûr, mais il faudrait se préparer à une telle hypothèse, ce que l’on ne fait pas. Or nous sommes sous haute surveillance !

Les principales raisons de notre manque de croissance résident dans notre système fiscal. L’ISF, des prélèvements sociaux sur les dividendes de 15,5 % et un impôt sur le revenu dont le taux maximum atteint 45 % conduisent à une imposition totale de plus de 65 %, ce qui provoque le départ de nos investisseurs, nous privant ainsi de toute croissance.

En maintenant dans le même temps toute leur confiance à l’Allemagne, qui bénéficie auprès de chacune des agences de notation de la note triple A, les agences de notation ont clairement marqué tout l’écart qui sépare aux yeux des investisseurs un pays capable de dégager un excédent budgétaire, parce qu’il a fait les économies nécessaires, d’un pays comme le nôtre ou plutôt d’un gouvernement comme le nôtre, qui continue de créer de nouvelles dépenses, sans faire de réelles économies de fonctionnement.

Certes, il faut que les riches paient plus, comme vous le dites, monsieur le ministre, mais il y a une limite au-delà de laquelle ils ne paieront plus rien, car ils partiront, excédés, investir ailleurs.

L’impôt sur le revenu, dont 80 % est payé par seulement 20 % des contribuables, est un suicide collectif. Trop d’impôt tue l’impôt ! Ce sont les pays où la pression fiscale est la plus faible qui sont les plus riches. Tous les contribuables devraient payer un impôt, même minime.

Notre besoin de financement en 2016 atteindra 200,2 milliards d’euros : le déficit budgétaire sera de 73 milliards d’euros et les emprunts arrivant à échéance en 2016 devront être remboursés, à hauteur de 127 milliards d’euros.

Je le rappelle, financer les échéances d’un emprunt par un autre emprunt est rigoureusement interdit pour les entreprises et les collectivités locales. Cela relève de la faillite.

Selon le projet annuel de performances pour 2016, l’encours de la dette de l’État passera, au sens du traité de Maastricht, de 1 584,6 milliards d’euros à la fin de l’année 2015 à 1 647,1 milliards d’euros à la fin de 2016, soit une augmentation de 3,9 %.

La charge de la dette, qui représente 44,5 milliards d’euros – elle est en hausse de 2,1 milliards d’euros par rapport à 2015 –, pèsera très lourd dans le budget.

Cette situation exceptionnelle, qui nous permet de ne pas voir augmenter, pour le moment, la charge de notre dette, est due aux taux d’intérêt dont nous profitons actuellement. Le directeur général de l’Agence France Trésor, que j’ai auditionné, prévoit cependant que les taux à dix ans peuvent augmenter progressivement dans les mois qui viennent. Ils pourraient atteindre 1,4 % fin 2015, puis 2,4 % fin 2016, en lien avec l’amélioration de la conjoncture économique aux États-Unis et en Europe, mais malheureusement pas en France.

Toutefois, je dois vous signaler que j’ai auditionné avec l’Agence France Trésor dix-huit banques souhaitant participer au financement de notre dette pour les prochaines années. Elles ne craignent pas, pour le moment, une augmentation de nos taux d’intérêt, il faut le signaler. Toutefois, cela pourrait ne pas durer.

Enfin, pour nous permettre de réduire le chômage et améliorer notre croissance, je vous propose – j’espère que vous m’écouterez ! – de mettre en place la flexibilité de l’emploi, avec des contrats de mission ou de chantier. En effet, vous n’arriverez jamais à inverser la courbe du chômage avec les emplois d’avenir, qui ne sont pas d’avenir, ou les emplois aidés, qui ne sont pas aidés.

Cela ne sert à rien ! Les entreprises doivent pouvoir licencier le personnel qu’elles ont embauché si elles n’ont plus de travail à leur fournir. Ce n’est pas en conservant le CDI que vous résoudrez un jour le problème du chômage, au contraire ! D’ailleurs, il ne cesse d’augmenter.

Deuxièmement, je propose de mettre en place un nouveau système fiscal, articulé autour d’une flat tax à trois ou quatre taux, 5, 10, 20, 30 %, tous les contribuables étant imposables. C’est indispensable ! Le taux maximum tout compris ne doit pas excéder 30 % : c’est le seul moyen susceptible de relancer la croissance et d’augmenter nos recettes fiscales, les investissements et l’emploi.

La croissance n’augmentera pas tant que vous ne baisserez pas les impôts des plus riches ! C’est ainsi : ce sont non pas les plus pauvres, mais les plus riches, qui font la croissance, parce que ce sont eux qui investissent ! Et si vous persistez à imposer excessivement les plus riches, ils partiront, et la croissance avec eux. Il ne faut pas rêver !

Je propose enfin de supprimer les lois fixant la durée légale du temps de travail à 35 heures hebdomadaires, afin d’améliorer la compétitivité de toutes nos entreprises. Ces mesures grèvent chaque année notre budget de 21 milliards d’euros !

Chers collègues, permettez-moi de préciser que ces réformes ne sont ni de droite ni de gauche,…

M. André Gattolin. Elles sont d’extrême gauche ! (Sourires.)

M. Daniel Raoul. Parfait !

M. Serge Dassault, rapporteur spécial. … mais relèvent simplement du bon sens. (Exclamations ironiques sur les travées du groupe socialiste et républicain, du groupe écologiste et du groupe CRC.)

Mme la présidente. Il faut conclure, monsieur le rapporteur spécial.

M. Serge Dassault, rapporteur spécial. Elles fonctionnent partout où elles sont appliquées. Je les propose uniquement dans l’intérêt de la France et de tous les Français.

Tant qu’un gouvernement, de droite ou de gauche, ne les appliquera pas, nous continuerons à nous enfoncer dans le déclin économique et social.

En conclusion, je vous propose d’adopter les crédits de cette mission – ils l’ont été, à l’unanimité, par la commission des finances. La France doit en effet respecter ses engagements à l’égard de ses créanciers, ce qu’elle reste, pour le moment, en position de faire. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains.)

M. Michel Sapin, ministre des finances et des comptes publics. Je vous remercie pour cette dernière phrase !

Mme la présidente. La parole est à M. Maurice Vincent, rapporteur spécial.

M. Maurice Vincent, rapporteur spécial de la commission des finances pour les participations financières de l’État. Madame la présidente, madame la présidente de la commission des finances, monsieur le ministre, mes chers collègues, cette discussion est l’occasion d’assurer le contrôle budgétaire de la gestion des participations financières de l’État, qui représentent un total d’environ 110 milliards d’euros pour 77 entreprises.

Je rappelle que ce portefeuille de l’État actionnaire est fortement marqué par le poids du secteur énergétique, qui en représente plus de la moitié, avec des entreprises comme EDF, Engie, Areva. Les autres secteurs importants sont les transports – nous avons beaucoup parlé d’Air France-KLM, mais aussi d’Aéroports de Paris, ces derniers temps –, la défense, l’automobile, la finance, les services.

Depuis quatre ans, le Gouvernement a affirmé le principe d’une gestion active de ce portefeuille, ce qui est à mon sens une excellente chose.

Je voudrais toutefois souligner la complexité de cette gestion active, liée à la coexistence de plusieurs logiques.

Une logique financière, d’abord : il s’agit d’optimiser la valeur du portefeuille de l’État tout en s’efforçant de ne pas remettre en cause son rendement, qui oscille entre 3 et 5 milliards d’euros de dividendes chaque année au bénéfice du budget général.

Une logique industrielle, ensuite, renforcée par la loi du 29 mars 2014 visant à reconquérir l’économie réelle, dite « loi Florange », instaurant le principe du droit de vote double pour les investisseurs de long terme – j’y reviendrai dans un instant.

Une logique de souveraineté nationale, enfin, puisque plusieurs entreprises des secteurs de l’énergie, notamment nucléaire, et de la défense sont concernées.

Je vous livre quelques éléments concernant les principaux événements de l’année 2015. J’en ai retenu quatre.

Tout d’abord, l’État a cédé pour 2,8 milliards d’euros d’actifs, ce qui est inférieur aux prévisions de la loi de finances initiale, qui s’élevaient à 5 milliards d’euros. Les principales opérations de vente ont concerné Safran, Engie et l’ouverture du capital de l’aéroport de Toulouse-Blagnac.

Deuxièmement, l’État a fait l’acquisition de titres Renault pour 1,258 milliard d’euros, et de titres Air France-KLM pour 42 millions d’euros.

Dans les deux cas, il s’agit d’acquisitions temporaires permettant à l’État d’assurer la mise en œuvre, dans les conseils d’administration, du dispositif du droit de vote double. Un certain nombre de débats se poursuivent à propos de Renault ; quoi qu’il en soit, cette décision a permis à l’État de garantir sa capacité d’action et d’influence s’agissant du redressement de cette grande entreprise, qui est, en partie grâce à son intervention, en cours depuis quelques années.

Troisièmement, les importantes difficultés financières et stratégiques d’Areva vont conduire, dans les mois qui viennent, à une refonte de la filière nucléaire et, probablement, à une recapitalisation par l’État qui serait de l’ordre de 3 milliards d’euros – M. le ministre pourra sur ce point nous donner quelques précisions.

Il s’agit d’une restructuration difficile, qui fait suite à des problèmes de gestion considérables. La recapitalisation serait en effet assortie d’une division en deux de ce grand groupe, elle-même liée à l’acquisition partielle, à hauteur de plusieurs milliards d’euros, par EDF, de la partie de l’entreprise dédiée à la fabrication des réacteurs.

Je retiens enfin – il est bon de l’avoir en tête – le soutien au développement d’une pépite de haute technologie, le LFB, Laboratoire français du fractionnement et des biotechnologies, grâce à l’action de l’APE, l’Agence des participations de l’État, et par le biais d’une augmentation de capital souscrite par la BPI, la Banque publique d’investissement.

Il s’agit d’un réel succès : plus de 500 emplois vont être créés dans le nord de la France pour favoriser le développement de ce laboratoire spécialisé dans un domaine de haute technologie promis, selon toute probabilité, à un essor important.

Pour 2016 sont inscrits, de façon prévisionnelle, 5 milliards d’euros de recettes tirées de la cession des titres de l’État – cette prévision est évidemment aléatoire, puisque sa concrétisation dépendra de la situation du marché, par définition imprévisible.

Comme le veut l’usage, sur ce total, 2 milliards d’euros ont vocation à être affectés au compte du désendettement de notre pays.

Parmi les recettes d’ores et déjà annoncées, je mentionnerai les cessions de participations majoritaires détenues par l’État au capital des sociétés de gestion des aéroports de Nice et de Lyon.

Un point, monsieur le ministre, reste également à éclaircir : il concerne l’attitude de l’État dans le dossier Alstom, sachant que des annonces ont été faites sur l’acquisition probable de titres. Elles méritent peut-être quelques explications.

Je conclurai en soulignant les succès réels de cette politique de gestion des participations de l’État, mais également en rappelant que, compte tenu de l’importance budgétaire de ce compte d’affectation spéciale, des questions restent en suspens, relatives notamment à la capacité de ce compte à contribuer, en 2016, au désendettement de l’État. (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste et républicain et du groupe écologiste.)

Mme la présidente. La parole est à M. Philippe Leroy, en remplacement de M. Alain Chatillon, rapporteur pour avis de la commission des affaires économiques.

M. Philippe Leroy, en remplacement de M. Alain Chatillon, rapporteur pour avis de la commission des affaires économiques, pour les participations financières de l’État. Madame la présidente, monsieur le ministre, mes chers collègues, j’interviens au nom de notre collègue Alain Chatillon sur le compte d’affectation spéciale « Participations financières de l’État ». Je le remplace avec d’autant plus de plaisir que je partage les points de vue qu’il exprime, qui font écho, d’ailleurs, aux observations de notre collègue Maurice Vincent.

Alain Chatillon souligne en premier lieu que l’année écoulée atteste de progrès incontestables dans la gestion du portefeuille de l’État.

L’État a utilisé à plusieurs reprises les possibilités ouvertes par la « loi Florange » sur le droit de vote double afin de peser davantage sur les orientations d’entreprises stratégiques, sans avoir pour autant à engager des ressources financières nouvelles. Optimiser l’influence en minimisant les besoins en capital : cette approche est nécessaire en période de maîtrise budgétaire.

Alain Chatillon appelle cependant à insuffler davantage d’audace et de réalisme dans la gestion du portefeuille de l’État.

Pour cela, il propose d’ouvrir effectivement – cet adverbe a toute son importance – l’accès aux postes d’administrateurs, dans les conseils d’administration des entreprises dont l’État est actionnaire, à des personnalités expertes et reconnues du monde de l’entreprise et de l’économie. Elles apporteront plus de pragmatisme, mais aussi plus d’imagination, que certains administrateurs actuels.

Les errements de la gestion d’un fleuron industriel tel qu’Areva montrent en effet que l’intelligence économique et industrielle n’a pas toujours été parfaitement au rendez-vous dans le pilotage des participations de l’État.

M. André Gattolin. Certes non !

M. Philippe Leroy, rapporteur pour avis de la commission des affaires économiques. Alain Chatillon souhaite également que l’État privilégie des acquisitions plus offensives, donnant la priorité à des prises de participation dans des entreprises à fort potentiel de croissance, d’innovation et d’emploi.

De ce point de vue, la mobilisation de quelque 2 milliards d’euros pour entrer au capital d’Alstom serait probablement une erreur. Un tel investissement n’améliorera pas la situation ni les perspectives économiques de notre pays.

A contrario, investir cette somme dans des ETI, des entreprises de taille intermédiaire, produirait des effets sensibles, notamment pour l’emploi.

Le dernier point sur lequel notre rapporteur pour avis souhaite attirer notre attention concerne le choix de réduire l’endettement public en utilisant le produit des cessions de titres.

Il s’agit apparemment d’une bonne idée. Ce choix est cependant absurde d’un point de vue économique. Compte tenu du différentiel entre la charge annuelle de la dette et le taux de rémunération relativement élevé des participations de l’État, il serait financièrement plus profitable de se désendetter en utilisant les dividendes générés par les participations plutôt qu’en cédant celles-ci.

M. Daniel Raoul. C’est du bon sens !

M. Philippe Leroy, rapporteur pour avis de la commission des affaires économiques. Fidèle à l’avis de son rapporteur pour avis, la commission des affaires économiques a émis un avis de sagesse sur le vote des crédits du compte d’affectation spéciale « Participations financières de l’État ». (Mme Catherine Procaccia applaudit.)

Mme la présidente. Je vous rappelle que le temps de parole attribué à chaque groupe pour chaque discussion comprend le temps d’intervention générale et celui de l’explication de vote.

Par ailleurs, le Gouvernement dispose au total de dix minutes pour intervenir.

M. Michel Sapin, ministre. Discipline militaire ! (Sourires.)

Mme la présidente. Nous allons tâcher de nous y tenir !

La parole est à Mme Nathalie Goulet.

Mme Nathalie Goulet. Madame la présidente, monsieur le ministre, mes chers collègues, on ne peut pas faire grand-chose en quatre minutes, sinon faire acte de témoignage.

Je me contenterai de dire que je trouve absolument formidable, pour ne pas dire très insatisfaisant, le sort réservé à cette mission et à ces comptes spéciaux.

Le portefeuille financier géré par l’Agence des participations de l’État est pourtant évalué à 110 milliards d’euros, soit l’un des postes les plus importants du patrimoine des administrations publiques françaises, et presque trois fois le budget de la défense que nous venons d’examiner !

Ces participations sont réparties dans des entreprises qui comptent au total 1791 millions de salariés, avec, d’ailleurs, un taux de féminisation de 31 %. Quant au budget de la mission « Engagements financiers de l’État », il s’élève à 45 milliards d’euros !

Les participations de l’État sont en définitive devenues une « recette de poche », comme le disait notre excellent collègue Jean Arthuis.

En 2015, des titres de participation ont été cédés pour 2,8 milliards d’euros, contre 1,69 milliard d’euros seulement d’acquisitions : la gestion du portefeuille de l’État semble avoir eu pour objectif principal de dégager un peu moins de 1,2 milliard d’euros de recettes ponctuelles.

Il fut un temps où l’État actionnaire était schizophrène, puisque les entreprises dans lesquelles l’État détenait une participation recherchaient l’optimisation fiscale – Éric Bocquet et moi-même l’avions relevé à l’occasion de la commission d’enquête sur l’évasion fiscale dont nous avons assuré le suivi.

Je sais, monsieur le ministre, que vous y avez mis bon ordre. L’exemple doit néanmoins venir d’en haut : l’État étant lui-même actionnaire, il faut s’assurer, à tout le moins, de l’intelligibilité des mesures d’optimisation fiscale qu’il met en œuvre. C’est le minimum que nous devons à nos concitoyens et à l’ensemble des contribuables.

L’État actionnaire, c’est aussi le réacteur pressurisé européen, ou EPR, qui, depuis une quinzaine d’années, est attendu comme le messie de l’industrie nucléaire, et qui semble finalement rencontrer quelques difficultés. On parle de 4 milliards d’euros de pertes.

Air France, ainsi qu’Areva, évidemment, connaissent également un certain nombre de difficultés, qui doivent nous conduire à nous interroger, de façon constructive et non négative, sur l’action de l’Agence des participations de l’État, son contrôle, ses limites.

Je ne fais malheureusement pas partie, pour le moment, de la commission des finances ; je ne suis que membre de la commission des affaires étrangères.

Il n’empêche que la lecture régulière du jaune budgétaire concernant cette mission est un émerveillement continu : je me demande toujours comment l’État, dans ce véritable Monopoly, peut parvenir à agir en assurant la prévisibilité et, du moins, le contrôle de ses opérations. C’est la possibilité du contrôle qui m’interpelle, compte tenu de la diversité des secteurs dans lesquels l’État intervient.

Dans la minute qui me reste, monsieur le ministre, et, comme d’habitude, en oubliant de m’en tenir à mon texte, je me dis qu’il serait sans doute extrêmement intéressant de savoir comment fonctionnent nos voisins européens en matière de participations de l’État dans les entreprises publiques.

J’ai, pour ma part, le souvenir des Chantiers de l’Atlantique pour lesquels la participation de l’État a représenté une bouée de secours absolument nécessaire. Mais sur les questions d’armement – dont nous avons parlé et dont nous reparlerons, car, vous le savez, le fait que la France soit le plus grand marchand d’armes du monde interpelle –, il me semble que si nous comparions le mode de fonctionnement de l’État français actionnaire et celui de nos amis européens sur le sujet, nous aurions alors probablement de grands motifs de satisfaction quant à la façon dont l’Agence pour les participations de l’État est gérée. Bien sûr, sans point de comparaison, ce sera plus difficile, car, effectivement, nous manquons d’éléments d’information à ce sujet.

Je conclurai, monsieur le ministre, en vous indiquant que l’ensemble du groupe de l’UDI-UC votera ce budget.

Mme la présidente. La parole est à Mme Marie-France Beaufils.

Mme Marie-France Beaufils. Madame la présidente, monsieur le ministre, mes chers collègues, compte tenu du temps qui m’est imparti, je m’attarderai simplement sur la question de la dette publique.

Depuis plusieurs années déjà, elle nous est présentée à la fois comme un épouvantail qui signerait nos errements de gestion ou notre absence de réforme structurelle, et comme une obligation qui doit guider la politique budgétaire.

Pour une raison que nous ignorons toujours, il fut un temps posé que les pays de l’Union européenne devaient respecter un certain nombre de critères dits « de convergence », notamment en termes de rapport de la dette publique au produit intérieur brut – ce qui n’a scientifiquement aucun sens –, de proportion de déficit public au regard du PIB ou encore de niveau des taux d’intérêt.

Dans le cas de notre pays, si nous avons une dette publique proche des 100 % du PIB, nous sommes, en revanche, dans le peloton de tête du point de vue des taux d’intérêt.

Constituée de quatre éléments différents, la dette de l’État, principal poste de la dette publique, a connu une expansion réelle ces dernières années, même si elle s’est ralentie depuis 2012, après des années de hausse ininterrompue. Mais les intérêts s’avèrent de moins en moins pesants.

Ainsi, notre pays émet pour le moment des titres de court terme à un taux négatif, notamment pour les bons du Trésor, qui lui permettent de payer le quotidien des affaires publiques.

Le taux moyen de la dette publique française à dix ans est d’environ 1 %, ce qui signifie qu’il est devenu « supportable » au regard de la progression du PIB, qui lui est supérieure.

Pour ceux qui s’interrogent, rappelons que nous remboursons notre dette comme n’importe quel pays et que, pour ce faire, nous procédons à l’amortissement de la dette existante par émission de nouveaux titres : 60 % de ceux qui seront émis en 2016 serviront ainsi à consolider et à amortir la dette existante arrivant à maturité. Cela signifie également que la qualité de la signature France est assez reconnue pour que les marchés financiers y consacrent encore 120 milliards d’euros !

Le processus est le même pour la Caisse d’amortissement de la dette sociale, la CADES, qui refinance la dette sociale en réalisant notamment des emprunts en devises, tandis que la dette locale présente d’autres caractéristiques.

Nous pouvons toujours estimer que le service de la dette publique s’avère bien trop élevé ; les 45 milliards d’euros qui y sont consacrés pourraient, en effet, trouver d’autres utilisations plus pertinentes. Le poids des remboursements ne peut se faire qu’au regard des besoins de la collectivité et de l’intervention publique au cœur de la société.

Le vecteur principal de la dette est, bien évidemment, le déficit budgétaire, mais c’est surtout, nous semble-t-il, l’accumulation des incitations fiscales et sociales qui, en bien des domaines, fait office de politique publique et qui est à la source de ce déficit.

Quand nous remboursons aux entreprises 15 milliards d’euros au titre du crédit d’impôt pour la compétitivité et l’emploi, le CICE, cela signifie qu’il nous faut souscrire 3 milliards d’euros de titres de dette de plus pour payer.

Quand nous remboursons 5,5 milliards d’euros de crédit impôt recherche, il nous faut, là encore, emprunter plus de 1 milliard d’euros.

La même analyse pourrait porter sur les allégements fiscaux, les exonérations ou allégements dégressifs de cotisations sociales, outils bien trop sollicités, nous semble-t-il, aujourd’hui pour les politiques publiques.

Réduire la dette publique ne passera pas par la cession massive d’éléments de patrimoine. Il n’y en aura, de toute manière, pas suffisamment pour cela. Cela passera bel et bien par une remise en cause de choix fiscaux, politiques et budgétaires qui n’ont pas permis à notre pays de retrouver la voie de la croissance, sinon celle de son endettement !

Voilà pourquoi notre groupe votera majoritairement contre ces crédits. (Applaudissements sur les travées du groupe CRC.)

Mme la présidente. La parole est à M. André Gattolin.

M. André Gattolin. Madame la présidente, monsieur le ministre, mes chers collègues, il me semble important d’évoquer ici la politique actionnariale de l’État, tant certains choix qui y président ont de quoi surprendre.

Comme l’a rappelé Maurice Vincent, notre rapporteur spécial, l’État est très exposé à l’évolution du secteur énergétique, qui constitue plus de 60 % de son patrimoine coté.

EDF, dont le cours de l’action a baissé d’environ un tiers en six mois, en représente à elle seule 43 %. C’est à cette aune qu’il convient d’apprécier l’effondrement d’Areva.

Ses causes sont multiples.

D’abord, à la suite de Fukushima, les nouvelles normes de sécurité induisent de considérables surcoûts, tandis que la demande baisse.

Ensuite, l’opacité de la gouvernance de l’entreprise, l’omnipotence de son directoire, les carences et contradictions des représentants de l’État ont permis des décisions désastreuses, comme le fiasco de l’EPR de Finlande ou les investissements hasardeux, sinon frauduleux, dans des mines sans minerai.

Enfin, alors qu’EDF va investir plus de 1 milliard d’euros dans l’activité « réacteur » d’Areva NP, on est incapable de trouver, par ailleurs, les 25 millions d’euros qui permettraient de préserver Nexcis, sa prometteuse filiale dédiée au photovoltaïque.

Mitsubishi devrait également entrer au capital d’Areva NP pour continuer à développer le réacteur franco-japonais ATMEA, concurrent direct d’un EPR qui ne s’exporte déjà pas.

Ensuite, ce qui reste d’Areva sera, vraisemblablement, repris en partie par la China National Nuclear Corporation. Ce groupe, il faut le savoir, constitue le cœur du complexe militaro-industriel chinois, et c’est à lui que nous allons donc donner les dernières clés d’une filière hautement stratégique.

Enfin, pour compléter le tour de table, le Gouvernement va recapitaliser l’entreprise à hauteur d’environ 3 milliards d’euros, en soldant notre patrimoine et nos infrastructures, par exemple l’aéroport de Toulouse-Blagnac, pourtant crucial pour Airbus.

Qui peut sérieusement prétendre qu’Areva constitue un investissement d’avenir, que ces choix d’alliances répondent à une logique industrielle et stratégique ?

Même face à l’échec avéré, à la faillite patente, l’impéritie gestionnaire d’une industrie nucléaire qui, depuis des décennies, vampirise l’État le dispute aujourd’hui à l’aveuglement politique face aux nouvelles réalités énergétiques.

Au-delà des problèmes de gouvernance, il faut désormais avoir le courage de prendre acte de l’obsolescence de nos orientations technologiques en matière de nucléaire. Si le risque d’accident, la pollution des déchets et la dépendance géostratégique ne convainquent pas, l’argument économique devrait pouvoir suffire.

L’électricité produite par certaines énergies renouvelables est, aujourd’hui, d’un coût moindre que l’électricité issue de l’EPR. Encore faudrait-il pour cela ne pas délaisser la filière des énergies renouvelables au profit d’une filière dépassée.

Areva pourrait alors s’approprier le colossal marché du démantèlement, assurément plus promoteur en termes d’emplois que la politique actuelle qui planifie 3 000 suppressions de postes d’ici à 2017.

Face à l’effondrement programmé de notre industrie nucléaire, je crois qu’un sursaut politique est aujourd’hui nécessaire. (Mme Nathalie Goulet applaudit.)

Mme la présidente. La parole est à M. Francis Delattre.

M. Francis Delattre. La mission « Engagements financiers de l’État » regroupe cinq programmes, dont le programme 117 « Charge de la dette et trésorerie de l’État », qui concentre en réalité l’essentiel des crédits dévolus et inscrits à la mission.

À la phrase, désormais historique, selon laquelle « le pacte de sécurité l’emporte sur le pacte de stabilité », nous répondrons très clairement, monsieur le ministre, que notre effort nécessaire de guerre ne doit pas légitimer un déficit public excessif et le renoncement à la rigueur.

Alors que l’État vit déjà à crédit depuis ces deux derniers mois – tous les chiffres le corroborent –, nous assistons encore, à l’occasion de la préparation de ce budget 2016, à un accroissement, que dis-je, une ascension de la dette pour 2016.

Oserai-je ajouter que, dans notre histoire, les dettes ont souvent nourri les guerres, et je vous renvoie à cet égard au traité de Versailles, bien connu de nous tous ?

Depuis 2014, la dette croît à un rythme soutenu, au point de dépasser l’étiage symbolique des 2 000 milliards d’euros. Ce rythme, loin de décélérer, s’est encore accentué au premier semestre 2015 : la dette a ainsi atteint plus de 2 100 milliards d’euros, soit 97,6 % du PIB. Nous pensons, monsieur le ministre, que ce montant est déjà trop élevé pour permettre à notre économie de se redresser, même avec des taux très bas. Les 52 000 chômeurs supplémentaires sonnent, à cet égard, comme une véritable alerte.

La réalité que l’on se refuse à voir est pourtant évidente : avec une augmentation de 2,1 milliards d’euros de la charge de sa dette prévue pour 2016, la France s’avance dangereusement vers la paralysie et, avant les événements dramatiques du 13 novembre, la Commission européenne faisait savoir son scepticisme quant à la capacité du Gouvernement, monsieur le ministre, à ramener son déficit sous la barre des 3 % en 2017.

Ce taux de 3 %, mes chers collègues, n’est ni un dogme ni un totem européen ; il représente le seuil en deçà duquel, plus ou moins, la dette ne se creuse pas.

Ces chiffres sanctionnent l’absence de toute réforme d’envergure, les trop maigres efforts financiers réalisés reposant sur la seule logique du rabot. Votre manque d’audace réformatrice explique que, depuis 2012, vous ayez sans cesse dû reporter la date à laquelle vous annonciez un recul de la dette publique. D’abord évalué à 91,3 % du PIB en 2013, le niveau maximal de la dette publique fut ainsi, dès l’année suivante, rehaussé à 94,3 % du PIB, niveau plafond à nouveau revu à la hausse par le programme de stabilité 2014-2017, porté à 95,6 % du PIB, avant d’être lui-même aussitôt pulvérisé !

Autre chiffre inquiétant dans cette mission « Engagements financiers de l’État », excellemment rapportée par M. le rapporteur spécial, le besoin de financement de la France atteindra en 2016 un niveau record d’autant plus inquiétant qu’il est inédit au sein de la zone euro. Pour le seul financement de son déficit et l’amortissement de ses emprunts, l’État devra, en effet, emprunter près de 200 milliards d’euros.

Ces résultats traduisent un lent enlisement en matière de politique fiscale et budgétaire.

La France demeure plus que jamais exposée à une hausse des taux d’intérêt, comme semble l’envisager la Fed, la Réserve fédérale des États-Unis, pour son taux directeur, avec des effets d’entraînement mondiaux bien connus. De fait, toute augmentation des taux d’intérêt, maintenus jusque-là à un niveau exceptionnellement bas, creusera inévitablement et dangereusement la charge de la dette.

S’il fut un temps possible, monsieur le ministre, de créer de la croissance avec de la dette, aujourd’hui, c’est par la maîtrise de la dépense publique qu’elle se déclenche durablement. Or en aggravant la fiscalité de 90 milliards d’euros entre 2012 et 2014, vous avez consolidé le niveau des prélèvements obligatoires autour de 45 %, à contre-courant de ce qu’ont fait nos partenaires et concurrents.

Comme l’a souligné le rapporteur spécial, seule une politique de baisse des dépenses publiques plus ambitieuse que celle qui est conduite à l’heure actuelle permettrait de faire diminuer l’impact de la dette de l’État sur la croissance.

Pourquoi, dès lors, ne pas avoir engagé plus tôt et plus amplement, à l’image de nos voisins, les réformes structurelles que commande une situation insupportable ? Il nous faut pourtant bien la supporter, et nous pensons tous aux 5,5 millions de personnes au chômage ou sans emploi. Je songe donc tout particulièrement à des réformes relatives à notre marché du travail, à l’assurance chômage, au financement de l’économie, véritable problème qui repose trop exclusivement sur les banques, à l’ajustement des droits à la retraite et à l’accord AGIRC-ARRCO, ou encore à la sécurité sociale et à la nécessaire maîtrise des dépenses des administrations sociales, qui s’élèvent aujourd’hui, monsieur le ministre, à 492 milliards d’euros.

Il n’est pas exagéré de dire que le véritable défi civil de ce pays pour les prochaines années sera de créer 2 millions d’emplois marchands. Les prévisions, ce qui est annoncé par cette mission, nous obligent tous à réfléchir à la façon de redéployer les moyens de ce pays pour endiguer enfin cette dette qui, un jour ou l’autre, nous sanctionnera durement.

Il est temps d’abandonner les oripeaux keynésiens, que l’on met trop souvent en avant dans cet hémicycle, ainsi que le culte de la dépense publique qui nous engloutit aujourd'hui.

Le groupe Les Républicains votera néanmoins les crédits de cette mission, car nous ne pouvons remettre en cause les engagements financiers de la France à l’égard de ses créanciers. Monsieur le ministre, nous n’attendons pas pour autant de vous des remerciements, qui pourraient ne pas être totalement sincères ! (Applaudissements sur quelques travées du groupe Les Républicains.)

Mme la présidente. La parole est à M. Martial Bourquin.

M. Martial Bourquin. Madame la présidente, monsieur le ministre, mes chers collègues, pour le compte d’affectation spéciale « Participations financières de l’État », que nous examinons aujourd'hui, 2015 est une année de concrétisation.

C’est cette année, en effet, que la nouvelle doctrine initiée en 2013 de mise en œuvre d’un État actionnaire et stratège sera pleinement concrétisée.

Nous disposons des outils législatifs et réglementaires qui permettent de déployer cette stratégie de manière beaucoup plus efficace.

L’ordonnance n° 2014-948 du 20 août 2014 relative à la gouvernance et aux opérations sur le capital des sociétés à participation publique a été en effet utilement complétée par la loi pour la croissance, l’activité et l’égalité des chances économiques.

Je souhaite à ce titre rappeler les termes de cette doctrine. Nous sommes ici pour examiner non pas simplement la cession et la valorisation d’actifs, mais bien un programme de réinvestissement stratégique.

Pour la première fois depuis 2006, des produits de cessions de participations ont été réaffectés au désendettement, ce qui est conforme aux objectifs énoncés en 2013.

La cession d’actifs concerne pour cette année Safran, Aéroport de Toulouse-Blagnac et Engie.

Le réinvestissement stratégique concerne essentiellement Renault, avec l’achat de 14 millions de titres pour un montant de 1,26 milliard d’euros, Air France-KLM pour 42 millions d’euros et la première tranche de souscription de l’Agence française de développement pour 280 millions d’euros.

Je souhaite rappeler combien l’investissement et le soutien stratégique dans le secteur automobile sont précieux pour soutenir et accompagner l’évolution de celui-ci.

Chacun se souvient, ici, que l’État en 2008 avait déjà, à un moment de décrochage de la filière automobile, été un partenaire très avisé de l’ensemble du secteur.

La prise de participation en 2014 de 800 millions d’euros dans le groupe PSA Peugeot Citroën, qui représente 60 000 emplois directs, et quatre fois plus en emplois indirects, a eu un effet indéniable d’entraînement, notamment à l’égard de l’investisseur chinois Dongfeng Motor Corporation.

Cette année, 1,26 milliard d’euros ont été engagés en avril 2015 pour acquérir 4,73 % supplémentaires du capital de Renault, afin de porter la participation de l’État à 19,74 %.

Cette opération était destinée à s’assurer que l’assemblée générale des actionnaires puisse adopter le dispositif du droit de vote double, comme cela était prévu par la loi du 29 mars 2014 visant à reconquérir l’économie réelle en faveur de l’actionnariat de long terme dans les entreprises françaises.

La stratégie de double vote déjà fait preuve de son efficacité. Elle a permis notamment de promouvoir une nouvelle gouvernance, plus diverse, plus féminisée, ce qui était un vrai problème, monsieur Dassault !

L’État bénéficie déjà d’un droit de vote double dans des groupes comme Safran, Thales ou PSA Peugeot Citroën, et prochainement Orange, Aéroports de Paris, CNP Assurances, Areva, EDF ou encore Engie.

Dernier point, vous permettrez, monsieur le ministre, que je réaffirme ici la nécessité que le désendettement ne prenne pas le pas sur l’investissement.

Nous sommes, à ce titre, très favorables au lissage sur deux ans de l’objectif de désendettement à hauteur de 4 milliards d’euros. Je sais que vous partagez cette vision des choses. Il s’agit d’une position des plus opportunes, dans le contexte d’instabilité boursière constaté depuis août 2015.

Par ailleurs, l’investissement doit être préservé. Il s’agit d’une question essentielle pour la reprise de la croissance. L’investissement est plus que jamais nécessaire à la montée en gamme de l’ensemble de l’appareil productif, en pleine cohérence avec la stratégie plus globale de compétitivité.

Redonner à la France un socle productif puissant doit être une priorité fondamentale. À travers ce budget et cette politique d’État stratège, le Gouvernement se donne les moyens de reconquérir une industrie puissante et capable de relever les défis du XXIe siècle.

J’ai entendu tout à l’heure M. le rapporteur spécial parler de déficit. Il est vrai qu’il est expert en la matière puisque sous l’ancien quinquennat, notre pays a enregistré 600 milliards d’euros de déficits. Plutôt que de travailler à fleuret moucheté, mieux vaudrait trouver ensemble les moyens de déployer une vraie stratégie industrielle pour notre pays. Cette stratégie, le Gouvernement l’a mise en œuvre, notamment avec la vente de vos avions, et en insufflant à notre industrie une nouvelle vigueur.

Nous voterons donc ces crédits, car nous sommes pleinement conscients que nous sommes en train de doter notre pays d’un socle productif puissant ! (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste et républicain.)

M. Yves Daudigny. Excellent !

Mme la présidente. La parole est à M. le ministre.

M. Michel Sapin, ministre des finances et des comptes publics. Madame la présidente, messieurs les rapporteurs, mesdames, messieurs les sénateurs, j’ai attaché le plus grand intérêt à vos interventions, même si je ne me sens pas capable de répondre en détail à tous les sujets qui ont pu être abordés de manière très précise. Je pense à Areva ou à d’autres politiques industrielles de cette nature.

La mission « Engagements financiers de l’État », que votre assemblée examine cet après-midi, comprend des programmes très divers et se chiffre en milliards d’euros.

Je m’arrêterai sur deux d’entre eux en particulier, et j’évoquerai ensuite le compte d’affectation spéciale « Participations financières de l’État ».

Commençons par la mission « Engagements financiers de l’État », qui retrace notamment la charge budgétaire de la dette.

Depuis 2012, cette charge budgétaire a diminué malgré l’augmentation de l’encours de dette, qui est beaucoup plus faible et maîtrisée que les années précédentes. En 2012, cette charge atteignait 46,3 milliards d’euros ; puis elle a baissé à 44,9 milliards d’euros en 2013 et à 43,2 milliards d’euros en 2014. En 2015, cette diminution se poursuit et la charge de la dette devrait s’établir à 42,4 milliards d’euros, soit 2 milliards de moins que la prévision de la loi de finances initiale.

Pour 2016, nous avons une prévision de 44,5 milliards d’euros : la charge de la dette resterait inférieure de près de 2 milliards d’euros au niveau atteint en 2012. Notre prévision pour 2016 est prudente, voire très prudente. En effet, les hypothèses qui la sous-tendent anticipent une hausse des taux : de 0,8 % aujourd’hui, les taux à dix ans passeraient, dans notre prévision qui est davantage une prévision de précaution qu’une prévision scientifique, à 1,4 % au mois de décembre de cette année – preuve que nous avons une vision extrêmement prudente – et à 2,4 % en fin d’année 2016, même si j’espère que nous n’atteindrons pas ce niveau de taux. Nous avons donc budgété le risque de hausse de taux et nous sommes prêts à le financer s’il devait se matérialiser.

Nous engrangeons aujourd’hui des niveaux de taux faibles qui nous aideront durablement pour les années à venir à contenir la charge d’intérêt. Je rappelle en effet que la maturité moyenne des titres émis par l’État est de sept ans : c’est donc en moyenne pendant sept ans que ces taux bas acquis aujourd'hui viendront minorer la charge de la dette assumée par le budget de l’État.

Cette même mission « Engagements financiers de l’État » porte également le fonds d’aide aux collectivités territoriales pour sortir des emprunts dits « toxiques » qu’elles ont souscrits dans le passé.

Sur ce sujet, le Gouvernement a fait preuve de réactivité face à la très forte appréciation du franc suisse au début de l’année 2015, qui a renchéri le coût des emprunts indexés sur cette devise. Alors que la doctrine d’emploi du fonds était prête, il a fallu à la fois doubler son montant global, qui sera porté à 3 milliards d’euros par le projet de loi de finances rectificative de fin d’année, et réécrire intégralement les modalités d’emploi des ressources du fonds pour répondre à cette évolution du franc suisse.

S’agissant du doublement du fonds, la taxe sur les banques, qui en finance la moitié, sera également doublée. Ce doublement est prévu par l’article 9 du projet de loi de finances pour 2016.

Le fonds disposera, après le vote du projet de loi de finances pour 2016 tel qu’il est proposé par le Gouvernement, et compte tenu des reports de crédits des années antérieures, d’un total de 278 millions d’euros de crédits de paiement disponibles pour les décaissements des années 2015 et 2016.

Comme vous l’avez peut-être constaté, plus de 700 collectivités et établissements ont déposé un dossier auprès du service à compétence nationale qui assure la gestion du fonds, ce qui traduit le succès du dispositif. Ce service procède désormais, depuis le mois dernier, aux premières notifications officielles d’aides. Les premiers versements interviendront donc avant la fin de l’année 2015.

S’agissant du compte d’affectation spéciale « Participations financières de l’État » – je remercie aussi bien M. le rapporteur spécial que M. Bourquin de l’avoir commenté de manière très précise et juste –, l’élaboration en 2014 d’une stratégie de l’État actionnaire, puis la publication de l’ordonnance relative à la gouvernance et aux opérations sur le capital des sociétés à participation publique ont marqué une étape importante. Cette ordonnance a été ratifiée et complétée lors de l’adoption, cette année, de la loi pour la croissance, l’activité et l’égalité des chances économiques.

L’État actionnaire doit défendre une vision de long terme. Pour cela, il doit être actif et faire entendre sa voix pour garantir le développement de nos entreprises, de leur activité et de leurs emplois, et pour défendre nos intérêts stratégiques, par exemple dans le champ de la défense nationale, de l’énergie ou de l’automobile. Plusieurs d’entre vous ont illustré cette nécessité de réflexion et d’engagement de long terme qui, d’ailleurs, justifie le droit de vote double dont l’État peut disposer à cette occasion.

Nous devons être exemplaires, comme l’a souligné Nathalie Goulet dans son intervention, dans le domaine de la lutte contre l’évasion fiscale ou contre l’optimisation fiscale agressive. J’ai demandé aux entreprises où l’État est présent au capital de me fournir la liste de la totalité des filiales implantées, ainsi que les modalités et les motifs de cette implantation. Certaines d’entre elles ont été ou seront bientôt fermées, car elles ne présentaient pas d’utilité générale, si ce n’est de pouvoir réaliser des opérations d’optimisation fiscale qui me semblaient malvenues.

Nous avons mené en 2015 une gestion active du portefeuille des participations. Les opérations de cession réalisées – Safran, Aéroport de Toulouse-Blagnac ou ENGIE – nous ont permis de dégager les ressources nécessaires pour assurer des investissements utiles – Renault, Air France, l’Agence française de développement –, mais les cessions doivent également nous permettre de réduire notre endettement.

Après avoir réalisé 1,5 milliard d’euros de désendettement en 2014, pour la première fois depuis 2007 – n’est-ce pas, monsieur Delattre –, nous avions inscrit l’objectif ambitieux de 4 milliards d’euros de désendettement en 2015.

Compte tenu des conditions de marché dégradées de ces derniers mois, qu’a soulignées M. Bourquin, nous avons revu à la baisse les capacités de cession, car nous sommes évidemment soucieux de ne pas brader nos actifs. Par conséquent, l’objectif initial de 4 milliards d’euros de désendettement a été ramené à 2 milliards d’euros pour 2016. L’atteinte de cet objectif dépendra, bien sûr, des conditions de marché.

Le projet de loi de finances pour 2016 s’inscrit dans la continuité, avec un volume de prévision de recettes qui reste inchangé à 5 milliards d’euros, dont 3 milliards d’euros pour le programme 731, qui concerne l’investissement, et 2 milliards d’euros pour le programme 732, qui est relatif au désendettement, compte tenu des besoins identifiés.

Cette orientation témoigne de l’importance donnée par le Gouvernement à la fois à la maîtrise de la dette et à la poursuite d’opérations de réinvestissement stratégique. (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste et républicain et du RDSE. – Mme Nathalie Goulet applaudit également.)

engagements financiers de l’état

Mme la présidente. Nous allons procéder au vote des crédits de la mission « Engagements financiers de l’État », figurant à l’état B.

ÉTAT B

(En euros)

Mission

Autorisations d’engagement

Crédits de paiement

Engagements financiers de l’État

45 058 990 000

45 158 990 000

Charge de la dette et trésorerie de l’État (crédits évaluatifs)

44 452 000 000

44 452 000 000

Appels en garantie de l’État (crédits évaluatifs)

125 000 000

125 000 000

Épargne

330 990 000

330 990 000

Majoration de rentes

151 000 000

151 000 000

Dotation en capital du Mécanisme européen de stabilité

0

0

Augmentation de capital de la Banque européenne d’investissement

0

0

Fonds de soutien relatif aux prêts et contrats financiers structurés à risque

0

100 000 000

Mme la présidente. Je n’ai été saisie d’aucune demande d’explication de vote avant l’expiration du délai limite.

Je mets aux voix ces crédits.

(Ces crédits sont adoptés.)

compte de concours financiers : accords monétaires internationaux

Mme la présidente. Nous allons procéder au vote des crédits du compte de concours financiers « Accords monétaires internationaux », figurant à l’état D.

ÉTAT D

(En euros)

Mission

Autorisations d’engagement

Crédits de paiement

Accords monétaires internationaux

0

0

Relations avec l’Union monétaire ouest-africaine

0

0

Relations avec l’Union monétaire d’Afrique centrale

0

0

Relations avec l’Union des Comores

0

0

Mme la présidente. Je n’ai été saisie d’aucune demande d’explication de vote avant l’expiration du délai limite.

Je mets aux voix ces crédits.

(Ces crédits sont adoptés.)

compte de concours financiers : avances à divers services de l’état ou organismes gérant des services publics

Engagements financiers de l'Etat - Compte de concours financiers : accords monétaires internationaux - Compte de concours financiers : avances à divers services de l'Etat ou organismes gérant des services publics - Compte d'affectation spéciale : participation de la France au désendettement de la Grèce - Compte d'affectation spéciale : participations financières de l'Etat
Dossier législatif : projet de loi de finances pour 2016
Régimes sociaux et de retraite - Compte d'affectation spéciale : pensions
Engagements financiers de l'Etat - Compte de concours financiers : accords monétaires internationaux - Compte de concours financiers : avances à divers services de l'Etat ou organismes gérant des services publics - Compte d'affectation spéciale : participation de la France au désendettement de la Grèce - Compte d'affectation spéciale : participations financières de l'Etat
Dossier législatif : projet de loi de finances pour 2016
Régimes sociaux et de retraite - Compte d'affectation spéciale : pensions

Mme la présidente. Nous allons procéder à l’examen des crédits du compte de concours financiers « Avances à divers services de l’État ou organismes gérant des services publics », figurant à l’état D.

ÉTAT D

(En euros)

Mission

Autorisations d’engagement

Crédits de paiement

Avances à divers services de l’État ou organismes gérant des services publics

7 383 612 547

7 383 612 547

Avances à l’Agence de services et de paiement, au titre du préfinancement des aides communautaires de la politique agricole commune

7 200 000 000

7 200 000 000

Avances à des organismes distincts de l’État et gérant des services publics

56 000 000

56 000 000

Avances à des services de l’État

112 612 547

112 612 547

Avances à l’Office national d’indemnisation des accidents médicaux, des affections iatrogènes et des infections nosocomiales (ONIAM) au titre de l’indemnisation des victimes du Benfluorex

15 000 000

15 000 000

Mme la présidente. L’amendement n° II-276, présenté par le Gouvernement, est ainsi libellé :

Modifier ainsi les crédits des programmes :

(en euros)

Programmes

Autorisations d’engagement

Crédits de paiement

+

-

+

-

Avances à l’Agence de services et de paiement, au titre du préfinancement des aides communautaires de la politique agricole commune

8 800 000 000

8 800 000 000

Avances à des organismes distincts de l’État et gérant des services publics

Avances à des services de l’État

Avances à l’Office national d’indemnisation des accidents médicaux, des affections iatrogènes et des infections nosocomiales (ONIAM) au titre de l’indemnisation des victimes du Benfluorex

TOTAL

8 800 000 000

8 800 000 000

SOLDE

+ 8 800 000 000

+ 8 800 000 000

La parole est à M. le ministre.

M. Michel Sapin, ministre. Les avances dont bénéficie l’Agence de services et de paiement, l’ASP, permettent d’assurer le préfinancement des aides agricoles de la politique agricole commune avant leur remboursement par la Commission européenne, conformément à la réglementation européenne en matière de paiement aux bénéficiaires.

Initialement estimé à 7,2 milliards d’euros, le besoin d’avances du trésor doit être exceptionnellement relevé à 16 milliards d’euros au titre de l’année 2016, afin d’assurer la continuité du paiement des aides agricoles, notamment la transition entre le dispositif national ponctuel d’aide à la trésorerie remboursable mis en place à la fin de 2015 et les aides de la PAC payées régulièrement en 2016.

Chacun aura compris que ce dispositif est neutre, puisque les avances sont remboursées au cours de la même année par la Commission européenne. Il n’y aura donc pas d’augmentation globale du niveau de la dépense publique.

Mme la présidente. Quel est l’avis de la commission ?

M. Serge Dassault, rapporteur spécial. Il n’y a pas de problème ! (Sourires.) L’avis est favorable.

Mme la présidente. Je mets aux voix l’amendement n° II-276.

(L'amendement est adopté.)

Mme la présidente. Nous allons procéder au vote des crédits du compte de concours financiers « Avances à divers services de l’État ou organismes gérant des services publics ».

Je n’ai été saisie d’aucune demande d’explication de vote avant l’expiration du délai limite.

Je mets aux voix les crédits, modifiés.

(Ces crédits sont adoptés.)

compte d’affectation spéciale : participation de la france au désendettement de la grèce

Mme la présidente. Nous allons procéder au vote des crédits du compte d’affectation spéciale « Participation de la France au désendettement de la Grèce », figurant à l’état D.

ÉTAT D

(En euros)

Mission

Autorisations d’engagement

Crédits de paiement

Participation de la France au désendettement de la Grèce

233 000 000

325 600 000

Versement de la France à la Grèce au titre de la restitution à cet État des revenus perçus sur les titres grecs

233 000 000

325 600 000

Rétrocessions de trop-perçus à la Banque de France

0

0

Mme la présidente. Je n’ai été saisie d’aucune demande d’explication de vote avant l’expiration du délai limite.

Je mets aux voix ces crédits.

(Ces crédits sont adoptés.)

compte d’affectation spéciale : participations financières de l’état

Mme la présidente. Nous allons procéder au vote des crédits du compte d’affectation spéciale « Participations financières de l’État », figurant à l’état D.

ÉTAT D

(En euros)

Mission

Autorisations d’engagement

Crédits de paiement

Participations financières de l’État

4 679 000 000

4 679 000 000

Opérations en capital intéressant les participations financières de l’État

2 679 000 000

2 679 000 000

Désendettement de l’État et d’établissements publics de l’État

2 000 000 000

2 000 000 000

Mme la présidente. Je n’ai été saisie d’aucune demande d’explication de vote avant l’expiration du délai limite.

Je mets aux voix ces crédits.

(Ces crédits sont adoptés.)

Mme la présidente. Nous avons achevé l’examen des crédits de la mission « Engagements financiers de l’État », des comptes de concours financiers « Accords monétaires internationaux » et « Avances à divers services de l’État ou organismes gérant des services publics », ainsi que des comptes d’affectation spéciale « Participation de la France au désendettement de la Grèce » et « Participations financières de l’État ».

Régimes sociaux et de retraite

Compte d’affectation spéciale : Pensions

Compte de concours financiers : avances à divers services de l'Etat ou organismes gérant des services publics
Dossier législatif : projet de loi de finances pour 2016
Remboursements et dégrèvements

Mme la présidente. Le Sénat va examiner les crédits de la mission « Régimes sociaux et de retraite » (et article 65), ainsi que du compte d’affectation spéciale « Pensions ».

La parole est à M. le rapporteur spécial.

M. Jean-Claude Boulard, rapporteur spécial de la commission des finances. Madame la présidente, monsieur le ministre, mes chers collègues, mon rapport a porté sur deux missions : les contributions financières aux régimes spéciaux de retraite et le financement des pensions civiles et militaires.

Les régimes spéciaux de retraite sont au nombre de dix, parmi lesquels figure celui des marins. C’est toujours avec beaucoup d’amusement que j’interviens en tant que rapporteur spécial sous la statue de Colbert, qui a été le créateur de ce régime...

C’est une bonne nouvelle pour ces régimes : leur besoin de financement est en diminution pour la deuxième année consécutive. Le projet de loi de finances pour 2016 prévoit en effet une dotation globale en baisse de 1,5 %, le montant des crédits s’établissant à 6,3 milliards d’euros. Cette baisse est le résultat de trois facteurs : la faible inflation, la réduction du nombre de retraités et les mesures de convergence prises entre les régimes.

Peut-être serez-vous intéressés, mes chers collègues, de connaître la situation comparée des âges de départ à la retraite : 63 ans pour le régime général, 61 ans pour les fonctionnaires, entre 54 et 58 ans pour les régimes spéciaux.

Peut-être un jour, mais je n’en suis pas certain, l’âge de départ à la retraite dépendra-t-il non plus du statut professionnel, mais de la pénibilité du travail. Ce jour-là, le corporatisme sera effacé en France. Je ne suis pas sûr que ce soit pour demain ! (M. le ministre sourit.)

Pour ce qui concerne le financement des pensions civiles et militaires, la contribution totale de l’État est de 46 milliards d’euros, soit 15 % du budget général.

Deuxième indicateur : les engagements de l’État dans ce domaine représentent 75 % de la production intérieure brute. C’est un élément intéressant pour les régimes de répartition.

On assiste, ici également, à une tendance au ralentissement du besoin de financement, avec une progression de 0,6 % en 2016, inchangée par rapport à 2015. C’est, là aussi, le résultat d’un certain nombre de mesures prises en termes d’évolution des cotisations et d’allongement de leur durée.

Il faut noter un point original dans ce projet de loi de finances. On s’interroge souvent sur la sincérité des écritures, en se demandant si elles seront suffisantes pour faire face aux dépenses. Cette fois, les crédits au titre des pensions civiles et militaires se situent un peu au-delà des besoins. Ainsi, à la fin de 2016, le fonds de roulement au titre du compte d’affectation spéciale sera de 2,9 milliards d’euros, alors que le besoin prudentiel est limité à 1 milliard d’euros. Il y a là un gage possible, qui aurait permis de faire un geste dans d’autres domaines.

À la vérité, une seule question se pose. Un accord a été passé récemment au niveau national sur l’intégration d’une partie des primes dans les traitements, aussi bien pour les fonctionnaires de l’État que pour ceux des collectivités locales. Le chiffrage des conséquences financières de cet accord n’est pas encore totalement établi. On sait qu’il comportera des dépenses supplémentaires, non seulement pour l’État, mais aussi pour les collectivités locales.

Monsieur le ministre, voilà ce que je voulais indiquer sur ces deux missions. La sincérité des écritures, confirmée par l’absence d’amendement, a conduit la commission des finances à émettre un avis favorable sur le vote de ces crédits. (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste et républicain et du RDSE. – M. Marc Laménie applaudit également.)

Mme la présidente. La parole est à Mme la rapporteur pour avis.

Mme Agnès Canayer, rapporteur pour avis de la commission des affaires sociales. Madame la présidente, monsieur le ministre, monsieur le rapporteur spécial, mes chers collègues, au fond, trois catégories de régimes spéciaux peuvent être distinguées parmi les onze régimes qui relèvent de cette mission.

Il y a, tout d’abord, les huit régimes qui sont dits « fermés » et qui n’accueillent plus de nouveaux affiliés. Le premier d’entre eux, qui compte 276 000 pensionnés, est le régime des mineurs, au sein duquel les cotisations ne couvriront, en 2016, que 0,8 % des prestations, en raison d’un rapport entre cotisants et pensionnés presque nul. Il semble logique que l’État accompagne l’extinction de ces régimes, dont le nombre de pensionnés décroît d’année en année. La solidarité nationale sera mise à contribution en 2016, à hauteur de 1,5 milliard d’euros.

Il y a ensuite le régime des marins, auquel j’ai consacré une partie thématique de mon rapport. La dangerosité et la pénibilité du métier justifient pleinement un traitement différencié. C’est pourquoi ce régime n’a pas été concerné par le relèvement de l’âge légal et par l’allongement de la durée de cotisation décidés par les réformes récentes. La subvention d’équilibre pour le régime des marins s’élève à 825 millions d’euros dans ce projet de loi de finances.

Il est bien entendu légitime de relever l’écart de performance entre l’Établissement national des invalides de la marine, l’ENIM, et le régime général, ou même les autres régimes spéciaux. Les coûts de fonctionnement de la branche vieillesse, qui atteindront encore 10,8 millions d’euros en 2016, pourraient être moindres si celle-ci était gérée par le régime général, comme l’a fait remarquer le président de la commission des affaires sociales, M. Alain Milon.

Je veux cependant souligner les efforts substantiels accomplis par l’ENIM, qui a réussi à diminuer ses dépenses de gestion de 13 % depuis 2012. Dans le cadre de la convention d’objectifs et de gestion 2013-2015, les effectifs ont été réduits et diversifiés, tandis que de nouvelles missions, comme la lutte contre la fraude, ont été mises en place.

La nouvelle convention d’objectifs et de gestion, ou COG, qui sera négociée en 2016, devra aller encore plus loin. L’acceptation sociale de ce régime est à ce prix.

Il en va tout autrement de la dernière catégorie de régimes spéciaux de cette mission, à savoir les régimes de la SNCF et de la RATP. Les subventions d’équilibre qui leur sont versées absorberont en 2016 plus de 60 % des crédits de la mission, soit près de 3,9 milliards d’euros.

Alors que le relèvement des bornes d’âge prévu par la réforme de 2010 ne leur sera applicable qu’à partir de 2017, nos concitoyens n’admettent plus l’existence de ces statuts particuliers, qui leur paraissent excessivement avantageux pour des métiers ayant considérablement évolué.

Cette année encore, la commission des affaires sociales m’a suivie, en décidant d’assortir l’avis favorable que nous portons sur les crédits de la mission d’une réserve concernant ces deux régimes : il est impératif que le processus d’alignement des paramètres des régimes de la RATP et de la SNCF sur ceux de la fonction publique d’État, entrepris en 2008, soit non seulement poursuivi, mais accéléré. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains.)

Mme la présidente. Mes chers collègues, je vous rappelle que le temps de parole attribué à chaque groupe pour chaque discussion comprend le temps d’intervention générale et celui de l’explication de vote.

Par ailleurs, le Gouvernement dispose au total de dix minutes pour intervenir.

Dans la suite de la discussion, la parole est à M. Olivier Cadic.

M. Olivier Cadic. Madame la présidente, monsieur le ministre, mes chers collègues, les conclusions des deux rapports qui viennent de nous être exposées soulignent l’amélioration, depuis le dernier exercice, de la situation de la mission « Régimes sociaux et de retraite ».

Cette amélioration intervient après presque dix années de forte augmentation des crédits. Pouvons-nous, pour autant, nous en réjouir pleinement ? D’un point de vue purement financier, oui, dans la mesure où il est nécessaire de faire des économies partout où cela est possible.

La baisse des concours de l’État constatée aujourd’hui se justifie avant tout par l’effet de la diminution des effectifs des régimes fermés, qui entraîne une baisse des prestations qu’ils servent, mais également par l’effet des dernières réformes des retraites.

Cela dit, nous parlons bien d’un effort de solidarité nationale de 6,3 milliards d’euros à destination de onze régimes spéciaux de retraite en déséquilibre démographique pour financer les deux tiers de ces prestations, ce qui n’est tout de même pas négligeable.

Lors de l’examen en commission du rapport de notre collègue Agnès Canayer, je me suis interrogé sur l’état d’avancement du processus d’unification des régimes de retraite.

S’il est évident que les spécificités des métiers doivent être prises en compte – l’exemple des marins était parfaitement justifié concernant, notamment, la pénibilité –, il n’est plus pour autant nécessaire qu’elles le soient par le biais de régimes spéciaux qui répondent à des règles trop éloignées de celles qui sont applicables aux autres régimes.

Il faudrait que l’on prenne conscience que la pénibilité n’est, pour certains de ces métiers, sans doute plus la même aujourd’hui qu’à la création de ces régimes, et que ces derniers devraient donc évoluer, comme l’ensemble du système des retraites.

Si je prends l’exemple de l’âge de départ à la retraite, celui-ci était en moyenne de 56 ans et 4 mois à la SNCF – 52 ans et 4 mois pour les personnels roulants – et de 54 ans et 6 mois à la RATP en 2014, contre 63 ans en moyenne pour le régime général. La différence est-elle vraiment justifiée ?

Il a effectivement été acté dans les dernières réformes qu’un relèvement de l’âge de départ s’effectuerait progressivement pour les régimes de retraite de la SNCF et de la RATP à partir de 2017. Toutefois, ces efforts ont été demandés dès 2010 pour les autres salariés. Il est grand temps de prendre conscience que nos compatriotes ne comprennent plus en quoi se justifient ces régimes spéciaux et qu’ils ressentent un véritable sentiment d’injustice.

C’est pourquoi nous appelons de nos vœux une véritable réforme systémique, afin de garantir l’avenir et la justice du système de retraites. Une réforme d’ampleur, en profondeur, pourrait ainsi nous conduire vers l’institution d’un régime universel par points ou en comptes notionnels. Cela passerait nécessairement par une remise à plat de tout le système et par la définition de critères permettant d’assurer la prise en compte la plus juste des différentes situations.

Certes, il y aura prochainement des améliorations, et il faut espérer que, au minimum, la tendance à la baisse des crédits affectés à la mission « Régimes sociaux et de retraite » se poursuive. De même, et cela a été souligné dans les rapports, les efforts de gestion des caisses de retraite des régimes spéciaux devraient permettre d’aller dans ce sens, et nous le saluons.

Pour autant, parce que les crédits de cette mission sont présentés en baisse par rapport aux précédents exercices et que le contexte économiquement difficile que nous connaissons nous oblige à aller dans ce sens, mais tout en appelant à une importante réforme des régimes de retraite, le groupe UDI-UC votera les crédits de cette mission. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains.)

Mme la présidente. La parole est à Mme Laurence Cohen.

Mme Laurence Cohen. Madame la présidente, monsieur le ministre, mes chers collègues, je souhaiterais rappeler que la mission « Régimes sociaux et de retraite » recouvre des régimes en déséquilibre démographique, du fait de l’écart entre le nombre de cotisants et de pensionnés, comme cela a été souligné.

À ce titre, l’État est sollicité non pas pour subventionner les régimes, mais pour contribuer à l’équilibre des régimes sociaux et de retraite des transports terrestres, des marins, des mines et de la SEITA notamment.

Si le nombre de pensionnés a encore diminué en 2015, les crédits de la mission ont aussi décru. Cette diminution s’explique certes par la baisse du nombre de pensionnés, mais surtout par la très faible revalorisation des prestations et le report de la revalorisation pour 2015.

Je voudrais insister sur deux éléments précis : d’une part, les conséquences de la reconnaissance des mineurs licenciés lors des grèves de 1948, d’autre part, la négociation de la future convention d’objectifs et de gestion, la COG.

Le régime des mines représente 20 % des crédits de la mission en 2016 et occupe donc une part non négligeable dans notre discussion. Il possède une histoire intimement liée au mouvement ouvrier et à l’action syndicale. Ainsi, lorsque les mineurs ont entamé, le 4 octobre 1948, une grève en réaction à un projet du Gouvernement de démantèlement de leur statut et de baisse de leur rémunération, leur action fut violemment réprimée.

En plus des milliers de blessés et des dizaines de morts, plusieurs centaines de mineurs furent condamnés et emprisonnés pour « atteinte à la liberté de l’industrie et du travail » et de nombreux mineurs grévistes furent par ailleurs licenciés par la société des Houillères du Nord et du Pas-de-Calais, là où la grève débuta.

Depuis des années, les anciens mineurs ont fait de la reconnaissance de cette répression et du préjudice subi un combat pour l’honneur, appuyés par des élus locaux, des parlementaires, dont notre collègue Dominique Watrin, qui a fait entendre, au sein de cet hémicycle, leur voix.

Lors du projet de loi de finances pour 2015, la garde des sceaux a répondu à cette demande de justice. Aussi, alors que l’on ne connaissait l’an dernier qu’une trentaine de dossiers, cette reconnaissance a permis qu’une centaine de nouveaux cas se fassent connaître. Malheureusement, l’examen de ces dossiers est directement menacé par le cadre restrictif de la loi. À ce projet de loi de finances, nous avons donc déposé un amendement visant à garantir que tous les mineurs ou ayants droit concernés puissent accéder à cette reconnaissance, et ce indépendamment des contraintes administratives.

Devant l’engagement du ministère de la justice d’organiser une concertation avec les représentants syndicaux et Dominique Watrin, nous avons retiré cet amendement, que nous redéposerons si nécessaire dans le cadre du projet de loi de finances rectificative. Cette reconnaissance illustre en tout cas que des modifications remettant en cause cette logique de diminution inexorable des crédits peuvent avoir lieu, même si les régimes spéciaux sont fermés et que le nombre de pensionnés est en diminution.

Je voudrais également insister sur la négociation de la future convention d’objectifs et de gestion 2016-2020 avec ces régimes spéciaux. En effet, cet outil de gestion pluriannuel ne doit pas se transformer en simple outil pour organiser le remplacement des départs à la retraite par des logiciels informatiques. Nous avons vu encore récemment que l’absence de réflexion globale sur le non-remplacement des départs à la retraite à la CNAV a entraîné des cafouillages administratifs regrettables – c’est le moins que l’on puisse dire.

Selon la CGT, quelque 8 000 pensions auraient été versées en retard cette année. Mes chers collègues, je vous laisse imaginer le nombre de personnes qui ont dû connaître des difficultés. Il est donc indispensable que, lors de la négociation de la future COG, ces dysfonctionnements soient pris en considération, afin de mettre fin aux fermetures des accueils et de maintenir une présence physique dans les territoires, en parallèle des procédures informatiques.

Je voudrais, enfin, souligner que le décret pris par la ministre de la santé pour mettre en place un « droit opposable à la retraite » ne vise que le régime général et ne concerne donc pas les régimes spéciaux, ni les pensions de réversion. C’est lourd de conséquences pour les femmes concernées, qui se trouvent dans des situations inextricables. Je n’ai pas le temps de développer ce point, mais je souhaitais attirer votre attention, monsieur le ministre, ainsi que celle de mes collègues.

Pour l’ensemble de ces raisons, et devant la baisse des crédits affectés à la mission « Régimes sociaux et de retraite », le groupe CRC votera contre ce budget.

Mme la présidente. La parole est à M. le ministre.

M. Michel Sapin, ministre des finances et des comptes publics. Madame la présidente, mesdames, messieurs les sénateurs, le compte d’affectation spéciale relatif aux pensions des agents de l’État retrace les opérations relatives aux pensions des personnels civils et militaires, soit 57 milliards d’euros de dépenses, dont environ 54 milliards d’euros au titre des pensions de retraite au sens strict.

Les mesures d’économie transverses à l’ensemble du système de retraite contribueront en 2016 à en limiter la progression, comme cela a été dit. La modernisation de la gestion des retraites de l’État permet également d’illustrer que, sur ce segment comme sur les autres, il est possible de maîtriser les dépenses sans pour autant diminuer le niveau des prestations accordées.

Ces dépenses connaîtront en effet en 2016 une évolution modérée, d’un peu plus de 1 % par rapport à 2015, soit un rythme en fort ralentissement par rapport aux périodes antérieures. Cette modération est due à plusieurs facteurs, parmi lesquels, bien sûr, des facteurs démographiques et l’évolution de choix individuels, mais aussi l’effet des économies décidées non seulement par le gouvernement précédent – c’est le cas de l’augmentation de l’âge légal de départ –, mais aussi par la majorité actuelle, depuis 2012.

Il convient en effet de rappeler que la réforme des retraites de 2014 s’applique aux fonctionnaires comme à l’ensemble des travailleurs actifs. Je pense notamment au décalage de la date de revalorisation et à l’augmentation de la durée d’assurance à partir de 2019. La réforme des modalités de revalorisation décidée dans ce projet de loi de finances aura aussi des effets sur les pensions des fonctionnaires.

Les mesures de recettes s’appliquent à tous de manière indifférenciée, puisque la hausse des cotisations salariales, soit 0,3 point sur quatre ans, s’ajoute aux mesures décidées en 2010 et en 2012, ce qui se traduit par un effort significatif, qu’il ne faut pas nier, de contribution des fonctionnaires au redressement des comptes publics.

Les mesures de la réforme des retraites de 2014 contribuent déjà pour près de 400 millions d’euros à la maîtrise des dépenses de retraite de l’État et continueront à monter en charge.

Par ailleurs, l’année 2015 a été marquée par des avancées significatives dans le sens de la modernisation de la gestion des pensions, qui va de pair avec l’optimisation des coûts.

Ainsi, grâce à la centralisation progressive des activités au sein du service des retraites de l’État, le SRE, les ministères employeurs ne sont plus chargés de préparer le dossier de retraite des agents. Le dernier ministère concerné par ce mouvement, celui de la défense, transfèrera une partie de son activité dès le 1er janvier prochain. D’ores et déjà, pour une douzaine de ministères, le SRE assure seul l’ensemble de la relation avec les agents partant en retraite.

Grâce à l’ensemble des efforts de maîtrise, en 2016, le coût de gestion par ressortissant, qui avait été fixé à 27,1 euros dans le cadre du projet annuel de performance, ou PAP, annexé au projet de loi de finances pour 2015, est ainsi revu, dans le PAP pour 2016, à quelque 24,6 euros, soit une baisse de 10 %.

La mission « Régimes sociaux et de retraite » correspond, quant à elle, aux versements réalisés par l’État au bénéfice de onze régimes de retraite. Il est proposé d’ouvrir des crédits à hauteur de 6,3 milliards d’euros, soit 100 millions d’euros de moins que pour 2015.

Les caractéristiques démographiques de ces régimes sont similaires et marquées par un fort déséquilibre, en particulier pour des régimes fermés, qui n’acceptent plus de nouveaux cotisants, comme celui des mines ou de la régie des tabacs. Il est également très important dans les régimes des marins, des agents de la SNCF ou bien de la RATP. C’est parce que ces régimes sont dans l’impossibilité de s’autofinancer qu’ils font appel à la solidarité nationale.

En raison de l’arrivée à la retraite de générations nombreuses, les crédits de la mission n’avaient cessé d’augmenter ces dernières années : leur croissance avait été de 46 % entre 2006 et 2013. Ils ont légèrement diminué depuis lors et, comme en 2015, la contribution de l’État baissera de 1,5 % en 2016.

Je tiens à souligner ici encore que l’évolution de ces dépenses est, elle aussi, affectée par les mesures d’économies prises depuis 2012 et le sera encore davantage par l’augmentation progressive de la durée d’assurance à partir de 2019, puisque celle-ci s’appliquera bien à l’ensemble des régimes. (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste et républicain. – M. Marc Laménie applaudit également.)

régimes sociaux et de retraite

Mme la présidente. Nous allons procéder au vote des crédits de la mission « Régimes sociaux et de retraite », figurant à l’état B.

ÉTAT B

(En euros)

Mission

Autorisations d’engagement

Crédits de paiement

Régimes sociaux et de retraite

6 320 354 974

6 320 354 974

Régimes sociaux et de retraite des transports terrestres

4 038 730 778

4 038 730 778

Régimes de retraite et de sécurité sociale des marins

824 838 307

824 838 307

Régimes de retraite des mines, de la SEITA et divers

1 456 785 889

1 456 785 889

Mme la présidente. Je n’ai été saisie d’aucune demande d’explication de vote avant l’expiration du délai limite.

Je mets aux voix ces crédits.

(Ces crédits sont adoptés.)

compte d’affectation spéciale : pensions

Mme la présidente. Nous allons procéder au vote des crédits du compte d’affectation spéciale « Pensions », figurant à l’état D.

ÉTAT D

(En euros)

Mission

Autorisations d’engagement

Crédits de paiement

Pensions

57 204 650 226

57 204 650 226

Pensions civiles et militaires de retraite et allocations temporaires d’invalidité

53 297 300 000

53 297 300 000

Dont titre 2

53 296 300 000

53 296 300 000

Ouvriers des établissements industriels de l’État

1 916 192 000

1 916 192 000

Dont titre 2

1 907 622 000

1 907 622 000

Pensions militaires d’invalidité et des victimes de guerre et autres pensions

1 991 158 226

1 991 158 226

Dont titre 2

16 000 000

16 000 000

Mme la présidente. Je n’ai été saisie d’aucune demande d’explication de vote avant l’expiration du délai limite.

Je mets aux voix ces crédits.

(Ces crédits sont adoptés.)

Mme la présidente. Nous avons achevé l’examen des crédits de la mission « Régimes sociaux et de retraite » et du compte d’affectation spéciale « Pensions ».

Remboursements et dégrèvements

Régimes sociaux et de retraite - Compte d'affectation spéciale : pensions
Dossier législatif : projet de loi de finances pour 2016
Etat B

Mme la présidente. Le Sénat va examiner les crédits de la mission « Remboursements et dégrèvements ».

La parole est à Mme la rapporteur spécial.

Mme Marie-France Beaufils, rapporteur spécial de la commission des finances. Madame la présidente, monsieur le ministre, mes chers collègues, la mission « Remboursements et dégrèvements » est la mission la plus lourde du budget de l’État : en 2016, quelque 100,2 milliards d’euros de crédits sont demandés, un montant quasiment stable par rapport aux crédits inscrits dans la loi de finances initiale pour 2015.

Les remboursements et dégrèvements d’impôts d’État devraient s’élever à 88,2 milliards d’euros en 2016, en baisse d’environ 3 milliards d’euros par rapport à la prévision révisée pour 2015.

Cette baisse prévisionnelle de 2,9 milliards d’euros, soit une diminution de 3,2 %, fait suite à deux années consécutives de forte augmentation des crédits alloués au programme. La baisse attendue en 2016 s’explique par deux facteurs principaux.

D’une part, l’augmentation anticipée du bénéfice fiscal des entreprises entre 2014 et 2015 s’élève à près de 10 % en raison de la reprise de la croissance. Aussi, les premiers acomptes versés par les entreprises en 2016 au titre des revenus de 2015 devraient être dans l’ensemble inférieurs au total de l’impôt dû et donner lieu à moins de restitutions.

D’autre part, les remboursements liés à la prime pour l’emploi connaissent une baisse drastique qui résulte de la suppression du dispositif, à compter de 2016, par la seconde loi de finances rectificative pour 2014.

En ce qui concerne les impôts locaux, les crédits demandés au titre des remboursements et dégrèvements s’élèvent en 2016 à quelque 11,97 milliards d’euros, traduisant une hausse de 325 millions d’euros, soit de 2,8 %, par rapport à la loi de finances initiale pour 2015.

Les dégrèvements de taxe foncière et de taxe d’habitation permettent notamment de constater une hausse du contentieux sur ces deux taxes, sans que celle-ci soit compensée par une baisse des demandes gracieuses. Peut-être faut-il voir dans ce phénomène une plus grande vigilance des collectivités territoriales quant à l’évolution de leurs bases fiscales, dans un contexte de forte diminution des concours de l’État.

Je souhaite également insister de nouveau sur l’importance de la révision des valeurs locatives des locaux d’habitation. Au-delà des effets qu’elle aura en matière de justice fiscale et de justice entre collectivités, cette révision pourrait avoir des conséquences très importantes sur les dégrèvements d’impôts locaux si elle se traduisait par une baisse relative de la valeur locative des logements des ménages de condition modeste.

Enfin, mes chers collègues, je voudrais vous faire part des premières conclusions du contrôle budgétaire que j’ai commencé en 2015 et qui a porté sur le crédit d’impôt compétitivité emploi, le CICE. Je souhaite faire quatre remarques à cet égard.

En premier lieu, il est important d’avoir en tête que le CICE constitue une dépense fiscale extrêmement coûteuse : avec plus de 13 milliards d’euros en 2016, c’est la niche fiscale la plus importante du budget de l’État. La créance fiscale devrait ainsi atteindre près de 18 milliards d’euros en 2015, pour s’élever à plus de 20 milliards d’euros en 2017.

En deuxième lieu, le CICE fait peser une charge de gestion très importante sur l’administration fiscale. J’ai pu le constater lors d’une visite sur place à la direction régionale des finances publiques d’Île-de-France : le travail préalable de vérification d’un dossier de demande de CICE est très lourd.

En troisième lieu, l’analyse du profil des bénéficiaires du CICE fait ressortir que la présentation du dispositif ne correspond pas à la réalité de son fonctionnement. En effet, le CICE n’est pas concentré sur les entreprises effectivement soumises à la concurrence internationale, c’est-à-dire sur celles qui exportent.

En quatrième lieu, et enfin, l’efficacité du CICE n’est pas prouvée. Je tiens à signaler que ni le rapport de Jean Pisani-Ferry ni le récent rapport, abondamment cité par la presse, de l’Institut national de la statistique et des études économiques, l’INSEE, ne concluent à l’efficacité du dispositif. Les études montrent seulement que le CICE a baissé le coût de l’emploi ; c’est la moindre des choses pour un crédit d’impôt qui équivaut à un allégement de charges ! Toutefois, en ce qui concerne la compétitivité des entreprises françaises, qui ne dépend pas seulement du coût du travail, ainsi que l’emploi, le ton est nettement plus prudent, voire réservé.

Permettez-moi de faire quelques citations. Dans le rapport de l’INSEE, les économistes indiquent que le CICE devrait « se répercuter sur le taux de marge, mais [que son] impact précis est complexe à évaluer. » Le rapport du comité de suivi est plus circonspect encore ; il y est écrit, à la page 45, que « dans les grands groupes interrogés, notamment dans l’industrie, le CICE pèse peu dans les processus de décision » et, à la page 47, que « dans les [petites et moyennes entreprises] et plus encore [dans les très petites entreprises, le CICE] entre difficilement comme un élément prévisible dans les business plans. »

Ces éléments – issus de travaux non partisans, je le rappelle –, invitent à examiner plus en détail l’efficacité réelle du CICE en faveur de la compétitivité et de l’emploi sur nos territoires. Je poursuivrai donc ce contrôle en 2016 et pourrai ainsi compléter ces premières observations.

Je précise pour finir que la commission des finances propose d’adopter les crédits de la mission « Remboursements et dégrèvements ». En revanche, à titre personnel, comme les autres membres de mon groupe, je voterai contre ces crédits. (Applaudissements sur les travées du groupe CRC. – M. André Gattolin applaudit également.)

Mme la présidente. Mes chers collègues, je rappelle que le temps de parole attribué à chaque groupe pour chaque discussion comprend le temps d’intervention générale et celui de l’explication de vote.

Par ailleurs, le Gouvernement dispose au total de dix minutes pour intervenir.

Dans la suite de la discussion, la parole est à M. Maurice Vincent.

M. Maurice Vincent. Madame la présidente, monsieur le ministre, madame la présidente de la commission des finances, madame la rapporteur spécial, mes chers collègues, je veux simplement souligner quelques points relatifs à cette mission.

En ce qui concerne son architecture, il s’agit d’une des missions les plus lourdes du budget de l’État, avec plus de 100 milliards d’euros, soit 26 % des recettes fiscales brutes. Elle comporte deux programmes, les remboursements et les dégrèvements relatifs aux impôts d’État et ceux qui sont relatifs aux impôts locaux.

Par ailleurs, précisons d’emblée que, pour une grande partie des sommes en jeu, il s’agit de l’application de mesures assez techniques, puisqu’environ 70 % de ces 100 milliards d’euros s’expliquent par la gestion de la mécanique de l’impôt. Il y a néanmoins des dépenses qui relèvent des politiques publiques et de la gestion de l’impôt, en particulier les recours gracieux et contentieux.

Pour 2016, les principales tendances que l’on peut observer montrent, me semble-t-il, la prise en considération de davantage de justice sociale dans les politiques conduites.

En ce qui concerne les impôts d’État, une baisse de 3 milliards d’euros est prévue par rapport à 2015, baisse liée en partie, comme le disait à l’instant notre collègue Mme Beaufils, aux prévisions de croissance économique, donc au résultat des entreprises, ce qui conduira à moins de dégrèvements. C’est aussi dû à la restitution de la prime pour l’emploi, fusionnée en 2016 avec le RSA activité.

Par ailleurs, 2016 sera aussi l’année où les dégrèvements dont bénéficiaient les contribuables les plus aisés au titre du bouclier fiscal disparaîtront totalement ; il s’agissait tout de même de 450 millions d’euros en 2012.

En ce qui concerne les impôts locaux, les dégrèvements s’élèveront à près de 12 milliards d’euros, traduisant une hausse de 328 millions d’euros. Il s’agit principalement de la taxe d’habitation et de la taxe foncière.

En l’espèce, ces dégrèvements traduisent des décisions relevant de la justice sociale la plus élémentaire. Par exemple, le montant de la taxe d’habitation est plafonné à 3,44 % du revenu fiscal de référence ; quelque 9 millions de contribuables en ont bénéficié en 2015, pour une dépense fiscale de 3,3 milliards d’euros. De même, les ménages modestes sont exonérés de taxe d’habitation ; cette mesure concerne 3,7 millions de contribuables en 2015.

Si l’on rapproche ces décisions d’exonération de ce que je disais précédemment du bouclier fiscal, on voit dans cette politique, me semble-t-il, la différence très concrète qui existe entre des orientations de gauche et des orientations de droite.

Je veux également dire quelques mots du CICE, que vous évoquiez à l’instant, madame Beaufils. Il s’agit d’une mesure importante, qui va peser à hauteur de 20 milliards d’euros en 2020, mais qui s’inscrit dans la volonté de contribuer au redressement de la compétitivité des entreprises françaises. Il est vrai que ses effets sur la croissance et sur l’emploi seront forcément plus visibles à moyen ou long terme qu’à court terme.

Plusieurs rapports ont été rédigés à ce sujet, vous les avez évoqués, ma chère collègue. Ils dressent tout de même un bilan plutôt positif du dispositif, même s’ils lui adressent aussi des critiques. Selon l’enquête de conjoncture de l’INSEE, 60 % des entreprises comptent utiliser cette ressource en premier lieu pour l’investissement et l’emploi, ce qui est son objectif majeur.

Par ailleurs les petites et moyennes entreprises et les très petites entreprises – les PME et TPE – bénéficient pleinement du dispositif, en particulier parce que les rémunérations y sont plus basses en moyenne que dans les grandes entreprises.

Enfin, les entreprises de moins de 50 salariés recueillent aujourd’hui quelque 40 % de la créance totale du CICE, soit légèrement plus que celles de plus de 500 salariés. Ces entreprises bénéficient donc du dispositif et renforcent ainsi leur compétitivité, d’autant qu’elles profitent également de certaines améliorations en matière de trésorerie, au travers de l’action de la banque publique d’investissement Bpifrance.

Je suggère néanmoins que soient suivies les recommandations de la mission d’information parlementaire relative au CICE, afin d’améliorer encore l’efficacité de ce dispositif. Je pense en particulier à l’encouragement au dialogue social concernant son utilisation – cela ne peut pas faire de mal ! –, ainsi qu’à la possibilité d’accorder un avantage similaire au secteur non lucratif. C’est d’ailleurs ce que nous avons commencé de faire il y a quelques jours ici même, en adoptant deux amendements de notre collègue François Marc au profit des coopératives.

J’en termine en insistant sur la nécessité de renforcer encore la lutte contre la fraude fiscale ; ce n’est pas directement l’objet de cette mission, mais il y est tout de même beaucoup question de remboursement de taxe sur la valeur ajoutée, la TVA. Or on sait que la fraude sur cette taxe est estimée à 14 milliards d’euros par an en France ; des gains sont donc possibles. Enfin, en ce qui concerne la lutte contre la fraude liée à l’optimisation fiscale, le Sénat a également adopté un amendement il y a quelques jours.

Après ces observations, mes chers collègues, je vous indique que le groupe socialiste et républicain votera en faveur des crédits de cette mission. (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste et républicain.)

Mme la présidente. La parole est à M. André Gattolin.

M. André Gattolin. Madame la présidente, monsieur le ministre, mes chers collègues, la mission « Remboursements et dégrèvements » est assez atypique au sein du budget de l’État, dans la mesure où ses dépenses viennent en fait en atténuation des recettes. Elle est aussi la plus importante du budget général.

Dans le temps, assez court, qui m’est ici dévolu, je voudrais attirer votre attention sur une dépense assez marginale de cette mission : les dégrèvements et exonérations de la contribution à l’audiovisuel public, la CAP.

Je l’ai dit, celle-ci est marginale au sein du budget global de la mission, car elle ne représente que 513,8 millions d’euros sur un total de 100 milliards de crédits prévus pour l’exercice 2016. Toutefois, elle est capitale pour les sociétés de l’audiovisuel public, car cette dépense fiscale représente environ 14 % des 3,7 milliards d’euros de CAP qui leur sont affectés.

Ces dégrèvements, justifiés dans le cas de foyers à très faibles revenus ou comportant une personne handicapée, reposent néanmoins sur un empilement de dispositions dérogatoires, pour certaines peu compréhensibles, qui contribuent à battre en brèche la logique même de la redevance.

On le sait, l’audiovisuel public français connaît une crise majeure de son modèle de financement et, dans un rapport récent du Sénat consacré à ce sujet, j’en appelle, avec mon collègue rapporteur Jean-Pierre Leleux, à une réforme d’ampleur destinée à garantir la stabilité de ses ressources à moyen et long terme.

Baisse du taux d’équipement en téléviseurs oblige, nous avons notamment proposé d’instaurer, à l’horizon de 2018, une contribution universelle de type allemand. Celle-ci aurait l’avantage d’augmenter d’un million le nombre de foyers redevables de la CAP.

Ce serait une bonne chose pour les sociétés de l’audiovisuel public, mais cela aurait pour incidence indirecte d’augmenter d’environ 60 millions d’euros les compensations pour exonération de la CAP versées par le budget général. En effet, près de la moitié des nouveaux redevables, soit environ un demi-million de personnes, répondraient aux critères actuels d’exonération.

Or certains de ces critères sont obsolètes et ne correspondent plus à des critères économiques et sociaux légitimes. Sur cette base, ce sont actuellement déjà plus de 4,1 millions de foyers, qui sont totalement exonérés de CAP. Il est donc indispensable de remettre à plat ces critères d’exonération.

Ainsi, parmi les quelque 28 millions de foyers français, plus de 12,5 millions s’acquittent mensuellement d’un abonnement à une ou plusieurs chaines de télévision payantes.

D’après nos estimations, au moins le quart des foyers actuellement exonérés souscrivent par ailleurs un abonnement à une offre payante pour un montant annuel bien supérieur à celui de la CAP, qui équivaut à 11,33 euros mensuels. Le prix de l’abonnement de la plus connue et de la plus populaire des chaînes à péage, que je ne citerai pas ici, est ainsi de 40 euros par mois. Celui de la chaîne sportive payante actuellement la plus en vue est de 12,99 euros par mois.

C’est pourquoi, monsieur le ministre, je souhaiterais que vos services et ceux du ministère de la culture fassent rapidement réaliser une étude sur les dépenses en télévision payante des foyers exonérés de CAP, afin de pouvoir sereinement et équitablement décider des mesures à mettre en œuvre pour corriger cette situation assez anormale à mon sens. (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste et républicain.)

Mme la présidente. La parole est à M. le ministre.

M. Michel Sapin, ministre des finances et des comptes publics. Compte tenu du caractère extrêmement complet des analyses réalisées par Mme la rapporteur spécial, ainsi que des interventions qui viennent d’avoir lieu, je serai particulièrement bref.

L’examen par votre assemblée de la mission « Remboursements et dégrèvements » me donne l’occasion d’évoquer devant vous les principaux contentieux qui ont ou pourront avoir un impact significatif sur nos finances publiques.

Tout d’abord, le contentieux dit « OPCVM » affecte fortement le budget de l’État depuis plusieurs années. Pour 2015, nous anticipons de manière prudente un coût de 1,4 milliard d’euros. Au vu des décaissements à la fin du mois d’octobre dernier, il est possible que ce coût soit finalement moins élevé que prévu.

Le contentieux dit « précompte mobilier », qui dure depuis plus de dix ans, est aujourd’hui suspendu à un possible nouveau rebondissement, qui conduirait à une nouvelle saisine de la Cour de justice de l’Union européenne. Nous estimons que cette saisine, qui aurait pour objet de mettre en cause une décision du Conseil d’État, n’est pas justifiée. C’est pourquoi nous avons anticipé, pour 2016, le fait que la Cour de justice ne serait pas saisie et que le contentieux serait entièrement apuré. Si elle devait l’être, cet apurement serait repoussé au-delà de 2016.

Nous anticipons également de nouveaux contentieux, d’une part, sur la CSG, du fait de l’arrêt De Ruyter, d’autre part, sur l’impôt sur les sociétés, du fait de l’arrêt Steria, pour un coût anticipé de l’ordre de 800 millions d’euros en 2016.

De manière générale, nous retenons des prévisions prudentes quant au coût des contentieux fiscaux. Compte tenu des aléas importants qui pèsent sur ces dépenses, nous souhaitons les budgéter correctement, pour éviter toute mauvaise surprise en cours d’exécution.

Nous nous attachons à régler ensuite les sujets pour l’avenir. C’est le cas par exemple dans la loi de financement de la sécurité sociale pour 2016, avec le contentieux lié à l’arrêt De Ruyter. Nous aurons aussi à travailler sur celui qui est lié à l’arrêt Steria.

En tout cas, mesdames, messieurs les sénateurs, la transparence à l’égard du Parlement, qui, à juste titre, suit ces dossiers avec attention, sera systématiquement assurée. (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste et républicain.)

Mme la présidente. Nous allons procéder à l’examen des crédits de la mission « Remboursements et dégrèvements », figurant à l’état B.

Remboursements et dégrèvements
Dossier législatif : projet de loi de finances pour 2016
Aide publique au développement - Compte de concours financiers : prêts à des Etats étrangers

ÉTAT B

(En euros)

Mission

Autorisations d’engagement

Crédits de paiement

Remboursements et dégrèvements

100 164 187 000

100 164 187 000

Remboursements et dégrèvements d’impôts d’État (crédits évaluatifs)

88 194 187 000

88 194 187 000

Remboursements et dégrèvements d’impôts locaux (crédits évaluatifs)

11 970 000 000

11 970 000 000

Mme la présidente. L'amendement n° II-253, présenté par le Gouvernement, est ainsi libellé :

Modifier ainsi les crédits des programmes :

(En euros)

Programmes

Autorisations d’engagement

Crédits de paiement

 

+

-

+

-

Remboursements et dégrèvements d’impôts d’État (crédits évaluatifs)

 

120 000 000

 

120 000 000

Remboursements et dégrèvements d’impôts locaux (crédits évaluatifs)

 

 

 

 

TOTAL

 

120 000 000

 

120 000 000

SOLDE

- 120 000 000

- 120 000 000

La parole est à M. le ministre.

M. Michel Sapin, ministre. Il s’agit d’un amendement de coordination avec des votes qui sont intervenus en première partie du projet de loi de finances pour 2016. En effet, l’adoption des amendements nos I-22, I-23 et I-24 a significativement changé les paramètres de l’impôt sur le revenu.

Mme la présidente. Quel est l’avis de la commission ?

Mme Marie-France Beaufils, rapporteur spécial. Avec cet amendement, il s’agit finalement de dresser un constat. Pour la bonne information du Sénat, je précise que la diminution globale de 120 millions d’euros résulte de deux mouvements.

D’une part, l’abaissement du taux marginal de la troisième tranche du barème et le relèvement du plafond du quotient familial conduisent, apparemment, à augmenter les remboursements et dégrèvements d’environ 30 millions d’euros. Toutefois, des estimations rigoureuses sont difficiles à réaliser en la matière.

D’autre part, la suppression de la réforme de la décote conduirait à diminuer les remboursements et dégrèvements d’environ 150 millions d’euros.

Même s’il faut garder une certaine prudence pour ce qui concerne les montants concernés, la commission a émis un avis favorable sur cet amendement.

Mme la présidente. Je mets aux voix l'amendement n° II-253.

(L'amendement est adopté.)

Mme la présidente. Nous allons procéder au vote des crédits de la mission « Remboursements et dégrèvements », figurant à l’état B.

Je n’ai été saisie d’aucune demande d’explication de vote avant l’expiration du délai limite.

Je mets aux voix les crédits, modifiés.

(Ces crédits sont adoptés.)

Mme la présidente. Nous avons achevé l’examen des crédits de la mission « Remboursements et dégrèvements ».

Mes chers collègues, nous allons maintenant interrompre nos travaux ; nous les reprendrons à vingt et une heures.

La séance est suspendue.

(La séance, suspendue à dix-huit heures cinquante, est reprise à vingt et une heures, sous la présidence de M. Jean-Pierre Caffet.)

PRÉSIDENCE DE M. Jean-Pierre Caffet

vice-président

Etat B
Dossier législatif : projet de loi de finances pour 2016
Aide publique au développement

M. le président. La séance est reprise.

Nous poursuivons l'examen, au sein de la seconde partie du projet de loi de finances, des différentes missions.

Aide publique au développement

Compte de concours financiers : Prêts à des États étrangers

M. le président. Le Sénat va examiner les crédits de la mission « Aide publique au développement » (et article 48), ainsi que du compte de concours financiers « Prêts à des États étrangers ».

La parole est à Mme Fabienne Keller, rapporteur spécial.

Mme Fabienne Keller, rapporteur spécial de la commission des finances. Monsieur le président, madame la secrétaire d’État, mes chers collègues, la discussion du budget de l’aide publique au développement revêt cette année un caractère particulier. En effet, l’actualité récente a été marquée par plusieurs grands rendez-vous internationaux, notamment par l’organisation à Paris, dans quelques jours, de la COP21, mais aussi par l’épidémie du virus Ebola et la « crise des réfugiés ».

Ces différents événements et drames nous invitaient à afficher une nouvelle ambition pour notre politique d’aide publique au développement, qui, depuis quelques années, s’est complètement effondrée. En 2010, notre aide publique au développement représentait 0,5 % de notre revenu national brut. En 2014, elle devrait atteindre 0,36 %, d’après les derniers chiffres de l’OCDE, ce qui nous placerait au douzième rang des pays donateurs. Dans le même temps, le Royaume-Uni est parvenu à respecter l’objectif de 0,7 % de son revenu national brut.

J’en viens à la seconde particularité de la discussion budgétaire de cette année, à savoir sa complexité. De nombreux changements sont intervenus au cours de la discussion, mêlant des dispositions qui sont relatives aux recettes du budget et d’autres qui portent sur les crédits de la mission.

Je reviens rapidement sur les différentes étapes de cette discussion.

Le 28 septembre dernier, le Président de la République a annoncé que « la France, qui veut toujours montrer l’exemple [...], a décidé d’augmenter le niveau de l’aide publique au développement pour dégager 4 milliards d’euros de plus à partir de 2020 ». Deux jours plus tard, le Gouvernement présentait un budget où les crédits de la mission « Aide publique au développement » étaient caractérisés par la baisse la plus importante de toutes les missions !

Le décalage entre les annonces et la réalité de ce qui était proposé était tel que le Gouvernement a dû, dans l’urgence, annoncer des amendements pour rétablir les crédits de la mission à leur niveau de 2015. Il s’agissait en quelque sorte de sauver les apparences, à quelques semaines du début de la COP21.

Ces éléments, mes chers collègues, n’ont pas paru suffisants aux députés, qui ont souhaité attribuer 270 millions d’euros de ressources supplémentaires à l’Agence française de développement, l’AFD, en lui affectant une part supplémentaire de la taxe sur les transactions financières. Il s’agissait, pour citer votre propre majorité, madame la secrétaire d’État, de faire en sorte que « les actes succèdent aux discours ».

Or quel a été l’avis du Gouvernement sur cet amendement ? Défavorable ! C’est pourquoi, lors de la seconde délibération de la seconde partie du projet de loi de finances, vous avez diminué de 162 millions d’euros les crédits de la mission, afin – je cite le Gouvernement – de « revenir partiellement sur les amendements votés en première partie ».

Au total, le texte qui nous est transmis permet de revenir au niveau de 2014, en prenant en compte à la fois les crédits de la mission et les taxes affectées. Doit-on s’en réjouir ? Je rappelle simplement que notre aide publique au développement, au sens de l’OCDE, représentait en 2014 à peine 0,36 % de notre revenu national brut, soit la moitié de l’objectif et le plus bas niveau depuis quinze ans.

Je rappelle également que le taux d’exécution des crédits de la mission est loin d’être satisfaisant. En 2013, les autorisations d’engagement n’ont pas été exécutées à hauteur de 200 millions d’euros environ. En 2014, ce chiffre est monté à 238 millions d’euros et, en 2015, plus de 100 millions d’euros ont été annulés par le dernier décret d’avance, examiné cette semaine par la commission des finances.

Mes chers collègues, pour l’ensemble de ces raisons, la commission des finances vous propose de rejeter les crédits de la mission « Aide publique au développement », ainsi que ceux du compte de concours financier « Prêts à des États étrangers ». Plusieurs amendements relatifs aux crédits ont par ailleurs été déposés ; j’y reviendrai lors de leur discussion.

M. le président. La parole est à M. Yvon Collin, rapporteur spécial.

M. Yvon Collin, rapporteur spécial de la commission des finances. Monsieur le président, madame la secrétaire d’État, madame la présidente de la commission des finances, mes chers collègues, je souscris pour partie au constat de Fabienne Keller sur les évolutions récentes de notre politique d’aide publique au développement. Je regrette d’autant plus ces évolutions que, à l’occasion de la tenue de la COP21, nous aurions dû en effet avoir le souci d’être exemplaires.

Néanmoins, je considère que les mesures adoptées par l’Assemblée nationale permettent de « voir le verre à moitié plein » et d’estimer que la tendance s’est inversée.

Tout d’abord, concernant le budget pour 2016, je constate que, à l’issue de son examen par l’Assemblée nationale, le montant affecté au développement est en hausse de 100 millions d’euros par rapport à l’an dernier. On peut considérer que ce n’est pas suffisant, mais ce sont tout de même 100 millions d’euros de plus pour le développement. J’ajoute que ce montant financera des dons, dans la mesure où l’article 15 bis prévoit de le flécher sur cet objectif, au sein du budget de l’Agence française de développement.

J’en viens maintenant aux perspectives tracées par le Président de la République.

D’ici à 2020, les engagements de l’AFD augmenteraient de 4 milliards d’euros, c’est-à-dire que les engagements consacrés aux pays en développement connaîtraient une hausse de 75 % ! Certes, il s’agit de prêts, mais il n’en demeure pas moins que l’aide augmentera.

Je souligne que cette annonce est crédible. Les engagements du groupe AFD sont passés de 1,8 milliard d’euros en 2004 à 3,7 milliards d’euros en 2007 et à 7,5 milliards d’euros en 2013. En 2014, ils ont atteint leur niveau record, à 8 milliards d’euros, dont 5,4 milliards d’euros d’activités de l’AFD dans les pays en développement. Les augmenter de 4 milliards d’euros en six ans paraît donc crédible, d’autant plus que le rapprochement entre l’AFD et la Caisse des dépôts et consignations devrait renforcer les fonds propres de l’Agence et lui permettre d’accorder des prêts plus facilement.

Je rappelle, en effet, que le Président de République a annoncé, le 24 août dernier, l’adossement de l’AFD à la Caisse des dépôts et consignations. J’ajoute que les annonces du Président de la République ont été complétées par une communication en conseil des ministres, le 14 octobre dernier, qui prévoit que le montant des dons serait « en 2020, supérieur de 370 millions d’euros à ce qu’il est aujourd’hui ».

Enfin, les éléments qui nous ont été récemment transmis par le Gouvernement prévoient une hausse du niveau de notre aide publique au développement en proportion du revenu national brut. Nous atteindrions 0,37 % en 2015 et 0,38 % en 2016 et 2017. Ce n’est pas parfait, loin de là, mais la courbe est inversée.

Parce que je perçois, pour ma part, une inflexion à la hausse dans l’évolution des crédits de cette politique et parce qu’un effort de 100 millions d’euros dans le contexte budgétaire et économique actuel n’est pas anodin, je vous propose donc, à titre personnel, d’adopter les crédits de la mission et du compte de concours financiers.

J’ajoute quelques mots au sujet de l’article 48 rattaché à la mission « Aide publique au développement ».

La loi de finances rectificative pour 1991 prévoit un plafond pour les remises de dettes additionnelles accordées par la France aux pays pauvres très endettés, qui s’élève à 2,85 milliards d’euros. Compte tenu des annulations décidées en 2014 et qui auront des effets sur les années à venir, le plafond serait dépassé en 2016. Il est donc proposé de le relever à 3,85 milliards d’euros, afin de tenir compte des différences échéances déjà prévues.

Mes chers collègues, la commission des finances, dans son immense sagesse, a considéré que le relèvement de ce plafond permettrait à la France d’honorer des engagements déjà pris. Elle vous propose donc d’adopter cet article sans aucune modification. (M. Robert Hue applaudit.)

M. le président. La parole est à M. Henri de Raincourt, rapporteur pour avis.

M. Henri de Raincourt, rapporteur pour avis de la commission des affaires étrangères, de la défense et des forces armées. Monsieur le président, madame la secrétaire d’État, madame la présidente de la commission des finances, mesdames, messieurs les rapporteurs, mes chers collègues, je vais évidemment reprendre un certain nombre d’éléments qui ont été mentionnés par les orateurs qui m’ont précédé.

Je souhaite tout d’abord rappeler qu’un sommet des Nations unies s’est tenu en septembre dernier pour faire le bilan de la mise en œuvre des objectifs du millénaire. Permettez-moi de citer quelques résultats obtenus entre 1990 et 2015.

Ainsi, le nombre de personnes vivant dans l’extrême pauvreté, c’est-à-dire avec moins de 1,25 dollar par jour, a diminué de moitié, passant de 1,9 milliard à 836 millions. Par ailleurs, le nombre d’enfants non scolarisés, alors qu’ils sont en âge de fréquenter l’école primaire, a été réduit quasiment de moitié dans le monde. Il est vrai qu’il faut rester très attentif à la qualité de l’enseignement qui est dispensé.

Enfin, quelque 13,6 millions de personnes atteintes par le virus de l’immunodéficience humaine, le VIH, reçoivent aujourd’hui un traitement antirétroviral. En 2003, seules 800 000 personnes pouvaient bénéficier d’un tel traitement. Depuis 1995, plus de 7 millions de décès ont ainsi pu être évités.

Par conséquent, l’aide publique au développement, sous ses différentes formes, permet d’obtenir des résultats.

C’est dans ce contexte que le Président de la République a annoncé, le 24 août dernier, le rapprochement de l’Agence française de développement et de la Caisse des dépôts et consignations. Ma collègue Hélène Conway-Mouret reviendra plus spécialement sur ce point.

Devant l’Assemblée générale des Nations unies, le Président de la République a déclaré que la France allait également augmenter son aide publique au développement de 4 milliards d’euros à l’horizon de 2020.

Lors de sa présentation, le projet de loi de finances pour 2016, comme l’évoquait Fabienne Keller, prévoyait une baisse du budget de la mission « Aide publique au développement » supérieure à 6 %. Il y avait un manque de cohérence évident entre les annonces des autorités publiques et la réalité budgétaire.

J’ajoute que le maintien des crédits à ce niveau aurait contribué à dégrader encore davantage le ratio entre l’aide publique au développement et le revenu national brut. On s’éloignait ainsi – n’est-ce pas, monsieur Collin ? – du chiffre fatidique de 0,7 %, aujourd’hui atteint par l’Allemagne et dépassé par le Royaume-Uni. C’était donc un mauvais point pour la France.

Heureusement, l’adoption de plusieurs amendements déposés par le Gouvernement à l’Assemblée nationale a corrigé le tir et permis de stabiliser l’enveloppe, avant que des amendements des députés ne tendent à ajouter des crédits supplémentaires.

Au total, malgré un amendement de seconde délibération regrettable – je vous le dis, madame la secrétaire d’État, mais je ne vous en impute pas la responsabilité –, la somme des crédits consacrés à l’aide publique au développement, y compris le Fonds de solidarité pour le développement, alimenté par la taxe sur les transactions financières et la taxe sur les billets d’avion, augmentera de 100 millions d’euros en 2016 par rapport à 2015.

C’est la raison pour laquelle la commission des affaires étrangères, de la défense et des forces armées a émis un avis favorable à l’adoption de ces crédits.

Pour terminer, je voudrais vous poser deux questions, madame la secrétaire d’État.

Premièrement, où en sont les négociations relatives à la taxe sur les transactions financières au sein de l’Union européenne ? Deuxièmement, en élargissant le champ de l’aide publique au développement à toutes les questions relatives au réchauffement climatique, ne va-t-on pas, en quelque sorte, élargir les missions sans disposer de recettes supplémentaires ? (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains et de l'UDI-UC.)

M. le président. La parole est à Mme Hélène Conway-Mouret, rapporteur pour avis.

Mme Hélène Conway-Mouret, rapporteur pour avis de la commission des affaires étrangères, de la défense et des forces armées. Monsieur le président, madame la secrétaire d’État, mes chers collègues, le budget de l’aide au développement sera stable en 2016 par rapport à l’année précédente, pour la première fois depuis cinq ans, grâce aux 150 millions ajoutés par les amendements du Gouvernement.

Les députés sont allés au-delà, puisque près de 100 millions d’euros supplémentaires alimenteront en 2016 l’enveloppe qui comprend la mission « Aide publique au développement » et le « Fonds social de développement ». Dans ce contexte, je voudrais formuler quelques remarques.

Tout d’abord, il faut redire que l’aide au développement et la lutte contre le changement climatique sont deux objectifs convergents, les pays les plus pauvres étant aussi ceux qui auront le plus à souffrir de la hausse globale des températures. Cette convergence se manifeste, par exemple, avec la problématique des réfugiés climatiques, qui risquent d’être 200 millions à l’horizon de 2050 si nous ne faisons rien.

Deux autres éléments me paraissent très satisfaisants dans ce budget 2016. Ainsi, les moyens de l’AFD sont confirmés. Il faut d’ailleurs souligner que, si les 4 milliards d’euros supplémentaires annoncés par le Président de la République prendront la forme de prêts de l’AFD et de Proparco, le Gouvernement s’est également engagé à augmenter les subventions de 370 millions d’euros en 2020 par rapport au niveau actuel. C’est très positif, puisque nous savons que ces subventions sont la seule forme d’aide qui bénéficie aux pays les plus pauvres.

En outre, dans la continuité des décisions d’Addis-Abeba, les crédits destinés aux ONG humanitaires et aux autres acteurs du développement progressent, pour atteindre 79 millions d’euros en 2016.

Je voudrais en revanche exprimer un regret s’agissant des crédits de la francophonie. Je tiens à rappeler qu’il s’agit là d’un atout essentiel pour le rayonnement de la France, qui permet d’entretenir des liens précieux avec les 80 pays membres de l’OIF, l’Organisation internationale de la francophonie. À ce sujet, je regrette que le budget prévu soit en baisse de 2 millions d’euros. Je sais, madame la secrétaire d’État, que vous êtes vous-même très consciente de la nécessité de ne pas laisser l’influence de la France s’étioler. Aussi, quelles actions entendez-vous mener, en 2016, pour faire vivre la francophonie ?

Je souhaite enfin aborder la question du rapprochement de l’AFD et de la Caisse des dépôts et consignations.

L’objectif est double. Tout d’abord, il s’agit de concrétiser l’annonce d’un accroissement des prêts en faveur du développement de 4 milliards d’euros à l’horizon de 2020, en augmentant les fonds propres de l’agence. De manière plus stratégique, le rapprochement des deux entités est également cohérent avec le nouvel accent mis sur le développement durable comme problématique transversale.

Il est logique, pour les pays qui souhaitent accroître leur effort en matière de développement durable, de se doter d’un organisme capable de lancer et de soutenir des projets à la fois sur le territoire national et dans les autres pays, et ce dans une optique de synergie.

Toutefois, madame la secrétaire d’État, il me paraît important de préserver l’identité propre de l’AFD, afin qu’elle continue à viser l’objectif de développement, en adéquation avec la loi du 7 juillet 2014.

Pouvez-vous nous confirmer que cet axe est bien celui qui est suivi par la mission de préfiguration du rapprochement des deux entités ? Vous nous avez signalé, lors de votre audition en commission, que vous vouliez aller vite. Aussi, quand connaîtrons-nous les modalités de ce rapprochement ? (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste et républicain. – M. Jacques Gautier applaudit également.)

M. le président. Mes chers collègues, je vous rappelle que le temps de parole attribué à chaque groupe pour chaque discussion comprend le temps d’intervention générale et celui de l’explication de vote.

Par ailleurs, le Gouvernement dispose au total de vingt minutes pour intervenir.

Dans la suite de la discussion, la parole est à Mme Leila Aïchi.

Mme Leila Aïchi. Monsieur le président, madame la secrétaire d’État, mes chers collègues, alors que le rendez-vous tant attendu de la COP21 est arrivé, nous examinons ce soir les crédits de la mission « Aide publique au développement ».

Nous le savons tous ici, développement, protection de l’environnement et transition énergétique sont intimement liés. Or force est de constater que le budget que vous proposez n’est pas à la hauteur des enjeux, puisque ce dernier, au sortir du conseil des ministres, avait été amputé de près de 178 millions d’euros par rapport à 2015.

Vous comprendrez donc l’incompréhension et l’inquiétude de l’ensemble des acteurs de ce secteur, qui attendaient bien plus de la France, notamment à la suite de l’annonce du Président de la République, en septembre dernier à l’ONU, d’augmenter le niveau de l’aide publique française afin de dégager 4 milliards d’euros de plus à partir de 2020.

Toutefois, les discussions à l’Assemblée nationale ont permis, sur l’initiative du Gouvernement, une revalorisation de 50 millions d’euros du programme 209, « Solidarité à l’égard des pays en développement », une augmentation globale de 120 millions d’euros du plafond d’affectation de la taxe française sur les transactions financières, la TTF, pour le Fonds de solidarité pour le développement, ainsi qu’une affectation, d’origine parlementaire cette fois, de 25 % du produit de la TTF.

Il s’agissait là d’ajustements importants, que nous saluons. En effet, lorsqu’on les additionne, ils permettaient pour la première fois depuis 2010 d’augmenter le budget de l’aide publique au développement.

Malheureusement, ces ajustements ont été, pour une partie, de courte durée, car le Gouvernement a finalement réduit les crédits de la mission de 162 millions d’euros, par le biais d’une seconde délibération à l’Assemblée nationale.

Pourquoi être revenu sur le compromis trouvé à l’Assemblée nationale ? Madame la secrétaire d’État, c’est totalement incompréhensible ! De surcroît, le Sénat, en première partie du PLF, a supprimé l’élargissement de l’assiette de la taxe sur les transactions financières, alors que cette dernière aurait pu constituer, en plus d’un moyen de lutte contre la spéculation, une ressource supplémentaire au profit de l’aide publique au développement.

Il s’agit là de deux signaux particulièrement malheureux, la France étant encore bien loin de ses engagements internationaux, avec une aide publique au développement représentant seulement 0,36 % du revenu national brut, le RNB, en 2014, bien loin de l’objectif international fixé à 0,7 %.

Madame la secrétaire d’État, mes chers collègues, les additions et soustractions qu’a connues la mission qui nous occupe ce soir ne sont pas à la hauteur des enjeux. Elles témoignent, en effet, de l’instabilité de ce budget depuis plusieurs années. Même si nous sommes conscients du contexte budgétaire difficile que nous traversons, l’aide publique au développement ne peut pas continuer à être une variable d’ajustement.

C’est pourquoi le groupe écologiste présentera un amendement ayant pour objet d’annuler partiellement la coupe de 162 millions d’euros opérée par le Gouvernement. Nous espérons, mes chers collègues, que le Sénat adoptera cet amendement, qui vise simplement, si je puis dire, à ramener les crédits de la mission « Aide publique au développement » à leur niveau proposé par le projet de loi de finances initiale.

La rationalisation de notre aide ne doit pas être synonyme d’abandon !

En ce sens, nous devons continuer à sécuriser et à renforcer le Fonds de solidarité prioritaire, qui est un instrument privilégié de notre coopération, notamment au regard de notre politique non seulement de prévention des conflits, mais également d’accompagnement et de reconstruction dans des zones en crise. En effet, il vise à accompagner les pays pauvres prioritaires qui ne bénéficient pas aujourd’hui de prêts consentis par l’aide publique à des taux avantageux, parce qu’ils sont considérés comme insolvables.

Au vu des enjeux multidimensionnels que nous connaissons, l’accompagnement de ces pays est indispensable. Plus qu’une forme d’incohérence, il s’agit bel et bien d’une absence totale de vision globale des enjeux qui nous préoccupent.

Madame la secrétaire d’État, soyons sérieux ! Aujourd’hui, nous avons voté un budget de la défense en hausse, pour, notamment, faire face à des enjeux sécuritaires d’une autre nature, dans ce qui relève d’une guerre asymétrique, mais qui n’aura, nous le savons tous, aucune issue dans le « tout sécuritaire ».

Ces enjeux ne peuvent s’affranchir de l’aide au développement et de la coopération. Aussi, en coupant et en fragilisant nos outils d’accompagnement, de soutien et de développement, nous faisons preuve d’une irresponsabilité qui, au mieux, relève de la légèreté et, au pire, s’apparente à une forme de cynisme.

Par ailleurs, je vous avais alertée l’année dernière, madame la secrétaire d’État, sur l’Agence française de développement. Alors que ses moyens se trouvent confirmés, je m’interroge sur cette tendance qui, selon moi, ne répond pas à l’objectif de transparence sur le pilotage de l’aide.

En effet, l’AFD s’est vu exonérer de tout type de contrôle ou de mesures contraignantes visant à en assurer une meilleure gestion. Des mesures ont-elles été prises en ce sens, ou faut-il clairement commencer à envisager sa dissolution ?

Enfin, et j’en terminerai par-là, à quelques heures de la COP21, la contribution de la France au Fonds pour l’environnement mondial demeure insuffisante, comme l’est également notre contribution au Fonds vert pour le climat, pour lequel la France s’est engagée à hauteur de 774 millions d’euros pour la période 2015-2018.

Mes chers collègues, nul ne peut aujourd’hui encore réfuter les lourdes conséquences qu’entraîne le changement climatique sur le développement d’un pays. Le GIEC a une nouvelle fois affirmé que le changement climatique affectait l’intégrité des États, en fragilisant leur souveraineté et en affectant les infrastructures étatiques les plus sensibles.

Est-il encore nécessaire d’expliciter devant vous les ravages dans les pays en développement des stress hydriques et nourriciers, de la course effrénée aux matières premières, de l’accaparement des terres rares, ou encore des tensions énergétiques ?

La France doit être ambitieuse en termes de cohérence de nos politiques et de financement de projets. Il est inacceptable d’envoyer un message contradictoire aux pays en développement en cette année cruciale où le monde entier nous observe.

Pour toutes ces raisons, madame la secrétaire d’État, le groupe écologiste réserve son vote, en attendant le voir le sort qui sera réservé à l’amendement qu’il a présenté.

M. le président. La parole est à M. Yves Pozzo di Borgo.

M. Yves Pozzo di Borgo. Monsieur le président, madame la secrétaire d’État, mes chers collègues, jamais dans l’Histoire notre monde n’a été aussi riche, et pourtant, jamais les inégalités de richesses entre les peuples et les nations n’ont été aussi marquées.

Selon une étude publiée par Oxfam en janvier dernier, le premier centile de la population mondiale concentrerait à lui seul plus de 48 % du patrimoine mondial, alors que les 80 % les moins favorisés ne se partageraient que 5,5 % des richesses.

Au-delà de ces chiffres un peu abstraits se dessine une cruelle réalité : près de 5 milliards de personnes vivent avec moins de 8 dollars par jours, dont plus d’un milliard avec moins de 1,25 dollar par jour. Parallèlement, les 80 personnes plus fortunées de la planète ont vu leur richesse croître de 600 milliards de dollars entre 2010 et 2014.

M. Yves Pozzo di Borgo. La mondialisation a apporté une certaine prospérité à notre monde, mais la grande pauvreté est encore loin d’être vaincue. Ce paradoxe n’est qu’apparent, pour la simple et bonne raison, mes chers collègues, que la globalisation financière et commerciale dans laquelle nous sommes engagés ne s’est pas accompagnée d’une mondialisation de la solidarité, selon l’expression du secrétaire général adjoint des Nations unies, Philippe Douste-Blazy.

Nous vivons dans un monde dans lequel les élites économiques ont pris le pas sur les élites politiques, de sorte que le capitalisme financier internationalisé s’est substitué au capitalisme social incarné par l’État-providence, notamment en France. Dans ce monde, un enfant meurt toutes les trois secondes d’une maladie curable du seul fait qu’il manque parfois quelques centimes d’euros pour acheter des médicaments. On ne peut pas imaginer qu’un tel monde vive en paix !

Ces inégalités sont tellement criantes et insupportables qu’elles font le lit du ressentiment, de la haine et, pour finir, de l’extrémisme.

L’aide au développement n’est donc pas qu’un impératif moral pour nos sociétés finalement favorisées par rapport au reste du monde : c’est une nécessité d’ordre public pour juguler des menaces désormais globales. La crise économique et financière qui a frappé les finances publiques des États occidentaux dès 2008 n’a fait qu’aggraver la situation.

Nous constatons aujourd’hui que l’effort budgétaire de solidarité mondiale représenté par l’aide publique au développement a été sacrifié à l’incontournable assainissement des comptes publics. La mission « Aide publique au développement » que nous sommes conduits à examiner ce jour voit ainsi ses crédits diminuer en 2016 de plus de 6 %, soit 160 millions d’euros.

Cette contraction concerne les deux programmes de cette mission sans distinction, et vise aussi bien, dans une logique plus transversale et opérationnelle, les dons que les subventions pour projets.

Au-delà des seuls crédits de cette mission et avec une focale plus large, on observe que, depuis le maximum atteint en 2010, l’aide publique au développement versée par notre pays n’a cessé de diminuer, passant de 12,9 milliards d’euros, soit 0,50 % du RNB, à 10,4 milliards d’euros, soit 0,36 %, en 2014, ce qui représente une baisse de 20 % en valeur et de 28 % en pourcentage du RNB.

La France est donc encore loin de parvenir à l’objectif de 0,7 % du RNB, et cela est d’autant plus critiquable que l’aide au développement mondial devrait retrouver une dynamique favorable cette année. A fortiori, on peut s’interroger sur le ciblage de ces ressources qui sont pourtant rares et, par conséquent, précieuses.

Ainsi, selon les données fournies par nos rapporteurs spéciaux Fabienne Keller et Yvon Collin, le Maroc serait le premier bénéficiaire de l’aide bilatérale, avec 539 millions d'euros, alors qu’en septembre 2013 une étude de la banque Morgan Stanley estimait que ce pays faisait partie de la frange supérieure des pays en voie de développement. Que penser aussi du versement de 223 millions d’euros au Brésil, de 220 millions d’euros au Mexique, de 183 millions d’euros à la Turquie ou même de 92 millions d’euros à la Chine, qui est tout de même la deuxième économie mondiale ?

Au regard de la forte actualité relative à l’effort mondial en faveur de l’APD, il me semble possible de considérer que les pouvoirs publics commencent à mesurer la nécessité de réformer notre outil de solidarité mondial.

Le 8 septembre 2015, devant l’Assemblée générale des Nations unies, le Président de la République a ainsi prévu d’augmenter les financements en faveur du développement de 4 milliards d’euros en 2020, dont 2 milliards d’euros pour la lutte contre le changement climatique. François Hollande a également annoncé un rapprochement entre l’Agence française de développement, l’AFD, et la Caisse des dépôts et consignations, ce qui devrait renforcer la professionnalisation de la gestion de ces fonds.

Au-delà de ce contexte purement national, la conférence d’Addis-Abeba de juillet dernier a mis l’accent sur les opportunités de diversification du financement de l’APD. Je pense bien évidemment aux financements innovants.

Il s’agit soit de financements très spécifiques et localisés, à l’image du micro-crédit, soit de canaux plus larges érigés au plan mondial. Il s’agit d’asseoir sur des flux mondiaux le financement de biens publics mondiaux, comme la lutte contre les épidémies, la protection de l’environnement ou encore le développement au sens large du terme.

La France a su jouer un grand rôle en la matière au début des années 2000, avec la création de UNITAID, qui est particulièrement active en matière de lutte contre le sida et le paludisme, en Afrique, notamment, où les résultats sont spectaculaires. L’action d’UNITAID est financée par une taxe mondiale sur les billets d’avion, mais ce modèle reste fragile. La baisse de 25 millions d’euros l’année dernière de la contribution française à UNITAID correspond à une perte de 20 millions de traitements contre le paludisme et de plus de 200 000 traitements contre le sida pour les enfants.

Rien n’est acquis en la matière. Tout reste à faire. C’est le cas, par exemple, de la taxe sur les transactions financières sur laquelle nos collègues Fabienne Keller et Yvon Collin ont produit plusieurs rapports ces trois dernières années. Cette taxe, instaurée en 2011, dans le prolongement du G20 de Cannes, a concentré de grandes espérances, surtout sur le plan européen. Après quatre années d’existence, son produit demeure encore inférieur aux espoirs d’alors et, surtout, elle reste une taxe essentiellement Française.

Le projet de taxe financière sur les transactions porté par la Commission européenne dès 2011 n’a pas, en effet, rencontré le succès escompté en dépit du soutien du Parlement européen. C’est principalement du fait, vous le savez, de l’opposition marquée de l’Angleterre – ce paradis fiscal légal, le plus grand paradis fiscal du monde ! – et des milieux financiers. Cela n’a pas empêché, fort heureusement, un « repli stratégique », selon l’expression employée par Fabienne Keller dans son rapport d’information de 2013.

À l’heure actuelle, le projet d’instauration de cette taxe dans le cadre d’une coopération renforcée à onze pays avance lentement. D’après les récentes déclarations du commissaire Moscovici, on peut espérer une mise en œuvre à l’horizon 2017, mais cela reste encore incertain.

Concernant l’affectation de son produit, la France a eu raison d’en attribuer 15 % en 2013 aux pays les plus pauvres. Je ne peux que regretter que cet exemple n’ait pas été plus largement suivi. Les interrogations demeurent tant sur l’assiette de la taxe que sur la destination de son produit : faut-il soutenir l’environnement ? Faut-il amplifier l’aide au développement, la reverser à l’Union européenne ou à la Banque européenne de reconstruction et de développement, la BERD ? Les interrogations demeurent au nord de la Méditerranée.

Une prise de conscience importante a eu lieu en septembre 2014 lors de l’Assemblée générale des Nations unies lorsque le président du Congo a annoncé qu’il allait suivre les recommandations de Philippe Douste-Blazy et prélever 10 cents de dollar sur chaque baril de pétrole. Cette taxe de 0,001 % permettrait de financer la lutte contre la malnutrition infantile qui concerne 30 % des enfants en Afrique et en Asie du Sud-Est. Ce fléau provoque d’importants retards de développement chez les enfants, avec souvent de lourdes conséquences cérébrales. Ce scandale humanitaire est aussi un formidable gâchis en termes de potentiel de croissance. Dans le cas du Cameroun, 25 millions de dollars ventilés sur cinq ans permettraient de régler le problème et conduiraient ce pays à passer de 4,5 % à 11 % de croissance par an. Cette initiative propre aux pays du Sud mérite d’être saluée et encouragée par notre pays.

Nous vivons donc un moment crucial et charnière dans l’histoire de l’aide au développement. Il y a eu une prise de conscience internationale en dépit de la crise. Chacun sait désormais à quel point cet enjeu est incontournable et chacun sait également que les finances publiques nationales ne suffiront pas.

Nous pouvons nous féliciter des annonces financières faites à Addis-Abeba, à l’ONU et même de celles qui seront faites à l’occasion de la COP 21. Restons prudents toutefois. Gardons-nous des annonces volontaristes à 100 milliards d’euros à chaque conférence internationale,…

M. le président. Veuillez conclure, monsieur Pozzo di Borgo.

M. Yves Pozzo di Borgo. … dont on ne sait comment elles seront effectivement financées et concentrons toute notre réflexion et tout notre effort sur des dispositifs permettant de répondre à des problèmes ciblés et localisés au sein des pays les moins avancés. (MM. Martial Bourquin, Didier Guillaume et Bernard Lalande applaudissent.)

M. le président. La parole est à M. Michel Billout.

M. Michel Billout. Monsieur le président, madame la secrétaire d'État, mesdames, messieurs les rapporteurs, mes chers collègues, cette année encore, les crédits de la mission « Aide publique au développement » sont malheureusement l’illustration d’une politique dans laquelle le décalage entre les paroles et les actes est trop flagrant.

Les choses s’annonçaient pourtant bien lorsque le 28 septembre, à la tribune de l’ONU à New York, le Président de la République s’était engagé, selon ses propres mots, à ce que la France « montre l’exemple » en matière d’aide publique au développement.

Il avait ainsi déclaré que le concours de la France se traduirait par 4 milliards d’euros supplémentaires d’ici à 2020.

La déception a été grande lorsque, avec le projet de budget pour 2016, la réalité est apparue aux parlementaires et aux organisations non gouvernementales.

En effet, vos crédits, madame la secrétaire d'État, accusaient une perte de 170 millions d’euros par rapport à l’année précédente, passant de 2,77 milliards d’euros pour 2015 à 2,6 milliards d’euros pour 2016, soit une baisse de plus de 6 % des crédits de la mission.

Si nous avions accepté une telle coupe en 2016, deux fois plus importante que celle de l’année précédente, cela aurait correspondu à la cinquième année de baisse consécutive du budget de l’aide au développement.

Il faut bien mesurer les enjeux et avoir conscience que dans ce contexte d’instabilité planétaire il y va de la cohérence de nos politiques publiques pour lutter contre les facteurs qui contribuent à la pauvreté des populations et aux conflits entre les pays.

On ne se demanderait pas comment accueillir des réfugiés si l’on luttait réellement contre ce qui fait fuir les populations, qu’il s’agisse de guerre, de pauvreté ou de catastrophe liée au climat !

Tel est le contexte général dans lequel nous discutons ce soir.

Ce projet de budget a connu diverses péripéties lors de son examen à l’Assemblée nationale où l’initiative des députés avait permis une augmentation à laquelle le Gouvernement s’était malheureusement opposé.

Je rappelle qu’il s’agissait notamment d’élargir la taxe sur les transactions financières, la TTF, et d’augmenter les capacités d’intervention de l’Agence française pour le développement, l’AFD, en affectant une fraction supplémentaire du produit de la TTF à son budget, soit un peu plus de 260 millions d’euros. Cette mesure paraît nécessaire pour tenir nos engagements internationaux.

Je concentrerai donc mon propos sur ces deux aspects, la TTF et la politique de l’AFD.

Ce budget pourrait connaître une légère augmentation.

Si elle était ainsi alimentée par la taxe sur les transactions financières et la taxe sur les billets d’avion, la somme des crédits consacrés de la mission « Développement » et de ceux du Fonds de solidarité et de développement, le FSD, serait, selon l’estimation de M. le rapporteur pour avis de la commission des affaires étrangères, Henri de Raincourt, supérieure de 99 millions d’euros en 2016 à ce qu’elle était en 2015.

Je partage cependant ses réserves sur le fait que cette augmentation provient exclusivement de la TTF, dont 368 millions d’euros de produits supplémentaires seront consacrés au développement, alors que les crédits budgétaires diminuent au total de 10,4 % compte tenu du vote de l’amendement très regrettable de deuxième délibération du Gouvernement.

Avec cette montée en puissance de la TTF, cela pose évidemment la question du risque que cette substitution de crédits budgétaires par des financements innovants ne se pérennise et ne dédouane ainsi les gouvernements qui se succéderont de leur devoir et de leurs nécessaires efforts en faveur du développement.

Notre rapporteur relève aussi avec pertinence la perte de transparence et de possibilités de contrôle qu’induit ce dispositif puisque la TTF transite non par le budget de l’État, mais par le FSD.

Je note également que les crédits attribués au Fonds de solidarité, chargé de financer des actions pour promouvoir la justice et les droits de l’homme, ont été divisés par deux entre 2012 et 2016.

De ce point de vue, ce budget pour 2016 n’est pas non plus à la hauteur des ambitions qui devraient être celles de la France pour lutter contre l’injustice de la mondialisation financière.

D’une façon générale, je suis obligé de réitérer mes critiques sur la répartition de l’aide effectuée par notre pays.

En effet, la majeure partie de l’aide publique au développement est toujours composée de prêts, qui servent pour une bonne part à financer des projets d’infrastructures dans les pays émergents. Notre pays, en faisant bénéficier les entreprises françaises de nouveaux marchés à l’étranger, fait d’abord fructifier ses intérêts économiques. Ce n’est pas en soi condamnable, mais la logique qui anime ce type d’aide est trop soumise aux intérêts privés.

Faut-il vraiment comptabiliser ces prêts au titre de l’aide publique au développement ? Je préférerais que nous nous concentrions en priorité sur des projets permettant aux populations locales des pays les moins avancés de subvenir à leurs besoins élémentaires : se nourrir, se soigner, s’éduquer.

Selon l’ONG Oxfam, seulement 7 % de l’aide française est constituée de dons.

Ainsi, l’Agence française de développement ne dispose que d’une enveloppe de 200 millions d’euros. À titre de comparaison, son homologue allemande consacre 2 milliards d’euros aux dons dans les pays en développement.

Par ailleurs, les associations s’accordent à constater que l’engagement de la France dans des domaines comme l’éducation primaire ou l’accès à l’eau et à l’assainissement est insuffisant et se situe bien en deçà de celui des autres pays développés.

C’est pourquoi je suis inquiet des conditions dans lesquelles pourrait s’effectuer le rapprochement de l’Agence française de développement et de la Caisse des dépôts et consignations, si elle en devenait une filiale.

Si cela n’aboutissait qu’à augmenter le volume de prêts de l’Agence, ce pourrait être positif. Le risque existe toutefois que l’AFD ne perde son identité et sa spécificité pour se transformer en une banque se consacrant essentiellement au financement de l’économie des pays émergents.

Enfin, je dirai un mot sur les crédits de la francophonie, qui sont un atout essentiel pour le rayonnement de la France. Je regrette qu’ils baissent de près de 2 millions d’euros. Dans ce domaine encore, ce n’est vraiment pas à la hauteur des enjeux si l’on mesure que cela regroupe quatre-vingts pays et représentera 750 millions de locuteurs en 2050.

Madame la secrétaire d'État, vous l’aurez compris, le groupe communiste républicain et citoyen est déçu par le montant insuffisant des crédits consacrés par notre pays à l’aide au développement.

Par éthique, par respect des valeurs qui animent notre pays, nous ne pouvons pas continuer à ignorer que les exigences de sécurité des populations des pays de notre continent passent aussi – et peut-être avant tout – par le développement économique et social des pays pauvres.

Trois amendements ont été déposés. Nous les soutiendrons, car leur adoption permettrait de donner un signe positif en faveur d’une réelle augmentation des crédits d’aide au développement et d’un rééquilibrage nécessaire entre les dons et les prêts.

À défaut, ne pouvant voter les crédits de la mission, le groupe communiste républicain et citoyen s’abstiendra. (M. Michel Le Scouarnec applaudit.)

M. le président. La parole est à Mme Hélène Conway-Mouret.

Mme Hélène Conway-Mouret. Monsieur le président, madame la secrétaire d'État, mes chers collègues, la devise de la République française « Liberté, Égalité, Fraternité » nous rappelle quotidiennement une autre valeur qui nous est chère : la solidarité. Celle-ci s’exprime de diverses façons et l’aide publique au développement en est une.

Le terme « aide » a d’ailleurs étonnamment résisté à l’usure du temps, alors que son contenu a évolué ; de même que se sont notoirement transformés les rapports au sein même de l’aide entre apport public et privé, aide bilatérale et multilatérale, soutien technique ou aide financière.

Toutefois, quel que soit le constat de l’efficacité de ces soutiens pour les pays bénéficiaires ou la logique de justification de l’aide octroyée – par exemple, à des pays à forte croissance économique –, la notion d’aide au développement est bien ancrée dans la solidarité internationale. La place importante réservée aux institutions publiques et privées qui en ont la charge l’atteste d’ailleurs.

Je reviendrai ultérieurement sur la réforme projetée par le Gouvernement, qui tend à rapprocher l’Agence française de développement et la Caisse des dépôts et consignations.

En ce début de XXIe siècle, l’aide ne consiste plus en un transfert de ressources au détriment d’une mobilisation des ressources internes. Le devoir de transparence s’est imposé. La solidarité s’exprime sous toutes les formes possibles, non pas par devoir mais parce qu’il y va de l’intérêt de tous. Son objectif s’est aussi précisé en se concentrant principalement sur la lutte contre la pauvreté, ce qui n’est pas sans conséquence sur les secteurs investis par les programmes d’assistance.

Cette lutte rencontre quelques succès puisque, depuis plus de trente ans, le revenu par habitant augmente dans un nombre croissant de pays. Certains d’entre eux rejoindront d’ailleurs bientôt la catégorie des pays à hauts revenus, et ce alors même que les inégalités se creusent au sein de ces mêmes pays. Plus globalement, à l’échelle internationale, comme le rappelait en 2014 Laurent Fabius lors du forum « Convergences », la réduction du fossé qui s’est creusé pendant deux siècles entre le monde développé et le reste du globe doit se faire d’une manière qui soit viable pour tous sur les plans politique, économique et écologique.

Chacun des plus de sept milliards d’individus qui vivent sur notre planète doit pouvoir prendre sa part au développement planétaire en faisant valoir à son juste prix ses biens et son travail ; chacun doit pouvoir apporter les richesses de sa culture et de son intelligence. Tous aspirent à un monde plus juste, plus viable et plus équitable parce qu’ils savent que cela est possible et qu’ils y voient le formidable progrès qui en résulterait pour l’humanité tout entière.

Le monde fini cher à Valéry semble désormais atteint et s’impose à nous. Dans le monde désormais connecté dans lequel nous vivons, on comprend vite qu’un nombre croissant d’humains ont conscience, parce qu’ils ont accès à l’information venant des quatre coins du monde, de l’injustice de leur condition. Ils aspirent alors à une vie meilleure ; ceux qui habitent dans des zones de conflits aspirent quant à eux, tout simplement, à sauver leur vie.

L’accumulation des déséquilibres sociaux et politiques, le dérèglement climatique et les flux illicites sont sources d’instabilité, de pauvreté et donc de déplacements massifs de population, non plus au sein d’un même pays mais vers d’autres continents.

Face à ces défis, chacun doit prendre ses responsabilités. La France le fait. D’abord, en agissant pour la paix et la sécurité sur plusieurs théâtres, parce que la guerre et le terrorisme sont les pires ennemis du développement. Ensuite, en aidant à la résolution de crises humanitaires, comme elle le fit par exemple en participant à la lutte contre l’épidémie Ebola. En outre, en poursuivant son appui au processus de décentralisation et de soutien aux collectivités territoriales de ces pays. Enfin, en organisant la conférence sur le climat qui se tiendra à Paris avec pour objectif la ratification d’un accord universel, général pour le monde.

L’annonce en septembre dernier des 100 milliards de dollars à l’échelle mondiale pour assurer le financement de la transition énergétique, l’adaptation et le transfert de technologies font aussi partie du combat pour le développement. Ils permettront, si la mobilisation est générale, de tenir la promesse de solidarité envers les plus pauvres. On peut dès lors se réjouir de l’augmentation progressive de 4 milliards d’euros pour le développement durable, annoncée par le Président de la République, au sein de laquelle 2 milliards d’euros seront consacrés à la lutte contre le dérèglement climatique.

Le Gouvernement a en outre annoncé que 370 millions d’euros supplémentaires viendraient abonder les dons d’ici à 2020, de manière à préserver l’équilibre entre prêts et dons. Enfin, l’Agence française de développement, l’AFD, a dépassé en 2014 l’objectif qui lui était attribué par la loi du 7 juillet 2014, prévoyant que les deux tiers des subventions mises en œuvre soient concentrées sur les pays pauvres prioritaires.

Mes chers collègues, je crois que nous pouvons être fiers de l’engagement du Président de la République et du Gouvernement. Ils sont présents sur tous les fronts. La politique suivie s’inscrit dans une nouvelle phase fondée sur le partenariat, notamment avec nos amis africains. Le sommet de Paris des 6 et 7 décembre 2013 a scellé cette ambition. Il a ainsi permis de tourner la page du discours de Dakar du 26 juillet 2007. L’homme africain est entré dans l’histoire, la grande. Symboliquement, mais aussi parce que, en politique comme en droit, le mot fait la chose, le ministère de la coopération a changé de nom. Cela marque l’évolution de nos relations extérieures : il s’agit désormais de développement et de francophonie.

À ce propos, il faut regretter la baisse de 2 millions d’euros en 2016 des crédits consacrés à la francophonie. Cela envoie un signal négatif à nos partenaires dans la grande famille de l’Organisation internationale de la francophonie, l’OIF. Ayons conscience que nous n’atteindrons jamais le chiffre de 750 millions de locuteurs du français en 2050 si nous ne nous en donnons pas les moyens.

Avec l’abrogation de la circulaire Guéant et les efforts accomplis pour l’accueil des étudiants étrangers, le Gouvernement a fait des choix clairs et symboliques. Il faut les poursuivre, être cohérent et espérer que ces étudiants continueront à venir nombreux en France. Ils constituent un élément important de notre influence. Mais cela ne suffit pas : nous devons également soutenir notre présence culturelle et éducative partout où s’exprime un désir de français.

Par ailleurs, la France tient ses engagements en maintenant l’aide aux projets et en renforçant l’aide bilatérale. Elle est également au rendez-vous en stabilisant, notamment, les crédits d’aide alimentaire et de sortie de crise et en doublant les crédits destinés à l’aide aux ONG humanitaires.

Il faut donc voir dans l’adossement de l’AFD à la Caisse des dépôts et consignations l’opportunité d’augmenter la capacité financière de la nouvelle entité qui sera ainsi créée. Elle sera plus concurrentielle par rapport aux autres organismes de développement. En revanche, avec l’AFD, nous avons construit une politique de développement responsable aussi bien sur le plan social que sur le plan environnemental. Il nous faut donc préserver cet outil formidable pour l’avenir.

Il me reste à faire le vœu que le budget pour 2016 mette un terme à la baisse continue depuis 2010 de l’aide publique au développement et qu’il constitue ainsi, enfin, le premier budget stabilisé. N’oublions pas que ce budget permet à la France d’être présente partout. La France ne serait plus tout à fait elle-même aux yeux du monde si elle renonçait à son ambition universelle de construire un cadre de paix et de démocratie pour réussir ensemble la grande aventure humaine si elle renonçait à son génie du renouveau qui la fait se distinguer et être attendue des autres nations. (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste et républicain.)

M. le président. La parole est à M. Robert Hue.

M. Robert Hue. Monsieur le président, madame la secrétaire d'État, madame la présidente de la commission des finances, mesdames, messieurs les rapporteurs, mes chers collègues, un sixième de l’humanité est encore plongé dans l’extrême pauvreté, dont une majorité de femmes et d’enfants. C’est certes deux fois moins qu’il y a 25 ans, mais cette réalité, encore préoccupante, nous impose de redoubler d’efforts pour éliminer la pauvreté – et non pas seulement la réduire –, conformément aux 17 nouveaux « objectifs de développement durable » adoptés lors du sommet des Nations unies de septembre dernier.

Nous le savons tous ici, la misère est une source de tensions dans de nombreuses régions du monde, fait que les désordres climatiques risquent d’accentuer par le biais de déplacements de populations prévisibles.

Alors, la France doit absolument tenir ses engagements pour contribuer efficacement et de façon significative aux objectifs fixés par la communauté internationale.

Je juge positifs les aménagements à ce projet de budget votés par nos collègues députés. Néanmoins, l’aide publique au développement semble devoir demeurer au niveau de 0,38 % du revenu national brut, encore loin de la cible de 0,7 % que d’autres pays européens sont pourtant parvenus à atteindre.

Comme l’a indiqué notre collègue Yvon Collin, rapporteur spécial de la mission « Aide publique au développement », il eût été préférable, en cette année de grands rendez-vous internationaux sur l’aide au développement, d’afficher un budget plus ambitieux. Néanmoins, complétant ainsi les propositions de nos collègues députés, le Gouvernement a envoyé un signal grâce, notamment, à l’amendement qu’il a déposé visant à majorer de 100 millions d’euros le montant de la taxe sur les transactions financières affecté au Fonds de solidarité pour le développement.

Par ailleurs, le Président de la République a fait lors du sommet de New York des annonces qui pourraient réorienter nos efforts à la hausse. Je m’en réjouis.

Enfin, j’ajouterai que le montant de l’aide publique au développement versé par les pays du Comité d’aide au développement de l’OCDE a atteint en 2014 son plus haut niveau, soit 135,2 milliards de dollars.

Je souhaite cependant souligner que l’aide au continent africain versée dans ce cadre du Comité d’aide au développement a diminué de près de 5 % entre 2013 et 2014.

S’agissant de l’aide française, qui nous intéresse directement, là aussi, les moyens fléchés vers l’Afrique se tassent un peu, même si cette zone reste prioritaire. À mon sens, il est important de ne pas relâcher les efforts déployés en direction du continent africain qui, vous le savez, mes chers collègues, est le continent de tous les défis.

Est-il utile en effet de rappeler que l’Afrique, avec deux milliards d’habitants attendus à l’horizon 2050, est consubstantielle à l’avenir de la planète ? Elle pose donc un défi démographique, un défi climatique, à l’évidence, un défi sanitaire, comme nous l’avons vu avec le virus Ebola, et enfin, dans la bande sahélo-saharienne, un défi sécuritaire.

M. Yvon Collin, rapporteur spécial. Très bien !

M. Robert Hue. Si la Banque africaine de développement observe cette année une hausse de la croissance économique, qui serait de l’ordre de 4,5 %, ce chiffre occulte des disparités importantes entre les 57 pays africains, disparités que l’aide au développement peut contribuer à atténuer. Pour cela, il faut bien entendu concentrer notre soutien sur les pays les moins avancés, les PMA.

À cet égard, j’observe que le rapprochement entre l’Agence française de développement et la Caisse des dépôts et consignations facilitera un accès de l’opérateur aux fonds propres ; c’est une nécessité afin de pouvoir prêter davantage. Toutefois, permettez-moi, madame la secrétaire d’État, de souligner l’importance de conserver un juste équilibre entre la part des dons et celle des prêts au sein de l’aide versée, en particulier, aux PMA.

M. Yvon Collin, rapporteur spécial. Tout à fait !

M. Robert Hue. J’ajouterai que la forte orientation des moyens vers les projets à dimension environnementale est indispensable. Pour autant, elle ne doit pas se faire au détriment des programmes en faveur de l’éducation et du développement rural, deux priorités fortes en Afrique à mon sens.

Enfin, il est un sujet auquel je suis très attaché et auquel les ONG s’intéressent depuis très longtemps : la lutte contre l’optimisation et la fraude fiscales dans les pays en voie de développement où l’on constate des taux d’imposition à peine supérieurs à 15 %. Pour lutter contre la pauvreté, la mobilisation des ressources domestiques est essentielle, sous réserve qu’elle soit menée de façon équitable et que les populations voient des résultats significatifs en matière d’infrastructures, de transport et d’énergie. L’OCDE s’est emparée de cette problématique : c’est une bonne chose.

Mes chers collègues, en ces temps troublés où la sécurité de la France se joue sur d’autres continents, il me semble que le seizième objectif de développement durable, « Promouvoir l’avènement de sociétés pacifiques, l’accès de tous à la justice et des institutions efficaces », a aujourd’hui une résonnance particulière.

Comme j’ai souvent eu l’occasion de le dire ici, le développement est une des premières conditions de la paix. C’est pourquoi il nous faut être à la hauteur des enjeux. Je ne doute d’ailleurs pas, madame la secrétaire d’État, que vous aurez à cœur de mettre en œuvre les promesses du Président de la République pour que la France honore ses valeurs d’humanisme et de fraternité.

Voilà les raisons qui conduisent le groupe du RDSE, en dépit des réserves que j’ai émises, à voter ces crédits. (Applaudissements sur les travées du RDSE et sur plusieurs travées du groupe socialiste et républicain. – M. Michel Le Scouarnec applaudit également.)

M. le président. La parole est à Mme Joëlle Garriaud-Maylam.

Mme Joëlle Garriaud-Maylam. Monsieur le président, madame la secrétaire d'État, mes chers collègues, les crédits de la mission « Aide publique au développement» restent très insuffisants et soulèvent de véritables questions quant au décalage entre les effets d’annonce et les décisions budgétaires.

Mme Fabienne Keller, rapporteur spécial. Absolument !

Mme Joëlle Garriaud-Maylam. Pour autant, je crains qu’un rejet ce soir au Sénat du budget de l’APD ne permette pas de l’améliorer. Par ailleurs, voter contre ce budget pourrait représenter un signal mal compris par les pays du Sud à l’approche de la COP 21. Je compte donc sur ce débat en hémicycle pour obtenir des clarifications et des engagements précis de la part de Mme la secrétaire d’État.

Les crédits 2016 sont clairement sous-dimensionnés eu égard aux enjeux. L’afflux sans précédent de migrants commence à faire prendre conscience aux Français, ici et maintenant, des périls engendrés par la pauvreté, les catastrophes naturelles et l’instabilité politique dans les pays en voie de développement.

Dans le contexte de la COP 21, on parle beaucoup de développement durable. N’oublions pas pourtant que la capacité des populations du Sud à vivre dignement est un facteur décisif pour la durabilité de nos choix de société.

Les migrations et les extrémismes se nourrissent de la misère. C’est au moment où nous avons laissé les systèmes de santé et d’éducation africains se disloquer que des organisations islamistes ont ouvert des écoles et des centres de soins. Nous ne pouvons leur laisser ce rôle. Inversement, promouvoir l’éducation des jeunes et l’autonomie des femmes a des retombées positives infiniment plus nombreuses et plus vastes qu’on ne l’imagine généralement.

L’APD n’est donc pas une question de bons sentiments, un vague supplément d’âme apporté à notre politique étrangère. Il s’agit bien au contraire de favoriser des équilibres géopolitiques et géostratégiques qui nous concernent directement. Financer l’APD est un investissement indispensable, un acte fort de prévention des crises économiques, sociales, sécuritaires et environnementales.

Le budget 2016 aggrave aussi les manquements de la France à ses engagements internationaux. Il est hélas devenu une habitude de constater notre incapacité à atteindre le seuil des 0,7 % du revenu national consacrés à l’APD.

La situation n’est pas stationnaire. Elle s’aggrave. Nous avons atteint l’an dernier le triste record de 0,36 % et venons de passer en dessous de la moyenne des pays du Comité d’aide au développement de l’OCDE.

Mme Fabienne Keller, rapporteur spécial. Oui !

Mme Joëlle Garriaud-Maylam. Madame la secrétaire d'État, ce budget va loin, hélas, dans l’insincérité.

En 2012, François Hollande s’était engagé à augmenter considérablement l’APD. Depuis, ce budget a baissé de 600 millions d’euros...

Au mois de septembre dernier, le Président de la République annonçait à la tribune de l’ONU que la France allait consacrer 4 milliards d'euros supplémentaires à l’APD. Cette posture démagogique aura rapidement été démontée : les 4 milliards d'euros ne seront débloqués que sous forme de prêts et bonifications, et seulement « à partir de 2020 », soit après la fin du quinquennat ! Après moi, le déluge ?

Dans l’immédiat, c’est au contraire une baisse de l’APD qui nous est proposée dans le projet de loi de finances pour 2016. Les députés ont tenté de la limiter en augmentant la part de financements innovants fléchés vers l’aide au développement. Mal leur en a pris : le Gouvernement a contrebalancé cette hausse des recettes en rabotant de 162 millions d’euros le budget du programme 209. Ce jeu de bonneteau – pardonnez-moi de le dire – me semble indécent.

Aujourd’hui, devrions-nous applaudir au fait d’être revenus au niveau de 2014 ? C’était pourtant une année historiquement basse... De plus, si l’on regarde en détail, les crédits sont loin d’avoir été sanctuarisés.

La politique de développement est simplement débudgétisée : les crédits budgétaires de certains programmes baissent de manière vertigineuse et cette chute n’est que partiellement compensée par le recours aux financements innovants.

Les crédits du Fonds de solidarité prioritaire accusent ainsi une nouvelle coupe de 25 %, après une baisse de 10 % l’an dernier. Les financements innovants, comme la taxe sur les billets d’avion, dite « taxe Chirac », ou la taxe sur les transactions financières, avaient vocation à compléter notre APD, pas à s’y substituer.

Ce dévoiement est d’autant plus inquiétant que le cadre de suivi et d’évaluation est beaucoup plus clair pour l’APD traditionnelle que pour ces recettes hors budget.

Faire reposer l’APD de plus en plus fortement sur les recettes fiscales crée aussi le risque d’instaurer une aide au développement perçue par la population comme « punitive ». Ne reproduisons pas l’écueil déjà expérimenté avec l’écologie.

Par ailleurs, malgré un budget qui stagne, la politique d’aide au développement est censée couvrir de nouvelles missions. Attention à ne pas déshabiller Pierre pour habiller Paul. Même s’il est de bon ton, avant la COP 21, d’afficher sa mobilisation, le mélange des genres est contre-productif. Les annonces médiatiques sur les engagements de la France en faveur du climat ou des réfugiés ne doivent pas se solder par une ponction sur les budgets d’aide au développement.

L’APD doit continuer à jouer un rôle préventif pour favoriser la création d’emploi, la sécurité alimentaire et l’amélioration des services de base des pays du Sud. Ces missions traditionnelles de l’APD doivent non seulement être préservées, mais même monter en puissance. À cet égard, je m’interroge sur la disparition du budget consacré aux actions de codéveloppement.

Je m’étonne aussi de retrouver des crédits pour la francophonie dans le programme 209, alors qu’ils devraient à mon sens figurer dans les programmes 110 et 185. La francophonie, outil majeur pour notre rayonnement, me semble devoir être un indicateur transversal aux divers leviers de l’action extérieure de l’État, pas un poste budgétaire isolé dans le programme 209 – qui subit d’ailleurs une coupe infiniment regrettable de 2 millions d’euros.

Le contexte budgétaire plus contraint que jamais devrait nous amener à des évolutions qualitatives. Évidemment, cela suppose des efforts accrus en matière de transparence et d’évaluation. Des progrès ont été réalisés, mais le chemin est encore long pour nous mettre au niveau d’autres partenaires de l’OCDE.

Beaucoup reste aussi à faire en matière de lutte contre la corruption et contre l’évasion fiscale. Le CCFD, première ONG française de lutte pour le développement, estime ainsi que, pour un euro d’aide versé par les pays du Nord, ce sont dix euros qui s’échappent dans les paradis fiscaux. L’enjeu ici n’est pas d’aligner des millions sur une maquette budgétaire, mais bien de défendre une réelle volonté politique de faire bouger les lignes, en coopération avec les États du Sud, et d’opérer un contrôle véritable sur l’utilisation de ces fonds. C’est là sans doute l’enjeu majeur pour notre APD.

Je m’interroge sur la volonté politique de notre gouvernement, qui n’a pas soutenu hier l’amendement adopté par le Sénat, visant à taxer les profits des grandes entreprises, largement détournés via le montage de filiales ou les paradis fiscaux.

À Addis-Abeba, au mois de juillet dernier, des pays en voie de développement ont souhaité la création d’un tax body, un organisme fiscal intergouvernemental au sein de l’ONU pour lutter contre l’évasion et l’optimisation fiscales. Nous avons pourtant préféré maintenir ce sujet au sein de l’OCDE. Il est sous doute dommage d’avoir refusé cette occasion. En tout cas, il est désormais urgent que la France prenne des mesures pour la mise en œuvre du nouveau plan contre la fraude fiscale de l’OCDE.

Avant de conclure, j’évoque le rapprochement entre l’AFD et la Caisse des dépôts et consignations. Il nous semble essentiel que l’AFD ne soit pas purement et simplement absorbée par la CDC. Nous avons besoin d’assurances qu’elle gardera son identité et son autonomie, en particulier avec des ressources propres. La mission de configuration qui a été confiée à Rémy Rioux sera à cet égard essentielle et nous souhaiterions que son rapport puisse faire l’objet d’une présentation commune à la commission des finances et à la commission des affaires étrangères.

Je conclus en insistant, comme j’ai commencé, sur l’importance de ne pas creuser le décalage entre les postures et les actes. Les effets d’annonce, lorsqu’ils sont suivis de coupes budgétaires, sont désastreux. Assumer ses décisions est le marqueur d’une politique de responsabilité. Les Français y sont de plus en plus attentifs. Mais c’est également essentiel pour notre crédibilité à l’international. (M. Jacques Gautier applaudit.)

M. le président. La parole est à Mme Claudine Lepage. (Marques de satisfaction sur les travées du groupe socialiste et républicain. – M. Bernard Lalande applaudit.)

Mme Claudine Lepage. Monsieur le président, madame la secrétaire d'État, mes chers collègues, nous examinons les crédits de l’aide publique au développement, à trois jours seulement de l’ouverture de la Conférence de Paris sur le climat. Le timing – si j’ose cet anglicisme devant la secrétaire d'État de la francophonie (Sourires.) – est presque parfait !

Je tiens tout d’abord à remercier le Gouvernement et vous-même, madame la secrétaire d'État, d’avoir déposé, lors de la discussion budgétaire à l’Assemblée nationale, un amendement visant à pallier une baisse drastique des crédits consacrés à l’aide publique au développement. Vous en conviendrez, cela aurait été un fort mauvais signal envoyé par le pays organisateur de la COP 21 au reste du monde...

Les tragiques événements qui ont frappé notre pays rendent aujourd’hui l’aide publique au développement encore plus incontournable. La réponse au terrorisme, qui prospère sur la misère sociale et éducative, ne pourra pas être seulement militaire et sécuritaire. Face à ces attaques terroristes, notre pays doit répondre avec encore plus de solidarité. C’est, je crois, madame la secrétaire d'État, le sens premier du budget que vous présentez.

Le budget que nous examinons aujourd’hui est en très légère hausse par rapport à 2015 et met fin à une baisse que nous subissions bon gré mal gré depuis cinq ans. Il faut, au regard du contexte budgétaire, se féliciter de cet effort considérable.

L’année dernière, à la même époque, l’urgence était sanitaire, puisque le virus Ebola frappait durement l’Afrique de l’Ouest. Aujourd’hui, l’épidémie s’est fort heureusement résorbée, mais nous devons faire face à une autre urgence, celle des réfugiés qui fuient la guerre, la misère et qui se tournent vers l’Europe en quête d’un avenir meilleur. Si la réponse à cette crise majeure se doit d’être européenne et mondiale pour être réellement efficace à moyen et long termes, la France doit, dès à présent, accueillir une partie de ces réfugiés et faciliter leur intégration sur notre territoire.

Je me réjouis donc que le Gouvernement ait entrepris un effort supplémentaire et débloqué 50 millions d’euros pour répondre à cette crise et soutenir les organismes qui se trouvent en première ligne, comme le Haut Commissariat aux réfugiés ou le Programme alimentaire mondial. Il me semble important que, aux yeux de tous, l’aide aux réfugiés finance des actions concrètes et identifiables.

Compte tenu des crises qui bouleversent le monde et de l’issue plus qu’incertaine de la guerre en Syrie et en Irak, cet effort devra nécessairement être poursuivi dans les mois et les années à venir et donc trouver sa traduction dans les budgets futurs. Sans ces efforts, y compris financiers, nous ne serons pas en mesure de répondre au défi de la gestion des flux migratoires.

L’urgence est migratoire, mais, bien entendu, elle est aussi climatique. Pendant de longues années, certains ont estimé, à tort, que le changement climatique était une chose lointaine qui ne concernerait que les générations futures. Pourtant, n’en déplaise aux climatosceptiques, le dérèglement climatique est une réalité. L’année 2015 n’a-t-elle pas été la plus chaude jamais enregistrée ? Chaque année, on estime que les catastrophes naturelles déplacent 26 millions de personnes dans le monde.

Lors de son discours du 27 septembre dernier devant l’Assemblée générale des Nations unies, le Président de la République a évoqué sa décision « d’augmenter le niveau d’aide publique au développement pour dégager 4 milliards d’euros à partir de 2020 ». Sur ces 4 milliards d'euros, 2 milliards seront consacrés à des actions de lutte contre le réchauffement climatique.

La France est donc pleinement mobilisée sur cet enjeu majeur, même si je regrette que l’écrasante majorité de ces 4 milliards d'euros soient des prêts et non des dons. Je crains en effet que les pays les plus fragiles, qui ne sont généralement pas en mesure de supporter le poids de la dette, ne puissent être en mesure de bénéficier de ces prêts.

Le Fonds vert pour le climat est également une réponse adaptée à l’urgence climatique. Pour mémoire, la France y a contribué à hauteur de 1 milliard de dollars. Je salue les premiers projets qui ont été dévoilés ces dernières semaines, preuve que ce fonds agit de manière concrète sur le terrain. Je me réjouis également que les populations les plus fragiles soient aidées en priorité. Le Malawi bénéficiera, par exemple, d’un programme d’aide de 12,3 millions de dollars pour réduire la vulnérabilité des habitants aux phénomènes climatiques extrêmes.

Permettez-moi d’évoquer maintenant l’inquiétude de nos compatriotes qui résident en Asie du Sud-Est et qui font face depuis de nombreux mois au haze. Ces feux de forêts en Indonésie, souvent provoqués par des agriculteurs ou des entreprises, forment un nuage nocif et toxique qui affecte également Singapour, la Thaïlande, la Malaisie. La situation dure depuis de nombreux mois et engendre nombre de conséquences : infections respiratoires pour des dizaines de milliers de personnes, fermetures temporaires d’écoles et graves perturbations du trafic aérien. Ces feux sont également une catastrophe sur le plan écologique puisqu’ils déciment les forêts de Sumatra et Bornéo.

Je compte sur la France pour que, à l’occasion de la COP 21, cette inquiétude soit relayée auprès de l’Indonésie.

Je conclurai en évoquant le choix du Président de la République de rapprocher l’AFD, opérateur principal de la politique de développement française, et la Caisse des dépôts et consignations. Ce rapprochement a pour principal objectif de renforcer l’AFD, en s’inspirant notamment des opérateurs étrangers comme la Kreditanstalt für Wiederaufbau en Allemagne. À ce stade, peu d’informations précises ont été dévoilées, mais des craintes se font déjà jour, notamment quant à son impact sur le développement de l’activité de prêt. À plus long terme, jusqu’où ira cet adossement ? Pourriez-vous, madame la secrétaire d'État, nous apporter plus de précisions sur ce rapprochement ? (Vifs applaudissements sur les travées du groupe socialiste et républicain. – M. Robert Hue applaudit également.)

M. le président. La parole est à Mme Christiane Kammermann. (M. Jacques Gautier applaudit.)

Mme Christiane Kammermann. Monsieur le président, madame la secrétaire d’État, mes chers collègues, je souhaite avant tout remercier nos collègues rapporteurs, qui se sont beaucoup investis dans l’aide publique au développement.

En commission des affaires étrangères, de la défense et des forces armées, notre rapporteur, Henri de Raincourt, nous a rappelé qu’investir dans la politique d’aide publique au développement n’était pas un luxe, bien au contraire.

Pour ma part, je considère que l’APD est un outil indispensable de prévention des crises que connaissent certains États fragiles.

À cet instant, je souhaite vous parler du Liban. Alors que ce pays essaie de sortir d’une crise institutionnelle, il doit faire face à une multiplication des crises : sanitaire, sociale et politique. Le Liban fait également les frais d’une crise de gouvernance, due à une gestion encore trop opaque.

Cet été, 40 000 tonnes de déchets s’entassaient dans les rues de Beyrouth. Littéralement engloutis sous les ordures ménagères, les Libanais, toutes classes et confessions confondues, se sont retrouvés autour d’un même slogan à double sens : «Vous puez ! », lequel visait autant les déchets qu’une large classe politique.

Plusieurs milliers de manifestants, mobilisés par le dégoût et l’incurie de l’administration de l’État, ont soudain pris conscience qu’ils avaient la possibilité de se faire entendre en criant haut et fort leur mal-être, dont ils rendent responsables la classe politique.

À cette crise sanitaire s’ajoute le prisme lancinant de la guerre et les très graves conséquences découlant directement du conflit en Syrie.

Voyez, mes chers collègues, comment la confluence de plusieurs paramètres peut pousser un pays au bord de l’explosion sociale et politique alors même qu’il se remettait à peine des affres des guerres du passé.

À titre d’exemple, le montant cumulé de l’aide provenant de l’Agence française de développement en faveur du Liban depuis 1999 s’élève à 1,167 milliard d’euros, dont 875 millions d’euros au titre de l’aide budgétaire et 292 millions d’euros au titre de l’aide projet.

Cette aide vise à atteindre quatre objectifs principaux : le soutien aux populations vulnérables, l’accès équitable à des services de santé et d’éducation de qualité, le renforcement du secteur privé et l’appui au développement de villes durables.

Au regard des liens historiques et de l’amitié profonde entre nos deux pays, et à la veille de la COP 21, je pense que la France peut largement aider le Liban afin de trouver une solution à la crise des déchets qui dure depuis maintenant quatre mois. Je songe par exemple à l’expertise de l’agence Expertise France.

En matière d’aide et de soutien politique, je veux ici solennellement remercier le président du Sénat, qui s’est rendu à Beyrouth il y a peu. En tant que membre de la commission des affaires étrangères et de la défense et ayant longtemps vécu au Liban et continuant de me soucier de ce beau pays qui a tant souffert, je veux témoigner devant vous que ce soutien institutionnel est un acte très fort et un message d’espoir.

Madame la secrétaire d’État, dans quelle mesure votre secrétariat d’État continuera-t-il de soutenir le Liban et dans quel cadre nos services d’expertise et de coopération pourraient-ils renforcer et optimiser un soutien concret ? (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains.)

M. le président. La parole est à Mme la secrétaire d'État.

Mme Annick Girardin, secrétaire d'État auprès du Premier ministre, chargée du développement et de la francophonie. Monsieur le président, mesdames, messieurs les sénateurs, l’année est exceptionnelle, et même historique, pour le développement. Elle est marquée par de grands rendez-vous internationaux, dont certains d’entre vous ont parlé : la conférence internationale sur le financement du développement durable d’Addis-Abeba, la définition des Objectifs de développement durable à New York et, dans quelques heures, la COP 21.

Les attentats du mois de janvier et du 13 novembre dernier qui ont frappé notre pays changent la donne. Face au terrorisme, la France sera implacable et répondra sans faiblesse, tout en restant généreuse, fidèle à ses valeurs, source d’inspiration pour la planète. L’aide au développement, c’est la générosité de la France en actions.

Tel est le sens de la décision du Président de la République de maintenir la COP 21, malgré les attentats. Tel est également le sens des annonces fortes faites à New York lors de l’Assemblée générale des Nations unies.

Plus 4 milliards d’euros de financements pour le développement en 2020. La montée en puissance sera progressive, le volet climat appuyé : sur ces 4 milliards d’euros, 2 milliards d’euros seront affectés au climat, ce qui porte les financements français de 3 milliards d’euros à 5 milliards d’euros en 2020. En complément, le volet « dons » sera important puisqu’il s’établira à 370 millions d’euros.

La France s’adapte à un monde qui change, qui bouge. Elle prend en compte les crises et leurs évolutions, par exemple la crise des réfugiés. Tel est d’ailleurs le sens de l’amendement du Gouvernement visant à augmenter de 50 millions d’euros les crédits du programme 209. Le monde qui bouge, c’est aussi, et on peut s’en féliciter, la fin de la crise Ebola, dans laquelle nous nous sommes beaucoup investis, et la fin des engagements en Afghanistan.

La France s’adapte aussi aux évolutions géopolitiques : elle participera à la Banque asiatique d’investissement pour les infrastructures.

Nous construisons le monde de demain, le monde à zéro carbone et zéro pauvreté que nous voulons. Nous sommes mobilisés en faveur des Objectifs de développement durable et des enjeux climatiques. Nous devons traduire dans les faits notre volonté. Tel est le sens de la contribution française de 1 milliard d’euros au Fonds vert pour le climat et de l’amendement visant à affecter 100 millions d’euros issus de la taxe sur les transactions financières à la lutte contre le changement climatique, en particulier l’adaptation.

La France tient ses engagements. Elle maintient l’aide projet et renforce l’aide bilatérale. C’est un message fort que vous nous avez adressé l’an dernier et de nouveau cette année.

L’aide aux réfugiés financera des actions concrètes, pour une grande partie en multilatéral, via le HCR et les agences des Nations unies et l’aide alimentaire. Madame Lepage, vous avez souligné ce point, c’est effectivement ce que nous faisons.

Les fonds climatiques devront cibler, vous l’avez dit, les pays les plus vulnérables et permettre des actions d’adaptation. Une part des actions en faveur du climat sera portée en bilatéral.

J’insiste sur la question de l’adaptation parce que les pays vulnérables, les États insulaires, l’Afrique, le rappellent régulièrement : l’adaptation doit être traitée politiquement et financièrement, de manière équitable, avec l’atténuation.

Tenir ses engagements, c’est aussi soutenir des fonds d’urgence, en faveur de l’aide aux réfugiés bien sûr, mais aussi du renforcement des ONG humanitaires, de l’aide alimentaire, laquelle reste stable, de la sortie de crise, stable également ; c’est encore le soutien aux acteurs du développement dans l’esprit d’Addis-Abeba. Cette conférence marque bien la volonté de travailler tous ensemble pour faire face à ce défi qui est, certes, considérable, mais qui peut être atteint si nous savons travailler collectivement, avec l’ensemble de nos partenaires. C’est pour cela que la France poursuit le doublement de ses crédits en faveur des ONG, plus 8 millions d’euros pour cette année, ce qui porte la somme totale à 79 millions d’euros d’engagements. Les crédits en faveur de la coopération décentralisée sont stables et s’établissent à 9,2 millions d’euros. À cet égard, on a souvent dit cette année lors de tous ces grands rendez-vous internationaux combien le rôle des collectivités territoriales était important, vous l’avez dit, nous pourrons y revenir. Enfin, les crédits du volontariat restent également stables et s’établissent à 19,2 millions d’euros. Il est important de soutenir la mobilité des jeunes, car la France veut rester un pays ouvert.

Ce budget porte un message fort. D’abord, il stoppe la baisse, nous nous accordons tous sur ce point. Depuis cinq ans, les crédits avaient diminué de 500 millions d’euros. Cette baisse est aujourd'hui arrêtée. Ensuite, ce budget permet de reprendre une trajectoire croissante vers le 0,7 %. Enfin, il assume l’accent mis sur les plus vulnérables. À Addis-Abeba, la France et l’Europe ont pris l’engagement de 0,2 % pour les PMA.

Ce budget a évolué depuis le bleu budgétaire de septembre. Chacun ici a énoncé un certain nombre de chiffres. Pour équilibrer ce budget, le Gouvernement a proposé deux amendements. Le premier visait à accroître de 50 millions d’euros les crédits de la mission « Aide publique au développement » pour les réfugiés, pour la Syrie bien sûr, mais aussi les financements via les organisations des Nations unies. Le second amendement tendait à augmenter de 100 millions d’euros les crédits pour le climat du Fonds de solidarité pour le développement.

Les députés ont voulu aller plus loin et donner dès 2016 un signal de hausse des crédits de la mission « Aide publique au développement », en affectant 25 % du produit de la taxe sur les transactions financières à l’Agence française de développement, pour que l’année 2016 marque une augmentation de ces crédits.

Le Gouvernement a entendu ce message, mais il a souhaité ramener cette augmentation à un volume compatible avec ses objectifs de maîtrise des comptes publics. C’est notre responsabilité. Le projet de budget qui vous est soumis aujourd'hui augmente de 106 millions d’euros par rapport aux crédits de 2015, soit 256 millions d’euros de plus que la version initiale du projet de loi de finances pour 2016.

Ces 106 millions d’euros supplémentaires nous permettront d’honorer nos engagements internationaux, notamment en matière de santé et d’éducation. J’ai entendu à la fois les députés et vous-mêmes aujourd’hui, mesdames, messieurs les sénateurs, sur l’importance de tenir nos engagements, en particulier dans le domaine de la santé et de l’éducation.

Tout cela va dans le même sens et c’est une bonne nouvelle pour le développement ! Mais c’est aussi pourquoi, compte tenu de la responsabilité qui est celle du Gouvernement, les amendements que vous proposerez tout à l’heure ne pourront pas recevoir son soutien.

Je tiens ici à souligner que ce budget participe d’une stratégie générale. D’abord, il y a eu la loi que vous avez votée et le cadre qui y est fixé pour la politique de développement et de solidarité, en 2014. Puis, il y a eu l’appel à l’efficacité que nous avons lancé à l’ensemble de nos opérateurs pour assurer une meilleure utilisation des fonds publics ; nous le devons aux Français. Il y a aujourd'hui ce budget, en augmentation de 106 millions d’euros. Or certains ce soir ont tenu des propos plus durs que les années précédentes, quand le budget était en baisse. Enfin, il y a des réformes institutionnelles. Je citerai trois volets : le rapprochement de l’Agence française de développement et de la Caisse des dépôts et consignations ; la création et la mise en œuvre d’Expertise France, que vous avez voulue ; et la réforme de la gouvernance.

Nous avons adopté cette année les Objectifs de développement durable. Nous devons donc nous mettre en ordre de bataille pour les mettre en œuvre.

Messieurs de Raincourt et Hue, vous craignez que les crédits affectés au climat le soient au détriment du développement. Or il ne faut pas opposer climat et développement. Les Objectifs de développement durable adoptés à New York sont transversaux, six d’entre eux concernant également le climat.

Le monde que nous voulons, celui que nous construisons actuellement pour 2030, est à zéro carbone et zéro pauvreté. L’annonce de 4 milliards d'euros supplémentaires n’aurait pu être faite s’il n’y avait eu que le volet développement.

Sur cette augmentation de 4 milliards d'euros en 2020, 2 milliards d'euros vont à la lutte contre le changement climatique et 2 milliards d'euros à l’aide au développement. On n’aurait pas eu 4 milliards d'euros pour le développement. Il nous faut effectivement, aujourd'hui, combattre sur les deux volets financiers, en faisant en sorte, en 2016, que l’ensemble de ces financements ait le même objectif : la lutte contre le dérèglement climatique, la lutte contre la pauvreté, pour ce monde meilleur, plus juste, plus équitable que nous voulons.

Il faut se dire aussi que la cible climat pour la France, celle que je défends puisque j’ai été chargée, sur cette question du climat, de travailler avec les pays les plus vulnérables, c'est-à-dire les pays africains, les États insulaires, c’est l’adaptation ; quand on fait de l’adaptation, on fait aussi du développement. C’est ainsi que nous devons construire le parcours 2016–2030 que nous avons à mener ensemble.

Messieurs de Raincourt et Pozzo di Borgo, vous avez aussi parlé de la TTF. Comment la portons-nous au niveau de l’Union européenne ?

D’abord, et il faut s’en féliciter, la France est tout même le premier pays à avoir mis en place cette taxe. Ensuite, je souligne que les discussions techniques et politiques se font aujourd'hui à onze pays. Les échanges sur le champ de cette taxe sont encore en cours. Nous parlons de dérivés, de méthodes de calcul. La France met toute son énergie sur cette question. Normalement, au début de décembre, un accord devrait être, au travers du conseil Ecofin, validé par ces onze pays. Nous insistons pour que non seulement cette taxe soit mise en place, mais aussi pour qu’une allocation substantielle soit allouée au développement, notamment à la lutte contre les pandémies et les dérèglements climatiques, ainsi que le Président de la République a déjà eu l’occasion de le déclarer.

Le rapprochement de l’Agence française de développement et de la Caisse des dépôts et consignations traduit une ambition : pouvoir changer d’échelle sur un plan financier. C’est l’outil dont nous avons aujourd'hui besoin pour aller au-delà des engagements financiers ou des annonces que nous avons pu obtenir. Comment construire cet outil qui va nous permettre d’accompagner nos Objectifs de développement durable ? Comment faire en sorte qu’il permette à tous les acteurs qui ont été cités à Addis-Abeba – les collectivités territoriales, les entreprises, les ONG – d’agir ensemble à l’international.

La Caisse des dépôts et consignations mène de longue date un travail avec les entreprises et les collectivités territoriales. Ce savoir-faire, conjugué à celui de l’Agence française de développement, qui a des savoir-faire importants en matière d’accompagnement d’ONG, de pays, va nous permettre d’aller beaucoup plus loin.

Des questions, bien sûr, demeurent : l’identité de l’Agence française de développement, de PROPARCO – n’oublions pas cet outil –, la gouvernance.

Sur ces questions plusieurs scénarios sont aujourd'hui à l’étude. Le préfigurateur se tient à la disposition des députés et des sénateurs pour en débattre. Cette discussion est prévue parce que, en tant que sénateurs, vous êtes, comme les députés, représentés au sein de la Commission nationale de la coopération décentralisée, la CNCD, et du Conseil national du développement et de la solidarité internationale, le CNDSI. Il est important que tous les partenaires participent à cette réflexion.

La francophonie, vous avez raison, est un sujet qui me tient à cœur. La Française d’Amérique du Nord que je suis a toujours lutté pour que la langue française soit davantage parlée dans les organisations internationales, qu’il s’agisse des Nations unies, de l’Europe ou de l’ensemble des bassins maritimes.

La France est le premier contributeur, avec plus de 47 millions d’euros en 2016 (Mme Claudine Lepage opine.), à la francophonie dans le monde, au travers de l’Organisation internationale de la francophonie, l’OIF, de l’Agence universitaire de la francophonie, l’AUF, de l’Association des maires de France, l’AMF, et de l’Université Senghor. Il est essentiel que nous puissions continuer à nous battre. Certes, les crédits diminuent, et nous avons demandé à l’ensemble des opérateurs de réfléchir à une réorganisation. Mais, au-delà de la question financière, il est essentiel que les Français prennent conscience de cet atout, que nous devons davantage mettre en avant. Il nous faut persuader les jeunes que parler le français, c’est aussi se donner un atout supplémentaire pour accéder, demain, davantage à la culture ou pour obtenir un emploi.

C’est un outil de rayonnement, qui peut nous permettre d’aller plus loin que nous ne l’avons fait jusqu’à présent. Le volet francophonie économique reste effectivement une possibilité de développement. D’ici à 2050, 750 millions de personnes parleront le français (Mme Claudine Lepage hoche la tête en signe de doute.), voilà ce que l’on nous promet ! C’est une belle promesse, mais cela implique que les moyens nécessaires aient été engagés sur le volet de l’éducation et de la formation. Nous allons devoir y travailler avec l’ensemble des quatre-vingts pays qui sont membres aujourd'hui de l’OIF.

Les francophones seront plus forts si, demain, ils sont capables de se réunir autour de questions politiques, comme celle du climat. J’attends la COP 21 pour voir quel sera le niveau d’ambition des francophones. Nous, francophones, pouvons-nous apporter une ambition supplémentaire aux groupes auxquels nous participerons ? C’est un vrai défi lancé à l’Afrique francophone mais aussi aux pays industrialisés francophones. J’ai plus d’espoir aujourd'hui qu’hier parce que le Canada envoie des messages différents depuis quelques semaines, et je m’en réjouis.

L’aide publique au développement et à la santé est aussi une question, que vous avez à juste titre évoquée. La France est un acteur clé de la santé mondiale depuis de nombreuses années, avec plus de 1 milliard d'euros d’engagements en 2014.

Notre pays a fait le choix stratégique d’une aide transitant majoritairement par les canaux multilatéraux, parce que c’est plus efficace, comme vous l’avez vous-mêmes souligné.

Depuis Ebola, nous avons porté un message sur le renforcement des systèmes de santé et sur la couverture sanitaire. C’est, d’ailleurs, un sujet que nous avons mis en avant dans le cadre des Objectifs de développement durable.

Oui, la France est fière d’être, avec le Brésil, à l’origine de la création d’UNITAID.

UNITAID est à la pointe de l’innovation en matière de développement et de santé. Nous sommes fiers de ses réalisations en tant qu’aiguillon de la baisse des prix, notamment sur les marchés des médicaments pédiatriques.

Sur un plan concret, nous appelons UNITAID à renforcer ses liens et ses synergies avec le fonds mondial. Il faut qu’on puisse y arriver. Le budget d’UNITAID repose à plus de 50 % sur les contributions françaises. C'est pourquoi nous appelons tous nos partenaires, notamment du monde arabe et des pays émergents, à se mobiliser aux côtés de cette organisation. La contribution française repose, comme vous le savez, sur la taxe sur les billets d’avion. Nous appelons nos partenaires à participer à ce financement innovant ; il est important que d’autres pays mettent en place cette taxe.

Le montant 2016 n’est pas encore arrêté. Il repose, pour mémoire, sur les financements innovants, ce qui donne un peu de flexibilité, mais il est clair que davantage de partenaires doivent contribuer à UNITAID.

Au-delà des questions budgétaires, nous devons assurer une réelle efficacité des fonds alloués. Air France ne ménage pas ses critiques sur la trésorerie du fonds en particulier. Nous devons donc, là aussi, être plus lisibles, plus visibles sur ce que nous faisons et demander la même chose à UNITAID.

Les prêts et dons constituent toujours un débat. Vous avez raison de souligner que les dons sont importants pour le développement, nous en sommes largement conscients. C’est d'ailleurs un des points clés des annonces faites en septembre dernier par le Président de la République.

Si 4 milliards d'euros sont alloués au développement en 2020, nous avons aussi annoncé que 370 millions d'euros supplémentaires seraient affectés au volet « dons ». Il importe en effet que nous ne dégradions pas les ratios entre les prêts et les dons.

Le don n’est pas toujours le type de soutien qui répond le mieux aux projets. Il ne faut pas opposer dons et prêts. J’ai vu de nombreux projets pour lesquels le prêt était souhaité. La France doit être fière de la palette variée de ses outils de financement du développement. Elle est un des seuls pays à mettre autant d’outils à la disposition de ses partenaires.

C’est une force de pouvoir proposer à la fois les subventions, les dons, avec les contrats de désendettement et de développement, ou C2D, les aides budgétaires globales, les financements aux ONG. Nous avons les prêts avec des niveaux de concessionnalité différenciés selon les pays partenaires. Nous avons la possibilité de la garantie, de la prise de participation mais aussi de la coalition et de la mobilisation d’acteurs. Nous savons le faire, nous pouvons le faire, nous pouvons encore le faire mieux, mais il ne faut pas opposer les prêts et les dons. Au contraire, il faut pouvoir développer ce type de produit, ce type d’outil à destination de nos partenaires.

À Addis-Abeba, monsieur le sénateur Hue, nous avons aussi appelé à la mobilisation des ressources domestiques. C’est indispensable. La responsabilité de chacun est engagée au regard du développement nécessaire pour préparer le monde de 2030, tout autant que dans la lutte contre l’évasion fiscale.

M. le président. Madame la secrétaire d'État, il faut vous acheminer vers la conclusion de votre intervention !

Mme Annick Girardin, secrétaire d'État. Je conclus, monsieur le président.

Oui, la France est un pays solidaire, comme le montre d'ailleurs la dernière enquête de l’Agence française de développement : à plus de 65 %, les Français veulent que nous restions solidaires. Nous le sommes, sur tous les fronts, et nous pouvons en être fiers. (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste et républicain, ainsi que sur plusieurs travées du groupe Les Républicains. – M. Robert Hue applaudit également.)

Aide publique au développement - Compte de concours financiers : prêts à des Etats étrangers
Dossier législatif : projet de loi de finances pour 2016
Etat B

aide publique au développement

M. le président. Nous allons procéder à l’examen des crédits de la mission « Aide publique au développement », figurant à l’état B.

Aide publique au développement
Dossier législatif : projet de loi de finances pour 2016
Article 48 (début)

ÉTAT B

(En euros)

Mission

Autorisations d’engagement

Crédits de paiement

Aide publique au développement

1 954 540 941

2 508 671 457

Aide économique et financière au développement

359 175 000

937 978 969

Solidarité à l’égard des pays en développement

1 595 365 941

1 570 692 488

Dont titre 2

195 521 699

195 521 699

M. le président. Je suis saisi de trois amendements faisant l'objet d'une discussion commune.

L'amendement n° II–213 rectifié, présenté par M. Dantec, Mme Aïchi, M. Gattolin et les membres du groupe écologiste, est ainsi libellé :

Modifier ainsi les crédits des programmes :

(en euros)

Programmes

Autorisations d’engagement

Crédits de paiement

+

-

+

-

Aide économique et financière au développement

Solidarité à l’égard des pays en développement

dont titre 2

112 000 000

112 000 000

TOTAL

112 000 000

112 000 000

SOLDE

+ 112 000 000

+ 112 000 000

La parole est à Mme Leila Aïchi.

Mme Leila Aïchi. Il apparaît clair que nous souhaitons tous voir le budget de l’aide publique au développement renforcé ou du moins préservé.

L’amendement du groupe écologiste vise donc, lui aussi, à ramener les crédits de la mission APD au niveau proposé dans le projet de loi de finances initial.

Comme je l’ai expliqué lors de mon intervention dans la discussion générale, les crédits de la mission qui avaient été augmentés de 50 millions d’euros lors de la discussion à l’Assemblée nationale ont été baissés de 162 millions d’euros en deuxième délibération par le Gouvernement.

Cette deuxième délibération avait pour objet de répartir entre les différentes missions les économies de dépenses visant à compenser la dégradation du solde intervenue à l’issue de la discussion de la première partie. Or la baisse imputée à la mission APD excède de très loin la contribution proportionnelle de la mission à ces économies : alors que la baisse moyenne est de 0,17 %, la mission APD subit une coupe d’environ 6 %. Il s’agissait donc en réalité, pour le Gouvernement, de revenir sur le compromis élaboré par l’Assemblée nationale en première partie puis lors de la discussion des crédits de la mission.

Dans le cadre de son discours à l’Assemblée générale des Nations unies, le Président de la République a annoncé l’augmentation de l’aide française au développement de 4 milliards d’euros d’ici à 2020 pour contribuer à l’atteinte des objectifs du développement durable, dont 2 milliards d’euros pour financer l’adaptation au changement climatique. Il a également précisé vouloir augmenter les dons pour les pays les plus pauvres.

Cet amendement est donc en parfaite adéquation avec les annonces faites par le Président de la République.

M. le président. L’amendement n° II–188, présenté par Mme Lienemann, n’est pas soutenu.

L’amendement n° II–200 rectifié bis, présenté par MM. Pellevat, G. Bailly, Chasseing et del Picchia, Mmes Duchêne, Garriaud-Maylam et Hummel et MM. D. Laurent et Mandelli, n’est pas non plus soutenu.

Quel est l’avis de la commission sur l’amendement n° II–213 rectifié ?

Mme Fabienne Keller, rapporteur spécial. Cet amendement corrige en partie l’évolution négative des ressources de l’aide publique au développement, que j’ai longuement exposée, à l’instar d’autres collègues, lors de la discussion générale.

Dès lors, madame la secrétaire d’État, la commission des finances s’est interrogée sur le signal qu’elle voulait adresser : soit adopter un amendement qui ne permet pas même de revenir au niveau de l’aide publique au développement de 2013, et qui disparaîtra très probablement au cours de la discussion parlementaire, étant donné la position constante du Gouvernement ; soit maintenir sa position de rejet des crédits, afin de souligner le décalage entre les annonces récentes du Président de la République et le niveau de l’effort financier consacré à l’APD.

La commission a considéré que cette dernière position était plus lisible et a donc émis un avis défavorable sur cet amendement.

À titre personnel, chère collègue, je considère néanmoins que toute ressource supplémentaire consacrée à cette politique peut être utile et toute tentative, même presque désespérée, mérite d’être tentée… Je voterai donc l’amendement n° II–213 rectifié.

M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?

Mme Annick Girardin, secrétaire d'État. Madame la sénatrice, votre amendement prévoit de renforcer le montant des dons consacrés au développement. Le Gouvernement partage votre objectif. Comme je l’ai indiqué tout à l’heure, nous avons abondé le PLF initial de 150 millions d’euros. Lors du débat à l’Assemblée nationale, les députés ont souhaité aller plus loin, avec une augmentation de 268 millions d’euros financée par une affectation de 25 % du produit de la taxe sur les transactions financières, la TTF.

Cet amendement a finalement été ramené à 106 millions d’euros, et l’effort budgétaire par rapport au PLF initial s’établit donc à 256 millions d’euros, ce qui est tout de même substantiel.

Nous avons ainsi mis fin à cinq années de baisse des crédits et présentons un budget en augmentation de 106 millions d’euros. C’est un effort important et je vous demande donc de bien vouloir retirer votre amendement, madame Aïchi.

M. le président. Madame Aïchi, l’amendement n° II–213 rectifié est-il maintenu ?

Mme Leila Aïchi. Oui, je le maintiens, monsieur le président.

Si vous me permettez une petite métaphore cinématographique, cela me rappelle un film que je regardais quand j’étais jeune : Les Dieux sont tombés sur la tête. (Sourires.)

Que je sache, cet amendement est en adéquation avec la volonté du Gouvernement et les propositions faites par le Président de la République.

De surcroît, à deux jours de l’ouverture de la COP 21, nous allons envoyer un signal qui ressemble fortement à une dissonance cognitive. Il y a comme une forme de double langage entre ce que nous voulons faire et ce que nous faisons réellement.

Mme Fabienne Keller, rapporteur spécial. Absolument.

Mme Leila Aïchi. Il me semble que ce message peut être dangereux dans le cadre des négociations de la COP 21. D’où le maintien de cet amendement.

M. le président. La parole est à M. Yves Pozzo di Borgo, pour explication de vote.

M. Yves Pozzo di Borgo. La majorité du groupe UDI-UC a décidé de suivre la position définie par les rapporteurs spéciaux et votera contre l’ensemble des crédits.

En ce qui concerne cet amendement, comme je suis le seul porteur des votes du groupe UDI-UC, et même si j’ai été très sensible aux arguments de Leila Aïchi, je suis obligé de voter contre.

M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° II-213 rectifié.

(L'amendement n’est pas adopté.)

M. le président. Nous allons procéder au vote des crédits de la mission « Aide publique au développement », figurant à l’état B.

Je n’ai été saisi d’aucune demande d’explication de vote avant l’expiration du délai limite.

Je mets aux voix ces crédits.

M. Michel Le Scouarnec. Le groupe CRC s’abstient.

(Ces crédits sont adoptés.)

M. le président. J’appelle en discussion l’article 48, qui est rattaché pour son examen aux crédits de la mission « Aide publique au développement ».

Aide publique au développement

Etat B
Dossier législatif : projet de loi de finances pour 2016
Article 48 (interruption de la discussion)

Article 48

Au II de l’article 64 de la loi de finances rectificative pour 1991 (n° 91-1323 du 30 décembre 1991), le montant : « 2 850 millions d’euros » est remplacé par le montant : « 3 850 millions d’euros ». – (Adopté.)

compte de concours financiers : prêts à des états étrangers

M. le président. Nous allons procéder au vote des crédits du compte de concours financiers « Prêts à des États étrangers », figurant à l’état D.

ÉTAT D

(En euros)

Mission

Autorisations d’engagement

Crédits de paiement

Prêts à des États étrangers

1 464 707 502

1 093 207 502

Prêts à des États étrangers en vue de faciliter la vente de biens et de services concourant au développement du commerce extérieur de la France

330 000 000

300 000 000

Prêts à des États étrangers pour consolidation de dettes envers la France

734 707 502

734 707 502

Prêts à l’Agence française de développement en vue de favoriser le développement économique et social dans des États étrangers

400 000 000

58 500 000

Prêts aux États membres de l’Union européenne dont la monnaie est l’euro

0

0

M. le président. Je n’ai été saisi d’aucune demande d’explication de vote avant l’expiration du délai limite.

Je mets aux voix ces crédits.

(Ces crédits sont adoptés.)

M. le président. Mes chers collègues, nous avons achevé l’examen des crédits de la mission « Aide publique au développement » et du compte de concours financiers « Prêts à des États étrangers ».

Article 48 (début)
Dossier législatif : projet de loi de finances pour 2016
Discussion générale

4

Décisions du Conseil constitutionnel sur trois questions prioritaires de constitutionnalité

M. le président. Le Conseil constitutionnel a communiqué au Sénat, par courriers en date du vendredi 27 novembre 2015, trois décisions du Conseil relatives à des questions prioritaires de constitutionnalité portant sur :

- la contestation et la prise en charge des frais d’une expertise décidée par le CHSCT (n° 2015–500 QPC) ;

- la computation du délai pour former une demande de réhabilitation judiciaire pour une peine autre que l’emprisonnement ou l’amende (n° 2015–501 QPC) ;

- et les modalités de répartition, entre les organisations syndicales de salariés, des crédits du fonds paritaire alloués à la mission liée au paritarisme (n° 2015–502 QPC) ;

Acte est donné de ces communications.

5

Ordre du jour

M. le président. Voici quel sera l’ordre du jour de la prochaine séance publique, précédemment fixée au samedi 28 novembre 2015, à dix heures et à quatorze heures trente :

Discussion du projet de loi de finances pour 2016, adopté par l’Assemblée nationale (n° 163, 2015-2016) ;

Rapport de M. Albéric de Montgolfier, rapporteur général, fait au nom de la commission des finances (n° 164, 2015–2016) ;

- Économie (+ articles 52 à 53 bis) ;

Compte spécial : prêts et avances à des particuliers ou à des organismes privés ;

- Culture.

Personne ne demande la parole ?…

La séance est levée.

(La séance est levée à vingt-deux heures cinquante.)

Le Directeur du Compte rendu intégral

FRANÇOISE WIART