Sommaire
Présidence de M. Claude Bérit-Débat
Secrétaires :
Mmes Frédérique Espagnac, Valérie Létard.
2. Demande de création d’une mission d’information
3. Modernisation des règles applicables à l’élection présidentielle. – Adoption en nouvelle lecture d’une proposition de loi dans le texte de la commission et rejet d’une proposition de loi organique
Discussion générale commune :
M. Jean-Jacques Urvoas, garde des sceaux, ministre de la justice
M. Christophe Béchu, rapporteur de la commission des lois
Clôture de la discussion générale commune.
Motion n° 1 de la commission. – M. Christophe Béchu, rapporteur ; M. Alain Anziani ; M. Jean-Jacques Urvoas, garde des sceaux – Adoption, par scrutin public, de la motion entraînant le rejet de la proposition de loi organique.
Article additionnel avant l’article 1er A
Amendement n° 1 de M. Robert Del Picchia. – Retrait.
Articles 2 quater et 2 quinquies (suppression maintenue)
Adoption de la proposition de loi dans le texte de la commission.
M. Philippe Bas, président de la commission des lois
Suspension et reprise de la séance
4. Lutte contre le crime organisé et le terrorisme. – Suite de la discussion en procédure accélérée d’un projet de loi dans le texte de la commission
Articles additionnels après l’article 16 septies
Amendement n° 31 rectifié quater de M. Alain Vasselle. – Retrait.
Article 16 octies (nouveau) – Adoption.
Article additionnel après l'article 16 octies
Amendement n° 202 de M. François Marc. – Rectification.
Articles 17 à 21 (précédemment examinés)
Amendements identiques nos 171 rectifié de Mme Leila Aïchi et 197 rectifié de M. Jacques Mézard. – Non soutenus.
Amendement n° 92 de M. François Grosdidier. – Non soutenu.
Adoption de l’article.
Article additionnel après l'article 22
Amendement n° 76 rectifié de M. André Reichardt. – Retrait.
Adoption de l’article.
Amendement n° 98 rectifié de M. André Reichardt. – Rejet.
Amendement n° 232 du Gouvernement. – Rejet.
Suspension et reprise de la séance
PRÉSIDENCE DE M. Gérard Larcher
5. Questions d'actualité au Gouvernement
Mme Mireille Jouve ; M. Jean-Marie Le Guen, secrétaire d'État auprès du Premier ministre, chargé des relations avec le Parlement.
avenir et situation financière d’edf
M. Ronan Dantec ; M Emmanuel Macron, ministre de l'économie, de l'industrie et du numérique ; M. Ronan Dantec.
Mme Éliane Assassi ; M. Manuel Valls, Premier ministre ; Mme Éliane Assassi.
M. Martial Bourquin ; M. Manuel Valls, Premier ministre.
prix des médicaments anti-cancéreux
Mme Françoise Férat ; Mme Ségolène Neuville, secrétaire d'État auprès de la ministre des affaires sociales et de la santé, chargée des personnes handicapées et de la lutte contre l'exclusion.
M. Cédric Perrin ; M. Manuel Valls, Premier ministre ; M. Cédric Perrin.
emploi et projet de loi sur le travail
Mme Corinne Féret ; Mme Myriam El Khomri, ministre du travail, de l'emploi, de la formation professionnelle et du dialogue social.
renouvellement des rames intercités
M. Claude Kern ; M. Emmanuel Macron, ministre de l'économie, de l'industrie et du numérique ; M. Claude Kern.
Mme Élisabeth Lamure ; M. Emmanuel Macron, ministre de l'économie, de l'industrie et du numérique ; Mme Élisabeth Lamure.
carte d'identification professionnelle des salariés du btp
M. Rachel Mazuir ; Mme Myriam El Khomri, ministre du travail, de l'emploi, de la formation professionnelle et du dialogue social.
part du budget de l’état consacrée aux collectivités
M. Charles Guené ; M. Christian Eckert, secrétaire d'État auprès du ministre des finances et des comptes publics, chargé du budget ; M. Charles Guené.
M. Jean-Paul Emorine ; M. Emmanuel Macron, ministre de l'économie, de l'industrie et du numérique ; M. Jean-Paul Emorine.
Suspension et reprise de la séance
PRÉSIDENCE DE M. Thierry Foucaud
6. Lutte contre le crime organisé et le terrorisme. – Suite de la discussion en procédure accélérée d’un projet de loi dans le texte de la commission
M. Philippe Bas, président de la commission des lois
M. Jean-Jacques Urvoas, garde des sceaux, ministre de la justice
Suspension et reprise de la séance
M. Jean-Jacques Urvoas, garde des sceaux
Amendement n° 172 rectifié de Mme Leila Aïchi. – Rejet.
Amendement n° 201 rectifié de M. Jacques Mézard. – Rejet.
Amendement n° 195 rectifié de M. Pierre-Yves Collombat. – Rejet.
Amendement n° 194 rectifié de M. Jacques Mézard. – Rejet.
Amendement n° 81 rectifié de M. André Reichardt. – Rejet.
Amendement n° 252 rectifié de la commission. – Adoption.
Adoption de l’article modifié.
Article additionnel après l'article 24
Amendement n° 77 rectifié de M. André Reichardt. – Retrait.
Amendement n° 173 rectifié de Mme Leila Aïchi. – Rejet.
Amendement n° 174 rectifié de Mme Leila Aïchi. – Rejet.
L’article demeure supprimé.
Amendement n° 234 du Gouvernement. – Rejet.
L’article demeure supprimé.
Amendement n° 271 de la commission. – Adoption.
Adoption de l’article modifié.
Article additionnel après l’article 27
Amendement n° 159 de Mme Esther Benbassa. – Rejet.
Amendement n° 235 du Gouvernement. – Rejet.
Amendement n° 209 du Gouvernement. – Retrait.
M. Michel Mercier, rapporteur de la commission des lois
Adoption de l’article.
Amendement n° 94 de M. François Grosdidier. – Rejet.
Amendement n° 130 de M. Jacques Bigot. – Rejet.
Amendement n° 4 rectifié de M. Jean-Pierre Grand. – Rejet.
Amendement n° 179 rectifié de Mme Leila Aïchi. – Rejet.
Amendement n° 160 de Mme Esther Benbassa. – Rejet.
Amendement n° 112 du Gouvernement. – Adoption.
Adoption de l’article modifié.
Articles 27 quinquies A (nouveau), 27 quinquies, 27 septies, 27 octies – Adoption.
Article additionnel après l'article 27 octies
Amendement n° 227 du Gouvernement. – Rejet par scrutin public.
M. Michel Mercier, rapporteur ; M. Jean-Jacques Urvoas, garde des sceaux.
Article 27 nonies (nouveau) – Adoption.
Amendement n° 79 rectifié de M. André Reichardt. – Rejet.
Amendement n° 80 rectifié de M. André Reichardt. – Adoption.
Adoption de l’article modifié.
Articles additionnels après l'article 28
Amendement n° 108 du Gouvernement. – Adoption de l'amendement insérant un article additionnel.
Articles 28 bis et 28 ter (nouveaux) – Adoption.
Amendement n° 36 de Mme Cécile Cukierman. – Rejet.
Amendement n° 272 de la commission. – Adoption.
Adoption de l’article modifié.
Articles additionnels après l'article 30
Amendement n° 82 rectifié de M. André Reichardt. – Rejet.
Amendement n° 83 rectifié de M. André Reichardt. – Rejet.
Amendement n° 84 rectifié de M. André Reichardt. – Non soutenu.
Article additionnel après l'article 31
Amendement n° 161 de Mme Esther Benbassa. – Rejet.
Amendement n° 72 rectifié de M. François-Noël Buffet. – Adoption.
Amendement n° 58 rectifié bis de Mme Nathalie Goulet. – Adoption.
Adoption de l’article modifié.
Articles 31 bis B et 31 bis C (nouveaux) – Adoption.
Amendement n° 53 rectifié de M. Jean-Marc Gabouty. – Non soutenu.
Amendement n° 45 rectifié bis de M. Marc Daunis. – Rejet.
Amendement n° 164 de Mme Esther Benbassa. – Rejet.
Amendement n° 73 rectifié de M. François-Noël Buffet. – Adoption.
Amendement n° 223 du Gouvernement. – Rejet.
Adoption de l’article modifié.
Amendement n° 236 du Gouvernement. – Rejet.
Adoption de l’article.
Article 31 octies A (nouveau) – Adoption.
Amendement n° 217 rectifié du Gouvernement. – Rejet.
Amendement n° 253 rectifié de la commission. – Adoption.
Adoption de l’article modifié.
Amendement n° 222 du Gouvernement. – Rejet.
Adoption de l’article.
Article additionnel après l’article 31 decies
Amendement n° 85 rectifié de M. André Reichardt. – Rejet.
Article 31 undecies – Adoption.
Article 31 duodecies A (nouveau)
Amendement n° 254 de la commission. – Adoption.
Adoption de l’article modifié.
Article 31 duodecies – Adoption.
Article additionnel après l’article 31 duodecies
Articles 31 terdecies et 31 quaterdecies – Adoption.
Article additionnel après l’article 31 quaterdecies
Amendement n° 196 rectifié ter de M. Jacques Mézard. – Retrait.
Articles 31 quindecies et 31 sexdecies– Adoption.
Article additionnel après l’article 31 sexdecies
Amendement n° 162 de Mme Esther Benbassa. – Retrait.
Articles 31 septdecies A, 31 septdecies et 31 octodecies – Adoption.
Amendement n° 224 du Gouvernement. – Rejet.
Adoption de l’article.
Article 32 AB (nouveau) – Adoption.
Articles additionnels après l’article 32 AB (suite)
Articles 32 A, 32 B, 32 C et 32 D – Adoption.
Article additionnel après l'article 32 D
Amendement n° 237 du Gouvernement. – Rejet.
Adoption de l’article.
Article additionnel après l'article 32 E
Amendement n° 163 de Mme Esther Benbassa. – Rejet.
L’article demeure supprimé.
Amendement n° 238 du Gouvernement. – Rejet.
L’article demeure supprimé.
Articles additionnels après l'article 32 H
Amendement n° 104 rectifié de M. David Rachline. – Non soutenu.
Amendement n° 262 du Gouvernement. – Adoption de l'amendement insérant un article additionnel.
Articles 32, 32 bis et 32 ter (précédemment examinés)
Articles additionnels après l'article 32 ter
Amendement n° 220 du Gouvernement. – Rejet.
Amendement n° 218 du Gouvernement. – Rejet.
Adoption de l’article.
Amendement n° 273 de la commission. – Adoption.
Adoption de l’article modifié.
Renvoi de la suite de la discussion.
compte rendu intégral
Présidence de M. Claude Bérit-Débat
vice-président
Secrétaires :
Mme Frédérique Espagnac,
Mme Valérie Létard.
1
Procès-verbal
M. le président. Le compte rendu analytique de la précédente séance a été distribué.
Il n’y a pas d’observation ?…
Le procès-verbal est adopté sous les réserves d’usage.
2
Demande de création d’une mission d’information
M. le président. Par lettre en date du 30 mars 2016, Mme Éliane Assassi, présidente du groupe communiste républicain et citoyen, a fait connaître à M. le président du Sénat que son groupe exerce son droit de tirage, en application de l’article 6 bis du règlement, pour la création d’une mission d’information sur la position de la France à l’égard de l’accord de mars 2016 entre l’Union européenne et la Turquie relatif à la crise des réfugiés et sur les conditions de mise en œuvre de cet accord.
La conférence des présidents sera saisie de cette demande de création lors de sa prochaine réunion.
3
Modernisation des règles applicables à l’élection présidentielle
Adoption en nouvelle lecture d’une proposition de loi dans le texte de la commission et rejet d’une proposition de loi organique
M. le président. L’ordre du jour appelle la discussion en nouvelle lecture de la proposition de loi organique, adoptée par l’Assemblée nationale en nouvelle lecture, de modernisation des règles applicables à l’élection présidentielle (proposition n° 501, résultat des travaux de la commission n° 511, rapport n° 510) et de la proposition de loi, adoptée par l’Assemblée nationale en nouvelle lecture, de modernisation de diverses règles applicables aux élections (proposition n° 502, texte de la commission n° 512, rapport n° 510).
Il a été décidé que ces deux textes feraient l’objet d’une discussion générale commune.
Dans la discussion générale commune, la parole est à M. le garde des sceaux, ministre de la justice.
M. Jean-Jacques Urvoas, garde des sceaux, ministre de la justice. Monsieur le président, monsieur le rapporteur, monsieur le président de la commission des lois, mesdames, messieurs les sénateurs, depuis la révision constitutionnelle du 28 octobre 1962, l’élection au suffrage universel direct du Président de la République est la clef de voûte des institutions de la Ve République.
Après chaque scrutin, notamment après ceux de 2007 et de 2012, les différents organismes de contrôle de cette élection ont formulé plusieurs recommandations sur les modalités d’organisation de cette élection si importante pour le fonctionnement démocratique de nos institutions, recommandations qui ont inspiré la rédaction de la proposition de loi organique qui vous est de nouveau soumise aujourd’hui, mesdames, messieurs les sénateurs.
Le Conseil constitutionnel, la Commission nationale de contrôle de la campagne électorale de l’élection présidentielle, organisme spécifique à ce scrutin, le Conseil supérieur de l’audiovisuel, la Commission nationale des comptes de campagne et des financements politiques et la Commission des sondages ont chacun, à deux reprises, publié un certain nombre de suggestions et de recommandations qui composent un ensemble cohérent de mesures. Celles-ci vont permettre de moderniser l’organisation de ce scrutin avec comme seul objectif d’éviter à l’avenir les contestations récurrentes qui, à chaque élection, nourrissent de vaines controverses ne débouchant jamais sur aucune réforme, qu’il s’agisse du système des parrainages, du temps de parole accordé à chaque candidat dans les médias audiovisuels ou encore des règles encadrant la publication des sondages et la divulgation des résultats.
C’est donc pour remédier à une telle situation que le Gouvernement a décidé de soutenir la proposition de loi organique de modernisation des règles applicables à l’élection présidentielle. Ce texte a d’abord été discuté à l’Assemblée nationale, au Sénat, puis en commission mixte paritaire, le Gouvernement regrettant que celle-ci n’ait pu parvenir à un accord.
Il faut néanmoins poursuivre la discussion, de façon à définir un cadre juridique renforcé pour l’organisation de la prochaine élection présidentielle, mais aussi, naturellement, de celles qui suivront. Le but est, chacun l’aura compris, de rendre incontestable l’organisation de cette consultation.
En premier lieu, il convient de réformer les règles encadrant le système de parrainage des candidats, ce qui inclut trois mesures principales.
Tout d’abord, il est proposé de modifier les modalités de transmission des présentations ou « parrainages » au Conseil constitutionnel. Ils devront dorénavant être adressés par l’auteur de la présentation lui-même, et non plus par le candidat ou l’équipe de campagne, par voie postale ou directement auprès du Conseil constitutionnel, et non plus en préfecture, des dérogations étant bien entendu prévues pour l’outre-mer et pour nos compatriotes installés à l’étranger.
Un amendement adopté en première lecture à l’Assemblée nationale, et conservé par le Sénat, fixe également la perspective d’une remise des parrainages par voie électronique après 2017, et au plus tard au 1er janvier 2020.
Ensuite, la publicité intégrale de la liste des élus ayant parrainé un candidat est prévue. Actuellement, seule la liste des cinq cents premiers élus tirés au sort est publiée. Mais cette procédure repose sur une inégalité flagrante entre les parrains dont le nom est tiré au sort et rendu public par le Conseil constitutionnel et les autres. Nous souhaitons par conséquent mettre un terme à ce traitement différencié, dans la mesure où le principe de responsabilité et l’exigence de transparence doivent conduire les élus à assumer leur choix devant les citoyens.
Enfin, nous souhaitons imposer au Conseil constitutionnel de rendre public le nom des parrains au moins deux fois par semaine, afin non seulement d’en garantir la communication de façon plus efficace, mais aussi d’atténuer quelque peu la pression qui repose parfois sur les élus. Vous l’aurez compris, mesdames, messieurs les sénateurs, il s’agit d’éviter toute dramatisation excessive de la décision que prennent les élus de parrainer tel ou tel candidat.
En deuxième lieu, nous souhaitons clarifier la réglementation des temps de parole. S’agissant de l’accès des candidats aux médias audiovisuels, la proposition de loi prévoit de substituer un strict principe d’équité à l’actuelle règle d’égalité des temps de parole réservés aux candidats pendant la période « intermédiaire », qui s’étend, je le rappelle, de la publication de la liste des candidats à la veille de la campagne officielle.
Une telle substitution permettra de simplifier et, par là même, de clarifier une réglementation devenue au fil du temps particulièrement confuse.
Faire coexister les principes d’égalité des temps de parole et d’équité des temps d’antenne représente, en effet, une source de complications aussi bien pour les candidats que pour les antennes de radio et les chaînes de télévision.
Nous observons ainsi que les services de radio et de télévision ont réservé une part réduite à l’expression des candidats au cours des trois semaines qui ont précédé la campagne électorale officielle, ce qui traduit bien une crainte de ne pas pouvoir garantir l’égalité entre chacun d’entre eux.
Certains, et c’est un comble, préfèrent même n’organiser aucun débat entre les candidats. Par exemple, TF1, France 2, France 3, Canal + et M6 n’ont réservé en 2012 que douze heures à la retransmission des interventions des candidats, soit une diminution de 50 % par rapport au volume relevé lors de la même période sur ces chaînes en 2007. Les temps de parole accordés sur les antennes des radios généralistes et des chaînes d’information en continu ont également été en baisse en 2012 par rapport à 2007.
Ni les candidats ni les électeurs ne peuvent évidemment se satisfaire de cette situation susceptible de nuire à la richesse et à la vigueur du débat démocratique.
L’adoption de la proposition de loi organique permettra, pendant la période intermédiaire, que l’équité soit observée dans des « conditions de programmation comparables ». La précision est d’importance : elle doit permettre aux différents candidats et à leurs soutiens d’être exposés sur les antennes dans les mêmes tranches horaires, évitant ainsi que l’exposition médiatique de certains candidats puisse être cantonnée à des émissions recueillant une faible audience.
Loin d’affaiblir les candidats, la proposition de loi leur permettra donc une exposition médiatique de meilleure qualité.
En troisième lieu, la proposition de loi organique prévoit de mettre en place un système automatique de radiation des listes électorales consulaires pour les Français établis à l’étranger qui rentrent en France.
En d’autres termes, dès lors que ces derniers quittent le pays étranger où ils s’étaient installés, leur radiation du registre consulaire des Français de l’étranger entraînera automatiquement leur radiation des listes électorales consulaires. Il s’agit là d’une mesure de bon sens, de simplification et de sincérité des listes. La proposition de loi organique rénovant les modalités d’inscription sur les listes électorales des Français établis hors de France présentée à l’Assemblée nationale par Élisabeth Pochon et Jean-Luc Warsmann permettra d’approfondir la question de la double inscription, dont je sais qu’elle soulève un certain nombre d’interrogations. Naturellement, je veux exprimer le soutien du Gouvernement à cette initiative parlementaire transpartisane, qui s’inscrit pleinement dans l’esprit du texte qui est soumis aujourd’hui à votre examen, mesdames, messieurs les sénateurs.
Je veux également répondre au sénateur Jean-Yves Leconte quant à la question de la radiation en cas de caducité de l’inscription sur le registre.
L’inscription au registre des Français établis hors de France est valable cinq ans. Des mesures adéquates de concertation contradictoire sont prises par les postes consulaires avant de radier les administrés. Trois mois avant l’échéance, l’administré reçoit à l’adresse postale ou électronique connue par le poste consulaire une lettre ou un message précisant les formalités de renouvellement. L’électeur est alors radié du registre dans les trois mois suivant l’envoi de ce courrier si le renouvellement n’est pas sollicité.
Par ailleurs, pour simplifier le système et pallier d’éventuelles difficultés, un registre en ligne permettra à l’électeur de renouveler son inscription ou de signaler son départ sans avoir à se déplacer au consulat.
Je veux dire à présent quelques mots sur la comptabilisation des dépenses et des recettes électorales qui ont vocation à figurer dans les comptes de campagne des candidats.
La période durant laquelle ces dépenses et ces recettes seront comptabilisées a été réduite par l’Assemblée nationale de un an à six mois. Le Gouvernement exprime des doutes quant à l’opportunité d’une telle mesure et se satisfait de la position du rapporteur, dont je salue le travail, et de la commission des lois. À nos yeux, une telle mesure aurait pour effet de réduire l’espace de contrôle des comptes de campagne et entrerait par là même en contradiction avec le mouvement de démocratisation de nos procédures, lequel vise à renforcer leur transparence.
Concernant, enfin, la législation applicable aux sondages, des dispositions ont été introduites par votre assemblée sur l’initiative des sénateurs Jean-Pierre Sueur et Hugues Portelli. Il s’agit de la reprise par voie d’amendement, en un seul article, d’une proposition de loi d’une vingtaine d’articles adoptée par le Sénat en février 2011 et examinée par la commission des lois de l’Assemblée nationale en juin 2011, c’est-à-dire sous une précédente majorité. Le texte n’a, depuis, jamais été inscrit à l’ordre du jour de la séance publique de l’Assemblée nationale, ni par le Gouvernement ni par les groupes parlementaires de la majorité ou de l’opposition, qui disposent pourtant de cette faculté.
Ce texte soulève à nos yeux quelques réelles difficultés. Ses dispositions entraînent un alourdissement significatif de la charge de travail de la Commission des sondages, ainsi qu’une modification de ses méthodes de contrôle, sujets sur lesquels sa consultation préalable, ainsi que celle des acteurs économiques concernés, nous semble nécessaire.
Par ailleurs, la rédaction actuelle soulève plusieurs difficultés techniques qui la rendent probablement incompatible avec les dispositions de la Convention européenne des droits de l’homme. Pour toutes ces raisons, le Gouvernement ne souhaite pas conserver ces mesures dans la proposition de loi et, si celles-ci devaient être examinées, elles devraient l’être dans le cadre d’un texte spécifique.
En conclusion, le Gouvernement soutient avec force cette proposition de loi organique et regrette que le Sénat ait choisi de déposer, et sans doute de voter dans quelques minutes, une motion tendant à opposer la question préalable sur un sujet qui aurait nécessité un dépassement des clivages partisans.
Mesdames, messieurs les sénateurs, la société se modernise et la vie politique doit accompagner ce mouvement vers l’avenir. Du point de vue du Gouvernement, cette proposition de loi organique y contribue. (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste et républicain.)
M. le président. La parole est à M. le rapporteur.
M. Christophe Béchu, rapporteur de la commission des lois constitutionnelles, de législation, du suffrage universel, du règlement et d’administration générale. Monsieur le garde des sceaux, à vrai dire, ce texte aurait mérité bien plus qu’un dépassement des clivages partisans.
Nous sommes dans une situation assez singulière ce matin, puisque le ministre qui représente le Gouvernement a été, dans une autre vie, l’auteur de la proposition de loi initiale dont nous débattons. Il s’agissait alors pour vous, monsieur le garde de sceaux, de rendre service au Gouvernement, en vous fondant sur la vision claire que vous venez de défendre, selon laquelle il est souhaitable, après chaque élection présidentielle, d’en tirer les conséquences en acceptant d’entendre les remarques pertinentes des autorités indépendantes ou des juges de l’élection au sens large.
Toutefois, pourquoi attendre le dernier moment du quinquennat pour se pencher sur l’élection qui suit, alors que la plupart des observations qui ont été intégrées dans la proposition de loi du député Urvoas, président de la commission des lois, ont été émises au deuxième semestre de 2012 ou dans les premiers jours de l’année 2013 ? C’est le premier problème que j’identifie, même si, en l’occurrence, l’auteur de la proposition de loi n’en est nullement responsable.
Le recours à la procédure accélérée, le contexte et le calendrier n’ont pas permis de créer le climat serein et apaisé qui aurait permis de dépasser les clivages partisans. En effet, chacun voit bien que, à l’approche de la prochaine élection présidentielle, les candidats potentiels, à commencer par ceux qui entendent lancer leur campagne sur la contestation d’une partie des dispositions qui sont évoquées, sont tentés de se saisir de ce sujet pour en faire un objet de polémique politicienne plutôt qu’un enjeu de discussions sereines et techniques. Le Gouvernement porte la responsabilité d’avoir trop tardé et, en cela, il rejoint la longue liste de tous ses prédécesseurs qui, chaque fois, attendent la dernière ligne droite du quinquennat pour traiter ces sujets.
Même si ce n’est pas la saison (Sourires.), je forme donc le vœu que nous puissions, rapidement et collectivement, à l’issue de la prochaine élection présidentielle, tirer les conséquences des éventuelles remarques qui pourraient être formulées et que le débat sur la modernisation des règles de l’élection présidentielle, s’il doit avoir lieu, se déroule le plus tôt possible. On pourrait d’ailleurs songer, par exemple, à une proposition de loi émanant de la commission des lois du Sénat.
Ensuite, sur le texte en lui-même, je n’accepte pas, monsieur le garde des sceaux, l’idée selon laquelle l’Assemblée nationale aurait su, à la différence du Sénat, dépasser les clivages partisans. J’accepte encore moins l’idée que l’Assemblée nationale, parce qu’elle a voté une partie des dispositions évoquées, s’inscrirait dans un schéma de modernisation, lorsque le Sénat, fidèle à la tradition conservatrice…
Mme Nathalie Goulet. Et périmée !
M. Christophe Béchu, rapporteur. … que l’on enseigne dans les écoles aux plus jeunes de nos concitoyens, serait bloqué dans une forme d’archaïsme. Cela ne correspond pas à la réalité, pour plusieurs raisons.
Tout d’abord, nous avons fait des propositions de modifications, dont certaines me semblent plus audacieuses que celles qui ont été adoptées par l’Assemblée nationale.
M. Jean-François Husson. Très juste !
M. Christophe Béchu, rapporteur. Ainsi, un horaire unique de fermeture des bureaux de vote, valable pour toute la France, aurait, de mon point de vue, une portée symbolique plus forte sur le plan républicain que le maintien d’horaires différents selon la taille des communes et des villes, surtout lorsque l’on sait l’effet d’un tel système sur l’abstention. Y compris sur ce point, il n’a pas été possible d’avancer. Dont acte…
De même avons-nous souhaité à l’unanimité, sur la proposition de plusieurs de nos collègues représentant les Français de l’étranger, augmenter d’une cinquantaine le nombre des parrains, en faisant en sorte que les vice-présidents des conseils consulaires – ces derniers sont de facto dans une situation d’exécutif, puisqu’ils n’ont pas le droit de cumuler cette responsabilité avec un mandat parlementaire et que les ambassadeurs président de droit ces conseils – puissent parrainer. Cette mesure symbolique n’a pas plus été retenue par l’Assemblée nationale.
Seule idée que l’Assemblée nationale ait reprise : la publication intégrale de la totalité des parrainages de candidats, postérieurement à la fin de la collecte. Je me permets de dire que c’est le Sénat qui a proposé cette avancée en termes de transparence.
Alors, que reste-t-il ?
Finalement, trois points : la question de l’équité et de l’égalité du temps de parole, les comptes de campagnes et les sondages.
Sur le premier point, tout a été dit ! Et je suis dans une situation confortable, monsieur le garde de sceaux : j’ai non seulement une égalité de temps de parole avec vous, mais en plus, dans des conditions comparables de programmation. Nous passons presque à la même heure et à un moment où nos collègues ont encore une attention à peu près équivalente. (Rires.)
M. Alain Richard. Plus pour très longtemps !
M. Christophe Béchu, rapporteur. Il faut donc que j’accélère mon propos en allant à l’essentiel !
Je pense qu’il y a d’abord eu un déficit de pédagogie dans la présentation des choses.
On oublie de dire que l’évolution proposée par le président de la commission des lois de l’Assemblée nationale, il y a quelques mois, ne constitue pas une rupture ou une révolution par rapport à la situation qui existe depuis 1962.
Elle repose, en fait, sur l’analyse des conséquences d’un texte de la fin de l’année 2006, lui-même adopté quelques mois avant une élection présidentielle, dans des conditions de procédure qui ne permettaient peut-être pas d’en tirer toutes les conséquences et de constater, ensuite, qu’il était souhaitable de modifier certains éléments.
Quand on fait les choses de manière précipitée, on ne peut prendre en compte que la préconisation du Conseil supérieur de l’audiovisuel, qui constate que deux fois moins de temps d’antenne ont été consacrés à l’élection présidentielle et en conclut qu’il faut changer les règles.
Avec trois ans devant nous, nous aurions pu réfléchir, avec les médias, aux évolutions souhaitables. La suppression de l’égalité au profit de l’équité était-elle la seule solution, alors même que ce changement engendre de l’émotion parmi nos concitoyens ?
Nous sommes dans une période où le temps médiatique permet difficilement d’enchaîner plus de deux phrases, mais, lorsque l’argumentation dépasse ces deux phrases, je ne connais personne qui considère que remplacer l’égalité par l’équité constitue un progrès démocratique. Quand vous expliquez les choses, elles sont évidemment différentes, mais encore faut-il disposer du temps et de l’espace médiatique pour cela.
Le Sénat a, objectivement, tenté de trouver un compromis intelligent, permettant de sortir par le haut de cette affaire. Il y avait trois jours de période intermédiaire ; il y en a maintenant vingt, ce qui crée finalement le problème. Décidons alors que, pendant dix jours de cette période intermédiaire, l’égalité serait conservée et, pendant les dix autres jours, l’équité serait appliquée, ce qui permettrait de tenir compte d’une partie des remarques qui ont été émises.
Cette position de compromis et de consensus aurait permis à tout le monde de sortir par le haut : pour ceux qui crient au loup au sujet de ces modifications, il aurait été un moindre mal ; pour ceux qui considèrent que le statu quo n’est pas possible, il aurait marqué un progrès.
Mais qu’a fait la rapporteur de l’Assemblée nationale ? Elle a balayé cette proposition d’un revers de la main !
Au risque de surprendre une partie de mes collègues, je pourrais dire, ce matin, que je regrette profondément le départ de Mme Taubira de la place Vendôme : en effet, si elle était restée garde des sceaux, vous seriez resté, monsieur le ministre, président de la commission des lois de l’Assemblée nationale et vous auriez obtenu le consensus qui n’a finalement pas été possible… (Sourires.)
Mme Nathalie Goulet. Maudite déchéance…
M. Christophe Béchu, rapporteur. J’en viens maintenant à la question des comptes de campagne et je voudrais dire à M. le garde des sceaux qu’il est impossible de faire autre chose que de voter une question préalable.
Quand, en commission mixte paritaire, vous êtes renvoyé d’un revers de la main, même sur des points symboliques comme les vice-présidents des conseils consulaires ou les horaires de vote, et qu’on vous fait sentir que, de toute façon, la décision appartient à la majorité de l’Assemblée nationale, le faux-semblant démocratique a une limite !
Nous avons vécu d’autres débats pour lesquels les atermoiements ont duré quatre mois... Le seul avantage de la procédure accélérée, c’est que, compte tenu des positions éloignées de nos deux assemblées, on sort vite de ce faux-semblant de débat.
Pour autant, en ce qui concerne les comptes de campagne, il reste un point sur lequel je veux vous dire, monsieur le garde des sceaux, que nous sommes, dans l’ensemble, assez choqués par ce qui s’est passé à l’Assemblée nationale.
Les textes qui nous étaient soumis portaient sur l’élection présidentielle – c’était d’ailleurs inscrit dans leur titre – et vous aviez proposé de diminuer la période de prise en compte des comptes de campagne pour cette élection.
Il s’agissait de régler, dans la dernière ligne droite, un gros problème juridique qui se présente à nous, collectivement, celui des primaires. C’est, il est vrai, une nouveauté démocratique. On ne sait pas comment la prendre en compte et on laisse aux juges le soin de se demander quelle est la part des dépenses de campagne exposées à ce titre qu’il faut intégrer aux comptes de campagne et la manière de le faire. On voit bien qu’on ne pourra pas rester dans une telle situation de déni de droit.
De manière très sage, l’Assemblée nationale a estimé que modifier les règles si peu de temps avant l’élection présidentielle donnerait un sentiment de tripatouillage. Elle a donc conservé le délai de douze mois. Très bien !
Mais, dans le même temps, elle a modifié, dans la loi ordinaire, cette même durée des comptes de campagne pour toutes les autres élections, à l’exception de l’élection présidentielle. Si ce n’est pas un cavalier, monsieur le garde des sceaux, qu’est-ce que c’est ?
L’Assemblée nationale a tenté de se rattraper aux branches, en modifiant le titre de la proposition de loi pour indiquer qu’elle contient des dispositions relatives à diverses élections… Mais cette modification se justifie uniquement par la validation relative à la durée des comptes de campagne, qui a fait l’objet d’amendements issus des principaux groupes de l’Assemblée nationale.
Je veux le dire ici de manière très simple et très claire : c’est en raison ce genre de manœuvres que nos concitoyens perdent confiance dans leurs représentants.
Mme Nathalie Goulet. Absolument !
M. Christophe Béchu, rapporteur. Vous voulez modifier les règles sur les comptes de campagne ? Pas de problème, mais déposez un texte spécifique sur le sujet ! Nous prendrons le temps d’en débattre.
Modifier ces règles dans la dernière ligne droite revient à jouer aux apprentis sorciers. Il faut d’autant moins le faire que les nouvelles règles auront à s’appliquer pour les élections législatives, qui auront elles-mêmes lieu dans un tout petit peu plus d’un an.
Mme Nathalie Goulet. Et pour les sénatoriales !
M. Christophe Béchu, rapporteur. En effet, mais il est vrai que l’intensité des dépenses de campagne n’est pas la même pour les sénatoriales que pour les autres élections…
Le dernier point que je souhaitais évoquer concerne les sondages et je veux exprimer mon regret devant ce que je qualifierai, au minimum, de manque d’élégance et qui, en tout état de cause, est proche d’une faute.
Un texte d’une grande qualité a été voté à l’unanimité au Sénat, sur l’initiative de MM. Sueur et Portelli. Il vise à modifier une loi qui date de 1977. Je n’ai pas un souvenir très précis des sondages de cette époque, mais je serais curieux de savoir quelles en étaient les marges d’erreur… Cette loi n’a pas été modernisée, alors que les sondages prennent aujourd’hui une importance grandissante dans la vie médiatique et politique.
Nous nous sommes servis de ce véhicule législatif, tout en expurgeant le texte voté précédemment des quelques dispositions qui ne concernaient pas la politique. Finalement, l’Assemblée nationale a refusé l’intégration de ces dispositions, alors même qu’elle avait déjà voté sur ces questions auparavant.
À nos yeux, ce procédé rend encore plus illégitime le fait de toucher aux règles relatives aux comptes de campagne pour les autres élections que l’élection présidentielle.
On ne voit pas quel argument objectif pourrait être avancé pour s’opposer à cet ajout, qui avait été réalisé à l’unanimité de la commission des lois et du Sénat.
Monsieur le garde des sceaux, je sais votre temps précieux et je vous demande de considérer qu’il arrive que le nôtre le soit également. Dans ces conditions, prenez la motion tendant à opposer la question préalable comme un moyen d’éviter de faux débats. C’est pourquoi il sera proposé au Sénat d’écarter le texte organique et d’amender la proposition de loi ordinaire. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains et quelques travées de l’UDI-UC.)
M. le président. La parole est à M. Pierre-Yves Collombat.
M. Pierre-Yves Collombat. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, je suis conscient que la perspective de la question préalable enlèvera à mon intervention le peu d’intérêt qu’elle pouvait présenter…
En introduction, je voudrais tout de même dire que je suis d’accord avec la position du rapporteur sur la proposition de loi organique : lorsqu’il n’y a pas de désir de trouver une position commune, même sur les détails, il ne sert à rien de faire durer ce qui n’est pas nécessairement un plaisir.
S’agissant de la proposition de loi ordinaire, je suis également en accord avec le rapporteur : il n’y a pas de raison de réduire la durée des comptes de campagne, dont la régularité constitue un problème de fond. En ce qui concerne l’élection présidentielle, je ne parlerai même pas d’un autre problème : que se passe-t-il dans le cas où un candidat élu voit son compte de campagne invalidé ? C’est un beau sujet de réflexion…
M. Christophe Béchu, rapporteur. Le président du Sénat devient Président de la République !
M. Pierre-Yves Collombat. Certes, je voterai la motion tendant à opposer la question préalable, mais aurais-je voté le texte de la commission mixte paritaire si celle-ci avait abouti à un accord ? Non, même si le texte du Sénat était nettement plus acceptable que celui approuvé par le Gouvernement, par exemple en ce qui concerne la publication des listes de parrainages de candidats.
Le travail réalisé par le Sénat sur la campagne électorale était intéressant, mais même l’exercice, compliqué, habile, qui consistait à réduire la période intermédiaire, sans introduire ce « magnifique » principe républicain d’équité dans notre droit, n’était pas satisfaisant. En effet, cela entraînait, au fond, une réduction de la période durant laquelle tous les candidats peuvent bénéficier d’un temps de parole égal.
Finalement, je n’aurais donc pas voté ces textes et je veux, rapidement, vous dire pourquoi.
D’abord, parce que nous avons été particulièrement gâtés, durant ce quinquennat, en matière de modifications du droit électoral : modes de scrutin pour les sénatoriales, les municipales et les cantonales ; circonscriptions pour les cantonales et les régionales ; calendrier ; règles d’inscription sur les listes. Heureusement que, par définition, un quinquennat ne dure que cinq ans !
Ensuite, les textes dont nous débattons n’apportent aucune réponse au problème de fond de nos institutions, à savoir la concentration du pouvoir à l’Élysée. Or, ce problème explique justement le seul point qui intéresse les auteurs de ces textes : la multiplication des candidats au premier tour des élections présidentielles. Pourquoi tant de candidats se présentent-ils, même si leur nombre apparaît maintenant stabilisé ? Parce que l’élection présidentielle est l’élection mère ! C’est là que la dévolution du pouvoir se fait. Toutes les autres élections se trouvent dévaluées, d’où cette affluence de candidats.
Pour traiter le problème de l’augmentation du nombre de candidats, la première réponse a consisté à exercer une légère et discrète pression sur les parrains, pour qu’ils ne se laissent pas aller à donner leur signature à des candidats jugés non sérieux, car n’entrant pas dans le paysage habituel. La seconde réponse, celle qui suscite le plus de problèmes et de réactions, prévoit de remplacer, durant la campagne électorale médiatique, le principe républicain d’égalité devant les électeurs par le principe dit d’équité.
Lorsqu’un secrétariat d’État à l’égalité réelle a été créé, je me suis demandé ce que cet intitulé pouvait bien vouloir dire. Maintenant, j’ai la réponse : l’égalité réelle, c’est l’inégalité équitable ! (Sourires.)
Quel est finalement le but visé ?
Tout le monde le sait bien : il s’agit de donner un léger avantage aux candidats qu’on a l’habitude de voir, aux blocs politiques qui, depuis trente-cinq ans ou quarante ans, se partagent le pouvoir, les seuls « sérieux » ! Tous les autres, on essaie de les marginaliser. Il est vrai que, s’ils réussissaient à être trop visibles, ils feraient peut-être germer le soupçon que les politiques menées jusque-là ne sont pas forcément les bonnes… (Applaudissements sur les travées du RDSE, de l’UDI-UC et du groupe CRC, ainsi que sur quelques travées du groupe Les Républicains.)
M. le président. La parole est à Mme Nathalie Goulet.
Mme Nathalie Goulet. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, je n’ai ni le talent de notre rapporteur, qui a déjà quasiment tout dit, ni le sens de l’humour et de la dérision de notre collègue Collombat.
Le groupe UDI-UC votera la question préalable et, comme M. Collombat, nous n’aurions pas voté ce texte s’il n’y avait pas eu de question préalable. Nous nous y sommes d’ailleurs fermement opposés lors de la première lecture.
Ce bricolage de l’élection présidentielle nous apparaît, comme à l’ensemble des « petits » partis, totalement inacceptable, de même que l’égalité transformée en équité. Tout cela n’est guère sérieux !
Au-delà des quelques dispositions pertinentes de ces deux textes, l’article 4 de la proposition de loi organique reste un casus belli.
Cela a déjà été amplement dit, la campagne présidentielle est un moment essentiel de notre vie politique. Et, entre les deux mauvaises positions prises respectivement par le Sénat et l’Assemblée nationale, les sénateurs centristes préfèrent marquer clairement leur franche et complète opposition.
Certains évoquent une confiscation de la parole publique. Je vais prendre un exemple. Un candidat à l’élection présidentielle de 2012, qui aurait obtenu 4 millions de voix et qui a déjà recueilli 87 000 parrainages citoyens, serait totalement empêché d’être candidat, avec les dispositions dont nous débattons, s’il lui manquait quelques signatures.
Le fait de modifier les modalités de l’élection et de diminuer le nombre de candidats freine évidemment les élans démocratiques, au profit de la parole officielle…
Ces textes ont été compris de cette manière-là par la société civile, qui ressent ce que nous sommes en train de faire aujourd’hui comme un bricolage insupportable, une confiscation de la parole publique.
Je ne m’exprime évidemment pas avec la brillante technicité du rapporteur, mais personne ne peut comprendre que la réduction de un an à six mois de la durée de prise en comptes des dépenses et recettes dans les comptes de campagne est finalement une question budgétaire. Les montants qu’ils comptabilisent entraînent en effet un remboursement par l’État aux candidats.
Pour les sénatoriales, cela représente une petite dépense. Je note que c’est grâce à notre collègue Anziani – ou à cause de lui… – que nous avons des comptes de campagne. Il a proposé d’établir, de ce point de vue, une égalité entre les députés et les sénateurs et cette règle de transparence est bien normale.
Pour en revenir à nos débats, la réalité, pour la société civile et l’opinion publique, c’est que nous bricolons un texte pour nous protéger. C’est complètement inacceptable, alors que le problème est, au fond, budgétaire.
Les campagnes que nous connaissons n’atteignent pas les niveaux de dépenses de celles qui se déroulent aux États-Unis, mais elles entraînent néanmoins des charges extrêmement importantes. En outre, ces dépenses sont parfois invalidées a posteriori.
Ces dispositions sont inacceptables. Nous manquons de temps pour en débattre. Discuter ainsi d’une proposition d’origine parlementaire, reprise par le Gouvernement, frappée par l’urgence et dans un calendrier contraint n’est pas sérieux, s’agissant de l’élection la plus importante de notre vie politique.
Quelles que soient les améliorations apportées par la commission des lois, le groupe UDI-UC est bien inspiré de s’opposer clairement et fermement à ces textes qui, sur le fond comme sur la forme, ne sont pas acceptables. (Applaudissements sur les travées de l’UDI-UC et du groupe écologiste, ainsi que sur quelques travées du RDSE.)
M. le président. La parole est à Mme Éliane Assassi.
Mme Éliane Assassi. Monsieur le président, monsieur le garde des sceaux, mes chers collègues, le débat que nous reprenons aujourd’hui montre bien que la précipitation et sa traduction parlementaire, la procédure accélérée, ne produisent pas toujours les effets escomptés.
En première lecture, nous avions critiqué les modalités de mise en débat de textes organisant la future élection présidentielle à une année tout juste de celle-ci. Nous avions également noté l’insuffisance du temps de discussion accordé à des textes fourre-tout comportant nombre de mesures de première importance pour la vie démocratique de notre pays.
Après l’échec de la commission mixte paritaire, la majorité de l’Assemblée nationale a choisi de reprendre les dispositions qu’elle avait adoptées en première lecture, à l’exception de quelques aménagements de second ordre.
Lors de notre discussion du 18 février dernier, en première lecture, j’ai regretté que le grand débat sur l’état de nos institutions n’ait pas eu lieu durant les quatre dernières années. Beaucoup regrettent le décalage croissant entre le pouvoir politique et les citoyens et, plus généralement, le rejet croissant de la politique, qui se concrétise, malheureusement, par une abstention massive.
La question de l’élection présidentielle est, selon nous, au cœur de cette crise.
Le déséquilibre des pouvoirs au profit de l’exécutif, induit par la Constitution de 1958, s’est renforcé au fil des années. L’effacement progressif du Parlement, détenteur du pouvoir législatif, a confirmé cette évolution dangereuse pour notre démocratie.
Avec la mise en place du quinquennat et l’inversion du calendrier électoral, qui soumet l’élection législative à l’élection présidentielle, une forme d’hyper-présidentialisation est à l’œuvre, symbolisée par l’introduction dans la Constitution, en 2008, du discours du Président de la République devant le Congrès, qui avait été alors critiquée par toute la gauche réunie.
La vie politique tourne autour de l’élection présidentielle et, finalement, de la quête de l’homme ou, plus rarement, de la femme providentielle.
Le Président de la République centralise des pouvoirs considérables. D’ailleurs, la manière dont François Hollande, hier, a clos le débat constitutionnel sur l’état d’urgence et la déchéance de la nationalité est assez symptomatique : il décide, tel un monarque, de la vie ou de la mort d’un débat public.
Que devient le pouvoir du peuple et de ses représentants dans un tel système ? À l’heure de la révolution numérique, bien réelle, un tel pouvoir pyramidal est contraire aux aspirations profondes de notre peuple.
Avec le parti communiste et le Front de gauche, nous appelons à une véritable révolution citoyenne et à une refondation de nos institutions, ce qui passe par plusieurs évolutions, notamment la remise à plat d’un système qui, chacun le sait ici, ne fonctionne plus et expose notre pays à de graves dérives démocratiques.
Nous n’aurons pas ce grand débat sur nos institutions, notamment sur la place du Président de la République en leur sein, durant ce quinquennat. En revanche, le Gouvernement nous propose ces deux textes, une proposition de loi organique et une proposition de loi, qui, sous un aspect anodin, renforcent encore le caractère bipolaire, voire tripolaire, de notre vie politique.
Je ne reviendrai pas sur l’ensemble des points abordés par ces textes, car je les ai évoqués plus en détail lors de la première lecture.
Cependant, je tiens quand même à évoquer deux éléments importants rétablis par l’Assemblée nationale dans leur rédaction d’origine, ou presque, alors que la rédaction du Sénat, sans être totalement satisfaisante, atténuait quelque peu l’impact du texte gouvernemental.
En premier lieu, je tiens à dire que nous refusons radicalement la limitation du champ temporel des comptes de campagne pour l’élection présidentielle à six mois au lieu d’une année, et ce à plafond constant. Cette incitation à une augmentation importante des dépenses électorales favorisera bien entendu les grandes formations au détriment des petites et, surtout, s’inscrit dans une conception de la vie politique qui l’associe sans hésitation au monde de l’argent. Le modèle doit-il être celui où une élection présidentielle se gagne à coup de centaines de millions de dollars ? Nous voterons une nouvelle fois avec détermination contre une telle mesure.
En second lieu, je veux aborder la mise en cause de la règle actuelle de répartition du temps de parole, qui, là aussi, se fera au détriment du pluralisme.
La majorité de l’Assemblée nationale a confirmé le 24 mars sa version de la proposition de loi qui n’est, nous l’avons bien compris, qu’un projet gouvernemental déguisé.
Le texte dont le Sénat a été saisi en nouvelle lecture propose donc de nouveau, purement et simplement, de supprimer l’égalité du temps de parole durant la période dite intermédiaire, c’est-à-dire la période s’écoulant entre la publication des candidatures par le Conseil constitutionnel et l’ouverture de la campagne présidentielle officielle.
Au principe d’égalité, la majorité gouvernementale propose de substituer un principe d’équité, fondé en particulier sur la capacité d’animation du candidat ou de la candidate et sur son niveau dans les sondages !
Pourquoi ne pas avoir décidé de donner mission à un CSA transformé de faire respecter l’égalité du temps de parole plutôt que de procéder à de tels bidouillages, qui, là encore, et de manière caricaturale et provocatrice, remettent en cause le pluralisme et donc la démocratie ?
Faut-il que le pouvoir se sente faible pour procéder à de telles manœuvres destinées à le préserver… Les conditions d’examen de dispositions aussi essentielles sont indignes, et nous estimons que le Conseil constitutionnel devra en être saisi.
L’attitude du Gouvernement et de la majorité de l’Assemblée nationale est violente. Elle s’apparente à un coup de force que nous n’acceptons pas, et auquel nous appelons à résister, car l’esprit de résistance est dans nos gènes !
En démocratie, la voix du peuple trouve toujours son chemin, comme aujourd’hui, pour contester ce projet de loi détestable de casse du code du travail.
Nous nous opposons donc avec détermination et résolution à ces deux textes, et, ce qui est plus rare, nous voterons, en cohérence avec mes propos, la motion tendant à opposer la question préalable déposée par notre rapporteur. (Applaudissements sur les travées du groupe CRC et du groupe Les Républicains.)
M. Jean-François Husson. Très bien ! C’est un rassemblement œcuménique ! La modernité incarnée ! (Sourires.)
M. le président. La parole est à M. Alain Anziani.
M. Alain Anziani. Monsieur le président, monsieur le garde des sceaux, monsieur le rapporteur, mes chers collègues, le groupe socialiste et républicain du Sénat est en accord complet sur un point avec l’Assemblée nationale : les nouvelles modalités de présentation des candidats.
Par ailleurs, nous souscrivons à la moitié d’un autre point : les horaires d’ouverture des bureaux de vote.
M. Jean-François Husson. Il y aura bientôt des quarts de point ! (Sourires.)
M. Alain Anziani. Oui, il est bien d’aller vers un horaire unique ! Oui, nous pouvons admettre qu’il faille un aménagement pour le milieu urbain ! Cependant, envisager que les horaires puissent être différents pour l’élection présidentielle et, quelques mois plus tard, pour les élections législatives nous semble être une source de confusion.
En revanche, nous sommes en désaccord avec l’Assemblée nationale sur quatre points.
Tout d’abord, il y a le collège électoral des Français de l’étranger, dont Jean-Yves Leconte parlera sans doute.
Ensuite, il y a les délais de prise en compte des dépenses et des recettes dans les comptes de campagne. Nous sommes, sur ce point, favorables à la position du Gouvernement, qui consiste à ne pas modifier le droit actuel, même si des modifications seront nécessaires après l’élection présidentielle.
Par ailleurs, nous sommes en désaccord, évidemment, sur la question des sondages, mais Jean-Pierre Sueur, tout à l’heure, le dira avec force.
Enfin, nous divergeons également sur la problématique de l’accès aux médias, que je traiterai plus particulièrement.
M. le garde des sceaux vient de préciser, pour s’en féliciter, que cette proposition de loi organique tendait à opérer une clarification dans un domaine où personne ne comprend plus grand-chose. Je voudrais aussi contribuer à cette clarification avec le plus de netteté possible.
Quelle était la situation jusqu’en 2007 ? La publication de la liste des candidats au Journal officiel intervenait trois jours avant le début de la campagne officielle. Il n’y avait alors pas de difficultés, l’égalité totale entre candidats étant la règle pendant la campagne, comme le prévoit toujours le texte en discussion.
Sur demande du Conseil constitutionnel, il fut décidé à cette époque de porter le délai de trois jours à vingt et un jours, soit trois semaines, et d’en faire une période dite intermédiaire, durant laquelle devait prévaloir – tel fut le cas pour les élections de 2007 et de 2012 – la règle de l’égalité des temps de parole et de l’équité des temps d’antenne, que je préfère appeler temps de programmation, car je trouve que c’est plus clair.
Ce système a fonctionné, mais le CSA a fait observer que personne ne regardait ces émissions, qui n’intéressaient pas, soulignant que les temps d’antenne se réduisaient, preuve selon lui que ces émissions ennuyaient tout le monde. Bref, il a considéré que ce dispositif d’égalité et d’équité devait être revu.
C’est pourquoi les auteurs de cette proposition de loi organique préconisent de garder la même période intermédiaire de vingt et un jours, tout en généralisant le principe d’équité, tant pour les temps de parole que pour les temps d’antenne.
Évidemment, cette règle pose problème, d’abord pour savoir qui va être le juge de l’équité, qui ne peut plus être le pouvoir politique. Il s’agira, selon le texte, du CSA, sous réserve que le Conseil d’État ne soit pas parfois saisi sur quelque interprétation du CSA.
Ce dernier va juger selon deux critères.
Tout d’abord, il tiendra compte de la représentativité. Est-il opportun de déterminer le temps de parole ou d’antenne à l’élection présidentielle à partir de la représentativité acquise dans d’autres élections ? Je vous en laisse juges !
Ensuite, il devra considérer la contribution à l’animation des débats. Cette idée me laisse pantois ! Que signifie cette formulation ?
Si un moineau vient se poser ici sur ce pupitre,…
M. André Gattolin. Vous n’êtes pas Bernie Sanders ! (Sourires.)
M. Alain Anziani. … peut-on considérer qu’il s’agit d’une animation des débats, et donc que j’ai droit à plus de temps de parole ?
Si un candidat à l’élection présidentielle prétend que les femmes qui avortent doivent faire l’objet d’une sanction, est-ce une contribution forte à l’animation des débats, de sorte que ce candidat mériterait plus de temps d’antenne et plus d’exposition ?
Si un candidat veut exposer son programme économique, il emploiera un ton peut-être plus sérieux, plus pesant, et il n’est pas sûr que cela intéresse beaucoup les médias. Le CSA jugera-t-il alors qu’il ne s’agit pas d’une vraie contribution à l’animation des débats ?
Pour tout dire, cette règle me laisse très perplexe, car elle va, à mon sens, nous compliquer la vie si elle est adoptée telle quelle.
C’est la raison pour laquelle, sans hésiter, j’ai été l’un de ceux qui ont cosigné un amendement pour tenter de régler le problème principal à nos yeux, à savoir la longueur de la période intermédiaire, passée de trois jours à trois semaines. Réduire de trois semaines à dix jours la période intermédiaire ne me semblerait ni scandaleux ni inhumain.
Cet amendement me paraissait être de bon sens, mais il n’a plu ni à l’Assemblée nationale ni, semble-t-il, au Gouvernement, ce que je regrette. En effet, cette solution, tendant à réduire la période à dix jours et à rétablir les principes d’égalité du temps de parole et d’équité du temps d’antenne, comme actuellement, était susceptible de satisfaire à la fois le Conseil constitutionnel, le CSA et, j’ose le dire, la démocratie. (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste et républicain. – Mme Jacqueline Gourault applaudit également.)
M. le président. La parole est à M. André Gattolin.
M. André Gattolin. Monsieur le président, monsieur le garde des sceaux, monsieur le rapporteur, mes chers collègues, je veux dire en préambule que les écologistes contestent suffisamment la Ve République et sa concentration des pouvoirs pour, bien évidemment, souhaiter modifier les règles concernant sa clé de voûte, c’est-à-dire l’élection présidentielle.
Pourtant, à un peu plus d’un an de ladite élection, alors que les primaires, qui en constituent désormais le prologue, sont engagées, une telle démarche laisse perplexe. Il sera d’ailleurs difficile d’empêcher les citoyens, nos concitoyens, d’y soupçonner quelque calcul politique désespéré de dernière minute. Malheureusement, le contenu du texte n’est pas de nature à les rassurer.
Ainsi, comme toujours, derrière un beau titre et un discours de bon aloi sur la modernisation, on cherche surtout à masquer une logique de simple ravalement, qui n’est pas toujours inspirée par des intentions nobles politiquement. Cette logique vise plus la conservation des positions acquises que la modernisation telle qu’elle est attendue par le corps citoyen.
Finalement, si j’évalue l’impact possible de cette proposition de loi organique, notamment au regard de la discussion autour de l’équité et de l’égalité imposée par l’article 4, il me semble que l’on vise à favoriser les formations politiques dominantes et les candidats qui en sont issus dans la répartition du temps de parole lors de la période intermédiaire précédant la campagne. Naturellement, une telle disposition va conduire à réduire l’exposition des petits candidats, du moins ceux qui sont présentés comme tels, et des candidats émergents.
À mon sens, c’est là un vrai problème. Pour avoir été sondeur et analyste politique pendant de nombreuses années, j’ai pu constater une demande extrêmement forte de nos concitoyens, réaffirmée dans les sondages publiés récemment, notamment en janvier par le CEVIPOF, d’un renouvellement du corps politique et de la vie politique.
Dans toutes les enquêtes préélectorales et postélectorales que j’ai pu réaliser dans ma carrière professionnelle à l’occasion d’élections présidentielles, je puis vous dire que les gens étaient heureux d’avoir une offre très diversifiée au premier tour. Cela ne veut pas dire qu’ils soutenaient ces candidats, mais entendre et voir mis en scène un certain nombre de nouveaux acteurs de la vie politique était important pour eux. Or seule l’élection présidentielle, dans le cadre de nos institutions, permet de satisfaire ce désir.
Vouloir réduire l’offre sans tenir compte de ce souhait conduit à un système de reproduction. Nous sommes dans un pays fou, où pendant longtemps les candidats qui réussissaient le mieux à l’élection présidentielle étaient ceux qui avaient échoué les fois précédentes. Le candidat battu se représentait et progressait, parce qu’il avait acquis une notoriété lors des précédents scrutins, et donc une couverture médiatique plus élevée, une sorte de référencement.
Je signale que la modernité ne s’est imposée qu’en 2002, non pas en raison du résultat du scrutin, mais parce que, pour la première fois, les Français ont commencé à moins voter pour les candidats qui se représentaient à l’élection présidentielle. Et nous allons de plus en plus dans ce sens.
Or ce que le Gouvernement et la majorité de l’Assemblée nationale nous proposent, au nom d’une prétendue modernité, vise à entériner le droit et le pouvoir des médias à dicter le jeu. Cela revient à dire que, puisque les médias ne respectent pas la règle, il faut la changer. Mes chers collègues, faisons-nous le droit, la vie politique ou recherchons-nous simplement l’agrément des médias ?
Je vous rappelle que les médias audiovisuels bénéficient d’une délégation de service public, puisque l’État a le monopole des fréquences depuis la Deuxième Guerre mondiale. Le général de Gaulle l’avait voulu pour tirer les conséquences des dérives constatées avec les radios de l’entre-deux-guerres, privées en grande partie, et qui avaient largement collaboré. Aussi, quand nous donnons une accréditation à une chaîne d’information ou de radio pour émettre, nous l’assortissons de contraintes qu’elle doit respecter.
Par ailleurs, si nous considérons que ces chaînes ne respectent pas bien le temps de parole, agissons sur le service public ! Préalablement à chaque élection, et même hors des périodes d’élection, les partis politiques disposent de moments d’expression libre, dont on parle très peu. Or ces émissions sont programmées par le CSA à des heures de très faible audience – merci l’arbitre ! –, parce qu’il ne faut pas, au nom de la performance et de la compétitivité du service public, diffuser ces programmes, qui sont supposés faire moins d’audience, à des horaires de grande écoute.
Nous avons donc progressivement, et sans doute fort justement, réduit, régulé et encadré les dépenses de campagne électorale des partis ou des candidats, ce qui a conduit à placer les médias audiovisuels au centre du jeu.
Si l’on veut réduire l’exposition de certains candidats, c’est qu’on les considère comme moins légitimes, mais ils ont pourtant obtenu les 500 parrainages, qui sont justement censés leur conférer cette légitimité. S’il y a une règle à changer, c’est celle des parrainages, et non la règle du jeu postérieure à l’obtention des parrainages.
Il y aurait beaucoup à dire également sur la question de la participation. Il est certes important d’élargir les horaires d’ouverture des bureaux de vote, mais il faut bien voir que nous votons le dimanche, ce qui n’est pas très pratique quand viennent les beaux jours. Dans un certain nombre de pays, notamment au Canada, depuis plusieurs années, a été instauré le vote anticipé dans la semaine qui précède, et je puis vous dire que ce système est particulièrement efficace en termes de participation. Il constitue aussi un bon moyen de protéger le secret du vote, car il réduit le nombre de délégations données à des personnes supposées de confiance.
Pour toutes ces raisons, le groupe écologiste ne soutient pas la proposition de loi et ne s’opposera pas à la motion tendant à opposer la question préalable à l’examen de la proposition de loi organique, présentée par M. le rapporteur.
M. le président. La parole est à M. Hugues Portelli.
M. Hugues Portelli. Monsieur le président, monsieur le garde des sceaux, monsieur le rapporteur, je soutiendrai évidemment la motion présentée par mon groupe, mais je m’exprimerai ici à titre personnel.
Je trouve fort raisonnable que ce débat se termine rapidement dans notre assemblée, parce qu’il est parfaitement hypocrite, et ce, pour plusieurs raisons.
La première hypocrisie, rappelée par le rapporteur, dont je salue l’excellent travail, est que nous connaissons depuis des années les préconisations qu’il faut suivre. Au lendemain de l’élection présidentielle, le Conseil constitutionnel a fait connaître ses observations, comme il le fait toujours. Et comme chaque année d’élection présidentielle, la Commission nationale des comptes de campagne et des financements politiques a relevé les problèmes rencontrés.
Or, cette fois-là, comme les autres – je ne critiquerai donc pas le Gouvernement actuel, car j’aurais autant à dire à propos de ceux qui l’ont précédé ! –, nous n’avons pris le soin de lire ces observations et préconisations qu’à la veille de l’élection présidentielle qui arrive.
Et le comble de l’hypocrisie, c’est que, non seulement nous le faisons au dernier moment, ce qui réduit beaucoup nos marges de propositions pour le scrutin de 2017 – la tradition dite « républicaine » veut, en effet qu’on ne touche pas aux règles à la veille d’un scrutin –, mais nous nous offrons le luxe de faire des préconisations pour le scrutin qui se déroulera dans six ans, sans attendre ce que nous diront le Conseil constitutionnel et la Commission nationale des comptes de campagne au lendemain des élections de 2017 ! Autant dire qu’il n’est pas très sérieux de travailler ainsi !
La deuxième hypocrisie, c’est que nous connaissons parfaitement les vrais problèmes qui se posent à cette élection présidentielle.
Il va de soi que les candidats ne sont pas égaux. Tout le monde le sait, à commencer par eux ! Certains se présentent pour être élus ou, au moins, pour mesurer leur poids politique. Et ils s’en serviront pour faire pression sur celui qui sera élu et négocier des postes ministériels, voire pour demander Matignon.
M. Alain Néri. C’est la lutte des places ! (Sourires.)
M. Hugues Portelli. Bien sûr !
D’autres se présentent à l’élection présidentielle pour apporter un témoignage et marquer des points en vue des élections législatives qui suivront, car c’est sur la base des résultats auxdites élections que sera décidé le financement de leur parti.
C’est une évidence, tout le monde ne se présente pas à l’élection présidentielle pour les mêmes raisons. Les médias le savent, les électrices et les électeurs le savent, chacun le sait, on ne peut pas mettre tout le monde sur le même plan, même si, pour feindre de respecter la sacro-sainte règle de l’égalité, on va faire semblant de mettre tout le monde sur un pied d’égalité à deux reprises en l’espace de quinze jours, alors que la campagne dure un an.
L’égalité, on va faire mine de la pratiquer pendant les quelques jours qui précédent l’élection pour faire croire qu’on respecte tous les candidats et que leur poids devant les médias et les moyens de communication est le même. Puisque nous savons parfaitement que c’est faux, pourquoi essayer à tout prix de faire comme si c’était la réalité ?
La troisième hypocrisie concerne l’aspect financier de l’élection présidentielle. On voudrait nous faire croire qu’en France, une campagne présidentielle à deux tours coûterait 22,5 millions d’euros. Aux États-Unis, la dernière campagne présidentielle a coûté 1 milliard de dollars à chacun des deux candidats en lice. Certes, nous n’avons pas à nous comparer avec les États-Unis, mais nous pouvons constater l’existence d’une marge non négligeable entre 22,5 millions d’euros et 1 milliard de dollars.
M. Christophe Béchu, rapporteur. Il faut trouver un consensus !
M. Hugues Portelli. Et nous savons parfaitement qu’à l’heure actuelle, le candidat qui se bat pour gagner l’élection présidentielle ne peut pas faire une campagne électorale avec 22,5 millions d’euros. La somme est encore moins crédible dans l’hypothèse de l’organisation de primaires.
Comment font donc la Commission nationale des comptes de campagne et le Conseil constitutionnel ? Eh bien, ils font une cote mal taillée ! C’est au doigt mouillé qu’ils ont estimé à 300 000 euros le coût de la primaire pour le candidat élu en 2012. Ce n’est pas sérieux ! Même pour le candidat qui en est sorti vainqueur, on ne peut pas calculer le coût d’une campagne de la sorte.
Si nous avions travaillé en temps et en heure, nous aurions dit que la primaire a un coût, un coût que nous aurions chiffré et intégré ou non dans le coût de la campagne présidentielle. Pour faire cela, il faut s’y prendre à l’avance ! Cela ne se fait pas à la veille du scrutin, pas plus qu’on ne pose aujourd’hui les règles qui s’appliqueront en 2022.
Vous le voyez bien, le débat que nous avons aujourd’hui ne répond à aucune de ces problématiques. Ce qu’on nous propose, c’est de bricoler à la marge, de légiférer sur le temps qui sépare la validation des candidatures par le Conseil constitutionnel et le début de la campagne officielle, de définir les horaires des opérations de vote – faut-il ajouter ou soustraire une heure pour l’exercice du droit de vote des électeurs ? Ces aspects ne sont certes pas dépourvus d’intérêt, mais l’essentiel est ailleurs, et le texte n’en parle pas.
Nous avions déposé, Jean-Pierre Sueur et moi-même, il y a déjà pas mal de temps, une proposition de loi sur les sondages visant à mieux garantir la sincérité du débat politique et électoral. Le Sénat l’a votée, ce dont nous le remercions.
Il est évident que les sondages sont un élément clé de la campagne pour l’élection présidentielle. Il n’en est pas question dans la proposition de loi organique. La raison de ce silence est très simple : à partir du moment où ils sont au pouvoir, ceux qui gouvernent, qu’ils soient de gauche ou de droite, n’ont plus du tout envie qu’on réglemente les sondages. Ils sont en effet trop liés aux instituts de sondage qu’ils font vivre avec les moyens gouvernementaux – parfois même illégalement, s’agissant de certains ! –, pour qu’on ose toucher au magot ainsi distribué. On ne se risque même pas à demander à ces instituts les recettes de cuisine ni les ingrédients utilisés pour obtenir le résultat et fabriquer leurs quotas.
Les sondages d’opinion étant écartés du texte qui nous est soumis, nous en resterons aux règles qui remontent à 1977 et qui ont été vaguement mises à jour il y a une quinzaine d’années.
Mes chers collègues, vous ne manquerez pas de reconnaître en votre for intérieur que tout cela n’est pas sérieux et que nous donnons une image lamentable du travail législatif. Il n’est pas possible de continuer ainsi !
Reprenons-nous, essayons d’être un peu sérieux et honnêtes. Disons au Gouvernement que ce qu’il fait n’est pas bien, mais ce n’est pas mieux que ce qu’avait fait le gouvernement qui l’a précédé ! (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains et de l’UDI-UC et sur quelques travées du RDSE.)
M. Christophe Béchu, rapporteur. Sur ce point !
M. le président. La parole est à M. Jean-Pierre Sueur.
M. Jean-Pierre Sueur. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, je vais parler moi aussi de cette question des sondages.
Mme Éliane Assassi. Ah !
M. Jean-Pierre Sueur. Monsieur le garde des sceaux, vous connaissez les termes du débat. Voilà six ans, Hugues Portelli et moi-même avons rédigé un rapport pour la commission des lois qui s’est traduit par une proposition de loi adoptée à l’unanimité par le Sénat un an plus tard.
Je le dis à celui qui, après avoir exercé la fonction de président de la commission des lois de l’Assemblée nationale, est maintenant garde des sceaux : il est profondément anormal qu’une proposition de loi sur un sujet aussi important n’ait jamais été, en cinq années, inscrite à l’ordre du jour de l’Assemblée nationale ! (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains.)
Monsieur le garde des sceaux, il appartient, bien entendu, aux groupes politiques de le faire, mais, comme vous le savez, le Gouvernement peut lui aussi prendre cette initiative. Et il me paraît impensable que l’on ne revoie pas la loi sur les sondages avant la prochaine élection présidentielle !
Lors d’une campagne présidentielle, on compte cinq sondages par jour…
M. Charles Revet. Eh oui !
M. Jean-Pierre Sueur. Lorsque l’on voit le résultat, 48 %-52 % ou 49 %-51 %,…
M. Pierre-Yves Collombat. Cela laisse une marge d’erreur !
M. Jean-Pierre Sueur. … on ne dit rien si on ignore la marge d’erreur. Certains m’ont dit que c’était trop compliqué à comprendre. Mais la vérité n’est pas compliquée, la vérité, c’est la vérité !
On n’a jamais tiré les conséquences de ce qui s’est passé en 2002. Bien des gens pensaient que Lionel Jospin devancerait nécessairement Jean-Marie Le Pen au premier tour, parce que les sondages le plaçaient ainsi. Pourtant, en examinant attentivement les sondages de la dernière semaine, il était tout aussi évident que l’ordre pouvait s’inverser. Il suffisait de regarder la marge d’erreur, eu égard aux effectifs, parfois tout à fait insuffisants, à partir desquels les sondages sont réalisés.
Monsieur le ministre, il y a une solution très simple : il reste une dernière lecture à l’Assemblée nationale la semaine prochaine.
M. Charles Revet. Très bien ! Il faut le faire !
M. Jean-Pierre Sueur. La commission des lois du Sénat a décidé de revoter les amendements que nous défendons conjointement, Hugues Portelli et moi-même, avec le rapporteur Christophe Béchu, que je tiens à saluer particulièrement.
Il est tout à fait possible d’adopter le texte ainsi modifié et il est possible que l’Assemblée nationale l’adopte la semaine prochaine. La chose est d’autant plus possible que, vous le savez, monsieur le ministre, la majorité de la commission des lois de l’Assemblée nationale a approuvé ces amendements la semaine dernière.
Au demeurant, elle les avait déjà approuvés il y a quelques années. Vous avez dit que la majorité était différente. Très franchement, tout le monde voit bien que, sur ce sujet, il y a eu ici un accord et que rien n’empêche qu’il y en ait un à l’Assemblée nationale.
J’ai remarqué que vous aviez énoncé deux objections. Première objection, la Commission des sondages n’aurait pas été entendue. Mais nous l’avons reçue trois fois et longuement ! Donc, elle a bien été entendue.
Deuxième objection, vous avez évoqué un problème de conformité à la Convention européenne des droits de l’homme. Pensez-vous qu’une modification de la loi de 1977 ferait courir à notre pays un risque en matière de respect des droits de l’homme ?
Monsieur le ministre, pensez-vous que nous allons porter atteinte aux droits de l’homme en inscrivant par exemple dans la loi – comme nous proposons de faire s’agissant des sondages – qu’il faut identifier clairement qui commande le sondage, qui le fait, qui le publie et qui le paie – problème qui n’est quand même pas le fruit de notre imagination ? Pensez-vous que la publication des marges d’erreur porte atteinte aux droits de l’homme ?
Allons-nous mettre ces droits en péril en demandant qu’il soit fourni à la Commission des sondages, pour chaque sondage, un certain nombre de renseignements, notamment les questions posées ? En effet, si les publications mentionnent souvent la réponse, elles passent la question sous silence. De plus, on ne publie que certaines réponses. Or, il y a des effets de halo d’une question sur l’autre. En réclamant ces précisions, croyez-vous vraiment que nous portons atteinte aux droits de l’homme ?
En demandant les principes en vertu desquels les redressements sont effectués pour assurer la transparence et permettre un débat sur les sondages, portons-nous atteinte aux droits de l’homme ? Très franchement, il y a là un argument que nous ne pouvons pas retenir !
M. Robert del Picchia. Très bien !
M. Jean-Pierre Sueur. La solution est très simple, monsieur le ministre, et elle est à portée de main, si le Gouvernement souhaite la tendre…
Dernier point, puisque l’Assemblée nationale elle-même a intégré dans la proposition de loi, avec l’accord du Gouvernement, des dispositions qui ne sont pas liées à l’élection présidentielle, on ne peut pas nous dire que les sondages sont en dehors du sujet.
Nous avons en effet pris soin de ne retenir que les dispositions liées à l’élection présidentielle. Ainsi, nous n’avons pas retenu – et il faudrait le faire une autre fois – la nouvelle composition que nous proposons pour la Commission des sondages. En effet, même si nous avons le plus grand respect pour toutes les personnes qui siègent actuellement au sein de ladite commission, il ne serait sans doute pas inutile d’y inclure un statisticien.
Mes chers collègues, je pense avoir été clair. Monsieur le ministre, j’espère vous avoir convaincu qu’il y a une manière de sortir de ce sujet par le haut. La solution est entre vos mains. Je vous remercie de ne pas nous décevoir ! (Applaudissements sur certaines travées du groupe socialiste et républicain, sur les travées du groupe Les Républicains, de l’UDI-UC et du RDSE.)
M. le président. La discussion générale commune est close.
proposition de loi organique de modernisation des règles applicables à l'élection présidentielle
M. le président. Nous passons à la discussion de la motion tendant à opposer la question préalable.
Question préalable
M. le président. Je suis saisi, par M. Béchu, au nom de la commission, d’une motion n°1.
Cette motion est ainsi rédigée :
En application de l’article 44, alinéa 3, du règlement, le Sénat décide qu’il n’y a pas lieu de poursuivre la délibération sur la proposition de loi organique de modernisation des règles applicables à l’élection présidentielle (n° 501, 2015-2016).
Je rappelle que, en application de l’article 44, alinéa 8, du règlement du Sénat, ont seuls droit à la parole sur cette motion l’auteur de l’initiative ou son représentant, pour dix minutes, un orateur d’opinion contraire, pour dix minutes également, le président ou le rapporteur de la commission saisie au fond et le Gouvernement.
En outre, la parole peut être accordée pour explication de vote, pour une durée n’excédant pas deux minutes et demie, à un représentant de chaque groupe.
La parole est à M. le rapporteur, pour la motion.
M. Christophe Béchu, rapporteur. Je crois avoir déjà largement insisté sur les raisons pour lesquelles nous n’avons pas vocation à voter ce texte.
Mme Jacqueline Gourault. Heureusement !
M. Christophe Béchu, rapporteur. Je ne crois pas nécessaire d’ajouter quoi que ce soit.
Compte tenu de l’impossibilité de trouver un accord, ne prolongeons pas les débats inutilement et préservons du temps pour traiter les sujets sur lesquels il est encore possible de construire des compromis.
Espérons que le recours à cette procédure, que nous regrettons – puisque notre assemblée est au contraire profondément attachée au débat –, sera de nature à inciter nos collègues de l’Assemblée nationale à se demander comment faire pour éviter que de telles circonstances ne se reproduisent.
Pour vous dire le fond de ma pensée, s’il n’y a pas d’accord entre les deux assemblées – et tel sera le cas si cette motion est adoptée –, cela supposera qu’une majorité absolue soit trouvée à l’Assemblée nationale. Or aucun groupe ne détient désormais cette majorité absolue à lui seul. Dans ces conditions, la position du Sénat contribuera, d’une certaine manière, à mettre la pression sur les éventuels alliés de la majorité à l’Assemblée nationale.
Pour les raisons que j’ai déjà évoquées plus tôt, je vous invite à adopter cette question préalable.
M. Philippe Bas, président de la commission des lois constitutionnelles, de législation, du suffrage universel, du règlement et d’administration générale. Très bien !
M. le président. La parole est à M. Alain Anziani, contre la motion.
M. Alain Anziani. Nous ne voterons pas cette motion tendant à opposer la question préalable. Nous comprenons sa motivation, mais elle a cet effet particulier de faire disparaître tous les débats.
Elle fera disparaître le débat avec l’Assemblée nationale – ce qui est concevable, puisque les députés n’ont pas fait preuve de beaucoup de compréhension à notre égard.
Elle fera disparaître le débat avec le Gouvernement. Or je pense, comme nous venons de le voir, qu’il pouvait se poursuivre sur un certain nombre de points.
La question préalable fera aussi disparaître le débat entre nous, ici même au Sénat, sur un certain nombre de questions. Parce que nous avons des divergences et des points de vue parfois différents, je pense qu’il aurait été utile d’examiner ces questions soumises à débat.
M. le président. La parole est à M. le garde des sceaux.
M. Jean-Jacques Urvoas, garde des sceaux. Le Gouvernement est naturellement défavorable à cette motion tendant à opposer la question préalable.
Aux responsabilités citées par votre excellent rapporteur, j’en ajouterai une autre. J’ai en effet été l’auteur de ce texte. Je suis maintenant ministre et vais donc défendre la position du Gouvernement, que je continuerai à représenter tout à l’heure face à la commission des lois lors de l’examen du texte améliorant l’efficacité et les garanties de la procédure pénale.
Je précise donc que j’ai également été rapporteur de ce texte à l’Assemblée nationale. Du coup, je crois qu’il ne me manquera plus que de siéger au Conseil constitutionnel, qui sera consulté sur cette proposition de loi organique…
M. Éric Bocquet. Cela peut venir ! (Sourires.)
Mme Cécile Cukierman. Vous êtes trop jeune pour siéger au Conseil constitutionnel ! (Nouveaux sourires.)
M. Jean-Jacques Urvoas, garde des sceaux. J’aurai ainsi exercé toutes les fonctions qui peuvent l’être dans le cadre de l’élaboration d’un texte législatif !
Plus sérieusement, le Gouvernement est défavorable à cette motion, car il souhaite que le débat ait lieu.
Je sais qu’on peut prêter beaucoup au Gouvernement. Dans le cas d’espèce, le Parlement dispose de tous les pouvoirs et il suffit qu’il les exerce. Ce n’est pas le Gouvernement qui a décidé l’échec de la commission mixte paritaire. Ce n’est pas le Gouvernement qui a décidé des compromis impossibles à réaliser. Ce n’est pas le Gouvernement qui peut aller contre la volonté de l’une ou l’autre des assemblées.
Le Gouvernement est disponible. Il prend acte de ce qui se passe et il continue la procédure législative. Nous souhaitons que le Sénat puisse se prononcer pour qu’une lecture définitive ait ensuite lieu à l’Assemblée nationale.
M. le président. Personne ne demande la parole ?…
Je mets aux voix la motion n° 1, tendant à opposer la question préalable.
Je rappelle que l’adoption de cette motion entraînerait le rejet de la proposition de loi organique.
Je rappelle en outre que l’avis du Gouvernement est défavorable.
En application de l’article 59 du règlement, le scrutin public ordinaire est de droit.
Il va être procédé au scrutin dans les conditions fixées par l’article 56 du règlement.
Le scrutin est ouvert.
(Le scrutin a lieu.)
M. le président. Personne ne demande plus à voter ?…
Le scrutin est clos.
J’invite Mmes et MM. les secrétaires à procéder au dépouillement du scrutin.
(Il est procédé au dépouillement du scrutin.)
M. le président. Voici, compte tenu de l’ensemble des délégations de vote accordées par les sénateurs aux groupes politiques et notifiées à la présidence, le résultat du scrutin n° 192 :
Nombre de votants | 344 |
Nombre de suffrages exprimés | 337 |
Pour l’adoption | 228 |
Contre | 109 |
Le Sénat a adopté.
En conséquence, la proposition de loi organique de modernisation des règles applicables à l’élection présidentielle est rejetée.
Nous passons à la discussion de la proposition de loi, dans le texte de la commission.
proposition de loi de modernisation des règles applicables à l’élection présidentielle
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Article additionnel avant l’article 1er A
M. le président. L’amendement n° 1, présenté par M. del Picchia, est ainsi libellé :
Avant l’article 1er A
Insérer un article additionnel ainsi rédigé :
Après le premier alinéa de l’article L. 330–4 du code électoral, il est inséré un alinéa ainsi rédigé :
« Les listes électorales consulaires sont communiquées à la condition de s’engager à ne pas en faire un usage étranger à sa finalité électorale ou à l’exercice du mandat d’élu. »
La parole est à M. Robert del Picchia.
M. Robert del Picchia. L’objet de cet amendement est très simple ; il résulte de l’oubli d’une partie de phrase dans la loi aujourd’hui en vigueur.
Celle-ci dispose que les listes électorales des Français de l’étranger peuvent, comme celles des Français résidant sur le territoire national, être communiquées non seulement aux élus et aux partis politiques, mais aussi à tout électeur en faisant la demande. Or on a oublié de faire figurer l’interdiction de toute utilisation commerciale de cette liste, interdiction en vigueur pour les listes électorales communales. Dès lors, plusieurs opérations commerciales ont pu être menées, en Espagne ou encore en Belgique, sur la base des listes électorales consulaires.
Voilà pourquoi j’ai décidé de déposer cet amendement visant à rectifier une situation qui porte tort aux élus que nous sommes et constitue un manque de respect pour l’esprit de la loi électorale.
M. le président. Quel est l’avis de la commission ?
M. Christophe Béchu, rapporteur. J’exprimerai plutôt, à vrai dire, l’avis du seul rapporteur et ne pourrai qu’extrapoler celui de la commission, dans la mesure où cette dernière n’a pu se réunir pour examiner cet amendement.
Je voudrais d’emblée remercier notre collègue Robert del Picchia pour la vigilance dont il a fait montre en repérant ce problème que personne avant lui n’avait remarqué.
Dans l’état actuel du droit, l’article R. 16 du code électoral interdit explicitement l’usage à des fins commerciales des listes électorales communales. Or, comme l’a justement relevé notre collègue, cette interdiction ne figure pas dans les articles relatifs aux listes électorales consulaires.
Toutefois, la vigilance même de notre collègue exige à présent qu’il retire son amendement. En effet, celui-ci est malheureusement irrecevable. Or sa proposition, par sa qualité même, mérite mieux que la sanction de l’irrecevabilité : il faudrait plutôt lui trouver un véhicule législatif adapté.
M. le garde des sceaux évoquait tout à l’heure la proposition de loi récemment déposée à l’Assemblée nationale par Mme Élisabeth Pochon et M. Jean-Luc Warsmann. Ce texte constituerait à mes yeux le véhicule idéal où intégrer la proposition formulée dans votre amendement. Je ne doute pas que le Gouvernement, la commission des lois ou vous-même, mon cher collègue, y veillerez, car ce serait vraiment faire œuvre utile.
Pour autant, je vous demande de bien vouloir aujourd’hui retirer votre amendement.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. Jean-Jacques Urvoas, garde des sceaux. Il est le même que celui du rapporteur. Vous n’ignorez pas, monsieur le sénateur del Picchia, que les députés évoqués à l’instant par M. le rapporteur ont récemment déposé à l’Assemblée nationale deux propositions de loi et une proposition de loi organique, cette dernière portant spécifiquement sur les modalités d’inscription sur les listes électorales des Français établis hors de France. Le Gouvernement compte faire inscrire ce texte à l’ordre du jour de l’Assemblée nationale en juin prochain et à celui du Sénat en juillet.
Naturellement, la rectification que votre amendement vise à apporter est pertinente : il faut bien évidemment éviter toute utilisation commerciale d’un document qui n’a pas cette vocation. Cette rectification trouvera donc parfaitement sa place dans cette proposition de loi organique.
M. le président. Monsieur del Picchia, l’amendement n° 1 est-il maintenu ?
M. Robert del Picchia. J’ai bien entendu les arguments de M. le rapporteur et de M. le ministre. Je retirerai donc volontiers cet amendement, quitte à le défendre à nouveau en juillet prochain.
Ce sujet est, à mes yeux, extrêmement important. En effet, aujourd’hui, le ministère des affaires étrangères, quand il est saisi par les élus des Français de l’étranger, ne dispose d’aucun moyen juridique pour empêcher ces abus commerciaux, ces réelles malversations, pour ne pas dire plus, auxquelles il faut mettre fin rapidement !
Cela dit, je retire mon amendement, monsieur le président.
M. le président. L’amendement n° 1 est retiré.
Article 1er A
(Supprimé)
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Article 2 ter
La loi n° 77–808 du 19 juillet 1977 relative à la publication et à la diffusion de certains sondages d’opinion est ainsi modifiée :
1° L’article 1er est ainsi rédigé :
« Art. 1er. – Un sondage est, quelle que soit sa dénomination, une enquête statistique visant à donner une indication quantitative, à une date déterminée, des opinions, souhaits, attitudes ou comportements d’une population par l’interrogation d’un échantillon.
« Sont régis par la présente loi, les sondages publiés, diffusés ou rendus publics sur le territoire national, portant sur des sujets liés, de manière directe ou indirecte, au débat électoral.
« Les personnes interrogées sont choisies par l’organisme réalisant le sondage de manière à obtenir un échantillon représentatif de la population concernée.
« Sont assimilées à des sondages pour l’application de la présente loi les opérations de simulation de vote réalisées à partir de sondages liés au débat électoral.
1° bis Les articles 2 et 3 sont ainsi rédigés :
« Art. 2. – La première publication ou la première diffusion de tout sondage, tel que défini à l’article 1er, est accompagnée des indications suivantes, établies sous la responsabilité de l’organisme qui l’a réalisé :
« 1° Le nom de l’organisme ayant réalisé le sondage ;
« 2° Le nom et la qualité du commanditaire du sondage ou de la partie du sondage, ainsi que ceux de l’acheteur s’il est différent ;
« 3° Le nombre de personnes interrogées ;
« 4° La ou les dates auxquelles il a été procédé aux interrogations ;
« 5° Le texte intégral de la ou des questions posées sur des sujets mentionnés au deuxième alinéa de l’article 1er ;
« 6° Une mention précisant que tout sondage est affecté de marges d’erreur ;
« 7° Les marges d’erreur des résultats publiés ou diffusés, le cas échéant par référence à la méthode aléatoire ;
« 8° Une mention indiquant le droit de toute personne à consulter la notice prévue à l’article 3.
« Les informations mentionnées aux 5° et 7° peuvent figurer sur le service de communication au public en ligne de l’organe d’information qui publie ou diffuse le sondage. Dans ce cas, l’organe d’information indique l’adresse internet de ce service.
« Art. 3. – Avant la publication ou la diffusion de tout sondage tel que défini à l’article 1er, l’organisme qui l’a réalisé procède au dépôt auprès de la commission des sondages instituée en application de l’article 5 d’une notice précisant au minimum :
« 1° Toutes les indications figurant à l’article 2 ;
« 2° L’objet du sondage ;
« 3° La méthode selon laquelle les personnes interrogées ont été choisies, le choix et la composition de l’échantillon ;
« 4° Les conditions dans lesquelles il a été procédé aux interrogations ;
« 5° La proportion des personnes n’ayant pas répondu à l’ensemble du sondage et à chacune des questions ;
« 6° S’il y a lieu, la nature et la valeur de la gratification perçue par les personnes interrogées ;
« 7° S’il y a lieu, les critères de redressement des résultats bruts du sondage.
« Dès la publication ou la diffusion du sondage :
« – toute personne a le droit de consulter auprès de la commission des sondages la notice prévue par le présent article ;
« – cette commission rend publique cette notice sur son service de communication au public en ligne. » ;
2° L’article 3–1 est abrogé ;
3° L’article 4 est ainsi rédigé :
« Art. 4. – L’organisme ayant réalisé un sondage, tel que défini à l’article 1er, remet à la commission des sondages instituée en application de l’article 5, en même temps que la notice, les documents sur la base desquels le sondage a été publié ou diffusé. » ;
4° Les deuxième à dernier alinéas de l’article 5 sont remplacés par un alinéa ainsi rédigé :
« La commission a tout pouvoir pour vérifier que les sondages, tels que définis à l’article 1er, ont été commandés, réalisés, publiés ou diffusés conformément à la présente loi et aux textes réglementaires applicables. » ;
5° L’article 9 est ainsi rédigé :
« Art. 9. – La commission des sondages peut, à tout moment, ordonner à toute personne qui publie ou diffuse un sondage, tel que défini à l’article 1er, commandé, réalisé, publié ou diffusé en violation de la présente loi et des textes réglementaires applicables ou en altérant la portée des résultats obtenus, de publier ou diffuser une mise au point ou, le cas échéant, de mentionner les indications prévues à l’article 2 qui n’auraient pas été publiées ou diffusées. La mise au point est présentée comme émanant de la commission. Elle est, suivant le cas, diffusée sans délai et de manière que lui soit assurée une audience équivalente à celle de ce sondage, ou insérée dans le plus prochain numéro du journal ou de l’écrit périodique à la même place et en mêmes caractères que l’article qui l’aura provoquée et sans aucune intercalation.
« En outre, lorsque la publication, la diffusion ou le commentaire du sondage est intervenu pendant la semaine précédant un tour de scrutin, les sociétés nationales de programme programment et diffusent sans délai la mise au point de la commission des sondages, sur demande écrite de celle-ci. » ;
6° L’article 11 est ainsi rédigé :
« Art. 11. – En cas d’élections générales et de référendum, la veille et le jour de chaque scrutin, aucun sondage électoral ne peut faire l’objet, par quelque moyen que ce soit, d’une publication, d’une diffusion ou d’un commentaire. Pour l’élection du Président de la République, l’élection des députés et l’élection des représentants au Parlement européen ainsi que pour les référendums nationaux, cette interdiction prend effet sur l’ensemble du territoire national à compter du samedi précédant le scrutin à zéro heure. Cette interdiction prend fin à la fermeture du dernier bureau de vote sur le territoire métropolitain.
« En cas d’élections partielles, cette interdiction ne s’applique qu’aux sondages électoraux portant directement ou indirectement sur les scrutins concernés et prend fin à la fermeture du dernier bureau de vote de la circonscription électorale concernée.
« Cette interdiction ne fait obstacle ni à la poursuite de la diffusion de sondages publiés avant la veille de chaque scrutin, ni au commentaire de ces sondages, à condition que soient indiqués la date de première publication ou diffusion, le média qui les a publiés ou diffusés et l’organisme qui les a réalisés. » ;
7° L’article 12 est ainsi rédigé :
« Art. 12. – Est puni d’une amende de 75 000 € :
« 1° Le fait d’utiliser le mot : “sondage” pour des enquêtes portant sur des sujets liés, de manière directe ou indirecte, au débat électoral et qui ne répondent pas à la définition du sondage énoncée à l’article 1er ;
« 2° Le fait de commander, réaliser, publier ou laisser publier, diffuser ou laisser diffuser un sondage en violation de la présente loi et des textes réglementaires applicables ;
« 3° Le fait de ne pas publier ou diffuser une mise au point demandée par la commission des sondages en application de l’article 9, ou de la publier ou diffuser dans des conditions contraires à ce même article ;
« 4° Le fait d’entraver l’action de la commission des sondages dans l’exercice de sa mission de vérification définie à l’article 5.
« La décision de justice est publiée ou diffusée par les mêmes moyens que ceux par lesquels il a été fait état du sondage publié ou diffusé en violation des dispositions de la présente loi. » ;
8° L’article 14 est ainsi rédigé :
« Art. 14. – La présente loi est applicable en Nouvelle-Calédonie, en Polynésie française et dans les îles Wallis et Futuna.
« Pour l’application du premier alinéa de l’article 11 dans les collectivités régies par l’article 73 et l’article 74 de la Constitution et en Nouvelle-Calédonie, cette interdiction prend fin à la fermeture du dernier bureau de vote de la collectivité. Pour l’élection du Président de la République, l’élection des députés et l’élection des représentants au Parlement européen ainsi que pour les référendums nationaux, la règle prévue à la précédente phrase s’applique lorsque la fermeture du dernier bureau de vote est plus tardive que celle sur le territoire métropolitain.
« L’interdiction prévue au premier alinéa de l’article 11 n’est pas applicable aux élections régies par les articles L. 330-11 et L. 397 du code électoral. »
M. le président. Je mets aux voix l’article 2 ter.
(L’article 2 ter est adopté.)
Articles 2 quater et 2 quinquies
(Suppression maintenue)
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M. le président. Les autres dispositions de la proposition de loi ne font pas l’objet de la nouvelle lecture.
Vote sur l’ensemble
M. le président. Personne ne demande la parole ?…
Je mets aux voix, dans le texte de la commission, l’ensemble de la proposition de loi de modernisation des règles applicables à l’élection présidentielle.
(La proposition de loi est adoptée.)
M. le président. La parole est à M. le président de la commission des lois.
M. Philippe Bas, président de la commission des lois constitutionnelles, de législation, du suffrage universel, du règlement et d'administration générale. Monsieur le président, avant de reprendre l’examen du projet de loi renforçant la lutte contre le crime organisé, le terrorisme et leur financement, et améliorant l’efficacité et les garanties de la procédure pénale, la commission doit se réunir pour examiner plusieurs amendements du Gouvernement sur ce texte.
Je sollicite donc une suspension de séance d’un quart d’heure.
M. le président. Mes chers collègues, conformément à la demande exprimée par M. le président de la commission des lois, nous allons interrompre nos travaux pour quelques instants.
La séance est suspendue.
(La séance, suspendue à midi, est reprise à douze heures vingt.)
M. le président. La séance est reprise.
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Lutte contre le crime organisé et le terrorisme
Suite de la discussion en procédure accélérée d’un projet de loi dans le texte de la commission
M. le président. L’ordre du jour appelle la suite de la discussion du projet de loi, adopté par l’Assemblée nationale après engagement de la procédure accélérée, renforçant la lutte contre le crime organisé, le terrorisme et leur financement, et améliorant l’efficacité et les garanties de la procédure pénale (projet n° 445, texte de la commission n° 492 rectifié, rapport n° 491, tomes I et II, avis nos 476 et 474).
Dans la discussion du texte de la commission, nous en sommes parvenus, au sein du chapitre IV du titre Ier, aux amendements portant articles additionnels après l’article 16 septies.
Titre Ier (suite)
Dispositions renforçant la lutte contre le crime organisé, le terrorisme et leur financement
Chapitre IV (suite)
Dispositions améliorant la lutte contre le blanchiment et le financement du terrorisme
Articles additionnels après l’article 16 septies
M. le président. Je suis saisi de deux amendements identiques.
L’amendement n° 32 rectifié quater est présenté par MM. Vasselle, Grand et Trillard, Mmes Duchêne et Garriaud-Maylam, MM. Joyandet, D. Laurent et Karoutchi, Mme Cayeux, MM. Bouchet, B. Fournier, Bizet, G. Bailly, Milon et Laufoaulu, Mme Imbert, M. Buffet, Mme M. Mercier, M. Chaize, Mme Deseyne, M. Laménie, Mme Lopez, MM. Houpert et Pellevat, Mmes Hummel, Micouleau et Lamure, MM. de Raincourt, Chasseing, Mandelli, Doligé et Pointereau, Mmes Deroche et Mélot et MM. Rapin et Revet.
L’amendement n° 54 rectifié bis est présenté par MM. Yung et Vincent.
Ces deux amendements sont ainsi libellés :
Après l’article 16 septies
Insérer un article additionnel ainsi rédigé :
L’article 421-1 du code pénal est complété par un alinéa ainsi rédigé :
« …° Les atteintes en matière de propriété intellectuelle définies aux articles L. 335-2 à L. 335-4-2, L. 521-1, L. 615-1 et L. 716-1 du code de la propriété intellectuelle. »
La parole est à M. Alain Vasselle, pour présenter l’amendement n° 32 rectifié quater.
M. Alain Vasselle. Cet amendement a pour objet de renforcer les dispositions législatives en vigueur relatives à la contrefaçon.
La contrefaçon s’apparente aujourd’hui à une véritable « industrie » criminelle mondiale, florissante, qui se positionne au deuxième rang des grands commerces illicites mondiaux. Les derniers chiffres disponibles viennent illustrer cette inquiétante tendance. En moins de dix ans, ce trafic aurait plus que doublé, passant de 650 milliards de dollars en 2008 à 1 700 milliards de dollars en 2015. La contrefaçon détruit au sein des pays du G20 environ 2,5 millions d’emplois et fait perdre environ 62 millions d’euros de recettes fiscales.
Il est aujourd’hui urgent d’en réaliser toute la gravité, d’autant plus que la contrefaçon se révèle une source de financement privilégiée de la criminalité organisée et des organisations terroristes, plus importante encore que le trafic de drogues, le blanchiment d’argent et la corruption. Le rapport « Contrefaçon et terrorisme », remis par l’Union des fabricants pour la protection internationale de la propriété intellectuelle, l’UNIFAB, au ministre des finances et des comptes publics, Michel Sapin, le 28 janvier 2016, met en exergue l’implication des groupes terroristes dans le trafic de produits contrefaisants, trafic très lucratif, discret et peu risqué.
Malgré cela, la contrefaçon est encore trop souvent considérée comme un délit mineur par l’opinion publique, mais également par les enquêteurs et les magistrats. La contrefaçon demeure une infraction peu recherchée sur initiative, pour laquelle les moyens d’enquêtes sont peu fournis. Au demeurant, aucune disposition législative n’existe aujourd’hui qui permette aux officiers de police judiciaire et aux magistrats de faire le lien entre terrorisme et contrefaçon.
Bénéfices, impunité, tolérance : ces lacunes et failles juridiques sont exploitées par les réseaux de contrefacteurs. L’adoption de mesures concrètes est aujourd’hui indispensable pour ne pas encourager cette activité illicite aux répercussions graves et pour adapter la logique répressive, afin d’offrir de nouveaux moyens d’action aux services enquêteurs et à l’autorité judiciaire.
Cet amendement vise à remédier à la situation en insérant le délit de contrefaçon en bande organisée dans la liste des infractions susceptibles d’être commises « en relation avec une entreprise individuelle ou collective ayant pour but de troubler gravement l’ordre public par l’intimidation ou la terreur » de l’article 421-1 du code pénal. Le délit d’initié, le blanchiment et le recel de vol figurent déjà dans cette liste comme délits de criminalité astucieuse. On comprend donc mal aujourd’hui pourquoi la contrefaçon en bande organisée en serait exclue, alors même que la rédaction actuelle de l’article 421-1 du code pénal semble clairement en faveur d’une conception globale du terrorisme.
M. le président. Veuillez conclure, mon cher collègue !
M. Alain Vasselle. Je ne termine pas la lecture de l’exposé des motifs de cet amendement, mes chers collègues, pour permettre à M. le président de faire respecter le temps de parole.
M. le président. La parole est à M. Richard Yung, pour présenter l’amendement n° 54 rectifié bis.
M. Richard Yung. Cet amendement vise également à inclure le délit de contrefaçon dans la liste des infractions pouvant constituer des actes de terrorisme ou être liées à des actes de terrorisme qui figure à l’article 421-1 du code pénal. Cela part du constat qu’il existe un lien incontestable entre la contrefaçon et le financement du terrorisme ; vous avez tous en tête des exemples récents, y compris en France, de financement d’attentats soit, à l’échelon local, par du petit délit de contrefaçon, soit de façon beaucoup plus organisée par de grandes bandes.
Il convient de tirer les conséquences de cette situation et de durcir les sanctions applicables aux délits de contrefaçon qui « sont intentionnellement en relation avec une entreprise individuelle ou collective ayant pour but de troubler gravement l’ordre public par l’intimidation ou la terreur ».
Le déclenchement du dispositif prévu à l’article 421-1 du code pénal permettrait d’aggraver les peines encourues par les contrefacteurs, qu’il s’agisse des peines principales – six ans d’emprisonnement en cas de délit simple, sept ans d’emprisonnement en cas de délit aggravé – ou des peines complémentaires – interdiction des droits civiques, interdiction d’exercer une fonction publique, etc.
Je sais que cet amendement rencontre une résistance de la part des plus éminents juristes. Il serait en effet impossible d’appliquer à un délit les règles dérogatoires applicables aux actes de terrorisme. Or plusieurs délits sont déjà assimilés à des actes de terrorisme par l’article 421-1 du code pénal, notamment le délit d’initié, le recel ou le blanchiment. J’ai donc du mal à comprendre pourquoi le délit de contrefaçon ne pourrait pas être ajouté à cette liste.
Par ailleurs, il s’agit non pas de la contrefaçon en tant que telle, mais bien de la contrefaçon en lien avec une action terroriste. Elle est donc spécifiquement définie.
Pour toutes ces raisons, il ne paraît ni injustifié ni déraisonnable que cette infraction, lorsqu’elle est commise en lien avec une entreprise terroriste, soit poursuivie, instruite et jugée dans les mêmes conditions que les délits visés à l’article 421-1 du code pénal.
M. le président. Quel est l’avis de la commission ?
M. Michel Mercier, rapporteur de la commission des lois constitutionnelles, de législation, du suffrage universel, du règlement et d’administration générale. Monsieur Yung, rassurez-vous : je crois bien que les éminents juristes ont disparu ! (Exclamations amusées.) En écoutant la radio ce matin et, comme tout un chacun, en lisant les dépêches sur mon mobile, je me suis aperçu qu’on avait complètement oublié l’article 2 du code civil, selon lequel « la loi ne dispose que pour l’avenir ; elle n’a point d’effet rétroactif ».
M. Bruno Sido. Ah, catastrophe !
M. Michel Mercier, rapporteur. Par conséquent, monsieur le garde des sceaux, tant que ce texte n’est pas voté, il n’a pas d’effet et ceux qui ont été arrêtés ne sont pas concernés par ces dispositions ni par un texte qui aurait été subséquent à une révision de la Constitution.
M. Bruno Sido. Exactement !
M. Charles Revet. Incroyable !
M. Michel Mercier, rapporteur. Il faut rappeler ce point essentiel en démocratie, fondé par l’article 2 du code civil : il faut connaître la loi pour pouvoir lui obéir.
Cela étant – et j’ai bien compris ce qui avait été souligné –, il s’agit de traiter non pas de la contrefaçon, mais de la contrefaçon en lien avec les opérations de terrorisme. De ce point de vue, ces amendements identiques sont satisfaits, dans la mesure où l’article 421-2-2 du code pénal prévoit expressément cette hypothèse.
Par conséquent, la commission émet un avis défavorable sur ces amendements identiques.
M. Le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. Jean-Jacques Urvoas, garde des sceaux, ministre de la justice. Le Gouvernement est loin de méconnaître la réalité que vient d’évoquer M. Yung : un lien existe bien entre la contrefaçon et le financement du terrorisme. De ce point de vue, la France dispose déjà d’incriminations permettant de combattre cette tentation. D’ailleurs, nous aurons l’occasion de rediscuter d’une aggravation des peines liées à ces amendements.
Je connais bien les objets de ces amendements : ils ont été déposés à toutes les étapes de l’élaboration de ce texte, ce qui montre bien l’opiniâtreté de ceux qui en sont à l’origine. Le Gouvernement y sera néanmoins défavorable, du début à la fin de l’examen de ce projet de loi.
M. le président. La parole est à M. Alain Vasselle, pour explication de vote sur l’amendement n° 32 rectifié quater.
M. Alain Vasselle. La commission comme le Gouvernement ont émis un avis défavorable sur ces amendements identiques. Dans la mesure où, pour le rapporteur, ils sont satisfaits par les dispositions déjà en vigueur, j’aurais préféré qu’il en demande le retrait.
Par ailleurs, M. le garde des sceaux a précisé que des dispositions plus contraignantes étaient prévues, qui seraient présentées dans les jours ou les semaines à venir.
Pour toutes ces raisons, rien ne justifie le maintien de l’amendement n° 32 rectifié quater et je le retire.
M. le président. L’amendement n° 32 rectifié quater est retiré.
La parole est à M. Richard Yung, pour explication de vote sur l'amendement n° 54 rectifié bis.
M. Richard Yung. Je vais retirer cet amendement, monsieur le président, puisque le mécanisme juridique existe déjà, semble-t-il. Il faut néanmoins que la représentation nationale et le Gouvernement envoient un signal fort en matière de lutte contre la contrefaçon, cette dernière étant trop souvent considérée comme une infraction mineure.
Je retire l’amendement.
M. le président. L'amendement n° 54 rectifié bis est retiré.
Je suis saisi de deux amendements identiques.
L'amendement n° 88 rectifié est présenté par MM. Bizet, G. Bailly, Bouchet, Cardoux, Chaize, Charon, Chasseing, Danesi, de Legge et del Picchia, Mmes Deromedi et Duchêne, M. Dufaut, Mme Duranton, M. Emorine, Mme Estrosi Sassone, MM. B. Fournier et J.P. Fournier, Mme Garriaud-Maylam, MM. Grand et Gremillet, Mme Gruny, MM. Houel, Husson, Karoutchi, Laménie, D. Laurent, Lefèvre, Lemoyne et Mandelli, Mmes Mélot et Micouleau et MM. Milon, Morisset, Pellevat, Perrin, Pierre, Pinton, Raison, Revet, Trillard et Vasselle.
L'amendement n° 135 rectifié ter est présenté par Mme N. Goulet, M. Reichardt, Mme Billon, MM. Roche, Canevet, Bockel et Gabouty et Mme Férat.
Ces deux amendements sont ainsi libellés :
Après l'article 16 septies
Insérer un article additionnel ainsi rédigé :
L'article L. 716-1 du code de la propriété intellectuelle est complété par un alinéa ainsi rédigé :
« Constitue également une contrefaçon, l'importation, le transbordement ou la commercialisation, sur le territoire français, sans le consentement du titulaire de la marque, de produits en provenance d'un pays tiers à l'espace économique européen sur lesquels est apposée ladite marque. »
La parole est à M. Charles Revet, pour présenter l’amendement n° 88 rectifié.
M. Charles Revet. Cet amendement vise à compléter la définition de la contrefaçon pour la mettre en conformité avec celle de la jurisprudence européenne, telle qu’elle résulte notamment de l’arrêt Silhouette International Schmied GmbH & Co. KG contre Hartlauer Handelsgesellschaft GmbH rendu le 16 juillet 1998 par la Cour de justice de l’Union européenne.
M. le président. La parole est à Mme Nathalie Goulet, pour présenter l'amendement n° 135 rectifié ter.
Mme Nathalie Goulet. Je retire cet amendement, monsieur le président, ayant bien compris qu’il était satisfait.
La lutte contre le financement du terrorisme s’apparente à la guerre de l’obus et du blindage. À mesure que nous blinderons notre législation, de nouveaux moyens de contourner la loi en utilisant tous les circuits de la délinquance financière pour financer le terrorisme apparaîtront. Éric Bocquet et moi connaissons très bien ce sujet.
Cela étant dit, j’attends avec impatience de connaître les dispositions dont le ministre vient de nous parler.
M. le président. L’amendement n° 135 rectifié ter est retiré.
Quel est l’avis de la commission sur l’amendement n° 88 rectifié ?
M. Michel Mercier, rapporteur. Je remercie Mme Goulet d’avoir retiré son amendement et ainsi montré la voie à M. Revet ! (Sourires.)
J’indique à M. Vasselle que je n’ai en aucun cas voulu le blesser tout à l’heure en émettant un avis défavorable et que je sollicite d’ores et déjà le retrait de ses deux amendements suivants, ce qui devrait le satisfaire !
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. Jean-Jacques Urvoas, garde des sceaux. En l’espèce, il s’agit non pas de contrefaçon, mais de diffusion sur un marché parallèle de produits de marque authentiques.
Étendre le champ du droit de la contrefaçon comme il est proposé serait inopérant, d’autant que la jurisprudence européenne a déjà reconnu que la spoliation de ses droits d’une marque relevait du juge civil, et non du juge pénal.
Je sollicite donc le retrait de cet amendement, monsieur le sénateur ; à défaut, j’émettrai un avis défavorable.
M. le président. Monsieur Revet, l'amendement n° 88 rectifié est-il maintenu ?
M. Charles Revet. Non, je le retire, monsieur le président, compte tenu des précisions apportées par M. le ministre et M. le rapporteur.
M. le président. L'amendement n° 88 rectifié est retiré.
Je suis saisi de deux amendements identiques.
L'amendement n° 38 rectifié ter est présenté par MM. Vasselle, Grand et Trillard, Mmes Duchêne et Garriaud-Maylam, MM. Joyandet, D. Laurent, Karoutchi, Bouchet, B. Fournier, Bizet, G. Bailly, Milon et Laufoaulu, Mme Imbert, M. Buffet, Mme M. Mercier, M. Chaize, Mme Deseyne, M. Laménie, Mme Lopez, MM. Houpert et Pellevat, Mmes Hummel, Micouleau et Lamure, MM. de Raincourt, Chasseing, Mandelli, Doligé et Pointereau, Mmes Deroche et Mélot et MM. Revet et Rapin.
L'amendement n° 55 est présenté par M. Yung.
Ces deux amendements sont ainsi libellés :
Après l'article 16 septies
Insérer un article additionnel ainsi rédigé :
Au dernier alinéa des articles L. 335-2, L. 335-4, L. 716-9 et L. 716-10, à l’article L. 343-4 et au premier alinéa des articles L. 521-10 et L. 615-14 du code de la propriété intellectuelle, les mots : « les peines sont portées à cinq ans d'emprisonnement et à 500 000 euros d'amende » sont remplacés par les mots : « les peines sont portées à sept ans d'emprisonnement et à 700 000 euros d'amende ».
La parole est à M. Alain Vasselle, pour présenter l’amendement n° 38 rectifié ter.
M. Alain Vasselle. Je remercie M. le rapporteur de l’amabilité dont il fait preuve à mon égard en m’invitant par avance à retirer cet amendement, ainsi que le suivant.
Le présent amendement vise à alourdir les peines encourues en cas de contrefaçon. J’aimerais tout de même connaître l’avis du rapporteur et du garde des sceaux sur ce point. Je ne crois pas que cet amendement soit déjà satisfait, mais, si c’était néanmoins le cas, je le retirerais.
M. le président. La parole est à M. Richard Yung, pour présenter l'amendement n° 55.
M. Richard Yung. Cet amendement tend à prendre en compte le développement de la contrefaçon comme moyen de financement du terrorisme. Je ne crois pas qu’il pose de problème juridique.
On sait que la contrefaçon est l’un des éléments constitutifs de la criminalité organisée. C’est un moyen très commode de blanchir de l’argent et d’en gagner sans prendre trop de risques. C’est beaucoup moins dangereux que de braquer une banque ! Les bandes organisées l’ont bien compris et ont investi ce secteur de façon massive, y compris pour financer des actions terroristes, selon différentes formes sur lesquelles je ne m’attarderai pas.
La lutte contre la contrefaçon est donc un enjeu de sécurité nationale. De ce fait, les sanctions encourues par les contrefacteurs devraient être plus lourdes qu’elles ne le sont aujourd'hui. C’est pourquoi je propose de punir le délit aggravé de contrefaçon liée au financement du terrorisme d’une peine maximale de sept ans d’emprisonnement et de 700 000 euros d’amende, au lieu de cinq ans et de 500 000 euros actuellement.
M. le président. Quel est l’avis de la commission ?
M. Michel Mercier, rapporteur. La commission avait initialement émis un avis défavorable sur ces amendements, mais les interventions de M. Vasselle et de M. Yung donnent à réfléchir. Après tout, pourquoi ne pas aggraver les peines ? À titre personnel, je m’en remets à la sagesse du Sénat.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. Jean-Jacques Urvoas, garde des sceaux. Le Gouvernement émet un avis favorable sur ces amendements, sous réserve que le montant maximal de l’amende encourue soit porté à 750 000 euros, et non à 700 000 euros, pour respecter l’échelle des peines. Si vous acceptez, messieurs les sénateurs, de rectifier vos amendements sur ce point, l’avis sera favorable.
M. le président. Monsieur Vasselle, acceptez-vous de rectifier votre amendement dans le sens suggéré par le Gouvernement ?
M. Alain Vasselle. Oui, monsieur le président.
M. le président. Monsieur Yung, acceptez-vous également de rectifier votre amendement dans le sens suggéré par le Gouvernement ?
M. Richard Yung. Oui, monsieur le président.
M. le président. Je suis donc saisi de deux amendements identiques rectifiés.
L’amendement n° 38 rectifié quater est présenté par MM. Vasselle, Grand et Trillard, Mmes Duchêne et Garriaud-Maylam, MM. Joyandet, D. Laurent, Karoutchi, Bouchet, B. Fournier, Bizet, G. Bailly, Milon et Laufoaulu, Mme Imbert, M. Buffet, M. Mercier, M. Chaize, Mme Deseyne, M. Laménie, Mme Lopez, MM. Houpert et Pellevat, Mmes Hummel, Micouleau et Lamure, MM. de Raincourt, Chasseing, Mandelli, Doligé et Pointereau, Mmes Deroche et Mélot et MM. Revet et Rapin.
L’amendement n° 55 rectifié est présenté par M. Yung.
Ces deux amendements sont ainsi libellés :
Après l'article 16 septies
Insérer un article additionnel ainsi rédigé :
Au dernier alinéa des articles L. 335-2, L. 335-4, L. 716-9 et L. 716-10, à l’article L. 343-4 et au premier alinéa des articles L. 521-10 et L. 615-14 du code de la propriété intellectuelle, les mots : « les peines sont portées à cinq ans d'emprisonnement et à 500 000 euros d'amende » sont remplacés par les mots : « les peines sont portées à sept ans d'emprisonnement et à 750 000 euros d'amende ».
La parole est à M. Jean-Pierre Sueur, pour explication de vote.
M. Jean-Pierre Sueur. Je me réjouis de la position adoptée par M. le rapporteur, à titre personnel, et par M. le ministre.
En prenant connaissance de ces amendements, j’ai d’abord pensé qu’il n’y avait pas de rapport entre la contrefaçon et le terrorisme, que ces deux sujets étaient disjoints.
Cependant, après avoir procédé à des auditions et lu les documents, j’ai acquis la conviction qu’il existait des connexions entre contrefaçon et terrorisme, ce dernier étant d’ailleurs lié à de nombreux types de délinquance.
C’est pourquoi je me réjouis de l’accueil favorable réservé à la proposition de nos collègues. Richard Yung se bat contre la contrefaçon depuis des années et il a présenté une proposition de loi importante sur ce sujet. N’oublions pas que la contrefaçon amène la destruction de dizaines de milliers d’emplois en France : cela n’est pas accessoire dans les temps que nous vivons.
M. le président. Je mets aux voix les amendements identiques nos 38 rectifié quater et 55 rectifié.
(Les amendements sont adoptés.)
M. le président. En conséquence, un article additionnel ainsi rédigé est inséré dans le projet de loi, après l'article 16 septies.
L'amendement n° 31 rectifié quater, présenté par MM. Vasselle, Grand et Trillard, Mmes Garriaud-Maylam et Duchêne, MM. Joyandet, D. Laurent et Karoutchi, Mme Cayeux, MM. Bouchet, B. Fournier, Bizet, G. Bailly, Milon et Laufoaulu, Mme Imbert, M. Buffet, M. Mercier, M. Chaize, Mme Deseyne, M. Laménie, Mme Lopez, MM. Houpert et Pellevat, Mmes Hummel, Micouleau et Lamure, MM. de Raincourt, Chasseing, Mandelli, Doligé et Pointereau, Mmes Deroche et Mélot et MM. Revet et Rapin, est ainsi libellé :
Après l’article 16 septies
Insérer un article additionnel ainsi rédigé :
Le dernier alinéa du 7 du I de l’article 6 de la loi n° 2004-575 du 21 juin 2004 pour la confiance dans l’économie numérique est remplacé par deux alinéas ainsi rédigés :
« Compte tenu de l’intérêt général attaché à la lutte contre le financement de la criminalité organisée et du terrorisme, et sans préjudice de dispositions législatives ou réglementaires plus contraignantes, les personnes mentionnées aux 1 et 2 agissent avec diligence en prenant toutes mesures proactives, raisonnables et adéquates afin de concourir à la lutte contre la promotion, la commercialisation et la diffusion de produits contrefaisants ou de contrefaçons telles que définies aux articles L. 521-1 et L. 716-1 du code de la propriété intellectuelle.
« Tout manquement aux obligations définies aux quatrième, cinquième et sixième alinéas est puni des peines prévues au 1 du VI du présent article. »
La parole est à M. Alain Vasselle.
M. Alain Vasselle. L’amendement est défendu, monsieur le président.
M. le président. Quel est l’avis de la commission ?
M. Michel Mercier, rapporteur. Je suis contraint de demander à M. Vasselle de bien vouloir retirer son amendement, dont le caractère normatif n’apparaît pas évident, même après plusieurs lectures. En particulier, l’expression « toutes mesures proactives, raisonnables et adéquates » me semble recouvrir un champ un peu large…
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. Jean-Jacques Urvoas, garde des sceaux. Le Gouvernement est soucieux du respect des exigences constitutionnelles de prévisibilité et de précision de la loi. Or, en l’espèce, nous ne sommes pas certains que ces exigences soient pleinement respectées.
C’est pourquoi je vous invite à retirer cet amendement, monsieur le sénateur ; à défaut, le Gouvernement serait contraint d’émettre un avis défavorable.
M. le président. Monsieur Vasselle, l'amendement n° 31 rectifié quater est-il maintenu ?
M. le président. L'amendement n° 31 rectifié quater est retiré.
Article 16 octies (nouveau)
À l’article L. 233-1 du code de la sécurité intérieure, la référence : « de l’article 706-73 » est remplacée par les références : « des articles 706-73 et 706-73-1 ». – (Adopté.)
Article additionnel après l'article 16 octies
M. le président. L'amendement n° 202, présenté par M. F. Marc et les membres du groupe socialiste et républicain, est ainsi libellé :
Après l'article 16 octies
Insérer un article additionnel ainsi rédigé :
La loi n° 2010-476 du 12 mai 2010 relative à l’ouverture à la concurrence et à la régulation du secteur des jeux d’argent et de hasard en ligne est ainsi modifiée :
1° Au troisième alinéa du I de l’article 34, après le mot : « illégaux », sont insérés les mots : « , contre le blanchiment des capitaux, contre le financement du terrorisme » ;
2° Après le 4° de l’article 38, il est inséré un alinéa ainsi rédigé :
« L’Autorité de régulation des jeux en ligne peut utiliser ces données afin de rechercher et d’identifier tout fait commis par un joueur ou un parieur, susceptible de constituer une fraude ou de relever du blanchiment de capitaux ou du financement du terrorisme. »
La parole est à M. Jacques Bigot.
M. Jacques Bigot. Cet amendement vise à compléter la loi du 12 mai 2010 relative à l’ouverture à la concurrence et à la régulation du secteur des jeux d’argent et de hasard en ligne.
Il s’agit de donner à l’Autorité de régulation des jeux en ligne, l’ARJEL, la possibilité d’utiliser les données recueillies afin de rechercher et d’identifier tout fait commis par un joueur ou un parieur susceptible de constituer une fraude ou de relever du blanchiment de capitaux ou du financement du terrorisme.
Que l’ARJEL, qui est l’autorité de contrôle des opérateurs agréés, lesquels sont assujettis aux obligations prévues en termes de lutte contre le blanchiment et le financement du terrorisme, puisse utiliser ces données apparaît indispensable. Cette autorité pourra récupérer toutes les informations, procéder à des mesures de contrôle des comportements et, bien évidemment, aviser le cas échéant TRACFIN et le ministère public, ce qui permettra d’engager des poursuites.
M. le président. Quel est l’avis de la commission ?
M. Michel Mercier, rapporteur. Cet amendement nous paraît intéressant. Cependant, son 1° est redondant avec l’article 3 de la loi de 2010. Nous avions d’ailleurs demandé sa suppression en commission. Si cet amendement, par ailleurs tout à fait pertinent, était rectifié en ce sens, la commission y serait favorable.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. Jean-Jacques Urvoas, garde des sceaux. Le Gouvernement émet un avis favorable sur cet amendement.
M. le président. Monsieur Bigot, acceptez-vous de rectifier votre amendement dans le sens suggéré par M. le rapporteur ?
M. Jacques Bigot. Je l’accepte bien volontiers, la suggestion de M. le rapporteur étant tout fait logique.
M. le président. Je suis donc saisi d’un amendement n° 202 rectifié, présenté par M. F. Marc et les membres du groupe socialiste et républicain, et ainsi libellé :
Après l'article 16 octies
Insérer un article additionnel ainsi rédigé :
Après le 4° de l’article 38 de la loi n° 2010-476 du 12 mai 2010 relative à l’ouverture à la concurrence et à la régulation du secteur des jeux d’argent et de hasard en ligne, il est inséré un alinéa ainsi rédigé :
« L’Autorité de régulation des jeux en ligne peut utiliser ces données afin de rechercher et d’identifier tout fait commis par un joueur ou un parieur, susceptible de constituer une fraude ou de relever du blanchiment de capitaux ou du financement du terrorisme. »
Je le mets aux voix.
(L'amendement est adopté.)
M. le président. En conséquence, un article additionnel ainsi rédigé est inséré dans le projet de loi, après l'article 16 octies.
Chapitre V (suite)
Dispositions renforçant l’enquête et les contrôles administratifs
Articles 17 à 21 (précédemment examinés)
M. le président. Je rappelle que les articles 17 à 21 ont été précédemment examinés.
Titre II
DISPOSITIONS RENFORÇANT LES GARANTIES DE LA PROCÉDURE PÉNALE ET SIMPLIFIANT SON DÉROULEMENT
Chapitre Ier
Dispositions renforçant les garanties de la procédure pénale
Article 22
Après l’article 39-2 du code de procédure pénale, il est inséré un article 39-3 ainsi rédigé :
« Art. 39-3. – Dans le cadre de ses attributions de direction de la police judiciaire, le procureur de la République peut adresser des instructions générales ou particulières aux enquêteurs et contrôle la légalité des moyens mis en œuvre par ces derniers, la proportionnalité des actes d’investigation au regard de la nature et de la gravité des faits, l’orientation donnée à l’enquête ainsi que la qualité de celle-ci.
« Il veille à ce que les investigations tendent à la manifestation de la vérité et qu’elles soient accomplies, dans le respect des droits de la victime, du plaignant et de la personne suspectée, à charge et à décharge. »
M. le président. Les amendements identiques n° 171 rectifié, présenté par Mmes Aïchi, Bouchoux et Blandin, M. Dantec, Mme Archimbaud et MM. Gattolin et Labbé, et n° 197 rectifié, présenté par MM. Mézard, Arnell, Barbier, Collin et Fortassin, Mmes Jouve, Laborde et Malherbe et MM. Requier et Vall, ne sont pas soutenus.
L'amendement n° 92, présenté par M. Grosdidier, n’est pas soutenu.
Je mets aux voix l'article 22.
(L'article 22 est adopté.)
Article additionnel après l'article 22
M. le président. L'amendement n° 76 rectifié, présenté par MM. Reichardt, Charon et Danesi, Mme Canayer, MM. de Legge, Mandelli, Morisset, D. Laurent, Pellevat, Trillard, Lefèvre, Gournac, Kennel et Houel et Mme Mélot, est ainsi libellé :
Après l’article 22
Insérer un article additionnel ainsi rédigé :
Le code de procédure pénale est ainsi modifié :
1° Le chapitre Ier du titre II du livre Ier est complété par un article 74-… ainsi rédigé :
« Art. 74-… – Si les nécessités de l’enquête portant sur un crime ou un délit flagrant puni d’au moins trois ans d’emprisonnement l’exigent, le procureur de la République peut saisir le juge des libertés et de la détention d’une requête motivée tendant à ce que la personne soit, à l’issue de sa garde à vue, astreinte à une ou plusieurs obligations du contrôle judiciaire ou, si celles-ci se révèlent insuffisantes, à son assignation à résidence avec surveillance électronique. À titre exceptionnel, si les obligations du contrôle judiciaire ou de l’assignation à résidence avec surveillance électronique sont insuffisantes, elle peut être placée en détention provisoire pour une durée d’un mois renouvelable une fois.
« Il est alors procédé conformément aux articles 137 à 150.
« L’avocat choisi ou le bâtonnier est informé, par tout moyen et sans délai, de la date et de l’heure du débat contradictoire. L’avocat peut, à tout moment, consulter le dossier et s’entretenir avec son client.
« Si la personne se soustrait volontairement aux obligations du contrôle judiciaire, le procureur de la République peut saisir le juge des libertés et de la détention pour que celui-ci décerne mandat d’arrêt ou d’amener à son encontre. Il peut également, par requête motivée, saisir le juge des libertés et de la détention aux fins de placement en détention provisoire. Quelle que soit la peine d’emprisonnement encourue, le juge des libertés et de la détention peut décerner, à l’encontre de cette personne, un mandat de dépôt en vue de sa détention provisoire, sous réserve des dispositions de l’article 141-3. Les dispositions de l’article 141-4 sont applicables ; les attributions confiées au juge d’instruction par cet article sont alors exercées par le procureur de la République.
« La mise en liberté peut être ordonnée d’office par le procureur de la République.
« La personne placée en détention provisoire ou son avocat peut, à tout moment, demander sa mise en liberté. La demande de mise en liberté est adressée au procureur de la République. Sauf s’il donne une suite favorable à la demande, le procureur de la République doit, dans le délai de cinq jours à compter de sa réception, la transmettre au juge des libertés et de la détention avec son avis motivé. Ce magistrat statue dans le délai de trois jours prévu à l’article 148.
« À l’issue de l’enquête, si la personne est toujours détenue, le procureur de la République peut procéder conformément aux articles 393 à 397-7. » ;
2° L’article 143-1 est ainsi modifié :
a) Après le 2°, il est inséré un 3° ainsi rédigé :
« 3° Lorsqu’il est fait application de l’article 74-3 à l’encontre de la personne mise en cause. » ;
b) Au dernier alinéa, les mots : « à l’article » sont remplacés par les mots : « aux articles 74-3 et ».
La parole est à M. André Reichardt.
M. André Reichardt. Cet amendement tend à créer un nouveau régime d’enquête dans lequel le procureur de la République garderait le contrôle de la procédure, mais pourrait solliciter du juge des libertés et de la détention le placement en détention provisoire pour une durée d’un mois renouvelable une fois.
Cet amendement avait déjà été débattu, M. le rapporteur me l’a rappelé, lors de l’examen du projet de loi portant application des mesures relatives à la justice du XXIe siècle. Il avait été rejeté, essentiellement parce qu’une objection d’inconstitutionnalité avait été soulevée par la Chancellerie.
Je l’ai néanmoins redéposé, car, après vérification, il est apparu que la Chancellerie n’avait fait référence à aucune disposition constitutionnelle précise. À mon sens, rien dans la Constitution n’interdit une mesure privative ou restrictive de liberté de ce type.
Je suis d’accord avec M. le rapporteur : une telle disposition ne peut être adoptée par voie d’amendement et l’idée n’a pas encore suffisamment fait son chemin parmi les professionnels du droit, qui y sont plutôt opposés. Il reste que l’opinion publique n’est pas forcément du même avis et que l’efficacité du dispositif est difficilement contestable sur le fond.
Par ailleurs, j’ai veillé à entourer ce nouveau dispositif de nombreuses garanties afin de préserver les droits de la défense.
J’aimerais donc connaître l’avis du rapporteur et du ministre avant, le cas échéant, de prendre la décision de retirer l’amendement, comme cela m’a été fortement suggéré en commission.
M. le président. Quel est l’avis de la commission ?
M. Michel Mercier, rapporteur. Comme M. Reichardt l’a suggéré, il s’agit en fait d’un amendement d’appel.
Le couple que forment le procureur de la République et le juge des libertés et de la détention apparaît aujourd’hui comme l’un des rouages essentiels de notre procédure pénale. Cela nous conduira obligatoirement à réviser leurs statuts respectifs. Comme vous l’avez vous-même relevé, mon cher collègue, cela ne peut se faire via un unique amendement.
Par ailleurs, il semble délicat de permettre au parquet de saisir le juge des libertés et de la détention aux fins de placement sous contrôle judiciaire ou de détention provisoire au cours de l’enquête, alors que l’action publique n’est pas mise en mouvement et que la personne n’est pas encore poursuivie : là se situe la difficulté constitutionnelle. La procédure de l’enquête, à la différence de l’information judiciaire, est menée par le procureur, qui dispose toujours, jusqu’à la fin de l’enquête, de l’opportunité des poursuites.
Par conséquent, je ne pense pas que l’on puisse placer quelqu’un en détention pendant l’enquête, laquelle, nous en reparlerons à propos de l’article 24, est très peu contradictoire, ce qui est assez normal. D’une manière générale, la personne mise en cause ne bénéficie d’aucune des garanties de l’instruction.
Votre amendement permet d’engager une réflexion qui devra être approfondie, en vue d’une refonte globale de notre procédure pénale. Pour l’heure, je souhaiterais que vous acceptiez de le retirer, pour nous éviter d’avoir à nous prononcer sur le fond. Si cet amendement a opportunément permis d’attirer l’attention du Sénat et du Gouvernement sur une question importante, il ne peut la résoudre aujourd'hui, ne serait-ce qu'en raison de la difficulté constitutionnelle que j’ai rappelée.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. le président. Monsieur Reichardt, l'amendement n° 76 rectifié est-il maintenu ?
M. André Reichardt. Je vais le retirer, après avoir entendu les excellents propos de M. le rapporteur, mais, comme je l’ai déjà souligné à de nombreuses reprises, rien dans la Constitution n’interdit une mesure privative ou restrictive de liberté avant l’engagement des poursuites par le parquet. Le parquet pourrait certes classer la procédure, mais le juge d’instruction peut, lui, ordonner un non-lieu, même après que le mis en examen a été détenu provisoirement.
Je le répète, bien que la Chancellerie ait affirmé qu’une telle disposition était anticonstitutionnelle, elle n’a fait référence à une disposition constitutionnelle précise à l’appui de cette affirmation. C'est la raison pour laquelle je pense qu’il vaudrait la peine d’aller au bout de cette discussion en une autre occasion. J’espère que vous m’apporterez alors votre soutien, monsieur le rapporteur, car nous devrons obligatoirement nous engager dans cette voie.
Pour l’heure, je vous remercie de votre écoute et je retire l’amendement.
M. le président. L'amendement n° 76 rectifié est retiré.
Article 23
Après l’article 229 du même code, il est inséré un article 229-1 ainsi rédigé :
« Art. 229-1. – En cas de manquement professionnel grave ou d’atteinte grave à l’honneur ou à la probité par une des personnes mentionnées à l’article 224 ayant une incidence sur la capacité d’exercice des missions de police judiciaire, le président de la chambre de l’instruction, saisi par le procureur général près la cour d’appel dans le ressort de laquelle la personne exerce habituellement ses fonctions, peut, sans préjudice des sanctions disciplinaires administratives qui pourraient être prononcées, décider immédiatement qu’elle ne pourra exercer ses fonctions de police judiciaire pour une durée maximale d’un mois.
« Cette décision prend effet immédiatement. Elle est notifiée, à la diligence du procureur général, aux autorités dont dépend la personne.
« La saisine du président de la chambre de l’instruction par le procureur général en application du premier alinéa du présent article vaut saisine de la chambre de l’instruction au titre du premier alinéa de l’article 225. »
M. le président. Je suis saisi de deux amendements identiques.
L'amendement n° 2 rectifié est présenté par MM. Grand, Pellevat et Danesi, Mmes Deromedi et Procaccia, MM. Laufoaulu et Milon, Mme Hummel, MM. B. Fournier, Chaize et Chasseing, Mme Garriaud-Maylam et MM. Laménie, Charon, Vasselle, Joyandet, Panunzi, Pinton, Bouchet, G. Bailly, Mandelli, Pierre, Revet et Gremillet.
L'amendement n° 93 est présenté par M. Grosdidier.
Ces deux amendements sont ainsi libellés :
Supprimer cet article.
La parole est à M. Charles Revet, pour présenter l’amendement n° 2 rectifié.
M. Charles Revet. L’article 23 institue une procédure de suspension en urgence des agents ou officiers de police judiciaire coupables de manquement professionnel grave ou d’atteinte grave à l’honneur ou à la probité.
Or il existe déjà une procédure disciplinaire, avec des mesures conservatoires de nature à empêcher l’exercice de la qualité d’officier ou d’agent de police judiciaire. Nous proposons donc de supprimer cet article.
M. le président. L’amendement n° 93 n’est pas soutenu.
Quel est l’avis de la commission sur l’amendement n° 2 rectifié ?
M. Michel Mercier, rapporteur. Avis défavorable.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. Jean-Jacques Urvoas, garde des sceaux. Le Gouvernement est également défavorable à cet amendement. En effet, cette procédure, qui relève de l’autorité judiciaire, est nécessaire pour lui permettre d’exercer pleinement ses prérogatives de contrôle et de surveillance de la police judiciaire. Elle se distingue de la procédure disciplinaire classique que vous avez évoquée, monsieur le sénateur. Le Gouvernement souhaite donc le maintien de l’article 23.
M. le président. L'amendement n° 2 rectifié est retiré.
Je mets aux voix l'article 23.
(L'article 23 est adopté.)
Article 24
I. – Le code de procédure pénale est ainsi modifié :
1° Les articles 77-2 et 77-3 sont ainsi rédigés :
« Art. 77-2. – I. – Toute personne contre laquelle il existe une ou plusieurs raisons plausibles de soupçonner qu’elle a commis ou tenté de commettre une infraction punie d’une peine privative de liberté et qui a fait l’objet d’un des actes prévus aux articles 61-1 et 62-2 peut, un an après l’accomplissement du premier de ces actes, demander au procureur de la République, par lettre recommandée avec demande d’avis de réception ou par déclaration au greffe contre récépissé, de consulter le dossier de la procédure afin de faire ses observations.
« Dans le cas où une telle demande a été formée, le procureur de la République doit, lorsque l’enquête lui paraît terminée et s’il envisage de poursuivre la personne par citation directe ou selon la procédure prévue à l’article 390-1, aviser celle-ci, ou son avocat, de la mise à la disposition de son avocat, ou d’elle-même si elle n’est pas assistée par un avocat, d’une copie de la procédure et de la possibilité de formuler des observations ainsi que des demandes d’actes utiles à la manifestation de la vérité dans un délai d’un mois, selon les formes mentionnées au premier alinéa du présent article.
« Lorsqu’une victime a porté plainte dans le cadre de cette enquête et qu’une demande de consultation du dossier de la procédure a été formulée par la personne mise en cause, le procureur de la République avise cette victime qu’elle dispose des mêmes droits dans les mêmes conditions.
« Pendant ce délai d’un mois, le procureur de la République ne peut prendre aucune décision sur l’action publique, hors l’ouverture d’une information, l’application de l’article 393 ou le recours à la procédure de comparution sur reconnaissance de culpabilité prévue aux articles 495-7 à 495-13.
« II. – À tout moment de la procédure, même en l’absence de demande prévue au premier alinéa du I, le procureur de la République peut communiquer tout ou partie de la procédure à la personne mise en cause ou à la victime pour recueillir leurs éventuelles observations ou celles de leur avocat.
« III. – Dans les cas mentionnés aux I et II, les observations ou demandes d’actes de la personne ou de son avocat sont versées au dossier de la procédure.
« Le procureur de la République apprécie les suites devant être apportées à ces observations et demandes. Il en informe les personnes concernées.
« Art. 77-3. – La demande mentionnée au premier alinéa du I de l’article 77-2 est faite au procureur de la République sous la direction duquel l’enquête est menée. À défaut, si cette information n’est pas connue de la personne, elle peut être adressée au procureur de la République du tribunal de grande instance dans le ressort duquel l’un des actes mentionnés au même article a été réalisé, qui la transmet sans délai au procureur de la République qui dirige l’enquête. » ;
1° bis (Supprimé)
2° À la fin de la deuxième phrase de l’avant-dernier alinéa de l’article 393, les mots : « et sur la nécessité de procéder à de nouveaux actes » sont remplacés par les mots : « , sur la nécessité de procéder à de nouveaux actes qu’il estime nécessaires à la manifestation de la vérité et sur les modalités d’engagement éventuel des poursuites ou le recours éventuel à la procédure de comparution sur reconnaissance préalable de culpabilité ».
II (Non modifié). – Les I et IV de l’article 77-2 du code de procédure pénale, dans sa rédaction résultant du I du présent article, sont applicables aux personnes ayant fait l’objet d’un des actes prévus aux articles 56, 61-1, 62-2, 76 ou 706-141 à 706-158 du même code après la publication de la présente loi.
M. le président. L'amendement n° 98 rectifié, présenté par MM. Reichardt, Pellevat, D. Laurent, Morisset, de Legge, Charon, Trillard et Danesi, Mmes Micouleau et Canayer, M. Mandelli, Mme Deromedi, MM. Gremillet, Lefèvre, Gournac, Kennel et Houel et Mme Mélot, est ainsi libellé :
Supprimer cet article.
La parole est à M. André Reichardt.
M. André Reichardt. Je considère que les dispositions de l’article 24 ne répondent à aucune obligation découlant des normes européennes ou internationales, ni à un besoin réel. Elles ne seront pas de nature à résoudre les difficultés relatives aux enquêtes longues ; bien au contraire, elles risquent de les aggraver. Je crains qu’elles ne provoquent une désorganisation complète de la chaîne pénale, engendrant un ralentissement majeur de la réponse pénale.
Mes chers collègues, ouvrir la brèche du contradictoire au stade de l’enquête préliminaire, c’est prendre le risque qu’elle ne s’agrandisse à chaque réforme législative. Or, je pense que vous en conviendrez tous, une enquête n’est efficace que lorsqu’elle est secrète.
Je salue le remarquable travail accompli par M. le rapporteur. La formulation retenue à l’issue des débats en commission des lois est incontestablement meilleure que celle qui nous a été transmise par l’Assemblée nationale. Encore peut-on se demander ce que cet article vient faire dans un texte relatif à la criminalité organisée.
Pour autant, des imprécisions subsistent. Qu’advient-il lorsqu’une demande d’accès au dossier est formulée mais que l’enquête n’est pas terminée ? Le procureur ne semble avoir aucune obligation, alors même que c’est à ce stade que la personne mise en cause souhaite savoir si elle risque d’être inquiétée. Si le procureur a déjà pris la décision d’engager des poursuites par citation directe ou par convocation par officier de police judiciaire, il est largement illusoire de croire que les observations des parties le feront revenir sur cette décision. Alors, à quoi bon ?
Ensuite, lorsqu’une victime a porté plainte et qu’aucune suite n’a été donnée, c’est tout simplement parce que l’enquête est en cours, que l’auteur n’a pas été identifié ou autres motifs, bref parce qu’aucune réponse ne peut, en l’état, lui être apportée. Je rappelle que lorsque la procédure est classée sans suite, la victime est systématiquement avisée du motif de ce classement, et que lorsque l’affaire est renvoyée à l’audience, celle-ci ne peut se tenir que si la victime a été avisée. Alors, à quoi bon ?
Voilà ce qui justifie ma demande de suppression de l’article 24. Je crains qu’elle n’ait guère de succès, mais au moins aurai-je essayé.
M. le président. Quel est l’avis de la commission ?
M. Michel Mercier, rapporteur. Je trouve l’amendement présenté par M. Reichardt très intéressant et assez fondé en droit. Toutefois, il me semble en légère contradiction avec son amendement précédent, qui visait à introduire du contradictoire avant le placement en détention provisoire…
Encore une fois, nous vivons une période de changement de notre procédure pénale. On est arrivé à la fin d’un cycle et il faut reconstruire. Cependant, comme on n’est pas prêt à tout reconstruire, eu égard à l’actualité, au temps parlementaire, au temps gouvernemental, au temps électoral, on essaye de poser quelques pansements ici ou là…
Le contradictoire, cela est vrai, doit s’apprécier sur la totalité du procès, qui commence à l’enquête et finit à l’audience. Les garanties ne sont pas les mêmes, pour les personnes concernées par l’action publique, au cours des différentes séquences que sont l’enquête, l’éventuelle instruction et l’audience.
Au stade de l’enquête, le fait que l’autorité judiciaire mène celle-ci, sous l’autorité du procureur de la République et, de plus en plus souvent, du juge des libertés et de la détention, constitue la garantie essentielle : c’est l’article 66 de la Constitution. Il faut garder à l’enquête son efficacité.
Le contradictoire joue pleinement au stade de l’audience, les droits de la défense primant alors.
Cependant, les députés ont délibéré, et nous devons en tenir compte : l’article 24 a été récrit à l’Assemblée nationale à la demande du Gouvernement, en partie au moins. Nous avons essayé, en commission des lois, de mieux encadrer ce principe du contradictoire, de façon à ne pas nuire à l’efficacité de l’enquête : si tout est ouvert, il n’y a plus d’enquête.
Pour autant, certaines enquêtes peuvent être très longues, pour diverses raisons, au premier rang desquelles l’engorgement du parquet.
Nous avons donc d’abord décidé de porter de six mois à un an le point de départ pour le contradictoire. Nous avons ensuite limité le champ des actes susceptibles d’ouvrir le contradictoire aux seules mesures de garde à vue et d’audition libre. S’il ne s’est plus rien passé pendant un an après une garde de vue ou une audition, il est tout de même normal de permettre aux parties concernées de demander au procureur où en est le dossier.
Nous avons en outre veillé à ce que ce soit le procureur qui décide de la procédure de comparution sur reconnaissance préalable de culpabilité pendant le mois au cours duquel la personne peut formuler des observations.
Nous avons enfin supprimé les dispositions en vertu desquelles la personne ayant déjà fait l’objet d’une garde à vue ou d’une audition libre peut consulter le dossier avant de faire l’objet d’une nouvelle audition ou d’une nouvelle garde à vue.
Nous avons donc accepté, en commission, l’introduction d’une dose de contradictoire dans l’enquête, parce qu’il s’écoule parfois trop de temps entre les premiers actes et le moment où une suite est donnée, tout en veillant à conserver l’efficacité de l’enquête. C’est une solution de compromis. Je vous invite, monsieur Reichardt, à retirer votre amendement.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. Jean-Jacques Urvoas, garde des sceaux. Le Gouvernement est défavorable à cet amendement.
Le contradictoire existe quand les juges d’instruction conduisent les enquêtes. Le fait qu’il puisse y avoir une phase de contradictoire simplifié quand ce sont les procureurs paraît assez cohérent, notamment, comme l’a dit le rapporteur, lorsque les enquêtes sont longues. Cela nous évitera des condamnations par la Cour européenne des droits de l’homme pour non-respect du droit à un procès équitable.
Le Gouvernement a imaginé la procédure prévue à l’article 24 dans sa rédaction initiale. La commission des lois a restreint le champ de l’enquête et l’étendue du contradictoire. Le Gouvernement, qui n’est pas totalement convaincu par ces modifications, propose, au travers de l’amendement n° 232, que je défends ainsi par anticipation, de rétablir le texte qui avait été voté par l’Assemblée nationale.
M. le président. Monsieur Reichardt, l'amendement n° 98 rectifié est-il maintenu ?
M. André Reichardt. J’ai rendu tout à l’heure hommage à M. le rapporteur pour son travail de réécriture de l’article 24. Je m’empresse d’ajouter maintenant que, bien entendu, je voterai dans quelques minutes contre l’amendement n° 232 du Gouvernement, qui vise à revenir sur cette réécriture.
Pour autant, si j’en avais le temps, je pourrais vous répondre, monsieur le rapporteur, sur chacun des points que vous avez soulevés. Après avoir hésité, je vais maintenir mon amendement. Le vote permettra de voir combien d’entre nous souhaitent accélérer les procédures – car c’est bien de cela qu’il s’agit –, tout en préservant véritablement les droits de la défense.
M. le président. La parole est à M. Jacques Bigot, pour explication de vote.
M. Jacques Bigot. Je ne voterai bien évidemment pas cet amendement.
Je pense que notre collègue Reichardt ne mesure pas, comme l’a dit le rapporteur, l’évolution de la procédure pénale. La Cour européenne des droits de l’homme nous invite, à juste titre, à respecter le principe du droit à un procès équitable. Or, plus le procès est préparé jusqu’à la saisine du tribunal correctionnel, la plupart du temps par le procureur, plus le contradictoire est nécessaire. Il est même parfois souhaité par les procureurs parce que si, notamment par des écrits, la défense pose des questions, demande des investigations complémentaires, l’affaire revient devant le tribunal avec des compléments qui sont utiles à la manifestation de la vérité et qui, finalement, évitent l’allongement des procès.
Quant à la durée des enquêtes, qu’il s’agisse d’une enquête préliminaire ou d’une enquête sur commission rogatoire du juge d’instruction, elle est aussi liée à la capacité de la police judiciaire ou de la gendarmerie de suivre le rythme.
De ce point de vue, je comprends en partie les réserves formulées par le rapporteur et la modification apportée au texte de l’Assemblée nationale par la commission, pour des raisons pragmatiques. Concrètement, en l’état actuel des moyens mis à la disposition des procureurs de la République, ne faut-il pas prévoir un délai d’un an avant que le contradictoire puisse être mis en œuvre par une personne ayant déjà été entendue, au moins jusqu’à ce que la justice ait été dotée de davantage de moyens ? Peut-être aura-t-on des éclaircissements sur ce point d’ici à la CMP.
Il importe incontestablement d’élaborer un texte qui ne méconnaisse pas le principe du droit à un procès équitable, mais il faut aussi faire preuve de pragmatisme. Monsieur le garde des sceaux, je rejoins tout à fait votre point de vue et celui de l’Assemblée nationale, mais il faut aussi prendre en compte la réalité des moyens dont dispose la justice.
M. le président. L'amendement n° 232, présenté par le Gouvernement, est ainsi libellé :
Rédiger ainsi cet article :
I. – Le code de procédure pénale est ainsi modifié :
1° Les articles 77-2 et 77-3 sont ainsi rédigés :
« Art. 77-2. – I. – Toute personne contre laquelle il existe une ou plusieurs raisons plausibles de soupçonner qu’elle a commis ou tenté de commettre une infraction punie d’une peine privative de liberté et qui a fait l’objet d’un des actes prévus aux articles 56, 61-1, 62-2, 76 ou 706-141 à 706-158 peut, six mois après l’accomplissement du premier de ces actes, demander au procureur de la République, par lettre recommandée avec demande d’avis de réception ou par déclaration au greffe contre récépissé, de consulter le dossier de la procédure afin de faire ses observations.
« Dans le cas où une demande prévue au premier alinéa a été formée, le procureur de la République doit, lorsque l’enquête lui paraît terminée et s’il envisage de poursuivre la personne par citation directe ou selon la procédure prévue à l’article 390-1, aviser celle-ci ou son avocat de la mise à la disposition de son avocat ou d’elle-même si elle n’est pas assistée par un avocat d’une copie de la procédure et de la possibilité de formuler des observations dans un délai d’un mois, selon les formes mentionnées au premier alinéa du présent article. Lorsqu’elle a déposé plainte, la victime dispose des mêmes droits et en est avisée dans les mêmes conditions.
« Pendant ce délai d’un mois, le procureur de la République ne peut prendre aucune décision sur l’action publique, hors l’ouverture d’une information ou l’application de l’article 393.
« II. – À tout moment de la procédure, même en l’absence de demande prévue au premier alinéa du I, le procureur de la République peut communiquer tout ou partie de la procédure à la victime et à la personne suspectée pour recueillir leurs éventuelles observations ou celles de leur avocat.
« III. – Dans les cas mentionnés aux I et II, les observations de la personne ou de son avocat, qui sont versées au dossier de la procédure, peuvent notamment porter sur la régularité de la procédure, sur la qualification retenue, sur le caractère éventuellement insuffisant de l’enquête et sur les modalités d’engagement éventuel des poursuites ou le recours éventuel à la procédure de comparution sur reconnaissance préalable de culpabilité. Elles peuvent comporter, le cas échéant, des demandes d’actes que la personne estime utiles à la manifestation de la vérité.
« Le procureur de la République apprécie les suites devant être apportées à ces observations. Il en informe les personnes concernées.
« IV. – Si, à la suite d’une demande formée en application du I du présent article par une personne déjà entendue en application des articles 61-1, 62-2 ou 76, l’enquête préliminaire se poursuit et doit donner lieu à une nouvelle audition de la personne en application de l’article 61-1, celle-ci est informée, au moins dix jours avant cette audition, qu’elle peut demander la consultation du dossier de la procédure par un avocat désigné par elle ou commis d’office à sa demande par le bâtonnier ou par elle-même si elle n’est pas assistée par un avocat. Le dossier est alors mis à disposition au plus tard cinq jours ouvrables avant l’audition de la personne. En l’absence d’une telle information et de mise à disposition du dossier, la personne peut demander le report de son audition. Le présent IV ne s’applique pas si la personne est à nouveau entendue dans le cadre d’une garde à vue sans avoir été préalablement convoquée ; dans ce cas, l’avocat de la personne ou, si elle n’est pas assistée par un avocat, la personne peut cependant consulter le dossier de la procédure dès le début de la garde à vue.
« Art. 77-3. – La demande mentionnée au premier alinéa du I de l’article 77-2 est faite au procureur de la République sous la direction duquel l’enquête est menée. À défaut, si cette information n’est pas connue de la personne, elle peut être adressée au procureur de la République du tribunal de grande instance dans le ressort duquel l’un des actes mentionnés au même article a été réalisé, qui la transmet sans délai au procureur de la République qui dirige l’enquête. » ;
2° À la fin de la deuxième phrase du quatrième alinéa de l’article 393, les mots : « et sur la nécessité de procéder à de nouveaux actes » sont remplacés par les mots : « , sur la nécessité de procéder à de nouveaux actes qu’il estime nécessaires à la manifestation de la vérité et sur les modalités d’engagement éventuel des poursuites ou le recours éventuel à la procédure de comparution sur reconnaissance préalable de culpabilité ».
II. – Les I et IV de l’article 77-2 du code de procédure pénale, dans sa rédaction résultant du I du présent article, sont applicables aux personnes ayant fait l’objet d’un des actes prévus aux articles 56, 61-1, 62-2, 76 ou 706-141 à 706-158 du même code après la publication de la présente loi.
Cet amendement a été précédemment défendu par M. le garde des sceaux.
Quel est l’avis de la commission ?
M. Michel Mercier, rapporteur. La commission est défavorable à cet amendement.
M. le président. Mes chers collègues, nous allons maintenant interrompre nos travaux ; nous les reprendrons à quinze heures.
La séance est suspendue.
(La séance, suspendue à treize heures dix, est reprise à quinze heures, sous la présidence de M. Gérard Larcher.)
PRÉSIDENCE DE M. Gérard Larcher
M. le président. La séance est reprise.
5
Questions d'actualité au Gouvernement
M. le président. L’ordre du jour appelle les réponses à des questions d’actualité au Gouvernement.
Je rappelle que la séance est retransmise en direct sur France 3, Public Sénat et sur le site internet du Sénat.
Comme la dernière fois, au nom du bureau du Sénat, j’appelle chacun de vous, mes chers collègues, à observer au cours de nos échanges l’une des valeurs essentielles du Sénat, particulièrement précieuse en ces jours de tensions politiques et sociales : le respect des uns et des autres ! (Marques d’approbation sur plusieurs travées du groupe Les Républicains.)
rejets de boues rouges
M. le président. La parole est à Mme Mireille Jouve, pour le groupe du RDSE.
Mme Mireille Jouve. Ma question s’adresse à Mme la ministre de l’environnement, de l’énergie et de la mer.
Au moins 20 millions de tonnes : telle est la quantité de boues rouges toxiques déversée pendant trente ans dans les fonds marins sur un site devenu, en 2012, le parc national des Calanques.
C’est à l’usine Alteo de Gardanne, spécialisée dans la production d’alumine, que l’on doit ce triste record. Alors que cette usine a bénéficié, en 1995, d’un moratoire de vingt ans pour mettre fin à ses rejets de boues rouges dans la Méditerranée, il aura fallu attendre 2014 pour que l’industriel investisse 27 millions d’euros, la moitié de cette somme provenant de subventions publiques, dans un filtre-presse destiné à séparer les rejets solides, contenant l’essentiel des métaux lourds, des rejets liquides.
Grâce à une dérogation accordée par le préfet des Bouches-du-Rhône le 28 décembre dernier, l’aluminier pourra tout de même déverser ses rejets liquides, une sorte d’eau de rinçage industrielle, pendant six ans encore, en attendant d’avoir mis en place un traitement complémentaire. Or, tout ce qui est limpide n’étant pas forcément inoffensif, il demeure dans cette eau un cocktail d’aluminium, de fer et d’arsenic dont la concentration dépasse les normes réglementaires. Force est donc de constater que le contrat n’a pas été rempli !
Comment justifier, ainsi que l’a demandé le professeur Augier, que l’on dresse un procès-verbal à un promeneur qui a cueilli une fleur dans le parc national des Calanques alors qu’on laisse un industriel y déverser des effluents toujours nocifs ?
Encore faut-il ajouter qu’une poussière rouge toxique s’envole dès que le mistral souffle sur le site de stockage à sec, ce qui inquiète les riverains. En outre, le 9 mars dernier, une fuite dans une canalisation de l’usine a entraîné la formation d’un nuage contenant de la soude au-dessus de la ville de Gardanne.
Je suis sensible à la question de l’emploi, mais, sous ce rapport, il faut songer aussi aux pêcheurs et à tous les métiers de la mer ! L’environnement et la santé publique doivent-ils constituer les variables d’ajustement de la préservation de l’emploi ? N’aurait-il pas mieux valu engager une reconversion, plutôt que de prolonger artificiellement la vie d’un site industriel dont Mme la ministre de l’environnement elle-même a souligné la vétusté ? Comment faire respecter la protection de l’environnement dans le parc national des Calanques ? (Applaudissements sur les travées du RDSE et du groupe écologiste.)
M. Raymond Vall. Très bien !
M. le président. La parole est à M. le secrétaire d'État chargé des relations avec le Parlement. (Ah ! sur les travées du groupe Les Républicains.)
M. Jean-Marie Le Guen, secrétaire d'État auprès du Premier ministre, chargé des relations avec le Parlement. L’usine de Gardanne, qui existe depuis 1894, fournit une alumine de spécialité nécessaire à la fabrication d’un certain nombre d’objets dont nous avons besoin dans notre vie quotidienne, en particulier les écrans plasma et les smartphones.
Son fonctionnement entraîne effectivement des rejets de boues rouges, réalisés avec l’accord de l’État depuis des dizaines d’années. Il était devenu nécessaire que l’État revisite cette autorisation. C’est ce qu’il a fait, au terme d’un dialogue intensif avec cette entreprise, qui a conduit à la mise en place de nouveaux systèmes de production grâce auxquels les rejets seront réduits selon un facteur allant de vingt à cent.
La procédure a donné lieu à de nombreuses consultations. Tous les comités d’experts ont rendu un avis positif sur cette démarche, de même que le parc national des Calanques. Il s’agit aussi de sauver une usine qui fournit plus de 400 emplois, sans parler de tous les emplois indirects.
Nous considérons que nous avons obtenu de cette entreprise un certain nombre de garanties : non seulement les rejets seront réduits, comme je l’ai expliqué, mais un suivi sera assuré par un comité d’évaluation permanent, qui examinera toutes les technologies applicables permettant d’améliorer encore la situation. La décision qui été prise permet de concilier les exigences économiques et environnementales pour les prochaines années. Nous pensons donc qu’il n’y a pas lieu de polémiquer.
J’ajoute que si nous avions accepté la fermeture de l’usine, celle-ci se serait délocalisée dans un autre pays du pourtour méditerranéen, ce qui aurait sans doute entraîné, outre une perte d’emplois pour la région, une augmentation des rejets polluants en Méditerranée !
En conclusion, la décision prise par le Gouvernement me semble parfaitement équilibrée.
M. le président. La parole est à M. Ronan Dantec, pour le groupe écologiste. (Applaudissements sur les travées du groupe écologiste.)
M. Ronan Dantec. Ma question s’adresse à M. le ministre de l’économie, de l’industrie et du numérique.
Monsieur le ministre, voilà maintenant des mois que grandit l’inquiétude au sujet de l’avenir d’EDF. Lourdement, très lourdement endettée, à hauteur de 37 milliards d’euros, ce qui représente plus de 600 euros par Français, cette entreprise a vu fondre sa capitalisation boursière de 150 milliards d’euros en sept ans ! C’est l’indice clair d’une perte de confiance assez générale dans son modèle économique, survenant dans un contexte de forte baisse du prix de l’électricité sur les marchés européens.
Monsieur le ministre, il faut sauver le service public de l’électricité, eu égard aux enjeux en matière d’aménagement du territoire et de prix unique de l’électricité. Or, pour cela, il faut en finir avec les investissements aventureux.
Dans un monde où les investissements dans les énergies renouvelables sont désormais majoritaires – 286 milliards d’euros investis cette année –, entraîner une entreprise surendettée dans la réalisation d’une centrale nucléaire en Angleterre – le projet de Hinkley Point, qui coûtera 23 milliards d’euros – serait pure folie. Aucun banquier sérieux ne couvrirait une telle opération !
D’ailleurs, que la CGT d’EDF, fine connaisseuse de la maison et assez peu réputée pour son activisme antinucléaire, dénonce par avance le risque mortel de cet aventurisme devrait nous alerter davantage encore.
Monsieur le ministre, souscrivez-vous à l’analyse selon laquelle il est maintenant urgent d’établir une programmation pluriannuelle de l’énergie, ou PPE, crédible et cohérente avec la loi relative à la transition énergétique pour la croissance verte, qui fixe l’objectif d’une réduction à 50 % de la part du nucléaire dans le mix électrique d’ici à 2025, et prévoyant explicitement la fermeture d’une vingtaine de réacteurs nucléaires, pour reprendre le chiffre de la Cour des comptes ?
Seule l’adoption d’une telle PPE autoriserait EDF à intégrer dans son bilan, conformément à la proposition de M. Lévy, la prolongation de la durée d’amortissement de ses autres réacteurs, ce qui améliorerait son résultat et, par contrecoup, sa note financière, lui permettant de continuer à emprunter à des taux raisonnables.
Je ne doute pas, monsieur le ministre, que vous partagez cette analyse et que vous vous emploierez à la faire prévaloir, afin que puisse être sauvegardé un service public auquel nous sommes tous très attachés ! (Applaudissements sur les travées du groupe écologiste.)
M. le président. La parole est à M. le ministre de l'économie, de l'industrie et du numérique. (Ah ! sur les travées du groupe Les Républicains.)
M. Emmanuel Macron, ministre de l'économie, de l'industrie et du numérique. Monsieur le sénateur, le problème d’EDF n’est pas le projet de Hinkley Point. (M. Jean Desessard manifeste son scepticisme.) Il peut se résumer très simplement : les décisions prises voilà dix ans, de manière du reste consensuelle, à quelques exceptions près, puis la loi NOME du 7 décembre 2010 portant nouvelle organisation du marché de l’électricité ont ouvert le marché de l’électricité à des prix de moins en moins régulés. Un chiffre suffit à illustrer cette réalité : alors que, en 2014, 20 % du chiffre d’affaires d’EDF était exposé à des prix non régulés, cette proportion dépasse 65 % cette année !
M. Jean Desessard. Et voilà !
M. Emmanuel Macron, ministre. Dans le même temps, le prix de l’électricité a baissé de 40 %. De fait, le prix du mégawattheure, qui était de l’ordre de 50 euros au moment de l’ouverture du marché, est aujourd’hui d’environ 26 euros, tandis que la programmation de moyen terme d’EDF est fondée sur un prix de 37 euros et que le coût de production du mégawattheure d’électricité s’élève à 33 euros.
M. Jean Desessard. Et voilà !
M. Emmanuel Macron, ministre. Cette situation tient au fait que le marché de l’électricité ne fonctionne pas de manière pleinement satisfaisante. En effet, il est aujourd’hui régi par le prix spot du charbon, du fait de la décision de plusieurs pays de reprendre la production d’électricité à partir de ce combustible, à l’encontre des décisions prises en commun et de tous les engagements environnementaux. (MM. Alain Bertrand, Ronan Dantec et Jean Desessard acquiescent.)
M. Raymond Vall. Très bien !
M. Emmanuel Macron, ministre. Dans ces conditions de marché, avec un tel niveau de prix, aucune filière de production d’électricité, qu’il s’agisse du nucléaire ou des énergies renouvelables, ne peut fonctionner de manière satisfaisante ! (Applaudissements sur certaines travées du groupe socialiste et républicain et sur les travées du RDSE.)
M. Jean-Claude Requier. Bravo !
M. Emmanuel Macron, ministre. Dans ce contexte, vous avez tout à fait raison d’affirmer, monsieur le sénateur, que nous devons d’abord établir une programmation pluriannuelle de l’énergie conforme à la loi relative à la transition énergétique pour la croissance verte. Mme la ministre de l’environnement, de l’énergie et de la mer soumettra au Premier ministre un projet dans les prochains jours.
Ensuite, des efforts partagés doivent être consentis par l’État et l’entreprise pour redresser la situation financière d’EDF. Par le passé, l’État actionnaire a prélevé trop de dividendes.
M. Roland Courteau. Eh oui !
M. Emmanuel Macron, ministre. Dès cette année, nous avons décidé de transformer ces dividendes en actions. De son côté, l’entreprise doit procéder à des cessions et appliquer une plus grande modération salariale.
M. le président. Monsieur le ministre, il vous faut conclure.
M. Emmanuel Macron, ministre. Par ailleurs, une régulation du prix du charbon est nécessaire, afin que puissent être réalisés les investissements indispensables dans le domaine des énergies renouvelables, conformément aux priorités que nous avons fixées à EDF, ainsi que les investissements liés à l’entretien du parc nucléaire, crucial sur le plan de la sûreté.
M. le président. Veuillez conclure, monsieur le ministre : vous êtes en train d’appliquer la TVA à votre temps de parole ! (Sourires.)
M. Emmanuel Macron, ministre. Enfin, renoncer au projet de Hinkley Point, ce serait renoncer au nucléaire ! (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste et républicain et du RDSE, ainsi que sur quelques travées de l’UDI-UC.)
M. le président. La parole est à M. Ronan Dantec, pour la réplique.
M. Ronan Dantec. Je remercie sincèrement M. le ministre d’avoir indiqué que la programmation pluriannuelle de l’énergie respecterait la loi relative à la transition énergétique pour la croissance verte ; c’est une information importante.
Je soutiens sa position en ce qui concerne la fixation d’un prix du carbone propre à réduire la part du charbon dans la production d’électricité en Europe. Cela montre que nous sommes d’accord sur de nombreux points ! (Exclamations ironiques sur les travées du groupe Les Républicains.)
Je maintiens, en revanche, que nous devons dire à EDF combien de réacteurs peuvent voir leur durée de vie prolongée, pour que l’entreprise puisse intégrer cette donnée dans ses comptes.
projet de loi sur le travail
M. le président. La parole est à Mme Éliane Assassi, pour le groupe communiste républicain et citoyen.
Mme Éliane Assassi. Ma question s’adresse à Mme la ministre du travail, de l'emploi, de la formation professionnelle et du dialogue social.
Alors que des centaines de milliers de salariés, de retraités, de jeunes, d’étudiants manifestent actuellement contre votre projet de casse du code du travail, pourquoi, madame la ministre, persistez-vous dans cette impasse libérale ?
Ce projet va anéantir les protections collectives des salariés, puisque, désormais, un code du travail différent s’appliquera dans chaque entreprise. Pour nous, le code du travail, c’est la loi, et la même protection doit être assurée à tous !
Vous voulez faciliter les licenciements pour les patrons. Qui peut croire, madame la ministre, que cela favorisera la création d’emplois ? L’affirmer relève soit de la naïveté, soit de la tromperie.
Vous préférez précariser davantage encore les travailleurs et augmenter le nombre de chômeurs, plutôt que de vous attaquer aux groupes français champions des dividendes versés aux actionnaires. Il serait temps d’arrêter de faire des cadeaux à M. Gattaz et d’entendre la souffrance des salariés ! (Protestations sur les travées du groupe Les Républicains.)
Votre projet, madame la ministre, doit être retiré ! (Mmes et MM. les sénateurs du groupe CRC se lèvent et brandissent des pancartes signifiant leur opposition au projet de loi sur le travail. – Exclamations ironiques sur les travées du groupe Les Républicains et de l’UDI-UC.)
Plusieurs sénateurs du groupe Les Républicains. Ridicule !
Mme Éliane Assassi. La jeunesse se mobilise, car elle a bien lu votre projet et compris qu’il lui réserve un avenir de précarité. Alors que la jeunesse a soif de bonheur et de liberté, votre projet de loi suscite l’angoisse du lendemain et traduit la soumission au patronat et aux actionnaires ! Allez-vous le retirer, comme vous le demandent la jeunesse et les salariés ? (Applaudissements sur les travées du groupe CRC. – Vives exclamations sur les travées du groupe Les Républicains.)
M. le président. Vous pouvez ranger le décor, chers collègues… (Rires.)
La parole est à M. le Premier ministre.
M. Manuel Valls, Premier ministre. Madame Assassi, je tiens à vous répondre moi-même, parce que vous êtes présidente de groupe, et aussi pour permettre à Mme la ministre du travail de ménager un peu sa voix, très sollicitée ces jours-ci… Je veux d’ailleurs saluer le courage et le panache avec lesquels elle défend le projet de loi sur le travail ! (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste et républicain. – Exclamations ironiques sur les travées du groupe Les Républicains.)
Mme Nicole Bricq. Très bien !
M. Manuel Valls, Premier ministre. Je le dis avec le plus grand respect des positions des uns et des autres, en particulier de ceux de nos concitoyens qui manifestent aujourd’hui, comme il est normal dans une grande démocratie : à propos de ce texte s’expriment, comme souvent dans le débat public dans notre pays, des approches particulièrement caricaturales, binaires. Certains affirment qu’il ne servira à rien, qu’il ne va pas assez loin, d’autres, comme vous, madame Assassi, disent le contraire.
Mme Éliane Assassi. Nous sommes des milliers !
M. Thierry Foucaud. Il y a des socialistes dans les manifestations !
M. Manuel Valls, Premier ministre. Le débat sur ce projet de loi met en lumière une profonde différence de conceptions, qui traverse les diverses familles politiques, mais aussi les partenaires sociaux, en ce qui concerne la nature du dialogue social.
Oui, nous avons souhaité, à l’instar d’ailleurs d’organisations syndicales qui ne manifestent pas aujourd’hui et que l’on appelle réformistes, que la négociation se déroule d’abord à l’échelon des entreprises et des branches, les protections nécessaires étant assurées aux salariés, notamment dans les petites entreprises, les PME, où il n’y a pas de représentation syndicale. Le dialogue social sera ainsi rapproché des entreprises, au bénéfice de celles-ci comme de leurs salariés, sans que les normes soient inversées.
Mme Nicole Bricq. Très bien !
M. Manuel Valls, Premier ministre. J’assume, madame Assassi, cette différence entre nos visions de la démocratie sociale.
Je ne vous ai pas entendue évoquer le chômage de masse que nous connaissons depuis des années et qui touche particulièrement les salariés peu ou mal formés, peu qualifiés, les personnes issues des quartiers populaires, les femmes : c’est ce que l’on appelle la dualité du marché du travail.
Aujourd’hui, dans neuf cas sur dix, la première embauche se fait en contrat à durée déterminée, même si le contrat à durée indéterminée reste la norme. L’assouplissement que nous proposons vise à faciliter non pas les licenciements, mais les embauches !
M. Thierry Foucaud. On ne facilite pas les embauches en réduisant les droits !
M. Manuel Valls, Premier ministre. Sortons des caricatures : on trouvera toujours des contre-exemples, qui n’infirmeront pas la règle, mais aucun chef d’entreprise n’a envie de licencier, notamment dans les petites et moyennes entreprises, qui emploient l’immense majorité de nos concitoyens. (Exclamations sur les travées du groupe CRC.)
Vous invoquez volontiers la démocratie, mais c’est une drôle de façon de la faire vivre que de chercher à m’empêcher de m’exprimer ! (Protestations sur les travées du groupe CRC. – Applaudissements sur les travées du groupe socialiste et républicain et du RDSE, ainsi que sur certaines travées de l’UDI-UC et du groupe Les Républicains.)
Par ailleurs, ce texte comporte une avancée majeure, à savoir le compte personnel d’activité, qui représente une véritable sécurité sociale professionnelle, que vous devriez défendre. Je ne vous ai pas non plus entendue vous exprimer sur ce point, madame Assassi !
Enfin, la garantie jeunes, qui va devenir universelle, peut être considérée comme une sorte de revenu minimum ou d’allocation universelle. Elle représente en tous cas une véritable chance pour la jeunesse de ce pays.
Madame la présidente Assassi, cessez les caricatures, participez au débat !
Mme Éliane Assassi. On n’arrête pas !
M. Manuel Valls, Premier ministre. La discussion du projet de loi est en cours à l’Assemblée nationale. Elle s’engagera bientôt au Sénat.
Je pense que nous avons déjà levé nombre d’inquiétudes. La porte des ministres du travail et de l’éducation nationale reste ouverte aux organisations syndicales, étudiantes ou lycéennes qui, à la différence d’autres, se sont jointes au mouvement de contestation. Continuons à œuvrer pour les entreprises, pour les salariés et pour la jeunesse de ce pays : telle doit être notre préoccupation essentielle ! (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste et républicain et sur certaines travées du RDSE.)
M. le président. La parole est à Mme Éliane Assassi, pour la réplique.
Mme Éliane Assassi. Monsieur le Premier ministre, je crois que vous vous êtes quelque peu enfermé dans un raisonnement dogmatique ! (Protestations sur les travées du groupe socialiste et républicain. – Rires sur les travées du groupe Les Républicains et de l'UDI-UC.) Vous répétez à l’envi les mêmes arguments, mais force est de constater que cela ne marche pas !
Vous refusez d’entendre toutes propositions alternatives, notamment celles qui émanent de notre formation ou de certains syndicats. Vous n’entendez pas ce que dit la rue aujourd’hui, particulièrement la jeunesse, qui demande le retrait de ce texte ! Partageant pleinement cette revendication, les sénateurs du groupe communiste républicain et citoyen quitteront l’hémicycle à l’issue de cette séance de questions d’actualité, pour rejoindre les manifestants dans Paris ! (Mmes et MM. les sénateurs du groupe communiste républicain et citoyen se lèvent et applaudissent longuement. – Exclamations ironiques sur les travées du groupe Les Républicains.)
M. le président. La parole est à M. Martial Bourquin, pour le groupe socialiste et républicain. (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste et républicain.)
M. Martial Bourquin. Ma question s'adresse à M. le Premier ministre.
Face à la gravité des attentats du 13 novembre et au traumatisme vécu par tous les Français, le Président de la République avait trouvé les mots justes : « Face à la terreur, la France doit être forte ; elle doit être grande. […] Nous devons […] appeler chacun à la responsabilité. Il y a […] une nation qui sait se défendre, qui sait mobiliser ses forces […]. »
Ensuite, devant le Parlement réuni en Congrès, il a décliné des mesures nécessaires pour lutter contre le terrorisme : projet de loi de révision constitutionnelle, renforcement des institutions, renforcement des forces de police, loi relative au renseignement,…
M. Gilbert Bouchet. On n’a rien contre !
M. Martial Bourquin. … justifiant ainsi la mise en œuvre de l’état d’urgence, que nous avons votée à l’unanimité.
Malheureusement, l’unité nationale qui s’est constituée au lendemain des attentats n’aura été qu’éphémère ! (Exclamations sur les travées du groupe Les Républicains.)
M. Gilbert Bouchet. À cause de qui ?
M. Alain Gournac. À qui la faute ?
M. Martial Bourquin. L’Assemblée nationale, toutes sensibilités politiques confondues, est parvenue à un consensus ; je ne peux que déplorer qu’il n’en ait pas été de même au Sénat ! (Vives protestations sur les travées du groupe Les Républicains. – M. Alain Bertrand applaudit.)
M. Martial Bourquin. Chers collègues, quelle image donnons-nous à nos concitoyens, qui souhaitaient majoritairement cette réforme ?
M. François Grosdidier. Mme Taubira n’était pas sénateur !
M. Martial Bourquin. Devant ce manque d’unité et ces divisions, je ne peux m’empêcher de penser que ce n’est pas un camp politique qui a perdu, mais la France ! (Nouvelles protestations sur les travées du groupe Les Républicains.)
M. Gérard Cornu. À cause de qui ?
M. le président. Veuillez conclure, mon cher collègue !
M. Martial Bourquin. Le jeu politicien ne doit en aucun cas prévaloir sur la sécurité de nos concitoyens !
M. Philippe Dallier. Pas très convaincant !
M. Roger Karoutchi. C’est fini, monsieur le président !
M. Martial Bourquin. Monsieur le Premier ministre, dans ce contexte renouvelé, comment comptez-vous poursuivre le combat contre le terrorisme (Protestations sur les travées du groupe Les Républicains et de l'UDI-UC.) et assurer la protection de l’ensemble des Français ? (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste et républicain et sur certaines travées du RDSE. – Huées sur certaines travées du groupe Les Républicains.)
M. le président. La parole est à M. le Premier ministre.
M. Manuel Valls, Premier ministre. Hier, le Président de la République a pris acte de l’impossibilité pour l’Assemblée nationale et le Sénat de s’accorder sur la révision constitutionnelle. Après s’être entretenu avec le président de l’Assemblée nationale et le président du Sénat, il a donc décidé de clore le débat constitutionnel.
Cette révision constitutionnelle avait été annoncée trois jours seulement après les attentats du 13 novembre, trois jours après ces actes terroristes, ces actes de guerre qui ont fait cent trente morts, des centaines de blessés, et ont profondément traumatisé le pays.
Chacun d’entre vous était présent à Versailles, le 16 novembre dernier. J’ai déjà eu l’occasion de le dire ici même : je pense sincèrement que, par son discours, les propositions qu’il a formulées, le Président de la République a su créer les conditions de l’unité nationale à un moment où beaucoup de choses auraient pu basculer.
M. Roger Karoutchi. On est d’accord !
M. Manuel Valls, Premier ministre. Cette unité était indispensable, notamment pour mettre en œuvre l’état d’urgence, dont la prolongation a été votée en des termes identiques par l’Assemblée nationale et le Sénat en quelques jours.
Au cours des jours qui ont suivi les attentats, nous nous sommes tous levés, donnant l’image d’une nation rassemblée, unie, qui fait face, une nouvelle fois, à la menace permanente du terrorisme.
Nous avons tous soutenu l’instauration de l’état d’urgence, lequel nous permet encore aujourd’hui de remonter les filières, de lutter contre les réseaux, de déjouer de nouvelles attaques, comme en témoigne la mise au jour d’un projet d’attentat voilà peu à Argenteuil. À ce sujet, je peux confirmer les propos tenus hier par le procureur Molins : une attaque massive, imminente menaçait notre pays.
Tous, nous avons soutenu l’intensification des frappes contre l’État islamique, afin de combattre l’ennemi également dans ses fiefs, au Levant, en Irak et en Syrie.
Quatre mois plus tard, nous ne sommes pas parvenus à conserver cette unité sur la révision constitutionnelle. Je le regrette profondément.
Je regrette également profondément que nous n’ayons pas su nous élever à la hauteur des attentes et des exigences des Français. Chacun d’entre nous a sa part dans cet état de fait. Dans de tels moments, nous aurions dû être capables de nous rassembler.
Enfin, comme j’ai déjà eu l’occasion de le dire ici même à la majorité sénatoriale, je regrette profondément que le Sénat ait adopté un texte aussi éloigné… (Protestations sur les travées du groupe Les Républicains.)
M. François Grosdidier. Non, il est fidèle à la parole du Président de la République !
M. Alain Fouché. Ce n’est pas l’Assemblée nationale qui commande !
M. le président. Mes chers collègues, laissez parler M. le Premier ministre !
M. Manuel Valls, Premier ministre. Une telle attitude est tout de même extraordinaire, de la part de ceux-là mêmes qui ont failli m’applaudir tout à l’heure,…
Mme Nicole Bricq. Failli seulement !
M. Manuel Valls, Premier ministre. … lorsque j’ai demandé à vos collègues du groupe CRC de ne pas m’interrompre ! (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste et républicain. – MM. Alain Bertrand et Joël Guerriau applaudissent également.)
Je regrette, disais-je, que le Sénat ait voté un texte aussi éloigné de celui qui avait été adopté par l’Assemblée nationale à une majorité de plus des trois cinquièmes, par-delà les clivages partisans, les deux principales familles politiques étant elles-mêmes traversées par ces débats.
Tout en respectant profondément le Sénat, je regrette que la majorité sénatoriale n’ait fait aucun effort, aucune proposition (Exclamations sur les travées du groupe Les Républicains et sur certaines travées de l'UDI-UC.)…
M. Joseph Castelli. Il a raison !
M. Manuel Valls, Premier ministre. … pour tendre la main à la gauche, alors que celle-ci, à l’Assemblée nationale, a consenti un tel effort, ce qui a permis d’aboutir à un vote à la majorité des trois cinquièmes ! C’est cela que je regrette ! (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste et républicain. – M. Alain Bertrand applaudit également.)
M. Gilbert Bouchet. Ici, c’est le Sénat !
M. Manuel Valls, Premier ministre. Les Français constatent ainsi notre incapacité à nous mettre d’accord sur cette réforme et, plus particulièrement, sur l’extension de la déchéance de nationalité pour les terroristes, mesure qui apparaît pourtant tellement évidente et qui a été défendue ici même par beaucoup d’entre vous.
À cet égard, ce matin même, Stéphane Le Foll, porte-parole du Gouvernement, citait le cas de Salah Abdeslam, qui a participé sans nul doute – même s’il faut rester prudent s’agissant de faits qui n’ont pas encore été jugés – aux attentats de Paris. Comment allez-vous expliquer que cet individu ne doit pas être déchu de la nationalité française, au motif qu’il ne faudrait pas franchir la ligne rouge de l’apatridie ? (Protestations sur les travées du groupe Les Républicains.)
M. Philippe Bas. Il n’y a pas de rétroactivité en la matière, de toute façon !
M. François Grosdidier. C’est vous qui êtes dans l’erreur ! Il ne faut pas d’apatrides !
M. Manuel Valls, Premier ministre. Monsieur Bourquin, ce jeu politicien peut en effet mettre en péril l’unité et la confiance, indispensables en une telle période. L’essentiel, toutefois, c’est que l’unité prévale en matière de lutte contre le terrorisme.
Depuis le début du quinquennat, nous avons augmenté les effectifs des services de police et de gendarmerie, ce qui n’avait pas été fait auparavant.
Nous avons renforcé les services de renseignement, alors que nos prédécesseurs avaient mis en cause les renseignements généraux.
Nous avons donné davantage de moyens aux services judiciaires et douaniers.
Nous avons consolidé notre arsenal juridique, en faisant voter deux lois antiterroristes, les lois relatives au renseignement, et en préparant un projet de loi relatif à la procédure pénale.
À ce propos, monsieur Bas, monsieur Mercier, tout en reconnaissant que nous avons reçu le soutien de la commission des lois du Sénat sur d’autres textes, je rappelle que c’est la majorité de l’Assemblée nationale qui aura le dernier mot ! (Protestations sur les travées du groupe Les Républicains.)
C’est bien la politique que nous mettons en œuvre qui permet de protéger les Français et de garantir leur sécurité. Oui, monsieur Bourquin, nous continuerons à mener cette politique, parce que la protection des Français constitue plus que jamais notre priorité ! (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste et républicain.)
prix des médicaments anti-cancéreux
M. le président. La parole est à Mme Françoise Férat, pour le groupe UDI-UC.
Mme Françoise Férat. Monsieur le Premier ministre, je voudrais d’abord vous dire combien je suis choquée par vos propos. Vous l’avez dit, nous étions tous présents à Versailles, tous unis derrière les propositions du Président de la République.
Mme Nicole Bricq. La preuve que non !
Mme Françoise Férat. Vous avez ensuite largement modifié la teneur des propositions présidentielles, au gré des pressions de votre majorité,…
M. Alain Gournac. Oui !
Mme Françoise Férat. … que vous n’avez pas su fédérer ! (Vifs applaudissements sur les travées de l'UDI-UC et du groupe Les Républicains.)
Par conséquent, je n’accepte pas, monsieur le Premier ministre, que vous fassiez porter à la majorité sénatoriale la responsabilité de vos propres manquements ! (Bravo ! et applaudissements sur les mêmes travées.)
J’en viens à ma question, qui est particulièrement importante et s’adresse à Mme la ministre des affaires sociales et de la santé.
Il y a quelques jours, cent dix de nos meilleurs cancérologues ont souhaité alerter les pouvoirs publics et l’opinion sur l’inflation du prix des nouveaux traitements contre le cancer. Aujourd’hui, leur coût est en effet trop élevé et ne cesse d’augmenter, ce qui pourrait porter atteinte à l’égalité d’accès aux soins.
Les innovations thérapeutiques offrent de nouveaux espoirs aux malades. C’est pourquoi il est indispensable que tous puissent en bénéficier.
L’industrie pharmaceutique calculait jusqu’alors le prix d’un médicament en fonction du nécessaire retour sur investissement. Cependant, alors que les coûts de la recherche et du développement ont largement diminué, les prix des nouveaux médicaments continuent d’augmenter ! Il s’agit d’une problématique qui dépasse nos frontières. En effet, les prix pratiqués sont différents selon le secteur géographique et selon ce que les pays – les « marchés » – sont prêts à payer.
En France, l’État tente de réguler les prix par l’intermédiaire du Comité économique des produits de santé.
M. le président. Ma chère collègue, ne tardez pas à poser votre question !
Mme Françoise Férat. Mais combien de temps encore ce système va-t-il fonctionner ? Combien de temps encore allons-nous pouvoir protéger les patients ?
En France, plusieurs problèmes se sont déjà manifestés,…
M. le président. Veuillez poser votre question, ma chère collègue !
Mme Françoise Férat. … et certains traitements sont sur la sellette uniquement parce qu’ils sont trop chers !
Quelles mesures concrètes le Gouvernement compte-t-il mettre en œuvre pour tenter de remédier à ce problème sur notre territoire ? (Applaudissements sur les travées de l'UDI-UC et du groupe Les Républicains.)
M. le président. La parole est à Mme la secrétaire d'État chargée des personnes handicapées et de la lutte contre l'exclusion.
Mme Ségolène Neuville, secrétaire d'État auprès de la ministre des affaires sociales et de la santé, chargée des personnes handicapées et de la lutte contre l'exclusion. Madame la sénatrice Françoise Férat, je vous prie tout d’abord d’excuser l’absence de Marisol Touraine, qui est en déplacement.
La liste « en sus » a pour objectif de permettre à l’ensemble des patients d’accéder aux médicaments innovants et coûteux. Les médicaments qui sont inscrits sur cette liste, tels certains médicaments anti-cancéreux, correspondent à des traitements dont le coût, extrêmement important, ne peut être financé par le biais du budget « classique » de l’hôpital. Ils doivent donc faire l’objet d’un financement spécifique.
Cette liste ne concerne en aucun cas le remboursement des médicaments aux patients. Il s’agit uniquement d’un dispositif de financement pour les hôpitaux. Par conséquent, contrairement à ce qui a pu être dit, la radiation d’un médicament de la liste « en sus » n’a absolument pas pour conséquence son déremboursement. Elle entraîne simplement un changement des modalités de son financement. Si un médicament est radié de cette liste, les médecins gardent bien entendu la possibilité de le prescrire s’ils pensent que cela est indiqué.
Madame la sénatrice, je tiens à vous rassurer : contrairement à la majorité précédente (Exclamations sur les travées du groupe Les Républicains.), nous n’avons procédé à aucun déremboursement de médicament et nous n’avons aucunement l’intention de le faire.
Tout est fait pour que tous les patients qui ont besoin d’un traitement puissent y avoir accès et être soignés. Le Gouvernement y a veillé s’agissant de l’hépatite C, ce qui n’était pas facile, et de l’ensemble des cancers, en assurant l’accès à tous les médicaments ! (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste et républicain. – Mme Hermeline Malherbe applaudit également.)
réforme constitutionnelle
M. le président. La parole est à M. Cédric Perrin, pour le groupe Les Républicains. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains.)
M. Cédric Perrin. Ma question s'adresse à M. le Premier ministre.
Monsieur le Premier ministre, vous venez de le rappeler : hier, après quatre mois de tergiversations, le Président de la République a enterré la réforme constitutionnelle. Au cours de ces quatre mois, le Sénat aura adopté cinq textes du Gouvernement consacrés à la lutte contre le terrorisme ; il n’a, lui, jamais varié ! Le texte voté par la majorité sénatoriale unie est la transcription conforme des engagements pris par le Président de la République à Versailles le 16 novembre dernier ! (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains.)
M. Alain Gournac. Oui !
M. Cédric Perrin. En réalité, c’est la gauche qui s’est éloignée de la parole présidentielle (Protestations sur les travées du groupe socialiste et républicain.),…
M. Alain Gournac. Eh oui !
M. Cédric Perrin. … ce qui a entraîné d’abord la démission de la ministre de la justice, puis un bricolage juridique absurde, dont le seul objectif était de rallier une majorité de circonstance au sein de vos propres rangs, majorité qui se révèle de plus en plus introuvable.
Vous avez contourné la difficulté en recourant au 49-3 pour faire adopter une loi Macron anémiée. Bientôt, vous allez être contraints de vider de sa substance la loi El Khomri ! (Exclamations ironiques sur les travées du groupe Les Républicains.)
Monsieur le Premier ministre, avez-vous conscience de ne pas avoir de majorité sur des sujets aussi emblématiques ? (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains et sur certaines travées de l'UDI-UC.)
M. le président. La parole est à M. le Premier ministre.
M. Manuel Valls, Premier ministre. Monsieur le sénateur, on peut analyser les lignes de force dans chacune des assemblées et dans chacune des majorités. Je vais d’ailleurs le faire avec grand plaisir.
Nous avons en effet eu un débat difficile et douloureux à l’Assemblée nationale. Comme je l’ai rappelé il y a un instant, le Président de la République a décidé, à la suite des consultations qu’il a menées quelques heures après les attentats, le samedi 14 et le dimanche 15 novembre, de reprendre une proposition émanant des responsables de l’opposition et s’inscrivant d’ailleurs dans une tradition républicaine. C’est sur cette base que s’est engagée la discussion.
Pour moi, l’essentiel était de trouver une majorité des trois cinquièmes. Cette majorité n’était pas introuvable puisque, à l’Assemblée nationale, une grande majorité des députés socialistes ont voté pour le texte, de même que la majorité des députés du groupe Les Républicains et la quasi-totalité des députés de l’UDI, madame Férat (Mme Françoise Férat proteste.), le président Lagarde considérant qu’il ne fallait pas que la déchéance de nationalité concerne uniquement une catégorie spécifique de citoyens, à savoir les binationaux. La majorité obtenue à l’Assemblée nationale ne résultait donc pas d’un arrangement au sein de la gauche !
Le retrait de la réforme constitutionnelle conduira à ce que la déchéance de nationalité ne soit possible que pour les seuls binationaux ayant été naturalisés français. En termes d’équité, d’égalité et d’efficacité, c’est une drôle de régression !
En ce qui concerne le Sénat, à chacun ses problèmes ! La majorité sénatoriale a privilégié l’unité en son sein, pour des raisons que je ne souhaite même pas évoquer, au détriment de l’unité nationale ; je le regrette ! (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste et républicain. – Vives protestations sur les travées du groupe Les Républicains.)
M. le président. La parole est à M. Cédric Perrin, pour la réplique.
M. Cédric Perrin. Monsieur le Premier ministre, je peux comprendre votre énervement, auquel nous sommes malheureusement habitués dans cet hémicycle, mais permettez-moi de vous rappeler que nul ne peut se prévaloir de sa propre turpitude. (Protestations sur les travées du groupe socialiste et républicain.)
Permettez-moi également de vous rappeler les commentaires de certains de vos amis à propos de cette réforme constitutionnelle.
Selon Christian Paul, « il fallait tourner la page » et « on ne peut pas réussir l’unité nationale […] contre les principes républicains ».
Nos amis écologistes se félicitent de la décision du Président de la République, « obtenue de haute lutte grâce à la mobilisation des parlementaires et de la société civile ».
Quant au groupe communiste républicain et citoyen du Sénat, il a indiqué que « les démocrates, les républicains et les femmes et les hommes de gauche ont refusé, dans leur grande majorité, une révision qui sacrifiait une certaine idée de la France au profit d’une stratégie électorale et partisane ».
Je conclurai en citant Malek Boutih : « Il faut être honnête, le problème politique est venu de notre propre camp. » On ne saurait dire mieux, monsieur le Premier ministre ! (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains et sur certaines travées de l’UDI-UC.)
emploi et projet de loi sur le travail
M. le président. La parole est à Mme Corinne Féret, pour le groupe socialiste et républicain.
Mme Corinne Féret. Ma question s'adresse à Mme la ministre du travail, de l'emploi, de la formation professionnelle et du dialogue social.
Ne le nions pas, madame la ministre, alors que le mois de janvier avait été marqué par une forte baisse du nombre des demandeurs d’emploi, les statistiques du chômage publiées la semaine dernière ne sont pas bonnes.
Cette contre-performance doit toutefois être relativisée. Elle s’inscrit, en effet, dans un mouvement de hausses et de baisses incessantes du chômage depuis neuf mois et s’explique très largement par le passage en catégorie A de personnes qui étaient déjà inscrites à Pôle emploi en catégories B et C et exerçaient une activité réduite.
Tout cela traduit une reprise timide, mais réelle (Exclamations ironiques sur les travées du groupe Les Républicains.), de l’activité économique, qui doit nous encourager à poursuivre la bataille pour l’emploi. La reprise se confirme.
M. Alain Gournac. Tout va bien !
Mme Corinne Féret. C’est ce que souligne d’ailleurs la dernière note de conjoncture de l’Institut national de la statistique et des études économiques, l’INSEE, diffusée le 17 mars dernier. Le taux de chômage en France devrait ainsi rester orienté à la baisse.
Rappelons que, depuis 2012, des mesures fortes de lutte contre le chômage ont été mises en œuvre, au travers du crédit d’impôt pour la compétitivité et l’emploi et du pacte de responsabilité et de solidarité. Le plan pour l’emploi lancé par le Président de la République en ce début d’année vient encore consolider ces mesures, avec deux objectifs principaux.
Le premier de ces objectifs est de former les demandeurs d’emploi, en partant des besoins par bassin d’emploi et grâce à la mise en œuvre de quelque 500 000 actions de formation, en accord avec les présidents de région : toutes les conventions sont d’ailleurs en passe d’être signées.
Le second objectif est d’accélérer la création d’emplois dans les TPE et les PME grâce au dispositif « Embauche PME ». Les premiers résultats sont très prometteurs : à raison de 5 000 embauches par jour en moyenne, nous venons de fêter la cent millième embauche en moins de deux mois.
M. Alain Gournac. Tout va mieux !
Mme Corinne Féret. Un tel rythme devrait permettre d’atteindre le million d’embauches à la fin de l’année, ce qui serait en ligne avec les attentes du Gouvernement.
Tout le monde doit prendre sa part dans cette bataille pour l’emploi.
M. le président. Votre temps de parole est épuisé, veuillez poser votre question !
Mme Corinne Féret. Lorsque l’ensemble des parties prenantes unissent leurs forces, cela débouche au final sur des contrats pour tous ceux qui sont si injustement écartés du marché de l’emploi ! (Protestations sur les travées du groupe Les Républicains.)
M. Éric Doligé. C’est de l’incantation !
Mme Corinne Féret. Ma question est la suivante, madame la ministre : à l’heure où certains manifestent aujourd’hui contre un projet de loi ayant pourtant pour objectif de soutenir l’emploi (Nouvelles protestations sur les mêmes travées.), en remettant le dialogue social et la négociation au cœur des relations de travail, pouvez-vous nous préciser… (M. le président coupe le micro de l’oratrice.)
M. le président. Je me dois de faire respecter l’égalité des temps de parole entre tous les sénateurs, ma chère collègue ! (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains.)
La parole est à Mme la ministre du travail, de l'emploi, de la formation professionnelle et du dialogue social.
Mme Myriam El Khomri, ministre du travail, de l'emploi, de la formation professionnelle et du dialogue social. Comme vous l’avez indiqué, madame la sénatrice, les chiffres du mois de février concernant les demandeurs d’emploi inscrits à Pôle emploi en catégorie A ne sont pas bons, mais ils font suite à une forte baisse intervenue au mois de janvier. Effectivement, nous connaissons depuis neuf mois des variations très fortes, d’un mois sur l’autre, des statistiques du chômage, avec des mouvements à la baisse et des mouvements à la hausse. Cela montre que la reprise économique est là, mais qu’elle demeure encore timide.
Au cours de l’année 2015, près de 100 000 emplois ont été créés. C’est bien, mais ce n’est pas suffisant au regard de notre croissance démographique. Toutefois, les signaux sont plutôt positifs, et les chiffres annoncés jeudi dernier doivent nous inciter à intensifier encore notre action.
Dans cette perspective, des mesures conjoncturelles ont été décidées par le Président de la République. Je pense notamment, au-delà du CICE et du pacte de responsabilité et de solidarité, au plan pour l’emploi.
À l’heure actuelle, 130 000 demandes ont déjà été formulées par les chefs d’entreprise sur les territoires, au titre du programme « Embauche PME », destiné à accélérer la création d’emplois.
Les TPE sont à l’origine de 80 % de ces demandes –nous savons bien que c’est à leur niveau que se gagnera la bataille pour l’emploi –, dont près de 70 % concernent des embauches en CDI. Cela signifie que des personnes qui se trouvaient en situation d’emploi précaire se voient proposer, grâce à cette aide, un CDI.
Nous maintenons bien sûr la mobilisation autour de ce programme, mais je veux aussi évoquer le plan « 500 000 formations ». Avec Clotilde Valter, nous avons signé six conventions régionales. Hier, le Premier ministre signait avec le président de l’Association des régions de France, Philippe Richert, une convention portant sur l’emploi, la formation, l’apprentissage et le développement économique. En effet, c’est collectivement que nous pourrons gagner la bataille !
J’en viens aux mesures structurelles et à la réforme, juste et nécessaire à notre pays, que je défends.
La réalité, c’est que, aujourd'hui, le droit du travail ne cesse d’être contourné, au travers du travail détaché, du travail indépendant, etc., et que neuf embauches sur dix se font en CDD.
M. le président. Il faut conclure !
Mme Myriam El Khomri, ministre. Nous souhaitons donc développer la négociation d’entreprise, donner plus de prévisibilité et de clarté aux entreprises, tout en offrant aux salariés de nouveaux droits ! (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste et républicain.)
renouvellement des rames intercités
M. le président. La parole est à M. Claude Kern, pour le groupe UDI-UC. (Applaudissements sur les travées de l'UDI-UC et sur certaines travées du groupe Les Républicains.)
M. Claude Kern. Ma question s'adresse à M. le Premier ministre.
Je voudrais tout d’abord saluer la présence dans nos tribunes de nombreux entrepreneurs, qui participent à la Journée des entreprises du Sénat. Ils ne manqueront pas d’être intéressés par votre réponse, monsieur le Premier ministre ! (Bravo ! et applaudissements sur les travées de l'UDI-UC et du groupe Les Républicains.)
Le Gouvernement a tranché en faveur du recours à un appel d’offres pour le renouvellement des trains Intercités, au lieu d’appliquer les contrats-cadres existants. Cette décision suscite les plus vives inquiétudes parmi les salariés d’Alstom Transport des sites d’Ornans, du Creusot, de Tarbes, de Villeurbanne, de Belfort et de Reichshoffen. Et pour cause ! Avec cette décision, vous signez l’arrêt de la production sur ces sites en 2017 et vous mettez en péril des milliers d’emplois, au sein du groupe et chez ses partenaires. Pour un gouvernement se disant soucieux de l’emploi, permettez-moi de vous dire que les bras m’en tombent ! (M. Alain Gournac applaudit.)
Les dégâts ne s’arrêtent pas là, puisque cette décision aura également pour conséquence le renchérissement de 800 millions d’euros du coût d’acquisition du matériel et des retards de quatre ans dans les livraisons.
En définitive, tout le monde est victime de cette décision : les salariés, les finances publiques et les voyageurs, qui subissent la vétusté de ces trains.
Certes, gouverner, c’est prendre des décisions difficiles, mais gouverner, c’est aussi, et surtout, faire preuve de bon sens, de pragmatisme !
Dans sa réponse à un courrier adressé par des parlementaires, le secrétaire d’État Alain Vidalies avance des raisons de sécurité juridique pour justifier ce choix. Effectivement, l’application des contrats-cadres existants présentait un risque juridique, mais les meilleurs juristes ont souligné combien celui-ci restait mesuré. Faut-il entendre, monsieur le Premier ministre, que ce risque modéré pèse plus lourd dans la balance que les conséquences économiques et sociales induites par le lancement d’un nouvel appel d’offres ?
Quelles mesures allez-vous mettre en place pour répondre à la détresse des salariés d’Alstom et aux difficultés des territoires concernés ? (Applaudissements sur les travées de l'UDI-UC et sur quelques travées du groupe Les Républicains.)
M. le président. La parole est à M. le ministre de l'économie, de l'industrie et du numérique.
M. Emmanuel Macron, ministre de l'économie, de l'industrie et du numérique. Monsieur le sénateur, je voudrais d’abord souligner que, conformément d’ailleurs aux positions que vous défendez dans cet hémicycle et ailleurs, la meilleure manière pour Alstom de remédier à ses problèmes de compétitivité, c’est précisément de se donner les moyens de conquérir de nouveaux marchés et de se rendre progressivement moins dépendant de la commande publique !
C’est la première réponse qui peut être apportée, et c’est celle qui vaudra sur le long terme. En effet, les problèmes actuels d’Alstom tiennent à une trop grande dépendance à l’égard de la commande publique, qui a été surabondante au cours des années passées. Mesdames, messieurs les sénateurs, nous ne rendrons service à personne si nous considérons que la seule réponse doit être de maintenir un tel schéma ! (Applaudissements sur certaines travées du groupe socialiste et républicain. – MM. Jean-Pierre Raffarin et Henri de Raincourt applaudissent également.)
Nous nous employons à rassurer les salariés de l’entreprise en accélérant la modernisation de l’appareil productif. Je pense ici au projet de « TGV du futur » que nous soutenons dans le cadre de la démarche de la Nouvelle France industrielle. Avec la SNCF et l’Agence de l’environnement et de la maîtrise de l’énergie, l’ADEME, nous avons accéléré la procédure d’appel d’offres et mis l’argent nécessaire à disposition.
Il importe aussi de conquérir de nouveaux marchés, au Maghreb, aux États-Unis ou ailleurs. Nous avons justement créé de nouveaux volumes d’affaires, que ce soit en ingénierie ou en production, pour l’entreprise.
Enfin, il convient de s’assurer de la santé financière de l’entreprise. À cet égard, nous avons veillé à ce que l’opération entre General Electric et Alstom participe au désendettement du groupe, afin de permettre de nouveaux investissements et de nouveaux projets.
Voilà ce que, en réalité, nous devons à Alstom pour lui permettre d’améliorer sa compétitivité.
S’agissant des commandes en cours, comme nous nous y étions engagés au mois de juillet dernier, nous avons privilégié le cadre du contrat existant entre la SNCF et Alstom. Gouverner, c’est aussi respecter le droit !
M. François Grosdidier. Sauf pour la déchéance de nationalité !
M. Emmanuel Macron, ministre. Nous serions immanquablement attaqués si nous allions au-delà.
Alain Vidalies a confirmé, le 19 février dernier, la commande de trente-quatre rames Coradia, pour un montant de 510 millions d’euros – les premières seront livrées en fin d’année – et annoncé l’acquisition de trente rames supplémentaires dans le cadre du contrat entre Alstom et la SNCF.
M. le président. Il faut conclure, monsieur le ministre !
M. Emmanuel Macron, ministre. Cette commande évoluera en fonction des travaux que le préfet Philizot mène, à la demande du Premier ministre, avec les régions. Plus les régions contribueront à la commande publique, plus nous pourrons étendre celle-ci et donner de la visibilité à l’entreprise. (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste et républicain et sur certaines travées du RDSE.)
M. le président. La parole est à M. Claude Kern, pour la réplique.
M. Claude Kern. Je note que le Gouvernement fait néanmoins le choix de la prudence excessive, en sacrifiant un fleuron de l’industrie nationale et des milliers d’emplois. (Protestations sur les travées du groupe socialiste et républicain. – M. André Reichardt applaudit.) Le véritable courage politique eût été d’affronter le risque que vous évoquez, monsieur le ministre, et d’appliquer les contrats-cadres existants au-delà des trente rames. J’ajoute que les parlementaires des territoires concernés attendent toujours une réponse à leur demande de rendez-vous, après plusieurs relances. (Applaudissements sur certaines travées de l’UDI-UC et du groupe Les Républicains.)
entreprises
M. le président. La parole est à Mme Élisabeth Lamure, pour le groupe Les Républicains.
Mme Élisabeth Lamure. Ma question s'adresse à M. le ministre de l'économie, de l'industrie et du numérique.
L’actualité du Sénat, c’est aussi la Journée des entreprises. Depuis ce matin, près de 200 entrepreneurs s’expriment, nous transmettent des messages, nous alertent, nous informent de leurs attentes, comme ils le font depuis plus d’un an, d’ailleurs, à l’occasion des rencontres organisées dans les territoires avec les membres de la délégation sénatoriale aux entreprises.
Les entrepreneurs ne cessent de nous rappeler ce qui freine leur compétitivité, leur développement, les recrutements : la fiscalité, la complexité du code du travail, le poids des normes, les seuils, les contraintes administratives.
Tout cela, vous le savez, monsieur le ministre, vous qui envoyez périodiquement des « ballons d’essai » en vue d’une « libération » de notre économie, sans être totalement soutenu par le Gouvernement… (Sourires sur les travées du groupe Les Républicains.)
Voilà plusieurs années que les entreprises passent de l’espoir à la déception.
Ainsi, elles attendaient beaucoup du projet de loi pour favoriser les nouvelles opportunités économiques, dit « NOÉ » : son retrait brutal par le Gouvernement fut pour elles une déception !
Les entreprises attendaient également beaucoup du projet de loi portant réforme du code du travail : les nombreux renoncements du Gouvernement ont été une nouvelle déception pour elles, notamment les PME !
Qu’en sera-t-il du projet de loi « Sapin » sur la transparence, la lutte contre la corruption et la modernisation de la vie économique ? Espérons qu’il n’entraînera pas de nouvelles contraintes pour les entreprises…
Aujourd’hui, le temps presse : le nombre des défaillances d’entreprise est reparti à la hausse ; la France, contrairement à ses voisins, ne parvient pas à retrouver le chemin d’une croissance pérenne ; le chômage est dévastateur.
Aussi, monsieur le ministre, que répondez-vous aux attentes de tous ces entrepreneurs, qui nous demandent très simplement de les laisser travailler ? (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains et de l'UDI-UC.)
M. le président. La parole est à M. le ministre de l'économie, de l'industrie et du numérique, pour deux minutes, sans TVA possible ! (Sourires.)
M. Emmanuel Macron, ministre de l'économie, de l'industrie et du numérique. Votre question est vaste, madame la sénatrice, et lourde la contrainte de temps que le président fait peser sur moi ! (Nouveaux sourires.) Par conséquent, ma réponse ne sera pas exhaustive.
Aider les entrepreneurs, c’est d’abord les aider à créer et à prendre des risques.
Nous avons déjà adopté une série de mesures visant à lever les barrières à la création d’entreprise et à faciliter le parcours des entrepreneurs. D’autres sont inscrites dans le texte présenté, hier, par Michel Sapin en conseil des ministres.
Ces mesures portent notamment sur la fiscalité. Elles tendent par exemple à simplifier les franchissements de seuils ou les changements de statut. Par ailleurs, nous doublons le seuil de chiffre d’affaires pour le passage du régime de la micro-entreprise à celui du réel et nous accordons un délai de latence aux entreprises concernées par ce changement de régime fiscal, ainsi qu’un droit d’option entre le régime du réel et celui du forfait.
Ce sont là des mesures essentielles, et très concrètes, qui répondent à la demande de simplification des entrepreneurs, qui veulent pouvoir créer et faire croître plus facilement leur entreprise.
Concernant le sujet fondamental du droit du travail, je me souviens des débats fructueux que nous avons pu avoir, mesdames, messieurs les sénateurs, lors de l’examen de la loi pour la croissance, l’activité et l’égalité des chances économiques.
L’adoption de cette loi a permis d’améliorer le dispositif défensif ; le dispositif du projet de loi sur le travail défendu par Myriam El Khomri est quant à lui de nature offensive. Il offrira notamment la possibilité d’organiser le temps de travail au travers de la négociation d’un accord majoritaire à l’échelon de l’entreprise, pour assurer plus de liberté et de flexibilité. C’est un élément fondamental !
Au fond, l’essentiel est de simplifier notre droit, notre organisation au bénéfice de nos entrepreneurs, de poursuivre nos efforts pour améliorer la compétitivité coûts et hors coûts de nos entreprises, d’assurer une plus grande flexibilité à l’échelon de celles-ci, pour leur permettre de répondre aux impératifs du cycle économique. (Applaudissements sur certaines travées du groupe socialiste et républicain.)
M. le président. La parole est à Mme Élisabeth Lamure, pour la réplique.
Mme Élisabeth Lamure. Les entreprises françaises ont des atouts et un savoir-faire exceptionnels, monsieur le ministre. Il suffirait que vous leviez quelques freins, connus de tous, pour en faire les championnes du monde ! Aurez-vous le courage de le faire, au bout de quatre ans ? Les entreprises attendent, du moins celles qui y croient encore ! (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains et sur certaines travées de l’UDI-UC.)
carte d'identification professionnelle des salariés du btp
M. le président. La parole est à M. Rachel Mazuir, pour le groupe socialiste et républicain.
M. Rachel Mazuir. Ma question s'adresse à Mme la ministre du travail, de l'emploi, de la formation professionnelle et du dialogue social.
Madame la ministre, vous avez signé, le 23 février dernier, avec les représentants des organisations professionnelles du secteur du bâtiment et des travaux publics, la convention nationale de lutte contre le travail illégal et les fraudes au détachement.
S’agissant de la lutte contre le dumping social – résultant, pour l’essentiel, du recours non déclaré à des travailleurs détachés –, des mesures ont été prises.
J’en citerai trois : obligation de déclaration à la caisse « intempéries BTP » de l’Union des caisses de France, renforcement des contrôles par les agents de l’État, mise en place d’une carte professionnelle des travailleurs du BTP.
Cette dernière disposition, particulièrement attendue, est soumise à l’aval de la Commission nationale de l’informatique et des libertés, la CNIL, cette carte professionnelle devant contenir des informations particulières et personnelles.
Dans quel délai, madame la ministre, pensez-vous pouvoir signer l’arrêté qui permettra, enfin, la mise en œuvre de cette carte professionnelle ?
En parallèle, à la demande de la France et de l’Allemagne, la Commission européenne a décidé, le 8 mars dernier, de renforcer certaines dispositions de sa directive de 1996 relative aux travailleurs détachés sur deux points particuliers : la rémunération des travailleurs détachés devra être alignée, si elle est lui inférieure, sur celle des travailleurs du pays où se situent les chantiers et la durée maximale de recours à ces travailleurs détachés ne devra pas excéder vingt-quatre mois. C’est un progrès. En revanche, rien n’est prévu en matière de charges sociales dues, qui restent celles du pays d’origine.
Madame la ministre, peut-on espérer voir les choses évoluer favorablement sur ce dernier point, les Allemands étant, comme nous, demandeurs en la matière ? (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste et républicain. – Mme Hermeline Malherbe applaudit également.)
M. le président. La parole est à Mme la ministre du travail, de l'emploi, de la formation professionnelle et du dialogue social.
Mme Myriam El Khomri, ministre du travail, de l'emploi, de la formation professionnelle et du dialogue social. Vous l’avez dit, monsieur le sénateur, la France possède le système législatif le plus répressif, le plus strict d’Europe en matière de lutte contre les fraudes au détachement de travailleurs.
Il s’agit pour nous de lutter non pas contre le recours aux travailleurs détachés – la France est le troisième pays d’origine des travailleurs détachés dans l’espace européen –, mais contre les fraudes et les abus en la matière, qui tendent à éroder notre modèle social et relèvent des pratiques de concurrence déloyale. Il y va aussi de la dignité des travailleurs dans l’espace européen.
À la suite de l’adoption, l’été dernier, de la loi pour la croissance, l’activité et l’égalité des chances économiques, j’ai pris, le 22 février, un décret relatif à la carte d’identification dans le BTP, en accord avec la Fédération française du bâtiment et la Confédération de l’artisanat et des petites entreprises du bâtiment, la CAPEB. C’est en effet dans ce secteur du BTP et dans celui de l’agriculture que sévit le plus cette forme de concurrence déloyale.
M. Marc Daunis. C’est vrai !
Mme Myriam El Khomri, ministre. La mise en œuvre de cette carte est très importante. Elle permettra, par un système de flash code, d’avoir accès à toutes les données sur la personne et l’entreprise. Tout travailleur intervenant sur un chantier de BTP devra en être muni. Les contrôles des inspecteurs du travail en seront grandement facilités.
Effectivement, cette carte est actuellement soumise à l’avis de la CNIL. Nous souhaitons que, d’ici à la fin du premier semestre de 2016, toute personne travaillant sur un chantier puisse en être munie.
M. Marc Daunis. Très bien !
Mme Myriam El Khomri, ministre. Parallèlement, j’ai renforcé les contrôles : leur nombre est passé de 600 par mois l’été dernier à 1 600 par mois aujourd’hui.
Nous mettons également en œuvre l’arrêt et la suspension de prestation de services, comme en Corse récemment. La loi sur le travail prévoira aussi la possibilité de suspendre une prestation de services internationale en l’absence de déclaration de détachement.
Enfin, le combat se mène au niveau européen. La Commission européenne a présenté, le 8 mars dernier, un projet de révision ciblée de la directive de 1996.
M. le président. Il faut conclure !
Mme Myriam El Khomri, ministre. Cela va dans le bon sens, certes, mais pas suffisamment loin. Nous souhaitons interdire le détachement en cascade de travailleurs intérimaires et les entreprises boîtes aux lettres.
Telle est la position française ; mesdames, messieurs les sénateurs, vous pouvez compter sur notre détermination ! (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste et républicain et sur certaines travées du RDSE.)
part du budget de l’état consacrée aux collectivités
M. le président. La parole est à M. Charles Guené, pour le groupe Les Républicains. (Bravo ! et applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains.)
M. Charles Guené. Ma question s'adresse à M. le secrétaire d'État auprès du ministre des finances et des comptes publics, chargé du budget.
À hauteur de 5,2 milliards d’euros à ce jour, de 9 milliards d’euros à la fin de l’année et de 12,5 milliards d’euros à la fin de 2017, si les choses restent en l’état : les collectivités auront donné, et ce au prix d’un effondrement corrélatif de l’investissement public, en baisse de 10 % en 2014, autant en 2015.
Elles s’étonnent qu’on attende en plus de leur part des manifestations de contentement et qu’on leur prête des « cris d’orfraie » ! Si, dans son acception populaire, ce volatile possède une vue perçante, même par temps couvert, c’est sans effort que les collectivités ont remarqué le rapport direct entre leur contribution et la baisse du déficit public…
Je rappelle en outre que la contribution prélevée, conçue pour un montant dix fois inférieur, ne tient pas compte de la capacité contributive de chacun.
À ce jour, il semble que le chef de l’État s’en soit ému et ait envisagé un report ou un étalement. Cette fuite a engendré une cacophonie ministérielle certaine, mais à travers laquelle chacun entend bien qu’une décision pourrait être prise dans ce sens, en cette veille d’année électorale. On susurre que l’espace du congrès des maires serait idéal pour une déclaration présidentielle…
Toutefois, le vote des budgets des communes interviendra quant à lui vers le milieu du mois d’avril prochain. Beaucoup de maires vont devoir prendre la décision de leur fiscalité, sans disposer de cette information capitale, dans son principe comme dans son quantum.
Le prélèvement de 3,7 milliards d’euros représente parfois près de 5 % de fiscalité. Cette attente est donc insoutenable. Ce calcul politicien n’est pas digne et exige de la responsabilité au plus haut niveau de l’État.
Monsieur le secrétaire d'État, cette décision sera-t-elle communiquée en temps utile, c’est-à-dire avant le 15 avril prochain ? (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains et de l'UDI-UC.)
M. le président. La parole est à M. le secrétaire d'État.
M. Christian Eckert, secrétaire d'État auprès du ministre des finances et des comptes publics, chargé du budget. Monsieur le sénateur, je ferai quelques observations, puis formulerai une proposition à la fin de mon propos.
Notre pays s’est engagé depuis 2012 dans une baisse de la dépense publique,…
M. François Baroin. Non, dans un ralentissement de la hausse !
M. Christian Eckert, secrétaire d'État. … et de la dépense publique dans sa globalité. (Exclamations sur les travées du groupe Les Républicains et de l'UDI-UC.)
Rassurez-vous, mesdames, messieurs les sénateurs, cela va bien se passer ! (Mêmes mouvements.)
Franchement, faites preuve d’un peu de courtoisie pour écouter un propos apaisé, calme et non provocateur ! (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste et républicain. – Nouvelles exclamations sur les travées du groupe Les Républicains et de l'UDI-UC.)
M. François Baroin. On ne peut pas entendre cela après les annonces de la semaine dernière !
M. Christian Eckert, secrétaire d'État. Monsieur Baroin, si vous le souhaitez, nous pourrons en discuter à la sortie de l’hémicycle.
M. François Baroin. Sûrement pas !
M. le président. Veuillez poursuivre, monsieur le secrétaire d’État.
M. Christian Eckert, secrétaire d'État. Faisons ensemble un constat : la dépense publique est constituée grosso modo pour moitié des dépenses sociales, pour un quart des dépenses de l’État et pour un dernier petit quart des dépenses des collectivités locales. Si nous voulons baisser l’ensemble de la dépense publique, il faudra nécessairement que tous les acteurs publics baissent leurs dépenses.
Que s’est-il passé au cours de l’année écoulée ? Durant l’année écoulée, mesdames, messieurs les sénateurs, les recettes des collectivités territoriales, nonobstant la baisse des dotations de l’État, ont continué à augmenter : elles ont crû en moyenne de 1,5 %. (Protestations sur les travées du groupe Les Républicains et de l'UDI-UC.)
M. François Grosdidier. Ce sont des dépenses obligatoires !
M. Christian Eckert, secrétaire d'État. J’avais fait une proposition à votre commission des finances lorsque j’étais venu présenter les comptes de l’État : que nous fassions, ensemble, une analyse objective de la situation des finances publiques.
M. François Grosdidier. Nous l’avons fait !
M. Christian Eckert, secrétaire d'État. En effet, je crois profondément que tout débat ou toute prospective financière doit s’appuyer sur des chiffres. J’invite l’ensemble des acteurs à le faire et je dis ma disponibilité à travailler avec votre commission des finances sur cette analyse.
Je m’interroge d’ailleurs sur les montants substantiels d’économies dans les dépenses publiques annoncées ici ou là et qui épargneraient les collectivités territoriales ! (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste et républicain. – Exclamations sur les travées du groupe Les Républicains et de l'UDI-UC.)
M. le président. La parole est à M. Charles Guené, pour la réplique.
M. Charles Guené. Je vous ai entendu, monsieur le secrétaire d'État, et vous ne m’avez pas rassuré. Votre réponse, qui entretient le flou, ne sera d’aucune utilité pour le vote des budgets d’ici à la fin du mois d’avril.
Cette attitude, qui relève de l’entretien d’un mauvais suspense, démontre que vous n’êtes pas en connexion avec les élus de ce pays ni en osmose avec le contribuable. Elle n’est pas acceptable, et je crains que vous n’en soyez comptable.
Il vous reste quelques jours pour réagir. Les finances des collectivités en ont besoin, les élus de France l’attendent et le respect que vous leur devez vous oblige. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains et de l'UDI-UC.)
situation d'areva
M. le président. La parole est à M. Jean-Paul Emorine, pour le groupe Les Républicains.
M. Jean-Paul Emorine. Ma question s'adresse à M. le ministre de l'économie, de l'industrie et du numérique.
Monsieur le ministre, la réorganisation de la filière nucléaire française passe par une étape importante : pour sauver AREVA, qui connaît des pertes à hauteur de 7 milliards d’euros en deux ans, l’État actionnaire a imaginé que la division réacteurs, AREVA NP, serait reprise par EDF, soit une acquisition qui devrait lui coûter 2,5 milliards d’euros !
Néanmoins, l’État, actionnaire majoritaire des deux groupes – à 85 % pour EDF et à 86 % pour AREVA –, est prêt à apporter 1 ou 2 milliards d’euros dans cette opération.
La recapitalisation d’AREVA, clef du sauvetage du groupe, à hauteur de 5 milliards d’euros, annoncée en janvier dernier, donne la dimension de ce qui s’apparente pour beaucoup à un scandale industriel d’État.
La situation financière fragile d’EDF, qui n’a pas su sortir du modèle du monopole pour s’adapter à la concurrence, fait que nombreux sont ceux qui estiment que l’entreprise est en difficulté. Les syndicats d’EDF jugent que « la maison » n’a plus les moyens de reprendre son ancien fournisseur.
Aussi, comment ne pas s’interroger sur la stratégie de l’État actionnaire, de court terme et privilégiant souvent la paix sociale, plutôt que les réalités de l’économie ? Monsieur le ministre, je vous cite : « Ces dernières années, l’État actionnaire a été trop court-termiste dans sa stratégie à l’égard d’EDF. »
Que comptez-vous faire définitivement ? (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains et de l'UDI-UC.)
M. Bruno Sido. Très bonne question !
M. le président. La parole est à M. le ministre.
M. Emmanuel Macron, ministre de l'économie, de l'industrie et du numérique. Monsieur le sénateur, si nous avions continué à être court-termistes, nous aurions caché les problèmes, comme cela a été fait pendant des années.
M. Martial Bourquin. Très bien !
M. Emmanuel Macron, ministre. Nous aurions continué à faire en sorte que la filière nucléaire se comporte comme elle s’est comportée pendant plusieurs années, c’est-à-dire EDF et AREVA jouant chacun l’une contre l’autre, et nous aurions continué en effet à considérer que l’État n’avait qu’à recapitaliser, et non pas à réorganiser.
Ce n’est pas le choix qui a été fait et, je peux vous le dire, ce n’est pas sous cette mandature que les décisions industrielles que nous sommes en train de mettre en œuvre auront des conséquences négatives. Croyez-le bien !
En effet, ce que nous avons décidé de faire, c’est de restructurer cette filière. En faisant quoi ? D’abord – je l’évoquais tout à l’heure au sujet d’EDF –, il faut redonner au compte de résultat une pérennité en demandant un effort à l’ensemble des acteurs : les salariés, l’entreprise, l’État actionnaire et la régulation. Ensuite, pour ce qui est d’AREVA, il faut clarifier la situation. Les risques pris par cette entreprise sur le plan industriel n’étaient pas tenables. Des erreurs ont été commises, et elle a eu à subir les conséquences des événements de Fukushima et le profond basculement du marché mondial du nucléaire qui s’est ensuivi. Le désalignement entre EDF et AREVA a été fatal pour plusieurs marchés à l’export.
Ce que nous faisons, c’est clarifier la situation du « camp français ». La production de réacteurs, c’est désormais un acteur : AREVA NP, consolidé par EDF, ce qui est une bonne chose, puisque c’est au fond la même offre qui est portée à la fois sur le plan national – EDF est l’unique exploitant – et à l’international par le camp France, avec une part minoritaire d’AREVA.
La nouvelle AREVA devient un acteur du cycle et des mines, ce qui est là aussi pertinent : c’est un métier qu’elle connaît, sur lequel elle est crédible, et dont il faut maintenant améliorer la situation. Telle est notre stratégie.
À cette fin, nous demandons à l’entreprise un plan d’économies – c’est celui que nous sommes en train de conduire sur beaucoup de vos territoires, qui est difficile à mener, mais qui se déroule dans le calme social – et de réduire ses effectifs et ses coûts pour se réadapter au nouveau marché mondial. Dans le même temps, il faudra recapitaliser l’entreprise, qui fait face à une dette et à des risques intrinsèques excessifs. Nous y veillerons.
M. le président. Il faut conclure, monsieur le ministre.
M. Emmanuel Macron, ministre. Croyez en tout cas en notre engagement en faveur de cette stratégie de long terme, qui va apporter de la clarification, réduire le risque et, surtout, donner des perspectives en France et à l’international au nucléaire. (Très bien ! et applaudissements sur les travées du groupe socialiste et républicain.)
M. le président. La parole est à M. Jean-Paul Emorine, pour la réplique.
M. Jean-Paul Emorine. Monsieur le ministre, je vous remercie de votre réponse, mais je ne partage pas votre analyse. L’État, actionnaire majoritaire à plus de 85 %, n’est pas un État stratège ! L’occasion vous est donnée de créer un leader mondial de l’énergie nucléaire avec le pôle nucléaire bourguignon.
M. Jean-Paul Emorine. Les investisseurs étrangers sont seuls à même d’en faire un leader mondial.
Aujourd’hui, vous avez fait le choix de faire payer les erreurs de stratégie de l’État par le contribuable ou par les consommateurs, entreprises et particuliers. (Très bien ! et applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains et de l'UDI-UC.)
M. le président. Nous en avons terminé avec les questions d'actualité au Gouvernement.
Je rappelle que les prochaines questions d’actualité au Gouvernement auront lieu le mardi 5 avril 2016 et seront retransmises sur Public Sénat et sur le site internet du Sénat.
Mes chers collègues, nous allons maintenant interrompre nos travaux quelques instants.
La séance est suspendue.
(La séance, suspendue à seize heures dix, est reprise à seize heures vingt-cinq, sous la présidence de M. Thierry Foucaud.)
PRÉSIDENCE DE M. Thierry Foucaud
vice-président
M. le président. La séance est reprise.
6
Lutte contre le crime organisé et le terrorisme
Suite de la discussion en procédure accélérée d’un projet de loi dans le texte de la commission
M. le président. Nous reprenons la discussion du projet de loi, adopté par l’Assemblée nationale après engagement de la procédure accélérée, renforçant la lutte contre le crime organisé, le terrorisme et leur financement, et améliorant l’efficacité et les garanties de la procédure pénale.
La parole est à M. le président de la commission des lois.
M. Philippe Bas, président de la commission des lois constitutionnelles, de législation, du suffrage universel, du règlement et d'administration générale. Monsieur le président, je sollicite une suspension de séance, afin de permettre à M. le garde des sceaux de vérifier auprès du Premier ministre qu’il est bien utile de poursuivre l’examen de ce projet de loi renforçant la lutte contre le crime organisé.
Mme Leila Aïchi. Pourquoi ?
M. Philippe Bas, président de la commission des lois. Le Premier ministre a en effet annoncé dans l’une de ses réponses aux questions d’actualité au Gouvernement que, s’agissant d’un projet gouvernemental, le dernier mot serait donné à l’Assemblée nationale, quoi que fasse le Sénat.
Dans ces conditions, je me demande s’il est réellement utile de continuer à débattre de ce texte !
Je voudrais avoir mal compris le Premier ministre ; je pense même l’avoir mal compris, mais, monsieur le garde des sceaux, je vous demande de vous en assurer, afin que nous puissions reprendre ce débat sereinement, c'est-à-dire en ayant sincèrement l’intention, de part et d’autre, de permettre au jeu normal du bicamérisme de se poursuivre, sans préjuger, avant la fin des travaux du Sénat, de l’impossibilité de parvenir à un accord entre l’Assemblée nationale et le Sénat. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains et de l'UDI-UC.)
M. le président. De quel délai avez-vous besoin, monsieur le garde des sceaux ?
M. Jean-Jacques Urvoas, garde des sceaux, ministre de la justice. De trente secondes, monsieur le président ! (Sourires.)
M. Philippe Bas, président de la commission des lois. M. le garde des sceaux a besoin d’au moins cinq minutes ; il faut lui laisser le temps de joindre le Premier ministre. (Nouveaux sourires.)
M. le président. Mes chers collègues, nous allons interrompre nos travaux pour cinq minutes.
La séance est suspendue.
(La séance, suspendue à seize heures vingt-cinq, est reprise à seize heures trente.)
M. Jean-Jacques Urvoas, garde des sceaux. Monsieur le président, j’indique au Sénat qu’il ne faut pas surinterpréter les propos du Premier ministre. Celui-ci s’est contenté de rappeler la Constitution et de dire que, en cas de désaccord entre les deux chambres du Parlement, le dernier mot appartient à l’Assemblée nationale.
Le Premier ministre n’est pas du tout dans une perspective de désaccord entre les deux chambres. Le texte, tel qu’il a été adopté par l’Assemblée nationale, à 474 voix pour et 32 voix contre, donne une orientation. Je ne vois pas pourquoi nous ne pourrions pas aboutir à une commission mixte paritaire conclusive. En tout cas, la contribution du Gouvernement à la continuité de nos travaux sera nourrie de cette intention. (Marques d’approbation sur diverses travées.)
M. le président. Dans la discussion du texte de la commission, nous poursuivons l’examen, au sein du chapitre Ier du titre Ier, de l’article 24.
TITRE Ier (suite)
DISPOSITIONS RENFORÇANT LA LUTTE CONTRE LE CRIME ORGANISÉ, LE TERRORISME ET LEUR FINANCEMENT
Chapitre IER (suite)
Dispositions renforçant l’efficacité des investigations judiciaires
Article 24 (suite)
M. le président. Je suis saisi de quatre amendements faisant l'objet d'une discussion commune.
L'amendement n° 172 rectifié, présenté par Mmes Aïchi, Bouchoux et Blandin, M. Dantec, Mme Archimbaud et MM. Gattolin et Labbé, est ainsi libellé :
Alinéas 3 à 10
Remplacer ces alinéas par cinq alinéas ainsi rédigés :
« Art. 77-2. – I. – L’avocat choisi par la personne ou, à sa demande, désigné d'office par le bâtonnier de l'ordre des avocats, se voit donner accès à l’ensemble du dossier constitué dans le cadre de l’enquête préliminaire en cours.
« II. – Il a la possibilité de déposer des observations auprès du procureur de la République dans un délai d’un mois.
« III. – Si le procureur de la République s’y oppose, il devra saisir par requête écrite et motivée le juge des libertés et de la détention afin qu’il statue en audience publique.
« IV. – Ces dispositions sont également applicables aux victimes.
« Art. 77-3. – I. – Dans l’hypothèse où le procureur de la République souhaite ouvrir une information judiciaire suite à l’enquête préliminaire menée, il communique le dossier dans les 10 jours aux parties de l’affaire, le plaignant comme la victime, afin de recueillir leurs observations avant l’ouverture de l’information. » ;
La parole est à Mme Leila Aïchi.
Mme Leila Aïchi. Au travers de cet amendement, nous proposons d’ouvrir le débat sur une réforme générale de la procédure pénale. En effet, nous touchons ici au cœur même du sujet du présent texte et nous inscrivons dans la lignée de la réforme pénale de 2014 et du projet de loi portant adaptation de la procédure pénale au droit de l’Union européenne de 2015.
Il nous paraît souhaitable que la transposition de la directive européenne du 22 mai 2012 relative à l’information dans le cadre des procédures pénales soit directement réalisée par le présent projet de loi. Cette directive, dont la transposition est prévue par le présent projet de loi, suppose que le gardé à vue et son avocat puissent consulter tous les actes de procès-verbaux de la procédure, afin de « garantir le caractère équitable de la procédure et de préparer leur défense ».
Ainsi, le renforcement du contradictoire dans le cadre de l’enquête permettrait d’introduire plus d’accusatoire dans la procédure pénale, comme c’est déjà le cas dans toutes les grandes démocraties de droit continental.
Je le rappelle, le modèle accusatoire privilégie le rôle des parties. Le procès y est conçu comme un affrontement contradictoire entre l’accusation et la défense, chacune des parties se trouvant à égalité avec l’autre et devant prouver les faits susceptibles de soutenir sa cause. Le pouvoir du juge consiste en conséquence à arbitrer davantage qu’à instruire : il s’agit, d’une part, de veiller à la loyauté du procès, et, d’autre part, de départager les parties en fonction de leurs prétentions, arguments et preuves. Dans ce modèle accusatoire renforcé, le juge des libertés et de la détention pourrait devenir l’arbitre du respect du contradictoire.
Notre amendement vise donc à consacrer la supériorité du processus juridictionnel, ainsi que l’équité de la procédure pénale, en renforçant le contradictoire dans l’enquête.
M. le président. L'amendement n° 201 rectifié, présenté par MM. Mézard, Arnell, Barbier, Collin et Fortassin, Mmes Jouve, Laborde et Malherbe et MM. Requier et Vall, est ainsi libellé :
Alinéa 3
Remplacer les mots :
un an après
par le mot :
dès
La parole est à M. Jacques Mézard.
M. Jacques Mézard. Cet amendement vise à permettre qu’il y ait du contradictoire dès le début de la procédure. Je sais que cette demande paraîtra excessive, peut-être à M. le rapporteur, sans aucun doute à la Chancellerie.
J’ai souvenance des débats que nous avons eus ici sur la présence de l’avocat en garde à vue.
M. Michel Mercier, rapporteur de la commission des lois constitutionnelles, de législation, du suffrage universel, du règlement et d'administration générale. Eh oui !
M. Jacques Mézard. J’avais en effet eu le plaisir de déposer la première proposition de loi qui a été débattue ici sur ce sujet et de constater la détermination absolue de notre haute administration à empêcher la mise en place d’un tel dispositif.
Finalement, après bien des discussions et un certain nombre de décisions à l’échelle européenne, il nous a fallu y passer, que nous le voulions ou non. On nous avait pourtant dit que c’était absolument impossible à réaliser, sur le plan humain, mais aussi matériel, que les avocats ne se déplaceraient pas, etc.
C’est une réalité : dans notre pays, le pays des libertés, l’administration fait un blocage absolu sur l’exercice des libertés, en particulier sur l’ouverture au contradictoire. Nous le constatons parfois avec effroi au cours de ces débats. Et plus on a peur de l’exercice de la liberté, plus on se crée des difficultés. Or il est normal, au cours des enquêtes, de pouvoir avoir accès aux dossiers.
Mes chers collègues, peut-être estimerez-vous que mon amendement est un peu provocateur, mais il nous faut trouver des modalités allant au-delà de ce qui nous est proposé aujourd’hui.
M. le président. L'amendement n° 195 rectifié, présenté par MM. Collombat, Mézard, Arnell, Collin et Fortassin, Mmes Jouve, Laborde et Malherbe et MM. Requier et Vall, est ainsi libellé :
Alinéa 3
Remplacer les mots :
afin de faire ses observations
par les mots :
et de s’en faire notifier le motif, afin de formuler des observations adaptées
La parole est à M. Pierre-Yves Collombat.
M. Pierre-Yves Collombat. Cet amendement tend à prévoir la possibilité, pour la personne concernée, de se voir notifier les motifs pour lesquels on se préoccupe d’elle afin de formuler des observations adaptées.
L’objet de cette procédure est précisément de permettre au procureur de s’informer sur la manière dont les intéressés envisagent la situation.
M. le président. L'amendement n° 194 rectifié, présenté par MM. Mézard, Collombat, Arnell, Collin et Fortassin, Mmes Jouve, Laborde et Malherbe et MM. Requier et Vall, est ainsi libellé :
Alinéa 7
Remplacer les mots :
peut communiquer tout ou partie
par les mots :
doit communiquer l’ensemble
La parole est à M. Jacques Mézard.
M. Jacques Mézard. J’ai déposé cet amendement en parfaite coordination avec mon collègue et ami Pierre-Yves Collombat, car il s’agit d’une question importante.
Je sais que M. le rapporteur a consenti un effort, car je connais son attachement aux libertés. Nous proposons néanmoins de remplacer les mots : « peut communiquer tout ou partie », car nous sommes face à quelque chose d’extraordinaire, qui est très français.
On dit que le procureur de la République a le droit, à un moment, de lancer le contradictoire et peut communiquer à la personne qui fait l’objet d’une enquête tout ou partie de la procédure.
Rappelons que le parquet est partie poursuivante ; ce n’est ni juge des libertés ni le juge du siège. À un moment, on lui dit qu’il a la possibilité de faire un effort considérable pour respecter les droits de la personne faisant l’objet d’une enquête en lui communiquant une partie du dossier. C’est le comble ! Je ne nie pas l’effort réalisé par rapport à la situation actuelle – ici, il s’agit non plus de terrorisme, mais des enquêtes en général –, mais tout de même !
Cet amendement vise à établir une réelle procédure contradictoire, en prévoyant que le procureur de la République a le devoir, et non la seule possibilité, de communiquer aux parties, et non seulement à une partie, l’ensemble de la procédure.
Cette précision semble de nature à mieux encadrer le travail du procureur de la République, dans le contexte d’une disparition du juge de l’instruction à la faveur du renforcement du couple formé par le procureur de la République et le juge des libertés et de la détention.
Un problème de loyauté dans la procédure apparaît, quel que soit le côté où l’on se trouve. Certains l’oublient trop souvent dans cette République, tant que l’on n’est pas condamné, on est présumé innocent. Prévoir que le procureur de la République va communiquer certaines pièces et pas d’autres, ce n’est pas loyal ! (M. le rapporteur s’exclame.)
Monsieur le rapporteur, je ne mets jamais en doute votre souci d’avancer dans le respect des libertés, car je connais vos sentiments. Toutefois, dire que le procureur, qui est partie poursuivante, peut ne communiquer que la seule pièce d’un dossier pouvant servir à piéger la personne faisant l’objet de l’enquête, et pas les autres alors qu’elles sont importantes, ce n’est pas équitable. Si l’on communique, il faut communiquer l’ensemble des pièces !
J’insiste davantage sur cet amendement que sur les précédents, compte tenu de l’importance de ce sujet.
M. le président. Quel est l’avis de la commission ?
M. Michel Mercier, rapporteur de la commission des lois constitutionnelles, de législation, du suffrage universel, du règlement et d'administration générale. Ces quatre amendements tendent tous à poser le problème de l’introduction du contradictoire dans l’enquête préliminaire. Il s’agit là d’une question essentielle, dont nous avons déjà débattu ce matin. Aussi ne reviendrai-je pas sur les précisions que j’ai déjà apportées.
L’amendement n° 172 rectifié vise à permettre l’accès immédiat au dossier par l’avocat, dès l’ouverture de l’enquête préliminaire.
Très honnêtement, j’estime que les garanties accordées aux personnes faisant l’objet d’une enquête préliminaire sont d’une autre nature que la présence de l’avocat dès ce stade. Les interpréter autrement reviendrait à priver l’enquête de toute efficacité.
La garantie est la suivante : un magistrat de l’ordre judiciaire dirige l’enquête. Le présent projet de loi le rappelle de manière très claire et très nette, dans l’article relatif aux missions du procureur.
J’insiste sur ce point : c’est peut-être la première fois que lesdites missions sont aussi clairement énoncées. L’article en question détaille les missions de magistrat revenant au procureur, qui instruit à la fois à charge et à décharge l’affaire des personnes éventuellement poursuivies.
Madame Aïchi, il n’est donc pas possible de permettre à l’avocat d’accéder au dossier dès le commencement de l’enquête préliminaire. Aussi, je vous demande de bien vouloir retirer votre amendement. À défaut, je serai contraint d’émettre un avis défavorable.
Les dispositions des trois amendements présentés par MM. Mézard et Collombat relèvent peu ou prou du même esprit.
Monsieur Mézard, vous le savez mieux que moi : même en cours d’instruction, le juge d’instruction peut garder par-devers lui le détail des actions en cours, sans le communiquer à l’avocat. Cette disposition existe. Or c’est bien de cela qu’il s’agit. Il est nécessaire de préserver l’efficacité de l’enquête et, partant, d’éviter des communications de documents et des divulgations susceptibles de mettre à mal le déroulement de cette dernière.
Voilà pourquoi, monsieur Mézard, monsieur Collombat, je vous invite à retirer les amendements nos 201 rectifié, 195 rectifié et 194 rectifié. Si vous vous y refusez, ce que je comprendrai parfaitement, j’émettrai un avis défavorable.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. Jean-Jacques Urvoas, garde des sceaux, ministre de la justice. S'agissant de l'amendement n° 172 rectifié, le rapporteur l’a souligné avec raison, la communication immédiate du dossier à l’avocat soulèverait des difficultés de mise en œuvre. Surtout, le second point de cet amendement, à savoir l’instauration d’un débat contradictoire avant l’ouverture de l’information judiciaire, risquerait de poser problème.
Madame Aïchi, je vous le rappelle, il s’agit là d’une modalité de mise en mouvement de l’action publique, laquelle est l’une des prérogatives essentielles du ministère public, relevant du principe de l’opportunité des poursuites. Voilà pourquoi cette mesure, détaillée par l’amendement n° 172 rectifié, ne nous paraît pas opportune.
Pour ce qui concerne l’amendement n° 201 rectifié, je ne reprendrai pas la critique prévisible énoncée par M. Mézard quant au caractère excessif de la procédure prévue.
Cela étant, tentons de comparer les droits et devoirs dans une enquête préliminaire et au stade de l’information judiciaire. Si cet amendement était adopté, le contradictoire occuperait davantage de place dans une enquête préliminaire que dans une information judiciaire… Une telle situation serait, sinon absurde, du moins franchement originale. Elle ne répond pas à la cohérence du présent projet de loi, tel que nous souhaitons le voir adopter.
À nos yeux, les dispositions de l’amendement n° 195 rectifié sont inutiles : lors de son audition, un suspect sera nécessairement informé de la nature et des circonstances de l’infraction pour laquelle il est mis en cause. Cette information est prévue en cas d’audition libre par l’article 61-1 du code de procédure pénale et en cas de garde à vue par l’article 63-1 du même code.
Enfin, pour ce qui concerne l’amendement n° 194 rectifié, je rappelle que nous avons, dans le présent texte, introduit le principe d’une phase contradictoire. Cette dernière doit intervenir en fin d’enquête, avant que le procureur ne prenne une décision quant à l’orientation de la procédure et à l’engagement des poursuites.
Néanmoins, parce que, dans certains cas, il peut être souhaitable de permettre aux avocats d’accéder plus en amont à la procédure, ce projet de loi accorde au procureur la faculté d’avancer la phase contradictoire. Tel est l’équilibre que nous avons cherché à atteindre. Nous ne prétendons pas qu’il soit parfait, mais, pour l’heure, nous ne souhaitons pas le modifier.
Le Gouvernement émet donc un avis défavorable sur ces quatre amendements.
M. le président. La parole est à M. Jacques Mézard, pour explication de vote.
M. Jacques Mézard. J’entends les explications de la commission et du Gouvernement sur les amendements nos 201 rectifié et 195 rectifié. Cependant, les dispositions de l’amendement n° 194 rectifié font écho à un problème essentiel. La réponse de M. le garde des sceaux ne fait d’ailleurs que me le confirmer !
Qu’est-il prévu au II du présent article ? Que, à tout moment de la procédure, même si la personne faisant l’objet de l’enquête ne le demande pas, le procureur peut communiquer tout ou partie de la procédure à la personne mise en cause ou à la victime, pour recueillir leurs éventuelles observations.
On traite de la même manière la victime et la personne faisant l’objet de l’enquête. Soit ! Mais, pardonnez-moi d’insister, y compris pour la victime, cette faculté de communiquer tout ou partie de la procédure n’est pas nécessairement bénéfique. Dès lors qu’une communication est prévue, que ce soit au profit de la partie civile ou de la personne faisant l’objet de l’enquête, la procédure tout entière doit être communiquée.
Ensuite, ce projet de loi permet le déclenchement des observations. C’est une très bonne chose. Toutefois, si tous les éléments du dossier n’ont pas été transmis, la situation n’est ni loyale ni équitable, d’autant que rien n’impose au procureur de la République de recourir à cette procédure. Mieux vaut que celui-ci procède à cette communication lorsqu’il est en mesure de l’opérer dans son intégralité. Je le répète, il y va de l’intérêt tant de la personne faisant l’objet de l’enquête que de la partie civile.
Je n’entends pas attaquer la Chancellerie, au service de laquelle œuvrent nombre de professionnels compétents, respectables et raisonnables. Mais force est de le constater : en la matière, une tradition de blocage et de refus du débat persiste dans notre pays !
Monsieur le rapporteur, pour ce qui concerne cet amendement n° 194 rectifié, c’est une erreur que de ne pas aller dans notre sens.
M. le président. La parole est à M. Jacques Bigot, pour explication de vote.
M. Jacques Bigot. Mes chers collègues, le juge d’instruction n’a pas encore totalement disparu de notre paysage judiciaire !
On le perçoit bien, l’organisation de la procédure pénale est en train d’évoluer dans notre pays. Certes, on tend à donner davantage de pouvoirs au procureur, d’où l’idée du contradictoire. Mais, pour le moment, cette procédure ne saurait qu’être partielle : le procureur de la République reste à la place qui lui est assignée dans le procès pénal.
De même, les fonctions de juge des libertés et de la détention sont en train d’évoluer. Toutefois, en débattant du projet de loi relatif à la justice du XXIe siècle, nous avons bien constaté que ce travail n’était pas encore tout à fait abouti.
Je comprends le sens des dispositions proposées par Mme Aïchi, MM. Mézard et Collombat. Ces éléments devront sans nul doute être portés au débat, lorsqu’il conviendra de réformer plus en profondeur le code de procédure pénale. Néanmoins, pour l’heure, il s’agit d’apporter des améliorations au mode de fonctionnement existant.
Les modifications ici suggérées me paraissent donc prématurées. Aussi, les membres du groupe socialiste et républicain ne voteront pas en faveur de ces quatre amendements.
M. le président. L'amendement n° 81 rectifié, présenté par MM. Reichardt, Pellevat, D. Laurent, G. Bailly, Morisset, Laufoaulu, de Legge, Charon et Trillard, Mme Canayer, MM. Mandelli, Gremillet, Lefèvre, Gournac, Kennel et Houel et Mme Mélot, est ainsi libellé :
Alinéa 12
Rédiger ainsi cet alinéa :
2° L’avant-dernier alinéa de l’article 393 est supprimé.
La parole est à M. Dominique de Legge.
M. Dominique de Legge. Cet amendement est défendu, monsieur le président.
M. le président. Quel est l’avis de la commission ?
M. Michel Mercier, rapporteur. Défavorable.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 81 rectifié.
(Après une épreuve à main levée déclarée douteuse par le bureau, le Sénat, par assis et levé, n'adopte pas l'amendement.)
M. le président. L'amendement n° 252 rectifié, présenté par M. M. Mercier, au nom de la commission des lois, est ainsi libellé :
Alinéa 13
1° Remplacer les références :
Les I et IV
par la référence :
Le I
et les mots :
sont applicables
par les mots :
est applicable
2° Remplacer les références :
articles 56, 61-1, 62-2, 76 ou 706-141 à 706-158
par les références :
articles 61-1 ou 62-2
La parole est à M. le rapporteur.
M. Michel Mercier, rapporteur. Il s’agit d’un amendement de coordination.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. Jean-Jacques Urvoas, garde des sceaux. Le Gouvernement s’en remet à la sagesse de la Haute Assemblée.
M. le président. Je mets aux voix l'article 24, modifié.
(L'article 24 est adopté.)
Article additionnel après l'article 24
M. le président. L'amendement n° 77 rectifié, présenté par MM. Reichardt et Mandelli, Mme Micouleau, MM. Pellevat, Morisset, D. Laurent, de Legge, Charon et Trillard, Mme Canayer, M. Danesi, Mme Deromedi, MM. Lefèvre, Gournac, Kennel et Houel et Mme Mélot, est ainsi libellé :
Après l’article 24
Insérer un article additionnel ainsi rédigé :
L’article 116 du code de procédure pénale est complété par un alinéa ainsi rédigé :
« La décision sur la mise en examen fait l’objet d’une ordonnance motivée indiquant, en fait et en droit, les indices graves ou concordants rendant vraisemblable la participation de la personne, comme auteur ou comme complice, à la commission des infractions. Appel de cette ordonnance peut être interjeté par le procureur de la République ou le mis en examen dans le délai prévu par l’article 185. »
La parole est à M. Dominique de Legge.
M. Dominique de Legge. Cet amendement est défendu, monsieur le président.
M. le président. Quel est l’avis de la commission ?
M. Michel Mercier, rapporteur. Il s’agit là de dispositions relativement importantes et régulièrement proposées lors des débats que nous consacrons à la procédure pénale. Néanmoins, ces mesures me paraissent très délicates à mettre en œuvre.
Un justiciable peut d’ores et déjà contester sa mise en examen, soit en sollicitant une annulation de celle-ci dans les six mois, par la chambre de l’instruction, soit en demandant, dans le même délai, puis tous les six mois, au juge d’instruction de revenir sur sa décision pour devenir témoin assisté. Si le juge d’instruction oppose un refus, il procède par une ordonnance motivée qui est susceptible d’appel. (M. le garde des sceaux opine.)
En conséquence, demander systématiquement une ordonnance motivée pour les mises en examen, même sans demande de l’intéressé, n’accroîtrait pas nécessairement les droits de la défense.
Voilà pourquoi la commission sollicite le retrait de cet amendement. À défaut, elle émettra un avis défavorable.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. Jean-Jacques Urvoas, garde des sceaux. Le Gouvernement suit exactement la même analyse que la commission : dans le droit positif, les articles 80-1-1 et 173 du code de procédure pénale satisfont déjà largement les attentes exprimées par les auteurs du présent amendement.
M. le président. Monsieur de Legge, l’amendement n° 77 rectifié est-il maintenu ?
M. Dominique de Legge. Non, je le retire, monsieur le président.
M. le président. Je suis saisi de quatre amendements faisant l’objet d’une discussion commune.
Les deux premiers sont identiques.
L'amendement n° 128 est présenté par MM. Bigot, Richard, Leconte et les membres du groupe socialiste et républicain.
L’amendement n° 233 est présenté par le Gouvernement.
Ces deux amendements sont ainsi libellés :
Rétablir cet article dans la rédaction suivante :
Le code de procédure pénale est ainsi modifié :
1° À l'article 100-1, les mots : « doit comporter » sont remplacés par les mots : « est motivée. Elle comporte » ;
2° La deuxième phrase de l'article 100-2 est complétée par les mots : « , sans que la durée totale de l'interception puisse excéder un an ou, s'il s'agit d'une infraction prévue aux articles 706-73 et 706-73-1, deux ans » ;
3° Le dernier alinéa de l'article 100-7 est remplacé par deux alinéas ainsi rédigés :
« Les interceptions prévues au présent article ne peuvent être ordonnées que par décision motivée du juge des libertés et de la détention, saisi par ordonnance motivée du juge d'instruction, lorsqu'il existe des raisons plausibles de soupçonner que la personne a participé, comme auteur ou complice, à la commission de l'infraction. Le juge d'instruction communique aux personnes devant être informées en application des trois premiers alinéas une copie de l'ordonnance du juge des libertés et de la détention.
« Les dispositions du présent article sont prévues à peine de nullité. »
La parole est à M. Jacques Bigot, pour présenter l’amendement n° 128.
M. Jacques Bigot. La commission des lois a supprimé l’article 25, précédemment adopté par l’Assemblée nationale. Pour notre part, nous souhaitons le rétablir. À nos yeux, il est en effet utile de renforcer les garanties au cours de l’instruction, en matière d’interception des communications.
En outre, il convient que la décision du juge d’instruction tendant à prescrire l’interception, l’enregistrement et la retranscription de correspondances émises par voie de télécommunications soit motivée.
Enfin, il faut fixer une durée maximale à ces opérations et, pour ce qui concerne les installations sur les lignes des parlementaires, des avocats et des magistrats, indiquer que les décisions du juge d’instruction sont soumises à l’appréciation du juge des libertés et de la détention.
M. le président. La parole est à M. le garde des sceaux, pour présenter l’amendement n° 233.
M. Jean-Jacques Urvoas, garde des sceaux. S’il a déposé divers amendements, le Gouvernement est particulièrement attaché à celui-ci. Je le dis à l’intention de M. le rapporteur.
M. Roger Karoutchi. Et les autres, alors ?
M. Jean Desessard. De toute manière, le dernier mot revient à l’Assemblée nationale ! (Sourires.)
M. Jean-Jacques Urvoas, garde des sceaux. Certes, monsieur Desessard, mais, pour l’heure, ce projet de loi est soumis à l’examen de la Haute Assemblée. Je souhaite convaincre cette dernière de la pertinence de notre position.
En l’occurrence, de quoi parlons-nous ? Des interceptions téléphoniques, les fameuses écoutes. Celles-ci représentent évidemment des atteintes à la vie privée. À cet égard, elles doivent être encadrées.
Nous souhaitons par exemple que soit précisée la durée des écoutes. On ne saurait concevoir que la loi ne fixe pas la durée totale d’une atteinte aux droits de la personne.
Cette durée encadrée existe pour la sonorisation, pour la géolocalisation, pour la captation informatique ou encore pour cet outil dont nous avons longuement débattu hier, l’IMSI-catcher. Personne ne comprendrait qu’elle ne soit pas prévue pour les interceptions téléphoniques.
De plus, il convient de prévoir des garanties procédurales plus fortes pour l’écoute des parlementaires, des avocats et des magistrats. Les titulaires de ces fonctions et de ces professions doivent être protégés, non pas parce qu’elles le méritent en tant que telles, mais en vertu des principes constitutionnels de la séparation des pouvoirs, des droits de la défense, de l’indépendance de la justice et du secret des délibérés. En résulte la nécessité d’un encadrement beaucoup plus strict.
Voilà pourquoi il convient de rétablir l’article détaillant ces garanties. De surcroît, selon nous, un double regard se justifie. Il faut assurer l’intervention du juge des libertés et de la détention, laquelle, bien entendu, ne porte en rien atteinte à l’intervention du juge d’instruction. J’en veux pour preuve les procédures déjà en vigueur lorsqu’un juge d’instruction demande une mise en détention provisoire.
Mesdames, messieurs les sénateurs, au regard de la nature de l’atteinte à la vie privée résultant de ces interceptions, j’espère vous avoir convaincus de la nécessité d’adopter toutes ces garanties.
M. le président. L'amendement n° 173 rectifié, présenté par Mmes Aïchi, Bouchoux et Blandin, M. Dantec, Mme Archimbaud et MM. Gattolin et Labbé, est ainsi libellé :
Rétablir cet article dans la rédaction suivante :
Le code de procédure pénale est ainsi modifié :
1° À l'article 100-1, les mots : « doit comporter » sont remplacés par les mots : « est motivée. Elle comporte » ;
2° La seconde phrase de l'article 100-2 est complétée par les mots : « , sans que la durée totale de l'interception puisse excéder un an ou, s'il s'agit d'une infraction prévue aux articles 706-73 et 706-73-1, deux ans » ;
3° Le dernier alinéa de l'article 100-7 est remplacé par trois alinéas ainsi rédigés :
« Les interceptions prévues au présent article ne peuvent être ordonnées que par décision motivée du juge des libertés et de la détention, saisi par ordonnance motivée du juge d'instruction, lorsqu'il existe des raisons plausibles de soupçonner que la personne a participé, comme auteur ou complice, à la commission de l'infraction. Le juge d'instruction communique aux personnes devant être informées en application des trois premiers alinéas une copie de l'ordonnance du juge des libertés et de la détention.
« Les dispositions du présent article sont prévues à peine de nullité.
« Une fois informées par le juge d’instruction de la décision motivée du président du tribunal de grande instance, ces personnes peuvent déposer un recours auprès du président du tribunal de grande instance. »
La parole est à Mme Leila Aïchi.
Mme Leila Aïchi. Cet amendement tend à rétablir l’article 25, supprimé au cours de la navette parlementaire, tout en l’adaptant aux exigences de certaines fonctions, comme celles des parlementaires, des magistrats et des avocats. En effet, le secret professionnel intrinsèquement lié à l’exercice de ces activités doit être impérativement préservé. Nous proposons donc une nouvelle rédaction de cet article, renforçant l’instruction en matière d’interception de communications.
Nous précisons que ces interceptions « ne peuvent être ordonnées que par décision motivée du juge des libertés et de la détention, saisi par ordonnance motivée du juge d’instruction ».
En outre, il convient de prévoir une procédure de recours devant le juge des libertés et de la détention, dans l’hypothèse où les interceptions judiciaires visées seraient injustifiées.
M. le président. L'amendement n° 174 rectifié, présenté par Mmes Aïchi, Bouchoux et Blandin, M. Dantec, Mme Archimbaud et MM. Gattolin et Labbé, est ainsi libellé :
Rétablir cet article dans la rédaction suivante :
Le code de procédure pénale est ainsi modifié :
1° À l’article 100-1, les mots : « doit comporter » sont remplacés par les mots : « est motivée. Elle comporte » ;
2° La seconde phrase de l’article 100-2 est complétée par les mots : « , sans que la durée totale de l’interception puisse excéder un an ou, s’il s’agit d’une infraction prévue aux articles 706-73 et 706-73-1, deux ans » ;
3° Le dernier alinéa de l’article 100-7 est remplacé par deux alinéas ainsi rédigés :
« Les interceptions prévues par le présent article ne peuvent être ordonnées que par décision motivée du président du tribunal de grande instance, saisi par ordonnance motivée du juge d’instruction et après un débat contradictoire avec le bâtonnier, lorsqu’il existe des raisons plausibles de soupçonner que la personne a participé, comme auteur ou complice, à la commission de l’infraction. Le juge d’instruction communique aux personnes devant être informées en application des trois premiers alinéas une copie de la décision motivée du président du tribunal de grande instance.
« Il est prévu un recours du bâtonnier auprès président du tribunal de grande instance contre la décision de ce dernier. »
La parole est à Mme Leila Aïchi.
Mme Leila Aïchi. Il s’agit là d’un amendement de repli, qui tend lui aussi à rétablir l’article 25 en modifiant sa rédaction.
Dans sa rédaction actuelle, le deuxième alinéa de l’article 100-7 du code de procédure pénale autorise les écoutes téléphoniques sur les lignes, tant professionnelles que privées, d’un avocat, pour peu que le bâtonnier en ait été informé par le juge d’instruction.
Ce régime paraît bien moins protecteur qu’en matière de perquisitions. Dans ce second cas, le bâtonnier prend lui-même connaissance des documents couverts par le secret professionnel et peut s’opposer à leur versement au dossier. De plus, le litige est arbitré par le président du tribunal de grande instance qui, en tant que juge de l’astreinte et de la voie de fait, est considéré comme le juge protecteur des libertés.
Au travers de cet amendement, nous proposons donc de soumettre la décision du placement sur écoutes d’un avocat à un débat contradictoire préalable entre le juge des libertés et de la détention et le bâtonnier.
Parallèlement, nous suggérons d’ouvrir un droit de recours du bâtonnier auprès du juge des libertés et de la détention, contre la décision de ce dernier. Cette disposition se fonde notamment sur des raisons d’équité, pour ce qui concerne les dispositions du code de procédure pénale relatives aux perquisitions.
M. le président. Quel est l’avis de la commission ?
M. Michel Mercier, rapporteur. Les dispositions de ces amendements ne manquent pas d’intérêt, même si elles soulèvent un certain nombre de problèmes.
J’ai retenu ce qu’a indiqué M. le garde des sceaux ; nous aurons bien sûr l’occasion de débattre de nouveau de ce sujet,…
M. Jacques Mézard. Dans le cadre de la procédure accélérée ?
M. Michel Mercier, rapporteur. … en vue de la réunion de la commission mixte paritaire.
M. Jacques Mézard. En commission mixte paritaire, il n’y a jamais aucun débat !
M. Pierre-Yves Collombat. Aucun ! Et je suis bien placé pour le savoir !
M. Michel Mercier, rapporteur. Cher collègue, il y a plusieurs manières de préparer une commission mixte paritaire ! Pour notre part, nous entendons procéder de façon active, en étudiant l’ensemble des questions qui nous sont posées.
Cela étant, j’observe, s'agissant de ces amendements, un véritable problème : l’obligation de motivation. Les interceptions de communications peuvent être effectuées en très grand nombre, par dizaines. Si une ordonnance motivée doit être prise de manière systématique, on risque fort d’alourdir considérablement la procédure.
Qu’une ordonnance soit nécessaire, pourquoi pas ? Mais rendre sa motivation impérative compromettrait véritablement l’efficacité de l’enquête.
M. Jacques Mézard. On pourra prévoir des machines !
M. Michel Mercier, rapporteur. Je n’en doute pas, mon cher collègue. Mais, si c’est pour procéder ainsi, en cochant tel ou tel motif automatiquement, autant ne pas prévoir de motivation du tout… Quoi qu’il en soit, nous sommes confrontés à un réel problème.
Reste une question : ces amendements tendent à changer le rôle du JLD en soumettant à son autorisation la poursuite du travail du juge d’instruction. Je rappelle que le JLD a été créé pour éviter que le magistrat qui mène l’enquête ne soit pas également celui qui décide du placement en détention. Avec ces amendements, on mélange un peu les genres…
Cette modification est peut-être bienvenue, mais faut-il la réaliser ainsi, au détour d’un amendement ? Il ne me semble pas nécessaire de modifier la position de la commission, même si j’ai bien entendu les propos du garde des sceaux.
La commission émet donc un avis défavorable sur l’ensemble de ces amendements.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement sur les amendements nos 173 rectifié et 174 rectifié ?
M. Jean-Jacques Urvoas, garde des sceaux. Pour poursuivre la conversation avec M. le rapporteur, il me vient une idée. Si la réserve que celui-ci exprime sur l’amendement du Gouvernement repose sur la motivation de la décision, je suis prêt à y renoncer et à procéder à une rectification en séance, afin d’inscrire dans la loi seulement les mots « par décision du juge des libertés et de la détention ».
M. Michel Mercier, rapporteur. Vous êtes trop habile, monsieur le garde des sceaux !
M. Jean-Jacques Urvoas, garde des sceaux. Si le casus belli tient à cela, ce geste permettrait d’éviter en commission mixte paritaire une négociation toujours frustrante pour le Gouvernement, puisqu’il n’y participe pas. Le Gouvernement est donc très soucieux de faire en sorte que les atterrissages empruntent des chemins balisés.
M. Michel Mercier, rapporteur. Vous avez vous-même fixé les modalités de l’atterrissage, qui aura bien lieu !
M. Jean-Jacques Urvoas, garde des sceaux. Il semble que ce point n’est pas le seul à poser problème au rapporteur… J’en suis navré ! Je répète néanmoins la disponibilité du Gouvernement pour opérer cette rectification et supprimer la première occurrence du terme « motivé », à l’alinéa 6 de cet amendement.
J’en viens aux amendements nos 173 rectifié et 174 rectifié. Le Gouvernement estime nécessaire de rétablir l’article. Je l’ai dit, il y a déjà un double regard, du juge d’instruction et du juge des libertés et de la détention. Prévoir un recours supplémentaire nous paraît de nature à complexifier excessivement le système. Un recours en annulation devant la chambre de l’instruction est déjà possible, ce qui nous semble suffisant.
Le Gouvernement émet donc un avis défavorable sur ces deux amendements.
M. le président. La parole est à M. le rapporteur.
M. Michel Mercier, rapporteur. Il me semble en effet qu’il revient au Gouvernement de défendre sa position, qui présente l’avantage de la clarté. Nous négocierons sur ce point plus tard. Si vous me faites lâcher ma monnaie maintenant, monsieur le garde des sceaux, il ne me restera plus rien en main ! (Sourires.)
Je maintiens donc l’avis défavorable de la commission sur ces amendements.
M. le président. La parole est à M. Alain Richard, pour explication de vote.
M. Alain Richard. J’espère ne déranger personne en faisant observer que deux amendements identiques ont été déposés ! M. le garde des sceaux est pleinement responsable de modifier ou non son propre amendement, mais, pour ce qui est du nôtre, la décision nous revient.
Par ailleurs, je fais observer à M. le garde des sceaux, comme au président de séance, que le mot « motivé » figure deux fois dans l’alinéa en cause. Pour notre part, afin de tenir compte des objections du rapporteur, comme nous l’avons fait depuis le début de cette discussion, nous rectifions notre amendement en retirant les deux occurrences de ce terme à l’alinéa 6 de notre amendement.
M. le président. Je suis donc saisi d’un amendement n° 128 rectifié, présenté par MM. Bigot, Richard, Leconte et les membres du groupe socialiste et républicain et qui est ainsi libellé :
Rétablir cet article dans la rédaction suivante :
Le code de procédure pénale est ainsi modifié :
1° À l’article 100-1, les mots : « doit comporter » sont remplacés par les mots : « est motivée. Elle comporte » ;
2° La deuxième phrase de l’article 100-2 est complétée par les mots : « , sans que la durée totale de l’interception puisse excéder un an ou, s’il s’agit d’une infraction prévue aux articles 706-73 et 706-73-1, deux ans » ;
3° Le dernier alinéa de l’article 100-7 est remplacé par deux alinéas ainsi rédigés :
« Les interceptions prévues au présent article ne peuvent être ordonnées que par décision du juge des libertés et de la détention, saisi par ordonnance du juge d’instruction, lorsqu’il existe des raisons plausibles de soupçonner que la personne a participé, comme auteur ou complice, à la commission de l’infraction. Le juge d’instruction communique aux personnes devant être informées en application des trois premiers alinéas une copie de l’ordonnance du juge des libertés et de la détention.
« Les dispositions du présent article sont prévues à peine de nullité. »
Quel est l’avis de la commission ?
M. Michel Mercier, rapporteur. Nous sommes parvenus à un moment important. Monsieur Richard, je crois me souvenir que vous avez pris la très bonne initiative de demander au président de la commission des lois une réunion spécifique, afin de préparer la suite, après le vote du Sénat.
Il ne servirait à rien de trancher dès maintenant les questions qui seront à l’ordre du jour de cette réunion ! Je propose donc que nous en restions où nous en sommes et je maintiens la position défavorable de la commission.
M. le président. La parole est à M. Pierre-Yves Collombat, pour explication de vote.
M. Pierre-Yves Collombat. J’ai le sentiment que nous sommes en train d’inventer des procédures. On fait une petite tambouille dans un coin !
M. Michel Mercier, rapporteur. Cela s’appelle le bicamérisme, mon cher collègue.
M. Pierre-Yves Collombat. La position de M. le garde des sceaux, je suis désolé de le dire, me paraît tout à fait cohérente, et je la soutiendrai.
Je soutiendrai les amendements qui subsistent, car je ne vois pas de difficulté à motiver ce type d’actes. Cela me semble même un minimum ! À moins que la difficulté ne se trouve ailleurs, dans cette procédure bizarre que nous voyons se créer…
M. le président. La parole est à M. Jacques Mézard, pour explication de vote.
M. Jacques Mézard. L’amendement du Gouvernement nous convient, ainsi que la proposition de rectification visant à ne retirer que la première occurrence de « motivée » – sinon, cela n’a plus beaucoup de sens.
Il m’apparaît tout de même que ce que nous disons ne sert strictement à rien.
M. Pierre-Yves Collombat. Eh oui !
M. Jacques Mézard. Certes, une telle négociation n’est pas nouvelle sous ce régime !
M. Alain Richard. M. Collombat pense que c’est une nouveauté, mais vous savez mieux que lui que ce n’est pas le cas ! (Sourires.)
M. Pierre-Yves Collombat. Je suis encore jeune, moi ! (Nouveaux sourires.)
M. Jacques Mézard. Je suis parlementaire depuis moins longtemps que mon ami Pierre-Yves Collombat, mais j’ai très vite compris comment cela fonctionnait.
C’est aussi à cause de ce type de pratiques que la démocratie parlementaire souffre aujourd'hui de l’image que nous lui connaissons.
Les choses vont se passer ainsi : on renonce à certaines modifications qui paraissent pourtant logiques et de bon sens afin de conserver une poire pour la soif en vue de la commission mixte paritaire, qui ne servira à rien, parce que ces questions auront été réglées auparavant par quelques personnalités extrêmement compétentes !
De plus, si j’ai bien compris, une réunion de travail est prévue entre des éminences des groupes majoritaires et minoritaires.
M. Alain Richard. Il s’agit d’une réunion des membres de la commission des lois. Vous en serez !
M. Jacques Mézard. Tout cela est profondément regrettable. Ce type de cuisine, pour ne pas employer le même mot que Pierre-Yves Collombat, n’est certes pas nouveau, mais cela n’honore pas le Parlement. Ce n’est pas la bonne méthode pour avancer ! (Applaudissements sur les travées du groupe écologiste.)
M. le président. L’amendement n° 234, présenté par le Gouvernement, est ainsi libellé :
Rétablir cet article dans la rédaction suivante :
Le chapitre V du titre IV du livre Ier du code de procédure pénale est complété par un article 230-44-1 ainsi rédigé :
« Art. 230-44-1. – Aucune des mesures prévues au présent chapitre ne peut être ordonnée à l’encontre d’un député, d’un sénateur, d’un magistrat ou d’un avocat à raison de l’exercice de son mandat ou de sa profession, sauf si elles sont indispensables en raison de l’existence préalable d’indices qu’il a participé à la commission d’une infraction. »
La parole est à M. le garde des sceaux.
M. Jean-Jacques Urvoas, garde des sceaux. Il s’agit d’un amendement de cohérence avec l’amendement n° 229, que nous avions discuté hier, visant les écoutes téléphoniques. Le Gouvernement en avait expliqué la cohérence, mais le Sénat ne l’avait pas suivi.
M. le président. Quel est l’avis de la commission ?
M. Michel Mercier, rapporteur. Défavorable.
M. le président. En conséquence, l’article 25 bis A demeure supprimé.
Article 25 bis
I. – Le code de procédure pénale est ainsi modifié :
1° Au troisième alinéa de l’article 56, après le mot : « Toutefois, », sont insérés les mots : « sans préjudice de l’application des articles 56-1 à 56-5, » ;
2° Après l’article 56-4, il est inséré un article 56-5 ainsi rédigé :
« Art. 56-5. – Les perquisitions dans les locaux d’une juridiction ou au domicile d’une personne exerçant des fonctions juridictionnelles et qui tendent à la saisie de documents susceptibles d’être couverts par le secret du délibéré ne peuvent être effectuées que par un magistrat, sur décision écrite et motivée de celui-ci, en présence du premier président de la cour d’appel, du procureur général, du premier président de la Cour de cassation ou du procureur général près la Cour de cassation ou de leur délégué. Cette décision indique la nature de l’infraction sur laquelle portent les investigations, les raisons justifiant la perquisition et l’objet de celle-ci. Le contenu de la décision est porté dès le début de la perquisition à la connaissance du premier président ou du procureur général près la Cour de cassation ou de leur délégué par le magistrat. Celui-ci, le premier président ou son délégué ont seuls le droit de consulter ou de prendre connaissance des documents ou des objets se trouvant sur les lieux préalablement à leur éventuelle saisie. Aucune saisie ne peut concerner des documents ou des objets relatifs à d’autres infractions que celles mentionnées dans la décision précitée. Les dispositions du présent alinéa sont prévues à peine de nullité.
« Le magistrat qui effectue la perquisition veille à ce que les investigations conduites ne portent pas atteinte à l’indépendance de la justice.
« Le premier président, le procureur général ou leur délégué peut s’opposer à la saisie d’un document ou d’un objet s’il estime cette saisie irrégulière. Le document ou l’objet est alors placé sous scellé fermé. Ces opérations font l’objet d’un procès-verbal mentionnant les objections du premier président, du procureur général ou de leur délégué, qui n’est pas joint au dossier de la procédure.
« Si d’autres documents ou objets ont été saisis au cours de la perquisition sans soulever d’opposition, ce procès-verbal est distinct de celui prévu à l’article 57. Le procès-verbal mentionné au troisième alinéa ainsi que le document ou l’objet placé sous scellé fermé sont transmis sans délai au juge des libertés et de la détention, avec l’original ou une copie du dossier de la procédure.
« Dans un délai de cinq jours à compter de la réception de ces pièces, le juge des libertés et de la détention statue sur l’opposition par ordonnance motivée non susceptible de recours.
« À cette fin, il entend le magistrat qui a procédé à la perquisition et, le cas échéant, le procureur de la République, ainsi que le premier président ou son délégué. Il ouvre le scellé en présence de ces personnes.
« S’il estime qu’il n’y a pas lieu à saisir le document ou l’objet, le juge des libertés et de la détention ordonne sa restitution immédiate, ainsi que la destruction du procès-verbal mentionné au troisième alinéa et, le cas échéant, la cancellation de toute référence à ce document ou à son contenu ou à cet objet figurant dans le dossier de la procédure.
« Dans le cas contraire, il ordonne le versement du scellé et du procès-verbal au dossier de la procédure. Cette décision n’exclut pas la possibilité ultérieure pour les parties de demander la nullité de la saisie devant, selon les cas, la juridiction de jugement ou la chambre de l’instruction. » ;
3° Au premier alinéa de l’article 57, les mots : « de ce qui est dit à l’article 56 concernant le respect du secret professionnel et des droits de la défense, » sont remplacés par les mots : « des articles 56-1 à 56-5 et du respect du secret professionnel et des droits de la défense mentionné à l’article 56, » ;
4° Au dernier alinéa de l’article 57-1, à la seconde phrase du premier alinéa et au deuxième alinéa de l’article 60-1 et à la seconde phrase du premier alinéa de l’article 77-1-1, la référence : « 56-3 » est remplacée par la référence : « 56-5 » ;
5° Au dernier alinéa de l’article 96, la référence : « 56-4 » est remplacée par la référence : « 56-5 » ;
6° (nouveau) À la seconde phrase du premier alinéa de l’article 99-3, après les références : « articles 56-1 à 56-3 », est insérée la référence : « et à l’article 56-5 » ;
7° (nouveau) Au dernier alinéa de l’article 230-34, la référence : « 56-4 » est remplacée par la référence : « 56-5 » ;
8° (nouveau) Au premier alinéa de l’article 695-41, après la référence : « 56-3 », est insérée la référence : « , 56-5 » ;
9° (nouveau) Au dernier alinéa de l’article 706-96, la référence : « et 56-3 » est remplacée par les références : « , 56-3 et 56-5 » ;
10° (nouveau) Au dernier alinéa de l’article 706-96-1, la référence : « et 56-3 » est remplacée par les références : « , 56-3 et 56-5 » ;
11° (nouveau) Au dernier alinéa de l’article 706-102-5, la référence : « et 56-3 » est remplacée par les références : « , 56-3 et 56-5 ».
II (Non modifié). – Le présent article entre en vigueur le 1er octobre 2016.
M. le président. L’amendement n° 271, présenté par M. M. Mercier, au nom de la commission des lois, est ainsi libellé :
I. - Alinéa 4, quatrième phrase
Remplacer les mots :
ou son délégué
par les mots :
, le procureur général ou leur délégué
II. - Alinéa 6, première phrase
Remplacer le mot :
peut
par le mot :
peuvent
III. - Alinéa 9, première phrase
Remplacer les mots :
ou son délégué
par les mots :
, le procureur général ou leur délégué
La parole est à M. le rapporteur.
M. Michel Mercier, rapporteur. Il s’agit d’un amendement rédactionnel.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. Jean-Jacques Urvoas, garde des sceaux. Le Gouvernement s’en remet à la sagesse de la Haute Assemblée.
M. le président. Je mets aux voix l’article 25 bis, modifié.
(L’article 25 bis est adopté.)
Article 26
I. – Le code de procédure pénale est ainsi modifié :
1° À la fin du quatrième alinéa de l’article 179, les mots : « de l’ordonnance de renvoi » sont remplacés par les mots : « soit de l’ordonnance de renvoi ou, en cas d’appel, de l’arrêt de renvoi non frappé de pourvoi, de l’arrêt déclarant l’appel irrecevable, de l’ordonnance de non-admission rendue en application du dernier alinéa de l’article 186 ou de l’arrêt de la chambre criminelle rejetant le pourvoi, soit de la date à laquelle il a été ultérieurement placé en détention provisoire » ;
1° bis (nouveau). – À l’article 186-2, les mots : « de l’ordonnance » sont remplacés par les mots : « suivant la date de déclaration d’appel » ;
2° Après l’article 186-3, sont insérés deux articles 186-4 et 186-5 ainsi rédigés :
« Art. 186-4. – En cas d’appel, même irrecevable, formé contre une ordonnance prévue au premier alinéa de l’article 179, la chambre de l’instruction statue dans les deux mois suivant la date de déclaration d’appel, faute de quoi la personne détenue est remise d’office en liberté.
« Art. 186-5. – Les délais relatifs à la durée de la détention provisoire prévus aux articles 145-1 à 145-3 ne sont plus applicables lorsque le juge d’instruction a rendu son ordonnance de renvoi devant la juridiction de jugement, même en cas d’appel formé contre cette ordonnance. » ;
3° Après l’article 194, il est inséré un article 194-1 ainsi rédigé :
« Art. 194-1. – Lorsque la chambre de l’instruction est saisie sur renvoi après cassation, elle statue dans les délais prévus aux articles 148-2, 186-2, 186-4 et 194. Ces délais courent à compter de la réception par le procureur général près la cour d’appel de l’arrêt et du dossier transmis par le procureur général près la Cour de cassation. » ;
4° L’article 199 est ainsi modifié :
a) Le dernier alinéa est complété par les mots : « , ou de dix jours si la chambre de l’instruction statue sur renvoi après cassation » ;
b) Il est complété par un alinéa ainsi rédigé :
« En cas d’appel du ministère public contre une décision de rejet de placement en détention provisoire ou de remise en liberté, la personne mise en examen est avisée de la date d’audience. Sa comparution personnelle à l’audience est de droit. » ;
5° Au premier alinéa de l’article 574-1, après le mot : « accusation », sont insérés les mots : « ou ordonnant le renvoi devant le tribunal correctionnel » ;
6° (nouveau) À la seconde phrase de l’article 728-69, les mots : « deux derniers » sont remplacés par les mots : « sixième et septième ».
II (nouveau). – Le présent article entre en vigueur le premier jour du deuxième mois suivant sa publication au Journal officiel. – (Adopté.)
Article 27
(Supprimé)
M. le président. Je suis saisi de deux amendements identiques.
L’amendement n° 129 est présenté par MM. Bigot, Richard, Leconte et les membres du groupe socialiste et républicain.
L’amendement n° 208 est présenté par le Gouvernement.
Ces deux amendements sont ainsi libellés :
Rétablir cet article dans la rédaction suivante :
L’article L. 1521-18 du code de la défense est complété par deux alinéas ainsi rédigés :
« Si ces personnes font l’objet d’une mesure de garde à vue à leur arrivée sur le sol français, elles sont présentées dans les plus brefs délais soit, à la requête du procureur de la République, au juge des libertés et de la détention, soit au juge d’instruction, qui peuvent ordonner leur remise en liberté. À défaut d’une telle décision, la garde à vue se poursuit.
« La personne peut demander, dans les conditions prévues à l’article 63-3-1 du code de procédure pénale, à être assistée par un avocat lors de cette présentation. »
La parole est à M. Alain Richard, pour présenter l’amendement n° 129.
M. Alain Richard. Il s’agit, par cet amendement, de combler ce qui nous semble une lacune du texte, correspondant à la situation exceptionnelle, mais qui nous pose un défi juridique, des personnes qui ont été placées en détention pendant une traversée sur un navire. Il reste à fixer les conditions dans lesquelles ces personnes peuvent être mises en garde à vue à leur arrivée sur le sol français. La question a cela de particulier que ces personnes étaient déjà en situation de privation de liberté.
Il nous semble, à la différence de ce qu’a apprécié la majorité des membres de la commission, qu’il y a bien un vide juridique, lequel a été relevé par une décision récente de la Cour européenne des droits de l’homme, en date du 4 décembre 2014, portant sur une espèce analogue.
Le Gouvernement partage, je crois, notre appréciation. Nous estimons que la réforme de la garde à vue, à laquelle nous avons pleinement souscrit, ne résout pas ce cas particulier et qu’une disposition spécifique est nécessaire à l’article L. 1521-18 du code de la défense, afin de prévoir l’entrée en garde à vue terrestre des personnes ainsi détenues. Celle-ci doit être immédiatement autorisée par le procureur ou par le juge d’instruction, suivant le type d’affaires.
M. le président. La parole est à M. le garde des sceaux, pour présenter l’amendement n° 208.
M. Jean-Jacques Urvoas, garde des sceaux. M. Alain Richard a déjà presque tout dit sur l’exercice par l’État de ses pouvoirs de police en mer. Nous pensons effectivement que la loi de janvier 2011 comporte une lacune, pour laquelle nous avons été condamnés par la Cour européenne des droits de l’homme. Il s’agit de l’arrêt Ali Samatar et autres contre France du 4 décembre 2014.
Cet amendement vise donc à rétablir un article qui nous paraît combler la carence soulignée par la CEDH. Il manquait des garanties devant être accordées à l’arrivée sur le sol français aux personnes concernées par ces procédures.
M. le président. Quel est l’avis de la commission ?
M. Michel Mercier, rapporteur. La commission avait supprimé cet article 27. Toutefois, M. le garde des sceaux rappelle à bon droit que nous avons été condamnés par la CEDH.
Je m’en remets donc à la sagesse du Sénat.
M. le président. Je mets aux voix les amendements identiques nos 129 et 208.
(Les amendements sont adoptés.)
M. le président. En conséquence, l’article 27 est rétabli dans cette rédaction.
Article additionnel après l’article 27
M. le président. L’amendement n° 159, présenté par Mme Benbassa et les membres du groupe écologiste, est ainsi libellé :
Après l’article 27
Insérer un article additionnel ainsi rédigé :
À l’article 397-6 du code de procédure pénale, après le mot : « politiques », sont insérés les mots : « , de délit d’apologie des actes de terrorisme ».
La parole est à Mme Esther Benbassa.
Mme Esther Benbassa. L’article 397-6 du code de procédure pénale prévoit d’exclure du champ des procédures de convocation par procès-verbal et de comparution immédiate les délits de presse et délits politiques.
Le délit d’apologie des actes de terrorisme peut relever de ces deux catégories. Dès lors, il nous semble qu’il faut exclure le recours à la comparution immédiate.
Les peines très lourdes prononcées dans certains cas d’apologie du terrorisme après les attentats de janvier et de novembre 2015 ont montré les limites du jugement de tels délits dans des temps proches des attentats. Nous considérons que le recours à la comparution immédiate doit donc être proscrit en la matière.
M. le président. Quel est l’avis de la commission ?
M. Michel Mercier, rapporteur. Cet amendement a été rejeté par la commission des lois. La procédure de jugement par comparution immédiate est particulièrement efficace et semble tout à fait adaptée au jugement d’affaires simples dans lesquelles l’infraction peut être établie sans difficulté.
Par ailleurs, l’apologie du terrorisme n’est plus un délit de presse depuis la loi du 13 novembre 2014, et il est encore moins l’expression d’une opinion politique.
La commission émet donc un avis défavorable.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. Jean-Jacques Urvoas, garde des sceaux. Le Gouvernement partage le point de vue de la commission.
Nous avons débattu de cette question durant la discussion de la loi du 13 novembre 2014, le Gouvernement n’a évidemment pas changé d’avis depuis lors. Il émet donc un avis défavorable.
M. le président. Je mets aux voix l’amendement n° 159.
(L’amendement n’est pas adopté.)
Article 27 bis A
(Non modifié)
L’article 706-15 du code de procédure pénale est complété par les mots : « d’une demande d’indemnité ou de saisir le fonds de garantie des victimes des actes de terrorisme et d’autres infractions d’une demande d’aide au recouvrement ». – (Adopté.)
Article 27 ter
I. – Le code de procédure pénale est ainsi modifié :
1° (Supprimé)
2° Le deuxième alinéa de l’article 99 est complété par les mots : « ; lorsque la requête est formée conformément à l’avant-dernier alinéa de l’article 81, faute pour le juge d’instruction d’avoir statué dans un délai d’un mois, la personne peut saisir directement le président de la chambre de l’instruction, qui statue conformément aux trois derniers alinéas de l’article 186-1 » ;
3° (Supprimé)
4° Après l’article 802, il est inséré un article 802-1 ainsi rédigé :
« Art. 802-1. – Lorsque le ministère public ou une juridiction est saisi d’une demande à laquelle il doit être répondu par une décision motivée susceptible de recours, en l’absence de réponse dans le délai de deux mois à compter de la demande effectuée par lettre recommandée avec demande d’avis de réception ou par déclaration au greffe contre récépissé, ce recours peut être exercé contre la décision implicite de rejet de la demande.
« Le présent article n’est pas applicable lorsque la loi prévoit un recours spécifique en l’absence de réponse. »
II (Non modifié). – Le 2° du I du présent article entre en vigueur le 1er janvier 2017.
M. le président. L’amendement n° 235, présenté par le Gouvernement, est ainsi libellé :
I. – Alinéa 2
Rétablir le 1° dans la rédaction suivante :
1° Après l’article 41-6, il est inséré un article 41-7 ainsi rédigé :
« Art. 41-7. – La personne qui demande la restitution d’un objet saisi au cours de l’enquête en application de l’article 41-4 peut solliciter que cette demande soit examinée par le procureur de la République dans un délai de cinq jours si elle justifie que le maintien de la saisie lui causerait un préjudice irrémédiable dans l’exercice de son activité professionnelle ou économique.
« À peine d’irrecevabilité, cette demande est présentée dans un écrit argumenté faisant apparaître les termes “référé-restitution”, adressé par lettre recommandée avec demande d’avis de réception ou par déclaration au greffe contre récépissé.
« Si le procureur de la République refuse la restitution, sa décision peut être déférée par le demandeur, dans un délai de vingt-quatre heures à compter de sa notification, devant le président de la chambre de l’instruction, qui statue par ordonnance motivée non susceptible de recours dans les huit jours suivant la réception du recours, au vu des observations écrites de la personne ou de son avocat et de celles du procureur général. À défaut de réponse du procureur de la République dans le délai prévu au premier alinéa, la personne peut saisir directement le président de la chambre de l’instruction. » ;
II. – Alinéa 4
Rétablir le 3° dans la rédaction suivante :
3° Après l’article 99-2, il est inséré un article 99-2-1 ainsi rédigé :
« Art. 99-2-1. – La procédure de référé-restitution prévue à l’article 41-7 est applicable aux demandes de restitution formées en application de l’article 99. Les attributions du procureur de la République sont alors exercées par le juge d’instruction. » ;
La parole est à M. le garde des sceaux.
M. Jean-Jacques Urvoas, garde des sceaux. Cet amendement vise à rétablir la procédure de « référé-restitution » introduite à l’Assemblée nationale, qui constitue une garantie procédurale substantielle et participe à l’équilibre du texte.
Le Sénat connaît bien cet amendement, dans la mesure où le procureur général Beaume a été auditionné par le rapporteur. La procédure de référé-restitution, que cet amendement vise à créer, fait en effet partie des préconisations du rapport que ce dernier a remis.
Cette disposition vise à permettre à toute personne pour laquelle le maintien sous main de justice d’un bien est de nature à créer un préjudice économique irréversible d’en demander la restitution en urgence au juge des libertés et de la détention.
M. le président. Quel est l’avis de la commission ?
M. Michel Mercier, rapporteur. Si le Gouvernement fait argument des propositions du rapport du procureur général Beaume, le travail s’annonce considérable pour intégrer toutes celles qu’il n’a pas retenues dans son texte initial, et le projet de loi dépassera probablement les 220 articles ! (Sourires.)
M. Michel Mercier, rapporteur. Cette disposition, envers laquelle je n’ai aucune opposition théorique ou de principe, me semble poser une question pratique. Nous avons également entendu le procureur de Marseille, lequel nous a informés qu’il ordonnait dans son ressort quelque 30 000 saisies par an. Pour toute la France, cela concerne des centaines de milliers de scellés.
Si quelques milliers seulement de ces opérations donnent lieu à des référés-restitution, il s’ensuivra une désorganisation complète du parquet et de la justice. C’est la raison pour laquelle la commission avait supprimé cette mesure et reste hostile à son rétablissement.
La commission émet donc un avis défavorable sur cet amendement.
M. le président. La parole est à M. le garde des sceaux.
M. Jean-Jacques Urvoas, garde des sceaux. M. le rapporteur peut se rassurer, cette disposition ne concernera que les préjudices économiques irréversibles, et non tous les éléments qui peuvent faire l’objet de saisies, comme les stupéfiants, par exemple. Son application sera cantonnée à ce qui relève de la vie des entreprises. De notre point de vue, les contentieux ne seront donc pas extrêmement nombreux.
M. le président. La parole est à M. Alain Richard, pour explication de vote.
M. Alain Richard. L’appréciation à laquelle vient de se livrer M. le garde des sceaux me paraît quelque peu hâtive. En effet, si la motivation de fond du succès du référé en question est un préjudice irréversible de caractère professionnel ou économique, cela ne constitue toutefois pas une condition de sa recevabilité.
Chaque fois que quelqu’un exercera, à la suite d’une saisie ou d’une mise sous séquestre, son droit par ce référé, il créera un contentieux qui passera devant la formation de jugement. Quelle est donc l’ampleur du risque ? Je ne sais si le procureur général Beaume avait estimé la charge contentieuse que cela représente.
À plusieurs reprises au cours de ce débat, et cela va se reproduire, nous avons été amenés à renoncer à des mesures que nous jugions souhaitables et favorables à l’équité, parce que le système judiciaire est « embolisé » en bien des points du territoire et qu’il serait imprudent de le charger encore davantage.
Sommes-nous assurés qu’un filtrage suffisant de ces demandes en référé permettra de ne pas aboutir à un alourdissement considérable du fonctionnement, au moins des juridictions principales ?
M. le président. L'amendement n° 209, présenté par le Gouvernement, est ainsi libellé :
Alinéa 6
Après le mot :
Lorsque
insérer les mots :
, en application du présent code,
La parole est à M. le garde des sceaux.
M. Jean-Jacques Urvoas, garde des sceaux. Cet article introduit un mécanisme général de recours en cas d’absence de réponse à une demande au bout de deux mois. La commission des lois a étendu ce mécanisme, initialement prévu pour les seules demandes formulées en application du code de procédure pénale, à l’ensemble des codes.
Compte tenu de la diversité des régimes prévus dans les différents codes spécialisés et de l’absence d’évaluation de l’impact d’une telle généralisation, la modification apportée en commission des lois nous apparaît de nature à créer une insécurité juridique.
Il est donc proposé ici de revenir à la rédaction initiale du projet de loi.
M. le président. Quel est l’avis de la commission ?
M. Michel Mercier, rapporteur. La position de la commission découle du constat que, dans d’autres codes que le code de procédure pénale, la constitutionnalité d’un certain nombre de dispositions pouvait poser question.
J’ai sous les yeux l’article L. 3363-4 du code forestier : « La juridiction saisie des faits ou, pendant l’enquête préliminaire, le juge des libertés et de la détention peuvent à tout moment, d’office ou à la demande du bénéficiaire de l’opération, se prononcer sur la mainlevée ou le maintien des mesures conservatoires prises pour assurer l’interruption des travaux. » Aucun délai n’est précisé !
Nous n’avons certes pas recensé tous les codes, et peut-être sommes-nous tombés sur le seul qui ne précise pas de délai, mais nous n’en sommes pas moins confrontés à un vrai problème.
Je n’ai pas d’opposition de principe, mais je pense que le maintien de la rédaction de la commission répond d’une façon plus sûre juridiquement que l’amendement du Gouvernement à la question posée.
La commission émet donc un avis défavorable.
M. le président. La parole est à M. Alain Richard, pour explication de vote.
M. Alain Richard. Je rends hommage à la précision juridique et au sens pratique du rapporteur. J’ai l’honneur de représenter le Sénat à la commission de codification et d’apporter une modeste contribution au travail d’architecture de notre droit qui est le sien. La commission de codification s’efforce de mettre en ordre notre florissante production législative et d’assurer la stabilité des codes établis.
L’une des difficultés principales en matière de codification est la tendance, dans un champ de législation donné, à légiférer pour le champ voisin. Or il s’agit d’une réelle source de confusion. Monsieur le rapporteur, si l’on veut modifier des procédures qui figurent dans le code forestier, dans le code de l’urbanisme ou dans tout autre code spécialisé, il faut le faire explicitement et non par un renvoi.
Le secrétariat général du Gouvernement est chargé de détecter les modifications intervenues dans un code et qui en affectent un autre, mais aussi de vérifier que les codifications ont bien été établies à droit constant. Cela constitue d’ailleurs un sujet de dispute de temps en temps, lorsque la commission des lois d’une des deux assemblées approuve une codification qui nécessite de corriger le droit constant, dont il faut bien dire qu’il est parfois mal fait.
C’est pourquoi je pense préférable, si le Gouvernement en est d’accord, de prendre le temps d’identifier les procédures dans lesquelles ce délai de deux mois de refus tacite pourrait être contesté, plutôt que d’adopter une disposition en quelque sorte aveugle.
M. le président. La parole est à M. le garde des sceaux.
M. Jean-Jacques Urvoas, garde des sceaux. Mesdames, messieurs les sénateurs, je vous propose d’essayer d’obtenir une évaluation sur cette question avant la réunion de la commission mixte paritaire. Je pense que ce n’est pas une charge trop importante pour le directeur des affaires criminelles et des grâces, que je vais prévenir.
Je retire donc cet amendement, monsieur le président.
M. Michel Mercier, rapporteur. Monsieur le garde des sceaux, je vous remercie de cette proposition, qui me semble la bonne manière de procéder. Nous pourrons ainsi trancher cette question une fois l’évaluation réalisée, le texte de la commission étant pour l’heure maintenu.
M. le président. Je mets aux voix l'article 27 ter.
(L'article 27 ter est adopté.)
Article 27 quater
(Non modifié)
I. – Le code de procédure pénale est ainsi modifié :
1° Après l’article 61-2, il est inséré un article 61-3 ainsi rédigé :
« Art. 61-3. – Toute personne à l’égard de laquelle existent une ou plusieurs raisons plausibles de soupçonner qu’elle a participé, en tant qu’auteur ou complice, à la commission d’un délit puni d’emprisonnement peut demander qu’un avocat de son choix ou, si elle n’est pas en mesure d’en désigner un, qu’un avocat commis d’office par le bâtonnier :
« 1° L’assiste lorsqu’elle participe à une opération de reconstitution de l’infraction ;
« 2° Soit présent lors d’une séance d’identification des suspects dont elle fait partie.
« La personne est informée de ce droit avant qu’il soit procédé à ces opérations.
« L’avocat désigné peut, à l’issue des opérations, présenter des observations écrites qui sont jointes à la procédure ; il peut directement adresser ces observations ou copie de celles-ci au procureur de la République.
« Lorsque la victime ou le plaignant participe à ces opérations, un avocat peut également l’assister dans les conditions prévues à l’article 61-2. » ;
2° Au deuxième alinéa du 3° de l’article 63-1, après le mot : « ressortissante, », sont insérés les mots : « et, le cas échéant, de communiquer avec ces personnes, » ;
3° L’article 63-2 est ainsi modifié :
a) Au début du premier alinéa, est ajoutée la mention : « I. – » ;
b) Le deuxième alinéa est supprimé ;
c) Sont ajoutés cinq alinéas ainsi rédigés :
« Le procureur de la République peut, à la demande de l’officier de police judiciaire, décider que l’avis prévu au premier alinéa sera différé ou ne sera pas délivré si cette décision est, au regard des circonstances, indispensable afin de permettre le recueil ou la conservation des preuves ou de prévenir une atteinte grave à la vie, à la liberté ou à l’intégrité physique d’une personne.
« Si la garde à vue est prolongée au-delà de quarante-huit heures, le report de l’avis peut être maintenu, pour les mêmes raisons, par le juge des libertés et de la détention ou le juge d’instruction, sauf lorsque l’avis concerne les autorités consulaires.
« II. – L’officier de police judiciaire peut autoriser la personne en garde à vue qui en fait la demande à communiquer, par écrit, par téléphone ou lors d’un entretien, avec un des tiers mentionnés au I du présent article, s’il lui apparaît que cette communication n’est pas incompatible avec les objectifs mentionnés à l’article 62-2 et qu’elle ne risque pas de permettre une infraction.
« Afin d’assurer le bon ordre, la sûreté et la sécurité des locaux dans lesquels s’effectue la garde à vue, l’officier ou l’agent de police judiciaire détermine le moment, les modalités et la durée de cette communication, qui ne peut excéder trente minutes et intervient sous son contrôle, le cas échéant en sa présence ou en la présence d’une personne qu’il désigne. Si la demande de communication concerne les autorités consulaires, l’officier de police judiciaire ne peut s’y opposer au-delà de la quarante-huitième heure de la garde à vue.
« Le présent II n’est pas applicable en cas de demande de communication avec un tiers dont il a été décidé en application des deux derniers alinéas du I du présent article qu’il ne pouvait être avisé de la garde à vue. » ;
3° bis À la première phrase du troisième alinéa de l’article 63-3-1, après le mot : « alinéa », sont insérés les mots : « du I » ;
4° Après le mot : « atteinte », la fin du quatrième alinéa de l’article 63-4-2 est ainsi rédigée : « grave et imminente à la vie, à la liberté ou à l’intégrité physique d’une personne. » ;
5° L’article 76-1 est ainsi rétabli :
« Art. 76-1. – L’article 61-3 est applicable à l’enquête préliminaire. » ;
6° À la fin du premier alinéa de l’article 117, les mots : « , ou encore dans le cas prévu à l’article 72 » sont supprimés ;
7° Après la référence : « 63-2 », la fin de l’article 133-1 est ainsi rédigée : « , d’être examinée par un médecin dans les conditions prévues à l’article 63-3 et d’être assistée d’un avocat dans les conditions prévues aux articles 63-3-1 à 63-4-4. » ;
8° À la fin de la deuxième phrase du deuxième alinéa de l’article 135-2, les références : » des dispositions des articles 63-2 et 63-3 » sont remplacées par la référence : « de l’article 133-1 » ;
9° L’article 145-4 est ainsi modifié :
a) Le deuxième alinéa est complété par les mots : « ou téléphoner à un tiers » ;
b) Au troisième alinéa, les mots : « à un membre de la famille de la personne détenue » sont remplacés par les mots : « ou d’autoriser l’usage du téléphone » ;
b bis) La dernière phrase du dernier alinéa est complétée par les mots : « ou l’autorisation de téléphoner » ;
c) Il est ajouté un alinéa ainsi rédigé :
« Après la clôture de l’instruction, les attributions du juge d’instruction sont exercées par le procureur de la République selon les formes et conditions prévues au présent article. » ;
10° Au premier alinéa de l’article 154, les mots : « celles des articles 62-2 à 64-1 relatives à la garde à vue » sont remplacés par les références : « les articles 61-3 et 62-2 à 64-1 » ;
11° Le paragraphe 1er de la section 2 du chapitre IV du titre X du livre IV est complété par un article 695-17-1 ainsi rédigé :
« Art. 695-17-1. – Si le ministère public est informé par l’autorité judiciaire de l’État membre d’exécution d’une demande de la personne arrêtée tendant à la désignation d’un avocat sur le territoire national, il transmet à cette personne les informations utiles lui permettant de faire le choix d’un avocat ou, à la demande de la personne, fait procéder à la désignation d’office d’un avocat par le bâtonnier. » ;
12° L’article 695-27 est ainsi modifié :
a) Après le deuxième alinéa, il est inséré un alinéa ainsi rédigé :
« Le procureur général informe également la personne qu’elle peut demander à être assistée dans l’État membre d’émission du mandat par un avocat de son choix ou par un avocat commis d’office ; si la personne en fait la demande, celle-ci est aussitôt transmise à l’autorité judiciaire compétente de l’État membre d’émission. » ;
b) Au quatrième alinéa, après le mot : » avocat », sont insérés les mots : « désigné en application du deuxième alinéa » ;
13° Au sixième alinéa de l’article 706-88, les mots : « aux personnes » sont remplacés par les mots : « grave à la vie, à la liberté ou à l’intégrité physique d’une personne ».
II. – Le premier alinéa de l’article 323-5 du code des douanes est ainsi modifié :
1° La première phrase est ainsi rédigée :
« Dans les conditions et sous les réserves définies aux articles 63-2 à 63-4-4 du code de procédure pénale, la personne placée en retenue douanière bénéficie du droit d’être examinée par un médecin et à l’assistance d’un avocat, ainsi que du droit de faire contacter un proche ou son curateur ou son tuteur, son employeur, les autorités consulaires de son pays si elle est de nationalité étrangère et, le cas échéant, de communiquer avec l’une de ces personnes ou autorités. » ;
2° La deuxième phrase est supprimée.
III. – Au second alinéa du II de l’article 4 de l’ordonnance n° 45-174 du 2 février 1945 relative à l’enfance délinquante, les mots : « sur décision du procureur de la République ou du juge chargé de l’information » sont remplacés par les mots : « pour permettre le recueil ou la conservation des preuves ou pour prévenir une atteinte grave à la vie, à la liberté ou à l’intégrité physique d’une personne, sur décision du procureur de la République ou du juge chargé de l’information prise au regard des circonstances de l’espèce, ».
IV. – Le premier alinéa de l’article 64 de la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 relative à l’aide juridique et de l’article 23-1-1 de l’ordonnance n° 92-1147 du 12 octobre 1992 relative à l’aide juridictionnelle en matière pénale en Nouvelle-Calédonie et dans les îles Wallis et Futuna est ainsi modifié :
a) À la première phrase, les mots : « ou de la confrontation mentionnée aux articles 61-1 et 61-2 » sont remplacés par les mots : « , de la confrontation ou des mesures d’enquête mentionnées aux articles 61-1 à 61-3 » ;
b) À la seconde phrase, les mots : « en application de l’article 61-2 » sont remplacés par les mots : « ou d’une reconstitution en application des articles 61-2 et 61-3 ».
V . – Le présent article entre en vigueur le 15 novembre 2016.
M. le président. L'amendement n° 94, présenté par M. Grosdidier, est ainsi libellé :
Supprimer cet article.
La parole est à M. François Grosdidier.
M. François Grosdidier. La rapporteur de ce texte à l’Assemblée nationale a introduit cet article transposant la directive européenne du 22 octobre 2013, alors qu’il était prévu que celle-ci serait transposée par ordonnance à l’article 33 du projet de loi.
Mes chers collègues, je vous propose donc de supprimer ce nouvel article et de revenir à la solution initiale, la rédaction par ordonnance. Pourquoi ? Cela me paraît évident à la lecture de cet article : il est long, il est complexe et il surtranspose la directive. Or la surtransposition est un mal français qui se vérifie et qui nous pénalise dans tous les domaines, y compris le domaine judiciaire.
L’ajout de cet article est d’autant plus paradoxal que ce projet de loi a pour ambition de renforcer notre efficacité dans la lutte contre le terrorisme et la criminalité organisée. Il est en contradiction avec la philosophie du texte et avec les nécessités de notre temps, notamment de la lutte antiterroriste.
Nous péchons déjà par un excès procédural. Nos forces de l’ordre, extrêmement sollicitées, s’y épuisent au détriment du temps opérationnel. Les enquêteurs sont déjà submergés par l’excès paperassier. Dans une garde à vue, le temps est encore plus compté.
D’autres pays européens, notamment la République fédérale allemande, viennent de satisfaire aux obligations de la circulaire par des modalités plus souples, moins lourdes, par exemple sur le temps dont dispose le suspect pour s’entendre avec un tiers de son choix.
Il ne faut pas diminuer le temps d’enquête utile. Nous devons éviter cette transposition maximaliste que nous propose l’Assemblée nationale et laisser à l’exécutif le soin de rédiger une ordonnance préservant l’efficacité de nos procédures, dans le respect de la directive.
Monsieur le garde des sceaux, j’espère que vous serez sensible à la confiance que je vous manifeste !
M. le président. Quel est l’avis de la commission ?
M. Michel Mercier, rapporteur. La commission est quant à elle sensible au fait que le Parlement soit compétent en matière de transposition des directives européennes dans le droit interne !
En matière pénale, je pense qu’il est préférable que le Parlement réalise les transpositions de directives européennes plutôt que de déléguer à l’exécutif le soin de le faire. C’est pourquoi la commission a adopté l’article 27 quater, qui vise à transposer la directive citée dans notre droit pénal.
La commission émet donc un avis défavorable sur cet amendement.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. Jean-Jacques Urvoas, garde des sceaux. L’amendement de M. Grosdidier me place dans une situation paradoxale. Je suis extrêmement sensible à la confiance qu’il manifeste à l’égard du Gouvernement. (Sourires.)
Toutefois, il y a encore deux mois, en tant que président de la commission des lois de l’Assemblée nationale, je m’opposais avec constance aux ordonnances, que j’avais qualifiées de « législation de chef de bureau », avec tout le respect que l’on peut avoir pour les chefs de bureau. Je trouve préférable de manière générale que les dispositions de droit dur soient adoptées par la loi plutôt que par voie d’ordonnance et que le Parlement assume ses responsabilités plutôt que de déléguer son pouvoir.
Je suis donc contraint d’émettre un avis défavorable sur cet amendement.
M. le président. Je suis saisi de deux amendements faisant l'objet d'une discussion commune.
L'amendement n° 130, présenté par MM. Bigot, Richard, Leconte et les membres du groupe socialiste et républicain, est ainsi libellé :
Alinéa 17, première phrase
Supprimer les mots :
ne peut excéder trente minutes et
La parole est à M. Alain Richard.
M. Alain Richard. Je constate avec plaisir que nous sommes maintenant deux dans cet hémicycle à reconnaître que l’ordonnance est un bon moyen de légiférer dans certaines circonstances et que le constituant de 1958 a été sage en prévoyant cette formule, à laquelle recourent tous les gouvernements ! (Sourires.) Toutefois, puisqu’une transposition nous est proposée, débattons-en.
Comme M. Grosdidier, j’ai assisté à des auditions de représentants de policiers ou de gendarmes. Ces derniers, qui doivent tirer le meilleur parti de gardes à vue dont les intéressés ne se montrent pas très coopératifs, nous ont fait observer que certaines dispositions de cette nouvelle série d’articles du code de procédure pénale n’allaient pas simplifier leur travail.
Une disposition en particulier nous semble inutile. À l’alinéa 17 de l’article 27 quater du texte de la commission, il est prévu que l’officier ou l’agent de police judiciaire détermine le moment, les modalités et la durée de la communication que le gardé à vue peut avoir avec un tiers. Nous ne voyons absolument aucune nécessité à ce que cette communication, dont l’officier de police judiciaire fixe la durée, ne puisse excéder trente minutes. En effet, si nous inscrivons cette disposition dans le code, tous les gardés à vue vont naturellement demander trente minutes de communication. Or, pendant cette dernière, rien d’autre ne peut se passer.
Le texte étant parfaitement cohérent en dehors de cette mention de la durée maximale de trente minutes, nous proposons de la retirer.
M. le président. L'amendement n° 4 rectifié, présenté par MM. Grand, Pellevat et Danesi, Mme Deromedi, MM. Laufoaulu, Milon et Gilles, Mme Hummel, MM. Chaize et Chasseing, Mme Garriaud-Maylam, MM. Laménie, Charon, Vasselle, Bouchet et G. Bailly, Mme Micouleau et MM. Mandelli, Doligé, Dallier, Pierre, Revet et Gremillet, est ainsi libellé :
Alinéa 17, première phrase
Remplacer le mot :
trente
par le mot :
cinq
La parole est à Mme Jacky Deromedi.
Mme Jacky Deromedi. L’article 27 quater du projet de loi a été adopté par la commission des lois de l’Assemblée nationale sur proposition de la rapporteur du texte.
Il procède à la transposition de la directive 2013/48/UE du Parlement européen et du Conseil du 22 octobre 2013, relative au droit d’accès à un avocat dans le cadre des procédures pénales et des procédures relatives au mandat d’arrêt européen, au droit d’informer un tiers dès la privation de liberté et au droit des personnes privées de liberté de communiquer avec des tiers et avec les autorités consulaires.
Cette transposition, prévue initialement par ordonnance à l’article 33, est maximaliste et vient alourdir inutilement la procédure pénale, en multipliant les dispositions affectant le temps d’enquête utile. En effet, la directive européenne n’oblige pas les États membres à adopter un système aussi rigide et contraignant que celui qui est proposé à cet article.
À titre d’exemple, elle prévoit notamment que « les suspects ou les personnes poursuivies qui sont privés de liberté ont le droit de communiquer sans retard indu avec au moins un tiers, par exemple un membre de leur famille, qu’elles désignent. »
La transposition française prévoit d’imposer aux enquêteurs, pour chaque gardé à vue qui en ferait la demande, l’organisation d’entretiens avec une personne de son choix pour une durée pouvant atteindre trente minutes.
Dans le même temps, les Allemands estiment satisfaire aux obligations de la directive en permettant, en marge de l’avis à tiers du placement en garde à vue, un bref échange verbal entre le suspect et le tiers concerné.
Il est donc proposé ici de réduire la durée maximale de cet entretien avec un tiers de trente à cinq minutes.
M. le président. Quel est l’avis de la commission ?
M. Michel Mercier, rapporteur. Je voudrais tout d’abord rappeler aux auteurs de ces deux amendements qu’il est toujours possible à un officier de police judiciaire de refuser cet entretien téléphonique s’il n’est pas compatible avec un certain nombre d’objectifs, parmi les six qui sont prévus dans le code. Cet entretien n’est donc pas automatiquement accordé.
Dans le cas où il est accordé, il me semble préférable de ne pas déterminer de durée légale et de laisser l’officier de police judiciaire libre de la fixer. Une durée de cinq minutes semble un peu courte, mais si elle est fixée à trente minutes, tout le monde essaiera d’avoir au moins trente minutes…
La commission émet donc un avis de sagesse sur l’amendement n° 130 et un avis défavorable sur l’amendement n° 4 rectifié.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. Jean-Jacques Urvoas, garde des sceaux. Le Gouvernement est naturellement défavorable à l’amendement n° 130, car, en l’absence de durée maximale légalement fixée pour cet entretien, celui-ci risque de se prolonger et d’empiéter d’autant sur la durée de la garde à vue. Lorsque cet entretien a lieu, il nous semble légitime qu’il soit circonscrit. Une durée de trente minutes paraît raisonnable.
Nous trouvons par ailleurs la durée maximale de cinq minutes proposée dans l’amendement n° 4 rectifié beaucoup trop courte.
La Gouvernement émet donc un avis défavorable sur ces deux amendements.
M. le président. La parole est à M. Jacques Bigot, pour explication de vote.
M. Jacques Bigot. Monsieur le rapporteur, je vous remercie de votre avis. Je pense en effet qu’il faut laisser aux policiers la liberté de fixer la durée de cet entretien dans le cadre de la garde à vue, en fonction notamment des besoins de leur enquête. Dans la mesure où l’officier de police judiciaire pourra juger que cinq minutes d’entretien ont suffi et acter sa décision au procès-verbal, je ne vois pas de raison de fixer cette durée à trente minutes.
Je rejoins les propos de M. Grosdidier concernant la surtransposition des directives européennes : cela reviendrait, une fois de plus, à ajouter des contraintes qui ne figurent pas dans le texte de la directive.
La disposition proposée est pragmatique, et son adoption simplifierait le travail de la police.
M. le président. La parole est à M. Jacques Mézard, pour explication de vote.
M. Jacques Mézard. Pour ma part, je soutiens tout à fait la position du Gouvernement. Il faut avoir conscience de ce qui se passe au quotidien ! Fixer une durée maximum est une mesure de protection pour tout le monde, à la fois pour la personne gardée à vue et pour les forces de police. En effet, la décision d’interrompre l’entretien au bout de deux ou de dix-huit minutes pourra toujours être contestée.
De plus, la pratique montre qu’il n’y a pas d’excès en ce qui concerne la durée de ces entretiens, y compris avec les avocats, et cela ne risque pas de changer avec les dispositions de ce projet de loi.
L’existence d’un cadre applicable à tout le monde sur l’ensemble du territoire est une garantie pour toutes les parties.
M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 130.
(Après une épreuve à main levée déclarée douteuse par le bureau, le Sénat, par assis et levé, n'adopte pas l'amendement.)
M. le président. Je suis saisi de deux amendements faisant l'objet d'une discussion commune.
L'amendement n° 179 rectifié, présenté par Mmes Aïchi, Bouchoux et Blandin, M. Dantec, Mme Archimbaud et MM. Gattolin et Labbé, est ainsi libellé :
Après l'alinéa 19
Insérer quatre alinéas ainsi rédigés :
…° L’article 63-4-1 est ainsi rédigé :
« Art. 63-4-1. – À sa demande, l’avocat peut consulter le procès-verbal établi en application de l’avant-dernier alinéa de l’article 63-1 constatant la notification du placement en garde à vue et les droits y étant attachés, le certificat médical établi en application de l’article 63-3, les procès-verbaux d’audition de la personne qu’il assiste et toutes les pièces relatives à l’affaire détenues par l’officier ou l’agent de police judiciaire qui lui permettent de contester de manière effective la légalité de l’interpellation, ainsi que de tous les documents contenant des preuves matérielles à charge ou à décharge.
« Il peut en demander ou peut réaliser une copie de chacun de ces documents.
« La personne gardée à vue peut également consulter les documents prévus au présent article ou une copie de ceux-ci. Toutefois l’officier de police judiciaire peut refuser l’accès à certaines pièces du dossier à l’avocat et à la personne qu’il assiste lorsque cet accès peut constituer une menace grave pour la vie ou les droits fondamentaux d’un tiers ou lorsque cet accès risque de compromettre gravement l’enquête en cours ou de porter gravement atteinte à la sécurité publique. Ce refus doit obligatoirement être motivé. Le juge des libertés et de la détention doit statuer dans les douze heures par ordonnance motivée sur les conditions de ce refus au regard des éléments précis et circonstanciés des faits de l’espèce. »
La parole est à Mme Leila Aïchi.
Mme Leila Aïchi. Il paraît souhaitable que la transposition de la directive européenne du 22 mai 2012 relative à l’information dans le cadre des procédures pénales soit directement réalisée par le présent projet de loi. Nous proposons donc de procéder à cette transposition.
Pour rappel, la directive précise que le gardé à vue et son avocat peuvent consulter tous les actes de procès-verbaux de la procédure.
Cet amendement vise donc à restaurer l’équilibre de la procédure pénale, en allant au-delà des recommandations de la mission Beaume relative à l’amélioration de la procédure d’enquête pénale. Cette mission ne préconise en effet qu’un droit restreint à l’accès au dossier en garde à vue ou lors d’une audition libre.
L’efficacité de l’enquête ne passe pourtant pas uniquement par le secret et la rapidité, mais aussi par le recueil des éléments de preuve et des vérifications, y compris à la demande du suspect, et par sa sécurité juridique au regard des normes européennes.
Cette décision permettrait de nous mettre en conformité avec les standards européens en matière de droit de la défense, d’équité de la procédure pénale, conformément à l’article 6 de la Convention européenne des droits de l’homme, ainsi que d’accès immédiat à l’entier dossier.
Ainsi, nous proposons que le refus de donner accès au dossier soit obligatoirement motivé, le juge des libertés et de la détention étant dans l’obligation de statuer dans les douze heures sur les conditions de ce refus.
M. le président. L'amendement n° 160, présenté par Mme Benbassa et les membres du groupe écologiste, est ainsi libellé :
Après l’alinéa 19
Insérer trois alinéas ainsi rédigés :
…° L’article 63-4-1 est complété par deux alinéas ainsi rédigés :
« À sa demande, l’avocat peut également consulter toutes les pièces relatives à l’affaire détenues par l’officier ou l’agent de police judiciaire qui lui permettent de contester de manière effective la légalité de l’interpellation, ainsi que tous les documents contenant des preuves matérielles à charge ou à décharge. Il ne peut en demander ou en réaliser une copie. Il peut toutefois prendre des notes.
« Toutefois, l’officier de police judiciaire peut refuser l’accès à certaines pièces du dossier à l’avocat et à la personne qu’il assiste lorsque cet accès peut constituer une menace grave pour la vie ou les droits fondamentaux d’un tiers ou lorsque cet accès risque de compromettre gravement l’enquête en cours ou de porter gravement atteinte à la sécurité publique. Ce refus doit être motivé. » ;
La parole est à Mme Esther Benbassa.
Mme Esther Benbassa. La portée de cet amendement est plus restreinte que celle de l’amendement précédent.
Cet amendement vise également à permettre un accès au dossier effectif pour les avocats lorsque le justiciable se trouve en garde à vue. L’avocat y a accès, sauf si cela peut constituer une menace grave pour la vie ou les droits fondamentaux d’un tiers ou lorsque cela risque de compromettre gravement l’enquête en cours ou de porter gravement atteinte à la sécurité publique.
M. le président. Quel est l’avis de la commission ?
M. Michel Mercier, rapporteur. Pour l’instant, le droit prévoit que l’avocat peut être présent dès le début de la garde à vue, mais qu’il n’a pas accès au dossier. Le temps n’est pas venu de modifier le droit en vigueur.
Aussi, la commission émet un avis défavorable sur ces deux amendements.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. le président. La parole est à M. Jacques Mézard, pour explication de vote.
M. Jacques Mézard. Je n’ose dire que les gardes des sceaux se suivent…
M. Michel Mercier, rapporteur. Et se ressemblent ! (Sourires.)
M. Jacques Mézard. … et se ressemblent, effectivement ! (Nouveaux sourires.)
Nous nous trouvons là typiquement dans la situation que je critiquais précédemment : nous retrouvons cette impossibilité à accepter ce qui, de toute façon, se fera un jour ou l’autre. (Mme Esther Benbassa opine.) Nous avons vécu exactement le même débat à propos de la présence de l’avocat en garde à vue.
La présence de l’avocat en garde à vue constitue une garantie pour la personne placée en garde à vue. D’ailleurs, je vous rappelle, mes chers collègues, et il faut en tenir compte, que nombre de personnes placées en garde à vue ne sont pas poursuivies. Cette présence est utile et rassurante pour la personne placée en garde à vue. Toutefois, que l’avocat n’ait pas connaissance des pièces du dossier, voilà qui n’est pas d’une logique à toute épreuve !
Mme Esther Benbassa. Tout à fait !
M. Jacques Mézard. Ce n’est là qu’un combat d’arrière-garde. Eu égard à ce qui se pratique dans presque tous les pays européens, on autorisera la communication des pièces du dossier, car c’est logique.
Que n’a-t-on entendu quand on a accepté la présence de l’avocat en garde à vue ! Je l’ai rappelé, on nous a objecté que cela ne pourrait pas fonctionner, que les avocats ne viendraient pas, etc. Certains syndicats de policiers s’étaient émus de la présence de l’avocat pour assister une personne en garde à vue et s’en étaient inquiétés, mais finalement on n’en entend plus parler, parce que cela se passe très bien et ne pose pas de difficultés particulières.
Un jour ou l’autre, la communication des pièces du dossier à l’avocat sera possible. Mais plus on retarde cette mesure, moins on s’illustre !
M. le président. L'amendement n° 112, présenté par le Gouvernement, est ainsi libellé :
I. – Alinéa 28
Compléter cet alinéa par les mots :
et sont ajoutés les mots : « du maintien du bon ordre et de la sécurité ou de la prévention des infractions »
II. – Alinéa 31
Compléter cet alinéa par deux phrases ainsi rédigées :
Il en est de même dans tous les autres cas où une personne est placée en détention provisoire. En cas de non-réponse du juge d’instruction ou du procureur de la République à la demande de permis de visite ou de téléphoner dans un délai de vingt jours, la personne peut également saisir le président de la chambre de l’instruction.
La parole est à M. le garde des sceaux.
M. Jean-Jacques Urvoas, garde des sceaux. Cet amendement vise à combler une lacune dans la transposition de la directive relative au droit d’accès à un avocat dans le cadre des procédures pénales, dite « directive C », afin de prendre en compte une question prioritaire de constitutionnalité, une QPC, dont le Conseil constitutionnel est actuellement saisi.
Il tend à compléter sur trois points les modifications apportées à l’article 145-4 du code de procédure pénale relatif au permis de visite et aux autorisations de téléphoner concernant les prévenus placés en détention provisoire. Il vise à rappeler les motifs pouvant être pris en compte en cas de refus, qui seront désormais spécialement énoncés en des termes identiques à ceux des articles 35 et 36 de la loi du 24 novembre 2009 pénitentiaire, applicables aux décisions prises par le chef d’établissement et concernant les condamnés.
Il a également pour objet d’étendre ces dispositions, afin qu’elles s’appliquent non seulement après la clôture de l’instruction, mais également dans les cas où la personne est placée en détention provisoire en dehors de toute information judiciaire, notamment en cas de comparution immédiate. Or c’est précisément cette lacune qui fait l’objet de la QPC que je viens d’évoquer.
Enfin, il tend à préciser que le recours devant le président de la chambre de l’instruction en cas de refus de permis de visite ou d’autorisation de téléphone s’applique également en cas de défaut de réponse dans un délai de vingt jours. Le délai de deux mois prévu par les dispositions générales du nouvel article 802-1 du code de procédure pénale résultant de l’adoption de l’article 27 ter du projet de loi serait en effet trop long au regard de la nature des demandes en cause.
Or l’absence de recours en cas de non-réponse fait également l’objet de la QPC en cours.
M. le président. Quel est l’avis de la commission ?
M. Michel Mercier, rapporteur. Avis favorable.
M. le président. Je mets aux voix l'article 27 quater, modifié.
(L'article 27 quater est adopté.)
Article 27 quinquies A (nouveau)
Après l’article 63-4-3 du code de procédure pénale, il est inséré un article 63-4-3-1 ainsi rédigé :
« Art 63-4-3-1. – Si la personne gardée à vue est transportée sur un autre lieu, son avocat en est informé sans délai. » – (Adopté.)
Article 27 quinquies
(Non modifié)
La section 1 du chapitre II du titre III du livre Ier du code de procédure pénale est ainsi modifiée :
1° Le premier alinéa de l’article 213 est complété par une phrase ainsi rédigée :
« L’article 184 est applicable. » ;
2° Au deuxième alinéa de l’article 215, les mots : « dispositions de l’article 181 » sont remplacés par les références : « articles 181 et 184 ». – (Adopté.)
Article 27 septies
(Non modifié)
Au deuxième alinéa de l’article 723-15-2 du code de procédure pénale, le mot : « quatre » est remplacé par le mot : « six ». – (Adopté.)
Article 27 octies
(Non modifié)
L’article 762 du code de procédure pénale est complété par un alinéa ainsi rédigé :
« La personne condamnée à la peine de jours-amende et contre qui la mise à exécution de l’emprisonnement a été prononcée peut prévenir cette mise à exécution ou en faire cesser les effets en payant l’intégralité de l’amende. » – (Adopté.)
Article additionnel après l'article 27 octies
M. le président. L'amendement n° 227, présenté par le Gouvernement, est ainsi libellé :
Après l’article 27 octies
Insérer un article additionnel ainsi rédigé :
I. – Le code de procédure pénale est ainsi modifié :
1° L’intitulé du chapitre III du titre Ier du livre Ier est complété par les mots : « et de la collégialité de l’instruction » ;
2° Avant l’article 49, est insérée une division ainsi rédigée : « Section 1 : Du juge d’instruction » ;
3° Le premier alinéa de l’article 49 est complété par les mots : « avec, le cas échéant, le concours d’un ou plusieurs juges cosaisis ou du collège de l’instruction » ;
4° L’article 52-1 est ainsi modifié :
a) Au premier alinéa, les mots : « Dans certains tribunaux de grande instance, » sont supprimés ;
b) Les deuxième et troisième alinéas sont supprimés ;
5° Le chapitre III du titre Ier du livre Ier est complété par une section 2 ainsi rédigée :
« Section 2 : Du collège de l’instruction
« Art. 52-2. – Le collège de l’instruction est chargé, lorsqu’il est saisi soit à l’initiative du juge d’instruction en charge de la procédure, soit sur requête du procureur de la République, soit sur demande d’une partie déposée selon les modalités prévues à l’avant-dernier alinéa de l’article 81, de prendre une des ordonnances mentionnées à l’article 52-4.
« Art. 52-3. – Le collège de l’instruction est composé de trois juges d’instruction, dont le juge saisi de l’information, président.
« Les deux autres juges sont désignés par le président du tribunal de grande instance. Celui-ci peut établir à cette fin une ordonnance de roulement.
« Lorsque l’information fait l’objet d’une cosaisine, le ou les juges cosaisis font partie du collège de l’instruction. Si plus de trois juges ont été désignés dans le cadre de la cosaisine, l’ordre de leur désignation détermine leur appartenance au collège, sauf décision contraire du président du tribunal de grande instance.
« Lorsque, dans un tribunal de grande instance, le nombre de juges d’instruction ne suffit pas pour composer le collège, l’un des membres du collège peut être désigné parmi les autres juges du siège du tribunal.
« Les membres du collège de l’instruction sont désignés lors de la saisine de celui-ci ; cette désignation vaut également pour les autres saisines qui peuvent intervenir dans le cadre de la même information.
« Les désignations prévues au présent article sont des mesures d’administration judiciaire non susceptibles de recours.
« Art. 52-4. – Lorsqu’il est saisi dans les conditions prévues à l’article 52-2, le collège de l’instruction est compétent pour prendre une des ordonnances suivantes :
« 1° Ordonnance statuant sur la demande d’une personne mise en examen tendant à devenir témoin assisté en application de l’article 80-1-1 ;
« 2° Ordonnance statuant sur une demande d’acte déposée en application des articles 81, 82-1, 82-2 et 167 ;
« 3° Ordonnance statuant sur les demandes relatives au respect du calendrier prévisionnel de l’information, en application de l’article 175-1 ;
« 4° Ordonnance statuant sur les demandes des parties déposées après l’avis de fin d’information en application du quatrième alinéa de l’article 175 ;
« 5° Ordonnance procédant au règlement de l’information en application des articles 176 à 183 ; la demande tendant à la saisine du collège intervient alors dans le délai mentionné au quatrième alinéa de l’article 175.
« Art. 52-5. – Les décisions du collège de l’instruction prévues à l’article 52-4 sont prises par ordonnance motivée signée par le président du collège et mentionnant le nom des deux autres juges faisant partie du collège.
« Art. 52-6. – Les juges du collège de l’instruction ne peuvent, à peine de nullité, participer au jugement des affaires pénales qu’ils ont connues en cette qualité. » ;
6° L’intitulé du chapitre Ier du titre III du livre Ier est ainsi rédigé : « Du juge d’instruction et de la collégialité de l’instruction : juridiction d’instruction du premier degré » ;
7° Au premier alinéa du II de l’article 80, les mots : « En matière criminelle, ainsi que lorsqu’il requiert une cosaisine, » sont supprimés ;
8° L’article 80-1-1 est ainsi modifié :
a) Au deuxième alinéa, les mots : « à l’issue d’un délai de six mois après la mise en examen et » sont remplacés par les mots : « dans les dix jours qui suivent la mise en examen, puis à l’issue d’un délai de six mois après celle-ci, puis » ;
b) Il est ajouté un alinéa ainsi rédigé :
« Faute pour le juge d’instruction d’avoir statué dans le délai d’un mois, la personne mise en examen peut saisir directement le président de la chambre de l’instruction, qui statue et procède conformément aux troisième, quatrième et cinquième alinéas de l’article 186-1. » ;
9° L’article 83-1 est ainsi modifié :
a) Au troisième alinéa, les deux dernières phrases sont supprimées ;
b) Au quatrième alinéa, les deux dernières phrases sont supprimées ;
c) Au dernier alinéa, les mots : « et de cette dernière » sont supprimés ;
10° Au troisième alinéa de l’article 84, après les mots : « du juge chargé de l’information », sont insérés les mots : « ou d’un juge membre du collège de l’instruction » et les mots : « d’instruction » sont supprimés ;
11° Le dernier alinéa de l’article 118 est supprimé ;
12° L’article 183 est complété par un alinéa ainsi rédigé :
« Les ordonnances rendues par le collège de l’instruction en application de l’article 52-5 sont notifiées conformément aux dispositions du présent article. » ;
13° L’intitulé de la section 12 du chapitre Ier du titre III du livre Ier est ainsi rédigé : « De l’appel des ordonnances du juge d’instruction ou du collège de l’instruction ou du juge des libertés et de la détention » ;
14° Après l’article 186-3, il est inséré un article 186-4 ainsi rédigé :
« Art. 186-4. – Les articles 186 à 186-3 s’appliquent aux appels formés contre les ordonnances rendues par le collège de l’instruction. » ;
15° Au 3° de l’article 804, les références : « des articles 52-1, 83-1, 83-2 » sont remplacées par les références : « des articles 52-1 à 52-6, 83-1, 83-2, du dernier alinéa de l’article 183, de l’article 186-4 » ;
16° L’article 905-1 est ainsi rédigé :
« Art. 905-1. – Les articles 52-1 à 52-6, 83-1, 83-2, le dernier alinéa de l’article 183 et l’article 186-4 ne sont pas applicables à Saint-Pierre-et-Miquelon. » ;
17° À la seconde phrase du premier alinéa de l’article 805 du même code, les mots : « Les termes : “pôle de l’instruction” et “collège de l’instruction” sont remplacés par les termes : “juge d’instruction” et » sont supprimés.
II. – Le I du présent article entre en vigueur le 1er octobre 2018.
À cette date, les informations en cours dans les tribunaux de grande instance ne comprenant pas de pôle de l’instruction sont transférées aux pôles de l’instruction territorialement compétents.
III. – La loi n° 2007-291 du 5 mars 2007 tendant à renforcer l’équilibre de la procédure pénale est ainsi modifiée :
1° Les articles 1 à 5 sont abrogés ;
2° Les II et III de l’article 30 de la même loi sont abrogés.
IV. – Le présent article est applicable sur tout le territoire de la République, sous les réserves prévues aux 15° à 17° du I.
La parole est à M. le garde des sceaux.
M. Jean-Jacques Urvoas, garde des sceaux. Ce n’est pas un petit amendement que le Gouvernement présente ici ! (Sourires.) Il vise la collégialité de l’instruction, un principe qui, chacun le sait, devrait être appliqué depuis 2007, mais dont la mise en œuvre a été repoussée à quatre reprises. Or cette disposition doit entrer en vigueur le 1er janvier 2017.
Le Gouvernement se trouvait face à trois hypothèses.
Premièrement, il pouvait demander un moratoire supplémentaire. Par principe, je suis contre le fait de repousser l’échéance lorsque cela a déjà été le cas, sauf à reproduire ce qui s’est passé pour l’encellulement individuel, une mesure dont la mise en place a été repoussée à de nombreuses reprises et qui n’a jamais été appliquée.
Mme Cécile Cukierman. Exactement !
M. Jean-Jacques Urvoas, garde des sceaux. Ayant milité voilà quelques mois encore contre le report du moratoire sur l’encellulement individuel, je suis cohérent en ne proposant pas un nouveau report.
Deuxièmement, le Gouvernement pouvait abandonner totalement le principe de la collégialité. Là non plus, cette solution ne serait pas pertinente au regard des motivations ayant présidé à l’instauration de cette collégialité après les affaires dont chacun se souvient et du travail parlementaire qui s’est ensuivi.
Toutefois, appliquer cette mesure immédiatement n’est malheureusement pas possible, car cela reviendrait à créer quelque 300 postes de magistrat. Je n’en ai évidemment ni la capacité ni les moyens.
Troisièmement, et c’est l’hypothèse que je vous soumets, le Gouvernement peut maintenir le principe de la collégialité de l’instruction en restreignant sa portée : celle-ci ne sera instituée qu’à la demande des parties ou des magistrats, lorsque ces derniers l’estimeront nécessaire, et elle ne portera que sur les phases de l’instruction justifiant effectivement qu’une décision soit prise par un collège de trois juges.
M. le président. Quel est l’avis de la commission ?
M. Michel Mercier, rapporteur. Je tiens tout d’abord à remercier M. le garde des sceaux d’avoir déposé cet amendement. Il aurait pu attendre l’examen du projet de loi de finances, comme l’ont fait certains de ses prédécesseurs.
Cela dit, les dispositions de cet amendement posent un certain nombre de problèmes. Je me demande si la meilleure solution n’est pas de dire la vérité : nous sommes matériellement incapables de mettre en œuvre la collégialité de l’instruction, surtout au moment où s’amenuise, on le voit bien, le rôle du juge d’instruction et où apparaît plus fortement le couple formé par le parquet et le juge des libertés et de la détention.
Eu égard à l’ensemble des tâches qui incombent maintenant au juge des libertés et de la détention, il va falloir des postes. Se posera un problème d’équilibre entre les tâches qui seront confiées aux magistrats. Certes, la promotion de cette année est extrêmement importante – je souhaite qu’il en soit de même l’an prochain ! –, mais il faut du temps pour former des magistrats et des greffiers, et les choses ne vont pas si vite que cela.
Avant d’en venir au fond de l’amendement, permettez-moi de soulever un problème de procédure très important.
Si nous adoptons cet amendement, l'Assemblée nationale n’en discutera pas. Or nous allons nous retrouver dans la même situation que celle qui a prévalu il y a quelque temps avec la loi DDADUE : le Conseil constitutionnel, qui avait été saisi, a annulé un certain nombre de dispositions au motif que le débat n’avait pas eu lieu dans les deux assemblées. Se pose donc là un vrai problème.
Par ailleurs, monsieur le garde des sceaux, si vous déposez un amendement dans le cadre de l’examen du projet de loi portant application des mesures relatives à la justice du XXIe siècle, c’est le Sénat qui n’en débattra pas.
Nous nous retrouvons donc dans une impasse.
La seule solution serait de déposer un projet de loi sur ce sujet, ce qui permettrait aux deux assemblées parlementaires de se prononcer sur ces dispositions.
Si je vous ai remercié, monsieur le garde des sceaux – cela n’est pas un vain mot ! –, c’est aussi parce que cet amendement aura permis aux membres de la commission des lois et à nos collègues ici présents de prendre connaissance de votre position. Vous avez relevé que la collégialité avait été mise en place sans moyens et qu’il ne vous revenait pas aujourd'hui de la supprimer. Vous préférez en restreindre le champ d’application, en la subordonnant à la demande des magistrats ou des parties.
Néanmoins, la solution que vous proposez a des conséquences, qui ne sont pas minces, et dont la commission des lois a beaucoup discuté. En fait, vous êtes obligé de supprimer tous les postes de juge d’instruction dans les tribunaux de grande instance dépourvus de pôle de l’instruction.
M. Michel Mercier, rapporteur. Je le comprends parfaitement, mais cela a suscité de nombreuses questions au sein de la commission. En réalité, il y a beaucoup de réticences – le mot est faible ! – à l’idée de supprimer des postes de juges d’instruction dans les tribunaux de grande instance ne disposant pas de pôle de l’instruction.
Je vous remercie, une nouvelle fois, d’avoir permis ce débat. Mais, quoi qu’il en soit, il faudra sortir de cette situation et trouver une solution.
À mon sens, la seule solution consisterait à déposer très rapidement un projet de loi sur le sujet, que nous pourrons discuter en urgence, fût-ce au mois de juillet – nous sommes là pour travailler ! Il faut que les deux assemblées puissent discuter à la fois de cette question dans des conditions normales et, surtout, de son corollaire, que l’on comprend parfaitement, à savoir la suppression des postes de juge d’instruction. De nombreux tribunaux de grande instance se verront amputés de nombreux postes. On a vu les résultats des précédentes tentatives de réforme. Ce n’est peut-être pas la peine de faire de même !
Très honnêtement, je me demande s’il ne serait pas préférable d’affirmer tous ensemble que nous avons fait une erreur en votant, poussés par l’émotion qu’a suscitée une affaire particulière, la collégialité de l’instruction, et que nous y renonçons, faute de pouvoir la mettre en œuvre. Après tout, nous ne serions pas les premiers à renoncer à une mesure !
M. le président. La parole est à M. Alain Richard, pour explication de vote.
M. Alain Richard. Je me joins au rapporteur pour dire que le Gouvernement a bien fait de prendre cette initiative. Le schéma qu’il propose pour remplacer le dispositif figurant dans la législation, mais qui est inapplicable, a sa justification. Toutefois, à mon avis, il existe au moins un obstacle ou une incertitude.
Permettez-moi de revenir sur l’article 52-2 que le Gouvernement propose d’introduire dans le code de procédure pénale pour charger le collège de l’instruction de procéder à un certain nombre de mesures à la place du juge. Il est indiqué que le collège de l’instruction est saisi soit sur l’initiative du juge d’instruction en charge de la procédure, soit sur requête du procureur, soit sur demande d’une partie. Or cette dernière demande n’est filtrée par personne. Est-ce cohérent ?
Autant, en bonne administration de la justice, il est parfaitement défendable que le juge déjà saisi considère que la complexité de l’affaire ou la charge induite justifie un collège, de même que le procureur de la République, dans sa mission de conduite de la procédure. Néanmoins, revient-il à une partie, éventuellement contre l’avis des autres, d’avoir la possibilité de choisir son juge ? Cela conduirait à créer un désordre, et je ne vois pas l’intérêt de cette possibilité en termes d’administration de la justice ni d’équité. Voilà un premier point qui mériterait au moins d’être approfondi.
À mon sens, la meilleure solution consisterait à demander à une autre instance, la chambre de l’instruction, de prendre la décision.
Le second point concerne le redéploiement fonctionnel massif que cela représente pour la ressource humaine très spécifique et précieuse que sont les juges d’instruction. Là aussi, deux solutions peuvent être envisagées.
Soit on procède à une simple concentration géographique : tous les juges d’instruction seraient affectés à des collèges, avec, pour conséquence, une réduction massive du nombre de tribunaux de grande instance dotés d’un juge d’instruction. Néanmoins, on organiserait alors une carte judiciaire à deux vitesses, monsieur le garde des sceaux. Je crains que vous ne concurrenciez alors la célébrité acquise par l’une de vos prédécesseurs en matière de carte judiciaire…
Soit le juge d’instruction a une affectation compatible avec sa participation à un collège d’instruction. En effet, la participation d’un juge à un collège d’instruction n’est pas forcément une fonction à temps plein ou une fonction définitive. On pourrait très bien envisager un collège de collègues établis dans un autre ressort, à l’intérieur évidemment de la même cour d’appel.
Ces sujets méritent au moins une réflexion approfondie et ne se prêtent pas à l’adoption d’un dispositif complet dès aujourd'hui.
M. le président. La parole est à M. Jacques Mézard, pour explication de vote.
M. Jacques Mézard. Ce débat mériterait que l’on y consacre chacun plus de deux minutes trente !
Cette discussion récurrente fait suite à la non-application de la loi du 5 mars 2007, qui a été la conséquence du rapport Vallini. Je ne ferai pas de comparaison avec la fusion des régions, mais les mêmes produisent souvent les mêmes dégâts ! (Sourires sur les travées du RDSE.)
Il n’en reste pas moins qu’il s’agissait tellement d’une loi d’émotion – une fois encore, c’est la démonstration qu’il n’est jamais bon de légiférer sous le coup de l’émotion ! – qu’il n’est pas possible de l’appliquer, faute de moyens. En plus, cela pose un certain nombre de problèmes qui n’ont pas alors été décelés, ni donc résolus.
Vous avez raison de poser le problème, monsieur le garde des sceaux. De toute façon, il est évident qu’il faut le faire, mais pas dans le cadre de l’examen de ce projet de loi, en procédure accélérée, par le biais d’un amendement déposé au Sénat. Je sais bien – l’expérience l’a montré ! – que vous pourrez, à quelques-uns, tout mettre au point lors de la réunion de la commission mixte paritaire ou, plutôt, avant la réunion, pour que la CMP accepte la proposition. Mais les conséquences seront fortes.
Je représente, comme mes collègues, un territoire. La liquidation des juges d’instruction dans nos tribunaux de grande instance, où, souvent, le sort des maisons d’arrêt est précaire – pour avoir visité la maison d’arrêt d’Aurillac, l’ancien garde des sceaux Michel Mercier en sait quelque chose ! –, ne fera qu’aggraver les déserts que vous créez dans notre pays.
En matière d’aménagement du territoire, nous sommes déjà « désossés » dans pratiquement tous les domaines, qu’il s’agisse de la santé, des services publics ou encore des services de la justice. C’est un choix politique que nous avons toujours considéré comme profondément néfaste. Et cette loi – je n’étais pas sénateur à l’époque –, je n’aurais pas voté en sa faveur, même si elle avait été adoptée à l’unanimité des autres parlementaires ! Je considérais qu’il s’agissait d’une profonde erreur, et j’en reste convaincu.
Monsieur le garde des sceaux, trouvez une autre solution. Notre collègue Alain Richard a formulé des propositions ; il peut y en avoir d’autres. Il faut trouver une solution rapidement ! Nous serons tous d’accord, je crois, pour reconnaître, tous ensemble, que l’on s’est trompé et qu’il convient de trouver une solution plus positive.
M. le président. La parole est à M. le garde des sceaux.
M. Jean-Jacques Urvoas, garde des sceaux. Permettez-moi simplement d’apporter un élément d’information.
Je suis tout à fait conscient que la procédure que le Gouvernement emprunte n’est pas la meilleure. Toutefois, l’amendement dont il est question ici vise à reprendre un projet de loi qui a été déposé en juillet 2013. (M. le rapporteur manifeste son étonnement.) Pour le moment, il n’a pas pu être inscrit à l’ordre du jour des travaux du Parlement. C’est pourquoi je me suis permis de déposer cet amendement, de peur que ce texte ne soit pas examiné avant le 1er janvier 2017.
M. Pierre-Yves Collombat. Le Gouvernement est aussi responsable !
M. Jean-Jacques Urvoas, garde des sceaux. Je ne rejette la responsabilité sur personne, monsieur Collombat ! Je ne fais que constater la situation. Je ne veux pas que certains dossiers traînent ; je veux les clore.
Concernant ce dossier, l’échéance du 1er janvier 2017 approche. J’ai trouvé cette solution, avec les lacunes que vous avez soulevées, monsieur le rapporteur, et qui sont parfaitement justifiées. Je maintiens donc l’amendement n° 227.
M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 227.
J'ai été saisi d'une demande de scrutin public émanant du groupe du RDSE.
Je rappelle que l'avis de la commission est défavorable.
Il va être procédé au scrutin dans les conditions fixées par l'article 56 du règlement.
Le scrutin est ouvert.
(Le scrutin a lieu.)
M. le président. Personne ne demande plus à voter ?…
Le scrutin est clos.
J'invite Mmes et MM. les secrétaires à procéder au dépouillement du scrutin.
(Il est procédé au dépouillement du scrutin.)
M. le président. Voici, compte tenu de l’ensemble des délégations de vote accordées par les sénateurs aux groupes politiques et notifiées à la présidence, le résultat du scrutin n° 193 :
Nombre de votants | 343 |
Nombre de suffrages exprimés | 234 |
Pour l’adoption | 20 |
Contre | 214 |
Le Sénat n'a pas adopté.
La parole est à M. le rapporteur.
M. Michel Mercier, rapporteur. Je voudrais vous faire une proposition honnête, monsieur le garde des sceaux – je suis certain que Mme Goulet la soutiendra. Chaque groupe politique dispose de « niches » dans l’ordre du jour. Je vous offre donc la possibilité d’inscrire une proposition de loi dans la niche réservée au groupe UDI-UC avant la suspension des travaux cet été. Ce temps sera, pour fois, bien utilisé, car, si nous ne discutons pas de ce sujet au Sénat et à l’Assemblée nationale, nous courons à la catastrophe.
M. Philippe Bas, président de la commission des lois constitutionnelles, de législation, du suffrage universel, du règlement et d'administration générale. Très bien !
M. le président. La parole est à M. le garde des sceaux.
M. Jean-Jacques Urvoas, garde des sceaux. Si le groupe met ce temps à sa disposition, le Gouvernement l’utilisera volontiers. En effet, ce texte a été déposé à l’Assemblée nationale, mais n’a pas été inscrit à l’ordre du jour, et il n’y a pas de raison que cette situation perdure.
M. le président. Mes chers collègues, il nous reste 46 amendements à examiner. La séance sera suspendue à vingt heures et reprise à vingt et une heures trente (M. Pierre-Yves Collombat marque sa désapprobation.), à moins que vous ne fassiez ce qu’il faut d’ici là ! (Sourires.)
M. Philippe Bas, président de la commission des lois. Nous finirons !
M. Michel Mercier, rapporteur. Monsieur le président, nous avons abordé les principaux problèmes posés par ce projet de loi. Je présente par avance mes excuses à nos collègues, mais je leur répondrai dorénavant le plus brièvement possible.
Article 27 nonies (nouveau)
La section 1 du chapitre II du titre IV du livre Ier du code de procédure pénale est ainsi modifiée :
1° L’article 230–8 est ainsi modifié :
a) Le premier alinéa est ainsi modifié :
– à la quatrième phrase, les mots : « pour des raisons liées à la finalité du fichier » sont supprimés ;
– les sixième et septième phrases sont remplacées par une phrase ainsi rédigée :
« Les décisions de non-lieu et de classement sans suite font l’objet d’une mention, sauf si le procureur de la République ordonne l’effacement des données personnelles. » ;
– il est complété par une phrase ainsi rédigée :
« Les décisions du procureur de la République prévues par le présent alinéa ordonnant le maintien ou l’effacement des données personnelles sont prises pour des raisons liées à la finalité du fichier au regard de la nature ou des circonstances de commission de l’infraction ou de la personnalité de l’intéressé » ;
b) Avant le dernier alinéa, il est inséré un alinéa ainsi rédigé :
« Les décisions du procureur de la République en matière d’effacement ou de rectification des données personnelles sont susceptibles d’un recours devant le président de la chambre de l’instruction. » ;
2° L’article 230–9 est complété par un alinéa ainsi rédigé :
« Les décisions de ce magistrat en matière d’effacement ou de rectification des données personnelles sont susceptibles de recours devant le président de la chambre de l’instruction de la cour d’appel de Paris. » ;
3° L’article 230–11 est complété par les mots : « et contester les décisions prises par le procureur de la République ou le magistrat mentionné à l’article 230-9 ». – (Adopté.)
Chapitre II
Dispositions simplifiant le déroulement de la procédure pénale
Article 28
(Non modifié)
L’avant-dernier alinéa de l’article 18 du code de procédure pénale est supprimé.
M. le président. L'amendement n° 79 rectifié, présenté par MM. Reichardt, Pellevat et D. Laurent, Mme Gruny, MM. Morisset, Laufoaulu, de Legge, Charon, Trillard et Danesi, Mmes Micouleau et Canayer, M. Mandelli, Mme Deromedi, MM. B. Fournier, Gremillet, G. Bailly, Lefèvre, Gournac, Kennel et Houel et Mme Mélot, est ainsi libellé :
Rédiger ainsi cet article :
L’article 18 du code de procédure pénale est ainsi modifié :
1° Le premier alinéa est complété par une phrase ainsi rédigée :
« Ils peuvent toutefois accomplir, sur l’ensemble du territoire national, les actes rendus nécessaires par les enquêtes dont ils ont la charge. » ;
2° Les troisième et quatrième alinéas sont supprimés.
La parole est à Mme Jacky Deromedi.
Mme Jacky Deromedi. Cet amendement élargit la compétence territoriale des enquêteurs à l’ensemble du territoire national. À l’heure où l’on parle d’internationalisation de la délinquance, de criminalité organisée et de dispersion des cibles, un enquêteur ne peut voir sa compétence territoriale limitée au département où il exerce ses fonctions habituelles, ni même aux départements voisins.
M. le président. Quel est l’avis de la commission ?
M. Michel Mercier, rapporteur. Défavorable.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. le président. L’amendement n° 80 rectifié, présenté par MM. Reichardt, Pellevat, D. Laurent et G. Bailly, Mme Gruny, MM. Morisset, de Legge, Charon, Trillard et Danesi, Mmes Micouleau et Canayer, M. Mandelli, Mme Deromedi, MM. Gremillet, Lefèvre, Gournac, Kennel et Houel et Mme Mélot, est ainsi libellé :
Compléter cet article par un paragraphe ainsi rédigé :
… – Le deuxième alinéa de l’article 41 du code de procédure pénale est complété par une phrase ainsi rédigée :
« Il peut, en outre, requérir tout officier de police judiciaire, sur l’ensemble du territoire national, de procéder aux actes d’enquête qu’il estime nécessaires dans les lieux où chacun d’eux est territorialement compétent. »
La parole est à Mme Jacky Deromedi.
Mme Jacky Deromedi. L’obligation faite à un procureur de la République de saisir, par soit-transmis, un autre procureur de la République pour toutes les investigations devant être exécutées en dehors de son ressort entraîne un formalisme inutile et surcharge les greffes. La faculté de transmettre directement ses instructions aux OPJ territorialement compétents existe, pour le juge d’instruction, depuis près de vingt ans. Cet amendement aligne les pratiques du procureur de la République sur celles du juge d’instruction.
M. le président. Quel est l’avis de la commission ?
M. Michel Mercier, rapporteur. Favorable.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. le président. Je mets aux voix l'article 28, modifié.
(L'article 28 est adopté.)
Articles additionnels après l'article 28
M. le président. L'amendement n° 111 rectifié, présenté par le Gouvernement, est ainsi libellé :
Après l’article 28
Insérer un article additionnel ainsi rédigé :
Le code de procédure pénale est ainsi modifié :
1° Après l’article 60-2, il est inséré un article 60-3 ainsi rédigé :
« Art. 60-3. – Lorsqu’ont été placés sous scellés des objets qui sont le support de données informatiques, le procureur de la République ou l’officier de police judiciaire peut, par tout moyen, requérir toute personne qualifiée inscrite sur une des listes prévues à l’article 157 ou ayant prêté par écrit le serment prévu à l’article 60 de procéder à l’ouverture des scellés pour réaliser une ou plusieurs copies de ces données, afin de permettre leur exploitation sans porter atteinte à leur intégrité. La personne fait mention de ses opérations dans un rapport établi conformément aux articles 163 et 166. » ;
2° Après l’article 77-1-2, il est inséré un article 77-1-… ainsi rédigé :
« Art. 77-1-… – Sur autorisation du procureur de la République, l’officier de police judiciaire peut procéder aux réquisitions prévues par l’article 60-3. » ;
3° La sous-section 1 de la section 3 du chapitre Ier du titre III du livre Ier est complétée par un article 99-… ainsi rédigé :
« Art. 99-… – Pour les nécessités de l’exécution de la commission rogatoire, l’officier de police judiciaire peut, avec l’autorisation expresse du juge d’instruction, procéder aux réquisitions prévues par l’article 60-3. »
La parole est à M. le garde des sceaux.
M. Jean-Jacques Urvoas, garde des sceaux. Cet amendement, déjà présenté en commission, vise à clarifier, en les précisant et les simplifiant, les opérations fréquemment réalisées au cours des enquêtes ou des instructions en matière de scellés d’objets qui sont le support de données informatiques, comme notamment les téléphones portables ou les ordinateurs.
M. le président. Quel est l’avis de la commission ?
M. Michel Mercier, rapporteur. Favorable,… bien que l’explication ait été un peu longue. (Sourires.)
M. le président. En conséquence, un article additionnel ainsi rédigé est inséré dans le projet de loi, après l'article 28.
L'amendement n° 108, présenté par le Gouvernement, est ainsi libellé :
Après l'article 28
Insérer un article additionnel ainsi rédigé :
Le code de procédure pénale est ainsi modifié :
1° Le troisième alinéa de l’article 61 est complété par une phrase ainsi rédigée :
« Le procureur de la République peut également autoriser la comparution par la force publique sans convocation préalable en cas de risque de modification des preuves ou indices matériels, de pressions sur les témoins ou les victimes ainsi que sur leur famille ou leurs proches, ou de concertation entre les coauteurs ou complices de l’infraction. » ;
2° Le premier alinéa de l’article 78 est complété par une phrase ainsi rédigée :
« Le procureur de la République peut également autoriser la comparution par la force publique sans convocation préalable en cas de risque de modification des preuves ou indices matériels, de pressions sur les témoins ou les victimes ainsi que sur leur famille ou leurs proches, ou de concertation entre les coauteurs ou complices de l’infraction. »
La parole est à M. le garde des sceaux.
M. Jean-Jacques Urvoas, garde des sceaux. Le présent amendement tend à simplifier l’enquête et à renforcer son efficacité et sa cohérence, en réponse à une demande formulée par les services de police et de gendarmerie.
Au cours de l’enquête de flagrance ou préliminaire, la comparution forcée d’une personne avec l’autorisation préalable du procureur de la République est possible en cas de risque de fuite.
L’amendement étend cette possibilité en cas de risque de disparition de preuves, de pression ou de concertation frauduleuse.
M. le président. Quel est l’avis de la commission ?
M. Michel Mercier, rapporteur. Favorable.
M. le président. En conséquence, un article additionnel ainsi rédigé est inséré dans le projet de loi, après l'article 28.
L'amendement n° 109 rectifié, présenté par le Gouvernement, est ainsi libellé :
Après l'article 28
Insérer un article additionnel ainsi rédigé :
À la fin du second alinéa de l’article 163 du code de procédure pénale, le mot : « quatrième » est remplacé par le mot : « sixième ».
La parole est à M. le garde des sceaux.
M. le président. Quel est l’avis de la commission ?
M. Michel Mercier, rapporteur. Favorable.
M. le président. En conséquence, un article additionnel ainsi rédigé est inséré dans le projet de loi, après l'article 28.
Article 28 bis (nouveau)
L’article 19 du code de procédure pénale est ainsi modifié :
1° À la seconde phrase du premier alinéa, les mots : « certifiée conforme » sont supprimés ;
2° Il est ajouté un alinéa ainsi rédigé :
« Le procureur de la République peut autoriser que les procès-verbaux, actes et documents lui soient transmis sous forme électronique. » – (Adopté.)
Article 28 ter (nouveau)
Le 1° de l’article 20 du code de procédure pénale est ainsi rédigé :
« 1° Les élèves-gendarmes affectés en unité opérationnelle et les gendarmes n’ayant pas la qualité d’officier de police judiciaire ; ». – (Adopté.)
Article 29
I. – L’article 148 du code de procédure pénale est ainsi modifié :
1° Le premier alinéa est complété par deux phrases ainsi rédigées :
« Toutefois, à peine d’irrecevabilité, aucune demande de mise en liberté ne peut être formée tant qu’il n’a pas été statué par le juge des libertés et de la détention, dans les délais prévus au troisième alinéa, sur une précédente demande. Cette irrecevabilité s’applique de plein droit sans qu’elle soit constatée par ordonnance du juge d’instruction. » ;
2° À la troisième phrase du troisième alinéa, les mots : « sur une précédente demande de mise en liberté ou » sont supprimés.
II (Non modifié). – Les dispositions générales du titre X du livre V du même code sont complétées par un article 803-7 ainsi rédigé :
« Art. 803-7. – Lorsqu’une juridiction ordonne la mise en liberté immédiate d’une personne dont la détention provisoire est irrégulière en raison du non-respect des délais ou formalités prévus par le présent code, elle peut, dans cette même décision, placer la personne sous contrôle judiciaire si cette mesure est indispensable pour assurer l’un des objectifs énumérés à l’article 144.
« Lorsque, hors les cas prévus au premier alinéa du présent article, le procureur de la République ordonne la libération d’une personne dont la détention provisoire est irrégulière en raison du non-respect des délais ou des formalités prévus par le présent code, il peut saisir sans délai le juge des libertés et de la détention de réquisitions tendant au placement immédiat de la personne concernée sous contrôle judiciaire si cette mesure est indispensable pour assurer l’un des objectifs énumérés à l’article 144. »
M. le président. L'amendement n° 36, présenté par Mmes Cukierman et Assassi, M. Favier et les membres du groupe communiste républicain et citoyen, est ainsi libellé :
Supprimer cet article.
La parole est à Mme Cécile Cukierman.
Mme Cécile Cukierman. Avec cet article, le Gouvernement veut répondre aux conséquences des irrégularités procédurales sans s’attaquer directement aux causes de la lenteur de la justice.
En effet, si les chambres d’instruction omettent de statuer dans le délai de vingt jours sur les demandes de mise en liberté, c’est en raison, le plus souvent, du manque d’effectifs de magistrats, greffiers ou fonctionnaires.
Comme le souligne le Syndicat des avocats de France, cette disposition est à l’opposé de la logique de la procédure pénale et des garanties existantes. Désormais, peu importe que les délais ou les formalités prévus par la loi soient respectés, la personne pourra continuer à faire l’objet d’une mesure privative de liberté.
C’est une dangereuse remise en cause du respect des libertés fondamentales.
Plutôt que de renforcer les moyens de la justice afin de donner aux magistrats la possibilité de travailler dans de meilleures conditions, et de respecter les délais, le Gouvernement acte son impuissance avec des remèdes qui ne sont pas satisfaisants pour les libertés individuelles.
D’où cet amendement de suppression.
M. le président. Quel est l’avis de la commission ?
M. Michel Mercier, rapporteur. Défavorable.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. le président. L'amendement n° 272, présenté par M. M. Mercier, au nom de la commission des lois, est ainsi libellé :
Après l’alinéa 1
Insérer un alinéa ainsi rédigé :
…° À la fin du premier alinéa, la référence : « à l’article précédent » est remplacée par la référence : « à l’article 147 » ;
La parole est à M. le rapporteur.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. le président. Je mets aux voix l’article 29, modifié.
(L'article 29 est adopté.)
Article 30
(Non modifié)
Le code de procédure pénale est ainsi modifié :
1° Au premier alinéa de l’article 390-1, les mots : « ou un officier ou agent de police judiciaire » sont remplacés par les mots : « , un officier ou agent de police judiciaire ou un délégué ou un médiateur du procureur de la République » ;
2° La deuxième phrase du dernier alinéa de l’article 396 est remplacée par trois phrases ainsi rédigées :
« La date et l’heure de l’audience, fixées dans les délais prévus à l’article 394, sont alors notifiées à l’intéressé soit par le juge ou par son greffier, si ces informations leur ont été préalablement données par le procureur de la République, soit, dans le cas contraire, par le procureur ou son greffier. Toutefois, si les poursuites concernent plusieurs personnes dont certaines sont placées en détention, la personne reste convoquée à l’audience où comparaissent les autres prévenus détenus. L’article 397-4 ne lui est pas applicable. » ;
3° L’article 527 est ainsi modifié :
a) Au deuxième alinéa, les mots : « par lettre recommandée avec demande d’avis de réception » sont remplacés par les mots : « selon les modalités prévues au deuxième alinéa de l’article 495-3 » ;
b) Le troisième alinéa est ainsi modifié :
- Après le mot : « lettre », sont insérés les mots : « ou de la date à laquelle le procureur de la République a porté l’ordonnance à sa connaissance » ;
- Les mots : « l’ordonnance » sont remplacés par le mot : « celle-ci ». – (Adopté.)
Articles additionnels après l'article 30
M. le président. L'amendement n° 82 rectifié, présenté par MM. Reichardt, Pellevat, D. Laurent, Morisset, de Legge, Charon, Trillard et Danesi, Mmes Micouleau et Canayer, M. Mandelli, Mme Deromedi, MM. Gremillet, Lefèvre, Gournac, Kennel et Houel et Mme Mélot, est ainsi libellé :
Après l’article 30
Insérer un article additionnel ainsi rédigé :
Le code de procédure pénale est ainsi modifié :
1° Le dernier alinéa de l’article 385 est complété par les mots : « et trois jours au moins avant la date de l’audience » ;
2° L’article 390-2 est ainsi rédigé :
« Art. 390-2. – Lorsque le prévenu ou son avocat n’a pu consulter la procédure ou en obtenir copie en temps utile pour permettre l’exercice effectif des droits de la défense, il est procédé, à leur demande, au renvoi de l’affaire. »
La parole est à Mme Jacky Deromedi.
Mme Jacky Deromedi. L’objectif de célérité de la réponse judiciaire ne pourra être atteint que si l’on redonne aux magistrats la maîtrise du procès. Cela passe notamment par le contrôle du dépôt des pièces et conclusions et la suppression des mécanismes de renvoi automatique des affaires.
M. le président. Quel est l’avis de la commission ?
M. Michel Mercier, rapporteur. Défavorable.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. le président. L'amendement n° 83 rectifié, présenté par MM. Reichardt, Pellevat, D. Laurent, Morisset, de Legge, Charon et Trillard, Mme Canayer, MM. Mandelli, Gremillet, Lefèvre, Gournac, Kennel et Houel et Mme Mélot, est ainsi libellé :
Après l’article 30
Insérer un article additionnel ainsi rédigé :
Le premier alinéa de l’article 460 du code de procédure pénale est complété par une phrase ainsi rédigée :
« Lorsque la juridiction s’estime éclairée, le président fait cesser les réquisitions, les plaidoiries ou les observations présentées par les parties pour leur défense. »
La parole est à Mme Jacky Deromedi.
Mme Jacky Deromedi. La distribution du temps doit être organisée pour favoriser une défense efficace, mais effective, de tous. Une répartition plus équitable du temps d'audience irait dans le sens de l'égalité de traitement des justiciables. Cet amendement codifie la faculté, pour le président d'audience, d'impartir des durées d'intervention tenant compte de la plus ou moins grande complexité du dossier.
M. le président. Quel est l’avis de la commission ?
M. Michel Mercier, rapporteur. Défavorable.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. Jean-Jacques Urvoas, garde des sceaux. Cet amendement est contraire au principe constitutionnel d’exercice des droits de la défense : avis défavorable.
M. Pierre-Yves Collombat. Nous ne sommes plus dans l’équité des temps de parole ! (Sourires.)
M. le président. L'amendement n° 84 rectifié, présenté par MM. Reichardt, Pellevat, D. Laurent, Morisset, de Legge, Charon, Trillard et Danesi, Mmes Micouleau et Canayer, MM. Mandelli, Gremillet, Lefèvre, Gournac, Kennel et Houel et Mme Mélot, n'est pas soutenu.
Article 31
Le titre II du livre Ier du code de procédure pénale est ainsi modifié :
1° L’article 74-2 est ainsi modifié :
a) Au 3°, après le mot : « an », sont insérés les mots : « ou à une peine privative de liberté supérieure ou égale à un an résultant de la révocation d’un sursis assorti ou non d’une mise à l’épreuve » ;
b) Après le 5°, il est inséré un 6° ainsi rédigé :
« 6° Personne ayant fait l’objet d’une décision de retrait ou de révocation d’un aménagement de peine ou d’une libération sous contrainte, ou d’une décision de mise à exécution de l’emprisonnement prévu par la juridiction de jugement en cas de violation des obligations et interdictions résultant d’une peine, dès lors que cette décision a pour conséquence la mise à exécution d’un quantum ou d’un reliquat de peine d’emprisonnement supérieur à un an. » ;
2° Après le quatrième alinéa de l’article 78-2, il est inséré un alinéa ainsi rédigé :
« – ou qu’elle a violé les obligations ou interdictions auxquelles elle est soumise dans le cadre d’un contrôle judiciaire, d’une mesure d’assignation à résidence avec surveillance électronique, d’une peine ou d’une mesure suivie par le juge de l’application des peines ; »
3° (Supprimé)
4° Au premier alinéa de l’article 78-2-4, le mot : « septième » est remplacé par le mot : « huitième ». – (Adopté.)
Article additionnel après l'article 31
M. le président. L'amendement n° 161, présenté par Mme Benbassa et les membres du groupe écologiste, est ainsi libellé :
Après l'article 31
Insérer un article additionnel ainsi rédigé :
I. - L’ordonnance n° 45–174 du 2 février 1945 relative à l’enfance délinquante est ainsi modifiée :
1° L’article 2 est ainsi modifié :
a) Au premier alinéa, les mots : « , le tribunal correctionnel pour mineurs » sont supprimés ;
b) Au dernier alinéa, les mots : « et le tribunal correctionnel pour mineurs » sont supprimés et le mot : « peuvent » est remplacé par le mot : « peut » ;
2° À l’article 3, les mots : « , le tribunal correctionnel pour mineurs » sont supprimés ;
3° L’article 6 est ainsi modifié :
a) Au premier alinéa, les mots : « , le tribunal correctionnel pour mineurs » sont supprimés ;
b) Au deuxième alinéa, les mots : « le juge des enfants, le tribunal pour enfants ou le tribunal correctionnel pour mineurs » sont remplacés par les mots : « le juge des enfants ou le tribunal pour enfants » ;
4° L’article 8 est ainsi modifié :
a) Au neuvième alinéa, les mots : « , le tribunal correctionnel pour mineurs » sont supprimés ;
b) Le dernier alinéa est supprimé ;
5° À l'article 8–2, les mots : « soit devant le tribunal correctionnel pour mineurs, » et la deuxième phrase sont supprimés ;
6° La seconde phrase du 3° de l’article 9 est supprimée ;
7° À la fin du dernier alinéa de l’article 10, les mots : « ou devant le tribunal correctionnel pour mineurs » sont supprimés ;
8° Au troisième alinéa de l’article 12, les mots : « ou du tribunal correctionnel pour mineurs » sont supprimés ;
9° Le troisième alinéa de l’article 13 est supprimé ;
10° Le chapitre III bis est abrogé ;
11° Au deuxième alinéa de l’article 24–5, les mots : « , le tribunal pour enfants ou le tribunal correctionnel pour mineurs » sont remplacés par les mots : « ou le tribunal pour enfants » ;
12° Au premier alinéa de l’article 24-6, les mots : « , le tribunal pour enfants ou le tribunal correctionnel pour mineurs » sont remplacés par les mots : « ou le tribunal pour enfants » ;
13° Au second alinéa de l’article 24–7, les mots : « ou le tribunal correctionnel pour mineurs » sont supprimés.
II. - Le chapitre Ier bis du titre V du livre II du code de l’organisation judiciaire est abrogé.
III. - Les affaires dont les tribunaux correctionnels pour mineurs ont été saisis avant la promulgation de la présente loi sont transférées aux tribunaux pour enfants compétents.
La parole est à Mme Esther Benbassa.
Mme Esther Benbassa. Cet amendement vise à supprimer les tribunaux correctionnels pour mineurs.
Ces tribunaux ont été instaurés par la loi n° 2011–939 du 10 août 2011. Ils jugent les enfants de plus de seize ans, dès lors qu’ils sont récidivistes et qu’ils encourent trois ans d’emprisonnement.
L’existence même de ces tribunaux constitue une atteinte au principe de spécialité de la justice des mineurs, justice dont l’accompagnement dans la lutte contre la récidive est pourtant nettement plus intéressant que la justice ordinaire. Avant cette réforme, ces mineurs comparaissaient devant un tribunal pour enfants, composé d’un juge des enfants et de deux assesseurs citoyens.
Cette justice coûteuse et chronophage pose de multiples problèmes juridiques, notamment dans les affaires où l’âge des protagonistes varie. Elle n’est pourtant pas plus « répressive » que la voie traditionnelle du tribunal pour enfants.
Cette proposition reprend par ailleurs un engagement du Président de la République.
M. le président. Quel est l’avis de la commission ?
M. Philippe Bas, président de la commission des lois. S’agissant de la loi « Mercier », je vais répondre au nom de la commission pour mettre parfaitement à l’aise M. le rapporteur.
L’avis est défavorable.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. Jean-Jacques Urvoas, garde des sceaux. Nous sommes d’accord sur le principe, mais défavorables à cet amendement.
Le Gouvernement a pris l’engagement de procéder lui-même à la suppression des tribunaux correctionnels pour mineurs dans le cadre du projet de loi « J21 », relatif à la justice du XXIe siècle, qui sera discuté à l’Assemblée nationale la deuxième quinzaine du mois de mai.
M. le président. La parole est à M. Jacques Bigot, pour explication de vote.
M. Jacques Bigot. Je suis favorable à cet amendement. Nous sommes en train de travailler, dans le cadre de la commission des lois, sur un allégement du fonctionnement de la justice. Il ne s’agit pas seulement de donner des moyens financiers supplémentaires, il s’agit également de s’interroger sur les modes de fonctionnement. Trois magistrats professionnels, alors qu’on en manque, c’est beaucoup ; un magistrat professionnel et deux assesseurs spécialisés, cela fonctionne très bien. Ce faisant, nous adresserions aussi un signe à la magistrature, qui attend que l’on soulage son travail.
Enfin, à titre personnel, dès que l’on me donne l’occasion de respecter les engagements du Président de la République, je le fais ! (Exclamations amusées sur plusieurs travées du groupe Les Républicains.)
M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 161.
(L'amendement n'est pas adopté.)
Article 31 bis A
(Non modifié)
Le code de procédure pénale est ainsi modifié :
1° Le 8° de l’article 230-19 est ainsi modifié :
a) Après le mot : « épreuve, », sont insérés les mots : « d’un sursis assorti de l’obligation d’accomplir un travail d’intérêt général, » ;
b) Après la référence : « 132-45 », sont insérées les références : « et des 3° et 4° de l’article 132-55 » ;
2° Au 4° de l’article 706-53-7, après le mot : « incarcérée, », sont insérés les mots : « de données nominatives la concernant ou du numéro de dossier, » ;
3° Après les mots : « afin de », la fin du dernier alinéa de l’article 774 est ainsi rédigée : « compléter les dossiers individuels des personnes incarcérées, ainsi qu’aux directeurs des services pénitentiaires d’insertion et de probation, afin de leur permettre d’individualiser les modalités de prise en charge des personnes condamnées, notamment de proposer, pour les personnes incarcérées, un aménagement de peine ou une libération sous contrainte. »
M. le président. L'amendement n° 72 rectifié, présenté par M. Buffet, Mme Di Folco, M. Pillet, Mme Deromedi et MM. Vial, Darnaud et Genest, est ainsi libellé :
Après l’alinéa 1
Insérer cinq alinéas ainsi rédigés :
…° Le 3° bis de l’article 230-19 est ainsi modifié :
a) Les mots : « Lorsqu’elle est prononcée » sont remplacés par les mots : « Lorsqu’elles sont prononcées » ;
b) Il est complété par les mots : « , la suspension et l’annulation du permis de conduire » ;
…° Le 7° est rétabli dans la rédaction suivante :
« 7° Lorsqu’elle est prononcée à titre de peine complémentaire, l’interdiction de détenir ou de porter une arme soumise à autorisation ; ».
II. – Après l’alinéa 3
Insérer un alinéa ainsi rédigé :
…) Après les mots : « surveillance électronique », sont insérés les mots : « , d’une suspension ou d’un fractionnement de peine privative de liberté, d’un suivi post-libération ordonné sur le fondement de l’article 721–2 ».
La parole est à Mme Jacky Deromedi.
Mme Jacky Deromedi. Le présent amendement vise à permettre l’inscription au fichier des personnes recherchées, premièrement, des obligations et interdictions prononcées dans le cadre d’une mesure de suspension ou de fractionnement de la peine ou d’une mesure prononcée en application de l’article 721–2 du code de procédure pénale et, deuxièmement, des peines complémentaires de suspension et d’annulation du permis de conduire et d’interdiction de détenir ou porter une arme soumise à autorisation.
M. le président. Quel est l’avis de la commission ?
M. Philippe Bas, président de la commission des lois. Favorable.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. le président. L'amendement n° 58 rectifié bis, présenté par Mme N. Goulet, MM. Reichardt, Bonnecarrère, Bockel, Gabouty, J.P. Fournier et Gournac, Mmes Gatel, Férat et Gruny, M. Lefèvre et Mme Deromedi, est ainsi libellé :
Après l'alinéa 3
Insérer un alinéa ainsi rédigé :
…) Les mots : « dispositions des » sont remplacés par la référence : « 1°, » ;
La parole est à Mme Nathalie Goulet.
Mme Nathalie Goulet. C’est le dernier amendement d’une longue série d’échecs : on ne sait jamais !… (Sourires.)
Le présent amendement vise à inclure dans le fichier des personnes recherchées le non-respect des obligations imposées par les services pénitentiaires d’insertion et de probation aux condamnés pour des actes de terrorisme.
Il s’agirait ainsi de pouvoir alerter rapidement les services de police en cas de difficulté du SPIP à rencontrer le détenu ou en cas de non-respect par le détenu de ses obligations. En effet, si le fichier des personnes recherchées mentionne les obligations auxquelles sont soumises les personnes, il est parfois impossible de savoir si ces obligations ont été respectées ou non.
Cette modification avait été adoptée par le Sénat le 2 février dernier lors de l’examen de la proposition de loi tendant à renforcer l’efficacité de la lutte antiterroriste. Il s’agit également de la proposition n° 106 du rapport de la commission d’enquête sur l’organisation et les moyens de la lutte contre les réseaux djihadistes.
M. le président. Quel est l’avis de la commission ?
M. Philippe Bas, président de la commission des lois. L’avis est favorable, chère madame Goulet.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. François Grosdidier. Tout arrive, madame Goulet ! (Nouveaux sourires.)
M. le président. Je mets aux voix l’article 31 bis A, modifié.
(L’article 31 bis A est adopté.)
Article 31 bis B (nouveau)
Le code de procédure pénale est ainsi modifié :
1° Au septième alinéa de l’article 706–25–6, les mots : « fait l’objet d’un mandat de dépôt ou d’un maintien en détention dans le cadre » sont remplacés par les mots : « exécute une peine privative de liberté sans sursis en application » ;
2° L’article 706–53–4 est ainsi modifié :
a) Au premier alinéa, les mots : « du jour où l’ensemble des décisions enregistrées ont cessé de produire tout effet » sont remplacés par les mots : « du prononcé de la décision prévue au même article 706-53-2 » ;
b) Après le troisième alinéa, sont insérés deux alinéas ainsi rédigés :
« Toutefois, ces délais sont de dix ans s’il s’agit d’un mineur.
« Lorsque la personne exécute une peine privative de liberté sans sursis en application de la condamnation entraînant l’inscription, ces délais ne commencent à courir qu’à compter de sa libération. » – (Adopté.)
Article 31 bis C (nouveau)
Après l’article 706–56–1 du code de procédure pénale, il est inséré un article 706-56-1-1 ainsi rédigé :
« Art. 706–56–1–1. – Lorsque les nécessités d’une enquête ou d’une information concernant l’un des crimes prévus à l’article 706-55 l’exigent, le procureur de la République ou, après avis de ce magistrat, le juge d’instruction, peut requérir le service gestionnaire du fichier afin qu’il procède à une comparaison entre l’empreinte génétique enregistrée au fichier établie à partir d’une trace biologique issue d’une personne inconnue et les empreintes génétiques des personnes mentionnées aux premier et deuxième alinéas de l’article 706-54 aux fins de recherche de personnes pouvant être apparentées en ligne directe à cette personne inconnue.
« Le nombre et la nature des segments d’ADN non codants nécessaires pour qu’il soit procédé à cette comparaison sont fixés par arrêté du ministre de la justice et du ministre de l’intérieur. » – (Adopté.)
Article 31 bis
Le code de l’environnement est ainsi modifié :
1° L’article L. 218-30 est complété par quatre alinéas ainsi rédigés :
« Le juge des libertés et de la détention peut confirmer l’immobilisation ou ordonner la mainlevée de celle-ci, le cas échéant en la conditionnant au versement préalable d’un cautionnement dont il fixe le montant et les modalités de versement, dans les conditions prévues à l’article 142 du code de procédure pénale.
« L’ordonnance du juge des libertés et de la détention doit être rendue dans un délai de trois jours ouvrés à compter de la réception de la requête mentionnée au cinquième alinéa du présent article.
« Les ordonnances du juge des libertés et de la détention prises sur le fondement du présent article sont motivées et notifiées au procureur de la République, au juge d’instruction lorsqu’il est saisi, à la personne mise en cause et, s’ils sont connus, au propriétaire et aux tiers ayant des droits sur le navire, qui peuvent les déférer à la chambre de l’instruction par déclaration au greffe du tribunal dans les cinq jours qui suivent leur notification. La personne mise en cause, le propriétaire du navire et les tiers ayant des droits sur le navire peuvent adresser toutes observations écrites ou être entendus par la chambre de l’instruction. La chambre de l’instruction statue dans un délai de cinq jours à compter de la déclaration d’appel.
« L’appel contre les ordonnances du juge des libertés et de la détention prises sur le fondement du présent article n’est pas suspensif. Toutefois, le procureur de la République peut demander au premier président près la cour d’appel ou à son délégué de déclarer le recours suspensif lorsque le juge des libertés et de la détention a ordonné la remise en circulation du navire et qu’il existe un risque sérieux de réitération de l’infraction ou qu’il est nécessaire de garantir le paiement des amendes. Dans ce cas, l’appel, accompagné de la demande qui se réfère au risque sérieux de réitération de l’infraction ou à la nécessité de garantir le paiement des amendes, est formé dans un délai de six heures à compter de la notification de l’ordonnance au procureur de la République et transmis au premier président de la cour d’appel ou à son délégué. Celui-ci décide, sans délai, s’il y a lieu de donner à cet appel un effet suspensif par une ordonnance motivée rendue contradictoirement qui n’est pas susceptible de recours. Le navire est maintenu à la disposition de l’autorité judiciaire jusqu’à ce que cette ordonnance soit rendue et, si elle donne un effet suspensif à l’appel du procureur de la République, jusqu’à ce qu’il soit statué sur le fond. » ;
2° Les articles L. 218-55 et L. 218-68 sont complétés par un alinéa ainsi rédigé :
« La décision d’immobilisation prise par l’autorité judiciaire peut être contestée dans un délai de cinq jours à compter de sa notification, par requête de l’intéressé devant le juge des libertés et de la détention du tribunal de grande instance auprès duquel l’enquête ou l’information est ouverte. Les quatre derniers alinéas de l’article L. 218-30 sont applicables. » – (Adopté.)
Article 31 ter
(Supprimé)
Article 31 quater
(Non modifié)
I. – L’article 28 du code de procédure pénale est complété par un alinéa ainsi rédigé :
« Lorsque ces fonctionnaires et agents sont autorisés à procéder à des auditions, l’article 61-1 est applicable dès lors qu’il existe à l’égard de la personne entendue des raisons plausibles de soupçonner qu’elle a commis ou tenté de commettre une infraction. »
II. – Après le premier alinéa de l’article L. 8271-6-1 du code du travail, il est inséré un alinéa ainsi rédigé :
« Conformément à l’article 28 du code de procédure pénale, l’article 61-1 du même code est applicable lorsqu’il est procédé à l’audition d’une personne à l’égard de laquelle il existe des raisons plausibles de soupçonner qu’elle a commis ou tenté de commettre une infraction. »
III. – L’article L. 172-8 du code de l’environnement est complété par un alinéa ainsi rédigé :
« Conformément à l’article 28 du code de procédure pénale, l’article 61-1 du même code est applicable lorsqu’il est procédé à l’audition d’une personne à l’égard de laquelle il existe des raisons plausibles de soupçonner qu’elle a commis ou tenté de commettre une infraction. »
IV. – Le huitième alinéa de l’article L. 450-4 du code de commerce est complété par une phrase ainsi rédigée :
« Conformément à l’article 28 du code de procédure pénale, l’article 61-1 du même code est applicable lorsqu’il est procédé à l’audition d’une personne à l’égard de laquelle il existe des raisons plausibles de soupçonner qu’elle a commis ou tenté de commettre une infraction. »
V. – Après le septième alinéa du V de l’article L. 215-18 du code de la consommation, il est inséré un alinéa ainsi rédigé :
« Conformément à l’article 28 du code de procédure pénale, l’article 61-1 du même code est applicable lorsqu’il est procédé à l’audition d’une personne à l’égard de laquelle il existe des raisons plausibles de soupçonner qu’elle a commis ou tenté de commettre une infraction. »
VI. – Après le troisième alinéa de l’article L. 331-21-1 du code de la propriété intellectuelle, il est inséré un alinéa ainsi rédigé :
« Conformément à l’article 28 du code de procédure pénale, l’article 61-1 du même code est applicable lorsqu’il est procédé à l’audition d’une personne à l’égard de laquelle il existe des raisons plausibles de soupçonner qu’elle a commis ou tenté de commettre une infraction. »
VII. – À la fin de l’article L. 3341-2 du code de la santé publique et à la fin des articles L. 234-18 et L. 235-5 du code de la route, les mots : « qu’elle peut à tout moment quitter les locaux de police ou de gendarmerie » sont remplacés par les mots : « des droits mentionnés à l’article 61-1 du code de procédure pénale ». – (Adopté.)
Article 31 quinquies
Le code de procédure pénale est ainsi modifié :
1° L’article 41-4 est ainsi modifié :
a) Au deuxième alinéa, après le mot : « biens », sont insérés les mots : « , lorsque le bien saisi est l’instrument ou le produit direct ou indirect de l’infraction » ;
b) Le dernier alinéa est ainsi modifié :
– à la deuxième phrase, les mots : « de deux » sont remplacés par les mots : « d’un » ;
– à la dernière phrase, les mots : « le jugement ou » sont supprimés ;
2° Au premier alinéa de l’article 41-5, les mots : « dernier domicile connu » sont remplacés par le mot : « domicile » ;
3° Au quatrième alinéa de l’article 99, après le mot : « parties », sont insérés les mots : « , lorsque le bien saisi est l’instrument ou le produit direct ou indirect de l’infraction » ;
4° L’article 99-2 est ainsi modifié :
a) Au premier alinéa, les mots : « de deux » sont remplacés par les mots : « d’un » ;
b) À la première phrase des deuxième et troisième alinéas, les mots : « appartenant aux personnes poursuivies » sont supprimés ;
c) L’avant-dernier alinéa est complété par deux phrases ainsi rédigées :
« Toutefois, en cas de notification orale d’une décision, prise en application du quatrième alinéa du présent article, de destruction de produits stupéfiants susceptibles d’être saisis à l’occasion de l’exécution d’une commission rogatoire, cette décision peut être déférée dans un délai de vingt-quatre heures devant la chambre de l’instruction, par déclaration au greffe du juge d’instruction ou à l’autorité qui a procédé à cette notification. Ces délais et l’exercice du recours sont suspensifs. » ;
5° L’article 373 est ainsi modifié :
a) À la première phrase du premier alinéa, les mots : « d’office » sont remplacés par les mots : « , d’office ou sur demande d’une partie ou de toute personne intéressée, » ;
b) Le second alinéa est complété par les mots : « ou lorsque le bien saisi est l’instrument ou le produit direct ou indirect de l’infraction » ;
c) Il est ajouté un alinéa ainsi rédigé :
« En cas de demande de restitution émanant d’une personne autre que les parties, seuls les procès-verbaux relatifs à la saisie des biens peuvent lui être communiqués. » ;
6° Le dernier alinéa de l’article 481 est complété par les mots : « ou lorsque le bien saisi est l’instrument ou le produit direct ou indirect de l’infraction » ;
7° Le paragraphe 2 de la section 6 du chapitre Ier du titre II du livre II est complété par un article 493-1 ainsi rédigé :
« Art. 493-1. – En l’absence d’opposition, les biens confisqués par défaut deviennent la propriété de l’État à l’expiration du délai de prescription de la peine. » ;
8° Le premier alinéa de l’article 706-11 est complété par une phrase ainsi rédigée :
« Le recours du fonds ne peut s’exercer contre l’Agence de gestion et de recouvrement des avoirs saisis et confisqués. » ;
9° L’article 706–152 est complété par deux alinéas ainsi rédigés :
« Lorsque les frais de conservation de l’immeuble saisi sont disproportionnés par rapport à sa valeur en l’état, le juge des libertés et de la détention, sur requête du procureur de la République, ou le juge d’instruction, après avis du procureur de la République, peut autoriser l’Agence de gestion et de recouvrement des avoirs saisis et confisqués à l’aliéner par anticipation. Cette décision d’autorisation fait l’objet d’une ordonnance motivée. Elle est notifiée aux parties intéressées ainsi qu’aux tiers ayant des droits sur le bien, qui peuvent la déférer à la chambre de l’instruction dans les conditions prévues aux deux derniers alinéas de l’article 99.
« Le produit de la vente est consigné. En cas de non-lieu, de relaxe ou d’acquittement ou lorsque la peine de confiscation n’est pas prononcée, ce produit est restitué au propriétaire du bien s’il en fait la demande, sauf si le produit résulte de la vente d’un bien ayant été l’instrument ou le produit, direct ou indirect, d’une infraction. » ;
10° L’article 706-148 est ainsi modifié :
a) À la première phrase du premier alinéa, les mots : « autoriser par ordonnance » sont remplacés par les mots : « ordonner par décision » ;
b) Au début et à la fin de la première phrase du second alinéa, les mots : « l’ordonnance » sont remplacés par les mots : « la décision » ;
11° L’article 706-157 est complété par un alinéa ainsi rédigé :
« Les formalités de cette publication sont réalisées, au nom du procureur de la République, du juge d’instruction ou de la juridiction de jugement, par l’Agence de gestion et de recouvrement des avoirs saisis et confisqués. » ;
12° Après le 4° de l’article 706-160, il est inséré un alinéa ainsi rédigé :
« Les sommes transférées à l’Agence de gestion et de recouvrement des avoirs saisis et confisqués en application du 2° du présent article et dont l’origine ne peut être déterminée sont transférées à l’État à l’issue d’un délai de quatre ans après leur réception, lors de la clôture des comptes annuels. En cas de décision de restitution postérieure au délai de quatre ans, l’État rembourse à l’agence les sommes dues. » ;
13° L’article 706-161 est ainsi modifié :
a) Au premier alinéa, les mots : « qui la sollicitent » sont remplacés par les mots : « et aux procureurs de la République, à leur demande ou à son initiative, » ;
b) Avant le dernier alinéa, il est inséré un alinéa ainsi rédigé :
« Les magistrats et greffiers affectés au sein de l’Agence de gestion et de recouvrement des avoirs saisis et confisqués peuvent accéder directement aux informations et aux données à caractère personnel enregistrées dans le bureau d’ordre national automatisé des procédures judiciaires dans le cadre des attributions de l’agence, pour le besoin des procédures pour lesquelles sont envisagées ou ont été réalisées des saisies ou des confiscations et dans la mesure du besoin d’en connaître. » ;
14° (Supprimé)
15° L’article 706-164 est ainsi modifié :
a) Après le mot : « payées », la fin du premier alinéa est ainsi rédigée : « par prélèvement sur les fonds ou sur la valeur liquidative des biens de son débiteur dont la confiscation a été décidée par une décision définitive et dont l’agence est dépositaire en application des articles 706-160 ou 707-1. » ;
b) Après le premier alinéa, sont insérés trois alinéas ainsi rédigés :
« Cette demande de paiement doit, à peine de forclusion, être adressée par lettre recommandée à l’agence dans un délai de deux mois à compter du jour où la décision mentionnée au premier alinéa du présent article a acquis un caractère définitif.
« En cas de pluralité de créanciers requérants et d’insuffisance d’actif pour les indemniser totalement, le paiement est réalisé au prix de la course et, en cas de demandes parvenues à même date, au marc l’euro.
« Les dispositions qui précèdent ne sont pas applicables à la garantie des créances de l’État. » ;
c) Il est ajouté un alinéa ainsi rédigé :
« Les dossiers susceptibles d’ouvrir droit à cette action récursoire de l’État sont instruits par l’Agence de gestion et de recouvrement des avoirs saisis et confisqués puis communiqués au ministre chargé des finances qui en assure le recouvrement. » ;
16° La dernière phrase du troisième alinéa de l’article 707-1 est ainsi rédigée :
« Sauf cas d’affectation, l’Agence de gestion et de recouvrement des avoirs saisis et confisqués procède à la vente de ces biens, s’il y a lieu, aux formalités de publication et, dans tous les cas, jusqu’à leur vente, aux actes d’administration nécessaires à leur conservation et à leur valorisation. »
M. le président. Je suis saisi de trois amendements faisant l’objet d’une discussion commune.
L'amendement n° 53 rectifié, présenté par M. Gabouty, Mme Billon, MM. Canevet et Cigolotti, Mme Doineau, M. Guerriau, Mme Gatel et M. Luche, n’est pas soutenu.
L'amendement n° 45 rectifié bis, présenté par M. Daunis, Mmes Lienemann et Bonnefoy, MM. Leconte et Bigot, Mme Khiari, MM. Vaugrenard et M. Bourquin, Mme Bataille, MM. Courteau, Cabanel, Duran, Botrel et Raoul, Mmes Conway-Mouret et Lepage, MM. Jeansannetas, Vandierendonck, Madec, Carcenac et Filleul, Mmes Schillinger, S. Robert et Yonnet, MM. Godefroy, Kaltenbach et Roux, Mme Campion, M. Lalande, Mmes Guillemot et Cartron, MM. Vincent et Labazée et Mme D. Michel, est ainsi libellé :
Après l’alinéa 6
Insérer deux alinéas ainsi rédigés :
– sont ajoutées deux phrases ainsi rédigées :
« Les biens immeubles non restitués devenus propriété de l’État, sous réserve des droits des tiers, peuvent être utilisés à des fins d’intérêt public ou pour des finalités sociales. L’État peut en confier la gestion à des entreprises de l’économie sociale et solidaire, au sens de l’article 1er de la loi n° 2014-856 du 31 juillet 2014 relative à l'économie sociale et solidaire et satisfaisant obligatoirement aux conditions de l’article 2 sur l’utilité sociale. » ;
La parole est à M. Jean-Yves Leconte.
M. Jean-Yves Leconte. Une directive de l’Union européenne de 2014 invite les États membres à adopter des dispositifs « permettant que les biens confisqués soient utilisés à des fins d’intérêt public ou pour des finalités sociales ».
Cet amendement a vocation à permettre aux entreprises de l’économie sociale et solidaire répondant aux critères de l’utilité sociale définie à l’article 2 de la loi du 31 juillet 2014 relative à l’économie sociale et solidaire de bénéficier, pour le développement de leur activité, de la confiscation des biens des organisations criminelles ou terroristes.
M. le président. L'amendement n° 164, présenté par Mme Benbassa et les membres du groupe écologiste, est ainsi libellé :
Après l’alinéa 6
Insérer deux alinéas ainsi rédigés :
- sont ajoutées deux phrases ainsi rédigées :
« Les biens non restitués devenus propriété de l’État, sous réserve des droits des tiers, peuvent être utilisés à des fins d’intérêt public ou pour des finalités sociales. L’État peut en confier la gestion à des entreprises de l’économie sociale et solidaire, au sens de l’article 1er de la loi n° 2014–856 du 31 juillet 2014 relative à l’économie sociale et solidaire et satisfaisant obligatoirement aux conditions de l’article 2 sur l’utilité sociale. » ;
La parole est à Mme Esther Benbassa.
Mme Esther Benbassa. Cet amendement est défendu, monsieur le président.
M. le président. Quel est l’avis de la commission sur les amendements nos 45 rectifié bis et 164 ?
M. Michel Mercier, rapporteur. Avis défavorable sur ces deux amendements.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. le président. L'amendement n° 73 rectifié, présenté par M. Buffet, Mme Di Folco, M. Pillet, Mme Deromedi et MM. Vial, Darnaud et Genest, est ainsi libellé :
I. – Après l’alinéa 7
Insérer un alinéa ainsi rédigé :
…° À la première phrase du troisième alinéa de l'article 41–5, les mots : « et après que leur valeur a été expertisée » sont supprimés.
II. - Après l’alinéa 11
Insérer un alinéa ainsi rédigé :
…) À la première phrase du troisième alinéa, les mots : « et après que leur valeur a été expertisée » sont supprimés.
La parole est à Mme Jacky Deromedi.
Mme Jacky Deromedi. Cet amendement a pour objet de prévoir la suppression de l’expertise préalable d’un bien meuble saisi, en cours d’enquête ou en cours d’instruction, avant que le procureur de la République ou le juge d’instruction ne mette ce bien à la disposition des services de police et de gendarmerie.
Il opérerait une simplification très utile, car l’expertise a un coût important et ralentit beaucoup les procédures, pour un intérêt très limité : soit le bien est restitué avec une indemnité résultant de la perte d’usage et à ce moment-là une étude sera menée pour déterminer le montant de cette perte, qui est en rapport moins avec la valeur intrinsèque du bien qu’avec le coût représenté pour la personne de sa perte d’usage temporaire ; soit le bien n’est pas restitué et l’expertise est inutile.
M. le président. Quel est l’avis de la commission ?
M. Michel Mercier, rapporteur. Favorable.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. le président. L'amendement n° 223, présenté par le Gouvernement, est ainsi libellé :
I. – Alinéa 24
Remplacer la référence :
706-152
par la référence :
706-143
II. - Alinéa 25, première phrase
Remplacer les mots :
de l’immeuble saisi
par les mots :
du bien saisi
III. - Alinéa 26, seconde phrase
Supprimer les mots :
, sauf si le produit résulte de la vente d’un bien ayant été l’instrument ou le produit, direct ou indirect, d’une infraction
La parole est à M. le garde des sceaux.
M. Jean-Jacques Urvoas, garde des sceaux. À travers cet amendement, il s’agit de permettre la vente, avant jugement, des biens saisis lorsque leur conservation entraînerait des frais disproportionnés.
Cela peut concerner, par exemple, des immeubles frappés d’arrêtés de péril et pour lesquels l’État n’a pas les moyens d’engager les travaux nécessaires, faute d’assurance sur la valeur que le bien confisqué représenterait.
Cela peut également concerner des œuvres d’art qui nécessiteraient une restauration et pour lesquelles l’État n’a pas non plus la capacité d’engager des frais. C’est pourquoi l’amendement vise à ne pas se limiter aux seuls biens immeubles.
Je sais qu’il y a eu des interrogations sur le risque d’engorgement pour l’Agence de gestion et de recouvrement des avoirs saisis et confisqués, l’AGRASC. Nous avons vérifié ce point. Cette question ne se pose pas, puisqu’on ne confie pas plus de biens à l’agence. Il s’agit uniquement d’améliorer la gestion de ceux dont elle est déjà saisie. Il n’y a donc pas de risque d’engorgement.
M. le président. Quel est l’avis de la commission ?
M. Michel Mercier, rapporteur. La commission est très attachée au bon fonctionnement de l’AGRASC, car elle constitue un véritable progrès.
L’amendement qui nous est proposé aurait pour effet de faire adresser à l’agence les biens meubles sans valeur, ce qui n’est pas le cas actuellement avec les saisies opérées sur le fondement des articles 41–5 et 99–2 du code de procédure pénale.
Il faut donc bien restreindre la portée de la présente mesure aux seuls immeubles, par ailleurs seuls concernés par cette mesure. C’est pourquoi l’avis est défavorable.
M. le président. Je mets aux voix l'article 31 quinquies, modifié.
(L'article 31 quinquies est adopté.)
Article 31 sexies
(Non modifié)
Après le douzième alinéa de l’article 48-1 du code de procédure pénale, il est inséré un alinéa ainsi rédigé :
« Elles sont en outre directement accessibles, pour l’exercice de leur mission, aux magistrats chargés par une disposition législative ou réglementaire du contrôle des fichiers de police judiciaire, du fichier national automatisé des empreintes génétiques et du fichier automatisé des empreintes digitales, ainsi qu’aux personnes habilitées qui les assistent. » – (Adopté.)
Article 31 septies
Le code de procédure pénale est ainsi modifié :
1° La section 1 du chapitre Ier du titre III du livre Ier est complétée par un article 84-1 ainsi rédigé :
« Art. 84-1. – Lors de la première comparution de la personne mise en examen ou de la première audition de la partie civile ou du témoin assisté et à tout moment au cours de la procédure, le juge d’instruction peut demander à la partie, en présence de son avocat ou celui-ci dûment convoqué et après avoir porté à sa connaissance les articles 161-1 et 175, si elle déclare renoncer au bénéfice de ces articles.
« La personne peut déclarer ne renoncer au bénéfice de l’article 161-1 que pour certaines catégories d’expertises qu’elle précise.
« Elle peut déclarer ne renoncer au bénéfice de l’article 175 qu’en ce qui concerne le droit de faire des observations sur les réquisitions qui lui ont été communiquées. La renonciation au bénéfice de l’article 175 n’est toutefois valable que si elle a été faite par l’ensemble des parties à la procédure. » ;
2° Le cinquième alinéa de l’article 135-2 est complété par deux phrases ainsi rédigées :
« La comparution devant le procureur de la République et celle devant le juge des libertés et de la détention du tribunal de grande instance mentionnées au troisième alinéa peuvent aussi être réalisées, avec l’accord de la personne et dans les délais précités, selon les modalités prévues à l’article 706-71. Il n’y a alors pas lieu d’ordonner le transfèrement de la personne. » ;
3° La dernière phrase du second alinéa de l’article 141-2 est ainsi modifiée :
a) Les mots : « dispositions de l’article 141-4 » sont remplacés par les références : « articles 141-4 et 141-5 » ;
b) Les mots : « cet article » sont remplacés par les mots : « ces mêmes articles » ;
4° Le dernier alinéa des articles 161-1 et 175 est supprimé ;
4° bis (nouveau) L’article 197 est complété par un alinéa ainsi rédigé :
« Le caractère incomplet du dossier de la chambre de l’instruction ne constitue pas une cause de nullité dès lors que les avocats des parties ont accès à l’intégralité du dossier détenu au greffe du juge d’instruction. Si la chambre de l’instruction est avisée que des pièces sont manquantes, elle renvoie l’audience à une date ultérieure s’il lui apparaît que la connaissance de ces pièces est indispensable à l’examen de la requête ou de l’appel qui lui est soumis. » ;
5° À la dernière phrase du troisième alinéa de l’article 706-71, après le mot : « peut », sont insérés les mots : « , lorsqu’elle est informée de la date de l’audience et du fait que le recours à ce moyen est envisagé, ».
M. le président. L'amendement n° 236, présenté par le Gouvernement, est ainsi libellé :
Après l'alinéa 5
Insérer deux alinéas ainsi rédigés :
…° La deuxième phrase du sixième alinéa de l'article 97 est ainsi rédigée :
« Les dispositions du présent alinéa ne sont cependant pas applicables lorsque l'ouverture, la réouverture des scellés ou la confection de nouveaux scellés après avoir, le cas échéant, procédé au reconditionnement des objets saisis, sont réalisées par le juge d'instruction assisté de son greffier ; dans ce cas, le procès-verbal des opérations dresse, s'il y a lieu, inventaire des scellés. »
La parole est à M. le garde des sceaux.
M. Jean-Jacques Urvoas, garde des sceaux. Cet amendement de simplification vise à permettre l’ouverture des scellés par le juge d’instruction assisté de son greffier, sans exiger la présence du mis en examen, de son avocat et de la personne chez qui les objets ont été saisis, ce qui répond à une demande très ancienne des magistrats instructeurs.
M. le président. Quel est l’avis de la commission ?
M. Michel Mercier, rapporteur. Cet amendement a pour objet de faciliter l’ouverture des scellés par le magistrat instructeur, sans la présence des parties.
Pour préparer la suite de nos travaux et faire en sorte que la commission mixte paritaire soit une réussite, je vous propose d’adopter la même position que celle de l’Assemblée nationale et j’émets donc un avis défavorable.
M. le président. Je mets aux voix l’article 31 septies.
(L'article 31 septies est adopté.)
Article 31 octies A (nouveau)
Le code de procédure pénale est ainsi modifié :
1° L’article 82–3 est complété par un alinéa ainsi rédigé :
« À peine d’irrecevabilité, la personne soutenant que la prescription de l’action publique était acquise au moment de sa mise en examen ou de sa première audition comme témoin assistée doit formuler sa demande dans les six mois suivant cet acte. » ;
2° L’article 87 est complété par un alinéa ainsi rédigé :
« Si la contestation d’une constitution de partie civile est formée après l’envoi de l’avis de fin d’information prévu à l’article 175, elle ne peut être examinée par le juge d’instruction, ni, en cas d’appel, par la chambre de l’instruction, sans préjudice de son examen, en cas de renvoi, par la juridiction de jugement. » ;
3° La seconde phrase du premier alinéa de l’article 173-1 est complétée par les mots : « ou des actes qui lui ont été notifiés en application du présent code » ;
4° La première phrase du quatrième alinéa de l’article 175 est ainsi modifiée :
a) Après la référence : « 82–1 », est insérée la référence : « 82-3 » ;
b) Elle est complétée par les mots : «, sous réserve qu’elles ne soient irrecevables en application des articles 82-3 et 173-1 » ;
5° L’article 186–3 est complété par un alinéa ainsi rédigé :
« Hors les cas prévus par le présent article, l’appel formé par la personne mise en examen ou la partie civile contre une ordonnance de renvoi devant le tribunal correctionnel est irrecevable, et donne lieu à une ordonnance de non-admission de l’appel par le président de la chambre de l’instruction conformément au dernier alinéa de l’article 186. Il en est de même s’il est allégué que l’ordonnance de règlement statue également sur une demande formée avant l’avis prévu à l’article 175 mais à laquelle il n’a pas été répondu, ou sur une demande formée en application du quatrième alinéa de l’article 175, alors que cette demande était irrecevable ou que le président considère qu’il n’y a pas lieu d’en saisir la chambre de l’instruction conformément aux dispositions de l’article 186-1. » – (Adopté.)
Article 31 octies
I. – Le code de procédure pénale est ainsi modifié :
1° Le titre IV du livre Ier est complété par un chapitre VI ainsi rédigé :
« Chapitre VI
« De la plate-forme nationale des interceptions judiciaires
« Art. 230-45. – Un décret en Conseil d’État, pris après avis public et motivé de la Commission nationale de l’informatique et des libertés, détermine les missions et les modalités de fonctionnement de la plate-forme nationale des interceptions judiciaires.
« Les réquisitions adressées en application des articles 60-2, 77-1-2, 99-4, 100 à 100-7, 230-32 à 230-44, 706-95 à 706-95-2 et 706-95-4 à 706–95–5 du présent code ou de l’article 67 bis-2 du code des douanes peuvent être transmises par l’intermédiaire de la plate-forme nationale.
« Le deuxième alinéa des articles 100-4, 100-6, 230-38 et 230-43 du présent code n’est pas applicable aux données conservées par la plate-forme nationale. » ;
2° L’article 230-2 est complété par un alinéa ainsi rédigé :
« Lorsqu’il s’agit de données obtenues dans le cadre d’interceptions de communications électroniques, au sein du traitement mentionné à l’article 230-45, la réquisition est adressée directement à l’organisme technique désigné au deuxième alinéa du présent article. » ;
3° À la fin de la première phrase du premier alinéa de l’article 230-3, les mots : « à l’auteur de la réquisition » sont remplacés par les mots : « soit à l’auteur de la réquisition, soit au magistrat mandant dans le cas où la réquisition a été adressée directement ».
II. – Le I du présent article entre en vigueur le 1er janvier 2018.
M. le président. L'amendement n° 217 rectifié, présenté par le Gouvernement, est ainsi libellé :
I. – Alinéa 6
1° Remplacer le mot :
Les
par les mots :
Sauf en cas d’impossibilité technique, les
2° Remplacer le mot :
peuvent
par le mot :
doivent
II. – Après l’alinéa 10
Insérer deux alinéas ainsi rédigés :
…° Le même article 230–3 est complété par un alinéa ainsi rédigé :
« Un décret en Conseil d’État fixe les conditions d’application du présent article. »
III. – Alinéa 11
Remplacer le millésime :
2018
par le millésime
2017
La parole est à M. le garde des sceaux.
M. Jean-Jacques Urvoas, garde des sceaux. Cet amendement vise à rendre plus pratique le principe de centralisation de la plate-forme nationale des interceptions judiciaires, la PNIJ. Ce principe est un impératif dans un souci d’efficacité. Pour prévoir le passage de la PNIJ en cas de problème technique, il nous faut instaurer une dérogation, ce qui est proposé dans cet amendement.
M. le président. Quel est l’avis de la commission ?
M. Michel Mercier, rapporteur. Nous sommes d’accord avec le ministre sur un point important : la PNIJ est un très bon dispositif, qui permet de fiabiliser les données collectées et de rationaliser les coûts.
Néanmoins, la PNIJ n’est toujours pas opérationnelle. Il semble donc dangereux de prévoir la centralisation exclusive de toutes les réquisitions, à peine de nullité. C’est la raison pour laquelle nous sommes défavorables à cet amendement.
M. le président. La parole est à M. le garde des sceaux.
M. Jean-Jacques Urvoas, garde des sceaux. Je souhaite préciser au rapporteur que la PNIJ est bien opérationnelle. Elle ne concerne pas, pour le moment, la totalité des interceptions judiciaires, dont un tiers est néanmoins réalisé par la PNIJ.
Je ne peux donc pas laisser accroire l’idée que la PNIJ ne serait pas opérationnelle. Elle l’est, pour un tiers.
M. Michel Mercier, rapporteur. Vous le savez, je soutiens la PNIJ !
M. le président. La parole est à Mme Nathalie Goulet, pour explication de vote.
Mme Nathalie Goulet. Je ne souhaite pas retarder les débats et je vais suivre l’avis de la commission. Néanmoins, reconnaissez, monsieur le garde des sceaux, que nous avons eu beaucoup de difficultés sur ce sujet. J’en cite une : la façon tout à fait anarchique dont les réquisitions sont adressées aux entreprises privées, qui continuent à réaliser le travail car tout ne fonctionne pas encore très bien pour la PNIJ.
En outre, le budget consacré à cette plate-forme est exponentiel.
Il faudra donc vraiment que nous ayons des explications sur son fonctionnement ou sur ses dysfonctionnements. C’est un problème essentiel pour le suivi de toutes les enquêtes.
Je suivrai l’avis de la commission, mais nous sommes là face à une véritable difficulté et à un problème évident de sécurité.
M. le président. La parole est à M. le garde des sceaux.
M. Jean-Jacques Urvoas, garde des sceaux. Je suis navré de prolonger un peu les débats, mais je suis en total désaccord avec les arguments financiers que vous avancez, madame la sénatrice. Vous ne pouvez pas comparer ce qui concerne le fonctionnement, c’est-à-dire les montants que nous versons annuellement à des opérateurs privés, et ce qui concerne un investissement comme la PNIJ.
Cette plate-forme représente un investissement très important, qui, quand il sera totalement déployé, fera faire des économies substantielles à l’État. J’ai lu, dans quelques journaux, la critique que vous relayez. Franchement, non seulement je ne la crois pas fondée, mais en plus, j’en ferai la démonstration.
M. le président. L'amendement n° 253 rectifié, présenté par M. M. Mercier, au nom de la commission des lois, est ainsi libellé :
I. – Alinéa 6
Remplacer les références :
706-95 à 706-95-2 et 706-95-4 à 706-95-5
par les références :
et 706-95 à 706-95-2
II. – Après l’alinéa 7
Insérer un alinéa ainsi rédigé :
« Les modalités selon lesquelles les données ou correspondances recueillies en application des articles 706-95-4, 706-95-5 et 727-2 du même code sont centralisées et conservées par la plate-forme nationale des interceptions judiciaires sont également fixées par le décret mentionné au premier alinéa du présent article. » ;
III. – Alinéa 9
Remplacer les mots :
au deuxième alinéa
par les mots :
en application du premier alinéa
La parole est à M. le rapporteur.
M. Michel Mercier, rapporteur. Il s’agit d’un amendement de coordination.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. le président. Je mets aux voix l'article 31 octies, modifié.
(L'article 31 octies est adopté.)
Article 31 nonies
I. – L’article 308 du code de procédure pénale est ainsi modifié :
1° Le deuxième alinéa est remplacé par trois alinéas ainsi rédigés :
« Toutefois, les débats de la cour d’assises font l’objet d’un enregistrement sonore sous le contrôle du président, sauf renonciation expresse de l’ensemble des accusés.
« Le président peut également, à la demande de la victime ou de la partie civile, ordonner que l’audition ou la déposition de ces dernières fassent l’objet, dans les mêmes conditions, d’un enregistrement audiovisuel.
« En cas de dysfonctionnement du système d’enregistrement sonore, le président demande aux parties si elles souhaitent renoncer à l’enregistrement des débats. Si elles ne le souhaitent pas, l’audition est suspendue jusqu’à ce que l’enregistrement sonore des débats puisse de nouveau être effectivement assuré. » ;
2° Le dernier alinéa est ainsi rédigé :
« Les dispositions du présent article ne sont pas prescrites à peine de nullité de la procédure, à l’exception de celles des deuxième et quatrième alinéas, s’il est établi que le défaut d’enregistrement sonore a eu pour effet de porter atteinte aux intérêts de la personne condamnée. »
II (Non modifié). – Le I du présent article entre en vigueur le 1er septembre 2016.
M. le président. L'amendement n° 222, présenté par le Gouvernement, est ainsi libellé :
Alinéas 1 à 7
Remplacer ces alinéas par quatre alinéas ainsi rédigés :
I. – L’article 308 du code de procédure pénale est ainsi modifié :
1° La première phrase du deuxième alinéa est complétée par les mots : « lorsque la cour d’assises statue en appel, sauf renonciation expresse de l’ensemble des accusés ; lorsque la cour d’assises statue en premier ressort, le président peut, d’office ou à la demande du ministère public ou des parties, ordonner cet enregistrement » ;
2° Le dernier alinéa est ainsi rédigé :
« Les dispositions du présent article ne sont pas prescrites à peine de nullité de la procédure ; toutefois, le défaut d’enregistrement sonore, lorsque celui-ci est obligatoire en application du deuxième alinéa, constitue une cause de cassation de l’arrêt de condamnation s’il est établi qu’il a eu effet de porter atteinte aux intérêts du demandeur au pourvoi. »
La parole est à M. le garde des sceaux.
M. Jean-Jacques Urvoas, garde des sceaux. Cet amendement vise à limiter aux seuls procès tenus en appel l’obligation d’enregistrement sonore, qui demeurerait une faculté en première instance.
M. le président. Quel est l’avis de la commission ?
M. Michel Mercier, rapporteur. J’ai peur que cet amendement du Gouvernement n’introduise des disparités. Certaines personnes voudront un enregistrement, d’autres non.
Les magistrats que nous avons interrogés nous ont indiqué que les moyens étaient partout disponibles.
Si nous n’avons pas les moyens, il ne faut mettre d’obligation à personne. Si nous les avons, on doit la mettre à tout le monde, pour éviter les distorsions entre cours d’assises.
Je n’ai pas de position théorique sur ce sujet. Enregistrer me semble constituer une avancée, mais on le fait partout ou on ne le fait pas.
M. le président. Je mets aux voix l'article 31 nonies.
(L'article 31 nonies est adopté.)
Article 31 decies
(Non modifié)
Le code de procédure pénale est ainsi modifié :
1° Le premier alinéa de l’article 354 est complété par une phrase ainsi rédigée :
« Si la longueur prévisible du délibéré le justifie, le président peut désigner tout lieu hors du palais de justice comme local dans lequel l’accusé devra demeurer. » ;
2° L’article 355 est complété par un alinéa ainsi rédigé :
« Si la longueur prévisible du délibéré le justifie, le président peut désigner tout lieu hors du palais de justice comme chambre des délibérations. » – (Adopté.)
Article additionnel après l’article 31 decies
M. le président. L'amendement n° 85 rectifié, présenté par MM. Reichardt, Pellevat et D. Laurent, Mme Gruny, MM. Morisset, de Legge, Charon, Trillard et Danesi, Mmes Micouleau et Canayer, M. Mandelli, Mme Deromedi, MM. Gremillet, Lefèvre, Gournac, Kennel et Houel et Mme Mélot, est ainsi libellé :
Après l’article 31 decies
Insérer un article additionnel ainsi rédigé :
La section 4 du chapitre Ier du titre II du livre II du code de procédure pénale est complétée par un paragraphe 5 ainsi rédigé :
« Paragraphe 5 : De la clôture des débats
« Art. 461-… – Le président déclare les débats terminés. Lorsque le prévenu est libre et que les circonstances de l’affaire le justifient, le président peut enjoindre au prévenu de ne pas quitter le palais de justice pendant la durée du délibéré, en indiquant, le cas échéant, le ou les locaux dans lesquels il doit demeurer, et invite le chef du service d’ordre à veiller au respect de cette injonction. »
La parole est à Mme Jacky Deromedi.
Mme Jacky Deromedi. Cet amendement crée une faculté, pour le tribunal correctionnel, de garder sous escorte un prévenu pendant le temps du délibéré, soit quelques dizaines de minutes. Cette disposition est destinée à éviter qu’un détenu, comparaissant libre, ne prenne la fuite entre la fin des plaidoiries et le prononcé de la peine et participe de la crédibilité de l’action de la justice. Elle aligne les procédures correctionnelles sur les procédures criminelles, comme le fait dans le sens inverse l’article 31 decies.
M. le président. Quel est l’avis de la commission ?
M. Michel Mercier, rapporteur. La commission souhaite connaître l’avis du Gouvernement.
M. le président. Quel est donc l’avis du Gouvernement ?
M. Jean-Jacques Urvoas, garde des sceaux. Le Gouvernement émet un avis défavorable. L’interdiction de quitter les lieux est une obligation devant la cour d’assises, justifiée par la règle selon laquelle, lorsque la cour d’assises prononce une peine de réclusion criminelle, l’accusé, même s’il comparaît libre, est immédiatement incarcéré. Cela justifie qu’il soit tenu sous la contrainte de rester sur place pendant le délibéré.
En revanche, devant le tribunal correctionnel, ce qui est le cas évoqué par l’amendement, l’incarcération immédiate d’un prévenu comparaissant libre est l’exception. Elle suppose que le tribunal délivre un mandat de dépôt, ce qui n’est possible que si la peine prononcée est d’au moins un an. Si l’on permet au président de faire retenir le prévenu sous la contrainte pendant le délibéré, c’est donc qu’il préjuge une peine ferme d’au moins un an alors même que la délibération collégiale n’a pas encore eu lieu, ce que l’on ne peut admettre.
M. le président. Quel est maintenant l’avis de la commission ?
M. Michel Mercier, rapporteur. La commission s’en rapporte au Gouvernement.
M. le président. La parole est à Mme Jacky Deromedi, pour explication de vote.
Mme Jacky Deromedi. Je me permets d’insister, car il s’agit de donner au juge une faculté, non de lui imposer une décision. Si le juge considère qu’il existe un risque que le prévenu s’échappe, il aura la faculté de lui enjoindre de ne pas quitter le palais de justice.
M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 85 rectifié.
(L'amendement n'est pas adopté.)
Article 31 undecies
(Non modifié)
Le titre Ier du livre II du code de procédure pénale est ainsi modifié :
1° Le dernier alinéa de l’article 379-2 est complété par deux phrases ainsi rédigées :
« Elles ne sont pas non plus applicables si l’absence du condamné au cours des débats est constatée alors que les interrogatoires de l’accusé sur les faits et sur sa personnalité ont déjà été réalisés ; dans ce cas, le procès se poursuit jusqu’à son terme, conformément aux chapitres VI et VII du présent titre, à l’exception des dispositions relatives à la présence de l’accusé, son avocat continuant d’assurer la défense de ses intérêts ; si l’accusé est condamné à une peine ferme privative de liberté non couverte par la détention provisoire, la cour décerne mandat d’arrêt contre l’accusé, sauf si ce mandat a déjà été décerné. Les délais d’appel ou de pourvoi en cassation courent à partir de la date à laquelle l’arrêt est porté à la connaissance de l’accusé. » ;
2° Le chapitre VIII est complété par un article 379-7 ainsi rédigé :
« Art. 379-7. – Le présent chapitre n’est pas applicable lorsque l’absence de l’accusé, sans excuse valable, est constatée à l’ouverture de l’audience ou, à tout moment, au cours des débats, devant la cour d’assises désignée à la suite de l’appel formé par l’accusé.
« Dans ce cas, le procès se déroule ou se poursuit jusqu’à son terme, conformément aux chapitres VI et VII du présent titre, à l’exception des dispositions relatives à l’interrogatoire et à la présence de l’accusé, en présence de l’avocat de l’accusé qui assure la défense de ses intérêts.
« Si l’accusé est condamné à une peine ferme privative de liberté non couverte par la détention provisoire, la cour décerne mandat d’arrêt contre l’accusé, sauf si ce mandat a déjà été décerné.
« Le délai de pourvoi en cassation court à partir de la date à laquelle l’arrêt est porté à la connaissance de l’accusé. » ;
3° Au second alinéa de l’article 380-1, la référence : « VII » est remplacée par la référence : « VIII ». – (Adopté.)
Article 31 duodecies A (nouveau)
Le code de procédure pénale est ainsi modifié :
1° L’article 296 est ainsi modifié :
a) Le deuxième alinéa est complété par les mots : « et qui assistent, sans pouvoir manifester leur opinion, au délibéré » ;
b) Au troisième alinéa, après les mots : « les débats », sont insérés les mots : « ou le délibéré » ;
2° Au premier alinéa de l’article 379–4, après les mots : « la prescription, », sont ajoutés les mots : « il peut, en présence de son avocat, acquiescer à l’arrêt de condamnation. Dans le cas contraire, ».
M. le président. L'amendement n° 254, présenté par M. M. Mercier, au nom de la commission des lois, est ainsi libellé :
Alinéa 5
Remplacer les mots :
acquiescer à l'arrêt de condamnation
par les mots :
renoncer au bénéfice des articles 269 à 379–1
La parole est à M. le rapporteur.
M. Michel Mercier, rapporteur. Amendement rédactionnel.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. le président. Je mets aux voix l'article 31 duodecies A, modifié.
(L'article 31 duodecies A est adopté.)
Article 31 duodecies
(Non modifié)
I. – Le code de procédure pénale est ainsi modifié :
1° A Au second alinéa de l’article 380-1, les mots : « désignée par la chambre criminelle de la Cour de cassation et » sont supprimés ;
1° Les trois premiers alinéas de l’article 380-14 sont ainsi rédigés :
« Après avoir recueilli les observations écrites du ministère public et des parties ou de leurs avocats, le premier président de la cour d’appel désigne la cour d’assises chargée de statuer en appel parmi les autres cours d’assises du ressort de la cour d’appel.
« Toutefois, si le ministère public ou l’une des parties le demande ou si le premier président estime nécessaire la désignation d’une cour d’assises située hors de ce ressort, le ministère public adresse sans délai au greffe de la chambre criminelle de la Cour de cassation, avec ses observations éventuelles et celles des parties, l’arrêt attaqué et, le cas échéant, le dossier de la procédure.
« Dans le mois qui suit la réception de l’appel, la chambre criminelle, après avoir recueilli, si elles n’ont pas déjà été données, les observations écrites du ministère public et des parties ou de leurs avocats, désigne la cour d’assises chargée de statuer en appel. Il est alors procédé comme en cas de renvoi après cassation. » ;
2° L’article 380-15 est ainsi rédigé :
« Art. 380-15. – Si l’appel n’a pas été formé dans les délais prévus par la loi ou porte sur un arrêt qui n’est pas susceptible d’appel, le premier président de la cour d’appel ou le président de la chambre criminelle de la Cour de cassation dit n’y avoir pas lieu à désignation d’une cour d’assises chargée de statuer en appel. » ;
3° Au début de la première phrase de l’article 500-1, les mots : « Lorsqu’il intervient dans un délai d’un mois à compter de l’appel » sont remplacés par les mots : « Sauf lorsqu’il intervient moins de deux mois avant la date de l’audience devant la cour d’appel » ;
4° Après le premier alinéa de l’article 502, il est inséré un alinéa ainsi rédigé :
« La déclaration peut indiquer que l’appel est limité aux peines prononcées, à certaines d’entre elles ou à leurs modalités d’application. » ;
5° À l’article 505-1, après le mot : « objet », sont insérés les mots : « , qu’il a été formé sans respecter les formalités prévues à l’article 502 ou qu’il a été formé hors les cas mentionnés à l’article 546 ».
II. (Non modifié) – À la dernière phrase du second alinéa de l’article L. 555-2 du code de l’entrée et du séjour des étrangers et du droit d’asile, la deuxième occurrence du mot : « troisième » est remplacée par le mot : « quatrième ».
III (Non modifié). – À la dernière phrase du deuxième alinéa du VII de l’article 48 de l’ordonnance n° 2000-371 du 26 avril 2000 relative aux conditions d’entrée et de séjour des étrangers dans les îles Wallis et Futuna, la deuxième occurrence du mot : « troisième » est remplacée par le mot : « quatrième ».
IV (Non modifié). – À la dernière phrase du deuxième alinéa du VII de l’article 50 de l’ordonnance n° 2000-372 du 26 avril 2000 relative aux conditions d’entrée et de séjour des étrangers en Polynésie française, la deuxième occurrence du mot : « troisième » est remplacée par le mot : « quatrième ».
V (Non modifié). – À la dernière phrase du deuxième alinéa du VII de l’article 50 de l’ordonnance n° 2002-388 du 20 mars 2002 relative aux conditions d’entrée et de séjour des étrangers en Nouvelle-Calédonie, la deuxième occurrence du mot : « troisième » est remplacée par le mot : « quatrième ». – (Adopté.)
Article additionnel après l’article 31 duodecies
M. le président. L'amendement n° 107 rectifié, présenté par le Gouvernement, est ainsi libellé :
Après l’article 31 duodecies
Insérer un article additionnel ainsi rédigé :
L’article 398-1 du code de procédure pénale est ainsi modifié :
1° Le 3° est complété par les mots : « prévus par les quatre premières parties du code des transports » ;
2° Le 5° est ainsi rédigé :
« 5° Les délits prévus aux articles 222-11, 222-12 (1° à 15° ), 222-13 (1° à 15° ), 222-16, 222-17, 222-18, 222-32, 225-10-1, 226-4, 226-4-1, 227-3 à 227-11, 311-3, 311-4 (1° à 11° ), 313-5, 314-5, 314-6, 321-1, 322-1 à 322-4-1, 322-12, 322-13, 322-14, 431-22 à 431-24, 433-3 (premier à troisième alinéas), 433-5, 433-6 à 433-7, 433-8 (premier alinéa), 433-10 (premier alinéa), 434-23 (premier et troisième alinéas), 434-41, 434-42, 441-3 (premier alinéa), 441-6, 441-7, 446-1, 446-2 et 521-1 du code pénal, L. 3421-1 (premier alinéa) du code de la santé publique et 60 bis du code des douanes ;
La parole est à M. le garde des sceaux.
M. Jean-Jacques Urvoas, garde des sceaux. Cet amendement répond à une demande des praticiens. Il simplifie la procédure de jugement des délits, en étendant la compétence du juge unique fixée à l’article 398-1 du code de procédure pénale à certains délits faiblement réprimés et/ou similaires à ceux qui sont déjà de la compétence de ce juge.
M. le président. Quel est l’avis de la commission ?
M. Michel Mercier, rapporteur. Favorable.
M. le président. En conséquence, un article additionnel ainsi rédigé est inséré dans le projet de loi, après l’article 31 duodecies.
Article 31 terdecies
(Non modifié)
À la première phrase du premier alinéa de l’article 394 du code de procédure pénale, le mot : « deux » est remplacé par le mot : « six ». – (Adopté.)
Article 31 quaterdecies
(Non modifié)
Le chapitre II du titre Ier du livre III du code de procédure pénale est complété par des articles 590-1 et 590-2 ainsi rédigés :
« Art. 590-1. – Le demandeur en cassation qui n’a pas constitué avocat et n’a pas déposé son mémoire dans le délai prévu à l’article 584 est déchu de son pourvoi.
« Il en est de même, sauf dérogation accordée par le président de la chambre criminelle, du demandeur condamné pénalement n’ayant pas constitué avocat et du ministère public qui n’ont pas fait parvenir leur mémoire au greffe de la Cour de cassation dans les délais prévus, respectivement, au premier alinéa de l’article 585-1 et à l’article 585-2.
« Le demandeur condamné à une peine non prévue par la loi ne peut toutefois être déchu de son pourvoi.
« Art. 590-2. – La déchéance du pourvoi, dans les cas et conditions prévus aux articles 567-2, 574-1, 574-2 et 590-1, est prononcée par ordonnance du président de la chambre criminelle ou du conseiller par lui désigné. » – (Adopté.)
Article additionnel après l’article 31 quaterdecies
M. le président. L'amendement n° 196 rectifié ter, présenté par MM. Mézard, Collombat, Bertrand, Collin et Fortassin, Mmes Jouve, Laborde et Malherbe et MM. Requier et Vall, est ainsi libellé :
I. – Après l’article 31 quaterdecies
Insérer un article additionnel ainsi rédigé :
Le code de procédure pénale est ainsi modifié :
1° L’article 370 est complété par un alinéa ainsi rédigé :
« Lorsque la cour d’assises statue en appel, le président informe également l’accusé que, pour la défense de son pourvoi, le ministère d’un avocat à la Cour de cassation est obligatoire, cet avocat étant choisi par lui ou, à sa demande, désigné par le président de l’Ordre, et il indique à l’intéressé que les frais seront à sa charge sauf s’il remplit les conditions d’accès à l’aide juridictionnelle. » ;
2° L’article 567 est complété par deux alinéas ainsi rédigés :
« Sauf en ce qui concerne la déclaration de pourvoi prévue aux articles 576 et 577, le ministère d’un avocat à la Cour de cassation est obligatoire pour le demandeur au pourvoi et les autres parties.
« Cet avocat est choisi par le demandeur au pourvoi ou par la partie ou, à sa demande, désigné par le président de l’Ordre : la désignation intervient dans un délai maximum de huit jours lorsque le pourvoi porte sur les matières dans lesquelles la chambre criminelle est tenue de statuer dans un délai légal en application des articles 567-2, 574-1 et 574-2 ; les frais d’avocat sont à la charge du demandeur ou de la partie, sauf si les conditions d’accès à l’aide juridictionnelle sont remplies. » ;
3° À la première phrase du deuxième alinéa des articles 567-2, 574-1 et 574-2, les mots : « ou son avocat » sont supprimés ;
4° Les articles 584 et 585 sont abrogés ;
5° L’article 585-1 est ainsi rédigé :
« Art. 585-1. – Sauf dérogation accordée par le président de la chambre criminelle, et sous réserve des dispositions des articles 567-2, 574-1 et 574-2, la déclaration de l’avocat qui se constitue au nom d’un demandeur au pourvoi doit parvenir au greffe de la Cour de cassation un mois au plus tard après la date du pourvoi. » ;
6° À la fin de la première phrase de l’article 586, les mots : « , une expédition de l’acte de pourvoi et, s’il y a lieu, le mémoire du demandeur » sont remplacés par les mots : « et une expédition de l’acte de pourvoi » ;
7° L’article 588 est ainsi rédigé :
« Art. 588. – Le conseiller rapporteur fixe un délai pour le dépôt des mémoires entre les mains du greffier de la chambre criminelle. »
II. – En conséquence, faire précéder cet article d’une division additionnelle et de son intitulé ainsi rédigés :
Chapitre…
Dispositions améliorant les procédures pénales
La parole est à M. Pierre-Yves Collombat.
M. Pierre-Yves Collombat. Cet amendement vise à rendre obligatoire le recours au ministère d’avocat aux Conseils devant la chambre criminelle.
Mais je le retire immédiatement,…
M. Philippe Dallier. Bravo !
M. Pierre-Yves Collombat. … étant donné qu’il a déjà été adopté dans le cadre du projet de loi portant application des mesures relatives à la justice du XXIe siècle.
M. le président. L'amendement n° 196 rectifié ter est retiré.
Article 31 quindecies
(Non modifié)
L’article 628-1 du code de procédure pénale est complété par un alinéa ainsi rédigé :
« Par dérogation au second alinéa de l’article 380-1, en cas d’appel d’un arrêt de la cour d’assises de Paris compétente en application du présent article, le premier président de la cour d’appel de Paris ou la chambre criminelle de la Cour de cassation peut désigner cette même cour d’assises, autrement composée, pour connaître de l’appel. » – (Adopté.)
Article 31 sexdecies
(Non modifié)
Au troisième alinéa de l’article 665 du code de procédure pénale, les mots : « de huit jours » sont remplacés par les mots : « d’un mois ». – (Adopté.)
Article additionnel après l’article 31 sexdecies
M. le président. L'amendement n° 162, présenté par Mme Benbassa et les membres du groupe écologiste, est ainsi libellé :
Après l'article 31 sexdecies
Insérer un article additionnel ainsi rédigé :
Le premier alinéa de l’article 702-1 du code de procédure pénale est complété par une phrase ainsi rédigée :
« Le relèvement de tout ou partie d’une interdiction, déchéance ou incapacité qui serait nécessaire à l’obtention d’un aménagement de peine, peut être accordé par jugement motivé du tribunal de l’application des peines dont relève le condamné en application des dispositions de l’article 712-10, saisi à l’initiative du juge de l’application des peines. »
La parole est à Mme Esther Benbassa.
Mme Esther Benbassa. L’article 702–1 du code de procédure pénale prévoit actuellement qu’un relèvement est de la compétence exclusive de la juridiction ayant prononcé la mesure d’interdiction – ou, dans le cas des interdictions automatiques, de la juridiction qui a prononcé la peine qui en est à l’origine. Les délais de ces requêtes sont variables d’une juridiction à une autre, ce qui empêche de nombreux aménagements, du fait de l’absence de prévisibilité.
Cet amendement vise à simplifier cette procédure, en donnant une compétence concurrente au tribunal de l’application des peines compétent, mais uniquement pour les cas où le relèvement de tout ou partie d’une interdiction, déchéance ou incapacité serait nécessaire à l’obtention d’un aménagement de peine.
M. le président. Quel est l’avis de la commission ?
M. Michel Mercier, rapporteur. Cet amendement est satisfait par les dispositions de l’article 712–22 du code de procédure pénale. J’invite donc Mme Benbassa à retirer son amendement.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. Jean-Jacques Urvoas, garde des sceaux. Même avis. Nous estimons également que l’amendement est satisfait par l’article 712–22 du code de procédure pénale.
M. le président. Madame Benbassa, l’amendement n° 162 est-il maintenu ?
Mme Esther Benbassa. Non, je le retire, monsieur le président.
M. le président. L'amendement n° 162 est retiré.
Article 31 septdecies A
L’article 711 du code de procédure pénale est complété par un alinéa ainsi rédigé :
« Pour la rectification des erreurs purement matérielles demandée par une partie, en cas d’accord du ministère public, la décision peut être prise, sans audience, par ordonnance rectificative du président de la juridiction. » – (Adopté.)
Article 31 septdecies
(Non modifié)
L’article 712-17 du code de procédure pénale est complété par un alinéa ainsi rédigé :
« Les comparutions devant le juge de l’application des peines ou le tribunal de l’application des peines prévues aux septième et avant-dernier alinéas du présent article peuvent être réalisées selon les modalités prévues à l’article 706-71. Il n’y a alors pas lieu d’ordonner le transfèrement de la personne mentionné à l’avant-dernier alinéa du présent article. »
M. le président. Je mets aux voix l'article 31 septdecies.
Mme Cécile Cukierman. Le groupe CRC a voté pour l’article 31 septdecies A, mais il vote contre l’article 31 septdecies.
(L'article 31 septdecies est adopté.)
Article 31 octodecies
(Non modifié)
Le titre Ier bis du livre V du code de procédure pénale est complété par un article 713-49 ainsi rédigé :
« Art. 713-49. – Les décisions prises en application du deuxième alinéa de l’article 713-47 ou de l’article 713-48 mettant à exécution tout ou partie de l’emprisonnement sont exécutoires par provision.
« Lorsque le condamné interjette appel contre ces décisions, son recours est examiné dans un délai de deux mois, à défaut de quoi il est remis en liberté s’il n’est pas détenu pour une autre cause. » – (Adopté.)
Titre III (suite)
Dispositions diverses
Article 32 AA
L’article L. 232-14-4 du code du sport est ainsi modifié :
1° Au premier alinéa, après les mots : « dans le ressort duquel s’effectue le contrôle », sont insérés les mots : « ou le juge des libertés et de la détention du tribunal de grande instance prévu par le décret mentionné au I de l’article 706-2 du code de procédure pénale » ;
2° Au quatrième alinéa, après le mot : « compétent », sont insérés les mots : « ou le procureur de la République mentionné à l’avant-dernier alinéa du I de l’article 706-2 du code de procédure pénale ».
M. le président. L'amendement n° 224, présenté par le Gouvernement, est ainsi libellé :
I. – Alinéa 2
Rédiger ainsi cet alinéa :
1° Au premier alinéa, les mots : « dans le ressort duquel s’effectue le contrôle » sont remplacés par les mots : « prévu par le décret mentionné au I de l’article 706-2 du code de procédure pénale » ;
II. – Alinéa 3
Supprimer les mots :
ou le procureur de la République
La parole est à M. le garde des sceaux.
M. le président. Quel est l’avis de la commission ?
M. Michel Mercier, rapporteur. Défavorable.
M. le président. Je mets aux voix l'article 32 AA.
(L'article 32 AA est adopté.)
Article 32 AB (nouveau)
Au premier alinéa de l’article L. 6341–4 du code des transports, le mot : « trois » est remplacé par le mot : « six ». – (Adopté.)
Articles additionnels après l’article 32 AB (suite)
M. le président. L'amendement n° 113 rectifié, présenté par le Gouvernement, est ainsi libellé :
Après l’article 32 AB
Insérer un article additionnel ainsi rédigé :
Après le premier alinéa de l'article 728–1 du code de procédure pénale, sont insérés deux alinéas ainsi rédigés :
« L'administration pénitentiaire a la faculté d'opérer d'office sur la part disponible des détenus des retenues en réparation de dommages matériels causés, sans préjudice de poursuites disciplinaires et pénales, s'il y a lieu. Sont, de même, versées au Trésor les sommes trouvées en possession irrégulière des détenus, à moins qu'elles ne soient saisies par ordre de l'autorité judiciaire.
« Les modalités de ces retenues sont précisées par décret. »
La parole est à M. le garde des sceaux.
M. Jean-Jacques Urvoas, garde des sceaux. Il s’agit d’un amendement important. Dans une décision en date du 10 février 2016, le Conseil d’État a annulé le refus d’abroger les dispositions réglementaires de l’article D. 332 du code de procédure pénale, aux termes desquelles le chef d’un établissement pénitentiaire pouvait procéder à des retenues sur la part disponible au profit du Trésor public, en réparation des dommages matériels causés par les détenus ou en cas de découverte sur le détenu de sommes possédées irrégulièrement.
Le Conseil d’État a jugé que le pouvoir réglementaire n’était pas compétent pour autoriser, par ces dispositions, une privation du droit de propriété des détenus.
Afin d’assurer la pérennité de telles retenues, tout en donnant un fondement légal à cette privation du droit de propriété, il apparaît nécessaire de modifier l’article 728–1 du code de procédure pénale.
La modification envisagée précise que l’administration pénitentiaire a la faculté d’opérer d’office, sur la part disponible des détenus, des retenues en réparation de dommages matériels causés et que les sommes trouvées en possession irrégulière des détenus sont, de la même manière, versées au Trésor, à moins qu'elles ne soient saisies par ordre de l’autorité judiciaire.
Les modalités d’application de ces retenues restent fixées par décret.
M. le président. Quel est l’avis de la commission ?
M. Michel Mercier, rapporteur. Avis favorable.
M. le président. En conséquence, un article additionnel ainsi rédigé est inséré dans le projet de loi, après l'article 32 AB.
Je rappelle que les amendements nos 63 rectifié bis et 69 rectifié tendant à insérer un article additionnel après l’article 32 AB ont été précédemment examinés.
Chapitre Ier A
Dispositions relatives aux peines
Article 32 A
(Non modifié)
Le second alinéa de l’article 131-5-1 du code pénal est complété par une phrase ainsi rédigée :
« Toutefois, cette peine peut être prononcée lorsque le prévenu, absent à l’audience, a fait connaître par écrit son accord et qu’il est représenté par son avocat. » – (Adopté.)
Article 32 B
(Non modifié)
L’article 131-8 du code pénal est complété par un alinéa ainsi rédigé :
« La peine de travail d’intérêt général peut être prononcée lorsque le prévenu, absent à l’audience, a fait connaître par écrit son accord et qu’il est représenté par son avocat. » – (Adopté.)
Article 32 C
(Non modifié)
Après l’article 131-35-1 du code pénal, il est inséré un article 131-35-2 ainsi rédigé :
« Art. 131-35-2. – Lorsqu’une peine consiste dans l’obligation d’accomplir un stage, la durée de celui-ci ne peut excéder un mois et son coût, s’il est à la charge du condamné, ne peut excéder le montant de l’amende encourue pour les contraventions de la troisième classe. »
M. le président. Je mets aux voix l'article 32 C.
Mme Cécile Cukierman. Le groupe CRC a voté pour les articles 32 A et 32 B, mais il vote contre l’article 32 C et votera également contre l’article 32 D.
(L'article 32 C est adopté.)
Article 32 D
(Non modifié)
Le troisième alinéa de l’article 132-54 du code pénal est complété par une phrase ainsi rédigée :
« Toutefois, ce sursis peut être ordonné lorsque le prévenu, absent à l’audience, a fait connaître par écrit son accord et qu’il est représenté par son avocat. » – (Adopté.)
Article additionnel après l'article 32 D
M. le président. L'amendement n° 78 rectifié ter, présenté par MM. Reichardt, Pellevat, D. Laurent, Morisset, de Legge, Charon, Trillard et Danesi, Mmes Micouleau et Canayer, M. Mandelli, Mme Deromedi, MM. Lefèvre, Gournac, Kennel et Houel et Mme Mélot, est ainsi libellé :
Après l’article 32 D
Insérer un article additionnel ainsi rédigé :
I. – Le code pénal est ainsi modifié :
1° Après le mot : « présent, » la fin du second alinéa de l’article 132-29 est ainsi rédigée : « des conséquences qu’entraînerait une condamnation pour une nouvelle infraction qui serait commise dans les délais prévus aux articles 132-35 et 132-37. » ;
2° L’article 132-35 est ainsi modifié :
a) Les mots : « ayant ordonné la révocation totale du sursis dans les conditions définies à l’article 132-36 » sont remplacés par les mots : « sans sursis qui emporte révocation » ;
b) Les mots : « totale ou partielle » sont supprimés ;
3° L’article 132-36 est ainsi rédigé :
« Art. 132-36. – Toute nouvelle condamnation à une peine d’emprisonnement ou de réclusion révoque le sursis antérieurement accordé quelle que soit la peine qu’il accompagne.
« Toute nouvelle condamnation d’une personne physique ou morale à une peine autre que l’emprisonnement ou la réclusion révoque le sursis antérieurement accordé qui accompagne une peine quelconque autre que l’emprisonnement ou la réclusion.
« La révocation du sursis est intégrale. » ;
4° À l’article 132-37, les mots : « ayant ordonné la révocation du sursis » sont remplacés par les mots : « sans sursis emportant révocation » ;
5° L’article 132-38 est ainsi rédigé :
« Art. 132-38. – En cas de révocation du sursis simple, la première peine est exécutée sans qu’elle puisse se confondre avec la seconde. » ;
6° À l’article 132-39, les mots : « totale du sursis n’a pas été prononcée dans les conditions prévues à l’article 132-36 » sont remplacés par les mots : « du sursis n’a pas été encourue ».
II. – Le code de procédure pénale est ainsi modifié :
1° L’article 735 est abrogé ;
2° À l’article 735-1, la référence : « 735 » est remplacée par la référence : « 711 ».
La parole est à Mme Jacky Deromedi.
Mme Jacky Deromedi. Il convient de restaurer la cohérence des décisions en rétablissant le principe de la révocation automatique du sursis simple et son caractère intégral.
L’effet dissuasif de la peine joue bien plus par sa certitude que par sa sévérité et l’automaticité de la révocation du sursis est la condition de son existence.
Aujourd’hui, près de 40 % des peines sont devenues fictives, ce qui représente une réduction très significative de la durée effectivement exécutée, principalement pour la « petite » délinquance, qui exaspère le plus la population.
Cet amendement a donc pour objet de rétablir le principe de la révocation automatique et intégrale du sursis simple.
M. le président. Quel est l’avis de la commission ?
M. Michel Mercier, rapporteur. Comme vient de le rappeler Mme Deromedi, cet amendement a pour objet de rétablir le droit en vigueur avant la loi Taubira en prévoyant que le sursis simple est intégralement et automatiquement révoqué en cas de nouvelle condamnation.
L’avis est favorable.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. le président. En conséquence, un article additionnel ainsi rédigé est inséré dans le projet de loi, après l'article 32 D.
Article 32 E
Après le dixième alinéa de l’article 131–4–1 du code pénal, il est inséré un alinéa ainsi rédigé :
« La contrainte pénale ne peut être prononcée que si la personne est présente à l’audience et au délibéré. »
M. le président. L'amendement n° 237, présenté par le Gouvernement, est ainsi libellé :
Rédiger ainsi cet article :
Le dernier alinéa de l'article 131–4–1 du code pénal est complété par une phrase ainsi rédigée :
« Si la personne est absente à l'audience, la contrainte pénale devient exécutoire à compter du jour où la personne a eu connaissance de la signification ou se l'est vu personnellement notifier. »
La parole est à M. le garde des sceaux.
M. le président. Quel est l’avis de la commission ?
M. Michel Mercier, rapporteur. Défavorable.
M. le président. Je mets aux voix l'article 32 E.
(L'article 32 E est adopté.)
Article additionnel après l'article 32 E
M. le président. L'amendement n° 86 rectifié, présenté par MM. Reichardt, Pellevat, D. Laurent, Morisset, de Legge, Charon et Trillard, Mme Canayer, M. Mandelli, Mme Deromedi, MM. Gremillet, Lefèvre, Gournac, Kennel et Houel et Mme Mélot, est ainsi libellé :
Après l'article 32 E
Insérer un article additionnel ainsi rédigé :
Le II de l’article 19 de la loi n° 2014–896 du 15 août 2014 relative à l’individualisation des peines et renforçant l’efficacité des sanctions pénales est abrogé.
La parole est à Mme Jacky Deromedi.
Mme Jacky Deromedi. Cet amendement a pour objet de supprimer l’extension de la contrainte pénale aux infractions faisant encourir jusqu’à dix ans d’emprisonnement, prévue à compter du 1er janvier 2017.
M. le président. Quel est l’avis de la commission ?
M. Michel Mercier, rapporteur. Favorable.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. le président. En conséquence, un article additionnel ainsi rédigé est inséré dans le projet de loi, après l'article 32 E.
Article 32 F
(Supprimé)
Article 32 G
(Supprimé)
M. le président. L'amendement n° 163, présenté par Mme Benbassa et les membres du groupe écologiste, est ainsi libellé :
Rétablir cet article dans la rédaction suivante :
Le dernier alinéa de l'article 132-41 du code pénal est supprimé.
La parole est à Mme Esther Benbassa.
Mme Esther Benbassa. L’article 32 G a été introduit dans le texte par le vote de deux amendements identiques présentés par mes collègues députés Sergio Coronado et Christophe Cavard.
Il s’agit de la reprise de l’article 19 de la loi portant adaptation de la procédure pénale au droit de l'Union européenne, dite « loi DDADUE », qui concernait les conditions dans lesquelles les personnes en état de récidive légale pouvaient bénéficier du sursis avec mise à l’épreuve.
Dans sa rédaction en vigueur, l’article 132–41 du code pénal prévoit que, si le sursis avec mise à l’épreuve est applicable aux condamnations à l’emprisonnement prononcées pour une durée de cinq ans au plus, en raison d’un crime ou d’un délit de droit commun, cette durée est portée à dix ans pour les condamnations à l’emprisonnement prononcées à l’encontre d’une personne en état de récidive légale.
En outre, la juridiction ne peut prononcer le sursis avec mise à l’épreuve à l’encontre d’une personne ayant déjà fait l’objet de deux condamnations assorties du sursis avec mise à l’épreuve pour des délits identiques et se trouvant en état de récidive légale.
Le présent amendement a donc pour objet de rétablir l’article 32 G, qui supprime la limitation des sursis avec mise à l’épreuve dont peuvent bénéficier les personnes en état de récidive légale.
M. le président. Quel est l’avis de la commission ?
M. Michel Mercier, rapporteur. La commission a supprimé l’article 32 G au motif qu’il n’était pas souhaitable de permettre aux juridictions de multiplier les sursis avec mise à l’épreuve pour les personnes en état de récidive légale, sinon le sursis n’a plus aucun sens pour la personne condamnée, et il ne constitue en rien une incitation à se réinsérer.
L’avis est donc défavorable.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. Jean-Jacques Urvoas, garde des sceaux. La limitation d’octroi des sursis avec mise à l’épreuve en cas de récidive vise à éviter l’empilement de mesures de sursis avec mise à l’épreuve sans renforcement du suivi entre ces deux mesures. Elle n’interdit pas le prononcé d’une nouvelle peine d’emprisonnement assortie d’un sursis avec mise à l’épreuve, mais impose dans ce cas qu’une partie de la peine ne soit pas assortie du sursis.
Néanmoins, la partie ferme de la peine ainsi prononcée reste toujours susceptible d’aménagement de peine ab initio.
Ce dispositif est de nature à renforcer les obligations mises à la charge des personnes condamnées en état de récidive légale dans le cadre d’un aménagement de peine ou, si elle refuse de se soumettre à de telles obligations, à renforcer la répression à leur encontre.
Aussi, l’avis est défavorable.
M. le président. L'amendement n° 238, présenté par le Gouvernement, est ainsi libellé :
Rétablir cet article dans la rédaction suivante :
La section 2 du chapitre II du titre III du livre Ier du code pénal est ainsi modifiée :
1° Est insérée une sous-section 5 bis intitulée : « De la conversion d’une peine d’emprisonnement ferme en sursis avec mise à l’épreuve, travail d’intérêt général, jours-amende ou contrainte pénale » et comprenant l’article 132-57 ;
2° L’article 132-57 est ainsi modifié :
a) Le premier alinéa est ainsi modifié :
- à la première phrase, le mot : « et » est remplacé par les mots : « selon les modalités prévues aux articles 132-43 et 132-44 ; en ce cas, le juge de l’application des peines fixe le délai d’épreuve prévu à l’article 132-42 et détermine les obligations mentionnées à l’article 132-45. Le juge de l’application des peines peut également ordonner » ;
- est ajoutée une phrase ainsi rédigée :
« Le juge de l’application des peines peut également ordonner que le condamné effectue une contrainte pénale selon les modalités prévues aux articles 713-42 à 713-48 du code de procédure pénale ; en ce cas, la durée maximale de l’emprisonnement encouru par le condamné en cas d’inobservation des obligations et des interdictions auxquelles il est astreint correspond à la durée de la peine d’emprisonnement initialement prononcée, et le juge d’application des peines détermine les obligations mentionnées à l’article 713-43 du même code. » ;
b) Après le troisième alinéa, il est inséré un alinéa ainsi rédigé :
« Si le condamné doit exécuter plusieurs peines d’emprisonnement, le présent article peut s’appliquer à chacune des peines prononcées, même si la durée totale de l’emprisonnement à exécuter excède six mois. »
La parole est à M. le garde des sceaux.
M. Jean-Jacques Urvoas, garde des sceaux. Le Gouvernement est attaché à cette faculté donnée au juge de l’application des peines, qui favorise la réinsertion des personnes condamnées et participe à l’équilibre global du texte.
Il est nécessaire de pouvoir prendre en compte l’évolution de la situation du condamné depuis le jour de la condamnation, qui peut être particulièrement ancienne.
Si le condamné a trouvé un emploi ou présente désormais des garanties d’insertion sociale, la conversion de sa peine d’emprisonnement en sursis avec mise à l’épreuve ou en contrainte pénale permet d’accompagner ce processus. Elle permet de s’assurer à la fois de la bonne exécution de la sanction et de la réduction du risque de récidive.
M. le président. Quel est l’avis de la commission ?
M. Michel Mercier, rapporteur. La commission est défavorable à ce qu’un juge de l’application des peines puisse remettre en cause la décision collégiale du tribunal correctionnel et transformer une peine d’emprisonnement en contrainte pénale.
L’avis est défavorable.
M. le président. La parole est à M. Pierre-Yves Collombat, pour explication de vote.
M. Pierre-Yves Collombat. Je voterai l’amendement du Gouvernement. S’il existe un juge de l’application des peines, c’est bien pour être chargé de l’application des peines !
M. le président. En conséquence, l’article 32 H demeure supprimé.
Articles additionnels après l'article 32 H
M. le président. L'amendement n° 175 rectifié bis, présenté par Mmes Aïchi, Bouchoux et Blandin, M. Dantec, Mme Archimbaud et MM. Gattolin et Labbé, est ainsi libellé :
Après l'article 32 H
Insérer un article additionnel ainsi rédigé :
I. – Après le premier alinéa de l’article 432–12 du code pénal, il est inséré un alinéa ainsi rédigé :
« Les peines sont portées à dix ans d’emprisonnement et à 1 000 000 euros d’amende, et au double du produit tiré de l’infraction lorsque cette situation est de nature à compromettre le respect des dispositions législatives ou réglementaires en matière de santé publique par ladite entreprise ou à porter atteinte à l’information sincère du public en matière de santé publique. »
II. – À l'article L. 6117-2 du code de la santé publique, les mots : « au premier alinéa » sont remplacés par les mots : « aux premier et second alinéas ».
III. – Au 2° de l’article 2 de la loi n° 2013-907 du 11 octobre 2013 relative à la transparence de la vie publique, le mot : « deuxième » est remplacé par le mot : « troisième ».
La parole est à Mme Leila Aïchi.
Mme Leila Aïchi. Cet amendement vise à relever le quantum de la peine lorsque la prise illégale d’intérêts est susceptible de compromettre le contrôle effectif et impartial que l’agent public ou l’élu exerce en matière de santé publique ou la mission d’information au service du public qui lui est impartie.
Au-delà de leur qualification pénale, ces agissements délictueux portent plus gravement atteinte à la démocratie, de sorte que les Français ne comprendraient pas l’impunité, a fortiori si ces pratiques concernent directement leur santé.
L’atteinte directe à la santé des Français pour des raisons bassement mercantiles est insupportable, et doit donc constituer une circonstance aggravante.
Le dépôt de cet amendement a été motivé par des faits graves, qui se sont produits dans l’enceinte même du Sénat lors d’une audition de la commission d’enquête sur le coût économique et financier de la pollution de l’air, présidée par M. Jean-François Husson et dont j’ai été rapporteur. À cette occasion, un pneumologue d’un grand hôpital public a menti sur les liens d’intérêts économiques qu’il entretenait avec des compagnies.
Nous répondons ici à une réelle demande des médecins, qui souhaitent moraliser ce secteur et éradiquer tous les conflits d’intérêts qui salissent leur profession.
Plus encore, il s’agit d’entendre les Français. Lutter contre les extrêmes, mes chers collègues, c’est aussi lutter contre l’injustice que peuvent ressentir nos concitoyens devant l’impunité et la cupidité de certains. Faisons un geste en ce sens.
M. le président. Quel est l’avis de la commission ?
M. Michel Mercier, rapporteur. Favorable.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. le président. La parole est à M. François Grosdidier, pour explication de vote.
M. François Grosdidier. L’avis défavorable du Gouvernement m’étonne, au lendemain de l’annonce d’un projet de loi prétendant lutter contre la corruption, notamment sur les marchés privés à l’étranger.
La plus grave des corruptions, monsieur le garde des sceaux, c’est celle qui porte atteinte à la santé humaine. Pour ma part, j’ai abordé ce genre de dossier à l’occasion de l’affaire de l’amiante, dans laquelle l’ensemble des familles politiques ont été compromises, de même que les syndicats de salariés, le patronat, ainsi que des autorités médicales, alors qu’auraient pu être épargnées des dizaines, voire des centaines de milliers de vies.
J’ai trop travaillé sur ces questions pour me résoudre aujourd’hui à voir que la plupart des prises illégales d’intérêts traitées devant les tribunaux concernent des élus locaux ayant eu, par exemple, un parent exerçant une activité bénévole dans le club de pétanque ou dans la MJC de leur commune. Pardonnez-moi l’expression, mais on amuse la galerie avec ce type d’affaires, même si ces faits doivent être prévenus.
Nous parlons d’enjeux de santé publique éminents, face auxquels la décision publique, qu’elle soit gouvernementale, en matière d’autorisation de médicaments, ou législative, quand il s’agit du travail d’une commission d’enquête, comme l’a rappelé notre collègue Leila Aïchi, peut être totalement dévoyée par la corruption, alors qu’elle est pourtant prise de bonne foi.
Madame Aïchi, vous avez parlé de cet éminent pneumologue, chef de service dans un prestigieux hôpital public, qui est venu minimiser les effets de produits vendus par un groupe industriel qui le salarie à hauteur d’une indemnité parlementaire depuis une vingtaine d’années, tout en cachant délibérément ces liens à la commission d’enquête, donc à la représentation nationale. Or il se défend en disant qu’il n’est pas le seul, et qu’il s’agit d’une pratique courante !
Si nous voulons redonner confiance en la démocratie, notamment au regard de ce sujet essentiel de la santé humaine, qui, pour tous les humanistes que nous sommes, passe au-dessus de toute autre considération économique ou budgétaire, nous devons distinguer la prise illégale d’intérêts qui va porter atteinte à la santé et à la vie de celle qui concerne l’association sportive de village.
Pour ces raisons, je soutiendrai, comme la commission, cet amendement. En revanche, je regrette que le Gouvernement ne le soutienne pas. Sa position ne paraît pas cohérente avec les annonces qu’il a faites encore hier. (Mmes Christiane Kammermann et Leila Aïchi applaudissent.)
M. le président. La parole est à Mme Nathalie Goulet, pour explication de vote.
Mme Nathalie Goulet. Je ne voudrais pas allonger les débats, mais, pour avoir participé aux commissions d’enquête sur le Mediator et sur au moins deux autres sujets proches, je suis persuadée que, si nous n’augmentons pas le quantum de la peine à un moment ou à un autre, nous continuerons d’avoir ce genre de dysfonctionnement.
Je pense que nous reparlerons de cela à l’occasion du texte sur les lanceurs d’alerte, qui doit venir en discussion.
En attendant, je soutiens ce très bon amendement.
M. le président. En conséquence, un article additionnel ainsi rédigé est inséré dans le projet de loi, après l'article 32 H.
L'amendement n° 176 rectifié, présenté par Mmes Aïchi, Bouchoux et Blandin, M. Dantec, Mme Archimbaud et MM. Gattolin et Labbé, est ainsi libellé :
Après l'article 32 H
Insérer un article additionnel ainsi rédigé :
L'article 433–2 du code pénal est complété par un alinéa ainsi rédigé :
« Les peines sont portées à dix ans d’emprisonnement et à 1 000 000 euros d’amende, et au double du produit tiré de l’infraction lorsque les faits ont pour but d’influencer une autorité, une administration publique ou une commission d’enquête parlementaire s’agissant de questions de santé publique. »
La parole est à Mme Leila Aïchi.
Mme Leila Aïchi. En complément logique de l’amendement précédent, nous visons ici à relever le quantum de la peine lorsque le trafic d’influence s’inscrit dans une volonté d’altérer les données publiques relatives à la santé publique ou de porter atteinte à l’information sincère du public en la matière.
Nous souhaitons en effet sanctionner toute tentative d’influence visant à induire en erreur, pour des raisons d’intérêts privés bien compris, une autorité, une administration publique ou une commission d’enquête parlementaire.
Je le rappelle, droite et gauche confondues ont unanimement condamné le faux témoignage d’un pneumologue devant une commission d’enquête parlementaire.
En conséquence, nous vous proposons de durcir les sanctions envers ces personnes qui bafouent l’essence même et l’éthique de leur profession.
Les élus de la République et le Gouvernement ont le droit et le devoir d’exiger des informations fiables et objectives pour servir l’intérêt général, et non pas au service d’intérêts particuliers.
Il serait inacceptable qu’une autorité, une administration publique ou une commission d’enquête parlementaire puisse être, sur des questions de santé publique, influencée de manière frauduleuse par des individus peu scrupuleux lorsqu’il s’agit de l’intérêt général et simplement mus par des intérêts personnels.
M. le président. Quel est l’avis de la commission ?
M. Michel Mercier, rapporteur. Favorable.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. Jean-Jacques Urvoas, garde des sceaux. Je ne me suis pas expliqué tout à l’heure sur les raisons pour lesquelles j’ai donné un avis défavorable à l’amendement n° 175 rectifié bis, raisons qui valent aussi pour le présent amendement.
Le texte dit « Sapin II », qui a été présenté hier en conseil des ministres, donnera sans doute lieu à des discussions sur ces sujets, et nous pensons que ce cadre sera plus pertinent.
M. le président. En conséquence, un article additionnel ainsi rédigé est inséré dans le projet de loi, après l'article 32 H.
L'amendement n° 177 rectifié, présenté par Mmes Aïchi, Bouchoux et Blandin, M. Dantec, Mme Archimbaud et MM. Gattolin et Labbé, est ainsi libellé :
Après l'article 32 H
Insérer un article additionnel ainsi rédigé :
L’article 445–1 du code pénal est complété par un alinéa ainsi rédigé :
« Les peines sont portées à dix ans d’emprisonnement et à 1 000 000 euros d’amende, et au double du produit tiré de l’infraction lorsque les faits décrits aux deux premiers alinéas visent à porter atteinte à l’information sincère du public en matière de santé publique. »
La parole est à Mme Leila Aïchi.
Mme Leila Aïchi. Monsieur le garde des sceaux, je ne vous cache pas ma déception devant votre position, compte tenu de la nature des sujets que je viens d’évoquer. Force est d’admettre que le Sénat, lui, se montre exemplaire en la matière.
J’en viens à l’amendement n° 177 rectifié. Monsieur le président, je défendrai en même temps l’amendement n° 178 rectifié.
M. le président. J’appelle donc en discussion l'amendement n° 178 rectifié, présenté par Mmes Aïchi, Bouchoux et Blandin, M. Dantec, Mme Archimbaud et MM. Gattolin et Labbé, et ainsi libellé :
Après l'article 32 H
Insérer un article additionnel ainsi rédigé :
L’article 445-2 du code pénal est complété par un alinéa ainsi rédigé :
« Les peines sont portées à dix ans d’emprisonnement et à 1 000 000 euros d’amende, et au double du produit tiré de l’infraction lorsque les faits visent à porter atteinte à l’information sincère du public en matière de santé publique. »
Veuillez poursuivre, ma chère collègue.
Mme Leila Aïchi. Dans le même esprit que mes deux amendements précédents, nous souhaitons ici appliquer le même doublement des peines, mais cette fois-ci en matière de corruption active, pour ce qui concerne l’amendement n° 177 rectifié, et de corruption passive, pour ce qui est de l’amendement n° 178 rectifié, d’une personne privée, lorsque cette dernière consent ou est incitée à porter atteinte à l’information sincère du public en matière de santé publique ou à s’abstenir de révéler une information de santé publique dont elle a eu connaissance lors de son activité professionnelle. Nous souhaitons donc élargir le champ de l’aggravation de peine prévue pour les agents publics et les élus aux personnes privées.
M. le président. Quel est l’avis de la commission sur ces deux amendements ?
M. Michel Mercier, rapporteur. Favorable.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. le président. En conséquence, un article additionnel ainsi rédigé est inséré dans le projet de loi, après l'article 32 H.
Je mets aux voix l'amendement n° 178 rectifié.
(L'amendement est adopté.)
M. le président. En conséquence, un article additionnel ainsi rédigé est inséré dans le projet de loi, après l'article 32 H.
L'amendement n° 104 rectifié, présenté par MM. Rachline et Ravier, n’est pas soutenu.
L'amendement n° 262, présenté par le Gouvernement, est ainsi libellé :
Après l’article 32 H (Supprimé)
Insérer un article additionnel ainsi rédigé :
Après le premier alinéa de l’article 57 de la loi n° 2009-1436 du 24 novembre 2009 pénitentiaire, il est inséré un alinéa ainsi rédigé :
« Lorsqu’il existe des raisons sérieuses de soupçonner l’introduction au sein de l’établissement pénitentiaire d’objets ou de substances interdits ou constituant une menace pour la sécurité des personnes ou des biens, le chef d’établissement peut également ordonner des fouilles dans des lieux et pour une période de temps déterminés, indépendamment de la personnalité des personnes détenues. Ces fouilles doivent être strictement nécessaires et proportionnées. Elles sont spécialement motivées et font l’objet d’un rapport circonstancié transmis au procureur de la République territorialement compétent et à la direction de l’administration pénitentiaire. »
La parole est à M. le garde des sceaux.
M. Jean-Jacques Urvoas, garde des sceaux. Il s’agit d’un amendement important, qui concerne l’article 57 de la loi pénitentiaire, c’est-à-dire le problème des fouilles.
Vous le savez, cet article a été longuement discuté en 2009. Il a limité un certain nombre de capacités de fouilles à la discrétion de l’administration pénitentiaire, puisqu’il a rendu nécessaire l’individualisation de chaque décision de fouille, et a interdit leur caractère aléatoire.
La situation, depuis maintenant près d’une dizaine d’années, appelle une évolution de la réglementation.
Nous considérons donc qu’une modification de l’article 57 est indispensable, afin de permettre le recours à tout type de fouille en cas de suspicion sérieuse d’introduction d’objets ou de substances interdits en détention ou dangereux, constituant une menace pour la sécurité des personnes ou des biens, sans qu’il soit nécessaire d’individualiser cette décision au regard de la personnalité du détenu.
La modification proposée prévoit de rappeler que ces mesures ne pourront être ordonnées qu’à la condition de respecter les principes de nécessité et de proportionnalité, tels qu’exigés par le Conseil d’État et la Cour européenne des droits de l’homme. Elles ne seront en effet ordonnées qu’en cas de raisons sérieuses de soupçonner l’introduction d’objets ou de substances interdits en détention ou dangereux, constituant une menace pour la sécurité des personnes ou des biens.
En outre, elles seront strictement limitées dans le temps et dans l’espace.
Enfin, elles feront l’objet d’un rapport circonstancié transmis au procureur de la République territorialement compétent et à la direction de l’administration pénitentiaire.
M. le président. Quel est l’avis de la commission ?
M. Michel Mercier, rapporteur. Cet amendement est en effet très important, car il s’agit d’un vrai problème, que je connais bien.
Néanmoins, en vous écoutant, monsieur le garde des sceaux, je me disais qu’il est des mesures qu’un gouvernement de gauche peut plus facilement présenter qu’un gouvernement qui n’est pas de ce bord.
Si j’avais proposé cet amendement voilà quelques années, j’aurais probablement vu nos collègues qui s’apprêtent à voter pour, m’expliquer qu’il fallait voter contre. (Sourires.)
Comme je pense que cet amendement est fondé et nécessaire au bon fonctionnement des établissements pénitentiaires, je lui donne un avis favorable, en souhaitant que tous ceux qui auraient voté contre si je l’avais moi-même présenté votent aujourd’hui pour, puisqu’il est présenté par M. le garde des sceaux.
M. le président. La parole est à M. Pierre-Yves Collombat, pour explication de vote.
M. Pierre-Yves Collombat. Avant d’amender la loi pénitentiaire, il faudrait peut-être commencer à l’appliquer…
M. le président. En conséquence, un article additionnel ainsi rédigé est inséré dans le projet de loi, après l'article 32 H.
Chapitre Ier (suite)
Caméras mobiles
Articles 32 et 32 bis (précédemment examinés)
M. le président. Je rappelle que les articles 32 et 32 bis ont été précédemment examinés.
Chapitre Ier bis (suite)
Commercialisation et utilisation des précurseurs d’explosifs en application du règlement (UE) n° 98/2013 du Parlement européen et du Conseil du 15 janvier 2013 sur la commercialisation et l’utilisation de précurseurs d’explosifs
Article 32 ter (précédemment examiné)
M. le président. Je rappelle que l’article 32 ter a été précédemment examiné.
Articles additionnels après l'article 32 ter
M. le président. L'amendement n° 256, présenté par le Gouvernement, est ainsi libellé :
Après l’article 32 ter
Insérer un article additionnel ainsi rédigé :
A. – Le livre III de la partie 2 du code de la défense est complété par un titre VIII ainsi rédigé :
« Titre VIII : De la biométrie
« Chapitre unique
« Art. L. 2381-1 – I. – Dans le respect des règles du droit international et dans le cadre d’une opération mobilisant des capacités militaires, se déroulant à l’extérieur du territoire français ou des eaux territoriales françaises, quels que soient son objet, sa durée ou son ampleur, y compris la libération d’otages, l’évacuation de ressortissants ou la police en haute mer, les membres des forces armées et des formations rattachées peuvent procéder à des opérations de relevés signalétiques, notamment de prise d’empreintes digitales et palmaires et de photographies, aux fins d’établir l’identité, lorsqu’elle est inconnue ou incertaine, ainsi que la participation antérieure aux hostilités :
« 1° des personnes décédées lors d’actions de combat ;
« 2° des personnes capturées par les forces françaises.
Dans les mêmes conditions et aux mêmes fins, des membres des forces armées et des formations rattachées peuvent procéder à des prélèvements biologiques destinés à permettre l’analyse d’identification de l’empreinte génétique de ces personnes.
« II. – Les données collectées en application du I peuvent être consultées dans le cadre de la réalisation d’enquêtes administratives préalables à une décision administrative de recrutement ou d’accès à une zone protégée prise par l’autorité militaire. Un décret en Conseil d’État fixe la liste des enquêtes qui donnent lieu à cette consultation. Il détermine les conditions dans lesquelles les personnes en sont informées. »
B. – Après le quatrième alinéa de l’article 16-11 du code civil, il est inséré un alinéa ainsi rédigé :
« …° Aux fins d’établir, lorsqu’elle est inconnue ou incertaine, l’identité de personnes décédées lors d’actions de combat ou capturées par les militaires français dans les conditions prévues par l’article L. 2381-1 du code de la défense. »
La parole est à M. le secrétaire d'État.
M. Jean-Marc Todeschini, secrétaire d'État chargé des anciens combattants et de la mémoire. L’usage des techniques d’identification biométrique par les militaires engagés sur des théâtres d’opérations extérieures présente aujourd’hui un caractère stratégique.
L’objectif n’est évidemment pas de permettre aux militaires français de recueillir les données biométriques, et notamment les données ADN, sur l’ensemble de la population civile d’une zone d’opérations.
Il ne s’agit pas non plus de transformer les militaires en agents d’unités de police technique et scientifique.
L’adoption de cet amendement doit en revanche permettre aux armées de constituer une base de données d’identification à partir des traces recueillies, notamment sur les personnes neutralisées ou capturées par la force, et, bien entendu, de procéder à une comparaison de ces traces avec d’autres bases de données nationales ou opérées par certains pays partenaires.
C’est essentiel en termes d’aide à la décision opérationnelle, de respect du droit international humanitaire avec l’identification des personnes neutralisées et l’information possible des autorités locales, voire des familles.
Cela est indispensable en termes de sécurité opérationnelle des militaires – recrutement d’un personnel local ou accès à une emprise militaire en OPEX –, mais aussi en termes d’efficacité de la réponse judiciaire.
Les autorités judiciaires locales, internationales – la CPI – et, surtout, nationales – le parquet et les juges d’instruction antiterroristes – pourraient demander la comparaison de traces figurant dans leur dossier judiciaire avec celles de personnes neutralisées ou capturées afin de clôturer ou de faire avancer leur dossier avec des demandes d’entraides internationales, voire d’extraditions ; je pense notamment au dossier des otages du Niger ou aux journalistes de RFI assassinés.
Or les bases légales existantes pour les prélèvements de données biométriques, en particulier génétiques, ne couvrent pas l’ensemble des cas que le ministère de la défense souhaiterait voir couvrir. Il en résulte un risque de condamnation devant la Cour européenne des droits de l’homme, la CEDH, voire un risque pénal pour les militaires français qui procéderaient à ces prélèvements.
C'est la raison pour laquelle le Gouvernement vous demande d’adopter ce dispositif, qui concourra à l’efficacité de nos armées, tout en s’inscrivant dans le respect du droit international.
M. le président. Le sous-amendement n° 274, présenté par M. Leconte, est ainsi libellé :
Amendement n° 256, alinéa 10
1° Deuxième phrase
Après les mots :
Conseil d'État
insérer les mots :
après autorisation de la Commission nationale de l'informatique et des libertés
2° Dernière phrase
Compléter cette phrase par les mots :
, et les conditions de conservation des données ainsi collectées
La parole est à M. Jean-Yves Leconte.
M. Jean-Yves Leconte. Monsieur le secrétaire d'État, je remercie de ces explications, qui justifient l’intérêt de cet amendement.
Je constate toutefois que, contrairement à vous, l’amendement lui-même ne dit rien sur la base de données et qu’il ne comporte pas de référence à la CNIL.
Or la situation est particulière puisqu’il s’agit de recueillir des données en OPEX. Il nous semble donc important que les conditions de collecte et de conservation des données puissent être étudiées et précisées en coopération avec la CNIL.
Si j’ai déposé ce sous-amendement, c’est pour tenir compte du fait que dans le cas de collectes de données hors de France, il n’est pas certain que la loi de 1978 s’applique. Je ne suis pas davantage persuadé que la CNIL soit nécessairement compétente sur le décret en Conseil d'État qui est évoqué dans l’amendement.
Ce sous-amendement prévoit que le décret en Conseil d'État soit pris après autorisation de la CNIL et qu'il devra déterminer les conditions de conservation des données collectées.
Ces deux précisions me semblent utiles pour mieux cadrer les choses s’agissant des conditions de conservation des données tout en affirmant que la CNIL est bien compétente pour des données collectées hors de France dans des conditions très spécifiques et pour des personnes qui ne sont pas nécessairement de nationalité française.
M. le président. Quel est l’avis de la commission ?
M. Michel Mercier, rapporteur. Les deux amendements, présentés par le Gouvernement, mais pour le compte du ministère de la défense, sont importants.
Je voudrais d’abord faire remarquer aux membres du Gouvernement que le Sénat a écarté la jurisprudence dite « Urvoas » établie à l’Assemblée nationale, laquelle consiste à ne pas étudier les amendements déposés tardivement.
Bien que ces amendements aient été déposés très tardivement, le président de la commission des lois a accepté de réunir la commission spécialement, ce matin, pour les étudier.
Je souhaite, monsieur le garde des sceaux, monsieur le secrétaire d'État, que vous fassiez part à M. le Premier ministre du fait que la majorité du Sénat est toujours prête à travailler pour armer la France ; nous ne nous dérobons jamais !
M. Jean-Pierre Sueur. Pas la majorité, le Sénat tout entier !
M. Michel Mercier, rapporteur. Oui, le Sénat tout entier ! Monsieur Sueur, vous avez bien remarqué que le Premier ministre avait attaqué non le Sénat mais sa majorité. Le Sénat tout entier, majorité et minorité, est toujours prêt à travailler lorsque le Gouvernement le lui demande pour un bon motif.
Je voudrais vous poser une question, monsieur le secrétaire d'État, et je vous remercie au passage d’être venu ce soir devant nous : la Direction générale de la sécurité extérieure, la DGSE est-elle concernée par cet amendement ?
M. Michel Mercier, rapporteur. Et pour les personnels non militaires ?
M. Jean-Marc Todeschini, secrétaire d'État. Ils ont un statut de réservistes et sont donc des « forces rattachées ».
M. Michel Mercier, rapporteur. Sur le fond, cet amendement ne soulève pas de difficulté. Nous en comprenons la nécessité et j’émets, au nom de la commission, un avis favorable. Par conséquent, l’avis est défavorable sur le sous-amendement.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement sur le sous-amendement n° 274 ?
M. Jean-Marc Todeschini, secrétaire d'État. Monsieur Leconte, vous proposez de conditionner à une autorisation de la CNIL le contenu du décret en Conseil d’État, qui a pour objet de lister les enquêtes administratives préalables à un recrutement local en opérations extérieures ou à l’accès à une zone protégée.
En outre, vous proposez que ce décret fixe également les modalités de conservation des données recueillies.
Les attributions de la CNIL sont fixées par la loi Informatique et libertés du 6 janvier 1978. Il n’appartient pas la CNIL d’autoriser ou même d’émettre un avis sur les enquêtes administratives auxquelles peuvent procéder les forces armées pour recruter des personnels locaux ou autoriser l’accès à des emprises de la défense à l’étranger. En revanche, l’avis de cette autorité administrative indépendante sera bien recueilli lors de l’élaboration du texte qui autorisera le traitement destiné à recueillir les données. C’est également à ce stade que sera traitée la question de leur conservation.
En définitive, l’application de la loi Informatique et libertés offre les garanties suffisantes pour répondre aux préoccupations qui sous-tendent votre demande. Aussi, je sollicite le retrait de ce sous-amendement.
M. le président. Monsieur Leconte, le sous-amendement n° 274 est-il maintenu ?
M. Jean-Yves Leconte. Ayant obtenu la réponse que je souhaitais, je le retire, monsieur le président.
M. le président. Le sous-amendement n° 274 est retiré.
La parole est à Mme Nathalie Goulet, pour explication de vote sur l’amendement n° 256.
Mme Nathalie Goulet. La commission des affaires étrangères et de la défense, qui s’est saisie pour avis de certains articles de ce texte, n’a pas examiné cet amendement, ce qui est dommage, car il pose plusieurs questions.
Les personnes décédées lors d’actions de combat ne sont pas forcément des militaires français – notre collègue M. Leconte vient de le dire. Cet article peut aller bien au-delà. Il y a aujourd'hui sur des terrains extérieurs d’opérations des Français que l’on a beaucoup de mal à identifier.
Je comprends bien l’intérêt de la disposition et vais suivre l’avis de M. le rapporteur. Je pense néanmoins que cet amendement méritera d’être retravaillé pendant la courte navette. Il pose en effet un certain nombre de difficultés, notamment quant à la qualité des personnes décédées surtout lors d’actions de combat au cours desquelles il peut y avoir, singulièrement en ce moment, des zones grises qui prêtent à discussion.
M. le président. La parole est à M. Joël Guerriau, pour explication de vote.
M. Joël Guerriau. Je vais rejoindre les propos de ma collègue Nathalie Goulet. Comme elle, j’ai réagi en pensant que ce sujet aurait mérité de laisser à la commission des affaires étrangères et de la défense le temps d’y travailler.
J’ai toutefois le sentiment que cette proposition va dans le bon sens. Elle me paraît tout à fait nécessaire dans le climat actuel : nous sommes en guerre contre le terrorisme et cet amendement mérite forcément notre soutien. Il sera de nature à renforcer l’accès à des informations essentielles que nous devons obtenir sur des cas qui posent nettement problème à la sécurité nationale.
M. le président. La parole est à M. le secrétaire d'État.
M. Jean-Marc Todeschini, secrétaire d'État. Je voudrais répondre à Mme Goulet et à M. le rapporteur. Je tiens à remercier la commission des lois d’avoir examiné les amendements, même tardifs, du Gouvernement.
Qu’il me soit permis de préciser que le ministère de la défense pensait disposer d’un autre véhicule législatif pour déposer ces amendements. Cette perspective semble maintenant s’éloigner.
M. Michel Mercier, rapporteur. C’est toujours le problème avec les véhicules ! (Sourires.)
M. Jean-Marc Todeschini, secrétaire d'État. C’est pourquoi nous avons préféré déposer ces amendements aujourd'hui. (M. Pierre-Yves Collombat s’exclame.)
M. le président. En conséquence, un article additionnel ainsi rédigé est inséré dans le projet de loi, après l'article 32 ter.
L'amendement n° 255 rectifié, présenté par le Gouvernement, est ainsi libellé :
Après l’article 32 ter
Insérer un article additionnel ainsi rédigé :
I. – La section 2 du chapitre III du titre II du livre Ier de la partie 4 du code de la défense est complétée par un article L. 4123-9-1 ainsi rédigé :
« Art. L. 4123-9-1 – I. – Sont mis en œuvre après autorisation de la Commission nationale de l’informatique et des libertés et dans les conditions prévues à l’article 25 de la loi n° 78-17 du 6 janvier 1978 modifiée relative à l’informatique, aux fichiers et aux libertés, sauf lorsqu’ils le sont par une association à but non lucratif ou pour le compte de l’État, les traitements automatisés ou non dont la finalité est fondée sur la qualité de militaires des personnes qui y figurent.
« L’autorisation ne peut être délivrée si le comportement ou les agissements de la personne responsable du traitement sont de nature à porter atteinte à la sécurité des personnes, à la sécurité publique ou à la sûreté de l'État.
« À cet effet, la Commission nationale de l'informatique et des libertés peut préalablement à son autorisation recueillir l'avis du ministre compétent. Cet avis est rendu à la suite d'une enquête administrative qui peut donner lieu à la consultation, selon les règles propres à chacun d'eux, de certains traitements automatisés de données à caractère personnel relevant de l'article 26 de la loi du 6 janvier 1978 précitée.
« La Commission nationale de l’informatique et des libertés informe le ministre compétent des autorisations délivrées sur le fondement du premier alinéa du présent I.
« Les traitements automatisés dont la finalité est fondée sur la qualité de militaires des personnes qui y figurent et qui sont mis en œuvre par une association à but non lucratif font l’objet d’une déclaration auprès de la Commission nationale de l'informatique et des libertés qui en informe le ministre compétent.
« II. – La personne responsable des traitements mentionnés au I ne peut autoriser l’accès aux données contenues dans ces traitements qu’aux personnes pour lesquelles l'autorité administrative compétente, consultée aux mêmes fins que celles prévues au deuxième alinéa du I, a donné un avis favorable.
« III. – Les traitements mentionnés au I sont exclus du champ d’application de l’article 31 de la loi du 6 janvier 1978.
« IV. – Des arrêtés des ministres compétents, pris après avis de la Commission nationale de l’informatique et des libertés, peuvent fixer les prescriptions techniques auxquelles doivent se conformer les traitements mentionnés au I pour préserver la sécurité des données.
« Le contrôle du respect de ces prescriptions techniques est assuré par le ministre compétent, en complément de celui prévu par la loi du 6 janvier 1978.
« V. – En cas de divulgation ou d’accès non autorisé à des données des traitements mentionnés au I, le responsable du traitement avertit sans délai la Commission nationale de l’informatique et des libertés qui en informe le ministre compétent. Après accord du ministère compétent, le responsable du traitement avertit les personnes concernées.
« VI. – Les obligations prévues au II et le contrôle prévu au deuxième alinéa du IV ne sont pas applicables aux traitements mis en œuvre par les associations visées au 3° du II de l’article 8 de la loi du 6 janvier 1978.
« VII. – Un décret en Conseil d’État, pris après avis de la Commission nationale de l’informatique et des libertés, détermine les modalités d’application du présent article, notamment la désignation des ministres compétents, la liste des fichiers mentionnés au paragraphe II pouvant faire l’objet d’une consultation et les garanties d’information ouvertes aux personnes concernées ainsi que les modalités et conditions du contrôle prévu au IV. »
II. – Le code pénal est ainsi modifié :
1° L’article 226-16 est complété par un alinéa ainsi rédigé :
« Est puni des mêmes peines le fait de permettre l’accès aux données contenues dans un traitement mentionné à l’article L. 4123-9-1 du code de la défense sans avoir recueilli l’avis favorable mentionné au II de cet article. » ;
2° L’article 226-17-1 est complété par un alinéa ainsi rédigé :
« Est puni des mêmes peines le fait pour un responsable de traitement de ne pas procéder à la notification à la Commission nationale de l’informatique et des libertés d’une divulgation ou d’un accès non autorisé de données à un traitement mentionné à l’article L. 4123-9-1 du code de la défense. »
III. – Les traitements entrant dans le champ des premier et quatrième alinéas du I de l’article L. 4123-9-1 du code de la défense doivent faire l’objet respectivement d’une autorisation ou d’une déclaration dans le délai d’un an courant à compter de l’entrée en vigueur de la présente loi.
À l’issue de ce délai toute mise en œuvre d’un tel traitement sans qu’ait été accomplie la formalité préalable est punie de cinq ans d’emprisonnement et de 300 000 euros d’amende.
IV. – À la demande des intéressés, les responsables des traitements qui ne relèvent pas du I de l’article L. 4123-9-1 du code de la défense mais dans lesquels figurent des militaires sont tenus de procéder à la suppression de la mention de leur qualité ou à la substitution à la qualité de militaires de la seule qualité d’agent public.
Le refus de procéder à une telle modification est puni de cinq ans d’emprisonnement et de 300 000 euros d’amende.
La parole est à M. le secrétaire d'État.
M. Jean-Marc Todeschini, secrétaire d'État. Nous avons préféré rectifier cet amendement pour tenir compte des remarques de la commission et de son rapporteur.
La volonté des organisations terroristes d’accéder aux « fichiers traitement » – pour reprendre la terminologie de la CNIL – recensant des militaires est avérée et constitue une menace très grave pour la sécurité des personnels et de leurs familles.
Cette prise de conscience résulte de différents événements observés depuis le début de l’année 2015. Vous n’ignorez pas les nombreuses cyberattaques contre des intérêts français au nom des revendications djihadistes, avec une stratégie de recherche et de publication de données personnelles relatives aux agents du ministère de la défense.
De même, paraissent des publications sur des forums djihadistes de l’adresse familiale des militaires d’autres pays avec des appels aux meurtres.
Le ministère de la défense souhaite donc que la protection de tels traitements soit renforcée par une identification de ces fichiers. Il s’agit des traitements pour lesquels la qualité de militaires des personnes recensées est consubstantielle à la réalisation de leur finalité.
Il ne s’agit évidemment pas d’imposer de nouvelles obligations aux responsables des traitements qui recenseraient des personnes ayant indiqué exercer la profession de militaire sans que cette qualité soit au fondement même du traitement.
Cette identification passerait par une autorisation de la CNIL pour les opérateurs économiques et une déclaration de leur traitement par les associations à but non lucratif.
De même, cette identification permettrait d’appliquer certaines règles spécifiques : criblage des personnes accédant aux données, absence de publicité donnée à l’existence de ces traitements, prescriptions techniques particulières pour assurer la sécurité de ces données.
Tout cela s’accompagnerait en parallèle d’une politique de responsabilisation des militaires contre la diffusion sans discernement de leurs données personnelles, qui est mise en œuvre et qui sera développée.
Il était envisagé que le ministère de la défense, soucieux de la sécurité de ses personnels et de leurs familles, assiste la CNIL en procédant à une enquête administrative préalable, ce qui aurait permis à la commission de donner son autorisation dans les meilleures conditions possibles.
Cette proposition ayant été lue comme une mesure de cogestion – ce qui n’entrait nullement dans les intentions du ministère de la défense –, le Gouvernement a rectifié son amendement pour clarifier l’intervention du ministère compétent en retirant l’avis préalable à l’autorisation donnée par la CNIL.
C’est pourquoi le Gouvernement vous demande d’adopter ce dispositif, qui concourra à l’efficacité de nos armées, tout en s’inscrivant dans le respect du droit relatif à l’informatique et aux libertés.
M. le président. Quel est l’avis de la commission ?
M. Michel Mercier, rapporteur. Je remercie M. le secrétaire d'État d’avoir accepté d’améliorer la rédaction de l’amendement qui nous avait été remis ce matin. Je reconnais qu’un effort a été fait pour clarifier les rôles respectifs du ministère de la défense et de la CNIL.
Il subsiste un point qui me gêne. Il concerne le mot « finalité ». En effet, vous mentionnez : « les traitements automatisés […] dont la finalité est fondée sur la qualité de militaires des personnes qui y figurent. »
Il est un peu tard pour modifier la rédaction mais je pense qu’il faudrait trouver une autre formulation. Je comprends ce que vous voulez dire : il s’agit de traitements automatisés dans lesquels on peut trouver des listes de militaires. (M. le secrétaire d'État fait un signe d’approbation.)
Il ne s’agit donc pas à proprement parler de finalité de l’action. Ce que vous visez, c’est la finalité du système de traitements automatisés. Les débats préciseront les choses.
Qu’il soit bien entendu que je fais tous les efforts possibles et imaginables pour accepter les amendements du Gouvernement qui, pour parler en toute franchise, sont au droit ce que la musique militaire est à la musique classique ! (Sourires.) Nous allons essayer de faire avec.
J’ai bien compris qu’il y avait un vrai danger pour les militaires à ne pas protéger ces traitements. Il me paraît normal que l’État prenne des précautions en vue de protéger les militaires d’attaques venant d’individus terroristes qui parviendraient à pénétrer ces traitements et à y trouver des listes de militaires.
Bien que ce texte soit loin d’être parfait, je recommande au Sénat de l’adopter. Nous avons le sens de l’État et il s’agit d’une mesure importante de protection de nos armées !
M. le président. La parole est à M. Alain Richard, pour explication de vote.
M. Alain Richard. Je me permettrai tout d’abord de compléter la citation faite par M. le rapporteur. Selon Clemenceau, son auteur, la justice militaire était à la justice ce que la musique militaire était à la musique.
M. Gérard Longuet. Exactement !
M. Alain Richard. Le code de justice militaire, en revanche, est quand même assez bien écrit.
Plus sérieusement, je crois que la nouvelle rédaction qui nous est proposée, assez rapidement, par le Gouvernement résout l’un des sérieux problèmes que posait la première version.
Simplement, monsieur le secrétaire d’État, pour être sûr que nous nous comprenions bien, j’aimerais que vous me confirmiez que les mesures spécifiques prévues dans cet amendement n° 255 rectifié ne seront applicables qu’aux fichiers ou aux traitements organisés par des associations ne faisant appel qu’à des militaires.
Selon votre nouvelle version, il s’agit des « traitements automatisés […] dont la finalité est fondée sur la qualité de militaire des personnes qui y figurent » et qui sont mis en œuvre par une association. Cela signifie donc que les fichiers d’entreprises, les fichiers commerciaux gérés par des tiers pour une offre de marché et qui incluent des personnes dont la qualité de militaire est mentionnée ne seraient pas affectés par ce dispositif.
Je voudrais simplement vous faire observer, monsieur le secrétaire d’État, que si cette rédaction est juridiquement beaucoup plus cohérente, cela signifie néanmoins que d’autres fichiers où des militaires apparaissent spécifiquement ne pourront pas être couverts par ce dispositif. Selon moi, en effet, cela irait trop loin d’un point de vue juridique.
Vous visez donc à mon sens à la fois plus étroit et plus juste, ce qui nous conduit pour notre part à considérer nous aussi que cette fois le dispositif convient.
Toutefois, comme vous le disiez d’ailleurs vous-même dans votre intervention, il restera des risques. Dès lors, le ministère de la défense aura également un rôle à jouer pour faire observer à des détenteurs ou organisateurs de fichiers relevant, si je puis dire, du droit commun de la CNIL qu’ils peuvent demander conseil au ministère de la défense afin de mieux protéger leurs fichiers.
M. le président. La parole est à M. le secrétaire d’État.
M. Jean-Marc Todeschini, secrétaire d'État. Vous avez bien évidemment raison, monsieur Alain Richard : il restera des trous dans la raquette. Néanmoins, ce texte concerne bien les offres commerciales développées spécifiquement pour les militaires, telles que des assurances, des mutuelles ou des entreprises de déménagement.
M. Alain Richard. Vous avez inscrit la condition que ce soit associatif !
M. Jean-Marc Todeschini, secrétaire d'État. Certes, monsieur le sénateur, mais il s’agit bien de mutuelles ou d’assurances qui sont purement militaires.
M. le président. En conséquence, un article additionnel ainsi rédigé est inséré dans le projet de loi, après l’article 32 ter.
Chapitre II
Habilitation à légiférer par ordonnances
Article 33
I. – Dans les conditions prévues à l’article 38 de la Constitution, le Gouvernement est autorisé à prendre par ordonnances toute mesure relevant du domaine de la loi afin de :
1° (Supprimé)
2° (Supprimé)
3° (Supprimé)
4° (Supprimé)
5° (Supprimé)
6° (Supprimé)
7° (Supprimé)
8° (Supprimé)
8° bis (Supprimé)
9° (Supprimé)
10° Rendre applicables en Nouvelle-Calédonie, en Polynésie française, dans les îles Wallis et Futuna, à Saint-Barthélemy et à Saint-Pierre-et-Miquelon, avec les adaptations nécessaires, les dispositions du règlement (UE) 2015/847 du Parlement européen et du Conseil du 20 mai 2015 sur les informations accompagnant les transferts de fonds et abrogeant le règlement (CE) n° 1781/2006).
II. – (Supprimé)
III. – Les ordonnances prévues au I sont prises dans un délai de six mois à compter de la promulgation de la présente loi.
IV (Non modifié). – Un projet de loi de ratification est déposé devant le Parlement dans un délai de quatre mois à compter de la publication de chaque ordonnance.
M. le président. L’amendement n° 220, présenté par le Gouvernement, est ainsi libellé :
Alinéas 2 à 12
Remplacer ces alinéas par onze alinéas ainsi rédigés :
1° Transposer la directive (UE) 2015/849 du Parlement européen et du Conseil du 20 mai 2015 relative à la prévention de l’utilisation du système financier aux fins du blanchiment de capitaux ou du financement du terrorisme, modifiant le règlement (UE) n° 648/2012 du Parlement européen et du Conseil et abrogeant la directive 2005/60/CE du Parlement européen et du Conseil et la directive 2006/70/CE de la Commission et adopter toute mesure de coordination et d’adaptation rendue nécessaire ainsi que, le cas échéant, des dispositions plus strictes que celles nécessitées par la transposition de la directive, en vue de rendre plus efficace la législation relative à la lutte contre le blanchiment de capitaux et le financement du terrorisme ;
2° Définir les modalités d'assujettissement aux mesures de prévention du blanchiment de capitaux et du financement du terrorisme, de contrôle et de sanction de certaines professions et catégories d'entreprises autres que les entités mentionnées à l’article 2 de la directive (UE) 2015/849 du Parlement européen et du Conseil du 20 mai 2015 précitée ;
3° Mettre la loi en conformité avec le règlement (UE) 2015/847 du Parlement européen et du Conseil du 20 mai 2015 sur les informations accompagnant les transferts de fonds et abrogeant le règlement (CE) n° 1781/2006 et adopter toute mesure de coordination et d'adaptation rendue nécessaire ;
4° Modifier les règles relatives à l'organisation et au fonctionnement de la commission mentionnée à l’article L. 561-38 du code monétaire et financier, en vue notamment de renforcer les garanties offertes aux personnes mises en cause et d'adapter la procédure applicable devant la commission ;
5° Modifier les règles figurant aux chapitres Ier et II du titre VI du livre V et au chapitre IV du titre Ier du livre VII du code monétaire et financier, en vue notamment d'étendre le champ des avoirs susceptibles d'être gelés et la définition des personnes assujetties au respect des mesures de gel et d'interdiction de mise à disposition des fonds, d'étendre le champ des échanges d'informations nécessaires à la préparation et à la mise en œuvre des mesures de gel et de préciser les modalités de déblocage des avoirs gelés ;
6° Garantir la confidentialité des informations reçues et détenues par le service mentionné à l'article L. 561-23 du code monétaire et financier et élargir les possibilités pour ce service de recevoir et de communiquer des informations ;
7° Apporter les corrections formelles et les adaptations nécessaires à la simplification, à la cohérence et à l’intelligibilité du titre VI du livre V du code monétaire et financier ;
8° Rendre applicables dans les îles Wallis et Futuna et, le cas échéant, en Nouvelle-Calédonie et en Polynésie française, avec les adaptations nécessaires, les articles du code monétaire et financier et, le cas échéant, d'autres dispositions législatives dans leur rédaction résultant des ordonnances prises en application des 1° à 7° ;
9° Procéder aux adaptations nécessaires à l'application à Saint-Barthélemy, Saint-Martin, Saint-Pierre-et-Miquelon et Mayotte des dispositions législatives résultant des ordonnances prises en application des 1° à 7° ;
10° Rendre applicables dans les îles Wallis et Futuna, avec les adaptations nécessaires, le cas échéant, les articles du code monétaire et financier et d'autres dispositions législatives relatives au gel des avoirs, à la lutte contre le blanchiment et à la lutte contre le financement du terrorisme, dans leur rédaction en vigueur à la date de publication de cette ordonnance ;
11° Rendre applicables en Nouvelle-Calédonie, en Polynésie française, dans les îles Wallis et Futuna, à Saint-Barthélemy et à Saint-Pierre-et-Miquelon, avec les adaptations nécessaires, le règlement (UE) 2015/847 du Parlement européen et du Conseil du 20 mai 2015 précité et les dispositions nécessaires à la coordination et à l'adaptation de la législation prises en application du 3°.
La parole est à M. le garde des sceaux.
M. Jean-Jacques Urvoas, garde des sceaux. Cet amendement représente une exception à la règle que j’évoquais tout à l’heure. En effet, le Gouvernement souhaite obtenir une habilitation pour une ordonnance de transposition de la directive (UE) 2015/849.
Votre commission des lois a supprimé cette habilitation. Or la Commission européenne souhaite que nous puissions transposer cette directive d’ici à la fin de l’année 2016. Je crains qu’en l’absence de cette habilitation nous ne risquions de ne pas être prêts à cette échéance. Voilà pourquoi nous souhaitons voir l’habilitation figurer à nouveau dans ce texte.
M. le président. Quel est l’avis de la commission ?
M. Michel Mercier, rapporteur. Je dois vous avouer, monsieur le garde des sceaux, que la commission va cette fois-ci appliquer la jurisprudence Urvoas (Sourires.) et émettre un avis défavorable sur cet amendement.
Je suis en effet persuadé que nous avons le temps de procéder à cette transposition. Le groupe centriste a peu de chose, monsieur le garde des sceaux, et je vous ai offert tout à l’heure notre niche parlementaire pour que la réforme de l’instruction figure à l’ordre du jour du Sénat. S’il faut faire encore d’autres efforts, nous les ferons. Cela pourrait inciter le groupe socialiste et républicain à faire de même…
M. le président. L’amendement n° 218, présenté par le Gouvernement, est ainsi libellé :
Alinéas 13 et 14
Rédiger ainsi ces alinéas :
II. – Le Gouvernement est également autorisé, dans les conditions prévues à l’article 38 de la Constitution, à adopter par ordonnances les mesures relevant du domaine de la loi nécessaires pour transposer la directive 2014/41/UE du Parlement européen et du Conseil du 3 avril 2014 concernant la décision d’enquête européenne en matière pénale.
III. – Les ordonnances prévues au I sont prises dans un délai de six mois à compter de la promulgation de la présente loi. L’ordonnance prévue au II est prise dans un délai de dix mois à compter de la même date.
La parole est à M. le garde des sceaux.
M. Jean-Jacques Urvoas, garde des sceaux. Cet amendement a un objet parfaitement similaire au précédent. Seulement, sur celui-là, je me faisais le porte-parole de mes collègues ministres de l’économie et des finances, tandis que je demande ici une habilitation pour mon propre compte en tant que ministre de la justice.
M. le président. Quel est l’avis de la commission ?
M. Michel Mercier, rapporteur. J’admire M. le garde des sceaux, qui aime se faire mal pour rien. (Sourires.) Comme sur l’amendement précédent, l’avis est défavorable.
M. le président. Je mets aux voix l’article 33.
(L’article 33 est adopté.)
Chapitre III
Dispositions relatives aux outre-mer
Article 34
I. – Les II et III de l’article 9, l’article 10, les articles 14 bis à 15 bis, les 1°, 3° et 4° du I de l’article 16 bis, le II de l’article 27 ter, les II, III et V de l’article 27 quater, le II de l’article 31 nonies sont applicables aux îles Wallis et Futuna, en Polynésie française et en Nouvelle-Calédonie.
Les articles 14, 16, 18 bis et 18 ter sont applicables dans les îles Wallis et Futuna.
Les articles 18 bis et 18 ter sont applicables en Polynésie française.
Le II de l’article 31 duodecies est applicable à Saint-Barthélemy et à Saint-Martin.
I bis (nouveau). – Le titre Ier du livre VII du code pénal est ainsi modifié :
1° Dans l’intitulé, le mot : « territoires » est remplacé par le mot : « collectivités » ;
2° L’article 711–1 est ainsi modifié :
a) Les mots : « , à l’exclusion de l’article 132-70-1 » sont supprimés ;
b) Après les mots : « sont applicables », sont insérés les mots : « , dans leur rédaction résultant de la loi n° … du … renforçant la lutte contre le crime organisé, le terrorisme et leur financement, et améliorant l’efficacité et les garanties de la procédure pénale, » ;
c) Les mots : « territoires de la » sont remplacés par le mot : « en » ;
d) La seconde occurrence du mot : « des » est remplacée par les mots : « dans les » ;
3° L’article L. 711–3 est ainsi modifié :
a) Les mots : « territoires de la » sont remplacés par le mot : « en » ;
b) Le mot : « des » est remplacé par les mots : « dans les » ;
4° L’article 711–4 est ainsi rédigé :
« Art. 711-4. – Pour l’application du présent code dans les collectivités d’outre-mer et en Nouvelle-Calédonie :
« 1° Les références au département sont remplacées par la référence à la collectivité ;
« 2° Les références au préfet et au sous-préfet sont remplacées par la référence au représentant de l’État dans la collectivité.
« En l’absence d’adaptation, les références faites, par des dispositions du présent code applicables dans les collectivités d’outre-mer et en Nouvelle-Calédonie, à des dispositions qui n’y sont pas applicables sont remplacées par les références aux dispositions ayant le même objet applicables localement.
« Pour l’application du présent code à Saint-Pierre-et-Miquelon, en Nouvelle-Calédonie, en Polynésie française et dans les îles Wallis et Futuna, les références au tribunal de grande instance sont remplacées par la référence au tribunal de première instance. »
I ter (nouveau). – Le titre Ier du livre VI du code de procédure pénale est ainsi modifié :
1° Au premier alinéa de l’article 804, après les mots : « est applicable », sont insérés les mots : « dans sa rédaction résultant de la loi n° … du … renforçant la lutte contre le crime organisé, le terrorisme et leur financement, et améliorant l’efficacité et les garanties de la procédure pénale, » ;
2° L’article 805 est ainsi rédigé :
« Art. 805. – Pour l’application du présent code dans les collectivités d’outre-mer et en Nouvelle-Calédonie :
« 1° Les références au département sont remplacées par la référence à la collectivité ;
« 2° Les références au préfet et au sous-préfet sont remplacées par la référence au représentant de l’État dans la collectivité.
« En l’absence d’adaptation, les références faites, par des dispositions du présent code applicables dans les collectivités d’outre-mer et en Nouvelle-Calédonie, à des dispositions qui n’y sont pas applicables sont remplacées par les références aux dispositions ayant le même objet applicables localement.
« Pour l’application du présent code à Saint-Pierre-et-Miquelon, en Nouvelle-Calédonie, en Polynésie française et dans les îles Wallis et Futuna :
« 1° Les références au tribunal de grande instance et au tribunal d’instance sont remplacées par la référence au tribunal de première instance ou, le cas échéant, à la section détachée du tribunal de première instance ;
« 2° Les références au pôle de l’instruction et au collège de l’instruction sont remplacées par la référence au juge d’instruction ;
3° À l’article 806, les mots : « Dans les territoires d’outre-mer et en Nouvelle-Calédonie » sont remplacés par les mots : « En Nouvelle-Calédonie, en Polynésie française et dans les îles Wallis et Futuna ».
II. – Le code de la sécurité intérieure est ainsi modifié :
1° A (nouveau) Au premier alinéa des articles L. 155-1, L. 285-1, L. 645-1 et L. 765-1, après les mots : « Polynésie française », sont insérés les mots : « , dans leur rédaction à la date d’entrée en vigueur de la loi n° … du … renforçant la lutte contre le crime organisé, le terrorisme et leur financement, et améliorant l’efficacité et les garanties de la procédure pénale, » ;
1° B (nouveau) Au premier alinéa des articles L. 156-1, L. 286-1, L. 646-1 et L. 766-1, après les mots : « Nouvelle-Calédonie », sont insérés les mots : « , dans leur rédaction à la date d’entrée en vigueur de la loi n° … du … renforçant la lutte contre le crime organisé, le terrorisme et leur financement, et améliorant l’efficacité et les garanties de la procédure pénale » ;
1° C (nouveau) Au premier alinéa des articles L. 157-1, L. 287-1, L. 647-1 et L. 767-1, après les mots : « Wallis et Futuna », sont insérés les mots : « , dans leur rédaction à la date d’entrée en vigueur de la loi n° … du … renforçant la lutte contre le crime organisé, le terrorisme et leur financement, et améliorant l’efficacité et les garanties de la procédure pénale » ;
1° D (nouveau) Au premier alinéa des articles L. 158-1, L. 288-1, L. 648-1 et L. 768-1, après les mots : « Terres australes et antarctiques françaises », sont insérés les mots : « , dans leur rédaction à la date d’entrée en vigueur de la loi n° … du … renforçant la lutte contre le crime organisé, le terrorisme et leur financement, et améliorant l’efficacité et les garanties de la procédure pénale » ;
1° (Supprimé)
1° bis (Supprimé)
2° À la fin du 2° des articles L. 285-1, L. 286-1, L. 287-1 et L. 288-1, la référence : « et L. 224-1 » est remplacée par les références : « , L. 224-1 et L. 225-1 à L. 225-6 » ;
3° Le 4° des articles L. 285-1, L. 286-1 et L. 287-1 est ainsi rédigé :
« 4° Le titre IV.
3° bis (nouveau) Le premier alinéa de l’article L. 344-1 est ainsi rédigé :
« Sont applicables en Polynésie française, dans leur rédaction à la date d’entrée en vigueur de la loi n° … du … renforçant la lutte contre le crime organisé, le terrorisme et leur financement, et améliorant l’efficacité et les garanties de la procédure pénale, les dispositions suivantes » ;
3° ter (nouveau) Le premier alinéa de l’article L. 345-1 est ainsi rédigé :
« Sont applicables en Nouvelle-Calédonie, dans leur rédaction à la date d’entrée en vigueur de la loi n° … du … renforçant la lutte contre le crime organisé, le terrorisme et leur financement, et améliorant l’efficacité et les garanties de la procédure pénale, les dispositions suivantes » ;
3° quater (nouveau) Le premier alinéa de l’article L. 346-1 est ainsi rédigé :
« Sont applicables à Wallis et Futuna, dans leur rédaction à la date d’entrée en vigueur de la loi n° … du … renforçant la lutte contre le crime organisé, le terrorisme et leur financement, et améliorant l’efficacité et les garanties de la procédure pénale, les dispositions suivantes » ;
3° quinquies (nouveau) Le premier alinéa de l’article L. 347-1 est ainsi rédigé :
« Sont applicables dans les Terres australes et antarctiques françaises, dans leur rédaction à la date d’entrée en vigueur de la loi n° … du … renforçant la lutte contre le crime organisé, le terrorisme et leur financement, et améliorant l’efficacité et les garanties de la procédure pénale, les dispositions suivantes » ;
3° sexies (nouveau) Le premier alinéa de l’article L. 445-1 est ainsi rédigé :
« Sont applicables en Polynésie française, dans leur rédaction à la date d’entrée en vigueur de la loi n° … du … renforçant la lutte contre le crime organisé, le terrorisme et leur financement, et améliorant l’efficacité et les garanties de la procédure pénale, les dispositions suivantes, sous réserve des adaptations suivantes : » ;
3° septies (nouveau) Le premier alinéa de l’article L. 446-1 est ainsi rédigé :
« Sont applicables en Nouvelle-Calédonie, dans leur rédaction à la date d’entrée en vigueur de la loi n° … du … renforçant la lutte contre le crime organisé, le terrorisme et leur financement, et améliorant l’efficacité et les garanties de la procédure pénale, les dispositions suivantes, sous réserve des adaptations suivantes : » ;
3° octies (nouveau) Le premier alinéa de l’article L. 447-1 est ainsi rédigé :
« Sont applicables à Wallis et Futuna, dans leur rédaction à la date d’entrée en vigueur de la loi n° … du … renforçant la lutte contre le crime organisé, le terrorisme et leur financement, et améliorant l’efficacité et les garanties de la procédure pénale, les dispositions suivantes, sous réserve des adaptations suivantes : » ;
3° nonies (nouveau) Le premier alinéa de l’article L. 448-1 est ainsi rédigé :
« Sont applicables dans les Terres australes et antarctiques françaises, dans leur rédaction à la date d’entrée en vigueur de la loi n° … du … renforçant la lutte contre le crime organisé, le terrorisme et leur financement, et améliorant l’efficacité et les garanties de la procédure pénale, les dispositions suivantes, sous réserve des adaptations suivantes : » ;
3° decies (nouveau) Au premier alinéa l’article L. 545-1, après les mots :
« Polynésie française », sont insérés les mots : « , dans leur rédaction à la date d’entrée en vigueur de la loi n° … du … renforçant la lutte contre le crime organisé, le terrorisme et leur financement, et améliorant l’efficacité et les garanties de la procédure pénale » ;
3° undecies (nouveau) Au premier alinéa l’article L. 546-1, après les mots :
« Nouvelle-Calédonie », la fin de l’alinéa est ainsi rédigée : « , dans leur rédaction à la date d’entrée en vigueur de la loi n° … du … renforçant la lutte contre le crime organisé, le terrorisme et leur financement, et améliorant l’efficacité et les garanties de la procédure pénale, sous réserve des adaptations suivantes : » ;
3° duodecies (nouveau) Au premier alinéa des articles L. 895–1, L. 896–1, L. 897–1 et L. 898–1, les mots : « résultant de la loi n° 2015-912 du 24 juillet 2015 relative au renseignement » sont remplacés par les mots : « à la date d’entrée en vigueur de la loi n° … du … renforçant la lutte contre le crime organisé, le terrorisme et leur financement, et améliorant l’efficacité et les garanties de la procédure pénale » ;
4° (Supprimé)
5° (Supprimé)
6° (Supprimé)
7° (Supprimé)
III (Non modifié). – Le code de la défense est ainsi modifié :
1° À la fin des articles L. 1641-1, L. 1651-1, L. 1661-1 et L. 1671-1, la référence : « L. 1521-10 » est remplacée par les mots : « , L. 1521-1 à L. 1521-18, dans leur rédaction résultant de la loi n° … du … renforçant la lutte contre le crime organisé, le terrorisme et leur financement, et améliorant l’efficacité et les garanties de la procédure pénale » ;
2° Les articles L. 2441-1, L. 2451-1, L. 2461-1 et L. 2471-1 sont complétés par un alinéa ainsi rédigé :
« L’article L. 2339-10 est applicable dans sa rédaction résultant de la loi n° … du … renforçant la lutte contre le crime organisé, le terrorisme et leur financement, et améliorant l’efficacité et les garanties de la procédure pénale. » ;
3° Les articles L. 4341-1, L. 4351-1, L. 4361-1 et L. 4371-1 sont ainsi modifiés :
a) Au premier alinéa, après le mot : « applicables », sont insérés les mots : « , dans leur rédaction résultant de la loi n° … du … renforçant la lutte contre le crime organisé, le terrorisme et leur financement, et améliorant l’efficacité et les garanties de la procédure pénale, » ;
b) Le second alinéa est supprimé.
IV (Non modifié). – Aux articles L. 743-7-2, L. 753-7-2 et L. 763-7-2 du code monétaire et financier, après la référence : « livre III », sont insérés les mots : « , dans sa rédaction résultant de la loi n° … du … renforçant la lutte contre le crime organisé, le terrorisme et leur financement, et améliorant l’efficacité et les garanties de la procédure pénale, ».
M. le président. L’amendement n° 273, présenté par M. M. Mercier, au nom de la commission des lois, est ainsi libellé :
I. – Alinéa 8
Rédiger ainsi cet alinéa :
a) Les mots : « le livre Ier, à l’exclusion de l’article 132-70-1, et les livres II à V » sont remplacés par les mots : « les livres Ier à V » ;
II. – Alinéas 48 et 56
Supprimer les mots :
Le premier alinéa de
III. – Alinéa 68
Supprimer les mots :
, L. 1521-1 à
La parole est à M. le rapporteur.
M. Michel Mercier, rapporteur. Il s’agit d’un amendement rédactionnel.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. Jean-Jacques Urvoas, garde des sceaux. Le Gouvernement est quant à lui très bien disposé vis-à-vis des amendements de M. le rapporteur. Il émet donc un avis favorable sur cet amendement, afin de montrer à M. le rapporteur que le Gouvernement sait se montrer compréhensif. (Sourires.)
M. Philippe Dallier. Ça ne mange pas beaucoup de pain !
M. le président. Je mets aux voix l’article 34, modifié.
(L'article 34 est adopté.)
Article 35
(Non modifié)
L’article 926-1 du code de procédure pénale est abrogé. – (Adopté.)
M. le président. Nous en avons terminé avec la discussion des articles du projet de loi.
Je vous rappelle que les explications de vote sur l’ensemble se dérouleront mardi 5 avril, à quinze heures quinze.
Le vote par scrutin public solennel aura lieu le même jour, de seize heures à seize heures trente, en salle des Conférences.
Mes chers collègues, la suite de la discussion est renvoyée à la prochaine séance.
7
Ordre du jour
M. le président. Voici quel sera l’ordre du jour de la prochaine séance publique, précédemment fixée au mardi 5 avril 2016 :
À quinze heures quinze : explications de vote des groupes sur le projet de loi, adopté par l’Assemblée nationale après engagement de la procédure accélérée, renforçant la lutte contre le crime organisé, le terrorisme et leur financement, et améliorant l’efficacité et les garanties de la procédure pénale.
De seize heures à seize heures trente : vote solennel par scrutin public sur l’ensemble du projet de loi, adopté par l’Assemblée nationale après engagement de la procédure accélérée, renforçant la lutte contre le crime organisé, le terrorisme et leur financement, et améliorant l’efficacité et les garanties de la procédure pénale. Ce scrutin sera organisé en salle des Conférences, avec la possibilité d’une seule délégation de vote par sénateur.
À seize heures trente : proclamation du résultat du scrutin public solennel sur le projet de loi, adopté par l’Assemblée nationale après engagement de la procédure accélérée, renforçant la lutte contre le crime organisé, le terrorisme et leur financement, et améliorant l’efficacité et les garanties de la procédure pénale.
À seize heures quarante-cinq : questions d’actualité au Gouvernement.
À dix-sept heures quarante-cinq :
Proposition de loi, adoptée par l’Assemblée nationale, renforçant le dialogue avec les supporters et la lutte contre le hooliganisme (n° 373, 2015-2016) ;
Rapport de Mme Catherine Troendlé, fait au nom de la commission des lois (n° 514, 2015-2016) ;
Texte de la commission (n° 515, 2015-2016).
Avis de M. Jean-Jacques Lozach, fait au nom de la commission de la culture, de l'éducation et de la communication (n° 509, 2015-2016).
Le soir :
Suite éventuelle de la proposition de loi, adoptée par l’Assemblée nationale, renforçant le dialogue avec les supporters et la lutte contre le hooliganisme (n° 373, 2015-2016).
Conclusions de la commission mixte paritaire sur le projet de loi relatif à la déontologie et aux droits et obligations des fonctionnaires ;
Rapport de M. Alain Vasselle, fait au nom de la commission mixte paritaire (n° 506, 2015-2016) ;
Texte de la commission (n° 507, 2015-2016).
Conclusions de la commission mixte paritaire sur le projet de loi relatif à l’information de l’administration par l’autorité judiciaire et à la protection des mineurs ;
Rapport de M. François Zocchetto, fait au nom de la commission mixte paritaire (n° 487, 2015-2016) ;
Texte de la commission (n° 488, 2015-2016).
Personne ne demande la parole ?…
La séance est levée.
(La séance est levée à dix-neuf heures vingt-cinq.)
Direction des comptes rendus
GISÈLE GODARD