Sommaire
Présidence de Mme Jacqueline Gourault
Secrétaires :
Mme Valérie Létard, M. Philippe Nachbar.
2. Réduction du nombre minimal d'actionnaires dans les sociétés anonymes non cotées. – Adoption définitive en deuxième lecture d’un projet de loi dans le texte de la commission, après procédure d’examen en commission
M. André Reichardt, rapporteur de la commission des lois
Adoption définitive du projet de loi dans le texte de la commission.
3. République numérique. – Suite de la discussion en procédure accélérée d’un projet de loi dans le texte de la commission
Amendement n° 457 de Mme Éliane Assassi. – Rejet.
Amendement n° 544 rectifié de M. Jean-Claude Requier. – Rejet.
Adoption de l’article.
Articles additionnels après l'article 18 bis
Amendement n° 459 de Mme Éliane Assassi. – Rejet.
Amendement n° 460 de Mme Éliane Assassi. – Retrait.
Amendement n° 205 de M. Gilbert Barbier. – Non soutenu.
Amendement n° 197 de M. Yves Rome. – Devenu sans objet.
Adoption de l’article modifié.
Demande de priorité des amendements nos 602 et 603 rectifié portant articles additionnels après l’article 23 ter. – Mme Axelle Lemaire, secrétaire d'État ; M. Philippe Bas, président de la commission des lois ; Mme la présidente. – La priorité est ordonnée.
Mme Catherine Morin-Desailly, présidente de la commission de la culture
Amendement n° 461 de Mme Éliane Assassi. – Rejet.
Amendement n° 432 de M. Bruno Sido. – Adoption.
Adoption de l’article modifié.
Article additionnel après l'article 19
Amendement n° 463 de Mme Éliane Assassi. – Rejet.
L’article demeure supprimé.
Amendement n° 321 de M. Robert Navarro. – Non soutenu.
Adoption de l’article.
Amendement n° 324 de M. Robert Navarro. – Non soutenu.
Amendement n° 311 de M. Robert Navarro. – Non soutenu.
Amendement n° 583 du Gouvernement. – Rejet.
Amendement n° 326 de M. Robert Navarro. – Non soutenu.
Amendement n° 325 de M. Robert Navarro. – Non soutenu.
Amendement n° 635 de la commission. – Adoption.
Adoption de l’article modifié.
Amendement n° 189 de Mme Corinne Bouchoux, repris par la commission sous le n° 669. – Adoption.
Adoption de l’article modifié.
Amendement n° 59 rectifié de M. Bruno Sido. – Adoption de l’amendement rétablissant l’article.
Article 20 quinquies – Adoption.
Amendement n° 464 de Mme Éliane Assassi. – Rejet.
Amendement n° 541 rectifié de M. Jean-Claude Requier. – Retrait.
Amendement n° 232 de M. Jean-Pierre Sueur. – Rejet par scrutin public.
Amendement n° 636 de la commission. – Adoption par scrutin public.
Adoption de l’article modifié.
Suspension et reprise de la séance
PRÉSIDENCE DE M. Gérard Larcher
4. Questions d’actualité au Gouvernement
M. Jean-Pierre Bosino ; M. Emmanuel Macron, ministre de l’économie, de l’industrie et du numérique ; .M. Jean-Pierre Bosino.
Mme Marie-Françoise Perol-Dumont ; Mme Myriam El Khomri, ministre du travail, de l’emploi, de la formation professionnelle et du dialogue social.
suppression des classes bilingues en province
Mme Catherine Morin-Desailly ; Mme Najat Vallaud-Belkacem, ministre de l’éducation nationale, de l’enseignement supérieur et de la recherche.
débordements place de la république
M. Pierre Charon ; M. Jean-Marie Le Guen, secrétaire d’État auprès du Premier ministre, chargé des relations avec le Parlement ; M. Pierre Charon.
M. Alain Bertrand ; M. Jean-Michel Baylet, ministre de l’aménagement du territoire, de la ruralité et des collectivités territoriales.
conflits d’intérêts : situation du professeur aubier
Mme Leila Aïchi ; Mme Marisol Touraine, ministre des affaires sociales et de la santé ; Mme Leila Aïchi.
Mme Maryvonne Blondin ; Mme Audrey Azoulay, ministre de la culture et de la communication.
techniques référendaires : notre-dame-des-landes
M. Joël Guerriau ; M. Jean-Marie Le Guen, secrétaire d'État auprès du Premier ministre, chargé des relations avec le Parlement ; M. Joël Guerriau.
enseignements de langues et de cultures d'origine
M. Alain Dufaut ; Mme Najat Vallaud-Belkacem, ministre de l'éducation nationale, de l'enseignement supérieur et de la recherche.
fonds de soutien à l'investissement local
M. Jacques-Bernard Magner ; M. Jean-Michel Baylet, ministre de l'aménagement du territoire, de la ruralité et des collectivités territoriales.
M. Michel Raison ; M. Jean-Jacques Urvoas, garde des sceaux, ministre de la justice ; M. Michel Raison.
M. Éric Doligé ; M. Christian Eckert, secrétaire d'État auprès du ministre des finances et des comptes publics, chargé du budget ; M. Éric Doligé.
partenariat transatlantique de commerce et d'investissement (ttip)
M. David Rachline ; M. Jean-Marc Ayrault, ministre des affaires étrangères et du développement international ; M. David Rachline.
Suspension et reprise de la séance
PRÉSIDENCE DE Mme Isabelle Debré
5. République numérique. – Suite de la discussion en procédure accélérée d’un projet de loi dans le texte de la commission
Articles additionnels après l’article 23 ter (priorité)
Amendement n° 602 du Gouvernement
Demande de réserve des amendements nos 602 et 603 rectifié du Gouvernement. – Mme Corinne Bouchoux ; M. Philippe Bas, président de la commission des lois ; M. Alain Vidalies, secrétaire d'État ; Mme la présidente. – La réserve est ordonnée.
Amendement n° 52 rectifié de M. Louis-Jean de Nicolaÿ. – Retrait.
Amendement n° 56 rectifié ter de Mme Catherine Deroche. – Devenu sans objet.
Amendement n° 57 rectifié ter de Mme Catherine Deroche. – Devenu sans objet.
Amendement n° 645 de la commission. – Devenu sans objet.
Amendement n° 253 de Mme Dominique Gillot. – Devenu sans objet.
Amendement n° 255 de Mme Dominique Gillot. – Devenu sans objet.
Articles additionnels après l'article 43 (priorité)
Amendement n° 480 de Mme Annie David. – Rejet.
Amendement n° 13 rectifié ter de M. Philippe Mouiller. – Retrait.
Amendement n° 256 de Mme Dominique Gillot. – Retrait.
Amendement n° 355 de M. David Assouline. – Retrait.
Amendement n° 257 de Mme Dominique Gillot. – Retrait.
Amendement n° 481 de Mme Annie David. – Retrait.
Amendement n° 258 de Mme Dominique Gillot. – Adoption.
Amendement n° 259 de Mme Dominique Gillot. – Retrait.
Amendement n° 260 de Mme Dominique Gillot. – Retrait.
Amendement n° 23 rectifié bis de M. Jean-Pierre Grand. – Non soutenu.
Adoption de l’article modifié.
Article additionnel après l'article 44 (priorité)
Suspension et reprise de la séance
Adoption de l’article.
Amendements identiques nos 25 rectifié bis de M. François Commeinhes et 288 rectifié de M. Éric Doligé. – Non soutenus.
Amendement n° 290 rectifié de M. Éric Doligé. – Non soutenu.
Amendement n° 584 du Gouvernement. – Rectification.
Amendements identiques nos 18 rectifié bis de M. Jean-Pierre Grand et 289 rectifié bis de M. Éric Doligé. – Non soutenus.
Amendement n° 584 rectifié du Gouvernement. – Rejet.
Suspension et reprise de la séance
PRÉSIDENCE DE M. Hervé Marseille
6. Candidature à une délégation sénatoriale
7. République numérique. – Suite de la discussion en procédure accélérée d’un projet de loi dans le texte de la commission
Amendement n° 27 rectifié bis de M. François Commeinhes. – Non soutenu.
Amendement n° 72 rectifié de M. Patrick Chaize. – Retrait.
Amendement n° 192 de M. Yves Rome. – Rejet par scrutin public.
Amendement n° 191 de M. Yves Rome. – Rejet.
Amendement n° 190 de M. Yves Rome. – Rejet.
Amendement n° 112 rectifié de Mme Catherine Morin-Desailly. – Retrait.
Amendement n° 316 de M. Robert Navarro. – Non soutenu.
Amendement n° 193 de M. Yves Rome. – Rejet par scrutin public.
Amendement n° 394 rectifié de M. Yves Rome. – Retrait.
Amendement n° 66 de M. Jean-Yves Leconte. – Rejet.
Amendement n° 337 de Mme Corinne Bouchoux. – Retrait.
Adoption de l’article.
Amendement n° 575 de M. Pierre Camani. – Rejet.
Amendement n° 589 du Gouvernement. – Rejet par scrutin public.
Amendement n° 111 rectifié de Mme Catherine Morin-Desailly. – Adoption.
Amendement n° 338 de Mme Corinne Bouchoux. – Retrait.
Amendement n° 465 de Mme Éliane Assassi. – Adoption.
Amendement n° 47 rectifié bis de M. Jean-Pierre Grand. – Non soutenu.
Amendement n° 80 rectifié ter de M. François Commeinhes. – Non soutenu.
Amendement n° 395 de M. Yves Rome. – Retrait.
Amendement n° 396 rectifié de M. Yves Rome. – Adoption.
Amendement n° 626 de la commission. – Adoption.
Amendement n° 397 rectifié de M. Jean-Yves Leconte. – Retrait.
Adoption de l’article modifié.
Articles additionnels après l'article 22
Amendement n° 398 de M. Yves Rome. – Adoption de l'amendement insérant un article additionnel.
Amendement n° 312 de M. Robert Navarro. – Non soutenu.
L’article demeure supprimé.
Amendements identiques nos 26 rectifié bis de M. François Commeinhes, 126 rectifié de M. Olivier Cigolotti et 132 de M. Robert Navarro. – Non soutenus.
Amendement n° 28 rectifié bis de M. François Commeinhes. – Non soutenu.
Amendement n° 503 rectifié de M. Jean-Claude Requier. – Rejet.
Amendement n° 307 de M. Richard Yung. – Adoption.
Amendement n° 400 de M. Yves Rome. – Rejet par scrutin public.
Amendement n° 399 rectifié de M. Jean-Yves Leconte. – Rejet.
Amendement n° 637 de la commission. – Adoption.
Adoption de l’article modifié.
Renvoi de la suite de la discussion.
8. Nomination d’un membre d’une délégation sénatoriale
compte rendu intégral
Présidence de Mme Jacqueline Gourault
vice-présidente
Secrétaires :
Mme Valérie Létard,
M. Philippe Nachbar.
1
Procès-verbal
Mme la présidente. Le compte rendu analytique de la précédente séance a été distribué.
Il n’y a pas d’observation ?…
Le procès-verbal est adopté sous les réserves d’usage.
2
Réduction du nombre minimal d'actionnaires dans les sociétés anonymes non cotées
Adoption définitive en deuxième lecture d’un projet de loi dans le texte de la commission, après procédure d’examen en commission
Mme la présidente. L’ordre du jour appelle les explications de vote et le vote, en deuxième lecture, sur le projet de loi, modifié par l’Assemblée nationale après engagement de la procédure accélérée, ratifiant l’ordonnance n° 2015-1127 du 10 septembre 2015 portant réduction du nombre minimal d’actionnaires dans les sociétés anonymes non cotées (projet n° 405, texte de la commission n° 530, rapport n° 529).
La conférence des présidents a décidé que ce texte serait discuté selon la procédure d’examen en commission prévue par l’article 47 ter du règlement du Sénat.
Au cours de cette procédure, le droit d’amendement des sénateurs et du Gouvernement s’exerce en commission, la séance plénière étant réservée aux explications de vote et au vote sur l’ensemble du texte adopté par la commission.
La commission des lois, saisie au fond, s’est réunie le mercredi 6 avril 2016 pour l’examen des articles et l’établissement du texte. Le rapport a été publié le même jour.
Avant de mettre aux voix l’ensemble du texte adopté par la commission, je vais donner la parole, conformément à l’article 47 ter, alinéa 11, de notre règlement, au Gouvernement, puis au rapporteur de la commission et, enfin, aux orateurs des groupes.
La parole est à M. le secrétaire d'État.
M. Jean-Vincent Placé, secrétaire d'État auprès du Premier ministre, chargé de la réforme de l'État et de la simplification. Madame la présidente, mesdames, messieurs les sénateurs, je vous prie d’excuser le garde des sceaux, qui est retenu. Son absence me donne l’occasion et le plaisir de retrouver les sénatrices et sénateurs de toutes les sensibilités politiques présents ce matin dans cette belle maison, que j’apprécie tant, pour présenter à nouveau le projet de loi ratifiant l’ordonnance portant réduction du nombre minimal d’actionnaires dans les sociétés anonymes non cotées, qui avait été adopté à l’unanimité par votre assemblée le 28 janvier dernier.
Ce texte vous est présenté en deuxième lecture, compte tenu de modifications apportées par l’Assemblée nationale. Je rappelle que, en première lecture, le Sénat avait complété le dispositif proposé par le Gouvernement sur plusieurs points. À cet égard, je remercie l’excellent rapporteur, André Reichardt, pour le travail qu’il a réalisé, très méticuleux comme à l’accoutumée.
Pour mémoire, l’ordonnance du 10 septembre 2015 a été prise en application de l’article 23 de la loi du 20 décembre 2014 relative à la simplification de la vie des entreprises. Cette mesure est issue des travaux du Conseil de la simplification pour les entreprises. Elle a pour objet de diminuer le nombre minimal d’actionnaires dans les sociétés anonymes non cotées, pour le faire passer de sept à deux, et, ainsi, d’aligner ce régime sur la règle de droit commun, prévue à l’article 1832 du code civil. En effet, jusqu’à présent, les sociétés anonymes devaient, en application de l’article L. 225-1 du code de commerce, réunir au minimum sept actionnaires.
Historiquement, cette exigence de sept actionnaires a été introduite en droit français par la loi du 23 mai 1863, sous l’influence du droit anglais. Toujours est-il qu’elle est depuis longtemps contestée, le chiffre de sept ne reposant sur aucune justification économique ou juridique. En outre, elle est en décalage avec la pratique des sociétés familiales et des petites et moyennes entreprises, dans lesquelles les parts sont souvent réunies entre les mêmes mains. Elle n’est pas davantage adaptée à la pratique des groupes de sociétés, au sein desquels les filiales sont parfois détenues à 100 % par la société mère.
Ainsi, cette obligation, qui ne trouve aucune justification, ni juridique ni économique, conduit de nombreuses sociétés anonymes à avoir recours à des actionnaires de complaisance et réduit l’intérêt de cette forme sociale. Aussi, la présente ordonnance a pour finalité de renforcer l’attractivité de la société anonyme. En effet, en raison de la stabilité et de la prévisibilité de ses règles de fonctionnement, celle-ci assure une meilleure protection des associés, particulièrement des associés minoritaires. Elle est, en cela, préférable à la société par actions simplifiée.
Le texte a également pour objectif de renforcer la compétitivité de la France au niveau européen, dans la mesure où notre pays est le seul en Europe à avoir établi et maintenu la règle des sept actionnaires. Il suffit de deux actionnaires pour créer une société anonyme au Royaume-Uni, en Belgique et en Italie, et d’un seul en Allemagne.
Le Gouvernement a prévu de fixer le nombre minimal d’actionnaires au plus bas, à savoir deux actionnaires, suivant en cela les recommandations des praticiens et des théoriciens du droit. Ainsi, il est apparu que la réduction à deux du nombre minimal d’actionnaires dans les sociétés anonymes, en ce qu’elle aligne le régime de ces sociétés sur le droit commun organisé par l’article 1832 du code civil, constitue une simplification attendue.
Mesdames, messieurs les sénateurs, la procédure ne me permettant pas de m’exprimer après vos interventions, je tiens à remercier par avance le rapporteur, les intervenants des groupes, ainsi que les services du Sénat pour la qualité de leurs travaux. Je veux aussi féliciter les membres de la commission des lois, notamment son président, pour leur travail approfondi sur les ratifications d’ordonnances. Je salue également les trois orateurs des groupes qui interviendront en explication de vote, M. Thani Mohamed Soilihi, Mme Cécile Cukierman et M. Jean-Claude Requier, pour leur participation au travail de simplification, de clarification et d’actualisation du code de commerce.
Au nom du Gouvernement, je tiens à vous assurer de mon engagement total sur le chantier de la simplification. Bien sûr, celle-ci ne saurait s’arrêter à la seule réduction du nombre d’actionnaires des sociétés anonymes. Le projet de loi Sapin II prolonge la logique qui inspire cette mesure : il inclura une série d’articles simplifiant le droit des sociétés. Les démarches seront allégées lorsque l’on passe d’une structure sociétaire à une autre, par exemple d’une entreprise individuelle à une entreprise individuelle à responsabilité limitée. Ce texte permettra également de simplifier de manière très significative la procédure de création d’entreprise, en rendant plus simple, plus rapide et plus accessible l’installation des artisans.
Par ailleurs, comme le Premier ministre l’a rappelé lors de ses annonces du 3 février dernier, les procédures de convocation des assemblées générales des sociétés anonymes ont déjà fait l’objet d’une modernisation significative, puisqu’elles seront dématérialisées et simplifiées.
Enfin, dans le cadre de la prochaine vague de simplification, je continue à travailler, en lien avec Bercy, à de nouvelles simplifications du droit des sociétés et à de potentiels allégements des normes comptables et fiscales. Je suis d'ailleurs à la totale disposition des parlementaires qui s’intéressent à ces sujets, de manière à améliorer les choses tous ensemble. C’est notamment ce que j’ai pu faire, hier, avec les membres de la délégation aux collectivités territoriales et à la décentralisation du Sénat et la mission de simplification, autour de Jean-Marie Bockel et de Rémy Pointereau.
Mesdames, messieurs les sénateurs, je veux vous dire l’attachement que je porte au Sénat et à la qualité de ses travaux et je tiens vraiment à vous remercier pour l’attention que vous portez à ce texte. (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste et républicain et de l'UDI-UC, ainsi que sur plusieurs travées du groupe Les Républicains. – M. Jean-Claude Requier applaudit également.)
Mme la présidente. La parole est à M. le rapporteur.
M. André Reichardt, rapporteur de la commission des lois constitutionnelles, de législation, du suffrage universel, du règlement et d'administration générale. Madame la présidente, monsieur le secrétaire d'État, mes chers collègues, je serai très bref.
Nous examinons, en deuxième lecture, le projet de loi ratifiant l’ordonnance n° 2015-1127 du 10 septembre 2015 portant réduction du nombre minimal d’actionnaires dans les sociétés anonymes non cotées.
Je ne reviendrai pas sur le fond de ce texte, dont nous avons déjà discuté dans cette enceinte. Sur la proposition de la commission, le Sénat y a apporté des modifications et des compléments, que le Gouvernement a acceptés, respectant ainsi le travail réalisé par la commission.
Si nous sommes réunis aujourd’hui, c’est parce que l’Assemblée nationale a dû corriger deux erreurs de rédaction qui résultaient de l’amendement présenté au dernier moment devant le Sénat par le Gouvernement en première lecture, pour assurer une application rétroactive de la disposition particulière, introduite par la commission, concernant les sociétés anonymes dont l’État est l’actionnaire unique.
Monsieur le secrétaire d'État, je me suis demandé si j’allais revenir sur ces erreurs de rédaction et sur les raisons qui nous ont conduits à être saisis une deuxième fois de ce texte. Après avis de la commission, j’ai décidé, par égard pour votre personne, de ne pas le faire.
M. Philippe Dallier. Bravo ! (Sourires.)
M. André Reichardt, rapporteur. Je n’en dirai pas davantage. J’invite simplement le Sénat à adopter ce texte sans modification. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains et de l'UDI-UC, ainsi que sur plusieurs travées du groupe socialiste et républicain. – M. Jean-Claude Requier applaudit également.)
Explications de vote
Mme la présidente. La parole est à M. Thani Mohamed Soilihi, pour le groupe socialiste et républicain.
M. Thani Mohamed Soilihi. Madame la présidente, monsieur le secrétaire d'État, mes chers collègues, qu’ajouter à ce que vient de dire notre rapporteur, si ce n’est que cette deuxième lecture du projet de loi aurait pu être évitée ? Encore qu’elle nous donne l’occasion de revoir notre ancien collègue, devenu secrétaire d'État… Rien que pour cela, elle en valait peut-être la peine ! (Sourires.)
M. Thani Mohamed Soilihi. Mes chers collègues, je vous invite à mon tour à adopter ce projet de loi, qui va dans le bon sens – il avait d'ailleurs été adopté à l’unanimité dans cet hémicycle en première lecture. (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste et républicain et de l'UDI-UC, ainsi que sur plusieurs travées du groupe Les Républicains.)
Mme la présidente. Quel remarquable esprit de synthèse ! (Sourires.)
M. Philippe Dallier. Ce sera difficile de faire mieux !
Mme la présidente. La parole est à M. Jean-Claude Requier, pour le groupe du RDSE.
M. Jean-Claude Requier. Madame la présidente, monsieur le secrétaire d'État, dont je salue la première intervention, en cette qualité, dans l’hémicycle du Sénat, mes chers collègues, du fait de la procédure retenue, en application de l’article 47 ter de notre règlement, nous nous prononçons aujourd’hui directement sur l’ensemble du projet de loi de ratification de l’ordonnance du 10 septembre 2015 relative aux sociétés anonymes non cotées.
Le texte adopté en commission des lois ne comporte pas de modifications par rapport à celui adopté par l’Assemblée nationale. La délibération sera donc relativement rapide, d’autant que ce n’est tout de même pas le texte majeur de la session parlementaire… (Sourires.)
La réduction de sept à deux du nombre minimal d’actionnaires pour constituer une société par actions non cotée est présentée comme favorisant l’attractivité du régime des sociétés anonymes pour les PME, notamment familiales, et la compétitivité du droit français des affaires.
Les membres du groupe du RDSE, soucieux de défendre les intérêts des petits entrepreneurs, souscrivent au principe de cette mesure. C’est pourquoi nous voterons l’adoption conforme du projet de loi, de même que nous avons voté en sa faveur en première lecture.
Toutefois, comme l’a rappelé le rapporteur, le texte est loin d’épuiser la question de la simplification du droit des affaires. Le Gouvernement affirme que c’est une réforme attendue par les acteurs économiques ; je l’espère sincèrement. Cependant, les modifications ponctuelles, par couches successives et par voie d’ordonnance, ne sont pas forcément le meilleur moyen de simplifier réellement et, surtout, d’améliorer la qualité et la lisibilité du droit.
Compte tenu de son caractère ponctuel, cette réforme risque de désorienter les acteurs ou de passer inaperçue.
En vérité, depuis la loi du 24 juillet 1966 sur les sociétés commerciales, aucune réforme de grande ampleur du droit des affaires n’a été engagée. C’est pourtant un enjeu majeur de modernisation réelle, de simplification et de dynamisme économique.
Par ailleurs, au-delà de la simplification du droit se pose la question de la simplification de l’accès à ce droit, en particulier pour les petits entrepreneurs, qui critiquent de manière récurrente l’illisibilité des règles applicables en matière de réglementation commerciale ; elles sont donc difficiles à comprendre.
Compte tenu de ces différentes remarques, si nous apportons un accord de principe au présent projet de loi, nous appelons de nos vœux une réforme plus globale du droit des affaires.
Madame la présidente, vous remarquerez que, prenant modèle sur le projet de loi, qui réduit de sept à deux le nombre minimal d’actionnaires dans les sociétés anonymes non cotées, je n’ai utilisé que deux des sept minutes qui m’étaient allouées ! (Sourires et applaudissements sur les travées du groupe socialiste et républicain, de l'UDI-UC et du groupe Les Républicains.)
Mme la présidente. La parole est à Mme Cécile Cukierman, pour le groupe CRC.
Mme Cécile Cukierman. Madame la présidente, monsieur le secrétaire d'État, mes chers collègues, les hasards – ou peut-être les coïncidences – de l’actualité et de l’activité parlementaire font que nous débattons, ce matin, de l’adoption conforme d’un texte modifiant le droit des sociétés, singulièrement le seuil de création des sociétés anonymes, au moment même où des milliers de salariés, d’étudiants, de privés d’emploi, de retraités s’apprêtent à manifester dans les rues des villes de France pour défendre la modernité du code du travail et rejeter le « projet de loi El Khomri », qui consacrerait moult retours en arrière.
Je ne peux que constater que, alors même que le présent texte de loi permet de faciliter la création d’entreprises, tout en préservant, autant que faire se peut, l’intégrité du patrimoine privé des entrepreneurs, nous risquons d’atteindre sous peu un degré supplémentaire en matière de précarité au travail.
Mais revenons rapidement sur les données du texte.
L’article restant en discussion n’appelle pas d’observations critiques particulières, d’autant qu’il ne fait que confirmer une donnée assez évidente, à savoir que les dispositions du projet de loi, qui ratifie lui-même une ordonnance, ne trouvent pas à s’appliquer aux entreprises dont l’État s’avère l’unique actionnaire.
Pour en revenir au fond du débat, nous constatons que nous devrions observer, dès la promulgation du présent texte, un mouvement de « sociétisation » des entreprises et un recul correspondant des exploitations en nom propre, artisanales, industrielles ou commerciales, associé à une certaine rationalisation de l’activité des auto-entrepreneurs. Cela ne manquera pas d’avoir quelque influence, au moins dans deux domaines.
Le premier effet que nous observerons, c’est que le patrimoine des entrepreneurs sera quelque peu préservé en cas de procédure collective, toute liquidation ou cessation anticipée d’activité ne portant en effet que sur le patrimoine destiné à l’exercice de l’activité commerciale.
Le second processus est plus important. La « sociétisation » fera glisser une bonne part des contribuables physiques soumis à l’impôt sur le revenu au titre des bénéfices industriels et commerciaux dans le régime de l’impôt sur les sociétés.
Au moment même où l’on entend modifier le droit en matière de recouvrement de l’impôt, via la retenue à la source sur les salaires, traitements, pensions et retraites, l’opération est finalement assez astucieuse, puisque le passage de l’impôt sur le revenu à l’impôt sur les sociétés emporte le versement d’acomptes provisionnels, qui pourraient alimenter plus sûrement les caisses de l’État que ne le font des versements tardifs de régularisation de l’impôt…
Nous sommes donc face à un texte « gagnant-gagnant » entre les intérêts de l’État et ceux des entrepreneurs, avec, pour ceux-ci, une plus grande sécurité juridique, qui, dit-on, pourrait raffermir l’esprit d’entreprise.
Mais tout cela, évidemment, nous nous en rendrons compte sur la durée, même si le mouvement naturel de l’économie poussait déjà les entrepreneurs à adopter la forme de la société de capitaux plus que celle de la société de personnes.
Cependant, au-delà de cette sollicitude pour les créateurs d’entreprise, qui pourrait presque donner à quelque cadre expérimenté l’envie de créer une société, avec un risque « calculé », voilà que l’air du temps est à la remise en cause des droits acquis et/ou à développer des salariés.
Par commodité, certains opposent les salariés les uns aux autres, en confrontant, par exemple, fonctionnaires et salariés de droit privé, salariés dits « inclus », travaillant sous contrat à durée indéterminée, et salariés dits « exclus », victimes de la précarité et des contrats à durée déterminée, dans une dualité de plus en plus conflictuelle et soigneusement entretenue par un appareil législatif qui traduit souplesse et flexibilité en précarisation, non-reconnaissance des qualifications et sous-rémunération du travail.
Le présent texte protège l’entrepreneur des conséquences que pourraient entraîner les difficultés de son entreprise sur l’intégrité de sa personne et sur son patrimoine non affecté à l’activité, quand le « projet de loi El Khomri » fait porter le risque industriel sur les salariés, dont le licenciement sera rendu bien plus facile s’il était adopté en l’état.
Il nous semble au contraire qu’il serait bienvenu, en revenant sur la philosophie générale de la réforme du code du travail, telle que définie aujourd’hui, de veiller à donner aux salariés de notre pays la même sécurité que celle que le projet de loi dont nous débattons entend donner aux entrepreneurs.
La compétitivité de l’économie française, si chère à certains, ne peut, à notre avis, se construire sur les ruines de la formation et des qualifications de la main-d’œuvre, aujourd’hui précarisée. Des entrepreneurs audacieux et sereins, des salariés pourvus de droits effectifs, voilà ce qui fera avancer notre économie.
Vous l’aurez compris, mes chers collègues, dans ce contexte, nous ne pourrons, hélas ! que confirmer notre abstention vigilante de première lecture. (Applaudissements sur les travées du groupe CRC.)
Mme la présidente. Personne ne demande plus la parole ?…
Je mets aux voix, dans le texte de la commission, l’ensemble du projet de loi ratifiant l’ordonnance n° 2015-1127 du 10 septembre 2015 portant réduction du nombre minimal d’actionnaires dans les sociétés anonymes non cotées.
(Le projet de loi est adopté définitivement.)
3
République numérique
Suite de la discussion en procédure accélérée d’un projet de loi dans le texte de la commission
Mme la présidente. L’ordre du jour appelle la suite de la discussion du projet de loi, adopté par l’Assemblée nationale après engagement de la procédure accélérée, pour une République numérique (projet n° 325, texte de la commission n° 535, rapport n° 534, tomes I et II, avis nos 524, 525, 526 et 528).
Nous poursuivons la discussion du texte de la commission.
TITRE IER (SUITE)
LA CIRCULATION DES DONNÉES ET DU SAVOIR
Chapitre II (suite)
Économie du savoir
Mme la présidente. Dans la discussion des articles, nous poursuivons, au sein du chapitre II du titre Ier, l’examen des amendements déposés à l’article 18 bis, dont je rappelle les termes :
Article 18 bis (suite)
Dans les contrats conclus par un éditeur avec un organisme de recherche ou une bibliothèque ayant pour objet les conditions d’utilisation de publications scientifiques, toute clause interdisant la fouille électronique de ces documents pour les besoins de la recherche publique, à l’exclusion de toute finalité directement ou indirectement commerciale, est réputée non écrite. L’autorisation de fouille ne donne lieu à aucune limitation technique ni rémunération complémentaire pour l’éditeur.
La conservation et la communication des copies techniques issues des traitements, aux termes des activités de recherche pour lesquelles elles ont été produites, sont assurées par des organismes dont la liste est fixée par décret.
Le présent article est applicable aux contrats en cours.
Mme la présidente. Je suis saisie de deux amendements faisant l'objet d'une discussion commune.
L'amendement n° 457, présenté par Mme Assassi, MM. Bosino, Abate et les membres du groupe communiste républicain et citoyen, est ainsi libellé :
Rédiger ainsi cet article :
Le code de la propriété intellectuelle est ainsi modifié :
1° Après le deuxième alinéa du 9° de l’article L. 122-5, il est inséré un alinéa ainsi rédigé :
« … Les copies ou reproductions numériques réalisées à partir d’une source licite, en vue de l’exploration de textes et de données pour les besoins de la recherche publique, à l’exclusion de toute finalité commerciale. Un décret fixe les conditions dans lesquelles l’exploration des textes et des données est mise en œuvre, ainsi que les modalités de conservation et de communication des fichiers produits au terme des activités de recherche pour lesquelles elles ont été produites. » ;
2° Après le 4° de l’article L. 342-3, il est inséré un alinéa ainsi rédigé :
« … Les copies ou reproductions numériques de la base réalisées par une personne qui y a licitement accès, en vue de fouilles de textes et de données dans un cadre de recherche, à l’exclusion de toute finalité commerciale. La conservation et la communication des copies techniques issues des traitements, au terme des activités de recherche pour lesquelles elles ont été produites, sont assurées par des organismes désignés par décret. Les autres copies ou reproductions sont détruites. »
La parole est à M. Michel Le Scouarnec.
M. Michel Le Scouarnec. Qu’est-ce que la fouille automatique de données et de textes, le Text and Data Mining, ou TDM ? C’est une pratique qui vise à rechercher dans une masse de publications des éléments de corrélation pouvant permettre aux scientifiques de mieux comprendre les liens entre des phénomènes en apparence distincts. Elle a pour intérêt de mettre en évidence des corrélations qui ne sont pas visibles de prime abord, puisque, justement, on ne peut les faire apparaître qu’en élargissant massivement le panel des publications étudiées.
Tout le problème réside dans le respect, dans ces conditions, du droit d’auteur, mais aussi des conditions imposées par les éditeurs. Nous retrouvons là encore les mêmes géants en position de quasi-monopole, comme Elsevier. Ce sont ces éditeurs qui imposent des limitations aux outils relevant du TDM et qui, par conséquent, empêchent la recherche de s’exercer. Nous revenons ici à la question, qui sous-tend le projet de loi, du bien commun qu’est la donnée et de l’utilisation que nous pouvons en faire.
En l’occurrence, la recherche scientifique et les données qui en sont issues sont clairement assimilables à du bien commun. La philosophie même de la recherche scientifique n’est-elle pas le partage de la connaissance ?
Dans ces conditions, le droit d’auteur, qui ne profite pas aux auteurs, paraît trop restrictif en France, dans la mesure où il n’autorise absolument pas des consultations de type TDM, même informatisées à grande échelle. C’est la raison pour laquelle l’Assemblée nationale avait retenu cette rédaction, de manière à créer une exception au droit d’auteur pour toute recherche dépourvue de finalité commerciale. L’encadrement de cette exception était suffisamment large pour empêcher tout abus. Ce compromis avait obtenu l’aval des chercheurs, fortement mobilisés sur cette question.
Le TDM est désormais largement reconnu par le monde académique international comme un outil de recherche et d’exploration efficace. Il s’agit là d’une vraie question d’indépendance et de capacité de notre recherche.
La rédaction actuelle de l’article, privilégiant la contractualisation, est à la fois bancale, trop large et coûteuse pour les chercheurs. Ces derniers continueront certainement d’utiliser librement ces outils à l’étranger.
Mme la présidente. L'amendement n° 544 rectifié, présenté par MM. Requier, Arnell, Barbier, Bertrand, Castelli, Collin, Collombat, Esnol, Fortassin, Guérini et Hue, Mmes Jouve, Laborde et Malherbe et MM. Mézard et Vall, est ainsi libellé :
Rédiger ainsi cet article :
Le code de la propriété intellectuelle est ainsi modifié :
1° Après le deuxième alinéa du 9° de l’article L. 122-5, il est inséré un alinéa ainsi rédigé :
« … Les copies ou reproductions numériques réalisées à partir d’une source licite, en vue de l’exploration de textes et de données pour les besoins de la recherche publique, à l’exclusion de toute finalité commerciale. Un décret fixe les conditions dans lesquelles l’exploration des textes et des données est mise en œuvre, ainsi que les modalités de conservation et de communication des fichiers produits au terme des activités de recherche pour lesquelles elles ont été produites ; ces fichiers constituent des données de la recherche. » ;
2° Après le 4° de l’article L. 342-3, il est inséré un alinéa ainsi rédigé :
« … Les copies ou reproductions numériques de la base réalisées par une personne qui y a licitement accès, en vue de fouilles de textes et de données dans un cadre de recherche, à l’exclusion de toute finalité commerciale. La conservation et la communication des copies techniques issues des traitements, au terme des activités de recherche pour lesquelles elles ont été produites, sont assurées par des organismes désignés par décret. Les autres copies ou reproductions sont détruites. »
La parole est à M. Jean-Claude Requier.
M. Jean-Claude Requier. La rédaction de l’article 18 bis issue des travaux de la commission des lois du Sénat n’autorise pas la fouille de textes et de données à des fins de recherche scientifique, mais l’organise dans le cadre de relations contractuelles – entre organismes de recherche ou bibliothèques et éditeurs – dont les rapports de force sont déséquilibrés.
Notre amendement tend à prévoir une exception au droit d’auteur en autorisant, en vue de la fouille de textes et de données pour les besoins de la recherche, les copies et reproductions numériques effectuées à partir de sources licites. Il s’agit donc de permettre la libre fouille de textes et de données à des fins scientifiques afin de soutenir une recherche publique française libre, ouverte et présente au meilleur niveau mondial.
Mme la présidente. Quel est l’avis de la commission de la culture ?
Mme Colette Mélot, rapporteur pour avis de la commission de la culture, de l’éducation et de la communication. Avant de nous séparer un peu tôt ce matin, nous avons débattu de la question du TDM et décidé de maintenir des dispositions permettant aux chercheurs d’effectuer une fouille de texte par la voie contractuelle.
L’amendement n° 457 vise à rétablir le texte de l’Assemblée nationale. Or, comme je le rappelais hier soir lors de l’examen de l’amendement de suppression déposé par le Gouvernement, la rédaction de l’article 18 bis retenue par l’Assemblée nationale revenait à créer en droit français une exception au droit d’auteur non prévue par la directive du 22 mai 2001.
La solution proposée par notre commission me semble constituer un compromis satisfaisant pour développer le TDM sans contrevenir au texte de cette directive. La commission a donc émis un avis défavorable sur cet amendement, ainsi que sur l’amendement analogue n° 544 rectifié.
Il est absolument impossible, tant du point de vue technique que financier, de créer une exception au droit d’auteur en matière de TDM.
M. Philippe Bas, président de la commission des lois constitutionnelles, de législation, du suffrage universel, du règlement et d'administration générale. Vous avez raison !
Mme la présidente. Quel est l’avis du Gouvernement ?
Mme Axelle Lemaire, secrétaire d'État auprès du ministre de l'économie, de l'industrie et du numérique, chargée du numérique. Je me suis déjà longuement exprimée cette nuit sur la possibilité de recourir à la technique de la fouille de données par les chercheurs.
Le Gouvernement reste sur sa position et émet un avis défavorable sur ces deux amendements.
Mme la présidente. La parole est à M. Jean-Yves Leconte, pour explication de vote.
M. Jean-Yves Leconte. Hier, nous avons entendu Mme la secrétaire d’État prononcer une sorte de plaidoirie en faveur du TDM.
Il me semble que la question qui nous est posée est celle de savoir si nous prendrons la responsabilité d’offrir à ceux qui veulent faire de la recherche en France les mêmes moyens que ceux dont ils pourraient disposer dans les grands pays de recherche scientifique – les États-Unis, le Japon, mais aussi la Grande-Bretagne – pour accéder au savoir de manière légale.
Allons-nous accepter un compromis ou essayer de donner à ces chercheurs les moyens d’innover pour que la France puisse être une grande puissance de la recherche ? Or, sur cette question, je crois qu’il n’est pas de compromis possible, au risque de voir les plus grandes capacités scientifiques françaises partir travailler à l’étranger ou rester en France pour mener leurs travaux, veuillez me pardonner cette expression, grâce à des « proxy » étrangers, ce qui reviendrait à renforcer les institutions d’autres pays où il est possible de faire ce qu’il n’est pas permis en France.
Par ailleurs, Mme Gillot a souligné hier combien les responsables des grands instituts publics de recherche tenaient à la rédaction de l’Assemblée nationale. C'est la raison pour laquelle il me semble important de soutenir ces amendements, qui visent à rétablir l’esprit du texte de nos collègues députés. Il ne s’agit pas d’un compromis, mais d’une impulsion. D’une impulsion pour faire en sorte que la recherche française soit au meilleur niveau, que le génie français n’ait pas besoin de s’expatrier pour pouvoir travailler et que la France se dote des capacités de se projeter vers l’avenir.
Mme la présidente. La parole est à Mme Colette Mélot, rapporteur pour avis.
Mme Colette Mélot, rapporteur pour avis. Je voudrais rappeler ce que nous avons voté hier, je crois, à l’unanimité.
J’ai proposé, au nom de la commission, de rendre obligatoire, dans les contrats conclus entre éditeurs et organismes de recherche ou bibliothèques, l’autorisation d’accès aux données et aux textes du corpus de publications scientifiques appartenant à l’éditeur, à des fins exclusives de fouille électronique pour la recherche publique et à l’exclusion de tout usage commercial.
Cette clause contractuelle ne pourrait donner lieu à rémunération complémentaire pour l’éditeur ni à limitation du nombre de requêtes autorisées.
Enfin, la conservation et la communication des copies techniques issues de ces traitements, au terme des activités de recherche pour lesquelles elles ont été produites, seraient assurées par des organismes désignés par décret.
Je sais bien que les chercheurs auraient préféré qu’une exception au droit d’auteur soit créée, mais nous ne pouvons pas – pour l’instant – leur donner satisfaction. Nous ne pouvons qu’espérer qu’une nouvelle directive vienne très rapidement conforter leur souhait.
La solution que nous avons proposée me semble un bon compromis, qui pourra s’appliquer immédiatement, de façon transitoire.
M. Philippe Bas, président de la commission des lois. Très bien !
Mme la présidente. Je mets aux voix l'article 18 bis.
(L'article 18 bis est adopté.)
Articles additionnels après l'article 18 bis
Mme la présidente. L'amendement n° 459, présenté par Mme Assassi, MM. Bosino, Abate et les membres du groupe communiste républicain et citoyen, est ainsi libellé :
Après l'article 18 bis
Insérer un article additionnel ainsi rédigé :
Le chapitre III du titre III du livre Ier de la première partie du code de la propriété intellectuelle est ainsi modifié :
1° L’article L. 133-1 est complété par deux alinéas ainsi rédigés :
« De même, lorsqu’une œuvre a fait l’objet d’un contrat d’édition en vue de sa publication et de sa diffusion sous forme de livre numérique tel que défini à l’article 1er de la loi n° 2011-590 du 26 mai 2011 relative au prix du livre numérique, l’auteur ne peut s’opposer au prêt d’exemplaires numériques de cette édition par une bibliothèque accueillant du public, à leur acquisition pérenne et à leur mise à disposition, sur place ou à distance, par une bibliothèque accueillant du public.
« Ces actes de prêt et de mise à disposition ouvrent droit à rémunération au profit de l’auteur selon les modalités prévues à l’article L. 133-4, en prenant en compte la rémunération équitable des usages et la nécessité de préserver les conditions d’exercice des missions des bibliothèques. » ;
2° Le premier alinéa de l’article L. 133-3 est ainsi rédigé :
« La rémunération prévue aux deuxième et dernier alinéas de l’article L. 133-1 au titre du prêt d’exemplaires de livres imprimés comprend deux parts. » ;
3° L’article L. 133-4 est ainsi modifié :
a) Le premier alinéa est ainsi rédigé :
« La rémunération au titre du prêt d’exemplaires délivrés imprimés en bibliothèque est répartie dans les conditions suivantes : » ;
b) Il est ajouté un 3° ainsi rédigé :
« 3° Concernant les livres édités sous forme numérique, les conditions de mise à disposition ainsi que les modalités de la rémunération prévue au second alinéa de l’article L. 133-1 sont fixées par décret, au terme d’une consultation publique nationale conduite par le Médiateur du livre avec tous les acteurs professionnels concernés. »
La parole est à Mme Christine Prunaud.
Mme Christine Prunaud. Le prêt de livre imprimé en bibliothèque est régi depuis 2003 par un mécanisme de licence légale. En l’état actuel du droit, ce système ne s’applique pas au livre numérique. Ainsi, les éditeurs proposent aux bibliothèques des offres de livres numériques sur une base contractuelle, dans des conditions souvent peu suffisantes.
Les bibliothèques ne peuvent aujourd’hui effectuer leurs achats qu’à partir d’une offre réduite, qui ne représente que 14 % de l’offre commerciale disponible pour le grand public – 86 % de la production éditoriale leur est totalement inaccessible. L’évolution de cette proportion dans les années à venir restera soumise à la volonté des éditeurs.
Le livre numérique ne doit pas occasionner de régression pour les bibliothèques : à l’instar du livre papier, les usagers doivent pouvoir trouver en bibliothèque tous les livres numériques. Ainsi, pour assurer pleinement leur mission, les bibliothèques publiques devront notamment pouvoir accéder à l’ensemble de l’édition numérique dès sa parution, constituer une offre de livres numériques issue de catalogues de tous les éditeurs nationaux, sélectionner les livres titre par titre, y compris dans le cadre du bouquet, et consulter les ouvrages avant de les ajouter à leur collection.
Pour toutes ces raisons, mes chers collègues, nous vous proposons d’adopter cet amendement, qui vise à étendre le mécanisme de licence légale prévu par la loi de 2003.
Mme la présidente. Quel est l’avis de la commission de la culture ?
Mme Colette Mélot, rapporteur pour avis. Cet amendement vise à étendre le mécanisme de la licence légale aux livres numériques prêtés par les bibliothèques, afin de développer cette offre, aujourd’hui fort limitée, dans le cadre des contrats conclus avec les éditeurs.
Le dispositif proposé, pour intéressant qu’il pourrait s’avérer, n’a fait l’objet d’aucune étude d’impact s’agissant de ses conséquences sur la rémunération des auteurs et des éditeurs. Je me tourne donc vers Mme la secrétaire d’État pour connaître l’avis du Gouvernement. En tout état de cause, la commission ne peut que s’en remettre à la sagesse du Sénat.
Mme la présidente. Quel est l’avis du Gouvernement ?
Mme Axelle Lemaire, secrétaire d'État. Les auteurs de cet amendement proposent d’étendre au livre numérique le mécanisme de licence légale prévu par la loi de 2003.
Le Gouvernement est défavorable à cet amendement pour les raisons, déjà évoquées, de calendrier des discussions européennes. Il s’agirait en effet d’une encoche dans le mécanisme du droit d’auteur prévu par la directive européenne. Le droit européen n’offre pas, à ce jour, la possibilité de déroger au droit exclusif de l’auteur pour le prêt public numérique.
Il est important, face à un marché encore en émergence, de ne pas déséquilibrer les modèles économiques. J’aimerais toutefois souligner que le Gouvernement a fait du développement des collections numériques des bibliothèques publiques l’une de ses priorités. Il a, par exemple, signé le 8 décembre 2014 avec les représentants de toute la profession – huit associations professionnelles de la chaîne du livre – et la Fédération nationale des collectivités territoriales pour la culture douze recommandations pour une diffusion du livre numérique par les bibliothèques publiques, réaffirmant ainsi la nécessité, pour ces bibliothèques, d’accéder à une offre qui soit la plus exhaustive possible au regard de celle proposée aux particuliers.
Très concrètement, ce travail porte ses fruits. Grâce au dispositif PNB – prêt numérique en bibliothèque –, l’offre ne cesse de croître : 60 000 titres, sur les 180 000 disponibles pour les particuliers, sont désormais accessibles.
Mme la présidente. L'amendement n° 460, présenté par Mme Assassi, MM. Bosino, Abate et les membres du groupe communiste républicain et citoyen, est ainsi libellé :
Après l’article 18 bis
Insérer un article additionnel ainsi rédigé :
Le livre Ier de la première partie du code de la propriété intellectuelle est complété par un titre IV ainsi rédigé :
« Titre IV
« Les Communs
« Art. L. 141-1. – Relèvent du domaine commun informationnel :
« 1° Les informations, faits, idées, principes, méthodes, découvertes, dès lors qu’ils ont fait l’objet d’une divulgation publique licite, notamment dans le respect du secret industriel et commercial et du droit à la protection de la vie privée ;
« 2° Les œuvres, dessins, modèles, inventions, bases de données, protégés par le présent code, dont la durée de protection légale, à l’exception du droit moral des auteurs, a expiré ;
« 3° Les informations issues des documents administratifs diffusés publiquement par les personnes mentionnées à l’article L. 300-2 du code des relations entre le public et l’administration et dans les conditions précisées aux articles L. 312-1 et L. 312-2 du même code, sans préjudice des articles L. 311-4, L. 321-1, L. 324-1 à L. 324-5, L. 325-1 à L. 325-4, L. 325-7 et L. 325-8 dudit code.
« Les choses qui composent le domaine commun informationnel sont des choses au sens de l’article 714 du code civil. Elles ne peuvent, en tant que tel, faire l’objet d’une exclusivité, ni d’une restriction de l’usage commun à tous, autre que l’exercice du droit moral.
« Les associations agréées ayant pour objet la diffusion des savoirs ou la défense des choses communes ont qualité pour agir aux fins de faire cesser toute atteinte au domaine commun informationnel. Cet agrément est attribué dans des conditions définies par un décret en Conseil d’État. Il est valable pour une durée limitée, et peut être abrogé lorsque l’association ne satisfait plus aux conditions qui ont conduit à le délivrer.
« Est puni d’un an d’emprisonnement et de 100 000 € d’amende le fait de porter atteinte au domaine commun informationnel en cherchant à restreindre l’usage commun à tous.
« Art. L. 141-2. – Le titulaire d’un droit de propriété intellectuelle, de quelque nature que ce soit, peut autoriser l’usage commun d’un objet auquel ce droit est rattaché par le biais d’une manifestation de volonté à portée générale, à condition que celle-ci soit expresse, non équivoque et publique. Cette manifestation de volonté peut notamment prendre la forme d’une licence libre ou de libre diffusion. Elle ne peut être valablement insérée dans un contrat d’édition tel que défini à l’article L. 132-1.
« Le titulaire de droits est libre de délimiter l’étendue de cette autorisation d’usage commun pour la faire porter uniquement sur certaines des prérogatives attachées à son droit de propriété intellectuelle. L’objet de cette manifestation de volonté fait alors partie du domaine commun informationnel, tel que défini à l’article L. 141-1, dans la mesure déterminée par le titulaire de droit.
« Cette faculté s’exerce sans préjudice des dispositions de l’article L. 121-1 relatives à l’inaliénabilité du droit moral. »
La parole est à M. Patrick Abate.
M. Patrick Abate. À travers cet amendement, nous voulons montrer notre attachement à une définition positive des communs informationnels. Cette définition est absente du texte, alors qu’il s’agit d’une question importante, soulevée non seulement par les internautes et les associations, mais aussi par vous-même, madame la secrétaire d’État.
Vous aviez pourtant inscrit dans l’avant-projet de loi la protection pour tout ce qui n’est pas couvert par la propriété intellectuelle – informations, faits, idées, principes, méthodes ou œuvres passées dans le domaine public… Cependant, faute de compromis, vous avez renvoyé cette question à une mission générale, ce dont nous ne pouvons nous satisfaire.
Nous sommes particulièrement convaincus de la nécessité d’inscrire la protection des communs dans le code de la propriété intellectuelle. Comme le résume le collectif Savoircom1 : « Violer le droit d’auteur, c’est porter atteinte aux droits d’un seul ; violer le domaine commun informationnel, c’est porter atteinte aux droits de tous. » En effet, ce que nous appelons les « communs informationnels » appartiennent à tous en ce qu’ils n’appartiennent à personne. Depuis toujours, les biens communs nourrissent la réflexion et la création.
L’un des progrès d’internet fut de permettre la circulation des connaissances, des informations, des données et des œuvres. Les risques d’entrave, d’appropriation excessive de certains biens, de revendication illégitime de droits exclusifs sur une œuvre – ce qu’on appelle le copyfraud – sont de plus en plus grands. Il faut protéger les communs informationnels et empêcher que certains ne trouvent dans ces biens communs une source de profits et d’appropriation.
Je finirai mon propos en évoquant une nouvelle d’Alain Damasio dans laquelle l’auteur imagine que les mots que nous utilisons au quotidien pourraient être restreints parce que soumis à des brevets. Bien que fantaisiste, ce récit doit nous alerter sur le risque d’une société où l’appropriation n’aurait plus de limite.
Mme la présidente. Quel est l’avis de la commission de la culture ?
Mme Colette Mélot, rapporteur pour avis. Les auteurs de cet amendement visent à la reconnaissance, dans le code de la propriété intellectuelle, d’un domaine commun informationnel. Il s’agit d’un véritable serpent de mer depuis la genèse de ce projet de loi. Cette question figurait d’ailleurs dans certains avant-projets. Des débats d’une grande radicalité entre partisans et opposants aux Commons ont notamment animé la consultation publique préalable au dépôt du texte à l’Assemblée nationale.
Nos collègues députés n’ont pas manqué de poursuivre le débat engagé, et la commission des affaires culturelles de l’Assemblée nationale a même adopté la création du domaine commun informationnel contre l’avis de son rapporteur. Finalement, eu égard aux réticences de la commission des lois et du Gouvernement, le texte transmis au Sénat n’en fait nulle mention.
L’introduction d’une telle disposition pose plusieurs difficultés d’ordre politique – les avis en présence demeurent irréconciliables et aucune expertise n’a, à ce jour, réussi à les départager – et juridique – au regard du droit de propriété et compte tenu de la référence à l’article 174 du code civil –, ainsi qu’en termes d’opportunité – le droit positif permet d’ores et déjà à un auteur d’autoriser l’utilisation de ses œuvres. Au reste, en Grande-Bretagne comme en Italie, nos voisins européens peinent également à trouver un équilibre satisfaisant leur permettant de légiférer sur cette question. Il convient donc de continuer à travailler à une traduction juste de ce principe.
Pour ces raisons, la commission est défavorable à cet amendement.
Mme la présidente. Quel est l’avis du Gouvernement ?
Mme Axelle Lemaire, secrétaire d'État. Le Gouvernement est également défavorable à cet amendement.
Nous avons eu des débats homériques à l’Assemblée nationale sur ce sujet. Monsieur Leconte, vous parliez, voilà quelques instants, de « plaidoirie » ; c’est peut-être à propos de la thématique des communs que ce terme s’appliquerait le mieux.
Les communs, c’est une manière d’embrasser la culture numérique du copartage, de la coconstruction des œuvres, des écrits – en particulier des écrits scientifiques –, des faits et des informations qui correspond à des pratiques que seul le numérique a permis d’amplifier.
Mais entre l’idéal vers lequel nous pouvons souhaiter tendre, en tant que collectif humain, mais aussi pour faire émerger de nouveaux modèles d’innovation porteurs de création économique, et la réalité juridique, le fossé est encore trop grand. Il nous faut le combler avant de faire entrer la notion de « communs » dans nos codes.
Nous n’avons pas trouvé de définition juridique satisfaisante, à la fois stable et sécurisée. Les difficultés techniques ont été trop grandes. Dès lors, le Gouvernement estime que la voie législative n’est pas adaptée. Pour autant, nous soutenons – à l’instar, je n’en doute pas, de l’ensemble des sénateurs – cette vision d’une culture du partage, et pas uniquement de l’appropriation, voire de la privatisation, de la sphère numérique.
Mme la présidente. La parole est à M. Alain Richard, pour explication de vote.
M. Alain Richard. Je voudrais d’un mot expliquer les raisons pour lesquelles je suis défavorable à cet amendement et élargir le débat à ce qui reste le droit d’auteur, à tout ce que représente, dans un pays comme le nôtre, dont la pensée a été renouvelée par les Lumières, la protection de l’œuvre intellectuelle.
Le droit au respect de la production intellectuelle est central dans notre vie nationale. Contrairement à certaines approximations que j’ai pu entendre, faire partager à l’Union européenne une conception du droit d’auteur qui donne la priorité au respect de l’œuvre a constitué un très grand succès de la France.
Je me souviens très bien que, en 1984 et 1985, alors que j’étais le rapporteur, à l’Assemblée nationale, de la loi de réforme des droits d’auteur, devant l’essor des entreprises de communication audiovisuelle, beaucoup des partenaires de la vie intellectuelle de notre pays étaient convaincus que la conception commerciale du copyright finirait par l’emporter. Ce ne fut pas le cas.
Aujourd’hui, si l’on respecte pleinement les principes de ce qu’est le droit d’auteur, c’est-à-dire la propriété de l’œuvre et son respect, il existe un commun : tout le reste ! Pourquoi légiférer sur cette question ? Je rappelle que le principe cardinal, l’épine dorsale du droit, c’est la cohérence. Or il n’est pas cohérent, dans un système juridique, d’énumérer, d’un côté, ce qui fait l’objet d’une règle et, de l’autre, ce qui n’entre pas dans le champ de cette règle. Procéder ainsi, c’est la certitude d’aboutir à une incohérence !
Le droit européen pose en principe la protection du domaine du droit d’auteur, c’est-à-dire la protection de tout ce qui a objectivement et authentiquement le caractère d’une œuvre. Tout le reste est libre et nul n’est besoin de légiférer pour affirmer quelque chose que nous savons déjà.
M. Bruno Sido. Très bien !
Mme la présidente. La parole est à M. Patrick Abate, pour explication de vote.
M. Patrick Abate. Je ne doute pas, madame la secrétaire d’État, que vous partagiez cette vision.
J’ai également bien entendu les arguments de notre collègue. Nous comprenons la difficulté de faire le droit.
Par cet amendement, nous voulions réaffirmer un principe, rappeler ces engagements et cette richesse de notre histoire et de notre droit. Cela étant, nous le retirons.
M. Jean-Pierre Sueur. Bonne idée !
M. Bruno Sido. Très bien !
Mme la présidente. L’amendement n° 460 est retiré.
Article 18 ter
Après le second alinéa du 9° de l’article L. 122-5 du code de la propriété intellectuelle, il est inséré un 10° ainsi rédigé :
« 10° Les reproductions et représentations d’œuvres architecturales et de sculptures, placées en permanence sur la voie publique par des personnes physiques ou des associations constituées conformément à la loi du 1er juillet 1901 relative au contrat d’association, à l’exclusion de tout usage à caractère directement ou indirectement commercial. »
Mme la présidente. La parole est à M. Patrick Abate, sur l'article.
M. Patrick Abate. La liberté de panorama, maintes fois évoquée, sujet de maints débats souvent repoussés, doit aujourd’hui nous permettre de poser cette question fondamentale : comment juger le conflit entre les droits d’expression et de création et le droit de paternité ?
Quinze ans après la directive européenne sur l’harmonisation de certains aspects du droit d’auteur et des droits voisins dans la société de l’information, un an avant le probable marché numérique unique, la France fait partie des sept pays du continent – non pas de l’Union Européenne, mais de toute l’Europe – à ne pas avoir légiféré sur cette liberté, se reposant sur une jurisprudence pour le moins étoffée. Or cette dernière ne saurait être aussi précise et stable que la loi. C'est la raison pour laquelle nous ne pouvons que nous féliciter de l’existence de cet article, dont la rédaction, par contre, ne peut nous satisfaire.
Le plus gros problème est aujourd’hui celui de l’exercice à titre gracieux de la liberté de panorama sur des plateformes numériques, lesquelles engrangent sans contrepartie – nous n’allons pas refaire la démonstration « Facebook » – de l’argent sur les œuvres reproduites, par le biais de la vente de données ou d’espaces publicitaires.
Pour revenir sur la portée générale de cet article et sur le conflit de droits qu’entraîne la liberté de panorama, il nous semble important de rappeler la place que doivent occuper la culture et les arts dans notre société. À nos yeux source d’émancipation, ces domaines ne sauraient être restreints par une minorité de personnes du fait d’un droit d’auteur hégémonique, auquel il ne pourrait être dérogé.
Toutefois, si la liberté de panorama permet une dérogation, elle ne doit pas se muer en spoliation de l’œuvre au détriment de l’artiste. De fait, la richesse créée par la liberté de panorama doit être partagée entre le créateur et le bénéficiaire.
Dans ce cadre, nous serons amenés à nous opposer aux amendements tendant à généraliser cette liberté, à ouvrir les vannes de la marchandisation sans contrepartie pour les créateurs.
Mme la présidente. La parole est à M. David Assouline, sur l'article.
M. David Assouline. Il s’agit d’un débat important dont nous devons bien comprendre les enjeux.
Le droit d’auteur est entré dans notre loi fondamentale après un long combat, ce qui a permis de protéger les créateurs et la création française. Aujourd’hui, la révolution numérique vient percuter la façon dont nous appréhendions ce droit.
Nous avons eu le même débat à propos de la musique ou du cinéma. Il s’agit aujourd’hui de la liberté de panorama.
L’Assemblée nationale a été sage en créant une exception au droit d’auteur afin de tenir compte des usages. Car l’objet de ce projet de loi est d’accompagner cette révolution numérique, de ne pas ériger de barrages conservateurs, tout en permettant à la République de continuer d’asseoir ses principes, au sein de cette révolution numérique, et de nous protéger.
L’Assemblée nationale n’a pas voulu qu’un particulier puisse être poursuivi pour avoir pris une photo d’un monument ou d’une œuvre dans l’espace public et l’avoir ensuite postée sur Facebook et envoyée à sa famille ou à ses amis. Nos collègues députés ont voulu mettre fin à cette possibilité, à cette petite hypocrisie, en créant cette exception.
Mais, comme toujours, certains ont voulu utiliser cette liberté donnée aux particuliers pour faire valoir des intérêts visant à spolier et fragiliser les créateurs, les artistes plasticiens, les arts visuels en général. Nous les connaissons tous, je parle de lobbies qui militent depuis longtemps en ce sens – je songe, par exemple, à Wikimedia…
Je rappelle tout de même que les responsables de Wikimedia ont refusé de signer un accord garantissant les droits d’auteur en échange d’un accès à toute la bibliothèque des œuvres. Ils veulent pouvoir bénéficier du dispositif sans se soucier du sort d’artistes qui – je le souligne devant la Haute Assemblée – sont particulièrement fragilisés et ne peuvent vivre que des droits d’auteur. J’aurai l’occasion d’y revenir.
Mme la présidente. Je suis saisie de cinq amendements faisant l'objet d'une discussion commune.
L'amendement n° 205, présenté par M. Barbier, n'est pas soutenu.
L'amendement n° 392 rectifié, présenté par M. Assouline, Mme S. Robert, M. Guillaume, Mmes Blondin, Cartron et D. Gillot, MM. Magner et Manable, Mme D. Michel, MM. Camani, F. Marc, Sueur et les membres du groupe socialiste et républicain, est ainsi libellé :
Alinéa 2
Rédiger ainsi cet alinéa :
« 10° Les reproductions et représentations d'œuvres architecturales et de sculptures, placées en permanence sur la voie publique, réalisées par des particuliers à des fins non lucratives. »
La parole est à M. David Assouline.
M. David Assouline. La commission de la culture a souhaité étendre l’exception au droit d’auteur décidée à l’Assemblée nationale aux associations à but non lucratif. Certains pourraient trouver cela judicieux, en considérant que ces associations ne font pas d’argent.
En réalité, ce serait un terrible cheval de Troie ! Il y a toutes sortes d’associations à but non lucratif. Et certaines font de l’argent ! Elles ne sont nullement tenues de ne pas faire de bénéfices ; leur seul impératif est de les réinvestir dans leur activité. L'Union des associations européennes de football, l’UEFA, la Fédération internationale de football association, la FIFA, et bien d’autres structures ont un statut d’association. Il y a même des associations dont l’objet est d’éditer des cartes postales ; elles pourraient donc diffuser des œuvres sans que l’auteur en tire la moindre contrepartie.
Nous ne pouvons pas accepter cela. Et il est évidemment encore moins question de procéder à une libéralisation totale en étendant le dispositif aux entreprises.
Je tiens à rappeler que la majorité des professionnels des arts visuels de notre pays vivent aujourd'hui sous le seuil de pauvreté. Ne nous laissons pas abuser par le cas particulier des quelques artistes que l’on voit partout et qui vivent tranquillement.
Les droits d’auteur que les artistes perçoivent lorsque leurs œuvres sont utilisées pour la publicité sont importants ; ils représentent 60 % de leurs revenus. En supprimant cela, nous aggraverions la situation d’une profession déjà fragilisée faute de grande organisation pour la défendre, à l’instar de ce qui existe pour la musique ou le cinéma. Imaginez d’ailleurs la révolution qu’il y aurait en France si on prenait une décision similaire pour la musique ou le cinéma !
Nous devons, certes, accompagner une évolution, mais non sacrifier l’ensemble d’une profession par une législation hâtive !
Le dispositif adopté par l’Assemblée nationale qui empêche les poursuites contre les particuliers permet d’éviter tout problème. N’allons pas au-delà.
Mme la présidente. Le sous-amendement n° 663, présenté par MM. Barbier, Mézard et Requier, est ainsi libellé :
Amendement n° 392 rectifié, alinéa 3
Remplacer les mots :
particuliers à des fins non lucratives
par les mots :
personnes physiques, à l'exclusion de tout usage à caractère directement ou indirectement commercial
La parole est à M. Jean-Claude Requier.
M. Jean-Claude Requier. Ce sous-amendement vise à limiter la liberté de panorama aux seules personnes physiques, à l’exclusion de tout usage directement ou indirectement commercial.
Il est nécessaire d’introduire en droit français la liberté de panorama, exception au droit d’auteur par laquelle les reproductions ou représentations de l’image d’une œuvre d’architecture protégée dans l’espace public sont autorisées. Cela permet la communication au public et le rayonnement du patrimoine français. Mais cela doit s’effectuer sous certaines conditions.
D’une part, la liberté de panorama ne doit pas être étendue aux activités commerciales, auquel cas il serait légitime de rémunérer justement les auteurs et de recueillir leur accord.
D’autre part, cette liberté doit être limitée aux seules personnes physiques et exclure – cela vient d’être dit – les associations « loi 1901 », qui regroupent une grande diversité d’entités, dont certaines sont puissantes. Le fait de leur accorder la liberté de panorama pourrait conduire à un détournement d’usage.
Mme la présidente. Les deux amendements suivants sont identiques.
L'amendement n° 71 rectifié bis est présenté par MM. Chaize, Pellevat, Mandelli et Calvet, Mme Cayeux, MM. Bignon, Bizet, de Legge, Mouiller, B. Fournier, Kennel et Masclet, Mme Garriaud-Maylam, MM. Cornu et Vaspart, Mme Estrosi Sassone, MM. Rapin, Savary, Bouchet, Vasselle, P. Leroy et Dallier, Mme Deroche et MM. Husson, Laménie, Trillard, Magras et L. Hervé.
L'amendement n° 196 est présenté par MM. Rome et Sueur.
Ces deux amendements sont ainsi libellés :
Alinéa 2
Supprimer les mots :
par des personnes physiques ou des associations constituées conformément à la loi du 1er juillet 1901 relative au contrat d'association, à l'exclusion de tout usage à caractère directement ou indirectement commercial
La parole est à M. Patrick Chaize, pour présenter l’amendement n° 71 rectifié bis.
M. Patrick Chaize. La liberté de panorama permet de reproduire une œuvre, essentiellement architecturale, qui se trouve dans l’espace public, mais qui attend encore son entrée dans le domaine public. Elle permet aussi de publier sur internet des photos de vacances lorsqu’un bâtiment ou une sculpture récente se trouvent au centre du cliché. Elle permet enfin à chacun de publier ses propres photos sur Wikipédia, afin d’enrichir des articles relatifs aux auteurs ou aux œuvres.
Proposée parmi diverses exceptions au droit d’auteur par la directive européenne de 2001 et inscrite dans la majorité des législations européennes, l’exception n’a toujours pas été introduite en droit français.
À ce jour, seule la représentation accessoire de l’œuvre est admise. Selon la jurisprudence, « la représentation d’une œuvre située dans un lieu public n’est licite que lorsqu’elle est accessoire au sujet principal représenté ou traité. »
En dehors d’un tel cas de figure, le code de la propriété intellectuelle considère comme contrefacteur toute personne publiant une reproduction photographique d’un espace public comprenant une telle œuvre. C’est tout l’enjeu du débat.
Dès lors que le fait de prendre des photos dans l’espace public devrait être une liberté pleine et entière, celui qui choisit de construire un bâtiment dans l’espace public ou d’y diffuser une œuvre par le truchement de deniers publics ne devrait pas pouvoir privatiser la vue de tous au nom du droit d’auteur. Ce paramètre d’espace public induit par lui-même la potentialité d’une diffusion sans entrave.
Aucune expropriation de l’auteur vis-à-vis de son œuvre ne semble être opérée dans ce cadre. Au contraire ! En outre, l’avantage de nouvelles commandes suscitées par une popularité grandissante et une présence renforcée sur les réseaux sociaux et sur le net est loin d'être négligeable.
Par ailleurs, il est aujourd’hui très difficile de définir la nature commerciale ou non de la diffusion d’une représentation photographique sur les réseaux sociaux ou sur les plateformes accueillant de la publicité.
À quel moment un site perd-il son caractère non commercial ? Facebook, qui peut utiliser à tout moment à des fins commerciales les photos diffusées par les internautes, rend-il ces derniers contrefacteurs de fait ?
L’introduction d’une liberté de panorama dans la législation française apporterait de la sécurité juridique non seulement à l’échelon national, avec la création d’un cadre légal fixe qui éviterait l’apparition d’exceptions prétoriennes instables, mais également à l’échelle européenne, par l’harmonisation des systèmes législatifs. Cette avancée française vers une liberté de panorama pourrait avoir un effet dans les discussions européennes sur la révision de la directive. À l’heure de l’open data, cela permettrait de faire connaître une avancée significative et cohérente à nos débats.
Mme la présidente. Le sous-amendement n° 664, présenté par MM. Barbier, Mézard et Requier, est ainsi libellé :
Amendement n° 71 rectifié bis, alinéa 3
Supprimer les mots :
par des personnes physiques
et les mots :
, à l'exclusion de tout usage à caractère directement ou indirectement commercial
La parole est à M. Jean-Claude Requier.
M. Jean-Claude Requier. Ce sous-amendement est défendu.
Mme la présidente. La parole est à M. Yves Rome, pour présenter l'amendement n° 196.
M. Yves Rome. Cet amendement vise à étendre la liberté de panorama à toute personne pour tout usage.
Comme cela a été rappelé, la révolution numérique a bouleversé toutes les organisations. Elle crée une insécurité juridique pour les citoyens. En effet, sur les réseaux sociaux, notamment Facebook ou Instagram, la diffusion de l’image d’une œuvre protégée dans l’espace public est presque quotidienne, et elle est tolérée de facto.
Il y a également un enjeu économique. La libre réutilisation par un écosystème français dynamique des œuvres dans l’espace public peut être un fabuleux levier de croissance. Pour preuve, selon les conclusions du Conseil national du numérique, la valeur des images présentées sur Wikimedia pour des start-up innovantes est estimée à plus de 200 millions d’euros.
L’attractivité de la France pourrait être considérablement renforcée par une telle évolution législative. Sur Wikipédia, une grande majorité de pages relatives aux communes françaises sont mal ou peu illustrées. Or Wikipédia, qui fait partie des dix sites internet les plus visités au monde, constitue une réelle vitrine du patrimoine français pour le reste du monde.
Par ailleurs, contrairement à ce qu’indiquait M. Assouline, l’enjeu pour les créateurs est d’accroître leur notoriété, qui progressera avec la diffusion de leurs œuvres sur l’ensemble des réseaux sociaux. C’est ce qui leur permettra de s’y retrouver financièrement.
En réalité, pour l’instant, le système favorise les grands créateurs. Je ne pense pas que M. Buren souffrirait d’une plus grande diffusion de l’image de son œuvre… En revanche, les petits créateurs, dont la notoriété serait accrue, seraient les principaux bénéficiaires de la mesure que je propose.
Au demeurant, cela permettrait à notre pays de s’aligner sur ses principaux partenaires européens, dont 60 % ou 70 % ont fait le choix de la liberté de panorama. Je pense notamment à l’Allemagne, au Royaume-Uni et à la Pologne.
Enfin, d’un point de vue philosophique, je considère que ce qui est dans l’espace public appartient à tout le monde. Certes, nous devons prendre en compte l’intérêt des créateurs. Mais nous ne pouvons tout de même pas ignorer la pétition en ligne en faveur de la liberté de panorama qui a recueilli plus de 20 000 signatures !
Mme la présidente. L'amendement n° 197, présenté par MM. Rome et Leconte, est ainsi libellé :
Alinéa 2
Supprimer les mots :
ou indirectement
La parole est à M. Yves Rome.
M. Yves Rome. Cet amendement est défendu.
Mme la présidente. Quel est l’avis de la commission de la culture ?
Mme Colette Mélot, rapporteur pour avis. Je souhaite d’abord apporter une précision. L’article 18 ter inscrit dans la loi ce qui était jusqu’à présent un usage. Le comportement des internautes ne changera pas après l’adoption du projet de loi. Au contraire ! Le dispositif que nous proposons apporte indiscutablement une sécurité juridique.
Par son amendement n° 392 rectifié, M. Assouline suggère de revenir à la rédaction de l’Assemblée nationale.
D’abord, l’expression « personnes physiques » nous a semblé plus pertinente que la référence aux « particuliers ».
Ensuite, nous avons jugé souhaitable d’étendre le dispositif aux associations à but non lucratif. Je pense par exemple aux associations qui mettent en valeur le patrimoine local.
Enfin, il paraît judicieux que l’interdiction vise « tout usage à caractère directement ou indirectement commercial ». La mention des « fins non lucratives » pourrait laisser penser qu’une structure ayant une activité commerciale, mais ne gagnant pas d’argent – il y en a – serait concernée par l’exception.
Pour toutes ces raisons, la rédaction de la commission nous semble préférable.
Cela étant, monsieur Assouline, j’entends vos arguments sur les associations. Je pourrais donc me prononcer en faveur de votre amendement n° 392 rectifié, sous réserve de l’adoption du sous-amendement n° 663 et d’une rectification. Je souhaite que les mots « sur la voie publique » soient remplacés par les mots « dans l’espace public ». (M. David Assouline acquiesce.) Ces deux modifications nous permettraient d’aboutir à une rédaction consensuelle, avec l’expression « personnes physiques », qui est préférable juridiquement, l’interdiction de « tout usage à caractère directement ou indirectement commercial » et la mention de « l’espace public ». Dans ces conditions, je pourrais alors émettre un avis favorable sur votre amendement, mon cher collègue.
Les amendements identiques nos 71 rectifié bis et 196 visent à supprimer toute limitation à l’exception de panorama relative au bénéficiaire ou à l’objectif poursuivi. Cette proposition a déjà été formulée – et rejetée ! – en commission.
Ma position n’a pas varié. L’introduction de l’exception de panorama en droit français, permise par la directive européenne du 22 mai 2001, est utile. Elle prend logiquement acte d’une pratique fréquente, et jamais punie, des particuliers qui photographient à des fins personnelles des bâtiments et sculptures installés dans l’espace public.
L’élargir à tous, y compris à des entreprises, et pour n’importe quel type d’usage, va bien au-delà de l’esprit d’une exception au droit d’auteur. Nous ne devons pas priver déraisonnablement un créateur de ses droits. Comment justifier qu’une entreprise de vêtements ou de cartes postales fasse commerce d’une image pour l’usage de laquelle elle n’aurait pas rémunéré l’auteur ?
À cet égard, le compromis trouvé à l’Assemblée nationale, lequel a été précisé dans sa rédaction et élargi par la commission de la culture, me semble répondre aux défenseurs de la liberté de panorama, dans les limites d’une juste rémunération des auteurs, dont nous devons prendre l’intérêt en compte.
La commission émet donc un avis défavorable sur ces deux amendements identiques.
L’amendement n° 197 vise à élargir l’exception de panorama aux usages indirectement commerciaux. Une telle modification permettrait à toute personne physique ou morale de récupérer une photographie de bâtiment ou de sculpture extérieure mise à disposition par un particulier dans le cadre autorisé de l’exception pour un usage commercial sur lequel le créateur de l’œuvre ne bénéficierait d’aucune rémunération. La commission de la culture y est hostile.
Mme la présidente. Monsieur Assouline, acceptez-vous de rectifier votre amendement dans le sens suggéré par la commission de la culture ?
M. David Assouline. Oui, madame la présidente, ce pour des raisons juridiques.
L’expression « voie publique » fait référence à la route ou à l’autoroute. Celle d’« espace public » est plus large. Mais ce n’est pas le « domaine public » ; les musées ne sont donc pas visés. Je tenais à le préciser pour rassurer les professionnels concernés.
Mme la présidente. Je suis donc saisie de l’amendement n° 392 rectifié bis, présenté par M. Assouline, Mme S. Robert, M. Guillaume, Mmes Blondin, Cartron et D. Gillot, MM. Magner et Manable, Mme D. Michel, MM. Camani, F. Marc, Sueur et les membres du groupe socialiste et républicain, et ainsi libellé :
Alinéa 2
Rédiger ainsi cet alinéa :
« 10° Les reproductions et représentations d'œuvres architecturales et de sculptures, placées en permanence dans l'espace public, réalisées par des particuliers à des fins non lucratives. »
Quel est l’avis du Gouvernement sur l’ensemble des amendements en discussion ?
Mme Axelle Lemaire, secrétaire d'État. La liberté de panorama est un sujet très discuté. Le Gouvernement a fait évoluer sa position entre le débat à l’Assemblée nationale et l’examen du présent texte par le Sénat.
Nous sommes dans le cas de figure typique d’un décalage entre les nouvelles pratiques permises par les outils numériques et le droit.
Je pense qu’il faut maintenir l’équilibre trouvé à l’Assemblée nationale. La liberté de panorama doit être reconnue pour permettre, par exemple, à des particuliers de photographier des œuvres situées sur la voie publique, mais elle ne doit pas être étendue aux pratiques menées à des fins commerciales.
Le Gouvernement n’est pas non plus favorable à l’extension aux associations.
Face à la transition numérique, le rôle des pouvoirs publics est, certes, d’anticiper et de préparer l’avenir, mais c’est aussi de protéger les publics qui pourraient avoir à subir les conséquences de telles évolutions.
En l’espèce, nous parlons d’une population très fragilisée ; tous les artistes n’ont pas forcément pleinement intégré les innovations les plus en pointe en matière de création. Il s’agit de designers, de graphistes ou de certains photographes, non pas de stars de cinéma ou de grandes maisons d’édition anglo-saxonnes ayant profité des phénomènes de concentration pour se transformer en multinationales !
Le Gouvernement est donc défavorable aux amendements nos 71 rectifié bis, 196 et 197, ainsi qu’aux sous-amendements nos 663 et 664.
Je comptais émettre un avis de sagesse sur l’amendement n° 392 rectifié. Mais, après rectification, celui-ci est devenu l’amendement n° 392 rectifié bis. Or je n’ai pas été en mesure de faire expertiser juridiquement le remplacement de la référence à la « voie publique » par la mention de l’« espace public », même si j’en comprends l’objectif. Je suis donc contrainte de me déclarer défavorable à cet amendement dans sa nouvelle rédaction. Le débat sur le sujet pourra se poursuivre lors de la tenue de la commission mixte paritaire.
Mme la présidente. La parole est à Mme Corinne Bouchoux, pour explication de vote.
Mme Corinne Bouchoux. Je constate que, depuis ce matin, notre tropisme libéral est à géométrie variable !
Le TDM était plébiscité par les chercheurs en sciences, la Conférence des présidents d’université, l’ensemble du monde universitaire, ainsi que par un journal aussi révolutionnaire que Les Échos. (Sourires.) Et pourtant, ce fut un échec. Je vous avoue ma perplexité par rapport à ce qui a été décidé.
Je vais essayer d’avoir un raisonnement pondéré sur la liberté de panorama.
J’appartiens à une famille politique dans laquelle le courant libertaire est très puissant, d’où une vision très généreuse en la matière. En plus, j’adore Wikipédia ; nous sommes tous très contents d’y être mis en avant. Je comprends donc certains arguments.
Néanmoins, nous n’avons pas déposé d’amendements sur cet article. Je tiens à m’en expliquer.
Il se trouve que je suis présidente du groupe d’études Photographie et autres arts visuels, ce qui me permet de faire une minute de publicité. (Sourires.) Ce groupe d’études ne rencontre pas les lobbies ou les artistes riches. Il défend les étudiants des écoles d’art – il pourrait s’agir de nos enfants ! – qui ont besoin de pouvoir vivre du produit de leur travail.
Il faut, me semble-t-il, concilier notre utopie de libéralité avec la situation de ces jeunes étudiants. Il s’agit d’artistes photographes ou de plasticiens, souvent issus de milieux populaires, et non d’architectes fortunés. Or, compte tenu du modèle économique, leurs revenus comprennent aussi le droit d’auteur, ou ce qu’il en reste ! Nous devons trouver un équilibre.
J’ai bien compris que le Gouvernement n’avait pas pu faire expertiser la rédaction retenue après rectification. Mes amis et moi-même assumons nos positions, même quand elles correspondent à l’opinion dominante.
Il faut soit chercher un dispositif équilibré qui préserve les intérêts des uns et des autres, soit inventer quelque chose de totalement nouveau pour nos artistes !
Voilà pourquoi nous n’avons pas souhaité amender cet article. Certes, nous aimons beaucoup Wikipédia. Mais une association « loi 1901 » très vertueuse n’est pas forcément exempte de préoccupations liées à un modèle économique.
Mme la présidente. La parole est à M. Jean-Yves Leconte, pour explication de vote.
M. Jean-Yves Leconte. Je souhaite faire part de mon étonnement.
Certes, il faut protéger les droits des créateurs. Mais, en l’occurrence, nous parlons d’œuvres architecturales qui se trouvent sur la voie publique, voire, dans le cas de bâtiments, qui ont donné lieu à rémunération.
Ne présentons pas le dispositif envisagé comme une attaque contre la création. Il s’agit simplement de mobiliser les techniques modernes pour promouvoir l’image de notre pays. Cela concerne la création la plus récente, et pas seulement ce qui relève du domaine public !
Si nous voulons donner l’image d’une France moderne et dynamique, faisons en sorte de montrer et de diffuser le plus largement possible ce qui fait sa richesse intellectuelle. Les pays dont la création sera connue et reconnue dans le monde seront ceux qui s’en seront donné les moyens, à commencer par la liberté de panorama.
Il faut en avoir conscience : ce sont les décisions que nous prendrons aujourd'hui qui permettront demain à notre pays d’être, ou non, reconnu à l’étranger ! Il est important d’élargir nos possibilités.
Mme la présidente. La parole est à Mme Sylvie Robert, pour explication de vote.
Mme Sylvie Robert. Le sujet est à la fois important et délicat. Je pense que nous allons trouver le point d’équilibre. C’est notre responsabilité collective, à plus forte raison après le débat que nous avons eu sur le TDM.
Veillons à trouver un équilibre entre liberté de l’usager – je pense notamment à la sécurisation des internautes –, valorisation de notre patrimoine, dont nous connaissons aujourd'hui l’importance dans notre pays, et respect du droit d’auteur ! Évitons un jusqu’au-boutisme qui serait motivé par des considérations économiques ou touristiques !
Par ailleurs, l’argument qui vient d’être avancé n’est pas juste. La question du droit d’auteur, c’est celle du lien entre l’œuvre et le créateur.
Certes, il est possible que certains créateurs aient reçu de l’argent public pour installer leurs œuvres sur l’espace public. Mais attention ! Toutes ces œuvres ne sont pas payées sur fonds publics. Il y a aussi des œuvres privées. D’ailleurs, à en juger par les débats que nous avons eus lors de l’examen du projet de loi relatif à la liberté de la création, à l’architecture et au patrimoine, je pense que ce sera de plus en plus le cas.
Mais, encore une fois, le sujet, c’est le lien entre l’œuvre et le créateur.
Pour terminer, le droit d’auteur n’a jamais été un frein à la diffusion de la culture, à son rayonnement, à son image et surtout à celle de notre pays.
Gardons bien à l’esprit que, en poussant la démarche jusqu’au bout, la privation de revenus des créateurs, singulièrement des plus fragiles d’entre eux dans le secteur des arts visuels – je pense aux photographes –, pourra être un frein réel à la vitalité de la création artistique dans notre pays. Si cela devait se produire, nous ne parlerons même plus de la liberté de panorama ni du droit d’auteur !
Mme la présidente. La parole est à M. Yves Rome, pour explication de vote.
M. Yves Rome. Ce combat, au nom des valeurs et du respect de la création, est d’arrière-garde. La ligne Maginot a été franchie ! Les usages que le numérique entraîne sont là. Faute de savoir anticiper, nous ne pourrons que retarder leurs effets, mais pas les empêcher.
Il me semble, au contraire, que tous les créateurs, notamment les plus petits, ceux qui ne vivent pas complètement de leurs créations, auront tout à gagner à une plus large diffusion de leurs œuvres sur les réseaux sociaux.
Mme la présidente. La parole est à M. David Assouline, pour explication de vote.
M. David Assouline. Qu’il me soit permis de lever quelques préventions, car j’entends encore dire que ce texte, tel qu’il a été rédigé par l’Assemblée nationale, pourrait avoir pour effet d’inquiéter les particuliers et de freiner l’évolution de leurs usages. Je veux le dire clairement : quel que soit le cas de figure, les particuliers ne pourront pas être inquiétés.
Prenons un exemple. Si je poste une photo de la villa Savoye sur Facebook ou Twitter, je ne pourrai pas être condamné, car la liberté de panorama pour les particuliers sur œuvre dans l’espace public que je propose de rétablir ne permet pas de sanctionner un tel fait. Si l’un de mes amis retweete ou partage la photo, il ne sera pas non plus inquiété, car il s’agit d’une utilisation non commerciale.
En revanche, si un producteur ou une association s’empare de la photo pour créer un t-shirt ou une carte postale, l’utilisation sera commerciale et l’un ou l’autre devra acquitter des droits d’auteur. Ce n’est pas moi qui serai sanctionné, contrairement à ce que certains ont affirmé, mais c’est celui qui fait un usage commercial de la photo.
Toutefois, il est certain que j’aurais pu être attaqué avant que l’on inscrive dans la loi l’exception dont nous discutons et que je souhaite rétablir grâce à l’amendement n° 392 rectifié bis du groupe socialiste.
En tout état de cause, j’approuve la rectification proposée par Mme la rapporteur pour avis. Je comprends que le Gouvernement a besoin d’une expertise juridique plus poussée. Nous verrons tout cela en commission mixte paritaire. J’approuve également le sous-amendement défendu par Jean-Claude Requier. Il est plus clair et précis d’inscrire « personnes physiques, à l’exclusion de tout usage à caractère directement ou indirectement commercial » plutôt que « particuliers à des fins non lucratives ». Le terme « particuliers », dans la loi, me semble être une abstraction, contrairement à l’expression « personnes physiques » qui est plus identifiable juridiquement.
Mme la présidente. La parole est à M. Alain Richard, pour explication de vote.
M. Alain Richard. J’appelle le Sénat à un instant de réflexion. Ce débat dans lequel amis et collègues s’opposent avec une parfaite bonne foi a été suscité par une démarche habile autour du concept de liberté de panorama. C’est très adroit ! Mais c’est trompeur.
Permettez-moi de revenir sur ce que j’ai dit tout à l’heure au sujet du droit d’auteur. Celui-ci comprend deux aspects. D’une part, le droit d’auteur, c’est la protection de l’œuvre et des droits de l’auteur sur son œuvre. D’autre part, le droit d’auteur, c’est aussi un principe d’équité dans l’économie de l’œuvre : celui qui a produit l’œuvre a droit à une rémunération pendant une durée fixée par la loi – il s’agit d’ailleurs d’une loi internationale.
L’enjeu, avec la liberté de panorama, ce n’est pas du tout de savoir s’il est possible ou non de reproduire une œuvre ; il s’agit de savoir si cette liberté est assortie d’une rémunération de l’auteur. L’expression « liberté de panorama » n’est-elle pas en réalité une acrobatie pour dissimuler le fait, sous couvert de défendre une liberté, que l’on ne rémunérera personne ?
Notre assemblée semble faire preuve d’ingénuité sur ce point, alors que nous sommes nombreux à être expérimentés, pour ne pas dire chenus !
Selon moi, l’emploi de cette expression est une tentative habile pour défendre le droit de diffuser une œuvre, avec des avantages économiques, sans rémunérer son auteur. C’est uniquement de ça qu’il s’agit ici !
Je complète mon propos en attirant l’attention de Mme Mélot sur un point : les éléments de la modification qu’elle propose sont tous valables, excepté l’expression « espace public », qui n’apporte rien. La voie publique, en droit, pour appuyer les remarques de Mme la secrétaire d’État, désigne tout espace aménagé pour la libre circulation du public, et non un espace routier ! La voie publique, ce sont par exemple les parcs et jardins, les voies piétonnes, ou encore la cour d’un monument historique. Nul besoin de substituer aux termes « voie publique » qui ont un sens juridique certain, l’expression « espace public » qui est une dénomination courante, mais n’a aucune valeur en droit.
Mme la présidente. La parole est à Mme la présidente de la commission de la culture.
Mme Catherine Morin-Desailly, présidente de la commission de la culture, de l'éducation et de la communication. Nous nous attendions à avoir un débat riche et fourni sur la liberté de panorama. Nous sommes sur le point d’atteindre un équilibre certes subtil, mais qui a été travaillé en amont depuis quinze jours au sein de la commission.
À cet égard, je remercie Mme la rapporteur pour avis qui, tant sur le TDM que sur la présente question, a toujours cherché la ligne de crête et la voie médiane, afin de défendre la création artistique et le respect des droits d’auteurs, tout en les inscrivant dans une forme de modernité nécessaire à l’accompagnement de la mutation numérique.
Tenons-nous-en à la proposition de Mme la rapporteur pour avis, afin d’aboutir au texte le plus satisfaisant possible. Je remercie Mme Mélot, qui a réalisé depuis quinze jours un véritable travail de dentelle.
Mme la présidente. La parole est à Mme Colette Mélot, rapporteur pour avis.
Mme Colette Mélot, rapporteur pour avis. Ce débat fort intéressant fait avancer notre point de vue. C’est un sujet sur lequel il fallait beaucoup réfléchir. Certes, la liberté évoluera encore, mais il convient d’être vigilant en matière de droit d’auteur. La commission de la culture a fait preuve de prudence dans ses travaux.
Toutefois, j’ai bien écouté les propos de M. Richard, dont l’expertise juridique n’est plus à prouver. La commission des lois fait d’ailleurs souvent appel à ses vues expertes. Notre collègue affirmant que l’expression « voie publique » est celle qui convient, je me rallie à sa position et suggère à M. Assouline de rectifier une nouvelle fois son amendement.
Mme la présidente. La parole est à M. Patrick Chaize, pour explication de vote.
M. Patrick Chaize. Permettez-moi de préciser mes objectifs dans ce débat intéressant.
Tout d’abord, madame le rapporteur pour avis, l’inscription dans la loi peut modifier les usages, j’en suis convaincu. Quand il y a des ambiguïtés, personne ne fait ni ne dit rien. Mais dès lors que le sujet est mis sur la table et que le débat a lieu, les choses évoluent.
Je m’étonne que nos discussions soient si figées sur la liberté de panorama. La France, pourtant pays de liberté, sera l’un des rares pays en Europe à ne pas avoir ouvert droit à cette liberté de panorama. Mon objectif est non pas de protéger Wikipédia, Facebook et autres, ni de surprotéger les auteurs – même si je les respecte profondément –, qui, comme cela a été souligné, ont été rémunérés pour leur œuvre, mais de défendre les particuliers, qui ne sont représentés par personne, si ce n’est par nous.
Entre deux maux, il faut parfois choisir le moindre. C’est pourquoi je maintiens mon amendement, qui tend à protéger de façon certaine les particuliers en cas de diffusion de photos sur les sites.
Mme la présidente. Monsieur Assouline, acceptez-vous de rectifier l’amendement n° 392 rectifié bis dans le sens suggéré par la commission de la culture ?
M. David Assouline. J’ai écouté attentivement M. Richard. Ses arguments sont convaincants. L’expertise juridique sera certainement poursuivie, notamment en commission mixte paritaire. L’espace public existe en droit puisque la loi sur le port du voile y fait expressément référence.
Cela étant, le débat reste ouvert, mais à ce stade, je me range à l’avis d’un expert tel que mon collègue Alain Richard. D’ici à la commission mixte paritaire, nous aurons peut-être encore le temps d’aller plus loin.
Mme la présidente. Je suis donc saisie de l'amendement n° 392 rectifié ter, présenté par M. Assouline, Mme S. Robert, M. Guillaume, Mmes Blondin, Cartron et D. Gillot, MM. Magner et Manable, Mme D. Michel, MM. Camani, F. Marc, Sueur et les membres du groupe socialiste et républicain, et ainsi libellé :
Alinéa 2
Rédiger ainsi cet alinéa :
« 10° Les reproductions et représentations d'œuvres architecturales et de sculptures, placées en permanence sur la voie publique, réalisées par des particuliers à des fins non lucratives. »
Je mets aux voix le sous-amendement n° 663.
(Le sous-amendement est adopté.)
Mme la présidente. La parole est à Mme la secrétaire d'État.
Mme Axelle Lemaire, secrétaire d'État. Je tiens à préciser que le Gouvernement n’a pas changé d’avis : il s’en remet à la sagesse du Sénat sur l’amendement initial de M. Assouline.
Mme la présidente. Je mets aux voix l'amendement n° 392 rectifié ter, modifié.
(L'amendement est adopté.)
Mme la présidente. En conséquence, les amendements identiques nos 71 rectifié bis et 196, le sous-amendement n° 664, ainsi que l’amendement n° 197 n'ont plus d'objet.
Je mets aux voix l'article 18 ter, modifié.
(L'article 18 ter est adopté.)
Article 18 quater
(Supprimé)
Demande de priorité
Mme Axelle Lemaire, secrétaire d'État. En application de l’article 44, alinéa 6, du règlement du Sénat, le Gouvernement demande l’examen en priorité des amendements nos 602 et 603 rectifié, qui tendent à insérer des articles additionnels après l’article 23 ter, à seize heures quinze, au moment de la reprise de la discussion du présent texte, soit avant l’examen des articles 43 à 45, appelés précédemment en priorité.
Mme la présidente. Quel est l’avis de la commission sur cette demande de priorité ?
M. Philippe Bas, président de la commission des lois constitutionnelles, de législation, du suffrage universel, du règlement et d'administration générale. La commission n’a pas pu se réunir. Je ne demanderai pas de suspension de séance et je prends sur moi de donner mon accord.
Mme la présidente. La priorité est ordonnée.
TITRE II
LA PROTECTION DES DROITS DANS LA SOCIÉTÉ NUMÉRIQUE
Chapitre Ier
Environnement ouvert
Section 1
Neutralité de l’internet
Article 19
Le titre Ier du livre II du code des postes et des communications électroniques est ainsi modifié :
1° Après le 5° du II de l’article L. 32-1, il est inséré un 5° bis ainsi rédigé :
« 5° bis La neutralité de l’internet, définie au q du I de l’article L. 33-1 ; »
2° Le 2° de l’article L. 32-4 est ainsi modifié :
a) Après le mot : « trafic », sont insérés les mots : « , y compris de gestion, » ;
b) Sont ajoutés les mots : « , notamment en vue d’assurer le respect de la neutralité de l’internet mentionnée au q du I de l’article L. 33-1 » ;
3° Le I de l’article L. 33-1 est ainsi modifié :
a) Après le o, il est inséré un q ainsi rédigé :
« q) La neutralité de l’internet, qui consiste à garantir l’accès à l’internet ouvert régi par le règlement (UE) 2015/2120 du Parlement européen et du Conseil du 25 novembre 2015 établissant des mesures relatives à l’accès à un internet ouvert et modifiant la directive 2002/22/CE concernant le service universel et les droits des utilisateurs au regard des réseaux et services de communications électroniques et le règlement (UE) n° 531/2012 concernant l’itinérance sur les réseaux publics de communications mobiles à l’intérieur de l’Union. » ;
b) À la fin du dernier alinéa, la référence : « o » est remplacée par la référence : « q » ;
4° Au 3° de l’article L. 36-7, après le mot : « Union », sont insérés les mots : « , du règlement (UE) 2015/2120 du Parlement européen et du Conseil du 25 novembre 2015 établissant des mesures relatives à l’accès à un internet ouvert et modifiant la directive 2002/22/CE concernant le service universel et les droits des utilisateurs au regard des réseaux et services de communications électroniques et le règlement (UE) n° 531/2012 concernant l’itinérance sur les réseaux publics de communications mobiles à l’intérieur de l’Union » ;
5° Le 5° du II de l’article L. 36-8 est ainsi modifié :
a) Après le mot : « trafic », sont insérés les mots : « , y compris de gestion, » ;
b) Sont ajoutés les mots : « , en vue notamment d’assurer le respect de la neutralité de l’internet mentionnée au q du I de l’article L. 33-1 » ;
6° L’article L. 36-11 est ainsi modifié :
a) Après le mot : « réseau », la fin de la première phrase du premier alinéa est ainsi rédigée : « , des fournisseurs de services de communications électroniques, des fournisseurs de services de communication au public en ligne ou des prestataires de services d’envoi de recommandé électronique mentionnés à l’article L. 100. » ;
b) Après le mot : « réseau », la fin du premier alinéa du I est ainsi rédigée : « , par un fournisseur de services de communications électroniques, par un fournisseur de services de communication au public en ligne ou par un prestataire de services d’envoi de recommandé électronique : » ;
c) Après le troisième alinéa du même I, il est inséré un alinéa ainsi rédigé :
« – aux dispositions du règlement (UE) 2015/2120 du Parlement européen et du Conseil du 25 novembre 2015 établissant des mesures relatives à l’accès à un internet ouvert et modifiant la directive 2002/22/CE concernant le service universel et les droits des utilisateurs au regard des réseaux et services de communications électroniques et le règlement (UE) n° 531/2012 concernant l’itinérance sur les réseaux publics de communications mobiles à l’intérieur de l’Union ; »
d) Le même I est complété par un alinéa ainsi rédigé :
« Lorsque l’Autorité estime qu’il existe un risque caractérisé qu’un exploitant de réseau ou un fournisseur de services de communications électroniques ne respecte pas à l’échéance prévue initialement ses obligations résultant des dispositions et prescriptions mentionnées au présent I elle peut mettre en demeure l’exploitant ou le fournisseur de s’y conformer à cette échéance. » ;
e) À la première phrase du II, les mots : « ou un fournisseur de services de communications électroniques » sont remplacés par les mots : « , un fournisseur de services de communications électroniques ou un fournisseur de services de communication au public en ligne ».
Mme la présidente. La parole est à Mme la présidente de la commission de la culture, sur l’article.
Mme Catherine Morin-Desailly, présidente de la commission de la culture. La neutralité du net est un principe important selon lequel toutes les données qui sont échangées sur le web doivent être traitées à égalité, qu’il s’agisse d’un courriel envoyé à un ami ou d’une vidéo hébergée sur YouTube.
Ce principe est l’objet d’une bataille législative dont les enjeux sont autant économiques – il convient de ne pas privilégier des services payants au détriment de sites gratuits – que démocratiques – il ne faut pas favoriser des groupes ou des opinions politiques ni limiter l’accès et le transfert de données.
Le Parlement européen a adopté au mois d’octobre dernier le fameux paquet de règlements sur les télécommunications. Ce texte établit que « le principe de “neutralité de l’internet” dans l’internet ouvert signifie que tout le trafic devrait être traité de la même manière, sans discrimination, restriction ou interférence, quels que soient l’émetteur, le récepteur, le type, le contenu, l’appareil, le service ou l’application. […] Le caractère ouvert de l’internet est un moteur clé de compétitivité, de croissance économique, de développement social et d’innovation ».
L’article 19 du présent projet de loi est, quant à lui, en grande partie la transposition en droit national de ce règlement européen relatif au marché unique des télécommunications tout juste adopté. Ce règlement vise une harmonisation maximale. Il importe donc que les dispositions se conforment à l’esprit et à la lettre du règlement.
Le texte adopté par l’Assemblée nationale est conforme, selon nous, au cadre européen et ne doit plus évoluer. Cela est d’autant plus important que les régulateurs européens préparent des lignes directrices sur le règlement. Si la loi devait diverger du règlement, le cadre français risque d’être non conforme à ces lignes directrices, qui serviront pourtant de socle pour le travail des régulateurs.
Mme la présidente. L'amendement n° 461, présenté par Mme Assassi, MM. Bosino, Abate et les membres du groupe communiste républicain et citoyen, est ainsi libellé :
Alinéa 9
Remplacer cet alinéa par trois alinéas ainsi rédigés :
« q) Conformément au règlement (UE) 2015/2120 du Parlement européen et du Conseil du 25 novembre 2015 établissant des mesures relatives à l’accès à un internet ouvert et modifiant la directive 2002/22/CE concernant le service universel et les droits des utilisateurs au regard des réseaux et services de communications électroniques et le règlement (UE) n° 531/2012 concernant l’itinérance sur les réseaux publics de communications mobiles à l’intérieur de l’Union, la neutralité de l’Internet garantie par :
« – le traitement égal et non discriminatoire de tout trafic par les opérateurs dans la fourniture des services d’accès à Internet sans restriction ou interférence, quels que soient l’expéditeur et le destinataire, les contenus consultés ou diffusés, les applications ou les services utilisés ou fournis ou les équipements terminaux utilisés ;
« – et le droit des utilisateurs finals, y compris les personnes fournissant des services de communication au public en ligne d’accéder et de contribuer à Internet. » ;
La parole est à M. Patrick Abate.
M. Patrick Abate. Aujourd’hui, internet est un élément structurant de notre espace public, un bien commun, un lieu d’innovation, de communication, de diffusion des savoirs et des idées.
Lorsqu’on aborde la question de la neutralité d’internet, il s’agit en fait de la neutralité des réseaux. Ce principe de non-discrimination permet à chacun d’avoir un égal accès à internet, et permet aussi qu’aucun contenu ne bénéficie d’un traitement préférentiel. Cette règle empêche le fournisseur d’accès à internet d’influer sur ce que fait l’internaute ou sur la vitesse à laquelle sont transmis les paquets de données sur le réseau. En clair, toutes les données doivent être traitées de la même manière, qu’elles proviennent d’une personne, du Gouvernement, d’une petite ou d’une grosse entreprise.
Nous proposons par notre amendement de donner une définition positive de cette règle au lieu d’un simple renvoi aux règlements européens, qui fixent une définition plus ambiguë et qui contiennent surtout un trop grand nombre d’exceptions à la neutralité.
Si les règlements européens sont d’application directe et qu’ils priment sur la loi nationale, toutefois les dispositions législatives, réglementaires et administratives en vigueur dans les États membres sont licites si le règlement le prévoit ou si son application efficace l’exige.
À cet égard, le Conseil constitutionnel rappelle que, en l’état actuel des moyens de communication et eu égard au développement généralisé des services de communication au public en ligne, ainsi qu’à l’importance prise par ces services pour la participation à la vie démocratique et à l’expression des idées et des opinions, ce droit implique la liberté d’accès à ces services.
C’est pourquoi nous pensons qu’il faut une définition ambitieuse de la neutralité d’internet. La loi, parce que l’internet est un bien commun, doit garantir à tous un accès absolument non discriminatoire.
Mme la présidente. Quel est l’avis de la commission des affaires économiques ?
M. Bruno Sido, rapporteur pour avis de la commission des affaires économiques. Cet amendement vise à reformuler la définition du principe de neutralité du net.
La définition donnée par l’article 19, en l’état, nous semble plus précise et plus sûre. En effet, elle renvoie directement et uniquement au règlement européen relatif au marché unique des communications électroniques dit « MUCE », du 25 novembre 2015.
L’article 3 de ce texte précise de façon très complète et détaillée le contenu de ce principe de neutralité.
Nous préférons donc, M. Abate le comprendra bien, pour des motifs de clarté et de sécurité juridique, nous en tenir à la seule référence à la définition de ce principe par le droit communautaire, plutôt que ne prendre qu’une partie de cette définition, comme le prévoit l’amendement. L’adoption de celui-ci nous exposerait à un risque de divergence avec le règlement européen, qui est bien d’application directe, et dont nous ne pouvons absolument pas nous écarter. Nous serions alors obligés de légiférer de nouveau.
Pour cette raison, la commission des affaires économiques émet un avis défavorable.
Mme la présidente. Quel est l’avis du Gouvernement ?
Mme Axelle Lemaire, secrétaire d'État. Le Gouvernement est également défavorable à cet amendement. J’en partage toutefois pleinement l’objet, qui est d’assurer un accès ouvert à l’internet pour un traitement non discriminatoire des types de trafics, et qui garantisse le droit des utilisateurs à accéder aux contenus de leur choix et à les publier.
Le projet de loi pour une République numérique est un texte d’ouverture et de liberté. Il rend accessible les données publiques, il garantit la neutralité du net, il ouvre les codes sources et les algorithmes des administrations, il donne libre accès aux écrits scientifiques des chercheurs. C’est la raison pour laquelle j’ai souhaité que le principe de neutralité du net figure dans la loi nationale, bien qu’il ait été discuté à l’échelon européen et que le règlement adopté à la fin de l’année dernière soit d’application immédiate.
Vous aurez remarqué, mesdames, messieurs les sénateurs, que l’expression « neutralité de l’internet » figure dans le texte de loi, ce qui n’est pas le cas dans le texte européen. J’en profite pour souligner à quel point le gouvernement français a été actif pour permettre l’adoption du règlement européen. À partir du moment où la position du gouvernement français a été très clairement affirmée à Bruxelles et que nous avons activement recherché des partenaires en Europe pour parvenir à une position commune, le règlement a été adopté.
Pour autant, à ce stade, il est important d’assurer la sécurité juridique et la lisibilité du cadre réglementaire qui a été trouvé, ce pour deux raisons. D’abord, ce texte sur la neutralité s’appliquera avant tout aux opérateurs de télécommunications. Or ceux-ci sont soumis à une réglementation très largement définie à Bruxelles par des textes européens. Ensuite, lorsque l’on intègre une vision différente sur un sujet comme la neutralité du net dans le droit national, on aboutit potentiellement à un effet contre-productif par rapport à l’objectif.
En effet, l’idée est de faire masse dans les pratiques des usagers. Plus ces pratiques évolueront dans un cadre harmonisé à l’échelon européen, plus elles permettront au principe de neutralité de l’internet de s’affirmer pleinement pour dominer complètement les comportements commerciaux et économiques des entreprises concernées.
Nous sommes allés le plus loin possible. C’est la raison pour laquelle le Gouvernement est, je le répète, défavorable à cet amendement.
Mme la présidente. La parole est à M. Patrick Abate, pour explication de vote.
M. Patrick Abate. J’entends bien l’argument selon lequel il est important de faire masse. Il a évidemment tout son sens.
Je maintiens néanmoins mon amendement. Contrairement à ce que Mme la secrétaire d’État vient d’affirmer, il ne sera pas nécessaire de légiférer de nouveau. Il suffit de considérer qu’il s’agit d’appliquer sur le territoire le droit européen.
Il serait possible de faire masse de manière plus efficace en termes de neutralité. Certes, le règlement européen affirme le principe de neutralité : c’est un fait, il est plutôt protecteur ; mais dans le même temps, il accepte trop d’exceptions. Par exemple, il est possible d’ouvrir des voies rapides contre des rémunérations pour des services spécialisés, comme il est également possible d’intervenir sur la bande passante pour empêcher des encombrements imminents, ce qui permet à un fournisseur d’accès de ralentir le trafic à n’importe quel moment.
Telles sont les préoccupations que nous souhaitons exprimer au travers de cet amendement.
Mme la présidente. L'amendement n° 432, présenté par M. Sido, est ainsi libellé :
I. – Alinéa 16
Remplacer les mots :
, des fournisseurs de services de communication au public en ligne ou des prestataires de services d’envoi de recommandé électronique mentionnés à l’article L. 100
par les mots :
ou des fournisseurs de services de communication au public en ligne
II. – Alinéa 17
Remplacer les mots :
, par un fournisseur de services de communication au public en ligne ou par un prestataire de services d’envoi de recommandé électronique
par les mots :
ou par un fournisseur de services de communication au public en ligne
La parole est à M. Bruno Sido.
M. Bruno Sido. Sur deux des articles au sujet desquels la commission des affaires économiques a reçu délégation au fond, à savoir les articles 19 et 39, j’ai déposé des amendements à titre personnel, mais ceux-ci ont été validés par la commission.
Il s’agit ici d’un amendement de coordination avec les modifications proposées pour l’article 40 du projet de loi sur lequel la commission des affaires économiques a donc émis un avis favorable.
Mme la présidente. Quel est l’avis du Gouvernement ?
Mme la présidente. Je mets aux voix l'article 19, modifié.
(L'article 19 est adopté.)
Article additionnel après l'article 19
Mme la présidente. L'amendement n° 463, présenté par Mme Assassi, MM. Bosino, Abate et les membres du groupe communiste républicain et citoyen, est ainsi libellé :
Après l'article 19
Insérer un article additionnel ainsi rédigé :
Avant l’article L. 111-1 du code de la propriété intellectuelle, il est inséré un article L. … ainsi rédigé :
« Art. L. … – Le domaine public regroupe l’ensemble des œuvres et des idées qui n’appartiennent à personne et dont l’usage et la jouissance sont communs à tous. Les œuvres non-assujetties au droit d’auteur, au droit de propriété intellectuelle ou aux droits voisins et celles dont les créateurs souhaitent leur inscription dans le domaine public entrent de plein droit dans ledit domaine. »
La parole est à M. Patrick Abate.
M. Patrick Abate. Le domaine public est aujourd’hui important à plusieurs niveaux.
Tout d’abord, il est un pendant essentiel du droit d’auteur et des droits voisins ; il permet de borner ces derniers et de légitimer leur emprise.
La question du domaine public pose le débat de ces biens sans maître qui, exemptés des droits patrimoniaux, appartiennent au final à tout le monde. C’est ici une conception noble des arts, créés par l’humanité pour l’humanité.
Par ailleurs, le domaine public permet aussi d’enrichir la création puisque les artistes contemporains n’hésitent pas à s’appuyer sur des œuvres tombées dans le domaine public pour produire de nouvelles créations.
Malheureusement, le domaine public souffre aujourd’hui d’une tare : son absence du code de la propriété intellectuelle. De fait, la seule définition du domaine public est une définition négative, conçue par la doctrine et la jurisprudence, forcément mouvantes et sujettes à des revirements.
Internet et le numérique ont conduit à un intérêt renforcé du domaine public puisqu’ils permettent une diffusion des plus larges d’œuvres historiques. Cette diffusion est d’autant plus facilitée que l’œuvre est modifiable. Je pense notamment chaque année à la liste des nouveaux films entrant dans le domaine public qui peuvent faire l’objet de processus de sous-titrages par des passionnés, ce qui permet une diffusion plus large.
Pour ne donner qu’un exemple, le site archive.org permet de télécharger, gratuitement et légalement, plus de 5 000 films.
Cela étant, le maintien du domaine public dans une définition négative – « ce qui n’est pas protégé par le droit d’auteur » – le fragilise trop souvent. On peut d’ailleurs le considérer, à l’instar de l’universitaire et juriste Michael Birnhack, comme « la tombe des œuvres protégées par le droit d’auteur ».
Actuellement, le risque majeur, qui dépend totalement de l’unique négativité de la définition du domaine public, est la tendance à un rallongement de la durée du droit d’auteur. Ainsi, en limitant le domaine public au néant suivant la protection d’auteur, on entraîne une dépendance du premier vis-à-vis du second.
Cette question, qu’on pourrait qualifier de technocratique, a pourtant des incidences fortes. Ainsi, une véritable bataille politique s’est jouée contre le Copyright Term Extension Act aux États-Unis en 1998, puisque ce dernier a fait retourner dans le giron du droit d’auteur des œuvres entrées dans le domaine public, comme celles de George Gershwin, pour ne citer que lui…
Mme la présidente. Quel est l’avis de la commission de la culture ?
Mme Colette Mélot, rapporteur pour avis. Cet amendement vise à introduire dans le code de la propriété intellectuelle une définition du domaine public.
Cette définition est fort délicate à établir, compte tenu des antagonismes en présence et des différences d’interprétation juridique entre experts, comme je l’indiquais dans mon commentaire relatif à l’amendement n° 460 des mêmes auteurs. De fait, le Gouvernement, après avoir envisagé de traiter cette question dans le présent projet de loi, y a renoncé pour les raisons évoquées précédemment. La réflexion doit donc encore se poursuivre, plus sereinement, pour aboutir à une solution satisfaisante et acceptée par les parties en présence.
L’avis de la commission de la culture est par conséquent défavorable.
Mme la présidente. Quel est l’avis du Gouvernement ?
Mme Axelle Lemaire, secrétaire d'État. Il est également défavorable, pour les raisons évoquées par Mme la rapporteur pour avis.
Mme la présidente. Je mets aux voix l’amendement n° 463.
(L'amendement n'est pas adopté.)
Article 19 bis
(Supprimé)
Mme la présidente. Je suis saisie de trois amendements identiques.
L’amendement n° 336 est présenté par Mme Bouchoux et les membres du groupe écologiste.
L'amendement n° 462 est présenté par Mme Assassi, MM. Bosino, Abate et les membres du groupe communiste républicain et citoyen.
L’amendement n° 501 rectifié est présenté par MM. Requier, Arnell, Barbier, Bertrand, Castelli, Collin, Esnol, Fortassin, Guérini et Hue, Mmes Jouve, Laborde et Malherbe et MM. Mézard et Vall.
Ces trois amendements sont ainsi libellés :
Rétablir cet article dans la rédaction suivante :
Le chapitre III du titre Ier du livre Ier de la première partie du code de la propriété intellectuelle est complété par un article L. 113-11 ainsi rédigé :
« Art. L. 113-11. – Toute association régulièrement déclarée depuis au moins deux ans à la date des faits et se proposant, par ses statuts, de protéger la propriété intellectuelle, de défendre le domaine public ou de promouvoir la diffusion des savoirs peut exercer les droits reconnus à la partie civile et saisir le tribunal de grande instance afin de faire cesser tout obstacle à la libre réutilisation d'une œuvre entrée dans le domaine public. »
La parole est à Mme Corinne Bouchoux, pour présenter l’amendement n° 336.
Mme Corinne Bouchoux. À ceux qui souhaiteraient se documenter davantage sur la définition du domaine public, je signale que notre collègue députée Isabelle Attard a déposé sur le bureau de l’Assemblée nationale une excellente proposition de loi, laquelle recense l’enjeu de débat qui a été précédemment posé.
Le présent amendement vise à permettre – nous sommes très libéraux ce matin ! – aux associations dont l’objet est de protéger la propriété intellectuelle, de défendre le domaine public ou de promouvoir la diffusion des savoirs d’agir en justice contre tout obstacle à la libre réutilisation d’une œuvre entrée dans le domaine public.
Ces associations, de plus en plus nombreuses, sont importantes pour faire cesser un certain nombre d’atteintes au domaine public, tel qu’il a été défini antérieurement, et leurs actions permettraient de faire cesser un certain nombre d’abus manifestes.
Il nous semble que cet amendement représente une avancée et qu’il ne pose pas de difficulté juridique majeure. Des dispositions analogues ont d’ailleurs été adoptées en ces termes, avec des votes très répartis, à l’Assemblée nationale.
Mme la présidente. La parole est à M. Patrick Abate, pour présenter l’amendement n° 462.
M. Patrick Abate. Il a été parfaitement défendu par Mme Bouchoux.
Mme la présidente. La parole est à Mme Françoise Laborde, pour présenter l’amendement n° 501 rectifié.
Mme Françoise Laborde. Je suis obligée de dire que cet amendement a été très bien défendu ! (Sourires.)
Mme la présidente. Quel est l’avis de la commission ?
M. Christophe-André Frassa, rapporteur de la commission des lois constitutionnelles, de législation, du suffrage universel, du règlement et d'administration générale. Ces amendements tendent à rétablir le texte de l’Assemblée nationale sur la possibilité d’action en justice des associations. Hélas, vous le savez, cette position est contraire à celle de la commission.
La disposition visée avait été supprimée par la commission, car elle est, en premier lieu, quelque peu superfétatoire au regard des règles jurisprudentielles de recevabilité des actions en justice des associations visant à défendre un intérêt collectif, règles qui exigent seulement un intérêt à agir, et non une qualité à agir.
En second lieu, dans un arrêt du 18 septembre 2008 de la chambre civile de la Cour de cassation, celle-ci a considéré qu’était recevable toute action en justice d’une association se proposant de défendre un intérêt entrant dans son objet social, sans qu’une habilitation législative soit nécessaire.
À des fins d’intelligibilité de la loi, il ne semble donc pas utile de réinscrire des dispositions de principe dans tous les codes, des habilitations législatives pour toutes les associations, dans tous les domaines possibles, lorsque cet objectif est déjà satisfait par le droit existant.
Surtout, contrairement à l’intention de leurs auteurs, telle que j’ai pu la comprendre au travers de ces amendements, l’adoption de ceux-ci aurait pour conséquence de restreindre les possibilités d’action en justice des associations puisqu’elle instaurerait un critère de durée d’existence. C’est une bonne intention, mais il est préférable d’en rester au droit existant, beaucoup plus libéral pour ce qui concerne la recevabilité des actions en justice des associations.
Pour ces raisons, je demande le retrait de ces amendements. À défaut, j’émettrai un avis défavorable.
Mme la présidente. Quel est l’avis du Gouvernement ?
Mme Axelle Lemaire, secrétaire d'État. Ce débat renvoie à celui qui est relatif au bien commun et à la définition d’un domaine public. Tant que ce premier sujet n’est pas totalement réglé et ne trouve pas une définition juridique précise qui soit intégrée dans la loi, on comprendra qu’il soit difficile de donner aux associations un pouvoir d’agir pour faire reconnaître un droit qui ne figure pas dans la loi.
Par cohérence avec l’ensemble de la position gouvernementale, j’émets un avis défavorable.
Mme la présidente. Madame Bouchoux, l’amendement n° 336 est-il maintenu ?
Mme Corinne Bouchoux. J’accepte de retirer mon amendement ; quant à mes collègues, ils feront ce qu’ils souhaitent.
Madame la secrétaire d’État, le sujet figurait dans la loi. Or, comme il était sulfureux et compliqué, on l’a retiré. Pour ma part, je souhaite que l’on avance.
Je ne plaiderai pas pour ma cause, car nous croulons ici sous le travail. Mais, sachant qu’Isabelle Attard travaille depuis de nombreuses années sur cette question à l’Assemblée nationale, j’aimerais qu’une mission pluraliste réunissant plusieurs sensibilités soit mise en place et que nous nous engagions à creuser le sujet ; sinon, nous ne progresserons jamais.
Vous me dites que le travail continue ; je l’entends. Je souhaite donc vraiment que des collègues soient missionnés pour y participer. Encore une fois, il faut avancer.
Je retire l’amendement.
Mme la présidente. L’amendement n° 336 est retiré.
Monsieur Abate, l’amendement n° 462 est-il maintenu ?
M. Patrick Abate. Vous avez raison, madame la secrétaire d’État, il faut avancer et travailler sur le sujet.
L’amendement précédent ayant été retiré, par cohérence, je retire le nôtre.
Mme la présidente. L’amendement n° 462 est retiré.
Madame Laborde, l’amendement n° 501 rectifié est-il maintenu ?
Mme Françoise Laborde. Les amendements précédents ayant été bien défendus, puis retirés, je suis dans l’obligation de suivre mes collègues en retirant le mien, ce que je fais avec plaisir. (Sourires.)
Cela étant dit, je suis moi aussi d’accord pour que l’on continue le travail.
Mme la présidente. L'amendement n° 501 rectifié est retiré.
En conséquence, l’article 19 bis demeure supprimé.
Article 20
(Non modifié)
L’article L. 33-1 du code des postes et des communications électroniques est complété par un VI ainsi rédigé :
« VI. – Aucune limitation technique ou contractuelle ne peut être apportée à un service d’accès à internet, qui aurait pour objet ou effet d’interdire à un utilisateur de ce service qui en fait la demande :
« 1° D’accéder, depuis un point d’accès à internet, à des données enregistrées sur un équipement connecté à internet, par l’intermédiaire du service d’accès auquel il a souscrit ;
« 2° Ou de donner à des tiers accès à ces données. »
Mme la présidente. L’amendement n° 321, présenté par M. Navarro, n’est pas soutenu.
Je mets aux voix l’article 20.
(L'article 20 est adopté.)
Article 20 bis A
(Supprimé)
Article 20 bis
Le code des postes et des communications électroniques est ainsi modifié :
1° L’article L. 32-4 est ainsi modifié :
a) Au début du premier alinéa, est ajoutée la mention : « I. – » ;
b) Les cinquième et avant-dernier alinéas sont remplacés par un alinéa ainsi rédigé :
« Ces enquêtes sont menées dans les conditions prévues aux II à IV du présent article et à l’article L. 32-5. » ;
c) Sont ajoutés des II à IV ainsi rédigés :
« II. – Les fonctionnaires et agents placés sous l’autorité du ministre chargé des communications électroniques et de l’Autorité de régulation des communications électroniques et des postes, habilités à cet effet par ledit ministre et assermentés dans des conditions fixées par décret en Conseil d’État, peuvent, pour l’exercice de leurs missions, opérer sur la voie publique, pénétrer entre 8 heures et 20 heures dans tous lieux utilisés à des fins professionnelles par les personnes mentionnées aux 1° et 2° du I du présent article, à l’exclusion des parties de ceux-ci affectés au domicile privé, et accéder à tout moyen de transport à usage professionnel.
« Les fonctionnaires et agents mentionnés au premier alinéa du présent II peuvent demander la communication de tout document nécessaire à l’accomplissement de leur mission, quel qu’en soit le support, et obtenir ou prendre copie de ces documents par tout moyen et sur tout support. Ils peuvent recueillir, sur place ou sur convocation, tout renseignement, tout document ou toute justification utiles. Ils peuvent accéder aux logiciels, aux programmes informatiques et aux données stockées et en demander la transcription par tout traitement approprié dans des documents directement utilisables pour les besoins du contrôle.
« Ils peuvent recourir à toute personne compétente. Cette personne :
« 1° Peut les accompagner lors de leurs contrôles et prendre connaissance de tout document ou élément nécessaire à la réalisation de sa mission ou de son expertise ;
« 2° Ne peut effectuer aucun acte de procédure pénale ou administrative ;
« 3° Ne peut utiliser les informations dont elle prend connaissance à cette occasion pour la mise en œuvre des pouvoirs de contrôle dont elle dispose, le cas échéant, en application d’autres dispositions législatives ou réglementaires ;
« 4° Ne peut, sous peine des sanctions prévues à l’article 226-13 du code pénal, divulguer les informations dont elle a eu connaissance dans ce cadre.
« Les fonctionnaires et agents mentionnés au premier alinéa du présent II peuvent procéder à des visites conjointes avec des agents, désignés par l’autorité administrative dont ils dépendent, appartenant à d’autres services de l’État ou de ses établissements publics.
« Les visites et auditions donnent lieu à procès-verbal, dont une copie est transmise dans les cinq jours aux personnes intéressées. Ce procès-verbal fait foi jusqu’à preuve contraire. Conformément à l’article 28 du code de procédure pénale, l’article 61-1 du même code est applicable lorsqu’il est procédé à l’audition d’une personne à l’égard de laquelle il existe des raisons plausibles de soupçonner qu’elle a commis ou tenté de commettre une infraction.
« Les fonctionnaires et agents mentionnés au premier alinéa du présent II peuvent également procéder à toute constatation utile. Ils peuvent notamment, à partir d’un service de communication au public en ligne, consulter les données librement accessibles ou rendues accessibles, y compris par imprudence, par négligence ou par le fait d’un tiers. Ils peuvent retranscrire les données par tout traitement approprié dans des documents directement utilisables pour les besoins du contrôle. Un décret en Conseil d’État précise les conditions dans lesquelles ils procèdent à ces constatations.
« III. – Les visites conduites en application du II du présent article peuvent être préalablement autorisées dans les conditions prévues à l’article L. 32-5.
« Lorsque ces visites n’ont pas été préalablement autorisées dans les conditions définies au même article L. 32-5, le responsable de locaux professionnels privés est informé de son droit d’opposition à la visite. Lorsqu’il exerce ce droit, la visite ne peut se dérouler qu’après l’autorisation du juge des libertés et de la détention du tribunal de grande instance, dans les conditions prévues au même article.
« Lorsque les lieux sont affectés au domicile privé, lorsque le responsable de locaux professionnels privés exerce le droit d’opposition prévu au présent article ou lorsqu’il est procédé à une saisie, les visites sont autorisées dans les conditions définies audit article L. 32-5.
« IV. – Dans le cadre des contrôles et enquêtes mentionnés au présent article et à l’article L. 32-5, le secret professionnel ne peut être opposé aux fonctionnaires et agents mentionnés au II du présent article. Ces mêmes personnes peuvent, sans se voir opposer le secret professionnel, accéder à tout document ou élément d’information détenu par les services et établissements de l’État et des autres collectivités publiques. » ;
2° L’article L. 32-5 est ainsi modifié :
a) Le premier alinéa du I est remplacé par deux alinéas ainsi rédigés :
« I. – Les visites mentionnées au III de l’article L. 32-4 sont autorisées par ordonnance du juge des libertés et de la détention du tribunal de grande instance dans le ressort duquel sont situés les lieux à visiter. Lorsque ces lieux sont situés dans le ressort de plusieurs juridictions et qu’une action simultanée doit être menée dans chacun d’eux, une ordonnance unique peut être délivrée par l’un des juges des libertés et de la détention compétents.
« Le juge vérifie que la demande d’autorisation est fondée ; cette demande doit comporter tous les éléments d’information en possession du demandeur de nature à justifier la visite et la saisie. » ;
b) Le premier alinéa du II est complété par une phrase ainsi rédigée :
« L’ordonnance comporte la mention de la faculté pour l’occupant des lieux ou son représentant de faire appel à un conseil de son choix. L’exercice de cette faculté n’entraîne pas la suspension des opérations de visite et de saisie. » ;
c) Le IV est ainsi modifié :
– à la deuxième phrase du premier alinéa, les mots : « de l’avocat » sont remplacés par les mots : « par le conseil » ;
– le troisième alinéa est complété par deux phrases ainsi rédigées :
« Si l’inventaire sur place présente des difficultés, les pièces et documents saisis sont placés sous scellés. L’occupant des lieux ou son représentant est avisé qu’il peut assister à l’ouverture des scellés ; l’inventaire est alors établi. »
Mme la présidente. Les amendements nos 324 et 311, présentés par M. Navarro, ne sont pas soutenus.
L’amendement n° 583, présenté par le Gouvernement, est ainsi libellé :
Alinéa 15, dernière phrase
Supprimer cette phrase.
La parole est à Mme la secrétaire d'État.
Mme Axelle Lemaire, secrétaire d'État. Il s’agit d’un amendement de cohérence rédactionnelle. De portée technique, il est essentiel afin de préserver la cohérence des dispositions du code des postes et des communications électroniques.
Il nous est apparu que la référence au code de procédure pénale n’était pas adaptée. Il faut rappeler que les enquêtes menées par l’Autorité de régulation des communications électroniques et des postes, l’ARCEP, en application de l’article L. 32-4 dudit code modifié par l’article 20 bis de ce projet de loi, sont des enquêtes administratives. Les enquêtes ayant pour objet la recherche d’infractions pénales relèvent, quant à elles, d’une autre disposition, l’article L. 40 du code des postes et des communications électroniques.
Il est important de supprimer cette référence au code de procédure pénale, afin de clarifier le droit.
Mme la présidente. Quel est l’avis de la commission ?
M. Christophe-André Frassa, rapporteur. Cet amendement de suppression d’une précision liée à la transposition du droit européen est contraire à la position adoptée par la commission.
Cette précision avait en effet été ajoutée conformément à la directive du Parlement et du Conseil du 22 mai 2012 relative au droit à l’information dans le cadre des procédures pénales, transposée partiellement dans le projet de loi renforçant la lutte contre le crime organisé, le terrorisme et leur financement, et améliorant l’efficacité et les garanties de la procédure pénale.
Les dispositions de l’article 61-1 du code de procédure pénale relatives aux droits du suspect lors d’une audition ne sont pas, en l’état, applicables aux enquêtes diligentées par les fonctionnaires et agents des administrations et services publics auxquels des lois spéciales attribuent certains pouvoirs de police judiciaire, et qui exercent ceux-ci dans les conditions et les limites fixées par ces lois relevant des dispositions de l’article 28 du code de procédure pénale.
Néanmoins, s’agissant de pouvoirs de police judiciaire, ces polices dites « spéciales » entrent dans le champ d’application de la directive susmentionnée, qui concerne tout suspect, c’est-à-dire toute personne soupçonnée d’avoir commis une infraction dont l’appréciation doit se faire in concreto.
Il paraît, par conséquent, nécessaire de compléter la transposition de cette directive dans notre droit interne par des dispositions applicables aux polices spéciales, afin que celles-ci respectent les garanties prévues à l’article 61-1 du code de procédure pénale lorsqu’elles procèdent à des auditions de personnes effectivement suspectées, les procès-verbaux établis étant alors susceptibles de fonder des poursuites.
J’émets donc un avis défavorable sur cet amendement du Gouvernement.
Mme la présidente. Les amendements nos 326 et 325, présentés par M. Navarro, ne sont pas soutenus.
L’amendement n° 635, présenté par M. Frassa, au nom de la commission des lois, est ainsi libellé :
Compléter cet article par un alinéa ainsi rédigé :
3° À la première phrase du deuxième alinéa de l'article L. 40, les mots : « visées à l’article L. 32-4 » sont remplacés par les mots : « mentionnées aux 1° et 2° du I de l’article L. 32-4 ».
La parole est à M. le rapporteur.
Mme la présidente. Quel est l’avis du Gouvernement ?
Mme Axelle Lemaire, secrétaire d'État. Le Gouvernement salue ce nouvel effort de clarification et émet un avis favorable.
Mme la présidente. Je mets aux voix l’article 20 bis, modifié.
(L'article 20 bis est adopté.)
Article 20 ter
(Non modifié)
À la première phrase du deuxième alinéa de l’article L. 125 du code des postes et des communications électroniques, après la deuxième occurrence du mot : « et », sont insérés les mots : « étudie les questions relatives à la neutralité de l’internet. Elle ».
Mme la présidente. L’amendement n° 189, présenté par Mme Bouchoux et les membres du groupe écologiste, n’est pas soutenu.
La parole est à M. Bruno Sido, rapporteur pour avis.
M. Bruno Sido, rapporteur pour avis. Je reprends cet amendement, madame la présidente. Il s’agit d’un amendement très important, auquel je tiens tout particulièrement. S’il avait été soutenu par Mme Bouchoux, j’aurais d’ailleurs émis un avis de sagesse très favorable.
Cet amendement vise à introduire la parité au sein de la Commission supérieure du service des postes et des communications électroniques, la CSSPPCE.
Le principe de parité s’applique aux membres des principales autorités administratives et autorités publiques indépendantes, depuis l’ordonnance du 31 juillet 2015 relative à l’égal accès des femmes et des hommes au sein des autorités administratives indépendantes et des autorités publiques indépendantes.
L’article 20 quinquies du projet de loi s’étend expressément à l’ARCEP, mais la CSSPPCE n’était pas soumise à ce principe. Cet amendement vise à le prévoir expressément.
La commission des affaires économiques ne peut qu’être favorable à ce type d’amendement.
Mme la présidente. Mon cher collègue, en vertu du règlement, seule la commission saisie au fond peut reprendre un amendement non soutenu…
M. Christophe-André Frassa, rapporteur. Je fais miens les propos de M. Sido et je reprends cet amendement, au nom de la commission, madame la présidente.
Mme la présidente. Je suis donc saisie d’un amendement n° 669, présenté par M. Frassa, au nom de la commission des lois, et ainsi libellé :
Au début de cet article
Insérer un alinéa ainsi rédigé :
Le premier alinéa de l’article L. 125 du code des postes et des communications électroniques est complété par une phrase ainsi rédigée :
« L’écart entre le nombre de femmes et d’hommes, membres de la commission, ne peut être supérieur à un. »
Quel est l’avis du Gouvernement ?
Mme Axelle Lemaire, secrétaire d'État. Je vous trouve très sages, messieurs les rapporteurs !
Vous comprendrez que, s’agissant d’une question qui relève de l’organisation interne du Parlement, je m’efface et m’en remette à la sagesse du Sénat. Je ne peux cependant m’empêcher de vous donner mon point de vue personnel sur ce sujet de la parité entre les femmes et les hommes dans le secteur des télécommunications et du numérique.
Je constate que la commission en cause ne compte, sur quatorze parlementaires, que deux femmes, en dépit de la bonne volonté affichée par son président, le député Jean Launay. Il y a donc du travail !
Mme la présidente. Je mets aux voix l’article 20 ter, modifié.
(L'article 20 ter est adopté.)
Article 20 quater
(Supprimé)
Mme la présidente. L’amendement n° 59 rectifié, présenté par MM. Sido, Chaize et P. Leroy, est ainsi libellé :
Rétablir cet article dans la rédaction suivante :
I. - Aux premier et troisième alinéas de l’article L. 2, au II de l’article L. 2-2, à la première phrase du premier alinéa de l’article L. 33-2, à la dernière phrase du quatrième alinéa de l’article L. 34, au dernier alinéa de l’article L. 35-1, à l’avant-dernier alinéa et à la première phrase du dernier alinéa de l’article L. 35-2, à la première phrase du IV de l’article L. 35-3, à la première phrase du dernier alinéa de l’article L. 35-4, au dernier alinéa du I de l’article L. 44, à la première phrase du premier alinéa de l’article L. 125, à la seconde phrase du premier alinéa de l’article L. 131 et à l’avant-dernière phrase du premier alinéa de l’article L. 135 du code des postes et des communications électroniques, les mots : « supérieure du service public des postes et des communications électroniques » sont remplacés par les mots : « supérieure du numérique et des postes ».
II. – Aux premier et dernier alinéas du II, à la dernière phrase du premier alinéa et au deuxième alinéa du IV de l’article 6 et au dernier alinéa de l’article 38 de la loi n° 90-568 du 2 juillet 1990 relative à l’organisation du service public de la poste et à France Télécom, les mots : « supérieure du service public des postes et des communications électroniques » sont remplacés par les mots : « supérieure du numérique et des postes ».
La parole est à M. Bruno Sido.
M. Bruno Sido. La Commission supérieure du service public des postes et des communications électroniques s’est redynamisée au cours de ces deux dernières années. Les travaux réguliers ont permis d’avoir une meilleure connaissance du secteur.
Telle qu’instaurée par le législateur, cette commission a retrouvé sa place de partie prenante de référence, en rééquilibrage de l’action de l’État, des délégations accordées à l’Autorité de régulation des communications électroniques et des postes, l’ARCEP, des entreprises et associations du secteur.
L'originalité de sa création, sa permanence dans le temps, la qualité de ses travaux réguliers et son poids sur le secteur en font le lieu idéal d’échanges, à l’heure où les problématiques numériques sont éparses dans la société. Par « postes », il faut entendre les activités du groupe La Poste, mais également toutes les formes de distribution de proximité dans le domaine du commerce électronique, qui consacre ainsi l’intermédiation sociale et humaine dans les territoires.
Mme la présidente. Quel est l’avis de la commission ?
M. Christophe-André Frassa, rapporteur. Cet amendement a pour objet de modifier le nom de la Commission supérieure du service public des postes et des communications électroniques, afin de l’adapter aux nouveaux enjeux du numérique, et surtout à ceux auxquels doit faire face notre société dans les domaines des communications électroniques et du numérique.
La CSSPPCE deviendrait ainsi la « Commission supérieure du numérique et des postes ».
La commission émet un avis favorable.
Mme la présidente. Quel est l’avis du Gouvernement ?
Mme Axelle Lemaire, secrétaire d'État. Ce sujet relevant de l’organisation interne du Parlement, je m’en remets à la sagesse du Sénat.
Mme la présidente. La parole est à M. Patrick Chaize, pour explication de vote.
M. Patrick Chaize. Je souhaite témoigner du travail qui se fait au sein de cette commission et dire toute l’importance de la modification de son nom en termes de communication.
Il s’agit de l’un des rares lieux où les parlementaires des deux chambres peuvent se réunir pour parler d’un sujet d’importance, qui nous rassemble aujourd’hui, et où ils peuvent améliorer les textes de façon très pertinente.
Je vous invite donc, mes chers collègues, à voter cet amendement.
Mme la présidente. En conséquence, l’article 20 quater est rétabli dans cette rédaction.
Article 20 quinquies
(Non modifié)
L’article L. 130 du code des postes et des communications électroniques est ainsi modifié :
1° À la première phrase du premier alinéa, après le mot : « est », sont insérés les mots : « une autorité administrative indépendante » ;
2° Après le premier alinéa, il est inséré un alinéa ainsi rédigé :
« Parmi les membres de l’autorité, l’écart entre le nombre de femmes et le nombre d’hommes ne peut être supérieur à un. Pour la nomination des membres autres que le président, le nouveau membre est de même sexe que celui auquel il succède. » ;
3° Le neuvième alinéa est complété par une phrase ainsi rédigée :
« Ce nouveau membre est de même sexe que celui qu’il remplace. » – (Adopté.)
Article 20 sexies
(Supprimé)
Article 20 septies
Après l’article L. 2321-3 du code de la défense, il est inséré un article L. 2321-4 ainsi rédigé :
« Art. L. 2321-4. – Pour les besoins de la sécurité des systèmes d’information, l’obligation prévue à l’article 40 du code de procédure pénale n’est pas applicable aux services de l’État, définis par le Premier ministre, lorsqu’ils sont informés de l’existence d’une vulnérabilité concernant la sécurité d’un système de traitement automatisé de données, par une personne agissant de bonne foi et en l’absence de publicité de l’information. »
Mme la présidente. Je suis saisie de deux amendements faisant l’objet d’une discussion commune.
L’amendement n° 464, présenté par Mme Assassi, MM. Bosino, Abate et les membres du groupe communiste républicain et citoyen, est ainsi libellé :
Rédiger ainsi cet article :
L’article 323-1 du code pénal est complété par un alinéa ainsi rédigé :
« Toute personne qui a tenté de commettre ou commis le délit prévu au présent article est exempte de poursuites si elle a immédiatement averti l’autorité administrative ou judiciaire ou le responsable du système de traitement automatisé de données en cause d’un risque d’atteinte aux données ou au fonctionnement du système. »
La parole est à M. Patrick Abate.
M. Patrick Abate. L’Assemblée nationale a adopté un amendement visant à protéger « les lanceurs d’alerte de sécurité », et ce en exemptant de peine « toute personne » qui, à travers un accès non autorisé – cela constitue un délit –, découvre une faille et en alerte immédiatement « l’autorité administrative ou judiciaire ou le responsable du système de traitement automatisé de données en cause ».
En revanche, les amendements tendant à exempter de poursuites ces personnes ont été rejetés.
Des poursuites donc, mais sans peine… Cela nous paraît insuffisant.
Les lanceurs d’alerte, lorsqu’ils veillent à avertir les responsables de traitement des failles dans leurs systèmes doivent être exemptés de toute poursuite, sachant que le plus difficile et le plus long à endurer, ce sont les poursuites.
Nous souhaiterions aboutir à un statut général des lanceurs d’alerte, pour éviter notamment des procès scandaleux, comme le procès LuxLeaks, en cours au tribunal correctionnel de Luxembourg. Ces trois Français, dont un journaliste, accusés d’avoir fait fuiter des milliers de pages éclairant les pratiques fiscales de grandes multinationales établies au Grand-Duché, ont agi dans l’intérêt général en permettant de révéler au grand jour l’opacité qui empêchait les pays européens de connaître la situation fiscale exacte d’un certain nombre de grandes entreprises.
Ce projet de loi, on en conviendra, n’est sans doute pas le bon outil législatif pour définir les contours d’un tel statut, mais il pourrait contribuer à l’amélioration de la protection des lanceurs d’alerte en les exemptant de toute poursuite administrative ou judiciaire.
Mme la présidente. L’amendement n° 541 rectifié, présenté par MM. Requier, Arnell, Barbier, Bertrand, Castelli, Collin, Collombat, Esnol et Fortassin, Mmes Jouve, Laborde et Malherbe et MM. Mézard et Vall, est ainsi libellé :
Rédiger ainsi cet article :
L’article 323-1 du code pénal est complété par un alinéa ainsi rédigé :
« Toute personne qui a tenté de commettre ou a commis le délit prévu au présent article est exempte de peine si elle a immédiatement averti l’autorité administrative ou judiciaire ou le responsable du système de traitement automatisé de données en cause d’un risque d’atteinte aux données ou au fonctionnement du système. »
La parole est à Mme Françoise Laborde.
Mme Françoise Laborde. Il nous semble important, surtout à l’heure actuelle, de protéger les lanceurs d’alerte. Cet amendement peut paraître quelque peu cavalier, mais il vise à interpeller le Gouvernement sur ce sujet.
Nous ne pouvons pas balayer cette question d’un revers de la main. Je n’en dirai pas plus, M. Abate ayant été très clair.
Mme la présidente. Quel est l’avis de la commission ?
M. Christophe-André Frassa, rapporteur. Ces amendements ont pour objet de rétablir le texte issu des travaux de l’Assemblée nationale.
Je souhaite, au préalable, écarter tout doute sur les intentions de la commission des lois et surtout prévenir toute confusion, que l’actualité immédiate pourrait introduire dans nos débats, sur l’article 20 septies.
L’objet de cet article est de protéger non pas des lanceurs d’alerte, mais des « hackers blancs », c’est-à-dire des informaticiens. C’est bien là tout l’enjeu des dispositifs qui vous sont soumis, mes chers collègues, l’un au travers de ces deux amendements, l’autre via les deux qui suivront.
Ces deux dispositifs sont diamétralement opposés, de même que les philosophies qui y prévalent.
J’en viens à l’avis de la commission des lois sur les amendements nos 464 et 541 rectifié.
La commission a supprimé la rédaction adoptée par l’Assemblée nationale, laquelle, sous prétexte de protéger certaines personnes qui, de bonne foi, signalent des failles de sécurité, est une véritable incitation au délit, voire au crime.
Selon ce dispositif, toute personne qui accéderait frauduleusement et intentionnellement à un système de traitement automatisé de données, un STAD, afin de supprimer des données ou d’alerter sur son fonctionnement, par exemple, devrait être exemptée de peine, dès lors qu’elle aurait contacté après son forfait le responsable du traitement en cause. Une telle immunité ne peut qu’encourager le développement des attaques informatiques, puisqu’il suffirait d’un courriel pour échapper à toute peine.
De plus, cette rédaction tend à exonérer également ceux qui tentent d’accéder frauduleusement à un STAD. Or la tentative n’est constituée que « lorsqu’elle n’a été suspendue ou n’a manqué son effet qu’en raison de circonstances indépendantes de la volonté de son auteur ».
En somme, cela offrirait une immunité même à ceux qui attaquent sans succès un STAD, du fait d’une sécurité convenable, et donc de l’absence de faille informatique, ou de leur arrestation, notamment par les forces de sécurité avant l’accomplissement de leur action.
Je tiens à souligner que, contrairement à ce qui a pu être dit à l’Assemblée nationale, le signalement d’une faille informatique au responsable dudit traitement n’est pas pénalement répréhensible lorsque la vulnérabilité était apparente à tout internaute.
En revanche, la publication en ligne desdites failles est, quant à elle, répréhensible quand elle vise à faciliter d’autres attaques. L’article 323-3-1 du code pénal réprime en effet le fait, sans motif légitime, de « mettre à disposition un équipement, un instrument, un programme informatique ou toute donnée conçue ou spécialement adaptée afin de permettre une atteinte à un système de traitement informatisé des données ».
Si informer le responsable du traitement de l’existence d’une vulnérabilité relève d’un objectif d’intérêt général, il en va autrement de la mise à disposition auprès de tiers d’une information facilitant la commission d’infractions.
Je suis donc très défavorable à ces amendements.
Je considère néanmoins qu’il est essentiel de favoriser le signalement des failles de sécurité. C’est pour cela que la commission des lois a adopté un dispositif de guichet auprès de l’Agence nationale de la sécurité des systèmes d’information, l’ANSSI, notamment pour qu’elle ne soit pas tenue de dénoncer des faits illégaux dont elle pourrait avoir connaissance lorsque la personne est de bonne foi et qu’elle n’a pas fait de publicité autour de la faille.
Je propose même d’améliorer encore le dispositif. Ce sera l’objet de mon amendement n° 636.
Dans ces conditions, je vous demande, mes chers collègues, de bien vouloir retirer vos amendements. À défaut, l’avis de la commission sera, je le répète, très défavorable.
Mme la présidente. Quel est l’avis du Gouvernement ?
Mme Axelle Lemaire, secrétaire d'État. Le Gouvernement est défavorable à ces amendements. Ceux que nous examinerons ensuite semblent proposer, en revanche, une piste plus adéquate.
Je rappelle, tout d’abord, que le sujet des hackers blancs, appelés également « pirates blancs » ou « white hats » – par opposition aux chapeaux noirs – a été introduit dans ce débat par la voie d’un amendement déposé à l’Assemblée nationale. C’est heureux parce que je ne l’avais pas initialement pris en considération, alors qu’il pose une véritable question de droit.
En effet, certaines personnes jouent un rôle absolument primordial dans la détection des failles de sécurité. Or elles ne travaillent pas forcément au sein des organisations et structures concernées. Très souvent, elles sont à l’extérieur : ce sont des développeurs, des informaticiens qui font partie d’une communauté de veille. Ces personnes prennent des risques pour détecter des failles de sécurité, car, en l’absence de protection, elles peuvent faire l’objet de poursuites judiciaires.
Aujourd’hui, sécuriser les informations, les données personnelles et les infrastructures est un enjeu absolument vital. Le Premier ministre et moi-même avions d’ailleurs lancé au mois de décembre dernier une stratégie nationale pour la sécurité du numérique. Cette démarche d’amélioration constante de la sécurité informatique est au cœur de nos actions. Avec l’ANSSI, l’Agence nationale de la sécurité des systèmes d’information, et avec cette nouvelle catégorie juridique que forment les opérateurs d’importance vitale, les OIV, nous avons engagé un travail de fond pour améliorer la sécurité de nos installations.
Un épisode comme celui qu’a vécu TV5 Monde doit tous nous alerter sur les enjeux de la cybersécurité pour nos organisations. En lien avec la CNIL, et grâce à ce projet de loi, nous encourageons ces démarches de sécurité.
C’est dans cet esprit que j’ai lancé un appel à projets visant à promouvoir les technologies qui permettent la meilleure protection des données personnelles. Cet appel à projets a recueilli vingt-sept propositions en matière de recherche et développement qui sont très abouties.
L’objectif du Gouvernement, vous l’aurez compris, c’est d’encourager et de protéger une communauté qui est compétente pour signaler les vulnérabilités. Pour autant, faut-il d’emblée proposer un régime d’exemption pénale ? À notre sens, la réponse est négative, parce que cela serait trop dangereux. Il pourrait effectivement y avoir une forme d’effet d’aubaine bénéficiant à des personnes authentiquement malveillantes, qui pourraient se réfugier derrière le droit pénal pour commettre des actes délictueux.
J’ai d’ailleurs regardé de très près les choix opérés par les Pays-Bas, qui sont très en avance, de manière générale, s’agissant du cadre juridique en matière de numérique : ce n’est pas la voie qu’ils ont choisie.
À ce stade, le Gouvernement est donc défavorable à ces amendements, mais nous allons poursuivre cette discussion avec l’examen des amendements suivants.
Mme la présidente. Monsieur Abate, l'amendement n° 464 est-il maintenu ?
M. Patrick Abate. Je me réjouis de l’intérêt désormais porté à ces personnes. Mme la secrétaire d'État a rappelé la situation. Heureusement, une prise de conscience s’est faite, mais du côté des actes et de l’adoption d’un droit vraiment protecteur, c'est encore le grand vide !
J’ai entendu les arguments avancés. Monsieur le rapporteur, vous dites que c'est de l’incitation au crime. On peut effectivement le voir ainsi. Mme la secrétaire d'État a été plus réservée, en évoquant un « effet d’aubaine ».
Je ne suis pas convaincu par ces arguments. À partir du moment où le hacker blanc prévient l’autorité judiciaire, l’autorité administrative ou le responsable du système, même s’il le fait seulement, comme le disait M. le rapporteur, pour s’exonérer, il ne peut plus être dans une démarche délictueuse. Il n’a même pas pu l’être en amont. Selon nous, le fait de prévenir pour s’exonérer l’empêche d’être malveillant.
C'est la raison pour laquelle, même si nous comprenons certains arguments qui nous ont été opposés, nous maintenons notre amendement.
Mme la présidente. Madame Laborde, l'amendement n° 541 rectifié est-il maintenu ?
Mme Françoise Laborde. Pour une fois, mon avis sera différent. J’ai bien entendu les arguments. Je n’avais pas bien fait la différence entre hackers blancs, chapeaux blancs et lanceurs d’alerte. Il est vrai que se pose aussi un problème d’immunité. Mais l’expression « incitation au crime » était peut-être un peu forte…
On touche du doigt ici l’enjeu de la cybersécurité, qui soulève des problèmes juridiques spécifiques. Puisque l’on m’a promis que les amendements suivants étaient davantage à la hauteur de la situation, je retire mon amendement.
Mme la présidente. L'amendement n° 541 rectifié est retiré.
Je mets aux voix l'amendement n° 464.
(L'amendement n'est pas adopté.)
Mme la présidente. Je suis saisie de deux amendements faisant l'objet d'une discussion commune.
L'amendement n° 232, présenté par MM. Sueur, Leconte, Rome et Camani, Mme D. Gillot, MM. F. Marc, Assouline, Guillaume et les membres du groupe socialiste et républicain, est ainsi libellé :
Alinéa 2
Remplacer cet alinéa par trois alinéas ainsi rédigés :
« Art. L. 2321-4. – Toute information se rapportant à un risque ou une menace d’atteinte à la sécurité ou au fonctionnement ou aux données d’un système d’information peut être transmise à l’autorité nationale de sécurité des systèmes d’information.
« Sans préjudice de l’article 40 du code de procédure pénale, l’autorité préserve la confidentialité de l’identité de la personne à l’origine de la transmission ainsi que des conditions dans lesquelles celle-ci a été effectuée.
« L’autorité peut procéder aux opérations techniques strictement nécessaires à la caractérisation du risque ou de la menace mentionnés au premier alinéa aux fins d’avertir l’hébergeur, l’opérateur ou le responsable du système d’information. »
La parole est à M. Yves Rome.
M. Yves Rome. L’alerte éthique a été récemment introduite dans notre droit et figure désormais dans plusieurs dispositions législatives. Par ailleurs, des projets de directives européennes comprenant des dispositions sur cette question sont en discussion.
Toutes ces mesures ont pour point commun de régir la situation d’une personne qui pense avoir découvert des éléments graves et les porte à la connaissance d’autrui. Ces dispositions ont pour objet de protéger les intéressés s’ils ont agi de bonne foi.
C’est exactement le cas des personnes dénommées les « hackers blancs ». Il s’agit de spécialistes en sécurité informatique qui parviennent à s’introduire dans les failles existantes des systèmes d’informations d’une organisation, non pour se servir des données piratées à des fins mal intentionnées, mais pour avertir le responsable du traitement de leur découverte.
Cette action animée par la bonne foi doit être appréciée à sa juste mesure et mieux encadrée, car la préservation des membres de la communauté informatique qui entreprennent des démarches d’alerte vertueuses permettra d’améliorer le niveau global de sécurisation des systèmes d’information à l’échelle nationale.
Nous convenons que la rédaction retenue par l’Assemblée nationale n’était pas satisfaisante, mais la solution retenue par la commission des lois qui introduit une exception à l’article 40 du code de procédure pénale et supprime l’exemption ne nous paraît pas opportune.
Pour ce qui nous concerne, nous souhaitons garantir aux lanceurs d’alerte la confidentialité de leur identité s’ils transmettent à l’ANSSI des informations sur des failles de sécurité qu’ils n’ont pas obtenues frauduleusement. L’Agence pourra alors vérifier ces informations et, lorsque leur véracité est avérée, avertir le propriétaire du système d’information.
Mme la présidente. L'amendement n° 636, présenté par M. Frassa, au nom de la commission des lois, est ainsi libellé :
Après l'alinéa 2
Insérer deux alinéas ainsi rédigés :
« Les services préservent la confidentialité de l’identité de la personne à l’origine de la transmission ainsi que des conditions dans lesquelles celle-ci a été effectuée.
« Les services peuvent procéder aux opérations techniques strictement nécessaires à la caractérisation du risque ou de la menace mentionnés au premier alinéa aux fins d’avertir l’hébergeur, l’opérateur ou le responsable du système d’information. »
La parole est à M. le rapporteur pour présenter cet amendement et pour donner l’avis de la commission sur l'amendement n° 232.
M. Christophe-André Frassa, rapporteur. Comme je l’annonçais précédemment, l’amendement que je présente, au nom de la commission des lois, vise à compléter le dispositif proposé par celle-ci à l'article L. 2321-4 du code de la défense, en permettant à l'Agence nationale de sécurité des systèmes d'information, service de l'État désigné par le Premier ministre, de préserver vis-à-vis des tiers la confidentialité de l'identité de la personne leur ayant transmis une information concernant une vulnérabilité – le hacker blanc –, mais également à donner un fondement légal aux opérations techniques réalisées par l'ANSSI.
Il s’agit d’encadrer de manière solide et pérenne le dispositif, afin de supprimer la faille législative, juridique et – à mon sens, la plus dangereuse – philosophique qui subsiste dans la rédaction du texte tel qu’issu des travaux de l’Assemblée nationale. Cette faille constitue vraiment une porte ouverte, et même un encouragement, à la commission de délits, voire davantage.
Je ne serai pas plus long sur la présentation de cet amendement. Nous avons repris deux alinéas qui permettent, je le répète, de préserver la confidentialité, ce qui est essentiel pour garantir la sécurité des hackers blancs, et surtout de donner un fondement légal aux opérations de l’ANSSI.
J’en viens à l’avis de la commission sur l’amendement présenté par M. Rome.
Cet amendement est intéressant, mais vous comprendrez que, comme rapporteur, je préfère celui de la commission ! Celui-ci reprend l’idée retenue par la commission des lois dans le texte qui nous est soumis de remplacer une exemption dans le code pénal par un dispositif propre à l’ANSSI lui permettant d’agir en tant que guichet de signalement des vulnérabilités.
Néanmoins, je m’interroge sur la normativité du premier alinéa. Faut-il préciser qu’un tiers peut transmettre une information à l’ANSSI ? Par principe, tout le monde peut envoyer un mail à cette agence.
Monsieur Rome, tout comme le mien, votre amendement vise à préserver la confidentialité de l’identité de la personne signalant la faille vis-à-vis des tiers et à donner un fondement légal aux opérations techniques réalisées par l’ANSSI. Nous nous rejoignons sur ces points, sur lesquels nous avons bien une démarche commune.
Cependant, à la différence de l’amendement que je propose au nom de la commission des lois, le vôtre ne tend à créer aucune dérogation à l’article 40 du code de procédure pénale : il maintient donc l’obligation qui pèse sur l’ANSSI de dénoncer à l’autorité judiciaire les faits illégaux dont elle aurait connaissance. Il n’est par conséquent pas de nature à encourager les personnes de bonne foi à signaler les failles à l’ANSSI.
Il me semble que mon amendement dessine une voie médiane et plus mesurée – pour une fois on ne pourra pas me reprocher le contraire !
Je vous demande donc de retirer votre amendement au profit de celui de la commission des lois.
Mme la présidente. Quel est l’avis du Gouvernement ?
Mme Axelle Lemaire, secrétaire d'État. Le Gouvernement est favorable à l'amendement n° 232. La rédaction actuelle de l’article 20 septies du présent projet de loi prévoit de déroger aux dispositions de l’article 40 du code de procédure pénale. Il exonère l’ANSSI de son obligation d’aviser le procureur de la République lorsqu’un crime ou un délit est porté à sa connaissance par une personne agissant de bonne foi pour les besoins de la sécurité des systèmes d’information.
Pour dire les choses plus clairement, nous parlons de l’article 40 du code de procédure pénale qui oblige les agents publics, les personnes qui travaillent pour des administrations, à saisir le procureur de la République lorsque sont constatés des crimes ou des délits.
En l’occurrence, ce qui est proposé par le biais de cet amendement, c'est de créer un système de recours à l’ANSSI pour permettre un filtrage des signalements de faille informatique par des hackers blancs, au lieu d’un signalement à la justice qui pourrait les mettre en situation de fragilité.
Pourquoi recourir à l’ANSSI ? D’abord, parce qu’une telle disposition permet de protéger la confidentialité, l’anonymat des personnes qui se tournent vers cette agence.
L’ANSSI est composée des meilleurs informaticiens de notre pays, lesquels sont susceptibles d’un point de vue technique, du fait de leur expertise, de comprendre plus rapidement que ne pourrait certainement le faire le système judiciaire si la détection de la faille avait une intention malveillante ou s’il s’agit d’un signalement sincère et non frauduleux. Il me semble donc logique de soutenir cette proposition de recourir à l’ANSSI.
Monsieur le rapporteur, le raisonnement du Gouvernement diverge sur un point de celui de la commission des lois. Je salue toutefois votre ouverture sur ce sujet et votre volonté de comprendre la problématique – votre proposition est d’ailleurs très constructive. En effet, avec votre amendement, vous créez une exception générale à l’article 40 du code de procédure pénale qui n’a jamais connu de brèche. Vous « sortez » de cet article pour créer un couloir indépendant en lien avec l’ANSSI.
Selon nous, il est préférable que les agents qui travaillent à l’ANSSI aient encore, lorsqu’ils détectent une attention réellement malveillante, l’obligation de saisir le procureur de la République pour en informer la justice.
Le mécanisme qui protège l’anonymat et permet la détection des failles, tout en assurant une bonne articulation avec le système pénal lorsque l’intention est véritablement malveillante, et donc préjudiciable pour la sécurité des systèmes d’information, me paraît plus cohérent.
C'est la raison pour laquelle je soutiens l’amendement n° 232 et demande le retrait de l’amendement de la commission des lois au profit de celui-ci.
Mme la présidente. La parole est à M. le rapporteur.
M. Christophe-André Frassa, rapporteur. Comme pour les deux amendements précédents, nous sommes face à deux approches de la philosophie du droit.
Je ne vais pas faire durer le suspense : je ne retirerai pas l’amendement n° 636, car c'est la protection des hackers blancs qui est vraiment en jeu ici. L’amendement du groupe socialiste tend à imposer à l’ANSSI l’obligation de dénoncer à l’autorité judiciaire. Aux termes de mon amendement, elle peut le faire, mais elle n’y est pas obligée. C’est toute la différence et c'est pour moi un point essentiel.
L’amendement que je propose assure une protection plus forte des hackers blancs : c’est l’ANSSI qui seule peut déterminer si le hacker est ou non de bonne foi ; dans ce dernier cas, il doit alors être dénoncé à l’autorité judiciaire. C’est vraiment là tout l’enjeu. C’est à l’ANSSI de jouer ce rôle, alors que dans le dispositif proposé par le groupe socialiste, l’obligation est systématiquement prévue : le juge est le seul à apprécier si le hacker est blanc, gris ou d’une autre couleur. (Sourires.)
Je crois que nous touchons là vraiment à l’essentiel dans ce débat. Pour toutes ces raisons, je réitère ma demande de retrait de l’amendement n° 232 et maintiens l’amendement n° 636.
Mme la présidente. La parole est à M. Jean-Pierre Sueur, pour explication de vote.
M. Jean-Pierre Sueur. Je me réjouis de ce débat. Les deux rédactions sont intéressantes, mais je soutiendrai bien sûr l’amendement qui a été défendu par Yves Rome.
Je voudrais revenir sur ce que vous venez de dire, monsieur le rapporteur, car je ne crois pas que ce soit exact.
L’expression « sans préjudice de l’article 40 du code de procédure pénale », utilisée dans notre amendement pour rédiger le deuxième alinéa de l’article L. 2321-4 du code de la défense, signifie que nous refusons de poser une exception à cet article. Les lanceurs d’alerte, ceux qui vont saisir l’ANSSI, peuvent et, dans certains cas, doivent saisir le procureur de la République. L’ANSSI aura, quant à elle, la possibilité – elle considérera même peut-être que c'est son devoir – d’appliquer l’article 40 précité.
Ce débat qui nous oppose soulève une question de philosophie du droit. Dans notre système juridique, certains articles et certaines lois sont emblématiques. Ainsi en est-il de l’article 40 du code de procédure pénale qui n’a jamais été restreint par aucun article de loi. Il a une portée extrêmement générale. Nous le citons dans notre amendement, ce que vous ne faites pas.
Ce que nous proposons vaut « sans préjudice de l’article 40 ». Nous estimons qu’il est important de préserver cet article.
Par ailleurs, il faut donner le moyen à des lanceurs d’alerte – je préfère utiliser cette expression française – de saisir l’ANSSI, ce qui ne ferme en aucun cas la possibilité pour eux de saisir le procureur de la République, pas plus que cela n’empêche l’ANSSI de le faire.
Mme la présidente. La parole est à M. le rapporteur.
M. Christophe-André Frassa, rapporteur. Pour répondre à M. Sueur – je m’adresse là à mon ancien président de commission, de qui j’ai beaucoup appris en tant que jeune sénateur –, quand on dit « sans préjudice », cela signifie bien que c’est une obligation, et non une dérogation.
Je ne suis pas d’accord avec vous : « sans préjudice de l’article 40 » veut dire qu’il y a une obligation de dénoncer à l’autorité judiciaire.
M. Jean-Pierre Sueur. Si l’on croit devoir le faire ! Tout dépend de la réalité des faits.
M. Christophe-André Frassa, rapporteur. Ce n’est pas un choix ! On doit forcément transmettre le nom du hacker blanc à l’autorité judiciaire.
Quant aux dérogations à l’article 40, il en existe déjà : je vous citerai celle des médecins lorsqu’ils ont connaissance de cas de maltraitance.
Mme la présidente. Je mets aux voix l'amendement n° 232.
J'ai été saisie d'une demande de scrutin public émanant de la commission des lois.
Je rappelle que l'avis de la commission est défavorable et que celui du Gouvernement est favorable.
Il va être procédé au scrutin dans les conditions fixées par l'article 56 du règlement.
Le scrutin est ouvert.
(Le scrutin a lieu.)
Mme la présidente. Personne ne demande plus à voter ?…
Le scrutin est clos.
J'invite Mmes et MM. les secrétaires à procéder au dépouillement du scrutin.
(Il est procédé au dépouillement du scrutin.)
Mme la présidente. Voici, compte tenu de l’ensemble des délégations de vote accordées par les sénateurs aux groupes politiques et notifiées à la présidence, le résultat du scrutin n° 202 :
Nombre de votants | 343 |
Nombre de suffrages exprimés | 343 |
Pour l’adoption | 156 |
Contre | 187 |
Le Sénat n'a pas adopté.
Je mets aux voix l'amendement n° 636.
J'ai été saisie d'une demande de scrutin public émanant de la commission des lois.
Je rappelle que l'avis du Gouvernement est défavorable.
Il va être procédé au scrutin dans les conditions fixées par l'article 56 du règlement.
Le scrutin est ouvert.
(Le scrutin a lieu.)
Mme la présidente. Personne ne demande plus à voter ?…
Le scrutin est clos.
J'invite Mmes et MM. les secrétaires à procéder au dépouillement du scrutin.
(Il est procédé au dépouillement du scrutin.)
Mme la présidente. Voici, compte tenu de l’ensemble des délégations de vote accordées par les sénateurs aux groupes politiques et notifiées à la présidence, le résultat du scrutin n° 203 :
Nombre de votants | 342 |
Nombre de suffrages exprimés | 187 |
Pour l’adoption | 187 |
Le Sénat a adopté.
Je mets aux voix l'article 20 septies, modifié.
(L'article 20 septies est adopté.)
Mme la présidente. Mes chers collègues, nous allons maintenant interrompre nos travaux ; nous les reprendrons à quinze heures, pour les questions d’actualité au Gouvernement.
La séance est suspendue.
(La séance, suspendue à treize heures trente, est reprise à quinze heures, sous la présidence de M. Gérard Larcher.)
PRÉSIDENCE DE M. Gérard Larcher
M. le président. La séance est reprise.
4
Questions d’actualité au Gouvernement
M. le président. L’ordre du jour appelle les réponses à des questions d’actualité au Gouvernement.
Je rappelle que la séance est retransmise en direct sur France 3, sur Public Sénat et sur le site internet du Sénat.
Pour votre information, mes chers collègues, je dois vous indiquer que le Premier ministre, Manuel Valls, est aujourd’hui en route pour la Nouvelle-Calédonie (Oh ! sur quelques travées du groupe Les Républicains.) ; j’excuse bien entendu son absence. J’étais moi-même dans ce territoire pendant la semaine du 22 février dernier et je ne peux que souhaiter le meilleur au Premier ministre pour ce déplacement important.
Comme la dernière fois, au nom du bureau du Sénat, j’appelle chacun de vous à observer au cours des échanges l’une des valeurs essentielles du Sénat : le respect des uns et des autres.
situation d’edf
M. le président. La parole est à M. Jean-Pierre Bosino, pour le groupe communiste républicain et citoyen.
M. Jean-Pierre Bosino. Les mesures annoncées le 22 avril dernier par l’État et EDF suscitent de nombreuses inquiétudes.
Comment l’État pourra-t-il assumer une recapitalisation de 3 milliards d’euros ? En privatisant de nouveaux aéroports ! Comment l’entreprise dégage-t-elle de nouvelles marges ? En privatisant Réseau de transport d’électricité ! Nous sommes bien dans une logique de privatisation globale d’un bien de la Nation, alors que le souci de rendement à court terme des investisseurs privés n’est pas compatible avec les enjeux d’approvisionnement et de sécurité énergétiques.
Autre source de préoccupation, la direction a annoncé un plan d’économies d’un milliard d’euros. Les salariés, que nous avons rencontrés, sont très inquiets des conséquences sociales de ce plan. La sécurité, notamment le grand carénage, et la transition énergétique appellent pourtant des investissements massifs.
La seule stratégie du président-directeur général d’EDF est financière et commerciale, et elle est plutôt hasardeuse puisqu’il était prêt à engager l’entreprise dans un projet de 23 milliards d’euros, alors que tous les indicateurs sont au rouge. La seule réponse des gouvernements qui se sont succédé est également financière puisqu’elle se résume à la question des dividendes.
L’ensemble de la filière énergétique, d’EDF à Areva, a besoin d’une autre stratégie industrielle, de long terme, qui préserve les savoir-faire et le développement de la recherche pour l’ensemble des énergies, tout en préparant l’avenir et la transition énergétique.
Les syndicats et nos concitoyens le disent, la priorité d’EDF est d’assurer le service public en fournissant une électricité de qualité et compétitive au bénéfice des usagers et de l’économie française, conformément à la mission définie par ses créateurs voilà soixante-dix ans. Quelles mesures le Gouvernement, actionnaire d’EDF à hauteur de 85 %, compte-t-il mettre en œuvre pour garantir ce service public ? Va-t-il enfin renoncer aux privatisations, incompatibles avec le service public ? (Applaudissements sur les travées du groupe CRC.)
M. le président. La parole est à M. le ministre de l’économie. (Bravo ! et exclamations amusées sur les travées du groupe Les Républicains.)
M. Emmanuel Macron, ministre de l’économie, de l’industrie et du numérique. Monsieur le sénateur Bosino, je souscris pleinement à votre désir de voir EDF comme une entreprise forte, se trouvant au cœur de notre stratégie énergétique et nucléaire. C’est bien le choix qui a présidé à toutes les décisions prises ces derniers mois par le Gouvernement, qui a d’abord refondé cette filière de manière cohérente, en rapprochant l’activité « réacteurs » d’Areva et d’EDF, alors que la filière était jusqu’alors totalement divisée, et qui a ensuite décidé de recapitaliser EDF.
En effet, quel est aujourd’hui le principal problème de l’entreprise EDF ? Il est simple : d’une part, l’ouverture de ses prix au marché, sur le fondement de décisions prises il y a dix ans et six ans au travers de la loi du 7 décembre 2010 portant nouvelle organisation du marché de l’électricité dite « NOME », et, d’autre part, l’effondrement du marché de l’électricité, le mégawattheure étant passé de 50 euros à 26 euros.
Face à ce problème, il faut en effet avoir une stratégie d’effort partagé ; c’est celle que nous avons décidé d’engager. Cela passe d’abord par l’effort de l’entreprise, à travers un plan d’économies qui s’imposait légitimement, qui est tout à fait réalisable et qui sera mis en œuvre de manière négociée avec l’ensemble du corps social de l’entreprise, en préservant les compétences – c’est d’ailleurs cela qui a conduit à des anticipations au cours de la période 2010-2015 – et toutes les règles de sûreté.
Ensuite, cela passe par l’ouverture du capital – non la privatisation de l’entreprise – lorsque des actifs le permettent. C’est le cas, vous l’avez mentionné, de Réseau de transport d’électricité, RTE, et nous allons travailler autour d’un projet industriel.
Enfin, cela passe par un accompagnement de l’actionnaire majoritaire, c’est-à-dire l’État, actionnaire à hauteur de 85 %.
Que faisons-nous pour cela ? Je ne peux pas partager le constat que vous venez de dresser, selon lequel nous aurions une vision court-termiste ! L’État, qui a prélevé, depuis l’ouverture du capital, 20 milliards d’euros de dividendes, renonce cette année, pour la première fois, à ses dividendes au titre de 2015. Il faut tout de même le rappeler ! Par ailleurs, que venons-nous de faire ? De renoncer aux dividendes pour les deux années à venir et de décider de réinjecter au moins 3 milliards d’euros.
C’est donc bien une stratégie de long terme, responsable et consistant à réinvestir dans l’entreprise qui a été fixée, dans le cadre de ces efforts partagés. En effet, nous prenons la décision d’accompagner la stratégie industrielle d’EDF, de réinvestir dans le parc des centrales, dans son entretien et dans son développement au cours des années à venir, d’investir dans les énergies renouvelables et dans les projets à l’étranger.
M. le président. Veuillez conclure, monsieur le ministre.
M. Emmanuel Macron, ministre. Voilà notre stratégie industrielle et notre politique d’accompagnement. (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste et républicain, du RDSE et sur quelques travées du groupe Les Républicains. – M. Michel Mercier applaudit également.)
M. le président. La parole est à M. Jean-Pierre Bosino, pour la réplique.
M. Jean-Pierre Bosino. Évidemment, je ne suis pas du tout convaincu, monsieur le ministre. (Exclamations ironiques sur les travées du groupe Les Républicains.) Vous faites valser les milliards, mais vous n’avez pas été capable de dégager 20 millions d’euros pour créer 150 emplois au sein de l’Autorité de sûreté nucléaire, qui est une autorité incontestée.
M. Jean-Louis Carrère. Votre temps de parole est terminé !
M. Jean-Pierre Bosino. En réalité, vous n’avez pas de stratégie industrielle ; vous n’avez qu’une stratégie financière ! (Applaudissements sur les travées du groupe CRC.)
lutte contre le chômage
M. le président. La parole est à Marie-Françoise Perol-Dumont, pour le groupe socialiste et républicain.
Mme Marie-Françoise Perol-Dumont. Ma question s’adresse à Mme la ministre du travail.
Chacun de nous, madame la ministre, imagine et partage la satisfaction des 60 000 personnes qui ont retrouvé un emploi le mois dernier. (Exclamations sur les travées du groupe Les Républicains.) C’est une excellente nouvelle dont, au-delà de nos divergences partisanes, nous nous réjouissons tous.
M. Philippe Dallier. Ces personnes sont passées dans les catégories B et C, ce n’est pas pareil !
Mme Marie-Françoise Perol-Dumont. Je remercie mes collègues, quelles que soient les travées sur lesquelles ils siègent, de se réjouir avec ces personnes qui ont retrouvé un emploi.
Néanmoins, nous n’oublions pas celles et ceux qui sont encore en recherche d’un travail ou en situation précaire ; la question de l’emploi reste bien, légitimement, la toute première préoccupation de nos concitoyens.
Pour autant, force est de constater, madame la ministre, que les mesures conjoncturelles engagées par le Gouvernement commencent à porter leurs fruits.
La baisse spectaculaire du mois dernier et la tendance globale enregistrée depuis l’été 2015 ne sont pas le fruit du hasard ; elles sont bien le résultat de la politique menée depuis 2012. (Exclamations ironiques sur les travées du groupe Les Républicains.)
L’amélioration de la situation des jeunes se poursuit : depuis 2014, 36 000 d’entre eux, âgés de moins de vingt-cinq ans, ont trouvé un emploi. L’aide « embauche PME » accélère les effets de la reprise économique ; les déclarations d’embauche ont enregistré un net rebond, particulièrement dans les entreprises de moins de 250 salariés.
Enfin, les conventions signées avec les régions permettront de proposer 500 000 formations aux demandeurs d’emploi dans les métiers qui peinent aujourd’hui à recruter et dans les secteurs d’avenir.
Cela dit, pour que cette évolution positive se confirme, il importe maintenant que des réformes structurelles complètent ces mesures, afin de lever les freins à la reprise, d’améliorer la compétitivité de nos entreprises tout en créant – ce n’est pas antinomique – de nouveaux droits pour les salariés et tout en favorisant un dialogue social de qualité – cela est essentiel. Tel est l’objectif ambitieux du projet de loi que vous portez, madame la ministre.
Toutefois, tout cela doit être à chaque instant – le brouhaha que j’entends le prouve bien – remis en perspective.
M. le président. Veuillez poser votre question, ma chère collègue !
Mme Marie-Françoise Perol-Dumont. Aussi, pourriez-vous présenter de nouveau devant la Haute Assemblée, madame la ministre, la cohérence globale des mesures volontaristes défendues par ce gouvernement en faveur de l’emploi,…
M. le président. Posez votre question !
M. François Grosdidier. C’est terminé !
Mme Marie-Françoise Perol-Dumont. … emploi qui contribue à structurer les êtres humains (Exclamations sur les travées du groupe Les Républicains pour signifier à l’orateur que son temps de parole est épuisé.),…
M. le président. Votre question !
Mme Marie-Françoise Perol-Dumont. … qui ouvre des perspectives d’avenir… (Protestations sur les mêmes travées, couvrant la voix de l’orateur. – Applaudissements sur les travées du groupe socialiste et républicain.)
M. le président. La parole est à Mme la ministre du travail.
Mme Myriam El Khomri, ministre du travail, de l’emploi, de la formation professionnelle et du dialogue social. Madame la sénatrice Perol-Dumont, le nombre de demandeurs d’emploi en catégorie A, c’est-à-dire n’ayant aucune activité, a en effet diminué de 60 000 en mars dernier. (Exclamations sur les travées du groupe Les Républicains.)
M. Philippe Dallier. Et les autres catégories ?
Mme Myriam El Khomri, ministre. Cela a concerné toutes les classes d’âge, ce qui est aussi un élément déterminant.
Il n’y a aucun triomphalisme ni aucun excès de confiance à retirer de ces chiffres, mais juste la satisfaction profonde et sincère que, je l’espère, nous partageons tous d’avoir sorti du chômage 60 000 personnes ainsi que leurs familles. (Protestations sur quelques travées du groupe Les Républicains.)
J’ai entendu à l’instant quelques remarques sur certaines travées. Je vais vous dire très sincèrement les choses : quand les chiffres sont mauvais, on nous traite d’incompétents ; quand ils sont bons, on affirme qu’il s’agit de manipulation. Cela porte un nom : le cynisme. (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste et républicain. – M. Alain Bertrand applaudit également.) Cela consiste à s’accommoder d’un chômage élevé pour en tirer un argument électoral ! Soyons simplement satisfaits que 60 000 personnes et leurs familles aient pu sortir du chômage. (M. Jean-Pierre Sueur et Mme Frédérique Espagnac applaudissent. – Mme Catherine Troendlé et M. Roger Karoutchi protestent.)
Madame la sénatrice, en effet une politique comportant à la fois des mesures conjoncturelles et des mesures structurelles est nécessaire.
Nous avons mis en œuvre le pacte de responsabilité et de solidarité et le crédit d’impôt pour la compétitivité et l’emploi, ou CICE, qui ont permis aux entreprises de développer l’investissement, de retrouver des marges, ce qui a conduit l’an dernier, après plusieurs années de destruction d’emplois, à 100 000 créations nettes d’emplois dans le secteur concurrentiel.
Il y a aussi des mesures conjoncturelles : le plan de 500 000 actions de formation supplémentaires pour répondre aux métiers en tension, l’aide « embauche PME » ; en outre, vous l’avez dit, nous entamerons à partir du 3 mai prochain la discussion du projet de loi relatif au travail à l’Assemblée nationale. Ce texte permettra justement à la fois d’améliorer la compétitivité de notre économie, de développer de nouveaux droits et, tout simplement, de redonner de la souplesse aux entreprises pour qu’elles puissent remporter de nouveaux marchés. (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste et républicain. – M. Alain Bertrand applaudit également.)
suppression des classes bilingues en province
M. le président. La parole est à Mme Catherine Morin-Desailly, pour le groupe UDI-UC. (Applaudissements sur les travées de l’UDI-UC et sur plusieurs travées du groupe Les Républicains.)
Mme Catherine Morin-Desailly. Ma question s’adresse à Mme la ministre de l’éducation nationale, de l’enseignement supérieur et de la recherche, Mme Najat Vallaud-Belkacem. Elle porte sur l’enseignement des langues vivantes étrangères, dans le contexte de la réforme du collège.
J’aurais préféré, madame la ministre, vous interroger à ce sujet devant la commission de la culture. Votre agenda ne l’a pas permis et je le regrette. (Exclamations ironiques sur les travées du groupe Les Républicains.) Sans doute ne vous a-t-il pas non plus permis de répondre aux nombreuses questions écrites qui vous ont été adressées à ce sujet par des parlementaires. (Mêmes mouvements sur les mêmes travées.)
Vous avez présenté votre stratégie en faveur des langues vivantes : vous la dites ambitieuse. Nous aimerions y croire, mais il est de notre devoir de vous alerter au sujet de l’effet dévastateur de la suppression, à la rentrée prochaine, des sections européennes et de la majorité des classes bilangues ! (Applaudissements sur les travées de l’UDI-UC et du groupe Les Républicains.) Alors que se prépare la rentrée 2016, cette mesure suscite dans nos territoires une inquiétude et une incompréhension, que vous ne sauriez minimiser, chez les parents, les enseignants et les élèves.
Vous le savez, ces sections, injustement taxées d’élitisme, permettent de maintenir une certaine mixité dans les établissements, notamment dans le secteur de l’éducation prioritaire. Au nom de l’égalité, vous les avez supprimées. Mais l’égalité ne consiste pas à offrir moins à tous ; elle permet à chacun de trouver sa voie et son parcours de réussite.
En vérité, votre réforme, comme celle des rythmes scolaires, tend à accroître les inégalités territoriales. (Mais non ! sur les travées du groupe socialiste et républicain.) Comprenez-vous donc que nos compatriotes soient choqués d’apprendre que toutes les classes bilangues seront maintenues à Paris, quand 95 % d’entre elles devaient disparaître dans l’académie de Caen et 75 % dans l’académie de Rennes, pour ne citer que quelques exemples ? (Applaudissements sur les travées de l’UDI-UC et du groupe Les Républicains.) Ce n’est pas notre conception de l’égalité !
M. Jean-Louis Carrère. Oh là là ! Que c’est vilain !
Mme Catherine Morin-Desailly. Ce n’est pas en proposant l’apprentissage d’une deuxième langue vivante dès la classe de cinquième plutôt qu’en quatrième que l’on compensera la perte de la maîtrise des langues et de l’aisance dans leur usage que permettaient ces classes spécifiques. L’apprentissage des langues autres que l’anglais – allemand, espagnol, italien, arabe – est condamné à être fragilisé et la diversité linguistique, menacée.
Madame la ministre, il est encore temps de faire machine arrière ! Ne serait-il pas plus sage de renoncer à détruire ce qui a fait ses preuves ? En tout état de cause, que ferez-vous pour résorber les inégalités que votre réforme va créer ? (Bravo ! et applaudissements sur les travées de l’UDI-UC et du groupe Les Républicains.)
M. Roger Karoutchi. Très bien !
M. le président. La parole est à Mme la ministre de l’éducation nationale.
Mme Najat Vallaud-Belkacem, ministre de l’éducation nationale, de l’enseignement supérieur et de la recherche. Madame la sénatrice Morin-Desailly, honnêtement, quand je vous écoute, je me demande si nous vivions bien dans le même pays ces dernières années. (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste et républicain. – Exclamations et huées sur les travées de l’UDI-UC et du groupe Les Républicains.)
Je me pose cette question, car, à vous entendre, jusqu’à présent, pour ce qui concerne l’apprentissage des langues vivantes étrangères par nos jeunes collégiens, tout allait pour le mieux dans le meilleur des mondes ! C’est que vous venez de nous démontrer ! Et les réformes que nous conduisons risqueraient de mettre à mal ce meilleur des mondes. (Protestations sur les travées de l’UDI-UC et du groupe Les Républicains.)
M. François Grosdidier. Vous êtes là depuis quatre ans !
Mme Najat Vallaud-Belkacem, ministre. Eh bien, je vous invite à vous adresser aux parents : ils vous diront s’ils estiment, eux, que tout allait pour le mieux, s’ils trouvent, eux, que le fait que les jeunes Français soient parmi les pires collégiens de tous les pays qui nous entourent en langues vivantes étrangères était une bonne chose. Et pourquoi une telle situation ? Parce que l’apprentissage n’était pas bon, parce qu’il n’était pas suffisamment précoce, sauf pour les 15 % des élèves qui étaient en effet dans les classes bilangues. C’est cela que vous regrettez de toute votre force aujourd’hui, sans prendre le temps de considérer cette réforme, qui offre à 100 % des collégiens l’avantage de commencer plus tôt l’apprentissage des langues vivantes étrangères. (Protestations sur les travées du groupe Les Républicains et de l’UDI-UC. – Applaudissements sur les travées du groupe socialiste et républicain.)
Plusieurs sénateurs du groupe Les Républicains. Non, c’est faux !
M. Christian Cambon. Pas 100 % !
Mme Najat Vallaud-Belkacem, ministre. Mais je l’assume totalement ; je le répète pour la énième fois devant la Haute Assemblée, j’assume d’avoir voulu donner à tous les élèves français les mêmes chances de réussite (Non ! sur les travées du groupe Les Républicains.) plutôt que de réserver celles-ci à quelques-uns. (Bravo ! et applaudissements sur les travées du groupe socialiste et républicain.)
Maintenant, parlons des classes bilangues. Vous affirmez que nous creusons les inégalités territoriales. Je vous dis de nouveau que la réforme du collège a conduit à mettre fin à des dispositifs dits « de contournement » – les classes bilangues non justifiées, pour une minorité d’élèves à partir de la classe de sixième –, mais à préserver voire à développer les dispositifs dits « de continuité », c’est-à-dire la possibilité pour des élèves qui ont commencé l’apprentissage d’une autre langue vivante que l’anglais à l’école primaire…
M. le président. Veuillez conclure, madame la ministre.
Mme Najat Vallaud-Belkacem, ministre. … de poursuivre avec celui d’une deuxième langue vivante dès la classe de sixième. Je le sais, cela paraît un peu compliqué, mais il faut se pencher sur le détail des dispositifs quand on veut les juger ou les critiquer.
Dans ce contexte, sachez que nous avons veillé à développer, sur tout le territoire français, les dispositifs de continuité…
M. Jean-Claude Lenoir. Non, ce n’est pas vrai !
M. le président. Il faut conclure, madame la ministre !
Mme Najat Vallaud-Belkacem, ministre. … et que cela profitera à tous les élèves, à Rouen comme à Paris, à Amiens, à Marseille ou à Strasbourg. (Bravo ! et applaudissements sur les travées du groupe socialiste et républicain.)
débordements place de la république
M. le président. La parole est à M. Pierre Charon, pour le groupe Les Républicains. (Applaudissements sur quelques travées du groupe Les Républicains.)
M. Pierre Charon. Ma question s’adressait à M. le ministre de l’intérieur, qui a raison d’être absent… (Sourires sur les travées du groupe Les Républicains.)
Voilà plusieurs semaines que, à Paris et à Nantes, les Français assistent à des scènes surréalistes de violences urbaines.
À Nantes, le centre-ville est ainsi devenu un rendez-vous hebdomadaire pour les casseurs, avides d’y trouver des boutiques à piller, et je sais que M. Bruno Retailleau est exaspéré par cette situation récurrente. (Marques d’assentiment sur les mêmes travées.)
À Paris, depuis le 31 mars dernier, la place de la République est envahie par des individus, mouvement s’intitulant « Nuit debout », mais qu’il faudrait plutôt appeler « Au lit le jour »… Tags, arrachages des dalles pour faire pousser de l’herbe sur une place récemment rénovée à prix d’or, installation de tentes sauvages et de baraquements, saccage de commerces, musique à tue-tête jusqu’à l’aube, incendie de voitures de police… La place de la République est devenue une véritable jungle. (Exclamations sur les travées du groupe CRC et du groupe socialiste et républicain.)
Mme Éliane Assassi. Arrêtez !
M. Pierre Charon. Des occupations de bâtiments publics ont lieu – le théâtre de l’Odéon, la Comédie française –, le lycée Jean-Jaurès a été pris d’assaut par 150 migrants, attaque organisée par l’extrême gauche.
Mme Éliane Assassi. Vous mélangez tout !
M. Pierre Charon. Vous mobilisez de nombreuses forces de police, qui ont reçu l’ordre de ne surtout pas intervenir.
Pourtant, il y a trois ans, le prédécesseur de M. Cazeneuve était beaucoup plus prompt à donner des ordres contre certaines manifestations pacifiques réunissant un million de personnes sans aucune dégradation. Le mouvement Nuit debout bénéficie de plus de clémence que les Veilleurs, dont la seule arme était une bougie. (M. Jean-Louis Carrère mime la bénédiction ironique de l’orateur par des signes de croix répétés.)
Mme Évelyne Didier. Ce n’est pas sérieux !
M. Pierre Charon. Ce laxisme sélectif déshonore l’autorité républicaine.
M. Alain Néri. Affligeant !
M. Pierre Charon. En voulant éviter à tout prix l’injustice, le ministre de l’intérieur organise la désorganisation.
Comment se fait-il que l’on recule devant les casseurs, alors que des terroristes ont été rapidement neutralisés et que la Haute Assemblée a salué M. Cazeneuve à cet égard ? Quand le Gouvernement compte-t-il enfin donner des ordres à la police pour qu’elle puisse accomplir sereinement sa mission : le maintien de l’ordre public ? (Bravo ! et applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains et de l’UDI-UC.)
M. le président. La parole est à M. le secrétaire d’État chargé des relations avec le Parlement.
M. Jean-Marie Le Guen, secrétaire d’État auprès du Premier ministre, chargé des relations avec le Parlement. Monsieur le sénateur Pierre Charon, permettez-moi de vous donner un certain nombre d’informations ; je m’étonne d’ailleurs que, en tant que sénateur de Paris, vous ne les connaissiez pas.
Mme Éliane Assassi. C’est normal, il est réac !
M. Jean-Marie Le Guen, secrétaire d’État. Depuis le début du mouvement Nuit debout, vous le savez, soixante-treize personnes ont été interpellées et placées en garde à vue. (Exclamations ironiques sur les travées du groupe Les Républicains.)
Pour ce qui concerne les événements particuliers que vous évoquez, à savoir ceux qui se sont déroulés la nuit de vendredi à samedi derniers, plus de treize personnes ont été interpellées (Exclamations sur les mêmes travées, couvrant la voix de l’orateur.) ; neuf personnes ont été placées sous contrôle judiciaire et seront donc poursuivies avec la fermeté qui s’impose.
M. Roger Karoutchi. Mais bien sûr ! (Sourires sur les mêmes travées.)
M. Jean-Marie Le Guen, secrétaire d’État. Cela étant, un certain nombre d’élus, dont vous faites, je crois, partie, demandent la suspension du mouvement Nuit debout, au nom des mesures permises par l’état d’urgence.
Mme Éliane Assassi. Et la démocratie, alors ?
M. Jean-Marie Le Guen, secrétaire d’État. Monsieur le sénateur, l’état d’urgence ne nous permet pas – nous ne le souhaitons d’ailleurs pas – de nous abstraire de l’État de droit. (Applaudissements sur quelques travées du groupe socialiste et républicain.)
En outre, vous savez bien évidemment que, le 19 février dernier, le Conseil constitutionnel a rendu un certain nombre de décisions à la suite de questions prioritaires de constitutionnalité et a rappelé que les mesures d’urgence doivent concilier, d’une part, « la prévention des atteintes à l’ordre public » et, d’autre part, le respect des droits et des libertés, dont « le droit d’expression collective des idées et des opinions ».
M. Christian Cambon. Cela ne répond pas à la question posée !
M. Roger Karoutchi. Oui, que comptez-vous faire ?
M. Jean-Marie Le Guen, secrétaire d’État. Le Conseil a en outre rappelé que le juge administratif était chargé de s’assurer que chacune de ces mesures serait « adaptée, nécessaire et proportionnée à la finalité » poursuivie.
M. Christian Cambon. Ce n’est pas la question !
M. Jean-Marie Le Guen, secrétaire d’État. Voilà, monsieur le sénateur, ce qui explique pourquoi l’État, appliquant strictement le droit, n’a pas l’intention de se mettre dans une situation où il pourrait être condamné, car, dès lors, c’est lui qui serait affaibli. (Exclamations sur les travées du groupe Les Républicains. – Applaudissements sur les travées du groupe socialiste et républicain.)
M. le président. La parole est à M. Pierre Charon, pour la réplique.
M. Pierre Charon. Monsieur le secrétaire d’État, à l’instar de tous vos collègues du Gouvernement, vous êtes comme les fraises d’hiver : vous êtes hors sol ! (Bravo ! et applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains.)
« hyper-ruralité »
M. le président. La parole est à M. Alain Bertrand, pour le groupe du RDSE.
M. Alain Bertrand. Ma question s’adresse à M. le ministre de l’aménagement du territoire, de la ruralité et des collectivités territoriales, Jean-Michel Baylet. (Ah ! sur les travées du groupe socialiste et républicain.)
Monsieur le ministre, je souhaite faire une proposition au Gouvernement pour soutenir la ruralité et l’hyper-ruralité.
Les villes, la ruralité souffrent depuis la crise de 2008. Le Gouvernement a déjà pris des dispositions : augmentation sensible de la dotation d’équipement des territoires ruraux, la DETR, création d’un fonds spécial d’investissement et soixante-sept autres mesures. Toutefois, dans le même temps, la révision générale des politiques publiques, la RGPP, puis la modernisation de l’action publique, la MAP, sont passées et ont frappé, en proportion, bien davantage les petits départements et les petites villes que les grands. La baisse des dotations a sur-pénalisé les plus petites communes parce qu’elles ne connaissent pas, elles, d’accroissement annuel de leur richesse économique et fiscale.
La RGPP et la MAP ont donc fait disparaître des emplois et des salaires, le rabot des dotations a fait disparaître des investissements. À tout cela s’ajoute la crise agricole, dont nous convenons tous.
M. Jean-Louis Carrère. Tout à fait !
M. Alain Bertrand. La situation est si difficile, si tendue, si dure qu’il est urgent de prendre les mesures possibles, surtout celles qui ne coûtent pas cher.
La première que je vous propose, monsieur le ministre, est très simple et peut être immédiatement mise en œuvre ; elle enverrait un signal fort aux petites centralités – préfectures, sous-préfectures et bourgs-centres – qui irriguent toute l’hyper-ruralité, tout notre territoire. Il s’agit simplement de démétropoliser et de délocaliser quelques secteurs ciblés, de décider que l’on n’entasse pas tout dans les grandes villes. L’hyper-ruralité a des avantages : coûts de structure inférieurs, main d’œuvre de qualité, enseignement de qualité pour les familles, loisirs peu coûteux, sécurité importante.
Par exemple, les centres d’appel, que nous connaissons tous, seraient prioritairement orientés vers l’hyper-ruralité. D’après l’annuaire du service public, il existe en tout 248 centres d’appel ou de contact – assurance maladie, Allô service public, Pôle emploi –, sans compter les centres d’appel privés, comme les numéros 118, que nous pourrions inciter à s’installer dans la ruralité – à Gap, à Digne, à Aurillac, à Ajaccio à Cahors ou ailleurs – plutôt qu’à l’étranger, par quelques mesures très simples.
Vous poursuivriez ensuite utilement, monsieur le ministre – et je sais votre attachement à la ruralité (Exclamations ironiques sur les travées du groupe Les Républicains.) –, par la démétropolisation de petites unités d’enseignement supérieur, de recherche ou d’entreprises nationales,…
M. le président. Veuillez poser votre question, mon cher collègue.
M. Alain Bertrand. … ainsi que par l’attribution de travaux déportés de nos administrations.
Démétropolisez, délocalisez, c’est une clef pour la ruralité !
M. le président. Votre question !
M. Alain Bertrand. Faites-le, monsieur le ministre, c’est sans aucun préjudice pour les grandes villes ! Allez-y ! Quand commençons-nous ? (M. Jean-Louis Carrère applaudit.)
M. le président. La parole est à M. le ministre de l’aménagement du territoire.
M. Jean-Michel Baylet, ministre de l’aménagement du territoire, de la ruralité et des collectivités territoriales. Monsieur le sénateur Alain Bertrand, je connais votre passion pour la ruralité et même pour l’hyper-ruralité ; nous la partageons. Je sais que vous avez rédigé un rapport de grande qualité sur le sujet. (Exclamations sur les travées du groupe Les Républicains.)
Néanmoins, je ne pense pas qu’il soit utile d’opposer ruralité et métropoles périurbaines ; tout cela contribue à l’aménagement du territoire. Essayons de le construire de manière harmonieuse.
C’est ce que fait le Gouvernement, puisque nous avons organisé en 2015 deux comités interministériels et adopté soixante-sept mesures, qui sont en cours d’application – j’y reviendrai –, et que nous allons organiser le 20 mai prochain un nouveau comité interministériel à la ruralité. C’est dire si la ruralité, mesdames, messieurs les sénateurs, est une priorité de l’action gouvernementale !
D’ailleurs, nous pouvons déjà en voir les premières réussites sur le terrain avec, par exemple, les maisons de services au public – vous le savez, des engagements avaient été pris pour ramener le service public dans des zones et des secteurs où il avait malheureusement disparu. C’est une véritable réussite ; nous atteindrons l’objectif de 1 000 maisons de services au public en fin d’année, dont 500 réalisées en partenariat avec La Poste, qui non seulement prend en charge leur financement, mais encore garantit la présence postale dans ces territoires, ce qui est très important.
Marisol Touraine et moi-même avons aussi lancé une politique d’ouverture de maisons de santé, pour développer l’offre de santé de proximité ; là encore, 1 000 maisons de santé seront une réalité à la fin de l’année.
Par ailleurs, Emmanuel Macron (Exclamations amusées sur les travées du groupe Les Républicains.),…
M. Roger Karoutchi. Ça, c’est un bon signe ! C’est une action « en marche » !
M. Jean-Michel Baylet, ministre. … et moi-même menons une politique de déploiement pour résorber les zones blanches et grises en matière de téléphonie mobile. Nous développons aussi, y compris en zone rurale, le numérique, indispensable à la vie d’aujourd’hui.
J’ai bien entendu, monsieur le sénateur, vos propositions pour essayer d’amener davantage d’entreprises dans le secteur rural. Pour ma part, je suis bien sûr tout à fait prêt à y travailler avec vous, puisque les territoires ruraux peuvent parfaitement accueillir des fonctions d’excellence, des unités de recherche et d’enseignement et des centres d’appel. Toutefois, soyez conscient et certain que le Gouvernement œuvre déjà fort et vrai pour la ruralité. (Applaudissements sur les travées du RDSE et sur quelques travées du groupe socialiste et républicain.)
M. le président. La parole est à Mme Leila Aïchi, pour le groupe écologiste.
Mme Leila Aïchi. Ma question s’adresse à Mme la ministre de la santé.
Je prends acte de la décision de la Haute Assemblée de transmettre le dossier du professeur Michel Aubier à la justice et je salue la décision courageuse et exemplaire prise par le bureau du Sénat et son président, Gérard Larcher. Mes chers collègues, la lutte contre les faux témoignages et, par extension, contre les conflits d’intérêts, n’est pas une lubie d’écologiste ; il s’agit au contraire d’un enjeu démocratique et d’intérêt général.
Les politiques publiques ne peuvent être fondées sur des mensonges. Mentir devant la représentation nationale est inacceptable, et je suis scandalisée par la cupidité de certains, de surcroît sur un sujet aussi grave et qui nous concerne tous : la pollution de l’air.
En mentant devant la commission d’enquête, dont Jean-François Husson était le président et dont j’ai eu l’honneur d’être rapporteur, le professeur Aubier a tenté d’influencer, au service d’intérêts économiques privés, des politiques publiques et a ainsi volontairement minimisé un enjeu majeur de santé publique.
Plus grave encore, en mentant devant les parlementaires, le professeur Aubier a menti aux Français.
Encore une fois, chers collègues, une société démocratique ne peut pas reposer sur le mensonge. Cela fait longtemps que nous dénonçons ces pratiques, qui sont une menace et une atteinte directe au bon fonctionnement de notre société, ce d’autant plus dans le contexte social et économique difficile que nous traversons.
Mais faute de preuve et de volonté, de telles pratiques ne sont malheureusement que trop peu révélées et condamnées, alors que, manifestement, nous le savons tous, elles ne sont que trop nombreuses.
En ce sens, nous saluons l’effort consenti par le directeur général de l’AP-HP, Martin Hirsch, qui a proposé un plan de prévention des conflits d’intérêts.
Ma question est simple, madame la ministre : que comptez-vous faire pour mettre fin aux conflits d’intérêts ? (Applaudissements sur de nombreuses travées.)
M. le président. La parole est à Mme la ministre des affaires sociales.
Mme Marisol Touraine, ministre des affaires sociales et de la santé. Madame la sénatrice Leila Aïchi, comme vous et comme beaucoup de Français, j’ai été très profondément choquée par la façon dont s’est comporté le professeur Aubier. Qu’un médecin renommé – mais son renom ne change rien à l’affaire –, alors qu’il est auditionné sous serment, oublie de mentionner qu’il est rémunéré par un acteur directement concerné est purement et simplement inadmissible.
La décision, rare, qu’a prise le bureau du Sénat est à la hauteur de la gravité des faits.
De son côté, l’AP-HP étudie la situation individuelle de M. Aubier…
M. Thierry Foucaud. Il y en a d’autres !
Mme Marisol Touraine, ministre. … et examine les conditions d’une éventuelle procédure.
Au-delà du cas personnel de M. Aubier, la communauté médicale de l’AP-HP qui a été profondément atteinte par ces faits a élaboré un guide, afin de définir plus précisément la façon dont les médecins doivent se comporter face aux conflits d’intérêts.
Pour ma part, j’ai fait de la lutte contre de tels conflits une priorité. J’ai mis en place une base, pouvant être exploitée par qui le souhaite, qui permet de repérer les rémunérations en provenance de l’industrie pharmaceutique dont bénéficient les médecins.
À l’occasion de l’examen du projet de loi de modernisation de notre système de santé, nous avons renforcé, grâce notamment aux apports extrêmement utiles et intéressants du Sénat, le cadre législatif, afin de lutter contre les conflits d’intérêts.
Madame la sénatrice, je souhaite que ces règles puissent être appliquées, y compris pour d’autres secteurs que l’industrie pharmaceutique, car certains médecins peuvent travailler ailleurs que dans ce secteur. C’était le cas notamment du professeur Aubier.
Telle est ma position. Il ne doit en tout cas y avoir aucune tolérance, aucune acceptation de comportement susceptible de jeter le discrédit sur la déontologie médicale et l’excellence des médecins dans notre pays. (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste et républicain, du groupe CRC, du groupe écologiste et du RDSE.)
M. le président. La parole est à Mme Leila Aïchi, pour la réplique.
Mme Leila Aïchi. Madame la ministre, je prends acte de la volonté du Gouvernement de lutter contre les conflits d’intérêts. Nous resterons vigilants sur les futures mesures que vous proposerez.
À l’instant où je vous parle, je ne peux pas m’empêcher d’avoir une pensée toute particulière pour ces personnes, parfois dénommées « lanceurs d’alerte », qui sacrifient leur vie pour l’intérêt général, mais qui bien souvent, trop souvent, restent dans l’ombre, alors que d’autres, avides d’argent, sont prêtes, sans scrupule aucun, à mettre en péril jusqu’à la santé et la vie de nos concitoyens pour quelques euros. Il est de notre devoir de protéger et de reconnaître les unes tout en combattant et en condamnant les autres. (Applaudissements sur les travées du groupe écologiste, du groupe socialiste et républicain, du groupe CRC et du RDSE.)
intermittents du spectacle
M. le président. La parole est à Mme Maryvonne Blondin, pour le groupe socialiste et républicain.
Mme Maryvonne Blondin. Ma question s'adresse à Mme la ministre de la culture et de la communication.
Madame la ministre, la nuit dernière, les partenaires sociaux du secteur du spectacle vivant sont parvenus à un accord sur le régime d’assurance chômage spécifique aux intermittents. (Exclamations sur plusieurs travées du groupe Les Républicains.)
M. Philippe Dallier. Aux frais de l’État !
Mme Maryvonne Blondin. Je me félicite de cet accord historique, le premier accord positif depuis trente ans qui prouve que la méthode voulue par le Président de la République, à savoir donner la primeur au dialogue social partout où cela est possible, fonctionne et porte ses fruits !
M. Jean Bizet. Mais qui va payer ?
M. Philippe Dallier. C’est nous !
Mme Maryvonne Blondin. Et je salue le travail constructif des parties prenantes qui ont su, chacune, faire un pas pour finalement aboutir à un accord satisfaisant pour tous.
Rappelons que le Gouvernement avait décidé en 2014 que, pour la première fois, les acteurs du secteur culturel seraient invités à définir, entre eux, leurs règles en matière d’assurance chômage et d’indemnisation. Ils en étaient exclus jusqu’alors.
Au-delà de la méthode, le contenu de cet accord nous réjouit tout autant : ouverture des droits à indemnisation à partir de 507 heures travaillées sur douze mois, retour à la « date anniversaire » pour le calcul des droits, mesure que j’avais fortement défendue dans mon rapport sur l’intermittence en 2013 (Exclamations sur plusieurs travées du groupe Les Républicains.), en remplacement de la date « glissante », qui est moins satisfaisante et qui avait été instaurée en 2003, année qui est encore dans nos mémoires !
Je me félicite également de la neutralisation des baisses d’indemnisation après un congé de maternité, étant depuis longtemps sensibilisée à cette question des femmes intermittentes du spectacle qui font face à de très nombreuses difficultés.
M. le président. Veuillez poser votre question !
Mme Maryvonne Blondin. Madame la ministre, pourriez-vous nous indiquer comment le Gouvernement compte soutenir cet accord essentiel pour la vitalité et la richesse culturelle de notre pays ? (Bravo ! et applaudissements sur les travées du groupe socialiste et républicain.)
M. Philippe Dallier. Avec notre argent !
M. le président. La parole est à Mme la ministre de la culture.
Mme Audrey Azoulay, ministre de la culture et de la communication. Madame la sénatrice, vous l’avez dit, c’est un accord historique qui a été trouvé. (Exclamations ironiques sur plusieurs travées du groupe Les Républicains.)
Il n’y a pas de création sans créateurs, il n’y a pas de création sans artistes ni techniciens du spectacle. Le modèle d’assurance chômage de ces artistes et techniciens repose, vous le savez, sur la solidarité interprofessionnelle. Il était donc normal que ce régime contribue à la réforme générale du système de solidarité chômage.
L’accord qui a été trouvé, vous l’avez dit, est le fruit aussi d’une méthode. Nous avons fait confiance, pour la première fois, aux partenaires sociaux du spectacle en leur réservant, dans la loi du 17 août 2015, la conduite des négociations. Ils ont su être à la hauteur de cette confiance. Ils ont trouvé un accord qui prouve la capacité et la détermination de la profession à faire des propositions responsables, dans le sens de l’intérêt général.
Cet accord devrait permettre de consolider le régime spécifique de l’assurance chômage sur le plan financier. Il représente un effort, qui reste à quantifier précisément, de l’ordre de 80 millions à 110 millions d'euros d’économies qu’il faut saluer.
C’est aussi une réponse claire aux inquiétudes exprimées par les professionnels du spectacle et que vous aviez soulignées et analysées dans votre rapport de 2013.
Les revendications ont été entendues, vous l’avez dit, qu’il s’agisse du retour à la date anniversaire, de la neutralisation des baisses d’indemnisation pour les retours de congés de maternité, et aussi d’une meilleure prise en compte des heures relevant d’un enseignement artistique ou technique, en cohérence avec nos politiques d’éducation artistique et culturelle.
M. Philippe Dallier. Mais qui va payer ?
Mme Audrey Azoulay, ministre. Cet accord prévoit également une majoration de la contribution des employeurs du secteur, ce qui est un signe de responsabilité de leur part.
Par ailleurs, dans le cadre d’une politique plus globale de soutien à l’emploi, une dotation de l’État de 90 millions d'euros…
M. Philippe Dallier. Et voilà !
Mme Audrey Azoulay, ministre. … permettra de consolider l’emploi permanent dans le secteur. En outre, un plan d’action, que Myriam El Khomri et moi-même allons signer, va être organisé.
M. le président. Il faut conclure !
Mme Audrey Azoulay, ministre. En conclusion, il faut le dire clairement aussi, maintenant que cet accord est trouvé, les théâtres doivent être rendus à leur public. Ce n’est plus l’heure ni le lieu de cette mobilisation. D’ailleurs, les occupants de la Comédie française ont quitté la place, et je souhaite que les spectacles puissent reprendre partout ailleurs. (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste et républicain.)
techniques référendaires : notre-dame-des-landes
M. le président. La parole est à M. Joël Guerriau, pour le groupe UDI-UC.
M. Joël Guerriau. « Êtes-vous favorable au projet de transfert de l’aéroport de Nantes-Atlantique sur la commune de Notre-Dame-des Landes ? » : c’est la question qui sera posée le 26 juin aux électeurs de Loire-Atlantique.
Pour la première fois dans l’histoire de notre République, l’État impose à des élus locaux d’organiser une consultation relative à un équipement à vocation régionale à propos duquel toutes les procédures et les recours sont purgés.
C’est un précédent qui nous amène à nous interroger. Désormais, quelle que soit son avancée, tout projet peut être remis en cause par une simple question, posée au mauvais moment, sur un périmètre contestable.
Cette décision est d’autant plus invraisemblable que quatre arrêtés préfectoraux d’autorisation de démarrage des travaux ont été signés. Cela conduit à s’interroger sur la valeur de la signature de l’État. (Applaudissements sur plusieurs travées du groupe Les Républicains.)
Le Gouvernement remet en question les conclusions favorables de l’enquête publique de 2006 et de la commission du dialogue créée en 2012 par Jean-Marc Ayrault.
Il désavoue le travail considérable de la justice qui s’est prononcée 154 fois favorablement.
Enfin, cette consultation nie l’engagement des élus de terrain qui s’évertuent depuis des années à mener des procédures de concertation, de plus en plus lourdes et chronophages.
En bref, le Gouvernement piétine cinquante années de décisions prises par tous les gouvernements et l’ensemble des collectivités territoriales, les villes, les départements et les régions.
Monsieur le secrétaire d'État, quels seront les documents accessibles aux électeurs ?
Dans le cas d’un vote négatif, comptez-vous abroger la déclaration d’utilité publique de 2008 ?
Si le oui l’emporte, prenez-vous une nouvelle fois l’engagement de faire évacuer la zone, afin que les travaux puissent démarrer ? (Applaudissements sur les travées de l'UDI-UC et du groupe Les Républicains.)
M. le président. La parole est à M. le secrétaire d'État chargé des relations avec le Parlement.
M. Jean-Marie Le Guen, secrétaire d'État auprès du Premier ministre, chargé des relations avec le Parlement. Monsieur Guerriau, comme vous le savez, le processus que vous avez décrit est issu d’une ordonnance qui a été publiée vendredi dernier, conformément à la loi pour la croissance, l’activité et l’égalité des chances économiques. C’est en effet dans le cadre de cette loi qu’a été instauré ce type de consultation qui a été validé par l’important travail réalisé par la commission spécialisée du Conseil national de la transition écologique, que préside le sénateur Alain Richard.
Telle est la base juridique de ce travail, qui est une innovation démocratique, qui crée un nouveau dispositif de consultation locale des électeurs pour des projets que l’État peut décider ou non d’autoriser.
Cette ordonnance trouvera une première application à travers la consultation organisée sur le projet de transfert de l’aéroport dit « de Notre-Dame-des-Landes ». Cela a été annoncé par le Président de la République le 11 février dernier.
Le décret de convocation des électeurs qui a été publié précise d'ailleurs que cette consultation aura lieu le 26 juin, qu’elle concernera les électeurs du département de Loire-Atlantique qui correspond aux territoires couverts par l’enquête publique dont le projet a fait l’objet. Les électeurs seront appelés à se prononcer, ce qui ne remet aucunement en question les enquêtes publiques qui ont eu lieu précédemment. (Exclamations ironiques sur les travées du groupe Les Républicains.)
Comme le prévoit l’ordonnance, un dossier d’information sur le projet sera établi par la Commission nationale du débat public. Il s’agit là d’un gage important d’impartialité de la qualité de l’information qui sera mise à la disposition des électeurs.
Ce dossier présentera de façon claire et objective le projet, ses motifs, ses caractéristiques, l’état d’avancement des procédures, ses incidences sur l’environnement et les autres effets qui sont attendus.
Le Gouvernement invite l’ensemble des forces démocratiques du pays à se mobiliser pour que la consultation du 26 juin soit un succès.
M. le président. Veuillez conclure !
M. Jean-Marie Le Guen, secrétaire d'État. À chaque fois que nous avons avancé dans les procédures démocratiques de construction de ces grandes infrastructures, il y a toujours eu des gens pour protester contre l’élargissement de la consultation démocratique.
Nous sommes donc tristes de constater…
M. le président. Il faut conclure !
M. Jean-Marie Le Guen, secrétaire d'État. … que, en dépit du fait que cette procédure est parfaitement conforme au droit, à la loi et à la vie démocratique, vous y trouviez à redire. (Protestations sur les travées de l'UDI-UC et du groupe Les Républicains.)
M. le président. La parole est à M. Joël Guerriau, pour la réplique.
M. Joël Guerriau. Monsieur le secrétaire d'État, la loi Macron du 6 août 2015 autorise l’État à organiser une procédure de consultation locale seulement pour les projets à venir et non pour des projets autorisés.
Vous êtes en train de créer une situation absolument infernale, puisque plus aucun projet d’infrastructures ou d’équipement qui serait conforme aux règles en vigueur ne peut être sécurisé par le droit. À chaque fois, on se retrouvera dans une situation compliquée.
Vous organisez le désordre, voilà ce que vous faites ! (Bravo ! et applaudissements sur les travées de l'UDI-UC et du groupe Les Républicains.)
Je rappellerai la position du Premier ministre, qui a dit, dans cet hémicycle,…
M. le président. Il faut conclure !
M. Joël Guerriau. … que l’aéroport de Notre-Dame-des-Landes se ferait. Que vaut la parole du Premier ministre ? (Vifs applaudissements sur les mêmes travées. – Exclamations sur les travées du groupe socialiste et républicain.)
enseignements de langues et de cultures d'origine
M. le président. La parole est à M. Alain Dufaut, pour le groupe Les Républicains.
M. Alain Dufaut. Ma question s'adresse à Mme la ministre de l'éducation nationale, de l'enseignement supérieur et de la recherche.
Madame la ministre, très récemment, un magazine national très connu a mis en ligne sur internet une vidéo intitulée Les enfants à l’école de l’Islam, tournée dans une salle municipale d’Avignon. Apparemment, cette salle municipale a été mise à disposition par la mairie d’Avignon dans le cadre du dispositif des enseignements de langues et cultures d’origine, dit « ELCO ».
Ce dispositif prend appui sur une directive européenne du Conseil du 25 juillet 1977 visant à la scolarisation des enfants des travailleurs migrants. Il a été mis en œuvre sur la base d’accords bilatéraux conclus entre la France et plusieurs États de l’Union européenne, du Maghreb et du Moyen-Orient.
Dispensés à partir du cours élémentaire par des enseignants recrutés, formés et rémunérés par leur gouvernement respectif, les enseignements en cause viennent en complément de l’enseignement normal, notamment sur un créneau dévolu théoriquement aux temps d’activités périscolaires.
Au départ, la finalité de ce dispositif était de favoriser le retour au pays des enfants d’immigrés.
Cependant, cet enseignement tel qu’il est pratiqué aujourd'hui détourne l’esprit de la loi, dès lors qu’il s’adresse à des enfants de deuxième ou de troisième génération qui n’ont pas pour objectif de retourner dans leur pays d’origine.
Force est de le constater, avec l’appui de cette vidéo qui a été largement diffusée, aujourd'hui, ce dispositif n’offre pas les garanties suffisantes pour ce qui concerne ses contenus pédagogiques et favorise le communautarisme.
Dès lors, dans la période que nous traversons actuellement, il conviendrait plus que jamais de promouvoir et de garantir l’intégration de ces enfants.
Madame la ministre, à l’heure où nous devons en effet être vigilants et affirmer notre attachement au principe de laïcité afin de préserver l’ordre républicain, quelles mesures comptez-vous prendre pour réviser ou supprimer au plus tôt ce dispositif, qui, de toute évidence, se détourne de sa fonction initiale ? (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains.)
Mme Catherine Troendlé. Très bien !
M. le président. La parole est à Mme la ministre de l’éducation nationale.
Mme Najat Vallaud-Belkacem, ministre de l'éducation nationale, de l'enseignement supérieur et de la recherche. Monsieur le sénateur Dufaut, je vous remercie de votre question, qui complète bien celle qu’a posée Mme Morin-Desailly et qui me permet de préciser la réponse que je lui ai apportée tout à l’heure.
Notre politique en matière de langues vivantes est de favoriser leur apprentissage précoce, de manière que les élèves les assimilent mieux.
Nous voulons également assurer une plus grande diversité des langues vivantes apprises à l’école, notamment à l’école primaire. J’ai annoncé, voilà quelques mois, que, à la rentrée prochaine, 1 200 écoles primaires supplémentaires dans notre pays offriraient une autre langue que l’anglais au titre de l’apprentissage de la LV1, la première langue vivante apprise à l’école. C’est un beau progrès qui est engagé et que nous allons poursuivre.
J’en viens aux ELCO, qui, bien sûr, ont partie liée avec ce qui précède.
Vous l’avez rappelé, des conventions bilatérales ont été passées dans les années soixante-dix entre la France et un certain nombre de pays étrangers, afin de permettre à des professeurs originaires de ces pays d’enseigner leur langue d’origine à des élèves venus s’installer en France.
Ces conventions, c’est vrai, ont fait long feu et elles méritent d’être transformées. C’est ce sur quoi je travaille depuis plus d’un an maintenant, car cela nécessite une négociation bilatérale pays par pays que j’ai commencé à mener avec plusieurs pays. Il s’agit de revoir ces conventions de manière que, désormais, l’apprentissage de langues, telles que l’arabe, le portugais, l’italien, le turc, se fasse dans un cadre plus banal, comme on apprend l’anglais, l’allemand, ou l’espagnol, et que ce soit, dans les prochaines années, une réalité dans notre pays.
À cette fin, il faut donc réviser les conventions une à une. J’arriverai, pour la rentrée 2016, à revoir celles qui ont été conclues avec le Maroc et le Portugal, ce qui permettra déjà une belle expérimentation. Il s’agit de faire en sorte que les professeurs qui enseigneront les langues en question fassent partie intégrante de l’équipe pédagogique des établissements scolaires, que le programme de leurs cours soit contrôlé, qu’ils fassent même l’objet d’inspections, et que les élèves obtiennent une évaluation, une certification de leurs compétences dans ces langues qui leur permette de les approfondir au collège.
M. le président. Il faut conclure !
Mme Najat Vallaud-Belkacem, ministre. Voilà ce que nous commencerons à réaliser à la rentrée prochaine avec ces deux pays qui ont accepté de faire le premier pas. Nous nous donnons jusqu’à 2018 pour faire de même avec tous les pays concernés par les ELCO, de manière à changer enfin de système. (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste et républicain. – Mme Françoise Laborde applaudit également.)
fonds de soutien à l'investissement local
M. le président. La parole est à M. Jacques-Bernard Magner, pour le groupe socialiste et républicain.
M. Jacques-Bernard Magner. Ma question s'adresse à M. le ministre de l'aménagement du territoire, de la ruralité et des collectivités territoriales.
Monsieur le ministre, le Gouvernement a lancé un nouveau dispositif, inscrit dans la loi de finances pour 2016, qui est destiné à soutenir l’investissement public local. Cette enveloppe supplémentaire, d’un montant de 1 milliard d’euros, est constituée de 200 millions d’euros d’abondement de la dotation d’équipement des territoires ruraux, la DETR, de 300 millions d’euros de dotation aux centres-bourgs et de 500 millions d’euros pour un fonds de soutien à l’investissement local.
Le 15 janvier 2016, le Premier ministre a adressé un courrier aux préfets pour les informer de la création de ce nouveau dispositif. Cette circulaire était accompagnée d’une annexe présentant les modalités d’instruction et d’attribution de la dotation de soutien à l’investissement des communes et de leurs groupements.
La circulaire concernant l’instruction des demandes précise que « la loi n’interdit pas le cumul d’une subvention au titre de l’une des enveloppes de la dotation de soutien à l’investissement avec toute autre subvention, qu’il s’agisse d’une subvention au titre de la DETR ou de l’autre enveloppe du fonds ».
Monsieur le ministre, ma question consiste à savoir si les préfets ont le pouvoir d’interpréter le texte de cette circulaire pour interdire le cumul du fonds de soutien à l’investissement local avec la DETR, comme c’est actuellement le cas, par exemple, en région Auvergne-Rhône-Alpes. En effet, le préfet de notre région a décidé de réserver ce fonds aux communes qui ne bénéficient pas de la DETR. Cette position me semble contraire au texte, qui traduit la volonté d’accompagner toutes les collectivités du bloc communal.
De nombreux maires m’ont d'ailleurs fait part de leur incompréhension et certains d’entre eux envisagent même de renoncer, ce qui est grave, à réaliser l’investissement qu’ils ont prévu, faute d’obtenir ce fonds de soutien.
Aussi, je vous demande, monsieur le ministre, de nous confirmer la possibilité de cumuler ce fonds de soutien à l’investissement local avec la dotation d’équipement des territoires ruraux, comme le prévoit le courrier de M. le Premier ministre adressé aux préfets. (Très bien ! et applaudissements sur les travées du groupe socialiste et républicain.)
M. le président. La parole est à M. le ministre de l’aménagement du territoire.
M. Jean-Michel Baylet, ministre de l'aménagement du territoire, de la ruralité et des collectivités territoriales. Monsieur Magner, tout d’abord, permettez-moi de vous dire qu’il est réconfortant pour un ministre et pour un gouvernement de constater qu’une politique nouvelle mise en place est appréciée et rencontre le succès.
C’est le cas, mesdames, messieurs les sénateurs, du fonds de soutien à l’investissement local, le FSIL, qui est destiné en priorité aux zones rurales, et qui, effectivement, déconcentré auprès des préfets pour être plus efficace, plus réactif et plus rapide, rencontre un véritable succès.
Ce fonds, tout de même doté de 1 milliard d’euros, vous l’avez rappelé, monsieur le sénateur, est constitué de 500 millions d'euros pour l’investissement en direction de grandes priorités – investissement déterminé entre les communes et l’État –, de 300 millions d'euros pour la revitalisation des centres-bourgs et de 200 millions d'euros de DETR supplémentaire qui s’ajoutent à la DETR ordinaire.
Il est vrai que la réussite est au rendez-vous et nous ne pouvons, les uns et les autres, quelle que soit notre sensibilité politique, que nous en féliciter.
Je le disais à l’instant, pour être un outil pertinent et efficace, ce fonds a été déconcentré, et il appartient donc aux préfets de le répartir.
Monsieur le sénateur, pour répondre clairement à votre question sur le cumul entre le FSIL et la DETR, je vous indique qu’il n’y a aucune interdiction à cumuler ce fonds avec cette dotation. J’ai d'ailleurs récemment rappelé cette orientation aux préfets. Je sais qu’il y a eu dans votre région quelques difficultés.
M. le président. Il faut conclure !
M. Jean-Michel Baylet, ministre. Elles sont désormais aplanies.
Encore bravo, et merci de votre implication personnelle pour la réussite de la France ! (Très bien ! et applaudissements sur les travées du groupe socialiste et républicain et du RDSE.)
prisons
M. le président. La parole est à M. Michel Raison, pour le groupe Les Républicains. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains.)
M. Michel Raison. Monsieur le garde des sceaux, plus de 68 000 : c’est le nombre de personnes détenues actuellement dans les prisons françaises ; 58 500 : c’est le nombre de places. La surpopulation carcérale est évaluée à près de 10 000 détenus. La densité peut atteindre 120 % dans quatre-vingt-treize établissements. Le nombre de matelas au sol a augmenté de 50 % en un an.
Vétustes et surpeuplées, nos prisons sont régulièrement dénoncées par les instances européennes parmi les pires d’Europe.
Les violences augmentent en leur sein. Le taux de suicide est deux fois plus élevé que celui de la moyenne européenne.
Tout cela ne fait que contribuer à l’aggravation du mal-être bien connu des personnels pénitentiaires.
Sitôt entré en fonction, le Gouvernement auquel vous appartenez a pourtant annulé la programmation, adoptée en mars 2012, de 24 000 places de prison à l’horizon 2017, le financement étant voté année après année en crédits de paiement. J’apporte cette précision, parce que vous allez me rétorquer que cette mesure n’était pas financée.
M. Jean-Louis Carrère. Eh oui !
M. Yannick Vaugrenard. C’est vrai !
M. Michel Raison. Trop ambitieux ? Peut-être… Mais à examiner les chiffres du ministère de la justice, on constate que le nombre de places est passé de quelque 57 200 en janvier 2012 à 58 500 aujourd’hui. En réalité, vous n’avez créé que 1 325 places supplémentaires.
Et pendant ce temps, les conditions de vie, déjà indignes, se sont aggravées tant pour le personnel pénitentiaire, qui est à bout de force, que pour les détenus.
Je rappelle aussi que votre prédécesseur a fermé des maisons d’arrêt, comme celle de Lure, en Haute-Saône, parfaitement aux normes, pour un motif fallacieux et contestable.
Monsieur le garde des sceaux, allez-vous enfin relancer un plan de construction plus ambitieux de places de prison, non pas nouvelles, mais bien supplémentaires ? (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains.)
M. le président. La parole est à M. le garde des sceaux.
M. Jean-Jacques Urvoas, garde des sceaux, ministre de la justice. Ma réponse tient en trois lettres, monsieur le sénateur : oui. Oui, il faut construire des prisons. (Bravo ! sur plusieurs travées du groupe Les Républicains.)
M. Bruno Retailleau. C’est un changement positif !
M. Jean-Jacques Urvoas, garde des sceaux. Combien faut-il en construire ? Je propose que nous en reparlions au mois de septembre. Je pourrais bien sûr annoncer n’importe quels chiffres. Beaucoup, comme je l’ai lu, avancent les nombres de 10 000, 20 000, 30 000… Depuis que je suis garde des sceaux, j’ai reçu vingt-cinq courriers de parlementaires me demandant de créer des établissements pénitentiaires.
Le président Retailleau m’a parlé de la situation des maisons d’arrêt de La Roche-sur-Yon et de Fontenay-le-Comte, dans son département de Vendée. M. Béchu a évoqué la future prison de Trélazé, dont la construction est aussi urgente qu’indispensable, tout comme celle de Lamentin en Guadeloupe. J’ai discuté avec François Baroin cette semaine du projet de prison à Lavau, la fermeture de la centrale de Clairvaux ayant été décidée. Partout, on me demande des prisons.
Vous voulez la réponse : oui, nous en construirons en solde. Nous en fermerons aussi, car la vétusté de certains établissements le justifie.
J’étais hier à Agen, à l’École nationale de l’administration pénitentiaire, pour saluer la plus grande promotion de personnels pénitentiaires depuis 1958. Ils étaient 788. L’année prochaine, monsieur le sénateur, nous recruterons 2 500 personnels de surveillance.
Donc, nous supprimons des établissements quand ils sont vétustes, c’est le cas de Clairvaux. Nous traiterons avec toute l’attention qu’ils méritent les personnels qui servent dans cette prison. Nous ouvrirons à Lavau 520 places. Nous ouvrirons une prison dans votre département. Je ne peux d'ailleurs pas vous indiquer quelle sera la capacité de cet établissement, puisqu’il ne faut pas toucher aux prisons existantes, telle celle de Vesoul, à laquelle je sais que vous êtes attaché. Mais, je le répète : oui, nous construirons des prisons. (Bravo ! et applaudissements sur les travées du groupe socialiste et républicain.)
M. le président. La parole est à M. Michel Raison, pour la réplique.
M. Michel Raison. Vous nous avez donné, monsieur le garde des sceaux, un certain nombre de chiffres concernant ce qu’il fallait faire, mais cela n’excuse pas ce que vous n’avez pas fait ! (Exclamations sur les mêmes travées.)
comptes publics
M. le président. La parole est à M. Éric Doligé, pour le groupe Les Républicains.
M. Éric Doligé. Ma question s'adresse à M. le secrétaire d’État chargé du budget.
La France va mieux ! Et pourtant, 85 % des Français ne sont pas satisfaits de la politique proposée par le Président de la République. À titre d’exemple, sur 100 spectateurs qui vous regardent en cet instant, monsieur le secrétaire d'État, 85 ne vont pas se satisfaire d’une réponse sur le thème du « tout va mieux ». Ils sont dans la vraie vie, faite de difficultés, et attendent des résultats accessibles.
Oui, nous nous réjouissons de la baisse de 60 000 chômeurs de catégorie A. Mais ces 60 000 chômeurs en moins sont venus nourrir les rangs des emplois précaires et des entrées en stage ou ont fait l’objet de radiations massives. Où est le cynisme ?
Que disons-nous aux 3 531 000 chômeurs de catégorie A qui sont sans emploi ? On en relève 645 000 de plus depuis votre arrivée ! Est-ce que cela va mieux pour eux ?
Puis-je ajouter que la situation économique s’est fortement dégradée, que la dette continue à s’envoler et représente un risque majeur, que les économies annoncées ne sont pas au rendez-vous et que nous nous faisons distancer par les grandes nations européennes ?
Dans cette période où il faut faire des économies, le Président de la République annonce, à chacune de ses interventions, des dépenses nouvelles. À titre d’exemple, le point d’indice de la fonction publique, le plan de formation, la généralisation du service civique, la prime à l’embauche, le RSA, etc.
En quelques mois, ce sont près de 11 milliards d’euros de dépenses nouvelles, qui ne sont pas financées et dont une partie significative sera reportée après 2017.
Monsieur le secrétaire d’État, n’est-il pas temps de rompre avec cette politique de promesses intenables, reportées et qui s’apparentent, en cette dernière année de quinquennat, à des promesses électorales ? (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains.)
M. le président. La parole est à M. le secrétaire d'État chargé du budget.
M. Christian Eckert, secrétaire d'État auprès du ministre des finances et des comptes publics, chargé du budget. Monsieur le sénateur, votre question appelle deux angles de vue.
Tout d’abord, vous avez cité une liste de ce que vous appelez les dépenses nouvelles. Je vous invite à nous dire lesquelles sont superfétatoires, inutiles…
Fallait-il renoncer à un plan de formation pour les chômeurs, dont vous soulignez le nombre trop important ?
Fallait-il renoncer à 900 millions d’euros d’allégement de cotisations pour les professions agricoles, qui en ont tellement besoin ?
Fallait-il renoncer à ce que les bas salaires dans la fonction publique soient dignement reconnus par une augmentation – trop légère, diront certains – du point d’indice ?
Pourquoi stigmatiser et additionner – vous excuserez ma franchise habituelle – des dépenses de 2016, 2017 et 2018 pour arriver à une somme – 11 milliards d’euros – qui représente une addition de carottes et de navets, pour utiliser une expression populaire ?
À la suite des annonces du Président de la République, 4 milliards d’euros supplémentaires seront nécessaires pour le budget 2016. Je les ai passés en revue hier, dans cet hémicycle, à l’occasion du débat sur le projet de programme de stabilité.
Second angle de vue de votre question : comment seront financées ces dépenses ? Comme l’année dernière ! Il y a un an, à la même époque, vous aviez les mêmes discours… Vous disiez que nous ne saurions pas financer ce que nous avions décidé de consacrer à la sécurité des Français, à la défense, notamment extérieure, de notre pays. Or, à la fin de l’année dernière, le déficit s’est élevé à 3,5 %, au lieu de 3,8 %, soit 6 milliards d’euros de moins que prévu.
M. François Baroin. Grâce aux collectivités locales !
M. Christian Eckert, secrétaire d'État. Ayez confiance ! Travaillons ensemble pour que des économies supplémentaires puissent financer des dépenses nouvelles, dont vous devez reconnaître, avec nous, qu’elles sont nécessaires ! (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste et républicain.)
M. le président. La parole est à M. Éric Doligé, pour la réplique.
M. Éric Doligé. Je m’attendais, monsieur le secrétaire d’État, à la qualité de votre réponse. Je sais que je parle à un poids lourd du Gouvernement.
Très sincèrement, vous savez que vous reportez la plupart des dépenses au-delà de 2017. Vous savez aussi que les économies ne sont pas faites. Vous avez beau me montrer les papiers que vous avez à la main, mais nous vous disons que ce n’est pas possible.
M. le président. Veuillez conclure, mon cher collègue !
M. Éric Doligé. Pour terminer et à titre amical, vous pourrez dire au Président de la République qu’il ne cherche pas M. Macron le 8 mai. Il sera à Orléans, pour les fêtes de Jeanne d’Arc !
partenariat transatlantique de commerce et d'investissement (ttip)
M. le président. La parole est à M. David Rachline, pour la réunion administrative des sénateurs ne figurant sur la liste d’aucun groupe.
M. David Rachline. Ma question s’adressait à M. le Premier ministre.
Lundi dernier, le Président des États-Unis venait rencontrer les dirigeants européens et leur a, une nouvelle fois, fait la leçon. Sans grande surprise, il a trouvé, en Mme Merkel, une alliée de poids pour défendre les négociations du fameux traité transatlantique, dit « TAFTA ».
À la suite de celles du Front national, des voix commencent à se faire entendre – j’ai notamment noté celle de M. Cambadélis – pour dénoncer ce traité tant sur le fond, traité imprégné d’idéologie mondialiste déracinée, que sur la forme, opacité totale des négociations.
À l’heure où la notion de transparence est sur toutes les lèvres des responsables publics, il est pour le moins étonnant d’avoir accepté les conditions dictées par les États-Unis. On est bien loin de la démocratie participative si chère à l’une de vos collègues…
Je me réjouis que le Front national ait été un des lanceurs d’alerte sur les risques majeurs associés à ce traité (Protestations sur les travées du groupe CRC.), tant sur le plan commercial que – c’est plus grave – sur le plan sanitaire, ou encore judiciaire.
Même si, d’une part, le Gouvernement français n’est pas partie prenante dans cette négociation, mais est malheureusement un simple observateur des agissements de la Commission européenne, et que, d’autre part, ce traité est le fruit de la déconstruction idéologique des nations prônée par les instances européennes et soutenue, depuis toujours, aussi bien par la gauche que par la droite, ma question est finalement assez simple et intéresse au plus haut point tous les Français.
Quand le Gouvernement va-t-il annoncer que la France demande à l’Union européenne de mettre fin à cette négociation ? À défaut, quelles sont les lignes rouges que le gouvernement de la France s’est fixées dans ces négociations, lignes qui, si elles étaient franchies, entraîneraient un rejet par la France de ce traité, avant même toute forme de ratification ?
M. le président. La parole est à M. le ministre des affaires étrangères.
M. Jean-Marc Ayrault, ministre des affaires étrangères et du développement international. Monsieur le sénateur, la France n’est pas l’ennemie du libre-échange. Nos entreprises en ont besoin. Vous êtes d’ailleurs bien content, lorsqu’elles enregistrent des succès en termes d’investissements extérieurs, car ceux-ci sont créateurs d’emplois dans les pays concernés, mais aussi dans le nôtre. Donc, ne soyez pas dogmatique !
En revanche, il faut être exigeant, et c’est le rôle de la France de mettre cela en avant, en particulier dans les instances communautaires, car c’est l’Union européenne qui négocie, en relation étroite – bien évidemment – avec les États membres.
Je voudrais citer un bon accord, celui que l’Union européenne a paraphé avec le Canada. On y retrouve l’accès aux marchés publics, y compris à l’échelon des provinces, le respect des indications géographiques, si importantes pour nos terroirs, un règlement des différends respectueux du rôle des États, ou encore un équilibre dans l’ouverture des marchés au bénéfice, notamment, de nos agriculteurs.
Mais avec les États-Unis et à ce stade – disons-le clairement –, le compte n’y est pas ! Le bénéfice mutuel n’est pas assuré. Les garanties indispensables à la défense de nos intérêts et de nos choix collectifs, qu’il s’agisse de la qualité des produits comme des normes sociales ou environnementales, ne sont pas réunies. Les objectifs offensifs de l’Europe, notamment en matière d’accès aux marchés publics, ne sont pas atteints.
La France ne veut pas d’un accord au rabais. Elle ne l’acceptera pas et veut une négociation en toute transparence qui permette de satisfaire nos véritables ambitions pour le développement de nos échanges avec les États-Unis, dans le respect de nos intérêts, de nos traditions et de nos valeurs.
Tel est l’objectif du Gouvernement. Vous dites que nous ne pesons pas et que nous ne décidons pas. Vous avez tort ! Sachez que, au final et quoi qu’il arrive – il est vrai que nous en sommes encore très loin –, c’est le Parlement qui se prononcera ! (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste et républicain.)
M. le président. La parole est à M. David Rachline, pour la réplique.
M. David Rachline. Je me réjouis de ces paroles, monsieur le ministre, mais j’ose espérer qu’elles ne sont pas seulement destinées à gagner du temps face à la fronde qui se propage devant ce TAFTA.
Je crois qu’il serait temps que le Gouvernement et le Président de la République posent un acte fort de souveraineté et que, comme en 1998 lors des négociations de l’accord multilatéral sur l’investissement, la France dise haut et fort son opposition à la poursuite des négociations.
L’histoire nous a appris qu’on ne pouvait pas faire confiance à la Commission européenne. C’est pourquoi, dans le cas où les négociations déboucheraient sur un traité, je demande que la ratification soit soumise à la seule souveraineté absolue, c’est-à-dire à l’expression de la volonté du peuple français, et fasse donc l’objet d’un référendum et que, contrairement à celui de 2005, le Gouvernement ne bafoue pas l’expression démocratique.
M. le président. Nous en avons terminé avec les questions d’actualité au Gouvernement.
Je rappelle que les prochaines questions d’actualité au Gouvernement auront lieu mardi 3 mai et seront retransmises sur Public Sénat et sur le site internet du Sénat.
Mes chers collègues, avant d’aborder le point suivant de l’ordre du jour, nous allons interrompre nos travaux quelques instants.
La séance est suspendue.
(La séance, suspendue à seize heures cinq, est reprise à seize heures vingt, sous la présidence de Mme Isabelle Debré.)
PRÉSIDENCE DE Mme Isabelle Debré
vice-présidente
Mme la présidente. La séance est reprise.
5
République numérique
Suite de la discussion en procédure accélérée d’un projet de loi dans le texte de la commission
Mme la présidente. Nous reprenons la discussion du projet de loi, adopté par l’Assemblée nationale après engagement de la procédure accélérée, pour une République numérique.
TITRE II (SUITE)
LA PROTECTION DES DROITS DANS LA SOCIÉTÉ NUMÉRIQUE
Chapitre Ier (Suite)
Environnement ouvert
Section 3
Loyauté des plateformes et information des consommateurs
Mme la présidente. Dans la discussion du texte de la commission, nous examinons par priorité, au sein de la section 3 du chapitre Ier du titre II, les amendements nos 602 et 603 rectifié tendant à insérer des articles additionnels après l’article 23 ter.
Articles additionnels après l’article 23 ter (priorité)
Mme la présidente. L’amendement n° 602, présenté par le Gouvernement, est ainsi libellé :
Après l’article 23 ter
Insérer un article additionnel ainsi rédigé :
I. – Le code de commerce est ainsi modifié :
1° Après l’article L. 420-2-1, il est inséré un article L. 420-2-2 ainsi rédigé :
« Art. L. 420-2-2. – Sont prohibés les accords, les pratiques concertées et les pratiques unilatérales ayant pour objet ou pour effet d’interdire ou de limiter substantiellement la possibilité pour une entreprise admise à exécuter des prestations de transport public particulier de personnes, ou des services occasionnels de transport collectif de personnes exécutés avec des véhicules légers, de recourir simultanément à plusieurs intermédiaires ou autres acteurs de mise en relation avec des clients pour la réservation du véhicule en vue de la réalisation de ces prestations. » ;
2° À l’article L. 420-3, les références : «, L. 420-2 et L. 420-2-1 » sont remplacées par les références : «, L. 420-2, L. 420-2-1 et L. 420-2-2 » ;
3° Le III de l’article L. 420-4 est ainsi modifié :
a) Les références : « de l’article L. 420-2-1 » sont remplacées par les références : « des articles L. 420-2-1 et L. 420-2-2 » ;
b) Le mot : « concertées » est supprimé ;
c) Il est ajouté un alinéa ainsi rédigé :
« Certaines catégories d’accords ou de pratiques ou certains accords ou pratiques, notamment lorsqu'ils ont pour objet de favoriser l’émergence de nouveaux services, peuvent être reconnus comme satisfaisant à ces conditions par arrêté du ministre chargé de l’économie, pris après avis conforme de l’Autorité de la concurrence. » ;
4° À l’article L. 450-5, à l’article L. 462-3, aux I, II et IV de l’article L. 462-5, à l’article L. 462-6, à la seconde phrase du premier alinéa du I de l’article L. 464-2 et au premier alinéa de l’article L. 464-9, les références : « , L. 420-2, L. 420-2-1 et L. 420-5 » sont remplacées par la référence : « à L. 420-2-2 ».
II. – Le I entre en vigueur le premier jour du troisième mois suivant la promulgation de la présente loi. Il est applicable aux contrats conclus avant cette date.
La parole est à M. le secrétaire d'État.
M. Alain Vidalies, secrétaire d'État auprès de la ministre de l'environnement, de l'énergie et de la mer, chargée des relations internationales sur le climat, chargé des transports, de la mer et de la pêche. Madame la présidente, mesdames, messieurs les sénateurs, cet amendement a pour objet de garantir la possibilité, pour tous les taxis et véhicules de tourisme avec chauffeur – les VTC –, d’adhérer à la plateforme de leur choix.
Vous le savez, et cette expérience est partagée par toutes les majorités, la question des taxis et de l’évolution du marché du transport de personnes est majeure, en particulier du fait de l’arrivée de nouveaux modèles économiques, notamment les VTC.
Chacun a en mémoire les événements récents, à la suite desquels le Premier ministre a nommé un parlementaire en mission. Celui-ci a réalisé un travail de médiation qui a permis d’élaborer une feuille de route autour de quatre objectifs : le contrôle du secteur ; la formation ; le fonds de garantie qui ouvre la possibilité de racheter des licences de taxi ; la régulation et la gouvernance.
L’amendement n° 602 vise à mettre en place l’une des mesures de cette feuille de route en matière de régulation économique : la fin des clauses d’exclusivité imposées par certaines plateformes de mise en relation.
L’enjeu est considérable. En ce qui concerne les taxis, la situation actuelle, qui découle de l’histoire et de la pratique, est celle d’un système de centrales quasi oligopolistique : ainsi, la presque totalité des taxis parisiens est affiliée à seulement deux plateformes.
Cette situation s’explique principalement par le fait que les contrats empêchent ces taxis d’adhérer à une autre plateforme. D’ailleurs, rien ne l’interdit et tout est régulier de ce point de vue.
Cela pose évidemment des difficultés sur le plan pratique. Les VTC et les taxis ont, pour partie, une activité en commun, concurrente : les taxis ont un monopole, celui de la maraude, mais pour le reste, notamment ce qui est lié aux plateformes, ils ont la même activité que les VTC.
Or, aujourd’hui, les plateformes de VTC sont plus réactives, notamment avec le développement d’algorithmes qui permettent de répondre plus rapidement ou avec la possibilité de faire appel à plusieurs d’entre elles pour rentabiliser l’activité. A contrario, les taxis sont, d’un certain point de vue, enfermés dans une relation avec leurs plateformes ; cette relation a sa logique, mais elle obéit aussi aux règles d’un autre âge, celui où il n’y avait pas, dans ce secteur, d’autres acteurs et concurrents.
En tout état de cause, il nous faut apporter des réponses à la crise actuelle des taxis.
J’ai donné un certain nombre de pistes, par exemple l’indemnisation, mais en ce qui concerne l’exclusivité, il est nécessaire d’apporter rapidement une réponse. Cela correspond d’ailleurs aux avis donnés par l’Autorité de la concurrence, le Conseil d’État et le Conseil constitutionnel, pour lesquels il n’existe pas d’obstacle juridique à ce qu’un taxi puisse avoir recours à plusieurs plateformes. Il s’agit non pas de créer une obligation, mais d’ouvrir une possibilité, afin de rétablir une forme d’égalité sur un marché qui obéit, aujourd’hui, à des règles nouvelles.
Au fond, cet amendement tend à prendre acte de la situation actuelle et à rétablir les conditions de la concurrence, sans rien enlever au modèle nouveau que constituent les VTC. Il vise à donner aux taxis une faculté et ne devrait, je pense, heurter personne sur le plan politique.
Il nous faut ensemble – le Gouvernement s’y emploie, dans un contexte, il est vrai, difficile – conjuguer l’ancien et le nouveau modèle, en garantissant les droits de chacun et sans léser personne.
Cette réponse, qui s’inscrit dans un ensemble plus vaste et dans une vision de moyen et long terme, est indispensable pour que les taxis, qui ont, en quelque sorte, subi l’arrivée d’un nouveau modèle, puissent retrouver un équilibre.
Si nous ne permettons pas à tous les acteurs du marché, aussi bien les taxis que les VTC, d’adhérer à la plateforme de leur choix ou d’avoir affaire à plusieurs plateformes, alors toutes les autres réformes n’auront aucun sens. Nous aurions en effet organisé une simple coexistence entre mondes ancien et nouveau, alors que nous voulons, plutôt, les rapprocher et permettre à chacun d’exercer son activité dans des conditions de libre concurrence.
Les événements que j’ai mentionnés sont récents. Il a ensuite fallu élaborer la feuille de route et je sais que, du point de vue des parlementaires, tout cela est un peu tardif.
M. Philippe Dallier. C’est le moins qu’on puisse dire !
M. Alain Vidalies, secrétaire d'État. J’accepte bien volontiers cette critique et je vous prie de nous excuser, mais la situation est telle que vous la connaissez.
Les gens qui protestent ne doivent pas nécessairement imposer le rythme de travail, mais aucun autre texte législatif – or la mesure que je vous propose relève de ce niveau – ne peut être adopté dans le temps espéré par les taxis.
Après les événements, qui datent de quelques semaines seulement, il a fallu recevoir les acteurs concernés, établir la feuille de route, mettre en place de nombreux groupes de travail et faire les vérifications juridiques nécessaires. Dans le même temps, le Gouvernement continue d’avancer sur le plan réglementaire.
Face à la difficulté de la situation, nous devons choisir entre plusieurs inconvénients et je vous renouvelle nos excuses pour cette initiative tardive. Nous devons faire face à nos responsabilités politiques et la mesure d’apaisement que nous vous proposons est absolument indispensable.
Voilà pourquoi nous débattons aujourd’hui, et je ne pense pas qu’il soit possible d’expliquer à ceux qui attendent le résultat de ce débat que nous n’adoptons pas cette réponse. Si tel était le cas, nous pourrions, demain, être de nouveau confrontés à des difficultés, en particulier en termes de sécurité publique.
On peut toujours aller plus vite, mais très honnêtement, ce qui est aujourd’hui indispensable, c’est d’être au rendez-vous de l’avenir du transport de personnes et d’adopter cette mesure d’apaisement, afin de conjuguer l’ancien et le moderne.
Mme la présidente. Quel est l’avis de la commission ?
M. Christophe-André Frassa, rapporteur de la commission des lois constitutionnelles, de législation, du suffrage universel, du règlement et d'administration générale. Les amendements nos 602 et 603 rectifié illustrent la situation délicate dans laquelle le Gouvernement peut parfois nous placer. Nous avons reçu ces amendements lundi. Il m’est par conséquent difficile de donner un avis sur le fond, puisque je n’ai pas pu procéder à l’audition des représentants des fédérations syndicales des chauffeurs de taxi ni de ceux des opérateurs de VTC.
Depuis, si j’en crois ce que j’ai pu lire sur les réseaux sociaux, les sites internet et dans différents médias, il semble que ces dispositions provoquent quelques grincements de dents, pour ne pas dire plus. On entend dire tout et son contraire ; ce texte ne satisfait personne et mécontente tout le monde.
Pour l’ensemble de ces raisons, la commission des lois a émis un avis défavorable, plus sur la forme que sur le fond, puisqu’elle n’a pas pu procéder à des auditions. Par ailleurs, je rappelle qu’elle n’est pas la commission compétente pour traiter de ces questions.
J’ajoute que ces amendements devaient être examinés plus tard et que des membres de la commission idoine avaient prévu d’être présents dans l’hémicycle, mais le Gouvernement a demandé ce matin l’examen de ces amendements en priorité.
Comme je l’ai dit, je me trouve dans une situation délicate – encore que je n’aie jamais trouvé la moindre situation délicate ! –, mais mon devoir de rapporteur est de maintenir cet avis défavorable, parce que je suis dans l’incapacité de trouver des arguments autres que défavorables.
Vous ne m’en voudrez pas, madame la présidente, si j’étends mon propos à l’amendement n° 603 rectifié…
Mme la présidente. Si je comprends bien, monsieur le rapporteur, votre avis vaut également pour l’amendement n° 603 rectifié ?
M. Christophe-André Frassa, rapporteur. Oui, madame la présidente, parce que les deux amendements sont intimement liés, même si M. le secrétaire d’État n’a présenté que l’amendement n° 602.
En présentant votre feuille de route, monsieur le secrétaire d’État, vous avez évoqué quatre groupes de travail, le premier portant sur le contrôle du secteur, le deuxième sur la formation aux métiers du secteur, le troisième sur le fonds de garantie pour les taxis et le quatrième sur la régulation et la gouvernance du secteur. Bien que ne connaissant que peu de choses concernant ce secteur, même si j’ai suivi l’actualité comme chaque citoyen français, il me semblerait judicieux d’attendre les résultats de ces groupes de travail avant de légiférer, bien que je comprenne l’urgence de la situation et la nécessité de trouver une solution.
En tout état de cause, la commission des lois ayant été saisie très tardivement, au point qu’elle n’a pu émettre un avis fondé sur la moindre expertise, je ne peux que donner un avis défavorable sur la forme.
Mme la présidente. La parole est à M. Jacques Gautier, pour explication de vote.
M. Jacques Gautier. Madame la présidente, Alain Fouché avait prévu d’intervenir, mais il a dû repartir dans son département. Toutefois, je reprends volontiers à mon compte ce qu’il avait l’intention de dire.
Comme M. le rapporteur, nous sommes surpris par la méthode employée par le Gouvernement. Ces amendements nous sont parvenus tellement tard que nous n’avons pas pu les étudier en profondeur. Or ces dispositions peuvent avoir des conséquences importantes. Nous avons l’impression qu’il n’y a pas eu de concertation avec les entreprises du secteur ni avec leurs représentants. En tout état de cause, le Gouvernement n’a procédé à aucune étude d’impact.
Monsieur le secrétaire d’État, je comprends et je partage la volonté du Gouvernement de protéger les taxis et d’essayer d’apaiser les débats. Je crains cependant que, en définitive, ces amendements ne satisfassent personne.
D’après la lecture rapide que j’en ai faite, ils semblent transformer en profondeur le régime juridique applicable aux plateformes de mise en relation, aussi bien celles qui mettent les particuliers en contact avec des chauffeurs professionnels que celles qui réalisent du covoiturage, comme BlaBlaCar. On transforme ces plateformes en organisateurs de déplacements et de transport. J’avoue avoir du mal à vous suivre…
Par ailleurs, vous supprimez, si j’ai bien compris, l’article L. 3124-13 du code des transports et vous menacez directement l’activité de dizaines de milliers de transporteurs professionnels qui exercent dans le cadre d’un statut défini par la loi d’orientation des transports intérieurs, la LOTI – rien qu’en Île-de-France, 15 000 chauffeurs sont concernés. Vous l’aurez compris, monsieur le secrétaire d’État, j’ai étendu mon explication de vote à l’amendement n° 603 rectifié, parce qu’il est indissociable de l’amendement n° 602.
De surcroît, permettez-moi de vous dire que nous nous interrogeons sur la validité juridique d’une telle insertion dans la loi. Elle semble en effet porter atteinte au principe d’égalité devant les charges publiques et au principe d’égalité devant la loi, dans la mesure où l’intensité de ses obligations varie en fonction de la taille ou du volume d’activité d’une centrale. Or, de fait, la différence de traitement instituée doit être en rapport direct avec l’objet de la loi qui l’établit.
Nous sommes dans le noir absolu, monsieur le secrétaire d’État, et nous aurions eu besoin de davantage d’éclaircissements. Dans ces conditions, je voterai contre ces amendements.
Mme la présidente. La parole est à Mme Valérie Létard, pour explication de vote.
Mme Valérie Létard. M. le rapporteur et le précédent orateur l’ont rappelé, outre la modification de l’ordre d’examen des amendements en séance, vous comprendrez, monsieur le secrétaire d'État, que nous nous interrogions sur la discussion de dispositions portant sur les transports dans le cadre de l’examen d’un texte relatif au numérique.
La lecture de l’objet de ces amendements révèle qu’ils traitent d’un sujet extrêmement sensible qui nécessite que chacun puisse étudier à fond ces deux amendements, même si vous nous avez présenté le premier d’entre eux de manière argumentée, et vous ne manquerez sans doute pas de faire de même pour le second. Comprenez que, sans avoir eu la possibilité de consulter les représentants des taxis et des VTC, puisque l’objet de ce texte est le numérique et que ces amendements n’étaient pas prévus, nous ne sommes pas en mesure de prendre la décision la plus objective possible, respectueuse des droits des uns et des autres.
Vous avez évoqué un certain nombre d’éléments, mais nous pouvons nous aussi nous interroger, avec la volonté de comprendre les ressorts sous-jacents aux mesures que vous proposez et de vérifier qu’elles protégeront les intérêts de chacun. Nous voulons nous assurer que cette décision soit équilibrée et qu’elle ne risque pas de susciter, par la suite, d’autres interrogations ni de provoquer d’autres levées de boucliers parce qu’elle aura été adoptée dans l’urgence et sans les concertations préalables nécessaires.
Bref, monsieur le secrétaire d’État, plus que sur le fond, notre opposition porte sur la forme, M. le rapporteur l’a dit. Ce sujet, lié aux nouveaux usages et aux évolutions, est beaucoup trop important : il faut que le Parlement puisse prendre sa décision en toute objectivité, éclairé par l’avis de toutes les parties concernées. C’est pourquoi nous vous demandons de retirer ces amendements, sinon nous les rejetterons, non pas parce que nous sommes en désaccord, mais parce que nous n’avons pas eu le loisir de comprendre les conséquences des décisions que vous nous demandez de prendre. (Applaudissements sur les travées de l’UDI-UC et du groupe Les Républicains.)
M. Jean-Louis Carrère. Ça, c’est de l’argumentation !
Mme la présidente. La parole est à M. Jean-Jacques Filleul, pour explication de vote.
M. Jean-Jacques Filleul. Il est vrai que ces amendements nous bousculent un peu, puisque nous les avons reçus tardivement. Pour ma part, j’en ai pris connaissance hier soir.
Pour avoir eu le plaisir d’être rapporteur de la proposition de loi relative aux taxis et aux voitures de transport avec chauffeur en 2014 et pour suivre comme vous tous, mes chers collègues, sur le théâtre parisien, les événements qui ont émaillé les rapports entre taxis et VTC, je considère que ces amendements visent à apporter une réponse convenable dans la situation actuelle, marquée par l’urgence.
Il faut aussi que nous fassions confiance au Gouvernement. Je lui accorde ma confiance, pour ma part, parce que je sais qu’il a fait son travail en présentant ces dispositions pour résoudre une crise profonde. Si ces deux amendements sont adoptés, comme je l’espère, nous ouvrirons aux taxis, grâce à de nouvelles plateformes, des horizons nouveaux pour atteindre de nouvelles clientèles.
Pour cela, il faut prolonger la loi du 1er octobre 2014. À titre personnel, ces amendements me conviennent, car nous en avions besoin dans cette période.
Mme la présidente. La parole est à M. Marc Laménie, pour explication de vote.
M. Marc Laménie. Face à ces deux amendements, on peut effectivement avoir l’impression d’être en plein brouillard. Quand on lit leur objet, on constate que ces amendements portent sur des sujets extrêmement sensibles. Or nous savons que tout texte a toujours des implications et une incidence, quelle qu’elle soit. C’est particulièrement vrai dans le cas présent, car tous les chauffeurs de taxi se plaignent de la concurrence déloyale à laquelle ils sont confrontés : c’est d’ailleurs l’une de leurs réclamations récurrentes. On ne s’improvise pas chauffeur de taxi, même si c’est vrai pour tous les métiers ; il faut assumer des charges et accepter des contraintes, ce qui n’est pas simple !
Ces amendements tendent à insérer des dispositions dans le présent projet de loi pour une République numérique, ce qui peut nous étonner, même si, bien sûr, les plateformes de réservation ont leur place dans ce texte, mais ils ont des implications très complexes.
Sur des sujets aussi sensibles que ceux des VTC ou de la concurrence déloyale – je rappelle que les chauffeurs de taxi doivent acheter des licences qui coûtent largement plus de 200 000 euros –, on ne peut pas faire n’importe quoi. J’approuve donc la position du rapporteur de la commission des lois, d’autant plus que d’autres commissions pourraient intervenir sur ces questions, et je comprends à la fois son étonnement et sa prudence. Je suivrai son avis, car nous devons être particulièrement prudents sur un tel sujet.
Mme la présidente. La parole est à M. Jean-Pierre Bosino, pour explication de vote.
M. Jean-Pierre Bosino. Comme mes collègues, je déplore la méthode suivie : ces deux amendements ont été présentés tardivement et nous n’avons pas eu le temps de travailler très sérieusement. Plus fondamentalement, l’examen de ce projet de loi pour une République numérique a donné lieu à des débats très intéressants et, d’un seul coup, la question des taxis tombe du ciel. On se demande bien pourquoi…
Notre analyse est la suivante : avec la libéralisation des transports telle qu’elle a été organisée par la loi de M. Macron, on a créé un immense bazar, c’est bien le mot. Aujourd’hui, on essaie de régler les problèmes qui en résultent en tentant de faire adopter des amendements lors de la discussion d’un projet de loi qui n’a rien à voir avec ces questions.
Or ces amendements visent tout simplement à organiser la concurrence entre les plateformes. Leur éventuelle adoption ne va donc rien régler sur le fond ; au contraire, elle continuera de mécontenter tout le monde, les chauffeurs de taxi et ceux de VTC. La question de la libéralisation des transports mériterait qu’un projet de loi lui soit consacré pour corriger ce qui a pu être fait avec la loi Macron.
En tout cas, ces dispositions n’ont rien à faire dans ce projet de loi pour une République numérique, dont l’examen a donné lieu à des débats très intéressants jusqu’à maintenant.
Mme la présidente. La parole est à M. Hervé Maurey, pour explication de vote.
Mme Évelyne Didier. C’est sa commission qui est concernée !
M. Hervé Maurey. Effectivement, la commission que j’ai l’honneur de présider est quelque peu concernée par ce sujet dont on n’a pas daigné la saisir.
Monsieur le secrétaire d’État, vous avez une fois de plus essayé d’excuser le dépôt tardif de ces amendements. J’allais dire que vous avez fait pire puisque, la dernière fois que nous nous sommes retrouvés ensemble dans cet hémicycle, à l’occasion de l’examen de la proposition de loi pour l’économie bleue, c’est pendant les débats que nous avons pu prendre connaissance des amendements du Gouvernement concernant les dispositifs les plus importants du texte ! Malheureusement, le Gouvernement a pris l’habitude d’attendre le dernier moment pour soumettre ses amendements aux parlementaires.
Je signale à mes collègues que la question est suffisamment importante pour qu’elle ait été évoquée avant-hier par la conférence des présidents. Lorsque ce projet de loi a été déposé sur le bureau de l’Assemblée nationale, il comportait une quarantaine d’articles ; à l’issue de son examen par les députés, il en comptait près de cent. Devant le Sénat, quelque six cents amendements ont été déposés pour l’examen en séance publique. Je veux bien que le Président de la République trouve le débat parlementaire beaucoup trop long et qu’il réfléchisse à la manière permettant que les textes soient adoptés plus vite par le Parlement, mais ce n’est pas en se comportant ainsi que l’on y parviendra !
S’agissant des présents amendements, ce ne sont malheureusement pas les seuls que le Gouvernement souhaite introduire au dernier moment dans ce texte. En effet, lors de la réunion de la conférence des présidents a été évoqué le fait que le Gouvernement avait l’intention de déposer des amendements sur des sujets très importants touchant à la justice et au droit, afin de profiter de ce véhicule législatif.
Il faut arrêter de travailler ainsi. De manière assez extraordinaire, le secrétaire d’État chargé des relations avec le Parlement, lors de la conférence des présidents, a dit que le Gouvernement n’était pas responsable de cette situation et que c’était la faute de l’administration ! Dans un pays qui fonctionne, il me semble que les ministres sont responsables de leur administration. Si le Gouvernement n’est plus maître de son administration, la situation est encore plus problématique que nous ne pouvions l’imaginer.
Monsieur le secrétaire d’État, je m’en prends à vous, parce que c’est vous qui êtes présent au banc des ministres : cessez de maltraiter ainsi le Parlement, cessez de lui soumettre à la dernière minute des amendements dont personne ne mesure la portée, pas même les ministres présents en séance, et la démocratie parlementaire fonctionnera beaucoup mieux ! (Applaudissements sur les travées de l’UDI-UC et du groupe Les Républicains.)
Mme la présidente. La parole est à M. le secrétaire d’État.
M. Alain Vidalies, secrétaire d’État. Mesdames, messieurs les sénateurs, je vais rappeler quelques principes très simples, afin que les choses soient claires pour tout le monde.
Premièrement, le titre II du présent projet de loi comporte une section consacrée à la régulation des plateformes. Les deux amendements que je vous présente ont trait au fonctionnement des plateformes. Par conséquent, tous les arguments selon lesquels ces amendements seraient étrangers à l’objet de ce texte sont irrecevables. Il s’agit bien d’une problématique numérique, appliquée à un secteur particulier.
Deuxièmement, vous avez eu raison de le dire, il s’agit de mettre fin à un système qui permet d’interdire juridiquement à des chauffeurs de taxi de recourir à plusieurs plateformes et les rend donc prisonniers d’un oligopole. Je veux bien croire qu’il y ait des conversions subites, mais il me semble qu’elles reposent sur une incompréhension complète !
Les chauffeurs de taxi revendiquent la liberté que nous vous proposons d’établir aujourd’hui. Il s’agit simplement d’accorder aux taxis la même liberté qu’aux VTC. Or chacun mesure ici que ce qui s’est passé dans la rue est le résultat d’un conflit entre les taxis et les VTC et qu’il existe des raisons à ce conflit.
Parmi ces raisons, il y a cette interdiction applicable aux taxis. Ce n’est pas la seule, bien sûr, car je ne prétends pas proposer une solution qui va tout régler. Cependant, cette raison est essentielle et elle ne peut trouver de solution qu’avec un vote du Parlement.
Nous avons assisté à l’occupation de la voie publique, entraînant des difficultés pour les usagers. Le Gouvernement a mené des discussions qui ont duré des heures, à l’issue desquelles une feuille de route a été élaborée. Ensuite, nous avons discuté avec les organisations professionnelles et, il y a quelques jours, nous avons obtenu l’accord de celles que nous avons rencontrées sur les dispositions que je vous soumets et qui sont attendues.
J’entends les arguments avancés, mais ceux qui ont gouverné hier et ceux qui gouverneront peut-être demain le savent parfaitement, le Gouvernement n’a pas choisi la date des événements qui se sont produits dans la rue. Nos concitoyens attendent du Parlement un peu de réactivité, même si c’est parfois choquant pour les parlementaires.
Le sujet est très simple : il s’agit de mettre fin à un archaïsme – à ce sujet, la position défendue par M. Bosino m’étonne au plus haut point ! – et d’interdire que des clauses portant atteinte à la liberté d’exercice d’une profession puissent perdurer au détriment de cette dernière. Si une plateforme prévoit aujourd’hui des clauses qui empêchent un chauffeur de taxi de s’adresser à plusieurs plateformes, c’est légal. Nous vous proposons, avec ces amendements, de faire en sorte que ces clauses puissent être soumises à l’Autorité de la concurrence pour qu’elle prononce éventuellement des sanctions. Qui peut être contre cette proposition ?
Cette mesure est attendue : elle donnera davantage de liberté, et pas seulement aux taxis. Ainsi, la quasi-totalité des chauffeurs de taxi parisiens n’ont le choix qu’entre deux sociétés, mais cette situation de dépendance commence aussi à gangrener le secteur des VTC, et nous avons assisté à une manifestation de chauffeurs de VTC contre les plateformes. En effet, l’une d’entre elles avait modifié unilatéralement la part du prix qui leur revenait, ce qu’ils n’ont pas compris, parce qu’ils pensaient travailler dans un cadre de libre concurrence.
Avec ces amendements, nous répondons à ces évolutions. Il me semble donc que chacun d’entre vous, quels que soient ses engagements, pourrait comprendre que l’honneur du Parlement et du fonctionnement de notre économie de marché consiste à sortir des gens qui sont placés dans un lien de subordination de ce carcan et à leur redonner la possibilité d’exercer leur métier en toute liberté. Tel est l’enjeu de ces dispositions.
Sachez que, si ces mesures n’étaient pas adoptées, quel que soit le bien-fondé des différents arguments, personne ne comprendrait que la représentation du peuple n’apporte pas la réponse attendue. Franchement, ce n’est pas le Gouvernement qui a organisé cette manifestation ! J’attends donc cette réponse avec confiance.
Mme la présidente. La parole est à Mme Corinne Bouchoux, pour explication de vote.
Mme Corinne Bouchoux. Il est rare que mon groupe se fasse le défenseur de l’automobile comme mode de déplacement, néanmoins il s’agit d’un vrai sujet. Face à la distorsion de concurrence qui existe entre les taxis qui remboursent des sommes colossales et d’autres professionnels, on ne peut pas rester sans rien faire.
J’ai bien entendu les objections de mes collègues : ces amendements n’étaient pas attendus, ils n’ont pas leur place dans ce texte. Mais j’observe que nos débats ont déjà été élargis à des sujets différents, comme les jeux vidéo ou la recherche.
Vous me pardonnerez, monsieur le secrétaire d'État, mes chers collègues, si je suis un peu terre à terre. Jusqu’à présent, je prenais très peu le taxi, mais j’ai dû le faire ces dernières semaines pour des raisons de santé. À plusieurs reprises, j’ai rencontré des chauffeurs de taxi au bord des larmes qui m’ont expliqué leurs conditions de vie. J’ai aussi rencontré un jeune chauffeur de VTC qui vit difficilement de cette activité. Je ne sais pas s’il est trop tard ou si ce n’est pas le lieu pour le faire, mais si nous n’essayons pas de nous saisir du sujet, on va encore nous demander à quoi nous servons. Je suis désolée si mon discours n’est pas très politicien !
Je suis souvent en désaccord avec le Gouvernement, mais si l’adoption de ces amendements peut éviter que des gens se battent, parce que leur survie au quotidien est en jeu, même si je suis isolée, j’estime qu’il est de notre responsabilité d’agir. Si nous ne le faisons pas, nous ne serons pas compris ! N’oubliez pas que des milliers d’internautes, notamment des jeunes, des lycéens, des collégiens, nous regardent parce qu’ils s’intéressent au numérique. Je ne voudrais pas que nous leur donnions une image négative en disant que ce n’est pas le moment et que cela ne nous intéresse pas.
Je souhaite que le débat soit au moins posé. On peut dire que ce n’est pas le bon moment, que le véhicule n’est pas adapté, mais on ne peut pas prétendre que les arguments avancés par M. le secrétaire d’État sont sans fondement. C’est un vrai sujet !
Mme Valérie Létard. Avons-nous dit le contraire ?
Mme Corinne Bouchoux. Vous ne l’avez pas dit, mais, quand nous discutons entre nous, nous sommes dans l’implicite. Or un public très nombreux et différent nous regarde et je ne voudrais pas que notre débat soit mal compris. C’est la raison pour laquelle je souhaitais apporter ces précisions.
Mme la présidente. La parole est à M. Philippe Bonnecarrère, pour explication de vote.
M. Philippe Bonnecarrère. Le Gouvernement nous demande de lui faire confiance et nous a expliqué les raisons pour lesquelles il a exprimé une préoccupation qui va dans le sens des attentes des taxis.
Je respecte tout à fait les intentions du Gouvernement et je peux les comprendre. En même temps, nos collègues, notamment M. le président de la commission de l’aménagement du territoire, sont intervenus pour nous expliquer que l’expertise technique de ces amendements n’avait pas pu avoir lieu.
M. le secrétaire d’État nous a indiqué l’intérêt des chauffeurs de taxi pour ces amendements. Je souhaiterais simplement savoir s’il a organisé une concertation avec les différents syndicats de taxis, puisqu’il y en a plusieurs, et, dans l’affirmative, connaître le résultat de cette concertation. Hier soir, les syndicats des taxis nous ont fait part de leurs points de vue assez variés, notamment en ce qui concerne l’un d’entre eux.
Mme la présidente. La parole est à M. David Assouline, pour explication de vote.
M. David Assouline. M. le rapporteur a rappelé, et c’est son rôle, qu’il est primordial de respecter le Parlement, ses délais d’examen, etc. En même temps, vous le savez, mes chers collègues, nous sommes très souvent critiqués pour notre lenteur, parce que le monde va vite et que certains sujets sont brûlants, prennent à la gorge nos concitoyens. On juge que le Parlement légifère trop longuement et qu’il apporte très tardivement ses réponses, qui sont parfois déjà obsolètes lors de ses délibérations.
Rapprocher les citoyens de la politique suppose que nous essayions, tout en respectant le temps parlementaire, d’être utiles concrètement, au moment où il faut l’être.
Tous les pouvoirs se livrent parfois à des manœuvres de diversion pour placer le Parlement devant le fait accompli, mais parfois, c’est la force des choses qui l’exige, et nous sommes en mesure de l’apprécier.
Dans le cas présent, M. le secrétaire d’État nous a expliqué que l’adoption de ces amendements était la condition de l’exécution concrète d’un accord qui a été conclu tardivement par rapport à l’élaboration de ce projet de loi et à sa discussion.
En tout état de cause, nous pouvons nous dire que, si des doutes subsistent quant à l’expertise et si des précisions doivent encore être apportées, il faut que ce débat puisse avoir lieu lors de la réunion de la commission mixte paritaire. Nous pouvons donc voter ces amendements et continuer, d’ici là, à obtenir des réponses et à apporter des précisions.
Sur le fond, il n’y a pas matière à opposition entre gauche et droite. Si vous allez dans un autre pays, les taxis ont accès à plusieurs plateformes et il y a nettement moins de tensions entre les VTC et les taxis. Si nous pouvons faire baisser la tension et soulager les taxis, je ne pense pas qu’il y ait de divergences de fond entre nous.
Je vois bien que la commission se retranche derrière des arguments formels. J’ai dit que nous étions en mesure d’apprécier, sur la forme, les différentes façons dont le pouvoir pouvait nous mettre devant le fait accompli. Dans le cas présent, je pense que son attitude est justifiée et que, si nous suivons le Gouvernement, cette décision honorera le Parlement !
Mme la présidente. La parole est à Mme Évelyne Didier, pour explication de vote.
Mme Évelyne Didier. Nous sommes là devant une grosse difficulté. Il importe d’essayer d’apporter la meilleure réponse.
Je donne acte à M. le secrétaire d’État qu’il n’a pas pour habitude d’avancer masqué et qu’il nous donne en général des explications sérieuses et argumentées. En l’espèce, je n’ai donc pas, a priori, de raison de douter de ce qu’il vient de nous dire.
Cela étant, comme M. Hervé Maurey l’a rappelé, cette question a été traitée par la commission de l’aménagement du territoire et du développement durable. Même s’il s’agit ici du numérique, nous ne pouvons ignorer tout le travail que nous avons déjà accompli sur ce sujet.
Pourquoi avoir appelé en priorité ces deux amendements tendant à insérer des articles additionnels après l’article 23 ter ? Il aurait suffi de nous avertir de leur dépôt : la commission aurait alors pu se réunir, fût-ce de manière informelle, pour en débattre. (Marques d’approbation sur les travées de l’UDI-UC.)
Mme Valérie Létard. Très bien !
Mme Évelyne Didier. Nous aurions ainsi été en mesure, lors de l’appel en discussion de l’article 23 ter, de répondre à la demande du Gouvernement, peut-être positivement.
M. Hervé Maurey, président de la commission de l’aménagement du territoire et du développement durable. Tout à fait !
Mme Évelyne Didier. Je ne comprends pas cet appel en priorité. Vous l’aurez compris, il s’agit d’une question non pas de fond, mais de forme. Personne ne peut reprocher à un parlementaire de refuser de voter s’il estime qu’il ne peut se prononcer en connaissance de cause. J’ai pour habitude de m’abstenir ou de voter contre chaque fois que je ne comprends pas de quoi il s’agit. (Applaudissements sur les travées du groupe CRC et de l'UDI-UC, ainsi que sur certaines travées du groupe Les Républicains. – Mme Corinne Bouchoux applaudit également.)
Mme la présidente. La parole est à M. Jean-Louis Carrère, pour explication de vote.
M. Jean-Louis Carrère. Je puis témoigner que M. Vidalies, qui a lui-même été parlementaire durant de nombreuses années, s’est toujours montré respectueux du Sénat.
Cela étant, je suis tout à fait conscient que nous ne sommes pas toujours traités comme nous devrions l’être. Je ne balaie donc pas d’un revers de main les arguments qui viennent d’être développés. Ayant été président de commission, je défends bec et ongles les prérogatives des commissions compétentes pour l’examen d’un texte.
Néanmoins, compte tenu de l’urgence et de la gravité du problème, si l’on apporte une réponse satisfaisante à la question de M. Bonnecarrère, j’accepterai peut-être, dans un souci d’efficacité, que la procédure passe au second plan, dans un domaine requérant de notre part sérieux et hardiesse politique. (M. Daniel Raoul applaudit.)
Mme la présidente. La parole est à M. le rapporteur.
M. Christophe-André Frassa, rapporteur. Avec ce débat, on touche au problème de fond : il n’y aura qu’une lecture de ce projet de loi dans chaque chambre et la procédure accélérée montre toutes ses limites.
M. Jean-Louis Carrère. Eh oui !
Mme Catherine Deroche. Tout à fait !
M. Christophe-André Frassa, rapporteur. En effet, nos collègues députés ne découvriront qu’en CMP les dispositions que nous aurons introduites ; ils s’en accommoderont, ou pas…
M. Jean-Louis Carrère. C’est vrai !
M. Christophe-André Frassa, rapporteur. Eu égard au débat que nous avons depuis bientôt quarante-cinq minutes, on ne peut nier que la procédure suivie suscite une vaste controverse, sans même parler du fond, dont nous n’avons pas encore parlé.
La commission des lois a l’habitude de légiférer en urgence, comme le montre le bilan de l’activité du Sénat pour l’année 2015 : elle a été saisie de 50 % ou de 60 % de l’ensemble des textes législatifs que le Sénat a été amené à examiner.
Pour autant, nous ne légiférons jamais sans connaître. Or c’est bien là le problème posé par ces deux amendements : on nous demande de légiférer sans avoir pu conduire d’expertise technique, comme l’a rappelé Hervé Maurey.
Monsieur le secrétaire d’État, je ne me permettrais pas de remettre en cause le bien-fondé de ces amendements, mais le fait est que nous n’avons pas pu procéder à l’audition de professionnels, ni vous entendre en commission. Nous devons nous contenter de ce que vous venez de nous dire. Je ne m’appesantirai pas davantage sur ce point, mais là est le fond du problème.
Mme la présidente. La parole est à M. le président de la commission des lois.
M. Philippe Bas, président de la commission des lois constitutionnelles, de législation, du suffrage universel, du règlement et d'administration générale. Monsieur le secrétaire d’État, vous êtes un parlementaire chevronné. Vous êtes même orfèvre en matière de relations avec le Parlement, compte tenu des fonctions que vous avez récemment exercées ; je dois dire que le Sénat a eu plaisir à entretenir avec vous un dialogue toujours fructueux lorsque vous étiez secrétaire d’État chargé des relations avec le Parlement.
De ce fait, vous êtes particulièrement à même de pouvoir anticiper les réactions d’une assemblée parlementaire lorsqu’elle a le sentiment que le Gouvernement, toutes affaires cessantes, cède à la tentation de « forcer le passage », fût-ce avec les meilleures intentions.
Vous le savez – nous avons connu quelques précédents, d’ailleurs sanctionnés par le Conseil constitutionnel –, l’introduction devant la deuxième assemblée saisie dans le cadre de la procédure accélérée de dispositions d’une assez grande portée, sans que la commission et son rapporteur aient eu le temps de procéder aux auditions nécessaires pour comprendre le fond du sujet, heurte de plein fouet les droits du Parlement.
Imaginons que, dans n’importe quel domaine, des ministres, s’appuyant sur de très bons arguments, viennent nous demander de voter des amendements de trois pages, en invoquant des enjeux essentiels et une urgence impérieuse : devrions-nous alors obtempérer, presque les yeux fermés ? Nous serions portés à le faire vous concernant, car nous avons confiance en vous, mais, tout de même, n’y avait-il pas, pour le Gouvernement, d’autre voie que d’annoncer aux signataires de l’accord conclu de haute lutte que le premier texte législatif venu serait utilisé ?
Le Gouvernement, qui maîtrise l’ordre du jour prioritaire du Parlement, a bien d’autres moyens de faire débattre d’une disposition urgente que celui auquel vous êtes en train de recourir.
Je me mets à la place de mes collègues de l’Assemblée nationale, qui verraient arriver en commission mixte paritaire des dispositions dont eux-mêmes n’auraient pas pu débattre comme nous le faisons ici, même si c’est de la manière la plus superficielle…
Je crois que les signataires de l’accord ne peuvent que comprendre et accepter que nous souhaitions pouvoir nous entretenir de cette question avec eux avant d’adopter les dispositions que vous nous présentez. C’est tout de même la moindre des choses ! Qui, en France, pourrait contester le droit du Parlement d’être éclairé par des discussions approfondies avant de se prononcer ?
Monsieur le secrétaire d’État, soyez assuré que j’ai de la sympathie pour les préoccupations que vous relayez et que je souhaiterais pouvoir vous aider à trouver un débouché législatif à l’accord que vous nous avez décrit, mais je ne peux décidément pas proposer à notre assemblée de le faire dans de telles conditions.
Je demanderai aux différentes parties prenantes de comprendre qu’il vaut mieux se donner un mois pour élaborer un texte législatif de qualité, plutôt que d’agir dans la précipitation en mettant en cause les droits fondamentaux du Parlement et la qualité du dialogue que nous pouvons avoir avec les représentants de ces entreprises.
C’est la raison pour laquelle je suis obligé de réaffirmer la position prise par notre commission. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains et de l'UDI-UC.)
Mme la présidente. La parole est à M. le secrétaire d'État.
M. Alain Vidalies, secrétaire d'État. Monsieur le président Bas, je vous remercie de vos propos apaisants.
J’ai été très longtemps parlementaire, y compris dans l’opposition. Très honnêtement, on pourrait inverser les rôles…
M. Jean-Louis Carrère. Bien sûr !
M. Alain Vidalies, secrétaire d'État. Ce débat est un peu convenu. Je comprends évidemment votre position, je tiendrais probablement les mêmes propos si j’étais à votre place, mais il se trouve que l’exécutif est soumis à la pression des événements.
Le sujet dont nous traitons ne recouvre pas d’enjeu politique : personne n’est partisan de ne rien faire. Vous dites ne pas savoir ce qu’il y a dans cet amendement, mais, avec votre expertise juridique, monsieur le président Bas, il vous suffit de quelques minutes pour comprendre de quoi il s’agit et pour déceler une éventuelle difficulté ! En l’occurrence, il n’y en a aucune. Le dispositif s’inspire directement du travail fait avec l’Autorité de la concurrence à la suite d’un certain nombre de décisions émanant, notamment, du Conseil constitutionnel.
Je comprends parfaitement vos arguments : pour avoir été secrétaire d’État chargé des relations avec le Parlement, j’y suis très attentif. Il s’agit d’une question essentielle, mais de portée limitée, compréhensible rapidement. Il aurait peut-être été préférable de vous en saisir quelques jours plus tôt, mais le temps des négociations a fait que cela n’a pas été possible.
Quoi qu’il en soit, je pense que le rejet de cet amendement susciterait un sentiment d’incompréhension à l’extérieur de cette enceinte. Certains, de plus en plus nombreux, pensent que nos institutions ne servent à rien, qu’elles sont déconnectées de la vie réelle, qu’elles ne sont pas attentives aux problèmes rencontrés par nos concitoyens. Certes, les arguments qui ont été avancés sont recevables à l’intérieur de notre monde institutionnel, mais prenons garde à ne pas nourrir la bête !
C’est une vraie question. J’espère me tromper sur ce point, mais vous savez d’expérience que c’est ce qui risque de se passer : tout le monde sera mis dans le même sac, nous serons accusés de ne servir à rien, et certains en appelleront à d’autres méthodes…
Ce débat a le mérite d’avoir lieu. Vous aurez également le temps de travailler d’ici à la CMP. À mon sens, ce moment est très important : si nous n’agissons pas, il sera ensuite difficile d’expliquer pourquoi. (MM. Jean-Louis Carrère et Daniel Raoul applaudissent.)
Demande de réserve
Mme Corinne Bouchoux. Je suis très sensible aux différents arguments qui viennent d’être développés.
Mme Didier a déclaré qu’il eût été intéressant de réunir la commission de l’aménagement du territoire et du développement durable. Par ailleurs, le président Bas a indiqué qu’il n’avait pas d’opposition de principe à ces amendements, mais qu’il fallait les examiner précisément pour émettre un avis fondé : cela me paraît d’autant plus nécessaire, monsieur le secrétaire d’État, que vous dramatisez l’enjeu.
N’ayant pas votre expérience parlementaire – il s’agit de mon premier et dernier mandat –, je voudrais faire une proposition pragmatique : n’y aurait-il pas moyen de réunir, d’ici à demain soir, la commission des lois ou la commission de l’aménagement du territoire et du développement durable pour auditionner les deux seules parties prenantes à l’accord ? Cela permettrait à chacun de fonder son point de vue sur la question. Je reçois en ce moment même des tweets et des messages de jeunes qui ne comprennent pas pourquoi on n’aboutit pas alors que tout le monde semble d’accord sur le fond, même si la méthode du Gouvernement est un peu cavalière.
Nos discussions sur ce texte sont très suivies : je ne voudrais pas que nous donnions ce soir le sentiment que le Sénat se fiche du problème soulevé.
Mme la présidente. Madame Bouchoux, demandez-vous, comme vous en avez tout à fait le droit, la réserve des amendements nos 602 et 603 rectifié jusqu’à la fin de la discussion des articles ?
Mme Corinne Bouchoux. Oui, mais j’en appelle avant tout à l’intelligence collective, pour que le Sénat sorte par le haut de cette situation.
Mme la présidente. Quel est l’avis de la commission sur cette demande de réserve ?
Mme la présidente. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. Alain Vidalies, secrétaire d'État. Le Gouvernement est d’accord pour remettre ce débat à lundi : avis favorable.
Mme la présidente. Je consulte le Sénat sur cette demande de réserve.
Il n’y a pas d’opposition ?…
La réserve est ordonnée.
TITRE III
L’accès au numérique
Chapitre III (priorité)
Accès des publics fragiles au numérique
Section 1(priorité)
Accès des personnes handicapées aux services téléphoniques
Article 43 (priorité)
I. – Après l’article L. 35-6 du code des postes et des communications électroniques, il est inséré un article L. 35-7 ainsi rédigé :
« Art. L. 35-7. – I. – Un centre relais téléphonique est créé pour permettre l’accès au service téléphonique au public des personnes sourdes, malentendantes, sourdaveugles, aphasiques ou handicapées de la communication sur l’ensemble du territoire métropolitain et des collectivités d’outre-mer.
« Le centre relais téléphonique assure, en mode simultané et à la demande de l’utilisateur, l’interprétariat français - langue des signes française, la transcription écrite, le codage en langage parlé complété, ou la communication multimodale adaptée aux personnes aphasiques, des appels passés et reçus, hors services d’urgence, par les personnes sourdes, malentendantes, sourdaveugles, aphasiques ou handicapées de la communication.
« Dans un délai d’un an à compter de la promulgation de la loi n° … du … pour une société numérique, le centre relais téléphonique fournit le service d’accès au service téléphonique au public dans les conditions définies par arrêté conjoint des ministres chargés des communications électroniques et des personnes handicapées.
« Dans un délai de dix ans à compter de la promulgation de la loi n° … du … pour une société numérique, le centre relais téléphonique fonctionne vingt-quatre heures sur vingt-quatre, tous les jours de l’année.
« Les obligations inhérentes à la mise en place d’un service d’accessibilité au service téléphonique sont définies par décret. Les diplômes et qualifications requis pour les professionnels intervenant sur l’accessibilité simultanée des appels pris en charge par le centre relais téléphonique sont fixés par arrêté conjoint des ministres chargés des communications électroniques et des personnes handicapées.
« II. – Il est créé un groupement interprofessionnel des opérateurs de communication électronique dont l’objet est d’assurer le développement de l’accessibilité téléphonique. Ce groupement assure la création et le fonctionnement du centre relais défini au I. »
II. – Le III de l’article L. 32-1 du code des postes et des communications électroniques est complété par un 7° ainsi rédigé :
« 7° La mise en place et le fonctionnement du centre relais téléphonique mentionné à l’article L.35-7, conjointement avec le ministre chargé des personnes handicapées. »
III. – Dans un délai de six mois à compter de la publication de la présente loi, le Gouvernement présente un plan des métiers visant à développer les formations conduisant aux professions spécialisées nécessaires à la mise en œuvre du présent article.
Mme la présidente. La parole est à Mme Valérie Létard, sur l'article.
Mme Valérie Létard. Madame la présidente, madame la secrétaire d’État, chers collègues, nous allons dans un instant examiner l’amendement n° 614 rectifié du Gouvernement et le sous-amendement n° 657 rectifié bis du rapporteur, qui ont pour objet de modifier la rédaction de l’article 43 adoptée le 6 avril en commission des lois et de revenir sur la question sensible de l’accès des personnes handicapées aux communications téléphoniques. C’est un sujet qui me tient à cœur puisque, dans le cadre de responsabilités antérieures, j’avais déjà porté ce dossier, sans qu’il ait pu malheureusement aboutir à l’époque.
J’ai déposé l’amendement n° 346, adopté par la commission des lois le 6 avril dernier. Cet amendement prend acte de la création d’un centre relais téléphonique généraliste mettant réellement en œuvre l’obligation d’accessibilité de l’ensemble des services téléphoniques pour toutes les personnes sourdes, malentendantes, sourdaveugles, aphasiques ou handicapées de la communication. Sa mise en place et son fonctionnement étaient confiés à un groupement interprofessionnel des opérateurs de communications électroniques.
Permettez-moi de remercier les services de la commission des finances, qui m’ont permis d’aboutir à une proposition de rédaction ayant pu échapper au couperet de l’article 40.
Je souhaite remercier également le président et le rapporteur de la commission des lois de leur soutien à ma démarche.
Nous avons donc débouché sur une réécriture complète du texte adopté par l’Assemblée nationale, et je suis particulièrement fière d’avoir été à l’origine de cette initiative.
J’ai bien entendu les réactions de toutes les parties opposées à cette solution et je n’ignorais pas le risque de « détricotage » du texte à l’occasion de la navette parlementaire. C’est pourquoi j’ai accepté que des modifications puissent être apportées à mon amendement, dans la mesure où elles ne revenaient pas sur l’essentiel, à savoir la mise en place d’un dispositif couvrant tous les appels, entrants et sortants, concernant les personnes aphasiques et sourdaveugles, sans surcoût, organisé sous le contrôle de l’ARCEP et conservant le principe de la mutualisation par l’intermédiaire d’un groupement interprofessionnel.
Madame la secrétaire d’État, je comprends que le Gouvernement ait souhaité conserver le principe d’une répartition de la charge financière entre les grandes entreprises, au travers de leurs services clients, les services publics et les opérateurs.
Le rapporteur, à la suite de nos échanges, a quant à lui complété utilement l’amendement n° 614 par deux dispositions importantes adoptées en commission des lois.
La première vise à inscrire dans la loi le fonctionnement du centre relais vingt-quatre heures sur vingt-quatre, au terme d’une montée en charge progressive sur dix ans.
La seconde a pour objet la mise en place d’un plan des métiers, indispensable pour former les professionnels à même de faire fonctionner ce service.
Ainsi complété, je crois que ce dispositif a trouvé un point d’équilibre à même de satisfaire les demandes des associations et d’assurer la prise en compte des contraintes des opérateurs.
Un sujet de vigilance demeure néanmoins, tenant à la mention que cette offre se fera « dans la limite d’un usage raisonnable dont les conditions seront définies par décret ». Je demande solennellement, madame la secrétaire d’État, que le Parlement puisse être associé à la rédaction de ce décret.
Mme la présidente. Merci de conclure, ma chère collègue.
Mme Valérie Létard. Sous cette réserve, je voterai l’amendement et le sous-amendement.
Mme la présidente. La parole est à Mme Dominique Gillot, sur l'article.
Mme Dominique Gillot. Madame la présidente, madame la secrétaire d’État, chers collègues, les personnes sourdes, avides de contacts et de lien, ont toujours été friandes de techniques facilitatrices de communication. La langue des signes française ou le langage parlé complété en sont des illustrations probantes. Après un long temps d’utilisation du minitel, l’arrivée du téléphone portable, la possibilité de géolocalisation et de messagerie instantanée, la transmission d’images à distance ont transformé leurs vies. Elles sont très habiles à manier ces outils, qui rendent leur communication autonome.
Il n’en est pas de même pour toutes les personnes avec handicap sensoriel – les aveugles et malvoyants – ou avec handicap cognitif, ni pour les personnes qui vieillissent et ne maîtrisent pas ces technologies. Toutes ces personnes sont demandeuses d’un accès facilité, libre et supportable financièrement à toutes les technologies qui construisent la « République numérique ». Elles anticipent à juste titre la liberté que pourra leur procurer leur usage.
Des entreprises, des opérateurs convaincus de l’intérêt sociétal et économique de cette avancée ont développé des applications numériques adaptées, progressives, qui stimulent et optimisent les liens, ainsi que les connexions. Elles suscitent des convoitises et de grands espoirs.
La loi « handicap » de 2005 prescrit l’accessibilité sans obstacle, qui, aujourd’hui, ne peut se concevoir uniquement pour le bâti et le béton.
La revendication forte d’une conception universelle de l’accessibilité s’exprime. C’est un souhait légitime que de vouloir accéder à un service de communication digitale d’intérêt public, un service de communication avec médiation, qui garantisse l’accès et la compréhension pour tous, quels que soient les aptitudes, les handicaps ou les désavantages des personnes concernées, de sorte que la communication soit réellement fluide entre personnes avec handicap, ainsi qu’entre ces dernières et les personnes sans handicap.
La réponse à ces attentes se concrétise au travers de l’article 43, qui a connu de nombreuses rédactions et qui fait l’objet de nombreux amendements identiques ou très proches.
Nous avons été pris de vitesse par Valérie Létard, qui a accompli un travail formidable avec la commission des lois et la commission des finances. Qu’elle en soit remerciée !
Sa confiance dans le caractère opérationnel d’un centre relais téléphonique a permis de faire avancer considérablement le dossier et d’aboutir au dépôt de cet amendement gouvernemental qui sécurise le dispositif en reprenant toutes les suggestions formulées.
Ainsi, après une séquence d’hésitation des opérateurs et des pouvoirs publics, la force de conviction de personnes innovantes et ingénieuses devrait avoir raison des résistances.
Les bénéficiaires potentiels de ce dispositif sont nombreux à suivre nos débats devant leur écran ou à l’écoute d’une application vocale. Il y aura un avant et un après la loi pour une République numérique ! (Mmes Corinne Bouchoux et Valérie Létard applaudissent.)
Mme la présidente. La parole est à M. Jean-Pierre Bosino, sur l'article.
M. Jean-Pierre Bosino. Nous soutenons nous aussi la rédaction issue des travaux de la commission des lois sur la base de l’amendement de Mme Létard.
En effet, la rédaction initiale, si elle pouvait apparaître comme une avancée, comportait nombre de limites, tenant certainement à un manque de concertation avec les associations représentant les personnes en situation de handicap.
D’abord, cette rédaction donnait une définition restrictive des personnes sourdes et malentendantes, oubliant les personnes aphasiques ou celles éprouvant des difficultés à s’exprimer.
Ensuite, elle prévoyait la création d’une véritable « usine à gaz », avec des services différents selon que l’on veuille joindre une administration publique, une entreprise ou des proches.
Le nouveau dispositif est plus clair : un seul centre relais ayant vocation, dans dix ans au maximum – j’attire l’attention sur ce délai –, à fonctionner vingt-quatre heures sur vingt-quatre et sept jours sur sept, à l’image de ce qui existe aux États-Unis.
Il est à noter que, dans ce pays, ce dispositif, en place depuis 2006, permet à des millions de personnes sourdes ou malentendantes d’accéder à un service essentiel dans des conditions normales, sans subir de surcoût.
En France, une étude de l’ARCEP estime le coût de ce service à 84 millions d’euros, soit 5 centimes par mois et par utilisateur du téléphone.
La mise en place de ce centre relais, qui répondra à l’ensemble des besoins en appels téléphoniques des personnes en situation de handicap, est une belle avancée. Pour qu’elle soit effective, il faut cependant que ce centre soit financé. Nous y veillerons, notamment à l’occasion de l’examen des lois de finances.
Nous serons également attentifs à la formation des professionnels intervenant en matière d’interprétariat, de retranscription ou de codage.
Mme la présidente. Je suis saisie de quatre amendements et d’un sous-amendement faisant l'objet d'une discussion commune.
L'amendement n° 614 rectifié, présenté par le Gouvernement, est ainsi libellé :
Rédiger ainsi cet article :
I. – Après le o du I de l’article L. 33-1 du code des postes et des communications électroniques, il est inséré un p ainsi rédigé :
« p) Un accès des utilisateurs finals sourds , malentendants, sourdaveugles et aphasiques à une offre de services de communications électroniques, incluant pour les appels passés et reçus, la fourniture, d’un service de traduction simultanée écrite et visuelle tel que défini au IV de l’article 43 de la loi n° … du … pour une République numérique.
« Cette offre est proposée sans surcoût aux utilisateurs finals, dans la limite d’un usage raisonnable dont les conditions sont définies par décret et dans le respect de conditions de qualité définies par l’Autorité de régulation des communications électroniques et des postes.
« Elle garantit les conditions de neutralité et de confidentialité mentionnées au b ainsi que la prévention de la violation des données à caractère personnel mentionnée à l’article 34 bis de la loi n° 78-17 du 6 janvier 1978 relative à l’informatique, aux fichiers et aux libertés ; ».
II. – L’article 78 de la loi n° 2005-102 du 11 février 2005 sur l’égalité des droits et des chances, la participation et la citoyenneté des personnes handicapées est ainsi modifié :
1° Le premier alinéa est ainsi modifié :
a) Les mots : « déficientes auditives » sont remplacés par les mots : « sourdes et malentendantes » ;
b) Les mots : « écrite simultanée ou visuelle » sont remplacés par les mots : « simultanée écrite et visuelle » ;
2° Après le même alinéa, sont insérés deux alinéas ainsi rédigés :
« Les services d’accueil téléphonique destinés à recevoir les appels des usagers sont accessibles aux personnes sourdes, malentendantes , sourdaveugles et aphasiques par la mise à disposition d’un service de traduction écrite simultanée et visuelle tel que défini au IV de l’article 43 de la loi n° … du … pour une République numérique, sans surcoût pour les utilisateurs finals et à la charge des services publics concernés.
« Les services d’accueil téléphonique sont accessibles directement ou, à défaut, par l’intermédiaire d’une plateforme en ligne dédiée délivrant le service de traduction écrite et visuelle. L’accessibilité est soit assurée directement par le service public, soit confiée par le service public, sous sa responsabilité, à un opérateur spécialisé qui en assure la mise en œuvre et l’exécution. » ;
3° Après le deuxième alinéa, il est inséré un alinéa ainsi rédigé :
« Le service de traduction ou le dispositif de communication adapté mentionnés aux trois premiers alinéas garantissent le respect de la confidentialité des conversations traduites ou transcrites. »
III. – La section 4 du chapitre IV du titre II du livre II du code de la consommation dans sa rédaction résultant de l’ordonnance n° 2016-301 du 14 mars 2016 relative à la partie législative du code de la consommation, est complétée par une sous-section ainsi rédigée :
« Sous-section …
« Service téléphonique d’accueil et d’assistance
« Art. L. 224-58-… – Les entreprises dont le chiffre d’affaires est supérieur à un seuil défini par décret rendent ce numéro accessible aux personnes sourdes, malentendantes, sourdaveugles et aphasiques par la mise à disposition d’un service de traduction écrite simultanée et visuelle tel que défini au IV de l’article 43 de la loi n° … du … pour une République numérique, sans surcoût pour les utilisateurs finals et à la charge des entreprises concernées.
« Les services d’accueil téléphonique concernés sont accessibles directement ou, à défaut, par l’intermédiaire d’une plateforme en ligne dédiée délivrant le service de traduction écrite et visuelle. L’accessibilité est soit assurée directement par l’entreprise, soit confiée par elle, sous sa responsabilité, à un opérateur spécialisé qui en assure la mise en œuvre et l’exécution. »
IV – La mise en œuvre des I à III s’appuie notamment sur la création d’un groupement interprofessionnel comportant notamment des opérateurs de communications électroniques dont l’objet est d’assurer l’organisation, le fonctionnement et la gestion de services d’accessibilité téléphonique grâce à une mutualisation des coûts selon des modalités définies dans le décret mentionné au VI et sous le contrôle de l’Autorité de régulation des communications électroniques et des postes.
Les services de traduction mentionnés aux I à III assurent, en mode simultané et à la demande de l’utilisateur, l’interprétariat entre le français et la langue des signes française, la transcription écrite et le codage en langage parlé complété.
L’accessibilité des services d’accueil mentionnés aux II et III peut être réalisée directement par des téléconseillers professionnels maîtrisant la langue des signes française, la transcription écrite ou le codage en langage parlé complété et dont les diplômes et qualifications sont précisés dans le décret visé au VI.
V. – La mise en œuvre des I à III peut s’appuyer sur des applications de communications électroniques permettant la vocalisation du texte, la transcription de la voix en texte, la traduction en et depuis la langue française de signes ou la transcription en et depuis le langage parlé complété. Cette mise en œuvre ne peut se substituer au service de traduction simultanée écrite et visuelle mentionné aux mêmes I à III qu’à la condition de garantir une accessibilité de qualité équivalente et d’offrir les mêmes conditions de traduction aux personnes sourdes, malentendantes, sourdaveugles et aphasiques.
VI. – Le I et le 2° du II entrent en vigueur selon des modalités et à une date prévues par décret, et au plus tard cinq ans après la promulgation de la présente loi. Le III entre en vigueur à une date fixée par décret, et au plus tard deux ans après la promulgation de la présente loi. Le décret précise également les modalités de suivi de l’application du présent article et les diplômes et qualifications requis pour les professionnels intervenant sur l’accessibilité simultanée des appels.
La parole est à Mme la secrétaire d'État.
Mme Axelle Lemaire, secrétaire d'État auprès du ministre de l'économie, de l'industrie et du numérique, chargée du numérique. Il s’agit là d’un exemple de dialogue de qualité mené avec les parlementaires, en particulier les sénateurs, et la société civile. On n’entend guère ceux dont nous allons parler, mais, sans eux, il n’y a pas de République numérique.
J’aimerais dès à présent remercier Valérie Létard et le rapporteur Christophe-André Frassa de leur implication personnelle dans ce dossier, qui nous a permis de bien avancer.
J’ai souhaité dès le départ – et j’en suis fière – que dans ce projet de loi pour une République numérique figurent des dispositions relatives au handicap, au sein des articles 43, 44 et, désormais, 44 bis, un volet étant entièrement consacré à l’accessibilité.
On s’en doute, cela n’avait au départ rien d’évident, s’agissant d’un texte à dominante économique, émanant avant tout du ministère de l’économie et des finances. C’est la raison pour laquelle ces articles ont été élaborés en étroite collaboration avec Ségolène Neuville, qui nous rejoindra tout à l’heure pour présenter le dispositif nouveau de la carte « mobilité inclusion ».
Aujourd’hui, l’accessibilité numérique est le pendant indispensable de l’accessibilité physique. Sur ce sujet aussi, nous passons du matériel à l’immatériel. Là encore, le numérique peut être un obstacle à l’inclusion, au vivre ensemble, mais si nous embrassons tout son potentiel d’innovation et d’intégration sociale, il sera une formidable chance à saisir pour favoriser l’émancipation, l’ouverture.
Sur ce sujet, les attentes des associations sont grandes, j’en ai bien conscience, et elles sont légitimes. Il faut regarder les choses en face : notre pays n’est pas en avance dans ce domaine ; d’autres ont beaucoup à nous apprendre. J’ai observé les politiques publiques menées au Canada ou dans les pays nordiques, dont nous devons nous inspirer.
Je souhaite que notre pays joue, à l’avenir, un rôle d’éclaireur, qu’il soit exemplaire, qu’il soit d’une exigence sans concessions.
J’ajoute qu’il me semble important de rappeler que nous parlons ici d’accessibilité au sens général : il ne s’agit pas d’une préoccupation concernant uniquement les personnes en situation de handicap. L’article 43 ne vise pas exclusivement les 5 millions de Françaises et de Français sourds ou malentendants ; il vise en réalité les 66 millions de Français, nous tous qui voulons communiquer avec les personnes sourdes ou malentendantes.
L’article 44 ne vise pas uniquement les personnes déficientes visuelles ou aveugles ; il concerne, lui aussi, les 66 millions de Françaises et de Français qui veulent pouvoir communiquer avec elles et accéder à des sites internet ergonomiques, simples, lisibles, adaptés à toutes et à tous, aux plus vieux et aux plus jeunes. Nous sommes en présence d’un enjeu de « littératie » numérique.
La lutte contre les discriminations est quotidienne. Elle avance progressivement, par à-coups, à force de discussions et de débats. Ce fut très précisément le cas pour l’élaboration de cet article 43. Je considère que, dans sa nouvelle version issue des travaux de la commission des lois du Sénat, son dispositif est désormais abouti et cohérent avec celui initialement envisagé par le Gouvernement, qui, certes, devait être amélioré et a largement évolué pour répondre aux attentes de toutes les parties prenantes.
Le mécanisme global, dans son esprit, reste néanmoins le même : il s’agit de répondre à des besoins très concrets des personnes en situation de handicap dans toutes les situations rencontrées dans leur quotidien, c’est-à-dire dans leurs relations avec les services publics et avec les services clients et consommateurs des entreprises, ainsi que dans leurs relations interpersonnelles.
Dans sa nouvelle rédaction, cet article répond aux attentes des associations en élargissant, par la mention des personnes sourdes, malentendantes, sourdaveugles et aphasiques, le public visé concernant l’offre d’accès aux services téléphoniques des services publics et des grandes entreprises au moyen d’un centre relais téléphonique qui assurera l’interprétariat en langue des signes française – il faut ici rappeler que cette langue est une langue de la République, au même titre que le français –, le codage en langage parlé complété et la transcription écrite, ces trois modes de communication répondant à des besoins variés et distincts.
L’amendement n° 614 rectifié prévoit en outre que cette offre sera proposée sans surcoût pour les utilisateurs. En effet, il n’y a pas de raison de faire supporter le coût du dispositif par ses principaux bénéficiaires : celui-ci doit être mutualisé. Cette absence de surcoût concerne les services téléphoniques publics, ceux des grandes entreprises et les offres des opérateurs.
Concernant les moyens mis en œuvre, nous avons déjà insisté, à l’Assemblée nationale, sur la nécessité d’imposer aux services publics, aux entreprises et aux opérateurs des obligations de résultat, mais aussi d’inciter au développement, dans notre pays, d’une filière économique et industrielle à même de fournir des solutions technologiques adaptées.
Il me semble important de rester dans cette logique, mais, à la suite de l’adoption de l’amendement de Valérie Létard, j’ai compris qu’il fallait préciser la méthode. Nous avons repris l’idée de mettre en place un groupement interprofessionnel. Néanmoins, il ne nous paraît ni logique ni vraiment juste de faire peser le coût et l’organisation des communications interpersonnelles sur les seuls opérateurs de télécommunications : ceux-ci fournissent l’outil, mais il incombe à l’ensemble des parties prenantes de supporter les coûts. J’ajoute que cette solution aurait été très fragile sur le plan juridique, car elle aurait entraîné une rupture d’égalité devant les charges publiques. Par cet amendement, nous proposons que le groupement interprofessionnel mutualise les coûts entre l’ensemble des acteurs concernés, à savoir les services publics, les entreprises et les opérateurs, et ce sous le contrôle de l’Autorité de régulation des communications électroniques et des postes.
Mesdames, messieurs les sénateurs, je vous demande à tous d’adopter cet amendement. Afin d’éviter que se répètent les erreurs du passé, que les grandes ambitions affichées en restent au stade des promesses, il faut que tous ensemble vous exprimiez votre soutien à cette mesure politique forte. C’est ensemble que l’on peut vaincre ! (Mme Valérie Létard applaudit.)
Mme la présidente. Le sous-amendement n° 657 rectifié bis, présenté par M. Frassa, au nom de la commission des lois, est ainsi libellé :
Amendement n° 614
I. – Après l'alinéa 22, insérer un paragraphe ainsi rédigé :
… – Dans un délai de dix ans à compter de la promulgation de la présente loi, et selon des modalités définies par le décret prévu au VI, le service de traduction mentionné à l'article L. 33-1 du code des postes et des communications électroniques, dans sa rédaction résultant du I du présent article, fonctionne vingt-quatre heures sur vingt-quatre, tous les jours de l'année, le service de traduction mentionné à l'article 78 de la loi n° 2005-102 du 11 février 2005 pour l'égalité des droits et des chances, la participation et la citoyenneté des personnes handicapées, dans sa rédaction résultant du II du présent article, fonctionne aux horaires d'ouverture des services d'accueil téléphonique, et le service de traduction mentionné à l'article L. 224-58-… du code de la consommation, dans sa rédaction résultant du III du présent article, fonctionne aux horaires d'ouverture des services clients.
II. – Compléter cet amendement par un paragraphe ainsi rédigé :
… – Dans un délai de six mois à compter de la promulgation de la présente loi, le Gouvernement présente un plan des métiers visant à développer les formations conduisant aux professions spécialisées nécessaires à la mise en œuvre du présent article.
La parole est à M. le rapporteur.
M. Christophe-André Frassa, rapporteur. Si vous m’y autorisez, madame la présidente, je défendrai ce sous-amendement lorsque j’exprimerai l’avis de la commission sur l’ensemble des amendements en discussion commune.
Mme la présidente. Je vous en prie, monsieur le rapporteur.
L'amendement n° 52 rectifié, présenté par M. de Nicolaÿ, Mme Cayeux, M. Pellevat, Mme Lamure et MM. Bignon, Vasselle, Husson, D. Laurent et Chasseing, est ainsi libellé :
Rédiger ainsi cet article :
I. – L’article 78 de la loi n° 2005-102 du 11 février 2005 sur l’égalité des droits et des chances, la participation et la citoyenneté des personnes handicapées est ainsi modifié :
1° Le premier alinéa est ainsi modifié :
a) Les mots : « déficientes auditives » sont remplacés par les mots : « sourdes et malentendantes » ;
b) Les mots : « écrite simultanée » sont remplacés par les mots : « simultanée écrite » ;
2° Après le même alinéa, il est inséré un alinéa ainsi rédigé :
« Les services d’accueil téléphonique destinés à recevoir les appels des usagers sont accessibles aux personnes sourdes et malentendantes par la mise à disposition d’un service de traduction écrite simultanée et visuelle. Les numéros de téléphones concernés sont accessibles directement ou, à défaut, par l’intermédiaire d’une plateforme en ligne dédiée délivrant le service de traduction écrite et visuelle. L’accessibilité est soit assurée directement par le service public, soit confiée par le service public, sous sa responsabilité, à un opérateur spécialisé qui en assure la mise en œuvre et l’exécution. » ;
3° Après le deuxième alinéa, il est inséré un alinéa ainsi rédigé :
« Le service de traduction ou le dispositif de communication adapté mentionnés aux trois premiers alinéas garantissent le respect de la confidentialité des conversations traduites ou transcrites. »
II. – L’article L. 113-5 du code de la consommation est complété par un alinéa ainsi rédigé :
« Les entreprises, dont le chiffre d’affaires est supérieur à un seuil défini par décret, qui vendent, offrent ou proposent directement aux consommateurs ou aux bénéficiaires des biens et des services rendent accessibles leurs services d’accueil téléphonique aux personnes sourdes et malentendantes par la mise à disposition d’un service de traduction écrite simultanée et visuelle. Les numéros de téléphone concernés sont accessibles directement ou, à défaut, par l’intermédiaire d’une plateforme en ligne dédiée délivrant le service de traduction écrite et visuelle. L’accessibilité est soit assurée directement par l’acteur économique, soit confiée par l’acteur économique, sous sa responsabilité, à un opérateur spécialisé qui en assure la mise en œuvre et l’exécution. Un décret précise les modalités d’application dans le temps du présent alinéa sachant qu’il ne peut prévoir la mise en place de ce dispositif au-delà de cinq années après la promulgation de la loi n° … du … pour une République numérique. »
III. – Après le o du I de l’article L. 33-1 du code des postes et des communications électroniques, il est inséré un p ainsi rédigé :
« p) Un accès des utilisateurs finals sourds et malentendants à une offre de services de communications électroniques, incluant la fourniture, à un prix abordable au sens de l’article L. 35-1 et dans le respect de conditions de qualité définies par l’Autorité de régulation des communications électroniques et des postes, d’un service de traduction simultanée écrite et visuelle. Ce service garantit les conditions de neutralité et de confidentialité mentionnées au b du présent I ainsi que la prévention de la violation des données à caractère personnel mentionnée à l’article 34 bis de la loi n° 78-17 du 6 janvier 1978 relative à l’informatique, aux fichiers et aux libertés ; ».
IV. – La mise en œuvre des I à III peut s’appuyer sur des applications de communications électroniques permettant la vocalisation du texte, la transcription de la voix en texte, la traduction en et depuis la langue française de signes ou la transcription en et depuis le langage parlé complété.
V. – Le 2° du I et le III entrent en vigueur selon des modalités et à une date prévues par décret, et au plus tard cinq ans après la promulgation de la présente loi. Le II entre en vigueur à une date fixée par décret, et au plus tard deux ans après la promulgation de la présente loi. Le décret précise également les modalités de suivi de l’application du présent article.
La parole est à M. Louis-Jean de Nicolaÿ.
M. Louis-Jean de Nicolaÿ. Dans sa rédaction issue des travaux de l’Assemblée nationale, l’article 43 permettait de responsabiliser l’ensemble des acteurs économiques en prévoyant l’obligation de rendre accessibles les services clients des entreprises et les services téléphoniques des services publics. S’ajoutait l’obligation, pour les opérateurs de communications électroniques, de proposer une offre de services incluant une prestation de traduction simultanée pour assurer l’accessibilité du reste des communications.
L’amendement adopté par la commission des lois du Sénat a supprimé les obligations à la charge des entreprises et des services publics pour placer sous la responsabilité unique des opérateurs l’accessibilité de l’ensemble des appels émanant de personnes malentendantes. Cela oblige les opérateurs à mettre en place et à financer un centre relais téléphonique national qui prendrait en charge ensemble de ces appels.
Outre que cette mesure semble déséquilibrée et susceptible de porter une atteinte manifeste au principe d’égalité devant la loi et les charges publiques, un tel centre relais a déjà été expérimenté il y a un peu plus d’un an. Cette expérimentation a été très peu concluante, puisqu’un quart des membres du panel, tous volontaires, n’a passé aucun appel et que la moitié n’a utilisé qu’occasionnellement ce service.
A contrario, un marché de prestations de traduction adaptées animé par des acteurs spécialisés dans les solutions techniques innovantes alternatives a émergé.
Le présent amendement vise à réintroduire l’accessibilité des services téléphoniques des services publics, celle des services clients des entreprises, ainsi que l’obligation, pour les opérateurs, de fournir une offre adaptée, tout en préservant l’encouragement au développement d’applications innovantes.
Mme la présidente. L'amendement n° 56 rectifié ter, présenté par Mmes Deroche et Procaccia, MM. Bouchet et Béchu, Mmes Cayeux et Deromedi, M. Doligé, Mmes Duchêne et Garriaud-Maylam, M. Gournac, Mme Gruny, M. Kennel, Mme Lamure, MM. de Legge, Laufoaulu et Lefèvre, Mme Morhet-Richaud et MM. Mouiller, Pellevat, Pierre, Pillet, Revet, Vasselle, Delattre, Laménie, César, Chasseing et Husson, est ainsi libellé :
Rédiger ainsi cet article :
I. – L’article 78 de la loi n° 2005-102 du 11 février 2005 sur l’égalité des droits et des chances, la participation et la citoyenneté des personnes handicapées est ainsi modifié :
1° Le premier alinéa est ainsi modifié :
a) Les mots : « déficientes auditives » sont remplacés par les mots : « sourdes, malentendantes ou handicapées de la communication » ;
b) Les mots : « écrite simultanée » sont remplacés par les mots : « simultanée écrite » ;
2° Après le même alinéa, il est inséré un alinéa ainsi rédigé :
« Les services d’accueil téléphonique destinés à recevoir les appels des usagers sont accessibles aux personnes sourdes, malentendantes ou handicapées de la communication par la mise à disposition d’un service de traduction simultanée écrite et visuelle. Les numéros de téléphones concernés sont accessibles directement ou, à défaut, par l’intermédiaire d’une plateforme en ligne dédiée délivrant le service de traduction écrite et visuelle. L’accessibilité est soit assurée directement par le service public, soit confiée par le service public, sous sa responsabilité, à un opérateur spécialisé qui en assure la mise en œuvre et l’exécution. » ;
3° Après le deuxième alinéa, il est inséré un alinéa ainsi rédigé :
« Le service de traduction ou le dispositif de communication mentionnés aux deux premiers alinéas garantissent le respect de la confidentialité des conversations traduites ou transcrites. »
II. – Le code de la consommation est ainsi modifié :
1° La section 4 du chapitre IV du titre II du livre II dans sa rédaction résultant de l’ordonnance n° 2016-301 du 14 mars 2016 relative à la partie législative du code de la consommation est complétée par une sous-section 3 ainsi rédigée :
« Sous-section 3
« Service téléphonique d’accueil et d’assistance
« Art. L. 224-58-… – Les acteurs économiques du secteur privé qui vendent, offrent ou proposent directement aux consommateurs ou aux bénéficiaires des biens et des services rendent accessibles leurs services d’accueil téléphonique aux personnes sourdes, malentendantes ou handicapées de la communication par la mise à disposition d’un service de traduction simultanée écrite et visuelle. Ce service comprend une transcription écrite ou l’intervention d’un interprète en langue des signes française ou d’un codeur en langage parlé complété. Les numéros de téléphone concernés sont accessibles directement ou, à défaut, par l’intermédiaire d’une plateforme en ligne dédiée délivrant le service de traduction écrite ou visuelle. L’accessibilité est soit assurée directement par l’acteur économique, soit confiée par l’acteur économique, sous sa responsabilité, à un opérateur spécialisé qui en assure la mise en œuvre et l’exécution. Il garantit le respect de la confidentialité des conversations traduites ou transcrites.
« Les « professionnels » définis à l’article L. 151-1 du code de la consommation sont des acteurs économiques au sens du présent article. »
III. – Le titre IV de la loi n° 2005-102 du 11 février 2005 pour l’égalité des droits et des chances, la participation et la citoyenneté des personnes handicapées est complété par un chapitre … ainsi rédigé :
« Chapitre … : Téléphone et télécommunications électroniques
« Art. 54 - … – Un accès des utilisateurs finals sourds et malentendants à une offre de services de traduction simultanée écrite et visuelle à un prix n’excédant pas le tiers du montant mensuel de la prestation de compensation du handicap est proposé par les prestataires de la filière professionnelle de la transcription et de la traduction simultanée qui délivrent les services mentionnés à l’article 78 de la présente loi et à l’article L. 224-58-… du code de la consommation. Cette offre de services garantit le respect de la confidentialité des conversations traduites ou transcrites ainsi que la prévention de la violation des données à caractère personnel mentionnée à l’article 34 bis de la loi n° 78-17 du 6 janvier 1978 relative à l’informatique, aux fichiers et aux libertés. »
IV. – Dans un délai de six mois à compter de la publication de la présente loi, le Gouvernement présente un plan des métiers visant à développer les formations conduisant aux professions spécialisées nécessaires à la mise en œuvre du présent article. »
V. – La mise en œuvre des I à III peut s’appuyer sur des applications de communications électroniques permettant la vocalisation du texte, la transcription de la voix en texte, la traduction en et depuis la langue française de signes ou la transcription en et depuis le langage parlé complété. Cette mise en œuvre ne peut se substituer au service de traduction simultanée écrite et visuelle mentionné aux mêmes I à III qu’à la condition de garantir une accessibilité de qualité équivalente et d’offrir les mêmes conditions de traduction à toutes les personnes sourdes et malentendantes.
VI. – Le 2° du I et le II entrent en vigueur selon des modalités et à une date prévues par décret, et au plus tard, deux ans après la promulgation de la présente loi pour les services publics de l’État et les acteurs économiques du secteur privé, trois ans après la promulgation de la présente loi pour les services publics gérés par les collectivités territoriales. Le III entre en vigueur à une date et selon des modalités fixées par décret, et au plus tard trois ans après la promulgation de la présente loi. Le décret précise également les modalités de suivi de l’application du présent article.
La parole est à Mme Catherine Deroche.
Mme Catherine Deroche. Si vous me le permettez, madame la présidente, je défendrai en même temps cet amendement et l’amendement n° 57 rectifié ter.
L’article 43 a pour objet de développer et de généraliser l’accès des personnes sourdes et malentendantes aux services téléphoniques, ce dont on ne peut que se féliciter.
Sa rédaction initiale prévoyait une répartition de la charge de l’accessibilité entre trois types d’acteurs : les services publics, les entreprises et les opérateurs de télécommunications. À la suite de ses travaux, l’Assemblée nationale avait étendu le champ de cette obligation d’accessibilité à l’ensemble des acteurs économiques du secteur privé en abandonnant toute considération relative au chiffre d’affaires ou à la taille de l’acteur économique concerné.
Il apparaît en effet que les entreprises de petite taille peuvent trouver à s’abonner annuellement à des services de traduction ou de transcription simultanée de la parole pour des sommes relativement modiques, de l’ordre de 70 euros par an.
Le texte issu des travaux de la commission des lois du Sénat refond le dispositif voté par l’Assemblée nationale en instaurant une réponse unique en matière d’accès aux services téléphoniques, par la création d’un centre relais téléphonique universel national.
À nos yeux, une telle solution pourrait contrevenir au principe de libre concurrence garanti par les traités de l’Union européenne, alors qu’un secteur économique innovant se développe et permet déjà d’offrir aux professionnels une accessibilité à un coût réduit. Par ailleurs, la jurisprudence constante de la Cour de justice de l’Union européenne interdit le financement par des opérateurs de communications électroniques d’activités qui ne relèvent pas de la stricte mise en œuvre des autorisations générales.
Il est vrai que, par son amendement n° 614 rectifié, qui fait l’objet d’un sous-amendement de la commission, le Gouvernement propose d’en revenir à la rédaction initiale du projet de loi et à répartir la charge de l’accessibilité. Néanmoins, cet amendement du Gouvernement, même ainsi sous-amendé, présente un certain nombre de faiblesses : il revient tout d’abord sur la généralisation de l’obligation d’accessibilité à l’ensemble des acteurs économiques en réintroduisant un critère de chiffre d’affaires et en limitant l’obligation professionnelle des entreprises disposant déjà d’un numéro de service clients ; il enserre encore l’accessibilité des personnes sourdes pour leurs besoins interpersonnels dans un cadre contraint, puisqu’il est fait mention d’un « usage raisonnable », ce qui heurte le principe même de non-discrimination ; enfin, il institue un groupement interprofessionnel dont la composition comme les missions exactes restent encore imprécises.
C’est la raison pour laquelle nous présentons ces deux amendements, dont le dispositif permet, sans création de charges nouvelles, de respecter l’esprit de la loi de 2005, de réaffirmer l’obligation intransférable d’accessibilité dont la charge doit être équitablement partagée entre État, collectivités, entreprises ou associations relevant des secteurs public et privé et acteurs de la filière professionnelle de transcription et de traduction simultanée de la parole, qui sont, dans nos amendements, substitués aux opérateurs de communications électroniques, de soutenir le développement d’une offre concurrentielle garante de la qualité de service par la filière existante tout en sécurisant un secteur économique innovant, de sécuriser un secteur économique français en plein développement et de permettre, ce faisant, le développement harmonieux d’une accessibilité complète pour les publics concernés, tant pour la prise de rendez-vous par téléphone que lors d’un rendez-vous, et d’adapter les délais d’entrée en vigueur des dispositions.
Les différences entre l’amendement n° 56 rectifié ter et l’amendement n° 57 rectifié ter portent sur le seul III de l’article 43 : le premier prévoit de charger la seule filière des professionnels de la transcription et de la traduction simultanée de la parole d’offrir aux personnes sourdes un accès direct pour leurs besoins interpersonnels pour un prix n’excédant pas le tiers du montant mensuel de la prestation de compensation du handicap ; le second, quant à lui, prévoit la création par le groupement interprofessionnel d’un centre relais téléphonique pour permettre aux publics concernés l’accès au service téléphonique, également pour leurs besoins interpersonnels.
Dans un cas comme dans l’autre, l’accès au service pour les besoins interpersonnels de la personne handicapée n’est pas limité, contrairement à ce que prévoit l’amendement du Gouvernement, même sous-amendé.
Mme la présidente. L'amendement n° 57 rectifié ter, présenté par Mmes Deroche et Procaccia, MM. Bouchet et Béchu, Mmes Cayeux et Deromedi, M. Doligé, Mmes Duchêne et Garriaud-Maylam, M. Gournac, Mme Gruny, M. Kennel, Mme Lamure, MM. Laufoaulu, Lefèvre et de Legge, Mme Morhet-Richaud et MM. Mouiller, Pellevat, Pierre, Pillet, Revet, Vasselle, Delattre, Laménie, César, Chasseing et Husson, est ainsi libellé :
Rédiger ainsi cet article :
I. – L’article 78 de la loi n° 2005-102 du 11 février 2005 sur l’égalité des droits et des chances, la participation et la citoyenneté des personnes handicapées est ainsi modifié :
1° Le premier alinéa est ainsi modifié :
a) Les mots : « déficientes auditives » sont remplacés par les mots : « sourdes, malentendantes ou handicapées de la communication » ;
b) Les mots : « écrite simultanée » sont remplacés par les mots : « simultanée écrite » ;
2° Après le même alinéa, il est inséré un alinéa ainsi rédigé :
« Les services d’accueil téléphonique destinés à recevoir les appels des usagers sont accessibles aux personnes sourdes, malentendantes ou handicapées de la communication par la mise à disposition d’un service de traduction écrite simultanée et visuelle. Les numéros de téléphones concernés sont accessibles directement ou, à défaut, par l’intermédiaire d’une plateforme en ligne dédiée délivrant le service de traduction écrite et visuelle. L’accessibilité est soit assurée directement par le service public, soit confiée par le service public, sous sa responsabilité, à un opérateur spécialisé qui en assure la mise en œuvre et l’exécution. » ;
3° Après le deuxième alinéa, il est inséré un alinéa ainsi rédigé :
« Le service garantit le respect de la confidentialité des conversations traduites ou transcrites. »
II. – Le code de la consommation est ainsi modifié :
1° La section 4 du chapitre IV du titre II du livre II dans sa rédaction résultant de l’ordonnance n° 2016-301 du 14 mars 2016 relative à la partie législative du code de la consommation est complétée par une sous-section 3 ainsi rédigée :
« Sous-section 3
« Service téléphonique d’accueil et d’assistance
« Art. L. 224-58-… – Les acteurs économiques du secteur privé qui vendent, offrent ou proposent directement aux consommateurs ou aux bénéficiaires des biens et des services rendent accessibles leurs services d’accueil téléphonique aux personnes sourdes malentendantes ou handicapées de la communication par la mise à disposition d’un service de traduction simultanée écrite et visuelle. Ce service comprend une transcription écrite ou l’intervention d’un interprète en langue des signes française ou d’un codeur en langage parlé complété. Les numéros de téléphone concernés sont accessibles directement ou, à défaut, par l’intermédiaire d’une plateforme en ligne dédiée délivrant le service de traduction écrite ou visuelle. L’accessibilité est soit assurée directement par l’acteur économique, soit confiée par l’acteur économique, sous sa responsabilité, à un opérateur spécialisé qui en assure la mise en œuvre et l’exécution. Il garantit le respect de la confidentialité des conversations traduites ou transcrites ».
« Les « professionnels » définis à l’article L. 151-1 sont des acteurs économiques au sens du présent article. »
III. – Le titre IV de la loi n° 2005-102 du 11 février 2005 pour l’égalité des droits et des chances, la participation et la citoyenneté des personnes handicapées est complété par un chapitre … ainsi rédigé :
« Chapitre … : Télécommunications électroniques
« Art. 54 - … – I. – Il est créé un groupement interprofessionnel des prestataires de la filière professionnelle de la transcription et de la traduction simultanée qui délivrent les services mentionnés à l’article 78 de la présente loi et à l’article L. 224-58-… du code de la consommation, dont l’objet est d’assurer le développement de l’accessibilité téléphonique pour les besoins interpersonnels. À ce titre, le groupement assure notamment la création et le fonctionnement du centre relais défini au II.
« II. – Un centre relais téléphonique est créé par le groupement interprofessionnel mentionné au I pour permettre l’accès au service téléphonique au public des personnes sourdes, malentendantes ou handicapées de la communication pour leurs besoins interpersonnels sur l’ensemble du territoire métropolitain et des collectivités d’outre-mer.
« Le centre relais téléphonique assure, en mode simultané et à la demande de l’utilisateur, l’interprétariat français en langue des signes française, la transcription simultanée écrite, le codage en langage parlé complété, ou une communication multimodale adaptée, des appels passés et reçus par les personnes sourdes, malentendantes, ou handicapées de la communication.
« Dans un délai de trois ans à compter de la promulgation de la loi n° … du … pour une République numérique, le centre relais téléphonique fournit le service d’accès au service téléphonique au public.
« Dans un délai de dix ans à compter de la promulgation de la loi n° … du … pour une République numérique, le centre relais téléphonique fonctionne vingt-quatre heures sur vingt-quatre, tous les jours de l’année.
« III. – La mise en place et le fonctionnement du centre relais téléphonique mentionné sont déterminés conjointement avec le ministre chargé des personnes handicapées. Le centre relais téléphonique garantit le respect de la confidentialité des conversations traduites ou transcrites ainsi que la prévention de la violation des données à caractère personnel mentionnée à l’article 34 bis de la loi n° 78-17 du 6 janvier 1978 relative à l’informatique, aux fichiers et aux libertés. »
IV. – Dans un délai de six mois à compter de la publication de la présente loi, le Gouvernement présente un plan des métiers visant à développer les formations conduisant aux professions spécialisées nécessaires à la mise en œuvre du présent article.
V. – La mise en œuvre des I à III peut s’appuyer sur des applications de communications électroniques permettant la vocalisation du texte, la transcription de la voix en texte, la traduction en et depuis la langue française de signes ou la transcription en et depuis le langage parlé complété. Cette mise en œuvre ne peut se substituer au service de traduction simultanée écrite et visuelle mentionné aux mêmes I à III qu’à la condition de garantir une accessibilité de qualité équivalente et d’offrir les mêmes conditions de traduction à toutes les personnes sourdes, malentendantes ou handicapées de la communication.
VI. – Le 2° du I et le II entrent en vigueur selon des modalités et à une date prévues par décret, et au plus tard, deux ans après la promulgation de la présente loi pour les services publics de l’État et les acteurs économiques du secteur privé, trois ans après la promulgation de la présente loi pour les services publics gérés par les collectivités territoriales.
Cet amendement a été précédemment défendu.
La parole est à M. le rapporteur, pour donner l’avis de la commission sur les amendements en discussion commune et pour présenter le sous-amendement n° 657 rectifié bis.
M. Christophe-André Frassa, rapporteur. Tous ces amendements ont pour objet de répondre à une demande très forte des associations, que nous avons toutes reçues lors d’une grande table ronde organisée dans le cadre de nos travaux. Je n’en citerai que quelques-unes, en espérant que les autres ne m’en voudront pas de ne pas les mentionner : Aditus, BrailleNet, la Fédération nationale des sourds de France.
L’amendement du Gouvernement vise à concilier, en matière d’accessibilité du service téléphonique pour les handicapés, le dispositif du projet de loi, modifié sur certains points par l’Assemblée nationale, et les avancées en faveur des personnes handicapées introduites par la commission des lois du Sénat.
Le dispositif relatif à l’accessibilité des services téléphoniques tel qu’issu des débats à l’Assemblée nationale n’était pas satisfaisant sur plusieurs aspects importants, aux yeux tant de la commission des lois du Sénat que de l’ensemble des acteurs associatifs que nous avons reçus. C’est la raison pour laquelle la commission des lois a adopté l’amendement extrêmement astucieux de Mme Létard – nous butions sur l’écueil de l’article 40 –, prévoyant la mise en place d’un centre relais téléphonique universel, qui améliorait grandement le dispositif d’accessibilité sur plusieurs points.
L’amendement du Gouvernement reprend ce dispositif du projet de loi qui repose sur les opérateurs, les services publics et les entreprises dont le chiffre d’affaires est supérieur à un seuil, tous soumis à l’obligation d’accessibilité.
Il reprend aussi des propositions importantes de la commission des lois, au premier rang desquelles la création d’un groupement interprofessionnel destiné à assurer la mutualisation des coûts, l’extension de l’accessibilité au sourdaveugles et aux aphasiques, et non plus seulement aux sourds et malentendants, ce qui répond à une revendication forte des associations que nous avons reçues, l’absence de surcoût pour les utilisateurs finaux, autre demande forte.
C’est un compromis que nous avons estimé parfaitement acceptable – les associations de personnes sourdes et malentendantes que nous avons auditionnées l’ont aussi jugé comme tel –, en vue de concilier les positions des différentes parties prenantes et de faire enfin progresser l’accessibilité, même si cela passe par quelques concessions par rapport au texte de la commission : des délais de mise en place un peu plus longs – deux ans et cinq ans au plus tard après promulgation de la loi –, la limitation du champ du dispositif au territoire métropolitain, avec la suppression de la mention des collectivités d’outre-mer.
Pour compléter cet amendement du Gouvernement, je soumets au Sénat un sous-amendement visant à réintroduire deux éléments qui figuraient dans l’amendement de Mme Létard, désormais intégré au texte de la commission : le service de traduction des opérateurs de communications électroniques fonctionnera vingt-quatre heures sur vingt-quatre tous les jours de l’année à l’issue d’un délai de dix ans, tandis que les services de traduction des services publics et des entreprises fonctionneront pendant les horaires d’ouverture ; un plan des métiers sera mis en place pour anticiper les besoins futurs en traducteurs.
Ces deux dispositions figurent dans le texte déjà adopté par la commission des lois, qui émet un avis favorable sur l’amendement du Gouvernement, sous réserve de l’adoption de son sous-amendement.
L’amendement n° 52 rectifié vise à en revenir à la rédaction de l’Assemblée nationale sans reprendre les améliorations introduites par l’amendement du Gouvernement. La commission émet donc un avis défavorable.
Pour le même motif, la commission est également défavorable aux amendements nos 56 rectifié ter et 57 rectifié ter.
Mme la présidente. Quel est l’avis du Gouvernement ?
Mme Axelle Lemaire, secrétaire d'État. Le Gouvernement émet un avis favorable sur le sous-amendement de la commission, qui porte sur deux points : la disponibilité des services et le plan des métiers. Il répond à une demande légitime : les personnes en situation de handicap doivent pouvoir appeler et être appelées dans des conditions normales. Le but n’est pas de créer une solution à bas coût dont le fonctionnement fluctuerait au gré des moyens qu’on voudrait bien lui accorder. En revanche, la montée en charge du dispositif doit être progressive. Cette progressivité est déjà prévue au VI de l’article 43, mais je crois utile et réaliste d’inscrire dans le texte un délai de dix ans pour la mise en place de la disponibilité des services. Être pragmatiques est la meilleure façon de garantir que les objectifs seront bien atteints.
Le plan des métiers est un aspect clé. Nous manquons aujourd’hui des ressources humaines nécessaires, c’est pourquoi il faut à tout prix les développer.
À titre d’exemple, on comptait en 2015 seulement 450 interprètes diplômés en langue des signes. Cela justifie cette montée en charge progressive, avec des délais de mise en œuvre de cinq ans pour les opérateurs et les services publics et de deux ans pour les entreprises concernées par les dispositions.
Cela pose aussi la question de l’embauche directe de téléconseillers pouvant pratiquer l’un des trois modes de communication pour les services téléphoniques des services publics et des services clients des entreprises. La discussion entre l’usager et le téléconseiller est alors directe. Ce plan des métiers est une mesure déjà inscrite au programme de travail du comité interministériel du handicap, et le Gouvernement rend régulièrement compte des avancées de ce plan. Compte tenu de l’importance de l’enjeu, je suis favorable à cette disposition, afin d’accélérer les choses. Attention toutefois à ne pas tomber dans ce trop fréquent travers qui consiste à rédiger une loi sans assurer le suivi de son application. Il faudra véritablement instaurer une gouvernance de la régulation et de l’observation de la mise en œuvre et de l’exécution, pour garantir que toutes ces dispositions seront respectées au pied de la lettre.
Le Gouvernement sollicite le retrait des amendements nos 52 rectifié et 56 rectifié ter au profit de l’amendement du Gouvernement. Sur l’amendement n° 57 rectifié ter, l’avis est défavorable.
Ces trois amendements tendent à revenir à la version initiale de l’article 43, telle que présentée par le Gouvernement devant l’Assemblée nationale. L’amendement n° 52 rectifié vise à supprimer la mention des applications innovantes. En tant que ministre chargée du numérique, et donc de la French tech, je ne puis l’accepter : dans ce secteur, les innovations sont nombreuses et le potentiel des pistes d’innovation encore inexplorées est immense. Je suis amenée à le constater au fil de mes déplacements. Par exemple, l’avatar en 3D permet de traduire des textes écrits en langue des signes française ou en langage parlé complété, les gants connectés de détecter les mouvements et de traduire la langue des signes française en langue orale ; je pense également à la transcription automatique de textes par l’intermédiaire d’applications de reconnaissance vocale couplées à des algorithmes de reconnaissance vocale.
Toutes ces technologies ne sont pas forcément totalement abouties, il faut qu’elles trouvent leur marché, qu’elles puissent être facilement utilisées, mais gardons-nous de tourner le dos à ce potentiel d’innovations : on ne sait pas ce que demain nous réserve.
Pour accompagner l’essor de ces technologies, je souhaite d’ailleurs lancer – c’est en très bonne voie – un appel à projets dédié spécifiquement à l’innovation technologique en faveur des personnes en situation de handicap. D’un point de vue économique, la demande existe, et il faut donc maintenant développer l’offre.
L’amendement n° 56 rectifié ter ne prévoit pas de rétablir un seuil de chiffre d’affaires pour définir les entreprises concernées par l’obligation d’accessibilité. L’objectif est de viser les entreprises en contact téléphonique avec un grand nombre d’utilisateurs, et non pas toutes les entreprises de France, notamment pas les très petites entreprises ou les artisans, qui ne seraient pas en mesure de satisfaire à ce type d’obligation. Par ailleurs, je l’ai dit, les besoins en personnel formé sont immenses. Lorsque la loi entrera en vigueur, il ne sera pas possible de répondre à une telle obligation. Surtout, les entreprises dont le chiffre d’affaires est en deçà du seuil fixé seront dans tous les cas accessibles, mais via le troisième dispositif, celui des communications interpersonnelles. Très concrètement, si je souhaite appeler le service clients d’Engie, cette grande entreprise publique devra, sur son site internet, fournir un service de traduction ou renvoyer à un tel service. Si je souhaite appeler une entreprise dont le chiffre d’affaires se situe en deçà du seuil, je pourrai le faire en passant par les opérateurs.
L’amendement n° 57 rectifié ter ne prévoit pas d’étendre le dispositif à l’ensemble des personnes concernées et n’indique pas qu’il sera mis en place sans surcoût pour ces dernières. En outre, ses auteurs proposent que les opérateurs ne paient rien du tout et que l’intégralité du financement repose sur les entreprises et les services publics. La mutualisation proposée par le Gouvernement est à mon sens une solution plus équilibrée.
Mme la présidente. La parole est à M. Louis-Jean de Nicolaÿ, pour explication de vote.
M. Louis-Jean de Nicolaÿ. À la suite des explications fournies tant par M. le rapporteur que par Mme la secrétaire d’État, je retire l’amendement n° 52 rectifié.
Mme la présidente. L’amendement n° 52 rectifié est retiré.
Je mets aux voix le sous-amendement n° 657 rectifié bis.
(Le sous-amendement est adopté.)
Mme la présidente. La parole est à Mme Dominique Gillot, pour explication de vote.
Mme Dominique Gillot. Je tiens à remercier Mme la secrétaire d’État pour les explications extrêmement précises et techniques qu’elle vient de nous donner. Il est vrai qu’un travail considérable a été fait en quelques semaines pour répondre aux attentes de tout un chacun et surmonter de nombreuses difficultés.
Je salue cette démarche de coconstruction, qui va dans le sens d’une amélioration du service rendu aux bénéficiaires. Nous voterons donc en faveur de l’adoption de l’amendement du Gouvernement.
Je relève en particulier que la rédaction proposée prévoit que le service soit rendu « sans surcoût pour l’utilisateur » dans le cadre d’une utilisation ordinaire. En effet, même un usager sans handicap paie davantage s’il demande des services supplémentaires.
Je suis également favorable à l’incitation au développement d’une filière économique pour la création et la commercialisation d’applications nouvelles, à l’instar de celles que vous avez citées, madame la secrétaire d’État. Cela ne profitera pas seulement aux personnes handicapées : en effet, les exemples sont nombreux d’innovations qui, développées à l’origine au bénéfice de personnes handicapées, sont ensuite utilisées par toute la société. Il en est ainsi de la télécommande de télévision.
Le développement des ressources métiers est bien évidemment essentiel, de même que l’imposition d’obligations de résultat dans le temps, eu égard aux difficultés de mise en œuvre de la loi de 2005. La précaution prise ici permettra une mise en place rapide du centre relais téléphonique suivant un calendrier précis, au bénéfice non seulement de toutes les personnes affectées d’un handicap, mais aussi des personnes qui vieillissent et éprouvent des difficultés d’accès aux services numériques.
Mme la présidente. La parole est à Mme Valérie Létard, pour explication de vote.
Mme Valérie Létard. Le groupe UDI-UC se félicite que Mme la secrétaire d’État ait bien voulu œuvrer à une solution qui s’inspire du travail accompli par la commission des lois du Sénat.
Cet amendement montre que le Gouvernement a bien l’intention de faire en sorte que l’ouverture rendue possible par le travail du Sénat puisse prospérer au cours de la navette parlementaire, grâce à une rédaction permettant de trouver la voie d’un compromis avec l’Assemblée nationale. C’est ce que souhaitent les associations représentant les millions de personnes appelées à bénéficier de ces dispositifs, dont des membres sont d’ailleurs présents aujourd’hui dans nos tribunes. Comme l’a souligné Dominique Gillot, la mise en œuvre de ce texte apportera tout un lot d’innovations et de progrès et ne manquera pas de produire des effets positifs pour les publics concernés.
Nous avons aujourd’hui la chance de vivre longtemps en bonne santé. En dix ans, le nombre des personnes âgées de plus de 85 ans a doublé, passant de 1 million à 2 millions. Dès lors, c’est l’ensemble de la société qui bénéficiera des progrès permis par ce texte.
Je voudrais vous remercier encore une fois, madame la secrétaire d'État, ainsi que tous les sénateurs qui, sur toutes les travées, ont soutenu cette initiative dont notre assemblée peut s’enorgueillir. (Applaudissements sur de nombreuses travées.)
Mme la présidente. La parole est à M. Marc Laménie, pour explication de vote.
M. Marc Laménie. Madame la secrétaire d'État, tout à l’heure vous disiez que seul, on ne peut rien. Il est vrai que cet amendement représente l’aboutissement d’un travail collectif de fond ; je tiens à cet égard à saluer les collègues qui s’y sont investis, parfois dans l’ombre, pour marquer notre considération envers toutes les personnes en situation de handicap.
Cet amendement tend notamment à modifier certaines dispositions de la loi du 11 février 2005, à l’élaboration de laquelle le Sénat avait déjà puissamment contribué. Je pense notamment, à cet instant, à notre ancien collègue Paul Blanc.
En ce qui concerne les dispositions financières de cet amendement, elles vont tout à fait dans le bon sens. Je m’associe naturellement à ce travail collectif.
Mme la présidente. La parole est à Mme Catherine Deroche, pour explication de vote.
Mme Catherine Deroche. Il est vrai que l’amendement du Gouvernement, sous-amendé, représente une amélioration par rapport à la rédaction issue des travaux de la commission des lois.
Néanmoins, en présentant mes amendements, j’ai émis quelques réserves auxquelles il n’a été que partiellement répondu. J’espère qu’il en sera tenu compte lors de la commission mixte paritaire, s’agissant notamment de la définition d’un « usage raisonnable » et des assurances à donner aux entreprises.
Mme la présidente. Je mets aux voix l’amendement n° 614 rectifié, modifié.
(L’amendement est adopté.)
Mme la présidente. En conséquence, l’article 43 est ainsi rédigé, et les amendements nos 56 rectifié ter, 57 rectifié ter, 645, 253 et 255 n’ont plus d’objet.
Toutefois, pour la bonne information du Sénat, je rappelle les termes de ces trois derniers amendements.
L’amendement n° 645, présenté par M. Frassa, au nom de la commission des lois, est ainsi libellé :
Alinéas 1, 2 et 9
Remplacer la référence :
L. 35-7
par la référence :
L. 35-8
L’amendement n° 253, présenté par Mme D. Gillot, MM. Sueur, Leconte, Rome, Camani, F. Marc, Assouline et Guillaume, Mmes Campion, Schillinger, Meunier et les membres du groupe socialiste et républicain, est ainsi libellé :
Alinéa 4
Compléter cet alinéa par une phrase ainsi rédigée :
En aucun cas le recours occasionnel ou régulier au centre relais téléphonique ne peut entraîner de frais pour l’utilisateur.
L’amendement n° 255, présenté par Mme D. Gillot, MM. Sueur, Leconte, Rome, Camani, F. Marc, Assouline et Guillaume, Mmes Campion, Schillinger, Meunier et les membres du groupe socialiste et républicain, est ainsi libellé :
Compléter cet article par un paragraphe ainsi rédigé :
… – La mise en œuvre du I peut s’appuyer sur des applications de communications électroniques permettant la vocalisation du texte, la transcription de la voix en texte, la traduction en et depuis la langue française de signes ou la transcription en et depuis le langage parlé complété. Cette mise en œuvre ne peut se substituer au service de traduction simultanée écrite et visuelle mentionné au même I qu’à la condition de garantir son accessibilité à toutes les personnes sourdes et malentendantes.
Mes chers collègues, je vous signale que, en deux heures de débats, nous avons adopté un amendement… Il en reste plus de 350 à examiner !
Articles additionnels après l'article 43 (priorité)
Mme la présidente. L’amendement n° 480, présenté par Mmes David et Assassi, MM. Bosino, Abate et les membres du groupe communiste républicain et citoyen, est ainsi libellé :
Après l’article 43
Insérer un article additionnel ainsi rédigé :
Le 4° de l’article L. 35-1 du code des postes et des communications électroniques est complété par une phrase ainsi rédigée :
« Les appels téléphoniques à destination des services et administrations publiques pour les utilisateurs finaux handicapés ne peuvent donner lieu à une surfacturation et doivent bénéficier d’un tarif simplifié se basant sur le coût d’une communication locale. »
La parole est à M. Jean-Pierre Bosino.
M. Jean-Pierre Bosino. L’usage des services téléphoniques et d’internet est très important pour les personnes en situation de handicap.
De fait, les appels de ces personnes peuvent durer plus longtemps que ceux des personnes valides, soit parce que leur handicap s’accompagne de difficultés à s’exprimer, soit parce que leurs demandes sont plus larges. Par exemple, elles peuvent être amenées non seulement à demander un renseignement sur des horaires de train, mais aussi à acheter un billet ou à solliciter un accompagnement spécifique en gare.
On peut donc considérer que l’usage du téléphone leur est particulièrement nécessaire et doit leur être garanti, d’autant qu’il s’agit d’un service public qui se veut universel.
Aujourd’hui, les bénéficiaires de l’allocation adulte handicapé disposent de la réduction sociale téléphonique, dont le montant s’élève à 4,20 euros hors taxes par mois. Cela est très peu quand les communications avec la SNCF coûtent 40 centimes par minute et ceux avec la sécurité sociale 12 centimes par minute !
Dans un rapport sur l’accueil à distance dans les administrations publié en août 2007, l’Inspection générale des finances estime que le coût d’un contact avec l’administration peut atteindre plusieurs dizaines d’euros. On peut imaginer que ce coût est plus élevé pour les personnes en situation de handicap, dont les demandes peuvent être plus spécifiques.
Ce rapport pointe d’ailleurs le fait que le développement de l’accueil à distance s’est effectué en dehors de tout cadre légal, ce qui rendrait possibles des recours des administrés contre l’administration, l’accès au service public étant censé être gratuit.
C’est pourquoi nous demandons l’interdiction de la surfacturation des appels téléphoniques à destination des services et administrations publics, à tout le moins en faveur des personnes en situation de handicap.
Mme la présidente. Quel est l’avis de la commission ?
M. Christophe-André Frassa, rapporteur. Mon cher collègue, je vous invite à considérer votre amendement comme satisfait par le dispositif que nous venons d’adopter, en vertu duquel les services en question sont rendus accessibles sans surcoût.
De plus, les services de traduction qui vont se mettre en place permettront aux personnes handicapées de communiquer plus efficacement avec leurs interlocuteurs, ce qui évitera la prolongation de leurs appels téléphoniques.
Je vous demande donc, mon cher collègue, de bien vouloir retirer cet amendement.
Mme la présidente. Quel est l’avis du Gouvernement ?
Mme Axelle Lemaire, secrétaire d’État. Je vous suggère également, monsieur le sénateur, de retirer votre amendement, à la suite de l’adoption de l’amendement n° 614 rectifié du Gouvernement.
Je suis naturellement d’accord avec vous sur le fond : le dispositif doit être sans surcoût pour les bénéficiaires.
Un appel à un ami s’inscrit dans le cadre de l’offre des opérateurs prévue au I de l’amendement du Gouvernement, avec la limite d’un « usage raisonnable », notion qui sera définie sous le strict contrôle du régulateur indépendant qu’est l’Autorité de régulation des communications électroniques et des postes, l’ARCEP, en partenariat avec les associations. Il s’agit de rendre le dispositif soutenable, mais aussi de lui permettre d’évoluer dans le temps en fonction de l’évolution des besoins et des usages. De l’expérimentation de centre relais qui avait été menée pendant un an, il ressortait que les usages interpersonnels représentaient entre 7 % et 15 % des appels, ce qui semble, précisément, raisonnable.
Quant aux appels vers les services publics, les centres des impôts par exemple, ils seront gratuits, hormis bien sûr le coût de connexion à internet s’il est recouru à la vidéo par ce biais. Il en ira de même pour les appels passés au service clients d’une grande entreprise.
Dans les trois cas, il n’y aura donc effectivement pas de surcoût pour les utilisateurs.
Mme la présidente. La parole est à M. Jean-Pierre Bosino, pour explication de vote.
M. Jean-Pierre Bosino. Nous maintenons l’amendement. En effet, si j’entends bien l’argumentation de Mme la secrétaire d’État, il n’en reste pas moins que les appels à la SNCF ou à la sécurité sociale sont bel et bien surtaxés : notre amendement garde donc toute sa pertinence.
Mme la présidente. L’amendement n° 13 rectifié ter, présenté par M. Mouiller, Mme Cayeux, M. Mayet, Mmes Canayer et Deromedi, MM. Calvet et Morisset, Mme Micouleau, MM. D. Robert, Milon et Masclet, Mme Morhet-Richaud, MM. Charon, Houel, Perrin, Raison, Delattre, D. Laurent, Laménie et G. Bailly, Mme Hummel et MM. Chasseing et Husson, est ainsi libellé :
Après l’article 43
Insérer un article additionnel ainsi rédigé :
Un rapport est remis au Parlement avant le 1er janvier 2017 sur la mise en place d’un centre relais téléphonique pour permettre l’accès au service téléphonique au public des personnes sourdes, malentendantes, sourdaveugles, aphasiques ou handicapées de la communication sur l’ensemble du territoire métropolitain et des collectivités d’outre-mer.
La parole est à M. Marc Laménie.
M. Marc Laménie. Le présent amendement a été déposé sur l’initiative de notre collègue Philippe Mouiller.
La loi du 11 février 2005 prévoyait l’obligation d’accessibilité des services téléphoniques publics, mais cette disposition n’avait pas été suivie d’effet.
Afin de permettre aux personnes sourdes, malentendantes, sourdaveugles, aphasiques ou handicapées de la communication d’accéder de manière effective à ces services, plusieurs voies sont possibles.
Le dispositif qui a été adopté en commission prévoit de doter la France d’un centre relais téléphonique généraliste dont la fonction est de permettre à ces personnes de passer et de recevoir des appels téléphoniques.
Ce futur centre relais permettrait, contrairement au dispositif proposé par le Gouvernement, le traitement de tous les appels sans discrimination, à l’instar de dispositifs existant déjà dans d’autres pays. Il répondrait aux besoins non seulement des 500 000 personnes concernées, qui souhaitent pouvoir communiquer avec un tiers dans les mêmes conditions que n’importe quelle autre personne, mais également de l’ensemble de leurs interlocuteurs téléphoniques potentiels. L’obligation d’accessibilité des services téléphoniques publics prévue dans la loi de 2005 serait ainsi effective.
L’expérimentation menée en 2014 et en 2015 d’un tel centre relais téléphonique, destiné à traiter les communications interpersonnelles entre personnes malentendantes, ainsi qu’entre ces personnes et celles sans handicap auditif, a fait naître de nombreuses attentes. Toutefois, la mise en place de ce centre relais téléphonique représente un coût estimé à 84 millions d’euros par an.
Mme la présidente. Quel est l’avis de la commission ?
M. Christophe-André Frassa, rapporteur. Nous venons d’adopter un dispositif qui tient compte des conclusions du rapport rendu par Mme Erhel en 2014, préconisant la création d’un tel centre relais téléphonique. Je ne puis donc que vous inviter à retirer cet amendement, qui se trouve satisfait par l’article 43.
Mme la présidente. Quel est l’avis du Gouvernement ?
Mme la présidente. Monsieur Laménie, l’amendement n° 13 rectifié ter est-il maintenu ?
M. Marc Laménie. Compte tenu de l’avis exprimé par M. le rapporteur et Mme la secrétaire d’État, ainsi que du travail réalisé, je le retire.
Mme la présidente. L’amendement n° 13 rectifié ter est retiré.
Section 2 (priorité)
Accès des personnes handicapées aux sites internet publics
Mme la présidente. L’amendement n° 256, présenté par Mme D. Gillot, MM. Sueur, Leconte, Rome, Camani, F. Marc, Assouline et Guillaume, Mmes Campion, Schillinger, Meunier et les membres du groupe socialiste et républicain, est ainsi libellé :
Dans l’intitulé de cette division, après le mot :
internet
insérer les mots :
et aux services bancaires par internet
La parole est à Mme Dominique Gillot.
Mme Dominique Gillot. Cet amendement fait écho à l’amendement n° 259, à l’article 44, que je vais donc présenter en même temps.
Le recours aux services bancaires via internet est aujourd’hui en train de se généraliser. Il faut donc que les personnes en situation de handicap puissent accéder à ces services au même titre que les personnes valides.
Mme la présidente. Quel est l’avis de la commission ?
M. Christophe-André Frassa, rapporteur. L’avis de la commission est défavorable. En effet, la directive européenne relative à l’accessibilité des produits et services invoquée dans les exposés des motifs de ces deux amendements n’a pas encore été adoptée, seule une proposition de directive ayant été élaborée en 2015. Il convient donc d’attendre l’issue du processus européen. Dans cette perspective, je vous serai reconnaissant, ma chère collègue, de bien vouloir retirer ces deux amendements. Sinon, l’avis sera défavorable.
Mme la présidente. Quel est l’avis du Gouvernement ?
Mme Axelle Lemaire, secrétaire d’État. Ma position est la même que celle de M. le rapporteur : je souhaiterais que vous retiriez les amendements nos 256 et 259, madame Gillot.
L’objet de l’article 44 est d’étendre à deux nouveaux niveaux l’obligation d’accessibilité qui était déjà prévue par la loi de 2005. Je dois souligner que ces apports sont issus de la consultation publique en ligne qui a été menée sur ce projet de loi.
L’obligation d’accessibilité est étendue aux organismes publics et aux organismes privés délégataires d’une mission de service public, ainsi qu’à tous les dispositifs de communication publique en ligne, certains sites étant aujourd’hui consultés à hauteur de plus de 50 % à partir de supports mobiles : téléphones ou smartphones.
Vous proposez, madame la sénatrice, d’ajouter les services bancaires au champ des acteurs concernés par le dispositif de cet article. Il va de soi que la question est légitime ; on aurait également pu viser les sites de commerce électronique ou les opérateurs de transports, qui répondent aussi à des besoins concrets du quotidien.
Toutefois, pour traiter correctement la question, il convient d’attendre l’issue des discussions menées au niveau européen en concertation avec l’ensemble des acteurs économiques concernés. Je suis impliquée dans ce combat. La proposition de directive inclut désormais les applications mobiles, alors qu’elle ne visait à l’origine que les sites internet. Quant à la proposition de directive relative à l’accessibilité des sites web d’organismes du secteur public, le prochain trilogue entre la Commission, le Parlement et le Conseil se tiendra le 3 mai.
À ce stade, je suis donc défavorable à vos amendements, mais vous aurez compris que le Gouvernement français partage votre objectif.
Mme la présidente. La parole est à Mme Dominique Gillot, pour explication de vote.
Mme Dominique Gillot. J’entends bien votre argumentation, madame la secrétaire d’État. Toutefois, pourquoi attendre que les discussions à Bruxelles soient achevées, alors que nous sommes d’accord pour avancer sur ce sujet ?
Nous percevons la nécessité d’apporter une réponse à un besoin de nos concitoyens, mais nous nous laissons paralyser par des calendriers que nous ne maîtrisons pas. Nous pourrions très bien anticiper la directive européenne : on ne nous sanctionnerait pas pour cela. Au contraire, nous montrerions la voie, sachant que, de toute façon, nous devrons sous peu traduire ces grands principes dans notre droit.
Voilà pourquoi je préconise que l’on ne se soumette pas au calendrier de la Commission européenne. L’article 44 nous permet d’introduire dès aujourd’hui des dispositions en matière d’accessibilité universelle et d’envoyer un message fort à des millions de citoyens en situation de handicap.
Je préside le Conseil national consultatif des personnes handicapées depuis six mois. Il compte une commission qui suit l’élaboration des textes européens : ses membres ne comprennent pas que l’on n’avance pas et que les textes français ne soient pas déjà en accord avec ce qui est entériné à l’échelon européen. Certes, la directive en question n’a pas encore été adoptée, mais inscrire dans la loi une telle mesure permettrait d’adresser un signal fort à nos concitoyens handicapés, qui attendent de pouvoir accéder eux aussi aux services bancaires en ligne.
Mme la présidente. La parole est à Mme la secrétaire d’État.
Mme Axelle Lemaire, secrétaire d’État. Le Gouvernement, j’y insiste, a vraiment la volonté d’avancer sur ce sujet, mais imposer de telles obligations en matière d’accessibilité aux seules entreprises françaises placerait celles-ci en situation de concurrence inégale avec les entreprises des autres pays européens. Aujourd’hui, vingt-quatre pays de l’Union européenne n’appliquent pas de telles dispositions au secteur privé.
Vous me direz que ce n’est pas parce que ces pays montrent le mauvais exemple qu’il faut les suivre, mais il y a un engagement très fort du Gouvernement français pour avancer rapidement sur ce sujet. Cela doit permettre de renforcer nos capacités de négociation avec le secteur privé pour parvenir à imposer le même niveau d’exigence à l’ensemble des pays européens.
Je comprends tout à fait l’impatience des personnes concernées, mais je vous prie de croire que la France est en première ligne sur cette question à Bruxelles : il vaut mieux entraîner tous nos partenaires européens dans cette voie.
Mme la présidente. Madame Gillot, l’amendement n° 256 est-il maintenu ?
Mme Dominique Gillot. Non, je le retire, madame la présidente, de même que l’amendement n° 259, par anticipation.
Mme la présidente. L’amendement n° 256 est retiré.
Article 44 (priorité)
I. – L’article 47 de la loi n° 2005-102 du 11 février 2005 précitée est ainsi rédigé :
« Art. 47. – I. – Les services de communication au public en ligne des services de l’État, des collectivités territoriales et des établissements publics qui en dépendent ainsi que ceux des organismes délégataires d’une mission de service public doivent être accessibles aux personnes handicapées.
« L’accessibilité des services de communication au public en ligne concerne l’accès à tout type d’information sous forme numérique, quels que soient le moyen d’accès, les contenus et le mode de consultation. Les recommandations internationales pour l’accessibilité de l’internet doivent être appliquées pour les services de communication publique en ligne.
« Les personnes mentionnées au premier alinéa élaborent un schéma pluriannuel de mise en accessibilité de leurs services de communication au public en ligne, qui est rendu public et décliné en plans d’actions annuels.
« II. – La page d’accueil de tout service de communication au public en ligne comporte une mention clairement visible précisant s’il est ou non conforme aux règles relatives à l’accessibilité ainsi qu’un lien renvoyant à une page indiquant notamment l’état de mise en œuvre du schéma pluriannuel de mise en accessibilité et du plan d’actions de l’année en cours mentionnés au I et permettant aux usagers de signaler les manquements aux règles d’accessibilité de ce service.
« III. – Le défaut de mise en conformité d’un service de communication au public en ligne avec les obligations prévues au II fait l’objet d’une sanction administrative dont le montant, qui ne peut excéder 5 000 €, est fixé par le décret en Conseil d’État mentionné au IV. Une nouvelle sanction est prononcée chaque année lorsque le manquement à ces dispositions perdure.
« IV. – Un décret en Conseil d’État fixe les règles relatives à l’accessibilité et précise, par référence aux recommandations établies par l’autorité administrative compétente, la nature des adaptations à mettre en œuvre ainsi que les délais de mise en conformité des services de communication au public en ligne existants, qui ne peuvent excéder trois ans, et les conditions dans lesquelles des sanctions sont imposées et recouvrées en cas de non-respect des obligations prévues au II. »
II (Non modifié). – L’article L. 111-7-12 du code de la construction et de l’habitation est ainsi modifié :
1° Le premier alinéa est complété par une phrase ainsi rédigée :
« Ce fonds peut également participer au financement des prestations destinées à assurer le respect de l’obligation d’accessibilité des services de communication au public en ligne, prévue à l’article 47 de la loi n° 2005-102 du 11 février 2005 pour l’égalité des droits et des chances, la participation et la citoyenneté des personnes handicapées. » ;
2° L’avant-dernier alinéa est complété par les mots : « ainsi qu’à l’article 47 de la loi n° 2005-102 du 11 février 2005 précitée ».
Mme la présidente. La parole est à Mme Dominique Gillot, sur l'article.
Mme Dominique Gillot. Le sujet est important, et nous vivons un moment historique : le Sénat consacre un long débat à la prise en compte des besoins et des attentes des personnes handicapées.
L’accessibilité numérique est un défi majeur pour les personnes en situation de handicap. Elle suppose le développement de moyens de communication dans tous les domaines de la vie : éducation, vie professionnelle, loisirs ou culture. Lutter pour réduire toutes les sources de l’exclusion numérique est un combat politique juste : l’illettrisme, la dyslexie, la complexité des informations numériques, les déficits sensoriels ou cognitifs excluent les personnes concernées de l’accès au numérique.
Bien que l’article 47 de la loi du 11 février 2005 prévoie une réglementation destinée à favoriser l’accès des personnes handicapées aux contenus numériques, la grande majorité des sites web du secteur public, de l’État ou des collectivités territoriales demeurent en pratique inaccessibles pour bien des personnes en situation de handicap.
Pourtant, en 2015, 12 millions de Français ont des besoins spécifiques en matière d’accessibilité. Parmi eux, 1,5 million sont atteints d’une déficience visuelle. Une part importante de nos concitoyens n’a donc pas accès aux services et aux contenus numériques, ce qui représente pourtant un droit fondamental au titre du droit à l’information.
La transversalité des usages et des pratiques digitaux transforme la vie de tous, en particulier celle des personnes handicapées, qui expriment une forte attente. Il en va de même des personnes qui vieillissent et qui, confrontées chaque jour à la diminution de leurs aptitudes, se retrouvent handicapées, sinon privées de l’accès au web.
L’article 44 du présent projet de loi précise les conditions d’accès des personnes avec handicap aux sites internet des organismes publics, en renforçant tant le contrôle du respect des obligations faites aux organismes concernés que les sanctions susceptibles d’être prononcées à leur encontre en cas de manquement.
Cet article s’inscrit dans le prolongement de la démarche pragmatique et incitative engagée depuis 2012 par le Gouvernement, qui nous propose aujourd’hui d’actualiser les grandes lois relatives au handicap en les mettant en phase avec les évolutions technologiques, notamment numériques.
Mme la présidente. L’amendement n° 355, présenté par M. Assouline, Mme D. Gillot, MM. Sueur, Leconte, Rome, Camani, F. Marc et Guillaume, Mmes Campion, Schillinger, Meunier et les membres du groupe socialiste et républicain, est ainsi libellé :
Rédiger ainsi cet article :
I. – L’article 47 de la loi n° 2005-102 du 11 février 2005 précitée est ainsi rédigé :
« Art. 47. – L’accessibilité des contenus et services numériques concerne l’accès à toute forme de contenus et de services numériques mis à disposition du public, des agents de la fonction publique et des salariés quels que soient le type de dispositif de diffusion utilisé et le handicap. Elle concerne tout spécialement les outils et supports pédagogiques virtuels utilisés dans le domaine de l’éducation scolaire et des études supérieures. Les recommandations internationales pour l’accessibilité des contenus et services numériques doivent être appliquées.
« Les contenus et services numériques, notamment les sites internet, intranet, extranet, applications mobiles, progiciels, objets connectés et mobilier urbain numérique des personnes chargées d’une mission de service public administratif, à caractère industriel et commercial, d’intérêt général et d’intérêt économique général, ainsi que ceux utilisés par les entreprises privées pour délivrer un service ou une information, doivent être accessibles aux personnes en situation de handicap.
« Un décret en Conseil d’État fixe les règles relatives à l’accessibilité des services et contenus numériques gérés par les personnes mentionnées au deuxième alinéa et gérant une mission de service public. Il précise, par référence au référentiel général d'accessibilité pour les administrations, et notamment la nature des adaptations à mettre en œuvre, les modalités de formation des personnels intervenant sur la conception, la production, la gestion et la mise à jour des contenus et services numériques.
« Les personnes privées souhaitant délivrer un service ou une information doivent se conformer aux standards internationaux en matière d’accessibilité.
« Les personnes mentionnées au deuxième alinéa élaborent un schéma d'accessibilité des services et contenus numériques. Ce schéma, dont la durée ne peut être supérieure à trois ans, est mis à disposition dans une page “accessibilité publique permettant aux usagers de signaler tout manquement à l’accessibilité”.
« Un décret en Conseil d’État fixe les règles relatives aux contenus, aux délais, aux modalités de suivi, de publication sur le service, de mise à jour et de contrôle de ce schéma et précise les montants et les modalités des sanctions pécuniaires imposées en cas de non-publication et de non-respect de ce schéma. Le produit issu de ces sanctions pécuniaires est recouvré comme les créances de l’État étrangères à l’impôt et au domaine et est versé au fonds d’accompagnement de l’accessibilité universelle prévu à l’article L. 111-7-12 du code de la construction et de l’habitation.
« Ce décret définit également l’autorité compétente de l’État à laquelle sont déférées les difficultés d’accessibilité des usagers en situation de handicap.
« La page d'accueil de tout service de communication au public en ligne comporte une mention clairement visible précisant s'il est ou non conforme aux règles relatives à l’accessibilité ainsi qu’un lien renvoyant à une page indiquant notamment l’état de mise en œuvre du schéma pluriannuel de mise en accessibilité. »
II. – L’article 6 sexies de la loi n° 83-634 du 13 juillet 1983 portant droits et obligations des fonctionnaires est complété par un alinéa ainsi rédigé :
« Ces aménagements incluent notamment celui de tous les outils numériques concourant à l'accomplissement de la mission des agents, notamment les logiciels métiers et de bureautique ainsi que les appareils mobiles. Ils concernent tout agent de la fonction publique, quels que soient sa position et son statut. »
III. – L’article L. 5213-6 du code du travail est complété par un alinéa ainsi rédigé :
« Ces aménagements incluent notamment celui de tous les outils numériques concourant à l'accomplissement de la mission des salariés, notamment les logiciels métiers et de bureautique ainsi que les appareils mobiles. Ils concernent tout salarié en situation de handicap quel que soit son statut dans l'entreprise. »
IV. – L’article L. 111-7-12 du code de la construction et de l’habitation est ainsi modifié :
1° Au premier alinéa, il est ajouté une phrase ainsi rédigée :
« Le fonds peut également participer au financement des prestations destinées à assurer le respect de l’obligation d’accessibilité des services de communication au public en ligne des autorités administratives, prévue par l’article 47 de la loi n° 2005-102 du 11 février 2005 pour l’égalité des droits et des chances, la participation et la citoyenneté des personnes handicapées. » ;
2° Le quatrième alinéa est complété par les mots : « et à l’article 47 de la loi n° 2005-102 du 11 février 2005 pour l'égalité des droits et des chances, la participation et la citoyenneté des personnes handicapées. » ;
V. – Le dernier alinéa de l’article 225-2 du code pénal est complété par une phrase ainsi rédigée :
« L’inaccessibilité technique des informations et services fournis par des outils de communication au public en ligne constitue un refus discriminatoire à partir du constat de l’absence de schéma de mise en accessibilité, ou du non-respect de ce schéma. »
La parole est à M. David Assouline.
M. David Assouline. Je crois, moi aussi, que nous vivons un moment très important. Je ne doute pas de l’engagement du Gouvernement sur cette question, mais je souhaite, par ce qui est presque un amendement d’appel, proposer une rédaction idéale de l’article… En effet, s’agissant des handicapés, il faut toujours étudier les problèmes jusqu’au bout et ne pas se contenter de faire preuve de pragmatisme.
Nous allons entériner l’avancée majeure proposée par le Gouvernement, mais je veux souligner qu’il faudra mener une concertation avec l’ensemble des entreprises du secteur privé, pour accompagner ce qui est prévu pour les administrations publiques.
Il faut dépasser le cadre restreint de l’information délivrée par les administrations publiques sur le web et favoriser l’accès de tous à l’éducation scolaire et aux études supérieures par le biais des supports pédagogiques virtuels. Il faut faciliter l’emploi des déficients visuels en exigeant l’accessibilité des logiciels métiers dans les secteurs public et privé, encourager la mise en accessibilité des outils de vente et des services en ligne, tels que les systèmes de facturation et de paiement, garantir l’accessibilité des objets connectés et des nouveaux mobiliers urbains dans les lieux recevant du public, tels les guichets automatiques, promouvoir l’accessibilité systématique ou des solutions alternatives pour les nouveaux produits de consommation numérique à destination du grand public, comme les smartphones et leurs applications.
Accéder à l’ensemble des services que je viens d’évoquer, qui relèvent très souvent du secteur privé, fait partie d’un exercice normal de la citoyenneté. Certains d’entre eux n’existent d’ailleurs plus que sous forme virtuelle, et l’on oublie que certaines personnes handicapées ne peuvent en bénéficier.
Je suis prêt à retirer cet amendement d’appel, car je sais bien qu’il ne faut pas adopter des dispositions qui ne seront pas applicables. C’est une erreur que nous avions faite en 2005. Cela étant, fixer alors un cap avait aussi permis de faire bouger beaucoup de choses.
Mme la présidente. Quel est l’avis de la commission ?
M. Christophe-André Frassa, rapporteur. Plusieurs amendements visent à étendre le champ de cet article relatif à l’accessibilité des sites internet publics pour les handicapés, que ceux-ci souffrent d’un handicap visuel ou fonctionnel, ainsi que pour la population vieillissante de notre pays.
Pour la clarté des débats, j’indique d’ores et déjà que la commission des lois est favorable aux amendements identiques nos 379 rectifié bis et 619.
La commission souhaite le retrait de l’amendement n° 355.
M. Loïc Hervé. C’est comme si c’était fait !
M. Christophe-André Frassa, rapporteur. Si l’extension du champ d’application de l’exigence d’accessibilité des services de l’État, des collectivités territoriales, des établissements publics et des établissements délégataires d’une mission de service public aux applications numériques et progiciels est une bonne chose, son extension aux entreprises privées sans distinction ne paraît pas judicieuse à ce stade.
La démarche européenne pour l’élaboration de la directive européenne relative au rapprochement des dispositions législatives, réglementaires et administratives des États membres en ce qui concerne les exigences en matière d’accessibilité applicables aux produits et services permettra une évolution ciblée et efficace de la législation. Seront ainsi rendus accessibles les produits et services vraiment utiles aux personnes handicapées dans leur vie quotidienne. Il convient donc d’attendre l’adoption de cette directive.
Mme la présidente. Quel est l’avis du Gouvernement ?
Mme Axelle Lemaire, secrétaire d'État. Le Gouvernement demande également le retrait de cet amendement, au profit de l’amendement n° 619 du Gouvernement.
Mme la présidente. Monsieur Assouline, l'amendement n° 355 est-il maintenu ?
M. David Assouline. Je le retire comme annoncé, madame la présidente, au profit de l’amendement n° 619, qui constitue déjà une avancée significative qu’il convient d’entériner.
Mme la présidente. L'amendement n° 355 est retiré.
Je suis saisie de deux amendements faisant l'objet d'une discussion commune.
L'amendement n° 257, présenté par Mme D. Gillot, MM. Sueur, Leconte, Rome, Camani, F. Marc, Assouline et Guillaume, Mmes Campion, Schillinger, Meunier et les membres du groupe socialiste et républicain, est ainsi libellé :
I.- Alinéa 2
Après les mots :
communication au public en ligne
insérer les mots :
, les applications numériques et les progiciels
II.- Alinéa 3, première phrase
Après les mots :
communication au public en ligne
insérer les mots :
, des applications numériques et des progiciels
III.- Alinéa 3, seconde phrase
Après les mots :
communication publique en ligne
insérer les mots :
, les applications numériques et les progiciels
IV.- Alinéas 5, 6, 7 et 10
Après les mots :
communication au public en ligne
insérer les mots :
, des applications numériques et des progiciels
La parole est à Mme Dominique Gillot.
Mme Dominique Gillot. Aujourd’hui, les applications destinées au grand public ont des fonctionnalités très diversifiées et une utilité appréciable pour les personnes handicapées qui ont su s’en emparer. Un aveugle peut désormais obtenir sur son téléphone portable des informations sur l’approche d’un bus, sur un parcours sportif, un guidage vers une adresse, la gestion de ses rendez-vous, l’oralisation d’informations sollicitées vocalement. Ces nouvelles applications permettent à des millions de personnes d’être plus autonomes dans leur vie quotidienne.
Malgré ces évolutions, pour de nombreux citoyens handicapés, les nouveaux logiciels ou applications numériques restent encore, et pour longtemps, réservés aux valides, par manque d’information, de moyens d’acquisition, par autocensure aussi, par méconnaissance des outils et de leur utilisation, voire par manque d’accompagnement adapté.
On constate que la plupart des nouveaux produits numériques ne sont pas utilisables par les personnes handicapées, notamment aveugles et malvoyantes. D’autres peuvent se faire arnaquer – j’emploie ce terme sciemment – par des vendeurs d’applications peu scrupuleux ou peu avertis des réelles aptitudes ou des besoins d’accompagnement du client.
Des salariés éprouvent également des difficultés dans le cadre de leurs pratiques professionnelles, lorsque les outils numériques mis à leur disposition ne sont pas accessibles ou, s’ils l’ont été, deviennent obsolètes et ne sont plus compatibles. C’est fréquemment le cas avec les progiciels, applications complètes permettant d’effectuer plusieurs tâches spécifiques à un domaine d’activité.
Il s’agit donc d’imposer aux éditeurs de progiciels et applications numériques de prévoir systématiquement les développements permettant leur mise en accessibilité pour les personnes avec handicap et, ce faisant, de se conformer aux recommandations internationales. L’application des standards de l’accessibilité numérique dès la conception des produits et des services permet d’en améliorer l’usage bien au-delà des personnes handicapées.
Je rappelle qu’un quart de la population européenne aura plus de soixante-cinq ans à l’horizon 2020. Or les personnes âgées peuvent éprouver des difficultés à utiliser internet, notamment lorsqu’elles sont confrontées à des problèmes de vue ou qu’elles n’y ont pas été habituées plus jeunes.
Mme la présidente. L'amendement n° 481, présenté par Mmes David et Assassi, MM. Bosino, Abate et les membres du groupe communiste républicain et citoyen, est ainsi libellé :
I. – Alinéa 2
Après les mots :
en ligne
insérer les mots :
, les applications numériques et les logiciels professionnels
II. – Alinéa 3, première phrase
Après les mots :
en ligne
insérer les mots :
, des applications numériques et des logiciels professionnels
III. – Alinéa 3, seconde phrase
Après les mots :
en ligne
insérer les mots :
, les applications numériques et les logiciels professionnels
IV. – Alinéa 5
Après les mots :
en ligne
insérer les mots :
, des applications numériques et des logiciels professionnels
La parole est à Mme Brigitte Gonthier-Maurin.
Mme Brigitte Gonthier-Maurin. Cet article est important, puisqu’il vise à rendre accessibles les services en ligne de l’État et de l’administration. Ce pas est pour le moins nécessaire, au regard du principe d’égalité de traitement par le service public et d’accès universel et gratuit à ce dernier.
En effet, il est inconcevable qu’une partie non négligeable de la population soit exclue de ces sources d’information et de services que sont les sites internet de l’administration.
Pour autant, d’autres injustices perdurent, en matière d’accessibilité des logiciels professionnels ou d’utilisation d’intranet et d’extranet. En effet, la loi de 2005 prévoit l’inclusion des personnes en situation de handicap à l’école ou dans la sphère professionnelle. Or, ces principes, pour ne pas rester incantatoires, doivent être mis en œuvre sur le plan opérationnel. Cela passe notamment par la mise en accessibilité des outils de travail, notamment les logiciels.
Une directive européenne devrait bientôt imposer la mise en accessibilité des produits et services. En attendant, nous considérons qu’il serait opportun de prendre l’initiative à l’occasion de l’examen de ce projet de loi. La mise en accessibilité des applications mobiles serait à cet égard un premier pas. En effet, ces applications, qui se développent et deviennent un pan important de l’économie, ne doivent pas d’emblée exclure les personnes en situation de handicap. Il n’est pas logique que l’article 44 prévoie de rendre accessible le site internet des impôts, mais pas l’application impots.gouv.
Nous proposons, par cet amendement, de mieux prendre en compte l’évolution des techniques et des pratiques en rendant accessibles les logiciels professionnels et les applications numériques, à tout le moins ceux des administrations publiques. Il est à noter que cela devra nécessairement s’accompagner d’une meilleure prise en compte de l’accessibilité dans la formation des développeurs de sites, logiciels et applications.
Mme la présidente. Quel est l’avis de la commission ?
M. Christophe-André Frassa, rapporteur. La commission considère que ces deux amendements, qui visent à étendre l’obligation d’accessibilité numérique aux applications et progiciels, sont en partie satisfaits par les amendements identiques nos 379 rectifié bis et 619. Elle en demande donc le retrait.
Mme la présidente. Quel est l’avis du Gouvernement ?
Mme Axelle Lemaire, secrétaire d'État. Le Gouvernement demande également le retrait de ces amendements, puisque l’amendement n° 619 a pour objet l’extension de l’obligation d’accessibilité aux applications mobiles et aux progiciels.
J’ai souhaité imposer l’accessibilité de tout type d’information sous forme numérique, quels que soient les moyens d’accès, les contenus et le mode de consultation. J’ajoute qu’il est très important de travailler sur les normes pour les adapter aux dispositifs mobiles ; c’est ce que fait actuellement la Direction interministérielle des systèmes d’information et de communication de l’État.
On dit nos téléphones intelligents. Certains le sont : la fonction « paramètres » peut permettre d’accéder à une vocalisation du contenu. Cependant, il faut maintenant travailler sur les normes, pour que les contenus issus d’applications tierces soient interopérables et largement accessibles.
Mme la présidente. Madame Gillot, l'amendement n° 257 est-il maintenu ?
Mme Dominique Gillot. Non, je vais le retirer, madame la présidente. L’amendement n° 619 est très complet et reprend beaucoup des dispositions que nous souhaitons introduire.
Cela étant, il faut bien avoir conscience de l’importance de cette adaptation. Nous discuterons prochainement du projet de loi sur le travail. Le travail des personnes handicapées est une question essentielle. Certaines personnes deviennent handicapées et sont alors déclarées inaptes au travail. Or, si une attention particulière était portée à l’adaptation de leur poste de travail, avec le recours à des applications spécifiques, elles pourraient rester dans la vie active. Ainsi, ces personnes conserveraient leur dignité et les entreprises éviteraient la perte de compétences.
C’est pourquoi ces amendements ont une portée sociétale et économique, au-delà du seul cas des personnes handicapées. La société inclusive que nous appelons de nos vœux doit être bâtie chaque jour.
Je retire l’amendement.
Mme la présidente. L'amendement n° 257 est retiré.
Madame Gonthier-Maurin, l'amendement n° 481 est-il maintenu ?
Mme Brigitte Gonthier-Maurin. Non, je le retire, madame la présidente, en appuyant résolument l’argumentation de Dominique Gillot.
Mme la présidente. L'amendement n° 481 est retiré.
Mes chers collègues, je tiens à appeler votre attention sur le fait qu’il reste 341 amendements à examiner. Le sujet est certes important, mais peut-être faudrait-il faire un effort de synthèse…
M. Bruno Sido. Ce n’est pas nous qui rallongeons les débats !
Mme la présidente. Je suis saisie de deux amendements identiques.
L'amendement n° 379 rectifié bis est présenté par Mme D. Gillot, M. Assouline et les membres du groupe socialiste et républicain.
L'amendement n° 619 est présenté par le Gouvernement.
Ces deux amendements sont ainsi libellés :
I. – Alinéa 3, première phrase
Compléter cette phrase par les mots :
et vise notamment les sites internet, intranet, extranet, applications mobiles, progiciels et mobilier urbain numérique
II.- Alinéa 4
Compléter cette phrase par les mots :
et dont la durée ne peut être supérieure à trois ans
III. - Alinéa 7
Compléter cet alinéa par une phrase ainsi rédigée :
Ce décret définit les modalités de formation des personnels intervenant sur les services de communication publique en ligne.
IV. – Compléter cet article par un paragraphe ainsi rédigé :
… – L’article 6 sexies de la loi n° 83-634 du 13 juillet 1983 portant droits et obligations des fonctionnaires est complété par un alinéa ainsi rédigé :
« Ces aménagements incluent notamment celui de tous les outils numériques concourant à l’accomplissement de la mission des agents, notamment les logiciels métiers et de bureautique ainsi que les appareils mobiles. Ils concernent tout agent de la fonction publique, quels que soient sa position et son statut. »
La parole est à Mme Dominique Gillot, pour présenter l’amendement n° 379 rectifié bis.
Mme Dominique Gillot. Il est défendu, madame la présidente.
Mme la présidente. La parole est à Mme la secrétaire d'État, pour présenter l’amendement n° 619.
Mme Axelle Lemaire, secrétaire d'État. Il s’agit de prévoir l’ajout d’une mention visible sur les sites, afin de responsabiliser les acteurs et surtout de s’assurer de la mise en œuvre des obligations contenues dans la loi de 2005. En effet, nous introduisons un schéma pluriannuel de mise en accessibilité et mettons l’accent sur la formation et sur l’environnement de travail.
En substance, l’adoption de cet amendement permettra de répondre à l’ensemble des préoccupations qui ont été exprimées dans cet hémicycle.
Mme la présidente. Quel est l’avis de la commission ?
M. Christophe-André Frassa, rapporteur. La commission émet un avis favorable.
Mme la présidente. Je mets aux voix les amendements identiques nos 379 rectifié bis et 619.
(Les amendements sont adoptés.)
Mme la présidente. L'amendement n° 258, présenté par Mme D. Gillot, MM. Sueur, Leconte, Rome, Camani, F. Marc, Assouline et Guillaume, Mmes Campion, Schillinger, Meunier, Conway-Mouret et les membres du groupe socialiste et républicain, est ainsi libellé :
Alinéa 2
Après les mots :
mission de service public
insérer les mots :
, des services de communication des entreprises bénéficiant d’un financement public et des entreprises fournissant des services d’intérêt général
La parole est à Mme Dominique Gillot.
Mme Dominique Gillot. Il s’agit d’étendre l’obligation d’accessibilité numérique aux sites internet des entreprises bénéficiant d’un financement public et des entreprises fournissant des services d’intérêt général.
Le numérique, désormais omniprésent, devrait offrir aux personnes avec handicap la possibilité d’effectuer, à l’instar de la population « valide », des tâches courantes, telles que réaliser des démarches administratives, faire des achats en ligne, consulter une messagerie, préparer un voyage ou consulter des ressources documentaires en ligne. Encore faut-il que ces contenus numériques leur soient accessibles.
Certaines entreprises se rendent compte qu’il y a là un potentiel de clientèle intéressant, mais ce n’est pas le cas de toutes, d’où la formation de poches d’exclusion.
La résolution de 2002 du Parlement européen et la communication de 2008 de la Commission européenne prévoyaient non seulement d’établir l’accessibilité des sites web privés, en commençant par ceux qui bénéficient d’un financement public, « dès que possible », mais aussi d’encourager « les prestataires de services non publics, en particulier les propriétaires de sites web fournissant des services d’intérêt général et les fournisseurs de sites web commerciaux » à améliorer l’accessibilité des contenus.
Nous sommes en 2016 : force est de constater qu’un retard considérable a été pris dans la mise en accessibilité numérique !
Les administrations et services publics doivent être exemplaires, mais ils ne doivent pas être les seuls concernés par l’accessibilité numérique : celle-ci doit être universelle. Le secteur privé doit lui aussi tenir compte des millions d’utilisateurs et de clients potentiels en situation permanente ou temporaire de handicap, d’autant que l’accessibilité ouvre de nouveaux usages. C’est un facteur d’innovation formidable pour les entreprises du secteur privé, qui peuvent se développer sur de nouveaux marchés, conquérir une nouvelle clientèle.
Si nos sites web sont en retard, c’est que, malgré les recommandations internationales, une véritable réglementation relative à l’accessibilité numérique du secteur privé n’a pas été élaborée. Ce texte nous en donne l’occasion.
Mme la présidente. L'amendement n° 259, présenté par Mme D. Gillot, MM. Sueur, Leconte, Rome, Camani, F. Marc, Assouline et Guillaume, Mmes Campion, Schillinger, Meunier et les membres du groupe socialiste et républicain, est ainsi libellé :
Alinéa 2
Après les mots :
service public
insérer les mots :
et des établissements bancaires
Cet amendement a été retiré.
L'amendement n° 260, présenté par Mme D. Gillot, MM. Sueur, Leconte, Rome, Camani, F. Marc, Assouline et Guillaume, Mmes Campion, Schillinger, Meunier et les membres du groupe socialiste et républicain, est ainsi libellé :
Alinéa 6, première phrase
Remplacer le montant :
5 000 €
par le montant :
45 000 €
La parole est à Mme Dominique Gillot.
Mme Dominique Gillot. Les usagers des équipements numériques constatent que l’accessibilité n’est pas universelle. Les pénalités prévues, d’un montant de 5 000 euros au maximum, ne sont nullement suffisantes. Il conviendrait donc de les alourdir. Cela étant, cet amendement n’ayant guère d’avenir, je le retire dès à présent.
Mme la présidente. L'amendement n° 260 est retiré.
Quel est l’avis de la commission sur l’amendement n° 258 ?
M. Christophe-André Frassa, rapporteur. Cet amendement vise à étendre l’obligation d’accessibilité aux sites internet des entreprises bénéficiant d’un financement public et des entreprises fournissant des services d’intérêt général. Faute de disposer d’éléments d’appréciation sur la pertinence d’une telle extension, la commission sollicite l’avis du Gouvernement.
Mme la présidente. Quel est donc l’avis du Gouvernement ?
Mme la présidente. Madame Gillot, l'amendement n° 258 est-il maintenu ?
Mme Dominique Gillot. Je voudrais que, dans cet hémicycle, on se rende compte que l’on ne peut pas traiter le problème de cette manière, en s’en remettant à une circulaire à venir et en refusant de contraindre les entreprises : des millions de nos concitoyens attendent une prise de position forte du Parlement et du Gouvernement.
Je déplore qu’une impatience s’exprime lorsque l’on évoque un peu longuement ces sujets, qui concernent pourtant des millions de citoyens dans l’attente d’une amélioration de leur vie quotidienne.
Par conséquent, je maintiens cet amendement.
Mme la présidente. La parole est à Mme la secrétaire d'État.
Mme Axelle Lemaire, secrétaire d'État. Madame la sénatrice, votre préoccupation est tout à fait légitime, et si vous avez senti s’exprimer de l’impatience, j’en suis sincèrement désolée.
Sur cet amendement, ma réponse est la même que celle que j’ai faite à propos de l’extension de l’obligation d’accessibilité au secteur privé de manière générale. L’adopter reviendrait à faire peser des obligations sur les seules entreprises françaises, alors même que nous sommes très actifs sur ce sujet à Bruxelles. L’idée est d’instaurer les mêmes règles pour les vingt-huit pays de l’Union européenne.
Mme Dominique Gillot. Je vise uniquement les entreprises bénéficiant d’un financement public !
Mme la présidente. L'amendement n° 23 rectifié bis, présenté par MM. Grand, Milon, Calvet, Laufoaulu, Huré, Laménie et Lefèvre, Mme Duchêne, M. Savin, Mme Gruny, MM. G. Bailly, Pellevat, Gremillet, Chasseing, Charon, Lemoyne et Houel et Mme Deroche, n'est pas soutenu.
Je mets aux voix l'article 44, modifié.
(L'article 44 est adopté.)
Article additionnel après l'article 44 (priorité)
Mme la présidente. L'amendement n° 601, présenté par le Gouvernement, est ainsi libellé :
Après l’article 44
Insérer un article additionnel ainsi rédigé :
I. – Le code de l’action sociale et des familles est ainsi modifié :
1° Le dernier alinéa de l’article L. 146-4 est supprimé ;
2° L’article L. 241-3 est ainsi rédigé :
« Art. L. 241-3. - I. - La carte mobilité inclusion destinée aux personnes physiques est délivrée par le président du conseil départemental au vu de l’appréciation mentionnée au 3° du I de l’article L. 241-6 de la commission mentionnée à l'article L. 146-9. Elle peut comprendre une ou plusieurs des mentions suivantes, chacune à titre définitif ou pour une durée déterminée :
« 1° La mention “invalidité” est attribuée à toute personne dont le taux d'incapacité permanente est au moins de 80 % ou qui a été classée en 3e catégorie de la pension d'invalidité de la sécurité sociale.
« Cette mention permet notamment d'obtenir une priorité d'accès aux places assises dans les transports en commun, dans les espaces et salles d'attente ainsi que dans les établissements et les manifestations accueillant du public, tant pour son titulaire que pour la personne qui l'accompagne dans ses déplacements. Elle permet également d'obtenir une priorité dans les files d'attente. Cette disposition doit être rappelée par un affichage clair et visible dans les lieux dans lesquels ce droit s'exerce.
« Ces dispositions sont applicables aux Français établis hors de France ;
« 2° La mention “priorité” est attribuée à toute personne atteinte d'une incapacité inférieure à 80 % rendant la station debout pénible.
« Elle permet d'obtenir une priorité d'accès aux places assises dans les transports en commun, dans les espaces et salles d'attente ainsi que dans les établissements et les manifestations accueillant du public. Elle permet également d'obtenir une priorité dans les files d'attente ;
« 3° La mention “stationnement” pour personnes handicapées est attribuée à toute personne, atteinte d'un handicap qui réduit de manière importante et durable sa capacité et son autonomie de déplacement à pied ou qui impose qu'elle soit accompagnée par une tierce personne dans ses déplacements.
« Les organismes utilisant un véhicule destiné au transport collectif des personnes handicapées peuvent recevoir la carte mobilité inclusion avec la mention stationnement par le préfet.
« La mention “stationnement” pour personnes handicapées permet à son titulaire ou à la tierce personne l'accompagnant d'utiliser, à titre gratuit et sans limitation de la durée de stationnement, toutes les places de stationnement ouvertes au public. Toutefois, les autorités compétentes en matière de circulation et de stationnement peuvent fixer une durée maximale de stationnement qui ne peut être inférieure à douze heures. Cette mention permet, dans les mêmes conditions, de bénéficier des autres dispositions qui peuvent être prises en faveur des personnes handicapées par les autorités compétentes en matière de circulation et de stationnement.
« Les mêmes autorités peuvent également prévoir que, pour les parcs de stationnement disposant de bornes d'entrée et de sortie accessibles aux personnes handicapées depuis leur véhicule, les titulaires de cette mention sont soumis au paiement de la redevance de stationnement en vigueur.
« II. – Par dérogation, les mentions “invalidité” et “stationnement” de la carte mobilité inclusion sont délivrées à titre définitif aux demandeurs et aux bénéficiaires de l’allocation prévue à l’article L.232-1 classés dans le groupe 1 ou 2 de la grille nationale mentionnée à l'article L. 232-2, au vu de la seule décision d'attribution de l'allocation.
« III. – Par dérogation, pour les personnes relevant du code des pensions militaires d'invalidité et de victimes de la guerre qui remplissent les conditions mentionnées au 3° du I du présent article, le représentant de l'État dans le département délivre une carte de stationnement après instruction par le service départemental de l’Office national des anciens combattants et victimes de guerre de leur lieu de résidence.
« IV. – Les démarches de demande initiale et de duplicata de la carte mobilité inclusion peuvent être effectuées par voie dématérialisée.
« V. – Un décret en Conseil d'État fixe les conditions d'application du présent article, notamment les modalités de protection des données personnelles et de sécurisation de la carte. »
3° Les articles L. 241-3-1 et L. 241-3-2 sont abrogés ;
4° Le a du 3° du I de l’article L. 241-6 est ainsi modifié :
a) Les mots : « la carte d'invalidité et de la carte portant la mention : “Priorité pour personne handicapée” prévues respectivement aux articles L. 241-3 et L. 241-3-1 du présent code » sont remplacés par les mots : « la carte mobilité inclusion prévue à l’article L. 241-3 » ;
b) Les mots : « la carte d'invalidité, à l'exception de celle demandée par le bénéficiaire de l'allocation mentionnée à l'article L. 232-1 et classé dans le groupe 1 ou 2 de la grille nationale prévue à l'article L. 232-2, et de la carte portant la mention : “Priorité pour personne handicapée” prévues respectivement aux articles L. 241-3 et L. 241-3-1 du présent code » sont remplacés par les mots : « la carte mobilité inclusion prévue à l’article L. 241-3 ».
IV. – Au 3° de l’article L. 2213-2 du code général des collectivités territoriales, les mots : « carte de stationnement » sont remplacés par les mots : « carte mobilité inclusion avec la mention stationnement ».
V. – Au III de l’article 150 U, à la onzième ligne de la première colonne du tableau constituant le deuxième alinéa du 1 de l’article 168, au d bis du 1 et au 2 de l’article 195, à l’article 196 A bis, au a du I de l’article 244 quater J, au b du I de l’article 1011 bis, à l'avant-dernier alinéa du 2° du I de l’article 1011 ter et au 4° du 3 bis du II de l’article 1411 du code général des impôts, les mots : « carte d’invalidité » sont remplacés par les mots : « carte mobilité inclusion avec la mention invalidité ».
VI. – A la fin du second alinéa de l’article L. 4321-3 du code de la santé publique, les mots : « carte d'invalidité prévue par l'article 173 du code de la famille et de l'aide sociale » sont remplacés par les mots : « carte mobilité inclusion avec la mention invalidité prévue à l’article L. 241-3 du code de l’action sociale et des familles ».
VII. – Au 10° de l’article L. 5212-13 du code du travail, les mots : « carte d’invalidité » sont remplacés par les mots : « carte mobilité inclusion avec la mention invalidité ».
VIII. – Les cartes délivrées antérieurement à l’entrée en vigueur du présent article demeurent valables jusqu’à leur date d’expiration, sauf en cas de demande d’une carte mobilité inclusion avant cette date.
IX. - Le présent article entre en vigueur au 1er janvier 2017, à l’exception du III de l’article L. 241-3 nouveau, dans sa rédaction issue du 2° du I, qui entre en vigueur à une date fixée par décret et, au plus tard, trois ans après la promulgation de la présente loi.
Les demandes de carte en cours d’instruction à la date d’entrée en vigueur du présent article, donnent lieu à la délivrance de la carte mobilité inclusion.
La parole est à Mme la secrétaire d'État.
Mme Ségolène Neuville, secrétaire d'État auprès de la ministre des affaires sociales, de la santé et des droits des femmes, chargée des personnes handicapées et de la lutte contre l'exclusion. Je remercie Axelle Lemaire de me donner l’occasion de présenter cet amendement, qui est le fruit d’un travail collectif. Cela souligne le caractère transversal, interministériel de la politique du handicap que nous menons, des dispositions concernant le handicap étant insérées dans à peu près tous les textes que présente le Gouvernement.
Il s’agit, par cet amendement, de créer une nouvelle carte « mobilité inclusion », dont voici un prototype. (Mme la secrétaire d'État brandit une carte.) Comme vous le voyez, elle a le format d’une carte de crédit. Cette nouvelle carte en remplacerait trois : la carte de priorité, la carte d’invalidité et la carte de stationnement, qui ont des formats papier, à peu près doubles de celui de la nouvelle carte. Ce sont les maisons départementales des personnes handicapées, les MDPH, qui les attribuent ou pas, en fonction de la nature du handicap et des besoins de la personne. Cela représente une part importante du travail des maisons départementales des personnes handicapées : en 2014, près de 900 000 cartes ont été distribuées, et de 20 % à 30 % des demandes adressées aux MDPH ont trait à leur attribution. Le délai moyen pour obtenir ces cartes est de quatre mois ; c’est long pour les personnes concernées, très lourd pour les MDPH. Ceux d’entre vous qui exercent des fonctions électives à l’échelon départemental le savent très bien.
De surcroît, ce système est très artisanal : les cartes sont fabriquées sur papier par les MDPH, grâce à des machines à œillets, avec insertion de la photo du bénéficiaire… Cela prend un temps considérable aux agents de ces structures.
Lors de la conférence nationale du handicap du 11 décembre 2014, le Président de la République avait annoncé une mesure de simplification : la voilà. Elle a bien sûr été élaborée avec l’ensemble des parties prenantes, à savoir l’Assemblée des départements de France, les directeurs des MDPH, les associations représentatives des personnes handicapées.
Cet amendement prévoit d’externaliser la fabrication de ces cartes, en la confiant au groupe Imprimerie nationale, qui a une expérience reconnue en la matière, puisque c’est lui qui fabrique les cartes nationales d’identité.
Pour passer d’une fabrication artisanale dans les MDPH à une fabrication numérisée par le groupe Imprimerie nationale, il faut modifier la loi. (Mme Dominique Gillot s’étonne.) J’en ai été la première surprise, madame la sénatrice !
En ce qui concerne les cartes de stationnement, elles ne sont pas toujours fabriquées dans les MDPH. Dans vingt-trois départements, elles le sont par les services de l’État, à savoir les directions départementales de la cohésion sociale. Dans les deux cas, cela reste un travail très artisanal. Jusqu’à présent, c’est le président de la commission des droits et de l’autonomie des personnes handicapées, la CDAPH, qui signe la carte de priorité et la carte d’invalidité pour l’officialiser, et c’est le préfet qui signe la carte de stationnement.
Nous proposons, par mesure de simplification, que toutes les cartes soient signées par le président ou la présidente du conseil départemental, à l’exception des cartes de stationnement attribuées pour un véhicule de transport collectif de personnes, qui continueront à relever de la signature du préfet. Une autre dérogation concerne les cartes délivrées par l’Office national des anciens combattants et victimes de guerre, qui ne souhaite pas, pour l’instant, participer à ce dispositif.
Je terminerai en vous priant de m’excuser d’avoir à rectifier cet amendement en séance, afin de ne conserver, à la première phrase du IX, que les mots : « Le présent article entre en vigueur au 1er janvier 2017. »
Par ailleurs, l’exposé des motifs contient une inexactitude. En effet, la gestion de la délivrance et du cycle de vie de la carte par téléservice par le groupe Imprimerie nationale n’a rien à voir avec l’achèvement du système d’information des MDPH, l’Imprimerie nationale disposant déjà d’un système clients géré par téléservice pour les autres formes de cartes. Cette structure sera donc tout à fait en mesure de traiter directement les dossiers.
Mme la présidente. Je suis donc saisie d’un amendement n° 601 rectifié, présenté par le Gouvernement et ainsi libellé :
Après l’article 44
Insérer un article additionnel ainsi rédigé :
I. – Le code de l’action sociale et des familles est ainsi modifié :
1° Le dernier alinéa de l’article L. 146-4 est supprimé ;
2° L’article L. 241-3 est ainsi rédigé :
« Art. L. 241-3. - I. - La carte mobilité inclusion destinée aux personnes physiques est délivrée par le président du conseil départemental au vu de l’appréciation mentionnée au 3° du I de l’article L. 241-6 de la commission mentionnée à l'article L. 146-9. Elle peut comprendre une ou plusieurs des mentions suivantes, chacune à titre définitif ou pour une durée déterminée :
« 1° La mention “invalidité” est attribuée à toute personne dont le taux d'incapacité permanente est au moins de 80 % ou qui a été classée en 3e catégorie de la pension d'invalidité de la sécurité sociale.
« Cette mention permet notamment d'obtenir une priorité d'accès aux places assises dans les transports en commun, dans les espaces et salles d'attente ainsi que dans les établissements et les manifestations accueillant du public, tant pour son titulaire que pour la personne qui l'accompagne dans ses déplacements. Elle permet également d'obtenir une priorité dans les files d'attente. Cette disposition doit être rappelée par un affichage clair et visible dans les lieux dans lesquels ce droit s'exerce.
« Ces dispositions sont applicables aux Français établis hors de France ;
« 2° La mention “priorité” est attribuée à toute personne atteinte d'une incapacité inférieure à 80 % rendant la station debout pénible.
« Elle permet d'obtenir une priorité d'accès aux places assises dans les transports en commun, dans les espaces et salles d'attente ainsi que dans les établissements et les manifestations accueillant du public. Elle permet également d'obtenir une priorité dans les files d'attente ;
« 3° La mention “stationnement” pour personnes handicapées est attribuée à toute personne, atteinte d'un handicap qui réduit de manière importante et durable sa capacité et son autonomie de déplacement à pied ou qui impose qu'elle soit accompagnée par une tierce personne dans ses déplacements.
« Les organismes utilisant un véhicule destiné au transport collectif des personnes handicapées peuvent recevoir la carte mobilité inclusion avec la mention stationnement par le préfet.
« La mention “stationnement” pour personnes handicapées permet à son titulaire ou à la tierce personne l'accompagnant d'utiliser, à titre gratuit et sans limitation de la durée de stationnement, toutes les places de stationnement ouvertes au public. Toutefois, les autorités compétentes en matière de circulation et de stationnement peuvent fixer une durée maximale de stationnement qui ne peut être inférieure à douze heures. Cette mention permet, dans les mêmes conditions, de bénéficier des autres dispositions qui peuvent être prises en faveur des personnes handicapées par les autorités compétentes en matière de circulation et de stationnement.
« Les mêmes autorités peuvent également prévoir que, pour les parcs de stationnement disposant de bornes d'entrée et de sortie accessibles aux personnes handicapées depuis leur véhicule, les titulaires de cette mention sont soumis au paiement de la redevance de stationnement en vigueur.
« II. – Par dérogation, les mentions “invalidité” et “stationnement” de la carte mobilité inclusion sont délivrées à titre définitif aux demandeurs et aux bénéficiaires de l’allocation prévue à l’article L.232-1 classés dans le groupe 1 ou 2 de la grille nationale mentionnée à l'article L. 232-2, au vu de la seule décision d'attribution de l'allocation.
« III. – Par dérogation, pour les personnes relevant du code des pensions militaires d'invalidité et de victimes de la guerre qui remplissent les conditions mentionnées au 3° du I du présent article, le représentant de l'État dans le département délivre une carte de stationnement après instruction par le service départemental de l’Office national des anciens combattants et victimes de guerre de leur lieu de résidence.
« IV. – Les démarches de demande initiale et de duplicata de la carte mobilité inclusion peuvent être effectuées par voie dématérialisée.
« V. – Un décret en Conseil d'État fixe les conditions d'application du présent article, notamment les modalités de protection des données personnelles et de sécurisation de la carte. »
3° Les articles L. 241-3-1 et L. 241-3-2 sont abrogés ;
4° Le a du 3° du I de l’article L. 241-6 est ainsi modifié :
a) Les mots : « la carte d'invalidité et de la carte portant la mention : “Priorité pour personne handicapée” prévues respectivement aux articles L. 241-3 et L. 241-3-1 du présent code » sont remplacés par les mots : « la carte mobilité inclusion prévue à l’article L. 241-3 » ;
b) Les mots : « la carte d'invalidité, à l'exception de celle demandée par le bénéficiaire de l'allocation mentionnée à l'article L. 232-1 et classé dans le groupe 1 ou 2 de la grille nationale prévue à l'article L. 232-2, et de la carte portant la mention : “Priorité pour personne handicapée” prévues respectivement aux articles L. 241-3 et L. 241-3-1 du présent code » sont remplacés par les mots : « la carte mobilité inclusion prévue à l’article L. 241-3 ».
IV. – Au 3° de l’article L. 2213-2 du code général des collectivités territoriales, les mots : « carte de stationnement » sont remplacés par les mots : « carte mobilité inclusion avec la mention stationnement ».
V. – Au III de l’article 150 U, à la onzième ligne de la première colonne du tableau constituant le deuxième alinéa du 1 de l’article 168, au d bis du 1 et au 2 de l’article 195, à l’article 196 A bis, au a du I de l’article 244 quater J, au b du I de l’article 1011 bis, à l'avant-dernier alinéa du 2° du I de l’article 1011 ter et au 4° du 3 bis du II de l’article 1411 du code général des impôts, les mots : « carte d’invalidité » sont remplacés par les mots : « carte mobilité inclusion avec la mention invalidité ».
VI. – A la fin du second alinéa de l’article L. 4321-3 du code de la santé publique, les mots : « carte d'invalidité prévue par l'article 173 du code de la famille et de l'aide sociale » sont remplacés par les mots : « carte mobilité inclusion avec la mention invalidité prévue à l’article L. 241-3 du code de l’action sociale et des familles ».
VII. – Au 10° de l’article L. 5212-13 du code du travail, les mots : « carte d’invalidité » sont remplacés par les mots : « carte mobilité inclusion avec la mention invalidité ».
VIII. – Les cartes délivrées antérieurement à l’entrée en vigueur du présent article demeurent valables jusqu’à leur date d’expiration, sauf en cas de demande d’une carte mobilité inclusion avant cette date.
IX. - Le présent article entre en vigueur au 1er janvier 2017.
Les demandes de carte en cours d’instruction à la date d’entrée en vigueur du présent article, donnent lieu à la délivrance de la carte mobilité inclusion.
Le sous-amendement n° 658 rectifié, présenté par MM. Huré, Savary, Vasselle, G. Bailly et Sido et Mmes Deroche et Deromedi, est ainsi libellé :
Amendement n° 601 rectifié
Après l’alinéa 15
Insérer un paragraphe ainsi rédigé :
« … – Par dérogation, le président du conseil départemental :
« 1° Attribue les mentions “stationnement” et “invalidité” sur simple demande aux bénéficiaires de l’allocation prévue à l’article L. 232-1 et classés dans le groupe 1 ou 2 de la grille nationale mentionnée à l’article L. 232-2 ;
« 2° Attribue, sur proposition de l’équipe médico-sociale mentionnée à l’article L. 232-6 qui apprécie le respect des conditions posées au I, les mentions stationnement et priorité aux personnes ayant formulé une demande pour bénéficier de l’allocation prévue à l’article L. 232-1 ;
« 3° Attribue, sur proposition du service départemental de l’Office national des anciens combattants et victimes de guerre qui apprécie le respect des conditions posées au I, les mentions “stationnement” et “priorité” aux personnes ayant déposé une demande auprès de ce service.
« En cas d’avis contradictoires, celui formulé par la commission mentionnée à l’article L. 146-9 prévaut.
Il s’agit bien du sous-amendement n° 658 rectifié, le gage ayant été supprimé à la demande de la commission des finances.
La parole est à M. Bruno Sido, pour le présenter.
M. Bruno Sido. Ce sous-amendement vise à étendre le dispositif de la carte « mobilité inclusion » aux personnes âgées. Cette disposition intéresse la rénovation de l’ensemble du système de production des titres – carte d’invalidité, de priorité et de stationnement – en faveur tant des personnes en situation de handicap que des personnes âgées dépendantes.
Dans cette perspective, le président du conseil départemental, chef de file des politiques de l’autonomie, a la légitimité nécessaire pour superviser l’ensemble du processus et, par voie de conséquence, attribuer les titres, dans un cadre simplifié, modernisé et sécurisé.
Mme la présidente. Le sous-amendement n° 668 rectifié bis, présenté par Mmes Canayer et Deroche et MM. Dallier, Pellevat et Mouiller, est ainsi libellé :
I. – Après l’alinéa 16
Insérer un alinéa ainsi rédigé :
« … – Par dérogation, le président du conseil départemental peut délivrer les mentions “priorité” et “stationnement” de la carte mobilité inclusion aux demandeurs et bénéficiaires de l’allocation prévue à l’article L. 232-1, au vu de l’appréciation de l’équipe médico-sociale mentionnée à l’article L. 232-6. »
II. – Alinéa 19
Compléter cet alinéa par les mots :
, ainsi que des modalités spécifiques d’instruction et d’attribution de la carte mobilité inclusion pour les bénéficiaires de l’allocation prévue à l’article L. 232-1
La parole est à M. Philippe Dallier.
M. Philippe Dallier. Ce sous-amendement vise à introduire une simplification. En vue d’alléger la charge de travail des MDPH, il est proposé que le président du conseil département puisse directement délivrer les mentions « priorité » et « stationnement » pour la carte « mobilité inclusion » des attributaires de l’APA, car ceux-ci sont déjà passés devant une commission et ont donc déjà fait l’objet d’une évaluation.
Mme la présidente. Le sous-amendement n° 670, présenté par M. Camani, est ainsi libellé :
Amendement n° 601
Après l’alinéa 15
Insérer deux paragraphes ainsi rédigés :
« … – Par dérogation, le président du conseil départemental :
« 1° Attribue les mentions “stationnement” et “invalidité” sur simple demande aux bénéficiaires de l’allocation prévue à l’article L. 232-1 et classés dans le groupe 1 ou 2 de la grille nationale mentionnée à l’article L. 232-2 ;
« 2° Attribue, sur proposition de l’équipe médico-sociale mentionnée à l’article L. 232-6 qui apprécie le respect des conditions posées au I, les mentions stationnement et priorité aux personnes ayant formulé une demande pour bénéficier de l’allocation prévue à l’article L. 232-1 ;
« 3° Attribue, sur proposition du service départemental de l’Office national des anciens combattants et victimes de guerre qui apprécie le respect des conditions posées au I, les mentions “stationnement” et “priorité” aux personnes ayant déposé une demande auprès de ce service.
« En cas d’avis contradictoires, celui formulé par la commission mentionnée à l’article L. 146-9 prévaut.
« … – Un décret en Conseil d’État précise les conditions d’application du présent article, et notamment les modalités de transmission d’informations entre le conseil départemental, la maison départementale des personnes handicapées et l’Office national des anciens combattants et victimes de guerre.
La parole est à M. Pierre Camani.
M. Pierre Camani. Ce sous-amendement vise à étendre le dispositif de la carte « mobilité inclusion » aux personnes âgées dépendantes.
En conséquence, son dispositif intéresse la rénovation de l’ensemble du système de production des titres – cartes invalidité, priorité et stationnement – en faveur tant des personnes en situation de handicap que des personnes âgées dépendantes.
Dans cette perspective, le président du conseil départemental, chef de file des politiques de l’autonomie, est légitime pour superviser l’ensemble du processus et, par voie de conséquence, attribuer les titres, dans un cadre simplifié, modernisé et sécurisé.
Un tel dispositif permettrait d’améliorer de manière sensible la qualité du service rendu aux demandeurs. Par ailleurs, la mise en place de cette carte « mobilité inclusion », s’appuyant sur le numérique et la dématérialisation permise par celui-ci, permettrait d’alléger la charge de travail des maisons départementales des personnes handicapées et des services départementaux dédiés aux personnes âgées.
Mme la présidente. Quel est l’avis de la commission ?
M. Christophe-André Frassa, rapporteur. La commission est favorable à l’amendement n° 601 rectifié du Gouvernement, qui vise à créer une carte « mobilité inclusion » personnelle et sécurisée, destinée à remplacer progressivement les actuelles cartes de priorité, d’invalidité et de stationnement.
Les conditions d’attribution demeureront inchangées. La nouvelle carte pourra être obtenue par voie dématérialisée. Sa fabrication, confiée à l’Imprimerie nationale, sera beaucoup plus rapide. Elle sera désormais signée par le président du conseil départemental, après avis de la commission des droits et de l’autonomie des personnes handicapées, sauf pour les personnes relevant du code des pensions militaires d’invalidité et des victimes de la guerre et pour les véhicules de transport de personnes handicapées. Enfin, une application permettra de vérifier la validité de la carte et, dès lors, de lutter contre la fraude.
La commission n’a pu se prononcer sur les sous-amendements nos 658 rectifié et 668 rectifié bis. À titre personnel, j’émets un avis favorable sur le sous-amendement n° 668 rectifié bis, dont l’adoption permettrait d’éviter de soumettre les bénéficiaires de l’allocation personnalisée d’autonomie à une deuxième évaluation par une équipe médicale lorsqu’ils solliciteront une carte « mobilité inclusion ».
Je souhaite connaître l’avis du Gouvernement sur les amendements nos 658 rectifié et 670, qui tendent quant à eux à étendre cette dérogation aux personnes ayant déposé une demande d’allocation auprès de l’Office national des anciens combattants et victimes de guerre et à supprimer le renvoi à un décret pour fixer les modalités d’instruction et d’attribution de la carte « mobilité inclusion ».
Mme la présidente. Quel est l’avis du Gouvernement sur les trois sous-amendements ?
Mme Ségolène Neuville, secrétaire d'État. L’objet de ces trois sous-amendements est d’étendre le bénéfice de la carte « mobilité inclusion » aux personnes âgées bénéficiaires de l’APA, sachant que la délivrance des cartes actuelles est déjà automatique pour les personnes les plus dépendantes, relevant des GIR 1 et GIR 2.
Le Gouvernement est évidemment favorable à cette extension, à la condition qu’une concertation ait lieu avec l’ensemble des parties concernées. Les dispositions dont nous discutons concernant au premier chef les conseils départementaux, il est important que les représentants des départements soient consultés, ainsi que ceux de l’ONACVG, également visé.
La rédaction du sous-amendement n° 668 rectifié bis laisse plus de latitude aux présidents de conseil départemental, dans la mesure il tend à prévoir que le conseil départemental « peut attribuer » les mentions « priorité » et « stationnement » de la carte « mobilité inclusion », alors que les deux autres sous-amendements prévoient qu’il « attribue » ces mentions.
Pour cette raison, le Gouvernement est favorable au sous-amendement n° 668 rectifié bis et sollicite le retrait des sous-amendements nos 658 rectifié et 670 ; à défaut, il émettra un avis défavorable.
Mme la présidente. La parole est à M. Bruno Sido, pour explication de vote.
M. Bruno Sido. Je suis disposé à rectifier mon sous-amendement, afin de prévoir que le président du conseil départemental « peut attribuer » les mentions visées.
Mme la présidente. Je suis donc saisie d’un sous-amendement n° 658 rectifié bis, présenté par MM. Huré, Savary, Vasselle, G. Bailly et Sido et Mmes Deroche et Deromedi, et ainsi libellé :
Amendement n° 601 rectifié
Après l’alinéa 15
Insérer un paragraphe ainsi rédigé :
« … – Par dérogation, le président du conseil départemental :
« 1° Peut attribuer les mentions “stationnement” et “invalidité” sur simple demande aux bénéficiaires de l’allocation prévue à l’article L. 232-1 et classés dans le groupe 1 ou 2 de la grille nationale mentionnée à l’article L. 232-2 ;
« 2° Peut attribuer, sur proposition de l’équipe médico-sociale mentionnée à l’article L. 232-6 qui apprécie le respect des conditions posées au I, les mentions stationnement et priorité aux personnes ayant formulé une demande pour bénéficier de l’allocation prévue à l’article L. 232-1 ;
« 3° Peut attribuer, sur proposition du service départemental de l’Office national des anciens combattants et victimes de guerre qui apprécie le respect des conditions posées au I, les mentions “stationnement” et “priorité” aux personnes ayant déposé une demande auprès de ce service.
« En cas d’avis contradictoires, celui formulé par la commission mentionnée à l’article L. 146-9 prévaut.
La parole est à Mme la secrétaire d’État.
Mme Ségolène Neuville, secrétaire d'État. Le 3° de ce sous-amendement pose problème, dans la mesure où, pour le moment, l’ONACVG ne souhaite pas participer au dispositif.
Si vous acceptiez de rectifier à nouveau votre sous-amendement, monsieur Sido, en en supprimant le 3°, sa rédaction deviendrait presque identique à celle du sous-amendement n° 668 rectifié bis…
Mme la présidente. Nous allons interrompre nos travaux pour quelques instants, afin que vous puissiez vous mettre d’accord sur une rédaction commune.
La séance est suspendue.
(La séance, suspendue à dix-neuf heures dix, est reprise à dix-neuf heures quinze.)
M. Bruno Sido. Je vous remercie de cette suspension de séance, madame la présidente, qui nous a permis de nous expliquer avec Mme la secrétaire d’État. Le maintien de notre sous-amendement ne se justifie pas, car il se révèle redondant.
J’indique par ailleurs que je regrette que l’ONACVG ne s’associe pas au dispositif. Un autre véhicule législatif sera nécessaire pour que les anciens combattants puissent, eux aussi, bénéficier de cette nouvelle carte.
Je retire le sous-amendement n° 658 rectifié bis.
Mme la présidente. Le sous-amendement n° 658 rectifié bis est retiré.
Monsieur Camani, le sous-amendement n° 670 est-il maintenu ?
Mme la présidente. Le sous-amendement n° 670 est retiré.
La parole est à Mme Dominique Gillot, pour explication de vote sur le sous-amendement n° 668 rectifié bis.
Mme Dominique Gillot. Je tiens à saluer la mise en place d’un outil extrêmement moderne au bénéfice des personnes handicapées. Je me félicite en outre de l’évolution de l’intitulé de la carte : passer d’une carte d’invalidité à une carte « mobilité inclusion » est emblématique d’un profond changement d’approche.
M. Robert del Picchia. C’est plus sympathique !
Mme Dominique Gillot. C’est vers l’inclusion que nous voulons tendre. Je vous remercie, mesdames les secrétaires d’État, d’avoir consacré du temps aux personnes en situation de handicap, qui ont des besoins spécifiques et le goût de vivre avec les autres.
Mme la présidente. Je mets aux voix le sous-amendement n° 668 rectifié bis.
(Le sous-amendement est adopté.)
Mme la présidente. Je mets aux voix l'amendement n° 601 rectifié, modifié.
(L'amendement est adopté.)
Mme la présidente. En conséquence, un article additionnel ainsi rédigé est inséré dans le projet de loi, après l'article 44.
Je constate que cet amendement, comme le sous-amendement, a été adopté à l’unanimité des présents. (Applaudissements.)
Section 3 (priorité)
Maintien de la connexion à internet
Article 45 (priorité)
(Non modifié)
I. – L’article L. 115-3 du code de l’action sociale et des familles est ainsi modifié :
1° À la fin du premier alinéa, les mots : « et de services téléphoniques dans son logement » sont remplacés par les mots : « d’un service de téléphonie fixe et d’un service d’accès à internet » ;
2° Le deuxième alinéa est ainsi rédigé :
« En cas de non-paiement des factures, la fourniture d’énergie et d’eau, un service téléphonique et un service d’accès à internet sont maintenus jusqu’à ce qu’il ait été statué sur la demande d’aide. Le service téléphonique maintenu peut être restreint par l’opérateur, sous réserve de préserver la possibilité de recevoir des appels ainsi que de passer des communications locales et vers les numéros gratuits et d’urgence. Le débit du service d’accès à internet maintenu peut être restreint par l’opérateur, sous réserve de préserver un accès fonctionnel aux services de communication au public en ligne et aux services de courrier électronique. » ;
3° À l’avant-dernier alinéa, après le mot : « gaz », sont insérés les mots : « d’un service de téléphonie fixe ou d’un service d’accès à internet ».
II. – La loi n° 90-449 du 31 mai 1990 visant à la mise en œuvre du droit au logement est ainsi modifiée :
1° À la première phrase du troisième alinéa de l’article 6, les mots : « et de téléphone » sont remplacés par les mots : « , de téléphone et d’accès à internet » ;
2° Au dernier alinéa de l’article 6-1, les mots : « ou de services téléphoniques » sont remplacés par les mots : « , de services téléphoniques ou de services d’accès à internet » ;
3° Au deuxième alinéa de l’article 6-3, après le mot : « eau », sont insérés les mots : « ou de services téléphoniques ou d’accès à internet ».
Mme la présidente. La parole est à M. Roland Courteau, sur l'article.
M. Roland Courteau. L’article 45 prévoit le maintien temporaire de la connexion internet pour les personnes les plus démunies en cas de non-paiement de leurs factures. Il traduit l’importance que revêt l’accès à internet aujourd’hui dans la vie quotidienne et pour l’exercice des droits et des libertés de chacun.
Il s’agit d’un article très important de ce projet de loi. Internet est aujourd’hui devenu indispensable pour communiquer, s’informer, travailler ou chercher du travail, accomplir des actes administratifs. En conséquence, les foyers les plus fragiles financièrement doivent pouvoir y avoir accès, fût-ce de manière minimale, s’ils ne parviennent pas à payer leurs factures.
Je rappelle que l’accès à internet a été reconnu comme un droit fondamental par l’ONU en 2012. En outre, le Conseil d’État a estimé que le maintien de l’accès à internet, qui se rattache au principe constitutionnel de la liberté de communication, constituait un motif d’intérêt général. En effet, l’accès à internet est désormais indispensable pour effectuer de nombreuses démarches administratives. Bientôt, internet sera même nécessaire pour communiquer avec les services chargés de la distribution de l’électricité, de l’eau ou du gaz, car les correspondants téléphoniques se raréfient : on tombe désormais le plus souvent sur des serveurs vocaux renvoyant vers des sites internet.
Ces exemples montrent que, de nos jours, l’accès au numérique est essentiel, à l’instar de l’accès à l’eau, à l’électricité, au gaz ou à la téléphonie fixe.
Le dispositif de l’article 45 permettra d’imposer aux fournisseurs d’accès à internet de maintenir une connexion à internet fonctionnelle en cas de non-paiement des factures, à la condition toutefois qu’une demande d’aide ait été déposée auprès des services sociaux, plus particulièrement auprès du Fonds de solidarité. Bien évidemment, le maintien de l’accès à l’internet ne fait pas obstacle au recouvrement de leurs créances par les fournisseurs d’accès.
En bref, cette mesure visant à maintenir une connexion internet minimale pour les familles en difficulté est une belle avancée ; j’y souscris pleinement.
Mme la présidente. La parole est à M. Jean-Pierre Bosino, sur l'article.
M. Jean-Pierre Bosino. Cet article prévoit que les personnes rencontrant des difficultés financières pourront désormais bénéficier du maintien de leur connexion à internet, à l’instar de ce que ce qui se pratique en matière d’accès à l’électricité, au gaz et à la téléphonie.
Nous souscrivons évidemment à cet objectif et nous nous réjouissons de la présence de cet article dans le projet de loi. Nous regrettons toutefois que l’accès à internet ainsi maintenu soit restreint à « un accès fonctionnel aux services de communication au public en ligne et aux services de courrier électronique ». Cette définition nous paraît floue : qu’est-ce qu’un « accès fonctionnel » ? Si nous avions l’esprit polémique, nous dirions qu’il s’agit là d’une faveur accordée au lobby des télécoms…
Nous ne voudrions pas, madame la secrétaire d’État, que cette belle avancée serve de prétexte à la suppression de l’accueil physique des personnes dans les services publics. Je ne vous prête pas d’arrière-pensées à cet égard, mais je me saisis de cette occasion pour rappeler qu’internet ne peut se substituer à l’humain. L’exemple des centres des impôts est, de ce point de vue, assez éclairant. Dans nos départements, on nous explique que la disparition de l’accueil physique du public va être compensée par l’ouverture de maisons de services au public, mais ce n’est pas la même chose ! Nous ne pouvons pas accepter cet argument.
Nous regrettons vivement que la démocratisation de l’accès à internet soit instrumentalisée pour légitimer la casse des services publics. Lorsqu’une administration ferme un accueil physique du public, ce sont les personnes les plus fragiles, celles dont la situation est le plus complexe – en somme, les personnes que le présent article vise à protéger – qui en sont les premières victimes.
Mme la présidente. Nous revenons maintenant au cours normal de la discussion des articles.
TITRE II (suite)
LA PROTECTION DES DROITS DANS LA SOCIÉTÉ NUMÉRIQUE
Chapitre Ier (suite)
Environnement ouvert
Section 2
Portabilité et récupération des données
Article 21 A
(Supprimé)
Article 21
I. – Le livre II du code de la consommation, dans sa rédaction résultant de l’ordonnance n° 2016-301 du 14 mars 2016 relative à la partie législative du code de la consommation, est ainsi modifié :
1° La section 3 du chapitre IV du titre II est complétée par une sous-section 4 ainsi rédigée :
« Sous-section 4
« Récupération et portabilité des données
« Art. L. 224-42-1. – Le consommateur dispose en toutes circonstances d’un droit de récupération de l’ensemble de ses données dans les conditions prévues à la présente section.
« Paragraphe 1
« Services de courrier électronique
« Art. L. 224-42-2. – Tout fournisseur d’un service de courrier électronique qui comprend la mise à disposition d’une adresse de courrier électronique doit proposer une fonctionnalité gratuite permettant au consommateur de transférer l’ensemble des messages qu’il a émis ou reçus au moyen de ce service et qui sont conservés par un système de traitement automatisé mis en œuvre par ce fournisseur, ainsi que sa liste de contacts, vers un autre fournisseur de service de courrier électronique comprenant la mise à disposition d’une adresse de courrier électronique, dans la limite de la capacité de stockage de ce nouveau service.
« À cette fin, il ne peut refuser de fournir à cet autre fournisseur les informations nécessaires à la mise en place des fonctionnalités mentionnées au premier alinéa, notamment celles relatives à leurs règles techniques et aux standards applicables.
« Ce fournisseur informe le consommateur de manière loyale, claire et transparente du droit mentionné au premier alinéa.
« La résiliation ou la désactivation du service s’accompagnent d’une offre gratuite permettant au consommateur de continuer, pour une durée de six mois à compter de la date de résiliation ou de désactivation, à bénéficier des fonctions de réception et d’envoi de courrier électronique à partir de l’adresse électronique qui lui était initialement attribuée.
« Paragraphe 2
« Récupération des données stockées en ligne
« Art. L. 224-42-3. – Sans préjudice des dispositions protégeant le secret en matière commerciale et industrielle et des droits de propriété intellectuelle, tout fournisseur d’un service de communication au public en ligne propose au consommateur une fonctionnalité gratuite permettant la récupération :
« 1° De tous les fichiers mis en ligne par le consommateur ;
« 2° De toutes les données résultant de l’utilisation du compte d’utilisateur du consommateur et consultables en ligne par celui-ci, au moment de la demande ou antérieurement, à l’exception de celles ayant fait l’objet d’un enrichissement significatif par le fournisseur en cause. Ces données sont récupérées dans un standard ouvert et aisément réutilisable, c’est-à-dire lisible par une machine ;
« La fonctionnalité prévue au premier alinéa permet au consommateur de récupérer, par une requête unique, l’ensemble des fichiers ou données concernés. Le fournisseur prend toutes les mesures nécessaires à cette fin, en termes d’interface de programmation et de transmission des informations nécessaires au changement de fournisseur.
« Lorsque les données collectées auprès du consommateur ne peuvent pas être récupérées dans un standard ouvert et aisément réutilisable, le fournisseur de service de communication au public en ligne en informe le consommateur de façon claire et transparente. Le cas échéant, il l’informe des modalités alternatives de récupération de ces données et précise les caractéristiques techniques du format du fichier de récupération, notamment son caractère ouvert et interopérable. » ;
2° À l’article L. 242-20, après les mots : « qu’aux articles », sont insérés les mots : « L. 224-42-2 et L. 224-42-3 ».
II. – Le présent article entre en vigueur en même temps que la proposition 2012/0011/COD de règlement du Parlement européen et du Conseil relatif à la protection des personnes physiques à l’égard du traitement des données à caractère personnel et à la libre circulation de ces données (règlement général sur la protection des données).
Mme la présidente. Les amendements identiques nos 25 rectifié bis, présenté par M. Commeinhes, Mmes Hummel et Deromedi, M. Lefèvre, Mme Lopez, M. Trillard, Mme Gruny et MM. Gremillet, Houel et Vasselle, et 288 rectifié, présenté par MM. Doligé et Cardoux, Mme Cayeux, MM. Charon et de Legge, Mme Deroche et MM. Gournac, Laménie, Milon et Mouiller, ne sont pas soutenus.
Je suis saisie de quatre amendements faisant l’objet d’une discussion commune.
L'amendement n° 290 rectifié, présenté par MM. Doligé et Cardoux, Mme Cayeux, MM. Charon et de Legge, Mme Deroche et MM. Gournac, Laménie, Milon et Mouiller, n'est pas soutenu.
L'amendement n° 584, présenté par le Gouvernement, est ainsi libellé :
I. – Alinéas 6 à 13
Supprimer ces alinéas.
II. – Alinéa 14
Remplacer les mots :
Sans préjudice
par les mots :
Au-delà des dispositions de l’Union européenne relatives à la protection des personnes physiques à l’égard des traitements de données à caractère personnel et à la libre circulation de ces données, ainsi que
La parole est à Mme la secrétaire d'État.
Mme Axelle Lemaire, secrétaire d'État. L’article 21 porte sur la portabilité des données. Le présent amendement a pour objet d’exclure du champ d’application des dispositions de cet article le contenu des messages liés à l’adresse électronique et les données à caractère personnel stockées en ligne.
Il s’agit de garantir l’articulation la plus exacte avec le règlement européen sur les données personnelles qui a été adopté tout récemment. Le Gouvernement s’était engagé à mener ce travail en étroite collaboration avec les services de la Commission européenne. C’est ce que nous avons fait, et je dois à cet égard souligner l’excellente qualité de notre collaboration avec les services de la commissaire à la justice, Věra Jourová.
Le champ de l’article 21 n’est pas limité aux données personnelles : la portabilité des données doit aussi concerner les données liées aux comptes des utilisateurs. Nous étendons donc le champ de la portabilité de la vie privée au droit de la consommation, donc au-delà des données personnelles.
Permettez-moi de vous donner un exemple très concret : les photos postées sur des sites ou sur des réseaux sociaux, dès lors qu’elles ne sont pas identifiantes, sont des données d’usage liées à un compte utilisateur.
En outre, un volet de l’article 21 a trait à la portabilité sectorielle, laquelle sera déterminée par la suite secteur par secteur, qu’il s’agisse par exemple des banques, des sociétés d’assurances ou de l’énergie. Cette mesure s’inspire largement d’une disposition équivalente insérée dans le droit britannique par une loi de 2013. La portabilité de ces données, comme celle des numéros de téléphone portable, constitue une garantie en matière de concurrence et de fluidité du marché. L’objectif est donc aussi d’ordre économique. Il s’agit de permettre aux nouveaux entrants de se faire une place sur un marché bien souvent occupé par de grandes entreprises.
Mme la présidente. Les amendements identiques nos 18 rectifié bis, présenté par MM. Grand, Milon, Calvet, Laufoaulu, Huré, Laménie et Lefèvre, Mmes Duchêne et Gruny, MM. Pellevat, Rapin, Gremillet, Chasseing, Charon et Houel, Mme Deroche et M. Husson, et 289 rectifié bis, présenté par MM. Doligé et Cardoux, Mme Cayeux et MM. de Legge, Gournac et Mouiller, ne sont pas soutenus.
Quel est l’avis de la commission sur l’amendement n° 584 ?
M. Christophe-André Frassa, rapporteur. Cet amendement est visiblement inspiré par le souci de ne pas contrevenir au futur règlement européen. Il tend à supprimer les dispositions relatives à la portabilité des messages et des carnets d’adresses des services de communications électroniques, et vise à prévoir que le droit à la portabilité s’exerce « au-delà des dispositions de l’Union européenne relatives à la protection des données personnelles ».
De deux choses l’une : soit l’on considère que notre pays peut imposer aux opérateurs la portabilité des données autres que personnelles, au nom de la protection du consommateur et afin de favoriser le changement d’opérateur, et dans ce cas il est inutile de multiplier les « sans préjudice » ou les « au-delà du droit de l’Union européenne » – c’est le parti qu’a pris la commission ; soit, au contraire, on craint que ce ne soit pas possible, et alors il faut supprimer l’article 21 en totalité. La commission des lois s’est prononcée contre les amendements de suppression de cet article…
Dans un cas comme dans l’autre, l’amendement du Gouvernement ne me paraît pas justifié. J’émets donc un avis défavorable.
Mme la présidente. La parole est à M. Jean-Yves Leconte, pour explication de vote.
M. Jean-Yves Leconte. Cet article est très important.
Ma première question sera peut-être un peu ingénue, mais elle me semble mériter d’être posée : dès lors que toute personne résidant en France peut accéder à un certain nombre de services dont les opérateurs sont localisés à l’étranger, à quels services l’obligation de portabilité va-t-elle s’appliquer ? S’agira-t-il de tous ceux dont les opérateurs sont localisés au sein de l’Union européenne ? L’obligation de portabilité vaudra-t-elle aussi pour les opérateurs australiens ou russes ? Si la France impose des exigences particulières à cet égard, certaines entreprises étrangères voudront-elles proposer leurs services dans notre pays ?
Le droit à la récupération des données personnelles, en particulier celles des messageries électroniques, est essentiel. D'ailleurs, le règlement adopté par l’Union européenne témoigne bien d’un souci d’éviter qu’aucun usager puisse être prisonnier d’un fournisseur de services de courrier électronique.
Par ailleurs, étendre la portabilité à d’autres données, telles que les données bancaires ou les commentaires laissés sur un site, comme le proposent le Gouvernement et la commission, est intéressant, mais non dénué de certains risques : cela ouvre à de nouveaux arrivants sur le marché la possibilité de bénéficier du travail de leurs prédécesseurs. On nous dira que ces derniers sont gros et puissants et qu’il faut privilégier les nouveaux entrants et l’innovation. Il est possible que ce soit justifié dans un certain nombre de cas, mais, je le répète, cela présente certains risques. Je présenterai tout à l'heure un amendement sur ce sujet.
Mme la présidente. La parole est à Mme la secrétaire d'État.
Mme Axelle Lemaire, secrétaire d'État. Je souhaite répondre aux arguments qui ont été opposés à l’amendement du Gouvernement par M. le rapporteur, dans l’espoir de le convaincre.
Effectivement, on pourrait considérer que la mention, dans le texte, des données personnelles liées au contenu du courrier électronique n’emporte aucune conséquence, sinon celle de rendre le droit français un peu bavard, puisque cela revient à reprendre une partie du contenu du règlement européen, d’applicabilité immédiate.
Cependant, l’amendement du Gouvernement vise à apporter certaines précisions ayant fait l’objet d’un travail minutieux de concertation avec les services juridiques de la Commission européenne et visant justement à bien articuler le champ du règlement européen sur la protection des personnes physiques à l’égard du traitement des données à caractère personnel avec celui du droit de la consommation, qui concerne les données des utilisateurs. Par conséquent, ne pas adopter cet amendement serait se priver de la possibilité de couvrir tout le champ des données de consommation.
Monsieur Leconte, vous craignez qu’il soit difficile de faire appliquer les nouvelles règles en matière de portabilité des données. Or, il s’agit de se situer sur le terrain du droit de la consommation, tant français qu’européen : le critère est celui du lieu du domicile du consommateur ; dès lors, quand celui-ci réside en France, c’est le droit français qui s’applique, comme l’a confirmé une jurisprudence récente de la cour d’appel de Paris, à propos d’un contentieux ayant opposé Facebook à un internaute qui avait mis en ligne une reproduction de L’Origine du monde, le célèbre tableau de Courbet.
Enfin, il n’y a pas de risque que des données soient transférées à une autre entreprise : c’est l’utilisateur qui les récupérera ; libre à lui, ensuite, d’en faire l’usage qu’il souhaite et de choisir, le cas échéant, de les stocker chez un autre fournisseur de services de communication en ligne.
Mme la présidente. La parole est à M. le président de la commission des lois.
M. Philippe Bas, président de la commission des lois. Madame la secrétaire d'État, je dois vous dire que votre amendement est curieusement rédigé… Que signifie l’expression « au-delà des dispositions de l’Union européenne » ? Je comprends que votre intention est de faire référence au futur règlement de l’Union européenne, mais celui-ci, une fois adopté, s’imposera de lui-même ! Il n’est pas besoin d’y faire référence.
De plus, les termes « au-delà de » ne sont pas interprétables par un juge. Si les dispositions de l’Union européenne s’appliquent, il faut écrire « sans préjudice des » ; si elles ne s’appliquent pas, la rédaction appropriée est « par dérogation aux ».
Vraiment, je ne sais pas ce que les termes « au-delà de » signifient en droit, même si je vois bien ce que vous voudriez leur faire dire… Je ne veux nullement me montrer désagréable, mais nous ne sommes pas en train de rédiger un exposé des motifs ! Excusez-moi d’être aussi pesant, mais un texte de loi ne saurait être rédigé ainsi.
Nous sommes obligés de nous opposer à cet amendement, même si nous ne sommes pas en désaccord avec vous sur le fond.
Mme la présidente. La parole est à Mme la secrétaire d'État.
Mme Axelle Lemaire, secrétaire d'État. Monsieur le président de la commission, j’apprécie la finesse de votre raisonnement juridique et j’entends tout à fait la critique que vous opposez à cet amendement.
À la vérité, l’expression « au-delà de » me paraît à moi-même assez intrigante… Je l’ai acceptée à la demande expresse des juristes de la Commission européenne. (Exclamations amusées.)
M. Philippe Dallier. C’est un comble !
M. Philippe Bas, président de la commission des lois. Quel aveu !
M. Christophe-André Frassa, rapporteur. Ce n’est pas la bonne référence…
Mme Axelle Lemaire, secrétaire d'État. Dès lors que vous me dites viser le même objectif que le Gouvernement sur le fond, nous pourrions peut-être nous accorder sur une rédaction plus douce à vos oreilles de juriste comme aux miennes, en écrivant « en sus des dispositions de l’Union européenne », sachant que nous devons faire référence au règlement européen (M. le président de la commission des lois marque son scepticisme.), ou « sous réserve de l’application des dispositions de l’Union européenne ».
Sans doute aurions-nous dû déposer deux amendements, tendant l’un à supprimer la référence aux données personnelles et l’autre à procéder aux ajouts demandés par la Commission européenne, mais, à ce stade, je vous demande d’accepter cette version rectifiée. Je m’engage à y revenir lors de la réunion de la commission mixte paritaire.
En tout état de cause, il s'agit de s’assurer de l’applicabilité de la réglementation européenne sur les données personnelles, tout en allant au-delà, dans le champ du droit de la consommation, qui est plus large.
Si nous pouvions continuer à progresser vers l’articulation la plus juste possible, je vous en serais très reconnaissante. L’objectif est de mieux protéger les consommateurs et d’assurer une plus grande fluidité concurrentielle dans le secteur du numérique.
Mme la présidente. Je suis donc saisie d’un amendement n° 584 rectifié, présenté par le Gouvernement et ainsi libellé :
I. – Alinéas 6 à 13
Supprimer ces alinéas.
II. – Alinéa 14
Remplacer les mots :
Sans préjudice
par les mots :
Sous réserve de l'application des dispositions de l’Union européenne relatives à la protection des personnes physiques à l’égard des traitements de données à caractère personnel et à la libre circulation de ces données, ainsi que
Quel est l’avis de la commission ?
M. Christophe-André Frassa, rapporteur. À ce stade, la commission maintient son avis défavorable et propose que nous passions sans plus tarder au vote de l’amendement : nous aurons le temps d’approfondir la réflexion d’ici à la commission mixte paritaire.
Mme la présidente. La parole est à Mme Corinne Bouchoux, pour explication de vote.
Mme Corinne Bouchoux. Monsieur le président de la commission, je vous remercie de cet éclairage juridique très précis. Je me fais en direct l’écho d’un jeune qui suit nos débats : vous avez mis en évidence une difficulté, mais que proposez-vous pour la surmonter ? Pourquoi ne parvenons-nous pas, tous ensemble, à élaborer une solution ?
Avec ce texte, nous légiférons véritablement sur la place publique : montrons le meilleur de ce que nous sommes en mesure d’apporter ! J’insiste sur le côté atypique de l’examen de ce projet de loi, monsieur le président de la commission.
Mme la présidente. La parole est à M. le président de la commission des lois.
M. Philippe Bas, président de la commission des lois. Madame Bouchoux, nous répondrons aux internautes sur internet ! Pour l’heure, nous sommes dans l’hémicycle du Sénat et, en tant que représentants de la Nation, nous écrivons la loi, seuls. Notre rôle n’est pas de le faire « en temps réel », pour reprendre une expression à la mode, avec les internautes. (Marques d’approbation sur les travées du groupe Les Républicains.)
M. Jean-Claude Requier. Très bien !
Mme la présidente. La parole est à M. Jean-Pierre Sueur, pour explication de vote.
M. Jean-Pierre Sueur. Monsieur le président de la commission des lois, permettez-moi de vous faire observer que cette séance est publique.
Mme Catherine Morin-Desailly. Comme toutes nos séances !
M. Jean-Pierre Sueur. Les temps changent : aujourd'hui, le public ne se limite plus aux personnes présentes dans nos tribunes, chacun pouvant suivre nos débats sur le site internet du Sénat.
J’appelle le Gouvernement à poursuivre la réflexion. Peut-être une suspension de séance lui permettrait-elle de peaufiner sa rédaction…
Premièrement, je trouverais dommageable de supprimer les alinéas 6 à 13, dont le contenu est très positif.
Deuxièmement, est-il vraiment sage, madame la secrétaire d'État, d’écrire dans la loi qu’une disposition s’appliquera « sous réserve de » l’application d’un texte européen à venir ?
Mme Axelle Lemaire, secrétaire d'État. Il a été adopté depuis ! Il n’est pas encore publié, mais il est déjà applicable.
M. Jean-Pierre Sueur. Je suis très attaché à ce que l’on écrive la loi compte tenu des textes existants.
M. Philippe Dallier. En effet, c’est mieux !
M. Jean-Pierre Sueur. Nous pourrons toujours y revenir si les textes évoluent. En tout état de cause, il faut veiller à ne pas multiplier les conditionnels, les « sous réserve de », les « en sus de », les « à condition que », les « nonobstant le fait que »…
Mme la présidente. Quoi qu’il en soit, le droit européen prime le droit national.
M. Jean-Pierre Sueur. Ce n’est donc pas la peine de l’écrire !
Mme la présidente. Mes chers collègues, nous allons maintenant interrompre nos travaux ; nous les reprendrons à vingt et une heures trente.
La séance est suspendue.
(La séance, suspendue à dix-neuf heures cinquante, est reprise à vingt et une heures trente-cinq, sous la présidence de M. Hervé Marseille.)
PRÉSIDENCE DE M. Hervé Marseille
vice-président
M. le président. La séance est reprise.
6
Candidature à une délégation sénatoriale
M. le président. J’informe le Sénat que le groupe écologiste a fait connaître à la présidence le nom du candidat qu’il propose pour siéger à l’Office parlementaire d’évaluation des choix scientifiques et technologiques, en remplacement de Mme Marie Christine Blandin, démissionnaire.
Cette candidature va être publiée et la nomination aura lieu conformément à l’article 8 du règlement.
7
République numérique
Suite de la discussion en procédure accélérée d’un projet de loi dans le texte de la commission
M. le président. Nous reprenons la discussion du projet de loi, adopté par l’Assemblée nationale après engagement de la procédure accélérée, pour une République numérique.
Dans la discussion des articles, nous en sommes parvenus, au sein de l’article 21, à l’amendement n° 27 rectifié bis.
Article 21 (suite)
M. le président. Je suis saisi de cinq amendements faisant l'objet d'une discussion commune.
L'amendement n° 27 rectifié bis, présenté par M. Commeinhes, Mmes Hummel et Deromedi, MM. Lefèvre et Grand, Mme Lopez, M. Trillard, Mme Gruny et MM. Gremillet, Houel et Vasselle, n’est pas soutenu.
L'amendement n° 72 rectifié, présenté par MM. Chaize, de Nicolaÿ, Mandelli, Mouiller et Calvet, Mme Cayeux, MM. Bignon, Bizet, de Legge, B. Fournier, Kennel et Masclet, Mmes Garriaud-Maylam et Deromedi, MM. Cornu et Vaspart, Mme Estrosi Sassone, MM. Rapin, Pellevat, Grand et P. Leroy, Mme Procaccia, MM. Bouchet et Vasselle, Mme Deroche et MM. Husson, Laménie, Trillard et Magras, est ainsi libellé :
I. – Alinéa 15
Supprimer cet alinéa
II. – Alinéa 16
Remplacer les mots :
résultant de l’utilisation du compte d’utilisateur du
par les mots :
à caractère personnel, créées et fournies par le
III. – Alinéa 17, première phrase
Remplacer les mots :
fichiers ou données concernés
par les mots :
données concernées
La parole est à M. Patrick Chaize.
M. Patrick Chaize. L’article relatif au droit à la portabilité figurant dans la version présentant l’accord final sur le règlement européen limite le champ de ce droit aux données personnelles communiquées par l’utilisateur au responsable du traitement – c’est-à-dire aux données brutes – et prévoit que la portabilité ne peut avoir pour effet de porter atteinte aux droits et libertés d’autrui.
Il existe un risque de conflit entre l’article 21 du projet de loi et l'article 18 du règlement européen sur les données personnelles, ayant le même objet : ce dernier précise que la portabilité des données fournies par l’utilisateur doit être rendue possible.
Il est primordial, pour des questions de sécurité juridique et de respect de la hiérarchie des normes, ainsi que pour anticiper des contentieux à venir, que le projet de loi pour une République numérique n'entre pas en contradiction avec ledit règlement.
M. le président. L'amendement n° 192, présenté par M. Rome, est ainsi libellé :
Alinéa 16, première phrase
Supprimer les mots :
, au moment de la demande ou antérieurement,
La parole est à M. Yves Rome.
M. Yves Rome. Cet amendement vise à modifier l’alinéa 16 de l’article, afin de supprimer la précision selon laquelle sont récupérables les données consultables en ligne « au moment de la demande ou antérieurement ».
L’ajout de cette référence par la commission alourdit inutilement le dispositif en étendant le droit à la récupération aux données qui étaient consultables avant la demande, mais qui ne le sont plus. Cette rédaction pourrait entraîner des effets de bord non maîtrisés, qu’il convient d’éviter.
M. le président. L'amendement n° 191, présenté par M. Rome, est ainsi libellé :
Alinéa 16, première phrase
Supprimer les mots :
, à l’exception de celles ayant fait l’objet d’un enrichissement significatif par le fournisseur en cause
La parole est à M. Yves Rome.
M. Yves Rome. Cet amendement vise lui aussi à modifier l’alinéa 16 de l’article, afin de supprimer l’exception au droit à la récupération des données portant sur les données enrichies par le fournisseur.
L’ajout par la commission de cette exception restreint fortement la portée de la mesure instaurant la récupération des données.
De plus, l'exclusion introduite par l’alinéa 16 constitue un facteur d'insécurité juridique, car la notion d'enrichissement « significatif » n’est pas définie et paraît sujette à interprétation.
M. le président. L'amendement n° 190, présenté par M. Rome, est ainsi libellé :
Après l’alinéa 16
Insérer quatre alinéas ainsi rédigés :
« 3° D’autres données associées au compte utilisateur du consommateur et répondant aux conditions suivantes :
« a) ces données facilitent le changement de fournisseur de service ou permettent d’accéder à d’autres services ;
« b) l’identification des données prend en compte l’importance économique des services concernés, l’intensité de la concurrence entre les fournisseurs, l’utilité pour le consommateur, la fréquence et les enjeux financiers de l’usage de ces services.
« Les données mentionnées au présent 3° sont précisées par voie réglementaire ;
La parole est à M. Yves Rome.
M. Yves Rome. Cet amendement vise à rétablir la troisième catégorie de données, celle des données associées, dont les consommateurs peuvent exiger la récupération auprès d’un fournisseur.
Cette catégorie de données récupérables a été supprimée lors de l’examen du texte en commission. Par cet amendement, je propose de définir ces données à l’aune de l’importance économique et de la fréquence d’usage des services concernés, qui devront être significatives. Ce critère permettra de préciser, pour les fournisseurs de services, le champ d’application de la mesure.
M. le président. Quel est l’avis de la commission ?
M. Christophe-André Frassa, rapporteur de la commission des lois constitutionnelles, de législation, du suffrage universel, du règlement et d’administration générale. Monsieur Chaize, réduire le champ de la portabilité aux seules données personnelles n’aurait, à mon sens, que peu d’intérêt, dans la mesure où cette portabilité est prévue par le règlement européen. Au contraire, il faut la compléter en prévoyant la portabilité de données qui, sans être personnelles, sont nécessaires au consommateur pour changer facilement d’opérateur.
Par ailleurs, nous avons pris toutes précautions pour éviter un conflit entre le présent texte et le règlement européen.
Pour ces raisons, je vous demanderai de bien vouloir retirer l’amendement n° 72 rectifié ; à défaut, je me verrai contraint d’émettre un avis défavorable.
Les dispositions que l’amendement n° 192 vise à supprimer tendent à remédier au fait que certains opérateurs ne permettent la consultation en ligne de certaines données que pendant quelques mois. Or ces données peuvent être utiles pour changer d’opérateur : c’est le cas des données de consommation énergétique. La commission a donc proposé d’autoriser la portabilité des données consultables en ligne au moment de la demande ou antérieurement à celle-ci.
Il faut éviter que des entreprises, pour bloquer le droit à la portabilité ou en réduire l’effet, limitent la mise à disposition en ligne de certaines données. L’utilisateur doit rester maître de son historique de consommation ou de navigation.
C'est la raison pour laquelle, monsieur Rome, je vous demanderai de bien vouloir retirer cet amendement ; à défaut, j’émettrai un avis défavorable.
En supprimant l’exception introduite par la commission des lois, l’adoption de l’amendement n° 191 rendrait possible le transfert de données significativement enrichies par l’opérateur internet à un concurrent.
Il faut absolument éviter tout risque de pillage des investissements ou de la valeur ajoutée produite par un opérateur. Certes, le consommateur doit avoir la maîtrise de ses données, mais on ne peut, pour autant, exiger le transfert de données retraitées et significativement enrichies par l’opérateur.
Toutes les entreprises se sont inquiétées de ce risque lors des auditions que j’ai menées au nom de la commission des lois. Peut-être pouvons-nous travailler ensemble pour préciser l’exception, mais non la supprimer ; cela reviendrait à envoyer un très mauvais signal aux entreprises concernées.
Là encore, monsieur Rome, je vous demanderai de bien vouloir retirer votre amendement ; à défaut, l’avis sera défavorable.
L’amendement n° 190 vise à étendre le droit à la portabilité à un ensemble de données permettant d’assurer le changement d’opérateur.
Contrairement à ce qui est indiqué par l’auteur de l’amendement, la commission n’a pas supprimé purement et simplement cette catégorie de données. Elle a estimé qu’elle était incluse dans celle, plus générale, du 2° de l’article L. 224-42-3 du code de la consommation.
En effet, lorsque j’ai interrogé les services du Gouvernement pour savoir ce que pouvaient recouvrir ces données, ils m’ont indiqué qu’il s’agissait des données de consommation en énergie d’un consommateur, qui ne sont plus forcément disponibles à la consultation en ligne passé un certain délai. Nous avons donc prévu que le droit à la portabilité s’étende aux données archivées par l’opérateur que ce dernier avait mises en ligne à un moment.
J’ajoute que la rédaction proposée pèche par son imprécision : elle n’interdirait pas que le Gouvernement impose le transfert de données stratégiques ou à forte valeur ajoutée, qui constituent pourtant le trésor de l’économie numérique.
Enfin, on peut émettre de sérieux doutes sur la constitutionnalité du dispositif proposé : le législateur n’abandonne-t-il pas sa compétence au pouvoir réglementaire ? Surtout, le principe d’égalité sera-t-il respecté, alors que certains services seront soumis à l’obligation de portabilité de certaines données, mais pas d’autres ?
La réflexion doit se poursuivre sur le sujet ; évitons de l’engager sur des pistes aussi incertaines. Pour toutes ces raisons, monsieur Rome, je sollicite le retrait de cet amendement ; à défaut, je me verrai contraint d’émettre un avis défavorable.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
Mme Axelle Lemaire, secrétaire d'État auprès du ministre de l'économie, de l'industrie et du numérique, chargée du numérique. Je suis défavorable à l’amendement n° 72 rectifié. J’ai déjà eu l’occasion d’expliquer à quel point il était important, pour le Gouvernement français, d’opérer une distinction entre les données personnelles, au sens du règlement européen que nous avons négocié et qui a été adopté depuis, et les données de consommation liées à l’expérience des utilisateurs, amenées à se développer toujours davantage en raison de la massification numérique et de la multiplication des données.
Dans ce contexte, il est essentiel d’assurer non seulement la protection du consommateur, mais également une fluidité du marché, en évitant que des entreprises en situation de quasi-monopole ou d’oligopole n’enferment les consommateurs dans un écosystème et les empêchent de passer facilement d’un fournisseur de services à un autre.
Monsieur Rome, je suis favorable à l’amendement n° 192. Vous souhaitez supprimer la notion de données consultables en ligne « au moment de la demande ou antérieurement ».
Si votre préoccupation, monsieur le rapporteur, est de ne pas faire peser des obligations trop lourdes sur les entreprises, on peut considérer que l’expression « ou antérieurement » est beaucoup trop large. Une telle rédaction suppose en effet que les entreprises devront vérifier à chaque fois si les données à récupérer ont été un jour consultables en ligne. Cela suppose également que l’on puisse retracer l’historique sans aucune limitation.
Bien que la grande majorité d’entre elles reconnaissent tout à fait l’intérêt économique de la portabilité des données de consommation, les entreprises ne sont pas du tout favorables à cette formulation.
Je suis également favorable à l’amendement n° 191, très important à mes yeux. Il correspond en effet parfaitement à la dimension nouvelle ouverte par le numérique, en particulier par le stockage des données en ligne, c’est-à-dire l’informatique en nuage ou cloud.
La récupération doit porter sur les données enrichies par le fournisseur. Cette rédaction est issue d’une concertation avec les acteurs du numérique. La distinction entre données brutes et données enrichies est difficile à opérer, sinon quelque peu naïve. Si elle se limite simplement aux données explicitement fournies par l’utilisateur, la portabilité n’a pas d’intérêt, dans la mesure où ce dernier, par définition, en dispose déjà.
Je suis enfin tout aussi favorable à l’amendement n° 190.
La commission des lois du Sénat a supprimé cette troisième catégorie de données, qui nous semble pourtant fondamentale. La deuxième catégorie est assez large, mais ne prévoit pas ces cas spécifiques de données sectorielles qui ont pu disparaître de l’historique fourni par le consommateur au moment de la récupération.
Cette approche sectorielle est rendue nécessaire par le périmètre extraordinairement large du domaine concerné. Songeons, par exemple, à tous ces logiciels permettant de stocker en ligne l’ensemble des données d’une entreprise. Il faut pouvoir instaurer une limite entre ce qui est récupérable et ce qui ne l’est pas. Comme je l’ai déjà souligné, cette approche s’inspire de l’expérience britannique : les secteurs concernés –banque, énergie, transports ou électricité – ont décidé de définir le périmètre de récupération de certains types de données.
M. le président. La parole est à M. Patrick Chaize, pour explication de vote sur l'amendement n° 72 rectifié.
M. Patrick Chaize. Je ne peux lutter avec M. Rome, qui cumule les avis favorables du Gouvernement… (Sourires.)
Je retire l’amendement n° 72 rectifié, monsieur le président.
M. le président. L’amendement n° 72 rectifié est retiré.
Je mets aux voix l'amendement n° 192.
J'ai été saisi d'une demande de scrutin public émanant de la commission des lois.
Je rappelle que l'avis de la commission est défavorable et que celui du Gouvernement est favorable.
Il va être procédé au scrutin dans les conditions fixées par l'article 56 du règlement.
Le scrutin est ouvert.
(Le scrutin a lieu.)
M. le président. Personne ne demande plus à voter ?…
Le scrutin est clos.
J'invite Mmes et MM. les secrétaires à procéder au dépouillement du scrutin.
(Il est procédé au dépouillement du scrutin.)
M. le président. Voici, compte tenu de l’ensemble des délégations de vote accordées par les sénateurs aux groupes politiques et notifiées à la présidence, le résultat du scrutin n° 204 :
Nombre de votants | 344 |
Nombre de suffrages exprimés | 344 |
Pour l’adoption | 155 |
Contre | 189 |
Le Sénat n'a pas adopté.
Je mets aux voix l'amendement n° 191.
(L'amendement n'est pas adopté.)
M. le président. L'amendement n° 112 rectifié, présenté par Mme Morin-Desailly et M. L. Hervé, est ainsi libellé :
Après l'alinéa 17
Insérer un alinéa ainsi rédigé :
« Ne sont pas concernés par cette récupération des données stockées en ligne, les avis en ligne, y compris tout justificatif d’expérience, déposés par un consommateur sur un service de communication au public en ligne appliquant la norme NF Z74-501 de juillet 2013.
La parole est à M. Loïc Hervé.
M. Loïc Hervé. La norme NF Z74-501 est la première norme au monde relative au traitement des avis de consommateurs en ligne.
En se conformant à cette norme, une entreprise assure la fiabilité et la transparence des trois processus de traitement des avis en ligne : leur collecte, leur modération par le gestionnaire et leur distribution.
Les entreprises françaises qui appliquent la norme AFNOR ont consenti des investissements importants pour promouvoir une telle transparence, qui doit être préservée et encouragée.
Or la rédaction actuelle du texte inclut les avis en ligne dans le champ des données pouvant être récupérées. Cette mesure entraîne un risque de récupération des avis mis en ligne par des consommateurs sur des services français qui appliquent la norme AFNOR par d’autres plateformes ne respectant pas ladite norme.
Une telle pratique pourrait ainsi entraver la compétitivité des acteurs français par rapport à leurs concurrents internationaux, lesquels pourraient récupérer des avis ayant fait l’objet d’un traitement conformément à une norme qu’ils n’appliqueraient pas eux-mêmes.
Cet amendement vise donc à exclure du champ des données concernées par la portabilité les avis en ligne ayant fait l’objet d’un traitement conforme à la norme NF Z74-501.
M. le président. Quel est l’avis de la commission ?
M. Christophe-André Frassa, rapporteur. Monsieur Hervé, je ne pense pas que le risque de perte de compétitivité des entreprises françaises que vous évoquez soit avéré. Je ne partage pas non plus le raisonnement qui sous-tend cet amendement.
La portabilité des avis en ligne rédigés par un consommateur profitera, à mon sens, aux sites les moins-disants en matière de contrôle de ces avis, puisqu’ils pourraient récupérer des avis rédigés sur des sites appliquant la norme AFNOR de vérification de la qualité des avis mis en ligne.
Or ce n’est pas parce qu’ils publieront de tels avis contrôlés qu’ils pourront se prévaloir de la certification AFNOR. Cette certification n’est acquise qu’à ceux qui soumettent tous leurs avis en ligne à ses exigences, ce qui, par définition, n’est pas le cas des entreprises visées par les auteurs de l’amendement.
J’ajoute enfin que l’objet même de l’article 21 est de redonner du pouvoir au consommateur sur ses données. Il s’agit de lui permettre de récupérer ces dernières afin de faciliter son changement d’opérateur, à l’instar de ce qui se fait en matière de téléphonie mobile ou de comptes bancaires.
Cette obligation s’imposera à tous les professionnels d’internet s’adressant à des consommateurs français. Cessons de croire que seules les entreprises françaises y seront soumises et qu’elles seront pillées par la concurrence internationale. Il s’agit, bien au contraire, de leur donner les moyens de résister aux acteurs qui possèdent, de fait, un quasi-monopole sur les données personnelles des consommateurs.
Pour ces raisons, monsieur Hervé, je vous demande de bien vouloir retirer votre amendement.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. le président. La parole est à M. Jean-Yves Leconte, pour explication de vote.
M. Jean-Yves Leconte. Cet amendement paraît de bon sens, mais il semble difficile, sinon audacieux, d’inscrire une norme AFNOR dans la loi.
Même si je comprends la philosophie de l’article 21, les propos de notre rapporteur n’enlèvent rien aux réserves que j’ai émises tout à l’heure. À quelles conditions les utilisateurs seront-ils protégés ? Le droit à la portabilité concernera-t-il ceux qui se déplacent à l’étranger ? Certains dispositifs techniques permettent de dissimuler au fournisseur de services le fait que l’on se trouve en France. Dans ce cas, la protection de l’utilisateur, le droit à la portabilité s’appliquent-ils ? Par ailleurs, qu’en est-il des fournisseurs de services qui ne demandent pas l’adresse de l’utilisateur lors de l’inscription ?
M. le président. Monsieur Hervé, l'amendement n° 112 rectifié est-il maintenu ?
M. Loïc Hervé. Non, je vais le retirer, monsieur le président.
J’attire tout de même l’attention de mes collègues sur le fait qu’il s’agit ici de protéger des entreprises vertueuses, qui s’imposent à elles-mêmes des contraintes encore plus sévères que celles dont nous discutons ce soir.
Cela étant dit, je comprends la difficulté d’inscrire dans la loi une référence aussi baroque que NF Z74-501…
Je retire l’amendement.
M. le président. L'amendement n° 112 rectifié est retiré.
L'amendement n° 316, présenté par M. Navarro, n'est pas soutenu.
Je suis saisi de deux amendements faisant l'objet d'une discussion commune.
L'amendement n° 193, présenté par M. Rome, est ainsi libellé :
I. – Après l’alinéa 18
Insérer deux alinéas ainsi rédigés :
« Art. L. 224-42-… – Tout manquement aux articles L. 224-42-2 et L. 224-42-3 est passible d’une amende administrative dont le montant ne peut excéder 3 000 € pour une personne physique et 15 000 € pour une personne morale. L’amende est prononcée dans les conditions prévues au chapitre II du titre II du livre V du présent code.
« Art. L. 224-42-… – La présente section ne s’applique pas aux fournisseurs d’un service de communication au public en ligne dont le nombre de comptes d’utilisateurs ayant fait l’objet d’une connexion au cours des six derniers mois est inférieur à un seuil fixé par décret. »
II. – Alinéa 20
Rédiger ainsi cet alinéa :
II. – Le présent article entre en vigueur dix-huit mois après la promulgation de la présente loi.
La parole est à M. Yves Rome.
M. Yves Rome. Le présent amendement vise à instaurer des sanctions pour le non-respect des dispositions de l’article 21, à introduire un seuil d’application de la mesure et à modifier l’alinéa 20 afin de fixer une date d’entrée en vigueur en fonction de la publication du présent texte.
La suppression, par la commission, des sanctions prévues pour le non-respect des dispositions de l’article 21 a pour effet d’affaiblir l’effectivité du droit à la récupération des données. Ce droit, contrairement à ce que j’ai souvent pu entendre, constitue une avancée très importante pour les citoyens au regard du droit de la concurrence.
Par ailleurs, la suppression du seuil d’application de la mesure entraînerait une charge excessive pour les PME.
Enfin, harmoniser la date d’entrée en vigueur de l’article 21 avec celle du règlement général sur les données personnelles ne se justifie pas, car les deux textes n’ont pas le même objet. Il paraît donc préférable de prévoir que le dispositif n’entre en vigueur que dix-huit mois après promulgation de la loi.
M. le président. L'amendement n° 394 rectifié, présenté par MM. Rome, Sueur, Leconte et Camani, Mme D. Gillot, MM. F. Marc, Assouline, Guillaume et les membres du groupe socialiste et républicain et apparentés, est ainsi libellé :
Après l'alinéa 18
Insérer un alinéa ainsi rédigé :
« Art. L. 224-42-… – La présente sous-section ne s'applique pas aux fournisseurs d'un service de communication au public en ligne dont le nombre de comptes d'utilisateurs ayant fait l'objet d'une connexion au cours des six derniers mois est inférieur à un seuil fixé par décret. » ;
La parole est à M. Yves Rome.
M. Yves Rome. La rédaction adoptée par l’Assemblée nationale renvoyait la fixation du seuil d’application de la portabilité à un décret.
Ce seuil est exprimé en nombre de comptes utilisateurs actifs, c’est-à-dire ayant fait l’objet d’une connexion au cours des six derniers mois ; c’est le meilleur moyen de mesurer l’activité d’un site en ligne.
L’obligation de portabilité pourrait faire peser des contraintes excessives sur les PME qui se créent ou dont l’activité en ligne n’est que secondaire.
La commission des lois a supprimé ce seuil. Cela revient à appliquer indifféremment l’obligation de portabilité aux entreprises qui comptent plusieurs milliers d’utilisateurs ou d’abonnés et à celles dont l’activité en ligne est seulement accessoire ou dont le nombre de connexions n’est pas significatif au regard des enjeux.
Nous proposons donc de réintroduire le seuil en deçà duquel la portabilité n’est pas obligatoire que prévoyait le texte de l’Assemblée nationale.
M. le président. Quel est l’avis de la commission ?
M. Christophe-André Frassa, rapporteur. L’amendement n° 193, qui vise à rétablir plusieurs dispositions du texte initial, est évidemment contraire à la position de la commission. De solides arguments militent en faveur des choix que nous avons retenus.
D’abord, contrairement à ce qui est soutenu, la commission n’a pas supprimé les sanctions administratives, qui sont expressément prévues par renvoi à l’alinéa 19. L’article L. 242-20 du code de la consommation est l’article de référence pour les sanctions administratives en matière de contrats de services de communication électronique.
Ensuite, l’amendement tend à dispenser les PME du respect de l’obligation de portabilité. Cela serait manifestement contraire au règlement européen et créerait une inégalité entre les consommateurs selon la taille de l’opérateur auquel ils s’adressent. Une telle disposition est donc juridiquement très incertaine.
Enfin, la commission a garanti que le droit à la portabilité créé par l’article entrerait en vigueur en même temps que le futur règlement européen. Cette synchronisation permet de rassurer les entreprises ; celles que nous avons auditionnées nous l’ont très largement signifié.
Les auteurs de l’amendement proposent, à l’instar de ce qu’envisageait le Gouvernement, une entrée en vigueur dix-huit mois après la promulgation de la loi. Évitons une telle évaluation « au doigt mouillé », et privilégions plutôt une synchronisation certaine de l’entrée en vigueur des deux textes.
Pour ces raisons, la commission émet un avis défavorable sur cet amendement.
L’avis est également défavorable sur l’amendement n° 394 rectifié. Exclure les petits opérateurs du champ d’application du droit à la portabilité serait contraire au futur règlement européen. De plus, cela poserait un problème d’égalité des consommateurs devant la loi, ceux ayant fait appel aux petits opérateurs se trouvant privés d’un droit reconnu aux autres.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
Mme Axelle Lemaire, secrétaire d'État. Le Gouvernement émet un avis favorable sur l’amendement n° 193, dont l’adoption satisferait l’amendement n° 394 rectifié. Je sollicite donc le retrait de celui-ci.
M. le président. Monsieur Rome, l'amendement n° 394 rectifié est-il maintenu ?
M. le président. L'amendement n° 394 rectifié est retiré.
Je mets aux voix l'amendement n° 193.
J'ai été saisi d'une demande de scrutin public émanant de la commission des lois.
Je rappelle que l'avis de la commission est défavorable et que celui du Gouvernement est favorable.
Il va être procédé au scrutin dans les conditions fixées par l'article 56 du règlement.
Le scrutin est ouvert.
(Le scrutin a lieu.)
M. le président. Personne ne demande plus à voter ?…
Le scrutin est clos.
J'invite Mmes et MM. les secrétaires à procéder au dépouillement du scrutin.
(Il est procédé au dépouillement du scrutin.)
M. le président. Voici, compte tenu de l’ensemble des délégations de vote accordées par les sénateurs aux groupes politiques et notifiées à la présidence, le résultat du scrutin n° 205 :
Nombre de votants | 342 |
Nombre de suffrages exprimés | 342 |
Pour l’adoption | 155 |
Contre | 187 |
Le Sénat n'a pas adopté.
L'amendement n° 66, présenté par M. Leconte, est ainsi libellé :
Après l'alinéa 18
Insérer un alinéa ainsi rédigé
« Art. L. 224-42-…. – Le fait de céder ou d'acquérir à titre onéreux des données stockées en ligne et récupérées dans le cadre des articles L. 224-42-1 à L. 224-42-3 est passible d'une amende administrative dont le montant ne peut excéder 3 000 € pour une personne physique et 15 000 € pour une personne morale. Le fait d'accorder un avantage commercial dans le but d'acquérir ces données est passible des mêmes sanctions. L'amende est prononcée dans les conditions prévues à l'article L. 141-1-2. » ;
La parole est à M. Jean-Yves Leconte.
M. Jean-Yves Leconte. Cet amendement a pour objet d'interdire et de sanctionner l'achat ou la vente des données récupérées en ligne dans le cadre du dispositif de l’article 21 du projet de loi, afin de lutter contre la marchandisation des données personnelles. Nous souhaitons rendre de tels actes passibles d'une amende administrative.
Les historiques de navigation sur la toile sont révélateurs des goûts, des centres d’intérêt, des opinions des personnes concernées. Il n’est pas choquant qu’elles puissent récupérer ces informations. En revanche, il est nettement plus gênant qu’elles puissent les vendre ou s’en servir pour obtenir un avantage d’un autre fournisseur. Accepter la marchandisation de données qui sont souvent partie intégrante de la personne serait un peu comme autoriser la commercialisation d’organes !
Il faut éviter que les internautes ne deviennent en quelque sorte prisonniers de leur historique de navigation. Nous ne pouvons pas faire l’économie d’un débat sur ce sujet.
M. le président. Quel est l’avis de la commission ?
M. Christophe-André Frassa, rapporteur. Nous avons ici un désaccord majeur avec M. Leconte.
Interdire à un consommateur de monnayer le transfert de ses données d’un service commercial à un autre est tout à fait contraire au principe de la portabilité, qui vise également à redonner du pouvoir à l’intéressé sur ses données.
Notre collègue souhaite lutter contre la marchandisation des données personnelles, mais il serait pour le moins paradoxal d’interdire, à l’occasion d’un transfert de données, une valorisation économique de celles-ci, sur laquelle repose déjà en réalité la collecte et l’utilisation initiales desdites données. L’opérateur ayant le premier collecté les données aurait donc eu le droit de les acheter par la mise à disposition de ses services, mais son concurrent qui souhaiterait les récupérer avec le client ne le pourrait pas ?
La commission sollicite le retrait de cet amendement. À défaut, l’avis sera défavorable.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
Mme Axelle Lemaire, secrétaire d'État. Le Gouvernement émet un avis défavorable sur cet amendement, pour les raisons qui viennent d’être évoquées par M. le rapporteur.
Au demeurant, nous pourrions avoir un tel débat sur les données en général ; cette question n’est pas spécifiquement liée à la portabilité. (M. Philippe Dallier acquiesce.) Je ne comprends pas bien pourquoi une telle proposition intervient à cet endroit du texte.
M. le président. La parole est à M. Alain Richard, pour explication de vote.
M. Philippe Dallier. Je n’osais pas le dire !
M. Alain Richard. En réalité, que recouvrent les termes de « portabilité des données », sinon un dispositif d’échange de valeur économique ? Certes, les données ont un caractère personnel, mais elles sont d’abord une ressource dans la compétition économique.
Pour ma part, si je n’ai pas voté un certain nombre d’amendements sur le sujet, c’est parce qu’une partie des dispositions présentées interfèrent avec un règlement européen en cours d’adoption. Statuer sur la même matière qu’un règlement européen en préparation n’est pas de bonne méthode législative.
Surtout, les incidences économiques de ce système d’incitation à la concurrence sur la circulation des données n’ont pas été complètement évaluées. La lecture de l’étude d’impact du projet de loi n’est pas rassurante à cet égard.
Je comprends les réticences de M. Leconte, mais le vin est tiré ! Il s’agit bien d’un mécanisme de concurrence, dont nous mesurerons plus tard les effets…
M. le président. La parole est à Mme la secrétaire d'État.
Mme Axelle Lemaire, secrétaire d'État. En l’espèce, nous parlons des données utilisateurs. Le règlement européen porte sur les données personnelles, telles que le nom, l’âge, l’adresse. Ce n’est donc pas la même matière.
M. Alain Richard. Je n’en suis pas convaincu !
Mme Axelle Lemaire, secrétaire d'État. Les données utilisateurs, ce sont, par exemple, des préférences musicales exprimées sur un site de streaming, des photos d’amis postées en ligne ou un historique des relevés de consommation énergétique… Ce champ est très éloigné de la définition juridique des données personnelles.
M. Alain Richard. On en reparlera !
Mme Axelle Lemaire, secrétaire d'État. D’ailleurs, cela fait tout l’intérêt de l’extension au droit de la consommation. C’est le raisonnement que tiennent actuellement l’Allemagne et la Commission européenne, laquelle envisage de renégocier –mais dans un futur trop lointain – la directive sur le commerce électronique, précisément pour élargir le champ des données concernées.
Je précise que le règlement européen en question fait déjà partie de notre droit : il a été adopté et est entré en vigueur.
Les données ont effectivement une valeur économique. C’est précisément pour cette raison que nous affirmons dans le texte le principe de la libre disposition par l’utilisateur de ses données personnelles. Les Allemands parlent d’« autodétermination informationnelle ». L’individu doit pouvoir récupérer les données qu’il a créées. À défaut, le commerce des données relèverait effectivement de la loi de la jungle et ne laisserait plus aucune place aux particuliers à l’origine de celles-ci.
M. le président. La parole est à M. Jean-Yves Leconte, pour explication de vote.
M. Jean-Yves Leconte. Monsieur Richard, ce n’est pas, de ma part, de la naïveté ; j’exprime une inquiétude ! Il faut bien mesurer ce que nous allons faire. Je constate, à cet égard, que l’on ne m’a pas répondu quand j’ai demandé qui serait protégé en pratique. Je ne suis pas persuadé que toute personne vivant en France le sera, quel que soit le lieu d’implantation sur la planète du fournisseur de services qu’elle aura choisi !
Madame la secrétaire d’État, il n’y a effectivement aucun problème avec les données personnelles comme vous les avez définies. Mais certaines informations qui ne sont pas des données délibérément créées par l’internaute – je pense par exemple aux pages consultées par le biais d’Internet Explorer ou aux achats effectués ou envisagés sur eBay, qui figurent dans l’historique de navigation – sont très révélatrices de ses goûts, de ses intérêts, de son comportement. Cela relève de la biométrie, au sens large du terme. Encore une fois, de telles données, qui sont constitutives de la personne, ne doivent pas pouvoir être commercialisées.
Il me semble tout à fait pertinent qu’un tel débat se tienne à l’occasion de l’examen de cette partie du texte. Je maintiens mon amendement.
M. le président. La parole est à M. Philippe Dallier, pour explication de vote.
M. Philippe Dallier. Mon cher collègue, si vous imaginez que Google ou Facebook n’utilisent pas les données qu’ils collectent lorsque l’on se sert de leurs applications, vous rêvez !
Une application sur iPhone permet de compter le nombre de pas effectués ou le nombre de marches d’escalier montées dans la journée : de telles données valent de l’argent ! Elles permettent de cibler la publicité pour les assurances-vie ou les clubs de sport. C’est ce qui fonde le modèle économique de Google ou de Facebook !
Vous soulevez un véritable problème, sur lequel il faut sans doute effectivement réfléchir, mais cette marchandisation a déjà commencé. Cela étant, pourquoi lancer ce débat à ce moment de la discussion du texte ?
M. le président. La parole est à Mme Catherine Morin-Desailly, pour explication de vote.
Mme Catherine Morin-Desailly. L’intention de notre collègue Jean-Yves Leconte me semble tout à fait louable. Ce n’est pas parce que nous sommes embarqués dans un système où les données se multiplient que nous devons nous résigner à l’hypersurveillance !
À mon sens, le fait d’affirmer un certain nombre de principes dans la loi conduit le législateur à se projeter dans le devenir de notre société. Nous n’avons pas encore parlé du transhumanisme, de la réalité augmentée… Ce que l’on observe dans certaines grandes sociétés extra-européennes a de quoi sérieusement inquiéter. Des questions éthiques essentielles se posent.
Le problème est que, en Europe, on semble considérer le leadership de quelques entreprises géantes comme une fatalité. Il faudrait donc se résoudre à vivre dans un monde où toutes les données peuvent circuler hors de notre contrôle. À mes yeux, il est encore temps d’œuvrer pour notre souveraineté numérique !
M. le président. L'amendement n° 337, présenté par Mme Bouchoux et les membres du groupe écologiste, est ainsi libellé :
Après l'alinéa 19
Insérer un paragraphe ainsi rédigé :
… – Après le deuxième alinéa de l'article 38 de la loi n° 78-17 du 6 janvier 1978 relative à l'informatique, aux fichiers et aux libertés, il est inséré un alinéa ainsi rédigé :
« La récupération de données prévue par la section 20 du chapitre Ier du titre II du livre Ier du code de la consommation constitue un motif légitime d'opposition. »
La parole est à Mme Corinne Bouchoux.
Mme Corinne Bouchoux. Selon nous, le droit à la portabilité des données devrait pouvoir s’accompagner d’un droit de l’utilisateur à l’effacement des données le concernant.
Nous souhaitons prévoir que la portabilité des données constitue un motif légitime d’opposition au traitement, en précisant l’article 38 de la loi du 6 janvier 1978 relative à l’informatique, aux fichiers et aux libertés. Cette proposition a été notamment formulée par le Conseil national du numérique dans son avis sur le projet de loi.
M. le président. Quel est l’avis de la commission ?
M. Christophe-André Frassa, rapporteur. Mme Bouchoux souhaite que le droit à la portabilité soit un motif légitime d’opposition au traitement.
Une telle demande nous semble largement satisfaite par l’article 17 du règlement européen, qui prévoit les différents cas d’effacement des données personnelles. Il nous paraît inutile d’aller au-delà à ce stade.
C'est la raison pour laquelle la commission sollicite le retrait de cet amendement.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
Mme Axelle Lemaire, secrétaire d'État. Le Gouvernement émet un avis défavorable sur cet amendement.
Mme Bouchoux considère que la portabilité des données doit emporter un droit d’opposition au traitement. Or ce droit figure déjà dans la loi du 6 janvier 1978 relative à l’informatique, aux fichiers et aux libertés, et il se trouve encore renforcé dans le règlement européen. Il s’applique à toutes les données personnelles, y compris à celles qui font l’objet de la portabilité.
M. le président. Madame Bouchoux, l'amendement n° 337 est-il maintenu ?
Mme Corinne Bouchoux. Il valait mieux que cela soit dit explicitement. Je suis maintenant rassurée et je retire donc l’amendement.
M. le président. L'amendement n° 337 est retiré.
Je mets aux voix l'article 21.
(L'article 21 est adopté.)
Section 3
Loyauté des plateformes et information des consommateurs
Article 22
I. – Le chapitre Ier du titre Ier du livre Ier du code de la consommation, dans sa rédaction résultant de l’ordonnance n° 2016-301 du 14 mars 2016 précitée est ainsi modifié :
1° (Supprimé)
2° L’article L. 111-7 est ainsi modifié :
a) Le premier alinéa est remplacé par huit alinéas ainsi rédigés :
« Est qualifiée d’opérateur de plateforme en ligne toute personne physique ou morale proposant, à titre professionnel, de manière rémunérée ou non, un service de communication en ligne reposant sur :
« 1° Le classement ou le référencement, au moyen d’algorithmes informatiques, de contenus, de biens ou de services proposés ou mis en ligne par des tiers ;
« 2° Ou la mise en relation de plusieurs parties en vue de la vente d’un bien, de la fourniture d’un service ou de l’échange ou du partage d’un contenu, d’un bien ou d’un service.
« Tout opérateur de plateforme en ligne est tenu de délivrer au consommateur une information loyale, claire et transparente sur les conditions générales d’utilisation du service d’intermédiation qu’il propose et sur les modalités de référencement, de classement et de déréférencement des contenus, des biens ou des services auxquels ce service permet d’accéder. L’opérateur fait apparaître clairement, grâce à une signalisation explicite, l’existence d’une relation contractuelle avec la personne référencée, d’un lien capitalistique avec elle ou d’une rémunération directe à son profit, dès lors qu’ils influencent le classement ou le référencement des contenus, des biens ou des services proposés. » ;
a) à c) (Supprimés)
b) Aux deuxième et troisième alinéas, les mots : « la personne mentionnée au premier alinéa du présent article est également tenue » sont remplacés par les mots : « l’opérateur de plateforme en ligne est également tenu ».
II. – À compter de l’entrée en vigueur des mesures réglementaires nécessaires à l’application de l’article L. 111-7 du code de la consommation, dans sa rédaction résultant du présent I, l’article L. 111-6 du même code est abrogé.
M. le président. L'amendement n° 575, présenté par MM. Camani et Lalande, est ainsi libellé :
Rédiger ainsi cet article :
I. – Après l’article L. 100 du code des postes et des communications électroniques, tel qu’il résulte de l’article 40 de la présente loi, sont insérés trois articles ainsi rédigés :
« Art. L. 101. – On entend par opérateur de plateforme en ligne toute personne physique ou morale proposant, à titre professionnel, de manière rémunérée ou non, un service de communication en ligne reposant sur :
« 1° Le classement ou le référencement de contenus, de biens ou de services proposés ou mis en ligne par des tiers ;
« 2° Ou la mise en relation de plusieurs parties en vue de la vente d’un bien, de la fourniture d’un service ou de l’échange ou du partage d’un contenu, d’un bien ou d’un service.
« Art. L. 102. – Conformément au 6° du III de l’article L. 32-1, l’Autorité de régulation des communications électroniques et des postes veille à la capacité des utilisateurs finals à accéder à l’information et à la diffuser ainsi qu’à accéder aux applications et aux services de leur choix. Afin de veiller à ce que cette capacité puisse s’exercer y compris dans le cadre de l’utilisation des services proposés par les opérateurs de plateforme en ligne, l’Autorité promeut et peut assurer par elle-même la diffusion au public d’informations utiles, et dans ce cadre :
« – peut autoriser des tiers à se prévaloir de son approbation quand ceux-ci publient des informations qui présentent un intérêt particulier pour les utilisateurs de ces plateformes et sont élaborées dans des conditions garantissant l’indépendance de leur auteur et leur fiabilité. Le cas échéant, l’Autorité approuve au préalable la méthodologie retenue et le format de publication des informations. Elle retire son approbation lorsqu’elle constate, par tout moyen, que les conditions qui ont permis sa délivrance ne sont plus satisfaites. Dans ce cas, le tiers concerné cesse de s’en prévaloir ;
« – met en place en tant que de besoin des outils d’évaluation des pratiques de ces opérateurs de plateforme en ligne et peut publier, dans le respect des secrets protégés par la loi, les informations susceptibles de favoriser la liberté des utilisateurs ;
« – peut recueillir, de manière proportionnée aux besoins liés à l’application du présent article et sur la base d’une décision motivée, toute information utile auprès des opérateurs de plateformes en ligne. Elle peut sanctionner les manquements des opérateurs de plateforme en ligne aux décisions prises en application du présent alinéa dans les conditions prévues à l’article L. 36-11.
« Le présent article n’est pas applicable aux services qui permettent d’accéder principalement à des services ou contenus relevant de la communication audiovisuelle, telle que définie à l’article 2 de la loi n° 86-1067 du 30 septembre 1986 relative à la liberté de communication.
« Art. L. 103. – Le président de l’Autorité de régulation des communications électroniques et des postes saisit l’Autorité de la concurrence des abus de position dominante et des pratiques entravant le libre exercice de la concurrence dont il pourrait avoir connaissance dans le cadre de l’application de l’article L. 102. Cette saisine peut être introduite dans le cadre d’une procédure d’urgence, conformément à l’article L. 464-1 du code de commerce. »
II. – L’article L. 111-5-1 du code de la consommation est abrogé.
La parole est à M. Pierre Camani.
M. Pierre Camani. J’ai souhaité présenter cet amendement en tant que membre du Conseil national du numérique et de la Commission supérieure du service public des postes et des communications électroniques, afin d’alimenter le débat sur la loyauté des plateformes.
Les problématiques liées au pouvoir de marché considérable de quelques géants d’internet constituent une préoccupation forte pour le Sénat.
En prévoyant l’instauration d’un principe de « loyauté » s’imposant aux grandes plateformes sur internet dans leurs relations avec les consommateurs, l’article 22 du présent projet de loi aborde un vrai problème. Toutefois, la solution proposée n’est peut-être pas entièrement satisfaisante.
Je crois nécessaire d’envisager la problématique des plateformes du point de vue des consommateurs, certes, mais également de celui des utilisateurs professionnels.
Dans un contexte de numérisation de l’ensemble de l’économie, il est essentiel d’apporter aux entreprises le maximum de sécurité et de confiance. Il faut en particulier les protéger des comportements parfois unilatéraux des grandes plateformes internet, points de passage obligés pour accéder aux marchés en ligne.
Par ailleurs, imposer un principe de loyauté au seul niveau national soulèverait des difficultés de mise en œuvre à l’égard des acteurs implantés à l’étranger. Même s’il pourrait théoriquement s’appliquer également à ces derniers, le dispositif de l’article risquerait d’affecter principalement les acteurs établis en France, donc la compétitivité de notre pays.
Les réponses réglementaires doivent venir de l’Europe. Une intervention à l’échelon national ne saurait procéder que du droit souple. Cette observation vaut également pour l’article L. 111-5-1 du code de la consommation, qui a été introduit par la loi du 6 août 2015 pour la croissance, l’activité et l’égalité des chances économiques et concerne les places de marché en ligne. L’amendement vise également à revenir sur ce dispositif.
Nous proposons donc d’organiser la mise en place d’un dispositif de notation des plateformes. C’est ce que le Conseil national du numérique propose dans son rapport intitulé « Ambition numérique ».
Cette solution consiste à accumuler de l’information sur les plateformes pour mieux comprendre leurs comportements et leurs interactions avec les consommateurs comme avec les utilisateurs professionnels, et à la restituer sous forme de tests comparatifs publics.
Compte tenu de la variété des plateformes, le dispositif proposé est ouvert, ce qui permettra à divers acteurs de contribuer.
Le mécanisme vise, d’une part, à inciter, par la publicité des informations, les plateformes à adopter des comportements plus vertueux, et, d’autre part, à permettre la construction d’un socle d’expertise objective renforçant la position des autorités françaises en vue de la définition au niveau européen d’un cadre réglementaire adapté.
L’État jouera dans ce dispositif un rôle de stimulant et de tiers certificateur, pour veiller à la sincérité et à la fiabilité des informations publiées par les différents contributeurs.
M. le président. Il faut conclure, mon cher collègue.
M. Pierre Camani. Néanmoins, il gardera la capacité d’obtenir des informations directement auprès des plateformes en cas de besoin.
M. le président. Quel est l’avis de la commission ?
M. Christophe-André Frassa, rapporteur. M. Camani propose rien de moins qu’une réécriture intégrale de l’article 22, selon une logique tout autre que celle de la commission. Nous ne pouvons donc être d'accord…
Au demeurant, pour être conforme au droit européen, le dispositif sur la régulation des opérateurs de plateforme doit viser expressément la protection des consommateurs. Il est donc quelque peu incertain de l’inscrire dans le code des postes et communications électroniques, comme cela est proposé.
Je sollicite donc le retrait de cet amendement ; à défaut, l’avis serait défavorable.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
Mme Axelle Lemaire, secrétaire d'État. Le Gouvernement constate que les entreprises du numérique relèvent de modèles économiques nouveaux, fondés sur la captation des données, personnelles ou de consommation.
Cela soulève de nombreuses questions en termes de respect de la vie privée, de fiscalité, de pratiques commerciales, de respect des règles de consommation, de positionnement concurrentiel…
Nous sommes obligés de constater que nous manquons d’informations pour appréhender ces sujets dans leur globalité tant ils sont récents et tant il est incertain que nos cadres juridiques, qu’ils soient nationaux ou européens, sont aujourd'hui adaptés à appréhender ces modèles économiques nouveaux.
Dans ces conditions, nous avons décidé d’avancer prudemment et progressivement, en dotant l’État de la capacité d’observer activement ces pratiques, en lien naturellement avec l’écosystème et les régulateurs compétents, mais aussi avec les associations de consommateurs, le Conseil national du numérique et les entreprises.
À ce stade, il serait dommage de confier cette compétence d’emblée à une autorité administrative indépendante, ce qui nous ferait rater l’occasion de renforcer l’expertise de l’État sur ce sujet. Cela limiterait aussi son domaine à un champ sectoriel occupé à l’heure actuelle par l’ARCEP, l’Autorité de régulation des communications électroniques et des postes.
J’ajoute enfin que l’ARCEP se plaint de voir ses dépenses, en particulier de fonctionnement, diminuer du fait des contraintes budgétaires de l’État. Il serait délicat de lui confier une telle mission importante, par conséquent lourde en termes de ressources.
Le Gouvernement émet donc un avis défavorable sur cet amendement.
M. le président. Je suis saisi de deux amendements faisant l'objet d'une discussion commune.
L'amendement n° 589, présenté par le Gouvernement, est ainsi libellé :
I. – Alinéa 8, seconde phrase
Supprimer les mots :
, grâce à une signalisation explicite,
II. – Alinéa 10
Supprimer cet alinéa.
La parole est à Mme la secrétaire d'État.
Mme Axelle Lemaire, secrétaire d'État. Par cet amendement, nous souhaitons améliorer radicalement l’information du consommateur. Ces informations doivent être accessibles, lisibles et visibles pour les utilisateurs. Néanmoins, la référence à une signalisation explicite pour accueillir ces informations est excessivement précise.
Cet article a fait l’objet d’un important travail avec la Commission européenne, notamment avec les commissaires Oettinger, chargé de l’économie numérique, Jourová, chargée de la justice, et Ansip, vice-président de la Commission européenne.
Le second objectif de cet amendement est de maintenir l’article L. 111-6 du nouveau code de la consommation, relatif à l’activité des sites comparateurs. En effet, si la définition de l’opérateur de plateforme en ligne donnée désormais par l’article L. 111-7 du nouveau code de la consommation recouvre les sites comparateurs, son contenu ne vise pas précisément l’activité de comparaison en ligne. Il fallait donc apporter cette précision, pour bien indiquer que nous posions le principe d’une information loyale, claire et transparente, spécifiquement pour les comparaisons en ligne portant sur les prix et les caractéristiques des biens et des services, y compris sur ce qui relève de la publicité.
C’est une activité spécifique qui concerne un nombre d’acteurs bien plus faible que l’ensemble des plateformes et qui connaît des spécificités en termes d’informations souhaitées.
Cet amendement a été très attendu par les parties prenantes, aussi bien par les consommateurs et leurs associations que par les entreprises du secteur des comparateurs de prix. Il se trouve qu’en ce domaine les entreprises françaises sont très performantes. Elles souhaitent empêcher les concurrents moins-disants en matière de protection des consommateurs de dégrader la confiance des utilisateurs s'agissant de ce secteur. Il est important de ne pas abroger la base législative de ce travail.
M. le président. L'amendement n° 111 rectifié, présenté par Mme Morin-Desailly et M. L. Hervé, est ainsi libellé :
Alinéa 8, seconde phrase
Supprimer les mots :
, grâce à une signalisation explicite,
La parole est à Mme Catherine Morin-Desailly.
Mme Catherine Morin-Desailly. Les achats et la consommation de contenus ou de services en ligne, gratuits ou non, « monnayés » ou non par la publicité, ont pris une place croissante dans notre quotidien.
Nombreux restent pourtant les questionnements de l’internaute sur la transparence et parfois la véracité des informations auxquelles il accède sur le web.
Si le principe d’information loyale et claire est évidemment essentiel, il paraît inutile de le complexifier plus que nécessaire. En ce sens, l’usage excessif de pictogrammes risque de compliquer la lecture des pages visitées et la navigation dans son ensemble, sans intérêt réel pour l’expérience utilisateur, ainsi que pour les droits du consommateur.
Les grandes plateformes – Google, Yahoo, etc. – visées initialement par ce texte font en effet déjà usage d’une signalisation particulière pour les liens commerciaux dits « liens sponsorisés », qui sont une forme de publicité en ligne.
Par ailleurs, il est à noter que l’article 22 précise déjà que les informations devront « apparaître clairement ». L’objet du présent amendement est donc de supprimer la mention « grâce à une signalisation explicite », qui semble superflue, et de renvoyer la précision des modalités au décret.
M. le président. Quel est l’avis de la commission ?
M. Christophe-André Frassa, rapporteur. L’amendement n° 589 du Gouvernement tend à supprimer l’abrogation différée de l’article L. 111-6 du code de la consommation proposée par la commission.
Or cette abrogation vise à éviter que deux régimes juridiques différents ne se recouvrent. Le futur article L. 111-7 concerne à la fois les moteurs de recherche, les comparateurs de prix et les places de marchés. L’article L. 111-6 ne concerne que les comparateurs de prix.
Il est vrai que le Gouvernement devrait prochainement, après deux ans d’attente, publier le décret d’application de l’article L. 111-6. Il serait dommage que ce décret tant attendu disparaisse du fait de l’abrogation de l’article L. 111-6.
La commission a tenu compte de cet inconvénient et a proposé d’y remédier en maintenant l’article L. 111-6 jusqu’à ce que les décrets d’application de l’article L. 111-7 prennent le relais du décret en cause. Ainsi, il n’y aura pas de solution de continuité dans la régulation et l’on évitera que deux régimes juridiques différents ne coexistent.
J’invite le Gouvernement à se rallier à cette solution de sagesse et à retirer son amendement n° 589.
L’amendement n° 111 rectifié vise quant à lui à supprimer une précision relative au caractère explicite de la signalisation qui ne me semble pas superflue.
Imposer une signalisation explicite du fait que le classement d’un produit a été acheté évitera que cette signalisation ne se retrouve en note de bas de page ou qu’elle soit suffisamment vague pour entretenir la confusion.
L’exemple des sites qui ont, d’eux-mêmes, mis en place une telle signalisation montre que « l’expérience utilisateur » ou la « navigation dans son ensemble » n’est pas aussi perturbée que l’indique l’objet de l’amendement.
Toutefois, il est vrai que le texte prévoit déjà que l’information doit être claire. C’est la raison pour laquelle la commission a émis un avis de sagesse.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement sur l’amendement n° 111 rectifié ?
M. le président. La parole est à M. Alain Richard, pour explication de vote.
M. Alain Richard. Je souhaite que M. le rapporteur réexamine sa position sur la signalisation explicite.
Il s’agit d’un domaine d’exercice de la libre prestation de services au niveau de la communauté et de fixation des conditions commerciales de concurrence. L’étiquetage ou la caractérisation publique des produits est un enjeu très important d’unité du marché intérieur. Tous ceux qui s’intéressent aux questions d’appellations d’origine contrôlée savent qu’il n’est plus possible, sauf accord au sein de l’Union européenne, d’instaurer des catégorisations fragmentant artificiellement le marché.
Comme l’a souligné très justement Mme la secrétaire d’État, dire qu’il existe des règles d’identification de la nature du service, de présentation des garanties, mais que nous, Français, nous demandons que tout cela fasse l’objet d’une signalisation explicite risque fort – c’est même une certitude – de donner lieu à un contentieux communautaire. Plutôt que de se mettre dans une passe difficile sur le plan européen, mieux vaut donc laisser s’instaurer ce dispositif, qui est déjà exigeant, et observer si des fraudes ou des abus empêchent le consommateur de profiter des garanties qui lui sont offertes.
M. le président. La parole est à Mme la secrétaire d'État.
Mme Axelle Lemaire, secrétaire d'État. J’abonderai dans le sens d’Alain Richard. La notion de signalisation explicite a expressément été considérée comme trop prescriptive par la commission européenne.
Nous sommes sur une ligne de crête. En cette matière, comme dans beaucoup d’autres, d’ailleurs, il s’agit de mesurer les marges de manœuvre réservées aux gouvernements nationaux pour ne pas emprunter un chemin exclusivement européen et bruxellois. C’est ce travail d’articulation très fine qui a été mené sur le texte pour l’ensemble des sujets couverts.
Il se trouve que, en cette matière, les négociations avec la Commission européenne pour nous permettre d’avancer et de renforcer davantage la protection des consommateurs, lorsqu’elles sont possibles, lient le gouvernement français : il y va de notre crédibilité pour continuer à peser dans le cadre des discussions numériques à Bruxelles.
M. Alain Richard. Cela s’appelle le marché commun !
M. le président. La parole est à M. le rapporteur.
M. Christophe-André Frassa, rapporteur. Monsieur Richard, j’entends parfaitement vos arguments. C’est précisément la raison pour laquelle la commission s’en est remise à la sagesse du Sénat au sujet de l’amendement n° 111 rectifié, qui vise à supprimer la référence à une signalisation explicite.
M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 589.
J'ai été saisi d'une demande de scrutin public émanant de la commission des lois. (Exclamations sur les travées du groupe socialiste et républicain.)
Je rappelle que l'avis de la commission est défavorable.
Il va être procédé au scrutin dans les conditions fixées par l'article 56 du règlement.
Le scrutin est ouvert.
(Le scrutin a lieu.)
M. le président. Personne ne demande plus à voter ?…
Le scrutin est clos.
J'invite Mmes et MM. les secrétaires à procéder au dépouillement du scrutin.
(Il est procédé au dépouillement du scrutin.)
M. le président. Voici, compte tenu de l’ensemble des délégations de vote accordées par les sénateurs aux groupes politiques et notifiées à la présidence, le résultat du scrutin n° 206 :
Nombre de votants | 342 |
Nombre de suffrages exprimés | 342 |
Pour l’adoption | 135 |
Contre | 207 |
Le Sénat n'a pas adopté.
Je mets aux voix l'amendement n° 111 rectifié.
(L'amendement est adopté.)
M. le président. L'amendement n° 338, présenté par Mme Bouchoux et les membres du groupe écologiste, est ainsi libellé :
Alinéa 8, seconde phrase
Après le mot :
explicite,
insérer les mots :
et sur un dispositif consultable à tout moment,
La parole est à Mme Corinne Bouchoux.
Mme Corinne Bouchoux. Cet amendement a pour objet que les descriptions génériques des informations à délivrer ne soient pas limitées à une simple mention dans les conditions générales d’utilisation.
M. le président. Quel est l’avis de la commission ?
M. Christophe-André Frassa, rapporteur. La proposition de mettre en place une consultation possible à tout moment des indications sur les modalités de référencement est assez intéressante. Néanmoins, il me semble préférable de laisser au décret le soin de déterminer selon quelles modalités l’information sur les conditions de référencement des offres doit être portée à la connaissance du consommateur.
À ce stade, je sollicite le retrait de cet amendement, dont les dispositions semblent relever davantage du domaine réglementaire.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
Mme Axelle Lemaire, secrétaire d'État. Le Gouvernement sollicite également le retrait de cet amendement, étant entendu que nous avons l’intention, pour définir le contenu du décret d’application de cet article, d’organiser une consultation sur le modèle de celle qui avait été mise en place avec le Conseil national de la consommation au sujet des sites de comparaison en ligne.
Il est important de consulter les professionnels du secteur et les consommateurs pour connaître les modalités exactes d’affichage des informations.
Le Gouvernement demande donc le retrait de cet amendement.
M. le président. Madame Bouchoux, l'amendement n° 338 est-il maintenu ?
Mme Corinne Bouchoux. Rassurée par les propos de Mme la secrétaire d’État, je retire cet amendement, monsieur le président.
M. le président. L'amendement n° 338 est retiré.
L'amendement n° 465, présenté par Mme Assassi, MM. Bosino, Abate et les membres du groupe communiste républicain et citoyen, est ainsi libellé :
Alinéa 8, seconde phrase
Supprimer le mot :
directe
La parole est à M. Jean-Pierre Bosino.
M. Jean-Pierre Bosino. Nous souhaitons revenir à la rédaction de l’article 22 du projet de loi initial.
Les « GAFA » et autres Microsoft sont devenus omniprésents dans notre vie quotidienne. Ces entreprises numériques sont de plus en plus hégémoniques, ce qui crée un fort ressenti de déséquilibre entre leur pouvoir et leurs usagers. Cela fait parfois très peur !
Le constat est vrai aussi pour d’autres plateformes plus modestes. C’est pourquoi il est impératif d’imposer un principe de neutralité des plateformes ou un principe de loyauté. C’est cette dernière option qui a été retenue par le projet de loi.
L’article 22 définit ces plateformes et les soumet au respect d’un cadre réglementaire minimum au profit du consommateur. Cette obligation de transparence porte, entre autres, sur les liens capitalistiques entre plateformes et personnes référencées, dès lors qu’ils influencent les classements, et sur les liens de rémunération avec les personnes référencées. Cette mesure est plutôt une bonne chose.
Toutefois, cette obligation a été restreinte, et seules les rémunérations directes doivent être mentionnées. Nous considérons quant à nous qu’il convient de revenir à l’article 22 tel qu’il était rédigé initialement.
M. le président. Quel est l’avis de la commission ?
M. Christophe-André Frassa, rapporteur. La commission souhaite entendre l’avis du Gouvernement.
M. le président. Quel est donc l’avis du Gouvernement ?
Mme Axelle Lemaire, secrétaire d'État. Cet amendement tend à supprimer la référence à la rémunération directe.
Une telle suppression permet d’élargir le champ d’application et évite d’introduire trop d’insécurité juridique. Que serait une rémunération directe ou, a contrario, une rémunération indirecte ? Toute forme de rémunération doit être incluse dans le champ de l’obligation loyale et transparente.
Le Gouvernement émet donc un avis favorable sur cet amendement.
M. le président. L'amendement n° 47 rectifié bis, présenté par MM. Grand et Milon, Mmes Giudicelli et M. Mercier, MM. Vasselle, Gilles et Pellevat, Mme Micouleau, MM. Lefèvre, Bizet, Charon et Laménie et Mme Deroche, n'est pas soutenu.
Je suis saisi de deux amendements faisant l'objet d'une discussion commune.
L'amendement n° 80 rectifié ter, présenté par MM. Commeinhes, Gremillet, Chatillon, Longeot, A. Marc, Laménie et Husson, n'est pas soutenu.
L'amendement n° 395, présenté par MM. Rome, Sueur, Leconte et Camani, Mme D. Gillot, MM. F. Marc, Assouline, Guillaume, Marie et les membres du groupe socialiste et républicain et apparentés, est ainsi libellé :
Après l'alinéa 9
Insérer deux alinéas ainsi rédigés :
…) Après le troisième alinéa, il est inséré un alinéa ainsi rédigé :
« Les opérateurs de plateforme en ligne ne favorisent pas leurs propres services ou ceux d'entités entretenant avec eux des liens capitalistiques par des signalétiques distinctives ou des espaces dédiés. »
La parole est à M. Yves Rome.
M. Yves Rome. Cet amendement vise à encadrer l’activité de certaines grandes plateformes qui cumulent – cette pratique existe aussi dans le domaine du numérique ! (Sourires.) – les fonctions de moteur de recherche en position dominante et celles de prestataire de services.
Ces plateformes ont en effet pris l’habitude de favoriser leurs propres services ou filiales au détriment des sites concurrents. Ce traitement privilégié peut se traduire par un affichage préférentiel réservé à ces services ou filiales sur la première page de résultats du moteur de recherche : rang de classement, mais aussi espace dédié et encadrement particulier.
Le service du moteur de recherche est incontestablement avantagé lorsque la première page de résultats pour une recherche de billets d’avion, par exemple, est occupée pour moitié par un encadré affichant des offres tarifaires.
Google Shopping, par exemple, est tout à la fois un site de commerce et un comparateur de prix, les professionnels payant Google pour que leurs produits soient représentés sur son service.
Ces pratiques d’abus de position dominante trompent le consommateur et nuisent à de nombreuses entreprises du numérique.
Cet amendement a donc pour objet d’empêcher que des opérateurs de plateforme en ligne, étant à la fois comparateurs et vendeurs, ne favorisent leurs propres services, filiales ou partenaires par des signalisations privilégiées ou des espaces dédiés, au détriment des sites concurrents.
M. le président. Quel est l’avis de la commission ?
M. Christophe-André Frassa, rapporteur. Cet amendement me laisse perplexe. On ne peut, sans porter atteinte à la liberté du commerce, interdire à un opérateur, quel qu’il soit, de faire, sur son site, la promotion de ses propres produits. Comment empêcher la FNAC, sur son propre site, de faire la promotion de ses produits ? Idem pour Google.
En revanche, on peut lui imposer d’être totalement transparent sur ce référencement promotionnel. C’est ce que prévoit d’ores et déjà l’article 22 de la commission.
La commission demande donc le retrait de cet amendement, au profit du texte de la commission sur le sujet, qui est déjà complet. À défaut, j’émettrai un avis défavorable.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
Mme Axelle Lemaire, secrétaire d'État. Il s’agit certes d’un sujet important, mais les dispositions de cet amendement vont trop loin, au point que j’y suis défavorable.
Cet amendement vise à interdire tout affichage préférentiel, notamment de la part d’un moteur de recherche. Une telle disposition pourrait totalement remettre en question des modèles économiques librement choisis par les entreprises. Or, dans le domaine des pratiques commerciales, il est interdit d’interdire pour les États membres en raison de la directive européenne relative aux pratiques commerciales déloyales, en particulier.
Plus généralement, le choix de ce texte est de se placer du point de vue du consommateur, pour que celui-ci bénéficie d’une information transparente et puisse effectuer des choix éclairés. Ce qui importe, c’est de savoir qu’un produit a été référencé du fait d’un lien capitalistique, par exemple, ou que l’entreprise responsable d’une marchandise a payé à des fins de publicité.
Deux niveaux sont choisis : à l'échelon national, le terrain du droit de la consommation ; à l’échelon européen, le terrain du droit de la concurrence. C’est à ce niveau que la Commission européenne a engagé un certain nombre de procédures d’enquêtes de notification de griefs. D’autres en sont au stade du contentieux.
Je pense, en particulier, à la procédure ouverte par la Commission européenne contre Google concernant l’utilisation de Google Shopping ou encore, très récemment, à la notification de griefs contre Google, qui pourrait être accusé d’abus de position dominante dans sa relation avec les fabricants de terminaux, qui intègrent le système d’exploitation Android dans des proportions très majoritaires sur le marché des smartphones.
Il est important de comprendre sur quel terrain du droit nous nous situons. Le terrain commercial est, en l’occurrence, beaucoup trop invasif et il est interdit pour la France.
M. le président. Monsieur Rome, l'amendement n° 395 est-il maintenu ?
M. Yves Rome. Je suis fier d’avoir pu poser le débat sur les plateformes. Il y a là un problème récurrent qui, à terme, si nous n’y prenons garde, risque de tuer toute l’économie et d’ôter tous moyens à la nation française d’agir au profit du bien-vivre ensemble.
Néanmoins, je retire cet amendement, monsieur le président.
M. le président. L'amendement n° 395 est retiré.
L'amendement n° 396 rectifié, présenté par MM. Rome, Leconte, Sueur et Camani, Mme D. Gillot, MM. F. Marc, Assouline, Guillaume, Marie et les membres du groupe socialiste et républicain et apparentés, est ainsi libellé :
I. – Après l'alinéa 8
Insérer un alinéa ainsi rédigé :
…) Le début du deuxième alinéa est ainsi rédigé : « Lorsque son activité consiste en la mise en relation de consommateurs avec des professionnels ou des non-professionnels, (le reste sans changement) » ;
II. – Après l’alinéa 9
Insérer un alinéa ainsi rédigé :
…) Au troisième alinéa, la référence : « à l'article L. 221-6 » est remplacée par les références : « aux articles L. 221-5 et L. 221-6 ».
La parole est à M. Yves Rome.
M. Yves Rome. Le code de la consommation prévoit que, lorsque des consommateurs ou des non-professionnels sont mis en relation, l’opérateur de plateforme en ligne fournit une information loyale, claire et transparente sur la qualité de l’annonceur et sur les droits et obligations des parties en matière civile et fiscale.
Cet amendement a pour objet d’élargir cette mesure aux opérateurs de plateforme en ligne lorsqu’ils mettent en relation les consommateurs avec des professionnels, vendeurs ou prestataires de service.
De nombreuses plateformes sont mixtes en ce sens qu’elles mettent en relation le consommateur avec des professionnels et des non-professionnels.
Il est donc important que l’information loyale, claire et transparente sur la qualité de l’annonceur s’applique, que le consommateur soit mis en relation avec des non-professionnels ou avec des professionnels.
Par ailleurs, l’amendement tend à compléter le renvoi aux articles relatifs aux informations précontractuelles que doivent respecter les opérateurs de plateforme en ligne : il paraît essentiel de viser l’article L. 221-5 du code de la consommation dans sa rédaction résultant de l’ordonnance du 14 mars 2016 relative à la partie législative du code de la consommation.
C’est en effet cet article qui traite de la mention des informations précontractuelles : droit de rétraction, conditions des retours, coordonnées du professionnel…
M. le président. Quel est l’avis de la commission ?
M. Christophe-André Frassa, rapporteur. Là, monsieur Rome, nous allons nous retrouver ! (Sourires.)
L’amendement vise, notamment, à étendre l’obligation d’indiquer la qualité de l’annonceur. Cette disposition répond, par anticipation, à un certain nombre d’amendements qui suivent et qui ont tous pour point commun d’exiger que l’opérateur indique si l’annonceur est un professionnel ou non.
Cette obligation existe déjà, mais seulement lorsque le site met en relation un consommateur avec un non-professionnel. L’extension est utile.
La commission a donc émis un avis favorable sur cet amendement.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
Mme Axelle Lemaire, secrétaire d'État. Je comprends tout à fait l’objectif visé, mais je crains qu’une telle modification ne soit contre-productive.
En réalité, un tel amendement pourrait affaiblir l’obligation d’information applicable aux relations entre deux particuliers, puisqu’il s’agit d’élargir le régime du niveau d’information à fournir aux relations entre professionnels et consommateurs aux relations entre particuliers. Les deux régimes se trouveraient confondus alors, même qu’ils sont différents : il est normal que des obligations supérieures pèsent sur les entreprises et les professionnels qui s’adressent à des consommateurs. C’est tout l’objet du droit de la consommation que de protéger la partie la plus faible dans une relation contractuelle.
En l’occurrence, la loi pour la croissance, l’activité et l’égalité des chances économiques votée l’année dernière prévoit déjà que, lorsque deux non-professionnels sont mis en relation par une plateforme, celle-ci doit informer les consommateurs qu’ils ne pourront pas bénéficier du code de la consommation.
Étendre ce dispositif aux relations entre consommateurs et professionnels affaiblirait le niveau d’information demandé. Il est donc très important de conserver la distinction entre relation B to B et relation B to C – pardonnez-moi, mesdames, messieurs les sénateurs, d’user d’expressions anglo-saxonnes !
M. le président. La parole est à M. Alain Richard, pour explication de vote.
M. Alain Richard. Je me demande si les positions du Gouvernement et de la commission ne sont pas conciliables.
Il me semble – pardonnez-moi d’improviser – que le raisonnement du rapporteur, qui me paraissait convaincant à l’oreille, tient parfaitement si le site met l’usager en contact avec, à la fois, des professionnels et des consommateurs.
Or la rédaction proposée par notre collègue prévoit que ce sera « avec des professionnels ou des consommateurs » et se heurte donc à l’objection de Mme la secrétaire d’État, posée dans les termes suivants : si le site ne met en relation que des particuliers, il n’a pas à entrer dans cette catégorie-là.
Si M. Rome acceptait de remplacer la préposition « ou » par la conjonction « et », on aboutirait à une solution juste.
M. le président. La parole est à M. Yves Rome, pour explication de vote.
M. Yves Rome. Vous faites toujours des suggestions fort judicieuses, monsieur Richard !
Je ne pourrais cependant y souscrire qu’au cas où M. le rapporteur, qui a donné un avis favorable sur mon amendement, s’y rangeait également. Toutefois, je ne veux pas le mettre en difficulté en acceptant cette suggestion sans prendre son avis.
M. le président. La parole est à M. le rapporteur.
M. Christophe-André Frassa, rapporteur. Je suis « non opposé » à cette proposition de rectification. (Sourires.) Je souhaite simplement entendre l’avis du Gouvernement sur ce point.
M. le président. La parole est à Mme la secrétaire d'État.
Mme Axelle Lemaire, secrétaire d'État. Je ne suis pas certaine d’avoir compris le raisonnement juridique de M. Richard.
Vous proposez bien, monsieur le sénateur, de remplacer dans l’amendement « ou » par « et » dans le début du deuxième alinéa, ainsi rédigé : « Lorsque son activité consiste en la mise en relation de consommateurs avec des professionnels ou des non-professionnels » ?
M. Alain Richard. Oui, lorsque le site d’hébergement mélange les deux !
Mme Axelle Lemaire, secrétaire d'État. Je crains que l’impact d’une telle disposition ne soit beaucoup plus large que l’objectif initial, dans la mesure où en entre là sur le terrain du droit de la concurrence. Il est ici question, en effet, de relations entre deux professionnels.
M. Alain Richard. C’est une mesure de transparence !
Mme Axelle Lemaire, secrétaire d'État. Le droit européen nous interdit de prévoir une telle disposition.
Nous avons choisi, dans ce projet de loi, de rester dans le domaine du droit de la consommation, donc uniquement sur le terrain des relations entre les professionnels et les consommateurs. En effet, ce qui relève du droit de la concurrence est actuellement négocié à Bruxelles. C’est à cette condition que nous avons obtenu le feu vert de la Commission européenne pour avancer de manière pionnière.
Tous les pays européens s’interrogent aujourd'hui sur la nécessité de réguler ou non les plateformes. La Commission européenne a lancé, à l’automne dernier, une consultation sur le sujet, et nous en sommes aux premiers balbutiements de la réflexion.
On peut imaginer que si ce travail devait aboutir à une législation européenne, celle-ci ne verrait pas le jour avant plusieurs années. C’est la raison pour laquelle la France a souhaité aller de l’avant, afin de progresser sur la question de la régulation des plateformes. Nos amis allemands s’intéressent aussi de près à ce sujet.
Je le répète, nous ne pouvons agir ainsi qu’à la condition de ne pas entrer dans le domaine du droit de la concurrence, dans la mesure où la Commission s’intéresse à cette branche du droit, aux plans non seulement législatif, mais aussi contentieux et judiciaire. Plusieurs procédures sont en cours – je les ai citées –, qui visent justement à occuper ce terrain concurrentiel.
Étant donné la taille du marché concerné, les États membres doivent s’effacer pour laisser la Commission européenne exercer ses prérogatives.
M. le président. Monsieur Rome, maintenez-vous votre amendement en l’état, en dépit des efforts constructifs de M. Richard ? (Sourires.)
M. Yves Rome. Oui, monsieur le président, sauf si M. le rapporteur donnait son accord pour que je le modifie.
M. le président. La parole est à M. le rapporteur.
M. Christophe-André Frassa, rapporteur. Je souhaite apporter une précision à ce stade à propos de la distinction entre « ou » et « et ».
Le « ou » n’est pas exclusif. Il nous permet de faire figurer, dans l’article L. 111-7 du code de la consommation, la mise en relation de consommateurs avec des consommateurs, avec des professionnels et avec des non-professionnels. Tous les champs de mise en relation sont couverts. Je suis donc favorable au maintien de la préposition « ou » dans l’amendement.
La conjonction « et », en revanche, serait de nature à induire en erreur et à donner un caractère restrictif à la disposition. Je préférerais donc que l’on en reste ce soir, et peut-être jusqu’à la réunion de la commission mixte paritaire, à la rédaction présente de l’amendement.
Encore une fois, grâce à la préposition « ou », la rédaction est plus ouverte, non restrictive et permet toutes les mises en relation.
M. le président. La parole est à M. Philippe Dallier, pour explication de vote.
M. Philippe Dallier. Si le « ou » nous va bien, tout va bien ! (Sourires.)
Je souhaite réagir à l’argument avancé par Mme la secrétaire d’État. L’intention de l’auteur de l’amendement est clairement la protection du consommateur, et il n’est pas question ici de droit de la concurrence. Sur eBay, par exemple, il y a des professionnels et des particuliers, et il faut pouvoir distinguer les uns des autres.
Autre exemple, sur Airbnb, on trouve, à la fois, le particulier qui loue occasionnellement son appartement et l’agence qui loue plusieurs appartements pour le même particulier ou pour d’autres. On aimerait pouvoir les distinguer !
Telle est, selon moi, l’intention de M. Rome. Si c’est le cas, nous parlons bien de la protection du consommateur. Dans ces conditions, les dispositions de cet amendement me conviennent.
M. le président. La parole est à Mme la secrétaire d’État.
Mme Axelle Lemaire, secrétaire d'État. Je remercie M. Dallier d’avoir explicité mon propos. (M. Philippe Dallier s’exclame.)
M. Loïc Hervé. Ce n’est pas ce qu’il voulait faire ! (Sourires.)
Mme Axelle Lemaire, secrétaire d'État. Son intervention conforte la rédaction présente de l’article. Celle-ci vise justement à clarifier cette distinction, qui emporte des conséquences juridiques très importantes, notamment en termes de niveau d’obligations pesant sur les personnes concernées, qu’il s’agisse de professionnels ou de particuliers.
J’ai l’impression que nous sommes parfois tentés, collectivement, de jouer aux apprentis sorciers… Le choix fait dans ce texte est de se situer sur le terrain du droit de la consommation et des relations entre les entreprises et les particuliers.
Lorsqu’un particulier devient un professionnel et touche des revenus de cette activité professionnelle, cela emporte des conséquences tout autres, notamment en matière de fiscalité. Nous aurons d’ailleurs l’occasion de traiter ce sujet à l’occasion de l’examen d’autres articles.
En l’occurrence, nous traitons de l’information claire, loyale et transparente que doivent les plateformes aux consommateurs. Attention à ne pas faire dériver la question sur un autre terrain, qui emporte l’application d’un droit totalement différent !
M. le président. L'amendement n° 626, présenté par M. Frassa, au nom de la commission des lois, est ainsi libellé :
Alinéa 9
Supprimer les mots :
du présent article
La parole est à M. le rapporteur.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. le président. Je suis saisi de quatre amendements identiques.
L’amendement n° 125 rectifié est présenté par MM. Cigolotti, Guerriau, Bonnecarrère, Luche et Roche, Mme Joissains, MM. Médevielle et Canevet, Mme Loisier et MM. Marseille, Gabouty et Pellevat.
L’amendement n° 131 est présenté par M. Navarro.
L’amendement n° 147 rectifié bis est présenté par MM. Commeinhes, Chatillon, Gremillet, Longeot, Laménie et A. Marc.
L’amendement n° 466 est présenté par Mme Assassi, MM. Bosino, Abate et les membres du groupe communiste républicain et citoyen.
Ces quatre amendements sont ainsi libellés :
Après l’alinéa 9
Insérer deux alinéas ainsi rédigés :
…) Le deuxième alinéa est complété par une phrase ainsi rédigée :
« Un décret précise les modalités de définition de la qualité de l’annonceur sur la base de critères objectifs prenant notamment en considération des indicateurs de fréquences et le montant des revenus générés par l’utilisateur, ainsi que le secteur concerné. »
Les amendements nos 125 rectifié, 131 et 147 rectifié bis ne sont pas soutenus.
La parole est à M. Jean-Pierre Bosino, pour présenter l'amendement n° 466.
M. Jean-Pierre Bosino. Cet amendement suggéré par UFC-Que Choisir ? vise à introduire une obligation d’information des plateformes relative à la distinction entre professionnel et particuliers à l’égard des consommateurs. C’est un peu le même débat que celui que nous avons eu à propos de l’amendement n° 396 rectifié de M. Rome.
L’objectif est de renforcer l’information des consommateurs en donnant les mêmes obligations d’information à toutes les plateformes, qu’elles mettent en relation des non-professionnels ou des professionnels et des non-professionnels.
La loi, à laquelle vous avez fait référence, madame la secrétaire d’État, du 6 août 2015 pour la croissance, l’activité et l’égalité des chances économiques, dite « loi Macron », prévoit une obligation d’information sur la qualité de l’annonceur à la charge des plateformes, uniquement pour celles qui mettent en relation des non-professionnels.
Étant donné que la plupart des plateformes sont mixtes, c’est-à-dire qu’elles mettent en relation des professionnels et des non-professionnels, il nous paraît important de préciser que cette obligation concerne tout type de plateforme.
Cette clarification du statut est également nécessaire pour une bonne information sur les droits de l’acheteur, lesquels seront différents selon qu’il contracte avec un particulier ou un professionnel.
M. le président. Quel est l’avis de la commission sur l'amendement n° 466 ?
M. Christophe-André Frassa, rapporteur. Compte tenu de l’adoption de l’amendement n° 396 rectifié de M. Rome, celui que vient de défendre M. Bosino est largement satisfait. Je lui demande donc de bien vouloir le retirer.
L’article L. 111-7 du code de la consommation prévoit d’ores et déjà que l’opérateur de plateforme doit informer sur la qualité du prestataire ou du vendeur. Nous venons d’étendre cette obligation aux situations où la plateforme met en relation des consommateurs avec des professionnels ou des non-professionnels.
Dès à présent, le Gouvernement peut, s’il le souhaite, imposer que l’information délivrée réponde aux exigences mentionnées par les auteurs de l’amendement. Il n’a pas besoin d’une habilitation législative.
J’ajoute que le dernier alinéa de l’article L. 111-5-1 du code de la consommation prévoit d’ores et déjà que « le contenu de ces informations et leurs modalités de communication sont fixés par décret ». De grâce, évitons les redites !
Il s’agit d’un problème non pas de loi, mais de volonté politique. Je ne doute pas que celle du Gouvernement soit acquise à cette cause.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
Mme Axelle Lemaire, secrétaire d'État. L’amendement a pour objet d’imposer aux plateformes d’informer les consommateurs quant à la qualité de l’annonceur, professionnel ou particulier.
Il est important de renforcer la protection des consommateurs en exigeant que l’information qui leur est délivrée soit plus complète. Le statut de particulier ou de professionnel détermine en effet le droit applicable au contrat de vente ou de service qui sera conclu. Par exemple, si le vendeur est un professionnel, le consommateur bénéficie d’un droit de rétractation. Tel n’est pas le cas si le contrat de vente émane d’un non-professionnel.
Ces remarques illustrent mes propos précédents : selon que l’on se situe sur le terrain d’une relation entre des professionnels et des consommateurs, ou entre deux particuliers consommateurs, le droit applicable est totalement différent.
C’est la même chose en matière de fiscalité, où le caractère professionnel ou non dépend d’un faisceau d’indices que l’on ne peut résumer à une seule mention, comme c’est le cas dans cet amendement. Ces indices sont notamment la participation personnelle, directe et continue du contribuable à l’activité, ou encore, pour certains types d’activités, l’importance des revenus qui sont engendrés – je pense notamment aux plateformes de mise en location d’appartements.
Le statut professionnel ou non a des conséquences fiscales, en particulier, très importantes. Le Gouvernement a donc choisi d’étudier les situations au cas par cas pour caractériser ce moment où un particulier peut éventuellement devenir un professionnel.
Dans l’univers économique numérique, où le statut des plateformes et les relations entre les différentes parties prenantes varient énormément d’un secteur à l’autre, il est important de soutenir cette approche au cas par cas, pour qu’elle « colle » le plus possible à la réalité.
En matière fiscale, par exemple, depuis qu’a été votée dans la loi de finances l’obligation de transmettre à l’utilisateur le relevé de ses revenus sur une base annuelle, pour qu’il puisse ensuite déclarer ces derniers à l’administration fiscale, Bercy a engagé ce travail de détermination la plus fine possible, au cas par cas, du régime de distinction entre professionnels et particuliers.
Les conclusions de cette étude seront rendues en juillet prochain. Il s’agit d’un travail assez laborieux et fastidieux.
Je crains que ce type de disposition législative d’ordre général n’induise davantage de confusion juridique qu’autre chose, dans la mesure où elle ne permet pas de « coller » à la situation.
M. le président. Monsieur Bosino, l’amendement n° 466 est-il maintenu ?
M. Jean-Pierre Bosino. L’amendement n° 396 rectifié d’Yves Rome, dont les dispositions allaient dans le même sens, ayant été adopté, nous retirons le nôtre, monsieur le président, même si nous considérons que nous aurions pu aller un peu plus loin encore dans la protection des consommateurs.
M. le président. L’amendement n° 466 est retiré.
L’amendement n° 397 rectifié, présenté par MM. Leconte, Rome, Sueur et Camani, Mme D. Gillot, MM. F. Marc, Assouline, Guillaume et les membres du groupe socialiste et républicain et apparentés, est ainsi libellé :
Compléter cet article par un paragraphe ainsi rédigé :
… – Le premier alinéa du III de l’article L. 441-6 du code de commerce est ainsi rédigé :
« Tout prestataire de service est également tenu à l’égard de tout destinataire de prestations de service des obligations d’information définies aux articles L. 111-2 et L. 111-7 du code de la consommation. »
La parole est à M. Jean-Yves Leconte.
M. Jean-Yves Leconte. Cet amendement vise les relations entre professionnels. Il a pour objet d’étendre le principe de loyauté aux relations entre les opérateurs de plateformes en ligne et les professionnels.
L’article L. 441-6 du code de commerce impose déjà aux professionnels de respecter, dans leurs relations avec d’autres professionnels, certaines dispositions du droit de la consommation.
L’amendement tend donc à rendre applicable l’article L. 111-7 du code de la consommation aux relations entre professionnels. Les dispositions dudit article obligent l’opérateur de plateforme en ligne à délivrer une information loyale, claire et transparente sur les conditions générales d’utilisation du service d’intermédiation et sur les modalités de référencement, de classement et de déréférencement des contenus, biens et services.
L’amendement tend à introduire une obligation de transparence propre aux relations commerciales s’appliquant aux plateformes en ligne. Il s’agit de permettre aux professionnels ayant contracté avec certaines plateformes devenues incontournables, et souvent dominantes, de mieux appréhender les conditions d’exécution de sa relation contractuelle, notamment les conditions de référencement, de classement et de déréférencement.
L’objet de l’amendement est donc d’élargir l’article L. 111-2 du code de la consommation.
M. le président. Quel est l’avis de la commission ?
M. Christophe-André Frassa, rapporteur. M. Leconte souhaite étendre à l’ensemble des prestataires de services des obligations que les opérateurs de plateforme ont vis-à-vis des consommateurs.
La disposition proposée est contraire à la directive sur le commerce électronique en ce qu’elle impose une contrainte supplémentaire aux services de communication électronique, qui n’est pas justifiée par la protection des consommateurs.
Je demande donc le retrait de cet amendement. À défaut, j’émettrai un avis défavorable.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. le président. Monsieur Leconte, l’amendement n° 397 rectifié est-il maintenu ?
M. Jean-Yves Leconte. L’article L. 111-2 du code de la consommation s’appliquant déjà, j’ai du mal à comprendre l’argumentation de M. le rapporteur.
Je maintiens donc mon amendement, monsieur le président.
M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 397 rectifié.
J’ai été saisi d'une demande de scrutin public émanant de la commission des lois…
M. Jean-Yves Leconte. Dans ce cas, je retire mon amendement !
Il ne sert à rien de faire des scrutins publics avec, dans l’hémicycle, trente sénateurs qui émettent trois cent cinquante votes ! Ce n’est pas raisonnable, alors même que les internautes nous regardent en masse…
M. le président. L’amendement n° 397 rectifié est retiré.
Je mets aux voix l’article 22, modifié.
(L'article 22 est adopté.)
Articles additionnels après l'article 22
M. le président. L’amendement n° 113 rectifié bis, présenté par Mme Morin-Desailly, MM. Zocchetto, L. Hervé et les membres du groupe Union des Démocrates et Indépendants - UC, est ainsi libellé :
Après l'article 22
Insérer un article additionnel ainsi rédigé :
Les opérateurs de plateforme en ligne ayant pour finalité d’apporter des réponses à des requêtes de toutes natures, en puisant dans l’universalité des contenus disponibles sur internet, sous forme de texte, d’image et de vidéo, selon un ordre de préférence au moyen d’algorithmes informatiques, constituent des moteurs de recherche généralistes et horizontaux de l’internet.
Le fait pour les services de moteurs de recherche généralistes et horizontaux de l’internet tels que définis au premier alinéa, dès lors qu’ils sont en situation de position dominante au sens de l’article L. 420-2 du code de commerce, de favoriser leurs propres services ou ceux de toute autre entité ayant un lien juridique avec eux, dans leurs pages de résultats de recherche générale, en les positionnant et en les mettant en évidence indépendamment de leur niveau de performance est constitutif d’une pratique prohibée par les articles L. 420-1 et L. 420-2 du code de commerce.
L’Autorité de la concurrence peut prendre toute mesure adéquate pour faire cesser ces pratiques dans les conditions prévues à l’article L. 464-1 du même code.
La parole est à Mme Catherine Morin-Desailly.
Mme Catherine Morin-Desailly. L’avancée contenue dans ce projet de loi réside dans le principe de la libre disposition des données et dans le principe, que notre groupe a toujours défendu, de loyauté des plateformes, qui trouve sa justification dans la nécessité de compenser un déséquilibre structurel entre la plateforme, parfois en situation de monopole, voire d’oligopole, sur un marché et ses utilisateurs, particuliers comme professionnels.
Dans le cadre de l’examen de la loi pour la croissance, l’activité et l’égalité des chances économiques, le Sénat avait d’ailleurs adopté à l’unanimité l’un de mes amendements sur ce sujet, qui a été rejeté par la suite lors des débats à l’Assemblée nationale. Je me réjouis que le présent projet de loi le reprenne en partie.
Afin de donner toute leur force à ces dernières avancées, je pense nécessaire de proposer quelques évolutions. Il s’agit notamment de distinguer clairement un moteur de recherche d’autres services qui tendent également à référencer du contenu mis en ligne par des tiers, mais qui s’en distinguent par leur vocation à référencer l’intégralité des contenus que le web peut receler, indépendamment d’une typologie particulière, d’un service ou d’un produit particulier. C’est toute la différence entre un moteur de recherche « horizontal » et un moteur de recherche « vertical ».
Il est vraiment nécessaire de cerner les contours de cette activité, qui est bien spécifique, parce qu’elle est déterminante pour le développement de l’économie numérique, vers laquelle le moteur de recherche offre parfois l’unique porte d’entrée.
Il faut donc que des obligations spécifiques s’attachent au statut du moteur de recherche et que l’on s’assure avant tout que de tels services soient neutres dans leur référencement et leur classement, dès lors que le moteur de recherche est en position dominante sur le marché.
L’amendement vise à prévoir, dans un premier temps, une définition du moteur de recherche suffisamment précise pour éviter toute confusion avec d’autres services.
Dans un second temps, il tend à reprendre strictement les termes de la Commission européenne, utilisés dans son communiqué de presse du 15 avril 2015 faisant référence à sa notification de griefs à Google en 2015. La Commission y considérait que, dès lors qu’un moteur de recherche est en position dominante sur un marché, dans les conditions prévues par le code de commerce, et qu’il favorise ses propres services indépendamment de leur niveau de performance, alors la pratique est constitutive d’un abus de position dominante.
L’amendement vise également à permettre à l’Autorité de la concurrence de prendre les mesures conservatoires utiles et proportionnées pour faire cesser ladite pratique.
En effet, il est impératif, au regard des délais constatés dans le cadre de la procédure en cours devant la Commission européenne, que le législateur prévoie la mise en œuvre de mesures efficaces pour porter assistance aux entreprises, souvent nationales, menacées d’être évincées de leur marché du fait de ces pratiques.
M. le président. Quel est l’avis de la commission ?
M. Christophe-André Frassa, rapporteur. Cet amendement, que je trouve intéressant, voire savoureux, vise à appliquer les règles de la concurrence aux moteurs de recherche, et à l’un d’entre eux en particulier.
Vous souhaitez sans doute, madame Morin-Desailly, lancer un débat sur le risque de pratiques anticoncurrentielles de certains moteurs de recherche en situation de quasi-monopole.
M. Alain Richard. C’est un risque assez caractérisé, pour ne pas dire une certitude ! (Sourires.)
M. Christophe-André Frassa, rapporteur. Merci de devancer mon propos, monsieur Richard !
Toutefois, les pratiques visées par l’amendement sont d’ores et déjà susceptibles d’être réprimées sur le fondement de notre droit de la concurrence. Je m’interroge sur la nécessité de les répéter au détour d’un article additionnel après l’article 22 du projet de loi…
J’ajoute que la société visée par l’amendement fait déjà l’objet d’une procédure engagée par la Commission européenne sur la question de son système d’exploitation pour les smartphones. Les moyens d’agir existent déjà pour condamner de telles pratiques. L’actualité nous le montre et cette entreprise en fait l’expérience.
Attendons de voir le résultat de la procédure en cours avant de durcir notre droit sur les pratiques anticoncurrentielles de ces sociétés exerçant, je le répète, un quasi-monopole.
Le droit en vigueur semblant satisfaire les exigences formulées dans cet amendement, je sollicite le retrait de ce dernier.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
Mme Axelle Lemaire, secrétaire d'État. Cet amendement vise à définir précisément ce qu’est un moteur de recherche.
Madame la sénatrice, vous réintroduisez l’interdiction, spécifiquement appliquée aux moteurs de recherche, de favoriser leurs propres services.
Or il n’est pas possible d’introduire une telle définition dans le droit français, alors même que sont définies plus largement les plateformes. On voit mal, en effet, pourquoi les moteurs de recherche seraient distincts des places de marché, lesquelles seraient distinctes des sites de vente électroniques, qui seraient à leur tour distingués des sites de mise en relation, d’annonces…
Par ailleurs, les critères que vous citez sont remplis dans la mesure où ils existent d’ores et déjà dans le droit de la concurrence.
Des enquêtes sont en cours, au niveau tant national qu’européen. Il appartient aux autorités chargées de faire respecter la concurrence et qui mènent ces enquêtes de se prononcer ; si ce n’est pas encore le cas, cela ne saurait tarder.
Observez ce qui se passe dans les autres pays, notamment aux États-Unis. Croyez-vous vraiment que, parce que le législateur américain voterait une telle disposition au Congrès, cela permettrait d’instaurer un rapport de force suffisant pour faire cesser un abus de position dominante d’une des entreprises pesant le plus lourd dans le monde ? Non ! (Exclamations sur les travées du groupe Les Républicains et de l'UDI-UC.)
M. Philippe Dallier. C’est à désespérer !
Mme Axelle Lemaire, secrétaire d'État. En revanche, si l’Autorité de la concurrence américaine jugeait de manière indépendante que, selon les critères définis dans le droit, il y a bien preuve d’un abus de position dominante, alors l’impact de ce jugement serait immense et traverserait l’Atlantique.
De la même manière, si la Commission européenne, qui mène une enquête portant sur le marché européen, soit 500 millions de consommateurs, devait décider que Google exerce un abus de position dominante, cette décision aurait un impact très fort sur le modèle économique de l’entreprise concernée.
Je ne verse ni dans le défaitisme ni dans l’impuissance, madame la sénatrice,…
Mme Catherine Morin-Desailly. Tout de même…
Mme Axelle Lemaire, secrétaire d'État. … mais je vous rappelle que des tentatives de ce type ont déjà été faites l’année dernière dans cet hémicycle.
Sur un tel sujet et face à des entreprises d’une telle puissance, il nous faut, pour une fois, faire confiance à l’Europe.
Les 28 pays européens, qui constituent un immense marché de consommateurs, intéressent au premier chef les entreprises concernées. Or, si tous ces pays et la Commission européenne décidaient qu’il y a abus de position dominante, le retentissement de cette décision serait bien plus fort, croyez-moi, que celui d’une disposition législative telle que celle que vous proposez ! Celle-ci aurait d’ailleurs bien du mal à être appliquée.
On peut toujours se faire plaisir et s’amuser… Mais il est préférable d’être sérieux, car il s’agit de faire du droit. Nous sommes là dans le domaine du droit de la concurrence, qui inclut un certain nombre de critères.
L’exercice proposé ici est maladroit et inopportun. J’émets donc un avis défavorable sur cet amendement.
M. le président. La parole est à M. Loïc Hervé, pour explication de vote.
M. Loïc Hervé. Madame la secrétaire d’État, la différence qui existe entre les moteurs de recherche et les autres plateformes que nous avons évoquées tient tout simplement à la place que ces moteurs de recherche ont prise dans la vie de nos concitoyens.
Toute personne dotée d’un smartphone ou d’un ordinateur peut aujourd’hui avoir spontanément recours à un moteur de recherche. Encore faut-il que les résultats de la première page, c'est-à-dire les dix premiers résultats, soient frappés de la plus grande objectivité. En tant que représentants au Parlement de nos concitoyens, nous sommes sensibles à ces questions.
L’objectif est de faire en sorte que le droit de la concurrence soit respecté dans la vie quotidienne de nos concitoyens. Dans votre intervention, madame la secrétaire d'État, vous dites à la fois que nous avons à notre disposition tous les outils juridiques nécessaires pour faire cesser cette situation et que, face à la dimension internationale de Google, puisque c’est l’entreprise dont nous parlons et dont chacun sait qu’elle est, d’un point de vue financier, plus puissante que certains États, nous devrions baisser les bras.
Même si nous sommes un jeudi soir et que l’heure est tardive, le Sénat doit rappeler la vigilance absolue du Parlement français quant à la situation de cette entreprise, qui intervient dans la vie quotidienne de milliards d’habitants dans le monde et de millions de nos concitoyens.
C'est la raison pour laquelle je souhaite que cet amendement soit adopté. Cela permettrait d’envoyer un signal extrêmement fort de la part du Parlement français, dans un texte qui parle précisément – pour le coup, il serait bien nommé ! – de République numérique.
M. le président. La parole est à M. Yves Rome, pour explication de vote.
M. Yves Rome. En cohérence avec l’intitulé du texte « République numérique », et parce que j’ai défendu des amendements très proches de celui de Mme Morin-Desailly, nous voterons en faveur de cet amendement, pour éviter qu’il y ait un abus de position dominante au Sénat du fait d’un scrutin public.
M. le président. La parole est à M. Alain Richard, pour explication de vote.
M. Alain Richard. M. Hervé a conclu son intervention de la meilleure manière pour démontrer que ce dont nous parlons ici ne correspond pas à un vote législatif. Vous avez dit, mon cher collègue, qu’il s’agissait de donner un signal. Il arrive régulièrement, et cela ne date pas d’hier – si on lit le Journal officiel des années 1880, on retrouve la même chose –, que l’on cherche, par le geste de légiférer, à faire autre chose qu’une loi : envoyer un signe au public.
Je voudrais revenir un instant sur un point. Je crois honnêtement que toutes les composantes de l’abus de position dominante sont réunies dans le cas de Google. Cette affaire est actuellement en litige devant l’instance qui, en notre nom depuis le traité de Rome, est compétente à l’échelle du marché européen pour censurer les positions dominantes. Ce ne sera ni la première ni la dernière fois.
Toutefois, si nous votons un texte pour dire simplement, en substance : « Mesdames, messieurs de la Commission européenne dont c'est la mission, faites votre office de constater l’abus de position dominante », il aura le caractère d’une résolution et non celui d’un article de loi.
Cela dit, ce ne serait ni la première ni la dernière fois qu’un Parlement serait quelque peu futile !
M. le président. La parole est à M. Philippe Dallier, pour explication de vote.
M. Philippe Dallier. Madame la secrétaire d'État, ce qui m’a perturbé dans votre réponse, c'est de vous entendre dire que, même si le Congrès américain votait une loi pour contraindre Google à être loyal dans les réponses qu’il affiche, cela n’aurait pas d’importance. S’il en est ainsi, autant lever la séance tout de suite et rentrer chez nous ! Cela réglera le problème de l’insuffisance présence en séance des sénateurs Les Républicains ce soir. (Sourires.)
En nous répondant cela, vous nous donnez le sentiment que le législateur, que ce soit ici ou aux États-Unis, n’y peut d’ores et déjà plus rien : les GAFA – Google, Apple, Facebook, Amazon – seraient dans un tel état de position dominante que tout serait terminé, qu’il n’y aurait plus rien à faire…
Comme Catherine Morin-Desailly, je suis très inquiet de la tournure que tout cela prend. On voit bien la puissance de ces sociétés, la puissance de collecte de ces moteurs de recherche et ce qu’ils vont pouvoir en faire. Il est bien beau que tout le monde soit connecté avec des Iphones, des compteurs Linky, entre autres : Big Brother, c'est déjà fait !
Si maintenant on nous explique que ce n’est même plus la peine d’essayer de légiférer parce que cela n’aura pas de portée, alors il y a de quoi s’inquiéter ! Pour ma part, je serais tenté d’être un peu futile ce soir et de voter l’amendement, pour envoyer un signal.
M. le président. La parole est à Mme la secrétaire d'État.
Mme Axelle Lemaire, secrétaire d'État. Mon volontarisme en la matière devrait suffire à démontrer qu’il n’y a pas lieu de mettre en cause le souhait du Gouvernement d’introduire des règles permettant d’instaurer des rapports plus équilibrés dans l’environnement économique numérique.
Je l’ai peut-être formulé maladroitement à cette heure tardive, mais ce que j’ai voulu dire en parlant du législateur américain, c’est que, aujourd’hui, les outils existent dans le droit de la concurrence pour caractériser un abus de position dominante. Ce travail est en cours, que ce soit aux États-Unis, en France, dans d’autres pays de l’Union européenne ou au niveau européen. Finalement, l’exercice auquel se prête en ce moment même le Sénat, c'est de faire le juge. Néanmoins, que ce soit au travers de l’Autorité de la concurrence ou d’un tribunal de commerce, le droit est là.
Ce n’est pas en donnant une définition d’un moteur de recherche – pourquoi pas un réseau social ? Facebook est aussi dominant que Google sur un autre secteur d’activité ! –, sans modifier les critères du droit de la concurrence, que l’on changera quoi que ce soit à l’affaire.
Les critères sont très solides : ils figurent dans le code de la concurrence et dans le code de commerce. En ce moment, ils sont pris en compte pour étudier très précisément les pratiques commerciales et concurrentielles de l’entreprise en question. Des décisions sont attendues. Si elles devaient conclure à un abus de position dominante, elles auraient un retentissement considérable et plus encore si elles étaient prises au niveau européen, car la totalité du marché européen serait alors concernée.
Modifier à ce stade, à la marge, le droit de la concurrence français ne changerait pas grand-chose à l’affaire. En revanche, appliquer correctement le droit de la concurrence, qu’il soit français ou européen, selon l’analyse de marché qui est faite, pourra peut-être entraîner des décisions importantes.
La première décision Commission européenne contre Google devrait être rendue cette année. La France fait partie des États qui attendent cette décision. La nouvelle commissaire à la concurrence, Margrethe Vestager, montre une détermination politique bien plus forte que son prédécesseur. En ce sens, elle est très soutenue par la France.
J’espère vous avoir démontré que là où nous avons des marges de manœuvre – nous en avons, j’en suis persuadée –, là où nous pouvons avancer, parce que le droit n’est pas complet et qu’il faut le renforcer, c’est sur le terrain du droit de la consommation. En tant que particuliers, nous sommes en droit de demander a minima de connaître les produits bénéficiant d’un lien publicitaire, financier ou contractuel qui explique le référencement préférentiel.
Sur ce terrain, nous pouvons modifier très rapidement beaucoup de choses, mais il faut aussi faire preuve de réalisme juridique. Ce n’est pas du tout un message de défaitisme que je vous ai envoyé.
M. Loïc Hervé. Nous sommes rassurés !
M. le président. La parole est à Mme Catherine Morin-Desailly, pour explication de vote.
Mme Catherine Morin-Desailly. Madame la secrétaire d'État, vous m’avez dit qu’il fallait être sérieux. Or je suis sérieuse ! Je suis même plus que cela, je suis inquiète. Je souscris d’ailleurs à cet égard aux propos de Philippe Dallier.
Il est vrai que cet amendement s’inscrit dans le contexte du contentieux européen engagé par la Commission depuis 2010. Toutefois, il n’y a pas que Google ; vous le savez bien, il y a eu Microsoft pendant des années. En effet, la commissaire Vestager a montré bien plus de courage et de volonté que son prédécesseur, qui privilégiait plutôt la transaction.
Au demeurant, je note qu’une nouvelle notification des griefs a été faite la semaine dernière. Néanmoins, le dossier a tout de même du mal à avancer. On connaît la lenteur du processus européen…
Pendant ce temps-là, que se passe-t-il pour nos entreprises ? Elles se créent, puis disparaissent rapidement quand elles sont dans leur mutation numérique et qu’elles dépendent de cette seule porte d’entrée, que l’on pourrait d’ailleurs considérer comme une facilité essentielle, puisqu’on sait bien que Google représente 95 % des recherches. Cela signifie que ces moteurs de recherche ont droit de vie et de mort sur nos entreprises en favorisant leurs propres services par le biais de leurs algorithmes.
La question est donc vraiment sérieuse et mérite d’être posée. M. Richard évoquait les résolutions. Avec Gaëtan Gorce, j’ai cosigné deux propositions de résolution qui ont été votées à l’unanimité et qui sont devenues des résolutions du Sénat. Pour quel résultat ? Aucun ! Cela n’avance pas.
On peut envoyer certains signaux. Je rappelle que pour ce qui concerne la TVA sur le livre numérique – David Assouline, ici présent, le sait très bien –, nous avons été avant-gardistes. Nous l’avons votée en dépit de tout ce qu’on nous disait sur la législation européenne. Et au bout du compte, nous avons eu gain de cause.
Même si c'est de l’ordre du symbolique, nous ne vivons pas des temps ordinaires. Je suis très inquiète de voir dans quel monde nous allons vivre. Il ne s’agit pas de mettre un coup d’arrêt au développement numérique, y compris celui d’une entreprise comme Google, pour ne citer qu’elle, mais ce problème ne concerne pas que ce moteur de recherche et cette plateforme suspectée d’abus de position dominante. Si on ne tente pas de réguler, alors en effet, comme l’a dit Philippe Dallier, autant rester chez nous et attendre passivement que les années passent et que rien ne soit jamais résolu !
M. le président. La parole est à M. le président de la commission.
M. Philippe Bas, président de la commission des lois constitutionnelles, de législation, du suffrage universel, du règlement et d'administration générale. À la lumière de nos échanges, j’estime que la position de la commission peut évoluer sur cet amendement.
Comme l’a souligné notre rapporteur et Mme la secrétaire d'État, il y a déjà, me semble-t-il, dans le droit de la concurrence les éléments permettant d’entreprendre des poursuites contre les sociétés qui gèrent des moteurs de recherche et sont, pour la distribution d’autres services, dans une situation d’abus de position dominante.
Pour autant, les dispositions de cet amendement ne viennent en rien contredire le droit en vigueur. Elles permettent, en donnant des pouvoirs à l’Autorité de la concurrence, de spécifier de manière assez précise les pratiques qui seraient interdites pour certains opérateurs du Net – pas pour tous d’ailleurs, ce qui constitue peut-être une faiblesse de cet amendement. Ce dernier a néanmoins le mérite de viser à renforcer nos capacités de lutte contre ces risques d’abus de position dominante.
Je ne suis pas sûr que, dans sa rédaction actuelle, l’amendement soit pleinement abouti, mais j’aimerais que le Sénat lui donne une chance de prospérer, en permettant au débat de se prolonger jusqu’à la commission mixte paritaire.
C'est la raison pour laquelle, en ce qui me concerne, je voterai en faveur de cet amendement.
M. le président. En conséquence, un article additionnel ainsi rédigé est inséré dans le projet de loi, après l'article 22.
L'amendement n° 398, présenté par MM. Rome, Leconte, Sueur et Camani, Mme D. Gillot, MM. F. Marc, Assouline, Guillaume, Marie et les membres du groupe socialiste et républicain et apparentés, est ainsi libellé :
Après l'article 22
Insérer un article additionnel ainsi rédigé :
Le chapitre Ier du titre IV du livre IV du code de commerce est complété par un article L. 441–… ainsi rédigé : :
« Art. L. 441–… – I – Tout opérateur de plateforme en ligne défini à l'article L. 111-7 du code de la consommation et dont l'activité dépasse un seuil de nombre de connexions défini par décret est tenu d'indiquer toute modification substantielle apportée aux conditions générales d'utilisation du service d'intermédiation qu'il propose, aux modalités de référencement, de classement et de déréférencement des contenus, des biens et services auxquels ce service permet d'accéder et, le cas échéant, aux modalités d'accès à son interface de programmation, dans un délai raisonnable et préalablement à cette modification.
« II – L'opérateur de plateforme en ligne fait apparaître clairement cette information.
« III – Toute infraction aux dispositions du présent I est punie d'une amende de 75 000 €. »
La parole est à M. Yves Rome.
M. Yves Rome. De par leur importance et leur fonction d’intermédiaire, certains grands opérateurs de plateforme en ligne sont devenus incontournables pour les professionnels. Leur position dominante a créé un véritable déséquilibre dans leurs relations avec les utilisateurs professionnels.
Les plateformes en ligne ont en effet la possibilité de prendre des décisions unilatérales ou de concurrencer les entreprises utilisatrices avec leurs propres services ou filiales : un déréférencement, un changement des algorithmes ou des conditions d’accès à une interface de programmation sont souvent appliqués sans concertation et même sans avertissement.
Ces pratiques d’abus de position dominante sont condamnables : elles peuvent affecter fortement l’activité de ces entreprises et fausser le jeu de la concurrence.
Cet amendement a donc pour objet que les plus gros opérateurs de plateforme en ligne aient a minima des obligations d’information à l’égard de leurs utilisateurs professionnels, préalablement à toute modification substantielle apportée aux conditions générales d’utilisation du service d’intermédiation, à leurs politiques tarifaires, à leurs politiques de contenus, aux modalités de référencement et de classement et d’accès à l’interface de programmation. En effet, il nous a été relaté de nombreux échecs commerciaux consécutifs à des déréférencements sur des plateformes.
M. le président. Quel est l’avis de la commission ?
M. Christophe-André Frassa, rapporteur. M. Rome nous propose avec cet amendement de créer une obligation, pour les opérateurs de plateformes, d’informer sur la modification de leurs conditions de référencement.
Cette obligation d’informer les professionnels ou les prestataires de service de l’évolution de leurs algorithmes de classement devrait même intervenir avant que la modification ne soit engagée.
On peut comprendre l’objectif visé, mais force est de constater qu’une telle obligation serait malgré tout contraire à la directive sur le commerce électronique. Cette dernière ne permet de restreindre la liberté de circulation des services de communication électronique que pour la seule protection des intérêts du consommateur, et non pour celle des autres professionnels du numérique.
C'est la raison pour laquelle, mon cher collègue, je vous demande de bien vouloir retirer cet amendement ; à défaut, j’y serai défavorable.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. le président. Monsieur Rome, l'amendement n° 398 est-il maintenu ?
M. Yves Rome. Oui, je le maintiens, monsieur le président.
M. le président. En conséquence, un article additionnel ainsi rédigé est inséré dans le projet de loi, après l'article 22.
Article 22 bis
(Supprimé)
M. le président. L'amendement n° 312, présenté par M. Navarro, n'est pas soutenu.
En conséquence, l’article demeure supprimé.
Article 23
I. – Après l’article L. 111-7 du code de la consommation, dans sa rédaction résultant de l’ordonnance n° 2016-301 du 14 mars 2016 précitée, il est inséré un article L. 111-7-1 ainsi rédigé :
« Art. L. 111-7-1. – Les opérateurs de plateformes en ligne dont l’activité dépasse un seuil de nombre de connexions défini par décret élaborent et diffusent aux consommateurs des bonnes pratiques visant à renforcer les obligations de clarté, de transparence et de loyauté mentionnées à l’article L. 111-7.
« L’autorité administrative compétente peut procéder à des enquêtes dans les conditions prévues à l’article L. 511-6 afin d’évaluer et de comparer les pratiques des opérateurs de plateformes en ligne mentionnées au premier alinéa du présent article. Elle peut, à cette fin, recueillir auprès de ces opérateurs les informations utiles à l’exercice de cette mission. Elle diffuse périodiquement les résultats de ces évaluations et de ces comparaisons.
« Un décret précise les modalités d’application du présent article. »
II. – (Supprimé)
M. le président. La parole est à M. Jean-Pierre Bosino, sur l'article.
M. Jean-Pierre Bosino. Selon le Conseil national du numérique, le modèle de développement des plateformes crée un déséquilibre structurel entre ces dernières et leurs utilisateurs particuliers.
Ce déséquilibre se traduit notamment par une forte opacité sur le sort de nombreuses informations collectées sur les individus. Parfois, il se traduit également par des coûts de sortie élevés pour migrer d’une plateforme à une autre et par des obstacles divers à l’utilisation de services issus d’environnements concurrents, enfermant de fait l’utilisateur dans un service.
Toujours selon le Conseil, les plateformes, par leur rôle de prescripteurs, façonnent et déterminent les conditions d’accès aux informations. Elles associent parfois utilité et opacité, sans permettre de déterminer facilement si ce qui est présenté relève de la publicité, d’une sélection algorithmique générique, d’une adaptation personnalisée ou d’une préférence pour l’offre de la plateforme hôte.
Dès lors, cet article 23, qui laisse aux opérateurs eux-mêmes le soin d’organiser cette régulation par la diffusion de bonnes pratiques relatives à l’information des consommateurs sur les liens d’intérêts influençant le référencement des contenus, des produits ou des services mis en ligne, est très en deçà des enjeux.
Pouvons-nous véritablement penser qu’un principe d’autorégulation des plateformes, « qui doivent se concerter pour élaborer et diffuser des bonnes pratiques, définir des indicateurs de performance en matière de loyauté et de transparence et rendre publics les résultats de leur évaluation » sera suffisant pour assurer une réelle protection des consommateurs ? Nous ne le pensons pas. Ce texte ressemble davantage à une position de principe qu’à une réelle contrainte.
Pour toutes ces raisons, nous ne voterons pas cet article.
M. le président. Je suis saisi de trois amendements identiques.
L'amendement n° 26 rectifié bis est présenté par M. Commeinhes, Mmes Hummel et Deromedi, M. Lefèvre, Mme Lopez, M. Trillard, Mme M. Mercier, M. Gremillet, Mme Gruny et MM. Houel et Vasselle.
L'amendement n° 126 rectifié est présenté par MM. Cigolotti, Guerriau, Bonnecarrère, Luche et Roche, Mme Joissains, MM. Médevielle et Canevet, Mme Loisier et MM. Marseille, Gabouty et Pellevat.
L'amendement n° 132 est présenté par M. Navarro.
Ces trois amendements ne sont pas soutenus.
L'amendement n° 28 rectifié bis, présenté par M. Commeinhes, Mmes Hummel et Deromedi, MM. Lefèvre et Grand, Mme Lopez, M. Trillard, Mmes M. Mercier et Gruny et MM. Houel et Vasselle, n'est pas non plus soutenu.
Je suis saisi de six amendements faisant l'objet d'une discussion commune.
L'amendement n° 503 rectifié, présenté par MM. Requier, Arnell, Barbier, Bertrand, Castelli, Collin, Collombat, Esnol, Fortassin, Guérini et Hue, Mmes Jouve, Laborde et Malherbe et MM. Mézard et Vall, est ainsi libellé :
Alinéa 2
Compléter cet alinéa par une phrase ainsi rédigée :
Tout opérateur de plateforme en ligne doit indiquer de manière claire et visible si l’annonceur est un particulier ou un professionnel et le nombre d’annonce dont il est l’auteur.
La parole est à M. Jean-Claude Requier.
M. Jean-Claude Requier. Dans un objectif de transparence, le présent amendement vise à généraliser une bonne pratique de certaines plateformes qui consiste à indiquer systématiquement le statut de professionnel ou de particulier des annonceurs sur les plateformes en ligne. En effet, ce renseignement est particulièrement utile au choix du consommateur, qui peut se faire une meilleure idée du type de bien ou de service qui lui est proposé.
Sur des plateformes où l’anonymat est parfois préjudiciable au consommateur, cette obligation viendrait renforcer les exigences d’information loyale, transparente et claire de ces derniers.
M. le président. Les cinq amendements suivants sont identiques.
L'amendement n° 73 rectifié est présenté par MM. Chaize, de Nicolaÿ, Mandelli et Calvet, Mme Cayeux, MM. Bignon, Bizet, de Legge, Mouiller, B. Fournier, Kennel et Masclet, Mmes Garriaud-Maylam, Deromedi et Gruny, MM. Grand, Cornu et Vaspart, Mme Estrosi Sassone, MM. Rapin, Pellevat et P. Leroy, Mme Procaccia, MM. Savary, Vasselle et Delattre, Mme Deroche, MM. Husson, Laménie, Trillard et Béchu, Mme Lamure et M. Magras.
L'amendement n° 83 rectifié ter est présenté par MM. Bouchet, Dufaut, Houel, Charon, Laufoaulu, Lefèvre et Mayet.
L'amendement n° 98 rectifié est présenté par MM. Bonnecarrère et Luche, Mme N. Goulet et MM. Médevielle, L. Hervé, Marseille, Maurey, Cigolotti, Longeot, Tandonnet, Kern et Gabouty.
L'amendement n° 141 est présenté par M. Navarro.
L'amendement n° 385 est présenté par M. Bouvard.
Ces cinq amendements sont ainsi libellés :
Après l’alinéa 2
Insérer un alinéa ainsi rédigé :
« Ces opérateurs indiquent de manière claire, lisible et visible si l’annonceur est un particulier ou un professionnel et le nombre d’annonces dont il est l’auteur.
La parole est à M. Patrick Chaize, pour présenter l'amendement n° 73 rectifié.
M. Patrick Chaize. Il est proposé ici de généraliser une bonne pratique de transparence observée sur certaines plateformes en ligne et préconisée par le rapport Terrasse, visant à offrir aux consommateurs une information claire, lisible et accessible sur la qualité de l’offreur et les garanties associées à son statut.
Le Bon Coin, parmi les principales plateformes de mise en relation, indique systématiquement le statut de professionnel ou de particulier de ses annonceurs. Est ainsi considéré comme professionnel quiconque a acheté dans la perspective de revendre, vend régulièrement un volume important, génère des bénéfices ou dégage un revenu substantiel.
Cette bonne pratique a vocation à être étendue à l’ensemble des acteurs du secteur, permettant aux utilisateurs de disposer d’une information transparente, sincère et complète.
M. le président. L'amendement n° 83 rectifié ter n'est pas soutenu.
La parole est à M. Loïc Hervé, pour présenter l'amendement n° 98 rectifié.
M. Loïc Hervé. Il est défendu, monsieur le président.
M. le président. Les amendements nos 141 et 385 ne sont pas soutenus.
Quel est l’avis de la commission sur l'amendement n° 503 rectifié, ainsi que sur les amendements identiques nos 73 rectifié et 98 rectifié ?
M. Christophe-André Frassa, rapporteur. L’amendement n° 503 rectifié de M. Requier vise l’obligation d’informer sur la qualité de professionnel ou de non-professionnel de l’annonceur.
Nous avons déjà traité à l’article 22 la question posée par cet amendement : celui de M. Rome, que nous avons adopté et qui étend l’obligation d’informer sur la qualité de l’annonceur, le satisfait d’ailleurs en très grande partie. J’en demande donc le retrait.
En tout état de cause, je voudrais faire observer que cette série d’amendements est mal placée : l’article 23 est consacré à ce que l’on nomme communément la soft law, ainsi qu’aux bonnes pratiques. Il ne porte pas sur la création de nouvelles obligations légales d’information. Les deux logiques sont différentes. Par conséquent, il ne faudrait pas les mélanger.
Les deux autres amendements ont la même problématique. J’en demande également le retrait.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
Mme Axelle Lemaire, secrétaire d'État. Tous ces amendements visent à introduire une obligation pour les plateformes d’indiquer si l’annonceur est un professionnel ou un particulier.
On comprend tout à fait l’objectif ici, car il est partagé par tous, y compris le Gouvernement. Cependant, en pratique, cela signifie que vous confiez aux plateformes le rôle de décider qui est un professionnel et qui est un particulier. Or on ne peut pas le déterminer à l’avance : il faut interpréter la loi en fonction d’une série de critères. Il semble assez risqué de confier ce rôle à la plateforme, qui est une entreprise privée.
Le choix fait par le Gouvernement dans ce texte est de renforcer la transparence de l’information pour savoir non pas quelle est la nature de l’annonceur, mais quelle est la raison pour laquelle un lien est favorisé. En tant que consommatrice, ce que je veux savoir lorsque je vois les résultats d’un référencement, c’est si quelqu’un a payé pour apparaître en premier. Qu’il soit professionnel ou particulier m’importe peu. Je veux savoir si le référencement a été non pas contourné, mais influencé ou acheté. Tel est bien l’objectif de la transparence de l’information.
Il me semble que, pour atteindre un objectif tout à fait louable, on utilise ici un moyen qui est moins efficace. Je suis donc défavorable à tous ces amendements.
M. le président. La parole est à M. Alain Richard, pour explication de vote.
M. Alain Richard. Madame la secrétaire d'État, une partie au moins de votre raisonnement n’aboutit pas forcément à sa conséquence logique. Comme vous l’avez expliqué précédemment de manière très convaincante, les régimes de droit qui s’appliquent à une transaction entre des particuliers et des professionnels ou entre deux particuliers sont fondamentalement distincts. Il est donc préférable, dans un but de bonne information du consommateur, de lui faire comprendre à toute phase du fonctionnement du système de transaction s’il est dans un régime ou dans l’autre.
Quant au fait que ce soit la plateforme qui doive publier qui est professionnel et qui est particulier, cela ne pose pas de difficulté particulière, puisque, pour le faire, elle demandera forcément à chacun de se placer dans l’une de ces deux catégories. Si une personne fait une fausse déclaration, elle engage sa responsabilité. Selon moi, il n’y a donc pas de véritable obstacle.
M. le président. La parole est à Mme la secrétaire d'État.
M. Alain Richard. Non, je demande juste de prévoir deux catégories !
Mme Axelle Lemaire, secrétaire d'État. Le Bon Coin, qui est la plateforme la plus utilisée par les Français, est une plateforme d’intermédiation totalement neutre. Contrairement à d’autres, elle n’opère pas de classements, de référencements : c'est un outil technologique neutre, qui met en lien des particuliers ou des professionnels. Libre aux particuliers et aux professionnels en question de s’autoqualifier.
Naturellement, si l’on est un professionnel, on paye des impôts en conséquence, qui sont beaucoup plus élevés. La tentation est donc grande de ne pas se déclarer comme tel.
M. Alain Richard. Cela s’appelle un dol !
Mme Axelle Lemaire, secrétaire d'État. L’adoption de cet amendement imposerait à une plateforme comme Le Bon Coin de modifier complètement son rôle, en s’insérant dans une possible relation contractuelle qui n’existe pas forcément. En effet, il n’y a pas forcément de contrat.
M. Alain Richard. Bien sûr que si !
Mme Axelle Lemaire, secrétaire d'État. Aujourd'hui, il y a simplement des annonces et des réponses. C’est justement parce que les conséquences juridiques de ces qualifications entre professionnels et particuliers sont radicalement différentes…
M. Alain Richard. Il faut que le consommateur sache !
Mme Axelle Lemaire, secrétaire d'État. … qu’on ne peut confier ni aux plateformes ni aux professionnels ou aux particuliers en question le rôle de définir cette qualification. C'est à la loi de le faire.
Comme je l’expliquais, ce travail est en cours à Bercy. Il faut commencer par définir ce qu’est un professionnel et ce qu’est un particulier.
M. Alain Richard. Mais c'est déjà dans la loi !
Mme Axelle Lemaire, secrétaire d’État. Ah non ! Par exemple, sait-on aujourd’hui à quoi correspond un professionnel sur Airbnb ? La preuve a été suffisamment faite que nombre de particuliers contournaient ce système pour toucher des revenus.
M. Alain Richard. Eh bien, c’est une fraude !
Mme Axelle Lemaire, secrétaire d’État. Mais à qui incombe-t-il de déterminer le statut de particulier ou de professionnel de l’utilisateur ? À Airbnb ?
M. Alain Richard. Non, au tribunal ! C’est tout simple.
Mme Axelle Lemaire, secrétaire d’État. Je crois que l’on ouvrirait là une brèche dont les conséquences ne sont pas mesurées.
Il faut appliquer le droit secteur par secteur, situation par situation, pour coller au plus près des réalités, car c’est ainsi que le droit devient effectif et qu’il peut être sanctionné. Sinon, je le répète, il s’agit de se faire plaisir.
M. Alain Richard. Vous commettez une erreur de raisonnement, madame la secrétaire d'État.
M. le président. La parole est à M. Philippe Dallier, pour explication de vote.
M. Philippe Dallier. Il existe des plateformes, madame la secrétaire d’État, qui cherchent à détecter les faux particuliers, par exemple dans le domaine de la vente de voitures.
Certaines plateformes essaient de repérer les utilisateurs qui ont cinquante voitures à vendre et qui exercent manifestement un commerce en se faisant passer pour des particuliers. Elles tentent même de repérer le trafic de voitures volées, car c’est leur propre réputation qui est en jeu.
M. Yves Rome. Bien sûr !
M. Philippe Dallier. Il existe donc des mécanismes qui permettent de distinguer les particuliers des professionnels, et je suis persuadé qu’Airbnb a tous les moyens de faire la même chose. D’ailleurs, dans je ne sais plus quel pays, un chercheur a analysé les offres de cette plateforme et en a tiré une cartographie très précise sur le nombre et la localisation des biens proposés par telle ou telle personne. Tous les moyens informatiques existent donc pour ce faire.
M. Philippe Dallier. Je n’en suis pas si sûr. On peut aussi imposer aux plateformes de s’autoréguler un minimum ou d’informer le consommateur au mieux. Sans cela, c’est la jungle ! Voilà le risque : on laisserait les plateformes faire exactement ce qu’elles veulent et leurs utilisateurs pourraient ensuite tromper ensuite plus ou moins le consommateur.
On nous dit que cela ressortit alors au tribunal ; certes, cela peut toujours relever du tribunal, mais si l’on peut faire en sorte d’éviter que le consommateur soit trompé, ce n’est pas plus mal.
M. le président. La parole est à M. le rapporteur.
M. Christophe-André Frassa, rapporteur. Tout ce débat souligne bien l’importance que nous accordons à l’information du consommateur, mais je souhaite tout de même apporter une précision.
Nous avons adopté un amendement de M. Rome – c’est son moment de gloire, ce soir –, et avons ainsi modifié l’article 22 du texte. L’adoption de cette disposition a permis d’insérer dans le projet de loi une définition de la mise en relation entre le consommateur et le professionnel ou le non-professionnel ; je n’y reviens pas.
Il me semblerait quelque peu inutile de réintroduire le sujet au sein de l’article 23, puisque la définition existe déjà à l’article 22. Il me semble donc que l’on peut en rester là et que l’objet de cette série d’amendements n’a pas sa place au sein de l’article 23.
M. Alain Richard. Oui, c’est vrai.
M. Christophe-André Frassa, rapporteur. Je souhaitais simplement apporter cette précision, pour mettre un terme à nos échanges.
M. le président. Monsieur Requier, l’amendement n° 503 rectifié est-il maintenu ?
M. Jean-Claude Requier. Oui, je le maintiens, monsieur le président.
M. le président. Je mets aux voix l’amendement n° 503 rectifié.
(Après une épreuve à main levée déclarée douteuse par le bureau, le Sénat, par assis et levé, n’adopte pas l’amendement.)
M. le président. Je mets aux voix les amendements identiques nos 73 rectifié et 98 rectifié.
(Les amendements ne sont pas adoptés.)
M. le président. L’amendement n° 307, présenté par M. Yung, est ainsi libellé :
Après l’alinéa 2
Insérer un alinéa ainsi rédigé :
« À compter du 1er janvier 2018, sans préjudice de dispositions législatives ou réglementaires plus contraignantes, les opérateurs de plateformes en ligne sont tenus d’agir avec diligence en prenant toutes les mesures raisonnables, adéquates et proactives afin de protéger les consommateurs et les titulaires de droits de propriété intellectuelle contre la promotion, la commercialisation et la diffusion de contenus et de produits contrefaisants, tels que définis aux articles L. 335-2 à L. 335-4-2, L. 521-1, L. 615-1 et L. 716-1 du code de la propriété intellectuelle.
La parole est à M. Richard Yung.
M. Richard Yung. Il s’agit ici de la lutte contre la contrefaçon ; cela rejoint d’ailleurs une partie de nos débats concernant la défense des consommateurs. En effet, c’est clairement l’un des points sur lesquels notre législation est un peu faible.
Internet est maintenant le canal principal de distribution des produits contrefaisants ; ceux-ci circulent par des paquets express, en petites quantités. Le droit actuel n’est pas satisfaisant à cet égard, je l’ai dit, car il appartient aux titulaires des droits, ceux qui possèdent les marques ou les brevets, ou aux consommateurs de rester vigilants pour détecter les contenus illicites et les signaler, en vue de leur suppression. Il s’agit tout de même d’une lourde responsabilité : on achète un produit sur Internet, puis l’on découvre que c’est un faux ou un produit piraté. Et en pratique, on n’a aucun recours.
Que peut-on faire ? Différentes solutions existent. J’avais proposé la création d’une troisième catégorie d’acteurs sur Internet, celle d’intermédiaire entre l’hébergeur et le producteur de valeur ajoutée, mais je n’ai pas été suivi par le Gouvernement et j’ai compris que, la semaine dernière, le commissaire européen Andrus Ansip a aussi écarté cette voie, qui est donc bloquée pour l’instant. Nous voulons aussi impliquer davantage les intermédiaires de paiement – cartes de crédits ou autres –, puisque l’argent doit bien transiter d’une manière ou d’une autre.
Toutefois, je pense qu’il serait également opportun de créer pour les plateformes en ligne, au sens large, un devoir de diligence. Ces opérateurs auraient l’obligation de prendre des « mesures raisonnables, adéquates et proactives afin de protéger les consommateurs et les titulaires de droits de propriété intellectuelle contre la promotion, la commercialisation et la diffusion […] de produits contrefaisants ». Tel est l’objet de mon amendement.
Par ailleurs, la Commission européenne réfléchit et travaille sur la question et elle envisage de procéder à des recommandations d’ici à la fin de l’année.
M. le président. Veuillez conclure, mon cher collègue.
M. Richard Yung. Aussi le présent amendement vise-t-il une entrée en vigueur au 1er janvier 2018, afin de laisser à la Commission le temps de formuler ses propositions.
M. le président. Quel est l’avis de la commission ?
M. Christophe-André Frassa, rapporteur. Monsieur Yung, tout le monde connaît votre engagement dans la lutte contre la contrefaçon. Vous avez rédigé de nombreux rapports à ce sujet et vous en êtes devenus l’un des spécialistes au sein du Sénat.
Néanmoins, s’agit-il vraiment ici du rôle de la loi ? À mon avis, celle-ci n’a pas à rappeler les entreprises au respect de la législation, mais bien plutôt à prévoir les mécanismes pratiques qui permettront d’assurer le respect de la légalité. Or cet amendement est davantage une déclaration d’intention qu’une disposition concrète.
La commission des lois vous demande donc de bien vouloir retirer cet amendement ; à défaut, elle émettrait un avis défavorable.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
Mme Axelle Lemaire, secrétaire d’État. Je rejoins les arguments de M. le rapporteur. Monsieur Yung, je connais bien votre engagement en faveur de la lutte contre la contrefaçon, et je le salue ; vous avez d’ailleurs soutenu une proposition de loi spécifique en ce domaine.
Néanmoins, vous le savez, nous sommes aujourd’hui moins confrontés à la question de la précision des dispositions législatives – le sujet est déjà largement traité – qu’à celle de l’effectivité de la loi. L’un des principaux problèmes de la lutte contre la contrefaçon réside dans la difficulté à retracer les flux et l’origine des produits contrefaisants, et à poursuivre les personnes et les entreprises qui s’adonnent à ces pratiques frauduleuses.
Ce que vous suggérez est en réalité déjà satisfait par le droit existant ; vous vous contentez de rappeler une obligation existante, puisque les plateformes doivent retirer les contenus lorsqu’elles ont connaissance de leur caractère illicite, et cela s’applique aussi au droit de la propriété intellectuelle.
On sent bien que la situation actuelle n’est pas satisfaisante, mais, à mon sens, la solution réside moins dans le renforcement des dispositions législatives que dans le renforcement des moyens, notamment technologiques, de lutte. Par exemple, grâce à des calculs algorithmiques, on peut plus facilement géolocaliser les intermédiations et les flux de vente. Par ailleurs – je m’exprime là à titre personnel, et non au nom du Gouvernement –, il faudrait certainement renforcer les moyens technologiques des services douaniers.
Par conséquent, je vous demande, moi aussi, de bien vouloir retirer votre amendement, monsieur Yung, faute de quoi j’émettrais un avis défavorable.
M. le président. La parole est à M. Philippe Dallier, pour explication de vote.
M. Philippe Dallier. Un certain nombre de collègues de la commission des finances et moi-même avions, à l’occasion de notre premier rapport sur tous ces sujets, visité la plateforme aéroportuaire de Roissy pour vérifier la capacité de la douane à contrôler les millions de paquets qui y transitent chaque année. Eh bien, c’est tout simplement impossible !
Nous y étions allés pour observer comment les taxes étaient perçues. Première surprise, la valeur de tous les produits était déclarée sous le seuil de 22 euros, ce qui ne correspond pas, on le sait, à la réalité du contenu du paquet… Seconde surprise, les douanes étaient uniquement focalisées sur la contrefaçon – cela vous rassurera peut-être, monsieur Yung – et sur le trafic de faux médicaments. Cela dit, leurs moyens sont dérisoires en comparaison des quantités de paquets qui circulent.
Par conséquent, je ne pense absolument pas que le renforcement des effectifs des douanes de Roissy ou d’autres points d’entrée réglera le problème, d’autant que ce n’est pas dans l’air du temps. Il faut travailler sur tous les aspects, y compris imposer aux plateformes d’essayer de détecter les contrefaçons.
D’ailleurs, comme je le soulignais pour ce qui concerne les voitures, certaines plateformes font déjà ce travail – nous les avions reçues au Sénat –, parce qu’elles ne souhaitent pas, par égard pour leur propre réputation, que des particuliers vendent de faux sacs de grandes marques à des prix défiant toute concurrence. En effet, leur responsabilité est alors mise en cause. Aussi, même si certaines plateformes font déjà volontairement ce travail, il est nécessaire de renforcer la loi pour contraindre celles qui ne le font pas à y procéder.
Certes, on peut par ailleurs tenter de remonter la trace des contrefacteurs, mais quand ils agissent depuis le fin fond de je ne sais quel pays, je ne sais pas quels sont nos pouvoirs réels…
M. le président. Monsieur Yung, l’amendement n° 307 est-il maintenu ?
M. Richard Yung. Oui, je le maintiens, monsieur le président.
M. le président. L’amendement n° 400, présenté par MM. Rome, Sueur, Leconte et Camani, Mme D. Gillot, MM. F. Marc, Assouline, Guillaume et les membres du groupe socialiste et républicain et apparentés, est ainsi libellé :
Alinéa 3
Rédiger ainsi cet alinéa :
« L’autorité administrative compétente peut procéder à des enquêtes dans les conditions prévues à l’article L. 511-6 pour s’assurer du respect par les opérateurs de plateformes des obligations prévues par le présent article. Elle peut, à cette fin, recueillir auprès de ceux-ci les informations utiles à l’exercice de cette mission. Elle rend publique la liste des plateformes en ligne qui ne respectent pas leurs obligations au titre de l’article L. 111-7.
La parole est à M. Yves Rome.
M. Yves Rome. Cet amendement vise à recentrer le rôle de la Direction générale de la concurrence, de la consommation et de la répression des fraudes, la DGCCRF, sur une mission de contrôle, via des enquêtes. L’objectif est d’assurer le respect par les opérateurs de plateformes en ligne de leurs obligations au regard du principe de loyauté.
La commission des lois, considérant que la DGCCRF bénéficiait de moyens plus puissants, tels que la sanction administrative ou l’injonction, a supprimé la possibilité pour cette direction de publier le résultat de ses contrôles. Notre amendement tend à rétablir cette possibilité, car nous pensons au contraire que la publication des résultats d’enquêtes permettrait de compléter efficacement les sanctions et d’exercer une plus forte dissuasion en jouant de la réputation des plateformes, comme l’évoquait notre collègue, M. Dallier.
Ce dispositif n’est pas nouveau. Il a été mis en place par la loi du 17 mars 2014 relative à la consommation pour ce qui concerne les sanctions de la DGCCRF en cas de non-respect des délais de paiement. En 2016, cinq grandes entreprises ont ainsi fait l’objet d’une telle mesure de publication.
Cette disposition concernerait les plateformes les plus influentes, c’est-à-dire quelques dizaines d’opérateurs, déterminés en fonction d’un seuil de nombre de connexions.
M. le président. Quel est l’avis de la commission ?
M. Christophe-André Frassa, rapporteur. Monsieur Rome, vous nous proposez au travers de votre amendement de limiter le rôle de la DGCCRF au constat de l’élaboration des bonnes pratiques. En effet, la seule obligation créée par l’article 23 est d’imposer aux opérateurs de plateformes d’une certaine taille d’élaborer de bonnes pratiques. Le présent amendement vise à confier à la DGCCRF le soin de veiller à ce que les opérateurs élaborent ces bonnes pratiques, mais pas à ce qu’elles les mettent en œuvre.
Je vous ai connu plus ambitieux dans vos amendements, ce soir, monsieur Rome !
M. Alain Richard. On voit qu’il décline ! (Sourires.)
M. Yves Rome. Heureusement, M. Richard veille ! (Nouveaux sourires.)
M. Christophe-André Frassa, rapporteur. L’amendement de la commission qui a conduit à la rédaction de l’article 23 avait pour objet que la DGCCRF compare les bonnes pratiques et les évalue ; le vôtre, non. Sans doute, nous faisons évoluer le rôle de la DGCCRF, mais nous ne sommes que des êtres humains et c’est le propre de l’être humain que d’évoluer ; la DGCCRF, étant une structure humaine, doit aussi évoluer.
En outre, cette évolution nous paraît nécessaire, surtout quand on passe d’un système de régulation légale à un régime de soft law.
M. Alain Richard. De droit souple !
M. Christophe-André Frassa, rapporteur. J’ajoute qu’il n’y a pas besoin de prévoir que la DGCCRF puisse publier la liste des entreprises qui ne respectent pas les obligations de l’article L. 111-7, parce que c’est d’ores et déjà prévu par l’article L. 522-6 du code de la consommation.
Monsieur Rome, j’aimerais donc que vous nous rejoigniez sur le terrain ambitieux de la commission des lois, en retirant votre amendement au profit de la rédaction actuelle de l’article 23.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. le président. Monsieur Rome, l’amendement n° 400 est-il maintenu ?
M. Yves Rome. Ma lucidité étant confirmée par l’avis favorable du Gouvernement, je le maintiens, monsieur le président. (Sourires.)
Désolé de déplaire à M. Richard ! (Nouveaux sourires.)
M. le président. Je mets aux voix l’amendement n° 400.
J’ai été saisi d’une demande de scrutin public émanant de la commission des lois.
Je rappelle que l’avis de la commission est défavorable et que celui du Gouvernement est favorable.
Il va être procédé au scrutin dans les conditions fixées par l’article 56 du règlement.
Le scrutin est ouvert.
(Le scrutin a lieu.)
M. le président. Personne ne demande plus à voter ?…
Le scrutin est clos.
J’invite Mmes et MM. les secrétaires à procéder au dépouillement du scrutin.
(Il est procédé au dépouillement du scrutin.)
M. le président. Voici, compte tenu de l’ensemble des délégations de vote accordées par les sénateurs aux groupes politiques et notifiées à la présidence, le résultat du scrutin n° 207 :
Nombre de votants | 329 |
Nombre de suffrages exprimés | 329 |
Pour l’adoption | 145 |
Contre | 184 |
Le Sénat n’a pas adopté.
L’amendement n° 399 rectifié, présenté par MM. Leconte, Rome, Sueur et Camani, Mme D. Gillot, MM. F. Marc, Assouline, Guillaume, Marie et les membres du groupe socialiste et républicain et apparentés, est ainsi libellé :
Après l’alinéa 3
Insérer un alinéa ainsi rédigé :
« À titre expérimental et pour une durée de trois ans à compter de la promulgation de la loi n° … du … pour une République numérique, le Gouvernement peut définir, par voie réglementaire, les conditions de mise en place et de gestion d’une plateforme d’échange citoyen qui permet de recueillir et de comparer des avis d’utilisateurs sur le respect des obligations des opérateurs de plateforme en ligne mentionnées à l’article L. 111-7.
La parole est à M. Jean-Yves Leconte.
M. Jean-Yves Leconte. Au cours de la discussion de l’article 23, qui porte sur les obligations des opérateurs de plateforme, et de l’examen des amendements y afférents, nous avons pu constater combien il est difficile d’assurer au moyen de dispositions législatives classiques le respect effectif des obligations que nous souhaitons imposer aux plateformes, car le numérique se joue des frontières.
C’est pourquoi le texte issu de l’Assemblée nationale prévoyait, à titre expérimental, la mise en place d’une plateforme d’échange citoyen, pour recueillir et comparer des avis d’utilisateurs sur le respect par les plateformes en ligne de leurs obligations de loyauté. Cela constitue peut-être une audace législative, mais, pour reprendre les propos antérieurs de M. Dallier, l’importance de la réputation des plateformes pour leur développement confère un certain intérêt à une disposition de cette nature.
Cette disposition faisait partie des propositions du Conseil national du numérique publiées dans son rapport intitulé Ambition numérique. La commission des lois, considérant que rien n’interdit au Gouvernement de mettre d’ores et déjà en œuvre une telle disposition, a malheureusement rejeté l’idée d’une plateforme citoyenne.
Toutefois, compte tenu des enjeux, il nous semble que l’inscription d’une telle disposition dans la loi aurait son utilité. Cet amendement tend donc à rétablir cette expérimentation, qui pourrait constituer une étape intermédiaire et participative entre l’autorégulation mise en place par les plateformes et le contrôle administratif. Ce dispositif joue sur la réputation des plateformes les plus influentes et s’inscrit dans une logique de dialogue ouvert avec les opérateurs.
Les modalités de l’expérimentation sont renvoyées au pouvoir réglementaire, notamment pour l’élaboration de bonnes pratiques et la définition des indicateurs permettant d’apprécier le respect des obligations des plateformes.
Face aux difficultés d’appréciation du respect des obligations incombant aux plateformes, il faut, me semble-t-il, faire preuve d’audace. Aussi, cette disposition mériterait d’être inscrite dans la loi.
M. le président. Quel est l’avis de la commission ?
M. Christophe-André Frassa, rapporteur. L’expérimentation ! C’est un vaste sujet, monsieur Leconte… Toutefois, rien n’interdit au Gouvernement de mettre d’ores et déjà en œuvre cette plateforme.
Par ailleurs, cette disposition relève plus, à mon humble avis, du pouvoir réglementaire du Gouvernement que de la loi. Je m’en remettrai à l’avis de Mme la secrétaire d’État, mais à ce stade je ne puis que vous engager à retirer cet amendement.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
Mme Axelle Lemaire, secrétaire d’État. Je trouve que cette disposition est une bonne idée. Dans le domaine du numérique, où les modèles sont émergents, il n’y a pas l’État d’un côté et les entreprises de l’autre. Il y a aussi la pratique qui consiste – pardonnez-moi pour cet anglicisme, d’autant que j’avais promis de ne plus en employer – à crowdsourcer, c’est-à-dire à s’appuyer sur la multitude, à aller chercher des informations à l’extérieur des structures pour démultiplier les sources d’analyse.
Voilà une forme ouverte de régulation qui me paraît judicieuse et qui pourrait en outre entraîner une montée en compétence de l’appareil de l’État, notamment en matière de traitement algorithmique et d’analyse des données, qui sont insuffisamment développés aujourd’hui.
J’évoquais précédemment les services douaniers ; on peut certes envisager une réponse uniquement fondée sur les ressources humaines – il ne m’appartient pas de me prononcer sur la capacité des douanes à faire face aux enjeux du moment –, mais nous pouvons aussi aller plus loin en matière d’outillage numérique, notamment avec le recours par l’administration de l’État aux calculs algorithmiques, pour répondre à des problèmes complexes.
J’émets donc un avis favorable sur cet amendement.
M. le président. L’amendement n° 637, présenté par M. Frassa, au nom de la commission des lois, est ainsi libellé :
Alinéa 4
Supprimer cet alinéa.
La parole est à M. le rapporteur.
M. Christophe-André Frassa, rapporteur. Il s’agit de supprimer une précision inutile. En effet, le Gouvernement est toujours compétent pour définir par décret les modalités d’application de la loi.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. le président. Mes chers collègues, nous avons examiné 106 amendements au cours de la journée ; il en reste 279 à examiner sur ce texte.
La suite de la discussion est renvoyée à la prochaine séance.
8
Nomination d’un membre d’une délégation sénatoriale
M. le président. Je rappelle au Sénat que le groupe écologiste a présenté une candidature pour l’office parlementaire d’évaluation des choix scientifiques et technologiques.
Le délai prévu par l’article 8 du règlement est expiré.
La présidence n’a reçu aucune opposition.
En conséquence, je déclare cette candidature ratifiée et je proclame M. Hervé Poher membre de l’Office parlementaire d’évaluation des choix scientifiques et technologiques, en remplacement de Mme Marie Christine Blandin, démissionnaire.
9
Ordre du jour
M. le président. Voici quel sera l’ordre du jour de la prochaine séance publique, précédemment fixée à aujourd’hui, vendredi 29 avril 2016, à neuf heures trente et de quatorze heures trente à dix-neuf heures trente :
Suite du projet de loi, adopté par l’Assemblée nationale après engagement de la procédure accélérée, pour une République numérique (n° 325, 2015-2016) ;
Rapport de M. Christophe-André Frassa, fait au nom de la commission des lois (n° 534, 2015-2016) ;
Texte de la commission (n° 535, 2015-2016) ;
Avis de M. Philippe Dallier, fait au nom de la commission des finances (n° 524, 2015-2016) ;
Avis de Mme Colette Mélot, fait au nom de la commission de la culture, de l’éducation et de la communication (n° 525, 2015-2016) ;
Avis de M. Patrick Chaize, fait au nom de la commission de l’aménagement du territoire et du développement durable (n° 526, 2015-2016) ;
Avis de M. Bruno Sido, fait au nom de la commission des affaires économiques (n° 528, 2015-2016).
Personne ne demande la parole ?…
La séance est levée.
(La séance est levée le vendredi 29 avril 2016, à zéro heure trente.)
Direction des comptes rendus
GISÈLE GODARD