Mme la présidente. La parole est à Mme Hélène Conway-Mouret.
Mme Hélène Conway-Mouret. Madame la présidente, madame la secrétaire d’État, mes chers collègues, notre rapporteur a souligné à juste titre les enjeux et atouts de cet accord de libre-échange, cet ALE, qui a été conclu entre l’Union européenne, la Colombie et le Pérou en 2012.
Nous connaissons les inquiétudes, qui ont été exprimées tout au long des négociations, et encore récemment, à l’égard de cet ALE, sur les questions de droits de l’homme, des droits sociaux et des droits environnementaux.
Cet accord de libre-échange est le premier à inclure un chapitre dédié au développement durable. Son caractère perfectible a pourtant bien été un sujet de préoccupation au moment de sa négociation, les normes sociales et environnementales ne devant être appliquées qu’en fonction des capacités techniques et financières des deux États concernés. Et c’est bien sous l’impulsion des socialistes que le Parlement européen a voulu répondre à ces inquiétudes avec l’adoption d’une résolution le 13 juin 2012, laquelle a enjoint la Colombie et le Pérou de définir une feuille de route visant à garantir la protection des droits du travail, de l’environnement et des droits de l’homme comme condition préalable à l’entrée en vigueur de tout accord commercial.
Ainsi, des actions concrètes en faveur du droit du travail ont été prévues, tout comme un recensement des organes responsables de la défense de l’environnement. De même, une clause permet de suspendre l’accord en cas de violation des droits de l’homme.
Le travail de suivi sur cet ALE a été engagé, mais nous n’en sommes qu’au début. C’est la raison pour laquelle nous choisissons, pour notre part, de voir le verre à moitié plein. Je pense que, aujourd’hui, nous abordons une nouvelle phase dans la conception des politiques commerciales. Depuis plusieurs années, les socialistes, au côté du Gouvernement, défendent le principe du « juste échange », de la réciprocité, d’une stratégie commerciale responsable.
Les négociations actuelles du partenariat transatlantique sont également révélatrices de cette évolution. La France a obtenu gain de cause en matière d’arbitrage et ajouté l’équité et la justice commerciale au rang des valeurs non négociables. Ces accords doivent donc être considérés comme des instruments de progrès.
Les accords commerciaux européens de nouvelle génération sont une occasion de porter ces principes, de renforcer nos liens non seulement avec les gouvernements, mais surtout avec les syndicats et d’autres représentants de la société civile de ces pays.
Les nouvelles stratégies commerciales présentées ces dernières semaines par la Commission européenne comme par la France sont fidèles à cette évolution : le respect des valeurs telles que le développement durable, les droits de l’homme, le commerce équitable et la lutte contre la corruption est clairement devenu un préalable, tout comme la défense du modèle social et réglementaire européen.
La nouvelle politique commerciale de la Commission tend aujourd’hui à énoncer clairement ces exigences avec l’inclusion dans les accords commerciaux de règles obligeant les futurs partenaires à mettre en œuvre des dispositions consacrées aux normes fondamentales du droit du travail, telles que le droit d’organisation des travailleurs, l’abolition du travail des enfants, ou encore de normes plus strictes en matière d’environnement.
La commissaire européenne chargée de la politique commerciale, Cécilia Malmström a, le 10 décembre dernier, « enfoncé le clou », en insistant sur la nécessité de faire des accords de libre-échange un outil puissant de lutte contre la corruption et de promotion de la bonne gouvernance, rappelant que la corruption est au cœur du problème du développement : elle constitue « un fléau pour l’économie et les sociétés du monde et elle nous empêche d’éradiquer la pauvreté, de protéger notre environnement et de conduire le développement durable ».
Les négociations qui sont conduites actuellement pour un partenariat transatlantique peuvent également favoriser cette évolution. Le travail engagé par la France au niveau européen dans le cadre de ces négociations va également dans le sens de la primauté des valeurs économiques, sociales, environnementales et sociétales qui sont considérées aujourd’hui comme non négociables.
Les discussions actuelles menées dans le cadre de l’OMC sur les biens environnementaux peuvent être considérées comme un signe tangible de cette évolution, d’autant qu’elles auraient de réelles chances d’aboutir.
Les lignes sont en train de bouger, j’en suis convaincue, en faveur de stratégies commerciales plus responsables. Nous saluons enfin la publication, sur l’initiative du secrétaire d’État chargé du commerce extérieur, Matthias Fekl, du rapport sur la stratégie du commerce extérieur de la France et la politique commerciale européenne, qui insiste en particulier sur la nécessité de faire en sorte que les accords commerciaux restent « vivants, au travers de l’entretien d’un dialogue régulier de toutes les parties prenantes et grâce à une évaluation ex post des accords en vigueur. »
Mes chers collègues, considérons-nous comme étant interpellés directement par cette exigence. Nous avons aujourd’hui la possibilité d’être mieux associés aux accords en cours de négociation, à leur suivi, ainsi qu’à leur mise en œuvre.
Le combat que le Gouvernement a mené au niveau européen pour une plus grande transparence des négociations commerciales favorise aujourd’hui une meilleure association des parlementaires nationaux et européens. Saisissons-nous de cette occasion, car nous avons un rôle à jouer pour la préservation et la promotion des valeurs qui sont les nôtres, et assurons donc ensemble la vigilance nécessaire. C’est non seulement notre droit, mais aussi notre responsabilité.
Vous l’avez compris, le groupe socialiste et républicain soutiendra la ratification de cet accord. (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste et républicain.)
Mme la présidente. La discussion générale est close.
Nous passons à la discussion du texte de la commission.
Projet de loi autorisant la ratification de l'accord commercial entre l'Union européenne et ses États membres, d'une part, et la Colombie et le Pérou, d'autre part
Article unique
Est autorisée la ratification de l'accord commercial signé entre l'union européenne et ses États membres, d'une part, et la Colombie et le Pérou, d'autre part (ensemble quatorze annexes), signé à Bruxelles le 26 juin 2012, et dont le texte est annexé à la présente loi.
Mme la présidente. Personne ne demande la parole ?...
Je mets aux voix, dans le texte de la commission, l'article unique constituant l’ensemble du projet de loi.
(Le projet de loi est adopté définitivement.)
5
Conventions internationales
Adoption en procédure d’examen simplifié de deux projets de loi dans les textes de la commission
Mme la présidente. L’ordre du jour appelle l’examen de deux projets de loi tendant à autoriser la ratification ou l’approbation de conventions internationales.
Pour ces deux projets de loi, la conférence des présidents a retenu la procédure d’examen simplifié.
Je vais donc les mettre successivement aux voix.
Projet de loi autorisant la ratification de la convention du conseil de l’Europe sur la contrefaçon des produits médicaux et les infractions similaires menaçant la santé publique
Article unique
Est autorisée la ratification de la convention du Conseil de l'Europe sur la contrefaçon des produits médicaux et les infractions similaires menaçant la santé publique, signée à Moscou le 28 octobre 2011, et dont le texte est annexé à la présente loi.
Mme la présidente. Je mets aux voix l’article unique constituant l’ensemble du projet de loi autorisant la ratification de la convention du Conseil de l’Europe sur la contrefaçon des produits médicaux et les infractions similaires menaçant la santé publique (projet n° 210 [2014-2015], texte de la commission n° 238, rapport n° 237).
La commission des affaires étrangères, de la défense et des forces armées est favorable à l’adoption de ce texte.
(Le projet de loi est adopté.)
Projet de loi autorisant la ratification de l'accord-cadre de partenariat et de coopération entre l'Union européenne et ses États membres, d'une part, et la République des Philippines, d'autre part
Article unique
Est autorisée la ratification de l'accord-cadre de partenariat et de coopération entre l'Union européenne et ses États membres, d'une part, et la République des Philippines, d'autre part, signé à Phnom Penh le 11 juillet 2012, et dont le texte est annexé à la présente loi.
Mme la présidente. Je mets aux voix l’article unique constituant l’ensemble du projet de loi autorisant la ratification de l’accord-cadre de partenariat et de coopération entre l’Union européenne et ses États membres, d’une part, et la République des Philippines, d’autre part (projet n° 551 [2014-2015], texte de la commission n° 241, rapport n° 239).
La commission des affaires étrangères, de la défense et des forces armées est favorable à l’adoption de ce texte.
(Le projet de loi est adopté.)
6
Accord de coopération entre l’Union européenne et le Viêt Nam
Adoption d’un projet de loi dans le texte de la commission
Mme la présidente. L’ordre du jour appelle la discussion du projet de loi autorisant la ratification de l’accord-cadre global de partenariat entre et de coopération entre l’Union européenne et ses États membres, d’une part, et la République socialiste du Viêt Nam, d’autre part (projet n° 414 [2014-2015], texte de la commission n° 240, rapport n° 239).
Dans la discussion générale, la parole est à Mme la secrétaire d’État.
Mme Annick Girardin, secrétaire d'État auprès du ministre des affaires étrangères et du développement international, chargée du développement et de la francophonie. Madame la présidente, madame la rapporteur, mesdames, messieurs les sénateurs, l’accord-cadre global de partenariat et de coopération avec le Viêt Nam, signé en 2012, renouvelle la relation entre l’Union européenne et le Viêt Nam, et offre un cadre nouveau pour l’approfondissement des relations entre l’Union européenne et ce pays en élargissant le champ de coopération.
L’UE s’engage ainsi avec le Viêt Nam à renforcer le dialogue et la coopération sur de nombreux enjeux politiques, économiques et sectoriels. À titre d’exemple, les accords évoquent la coopération en matière de lutte contre le terrorisme ou contre la criminalité transnationale, la protection de l’environnement ou la coopération sur les secteurs de la santé et de l’éducation.
Cet accord contribuera ainsi au renforcement des coopérations linguistiques, universitaires et scientifiques que la France mène depuis plusieurs années au niveau bilatéral avec ce pays.
Au-delà de notre histoire commune, il faut également se souvenir que la France a été, au début des années quatre-vingt-dix, l’un des premiers partenaires étrangers à soutenir l’ouverture et le développement du Viêt Nam.
Nous avons mis en œuvre ensemble des programmes universitaires d’excellence, qui participent à la formation de l’élite vietnamienne de demain. Des projets de coopération tels que l’université franco-vietnamienne des sciences et technologies d’Hanoï et le centre franco-vietnamien de gestion sont des références reconnues, que nous devons continuer de soutenir.
En parallèle, la France accueille chaque année 7 000 étudiants vietnamiens. C’est, après la chinoise, la deuxième communauté étudiante asiatique en France.
Au cours des vingt dernières années, le Viêt Nam a également confirmé son ancrage au sein de la famille de la Francophonie. Environ 600 000 locuteurs du français sont recensés aujourd’hui au Viêt Nam, en partie grâce aux efforts de la France et de l’OIF, l’organisation internationale de la francophonie, pour promouvoir l’enseignement du français. Des formations universitaires d’excellence, notamment en gestion, en sciences et en technologies sont également dispensées en français. De même, quelque 3 000 médecins vietnamiens ont accompli une partie de leur formation en France au cours des vingt dernières années.
L’un des enjeux de cet accord pour la France est ainsi de fournir un cadre plus large et plus ambitieux aux coopérations que nous menons déjà depuis plusieurs années au niveau bilatéral avec le Viêt Nam.
Dans ce cadre renouvelé, l’UE pourra par la suite adopter des accords sectoriels plus précis avec cet État. Cet accord ouvre notamment la voie à la signature d’accords de libre-échange avec l’un des pays les plus dynamiques du continent asiatique, dont la croissance est aujourd'hui supérieure à 6 %. L’Union européenne vient ainsi de conclure les négociations de l’ALE UE-Viêt Nam, qui devrait être signé en 2016. Il ouvrira, pour nos entreprises, de nouveaux marchés prometteurs.
Les enjeux sont ici également importants pour la France, la priorité étant de rééquilibrer nos échanges économiques bilatéraux, qui ne sont pas à la hauteur, comme nous l’avons souvent dit, de la qualité des relations politiques et de coopération que nous avons avec ce pays : plus de 2 milliards d’euros de déficit sur 3,8 milliards d’euros d’échanges.
De nombreuses entreprises françaises – plus de 300 aujourd’hui – sont déjà solidement implantées au Viêt Nam, ou elles ont obtenu de beaux succès. Je pense à Airbus, Alstom, Casino et d’autres. Elles ont l’ambition d’y investir et d’y développer des projets dans la durée.
L’accord de partenariat avec le Viêt Nam réaffirme enfin la place centrale des droits de l’homme dans la relation UE-Viêt Nam. Il entérine notamment le rôle du dialogue annuel sur les droits de l’homme, que l’UE entretient avec le Viêt Nam depuis plus de dix ans maintenant.
Ce dialogue permet d’aborder, et je sais que vous y tenez, les questions relatives aux libertés d’expression et d’information, y compris sur Internet, qui demeurent très encadrées au Viêt Nam.
La situation des personnes détenues pour des activités pacifiques qui relèvent des libertés d’expression et d’opinion est également abordée de manière précise dans ce cadre. La dernière session du dialogue UE-Viêt Nam sur les droits de l’homme a eu lieu au début de 2015, et chacun aura pu prendre connaissance de ce rapport.
En parallèle, la France appelle régulièrement le Viêt Nam à respecter ses engagements internationaux, notamment ceux qui ont été pris au titre du Pacte international relatif aux droits civils et politiques. Nous continuerons à nous mobiliser sur cette question.
Mesdames, messieurs les sénateurs, je vous appelle à soutenir cet accord-cadre, dont l’objectif est de développer une relation globale avec le Viêt Nam dans le champ tant politique qu’économique. (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste et républicain et du RDSE.)
Mme la présidente. La parole est à Mme la rapporteur.
Mme Hélène Conway-Mouret, rapporteur de la commission des affaires étrangères, de la défense et des forces armées. Madame la présidente, madame la secrétaire d'État, mes chers collègues, nous examinons aujourd’hui le projet de loi autorisant la ratification de l’accord-cadre global de partenariat et de coopération entre l’Union européenne et ses États membres, d’une part, et la République socialiste du Viêt Nam, d’autre part.
Cet accord s’inscrit dans une dynamique de développement d’une relation globale entre l’Union européenne et les États membres fondateurs de l’Association des nations de l’Asie du Sud-Est, ou ASEAN, dynamique engagée en 2004.
Sur la base d’une autorisation du Conseil donnée en mai 2007, la Commission européenne a conduit, sans d’ailleurs rencontrer de difficultés particulières, les négociations qui ont abouti à la signature de cet accord en juin 2012. Il s’agit du deuxième accord de partenariat et de coopération conclu avec un pays de l’ASEAN. Le premier, signé en 2009 avec l’Indonésie, est entré en vigueur le 1er mai 2014.
Cet accord se substitue au cadre juridique actuel, constitué par l’accord de coopération de 1995 et l’accord CEE-ASEAN de 1980, qui avait été étendu au Viêt Nam en 1999. Il traduit la volonté de l’Union européenne de renforcer la relation bilatérale dans de nombreux domaines. Il traduit aussi l’intérêt que manifeste le Viêt Nam au développement d’une relation complète avec l’UE, conformément à sa stratégie de multiplication des partenariats, notamment afin de contrebalancer l’influence économique et politique croissante de la Chine dans la région.
Cet accord-cadre, peu contraignant – il faut le dire –, marque essentiellement une volonté politique des parties de s’engager dans une relation globale qui ne se limite pas à la seule dimension économique et commerciale. L’Union européenne entend être perçue non seulement comme un acteur économique, mais aussi comme un acteur politique et de sécurité.
Cet accord a pour objet de renforcer le dialogue et la coopération sectorielle entre l’UE et le Viêt Nam, notamment sur les questions de commerce et d’investissement, de justice et de sécurité, de migration, d’économie et de développement. Il comprend en outre des clauses politiques usuelles pour l’Union européenne sur les droits de l’homme, la Cour pénale internationale, les armes de destruction massive, les armes légères et de petits calibres et, enfin, la lutte contre le terrorisme.
Le présent accord a aussi vocation à ouvrir des coopérations qui se concrétiseront dans des accords sectoriels. Les principes qu’il établit dans les domaines du commerce et de l’investissement doivent servir de point de départ à la négociation d’un accord de libre-échange ALE.
Cette négociation a commencé en 2012 ; la Commission européenne et le Viêt Nam ont annoncé, en août dernier, avoir trouvé un accord de principe qui comprendrait des dispositions ambitieuses en matière de démantèlement tarifaire, ce qui pourrait permettre à l’UE, comme à la France, de mieux profiter des opportunités commerciales du Viêt Nam et de résorber leur déficit commercial respectif. L’accord devrait également inclure la reconnaissance et la protection sur le marché vietnamien de 169 produits alimentaires et boissons d’origine géographique spécifique, en vue, notamment, d’empêcher l’utilisation abusive de l’appellation « Champagne » au Viêt Nam.
Cet accord de libre-échange devrait être signé prochainement. En effet, les deux parties considèrent qu’un accord politique global a été trouvé. Il ne reste donc plus que d’ultimes réglages techniques à négocier.
Si l’accord de libre-échange annoncé semble globalement satisfaisant, nous avons toutefois été alertés par nos collègues de la délégation à l’outre-mer sur le plafond d’exportation de sucre roux accordé par l’Union européenne au Viêt Nam.
Si ce plafond est trop élevé, il risque de porter, à court terme, un coup fatal à l’économie des outre-mer et, en particulier, de la Réunion. Nous y serons attentifs lors de la ratification de cet accord de libre-échange, qui, je le rappelle, n’a pas encore été signé. Je sais que le Gouvernement est mobilisé sur cette question en vue d’obtenir une distinction entre les sucres spéciaux et les autres sucres ; je l’invite, au nom de notre commission, à faire preuve de la plus grande détermination dans les négociations.
M. Jeanny Lorgeoux. Très bien !
Mme Hélène Conway-Mouret, rapporteur. Pour reprendre les termes du rapport d’information publié par notre commission en 2014, Reprendre pied en Asie du Sud-Est, cette région du monde est « une aire au succès économique retentissant, bientôt comparable en taille au marché européen » et qui pourrait bien être demain « le nouveau centre économique du monde ». Ainsi, en 2013, le PIB cumulé de l’ASEAN atteignait quelque 2 500 milliards de dollars, et la croissance moyenne des pays constituant cette association régionale s’établissait à 5,1 %.
Le Viêt Nam, qui compte 90 millions d’habitants, est l’un des principaux marchés de l’Asie du Sud-Est. Son PNB a été multiplié par cinq en quinze ans, et il connaît toujours une croissance soutenue, de 5,9 % en 2014.
À cet égard, je vous rappelle que la France et le Viêt Nam ont signé, en 2013, une déclaration de partenariat stratégique qui vise à renforcer leur relation bilatérale dans tous les domaines, en particulier la politique, la défense, l’économie, l’éducation et la culture. La signature de cette déclaration a été suivie par la célébration du quarantième anniversaire de l’établissement des relations diplomatiques, dans le cadre de l’année France-Viêt Nam 2013-2014.
Les échanges commerciaux entre les deux pays atteignaient 3,8 milliards d’euros en 2014. Nos exportations sont composées de ventes aéronautiques, pour 20 %, ainsi que de produits pharmaceutiques et agroalimentaires, ces derniers se heurtant pourtant à des barrières tarifaires et non tarifaires. On voit bien tout le potentiel inexploité de cette relation et combien il est important de la relancer. Nos importations, qui s’élevaient à 3 milliards d’euros en 2014, sont essentiellement constituées de produits informatiques, électroniques et optiques fabriqués par de grands groupes asiatiques et, dans une moindre mesure, de textile, d’habillement, de cuir, ainsi que de chaussures.
La France est le second investisseur européen au Viêt Nam. Les investissements directs à l’étranger français dans ce pays – environ 3 milliards d’euros en stock – se concentrent dans les technologies de l’information et de la communication, les services, les infrastructures, l’industrie manufacturière et l’agroalimentaire. Au total, plus de 200 implantations françaises y sont recensées.
Dans la grande distribution, le premier employeur est français ; il compte 8 000 employés. La recherche est présente, comme vous l’avez rappelé, madame la secrétaire d'État, dans les 150 universités et 300 instituts de recherche. Des étudiants et jeunes diplômés français arrivent en grand nombre et viennent grossir temporairement notre communauté française, déjà forte de plus de 9 000 personnes. L’engagement de la France est également fort en matière d’aide au développement.
En conclusion et sous le bénéfice de ces observations, je recommande l’adoption de ce projet de loi, d’autant que la France fait partie des derniers États membres de l’UE à ne pas avoir encore ratifié cet accord de partenariat et de coopération. Il semble tout à fait indispensable que la France apporte son soutien à ce projet de développement d’une relation globale de l’Union européenne avec le Viêt Nam, qui ne peut que se révéler profitable pour chacune des parties, parallèlement à la poursuite du dialogue annuel sur les droits de l’homme entamé par l’UE en 2003.
C’est pourquoi, mes chers collègues, la commission vous demande d’adopter ce projet de loi. (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste et républicain.)
Mme la présidente. La parole est à Mme Leila Aïchi.
Mme Leila Aïchi. Madame la présidente, madame la secrétaire d'État, madame la rapporteur, mes chers collègues, cet accord a une résonance plus particulière pour la France que pour nos partenaires européens, compte tenu des liens historiques qui unissent notre pays au Viêt Nam.
Nous partageons en effet une partie de notre histoire, une période certes douloureuse, mais qui a désormais laissé place à un dialogue de qualité. En témoigne bien évidemment l’appartenance du Viêt Nam à l’Organisation internationale de la francophonie depuis 1970. Plus récemment, la déclaration de partenariat stratégique que nos deux pays ont signée le 25 septembre 2013, qui vise à renforcer notre relation bilatérale dans de nombreux domaines, en atteste également.
Le présent accord-cadre s’inscrit dans le cadre de la stratégie de l’Union européenne consistant à conclure des accords de ce type avec les pays de l’ASEAN. Cette stratégie nous semble bienvenue : elle permet en effet de faire quelque peu contrepoids à l’influence économique et diplomatique chinoise en Asie du Sud-Est.
Comme les autres accords de ce type, il s’agit d’un texte peu contraignant visant à poser les jalons d’une coopération globale, qui dépasse le seul cadre économique et commercial et a vocation à être concrétisée par des accords sectoriels.
L’article 1er de cet accord souligne l’engagement des parties en faveur des droits de l’homme, de la démocratie et de l’État de droit. Si le contenu de cet article est bien évidemment positif, sa portée ne doit néanmoins pas être exagérée, au vu du caractère autoritaire du régime vietnamien.
Certes, l’article 57 permet de prendre des mesures en cas de « violations substantielles » de ces principes, mais les autorités vietnamiennes commettent de telles violations de manière quotidienne. La qualité de notre relation avec le Viêt Nam ne doit pas nous empêcher d’être lucides sur la réalité de son régime politique. De fait, ces stipulations sont donc tout au plus incitatives ; il est même à craindre, malheureusement, qu’elles ne restent purement incantatoires.
Au demeurant, ce texte offre un socle de coopération sur une grande variété de sujets qui sont par nature transnationaux et d’intérêt essentiel, comme la lutte contre le terrorisme et la prolifération des armes de destruction massive ou encore le développement durable et la protection de l’environnement. Il appartiendra donc aux parties de faire en sorte que cet accord ne reste pas au stade de la déclaration d’intention ; elles devront aussi se saisir des possibilités ouvertes, afin de permettre à ce texte de déployer toutes ses potentialités. L’étendue et le détail des coopérations envisagées laissent augurer, le cas échéant, des avancées réelles, notamment en matière de protection de l’environnement.
En elles-mêmes, les stipulations de ce texte sont donc positives. Il ne faut toutefois pas oublier qu’elles constituent un préalable à la négociation d’un accord de libre-échange. L’accord de principe qui a été trouvé à ce sujet en août 2015 entre la Commission européenne et le Viêt Nam semble relever d’un libéralisme économique peu soucieux de développement équitable et durable.
La vigilance s’impose donc quant à cet accord de libre-échange. Dans l’hypothèse où il serait reconnu comme mixte, ce qui rendrait obligatoire une ratification par les Parlements des États membres, le groupe écologiste du Sénat aurait à cœur de défendre les impératifs du développement durable et partagé.
Ces remarques formulées, le groupe écologiste votera néanmoins en faveur du projet de loi portant ratification de cet accord.
Mme la présidente. La parole est à M. Jean-Claude Requier.
M. Jean-Claude Requier. Madame la présidente, madame la secrétaire d'État, mes chers collègues, les deux accords-cadres de partenariat et de coopération dont nous autorisons aujourd’hui la ratification intéressent l’Asie du Sud-Est, une zone d’expansion économique aux opportunités toujours croissantes.
Ce n’est plus à démontrer : cette région est la quatrième puissance mondiale et l’Union européenne a tout intérêt à y nouer des liens porteurs d’échanges économiques et politiques denses. L’accord-cadre global de partenariat et de coopération entre l’Union européenne et le Viêt Nam, ainsi que l’accord-cadre entre l’Union européenne et les Philippines visent à répondre à cette ambition, qui s’exerce – il faut bien le dire – dans un contexte de rivalités.
En effet, face au partenaire obligé qu’est la Chine, au poids toujours central du Japon et à la volonté des États-Unis de pivoter vers l’Asie, l’Union européenne doit renforcer sa relation bilatérale avec chacun des pays d’Asie du Sud-Est. Un accord-cadre avec l’Indonésie est entré en vigueur en 2014 : poursuivons donc ce mouvement !
La France a tout à gagner du développement économique de ces pays. Celui-ci peut permettre de sortir d’une logique d’aide au développement au profit d’un partenariat économique renforcé. Le Viêt Nam est en effet devenu un pays à revenu intermédiaire. Je n’entends pas mettre des conditions à notre aide au développement ; néanmoins, que la France soit le deuxième donateur bilatéral pourrait laisser penser que des entreprises françaises ont un rôle à jouer dans les projets que nous finançons, ce qui n’est pourtant pas souvent le cas. Le métro de Hanoï est en chantier : espérons que nos entreprises y soient présentes !
Je souhaiterais aussi rappeler, madame la secrétaire d'État, que les standards de production dans les pays d’Asie créent des distorsions de concurrence. Or, en marge de ces accords-cadres, un accord de libre-échange entre l’Union européenne et le Viêt Nam se négocie actuellement. À cet égard, nos élus d’outre-mer s’inquiètent de la question du sucre roux, dont la production dans nos territoires pourrait être menacée par la filière vietnamienne. Soyons donc vigilants !
Le caractère global de l’accord m’invite à faire une autre observation. Nous savons que l’Asie du Sud-Est est en proie à de nombreux trafics, tels que la traite des personnes ou encore la contrefaçon, qui se développe. Par conséquent, il est également nécessaire d’approfondir la coopération en matière de sécurité et de justice.
Si cet accord-cadre est, par nature, peu contraignant, il invite toutefois l’Union européenne à renforcer le dialogue sur ces sujets. C’est important ; gardons en effet à l’esprit que, si la région est avant tout perçue comme un pôle d’attractivité économique, elle ne manquera pas demain de s’affirmer également sur la scène diplomatique, sous réserve qu’elle se déleste de la forte influence chinoise.
Mes chers collègues, le RDSE est naturellement favorable à ces deux accords, qui permettront à l’Union européenne, donc à la France, de regarder davantage vers le Pacifique et le grand large !