Mme Cécile Cukierman. L’article 5 vise à étendre au parquet la technique, récemment autorisée pour les services de renseignement, de l’International Mobile Subscriber Identity catching, ou IMSI catching. Cette technique permet de capter par le biais d’une fausse antenne relais les données de connexion de toutes les personnes détenant un périphérique électronique dans une zone géographique déterminée.
Le rapport de M. Mercier le rappelle parfaitement, l’utilisation de ces appareils par les services de renseignement a été particulièrement débattue au Sénat lors de l’examen de la loi du 24 juillet 2015 relative au renseignement. Pour leur part, les sénatrices et sénateurs du groupe CRC s’étaient fortement opposés à ces nouvelles techniques, très intrusives, qui permettent de capter des données de connexion dans un large périmètre ; nous n’étions d’ailleurs pas les seuls.
Toujours plus de moyens et toujours plus vite : sous couvert de menace terroriste imminente, on étend au parquet des dispositifs déjà difficilement accordés par le législateur aux services de renseignement, alors même que nous ne disposons d’aucun retour d’expérience. Pis encore, nous étendons leur usage sans en étendre l’encadrement, pourtant très limité, prévu par la loi relative au renseignement.
De nouveau se pose la question de la conservation des données : comment et pour combien de temps ces données seront-elles conservées ? Il y va en effet de la protection des libertés individuelles.
Lors de son audition par le rapporteur, le procureur de la République de Paris a fait valoir que rien ne justifiait que les services enquêteurs ne puissent pas avoir l’usage de cette technique, dès lors que le législateur avait reconnu cette faculté aux services de renseignement. Permettez-nous tout de même de nous interroger : que font les services de renseignement ? La loi sur le renseignement était déjà justifiée par la menace terroriste. Ces services ne peuvent-ils pas travailler de concert avec les services enquêteurs ?
Ainsi, nous refusons cette fuite en avant ; tel est l’objet de notre amendement de suppression.
Mme la présidente. La parole est à Mme Esther Benbassa, pour présenter l’amendement n° 18.
Mme Esther Benbassa. Cela vient d’être dit par ma collègue du groupe CRC, l’article 5 vise à permettre au parquet d’utiliser la technique de l’IMSI catching, qui permet de capter par le biais d’une fausse antenne relais les données de connexion de toutes les personnes détenant un périphérique électronique dans une zone géographique déterminée.
Nous considérons que cette technique est largement attentatoire au droit de protection des données personnelles. Nous avions d’ailleurs déjà émis de nombreuses réserves quant à l’utilisation des IMSI catchers par les services de renseignement. C’est donc en cohérence que nous demandons la suppression de cette disposition.
J’ajoute que nous n’avons encore aucun élément permettant de juger de l’efficacité de cette technique et qu’il conviendrait d’en attendre le bilan avant d’en étendre l’utilisation.
Mme la présidente. La parole est à M. Pierre-Yves Collombat, pour présenter l’amendement n° 26 rectifié.
M. Pierre-Yves Collombat. Je ne répéterai pas ce que mes collègues viennent de dire : vous savez de quoi il s’agit, mes chers collègues. Je veux toutefois formuler une remarque générale : je commence à comprendre que ce texte vise à donner à la justice ordinaire les moyens des services de renseignement. J’avais pourtant cru comprendre qu’ils avaient des fonctions très différentes !
Mme Cécile Cukierman. En effet !
M. Pierre-Yves Collombat. Les services de renseignement ont vocation à prévenir, d’où la liberté qu’on leur accorde, d’ailleurs sous le contrôle a posteriori du juge. Toutefois, il s’agit là d’autoriser l’emploi de ces moyens au cours de la procédure judiciaire. J’ai donc l’impression que cette proposition de loi vise finalement à transformer des mesures d’exception, liées souvent à l’urgence, en mesures permanentes. Cela me gêne beaucoup.
Mme la présidente. Quel est l’avis de la commission ?
M. Michel Mercier, rapporteur. Il s’agit d’un article important de la proposition de loi, puisqu’il étend au parquet la technique de ce qu’on appelle l’IMSI catching, récemment autorisée, M. Collombat l’a rappelé, aux services de renseignement. Cette technique permet de capter, par le biais d’une fausse antenne relais, des données de connexion de toutes les personnes détenant un périphérique électronique dans une zone géographique déterminée.
Bien entendu, il s'agit de répondre, par les moyens d’aujourd'hui, aux nécessités des enquêtes d’aujourd'hui. Il a été très justement rappelé, tout à l'heure, que, si les terroristes étaient l’image même de la barbarie, ils n’en utilisaient pas moins les technologies les plus modernes – celles que nous avons très souvent nous-mêmes créées.
De ce point de vue, je m’interroge quand certains déclarent que la justice ne devrait pas disposer de moyens modernes pour rechercher les preuves d’une action terroriste.
D'ailleurs, nous avons pris des précautions : on ne pourra pas utiliser l’IMSI catcher sur un coup de tête ! Dans le cadre d’une instruction, c’est le juge d’instruction, sur commission rogatoire, qui décidera de l’utilisation de cette technologie pour une durée déterminée – un mois –, qui ne peut être renouvelée qu’une seule fois. Dans le cadre d’une enquête de flagrance ou d’une enquête préliminaire, le procureur devra préalablement obtenir l’autorisation du juge des libertés et de la détention, qui devra lui-même être informé en temps réel des résultats de l’utilisation de cette technologie.
La loi relative au renseignement, et je le dis devant mes deux collègues qui ont été ses rapporteurs, a entouré l’utilisation de cette technique de beaucoup de précautions. (M. le garde des sceaux opine.)
De même, nous avons prévu, dans la présente proposition de loi, beaucoup de précautions juridiques pour encadrer son usage. On sait très bien que cette technologie est très intrusive, mais on sait tout autant que l’on a affaire à des individus d’une dangerosité particulière et que l’on ne peut pas approuver le principe d’une République armée sans donner à celle-ci aucun moyen.
Quand on va combattre l’État islamique sur son petit bout de territoire, on envoie notre plus bel avion, notre plus beau bateau, nos forces spéciales… On envoie ce que l’on a de plus efficace ! Et quand il s’agirait de confondre les terroristes en prouvant leurs actions, on refuserait tout moyen moderne et efficace ? Non ! Il faut que l’on puisse utiliser les technologies les plus modernes, mais de manière encadrée, et faire en sorte que les magistrats jouent pleinement leur rôle. C’est ce que prévoit le texte.
La commission est donc défavorable à ces trois amendements identiques de suppression.
Mme la présidente. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. Jean-Jacques Urvoas, garde des sceaux. Nous croyons à l’utilité de la technique de l’IMSI catcher. Nous constatons simplement qu’il existe dorénavant un a contrario entre les pouvoirs de police administrative, tels qu’ils sont issus de la loi relative au renseignement, qui a permis l’usage de cette technologie de manière contrôlée, et les pouvoirs de police judiciaire – c’est d'ailleurs ce qui fonde la pertinence des dispositions du texte.
Il ne faut donc surtout pas voter ces amendements. Au contraire, il faut, comme M. le rapporteur l’a proposé, harmoniser le tout.
Le Gouvernement émet donc un avis défavorable sur ces trois amendements identiques.
Mme la présidente. La parole est à M. Pierre-Yves Collombat, pour explication de vote.
M. Pierre-Yves Collombat. Le problème n’est pas que l’on se dote d’instruments modernes pour faire face au terrorisme.
Le problème est double.
D’une part, il existe un certain nombre de techniques permettant d’aboutir à des résultats qui n’étaient pas forcément attendus. C’est le problème de l’état d’urgence qui, au-delà de l’objet pour lequel on l’a décidé – par exemple, la lutte contre le terrorisme –, peut servir à tout, dès lors qu’il y a atteinte à l’ordre public. C’est une vraie difficulté, sauf évidemment si l’on considère que l’état de droit, c’est bien joli et décoratif, mais on peut le laisser de côté…
D’autre part, les autorités, fussent-elles encadrées, pouvant disposer de ces moyens, qui sortent tout de même de l’ordinaire, se multiplient. C’est une vraie question !
Plutôt que de passer notre temps à améliorer les moyens de renseignement de la police et à en inventer de nouveaux, j’aimerais que nous nous interrogions, de manière plus générale, sur le terreau dans lequel naît le terrorisme…
Bruno Retailleau nous a dit tout à l'heure que, contre le terrorisme, la guerre devait être totale. Toutefois, cette guerre doit aussi être idéologique ! Il faudrait peut-être se poser aussi cette question. Or on ne se la pose jamais. Depuis trente ans, on ne fait que durcir les procédures et les lois. Je trouve que ce n’est pas normal.
Mme Éliane Assassi. Très juste !
Mme la présidente. La parole est à M. Alain Richard, pour explication de vote.
M. Alain Richard. Il est tout à fait utile, sur la base de ces amendements de suppression, que nous continuions à échanger nos arguments sur les moyens que le législateur a accordés aux services de renseignement, qui sont sous le contrôle de l’exécutif, et sur ceux qu’il convient d’octroyer au pouvoir judiciaire.
Il me semble tout de même qu’une nuance n’est pas suffisamment apparue dans notre débat : le caractère préventif du rôle des services de renseignement et les raisons sérieuses de penser qu’un acte de délinquance est en préparation ou est susceptible d’être préparé qui motivent leur intervention. Lorsqu’un procureur ou un juge d’instruction conduit une enquête, c’est qu’il considère qu’il est en mesure de trouver une infraction !
Si certains d’entre nous se sont opposés, il y a un an, à l’octroi de tels pouvoirs à des services d’instruction qui, d’une certaine manière, cherchent « en ratissant », il nous paraît logique de ne pas les refuser au juge qui est en train de vérifier l’existence de l’infraction qu’il est chargé de poursuivre.
Il serait vraiment contradictoire, alors que les services de renseignement disposent aujourd'hui de l’IMSI catcher pour des raisons de prévention de la criminalité, raisons sur lesquelles nous nous sommes entendus à une large majorité, de priver de ce moyen de vérification le juge ou le procureur qui est en train de rechercher la matérialité d’une infraction déjà commise, sous le contrôle, naturellement, du juge du siège, qui, in fine, jugera et vérifiera que l’enquête a été régulière.
Ce serait comme avoir empêché, voilà vingt-cinq ans, les écoutes judiciaires, qui ont tout de même permis de confondre un certain nombre de criminels.
Mme la présidente. La parole est à Mme Nathalie Goulet, pour explication de vote.
Mme Nathalie Goulet. Je souscris à ce que vient de dire Alain Richard – au reste, je l’aurais dit beaucoup moins bien.
Je souhaite néanmoins obtenir une précision supplémentaire : quelles seront les conditions de stockage des données ? Seront-elles stockées pendant le seul temps de l’instruction ? Seront-elles conservées ultérieurement – éventuellement durant toute la procédure, jusqu’à ce que la décision soit définitive ?
Il importe de le savoir, compte tenu du caractère dérogatoire de la procédure et des techniques complètement nouvelles utilisées. Que se passera-t-il, par exemple, si l’instruction est invalidée ? La question de la durée du stockage me paraît tout à fait légitime.
Mme la présidente. La parole est à M. Jean Louis Masson, pour explication de vote.
M. Jean Louis Masson. Il faut quand même rappeler la situation dans laquelle nous nous trouvons. Nous sommes confrontés à un terrorisme extrêmement dangereux. Nous devons absolument nous doter de tous les moyens de réaction.
Face à des situations identiques, d’autres pays, tels que les États-Unis, n’hésitent pas, lorsque le besoin s’en fait sentir, à prendre des mesures.
Nous avons le devoir de donner à tous les services qui luttent contre le terrorisme le maximum de moyens, le maximum d’atouts, donc le maximum de chances de neutraliser les actes que celui-ci pourrait inspirer.
C’est pourquoi, mis à part une ou deux dispositions, sur lesquelles j’interviendrai tout à l'heure, j’estime que cette proposition de loi va véritablement dans le bon sens et que l’article 5, notamment, mérite tout à fait d’être adopté.
Mme la présidente. La parole est à M. le garde des sceaux.
M. Jean-Jacques Urvoas, garde des sceaux. Je veux apporter deux éléments de réponse.
Premièrement, les données seront conservées le temps de la durée de la procédure, jusqu’à épuisement des voies de recours. Elles seront ensuite détruites.
Deuxièmement, monsieur Collombat, je ne crois pas que l’on puisse dire que l’application de la loi relative à l’état d’urgence permette de faire n’importe quoi : quand la prorogation de l’état d’urgence a été votée, les anciennes commissions départementales ont été remplacées par un contrôle du juge administratif, ce qui a donné lieu à énormément de saisines auprès des tribunaux administratifs.
Saisi d’une question prioritaire de constitutionnalité sur ce sujet, le Conseil d'État a eu l’occasion de se prononcer le 11 décembre dernier. Les vingt-deux pages de conclusions rédigées par le rapporteur public, M. Xavier Domino, constituent un véritable vade-mecum sur la manière dont l’état d’urgence doit fonctionner et être organisé. Le Parlement exerce lui aussi un contrôle, mais l’encadrement est désormais suffisant pour que les incertitudes qui pouvaient découler de la modernisation de la loi de 1955 soient largement dissipées.
Loin de permettre de faire n’importe quoi, la mise en œuvre de l’état d’urgence demeure bien circonscrite à l’objet défini par le législateur.
M. Bruno Sido. Bien sûr !
Mme la présidente. Je mets aux voix les amendements identiques nos 7, 18 et 26 rectifié.
(Les amendements ne sont pas adoptés.)
Mme la présidente. L'amendement n° 25 rectifié bis, présenté par MM. Mézard, Arnell, Barbier, Bertrand, Castelli, Collin, Collombat, Esnol, Fortassin, Guérini et Hue, Mmes Jouve, Laborde et Malherbe et MM. Requier et Vall, est ainsi libellé :
Alinéas 8 à 12
Supprimer ces alinéas.
La parole est à M. Pierre-Yves Collombat.
M. Pierre-Yves Collombat. Cet amendement est défendu, madame la présidente.
Mme la présidente. Quel est l’avis de la commission ?
M. Michel Mercier, rapporteur. Défavorable.
Mme la présidente. Quel est l’avis du Gouvernement ?
Mme la présidente. Je mets aux voix l'amendement n° 25 rectifié bis.
(L'amendement n'est pas adopté.)
Mme la présidente. Je mets aux voix l'article 5.
(L'article 5 est adopté.)
Article 6
Le code de procédure pénale est ainsi modifié :
1° Après l’article 706-96, il est inséré un article 706-96-1 ainsi rédigé :
« Art. 706-96-1. – Si les nécessités de l’enquête relative à l’une des infractions entrant dans le champ d’application des articles 706-73 et 706-73-1 l’exigent, le juge des libertés et de la détention peut, à la requête du procureur de la République, autoriser par ordonnance motivée les officiers et agents de police judiciaire requis par le procureur de la République à mettre en place un dispositif technique ayant pour objet, sans le consentement des intéressés, la captation, la fixation, la transmission et l’enregistrement de paroles prononcées par une ou plusieurs personnes à titre privé ou confidentiel, dans des lieux ou véhicules privés ou publics, ou de l’image d’une ou de plusieurs personnes se trouvant dans un lieu privé. Ces opérations sont effectuées sous le contrôle du juge des libertés et de la détention.
« En vue de mettre en place le dispositif technique mentionné au premier alinéa du présent article, le juge des libertés et de la détention peut autoriser l’introduction dans un véhicule ou un lieu privé, y compris hors des heures prévues à l’article 59, à l’insu ou sans le consentement du propriétaire ou du possesseur du véhicule ou de l’occupant des lieux ou de toute personne titulaire d’un droit sur ceux-ci. Ces opérations, qui ne peuvent avoir d’autre fin que la mise en place du dispositif technique, sont effectuées sous son contrôle. Le présent alinéa s’applique aux opérations ayant pour objet la désinstallation du dispositif technique ayant été mis en place.
« La mise en place du dispositif technique mentionné au premier alinéa ne peut concerner les lieux mentionnés aux articles 56-1, 56-2 et 56-3 ni être mise en œuvre dans le véhicule, le bureau ou le domicile des personnes mentionnées à l’article 100-7.
« Le fait que les opérations prévues au présent article révèlent des infractions autres que celles visées dans la décision du juge des libertés et de la détention ne constitue pas une cause de nullité des procédures incidentes ;
2° À l’article 706-97, la référence : « de l’article 706-96 » est remplacée par les références : « des articles 706-96 et 706-96-1 » ;
3° (nouveau) L’article 706-99 est ainsi modifié :
a) Au premier alinéa, les mots : « Le juge d’instruction ou l’officier de police judiciaire commis par lui » sont remplacés par les mots : « Le procureur de la République, le juge d’instruction ou l’officier de police judiciaire requis en application des articles 706-96 et 706-96-1 » et la référence : « à l’article 706-96 » est remplacée par les références : « aux mêmes articles 706-96 et 706-96-1 » ;
b) Au second alinéa, la référence : « par l’article 706-96 » est remplacée par les références : « aux articles 706-96 et 706-96-1 » ;
4° (nouveau) Au début de la première phrase du premier alinéa de l’article 706-100, les mots : « Le juge d’instruction ou l’officier de police judiciaire commis par lui » sont remplacés par les mots : « Le procureur de la République, le juge d’instruction ou l’officier de police judiciaire requis en application des articles 706-96 et 706-96-1 » ;
5° (nouveau) Au début du premier alinéa de l’article 706-101, les mots : « Le juge d’instruction ou l’officier de police judiciaire commis par lui » sont remplacés par les mots : « Le procureur de la République, le juge d’instruction ou l’officier de police judiciaire requis en application des articles 706-96 et 706-96-1 » ;
6° (nouveau) Après l’article 706-101, il est inséré un article 706-101-1 ainsi rédigé :
« Art. 706-101-1. – Le juge des libertés et de la détention qui a autorisé l’opération mentionnée à l’article 706-96-1 est informé sans délai par le procureur de la République des actes accomplis en application du même article et des procès-verbaux dressés en application des articles 706-100 et 706-101. »
Mme la présidente. L'amendement n° 27 rectifié, présenté par M. Mézard et les membres du groupe du Rassemblement Démocratique et Social Européen, est ainsi libellé :
Supprimer cet article.
La parole est à M. Pierre-Yves Collombat.
M. Pierre-Yves Collombat. Cet amendement est défendu, madame la présidente.
Mme la présidente. Quel est l’avis de la commission ?
M. Michel Mercier, rapporteur. Cet amendement soulève une question du même ordre que les amendements de suppression de l’article 5, sauf qu’il s’agit ici non plus de l’IMSI catcher, mais de la technique de sonorisation.
Nous y sommes donc défavorables.
Mme la présidente. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. Jean-Jacques Urvoas, garde des sceaux. Le Gouvernement émet lui aussi un avis défavorable sur cet amendement. Il partage plutôt le point de vue exprimé par M. le rapporteur au travers de sa proposition.
M. Michel Mercier, rapporteur. C’est bien !
M. Jean-Jacques Urvoas, garde des sceaux. Vous voyez d'ailleurs, monsieur le rapporteur, que votre première impression n’était probablement pas la bonne ! (Sourires.)
Nous souscrivons à l’intention qui est la vôtre, mais nous proposerons une rédaction différente du dispositif.
M. Michel Mercier, rapporteur. Vous en avez le droit !
M. Jean-Jacques Urvoas, garde des sceaux. Au reste, je n’ai pas dit que cette rédaction était meilleure ! (Nouveaux sourires.) Nous avons simplement cherché une harmonisation et un encadrement des durées d’utilisation de ces techniques d’enquête.
Par conséquent, autant je m’en remets à la sagesse du Sénat sur le principe de l’article, autant je suis défavorable à l’amendement.
M. Michel Mercier, rapporteur. Cela me suffira !
Mme la présidente. La parole est à M. Jean-Pierre Sueur, pour explication de vote.
M. Jean-Pierre Sueur. Comme nous l’avons déjà dit, nous préférons juger sur pièce, raison pour laquelle nous avons un point de vue sur chaque article du texte, ce qui me semble de bonne méthode.
Vous l’avez rappelé, monsieur le rapporteur, la technique d’enquête prévue par cet article présente un caractère intrusif, en ce qu’elle permet aux services de police judiciaire de pénétrer clandestinement dans un domicile pour y capter des paroles ou y enregistrer des images.
Il faut donc de solides garanties pour respecter les exigences constitutionnelles. Je rappelle que, dans sa décision du 2 mars 2004, le Conseil constitutionnel a souligné que la mise en œuvre de cette technique se justifiait « dès lors que l’autorisation de les utiliser émane de l’autorité judiciaire, gardienne de la liberté individuelle, et que sont prévues des garanties procédurales appropriées ».
Je tiens à souligner, monsieur le rapporteur, que, sur votre initiative, des amendements ont été adoptés en commission, ayant pour objet, d’une part, d’imposer au juge des libertés et de la détention que l’autorisation de cette opération se fasse par ordonnance motivée, et, d’autre part, que ce juge soit informé sans délai par le procureur de la République des actes accomplis.
C’est pour ces raisons que notre groupe votera contre l’amendement, et pour l’article.
M. Charles Revet. Très bien !
Mme la présidente. Je mets aux voix l'article 6.
(L'article 6 est adopté.)
Article 7
(Non modifié)
Le code de procédure pénale est ainsi modifié :
1° L’article 706-72 est ainsi rédigé :
« Art. 706-72. – Les actes incriminés par les articles 323-1 à 323-4-1 et l’article 411-9 du code pénal, lorsqu’ils sont commis sur un système de traitement automatisé d’informations, sont poursuivis, instruits et jugés selon les règles du présent code sous réserve des dispositions du présent titre.
« Les articles 706-80 à 706-87-1, 706-95 à 706-103 et 706-105 du présent code sont applicables à l’enquête, à la poursuite, à l’instruction et au jugement des délits prévus à l’article 323-4-1 du code pénal.
« Les mêmes articles 706-80 à 706-87-1, 706-95 à 706-103 et 706-105 sont également applicables à l’enquête, à la poursuite, à l’instruction et au jugement du blanchiment des mêmes délits ainsi qu’à l’association de malfaiteurs lorsqu’elle a pour objet la préparation de l’un desdits délits. » ;
2° Après l’article 706-72, sont insérés des articles 706-72-1 à 706-72-6 ainsi rédigés :
« Art. 706-72-1. – Pour la poursuite, l’instruction et le jugement des infractions entrant dans le champ d’application de l’article 706-72, le procureur de la République, le pôle d’instruction, le tribunal correctionnel et la Cour d’assises de Paris exercent une compétence concurrente à celle qui résulte de l’application des articles 43, 52 et 382.
« En ce qui concerne les mineurs, le procureur de la République, le pôle de l’instruction, le juge des enfants, le tribunal pour enfants et la cour d’assises des mineurs de Paris exercent une compétence concurrente à celle qui résulte de l’application de l’ordonnance n° 45-174 du 2 février 1945 relative à l’enfance délinquante.
« Lorsqu’ils sont compétents pour la poursuite et l’instruction des infractions entrant dans le champ d’application de l’article 706-72, le procureur de la République et le pôle de l’instruction de Paris exercent leurs attributions sur toute l’étendue du territoire national.
« Art. 706-72-2. – Le procureur de la République près un tribunal de grande instance autre que celui de Paris peut, pour les infractions entrant dans le champ d’application de l’article 706-72, requérir le collège de l’instruction de se dessaisir au profit de la juridiction d’instruction de Paris. Les parties sont préalablement avisées et invitées à faire connaître leurs observations par le collège de l’instruction ; l’ordonnance est rendue huit jours au plus tôt et un mois, au plus tard, à compter de cet avis.
« L’ordonnance par laquelle le collège de l’instruction se dessaisit ne prend effet qu’à compter du délai de cinq jours ; lorsqu’un recours est exercé en application de l’article 706-72, le collège de l’instruction demeure saisi jusqu’à ce que l’arrêt de la chambre criminelle de la Cour de cassation soit porté à sa connaissance.
« Dès que l’ordonnance est devenue définitive, le procureur de la République adresse le dossier de la procédure au procureur de la République de Paris.
« Le présent article est applicable devant la chambre de l’instruction.
« Art. 706-72-3. – Lorsqu’il apparaît au collège de l’instruction de Paris que les faits dont il a été saisi ne constituent pas une des infractions entrant dans le champ d’application de l’article 706-72 et ne relèvent pas de sa compétence à un autre titre, ce collège se déclare incompétent, soit sur requête du procureur de la République, soit, après avis de ce dernier, d’office ou sur requête des parties. Celles des parties qui n’ont pas présenté une requête sont préalablement avisées et invitées à faire connaître leurs observations ; l’ordonnance est rendue au plus tôt huit jours après cet avis.
« Le deuxième alinéa de l’article 706-72-2 est applicable à l’ordonnance par laquelle le collège de l’instruction de Paris se déclare incompétent.
« Dès que l’ordonnance est devenue définitive, le procureur de la République de Paris adresse le dossier de la procédure au procureur de la République territorialement compétent.
« Le présent article est applicable lorsque la chambre de l’instruction de la cour d’appel de Paris statue sur sa compétence.
« Art. 706-72-4. – Lorsque le tribunal correctionnel ou le tribunal pour enfants de Paris se déclare incompétent pour les motifs prévus par l’article 706-72-3, il renvoie le ministère public à se pourvoir ainsi qu’il avisera ; il peut, le ministère public entendu, décerner, par la même décision, mandat de dépôt ou d’arrêt contre le prévenu.
« Art. 706-72-5. – Dans les cas prévus aux articles 706-72-2 à 706-72-4, le mandat de dépôt ou d’arrêt conserve sa force exécutoire ; les actes de poursuite ou d’instruction et les formalités intervenus avant que la décision de dessaisissement ou d’incompétence soit devenue définitive n’ont pas à être renouvelés.
« Art. 706-72-6. – Toute ordonnance rendue sur le fondement de l’article 706-72-2 ou de l’article 706-72-3 par laquelle un collège de l’instruction statue sur son dessaisissement ou le collège de l’instruction de Paris statue sur sa compétence peut, à l’exclusion de toute autre voie de recours, être déférée dans les cinq jours de sa notification, à la requête du ministère public ou de l’une des parties, à la chambre criminelle de la Cour de cassation qui désigne, dans les huit jours suivant la date de réception du dossier, la juridiction chargée de poursuivre l’information. Le ministère public peut également saisir directement la chambre criminelle de la Cour de cassation lorsque le collège de l’instruction n’a pas rendu son ordonnance dans le délai d’un mois prévu au premier alinéa de l’article 706-72-2.
« La chambre criminelle qui constate que le collège de l’instruction du tribunal de grande instance de Paris n’est pas compétent peut néanmoins, dans l’intérêt d’une bonne administration de la justice, décider que l’information sera poursuivie à ce tribunal.
« L’arrêt de la chambre criminelle est porté à la connaissance du collège de l’instruction ainsi qu’au ministère public et signifié aux parties.
« Le présent article est applicable à l’arrêt rendu sur le fondement du dernier alinéa des articles 706-72-2 et 706-72-3 par lequel une chambre de l’instruction statue sur son dessaisissement ou sa compétence. » – (Adopté.)
Article 8
L’article 706-22-1 du code de procédure pénale est ainsi modifié :
1° Au premier alinéa, après la référence : « 706-16 », sont insérés les mots : « , à l’exception des délits prévus aux articles 421-2-5 à 421-2-5-2 du code pénal pour lesquels n’a pas été exercée la compétence prévue à l’article 706-17 du présent code » ;
2° (Supprimé) – (Adopté.)
Article 9
(Non modifié)
Un décret en Conseil d’État précise les conditions dans lesquelles les actes d’enquête, d’instruction ou les décisions juridictionnelles concernant les infractions entrant dans le champ d’application de l’article 706-16 du code de procédure pénale, peuvent être revêtues d’une signature numérique ou électronique. – (Adopté.)
TITRE II
AGGRAVER LA RÉPRESSION DU TERRORISME