compte rendu intégral
Présidence de Mme Isabelle Debré
vice-présidente
Secrétaires :
M. Bruno Gilles,
Mme Catherine Tasca.
1
Procès-verbal
Mme la présidente. Le compte rendu analytique de la précédente séance a été distribué.
Il n’y a pas d’observation ?…
Le procès-verbal est adopté sous les réserves d’usage.
2
Économie bleue
Suite de la discussion en procédure accélérée et adoption d’une proposition de loi dans le texte de la commission modifié
Mme la présidente. L’ordre du jour appelle la suite de la discussion, à la demande du Gouvernement, en application de l’article 48, alinéa 3, de la Constitution, de la proposition de loi, adoptée par l’Assemblée nationale après engagement de la procédure accélérée, pour l’économie bleue (proposition n° 370, texte de la commission n° 431, rapport n° 430, avis n° 428).
Dans la discussion du texte de la commission, nous en sommes parvenus, au sein du chapitre V du titre Ier, à l’examen de deux amendements identiques tendant à insérer un article additionnel après l’article 12 bis.
TITRE IER (suite)
RENFORCER LA COMPÉTITIVITÉ DES EXPLOITATIONS MARITIMES ET DES PORTS DE COMMERCE
Chapitre V (suite)
Renforcer les mesures relatives à la sûreté et à la sécurité
Article additionnel après l’article 12 bis
Mme la présidente. Je suis saisie de deux amendements identiques.
L'amendement n° 47 rectifié bis est présenté par Mme Jouanno, M. Détraigne, Mme Doineau et MM. Roche, Cigolotti, Gabouty et Cadic.
L'amendement n° 56 est présenté par MM. Dantec, Labbé et les membres du groupe écologiste.
Ces deux amendements sont ainsi libellés :
Après l'article 12 bis
Insérer un article additionnel ainsi rédigé :
À partir du 1er janvier 2018, les navires de croisière accostant dans les ports français sont équipés d’un dispositif de réduction des émissions de polluants atmosphériques.
L’amendement n° 47 rectifié bis n’est pas soutenu.
La parole est à M. Joël Labbé, pour présenter l'amendement n° 56.
M. Joël Labbé. Au travers de cet amendement, nous proposons d’équiper les navires de croisière de systèmes de réduction des émissions de polluants à compter du 1er janvier 2018.
Dans la perspective du renforcement de la réglementation sur les émissions polluantes, notamment les émissions d’oxyde de soufre, l’industrie de la croisière, comme les autres acteurs du secteur maritime, doit adapter ses paquebots, et ce d’autant plus que des précédents intéressants existent dans ce domaine.
Par exemple, la compagnie américaine Norwegian Cruise Line a annoncé qu’elle équiperait ses deux futurs navires d’un système de scrubber : cet épurateur par filtrage de particules polluantes est l’une des solutions techniques qui permettent de réduire significativement les émissions d’oxyde de soufre et d’oxyde d’azote. De plus, il a des effets positifs en termes de nuisance sonore.
Grâce à ce dispositif, les navires se conformeront à la réglementation qui fixe une limitation en matière d’émission d’oxyde de soufre dans les zones SECA, les zones de contrôles des émissions de soufre, à compter du 1er janvier 2015.
En Europe, ces zones couvrent la Manche, la mer du Nord et la mer Baltique. Selon cette nouvelle réglementation, la teneur en soufre des carburants utilisés par les navires doit en effet s’élever à 0,1 %, contre 1 % depuis le 1er juillet 2010 et 1,5 % auparavant.
Mme la présidente. Quel est l’avis de la commission ?
M. Didier Mandelli, rapporteur de la commission de l'aménagement du territoire et du développement durable. Je comprends l’objectif louable que défendent les auteurs de cet amendement. Il s’agit d'ailleurs d’un objectif partagé par tous, d’autant plus que la pollution de l’air liée aux émissions de dioxyde de soufre est un sujet de préoccupation qui est essentiel pour le secteur du transport maritime, en particulier au moment des escales.
Je vous rappelle que l’Organisation maritime internationale a adopté en 2008 une résolution qui fixe des valeurs limites de plus en plus strictes pour la teneur en soufre des combustibles marins. Ces dispositions ont été reprises dans le cadre d’une directive européenne du 21 novembre 2012, que le Gouvernement a été habilité à transposer par voie d’ordonnance en vertu de l’article 59 de la loi du 17 août 2015 relative à la transition énergétique pour la croissance verte.
Sur ces sujets, la France agit en coordination avec les autres États du nord de l’Europe qui se trouvent confrontés à des enjeux similaires. Il convient donc de ne pas prendre de décision unilatérale, au risque de réduire l’attractivité de notre pays et de nos ports.
À titre d’exemple, l’adoption de cet amendement pourrait entraîner l’annulation de plus de la moitié des escales de l’année 2018 et la perte de centaines de millions d’euros de retombées économiques à Marseille, premier port d’escale de croisières en France.
A contrario, les efforts techniques déployés par ce grand port maritime en matière de ravitaillement en GNL, gaz naturel liquéfié, de branchement électrique pour les navires à quai, de réglementation pour les lavages de fumée et d’incitations tarifaires, afin que les armateurs disposent de véritables solutions opérationnelles et commerciales, pourraient constituer en 2020 un véritable avantage compétitif par rapport aux ports concurrents de Barcelone ou de Rome, qui n’ont pas, à ce jour, de projet abouti en la matière.
Nous sommes en avance grâce à ce cercle vertueux. Il convient de ne pas handicaper par anticipation les ports qui consentent tous ces efforts.
Dès lors, la commission émet un avis défavorable sur cet amendement.
Mme la présidente. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. Alain Vidalies, secrétaire d'État auprès de la ministre de l'écologie, du développement durable et de l'énergie, chargé des transports, de la mer et de la pêche. Monsieur Labbé, en vertu des textes communautaires, les navires à passagers qui fréquentent les eaux de l’Union européenne sont d’ores et déjà soumis à des dispositions plus sévères que les autres navires de commerce. Lorsqu’ils accostent dans un port de l’Union européenne, y compris hors d’une zone de suivi des émissions de soufre, ils doivent d’ores et déjà utiliser un carburant avec un taux de soufre de 0,1 % ou être équipés d’un dispositif épurateur.
Monsieur le sénateur, votre amendement est donc sans utilité, voire contre-productif. D’une part, il ne fait référence en effet qu’à la seule zone SECA, et, d’autre part, il oblige l’armateur à s’équiper de scrubber, alors que ce dispositif n’est, au sens de la réglementation européenne, qu’une solution de rechange possible à l’emploi d’un carburant désoufré.
Je vous demande donc de bien vouloir retirer votre amendement. À défaut, le Gouvernement serait contraint d'émettre un avis défavorable.
Mme la présidente. La parole est à M. Charles Revet, pour explication de vote.
M. Charles Revet. Je tiens à dire que je ne voterai évidemment pas en faveur de cet amendement.
Monsieur le secrétaire d'État, les autres pays européens se voient-ils imposer les mêmes prescriptions ? En effet, les navires de croisière accostent de plus en plus souvent dans les grands ports français, que ce soit à Marseille, au Havre ou ailleurs. Par conséquent, si l’on fixe des règles plus sévères en France que dans les autres pays, les navires se dérouteront.
Nous avons déjà suffisamment de problèmes en matière d’emploi pour ne pas nous en créer nous-mêmes ! (M. Gérard Longuet opine.) Cela ne signifie pas pour autant que le respect de ces prescriptions ne présentera pas un intérêt dans le futur : en effet, si tout le monde obéit aux mêmes règles, il n’y aura aucun problème. En revanche, dès lors que les autres pays n’imposent pas la même réglementation que la France, je crois que ce serait une erreur de s’engager dans cette voie.
Mme la présidente. Monsieur Labbé, l'amendement n° 56 est-il maintenu ?
M. Joël Labbé. Si j’ai bien compris, la commission a émis un avis défavorable sur mon amendement et le Gouvernement me demande de le retirer. J’ai pourtant noté que M. le rapporteur considérait que l’objectif visé était « louable » et partagé ; je dis cela bien sûr en toute courtoisie. Quant à M. le secrétaire d'État, je viens de lui indiquer que d’autres solutions existaient et que certaines d’entre elles étaient déjà en application !
Chaque fois que nous proposons la mise en place de dispositifs d’épuration, les compagnies de croisière – pour lesquelles l’installation de tels équipements est pourtant loin d’être impossible – pratiquent le même chantage : si vous nous imposez ces mesures, nous ne viendrons plus chez vous ! C’est pourquoi je trouve que l’argument selon lequel il faut attendre de voir ce que les autres pays vont faire avant de s’engager est un peu léger !
M. Charles Revet. C’est vous qui êtes un peu léger !
M. Joël Labbé. En réalité, nous n’avançons pas, parce que nous ne cessons pas d’attendre de voir ce que les autres pays vont faire.
Cela dit, cet amendement est extrêmement technique. Personnellement, je n’ai pas suffisamment travaillé sur son dispositif pour être en mesure d’argumenter davantage. Je le retire donc, madame la présidente.
Mme la présidente. L'amendement n° 56 est retiré.
Article 12 ter
(Non modifié)
Le chapitre III du titre Ier du livre II de la deuxième partie du code de la défense est complété par un article L. 2213-9 ainsi rédigé :
« Art. L. 2213-9. – Les navires battant pavillon français peuvent être affectés à une flotte à caractère stratégique permettant d’assurer en temps de crise la sécurité des approvisionnements de toute nature, des moyens de communication, des services et des travaux maritimes indispensables ainsi que de compléter les moyens des forces armées. La composition de cette flotte à caractère stratégique et les conditions de sa mise en place sont déterminées par voie réglementaire. »
Mme la présidente. Je mets aux voix l'article 12 ter.
(L'article 12 ter est adopté.)
Articles additionnels après l’article 12 ter
Mme la présidente. Je suis saisie de quatre amendements faisant l'objet d'une discussion commune.
L'amendement n° 13, présenté par Mme Didier et les membres du groupe communiste républicain et citoyen, est ainsi libellé :
Après l'article 12 ter
Insérer un article additionnel ainsi rédigé :
L’article L. 631-1 du code de l’énergie est ainsi modifié :
1° Le 2° du II est ainsi modifié :
a) Les mots : « des armateurs » sont remplacés par les mots : « un armateur ou un groupement d’armateurs » ;
b) Après le mot : « capacité », sont insérés les mots : « de transport de pétrole brut et de produits pétroliers » ;
2° Après le II, il est inséré un paragraphe II bis ainsi rédigé :
« II bis. – Chaque contrat de couverture d’obligation de capacité conclu par chaque assujetti, ou groupement d’assujettis, avec un armateur ou un groupement d’armateurs, doit comprendre une capacité de transport maritime de pétrole brut et une capacité de transport maritime de produits pétroliers :
« 1° Dans des proportions correspondant aux importations effectives et fixées par décret ;
« 2° Par des types de navires effectivement employés et adaptés aux produits transportés et aux ports français desservis. »
La parole est à M. Michel Le Scouarnec.
M. Michel Le Scouarnec. Cet amendement est important pour l’avenir de la flotte française, compte tenu de la mission stratégique qu’elle remplit en matière d’approvisionnement du pays et du haut niveau de compétence de ses marins.
L’une des dispositions de la loi du 17 août 2015 prévoyait la constitution d’une flotte stratégique, ce que nous approuvons. Or, profitant du flou de la loi, le Gouvernement a fait paraître des décrets d’application qui ont perverti l’objectif que celle-ci cherchait à atteindre.
Ainsi, dans le décret du 23 février 2016 fixant les conditions dans lesquelles est acquittée l’obligation de capacité de transport établie par l’article L. 631-1 du code de l’énergie, on ne trouve rien sur l’emploi et les conditions d’emploi des marins français, le type de navires, le nombre de navires et le pavillon des navires d’emploi des marins. Le flou est donc total !
Pis, après la publication de l’arrêté du 25 février 2016 portant application de ce décret, nous pouvons déplorer l’enterrement complet de toute flotte stratégique, la fin d’une filière d’officiers et de personnels d’exécution aux qualifications et aux compétences très spécifiques pour les navires pétroliers et chimiquiers, la fin de l’indépendance de la France en matière d’approvisionnement en produits énergétiques et stratégiques, enfin la mainmise complète des pétroliers et des organismes stockeurs de la grande distribution sur l’approvisionnement de notre pays, lesquels utilisent des pavillons de complaisance au sein desquels chacun sait bien que les conditions sociales, de sécurité et de travail sont les moins favorables possible pour les marins.
Notre amendement vise à préciser de nouveau la loi, ce qui était d’ailleurs l’objet de la proposition de loi dans sa forme initiale, afin d’éviter de très mauvaises interprétations.
Mme la présidente. L'amendement n° 42 rectifié bis, présenté par Mmes Claireaux et Conway-Mouret, MM. S. Larcher, Cornano, Lalande et Cabanel, Mme Bataille, MM. Patient, Antiste, Courteau et Masseret, Mmes Riocreux et Schillinger, MM. Lorgeoux et J.C. Leroy, Mme Herviaux et MM. J. Gillot et Filleul, est ainsi libellé :
Après l'article 12 ter
Insérer un article additionnel ainsi rédigé :
L'article L. 631-1 du code de l'énergie est ainsi modifié :
1° Le 2° du II est ainsi modifié :
a) Les mots : « des armateurs » sont remplacés par les mots : « un armateur ou un groupement d’armateurs » ;
b) Après le mot : « capacité » la fin de l’alinéa est ainsi rédigée : « de transport de pétrole brut et de produits pétroliers conformes au contrat type approuvé par arrêté du ministre chargé de la marine marchande ; ».
2° Après le II, il est inséré un paragraphe ainsi rédigé :
« II bis. – Chaque contrat de couverture d’obligation de capacité conclu par chaque assujetti, ou groupement d’assujettis, avec un armateur ou un groupement d’armateurs, doit comprendre une capacité de transport maritime de pétrole brut et une capacité de transport maritime de produits pétroliers :
« 1° Dans des proportions correspondant aux importations effectives et fixées par décret ;
« 2° Par des types de navires effectivement employés et adaptés aux produits transportés et aux ports français desservis. »
La parole est à M. Maurice Antiste.
M. Maurice Antiste. L’article L. 631-1 du code de l’énergie crée une obligation de capacité de transport sous pavillon français, afin de sécuriser les approvisionnements stratégiques de pétrole brut et de produits pétroliers. Cette obligation est remplie grâce à une flotte diversifiée en taille et en type de navires, qui est armée avec des équipages compétents et formés aux navires de transport de produits énergétiques.
Toutefois, en l’état, le texte ne peut atteindre son objectif.
D’une part, la possibilité pour les armateurs de se regrouper s’ils le souhaitent n’est pas explicitement prévue, alors qu’elle est mentionnée pour les assujettis. Cette omission peut créer des difficultés, dans la mesure où certaines entreprises, dans un souci de bonne gestion, souhaitent mutualiser le suivi de ces contrats.
D’autre part, il convient de prévoir l’obligation pour les assujettis de souscrire des contrats de couverture portant à la fois sur le pétrole brut et le pétrole raffiné. En effet, si tous les assujettis décident individuellement de préférer une couverture portant sur l’un plutôt que l’autre, l’objectif qui sous-tendait la loi ne sera pas atteint, et la sécurité des approvisionnements ne pourra être assurée pour les deux catégories de produits.
Comme l’administration effectue des contrôles a posteriori, il n’existe aucun mécanisme garantissant dans les faits la diversité de la flotte au cours d’une année donnée. La loi actuelle prévoit l’existence de contrats types reconnus par le ministre de la marine marchande. Le contrat type devrait couvrir à la fois les produits bruts et les produits raffinés et être approuvé par arrêté du ministre.
La flotte doit être diversifiée en type de produit transporté, mais également en taille de navire, de telle sorte que tous les ports, y compris les plus petits, soient effectivement desservis. L’objectif visé ici est de parvenir à assurer la desserte de tous les territoires, notamment insulaires, et l’approvisionnement de tous les dépôts.
Mme la présidente. Les deux amendements suivants sont identiques.
L'amendement n° 65 rectifié est présenté par Mme Des Esgaulx et MM. Pintat, César et D. Laurent.
L'amendement n° 118 est présenté par M. Bignon.
Ces deux amendements sont ainsi libellés :
Après l'article 12 ter
Insérer un article additionnel ainsi rédigé :
L'article L. 631-1 du code de l'énergie est ainsi modifié :
1° Le 2° du II est ainsi modifié :
a) Les mots : « des armateurs » sont remplacés par les mots : « un armateur ou un groupement d’armateurs » ;
b) Après le mot : « capacité » la fin de l’alinéa est ainsi rédigée : « de transport de pétrole brut et de produits pétroliers conformes au contrat type approuvé par arrêté du ministre chargé de la marine marchande ; ».
2° Après le II, il est inséré un paragraphe ainsi rédigé :
« … – Chaque contrat de couverture d’obligation de capacité conclu par chaque assujetti, ou groupement d’assujettis, avec un armateur, ou un groupement d’armateurs, comprend à la fois une capacité de transport maritime de pétrole brut et une capacité de transport maritime de produits pétroliers dans le respect des proportions fixées par décret. Elle comprend également une part de navires de moins de 20 000 tonnes de port en lourd. »
La parole est à Mme Marie-Hélène Des Esgaulx, pour présenter l’amendement n° 65 rectifié.
Mme Marie-Hélène Des Esgaulx. Monsieur le secrétaire d’État, je suis intervenue auprès du ministère pour soutenir la réforme de la loi de 1992, et cela dans un sens plus favorable aux armateurs français.
Le décret d’application publié le 23 février dernier ne retient aucune des garanties que nous avions demandées en ce qui concerne la diversité de la flotte et l’emploi des marins français. Or l’absence de telles garanties est grave, car elle risque de condamner à terme de nombreux armateurs français au pétrole.
L’amendement que je soutiens a pour objet de modifier l’article L. 631-1 du code de l’énergie relatif à l’obligation d’importer une part de produits pétroliers et de pétrole brut par la voie maritime. Cet article crée en effet une obligation de capacité de transport sous pavillon français, afin de sécuriser les approvisionnements stratégiques de pétrole brut et de produits pétroliers. Cette obligation doit être remplie grâce à une flotte diversifiée en taille et en type de navire, qui est armée avec des équipages compétents et formés spécialement pour naviguer sur des navires de transport de produits énergétiques.
La France a besoin à la fois de navires capables de transporter du pétrole brut et de bateaux capables de transporter du pétrole raffiné. Il n’existe pas de navires capables de transporter les deux types de produits alternativement. Par conséquent, les navires qui transportent des produits déjà raffinés doivent pouvoir être de différentes tailles, pour desservir l’ensemble des ports et les dépôts français.
Or, comme vous le savez, monsieur le secrétaire d’État, certains ports ne peuvent absolument pas accueillir des navires de moyenne ou de grande taille. À cet égard, je prendrai évidemment l’exemple de la Corse.
Cet amendement est à mes yeux très important. J’aimerais d’ailleurs que M. le rapporteur puisse nous dire ce qu’il adviendrait de ma proposition si l’amendement n° 13, par exemple, était adopté. Mon amendement n° 65 rectifié deviendrait-il sans objet ? J’estime pourtant qu’il est plus complet que les autres – pardonnez-moi de le dire ainsi, mes chers collègues ! En tout cas, j’aimerais obtenir cette précision avant de me prononcer sur l’adoption ou le rejet des autres amendements.
Enfin, je conclurai en disant que, dans cette affaire, il faut sauvegarder l’indépendance de la filière française de transport pétrolier, car elle est aujourd’hui menacée.
M. Charles Revet. Très juste !
Mme la présidente. L'amendement n° 118 n’est pas soutenu.
Quel est l’avis de la commission sur les amendements restant en discussion ?
M. Didier Mandelli, rapporteur. Je me suis interrogé sur ces quatre amendements, qui tendent à modifier un dispositif que nous venons à peine de retoucher dans le cadre de la loi relative à la transition énergétique pour la croissance verte et dont les dispositions apportent des précisions qui relèvent en grande partie du domaine réglementaire. D'ailleurs, comme vous l’avez du reste indiqué, mes chers collègues, le décret d’application est paru le 23 février 2016.
Sur le fond, le dispositif proposé comporte quelques avantages, mais aussi quelques inconvénients.
Plus conforme à la répartition actuelle de nos importations de pétrole brut et de produits raffinés, un tel dispositif permettrait de mobiliser davantage de navires pétroliers de petite taille sous pavillon français, plutôt qu’un nombre limité de supertankers.
Il pourrait néanmoins créer des difficultés en cas de crise d’approvisionnement, dans la mesure où il est plus facile d’escorter un nombre réduit de navires à grande capacité qu’un nombre important de navires de petite taille.
Monsieur le secrétaire d’État, c’est la raison pour laquelle nous souhaiterions obtenir des explications sur les choix effectués par le Gouvernement lors de la rédaction du décret d’application de cette mesure. Nous nous en remettrons ensuite à la sagesse du Sénat.
Je précise néanmoins que, si nous devions adopter l’un de ces amendements, je serais plus favorable à l'amendement n° 65 rectifié qu’aux amendements nos 13 et 42 rectifié bis, dont les dispositions me semblent davantage empiéter sur le domaine réglementaire. J’espère ainsi avoir répondu à votre interrogation, madame Des Esgaulx !
Mme Marie-Hélène Des Esgaulx. Oui, merci !
Mme la présidente. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. Alain Vidalies, secrétaire d'État. Ces amendements ont tous pour objet de remettre en question le dispositif législatif qui sert de fondement à la réforme de la loi de 1992 et non le dispositif réglementaire. Si je comprends bien la démarche proposée, c’est parce que le décret ne répond pas aux attentes…
M. Gérard Longuet. Non, il ne répond pas aux objectifs fixés par la loi ! (Mme Marie-Hélène Des Esgaulx approuve.)
M. Alain Vidalies, secrétaire d'État. … ou aux prescriptions de la loi, monsieur le sénateur. Vous estimez donc qu’il serait plus simple de modifier cette dernière.
Pourquoi le décret ne correspond-il pas à ce qui avait été envisagé lors des débats législatifs ? C’est la première question, d’ailleurs tout à fait légitime. J’y répondrai en indiquant que, lors de l’élaboration du décret, nous nous sommes heurtés à une difficulté, sur laquelle nous avons été alertés, à savoir le nécessaire respect du principe européen de proportionnalité.
Dès lors que, d’une certaine façon, la loi visait à protéger le pavillon français, nous prenions un risque qui nous exposait à de grandes difficultés. C’est pourquoi nous avons expliqué, dans un premier temps, et sans donner davantage de précisions, que le décret respecterait certes ce principe de proportionnalité, mais que nous souhaitions la mise en œuvre d’un contrat type entre les parties – les armateurs et les assujettis –, qui réponde aux attentes des uns et des autres. Tout le monde a été informé de cette démarche.
À ce jour, la mise en œuvre ne répond pas à nos souhaits : le décret est paru, mais la négociation du contrat type ne progresse pas. Je le dis très clairement, car chacun doit faire face à ses responsabilités. Pour ma part, j’ai indiqué à plusieurs reprises quelle était ma position ; il faut aussi, lorsque l’on décide de faire confiance au dispositif contractuel, pouvoir compter sur ses parties prenantes !
Cela dit, faut-il, à ce stade, modifier la loi et quelles seraient les conséquences des modifications ici proposées ? C’est une autre question. En effet, mesdames, messieurs les sénateurs, je voudrais tout de même attirer votre attention sur ce qu’entraînerait l’adoption de l’un de ces amendements.
Les textes d’application récemment publiés exigent une mise en œuvre rapide et sans modification des dispositions législatives qui les fondent, sous peine d’interrompre la sécurité d’approvisionnement en hydrocarbures dès le mois de juillet 2016.
Avec l’appui d’une mission diligentée par l’État, les parties intéressées – armateurs et assujettis – commencent à s’organiser. Je viens de le préciser, je juge moi-même qu’ils auraient dû travailler plus vite et qu’ils devraient travailler plus vite à l’avenir.
En obligeant chaque assujetti à recourir à des navires de transport de produits raffinés et à des navires de transport de pétrole brut dans le cadre des contrats de couverture, ces amendements tendent à alourdir les obligations déjà prévues par le code de l’énergie.
En outre, leur adoption créerait une inégalité : les assujettis qui recourent aux contrats de couverture mutualisés se verraient soumis à des sujétions, par ailleurs non appliquées à ceux qui, comme les raffineurs, recourent à l’affrètement pour couvrir leurs obligations dans ce domaine. Cette différence de traitement n’est pas justifiée au regard des exigences relatives à la sécurité des approvisionnements.
Enfin, en rendant obligatoire la présence, dans chaque contrat, de navires-transporteurs de pétrole brut et de navires-transporteurs de produits raffinés, on donnerait un avantage aux entreprises disposant d’une flotte comportant ces deux types de navires, au détriment de celles qui ne possèdent qu’un seul type. Ces dernières seraient alors obligées de s’entendre avec d’autres entreprises pour passer le contrat. Ainsi, on orienterait le dispositif vers certaines entreprises, aujourd'hui en nombre réduit, d’où le problème juridique que j’évoquais précédemment.
J’ajoute que la sécurité des approvisionnements exige seulement un accès aux principaux ports français, et non à chacun d’entre eux. Ces amendements sont donc de nature à rendre le dispositif disproportionné par rapport aux objectifs. En cela – c’est toujours la même chose –, leur adoption le fragiliserait sur un plan juridique.
Mesdames, messieurs les sénateurs, il faut mesurer les conséquences des mesures proposées ici. La loi qui a été votée crée de nouveaux assujettis. De qui s’agit-il ? De la grande distribution ! Que chacun se rende compte qu’en modifiant la loi au travers de ces amendements, on préserverait la grande distribution d’avoir, dès le mois de juillet prochain, l’obligation de participer !
Par conséquent, je comprends les objectifs que l’on cherche à atteindre, mais la réponse n’est pas la bonne. Celle-ci se trouve, évidemment, dans le texte réglementaire.
Peut-être avons-nous, en nous fondant sur les arguments juridiques précédemment évoqués, laissé trop d’espace à la négociation et à la démarche contractuelle. Mais sachez que le Gouvernement restera très attentif au respect des objectifs généraux fixés dans la loi, à savoir, outre la capacité de transport, la préservation des compétences professionnelles dont la filière a impérativement besoin.
Si le contrat type ne répond pas à ses attentes, le Gouvernement procédera par voie réglementaire pour garantir une modulation des obligations entre transport de pétrole brut et transport de produits raffinés, via un arrêté qui pourra être très rapidement pris en cas de non atteinte des objectifs par la voie contractuelle.
Je pense que cet engagement, qui répond aux attentes des auteurs des amendements, apporte beaucoup plus de sécurité sur le plan juridique. S’il me permet de répondre aux préoccupations exprimées dans le cadre de cette discussion, il me permet également d’adresser un message à ceux qui, maintenant, doivent prendre des décisions : soit le processus contractuel envisagé aboutit, soit je prendrai cet arrêté, qui ira dans le sens de vos demandes, mesdames, messieurs les sénateurs.
Par conséquent, un, nous risquons de créer une insécurité juridique majeure ; deux, une modification de la loi nous mettrait devant une difficulté dont j’ignore l’issue, mais qui, dans tous les cas, bénéficierait temporairement à la grande distribution.
Pour ces raisons, je demande le retrait de l’ensemble de ces amendements, faute de quoi mon avis sera défavorable.