M. Pierre-Yves Collombat. Cet amendement est défendu. Je constate simplement que le chantier, à peine ouvert, est déjà refermé !
M. le président. Quel est l’avis de la commission ?
Mme Catherine Di Folco, rapporteur. Comme pour l’amendement précédent, la commission demande le retrait de cet amendement, qui vise à détricoter le texte de la commission ; à défaut, elle émettra un avis défavorable.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. le président. La parole est à M. Alain Vasselle, pour explication de vote.
M. Alain Vasselle. Même si une très large majorité s’est prononcée contre l’amendement n° 1 rectifié, Mme la ministre a ouvert la porte à une analyse des modalités de financement et je souhaite que nous profitions du temps qui nous reste d’ici à la réunion de la commission mixte paritaire pour trouver une solution à la question soulevée par Pierre-Yves Collombat. Je comprends tout à fait la position de Mme le rapporteur, mais cela ne ferme pas la porte à une avancée sur ce sujet.
M. René Vandierendonck. Très bien !
M. le président. Je mets aux voix l’article 1er.
(L’article 1er est adopté.)
Article 2
(Non modifié)
Les charges pour l’État sont compensées, à due concurrence, par la création d’une taxe additionnelle aux droits mentionnés aux articles 575 et 575 A du code général des impôts.
M. le président. L’amendement n° 4, présenté par le Gouvernement, est ainsi libellé :
Supprimer cet article.
La parole est à Mme la ministre.
M. le président. Quel est l’avis de la commission ?
Mme Catherine Di Folco, rapporteur. La commission n’a pas pu examiner cet amendement, qui vient d’être déposé, mais, comme il me paraît sage, j’y suis favorable.
M. le président. En conséquence, l’article 2 est supprimé.
Article 3 (nouveau)
I. – L’article L. 5211-12 du code général des collectivités territoriales, dans sa rédaction issue de l’article 42 de la loi n° 2015-991 du 7 août 2015 portant nouvelle organisation territoriale de la République, est applicable deux ans après la publication de la loi précitée.
II. – L’article L. 5211-12 du code général des collectivités territoriales, dans sa rédaction antérieure à l’article 42 de la loi n° 2015-991 du 7 août 2015 précitée, est applicable du 9 août 2015 jusqu’à l’expiration du délai de deux ans fixé au I.
III. – L’article L. 5721-8 du code général des collectivités territoriales est ainsi rédigé :
« Art. L. 5721-8. – Les dispositions des articles L. 5211-12 à L. 5211-14 applicables aux syndicats de communes sont applicables aux syndicats mixtes associant exclusivement des communes, des établissements publics de coopération intercommunale, des départements et des régions. Pour l’application de l’article L. 5211-12, le périmètre de référence de ces syndicats ne tient pas compte de celui des départements ou régions qui en sont membres. »
IV. – Le III est applicable deux ans après la publication de la loi précitée.
V. – L’article L. 5721-8 du code général des collectivités territoriales, dans sa rédaction antérieure à l’article 42 de la loi n° 2015-991 du 7 août 2015 précitée, est applicable du 9 août 2015 jusqu’à l’expiration du délai de deux ans fixé au IV.
M. le président. La parole est à M. Claude Kern, sur l’article.
M. Claude Kern. Je tiens à exprimer ma vive satisfaction – une fois n’est pas coutume ! – à la lecture de la proposition de loi telle qu’elle nous est soumise et, vous l’aurez compris, monsieur le président, madame la ministre, mes chers collègues, je salue plus particulièrement l’initiative de notre rapporteur qui, soutenue par le président de la commission des lois, mais aussi par nous tous, a décidé d’introduire cet article.
Cela a déjà été rappelé, la suppression malheureuse par la loi NOTRe des indemnités versées aux exécutifs des syndicats mixtes ouverts restreints a suscité chez les élus locaux une véritable incompréhension, incompréhension légitime et partagée largement, pour ne pas dire unanimement.
En effet, les syndicats mixtes ouverts ont démontré depuis plusieurs années leur utilité dans des domaines aussi variés que l’eau, l’assainissement, les déchets et bien d’autres. Dans une majorité de cas, leur efficacité est reconnue par tous. Qui plus est, avec le transfert de la compétence relative à la gestion des milieux aquatiques et de prévention des inondations notamment, il est évident que ces syndicats seront encore amenés à se développer.
Les indemnités supprimées dans l’article 42 de la loi NOTRe semblent donc indispensables pour maintenir au sein de ces syndicats des personnels compétents et pour pérenniser leur fonctionnement.
Partageant ce constat, de nombreux élus se sont émus à l’automne de cette suppression. Le Gouvernement lui-même a reconnu une erreur qui justifiait une correction, Mme la ministre vient de le rappeler. Introduite dans la dernière loi de finances rectificative, cette correction n’a fait l’objet d’aucun débat au Parlement. Elle n’est cependant toujours pas en vigueur à ce jour, le Conseil constitutionnel ayant jugé non conforme à la Constitution cette disposition « cavalière ».
J’ai récemment déposé une proposition de loi visant à donner une base légale au maintien des indemnités des présidents et vice-présidents de certains syndicats de communes et syndicats mixtes. L’article 3 de cette proposition de loi vise exactement les mêmes objectifs, aussi, vous comprendrez que je me réjouisse du texte qui nous est soumis ici. Je soutiens pleinement cet ajout.
Je souhaite désormais, madame la ministre, que l’Assemblée nationale vote ces dispositions dans les mêmes termes, afin qu’elles puissent s’appliquer au plus tôt, pour nos élus.
M. le président. La parole est à M. Didier Guillaume, sur l’article.
M. Didier Guillaume. L’amendement déposé par le Gouvernement sur cet article est très important, et j’en remercie Mme la ministre.
Sur toutes les travées du Sénat, nous pouvons maintenant convenir que l’erreur – je ne sais trop comment la qualifier – contenue dans la loi NOTRe posait beaucoup de problèmes à tous nos collègues. Les uns et les autres, nous avons rencontré les présidents des petits syndicats d’eau ou d’irrigation, qui font le boulot !
Il y a plus de travail dans un petit syndicat que dans une grosse communauté de communes, qui a un directeur général des services, un directeur technique, des ingénieurs, etc. Les présidents de petits syndicats, eux, font tout : ils gèrent les débits, ils opèrent les contrôles, ils ouvrent et ferment les vannes, ils remplissent les fonctions d’ingénieur. Nous sommes tous d’accord pour les saluer !
Je suis donc très satisfait du dépôt de cet amendement, que notre groupe soutiendra unanimement, car il s’agit d’une avancée très importante.
Certes, nous aurions souhaité que l’amendement fixe comme date limite la fin du mandat municipal en cours, puisque les présidents de syndicat qui le resteront jusqu’en mars 2020 devront, en l’état, renoncer à leurs indemnités en fin de mandat. Parce que le vote conforme est indispensable à ce stade, il faut toutefois accepter cette rédaction de l’amendement du Gouvernement. C’est une avancée, nous aurons ensuite le temps d’étudier la situation des syndicats qui poursuivront leurs activités et de trouver des solutions.
Nous aurions préféré que les dispositions de ce texte courent jusqu’aux municipales, mais nous acceptons bien volontiers la date du 1er janvier 2020.
Nous avons tous contribué à ce progrès, dont nous pouvons tous, individuellement, revendiquer un trois-cent-quarante-huitième du crédit. Nous avons contribué à régler le problème des élus de petites structures, c’est une belle action. Nous montrons ainsi que, lorsqu’il travaille dans l’intérêt général, le Sénat est capable de se rassembler sur de petits textes comme sur de grandes lois.
Je ne doute pas que l’Assemblée nationale émettra un vote conforme au nôtre et que ce texte sera applicable le plus rapidement possible.
M. le président. La parole est à M. René Danesi, sur l’article.
M. René Danesi. Monsieur le président, madame la ministre, mes chers collègues, au vu de mon expérience en cours, je souhaite appeler votre attention sur l’intérêt qu’il y a à rétablir le régime indemnitaire antérieur à l’adoption de l’article 42 de la loi NOTRe.
Dans mon territoire, nous sommes en train de fusionner les sept communautés de communes qui constituent notre pays, le Sundgau, lequel est composé de 112 communes, comptant 70 000 habitants.
Dans un premier temps, nous serons obligés d’additionner la totalité des compétences des sept communautés, conformément à la loi. Le risque de noyer le moteur à son démarrage est réel ! La solution efficace consisterait donc à garder dans la nouvelle communauté les compétences stratégiques, telles que l’économie et le développement durable, l’urbanisme et l’habitat, l’eau et l’assainissement.
Quant aux compétences qui relèvent de la gestion courante, elles seraient immédiatement réattribuées à des syndicats spécialisés, qui doivent être constitués, j’insiste sur ce point, et dont la taille serait inférieure ou, au mieux, égale à celle de la communauté.
À l’évidence, l’article 42 de la loi NOTRe, quelle que soit sa date d’entrée en vigueur, ne permet pas la ventilation de ces trop nombreuses compétences. Cet article est donc pain bénit pour les opposants à la fusion de nos sept communautés, qui ont beau jeu d’affirmer que nous sommes en train de fabriquer au mieux une usine à gaz, au pire un monstre bureaucratique. Je crains qu’une fois de plus la vision théorique de la rationalisation, qui a inspiré cet article, n’aille à l’encontre de la rationalisation sur le terrain.
Je suis donc très heureux des propos tenus par Mme la ministre et je la remercie de donner aux préfets des instructions les invitant à faire preuve de souplesse dans l’évolution du couple formé par la communauté de communes et les syndicats de communes en constitution.
En conséquence, je voterai l’amendement du Gouvernement, qui a le mérite de reporter l’application de l’article 42 au 1er janvier 2020.
M. le président. La parole est à M. le président de la commission.
M. Philippe Bas, président de la commission des lois. Pardonnez-moi, je souhaite simplement vous dire mon inquiétude, car il ne nous reste que dix minutes. Si nous multiplions les prises de parole, je le dis très respectueusement, mes chers collègues, nous risquons de ne pas pouvoir adopter ce texte. Faisons attention, le contre-la-montre a commencé !
M. le président. L’amendement n° 5, présenté par le Gouvernement, est ainsi libellé :
I. – Alinéas 1 et 5
Remplacer les mots :
deux ans après la publication de la loi précitée
par les mots :
à compter du 1er janvier 2020
II. – Alinéa 2
Remplacer les mots :
à l’expiration du délai de deux ans fixé au I
par les mots :
au 31 décembre 2019
III. – Alinéa 6
Remplacer les mots :
à l’expiration du délai de deux ans fixé au IV
par les mots :
au 31 décembre 2019
La parole est à Mme la ministre.
M. le président. Quel est l’avis de la commission ?
Mme Catherine Di Folco, rapporteur. Cet amendement ayant été déposé cet après-midi, la commission n’a pas pu se prononcer. Toutefois, après avoir entendu les différentes interventions, il semble que nous puissions émettre un avis très favorable, puisque cet amendement répond en grande partie à notre préoccupation d’aller jusqu’en 2020. Certes, le délai expire au 1er janvier, mais cela nous donnera le temps de retravailler, ainsi que j’en ai pris l’engagement.
M. le président. Je mets aux voix l’article 3, modifié.
(L’article 3 est adopté.)
Vote sur l’ensemble
M. le président. Avant de mettre aux voix l’ensemble de la proposition de loi, je donne la parole à M. Hervé Maurey, pour explication de vote.
M. Hervé Maurey. Monsieur le président, madame la ministre, je profite de ces quelques minutes d’explication de vote pour, à mon tour, me réjouir que nous soyons revenus sur la suppression des indemnités.
Je pèse mes mots, cette disposition avait été adoptée de manière scandaleuse sur la forme, puisque cela avait été fait nuitamment, en dernière lecture de la loi NOTRe. Je me félicite, d’ailleurs, d’avoir été l’un des rares à avoir voté contre ce texte.
M. Didier Guillaume. C’est dommage !
M. Hervé Maurey. Non, en voilà la preuve ! Quant au fond, il était tout aussi scandaleux, car l’article accréditait l’idée que les élus seraient des profiteurs, gavés d’indemnités indues.
Le débat sur ce sujet a été très intéressant, et je forme le vœu que Mme la ministre tienne son engagement d’entamer une vraie réflexion sur l’indemnisation des élus, car ce sujet est véritablement important à mes yeux.
La volonté de supprimer les indemnités des présidents de syndicat était sournoise, également, dans la mesure où elle dissimulait celle de supprimer ces syndicats eux-mêmes, sans oser le dire.
Il était donc nécessaire de revenir sur cette disposition, et je tiens à féliciter tous ceux qui y ont contribué, Mme Gourault – qui me fait signe d’abréger ! –, M. le président de la commission, ainsi que ceux parmi nos collègues qui avaient déposé des propositions de loi en ce sens, en particulier MM. Kern et Lemoyne, dont j’avais cosigné les textes.
M. le président. La parole est à Mme Françoise Gatel.
Mme Françoise Gatel. Madame la ministre, je suis heureuse, comme tout le monde, que nous ayons corrigé une impardonnable erreur. Je saisis cette occasion pour rappeler qu’il est inacceptable de modifier les conditions d’exercice des mandats des élus locaux alors qu’ils sont en cours.
M. Loïc Hervé. Il fallait le dire !
M. le président. La parole est à M. Pierre-Yves Collombat.
M. Pierre-Yves Collombat. Je m’en voudrais de plomber l’ambiance, mais je voudrais faire observer qu’en fait d’avancée, mon cher collègue, nous nous contentons d’un moindre recul. Le problème n’est pas réglé ! En 2020, il surgira à nouveau. C’est une méthode habituelle : on vote des dispositions et l’on décale leur application dans le temps. Cela permet de les faire passer, et puis on oublie…
La difficulté, pourtant, est toujours là ! Bien sûr, ce que nous avons fait est positif, mais le problème n’est pas derrière nous, il est devant !
M. Didier Guillaume. S’il n’y avait que celui-là…
M. le président. La parole est à M. René Vandierendonck.
M. René Vandierendonck. Jean-Jacques Hyest, en partant au Conseil constitutionnel, avait déclaré en séance publique qu’il fallait rationaliser les syndicats, mais qu’il fallait le faire en corrigeant une « boulette », passez-moi l’expression, qui trouvait son origine à l’Assemblée nationale.
Dans la nuit, j’avais plusieurs fois parlé à Olivier Dussopt et je ne doute pas une seconde que l’Assemblée nationale, qui a joué un rôle déterminant dans l’adoption de la loi NOTRe, vote ce texte conforme le 9 mars prochain. Si tel n’était pas le cas, nous pourrions vraiment nous en inquiéter !
M. le président. Personne ne demande plus la parole ?…
Je mets aux voix, dans le texte de la commission, modifié, l’ensemble de la proposition de loi.
(La proposition de loi est adoptée.) – (Applaudissements.)
M. le président. Mes chers collègues, nous allons interrompre nos travaux pour quelques instants.
La séance est suspendue.
(La séance, suspendue à dix-huit heures vingt-cinq, est reprise à dix-huit heures trente.)
M. le président. La séance est reprise.
10
Candidatures à une commission mixte paritaire
M. le président. J’informe le Sénat que la commission des affaires économiques a procédé à la désignation des candidats qu’elle présente à la commission mixte paritaire chargée de proposer un texte sur les dispositions restant en discussion du projet de loi relatif aux réseaux des chambres de commerce et d’industrie et des chambres de métiers et de l’artisanat.
Cette liste a été publiée et la nomination des membres de cette commission mixte paritaire aura lieu conformément à l’article 12 du règlement.
11
Laïcité : inscriptions des principes de la loi de 1905 dans la Constitution
Rejet d’une proposition de loi constitutionnelle
M. le président. L’ordre du jour appelle, à la demande du groupe du RDSE, la discussion de la proposition de loi constitutionnelle visant à inscrire les principes fondamentaux de la loi du 9 décembre 1905 à l’article 1er de la Constitution, présentée par M. Jacques Mézard et plusieurs de ses collègues (proposition n° 258, résultat des travaux de la commission n° 343, rapport n° 342).
Dans la discussion générale, la parole est à M. Jacques Mézard, auteur de la proposition de loi constitutionnelle.
M. Jacques Mézard, auteur de la proposition de loi constitutionnelle. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, je tiens à dire in limine que notre groupe n’est pas favorable par principe à des modifications fréquentes de la Constitution, texte dont la stabilité doit être un repère pour le fonctionnement de nos institutions, même s’il est clair qu’il faudra bien toiletter certains articles, surtout après certaines jurisprudences du Conseil constitutionnel.
Si nous avons déposé cette proposition de loi constitutionnelle visant à inscrire dans la Constitution le titre Ier de la loi du 9 décembre 1905, c’est parce qu’elle correspond au message que notre groupe, héritier de celui de la Gauche démocratique, a toujours porté au sein de notre Haute Assemblée sous trois républiques successives. Cela apparaît dans la liste des questions que nous avons posées en ce sens aux différents gouvernements qui ont assumé la charge du pouvoir exécutif, et encore dans les quatre dernières années au travers de plusieurs questions d’actualité. Le contexte dramatique des événements de janvier et de novembre 2015 le démontre encore davantage, s’il en était besoin.
Il ne s’agit pas de faire entrer dans la Constitution tout le corpus de la loi de 1905, mais seulement le titre Ier, et je me dois, pour éviter toute ambiguïté, de lire l’alinéa que nous proposons d’introduire dans la Constitution : « La République assure la liberté de conscience, garantit le libre exercice des cultes et respecte la séparation des Églises et de l’État, conformément au titre Ier de la loi du 9 décembre 1905 concernant la séparation des Églises et de l’État. »
Certes, l’article 1er de la Constitution dispose déjà que « la France est une République indivisible, laïque, démocratique et sociale », mais il nous apparaît aujourd’hui plus que jamais nécessaire de cristalliser le titre Ier de la loi de 1905, non parce qu’elle devrait être considérée comme non amendable, – elle a déjà été l’objet de plusieurs évolutions substantielles –, mais parce que nous considérons que son titre Ier doit être préservé de toute tentative de modification.
Nous ne saurions oublier le regrettable débat sur l’identité nationale, et les efforts déployés par certains pour affaiblir le principe de laïcité en l’affublant d’adjectifs qui, de fait, lui retireraient tout son sens - « laïcité inclusive », « laïcité accommodante », « laïcité positive » et j’en passe… J’ai presque cru comprendre ce matin en commission des lois qu’il pouvait être question de « laïcité concordataire » !
Pour ne représenter personnellement aucune chapelle, aucune loge, aucune association, je tiens à souligner qu’il est absurde d’opposer laïcité et religion, alors que le principe fondateur de la laïcité est la liberté de conscience et la liberté des cultes.
La notion de laïcité est consubstantielle à la liberté, et il n’est pas neutre de rappeler que la Constitution de l’an III, en 1795, intégrait déjà cette notion.
La nation des droits de l’homme et du citoyen ne pouvait qu’affirmer le principe de la liberté des cultes. Ferdinand Buisson, président de la commission en charge de la préparation de la loi de 1905, avait parfaitement résumé le sens de cette loi : « L’Église libre dans l’État souverain. »
Or, comme le pape Pie X l’avait fait alors, c’est l’islam radical qui défie aujourd’hui le modèle républicain. (Exclamations sur les travées de l’UDI-UC.)
Mes chers collègues, quand on invoque la liberté, il convient de chasser toute approche idéologique sectaire et de savoir concilier le respect strict de principes non négociables avec le bon sens. Je ne saurais omettre ici de rappeler les propos de Georges Clemenceau, ministre de l’intérieur, le 20 mars 1906 sur la question des inventaires : « Nous trouvons que la question de savoir si l’on comptera ou si l’on ne comptera pas des chandeliers dans une église ne vaut pas une vie d’homme. » C’est à cela que l’on reconnaît la grandeur d’un véritable homme d’État, espèce en voie de disparition malgré la loi pour la biodiversité ! (Sourires.)
Les dispositions légales n’empêchent pas des mesures de bon sens : s’il peut paraître raisonnable d’offrir un menu alternatif dans les cantines scolaires, il ne l’est point d’y servir des nourritures casher ou hallal…
M. Loïc Hervé. Très bien !
M. Jacques Mézard. De même, si l’on peut accepter l’utilisation de baux emphytéotiques ou de garanties d’emprunt dans le domaine foncier, on ne saurait aller au-delà.
En ce qui concerne l’Alsace-Moselle et le Concordat, je pensais qu’un groupe politique en accord avec la proposition du candidat devenu Président de la République déposerait un amendement en ce sens…
Je respecte profondément les positions de nos collègues représentant ces départements. Je ne les partage pas au nom de tout ce que je viens d’exposer, en rappelant que le Concordat ne s’applique pas à la religion musulmane, et qu’il m’est également difficile de concevoir que le délit de blasphème figure encore dans le code pénal applicable à ces trois départements, pourtant parties intégrantes du territoire de la République.
M. René Danesi. Il n’est plus appliqué depuis un siècle !
M. Jacques Mézard. Le danger qui menace les fondements de notre société, de notre République, c’est le communautarisme dont je vous rappelle la définition : « doctrine visant à l’organisation de la société sous forme de communautés de personnes partageant la même identité culturelle, ethnique ou religieuse par exemple ».
Ce mot est un néologisme – vous ne le trouverez donc pas dans le dictionnaire Le Robert –, apparu dans les années quatre-vingt, ce qui est révélateur de l’évolution de la société.
Le président Chirac a eu raison de faire voter la loi du 15 mars 2004 encadrant, en application du principe de laïcité, le port de signes ou de tenues manifestant une appartenance religieuse dans les écoles, collèges et lycées publics, comme il avait eu raison de déclarer en amont le 17 décembre 2003 : « Le communautarisme ne saurait être le choix de la France. »
M. Philippe Bas, président de la commission des lois constitutionnelles, de législation, du suffrage universel, du règlement et d’administration générale. En effet !
M. Jacques Mézard. Le communautarisme est dangereux parce qu’il fait appel à tout ce qu’il y a de plus négatif dans la démarche de l’homme, parce qu’il est l’incarnation du populisme et le clone de l’inculture.
Il est dangereux tout simplement parce qu’il est l’intolérance, parce qu’il remet en cause la liberté des autres.
Oui, le communautarisme n’est pas fongible dans la laïcité, parce qu’il en est le contraire : la laïcité émancipe l’individu quand le communautarisme le ramène à sa condition identitaire.
Je le dis clairement : chaque fois que le communautarisme progresse directement ou insidieusement, c’est la laïcité qui est affaiblie et, avec elle, la démocratie. Inversement, quand la laïcité est préservée, c’est la démocratie qui respire. Chaque renoncement, chaque faiblesse se paie cash, au détriment de l’unité nationale et de la République.
N’ayons pas peur de dire que nombre d’élus locaux de diverses sensibilités ont cédé devant des comportements communautaristes pour des raisons strictement électoralistes, devenant les prisonniers de leurs propres turpitudes et compliquant la tâche de leurs collègues plus courageux.
M. Loïc Hervé. C’est vrai !
M. Jacques Mézard. Il appartient à l’État par le canal des préfets d’être moins laxiste par rapport à ces pratiques. Le contrôle de légalité devrait encore avoir une utilité, dans ce domaine en particulier.
Mes chers collègues, ne renonçons pas sur les principes laïques, car ils sont les meilleurs remparts et le seul moyen de protéger les minorités et les diversités.
Je disais dans mon intervention du 16 novembre dernier devant le Congrès : « Quand la IIIe République devait faire preuve de fermeté contre le pouvoir religieux dans la sphère publique, pourquoi la Ve République n’applique-t-elle pas la même loi contre ceux qui prêchent la haine et la mort dans nos murs ? »
Assez de frilosité, de fausse pudeur, parfois tout simplement de lâcheté ! Nos nations, nous dit-on, sont en guerre avec un intégrisme religieux d’une violence exceptionnelle véhiculé par les techniques nouvelles de communication, la crise économique et hélas aussi les errements de la politique menée au Moyen-Orient par les puissances occidentales.
Ce fanatisme djihadiste aux méthodes barbares menace notre République dans tout ce qui fait notre mode de vie, jusqu’à nos écoles et notre liberté d’expression. Si nous avons souligné qu’il s’agissait d’une minorité de musulmans qui ne saurait être assimilée à l’ensemble des musulmans, nous ne pouvons cautionner le message laxiste d’une laïcité molle.
Nous avons raison et, au nom de notre histoire, nous avons l’obligation de critiquer et de lutter sans faiblesse contre ceux qui, au nom d’une religion, quelle qu’elle soit, veulent réduire à néant les droits universels que tant de générations ont eu tant de mal à faire reconnaître. Si c’est au nom de l’islam que cette attaque est lancée, notre devoir est de nous y opposer.
N’ayons surtout pas peur de le dire : je suis de ceux qui, comme Élisabeth Badinter et Régis Debray, considèrent que « le chantage à l’islamophobie est insupportable ».
M. René Danesi. C’est vrai !
M. Jacques Mézard. La laïcité n’empêche ni les musulmans, ni les catholiques, ni les juifs de croire librement ; au contraire, elle protège cette liberté, et nous n’avons pas de leçon de démocratie à recevoir de ceux qui font l’apologie de régimes politiques dans lesquels la religion d’État impose une chape de plomb à ceux qui croient autrement ou à ceux qui ne croient pas. Il n’est point de liberté sous le fouet !
Permettez-moi de citer une phrase du communiqué diffusé par notre collègue député socialiste Jean Glavany ce 1er février : « Être laïque aujourd’hui, ça n’est pas tout accepter des religions sous prétexte que la laïcité n’est pas et ne sera jamais antireligieuse. C’est être critique et exigeant avec elles, notamment pour qu’elles se démarquent sans ambiguïté de leurs intégrismes respectifs. C’est ainsi qu’elles montreront leur fidélité à la République. »