M. le président. La parole est à M. Jean-Pierre Sueur, pour explication de vote.
M. Jean-Pierre Sueur. Je partage entièrement ce que vient de dire Alain Richard. Si j’interviens, c’est parce que nous ne pouvons pas, mes chers collègues, laisser sans réponse les propos qui ont été tenus il y a quelques instants par notre collègue Jean Louis Masson.
Monsieur Masson, vous vous appuyez sur l’arrestation, hier, d’un criminel binational pour conclure à une prédisposition des binationaux au terrorisme.
M. David Rachline. C’est un fait !
M. Jean-Pierre Sueur. Vous êtes un scientifique, monsieur Masson, et je m’étonne que vous puissiez tenir un tel langage ! Il est impossible de ne pas réagir à de tels propos. En effet, ce raisonnement, que l’on entend trop souvent, consiste à dire que tous les binationaux doivent être suspectés, dans la mesure où une personne binationale se révèle coupable. Hélas, il y a des criminels binationaux et il y a des criminels nationaux !
Une telle extrapolation est totalement inacceptable. Je pense aux cinq millions de nos compatriotes binationaux. Il est odieux de faire un amalgame de ce type, je tenais à le dire. (Bravo ! et applaudissements sur les travées du groupe socialiste et républicain. – Mme Éliane Assassi et M. Christian Favier applaudissent également.)
M. le président. La parole est à M. Pierre-Yves Collombat, pour explication de vote.
M. Pierre-Yves Collombat. Que les choses soient claires !
Monsieur Karoutchi, je ne mets absolument pas en doute la nécessité d’avoir des outils pour faire face aux difficultés de l’existence politique de la vie d’une nation.
Simplement, je ne voterai pas cet article parce que j’estime qu’il ne nous donne pas d’outils supplémentaires. D’ailleurs, nombre de nos collègues vont le voter en se demandant à quoi cela sert. Si ces dispositions servent à quelque chose, ce n’est pas forcément ce pour quoi elles sont faites.
Par ailleurs, monsieur Jean Louis Masson, je veux vous rappeler que l’efficacité, en démocratie, demande un certain nombre de précautions que d’autres régimes, qui peuvent paraître, sur ce plan, beaucoup plus efficaces, n’ont pas à prendre.
Enfin, monsieur Retailleau, il n’y aurait pas, selon vous, d’opposition entre état d’urgence et libertés individuelles. Mais si !
M. Bruno Retailleau. Entre ordre public et libertés individuelles !
M. Pierre-Yves Collombat. L’état d’urgence est une réduction des libertés qui se justifie par les circonstances.
M. Bruno Retailleau. Il faut l’ordre public pour garantir les libertés individuelles !
M. Pierre-Yves Collombat. Tout à fait ! Sauf que les libertés sont réduites par l’état d’urgence. Autrement, il n’y aurait pas besoin d’un état d’urgence. Constitutionnaliser l’état d’urgence – il ne s’agira donc pas d’une réaction à une situation précise et assignable, comme c’est le cas, notamment, dans le cadre de l’article 16 –, c’est rendre pérenne ce qui doit rester exceptionnel. C’est la deuxième raison pour laquelle je ne voterai pas cet article 1er, tout en reconnaissant que le texte a été amélioré, à la suite du travail réalisé par la commission des lois.
M. le président. La parole est à Mme Esther Benbassa, pour explication de vote sur l'article.
Mme Esther Benbassa. Mon groupe, dans sa majorité, a demandé la suppression de cet article. Nous reconnaissons les améliorations qui y ont été apportées, grâce aux travaux menés par la commission et son rapporteur, M. Bas, que je salue.
Nous ne sommes pas convaincus par la constitutionnalisation opérée à l’article 1er. En effet, nous y voyons plutôt des inconvénients, surtout une éventuelle pérennisation de l’état d’urgence, qui peut s’avérer, à la longue, dangereux.
Et je n’évoque pas la posture politique que représente cette constitutionnalisation ! Il serait inopportun d’y participer, surtout dans la mesure où cette mesure, qui ne sera pas votée à l’identique dans les deux chambres, risque avant l’été d’être renvoyée aux calendes grecques.
M. le président. Je mets aux voix l'article 1er, modifié.
J'ai été saisi d'une demande de scrutin public émanant du groupe CRC.
Il va être procédé au scrutin dans les conditions fixées par l'article 56 du règlement.
Le scrutin est ouvert.
(Le scrutin a lieu.)
M. le président. Personne ne demande plus à voter ?…
Le scrutin est clos.
J'invite Mmes et MM. les secrétaires à procéder au dépouillement du scrutin.
(Il est procédé au dépouillement du scrutin.)
M. le président. Voici, compte tenu de l’ensemble des délégations de vote accordées par les sénateurs aux groupes politiques et notifiées à la présidence, le résultat du scrutin n° 180 :
Nombre de votants | 346 |
Nombre de suffrages exprimés | 339 |
Pour l’adoption | 301 |
Contre | 38 |
Le Sénat a adopté. (MM. Gérard Longuet et Francis Delattre applaudissent.)
Article additionnel après l'article 1er
M. le président. L'amendement n° 62, présenté par Mmes Assassi et Cukierman, M. Favier et les membres du groupe communiste républicain et citoyen, est ainsi libellé :
Après l'article 1er
Insérer un article additionnel ainsi rédigé :
L’article 16 de la Constitution est abrogé.
La parole est à Mme Éliane Assassi.
Mme Éliane Assassi. À travers cet amendement, nous vous proposons de supprimer l’article 16, une innovation de la Constitution de 1958, mise en œuvre une seule fois, à l’occasion du putsch des généraux du 21 avril 1961. Il représente une véritable épée de Damoclès au-dessus de notre démocratie.
En effet, l’article 16 confère les « pouvoirs exceptionnels » au Président de la République. S’il avait une résonance historique en 1958, seulement dix-huit ans après la débâcle, en 1940, du pouvoir politique, il apparaît aujourd'hui pour ce qu’il est, à savoir un moyen dangereux de permettre à un homme seul ou une femme seule de capter les pleins pouvoirs, au prétexte de tel ou tel événement.
Les conditions non cumulatives fixées par la Constitution sont en effet très larges : « Lorsque les institutions de la République, l’indépendance de la Nation, l’intégrité de son territoire ou l’exécution de ses engagements internationaux sont menacés d’une manière grave et immédiate et que le fonctionnement régulier des pouvoirs publics constitutionnels est interrompu, le Président de la République prend les mesures exigées par ces circonstances […]. »
C’est seulement au bout de trente jours qu’un mécanisme de contrôle de la mise en œuvre de l’article 16 peut être engagé. Trente jours de suspension de la vie démocratique, cela peut être très long ! Le Président de la République accapare durant cette période le pouvoir législatif.
L’article 16 constitue donc le symbole de la toute-puissance du chef de l’état dans notre pays. Longtemps, la gauche, toute la gauche, s’y est opposée. À sa tête se trouvait François Mitterrand, avec son livre Le Coup d’état permanent, que les partisans actuels de la présidentialisation du régime, qu’ils soient à l’Élysée, à Matignon ou dans cet hémicycle, devraient relire avec un certain intérêt.
Évoquer l’article 16 dans le cadre de ce débat n’est pas inopportun. Il ne s’agit pas d’un « cavalier constitutionnel », pour peu qu’une telle notion existe. Alors qu’on propose de renforcer le pouvoir exécutif en introduisant l’état d’urgence dans la Constitution, il serait souhaitable de retirer cet article 16, d’un autre âge, dangereux pour la démocratie, qui pourrait à l’avenir être lourd de dangers pour la cohésion sociale.
M. le président. Quel est l’avis de la commission ?
M. Philippe Bas, rapporteur. Je n’opposerai pas la notion de cavalier à un tel amendement, car il est naturel, s’agissant d’une révision constitutionnelle, d’aborder toute question relevant, aux yeux de nos collègues, de la Constitution. S’agissant de l’article 16 de la Constitution, nous sommes sur un sujet à l’évidence connexe à celui que nous traitons, à savoir l’état d’urgence.
Pour autant, la commission et moi-même ne sommes pas favorables à cet amendement, pour des raisons qui ne sont pas de forme.
L’article 16, c’est la clause de survie de la République, qui s’en remet au chef de l’État, face à des menaces, ultimes et de très haut niveau, parfaitement caractérisées par les dispositions en question.
Naturellement, le recours à l’article 16 doit être scrupuleusement pesé et rester parfaitement exceptionnel, au point d’ailleurs qu’il est souhaitable de ne jamais avoir à l’utiliser. (M. le garde des sceaux opine.) Mais pourquoi la République se priverait-elle de ce moyen de se défendre, si elle était attaquée dans des conditions qui ne laisseraient pas d’autre recours que l’appel au chef de l’État pour rétablir le fonctionnement régulier des pouvoirs publics, l’intégrité du territoire ou l’indépendance de la Nation ?
Telles sont les raisons pour lesquelles la commission a émis un avis défavorable sur cet amendement.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. Jean-Jacques Urvoas, garde des sceaux. Depuis Rome, la chose est entendue : lorsque les circonstances deviennent exceptionnelles, le droit devient dérogatoire.
À Rome, un sénatus-consulte assez sobre disposait d’ailleurs que, lorsque la République était menacée, les consuls devaient la protéger. C’est le sens de l’article 16 de la Constitution.
Long débat !… René Capitant, cet éminent juriste qui fut garde des sceaux, disait de l’article 16 que « c’est la constitutionnalisation de l’appel du 18 juin 1940 » : à circonstances exceptionnelles, réaction exceptionnelle.
L’article 16 a servi cinq mois sous la Ve République.
Nous en mesurons évidemment la sensibilité. La révision constitutionnelle de 2008 a d’ailleurs amélioré la protection des libertés lorsque s’exercent les pouvoirs exceptionnels de l’article 16 : dorénavant, après trente jours d’exercice de ces pouvoirs exceptionnels, soixante députés ou soixante sénateurs peuvent saisir le Conseil constitutionnel pour vérifier si les conditions de sa mise en œuvre sont toujours réunies. Au terme de soixante jours d’exercice de ces pouvoirs, le Conseil constitutionnel peut se saisir lui-même de plein droit pour procéder à cet examen de la constitutionnalité des éléments générateurs.
L’article 16 est dans la Constitution, il fut utile : le Gouvernement n’est pas favorable à sa suppression.
M. René Vandierendonck. Très bien !
M. le président. La parole est à M. Gaëtan Gorce, pour explication de vote.
M. Gaëtan Gorce. Je ne peux pas entendre l’argumentaire développé par nos amis communistes sans y retrouver quelque écho du discours tenu par la gauche, à une certaine époque, sur ce que représente l’article 16.
Un président de la République, que j’ai eu l’honneur de servir, parlait de « coup d’État permanent ». Mais c’était avant qu’il ne devienne président, et n’ait à exercer les responsabilités afférentes à cette fonction. (MM. Philippe Dallier et Antoine Lefèvre s’exclament.) Néanmoins, pour un socialiste et pour un homme de gauche, l’idée de confier les pleins pouvoirs – car c’est ça, l’article 16 ! – à une personnalité, fût-elle élue au suffrage universel, ne peut pas ne pas poser problème.
On peut bien entendu faire confiance à sa sagesse, mais n’est pas Cincinnatus qui veut : les Romains auxquels faisait allusion Jean-Jacques Urvoas exerçaient le pouvoir pour le quitter aussitôt !
Nos présidents peinent au contraire à retourner à leur charrue : lorsqu’ils perdent le pouvoir, ils aspirent à y revenir le plus vite possible, si j’en juge par l’actualité politique à laquelle nous sommes confrontés. (Sourires et applaudissements sur quelques travées du groupe socialiste et républicain et du groupe CRC.)
Je m’abstiendrai donc sur l’amendement n° 62, par respect du sens de l’État auquel le Gouvernement souhaite rester attaché, mais en même temps par fidélité à un temps où notre culture politique était plus exigeante, en matière démocratique, qu’elle ne l’est devenue.
M. le président. La parole est à M. Jean Louis Masson, pour explication de vote.
M. Jean Louis Masson. Je voterai contre cet amendement de suppression de l’article 16, ce qui ne vous surprendra pas, mes chers collègues.
Mme Éliane Assassi. Cela nous rassure !
M. Jean Louis Masson. Je voudrais profiter de cette intervention pour répondre à la mise en cause de notre collègue Jean-Pierre Sueur.
Il m’a accusé de faire des calculs « mathématiques » et d’en conclure que les hypothétiques 5 millions de binationaux seraient tous des terroristes. Je n’ai jamais dit ça !
J’ai au moins autant de compétences en mathématiques que M. Sueur ; et lorsqu’on a fait un peu de mathématiques, on ne se vante pas, comme lui, de faire des « statistiques », ou plutôt des raccourcis, comme il les fait.
Je voudrais vous lire ce que j’ai dit l’autre jour au sujet du communautarisme musulman (Protestations sur plusieurs travées du groupe socialiste et républicain et du groupe CRC.), et qui s’applique tout à fait aux binationaux.
Mme Éliane Assassi. C’est une obsession !
M. Jean Louis Masson. Voilà ce que je disais alors : « Il est affligeant que, sous l’influence de la pensée unique, on refuse de regarder la vérité en face. Ainsi, les médias, les grands partis politiques et les soi-disant intellectuels bien-pensants prétendent qu’il ne faut pas faire d’amalgame » – ce dont M. Sueur m’a accusé – « et qu’il ne faut surtout pas parler des racines de ce terrorisme.
« Cela n’a pas de sens, car personne ne pense un seul instant que tous les musulmans sont des terroristes » – et je ne pense pas non plus que tous les binationaux sont des terroristes ! – « ou que toutes les personnes issues de l’immigration sont dangereuses.
« En revanche, il faut avoir le courage de dire que les récents attentats terroristes ont été absolument tous commis par des musulmans extrémistes, lesquels étaient quasiment tous issus de l’immigration. » C’est la vérité ! La vérité mathématique !
« Il faut aussi cesser de travestir la vérité en prétendant que ces actes terroristes ne seraient le fait que de quelques illuminés. En effet, partout dans le monde, des pays sont mis à feu et à sang au nom de l’extrémisme musulman », et au nom de Mahomet !
« Ce ne sont donc pas des cas isolés, comme le prouvent aussi bien les attentats du 11 septembre aux États-Unis que ce qui se passe aujourd’hui au Mali, en République centrafricaine, au Tchad, au Cameroun […].
« En France aussi, rappelez-vous les attentats contre Charlie Hebdo : au cours de la semaine qui a suivi, des milliers […] de collégiens ou de lycéens issus des quartiers » (Mme Éliane Assassi proteste.) - et du communautarisme musulman – « ont refusé de respecter la minute de silence et se sont ostensiblement réjouis de cet attentat. »
Mme Éliane Assassi. Ça suffit !
M. Jean Louis Masson. « C’est bien la preuve qu’il s’agit d’un problème beaucoup plus profond que de simples actes isolés. »
Et si, à l’exemple de M. Sueur (MM. Daniel Raoul et Bernard Lalande ainsi que Mmes Bariza Khiari et Esther Benbassa frappent sur leur pupitre en signe d’impatience.), je me mettais à faire des mathématiques, je dirais qu’il y a là une très forte corrélation !
M. le président. Monsieur Masson, si vous voulez l’ordre, commencez par appliquer le règlement !
Mme Bariza Khiari. Oui !
M. le président. La parole est à M. Pierre-Yves Collombat, pour explication de vote.
M. Pierre-Yves Collombat. Il faut rappeler que, si l’article 16 a été introduit dans la Constitution, c’est parce que le général de Gaulle, ayant vécu la débâcle de 1940, avait retenu la leçon de l’histoire.
M. Bruno Retailleau. Bien sûr !
M. Pierre-Yves Collombat. Les dispositions de l’article 16 sont très précises : l’indépendance de la Nation menacée, le fonctionnement régulier des institutions interrompu, ce ne sont pas des dangers communs, ou de simples calamités !
Aussi, je considère que cet article peut tout à fait demeurer dans notre Constitution. Seul petit problème : l’article 16 a été conçu pour de grands hommes, des hommes d’État. En existe-t-il encore ? Je n’en suis pas certain… (Sourires sur plusieurs travées du groupe Les Républicains.)
À cette réserve près, je crois qu’il faut conserver l’article 16.
M. le président. La parole est à M. Roger Karoutchi, pour explication de vote.
M. Roger Karoutchi. Le débat sur l’article 16 n’est pas récent. Lors de la préparation de la révision constitutionnelle de 2008, le Président Sarkozy avait demandé s’il serait possible de trouver une majorité pour supprimer l’article 16 – il souhaitait d’ailleurs que nous remettions également en cause les dispositions constitutionnelles relatives à l’état de siège.
Nous nous étions alors rendu compte qu’une telle suppression serait extrêmement complexe à mettre en œuvre, et poserait de très sérieux problèmes. Le Président de la République y avait donc renoncé.
Certes, depuis 1958, ces dispositions n’ont quasiment jamais été appliquées – quelques mois pendant la guerre d’Algérie, mais jamais depuis. Même en 1968, période troublée s’il en fut, certains imaginaient le pouvoir vacant – ce qu’il n’était pas – et le revendiquèrent ; ni l’article 16 ni l’état de siège ne furent pourtant mis en œuvre.
Je reviens, à ce propos, à l’échange que nous avons eu tout à l’heure avec M. Collombat : le fait qu’un dispositif ne soit pas utilisé ne le rend pas inutile ! Il y va au contraire, précisément, de la capacité pour la République, pour un État démocratique, de se doter des armes nécessaires pour faire face à une agression réelle ou à une difficulté impérieuse : même si elles ne servent pas, nous savons que nous pouvons en avoir l’usage !
Je reconnais volontiers, madame la présidente Assassi, que je m’étais opposé, à l’époque, à l’abrogation de l’article 16. La démocratie, en effet, est fragile : l’agression qu’elle subit peut être brutale. Lorsque la crise est là, il est trop tard pour s’apercevoir que les dispositifs manquent pour y faire face, et plus encore pour les voter ! (Mme Éliane Assassi en doute.) Faites confiance à la République, mes chers collègues ! Ces dispositifs – état de siège, article 16 – ont été si peu appliqués ; cela prouve bien que lorsque le régime en place est démocratique, ils ne posent aucun problème.
On me rétorquera peut-être : quid d’un régime non démocratique ? Mais si un régime n’est pas démocratique, ce n’est plus la Constitution de la Ve République ! (Applaudissements sur quelques travées du groupe Les Républicains.)
M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 62.
J'ai été saisi d'une demande de scrutin public émanant du groupe CRC.
Je rappelle que l'avis de la commission est défavorable, de même que celui du Gouvernement.
Il va être procédé au scrutin dans les conditions fixées par l'article 56 du règlement.
Le scrutin est ouvert.
(Le scrutin a lieu.)
M. le président. Personne ne demande plus à voter ?…
Le scrutin est clos.
J'invite Mmes et MM. les secrétaires à procéder au dépouillement du scrutin.
(Il est procédé au dépouillement du scrutin.)
M. le président. Voici, compte tenu de l’ensemble des délégations de vote accordées par les sénateurs aux groupes politiques et notifiées à la présidence, le résultat du scrutin n° 181 :
Nombre de votants | 345 |
Nombre de suffrages exprimés | 344 |
Pour l’adoption | 29 |
Contre | 315 |
Le Sénat n'a pas adopté.
Article 1er bis (nouveau)
À la fin de la seconde phrase du dernier alinéa de l’article 42 et au troisième alinéa de l’article 48 de la Constitution, après le mot : « crise », sont insérés les mots : « prévus aux articles 36 et 36-1 ».
M. le président. La parole est à M. Claude Malhuret, sur l'article.
M. Claude Malhuret. Monsieur le président, nous allons gagner du temps : mon amendement, qui visait à supprimer l’article 1er bis, était un amendement de coordination avec mon amendement de suppression de l’article 1er. Je pense d’ailleurs que l’article 1er bis serait tombé de lui-même si nous n’avions pas voté l’article 1er.
Dès lors que nous insérons un article 36-1 dans la Constitution, l’amendement n° 29 rectifié bis n’a plus lieu d’être : je le retire.
M. le président. La parole est à M. Jean Louis Masson, sur l'article.
M. Jean Louis Masson. L’article 1er bis présente un intérêt tout à fait marginal. Il se comprenait de lui-même. Cependant, à force d’ajouter des modifications à des modifications, nous allons finir par créer des moutons à neuf pattes dans la Constitution !
Il conviendrait, selon moi, de nous centrer, d’une part, sur l’état d’urgence et de lui consacrer spécifiquement un article – l’article 1er – et, d’autre part, de prévoir un deuxième article relatif à la déchéance de nationalité, y compris bien entendu la déchéance de nationalité des binationaux, à laquelle je suis très attachée – je le redis pour mes collègues de gauche qui se plaignaient tout à l’heure…
Il est très important de se concentrer sur cet aspect de la question. Je m’abstiendrai donc sur l’article 1er bis et j’attendrai les débats sur l’article suivant.
M. le président. La parole est à Mme Sophie Joissains, sur l'article.
Mme Sophie Joissains. Ma démarche est identique à celle de M. Malhuret. Dans la mesure où l’article 1er n’a pas été supprimé, l’amendement n° 47 que j’ai déposé à l’article 1er bis n’a plus lieu d’être : je le retire également.
M. le président. Je suis saisi de quatre amendements identiques.
L'amendement n° 17 est présenté par Mmes Assassi et Cukierman, M. Favier et les membres du groupe communiste républicain et citoyen.
L'amendement n° 29 rectifié bis est présenté par MM. Malhuret, Grand, Bignon et Portelli, Mme Garriaud-Maylam, M. Barbier et Mme Goy-Chavent.
L'amendement n° 47 est présenté par Mme Joissains.
L'amendement n° 54 rectifié est présenté par Mmes Benbassa, Aïchi, Blandin et Bouchoux et MM. Dantec, Desessard, Gattolin, Labbé et Poher.
Ces quatre amendements sont ainsi libellés :
Supprimer cet article.
Monsieur Favier, l'amendement n° 17 est-il maintenu ?
M. Christian Favier. Cet amendement n’ayant plus de sens, je le retire, monsieur le président.
M. le président. L'amendement n° 17 est retiré.
Les amendements nos 29 rectifié bis et 47 ont été précédemment retirés.
Madame Benbassa, l'amendement n° 54 rectifié est-il maintenu ?
Mme Esther Benbassa. Non, je le retire, monsieur le président.
M. le président. L'amendement n° 54 rectifié est retiré.
L'amendement n° 13, présenté par M. Bas, au nom de la commission, est ainsi libellé :
Rédiger ainsi cet article :
I. – À la fin de la seconde phrase du dernier alinéa de l’article 42 de la Constitution, les mots : « relatifs aux états de crise », sont remplacés par les mots : « et propositions de loi relatifs aux états de crise prévus aux articles 36 et 36–1 ».
II. – Au troisième alinéa de l’article 48 de la Constitution, après le mot : « crise », sont insérés les mots : « prévus aux articles 36 et 36–1 ».
La parole est à M. le rapporteur.
M. Philippe Bas, rapporteur. Il s’agit d’un amendement de coordination, en cohérence avec le vote intervenu à l’article 1er.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. le président. En conséquence, l'article 1er bis est ainsi rédigé.
Articles additionnels après l'article 1er bis
M. le président. Je suis saisi de trois amendements faisant l'objet d'une discussion commune.
Les amendements nos 55 rectifié et 63 sont identiques.
L'amendement n° 55 rectifié est présenté par Mmes Benbassa, Aïchi, Blandin et Bouchoux et MM. Dantec, Desessard, Gattolin, Labbé et Poher.
L'amendement n° 63 est présenté par Mmes Assassi et Cukierman, M. Favier et les membres du groupe communiste républicain et citoyen.
Ces deux amendements sont ainsi libellés :
Après l'article 1er bis
Insérer un article additionnel ainsi rédigé :
Le quatrième alinéa de l’article 89 de la Constitution est complété par les mots : « , ou lors de la mise en œuvre des articles 16, 36 ou 36-1 ».
La parole est à Mme Esther Benbassa, pour présenter l’amendement n° 55 rectifié.
Mme Esther Benbassa. Le quatrième alinéa de l’article 89 de la Constitution prévoit actuellement qu’« aucune procédure de révision ne peut être engagée ou poursuivie lorsqu’il est porté atteinte à l’intégrité du territoire ».
Cet amendement vise, de manière cohérente, à préciser qu’une révision constitutionnelle est impossible en cas d’application de l’article 16, de l’état de siège ou de l’état d’urgence.
Les circonstances qui mènent à ces états d’exceptions, qui doivent rester exceptionnels et brefs, ne peuvent être l’occasion de remettre en cause la représentation nationale ni de modifier la Constitution.
M. le président. La parole est à M. Christian Favier, pour présenter l'amendement n° 63.
M. Christian Favier. Si vous me le permettez, monsieur le président, je défendrai conjointement cet amendement et le suivant. Ces deux amendements visent, comme celui de notre collègue Esther Benbassa, à préciser qu’une révision de notre Constitution est impossible en cas d’application de l’article 16, de l’état de siège ou de l’état d’urgence, situations dans lesquelles il peut être porté atteinte à l’intégrité du territoire.
En effet, sous un régime exceptionnel, imposé sous la pression sécuritaire, la Constitution devrait demeurer « intouchable ». Le quatrième alinéa de l’article 89 de la Constitution prévoit d’ailleurs qu’« aucune procédure de révision ne peut être engagée ou poursuivie lorsqu’il est porté atteinte à l’intégrité du territoire ».
Or je rappelle que l’état d’urgence a été déclaré en raison des attentats et que l’article 412-1 du code pénal prévoit que « constitue un attentat le fait de commettre un ou plusieurs actes de violence de nature à mettre en péril les institutions de la République ou à porter atteinte à l’intégrité du territoire national ».
Un attentat se caractérise donc par une atteinte à l’intégrité du territoire national. Or une telle atteinte constitue un motif d’impossibilité d’engager ou de poursuivre une révision constitutionnelle. Il y a là une question à se poser. Elle se double de la possibilité donnée ou non au Conseil constitutionnel, qui s’en est dégagé à deux reprises – pour la dernière fois en 2003 –, de contrôler le principe de la révision.
La question est d’importance et a donné lieu à bon nombre de réflexions sérieuses, notamment à celle de Guy Carcassonne. Dans l’un de ses textes, il expliquait que le fonctionnement régulier des pouvoirs publics, interrompu par une crise d’une gravité telle que députés et sénateurs soient dans l’impossibilité de se rendre à Paris, pouvait donc se conjuguer au vote d’une révision constitutionnelle menée dans des conditions très brutales, et qu’aucun moyen ne permettrait de contrôler.
Monsieur le ministre, vous nous rétorquerez sans doute qu’il faut en « rester au cadre tel qu’il est défini » et ne pas ouvrir trop de problématiques avec ce projet de loi constitutionnelle. Permettez-moi néanmoins de vous rappeler, au nom du groupe CRC, que la constitutionnalisation de l’état d’urgence n’est pas anodine : il s’agit d’un tournant crucial pour notre pays. Toutes les questions doivent donc être posées.
En l’occurrence, l’état d’urgence étant un état d’exception, il apparaît justifié et conforme aux principes démocratiques d’écarter toute révision de la Constitution durant cette période, qui place le pouvoir exécutif en position de force.