Mme la présidente. La parole est à M. Gérard Longuet, pour explication de vote sur l'amendement n° 13.
M. Gérard Longuet. La Meuse n’est pas un département maritime. Toutefois, c’est le département du président Poincaré. En 1926, c’est lui, alors président du Conseil, qui fit adopter la loi fondatrice de l’organisation pétrolière dans notre pays – la loi dite du « devoir national » – et qui imagina, s’agissant du transport, cette obligation de soutenir le pavillon français, pour que la France ne soit pas dépendante d’armateurs étrangers.
M. Charles Revet. Tout à fait !
M. Gérard Longuet. Depuis lors, vous avez raison de le rappeler, monsieur le secrétaire d’État, les temps ont changé. En particulier, l’Union européenne nous fait obligation d’accepter la libre concurrence. Le libéral que je suis n’en est en rien choqué, mais il se trouve que j’ai aussi été ministre de la défense…
Le problème posé par l’irrespect de l’esprit de la loi relative à la transition énergétique pour la croissance verte et de l’amendement que nous avions fait adopter dans ce cadre nous oblige, aujourd'hui, à mettre les pieds dans le plat. Puisque le Gouvernement n’est pas parvenu à le faire par décret, il faut, par la loi, garantir à nos compatriotes que l’ensemble des ports pourront être approvisionnés en pétrole brut ou en produits raffinés, y compris ceux, notamment outre-mer, qui n’ont pas les capacités d’accueil de nos grands ports pétroliers.
Au-delà de ce débat assez passionné, vous avez eu raison d’évoquer des intérêts divergents parmi les pétroliers, monsieur le secrétaire d'État : il y a ceux qui assument toute la charge, comme Total, grande compagnie, héritière de la Compagnie française des pétroles, la CFP – Poincaré, toujours ! –, et il y a les importateurs, autrefois titulaires d’autorisations A3, qui se cantonnent dans les produits raffinés pour, le plus souvent, casser les prix dans le cadre de démarches d’appel.
Je ne les défends pas, plus que je ne défends les armateurs. Je dis simplement que, sans pavillon français dans des faibles tonnages, nous n’aurons pas, en cas de crise, de capacité de desserte de certains ports ayant besoin d’être approvisionnés. Je pense à la Corse, aux outre-mer, mais aussi à la possibilité d’une intervention, si la situation l’oblige, dans de petits ports français – ayant vécu les événements de 1968 à la Direction des carburants, alors que je préparais le concours de l’École nationale d’administration, j’ai conscience de ce que peut être une crise dans la répartition des carburants.
Voilà pourquoi, monsieur le secrétaire d’État, le décret ne réglant pas le problème de la diversité du pavillon français, je souhaite vraiment que l’un de ces amendements puisse être adopté. Ma préférence irait à l’amendement n° 65 rectifié de Mme Des Esgaulx, car ses dispositions font référence à un tonnage précis, mais les deux autres amendements me conviennent également.
Mme la présidente. La parole est à Mme Marie-Hélène Des Esgaulx, pour explication de vote.
Mme Marie-Hélène Des Esgaulx. Ce dossier, mes chers collègues, n’arrive pas comme ça ! Aujourd'hui, tout d’un coup, un amendement Des Esgaulx ?… Non, ce n’est pas du tout cela ! Depuis le début des discussions, les armateurs de France alertent les pouvoirs publics sur la nécessité de mener une réforme dans des conditions satisfaisantes pour le pavillon et l’emploi français – nous ne devons pas oublier l’emploi dans cette affaire.
Je constate, par exemple, que mon amendement a été porté par le député Arnaud Leroy. Rendez-vous compte, mes chers collègues, cet amendement a été porté par l’auteur même de la proposition de loi, afin que des garanties demandées depuis l’origine soient inscrites au niveau législatif, à défaut de l’être au niveau réglementaire ! En effet, il y a bien défaut du niveau réglementaire. La norme procède de deux niveaux et, aujourd'hui, le niveau réglementaire ne joue pas le jeu sur ce dossier qui, je le redis, ne date pas d’hier.
On m’explique qu’un groupe de travail va être mis en place, que l’on va travailler, engager une concertation… Mais, de tout cela, nous mourons, mes chers collègues !
M. Charles Revet. Exactement !
Mme Marie-Hélène Des Esgaulx. Réglons les problèmes et cessons de toujours remettre les choses à plus tard ! Il y va de la défense des intérêts français et, au-delà, de l’emploi. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains.)
Mme la présidente. La parole est à Mme Évelyne Didier, pour explication de vote.
Mme Évelyne Didier. Ces sujets sont complexes. Je voulais donc entendre ce que les uns et les autres avaient à dire – vous aurez aussi remarqué, mes chers collègues, qu’il n’y a pas de port en Meurthe-et-Moselle ! (Sourires.) –, avant de donner l’avis de mon groupe.
Si nous avons déposé cet amendement n° 13, c’est que, bien sûr, nous avons-nous aussi été sollicités sur le sujet.
La question est d’abord d’ordre stratégique. Il me semble effectivement tout à fait important que tous les ports puissent être approvisionnés, notamment en cas de crise. Le monde dans lequel nous évoluons étant aujourd'hui relativement incertain, on ne peut pas dire que cela n’arrivera pas !
Par ailleurs, il faut évidemment une maîtrise par le pavillon français. En d’autres termes, nous devons avoir ce que l’on appelle une « flotte stratégique ».
Nous souhaitons donc maintenir notre amendement, tout comme, je suppose, les autres groupes. Si d’ici à un prochain examen du texte, vous avez réussi à convaincre les services de sortir un décret plus conforme aux vœux des uns et des autres, monsieur le secrétaire d’État, vous pourrez toujours revenir sur le sujet. Mais, en l’état, il me semble important que nous puissions, aujourd'hui, inscrire cette modification dans le texte.
Mme la présidente. La parole est à M. le rapporteur.
M. Didier Mandelli, rapporteur. Je rappelle ce que j’ai précédemment dit concernant l’adoption éventuelle de ces amendements : à titre personnel, en ma qualité de rapporteur, je suggère que nous adoptions l’amendement n° 65 rectifié.
Aussi, je demande le vote par priorité de cet amendement, madame la présidente.
Mme la présidente. Je suis donc saisie, par la commission, d’une demande de vote par priorité de l'amendement n° 65 rectifié.
Je rappelle que, aux termes de l’article 44, alinéa 6, du règlement du Sénat, lorsqu’elle est demandée par la commission saisie au fond, la priorité est de droit, sauf opposition du Gouvernement.
Quel est donc l’avis du Gouvernement sur cette demande de priorité formulée par la commission ?
M. Alain Vidalies, secrétaire d'État. Le Gouvernement n’a pas de raison de s’opposer à cette demande formulée par la commission. J’ajouterai néanmoins quelques mots ensuite.
M. Alain Vidalies, secrétaire d'État. Je voudrais résumer la position du Gouvernement en quelques phrases.
Vous proposez aujourd'hui une démarche, mesdames, messieurs les sénateurs, que vous placez sous le signe de l’évidence. C’est bien évidemment le raisonnement que nous avons tenu lorsque nous nous sommes emparés de l’affaire. Toutefois – je le précise pour que cela figure bien au Journal officiel –, nous avons reçu une note des services expliquant que nous allions dans le mur. Peut-être allions-nous faire plaisir à certains, mais la mesure serait attaquée, car elle est contraire aux dispositions européennes.
Nous sommes ici dans le domaine du droit de la concurrence. Je ne vais pas faire une thèse sur le principe de proportionnalité – il n’a pas de mystère pour vous –, mais c’est bien à cause de lui que nous avons renoncé à certaines dispositions et pris dans le décret une position, j’en conviens, un peu vague.
Nous nous sommes dit que ce qui était impossible à envisager – je le répète, ce n’est pas un choix – sur le plan réglementaire et, a fortiori, sur le plan législatif du fait de l’application du droit européen pouvait l’être dans le cadre d’une démarche contractuelle. En effet, le principe de proportionnalité ne pourrait pas s’opposer à la rencontre des volontés, au travers d’un accord passé entre les assujettis et les armateurs.
Il faut que cela soit très clair, car la modification législative proposée aujourd'hui représente une réelle prise de risque du point de vue juridique.
Mme Marie-Hélène Des Esgaulx. Nous sommes toujours les premiers de la classe !
M. Alain Vidalies, secrétaire d'État. Tout cela, on peut l’ignorer, mais c’est aller à la rencontre d’une décision qui nous ramènera à la case départ.
Personne ne peut s’exonérer de cette contrainte. Ce serait trop facile ! Je pourrais, moi aussi, me présenter à vous en expliquant que je n’en ai rien à faire de l’Europe… Pour certains, c’est même un fonds de commerce.
Mme Marie-Hélène Des Esgaulx. De grâce, cessons d’être les premiers de la classe !
M. Alain Vidalies, secrétaire d'État. Ce n’est pas la question, madame Des Esgaulx. Le droit européen s’applique !
Mme Marie-Hélène Des Esgaulx. Nous en rajoutons toujours ! Les autres pays n’en font pas autant !
M. Alain Vidalies, secrétaire d'État. Je suis en complet désaccord avec vous. Pour paraphraser une phrase célèbre de Charles Péguy, dans ces circonstances, vous connaîtrez peut-être un triomphe passager, mais les dégâts seront éternels. C’est bien tout le problème !
J’ai proposé une ouverture, mesdames, messieurs les sénateurs, considérant que le fait que les acteurs ne se soient pas saisis de la démarche proposée pouvait justifier votre courroux. Il fallait, derrière, une négociation et les assujettis, notamment, ne sont pas venus au rendez-vous. Or dès lors que l’on faisait appel à une volonté contractuelle, personne ne pouvait l’imposer !
Je me suis donc engagé à modifier, par arrêté, le rapport entre pétrole brut et produits raffinés. Toutefois, si nous modifions la loi aujourd'hui, nous nous retrouverons dans une impasse législative au mois de juillet prochain et, contrairement à ce que vous souhaitez, il ne se passera rien.
Certains, je ne vais pas y revenir, aspirent précisément à ce qu’il ne se passe rien ! Je pense aux nouveaux assujettis qui, eux, ont tout intérêt à voir le droit positif actuel conservé.
Pour toutes ces raisons – je le précise, car je tiens à ce que notre position soit actée pour aujourd'hui et pour demain –, le Gouvernement est évidemment défavorable à ces initiatives. Pour autant, ce débat peut encourager ceux qui auraient dû se saisir de la main tendue pour négocier à le faire rapidement. Ainsi, ils démontreront que c’était la voie à suivre, en tout cas la plus sécurisée sur le plan juridique, contrairement au dispositif proposé aujourd'hui.
Mme la présidente. La parole est à Mme Évelyne Didier, pour explication de vote sur l'amendement n° 65 rectifié.
Mme Évelyne Didier. Au passage, j’apprécie l’élégance de la méthode qui consiste à mettre aux voix par priorité l’amendement n° 65 rectifié…
Par ailleurs, j’entends les explications de M. le secrétaire d’État. Peut-être a-t-il raison, mais, je le répète en toute honnêteté, une commission mixte paritaire doit encore se tenir et le Gouvernement peut parfaitement déposer un amendement, avec toutes les explications nécessaires, pour revenir sur nos modifications. En tout cas, puisque les acteurs ne se sont pas mobilisés, celles-ci les décideront peut-être à le faire !
Mme la présidente. La parole est à M. Maurice Antiste, pour explication de vote.
M. Maurice Antiste. J’ai, moi aussi, bien noté les explications fournies par M. le secrétaire d’État. Toutefois, la priorité ayant été donnée à l’amendement n° 65 rectifié, je voudrais l’entendre sur la particularité de mon amendement concernant la desserte de tous les territoires, notamment les territoires insulaires.
Mme la présidente. La parole est à M. Gérard Longuet, pour explication de vote.
M. Gérard Longuet. Je comprends que M. le secrétaire d’État ait le souci de se conformer au droit européen. Étant de conviction européenne et en même temps libéral, je serais vraiment le dernier à lui contester cette obligation.
Toutefois, deux exceptions au moins s’imposeront à l’Union européenne.
Tout d’abord, l’exception d’insularité – je réponds ainsi à M. Antiste. La France dispose d’une singularité, en cela que son territoire s’étend sur les cinq continents et sur plusieurs océans. On ne dessert pas de la même manière Saint-Pierre-et-Miquelon, Mayotte ou la Guyane et les ports de Rotterdam, Anvers ou Gand. C’est une première réalité.
Ensuite, l’exception de défense. Le devoir national consistant à maintenir un pavillon diversifié répond à une préoccupation légitime de défense et couvre un périmètre très modeste, seulement 5 % du tonnage devant servir d’assiette pour assurer ce maintien d’une flotte diversifiée. Au moment où les problèmes de défense et de sécurité sont cruciaux, il serait malvenu, de la part de l’Union européenne, de refuser à la France de soutenir, à hauteur de 5 % du tonnage de pétrole brut ou de produits raffinés, l’effort de diversification.
C’est cette diversification qui, en cas de crise, permettra d’assurer l’approvisionnement de sites portuaires non accessibles aux très gros porteurs. Certes, ces navires sont beaucoup moins coûteux et beaucoup plus rentables que les petits porteurs, mais nous avons besoin des petits porteurs précisément du fait de notre double singularité : une insularité répartie sur les trois océans et une exception de défense couverte par un pourcentage extrêmement minime du trafic concerné.
Mme la présidente. La parole est à M. Charles Revet, pour explication de vote.
M. Charles Revet. Je voterai en faveur de cet amendement ; néanmoins, je pose la question suivante : pour répondre à la préoccupation exprimée par notre collègue M. Antiste, ne pourrait-on pas envisager de sous-amender l’amendement de Mme Des Esgaulx, si celle-ci en était d’accord, afin de prendre en compte les départements, régions et collectivités d’outre-mer ?
Mme la présidente. La parole est à M. le secrétaire d'État.
M. Alain Vidalies, secrétaire d'État. Il m’est difficile de me prononcer sur une proposition visant à rectifier un amendement qui n’émane pas du Gouvernement…
Je m’en excuse auprès de vous, monsieur Antiste, mais je n’ai pas très bien saisi où pourrait s’insérer une mention spécifique de l’outre-mer dans l’amendement auquel vous faites référence.
M. Roland Courteau. Il en est question dans l’objet !
M. Alain Vidalies, secrétaire d'État. De fait, je suis bien en peine de vous apporter un élément de réponse.
En revanche, je suis conscient du problème que vous soulevez : effectivement, en vertu du système d’appels d’offres aujourd’hui en vigueur, il n’est pas prévu de répartition géographique, et aucun des amendements déposés, ni la proposition de loi, ni le décret ne répondent à cette préoccupation. Par conséquent, je suis un peu désarmé pour vous répondre, ne voyant pas bien quelle disposition serait susceptible de vous satisfaire.
Cette question pourra éventuellement être abordée ultérieurement, sans compter qu’elle soulève des problèmes juridiques d’une complexité redoutable : si l’on décide d’établir un lien entre les obligations et les territoires, cette règle ne peut pas s’appliquer seulement pour l’outre-mer.
Mme la présidente. En conséquence, un article additionnel ainsi rédigé est inséré dans la proposition de loi, après l'article 12 ter, et les amendements nos 13 et 42 rectifié bis n'ont plus d'objet.
Article 12 quater
Le chapitre III du titre II du code des douanes est complété par un article 59 nonies ainsi rédigé :
« Art. 59 nonies. – Les agents des douanes et les agents placés sous l’autorité du ministre chargé de l’énergie sont autorisés à se communiquer, sur demande ou spontanément, tous les renseignements et documents détenus ou recueillis dans l’exercice de leurs missions relatives aux produits pétroliers. » – (Adopté.)
Article 12 quinquies
I. – Au 4° de l’article L. 611-1 du code de la sécurité intérieure, le mot : « extérieures » est supprimé.
II. – Le code des transports est ainsi modifié :
1° Au premier alinéa de l’article L. 5441-1, le mot : « extérieures » est supprimé ;
2° L’article L. 5442-1 est ainsi modifié :
a) Au premier alinéa, après les mots : « mer territoriale des États », la fin de l’alinéa est supprimée ;
b) Le deuxième alinéa est supprimé.
Mme la présidente. L'amendement n° 9, présenté par Mme Didier et les membres du groupe communiste républicain et citoyen, est ainsi libellé :
Supprimer cet article.
La parole est à M. Jean-Pierre Bosino.
M. Jean-Pierre Bosino. La commission du développement durable a adopté un amendement du rapporteur visant à renforcer le dispositif voté par les députés, dispositif qui autorise le recours à des sociétés privées de protection des navires dans certaines zones qui seraient exposées à un risque terroriste.
L’article prévoit désormais que ces sociétés peuvent intervenir non seulement en cas de menace terroriste extérieure aux navires, mais aussi en cas de menaces internes. De plus, il supprime la référence à un zonage prédéfini, afin que l’action de ces sociétés privées puisse s’exercer au-delà des eaux territoriales des États.
Sans revenir sur les raisons qui nous avaient conduits à émettre de sérieuses réserves sur le renforcement des prérogatives de sociétés privées dans le cadre de missions de sécurité maritime, nous considérons que la lutte contre le terrorisme, que nous ne sous-estimons pas, surtout en cette période, ne devrait pas relever d’une proposition de loi relative à l’économie de la mer.
Au contraire, les mesures relatives à la sûreté et à la sécurité devraient être soumises, de notre point de vue, à l’avis du Conseil d’État et faire l’objet d’une étude d’impact dans le cadre d’un projet de loi. Il nous semble également important que la commission des lois délivre un avis sur ces questions qui sont tout de même particulièrement graves.
C’est pourquoi, mes chers collègues, nous vous proposons de supprimer cet article.
Mme la présidente. Quel est l’avis de la commission ?
M. Didier Mandelli, rapporteur. Mon cher collègue, l’objet de ce texte dépasse de toute façon largement la question de l’économie bleue, et il ne paraît donc pas illégitime d’y traiter des questions relatives à la sécurité en mer face au risque terroriste dans le contexte actuel.
L’article 12 quinquies, tel que nous l’avons réécrit en commission, vise à faciliter le recours à des sociétés privées de protection des navires dans un objectif de lutte contre le terrorisme. Ces entreprises pourront ainsi intervenir face à une menace intérieure au bateau, hors de tout zonage prédéfini, et non plus seulement en cas d’attaque extérieure au bateau.
Les navires pourront se doter de services internes de sécurité, comme il en existe dans d’autres types de transport – par exemple, le transport ferroviaire –, de façon très encadrée, puisque les conditions d’exercice de ces sociétés ont été définies de façon précise dans le code de la sécurité intérieure.
Dès lors, la commission émet un avis défavorable sur cet amendement.
Mme la présidente. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. Alain Vidalies, secrétaire d'État. Sur cette question de la sécurité intérieure des navires, trois positions peuvent être adoptées.
Premièrement – c’est la position originelle du Gouvernement –, on peut vouloir élargir les possibilités de recours à des sociétés privées pour assurer la protection des navires, en respectant le principe de zonage. Cette évolution qui, à défaut d’être naturelle, se révèle plutôt pragmatique compte tenu du contexte permet de prendre en compte les situations spécifiques à chaque zone.
Deuxièmement – c’est la position de principe des auteurs de cet amendement –, on peut estimer que la protection intérieure des navires ne peut être assurée par des sociétés privées ou – je ne veux pas dénaturer vos propos, monsieur le sénateur – que cette question ne peut pas être débattue dans le cadre de cette proposition de loi.
Troisièmement – c’est la position de la commission –, on peut estimer que ce recours aux sociétés privées offre en effet de nouvelles possibilités qu’il convient de favoriser le plus largement possible en supprimant tout zonage.
Le Gouvernement étant favorable à cette possibilité de recourir à des sociétés privées, mais en maintenant le zonage à certains espaces prédéfinis, de manière à ce qu’elle soit encadrée, il émet un avis défavorable sur cet amendement.
Mme la présidente. La parole est à M. Jean-Pierre Bosino, pour explication de vote.
M. Jean-Pierre Bosino. J’entends bien les arguments qui ont été avancés, mais permettez-moi d’en revenir à mon observation de départ : on traite de la protection des navires contre le terrorisme dans un texte sur l’économie bleue, de surcroît en offrant la possibilité à des sociétés privées d’intervenir armées sur les navires, avec toutes les dérives et les problèmes qui peuvent s’ensuivre, y compris désormais dans les eaux internationales.
Que l’on discute de la protection des navires contre le terrorisme, pourquoi pas, mais certainement pas dans le cadre de ce texte ! Cette question mérite un minimum d’examen, en particulier par la commission des lois.
Mme la présidente. L'amendement n° 150, présenté par le Gouvernement, est ainsi libellé :
Rédiger ainsi cet article :
I. – Le code de la sécurité intérieure est ainsi modifié :
1° Au 4° de l'article L. 611-1, le mot : « extérieures » est supprimé ;
2° Au 4° de l’article L. 617-12-1, après le mot : « application », sont insérées les références : « des I et II ».
II. – Le code des transports est ainsi modifié :
1° Au premier alinéa de l'article L. 5441-1, le mot : « extérieures » est supprimé ;
2° L’article L. 5442-1 est ainsi modifié :
a) Au début du premier alinéa, est ajoutée la mention : « I. - » ;
b) Il est ajouté un II ainsi rédigé :
« II. – Sans préjudice de l’application d’accords internationaux, l’activité mentionnée à l’article L. 5441-1 est également exercée au-delà de la mer territoriale des États, dans les zones fixées par un arrêté du Premier ministre dans lesquelles les menaces encourues constituent des menaces d’actes de terrorisme définis au titre II du livre IV du code pénal. Cet arrêté est pris après avis d’un comité réunissant notamment des représentants des armateurs, du ministre de la défense, du ministre de l’intérieur, du ministre chargé des transports et du ministre des affaires étrangères. Ce comité peut, de sa propre initiative, recommander au Premier ministre de redéfinir ces zones au regard de l’évolution des menaces identifiées.
« Ce comité se réunit dans les quinze jours suivant la demande d’un de ses membres.
« Un décret fixe les types de navires éligibles. »
La parole est à M. le secrétaire d'État.
M. Alain Vidalies, secrétaire d'État. S’agissant de la présence d’armes à bord d’un navire privé, je rappelle que la loi de juillet 2014 l’a autorisée afin de faire face aux menaces d’actes de piraterie et que cette solution s’est révélée efficace. Il faut tout de même avoir à l’esprit que ceux qu’on entend protéger avant tout, ce sont les salariés qui travaillent à bord de ces navires ! Sur la base de cette expérience, le texte prévoit donc d’étendre au risque terroriste les mesures de protection prévues pour les actes de piraterie.
Le présent amendement vise à créer une disposition spécifique permettant de recourir à des sociétés privées de protection des navires pour lutter contre les menaces d’actes de terrorisme.
L’emploi de gardes armés sera aussi autorisé pour lutter contre les menaces venant de l’intérieur du navire. Toutefois, les normes professionnelles correspondantes devront être adaptées à ce type de protection, qui est différente de la protection contre les menaces externes au navire.
Cette protection – c’est là que nous avons une divergence avec la commission – ne sera possible, aux termes de cet amendement, que dans certaines zones ou sur certaines lignes pour les navires de passagers.
En effet, la suppression du zonage d'intervention, comme le prévoit le texte issu des travaux de la commission, conduirait potentiellement à ce qu’on trouve, sur toutes les mers du globe, des gardes armés susceptibles de déployer leurs armes à bord des navires. Une telle banalisation pourrait entraîner de graves dangers pour la vie à bord et, surtout, elle serait facteur de dissémination des armes au moment même où cette question se pose dans le monde.
Aujourd’hui, le Gouvernement veut contrôler leur dissémination ; la solution retenue par la commission conduirait à leur généralisation.
De plus, cette démarche pourrait être perçue comme agressive par les différents États riverains : même si ce déploiement n'est pas permis dans les mers territoriales, ces armes seraient déployées relativement près de côtes – à 12 milles.
Aussi, la loi actuelle ne permet de déployer les armes que dans des zones à risques, zones où l'équipage exerce sa vigilance et où leur déploiement est justifié ; c’est ce que prévoit le texte sur la piraterie.
Cette logique est, en outre, conforme à la circulaire de l’Organisation maritime internationale, l’OMI, qui porte recommandations aux États du pavillon s’agissant du recours aux sociétés privées de protection.
C’est pourquoi cet amendement tend à maintenir la notion de zone, qui sera ajustée par voie réglementaire en fonction des secteurs géographiques les plus sensibles. Les dispositions à prendre pour prévenir le risque terroriste et lutter contre celui-ci seront adaptées en conséquence, qu’il s’agisse de la présence éventuelle de forces publiques à bord des navires ou des conditions de contrôle à l’embarquement.
La fiabilité des conditions de contrôle à l’embarquement reste, de mon point de vue, un moyen déterminant pour prévenir ce risque.
Cet objectif est largement partagé, mais veillons là aussi à légiférer efficacement de manière à rendre ces dispositions inattaquables sur le plan juridique. Par ailleurs, ne prenons pas de risque inutile : certains pourraient en effet être tentés de tirer profit de cette généralisation du port d’arme, ce qui pourrait mettre en difficulté les autorités publiques d’aujourd’hui comme de demain.
Les dispositions de l’amendement du Gouvernement répondent à vos attentes et permettent d’éviter tout risque de dérapage. C’est pourquoi elles me paraissent plus raisonnables.
Mme la présidente. Quel est l’avis de la commission ?