M. Gilbert Bouchet. On n’a rien contre !
M. Martial Bourquin. … justifiant ainsi la mise en œuvre de l’état d’urgence, que nous avons votée à l’unanimité.
Malheureusement, l’unité nationale qui s’est constituée au lendemain des attentats n’aura été qu’éphémère ! (Exclamations sur les travées du groupe Les Républicains.)
M. Gilbert Bouchet. À cause de qui ?
M. Alain Gournac. À qui la faute ?
M. Martial Bourquin. L’Assemblée nationale, toutes sensibilités politiques confondues, est parvenue à un consensus ; je ne peux que déplorer qu’il n’en ait pas été de même au Sénat ! (Vives protestations sur les travées du groupe Les Républicains. – M. Alain Bertrand applaudit.)
M. Martial Bourquin. Chers collègues, quelle image donnons-nous à nos concitoyens, qui souhaitaient majoritairement cette réforme ?
M. François Grosdidier. Mme Taubira n’était pas sénateur !
M. Martial Bourquin. Devant ce manque d’unité et ces divisions, je ne peux m’empêcher de penser que ce n’est pas un camp politique qui a perdu, mais la France ! (Nouvelles protestations sur les travées du groupe Les Républicains.)
M. Gérard Cornu. À cause de qui ?
M. le président. Veuillez conclure, mon cher collègue !
M. Martial Bourquin. Le jeu politicien ne doit en aucun cas prévaloir sur la sécurité de nos concitoyens !
M. Philippe Dallier. Pas très convaincant !
M. Roger Karoutchi. C’est fini, monsieur le président !
M. Martial Bourquin. Monsieur le Premier ministre, dans ce contexte renouvelé, comment comptez-vous poursuivre le combat contre le terrorisme (Protestations sur les travées du groupe Les Républicains et de l'UDI-UC.) et assurer la protection de l’ensemble des Français ? (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste et républicain et sur certaines travées du RDSE. – Huées sur certaines travées du groupe Les Républicains.)
M. le président. La parole est à M. le Premier ministre.
M. Manuel Valls, Premier ministre. Hier, le Président de la République a pris acte de l’impossibilité pour l’Assemblée nationale et le Sénat de s’accorder sur la révision constitutionnelle. Après s’être entretenu avec le président de l’Assemblée nationale et le président du Sénat, il a donc décidé de clore le débat constitutionnel.
Cette révision constitutionnelle avait été annoncée trois jours seulement après les attentats du 13 novembre, trois jours après ces actes terroristes, ces actes de guerre qui ont fait cent trente morts, des centaines de blessés, et ont profondément traumatisé le pays.
Chacun d’entre vous était présent à Versailles, le 16 novembre dernier. J’ai déjà eu l’occasion de le dire ici même : je pense sincèrement que, par son discours, les propositions qu’il a formulées, le Président de la République a su créer les conditions de l’unité nationale à un moment où beaucoup de choses auraient pu basculer.
M. Roger Karoutchi. On est d’accord !
M. Manuel Valls, Premier ministre. Cette unité était indispensable, notamment pour mettre en œuvre l’état d’urgence, dont la prolongation a été votée en des termes identiques par l’Assemblée nationale et le Sénat en quelques jours.
Au cours des jours qui ont suivi les attentats, nous nous sommes tous levés, donnant l’image d’une nation rassemblée, unie, qui fait face, une nouvelle fois, à la menace permanente du terrorisme.
Nous avons tous soutenu l’instauration de l’état d’urgence, lequel nous permet encore aujourd’hui de remonter les filières, de lutter contre les réseaux, de déjouer de nouvelles attaques, comme en témoigne la mise au jour d’un projet d’attentat voilà peu à Argenteuil. À ce sujet, je peux confirmer les propos tenus hier par le procureur Molins : une attaque massive, imminente menaçait notre pays.
Tous, nous avons soutenu l’intensification des frappes contre l’État islamique, afin de combattre l’ennemi également dans ses fiefs, au Levant, en Irak et en Syrie.
Quatre mois plus tard, nous ne sommes pas parvenus à conserver cette unité sur la révision constitutionnelle. Je le regrette profondément.
Je regrette également profondément que nous n’ayons pas su nous élever à la hauteur des attentes et des exigences des Français. Chacun d’entre nous a sa part dans cet état de fait. Dans de tels moments, nous aurions dû être capables de nous rassembler.
Enfin, comme j’ai déjà eu l’occasion de le dire ici même à la majorité sénatoriale, je regrette profondément que le Sénat ait adopté un texte aussi éloigné… (Protestations sur les travées du groupe Les Républicains.)
M. François Grosdidier. Non, il est fidèle à la parole du Président de la République !
M. Alain Fouché. Ce n’est pas l’Assemblée nationale qui commande !
M. le président. Mes chers collègues, laissez parler M. le Premier ministre !
M. Manuel Valls, Premier ministre. Une telle attitude est tout de même extraordinaire, de la part de ceux-là mêmes qui ont failli m’applaudir tout à l’heure,…
Mme Nicole Bricq. Failli seulement !
M. Manuel Valls, Premier ministre. … lorsque j’ai demandé à vos collègues du groupe CRC de ne pas m’interrompre ! (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste et républicain. – MM. Alain Bertrand et Joël Guerriau applaudissent également.)
Je regrette, disais-je, que le Sénat ait voté un texte aussi éloigné de celui qui avait été adopté par l’Assemblée nationale à une majorité de plus des trois cinquièmes, par-delà les clivages partisans, les deux principales familles politiques étant elles-mêmes traversées par ces débats.
Tout en respectant profondément le Sénat, je regrette que la majorité sénatoriale n’ait fait aucun effort, aucune proposition (Exclamations sur les travées du groupe Les Républicains et sur certaines travées de l'UDI-UC.)…
M. Joseph Castelli. Il a raison !
M. Manuel Valls, Premier ministre. … pour tendre la main à la gauche, alors que celle-ci, à l’Assemblée nationale, a consenti un tel effort, ce qui a permis d’aboutir à un vote à la majorité des trois cinquièmes ! C’est cela que je regrette ! (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste et républicain. – M. Alain Bertrand applaudit également.)
M. Gilbert Bouchet. Ici, c’est le Sénat !
M. Manuel Valls, Premier ministre. Les Français constatent ainsi notre incapacité à nous mettre d’accord sur cette réforme et, plus particulièrement, sur l’extension de la déchéance de nationalité pour les terroristes, mesure qui apparaît pourtant tellement évidente et qui a été défendue ici même par beaucoup d’entre vous.
À cet égard, ce matin même, Stéphane Le Foll, porte-parole du Gouvernement, citait le cas de Salah Abdeslam, qui a participé sans nul doute – même s’il faut rester prudent s’agissant de faits qui n’ont pas encore été jugés – aux attentats de Paris. Comment allez-vous expliquer que cet individu ne doit pas être déchu de la nationalité française, au motif qu’il ne faudrait pas franchir la ligne rouge de l’apatridie ? (Protestations sur les travées du groupe Les Républicains.)
M. Philippe Bas. Il n’y a pas de rétroactivité en la matière, de toute façon !
M. François Grosdidier. C’est vous qui êtes dans l’erreur ! Il ne faut pas d’apatrides !
M. Manuel Valls, Premier ministre. Monsieur Bourquin, ce jeu politicien peut en effet mettre en péril l’unité et la confiance, indispensables en une telle période. L’essentiel, toutefois, c’est que l’unité prévale en matière de lutte contre le terrorisme.
Depuis le début du quinquennat, nous avons augmenté les effectifs des services de police et de gendarmerie, ce qui n’avait pas été fait auparavant.
Nous avons renforcé les services de renseignement, alors que nos prédécesseurs avaient mis en cause les renseignements généraux.
Nous avons donné davantage de moyens aux services judiciaires et douaniers.
Nous avons consolidé notre arsenal juridique, en faisant voter deux lois antiterroristes, les lois relatives au renseignement, et en préparant un projet de loi relatif à la procédure pénale.
À ce propos, monsieur Bas, monsieur Mercier, tout en reconnaissant que nous avons reçu le soutien de la commission des lois du Sénat sur d’autres textes, je rappelle que c’est la majorité de l’Assemblée nationale qui aura le dernier mot ! (Protestations sur les travées du groupe Les Républicains.)
C’est bien la politique que nous mettons en œuvre qui permet de protéger les Français et de garantir leur sécurité. Oui, monsieur Bourquin, nous continuerons à mener cette politique, parce que la protection des Français constitue plus que jamais notre priorité ! (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste et républicain.)
prix des médicaments anti-cancéreux
M. le président. La parole est à Mme Françoise Férat, pour le groupe UDI-UC.
Mme Françoise Férat. Monsieur le Premier ministre, je voudrais d’abord vous dire combien je suis choquée par vos propos. Vous l’avez dit, nous étions tous présents à Versailles, tous unis derrière les propositions du Président de la République.
Mme Nicole Bricq. La preuve que non !
Mme Françoise Férat. Vous avez ensuite largement modifié la teneur des propositions présidentielles, au gré des pressions de votre majorité,…
M. Alain Gournac. Oui !
Mme Françoise Férat. … que vous n’avez pas su fédérer ! (Vifs applaudissements sur les travées de l'UDI-UC et du groupe Les Républicains.)
Par conséquent, je n’accepte pas, monsieur le Premier ministre, que vous fassiez porter à la majorité sénatoriale la responsabilité de vos propres manquements ! (Bravo ! et applaudissements sur les mêmes travées.)
J’en viens à ma question, qui est particulièrement importante et s’adresse à Mme la ministre des affaires sociales et de la santé.
Il y a quelques jours, cent dix de nos meilleurs cancérologues ont souhaité alerter les pouvoirs publics et l’opinion sur l’inflation du prix des nouveaux traitements contre le cancer. Aujourd’hui, leur coût est en effet trop élevé et ne cesse d’augmenter, ce qui pourrait porter atteinte à l’égalité d’accès aux soins.
Les innovations thérapeutiques offrent de nouveaux espoirs aux malades. C’est pourquoi il est indispensable que tous puissent en bénéficier.
L’industrie pharmaceutique calculait jusqu’alors le prix d’un médicament en fonction du nécessaire retour sur investissement. Cependant, alors que les coûts de la recherche et du développement ont largement diminué, les prix des nouveaux médicaments continuent d’augmenter ! Il s’agit d’une problématique qui dépasse nos frontières. En effet, les prix pratiqués sont différents selon le secteur géographique et selon ce que les pays – les « marchés » – sont prêts à payer.
En France, l’État tente de réguler les prix par l’intermédiaire du Comité économique des produits de santé.
M. le président. Ma chère collègue, ne tardez pas à poser votre question !
Mme Françoise Férat. Mais combien de temps encore ce système va-t-il fonctionner ? Combien de temps encore allons-nous pouvoir protéger les patients ?
En France, plusieurs problèmes se sont déjà manifestés,…
M. le président. Veuillez poser votre question, ma chère collègue !
Mme Françoise Férat. … et certains traitements sont sur la sellette uniquement parce qu’ils sont trop chers !
Quelles mesures concrètes le Gouvernement compte-t-il mettre en œuvre pour tenter de remédier à ce problème sur notre territoire ? (Applaudissements sur les travées de l'UDI-UC et du groupe Les Républicains.)
M. le président. La parole est à Mme la secrétaire d'État chargée des personnes handicapées et de la lutte contre l'exclusion.
Mme Ségolène Neuville, secrétaire d'État auprès de la ministre des affaires sociales et de la santé, chargée des personnes handicapées et de la lutte contre l'exclusion. Madame la sénatrice Françoise Férat, je vous prie tout d’abord d’excuser l’absence de Marisol Touraine, qui est en déplacement.
La liste « en sus » a pour objectif de permettre à l’ensemble des patients d’accéder aux médicaments innovants et coûteux. Les médicaments qui sont inscrits sur cette liste, tels certains médicaments anti-cancéreux, correspondent à des traitements dont le coût, extrêmement important, ne peut être financé par le biais du budget « classique » de l’hôpital. Ils doivent donc faire l’objet d’un financement spécifique.
Cette liste ne concerne en aucun cas le remboursement des médicaments aux patients. Il s’agit uniquement d’un dispositif de financement pour les hôpitaux. Par conséquent, contrairement à ce qui a pu être dit, la radiation d’un médicament de la liste « en sus » n’a absolument pas pour conséquence son déremboursement. Elle entraîne simplement un changement des modalités de son financement. Si un médicament est radié de cette liste, les médecins gardent bien entendu la possibilité de le prescrire s’ils pensent que cela est indiqué.
Madame la sénatrice, je tiens à vous rassurer : contrairement à la majorité précédente (Exclamations sur les travées du groupe Les Républicains.), nous n’avons procédé à aucun déremboursement de médicament et nous n’avons aucunement l’intention de le faire.
Tout est fait pour que tous les patients qui ont besoin d’un traitement puissent y avoir accès et être soignés. Le Gouvernement y a veillé s’agissant de l’hépatite C, ce qui n’était pas facile, et de l’ensemble des cancers, en assurant l’accès à tous les médicaments ! (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste et républicain. – Mme Hermeline Malherbe applaudit également.)
réforme constitutionnelle
M. le président. La parole est à M. Cédric Perrin, pour le groupe Les Républicains. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains.)
M. Cédric Perrin. Ma question s'adresse à M. le Premier ministre.
Monsieur le Premier ministre, vous venez de le rappeler : hier, après quatre mois de tergiversations, le Président de la République a enterré la réforme constitutionnelle. Au cours de ces quatre mois, le Sénat aura adopté cinq textes du Gouvernement consacrés à la lutte contre le terrorisme ; il n’a, lui, jamais varié ! Le texte voté par la majorité sénatoriale unie est la transcription conforme des engagements pris par le Président de la République à Versailles le 16 novembre dernier ! (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains.)
M. Alain Gournac. Oui !
M. Cédric Perrin. En réalité, c’est la gauche qui s’est éloignée de la parole présidentielle (Protestations sur les travées du groupe socialiste et républicain.),…
M. Alain Gournac. Eh oui !
M. Cédric Perrin. … ce qui a entraîné d’abord la démission de la ministre de la justice, puis un bricolage juridique absurde, dont le seul objectif était de rallier une majorité de circonstance au sein de vos propres rangs, majorité qui se révèle de plus en plus introuvable.
Vous avez contourné la difficulté en recourant au 49-3 pour faire adopter une loi Macron anémiée. Bientôt, vous allez être contraints de vider de sa substance la loi El Khomri ! (Exclamations ironiques sur les travées du groupe Les Républicains.)
Monsieur le Premier ministre, avez-vous conscience de ne pas avoir de majorité sur des sujets aussi emblématiques ? (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains et sur certaines travées de l'UDI-UC.)
M. le président. La parole est à M. le Premier ministre.
M. Manuel Valls, Premier ministre. Monsieur le sénateur, on peut analyser les lignes de force dans chacune des assemblées et dans chacune des majorités. Je vais d’ailleurs le faire avec grand plaisir.
Nous avons en effet eu un débat difficile et douloureux à l’Assemblée nationale. Comme je l’ai rappelé il y a un instant, le Président de la République a décidé, à la suite des consultations qu’il a menées quelques heures après les attentats, le samedi 14 et le dimanche 15 novembre, de reprendre une proposition émanant des responsables de l’opposition et s’inscrivant d’ailleurs dans une tradition républicaine. C’est sur cette base que s’est engagée la discussion.
Pour moi, l’essentiel était de trouver une majorité des trois cinquièmes. Cette majorité n’était pas introuvable puisque, à l’Assemblée nationale, une grande majorité des députés socialistes ont voté pour le texte, de même que la majorité des députés du groupe Les Républicains et la quasi-totalité des députés de l’UDI, madame Férat (Mme Françoise Férat proteste.), le président Lagarde considérant qu’il ne fallait pas que la déchéance de nationalité concerne uniquement une catégorie spécifique de citoyens, à savoir les binationaux. La majorité obtenue à l’Assemblée nationale ne résultait donc pas d’un arrangement au sein de la gauche !
Le retrait de la réforme constitutionnelle conduira à ce que la déchéance de nationalité ne soit possible que pour les seuls binationaux ayant été naturalisés français. En termes d’équité, d’égalité et d’efficacité, c’est une drôle de régression !
En ce qui concerne le Sénat, à chacun ses problèmes ! La majorité sénatoriale a privilégié l’unité en son sein, pour des raisons que je ne souhaite même pas évoquer, au détriment de l’unité nationale ; je le regrette ! (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste et républicain. – Vives protestations sur les travées du groupe Les Républicains.)
M. le président. La parole est à M. Cédric Perrin, pour la réplique.
M. Cédric Perrin. Monsieur le Premier ministre, je peux comprendre votre énervement, auquel nous sommes malheureusement habitués dans cet hémicycle, mais permettez-moi de vous rappeler que nul ne peut se prévaloir de sa propre turpitude. (Protestations sur les travées du groupe socialiste et républicain.)
Permettez-moi également de vous rappeler les commentaires de certains de vos amis à propos de cette réforme constitutionnelle.
Selon Christian Paul, « il fallait tourner la page » et « on ne peut pas réussir l’unité nationale […] contre les principes républicains ».
Nos amis écologistes se félicitent de la décision du Président de la République, « obtenue de haute lutte grâce à la mobilisation des parlementaires et de la société civile ».
Quant au groupe communiste républicain et citoyen du Sénat, il a indiqué que « les démocrates, les républicains et les femmes et les hommes de gauche ont refusé, dans leur grande majorité, une révision qui sacrifiait une certaine idée de la France au profit d’une stratégie électorale et partisane ».
Je conclurai en citant Malek Boutih : « Il faut être honnête, le problème politique est venu de notre propre camp. » On ne saurait dire mieux, monsieur le Premier ministre ! (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains et sur certaines travées de l’UDI-UC.)
emploi et projet de loi sur le travail
M. le président. La parole est à Mme Corinne Féret, pour le groupe socialiste et républicain.
Mme Corinne Féret. Ma question s'adresse à Mme la ministre du travail, de l'emploi, de la formation professionnelle et du dialogue social.
Ne le nions pas, madame la ministre, alors que le mois de janvier avait été marqué par une forte baisse du nombre des demandeurs d’emploi, les statistiques du chômage publiées la semaine dernière ne sont pas bonnes.
Cette contre-performance doit toutefois être relativisée. Elle s’inscrit, en effet, dans un mouvement de hausses et de baisses incessantes du chômage depuis neuf mois et s’explique très largement par le passage en catégorie A de personnes qui étaient déjà inscrites à Pôle emploi en catégories B et C et exerçaient une activité réduite.
Tout cela traduit une reprise timide, mais réelle (Exclamations ironiques sur les travées du groupe Les Républicains.), de l’activité économique, qui doit nous encourager à poursuivre la bataille pour l’emploi. La reprise se confirme.
M. Alain Gournac. Tout va bien !
Mme Corinne Féret. C’est ce que souligne d’ailleurs la dernière note de conjoncture de l’Institut national de la statistique et des études économiques, l’INSEE, diffusée le 17 mars dernier. Le taux de chômage en France devrait ainsi rester orienté à la baisse.
Rappelons que, depuis 2012, des mesures fortes de lutte contre le chômage ont été mises en œuvre, au travers du crédit d’impôt pour la compétitivité et l’emploi et du pacte de responsabilité et de solidarité. Le plan pour l’emploi lancé par le Président de la République en ce début d’année vient encore consolider ces mesures, avec deux objectifs principaux.
Le premier de ces objectifs est de former les demandeurs d’emploi, en partant des besoins par bassin d’emploi et grâce à la mise en œuvre de quelque 500 000 actions de formation, en accord avec les présidents de région : toutes les conventions sont d’ailleurs en passe d’être signées.
Le second objectif est d’accélérer la création d’emplois dans les TPE et les PME grâce au dispositif « Embauche PME ». Les premiers résultats sont très prometteurs : à raison de 5 000 embauches par jour en moyenne, nous venons de fêter la cent millième embauche en moins de deux mois.
M. Alain Gournac. Tout va mieux !
Mme Corinne Féret. Un tel rythme devrait permettre d’atteindre le million d’embauches à la fin de l’année, ce qui serait en ligne avec les attentes du Gouvernement.
Tout le monde doit prendre sa part dans cette bataille pour l’emploi.
M. le président. Votre temps de parole est épuisé, veuillez poser votre question !
Mme Corinne Féret. Lorsque l’ensemble des parties prenantes unissent leurs forces, cela débouche au final sur des contrats pour tous ceux qui sont si injustement écartés du marché de l’emploi ! (Protestations sur les travées du groupe Les Républicains.)
M. Éric Doligé. C’est de l’incantation !
Mme Corinne Féret. Ma question est la suivante, madame la ministre : à l’heure où certains manifestent aujourd’hui contre un projet de loi ayant pourtant pour objectif de soutenir l’emploi (Nouvelles protestations sur les mêmes travées.), en remettant le dialogue social et la négociation au cœur des relations de travail, pouvez-vous nous préciser… (M. le président coupe le micro de l’oratrice.)
M. le président. Je me dois de faire respecter l’égalité des temps de parole entre tous les sénateurs, ma chère collègue ! (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains.)
La parole est à Mme la ministre du travail, de l'emploi, de la formation professionnelle et du dialogue social.
Mme Myriam El Khomri, ministre du travail, de l'emploi, de la formation professionnelle et du dialogue social. Comme vous l’avez indiqué, madame la sénatrice, les chiffres du mois de février concernant les demandeurs d’emploi inscrits à Pôle emploi en catégorie A ne sont pas bons, mais ils font suite à une forte baisse intervenue au mois de janvier. Effectivement, nous connaissons depuis neuf mois des variations très fortes, d’un mois sur l’autre, des statistiques du chômage, avec des mouvements à la baisse et des mouvements à la hausse. Cela montre que la reprise économique est là, mais qu’elle demeure encore timide.
Au cours de l’année 2015, près de 100 000 emplois ont été créés. C’est bien, mais ce n’est pas suffisant au regard de notre croissance démographique. Toutefois, les signaux sont plutôt positifs, et les chiffres annoncés jeudi dernier doivent nous inciter à intensifier encore notre action.
Dans cette perspective, des mesures conjoncturelles ont été décidées par le Président de la République. Je pense notamment, au-delà du CICE et du pacte de responsabilité et de solidarité, au plan pour l’emploi.
À l’heure actuelle, 130 000 demandes ont déjà été formulées par les chefs d’entreprise sur les territoires, au titre du programme « Embauche PME », destiné à accélérer la création d’emplois.
Les TPE sont à l’origine de 80 % de ces demandes –nous savons bien que c’est à leur niveau que se gagnera la bataille pour l’emploi –, dont près de 70 % concernent des embauches en CDI. Cela signifie que des personnes qui se trouvaient en situation d’emploi précaire se voient proposer, grâce à cette aide, un CDI.
Nous maintenons bien sûr la mobilisation autour de ce programme, mais je veux aussi évoquer le plan « 500 000 formations ». Avec Clotilde Valter, nous avons signé six conventions régionales. Hier, le Premier ministre signait avec le président de l’Association des régions de France, Philippe Richert, une convention portant sur l’emploi, la formation, l’apprentissage et le développement économique. En effet, c’est collectivement que nous pourrons gagner la bataille !
J’en viens aux mesures structurelles et à la réforme, juste et nécessaire à notre pays, que je défends.
La réalité, c’est que, aujourd'hui, le droit du travail ne cesse d’être contourné, au travers du travail détaché, du travail indépendant, etc., et que neuf embauches sur dix se font en CDD.
M. le président. Il faut conclure !
Mme Myriam El Khomri, ministre. Nous souhaitons donc développer la négociation d’entreprise, donner plus de prévisibilité et de clarté aux entreprises, tout en offrant aux salariés de nouveaux droits ! (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste et républicain.)
renouvellement des rames intercités
M. le président. La parole est à M. Claude Kern, pour le groupe UDI-UC. (Applaudissements sur les travées de l'UDI-UC et sur certaines travées du groupe Les Républicains.)
M. Claude Kern. Ma question s'adresse à M. le Premier ministre.
Je voudrais tout d’abord saluer la présence dans nos tribunes de nombreux entrepreneurs, qui participent à la Journée des entreprises du Sénat. Ils ne manqueront pas d’être intéressés par votre réponse, monsieur le Premier ministre ! (Bravo ! et applaudissements sur les travées de l'UDI-UC et du groupe Les Républicains.)
Le Gouvernement a tranché en faveur du recours à un appel d’offres pour le renouvellement des trains Intercités, au lieu d’appliquer les contrats-cadres existants. Cette décision suscite les plus vives inquiétudes parmi les salariés d’Alstom Transport des sites d’Ornans, du Creusot, de Tarbes, de Villeurbanne, de Belfort et de Reichshoffen. Et pour cause ! Avec cette décision, vous signez l’arrêt de la production sur ces sites en 2017 et vous mettez en péril des milliers d’emplois, au sein du groupe et chez ses partenaires. Pour un gouvernement se disant soucieux de l’emploi, permettez-moi de vous dire que les bras m’en tombent ! (M. Alain Gournac applaudit.)
Les dégâts ne s’arrêtent pas là, puisque cette décision aura également pour conséquence le renchérissement de 800 millions d’euros du coût d’acquisition du matériel et des retards de quatre ans dans les livraisons.
En définitive, tout le monde est victime de cette décision : les salariés, les finances publiques et les voyageurs, qui subissent la vétusté de ces trains.
Certes, gouverner, c’est prendre des décisions difficiles, mais gouverner, c’est aussi, et surtout, faire preuve de bon sens, de pragmatisme !
Dans sa réponse à un courrier adressé par des parlementaires, le secrétaire d’État Alain Vidalies avance des raisons de sécurité juridique pour justifier ce choix. Effectivement, l’application des contrats-cadres existants présentait un risque juridique, mais les meilleurs juristes ont souligné combien celui-ci restait mesuré. Faut-il entendre, monsieur le Premier ministre, que ce risque modéré pèse plus lourd dans la balance que les conséquences économiques et sociales induites par le lancement d’un nouvel appel d’offres ?
Quelles mesures allez-vous mettre en place pour répondre à la détresse des salariés d’Alstom et aux difficultés des territoires concernés ? (Applaudissements sur les travées de l'UDI-UC et sur quelques travées du groupe Les Républicains.)