Sommaire
Présidence de M. Hervé Marseille
Secrétaires :
MM. Jean Desessard, Jean-Pierre Leleux.
2. République numérique. – Suite de la discussion en procédure accélérée d’un projet de loi dans le texte de la commission
Articles additionnels après l'article 23
Amendement n° 89 rectifié bis de M. Guy-Dominique Kennel. – Non soutenu.
Amendement n° 82 rectifié bis de M. François Commeinhes. – Non soutenu.
Amendement n° 360 de M. Claude Kern. – Non soutenu.
Amendement n° 382 rectifié ter de M. Loïc Hervé. – Non soutenu.
Amendement n° 119 rectifié bis de Mme Catherine Morin-Desailly. – Non soutenu.
L’article demeure supprimé.
Amendement n° 502 rectifié de M. Jean-Claude Requier. – Retrait.
L’article demeure supprimé.
Articles additionnels après l'article 23 ter
Amendements identiques nos 97 rectifié bis de M. Philippe Bonnecarrère et 384 de M. Michel Bouvard. – Non soutenus.
Amendement n° 469 de Mme Éliane Assassi. – Retrait.
Amendement n° 128 rectifié de M. Robert Navarro. – Non soutenu.
Amendement n° 403 rectifié de M. Jacques Chiron. – Non soutenu.
Amendement n° 468 de Mme Éliane Assassi. – Rejet.
Amendement n° 402 rectifié de M. Jacques Chiron. – Non soutenu.
Amendement n° 30 rectifié quater de M. François Commeinhes. – Non soutenu.
Amendement n° 602 du Gouvernement. – Réservé.
Amendement n° 603 rectifié du Gouvernement. – Réservé.
Amendement n° 638 de la commission. – Adoption.
Amendement n° 49 rectifié bis de M. Jean-Pierre Grand. – Non soutenu.
Adoption de l’article modifié.
Articles additionnels après l'article 23 quater
Amendement n° 129 de M. Robert Navarro. – Non soutenu.
Amendement n° 404 de M. Bernard Lalande. – Adoption de l'amendement insérant un article additionnel.
Amendement n° 203 rectifié bis de M. David Assouline. – Retrait.
Amendement n° 202 rectifié bis de M. David Assouline. – Retrait.
Amendement n° 200 rectifié bis de M. David Assouline. – Retrait.
Amendement n° 201 rectifié bis de M. David Assouline. – Retrait.
Amendement n° 671 de la commission. – Adoption.
Amendement n° 504 rectifié de M. Jean-Claude Requier. – Retrait.
Amendement n° 74 rectifié de M. Patrick Chaize. – Rectification.
Amendement n° 110 rectifié de Mme Catherine Morin-Desailly – Non soutenu, repris par la commission sous le n° 672.
Amendements identiques n° 74 rectifié bis de M. Patrick Chaize et 672 de la commission. – Adoption.
Amendement n° 81 rectifié de M. François Commeinhes. – Non soutenu.
Amendement n° 100 rectifié de M. Philippe Bonnecarrère. – Retrait.
Amendement n° 505 rectifié de M. Jean-Claude Requier. – Retrait.
Amendements identiques nos 86 rectifié bis de M. Gilbert Bouchet, 143 de M. Robert Navarro et 387 de M. Michel Bouvard. – Non soutenus.
Amendement n° 101 rectifié de M. Philippe Bonnecarrère. – Non soutenu.
Amendement n° 506 rectifié de M. Jean-Claude Requier. – Rectification.
Amendement n° 506 rectifié bis de M. Jean-Claude Requier. –Adoption.
Amendement n° 37 rectifié bis de M. Hervé Marseille. – Non soutenu.
Adoption de l’article modifié.
Article additionnel après l'article 24
Amendement n° 19 rectifié bis de M. Jean-Pierre Grand. – Non soutenu.
Amendement n° 518 rectifié de M. Jean-Claude Requier. – Retrait.
Amendement n° 519 rectifié de M. Jean-Claude Requier. – Retrait.
Adoption de l’article.
Articles additionnels après l'article 25
Amendement n° 639 de la commission. – Adoption de l'amendement insérant un article additionnel.
Amendement n° 405 de M. Jean-Yves Leconte. – Retrait.
Amendement n° 640 de la commission. – Adoption de l’amendement supprimant l’article.
Article additionnel avant l’article 26
Amendement n° 471 de Mme Éliane Assassi. – Retrait.
Amendement n° 472 de Mme Éliane Assassi. – Retrait.
Adoption de l’article.
Articles additionnels après l’article 26
Suspension et reprise de la séance
Article additionnel après l’article 26 ter
Amendement n° 236 de M. Jean-Pierre Sueur. – Adoption.
Adoption de l’article modifié.
Amendement n° 352 rectifié de M. Loïc Hervé. – Non soutenu.
Amendement n° 237 de M. Jean-Pierre Sueur. – Adoption.
Amendement n° 238 de M. Jean-Pierre Sueur. – Rejet par scrutin public.
Amendement n° 239 de M. Jean-Yves Leconte. – Rejet.
Adoption de l’article modifié.
Amendement n° 652 de la commission. – Adoption.
Amendement n° 641 de la commission. – Adoption.
Adoption de l’article modifié.
Amendement n° 647 de la commission. – Adoption.
Adoption de l’article modifié.
Amendement n° 240 rectifié de M. Jean-Pierre Sueur. – Rejet.
Amendement n° 75 rectifié de M. Patrick Chaize. – Adoption.
Amendement n° 29 rectifié ter de M. François Commeinhes. – Non soutenu.
Amendement n° 242 de M. Jean-Pierre Sueur. – Rejet par scrutin public.
Adoption de l’article modifié.
Article additionnel après l'article 33
Amendement n° 548 rectifié de M. Jean-Claude Requier. – Non soutenu.
Amendements identiques nos 122 rectifié de M. Olivier Cigolotti et 135 de M. Robert Navarro. – Non soutenus.
Amendement n° 243 de M. Jean-Pierre Sueur. – Retrait.
L’article demeure supprimé.
Adoption de l’article.
Amendement n° 620 du Gouvernement. – Adoption.
Adoption de l’article modifié.
Amendement n° 339 de Mme Corinne Bouchoux. – Retrait.
Amendement n° 245 de M. Jean-Pierre Sueur. – Rejet.
L’article demeure supprimé.
Article additionnel après l’article 33 ter
Amendement n° 246 de M. Roland Courteau. – Adoption de l'amendement insérant un article additionnel.
Amendement n° 651 de la commission. – Adoption de l'amendement rédigeant l'article.
Amendement n° 247 de Mme Hélène Conway-Mouret. – Devenu sans objet.
Amendement n° 306 de M. Roland Courteau. – Devenu sans objet.
Articles additionnels après l'article 33 quater
Amendement n° 249 de M. Roland Courteau. – Rejet.
Amendement n° 248 de M. Roland Courteau. – Retrait.
Amendement n° 361 rectifié de M. Richard Yung. – Non soutenu.
Amendement n° 587 du Gouvernement. – Rejet.
Suspension et reprise de la séance
Amendement n° 648 de la commission. – Adoption.
Amendements identiques nos 139 de M. Robert Navarro et 613 rectifié de M. Olivier Cigolotti. – Non soutenus.
Amendement n° 79 rectifié de M. Patrick Chaize. – Retrait.
Amendement n° 78 rectifié de M. Patrick Chaize. – Retrait.
Adoption de l’article modifié.
Articles additionnels après l’article 34
Amendement n° 118 rectifié de Mme Catherine Morin-Desailly. – Non soutenu.
Amendement n° 21 rectifié bis de M. Jean-Pierre Grand. – Retrait.
Amendements identiques nos 367 de M. Philippe Bonnecarrère et 559 rectifié de M. Jean-François Husson. – Non soutenus.
Amendement n° 317 de M. Robert Navarro. – Non soutenu.
Amendements identiques nos 368 de M. Philippe Bonnecarrère et 560 rectifié de M. Jean-François Husson. – Non soutenus.
Amendement n° 561 rectifié de M. Jean-François Husson. – Non soutenu.
Amendement n° 497 rectifié de M. Alain Bertrand. – Rejet.
Adoption de l’article modifié.
Amendement n° 318 de M. Robert Navarro. – Non soutenu.
Amendement n° 407 de M. Yves Rome. – Adoption.
Adoption de l’article modifié.
Adoption de l’article.
Articles additionnels après l'article 37 A
Amendements identiques nos 15 rectifié ter de M. Alain Vasselle, 145 de M. Robert Navarro et 351 rectifié ter de M. Jean-Claude Luche. – Non soutenus.
Amendement n° 408 rectifié bis de M. Pierre Camani. – Retrait.
Amendement n° 588 du Gouvernement. – Rejet.
Adoption de l’article.
Amendement n° 634 du Gouvernement. – Adoption de l'amendement rédigeant l'article.
Amendement n° 175 rectifié de M. Jean Bizet. – Devenu sans objet.
Amendement n° 372 rectifié de M. Patrick Chaize. – Devenu sans objet.
Articles additionnels après l’article 37 D
Amendement n° 349 rectifié de M. Loïc Hervé. – Non soutenu.
Amendement n° 346 rectifié de M. Loïc Hervé. – Non soutenu.
Amendement n° 590 du Gouvernement. – Rejet.
Adoption de l’article.
Article additionnel après l’article 37 E
Amendement n° 176 rectifié bis de M. Hervé Marseille. – Non soutenu.
Renvoi de la suite de la discussion.
compte rendu intégral
Présidence de M. Hervé Marseille
vice-président
Secrétaires :
M. Jean Desessard,
M. Jean-Pierre Leleux.
1
Procès-verbal
M. le président. Le compte rendu analytique de la précédente séance a été distribué.
Il n’y a pas d’observation ?…
Le procès-verbal est adopté sous les réserves d’usage.
2
République numérique
Suite de la discussion en procédure accélérée d’un projet de loi dans le texte de la commission
M. le président. L’ordre du jour appelle la suite de la discussion du projet de loi, adopté par l’Assemblée nationale après engagement de la procédure accélérée, pour une République numérique (projet n° 325, texte de la commission n° 535, rapport n° 534, tomes I et II, avis nos 524, 525, 526 et 528).
Nous poursuivons la discussion du texte de la commission.
TITRE II (suite)
LA PROTECTION DES DROITS DANS LA SOCIÉTÉ NUMÉRIQUE
Chapitre Ier (suite)
Environnement ouvert
Section 3 (suite)
Loyauté des plateformes et information des consommateurs
M. le président. Dans la discussion des articles, nous en sommes parvenus, au sein de la section 3 du chapitre Ier du titre II, aux amendements tendant à insérer un article additionnel après l’article 23.
Articles additionnels après l'article 23
M. le président. Je suis saisi de onze amendements faisant l'objet d'une discussion commune.
L'amendement n° 89 rectifié bis, présenté par MM. Kennel, Chatillon et de Raincourt, Mme Lopez, M. Mandelli, Mme Garriaud-Maylam, M. Danesi, Mme Duranton, M. Lemoyne, Mmes Morhet-Richaud et Gruny, M. Laménie, Mme Micouleau, MM. Pellevat, Houel et G. Bailly, Mme Deroche et MM. Husson et Reichardt, n'est pas soutenu. (Exclamations amusées.) Mais il en reste tout de même 290, mes chers collègues…
Les cinq amendements suivants sont identiques.
L'amendement n° 60 est présenté par M. Kaltenbach.
L'amendement n° 68 est présenté par M. Longeot.
L'amendement n° 150 est présenté par M. Courteau.
L'amendement n° 177 rectifié ter est présenté par M. Marseille, Mme Doineau, M. Bonnecarrère, Mme Joissains et MM. Cigolotti, Bockel, Maurey, Kern, Gabouty et Guerriau.
L'amendement n° 299 est présenté par M. Camani.
Ces cinq amendements sont ainsi libellés :
Après l'article 23
Insérer un article additionnel ainsi rédigé :
Le fait, pour une personne morale définie à l'article L. 511-1 du code monétaire et financier, d'effectuer des opérations mentionnées à l'article L. 314-1 du même code, dans le cadre d'activités définies à l'article 568 ter du code général des impôts, est puni d'une peine de 75 000 euros d'amende par opération effectuée.
Les amendements nos 60 et 68 ne sont pas soutenus.
La parole est à M. Roland Courteau, pour présenter l’amendement n° 150.
M. Roland Courteau. Monsieur le président, madame la secrétaire d’État, mes chers collègues, vous le savez, le marché parallèle du tabac ne cesse de progresser : il représente désormais plus de 25 % de la consommation en France.
Ce phénomène a provoqué la fermeture de milliers de bureaux de tabac en dix ans, alors que la consommation de tabac ne diminue toujours pas en France. En 2013, ce sont 722 buralistes qui ont dû mettre la clé sous la porte, faute de ventes suffisantes, ce qui équivaudrait, semble-t-il, à quelque 2 000 emplois.
En revanche, le marché parallèle de la vente de tabac sur internet connaît, quant à lui, un essor particulièrement préoccupant, alors même que la loi interdit formellement la vente de tabac sur internet depuis 2004 et l’achat depuis 2014.
Internet contribue en effet à favoriser l’entrée de cigarettes en France par des voies illicites. À l’aéroport de Paris-Charles-de-Gaulle, par exemple, le centre de tri postal regorge de colis contenant des cartouches commandées sur internet en provenance d’Espagne, de Moldavie ou d’Asie. Il s’agit souvent de contrefaçons, avec les risques que cela peut poser pour la santé. Ces cartouches sont bien évidemment vendues à des prix particulièrement bas ; d’où leur succès.
Or, aujourd'hui, force est de constater que les contrôles à la douane ne suffisent plus à enrayer ce phénomène.
Afin de limiter ces trafics, nous proposons donc, par cet amendement, de rendre ces transactions illicites impossibles, en imposant aux banques de les refuser en rejetant les paiements sur ces sites de e-commerce qui ne respectent pas la loi.
M. le président. La parole est à M. Hervé Maurey, pour présenter l'amendement n° 177 rectifié ter.
M. Hervé Maurey. Il est défendu, monsieur le président.
M. le président. L’amendement n° 299 n’est pas soutenu.
Les cinq amendements suivants sont identiques.
L'amendement n° 44 rectifié bis est présenté par MM. Grand et Milon, Mmes Garriaud-Maylam et Giudicelli, MM. Vasselle et Gilles, Mme Doineau, M. Pellevat, Mme Micouleau, MM. Lefèvre, Bizet et Masclet, Mme Procaccia et MM. Chasseing, Charon et Laménie.
L'amendement n° 61 est présenté par M. Kaltenbach.
L'amendement n° 69 est présenté par M. Longeot.
L'amendement n° 151 est présenté par M. Courteau.
L'amendement n° 300 est présenté par M. Camani.
Ces cinq amendements sont ainsi libellés :
Après l'article 23
Insérer un article additionnel ainsi rédigé :
Le cinquième alinéa du 7 du I de l'article 6 de la loi n° 2004-575 du 21 juin 2004 pour la confiance dans l'économie numérique est ainsi modifié :
1° À la première phrase, après les mots : « jeux d'argent », sont insérés les mots : « et d'achat de tabac » ;
2° À la seconde phrase, après les mots : « d'actes de jeux », sont insérés les mots : « ou d'achat de tabac ».
Les amendements nos 44 rectifié bis, 61 et 69 ne sont pas soutenus.
La parole est à M. Roland Courteau, pour présenter l’amendement n° 151.
M. Roland Courteau. Cet amendement vise à compléter l’amendement n° 150, que je viens de présenter.
Une fois de plus, je tiens à alerter sur une situation qui ne saurait perdurer : le marché de la vente de tabac en ligne ne cesse de progresser, alors que, je le répète, la loi interdit la vente de tabac sur internet. Face à ce détournement de la loi, il importe de réagir fermement et efficacement ; d’où cet amendement.
M. le président. L’amendement n° 300 n’est pas soutenu.
Quel est l’avis de la commission sur les deux amendements identiques nos 150 et 177 rectifié ter, ainsi que sur l’amendement n° 151 ?
M. Christophe-André Frassa, rapporteur de la commission des lois constitutionnelles, de législation, du suffrage universel, du règlement et d'administration générale. Monsieur Courteau, je me tourne plus particulièrement vers vous, qui avez brillamment défendu…
M. Roland Courteau. Comme toujours ! (Sourires.)
M. Christophe-André Frassa, rapporteur. … ces amendements, mais je m’adresse aussi à tous les auteurs de ces amendements, qui vont à peu près dans le même sens.
Je comprends très bien votre démarche visant à sanctionner pénalement les banques qui accepteraient des paiements en ligne pour l’achat de tabac et, d’une manière plus générale, de produits dont la vente sur internet est illicite.
Cela dit, j’émettrai une première réserve. À ce stade, le dispositif que vous proposez n’est pas totalement abouti au sens où la disposition n’est pas codifiée. Je m’en explique.
Il n’est pas certain que les banques aient les moyens de s’assurer que le paiement qu’elles valident porte ou non sur la vente de tabac en l’occurrence ou de tout autre produit – je déborde un peu du champ visé par ces amendements –, tel que l’alcool, pour lequel la vente en ligne est aussi totalement illicite. Voilà ce qui me gêne, monsieur Courteau, même si je peux souscrire à votre démarche.
Lorsque vous faites un achat en ligne, votre banque sait que vous faites un achat sur une plateforme numérique, mais elle ne sait pas ce que vous achetez ; et c’est là tout le problème. Pour prendre un exemple au hasard, elle sait que vous faites un achat sur eBay, mais elle n’a pas les moyens – et elle ne les aura jamais ! – de savoir ce que vous êtes en train d’acheter sur ce site. C’est là la limite.
L’amendement n° 150, ainsi que l’amendement identique n° 177 rectifié ter, vise à punir la banque. Or celle-ci ne pourra jamais mettre en place un système permettant de savoir quel bien précis, licite ou illicite, vous êtes en train d’acheter sur telle ou telle plateforme.
C’est pourquoi je souhaiterais le retrait de ces amendements ; à défaut, j’émettrai un avis défavorable.
Concernant l’amendement n° 151, il conviendrait d’ouvrir un débat plus large sur cette question.
Je vois bien l’intérêt, et je le comprends, de protéger la profession des buralistes quand on sait tout ce qui circule sur certaines plateformes pour vendre, notamment, des produits de contrebande. Mais il faudrait élargir la disposition proposée à l’alcool et à tous les produits que l’on peut trouver sur internet et dont la vente est illicite. Actuellement, l’obligation de signalement n’existe que pour les jeux d’argent. La disposition pourrait donc être étendue à d’autres marchandises.
Réfléchissons donc à une approche plus globale, qui régulerait plus largement le marché, car cette approche sectorielle multiplie les microrégulations.
Je vous remercie d’avoir ouvert ce débat, monsieur Courteau, mais, à ce stade, il serait souhaitable que vous retiriez l’amendement n° 151. Nous pourrons engager cette discussion lors de l’examen d’un autre projet de loi et aboutir à une véritable régulation.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
Mme Axelle Lemaire, secrétaire d'État auprès du ministre de l'économie, de l'industrie et du numérique, chargée du numérique. Le Gouvernement est défavorable à ces amendements.
Au-delà de la question de la régulation sectorielle de la vente du tabac – je comprends les préoccupations des buralistes, qui voient leur activité directement concurrencée par des trafics illégaux –,…
M. Roland Courteau. Absolument !
Mme Axelle Lemaire, secrétaire d'État. … posons-nous plus largement certaines questions : est-ce le rôle des banques ou des fournisseurs d’accès à internet de contrôler les contenus ? Oui, avons-nous estimé, dans le cadre de la prévention du terrorisme, par exemple, ou la lutte contre la pédopornographie. Je parle là de contenus d’expression, mais la matérialité des contenus procède du même raisonnement.
Outre les questions juridiques, il s’agit là, à mon sens, d’une question d’ordre éthique : souhaite-t-on que les banques contrôlent le contenu des achats en ligne ?
La réponse qui doit être celle des pouvoirs publics, c’est le démantèlement des réseaux et de fortes sanctions pénales. Pour ce faire, il faut doter nos forces de l’ordre et nos services douaniers des technologies les plus innovantes, susceptibles de retracer les flux à l’échelle mondiale. Nous le savons, ce problème n’est pas français, pas plus qu’il n’est uniquement européen, il est mondial.
Comme l’a souligné M. le rapporteur, la question que vous posez, monsieur Courteau, vaut aussi pour d’autres produits, notamment l’alcool et la drogue. Je ne crois pas que la piste que vous suggérez soit la plus opportune.
M. le président. La parole est à Mme Brigitte Gonthier-Maurin, pour explication de vote.
Mme Brigitte Gonthier-Maurin. Tout en comprenant la motivation sous-tendue par ces différents amendements, nous voterons contre.
En effet, ils posent plusieurs problèmes, qui viennent d’être exposés, à savoir la question des moyens octroyés aux banques, notamment la possibilité de leur conférer des pouvoirs qui n’ont pas à relever de leur ressort, même si les produits mis en vente sur internet sont extrêmement contestables dans leur composition et constituent un risque important pour la santé publique.
M. le président. La parole est à M. Philippe Dallier, pour explication de vote.
M. Philippe Dallier. La solution proposée me semble absolument impraticable : on ne peut pas demander aux banques de jouer ce rôle tout simplement parce qu’elles n’ont pas les moyens de le faire !
La vraie question, qui vaut pour d’autres domaines, c’est celle-ci : de quels moyens disposons-nous réellement pour nous assurer que la loi est appliquée ?
M. Roland Courteau. C’est cela, le problème !
M. Philippe Dallier. Le moyen extrême – on parlera des jeux en ligne dans quelques instants –, c’est celui dont dispose l’ARJEL, l’Autorité de régulation des jeux en ligne : elle a les moyens de demander aux fournisseurs d’accès internet de bloquer l’accès à certains sites. C’est le seul véritable moyen d’intervenir !
On peut effectivement essayer de remonter les filières, mais, quand celles-ci se trouvent à l’étranger, les moyens dont disposent les pouvoirs publics français sont relativement limités. La solution réside donc plutôt dans le blocage de l’accès aux sites qui vendent des produits illicites ; faute de quoi, on restera très inefficaces.
M. le président. La parole est à Mme Corinne Bouchoux, pour explication de vote.
Mme Corinne Bouchoux. Mon argumentaire sera le même : ces amendements soulèvent les bonnes questions, mais les réponses proposées semblent poser plus de problèmes qu’elles n’en résolvent.
Pour cette raison, nous ne soutiendrons pas ces amendements, même si nous en comprenons les motivations.
Je dirai un mot sur nos modalités de travail, d’une manière générale : seront-elles aujourd'hui les mêmes qu’hier soir ?
Je salue les très nombreux internautes qui suivent nos débats, et je veux leur dire que nous allons nous efforcer d’être clairs et pédagogues. Nous sommes entre passionnés et initiés – et c’est bien ! –, mais nous devons réussir à faire avancer le débat sans devoir attendre dix minutes lors de chaque scrutin public.
Votre éclairage sur les modes de votation qui vont être décidés aujourd'hui me serait très précieux, monsieur le président.
M. le président. La présidence ne fait qu’appliquer le règlement du Sénat, ma chère collègue : elle répond aux demandes de scrutins publics.
M. Yves Rome. Des opportunités par faiblesse !
M. le président. Je ne puis vous apporter d’autre réponse, ma chère collègue.
Quant aux internautes, ils ne votent pas encore et le sujet n’est pas d’actualité !
Monsieur Courteau., l'amendement n° 150 est-il maintenu ?
M. Roland Courteau. Madame la secrétaire d'État, monsieur le rapporteur, vous posez la question de savoir si le contrôle des contenus relève bien des banques. Certes, cela peut poser problème. Est-ce là le rôle des fournisseurs ? Cela peut aussi poser problème, je le sais.
Mais dès lors que les contrôles des douanes se sont largement avérés inefficaces, inopérants ou insuffisants – je ne sais quel qualificatif il me faut employer ! –, j’essaie de trouver d’autres solutions.
Vous m’objectez que le dispositif ne peut pas fonctionner, mais vous ne me proposez rien de précis ni d’immédiat. C'est la raison pour laquelle je maintiens mes deux amendements.
M. le président. Je mets aux voix les amendements identiques nos 150 et 177 rectifié ter.
(Les amendements ne sont pas adoptés.)
M. le président. Les amendements nos 82 rectifié bis, présenté par MM. Commeinhes, Chatillon, Gremillet, Longeot et Husson, 360, présenté par M. Kern, et 382 rectifié ter, présenté par M. L. Hervé, Mme Morin-Desailly, MM. Bonnecarrère et Cigolotti, Mme Férat et MM. Gabouty, Guerriau, Kern, Longeot et Marseille, ne sont pas soutenus.
Article 23 bis
(Supprimé)
M. le président. L'amendement n° 119 rectifié bis, présenté par Mme Morin-Desailly et M. L. Hervé, n'est pas soutenu.
En conséquence, l’article 23 bis demeure supprimé.
Article 23 ter
(Supprimé)
M. le président. L'amendement n° 502 rectifié, présenté par MM. Requier, Arnell, Castelli, Collin, Collombat, Esnol, Fortassin et Hue, Mmes Jouve, Laborde et Malherbe et MM. Mézard et Vall, est ainsi libellé :
Rétablir cet article dans la rédaction suivante :
L'article L. 631-7-1 A du code de la construction et de l'habitation est complété par un alinéa ainsi rédigé :
« Le loueur du local à usage d'habitation qui le loue pour de courtes durées à une clientèle de passage qui n'y élit pas domicile doit justifier de sa qualité de propriétaire dudit local ou, s'il en est locataire, de l'autorisation du bailleur auprès des professionnels qui, opérant en ligne, assurent un service de mise en relation en vue de la location d'hébergements. Le défaut de justification de la qualité de propriétaire ou de l'autorisation du bailleur est puni, pour le loueur et les professionnels précités, conformément aux articles L. 651-2 et L. 651-3. »
La parole est à M. Jean-Claude Requier.
M. Jean-Claude Requier. Une plus grande transparence sur les plateformes d’intermédiation locative permettrait d’enrayer certains phénomènes de fraude grandissant avec le développement de ces dernières, comme la sous-location en toute illégalité, qui engendrent une perte de recette fiscale.
Cet amendement pose ainsi l’obligation que toute personne louant un logement pour une courte durée sur une plateforme d’intermédiation locative justifie de sa qualité de propriétaire ou, si elle est locataire, de l’autorisation donnée par le bailleur de sous-louer le logement.
Ces nouvelles obligations sont nécessaires pour réglementer un domaine qui voit se développer dans ses failles des pratiques abusives et, finalement, dommageables à notre économie.
M. le président. Quel est l’avis de la commission ?
M. Christophe-André Frassa, rapporteur. Je propose à M. Requier de retirer son amendement.
Je comprends l’objectif, mais la rédaction retenue par l'Assemblée nationale ne nous a pas semblé pertinente. La commission a donc supprimé un article qui lui a paru poser de très nombreux problèmes, au premier rang desquels un problème de constitutionnalité dans la mesure où il traitait différemment les sous-loueurs selon qu’ils publient ou non leur annonce sur une plateforme numérique. À ce stade, je ne souhaite pas rouvrir le débat.
J’ajoute que plusieurs amendements à venir auxquels la commission est favorable me semblent plus opportuns : ils prévoient un encadrement beaucoup plus sérieux, beaucoup plus…
M. Jean-Claude Requier. Étayé !
M. Christophe-André Frassa, rapporteur. … étayé, en effet, monsieur Requier. Merci de voler à mon secours, les mots me manquent, sans doute déjà, eux, partis en week-end… (Sourires.)
Je comprends bien votre appel, mais ce n’est pas en rétablissant la rédaction adoptée par l'Assemblée nationale qu’on légiférera utilement. Croyez-moi, la commission est sensible à cette problématique, et les amendements qui vont venir en discussion sur ce sujet sont plus de nature à répondre au problème posé.
C’est pourquoi je vous serais reconnaissant de bien vouloir retirer votre amendement.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. le président. Monsieur Requier, l'amendement n° 502 rectifié est-il maintenu ?
M. Jean-Claude Requier. J’ai la même impression que mon collègue Roland Courteau précédemment : nous soulevons des problèmes – et chacun trouve qu’il est normal de les poser ! –, nos solutions sont critiquées, mais personne n’en a d’autre.
Cela étant, dans un geste de bonne volonté, j’accepte de retirer mon amendement, et nous verrons par la suite.
Quoi qu’il en soit, essayons de résoudre ce véritable problème !
M. Christophe-André Frassa, rapporteur. Il sera résolu !
M. le président. L'amendement n° 502 rectifié est retiré.
En conséquence, l’article 23 ter demeure supprimé.
Articles additionnels après l'article 23 ter
M. le président. Je suis saisi de trois amendements faisant l'objet d'une discussion commune.
L'amendement n° 97 rectifié bis, présenté par MM. Bonnecarrère, Luche, Détraigne et Guerriau, Mme N. Goulet et MM. Médevielle, L. Hervé, Marseille, Cigolotti, Longeot, Tandonnet, Kern et Gabouty, et l'amendement n° 384, identique, présenté par M. Bouvard, ne sont pas soutenus.
L'amendement n° 469, présenté par Mme Assassi, MM. Bosino, Abate et les membres du groupe communiste républicain et citoyen, est ainsi libellé :
Après l'article 23 ter
Insérer un article additionnel ainsi rédigé :
Le code du tourisme est ainsi modifié :
1° L’article L. 324-1-1 est complété par un alinéa ainsi rédigé :
« Le maire affecte un numéro d’enregistrement à la déclaration et en délivre un récépissé. Ce numéro d’enregistrement est mentionné par tout service de mise en relation en vue de la location d’hébergements, opérant en ligne. » ;
2° L’article L. 324-4 est complété par un alinéa ainsi rédigé :
« Le maire affecte un numéro d’enregistrement à la déclaration et en délivre un récépissé. Ce numéro d’enregistrement est mentionné par tout service de mise en relation en vue de la location d’hébergements, opérant en ligne. »
La parole est à Mme Brigitte Gonthier-Maurin.
Mme Brigitte Gonthier-Maurin. Je voudrais revenir sur les termes mêmes de nos débats.
Loin de ressembler à la vision idyllique de l’économie collaborative, l’économie d’Airbnb est l’expression de la dérégulation du marché du logement. Alors que les prix sont bloqués à un niveau anormalement élevé, il est bien normal que certains locataires, par la sous-location d’une chambre, tentent de boucler leur fin de mois et de payer leur loyer. C’est là-dessus que le système Airbnb prospère. Lutter contre Airbnb, c’est donc aussi lutter contre le logement cher.
Plus préoccupant, ces plateformes sont en réalité de plus en plus utilisées par des professionnels multipropriétaires, qui soustraient du marché locatif des logements entiers, jugés pas encore suffisamment rentables. Une telle démarche accroît le déficit de l’offre de logement locatif en zones très tendues, ce qui est intolérable. On est alors très loin de l’image « cool » affichée par Airbnb comme mode d’échange et de rencontre. C’est plutôt l’expression d’une énième dérégulation du marché du logement et d’une logique capitalistique qui a trouvé un nouveau filon pour de nouveaux profits.
Toute velléité de régulation est donc bienvenue et nécessaire, le corpus législatif existant étant limité. Sans aller jusqu’à l’interdiction totale promue par Berlin, nous reprenons ici un amendement que nous avons déjà soumis en commission.
Cet amendement prévoit que la mairie affecte un numéro d’enregistrement au moment de la déclaration, lequel est mentionné par tout service en ligne de mise en relation dans la perspective d’une location. Il contribuerait ainsi à un meilleur partage de l’information et assurerait une meilleure traçabilité, qui serait de nature à permettre un meilleur contrôle de l’application de la loi.
D’autres amendements vont venir en discussion, portés notamment par M. Assouline, qui a eu la « chance » de travailler avec la Ville de Paris et d’être le « réceptacle » des propositions faites par la municipalité. Nous apporterons tout notre soutien à ces utiles amendements.
M. le président. Quel est l’avis de la commission ?
M. Christophe-André Frassa, rapporteur. Nous entrons là dans le vif du sujet, monsieur Requier ; vous n’aurez pas attendu trop longtemps ! (Sourires.)
Mes chers collègues, j’éviterai de répéter trop souvent le nom d’une certaine plateforme numérique qui va faire l’objet de nos débats, car on pourrait nous accuser de lui faire de la publicité à titre gracieux !
M. Philippe Bas, président de la commission des lois constitutionnelles, de législation, du suffrage universel, du règlement et d'administration générale. Pour les internautes !
M. Christophe-André Frassa, rapporteur. Nos amis internautes comprendront de quelle plateforme je parle.
Cet amendement vise à créer une obligation à l’encontre des services opérant en ligne, qui doivent demander un numéro d’enregistrement auprès de la mairie. Ce faisant, il crée une rupture d’égalité entre les agences physiques de location et les services en ligne sans que cette inégalité soit, à mon sens, justifiée.
Par ailleurs, il tend à supprimer la dérogation dont bénéficient ceux qui louent temporairement leur résidence principale en qualité de meublé de tourisme, lesquels n’ont pas à faire de déclaration préalable en mairie.
Faut-il supprimer cette dérogation pour tous nos concitoyens et les exposer à des formalités administratives supplémentaires ? Là est la vraie question.
Le champ d’application de l’amendement n° 401 rectifié qui va venir en discussion dans quelques instants est mieux délimité puisqu’il ne concernerait que les grandes communes de plus de 200 000 habitants. Aussi, vous me pardonnerez de le préférer, si je puis dire, au vôtre, madame Gonthier-Maurin. Si vous en êtes d’accord, je souhaiterais donc que vous retiriez votre amendement au profit de l’amendement n° 401 rectifié.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
Mme Axelle Lemaire, secrétaire d'État. Le Gouvernement est également défavorable à cet amendement.
Oui, vous avez raison, monsieur Requier, nous devons avoir un débat sur l’impact de la transition numérique sur l’organisation économique plus ancienne de notre société, qui peut affecter un certain nombre de professions. Nous avons déjà mentionné les buralistes, mais nous aurions pu tout autant évoquer les chauffeurs de taxi ou les hôteliers.
Les amendements que nous allons examiner concernent la location d’appartements via des outils et des plateformes numériques, sans passer par la traditionnelle petite annonce chez le boulanger ou l’agence immobilière.
D’emblée, je veux dire que nous devons avoir un débat équilibré sur ce sujet. Il faut savoir entendre les préoccupations des pouvoirs publics, qui tiennent essentiellement au logement et à la fiscalité.
En matière de logement, il est tout naturel que les villes, en particulier certaines très grandes métropoles, s’inquiètent des effets de la massification de ce phénomène sur la disponibilité du parc immobilier, notamment du parc locatif. Cela aboutit en effet à exclure de l’accès au parc immobilier de nombreuses catégories de la population, notamment les plus jeunes, singulièrement les étudiants.
En matière de fiscalité, se pose la question de savoir si les revenus engendrés par le recours à ces pratiques d’intermédiation sont occasionnels – le particulier qui veut arrondir ses fins de mois – ou s’il s’agit d’un contournement de la loi, avec des revenus professionnels et la fiscalité qui doit s’y attacher.
Voilà le décor planté.
Mesdames, messieurs les sénateurs, ne soyons pas trop lourds ou trop régulateurs inutilement ! Cela ne signifie pas qu’il ne faille pas encadrer cette pratique. J’ai rappelé les objectifs de politique publique qui doivent être les nôtres. Mais veillons à l’impact sur les personnes potentiellement concernées, notamment les plus jeunes : on ne saurait comparer la situation d’un propriétaire de quatre immeubles à Paris, qui louerait ses logements de manière systématique, à celle d’un étudiant qui mettrait son logement en location quelques jours ou quelques semaines par an.
Madame la sénatrice, je vous prie de m’excuser d’avoir été un peu longue et en viens à votre amendement.
Dans celui-ci, vous évoquez les résidences secondaires et les meublés de tourisme, qui sont déjà soumis à une obligation de déclaration en mairie depuis la loi pour l'accès au logement et un urbanisme rénové, dite « loi ALUR ». Vous souhaitez assortir cette obligation de déclaration de l’obligation pour les plateformes de délivrer un numéro d’enregistrement à l’appui de cette déclaration.
On peut discuter de cette idée, mais vous introduisez ainsi un traitement différencié, selon que la location est réalisée en ligne ou conclue entre personnes physiques. La constitutionnalité même d’une telle mesure pourrait donc être contestée.
Par ailleurs, vous voulez imposer cette nouvelle obligation aux mairies. Or je crois qu’il convient de retenir une approche prudente en la matière, dans la mesure où les situations concernées sont très différentes d’un territoire à l’autre. Certaines bourgades rurales, par exemple, notamment celles qui ne comptent aucun hôtel, ont ainsi connu un afflux touristique inattendu grâce à l’économie collaborative, lorsque des particuliers ont commencé à louer leurs biens immobiliers de manière temporaire. Cela a eu un effet très positif pour la campagne et pour le tourisme en France de manière générale : nous avons battu des records l’année dernière en accueillant 84 millions de touristes !
Demandons-nous également si les mairies souhaitent réellement se voir imposer cette nouvelle obligation. Pour ma part, je n’en suis pas sûre, dans la mesure où je ne pense pas que cette mesure ait fait l’objet d’une concertation avec les collectivités territoriales.
Pour toutes ces raisons, le Gouvernement est, à ce stade, défavorable à votre amendement. Il me paraît inopportun d’appliquer de cette manière et partout un tel dispositif. Il vaudrait mieux laisser chaque mairie prendre les initiatives qui correspondent à ses proches choix.
M. le président. Madame Gonthier-Maurin, l’amendement est-il maintenu ?
Mme Brigitte Gonthier-Maurin. Le débat est ouvert et va se poursuivre.
Je vais retirer mon amendement au profit de l’amendement n° 401 rectifié, car ses auteurs partagent manifestement le même souci que le nôtre, tout en proposant une rédaction plus souple, notamment à l’égard des communes.
Je retire l’amendement, monsieur le président.
M. le président. L'amendement n° 469 est retiré.
L'amendement n° 401 rectifié, présenté par MM. Carvounas, Assouline, Rome, Guillaume, Sueur, Leconte et Camani, Mme D. Gillot, MM. F. Marc, Vaugrenard, Marie et les membres du groupe socialiste et républicain et apparentés, est ainsi libellé :
Après l’article 23 ter
Insérer un article additionnel ainsi rédigé :
Le code du tourisme est ainsi modifié :
1° L’article L. 324-1-1 est complété par deux alinéas ainsi rédigés :
« Dans les communes mentionnées au premier alinéa de l’article L. 631-7 du code de la construction et de l’habitation, une délibération du conseil municipal peut rendre obligatoire, pour toute location d’un local meublé destiné à l’habitation de manière répétée pour de courtes durées à une clientèle de passage qui n’y élit pas domicile, un enregistrement auprès de la commune. Lorsqu’elle est mise en œuvre, cette procédure d’enregistrement se substitue à la procédure de déclaration mentionnée au premier alinéa.
« La délibération fixe le nombre minimal de nuitées par an à partir duquel l’enregistrement est obligatoire. La commune délivre un numéro d’enregistrement au loueur par voie dématérialisée ou par tout autre moyen. » ;
2° Après les mots : « prévues par ces articles », la fin de l’article L. 324-2-1 est ainsi rédigée :
« . Elle obtient de lui, préalablement à la location du bien, une déclaration sur l’honneur attestant du respect de ces obligations ainsi que le numéro d’enregistrement mentionné à l’article L. 324-1-1 du présent code. »
La parole est à M. David Assouline.
M. David Assouline. Nous ouvrons un débat au cours duquel nous allons examiner une série d’amendements qui peuvent contribuer à façonner un dispositif tout à fait pertinent.
Avec M. Carvounas et les membres du groupe socialiste et républicain, nous avons déposé le premier amendement de cette série dans le but de répondre à deux préoccupations que le Sénat vient de commencer à étudier, à savoir la question de la collecte de la fiscalité relative aux locations temporaires et celle de la conception que l’on a de la ville elle-même.
Ces sujets forment une sorte de synthèse du débat général qui nous réunit sur la République numérique.
D’un côté, il y a quelque chose de fantastique dans la révolution numérique. L’économie collaborative, en particulier, propose une dynamique qui encourage la solidarité et l’échange. On voit bien d’ailleurs comment les jeunes s’y engouffrent.
D’un autre côté, des prédateurs s’introduisent dans le système pour le pervertir et le détourner.
Au nom des valeurs de la République et de nos principes, il nous revient donc de maintenir un cap et de faire en sorte que ce détournement prenne fin, car il est le meilleur ennemi de l’économie collaborative !
Je le disais : les villes sont confrontées à deux difficultés dans la lutte qu’elles mènent contre les meublés illégaux, puisque c’est de cela qu’il s’agit.
Le premier problème concerne la collecte de fiscalité : il faut absolument que les villes puissent s’y retrouver et que l’on empêche le non-paiement de la taxe de séjour, donc des ressources qu’elle constitue.
En outre, depuis que ces pratiques illégales se développent, un second problème, lié à la conception même de la ville, est apparu : nous observons que des quartiers entiers se vident de leurs résidents et deviennent des « quartiers musées ». Or cela est inacceptable pour l’équilibre général des villes ! À Paris, nous vivons ce phénomène de manière très intense et cherchons à répondre à cette difficulté.
Avec cet amendement, nous proposons de donner aux communes qui le souhaitent des outils plus efficaces, qui leur assurent la traçabilité et une meilleure transparence des activités de location pour une courte durée de locaux meublés sur leur territoire.
Aussi, l’amendement tend à prévoir que les communes auront à l’avenir la faculté de mettre en place une procédure d’enregistrement du loueur. Cette procédure est laissée au libre choix des communes. Lorsque la mairie adoptera ce dispositif, le numéro d’enregistrement lui permettra de s’assurer que la personne qui loue le meublé a bien qualité pour agir, qu’il en soit propriétaire, ou, s’il en est locataire, qu’il ait obtenu l’autorisation de son propriétaire.
Dans sa délibération, la commune devra également déterminer si l’obligation d’enregistrement s’applique aux seules résidences secondaires, pour lesquelles l’obligation de déclaration à la commune existe déjà, ou bien si elle l’étend également aux résidences principales, ce qui est l’objet ici. Elle devra en outre fixer le nombre minimum de nuitées à partir duquel cette obligation s’appliquera.
Enfin, dans le cas où la mairie choisira…
M. le président. Veuillez conclure, mon cher collègue !
M. David Assouline. … d’affecter un numéro d’enregistrement au moment de la déclaration, ce numéro devra être demandé par tout service de mise en relation opérant en ligne avant la publication de l’annonce et devra être mentionné dans l’annonce.
Je donnerai quelques précisions complémentaires en explication de vote, mais je tenais à rappeler le cadre général du dispositif proposé.
M. le président. Quel est l’avis de la commission ?
M. Christophe-André Frassa, rapporteur. Dans un premier temps, la commission des lois a émis un avis réservé sur cet amendement, car celui-ci remet en cause la dérogation prévue pour les résidences principales : l’intéressé n’a pas à faire de déclaration préalable en mairie lorsqu’il souhaite louer son bien en tant que meublé de tourisme.
Toutefois, et cela a son importance, je souhaiterais porter à la connaissance du Sénat plusieurs éléments qui me conduiront, surtout à titre personnel, à voter cet amendement.
Tout d’abord, il semble que de nombreuses grandes villes européennes ont mis en place un dispositif similaire et que l’expérience soit positive. Je pense notamment aux villes de Berlin, Bruxelles et Amsterdam.
Ensuite, l’amendement présente un intérêt incontestable, celui de contribuer à faire sortir ces locations de « l’économie au noir » pour la porter enfin au jour. À ce titre, il s’inscrit dans la même logique que celle qui a vu l’adoption en commission de l’article 23 quater sur l’initiative de la commission des finances et qui traite de l’obligation pour les plateformes de déclarer les revenus perçus par les loueurs.
Enfin, s’il est vrai que la dérogation prévue au profit des résidences principales est remise en cause, cela ne concernera que les locations au-delà d’un certain nombre de nuitées. La question essentielle sera donc celle du niveau du seuil à fixer.
Gageons que les collectivités territoriales sauront faire preuve de sagesse pour concilier l’intérêt qui s’attache à la prévention de fraudes avec le souci d’éviter à leurs administrés des tracasseries pour des locations peu fréquentes.
Pour toutes ces raisons, et à titre personnel, je pense qu’il serait dommage d’empêcher la réflexion de se poursuivre sur le sujet en commission mixte paritaire. Or c’est ce qui se produirait si nous n’adoptions pas cet amendement !
Si la commission y est défavorable, je voterai, à titre personnel, pour l’amendement.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
Mme Axelle Lemaire, secrétaire d'État. Le Gouvernement est favorable à l’amendement, qui nous paraît équilibré.
Il s’agit d’un bon compromis entre la volonté d’accompagner l’essor de l’économie collaborative, qui montre la voie à de nouveaux usages que nos concitoyens réclament véritablement et qui répondent également à des besoins très concrets, notamment financiers, et l’utilisation totalement dévoyée qui en est faite par une minorité d’individus ou d’entreprises, qui font un usage systématique, voire quasi professionnel de ces outils pour en tirer une source de revenus.
À mon sens, il existe certaines lignes rouges à ne pas franchir quand on cherche à encadrer et à réguler un système, et cet amendement ne les franchit pas.
Monsieur le rapporteur, vous avez cité la ville de Berlin. C’est simple : Berlin a interdit Airbnb, si mes informations sont exactes. Aussi, mesdames, messieurs les sénateurs, je vous pose la question : souhaitons-nous vraiment interdire Airbnb à Paris ?
M. David Assouline. On y viendra tôt ou tard, si nous n’arrivons pas à encadrer ces pratiques !
Mme Axelle Lemaire, secrétaire d'État. La réponse est non ! Ce n’est d’ailleurs absolument pas l’objet de l’amendement, puisque celui-ci vise à lutter contre le contournement de la loi et le dévoiement de l’outil, notamment dans les zones tendues.
Monsieur le sénateur, vous proposez de laisser le libre choix aux communes. Cet aspect est très important, parce que les collectivités territoriales sont tout à fait en mesure d’évaluer les besoins qui existent en termes de politique publique de logement.
En réalité, le dispositif ne s’appliquera que dans les cas où les règles de changement d’usage des locaux viennent elles-mêmes à s’appliquer, c’est-à-dire dans les cas où il est nécessaire de transformer un logement affecté pour un usage personnel en un logement à usage professionnel, parce qu’un certain seuil de nuitées de location aurait été dépassé. Dans les faits, ces règles de changement d’usage ne sont en vigueur que dans une dizaine de villes en France, à savoir les communes de plus de 200 000 habitants et les départements de la petite couronne en Île-de-France.
Vous proposez par ailleurs que la procédure soit systématiquement dématérialisée. C’est très important, parce qu’il faut absolument éviter de sombrer dans une complexité administrative et bureaucratique. Tout l’intérêt d’avoir recours à l’économie collaborative disparaîtrait, puisque l’une des raisons de son succès réside précisément dans le fait que c’est simple, facilement accessible et instantané !
Enfin, vous indiquez que les modalités précises d’application de la mesure seront laissées au choix de la commune et pourront donc varier d’une commune à l’autre. Ce point me semble également fondamental, car cela signifie que chaque commune pourra seule définir le seuil de nuitées à partir duquel l’enregistrement en tant que loueur sur une plateforme deviendra obligatoire.
Concrètement, le passage du statut de particulier à celui de professionnel dépendra du seuil de nuitées choisi librement par les communes. Seules ces dernières connaissent la réalité locale.
M. le président. La parole est à M. Philippe Dallier, pour explication de vote.
M. Philippe Dallier. Il s’agit effectivement d’un bon amendement, et je vais le voter.
Cela étant, je suis un peu sceptique sur le fait de laisser le nombre de nuitées à l’appréciation de chaque commune. Je serais personnellement favorable à un régime beaucoup plus dur en imposant au propriétaire, dès qu’il a manifesté la volonté de louer son bien, de demander le numéro d’enregistrement, et en imposant non seulement aux plateformes en ligne, mais aussi aux journaux de petites annonces – après tout, il n’est pas nécessaire de faire une distinction entre les deux – de le publier.
Sinon, cela restera très facile de frauder ! Si une commune décide de fixer un seuil de dix nuitées par trimestre – je donne ce chiffre uniquement à titre d’illustration –, le propriétaire pourra toujours dire qu’il restera en deçà de ce seuil, et il ne se passera rien de plus !
L’intention est certes bonne, mais je me demande si on ne va pas vider la mesure proposée de son efficacité en laissant trop de liberté. Aussi, je serais vraiment partisan d’être plus radical. Je le répète : je souhaite que nous imposions à tout propriétaire qui souhaite louer son bien de demander ce numéro d’enregistrement et aux plateformes en ligne et journaux de petites annonces de le publier. Sinon – et on y reviendra dans quelques instants – comment contrôler ?
Je pense qu’il faudrait que les plateformes en ligne transmettent, pour chaque propriétaire concerné, le nombre de nuitées pour lesquelles a été enregistrée une réservation. Nous allons d’ailleurs bientôt débattre d’un amendement sur ce thème, mes chers collègues, et vous verrez que Mme la secrétaire d’État nous dira alors qu’elle n’y est pas favorable, du moins c’est ce que je pressens ! Nous n’aurons donc aucun moyen de contrôle sur tout cela.
Dans la mesure où nous ne disposerons pas de ces moyens de contrôle à l’issue de l’examen du projet de loi, il serait préférable d’aller dès maintenant un peu plus loin en rendant la demande du numéro d’enregistrement obligatoire.
M. le président. La parole est à Mme Corinne Bouchoux, pour explication de vote.
Mme Corinne Bouchoux. Nous allons soutenir cet amendement.
Mme la secrétaire d’État a bien planté le décor. Nous nous trouvons en effet dans une situation de plus en plus tendue, puisque certains jeunes, notamment, ne parviennent plus à se loger pour l’année, même s’ils sont très contents dans d’autres circonstances, c’est-à-dire lorsqu’ils partent en vacances, d’utiliser le système dont nous parlons ! C’est d’ailleurs toute la complexité de la question : selon les cas, on sort gagnant ou perdant d’un même système ! C’est typiquement le cas de certains jeunes, des jeunes actifs notamment, ou de publics fragiles financièrement.
Par ailleurs, une question très importante se pose : comment va-t-on calibrer le dispositif pour le faire vivre de manière équilibrée par la suite ? Mes chers collègues, il nous faut rester extrêmement raisonnables et prudents au cours de nos travaux. Oui, il faut de la régulation ! Oui, tout est une question d’équilibre ! Oui, il faut pouvoir se loger dans les grandes villes et empêcher tous les effets d’éviction dont on a parlé ! Mais, la question clé – je comprends très bien, du reste, les questions judicieuses posées par M. Dallier – est celle de savoir comment on peut réguler intelligemment le système sans inventer une usine à gaz qui posera plus tard davantage de problèmes que ceux que nous cherchons à résoudre aujourd’hui !
Pour toutes ces raisons, nous voterons en faveur de l’amendement tel qu’il est rédigé.
M. le président. La parole est à M. Yves Rome, pour explication de vote.
M. Yves Rome. Je me félicite de la qualité de cet amendement, qui apporte une réponse à un triple risque : tout d’abord, le risque encouru par la profession hôtelière, ensuite, le risque auquel sont exposées les communes qui subissent une perte de recettes, enfin, le risque de tensions sur le logement auxquelles conduisent les pratiques actuelles.
L’amendement représente une première étape, mais il nous faudra aller plus loin, de mon point de vue. Si je reconnais une vertu à cet amendement, c’est d’avoir posé le principe de l’économie collaborative – vaste sujet ! -, dont le numérique favorise un développement très important.
Il est également primordial de parvenir à déterminer où se situe la frontière entre ce qui relève de la dimension collaborative et ce qui relève de l’économie au sens large. En effet, de ce point de vue, l’économie collaborative comporte des risques importants qui, là encore, nous ont été signalés par les hôteliers, ceux-ci voyant leur activité régresser, à Paris en particulier, au profit des plateformes.
Enfin, je suis aussi assez sensible aux arguments développés par notre collègue Philippe Dallier lorsqu’il propose d’obliger les plateformes à déclarer au fisc les affaires qu’elles auront permises,…
Mme Corinne Bouchoux. Très juste !
M. Yves Rome. … mais nous y reviendrons un peu plus tard.
M. le président. La parole est à M. David Assouline, pour explication de vote.
M. David Assouline. La vertu que l’on doit reconnaître à notre amendement, c’est qu’il est équilibré et semble recueillir l’assentiment de tous.
Monsieur Dallier, nous partageons une certaine radicalité sur ce sujet.
M. Philippe Dallier. Mais pas sur tous les sujets ! (Sourires.)
M. David Assouline. Non, sur ce sujet en particulier !
Mme Brigitte Gonthier-Maurin. Ou peut-être ne parlez-vous pas de la même radicalité ! (Nouveaux sourires.)
M. David Assouline. Pour ma part, je me situe dans une double radicalité : je suis un fervent partisan de l’économie collaborative et, au nom de cette conviction, j’estime que tout ce qui vient pervertir ce modèle ou le détourner est dangereux et constitue l’ennemi principal de cette économie !
Mon amendement tend à fixer un cadre. Vous verrez, mes chers collègues, que je compte bientôt vous proposer un autre amendement tout aussi équilibré (M. Philippe Dallier rit.), qui vise à retenir un seuil de cent vingt jours de location pour déterminer si la location d’une résidence principale relève d’une activité commerciale ou non.
Vous le verrez au fur et à mesure de nos débats, nous cherchons à élaborer un dispositif cohérent.
Ensuite, pour ce qui est de la perception de la fiscalité et du recouvrement de la taxe de séjour, nous allons bien voir ce que la Haute Assemblée va décider. En tous les cas, monsieur Dallier, vous allez pouvoir vous exprimer sur ces amendements en tant que rapporteur pour avis de la commission des finances. D’après moi, que ce soit aujourd’hui ou lors de l’examen du prochain projet de loi de finances, il faudra bien que l’on adopte un système, faute de quoi le reste du dispositif risque d’être sans efficacité !
En m’exprimant ainsi, je ne parle pas seulement de Paris. Nous avons déjà conclu, à la Ville de Paris, des accords dans ce domaine, mais il est préférable, selon nous, d’introduire un dispositif équilibré dans la loi et de faire en sorte que notre expérience se généralise.
J’ai d’ailleurs vu que M. Juppé montait aussi au créneau à Bordeaux, notamment à la veille du prochain Euro. Et, au-delà de Berlin, qui a choisi sa propre voie, on voit bien qu’il s’agit d’une problématique essentielle pour les grandes métropoles et les grandes villes, que ce soit à New York ou Barcelone, par exemple. Les métropoles se doivent d’agir de manière énergique – ce sujet me tient beaucoup à cœur – pour que subsistent dans les villes un parc locatif destiné notamment aux étudiants et des petites surfaces, ce qui n’est aujourd’hui plus le cas !
M. le président. En conséquence, un article additionnel ainsi rédigé est inséré dans le projet de loi, après l'article 23 ter.
Les deux amendements suivants, faisant l’objet d’une discussion commune, n° 128 rectifié, présenté par M. Navarro, et n° 403 rectifié, présenté par MM. Chiron et Lalande, ne sont pas soutenus.
L'amendement n° 468, présenté par Mme Assassi, MM. Bosino, Abate et les membres du groupe communiste républicain et citoyen, est ainsi libellé :
Après l’article 23 ter
Insérer un article additionnel ainsi rédigé :
À la première phrase du premier alinéa de l’article L. 631-7 du code de la construction et de l’habitation, les mots : « de plus de 200 000 habitants et à celles des départements des Hauts-de-Seine, de la Seine-Saint-Denis et du Val-de-Marne » sont remplacés par les mots : « de plus de 100 000 habitants et à celles de l’unité urbaine de Paris ».
La parole est à Mme Brigitte Gonthier-Maurin.
Mme Brigitte Gonthier-Maurin. L’objet de cet amendement est simple : il vise à élargir le périmètre d’application des dispositions de l’article L. 631-7 du code de l’urbanisme, qui traite du régime d’autorisation et de régulation des activités de location de locaux meublés destinés à l’habitation, de manière répétée, pour de courtes durées, à une clientèle de passage qui n’y élit pas domicile, ainsi que l’article le définit de façon précise.
Pour être clair, il s’agit essentiellement des locations réalisées sur des plateformes du même type que celle dont on parle depuis ce matin, et que je ne nommerai pas, pour suivre les recommandations de M. le rapporteur ! (Sourires.)
Aujourd’hui, seules les villes de plus de 200 000 habitants et les villes de la petite couronne parisienne sont soumises à cette législation. Or, nous le savons, nombre de villes de plus de 100 000 habitants sont aussi concernées par le développement de ce type d’offre, notamment en zone touristique. Ainsi, Nîmes, Tours, Clermont-Ferrand, Aix-en-Provence, Rouen, pour n’en citer que quelques-unes, pourraient demain faire le choix de réguler cette offre si l’amendement était adopté.
Par ailleurs, le périmètre de cette mesure est actuellement limité à la petite couronne parisienne. Or, dans de nombreux textes, et notamment quand il est question du logement, nous raisonnons désormais selon le critère de l’unité urbaine de Paris. Par cohérence, nous proposons donc d’appliquer ces dispositions à l’échelon de l’unité urbaine de Paris.
Vous l’aurez compris, mes chers collègues, nous voulons donner la possibilité à un plus grand nombre de villes d’agir efficacement contre le développement à outrance de l’offre de certaines plateformes, qui contribuent à sortir nombre de logements du parc locatif, alors même que le marché est en crise, faute de logements disponibles pour les habitants.
M. le président. Quel est l’avis de la commission ?
M. Christophe-André Frassa, rapporteur. Tout d’abord, je rappellerai que les dispositions de l’amendement n° 401 rectifié, que nous venons d’adopter, s’appliqueront dans les villes de plus de 200 000 habitants. Ce seuil a été adopté par consensus, puisque le Sénat s’est mis d’accord pour voter l’amendement. En abaissant à 100 000 habitants le seuil de population des communes pouvant mettre en place une obligation de déclaration des locations de meublés de tourisme, nous ne parviendrions pas à un tel accord.
Ensuite, j’observe que l’abaissement proposé ne présente pas un lien très direct avec l’objet du présent texte.
Enfin, je considère que nous avons trouvé un équilibre satisfaisant à ce stade avec ce seuil de 200 000 habitants, car celui-ci ne remet pas trop en cause la politique de location des meublés de tourisme. En revanche, en l’abaissant à 100 000 habitants, je crois que l’on toucherait de manière plus profonde à cette politique.
Pour toutes ces raisons, je vous serai reconnaissant, ma chère collègue, de bien vouloir retirer votre amendement ; à défaut, je me verrais contraint d’émettre un avis défavorable.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
Mme Axelle Lemaire, secrétaire d'État. Le Gouvernement est également défavorable à cet amendement, non pas parce nous ne parviendrions pas à un accord, mais bien parce qu’il ne me paraît pas opportun et potentiellement fragile sur le plan juridique.
Aujourd’hui, la loi impose aux propriétaires de résidence secondaire dans les villes de plus de 200 000 habitants de demander une autorisation administrative en cas de changement d’usage, c’est-à-dire lorsque le local d’habitation devient un local à usage commercial. Cela se justifie par le souci d’un intérêt public supérieur, qui est celui de la préservation de l’habitat résidentiel. On voit bien que cet intérêt public supérieur doit être mis en balance avec le droit de propriété.
Si, comme vous le proposez, madame la sénatrice, on choisissait de franchir une ligne supplémentaire en abaissant le seuil de population à 100 000 habitants, cela aurait des incidences économiques.
Par ailleurs, la loi ALUR, qui a introduit l’obligation de la demande d’autorisation administrative, n’a que deux ans d’existence. Il n’est donc pas possible de mesurer l’impact dans la durée des nouvelles règles de changement d’usage mises en place pour des villes de taille moyenne.
La prudence me semble devoir s’imposer sur le sujet. Commençons par les plus grandes métropoles qui le souhaitent avant d’aller plus loin !
M. le président. La parole est à Mme Brigitte Gonthier-Maurin, pour explication de vote.
Mme Brigitte Gonthier-Maurin. J’aurai au moins contribué à ouvrir le débat !
Je pense malgré tout que la question se pose dans ma région et, dans la mesure où il y a assez peu de risques que mon amendement soit adopté, chers collègues (Sourires.), je vais le maintenir !
M. le président. L'amendement n° 402 rectifié, présenté par MM. Chiron et Lalande, et l'amendement n° 30 rectifié quater, présenté par M. Commeinhes, Mmes Hummel et Deromedi, M. Lefèvre, Mme Lopez et MM. Trillard, Gremillet, Houel, Chasseing, Savary, Vasselle et Husson, ne sont pas soutenus.
Mes chers collègues, je vous rappelle que les amendements nos 602 et 603 rectifié tendant à insérer des articles additionnels après l'article 23 ter sont réservés jusqu'à la fin de l'examen du texte.
Article 23 quater (nouveau)
Après le chapitre Ier du titre Ier de la troisième partie du livre Ier du code général des impôts, il est inséré un chapitre 0I bis ainsi rédigé :
« Chapitre 0I bis
« Déclaration automatique sécurisée des revenus par les plateformes en ligne
« Art. 1649 quater AA. – I. – Les opérateurs de plateformes en ligne au sens de l’article L. 111-7 du code de la consommation adressent à l’administration fiscale une déclaration mentionnant, pour chacun de leurs utilisateurs présumés redevables de l’impôt en France, les informations suivantes :
« 1° Pour une personne physique, le nom, le prénom et la date de naissance de l’utilisateur ;
« 2° Pour une personne morale, la dénomination, l’adresse et le numéro Siren de l’utilisateur ;
« 3° L’adresse électronique de l’utilisateur ;
« 4° Le statut de particulier ou de professionnel caractérisant l’utilisateur sur la plateforme ;
« 5° Le montant total des revenus bruts perçus par l’utilisateur au cours de l’année civile au titre de ses activités sur la plateforme en ligne, ou versés par l’intermédiaire de celle-ci ;
« 6° La catégorie à laquelle se rattachent les revenus bruts perçus ;
« 7° Toute autre information définie par décret, à titre facultatif ou obligatoire.
« Cette déclaration est adressée annuellement par voie électronique, selon des modalités fixées par décret.
« Une copie de cette déclaration est adressée par voie électronique à l’utilisateur, pour les seules informations le concernant.
« II. – Les modalités d’application du présent article sont précisées par décret. »
M. le président. La parole est à Mme Brigitte Gonthier-Maurin, sur l'article.
Mme Brigitte Gonthier-Maurin. Nous abordons maintenant un article introduit dans le texte à la suite de l’adoption en commission d’un amendement de notre collègue Philippe Dallier.
Une fois n’est pas coutume (Sourires.), nous souscrivons parfaitement à l’esprit de cet article. En effet, nous considérons que les revenus tirés de l’activité de location par l’intermédiaire des plateformes doivent être, comme tout autre revenu, soumis à l’impôt.
Nous préférons le dispositif de l’article 23 quater à celui qui sera proposé tout à l’heure par le groupe socialiste et républicain, car son amendement opère une distinction selon le niveau de revenu tiré de cette activité.
Pour notre part, nous estimons que la règle fiscale ne doit pas faire l’objet d’une application à géométrie variable et que l’impôt devrait être, lui, plus progressif.
Nous considérons ainsi, tout comme M. le rapporteur, qu’il est de la responsabilité des plateformes, support de ces activités lucratives, de fournir toutes les données utiles à l’administration fiscale.
Nous voterons en faveur de cet article, car il contribue à lutter efficacement contre la fraude fiscale, tout en regrettant qu’une certaine société, dont je tairai le nom une fois de plus, continue d’avoir recours à des techniques d’optimisation fiscale grâce à son implantation en Irlande où l’impôt sur les sociétés est bien moindre qu’en France. Quelle ironie !
La tâche qui incombe au législateur dans sa lutte contre l’évasion fiscale est immense et dépasse largement la question des revenus tirés de la location de courte durée.
De son côté, le Gouvernement demande la suppression de l’article, au motif qu’il faudrait laisser du temps au temps. Pourtant, l’article 87 de la loi de finances pour 2016 prévoit d’ores et déjà d’imposer aux plateformes de fournir une information à leurs utilisateurs sur leurs obligations en matière fiscale et sociale, et ce à compter du 1er juillet 2016.
À partir du mois de janvier 2017, elles devront également fournir aux utilisateurs un récapitulatif du montant brut des transactions dont elles ont connaissance au titre de l’année précédente. Si les utilisateurs peuvent avoir connaissance du montant brut de ces transactions, nous estimons que l’administration fiscale doit, au même titre qu’eux, pouvoir disposer de ces informations !
M. le président. Je suis saisi de trois amendements identiques.
L'amendement n° 127 rectifié est présenté par MM. Cigolotti, Guerriau, Bonnecarrère, Luche et Roche, Mme Joissains, MM. Médevielle et Canevet, Mme Loisier et MM. Longeot, Gabouty et Pellevat.
L'amendement n° 133 est présenté par M. Navarro.
L'amendement n° 586 est présenté par le Gouvernement.
Ces trois amendements sont ainsi libellés :
Supprimer cet article.
Les amendements nos 127 rectifié et 133 ne sont pas soutenus.
La parole est à Mme la secrétaire d'État, pour présenter l’amendement n° 586.
Mme Axelle Lemaire, secrétaire d'État. Cet amendement vise à supprimer l’article 23 quater, qui a été introduit au Sénat lors des débats en commission des finances.
L’objectif est louable : les revenus professionnels tirés de la location de meublés touristiques…
M. Philippe Dallier, rapporteur pour avis de la commission des finances. Pas seulement professionnels !
Mme Axelle Lemaire, secrétaire d'État. En réalité, monsieur le rapporteur pour avis, le problème réside précisément dans le fait que cela concerne non plus seulement les meublés touristiques mais toutes les plateformes !
Je disais donc qu’il est normal que les revenus tirés de la location de meublés touristiques, s’il s’agit de revenus professionnels, soient fiscalisés en cette qualité.
L’article prévoit d’obliger les plateformes à transmettre automatiquement les informations destinées à l’administration fiscale.
À la fin de l’année dernière, lors des débats sur la loi de finances, une disposition a été introduite consistant à demander aux plateformes qu’elles notifient une fois par an à leurs utilisateurs – des particuliers, des consommateurs – le montant total des revenus tirés de leurs pratiques d’économie collaborative.
Il y a là une volonté de transparence dans l’information donnée aux utilisateurs, également positive pour les plateformes, le tout contribuant à la simplicité des dispositifs. En fin d’année, tout un chacun sait combien il doit déclarer à l’administration fiscale au titre de son imposition, en fonction des données transmises par les plateformes.
Cette mesure, tout juste adoptée, n’a pas encore été concrètement mise en œuvre. C’est à compter du 1er juillet 2016 que les plateformes devront fournir aux utilisateurs l’information quant à leurs obligations fiscales et sociales.
Se pose également un problème de respect de la vie privée.
À l’heure actuelle, deux catégories de structures ont une obligation de transmission des revenus à l’administration fiscale : les banques, pour des raisons que l’on comprend très bien, et les employeurs. Or on envisage d’étendre une telle obligation, dont la portée n’est tout de même pas anodine, à des plateformes intervenant dans tous les secteurs, et ce dans tous les cas de figure. Et on ne parle pas de la même chose s’il s’agit d’une location de voiture ou d’une location d’appartement. Les conséquences fiscales ne sont pas les mêmes, ni les volumes.
Une obligation tellement générale, non seulement serait inapplicable, car elle exigerait de mettre en place une véritable usine à gaz informatique, mais, très certainement, ne correspondrait pas aux règles édictées par l’administration fiscale pour coller au plus près de chacune des situations.
Du fait de ce caractère extrêmement général, la mesure risquerait de terriblement complexifier la situation et peut-être, à terme, de mettre un véritable coup de frein à l’économie collaborative. Ce n’est pas le souhait du Gouvernement.
M. le président. Quel est l’avis de la commission des finances ?
M. Philippe Dallier, rapporteur pour avis de la commission des finances. Nous voici un peu à la croisée des chemins, mes chers collègues.
Je rappellerai en préambule que le Sénat, pratiquement à l’unanimité, a adopté le même dispositif lors de la discussion du dernier projet de loi de finances, à l’automne. J’espère bien que nous ferons de même ce matin !
Lors de la discussion générale, j’ai indiqué que la révolution numérique devait appeler une révolution fiscale. Cela ne signifie pas qu’il faut créer des impôts nouveaux ; il faut se donner les moyens de vérifier que la révolution numérique ne consistera pas, pour l’État, à voir s’évaporer les bases d’imposition.
Je ne m’attarderai pas sur la question de l’impôt sur les sociétés – Mme Marie-Noëlle Lienemann, me semble-t-il, a déposé un amendement qui nous permettra de reparler du projet de lutte contre l’érosion de la base d’imposition et le transfert de bénéfices, dit « BEPS » –, mais il y a là un vrai sujet.
L’évaporation des bases de TVA, du fait du commerce en ligne en est un autre, dont Bruxelles est en train de se préoccuper.
Le développement de l’économie collaborative, permettant à des particuliers de tirer des revenus, certes plus ou moins élevés, constitue aussi un sujet, madame la secrétaire d’État.
On ne peut pas, d’un côté, souhaiter que cette économie prenne son essor et, de l’autre, refuser de donner à l’administration les moyens de vérifier que les règles du jeu sont respectées. Édicter des règles, c’est bien, mais quelle est l’utilité réelle si l’on est dans l’incapacité de vérifier qu’elles sont appliquées ?
Il n’est donc pas du tout anormal, à mon sens, de demander aux plateformes concernées de communiquer ces informations.
Vous évoquez une complexité technique… Le chef de projet en informatique que je fus voilà quelques années doit pouvoir vous rassurer, avec certitude, sur ce point : la mise en œuvre d’une telle mesure n’est pas très complexe, elle est tout à fait envisageable et ne constituera pas, je pense, un gros sujet pour ces plateformes.
Encore une fois, il ne s’agit pas d’aller taxer et surtaxer celui qui loue sa voiture ou qui la partage une fois par an. D’ailleurs, vous semblez dire que la situation des loueurs de voitures diffère de celle des loueurs d’appartements. Détrompez-vous, madame la secrétaire d’État, le phénomène est le même !
Nous nous retrouvons désormais avec des personnes mettant en location quatre, cinq, six, dix voitures. Lors d’un groupe de travail de la commission des finances, nous avons reçu les principales entreprises du secteur de la location de véhicules, qui nous ont expliqué que le plus gros loueur de voitures, aujourd'hui, ce sont les plateformes, et non Hertz ou Avis. Certains utilisateurs de ces plateformes sont effectivement des professionnels déguisés en particuliers. Comment comptez-vous lutter contre cela ?
Si vous ne vous donnez pas les moyens, et si vous ne mettez pas votre administration en position de pouvoir contrôler, nous sommes condamnées à voir s’évaporer nos bases d’imposition. Or je ne pense pas que cette belle République ait les moyens de voir fondre l’impôt qu’elle collecte.
Donc, j’y insiste, il s’agit, non pas de créer des impôts nouveaux, mais simplement de doter l’administration d’outils lui permettant de vérifier que les impôts dus sont bien versés par les redevables.
L’avis de la commission est donc forcément défavorable.
M. le président. La parole est à Mme la secrétaire d'État.
Mme Axelle Lemaire, secrétaire d'État. J’attire votre attention, mesdames, messieurs les sénateurs, sur le fait qu’en adoptant un tel amendement, vous cibleriez les seules pratiques en ligne, c’est-à-dire les transactions opérées à partir d’une mise en contact par des outils numériques, et non la location d’un appartement qui serait conclue par le biais d’une petite annonce déposée dans un bureau de poste ou une boulangerie, voire par l’intermédiaire d’une agence immobilière.
Voilà déjà une première faiblesse, juridique, du dispositif proposé, du fait de l’introduction de cette inégalité de traitement.
Par ailleurs, on peut évoquer les bases fiscales d’imposition, mais, même si cela constitue bien un sujet, la préoccupation principale en la matière, au regard du volume perdu, doit être l’impôt sur les sociétés.
M. Philippe Dallier, rapporteur pour avis. Et la TVA !
Mme Axelle Lemaire, secrétaire d'État. Encore ce matin, un rapport très intéressant de l’association Oxfam America révélait les montants qui font l’objet de pratiques d’optimisation fiscale par les grandes multinationales américaines : ce sont des dizaines de milliards d’euros qui, chaque année, partent dans des paradis fiscaux. Alors, oui, parlons-en, des pertes fiscales, mais sans oublier que le présent amendement vise les particuliers, comme vous et moi, qui utilisent ces plateformes pour compléter leurs revenus, alors même que les multinationales dont je parlais échappent totalement à l’impôt. Il faut choisir qui l’on souhaite cibler !
Je ne nie pas qu’il existe un véritable problème de détournement de la loi par certains qui, au travers de pratiques aujourd'hui minoritaires, deviennent des professionnels, sans pour autant déclarer leurs revenus à hauteur des volumes engendrés par ces pratiques. Ce sont ces personnes-là qui doivent être ciblées.
Au Royaume-Uni, un seuil a récemment été introduit dans le cadre des discussions budgétaires. Il s’élève, je crois, à 7 000 livres, ce qui traduit bien une volonté de ne pas cibler tout le monde. Le principe d’une transmission automatique à l’administration des revenus engendrés par le recours à des plateformes me paraît beaucoup trop global et systématique.
Si j’ai établi une distinction entre location de voitures et location d’appartements, ce n’était pas pour relever une différence dans le phénomène de contournement de la loi. Simplement, les volumes de recettes fiscales afférents ne sont pas identiques – j’aurais aussi pu prendre l’exemple d’un instrument de musique. On le voit bien, en louant dix voitures pendant trois mois, on ne tirera pas les mêmes revenus qu’en louant un appartement deux fois par an pendant trois jours.
Je ne prétends pas que nous pouvons nous abstenir de lutter contre ce phénomène de contournement, mais j’estime qu’il faut le faire correctement !
Nous devons nous doter de règles fiscales adaptées au cas par cas, secteur par secteur. L’administration fiscale s’y emploie, afin de pouvoir, d’ici à la fin de l’année – en tant que membre de la commission des finances, monsieur le rapporteur pour avis, vous aurez très certainement l’occasion de discuter à nouveau du sujet au moment de l’examen du projet de loi de finances pour 2017 – édicter, au cas par cas, des règles fiscales opérationnelles.
En tout cas, le dispositif ici proposé est dangereux pour la vie privée et trop complexe. Il ne pourra pas être mis en œuvre.
M. le président. La parole est à M. François Marc, pour explication de vote.
M. François Marc. La commission des finances, à laquelle j’appartiens, s’est prononcée à l’unanimité en faveur de la mise en œuvre de cette mesure. Je suivrai donc son rapporteur pour avis, qui, par voie d’amendement, a introduit le dispositif au cours de nos travaux en commission, et, en conséquence, voterai contre l’amendement du Gouvernement visant à le supprimer.
J’ai le sentiment que, face à ces problèmes de fuite de recettes fiscales à tous les niveaux, nous avons l’obligation de rechercher une transparence maximale. Lorsque je lis dans l’objet de l’amendement gouvernemental qu’une telle mesure pourrait engendrer des difficultés en termes de vérification d’identité ou de protection de la vie privée, je décèle une sorte de contradiction avec ce souci de recherche d’une totale transparence sur tous les revenus censés engendrer une recette fiscale.
J’ai donc, madame la secrétaire d’État, quelque peine à vous suivre sur ce terrain.
Comme le rapporteur pour avis l’a souligné, nous sommes confrontés, avec l’économie collaborative, à un développement accéléré d’une nouvelle forme d’économie.
L’argument selon lequel les transactions par petites annonces ne seraient pas touchées, ce qui risquerait d’introduire une rupture d’égalité me laisse quelque peu perplexe. On peut voir là une petite insuffisance à signaler. Pour autant, la montée en puissance des pratiques en ligne doit sans doute pousser le législateur à essayer d’emblée d’instituer des dispositifs nous plaçant dans la bonne trajectoire, celle d’une transparence totale.
C’est sur ce fondement que les membres de la commission des finances, à l’unanimité, ont accepté de suivre le rapporteur pour avis s’agissant de ce dispositif, et c’est pourquoi, mes chers collègues, je voterai contre l’amendement de suppression du Gouvernement.
M. le président. La parole est à M. Bruno Sido, pour explication de vote.
M. Bruno Sido. Je ne sais pas encore si je voterai ou non cet amendement, madame la secrétaire d’État. Tout dépend de la réponse qui va m’être donnée…
N’étant pas juriste, je n’ai aucune prétention en la matière, mais j’essaie simplement de comprendre le français et je constate que le mot « utilisateur » est employé à cinq reprises dans cet article 23 quater. Ce terme ne me semble pas assez précis. Peut-être est-ce une notion juridique. Mais j’observe qu’il peut y avoir deux utilisateurs : celui qui met un bien en location, et celui qui le loue.
Si le terme a une valeur juridique, je ne voterai pas votre amendement, madame la secrétaire d’État. Mais, s’il n’en a pas, je souhaiterais que M. le rapporteur pour avis modifie la rédaction envisagée et précise le sens du terme « utilisateur ».
M. le président. La parole est à Mme Corinne Bouchoux, pour explication de vote.
Mme Corinne Bouchoux. J’étais sensible aux arguments de Mme la secrétaire d’État sur ce qu’elle prétend constituer une possible atteinte au respect de la vie privée, même si je ne suis pas certaine, en ma modeste qualité de membre de la Commission d’accès aux documents administratifs, la CADA, de saisir ce à quoi elle fait précisément allusion. Je suis donc également un peu perplexe sur ce point.
J’entends bien qu’il ne faut pas instaurer un dispositif trop complexe, dans la mesure où une réflexion par secteur se met en place.
Je prends également bonne note de la façon dont la décision a été prise en commission des finances, et j’ai toute confiance en mon collègue André Gattolin sur ces questions.
Surtout, j’ai un embarras de fond. Pour notre part, nous sommes d’ardents militants de la transparence pour tout ce qui concerne les paradis fiscaux. Je ne vois donc pas, en tenant bien compte des propos de Mme la secrétaire d’État, et malgré toute l’amitié que je lui porte, comment je pourrais m’opposer à l’amendement de la commission des finances. Même s’il présente des risques que je ne mésestime pas, cet amendement est plutôt vertueux dans le sens où il est cohérent avec la demande, que nous formulons systématiquement et à chaque occasion dans cette enceinte, d’une plus grande transparence.
On ne peut pas avoir une transparence à deux vitesses. Si la transparence est une vertu, elle doit pouvoir s’appliquer à tous !
Par conséquent, sous réserve des précisions de Mme la secrétaire d’État en réponse à notre collègue Bruno Sido – sa remarque me semble pertinente : parle-t-on de l’usager non-propriétaire, de l’usager propriétaire ou d’un autre usager ? –, je serai plutôt tentée de suivre la position de la commission des finances.
L’adoption de cet amendement permettra peut-être d’engager d’autres débats. Si vous estimez, madame la secrétaire d’État, que le dispositif envisagé est très problématique, il sera toujours temps de consolider la décision prise en commission des finances – et je me fie à mes collègues sur ce point. Mais c’est être prudent, tout de même, d’indiquer un cap.
M. le président. La parole est à Mme la secrétaire d'État.
Mme Axelle Lemaire, secrétaire d'État. L’argument de la vie privée me semble tout de même important, madame Bouchoux. Mais je vais y revenir.
Il est suggéré, ici, que toutes les ressources soient communiquées à l’administration fiscale, non pas uniquement les revenus.
Si je décide de mettre à la vente un objet – prenons l’exemple d’une poussette, revendue à 15 euros - et si je le revends moins cher que je ne l’ai acheté, en l’absence de gain par rapport au prix d’achat, je n’ai perçu aucune recette exigeant une déclaration à l’administration fiscale. Mais la différence ne sera absolument pas perçue puisque toutes les ressources tirées de l’utilisation de plateformes, indépendamment de l’objet des transactions, de leur volume et des gains réels qui en ont été tirés, donc sans distinction entre celles qui doivent être fiscalisées et celles qui n’ont pas à l’être, feront l’objet d’une déclaration.
Pour ce qui est du risque d’atteinte à la vie privée, un débat est ouvert aujourd’hui notamment par certaines organisations syndicales, sur le fait que la mise en œuvre de l’imposition à la source portera atteinte au respect des données personnelles des employés, alors même que les employeurs ont déjà une obligation de transmission d’informations à l’administration fiscale.
Si nous avons ce débat sur le type d’informations à transmettre pour calculer l’impôt sur le revenu – un cadre tout de même très régulé et éprouvé –, imaginez, mesdames, messieurs les sénateurs, quelle forme il prendrait s’agissant d’un dispositif concernant toutes les formes de transactions effectuées sur toutes les plateformes, indépendamment de la perception éventuelle d’une commission, du caractère fiscalisé ou pas des revenus, quel que soit le secteur d’activité, etc. Cela me paraît irréalisable, ou dangereux.
Pour répondre à votre interrogation, monsieur Sido, je n’ai pas encore vérifié s’il existait une définition juridique du terme « utilisateur ». J’espère être en mesure de vous répondre très rapidement. Mais j’espère aussi, compte tenu de l’importance de ce débat, au fond, que ce seul point n’emportera pas votre décision finale quant au vote de l’amendement.
Vous avez raison de poser la question : y a-t-il une différence entre un utilisateur, un consommateur, un usager de plateforme ? Tout dépend vraiment de la conception que l’on a de l’économie numérique.
Certains sont des consommateurs, mais pas tous ; il y a des vendeurs, des contrats de commerce, des contrats de consommation ; deux particuliers peuvent être impliqués… C’est donc volontairement que nous n’avons pas utilisé le terme « consommateur », car il emporte des conséquences juridiques différentes.
Nous n’avons pas non plus utilisé le terme « usager ». Celui-ci, tout comme le terme « administré », me satisfait lorsqu’il est employé dans le contexte des services publics. Parler d’« usagers » des plateformes me paraît erroné, la problématique étant différente.
En revanche, le terme « utilisateur » convient bien à l’économie collaborative, d’autant plus qu’il est attaché à la notion de collecte de données. Il est effectivement employé dans le domaine de l’économie de la donnée, lorsque l’on juge important que les utilisateurs aient la libre disposition de leurs données personnelles et de leurs données d’usage.
Ce qui compte en matière d’économie numérique, ce sont effectivement les usages. Cette notion d’utilisateur me paraît donc adéquate ici.
M. le président. La parole est à M. Philippe Dallier, rapporteur pour avis.
M. Philippe Dallier, rapporteur pour avis. J’indiquerai tout d’abord, pour rassurer notre collègue Bruno Sido, que nous allons examiner un amendement de Christophe-André Frassa tendant à préciser la mesure : est bien concerné, et vous avez raison de le souligner, monsieur Sido, l’utilisateur percevant des revenus.
Madame la secrétaire d’État, pardonnez-moi, mais vos arguments sur le respect de la vie privée me laissent assez pantois.
Il s’agit ici de demander aux plateformes de transmettre des données à l’administration fiscale. Le tout est donc couvert par le secret fiscal. Un particulier contrôlé par l’administration fiscale est bien tenu d’expliquer la provenance de tous les revenus qu’il a perçus. S’il a revendu d’occasion une poussette, une voiture ou je ne sais quel bien, il faudra qu’il le précise.
En ce sens, je ne vois pas où se situe l’atteinte au respect de la vie privée. C’est couvert par le secret fiscal, et votre argument ne tient absolument pas !
Par ailleurs, la problématique n’est pas la même dans le cas du prélèvement à la source de l’impôt sur le revenu. L’inquiétude qui a été exprimée concerne l’obligation de transmettre aux employeurs des éléments de la vie privée justifiant le taux d’imposition à appliquer. Ici, nous sommes dans le sens totalement inverse : il s’agit de doter l’administration fiscale de moyens de contrôle efficaces, adaptés à cette économie numérique nouvelle. C’est tout !
Je le répète, aucun impôt nouveau n’est créé ; nous mettons simplement un moyen de contrôle à disposition de l’administration fiscale.
Nous reviendrons sur le seuil de 5 000 euros – vous avez évoqué celui de 7 000 livres en Grande-Bretagne –, mais, faute de temps, je ne vais pas développer le sujet. En tout cas, madame la ministre, vos arguments concernant le respect de la vie privée ne tiennent pas.
La commission des finances persiste et signe : elle tient à ce que cet amendement de suppression soit repoussé !
M. le président. La parole est à Mme la secrétaire d'État. (Exclamations sur un grand nombre de travées.)
Mme Axelle Lemaire, secrétaire d'État. Ce sera ma dernière prise de parole, mesdames, messieurs les sénateurs. Mais ce débat est important et j’ai l’espoir de vous convaincre.
Le fait que ce soit du numérique n’implique pas qu’il faille tout déclarer !
M. Philippe Dallier, rapporteur pour avis. C’est du contrôle !
Mme Axelle Lemaire, secrétaire d'État. Ce n’est pas parce qu’une personne vend une poussette d’occasion sur internet qu’il faut automatiquement, et en amont, déclarer la transaction à l’administration fiscale.
Vous évoquez le contrôle par l’administration, monsieur le rapporteur pour avis, et vous avez raison. Lorsque l’administration fiscale prend l’initiative, dans le cadre de son pouvoir de contrôle et de sanction, de se renseigner sur la source de certains revenus déclarés ou non déclarés, à ce moment, elle est tout à fait en droit d’exiger des vérifications. Mais vous demandez une transmission automatique, en amont, d’informations qui n’auraient pas eu à être déclarées si les ressources avaient été obtenues autrement que par l’intermédiaire du numérique.
Le numérique ne doit pas être un prétexte à tout ! Il ne doit pas justifier l’invasion de la vie privée !
M. le président. L'amendement n° 638, présenté par M. Frassa, au nom de la commission des lois, est ainsi libellé :
Alinéa 4
1° Après le mot :
sens
insérer la référence :
du 2°
2° Après le mot :
France
insérer les mots :
au titre des revenus qu’ils perçoivent par l’intermédiaire de la plateforme
La parole est à M. le rapporteur.
M. Christophe-André Frassa, rapporteur. Au travers de cet amendement, la commission des lois reprend une proposition de précision du texte de la commission des finances portant sur la déclaration automatique sécurisée des revenus des utilisateurs des plateformes en ligne. Il est, me semble-t-il, de nature à rassurer notre collègue Bruno Sido. Ainsi, il est précisé que les plateformes devront effectuer cette déclaration pour les seuls utilisateurs ayant perçu des revenus.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. le président. L'amendement n° 49 rectifié bis, présenté par MM. Grand et Milon, Mmes Giudicelli et M. Mercier, MM. Vasselle, Gilles, Pellevat, Lefèvre et Bizet, Mme Procaccia, MM. Chasseing, Charon et Laménie et Mme Deroche, n'est pas soutenu.
Je mets aux voix l'article 23 quater, modifié.
(L'article 23 quater est adopté.)
Articles additionnels après l'article 23 quater
M. le président. Je suis saisi de deux amendements faisant l'objet d'une discussion commune.
L'amendement n° 129, présenté par M. Navarro, n'est pas soutenu.
L'amendement n° 404, présenté par MM. Lalande, Chiron, Carcenac, F. Marc et Guillaume, Mme M. André, MM. Berson, Botrel, Boulard, Eblé, Patient, Patriat, Raoul, Raynal, Vincent, Yung, Sueur, Leconte, Rome et Camani, Mme D. Gillot, M. Assouline et les membres du groupe socialiste et républicain et apparentés, est ainsi libellé :
Après l’article 23 quater
Insérer un article additionnel ainsi rédigé :
I. – Le A du 4 du II de la première sous-section de la section II du chapitre premier du titre premier de la première partie du livre premier du code général des impôts est complété par un d ainsi rédigé :
« d. Régime applicable aux revenus perçus par l’intermédiaire de plateformes en ligne
« Art. … – I. – Sont soumis au régime défini au présent article les redevables de l’impôt sur le revenu qui exercent, par l’intermédiaire d’une ou de plusieurs plateformes en ligne, une activité relevant de la catégorie des bénéfices industriels et commerciaux.
« II. – 1. Pour les redevables soumis à l’article 50-0, les abattements mentionnés au troisième alinéa du 1 de cet article et appliqués au chiffre d’affaires hors taxes provenant des activités mentionnées au I du présent article ne peuvent pas être inférieurs à 5 000 euros.
« 2. Pour les redevables soumis aux articles 53 A et 302 septies A bis, le chiffre d’affaires hors taxes provenant des activités mentionnées au I pris en compte pour la détermination du résultat imposable est diminué d’un abattement forfaitaire de 5 000 euros, et seule la fraction des charges supérieure à 5 000 euros peut être déduite.
« III. – Le présent article est applicable aux seuls revenus qui font l’objet d’une déclaration automatique sécurisée par les plateformes en ligne.
« IV. – Les modalités d’application du présent article sont précisées par décret. »
II. – La perte de recettes résultant pour l’État du I est compensée, à due concurrence, par la création d’une taxe additionnelle aux droits prévus aux articles 575 et 575 A du code général des impôts.
La parole est à M. François Marc.
M. François Marc. Cet amendement est défendu.
M. le président. Quel est l’avis de la commission des finances ?
M. Philippe Dallier, rapporteur pour avis. Nos collègues socialistes ont souhaité, par cet amendement, reposer le principe d’une franchise de 5 000 euros, toute plateforme et tout type de revenus confondus, seuil en dessous duquel les revenus tirés des plateformes ne seraient pas imposés.
Je dois vous dire, mes chers collègues, que j’ai moi-même hésité à déposer une nouvelle fois cet amendement, sachant que la commission des finances avait proposé et défendu la disposition, à l’automne dernier, dans le cadre de l’examen du projet de loi de finances. Le Gouvernement avait alors émis un avis défavorable sur notre amendement, que le Sénat avait néanmoins adopté, mais cette disposition n’avait in fine pas été retenue.
J’ai préféré ne pas revenir sur le sujet, mais je maintiens que l’instauration d’un seuil peut être une bonne manière d’inciter à la fois les plateformes et leurs utilisateurs à être vertueux.
Cela étant, j’attends de connaître la position du Gouvernement. Je crains qu’elle n’ait pas changé depuis l’automne dernier, mais, si elle avait évolué, madame la secrétaire d’État, je me rangerais bien évidemment à votre avis.
Je suis pour ma part favorable à cette disposition, qui est incitative.
Les arguments qui nous ont été opposés à l’automne par le ministre du budget, Christian Eckert, n’étaient pas bons. Celui-ci avait évoqué un problème de constitutionnalité, du fait de différences de traitement pour des revenus similaires. Ce motif ne tenait pas, d’après moi.
Si Mme le secrétaire d’État venait donc à donner un avis favorable, le rapporteur pour avis de la commission des finances ferait de même…
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
Mme Axelle Lemaire, secrétaire d'État. Au risque de vous décevoir, monsieur le rapporteur pour avis, le Gouvernement maintient son avis défavorable. Mais peut-être les raisons ont-elles évolué… (Exclamations.)
À mes yeux, le principe ici retenu est plutôt bon. Il est en phase avec les explications que je viens de donner, notamment lorsque j’ai évoqué le seuil introduit par les Britanniques.
Cet amendement tend à créer un abattement forfaitaire minimal de 5 000 euros.
Les travaux menés par la commission des finances du Sénat sur l’économie collaborative ont réellement contribué à alimenter la réflexion des services de Bercy sur ce sujet. C’est notamment du fait des initiatives que vous avez prises, mesdames, messieurs les sénateurs, que la démarche d’identification sectorielle en vue d’établir un partage de la valeur des recettes fiscales secteur par secteur, sujet par sujet, a été entamée.
Cette démarche est en cours, les premières conclusions doivent être rendues cet été et c’est au moment du débat budgétaire que, d’après moi, vous serez en mesure d’obtenir des informations éclairées de la part du ministère.
C’est la raison pour laquelle je suis défavorable à cet amendement, même si j’en partage l’esprit.
M. le président. La parole est à M. Bruno Sido, pour explication de vote.
M. Bruno Sido. J’aimerais que M. le rapporteur pour avis me rassure… Bien entendu, j’ai toute confiance en l’administration fiscale, qui connaît bien le sujet. Mais n’aurait-on pas ici la tentation de confondre chiffres d’affaires et revenus ? Un propriétaire qui loue son appartement doit ensuite le nettoyer, l’entretenir, effectuer quelques travaux, et ce indépendamment de la qualité des locataires. Quand un particulier revend sa voiture d’occasion, on ne peut pas dire qu’il touche un revenu. Est-on sûr de ne pas entretenir une confusion ?
M. le président. La parole est à M. Yves Rome, pour explication de vote.
M. Yves Rome. La franchise proposée dans cet amendement, auquel nous adhérons, doit permettre de laisser vivre l’économie du partage – j’ai écouté avec beaucoup d’attention les propos de Mme la secrétaire d’État. En effet, le dispositif permet précisément d’imposer les utilisateurs qui en font une véritable activité commerciale, les faux particuliers. Mais les particuliers ayant recours à ces plateformes pour compléter leurs revenus, afin de partager les frais du logement ou du véhicule, pourront continuer à le faire sans être taxés.
Il s’agit là, d’après nous, d’une manière intelligente de s’adapter à cette nouvelle forme d’économie.
Ajoutons que la franchise de 5 000 euros est réservée aux seuls revenus faisant l’objet d’une déclaration automatique sécurisée par les plateformes. Elle est donc liée, non pas à la nature du revenu, mais aux modalités de sa déclaration, qui garantissent le recouvrement de l’impôt dû, alors que les revenus ne sont, bien souvent, ni déclarés, ni imposés.
Nous sommes donc très favorables à cette mesure, permettant de distinguer ce qui relève de l’économie collaborative et ce qui relève de l’économie au sens général.
M. le président. La parole est à M. Jean-Yves Leconte, pour explication de vote.
M. Jean-Yves Leconte. Il me semble, après la plaidoirie de Mme la secrétaire d’État en faveur de son amendement de suppression, compte tenu de l’ensemble des propos tenus et de ce que nous venons de voter s’agissant des déclarations automatiques des plateformes, qu’il est difficile, ensuite, de ne pas s’interroger sur la mise en place d’un seuil. Où se situe la limite entre l’économie collaborative et l’exercice d’une profession ?
Maintenant que nous avons voté le maintien du dispositif de transmission d’informations par les plateformes proposé par vos soins, monsieur le rapporteur pour avis, nous devons fixer une limite pour borner les pratiques relevant strictement de l’économie collaborative.
Il serait donc souhaitable que cet amendement, que vous avez déjà porté par le passé, puisse prospérer avec votre soutien.
M. le président. La parole est à M. François Marc, pour explication de vote.
M. François Marc. Cet amendement apparaît comme un complément utile par rapport à celui que nous avons adopté tout à l’heure et visant à la transmission automatique.
Madame la secrétaire d’État, à partir du moment où un seuil de 5 000 euros est établi, la question de la poussette n’a plus d’objet. (Sourires.)
M. Philippe Dallier, rapporteur pour avis. Cette question ne se pose plus !
M. François Marc. Oui, mais chacun est bien conscient que, avec un seuil de 5 000 euros, la transmission automatique permet une possibilité de contrôle de l’administration. Pour autant, la situation fiscale des particuliers effectuant par internet de petites transactions inférieures à 5 000 euros ne sera aucunement modifiée.
Cette mesure présenterait l’avantage de limiter la portée, si celle-ci vous paraît inquiétante, de la transmission des données concernant les particuliers et d’assurer la protection de la vie privée.
Mme Éliane Assassi. Voilà !
M. François Marc. Une transaction supérieure à 5 000 euros sur internet peut être considérée comme une activité commerciale, un véritable business, pour utiliser le langage courant.
Mme Éliane Assassi. Tout à fait !
M. François Marc. C’est dans cet esprit que nos collègues, particulièrement M. Lalande, avaient proposé cet amendement, qui nous paraît tout à fait légitime.
M. le président. La parole est à M. Philippe Dallier, rapporteur pour avis.
M. Philippe Dallier, rapporteur pour avis. Monsieur Sido, soyez rassuré : si nous venons d’évoquer cette franchise, nous ne créons aucune nouvelle règle fiscale, aucun nouvel impôt. Les propriétaires qui déduisent des charges des revenus qu’ils tirent de la location d’un bien pourront toujours le faire.
L’amendement précédent donne à l’administration fiscale des moyens pour effectuer plus simplement son travail de contrôle. En l’espèce, la franchise de 5 000 euros est une incitation à la vertu.
Mme Éliane Assassi. Ce n’est pas pareil !
M. Philippe Dallier, rapporteur pour avis. À titre personnel, je suis favorable à cet amendement, suivant en cela la commission des finances, qui l’avait unanimement adopté à l’automne dernier. Mme la secrétaire d’État n’a pas changé d’avis ; je le regrette, mais peut-être ferons-nous évoluer la position du Gouvernement très prochainement. (Sourires sur les travées du groupe Les Républicains.)
M. le président. En conséquence, un article additionnel ainsi rédigé est inséré dans le projet de loi, après l'article 23 quater.
L'amendement n° 203 rectifié bis, présenté par M. Assouline, Mmes Khiari et Lienemann et M. Sueur, est ainsi libellé :
Après l'article 23 quater
Insérer un article additionnel ainsi rédigé :
L'article L. 135 B du livre des procédures fiscales est complété par sept alinéas ainsi rédigés :
« Les opérateurs de plateformes, au sens de l'article L. 111-7 du code de la consommation, qui assurent un service de mise en relation en vue de la location d’hébergements adressent aux communes et aux établissements publics de coopération intercommunale ayant institué la taxe de séjour ou la taxe de séjour forfaitaire, une déclaration mentionnant, pour chacun de leurs utilisateurs, les informations suivantes :
« 1° Pour une personne physique, le nom, le prénom et la date de naissance de l'utilisateur ;
« 2° Pour une personne morale, la dénomination, l'adresse et le numéro Siren de l'utilisateur ;
« 3° L'adresse électronique de l'utilisateur ;
« 4° Le statut de particulier ou de professionnel caractérisant l'utilisateur sur la plateforme ;
« 5° L’adresse du local loué.
« Cette déclaration est adressée annuellement par voie électronique, selon des modalités fixées par décret. »
La parole est à M. David Assouline.
M. David Assouline. Cet amendement est le premier d’une série de mesures qui visent à nous donner les outils pour concrétiser notre volonté.
Cet amendement tend à obliger les plateformes de locations saisonnières à transmettre la liste des biens loués par leur intermédiaire sur le territoire des collectivités ayant instauré la taxe de séjour. En conséquence, les mairies pourront avoir connaissance des biens mis en location dans la ville.
Cette disposition constitue bien entendu le socle sur lequel s’appuient les autres amendements que nous avons déposés. Sans possibilité d’obtenir la liste des biens loués en ligne, rien ne permet de savoir ce qui peut réellement être taxé ou non. Grâce à cette liste, les collectivités pourront désormais prévenir les propriétaires de leurs obligations, puis appliquer la taxe de séjour aux biens. Jusqu’à présent, aucune mairie ne pouvait connaître avec certitude l’état des locations sur son territoire. En outre, en dépit des estimations et des recoupements, il était impossible de réclamer les taxes de séjour, ce qui laissait de nombreux trous dans la raquette…
Cet amendement permet de remédier à l’injustice qui caractérise la situation actuelle. En effet, aujourd’hui, un même bien doit être déclaré s’il est loué par une agence traditionnelle et peut passer au travers de cette déclaration s’il est mis en location en ligne. Je dirai même, puisque Mme la secrétaire d’État y est sensible, qu’il s’agit d’une question de neutralité technologique, débat souvent à l’honneur en ce moment pour encourager le numérique et le défendre.
Depuis 2014, l’État collecte des informations issues des plateformes en ligne, comme le revenu des vendeurs en ligne. Les administrations locales doivent au moins bénéficier des mêmes possibilités pour remédier aux mêmes problèmes.
Cette liste n’a pas vocation à être diffusée. Elle restera couverte par la loi Informatique et libertés de 1978, à l’instar de toutes les informations fiscales que reçoivent les collectivités pour les impôts prélevés sur leur territoire.
Ce dispositif, parmi d’autres, visera à pallier les insuffisances que nous avons perçues notamment à Paris. Il reste encore des outils juridiques à acquérir pour limiter les trous dans la raquette. C’est sur cette base que chaque équipe municipale pourra poser, dans chaque collectivité locale, une appréciation générale des biens réellement loués dans sa ville.
M. le président. Quel est l’avis de la commission des finances ?
M. Philippe Dallier, rapporteur pour avis. Nous avons adopté l’amendement tendant à rendre obligatoire, si les communes le décident, la déclaration en mairie. En outre, nous avons maintenu en l’état le texte de la commission des finances qui rend automatique la transmission des données de la part des plateformes, tous business confondus, y compris les locations d’appartements ou de maisons.
Dans ce cas, cet amendement supplémentaire est-il bien nécessaire, dans la mesure où il oblige les plateformes à transmettre la liste des biens qui sont loués en ligne ? Ne trouvez-vous pas que cela fasse un peu beaucoup ?…
C’est pourquoi nous sommes plutôt enclins à demander le retrait de cet amendement. Mais nous souhaitons entendre les arguments de Mme la secrétaire d’État.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
Mme Axelle Lemaire, secrétaire d'État. Je vais planter le décor, pour expliquer la situation.
Il s’agit de résidences secondaires louées par l’intermédiaire de plateformes et qui font déjà l’objet, depuis la loi du 24 mars 2014 pour l’accès au logement et un urbanisme rénové, ou loi ALUR, de l’obligation d’une déclaration en mairie lorsqu’il s’agit de meublés de tourisme.
Par cet amendement, vous proposez que les plateformes d’intermédiation se trouvent elles-mêmes dans l’obligation de transmettre à la mairie des informations sur chaque logement loué.
Quel est l’objectif politique ici ? Est-il de nature fiscale ? S’agit-il d’instaurer une politique publique en matière de logement afin de réguler l’occupation du parc immobilier ?
L’objectif me semble plutôt d’ordre fiscal, puisque l’enjeu est de savoir qui doit ou non être redevable de la taxe de séjour. En ce domaine, les particuliers qui utilisent une plateforme d’intermédiation pour des usages strictement personnels, et ne perçoivent aucun revenu professionnel, ne doivent pas payer la taxe de séjour. Il en va autrement pour les professionnels de l’immobilier.
Lors des discussions du projet de loi ALUR, la déclaration préalable de la résidence aux fins de location saisonnière a été exclue, dans un objectif de simplification administrative, justement pour favoriser l’essor de nouveaux usages vertueux.
En l’espèce, vous proposez d’alourdir les obligations, en exigeant une fiche détaillée sur chaque logement loué. Or nous ne sommes plus dans le cas où la plateforme transmet des informations aux utilisateurs, aux particuliers, ou à l’administration fiscale. Nous nous trouvons dans le cas de figure où la plateforme doit obligatoirement transmettre des informations aux mairies.
Monsieur le rapporteur pour avis, vous avez souligné que la question du respect de la vie privée ne se pose pas dans la mesure où des transferts d’informations entre les plateformes et l’administration fiscale sont couverts par le secret fiscal. Mais, précisément, lorsque la transmission d’informations a lieu entre une plateforme et une mairie, le secret fiscal ne s’applique pas. Airbnb, ce n’est pas Big Brother !
Cet amendement soulève par ailleurs un problème juridique. Vous le fondez sur l’article L. 135 B du livre des procédures fiscales. Or cet article n’est pas, à mon sens, le fondement juridique adéquat, puisque l’échange visé serait directement réalisé entre les plateformes et les collectivités locales. Or le livre des procédures fiscales régit exclusivement les relations entre l’administration fiscale et ses interlocuteurs directs, c’est-à-dire les contribuables.
Pour l’ensemble de ces raisons, le Gouvernement émet un avis défavorable sur cet amendement.
M. le président. La parole est à M. David Assouline, pour explication de vote.
M. David Assouline. Je ne partage pas les arguments de Mme la secrétaire d’État, qui, pour certains, recouvrent ceux qu’elle a développés lors de l’examen d’amendements précédents.
Je souscris davantage à l’argumentation de M. le rapporteur pour avis, qui me demande de retirer mon amendement, considérant qu’il est partiellement satisfait du fait de l’adoption de l’amendement de la commission.
Je vais répondre favorablement à cette demande, sachant que nous reviendrons sur ce sujet au moment de la discussion du projet de loi de finances. Néanmoins, pour continuer dans la voie que nous avons choisie, il faudra observer la pratique pour prévenir les trous dans la raquette, sans pour autant alourdir les procédures. J’en conviens, il ne faudrait pas que l’économie collaborative, permettant fluidité et souplesse, devienne si lourde en termes de normes et de règles qu’elle s’oppose à notre volonté commune de simplification.
Par conséquent, je retire mon amendement.
M. le président. L’amendement n° 203 rectifié bis est retiré.
L'amendement n° 202 rectifié bis, présenté par M. Assouline, Mmes Khiari et Lienemann et M. Sueur, est ainsi libellé :
Après l'article 23 quater
Insérer un article additionnel ainsi rédigé :
Après l’article L. 631-9 du code de la construction et de l’habitation, il est inséré un article L. 631-… ainsi rédigé :
« Art. L. 631-… – Les opérateurs de plateformes, au sens de l'article L. 111-7 du code de la consommation, qui assurent un service de mise en relation en vue de la location d’hébergements doivent s’assurer que les transactions réalisées via leurs plateformes respectent les dispositions des articles L. 631-7 à L. 631-9 du présent code. Le cas échéant, ces plateformes sont tenues, après informations de l’utilisateur, de bloquer toute transaction ne respectant pas les dispositions susmentionnées et de transmettre chaque année aux communes mentionnées à l’article L. 631-7 du présent code la liste des transactions bloquées avec le nom des propriétaires et les adresses concernées. Les modalités de contrôle et les amendes encourues en cas de non-respect de cette obligation sont précisées par décret. »
La parole est à M. David Assouline.
M. David Assouline. Le présent amendement a pour objet d’obliger les plateformes qui assurent un service de mise en relation en vue de la location d’hébergements de s’assurer du respect des dispositions de la réglementation en matière de déclaration de changement d’usage des locaux destinés à la location saisonnière.
Dans la continuité de l’amendement précédent, nous proposons que les locaux servant à la location soient déclarés comme tels en mairie, ce qui permettra le calcul des taxes de séjour ainsi que celui de la base imposable. Tout cela est nécessaire pour que les impositions soient dûment recouvrées, et les règles inhérentes à la location de courte durée appliquées.
Dans ce cadre, les locations ne pourront dépasser cent vingt jours par an : il s’agit d’éviter que le marché de la location ne soit saturé par les locations de courte durée, au détriment des locations à l’année. Nous avons déjà abordé ce sujet, s’agissant notamment des logements étudiants.
L’objectif principal est de lutter contre la location qui s’apparente à une véritable activité économique, c’est-à-dire la situation dans laquelle le particulier loue sa résidence principale plus de cent vingt jours par an et en fait donc un commerce.
Dans le même esprit, il est bon de rappeler que, dans certaines capitales, les habitants peuvent difficilement accéder à des locations – Lisbonne en est la meilleure illustration en Europe –, car le marché est entièrement dévolu aux locations touristiques. Ce phénomène renchérit les prix et prive de locations les populations les plus fragiles. Nous en avons parlé tout à l’heure.
Cet amendement ne distingue pas entre les résidences principales et les résidences secondaires. Il vise tous les biens.
D’aucuns pourront nous reprocher le champ trop large de cet amendement. Cependant, en ne visant que les résidences principales, on ne résout pas le problème entièrement. Mais un amendement de repli sera donc présenté ultérieurement.
Dans la logique des amendements que je défends au cours de cette séance, deux éléments forts, qui sont les deux piliers d’une régulation, se dégagent de l’expérience que nous avons notamment à Paris : je veux parler, d’une part, du numéro d’enregistrement, que nous avons voté précédemment, et, en l’espèce, du seuil de cent vingt jours à partir duquel l’activité devient commerciale.
M. le président. Quel est l’avis de la commission ?
M. Christophe-André Frassa, rapporteur. Le présent amendement vise à obliger les opérateurs de plateforme de location immobilière à s’assurer du respect de leurs obligations par les loueurs, obligation que les opérateurs de plateforme ne pourront satisfaire : comment s’assurer, au-delà de l’engagement pris par l’intéressé, du respect par un bailleur de l’ensemble des obligations légales ? Se pose aussi la question de la conformité de cet amendement à la directive sur le commerce électronique.
Je vous invite, monsieur Assouline, à retirer votre amendement au profit du suivant, qui me semble beaucoup plus efficient. Je n’en dirai pas plus avant que Mme la secrétaire d’État se soit prononcée.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
Mme Axelle Lemaire, secrétaire d'État. Cet amendement, qui a également trait à la location d’hébergements, vise à obliger les plateformes à s’assurer que les transactions réalisées par des intermédiaires respectent bien les règles de changements d’usage dans les communes où celles-ci existent. Le dévoiement de la loi est, dans certains cas, un problème bien réel que nous avons déjà évoqué.
À ce stade, monsieur le sénateur, le Gouvernement préférerait engager un travail de réflexion, en se donnant le temps de regarder de plus près votre amendement n° 204 rectifié bis.
Je sollicite donc le retrait de l’amendement n° 202 rectifié bis au profit du suivant.
M. le président. Monsieur Assouline, l'amendement n° 202 rectifié bis est-il maintenu ?
M. David Assouline. Non, je vais le retirer, monsieur le président, au profit de l’amendement n° 204 rectifié bis, qui participe de cette construction progressive qui émerge du débat dont je parlais tout à l’heure.
Tout cela s’ordonne très bien et je retire l’amendement.
M. le président. L'amendement n° 202 rectifié bis est retiré.
L'amendement n° 204 rectifié bis, présenté par M. Assouline, Mmes Khiari et Lienemann et M. Sueur, est ainsi libellé :
Après l'article 23 quater
Insérer un article additionnel ainsi rédigé :
Après l’article L. 631-9 du code de la construction et de l’habitation, il est inséré un article L. 631-… ainsi rédigé :
« Art. L.631-… – Les opérateurs de plateformes, au sens de l'article L. 111-7 du code de la consommation, qui assurent un service de mise en relation en vue de la location d’hébergements doivent s’assurer que nulle résidence principale, au sens de l'article 2 de la loi n° 89-462 du 6 juillet 1989 tendant à améliorer les rapports locatifs et portant modification de la loi n° 86-1290 du 23 décembre 1986, n’est louée plus de 120 jours par an par leur intermédiaire dans les communes mentionnées à l’article L. 631-7 du présent code. À compter de cette période de location de 120 jours, les plateformes sont tenues, après information de l’utilisateur, de bloquer toute transaction relative à cette résidence principale pour une durée d’un an à compter du premier jour de location, et de transmettre chaque année aux communes mentionnées à l’article L. 631-7 du présent code la liste des transactions bloquées, comprenant le nom du loueur et l’adresse concernée. Les modalités de contrôle et les amendes encourues en cas de non-respect de cette obligation sont précisées par décret. »
La parole est à M. David Assouline.
M. David Assouline. Toute l’argumentation que j’ai développée précédemment trouve ici son aboutissement.
Il faut un seuil de cent vingt jours. Le présent amendement a donc pour objet d’obliger les plateformes qui assurent un service de mise en relation en vue de la location d’hébergements de s’assurer du respect des dispositions de la réglementation en matière de location de résidences principales, à savoir qu’une résidence principale ne peut être louée plus de cent vingt jours par an. En effet, aujourd’hui, les plateformes ne concourent pas activement au respect de la réglementation en la matière.
Cet amendement répondra parfaitement aux critiques invoquées à l’encontre de l’amendement précédent. Son adoption constituerait un pas vraiment significatif dans notre démarche visant à encadrer, à réguler ce marché, tout en favorisant l’économie collaborative, notamment pour la location de vacances, qui plaît beaucoup aux jeunes, car c’est un moyen souple, rapide et peu onéreux.
M. le président. Quel est l’avis de la commission ?
M. Christophe-André Frassa, rapporteur. Comme je l’ai laissé entendre, parmi l’ensemble des amendements déposés sur le sujet, celui-ci me semble susceptible d’être le plus efficient, parce qu’il repose sur des prérequis atteignables.
Il suffira en effet, d’une part, que l’opérateur oblige le loueur à lui indiquer quel est le statut juridique de son logement, local à usage d’habitation ou pas, ce qui est du domaine du possible, et, d’autre part, que l’opérateur soit informé par les municipalités des délibérations des conseils municipaux tendant à l’instauration d’une autorisation préalable de changement d’affectation. Cela est aussi tout à fait envisageable.
Le troisième prérequis ne pose pas non plus de difficulté : l’opérateur n’aura aucun problème pour décompter le nombre de nuitées de location facturées, à charge pour lui, ensuite, d’interdire la location en qualité de local d’habitation aux annonceurs qui auront dépassé le quota de nuitées annuelles.
La seule question qui demeure est, certes, celle de la compatibilité avec le droit communautaire et la directive sur le commerce électronique. La question mérite d’être creusée d’ici à la commission mixte paritaire. À ce stade, il me semblerait utile d’adopter le dispositif proposé.
C’est pourquoi la commission émet un avis favorable.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
Mme Axelle Lemaire, secrétaire d'État. Monsieur le sénateur, vous proposez d’inscrire dans la loi, c’est-à-dire de graver dans le marbre, un seuil de cent vingt nuitées, soit quatre mois, au-delà duquel il n’est plus possible de louer un appartement sans que cela soit fait à usage professionnel en tant que meublé touristique. Pour ce faire, vous demandez aux plateformes de vérifier le nombre de nuitées qui sont louées et de bloquer les transactions en cas de dépassement du seuil.
Nous avons évoqué ce sujet, le modèle de l’économie collaborative des plateformes de location entre les particuliers est parfois dévoyé, notamment dans les zones très touristiques, par des professionnels qui mettent leurs appartements en location à l’année, et ce de manière industrielle, souvent dans l’illégalité.
Cet amendement est un premier pas pour lutter contre ce type de dévoiements qui entretiennent la spéculation immobilière, phénomène fortement lié à la montée des prix immobiliers dans certains quartiers, notamment à Paris, et causent, dans certaines zones, une très forte tension sur le parc locatif classique.
Parfois, ceux que l’on souhaiterait aider en recourant à l’économie collaborative se trouvent en réalité exclus de l’accès au parc immobilier par une utilisation contournée de ce type d’économie.
Les dispositions que vous proposez, je le dis d’emblée, méritent d’être affinées, notamment au regard des préventions que j’ai citées concernant le respect de la vie privée et le droit européen. Je suggère que le Gouvernement fournisse aux parlementaires des éléments complémentaires pour que nous poursuivions nos échanges autour de ce texte.
Dans l’immédiat, le Gouvernement émet un avis favorable sur cet amendement.
M. le président. En conséquence, un article additionnel ainsi rédigé est inséré dans le projet de loi, après l'article 23 quater.
L'amendement n° 200 rectifié bis, présenté par M. Assouline, Mmes Khiari et Lienemann et M. Sueur, est ainsi libellé :
Après l'article 23 quater
Insérer un article additionnel ainsi rédigé :
I. – L’article L. 2333-34 du code général des collectivités territoriales est ainsi modifié :
1° Au premier alinéa du I, après les mots : « les intermédiaires mentionnés à l'article L. 2333-33 », sont insérés les mots : « et les opérateurs de plateformes, au sens de l'article L. 111-7 du code de la consommation, qui assurent un service de mise en relation en vue de la location d’hébergements et qui sont intermédiaires de paiement pour le compte de loueurs non professionnels » ;
2° Au premier alinéa du II, les mots : « Les professionnels qui, par voie électronique, assurent un service de réservation ou de location ou de mise en relation en vue de la location d'hébergements pour le compte des logeurs, des hôteliers, des propriétaires ou des intermédiaires mentionnés à l'article L. 2333-33 » sont remplacés par les mots : « Les opérateurs de plateformes, au sens de l'article L. 111-7 du code de la consommation, qui assurent un service de mise en relation en vue de la location d’hébergements pour le compte de loueurs professionnels ».
II. – Le I s’applique à compter du 1er janvier 2017.
La parole est à M. David Assouline.
M. David Assouline. Cet amendement vise à rendre obligatoire et automatique la collecte de la taxe de séjour par les plateformes en ligne. Nous avons déjà beaucoup débattu de ce sujet, qui suscite un état d’esprit tout à fait positif. C’est pourquoi je n’argumenterai pas en la matière. Si la commission et le Gouvernement nous assurent que cette question sera examinée en loi de finances, j’accepterai de retirer mon amendement.
M. le président. Quel est l’avis de la commission ?
M. Christophe-André Frassa, rapporteur. Comme l’a subodoré M. Assouline, je sollicite le retrait de cet amendement. Je laisse à M. le rapporteur pour avis le soin d’apporter des explications complémentaires.
M. le président. La parole est à M. Philippe Dallier, rapporteur pour avis.
M. Philippe Dallier, rapporteur pour avis. La commission des finances n’a pas pu examiner cet amendement ni le suivant. Néanmoins, la demande de retrait s’impose à nos yeux.
Un premier pas a été fait, puisqu’une expérimentation est en cours. Voyons comment les choses se passent avec la plateforme dont le nom est cité dans l’objet de l’amendement. Nous verrons ensuite, en loi de finances, s’il convient d’élargir la mesure. Nous pouvons nous donner un peu de temps.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
Mme Axelle Lemaire, secrétaire d'État. Je veux comprendre cet amendement comme une volonté d’aller le plus loin possible pour obtenir un minimum de satisfaction.
En l’occurrence, j’y suis très opposée.
M. Philippe Bas, président de la commission des lois constitutionnelles, de législation, du suffrage universel, du règlement et d'administration générale. C’est clair et net !
Mme Axelle Lemaire, secrétaire d'État. La loi de finances pour 2015 a ouvert la possibilité aux plateformes qui assurent un service de réservation et de mise en relation en vue de la location d’hébergement de collecter la taxe de séjour. Nous sommes donc favorables à tous les rapprochements possibles entre les communes qui le souhaitent et les plateformes concernées pour que des mécanismes, des outils, y compris informatiques, soient mis en place afin de faciliter cette collecte de la taxe de séjour.
En revanche, exiger une fiche détaillée sur chaque logement loué me semble excessif. Je rappellerai à cet égard les réticences que j’ai déjà eu l’occasion d’exprimer concernant le respect de la vie privée, puisque nous nous trouvons dans le même cas de figure où est en jeu la relation, non entre l’administration fiscale et la plateforme, mais bien entre la plateforme et les communes. Or les relations de ce type ne sont pas couvertes par le secret fiscal, ne sont pas régies par un cadre juridique protecteur ni entourées d’une culture du secret fiscal, culture au contraire très prégnante au sein de l’administration fiscale, comme il est normal, puisque c’est son devoir, sa responsabilité. Cette responsabilité ne pèse pas sur les communes. Loin de moi l’idée d’exprimer une défiance, mais il me semble essentiel de respecter un minimum de principes fondamentaux.
Je sollicite donc le retrait de cet amendement ; à défaut, j’émettrai un avis défavorable.
M. le président. La parole est à M. David Assouline, pour explication de vote.
M. David Assouline. J’ai annoncé que je retirerai mon amendement. Je tiens néanmoins à vous le dire lors de cette ultime intervention : nous venons de réaliser quelque chose d’assez important pour l’ensemble de notre territoire, notamment pour les villes concernées, et ce alors que nous entrons dans une période très importante d’effervescence nationale, avec l’Euro 2016 et un afflux attendu de touristes.
Nous devions montrer notre ferme volonté de permettre cette économie collaborative et ses souplesses et aussi de défendre l’industrie hôtelière, qui est en grande difficulté, notamment depuis cette vague d’attentats en France. Cet aspect de la régulation que nous devons opérer ici a été peu évoqué.
À mes yeux, les deux piliers étaient le numéro d’enregistrement et le seuil de cent vingt jours. Pour tout le reste, c’est-à-dire quasiment pour tous les sujets qui touchent à la révolution numérique, personne ne peut dire ici où les progrès technologiques et les possibilités offertes par cette révolution nous mèneront dans cinq ou dix ans. La révolution numérique n’est pas arrêtée, elle se poursuit. Il suffit de remonter quelques années en arrière : qui aurait pu imaginer ces phénomènes ?
Autour de ces piliers, tout le reste va continuer à s’affiner au fur et à mesure. Chaque fois que nous devrons examiner des projets de loi, des lois de finances, nous trouverons les outils les plus adaptés. Le Gouvernement y est disposé et le Sénat, toutes tendances confondues, s’inscrit également dans cette dynamique, ce dont je me réjouis vivement. Nous avons voté beaucoup de dispositifs importants à l’unanimité ; j’en suis très satisfait.
En conséquence, je retire mon amendement.
M. le président. L’amendement n° 200 rectifié bis est retiré.
L'amendement n° 201 rectifié bis, présenté par M. Assouline, Mmes Khiari et Lienemann et M. Sueur, est ainsi libellé :
Après l'article 23 quater
Insérer un article additionnel ainsi rédigé :
L’article L. 2333-34 du code général des collectivités territoriales est complété par un paragraphe ainsi rédigé :
« … – Les logeurs, les hôteliers, les propriétaires, les intermédiaires mentionnés à l’article L. 2333-33 et les professionnels mentionnés au II du présent article comptabilisent sur un état, à la date et dans l’ordre des perceptions effectuées, pour chaque hébergement loué, les noms et prénoms des personnes physiques propriétaires du logement ou la raison sociale de la personne morale propriétaire du logement, l’adresse du logement, le nombre de personnes ayant logé, le nombre de nuitées constatées, le montant de la taxe perçue ainsi que, le cas échéant, les motifs d’exonération de la taxe. Ils transmettent cet état à la commune bénéficiaire de l’imposition à l’occasion du versement du produit de la taxe. »
La parole est à M. David Assouline.
M. David Assouline. Je retire également cet amendement, monsieur le président.
M. le président. L’amendement n° 201 rectifié bis est retiré.
Article 24
Le titre Ier du livre Ier du code de la consommation, dans sa rédaction résultant de l’ordonnance n° 2016-301 du 14 mars 2016 précitée, est ainsi modifié :
1° Après l’article L. 111-7, il est inséré un article L. 111-7-2 ainsi rédigé :
« Art. L. 111-7-2. – Sans préjudice des obligations d’information prévues à l’article 19 de la loi n° 2004-575 du 21 juin 2004 pour la confiance dans l’économie numérique et aux articles L. 111-7 et L. 111-7-1 du présent code, toute personne physique ou morale dont l’activité consiste, à titre principal ou accessoire, à collecter, à modérer ou à diffuser des avis en ligne provenant de consommateurs est tenue de délivrer à ces consommateurs une information loyale, claire et transparente sur les modalités de publication et de contrôle des avis mis en ligne.
« Elle précise si ces avis font ou non l’objet d’un contrôle et, si tel est le cas, elle indique les caractéristiques principales du contrôle mis en œuvre.
« Elle indique aux consommateurs dont l’avis en ligne a été rejeté les raisons qui justifient ce rejet.
« Elle met en place une fonctionnalité gratuite qui permet aux responsables des produits ou des services faisant l’objet d’un avis en ligne de lui signaler un doute sur l’authenticité d’un avis, à condition que ce signalement soit motivé.
« Un décret, pris après avis de la Commission nationale de l’informatique et des libertés, fixe les modalités et le contenu de ces informations. » ;
2° À l’article L. 131-4, après les mots : « voie électronique », sont insérés les mots : « et à l’article L. 111-7-2 ».
M. le président. Je suis saisi de trois amendements identiques.
L'amendement n° 134 est présenté par M. Navarro.
L'amendement n° 148 rectifié est présenté par MM. Commeinhes, Chatillon, Gremillet et Longeot.
L'amendement n° 612 rectifié est présenté par MM. Cigolotti, Guerriau, Bonnecarrère et Luche, Mme Micouleau, M. Roche, Mme Joissains, MM. Médevielle et Canevet, Mme Loisier et MM. Lasserre, Tandonnet, Gabouty et Pellevat.
Ces trois amendements sont ainsi libellés :
I. – Alinéa 3
Remplacer les mots :
à ces consommateurs
par les mots :
aux utilisateurs
II. – Alinéa 7
Rédiger ainsi cet alinéa :
« Les modalités de vérification et le contenu de ces informations sont fixés par décret. » ;
Ces amendements identiques ne sont pas soutenus.
M. Christophe-André Frassa, rapporteur. Je reprends le texte de ces amendements, auxquels la commission est favorable, mais en le rectifiant pour n’en retenir que le I, qui apporte une utile clarification.
M. le président. Je suis donc saisi d’un amendement n° 671, présenté par M. Frassa, au nom de la commission des lois, et ainsi libellé :
Alinéa 3
Remplacer les mots :
à ces consommateurs
par les mots :
aux utilisateurs
Quel est l’avis du Gouvernement ?
Mme Axelle Lemaire, secrétaire d'État. M. Sido a quitté l’hémicycle : je le regrette, car ces dispositions me permettent de répondre, au moins partiellement, à sa question de tout à l'heure relative à la différence entre utilisateur et consommateur. Pour justifier la substitution du premier terme par le second, on argue que le dispositif d’information loyale, claire et transparence mis en œuvre pour vérifier les avis en ligne risque d’être d’une portée trop limitée si elle est restreinte aux « utilisateurs ».
Toutefois, en l’occurrence, les deux statuts se confondent juridiquement : sont concernés par les informations prévues au présent article aussi bien les consommateurs publiant leurs avis que toutes les personnes les consultant sur la plateforme. En réalité, la rédaction actuelle est plus large que les dispositions de cet amendement, dont l’adoption serait donc contre-productive.
Aussi, le Gouvernement émet un avis défavorable sur cet amendement.
M. le président. Je suis saisi de sept amendements faisant l'objet d'une discussion commune.
Les quatre premiers sont identiques.
L'amendement n° 85 rectifié est présenté par MM. Bouchet et Charon, Mme Deromedi, MM. Houel, Laménie, Laufoaulu et Lefèvre, Mme Lamure, M. Mouiller et Mme Cayeux.
L'amendement n° 99 rectifié est présenté par MM. Bonnecarrère et Luche, Mme N. Goulet et MM. Médevielle, L. Hervé, Marseille, Maurey, Cigolotti, Longeot, Tandonnet, Kern et Gabouty.
L'amendement n° 142 est présenté par M. Navarro.
L'amendement n° 386 est présenté par M. Bouvard.
Ces quatre amendements sont ainsi libellés :
Alinéa 3
Remplacer les mots :
publication et de contrôle des avis mis en ligne
par les mots :
collecte, de vérification, de modération, de classement et de diffusion des avis mis en ligne et d’être en conformité avec la norme NF Z74-501 « Avis en ligne des consommateurs »
L’amendement n° 85 rectifié n'est pas soutenu.
La parole est à M. Hervé Maurey, pour présenter l'amendement n° 99 rectifié.
M. Hervé Maurey. Le présent article est destiné à encadrer les avis exprimés sur les plateformes en ligne. Cet amendement tend à aller un peu plus loin que les dispositions adoptées par la commission. En effet, nous proposons que les avis exprimés sur lesdites plateformes répondent à la première norme mondiale existant dans ce domaine, à savoir la norme NF Z74 501.
Ce standard fixe un certain nombre de règles à respecter : l’auteur de l’avis doit être identifiable, aucun avis ne doit être acheté, les motifs de rejet doivent être indiqués, la modération doit être effectuée dans un certain délai, etc.
Ces dispositions seraient tout à fait utiles. Gardons à l’esprit que, d’après les enquêtes menées, environ 30 % des avis exprimés en ligne seraient faux ! De cette situation résulte un préjudice réel et sérieux, à la fois pour les professionnels qui font l’objet de ces jugements et pour les consommateurs, qui se trouvent induits en erreur.
M. le président. Les amendements nos 142 et 386 ne sont pas soutenus.
L'amendement n° 504 rectifié, présenté par MM. Requier, Arnell, Barbier, Bertrand, Castelli, Collin, Collombat, Esnol, Fortassin, Guérini et Hue, Mmes Jouve, Laborde et Malherbe et MM. Mézard et Vall, est ainsi libellé :
Alinéa 3
Après les mots :
les modalités de publication
insérer les mots :
, de classement
La parole est à M. Jean-Claude Requier.
M. Jean-Claude Requier. Afin d’atteindre un niveau satisfaisant de transparence et d’information des consommateurs, le présent amendement tend à assortir d’une obligation d’information les modalités de classement des avis publiés en ligne.
Le classement de ces opinions peut jouer un rôle dans la décision des consommateurs. Il semble donc nécessaire que les internautes soient informés des modalités de classement des avis exprimés en ligne, en sus des modalités de publication et de contrôle déjà prévus par le biais de ce projet de loi.
M. le président. L'amendement n° 74 rectifié, présenté par MM. Chaize, Mandelli, de Nicolaÿ et Calvet, Mme Cayeux, MM. Bignon, Bizet, de Legge, Mouiller, B. Fournier, Kennel et Masclet, Mmes Garriaud-Maylam, Deromedi et Micouleau, MM. Grand, Cornu, Vaspart, Rapin et P. Leroy, Mme Estrosi Sassone, M. Pellevat, Mme Procaccia, MM. Lemoyne, Vasselle et Delattre, Mme Deroche et MM. Husson, Laménie, Trillard et Magras, est ainsi libellé :
I. – Alinéa 3
Remplacer le mot :
contrôle
par le mot :
traitement
II. – Alinéa 4
Rédiger ainsi cet alinéa :
« Elle précise si ces avis font ou non l’objet d’une modération et, si tel est le cas, elle indique les caractéristiques principales du traitement mis en œuvre.
La parole est à M. Patrick Chaize.
M. Patrick Chaize. Le phénomène des faux avis est un fléau, tant pour les consommateurs que pour les professionnels qui en sont les victimes. Carrefours désormais incontournables pour les consommateurs, les plateformes en ligne doivent faire preuve de transparence et traduire la volonté d’offrir des informations réellement fiables à leurs utilisateurs.
La norme NF Z74 501 est le premier standard au monde relatif au traitement des avis de consommateurs en ligne. En la mettant en œuvre, une entreprise assure la fiabilité et la transparence des trois processus de traitement des avis en ligne : leur collecte, leur modération par le gestionnaire et leur distribution.
En luttant ainsi comme à la multiplication des faux avis, une société noue avec ses clients potentiels une relation de confiance fondée sur la transparence. En outre, les entreprises françaises qui appliquent cette norme ont consenti des investissements substantiels, pour promouvoir une telle transparence. Cette dernière doit être préservée et encouragée.
Or le terme de « contrôle des avis » figurant actuellement dans ce projet de loi est trop ambigu. Il prête à de nombreuses interprétations. Il peut notamment laisser à penser que la plateforme, soit collecte des preuves de consommation, soit procède à des contrôles très détaillés.
En conséquence, cet amendement vise à préserver une cohérence de termes entre le présent texte et la norme de l’Association française de normalisation, l’AFNOR, actuellement appliquée aux avis en ligne.
M. le président. L’amendement n° 110 rectifié, présenté par Mme Morin-Desailly et M. L. Hervé, n’est pas soutenu.
M. Christophe-André Frassa, rapporteur. Je le reprends au nom de la commission, monsieur le président !
M. le président. Il s’agit donc de l'amendement n° 672, présenté par M. Frassa, au nom de la commission des lois, et qui est ainsi libellé :
Alinéa 3
Remplacer le mot :
contrôle
par le mot :
traitement
Vous avez la parole pour le défendre, monsieur le rapporteur, ainsi que pour donner l’avis de la commission sur les amendements nos 99 rectifié, 504 rectifié et 74 rectifié.
M. Christophe-André Frassa, rapporteur. Initialement déposé par Mme Catherine Morin-Desailly et M. Loïc Hervé, l’amendement n° 672 tend à apporter une précision utile, d’autant que l’alinéa 4, suivant l’alinéa ici visé, a plus particulièrement pour objet le traitement des avis.
L’amendement n° 99 rectifié tend à fixer pour obligation de satisfaire à la norme AFNOR pour ce qui concerne les avis en ligne.
À mon sens, il n’appartient pas à la loi d’imposer le respect d’un dispositif de cette nature, aurait-il l’envergure de la norme AFNOR. De plus, il ne paraît conforme ni à la liberté d’entreprendre ni au droit européen d’exiger que tous les sites d’avis en ligne se conforment à une telle norme. Aussi, je sollicite le retrait de cet amendement. À défaut, j’émettrai un avis défavorable.
L’amendement n° 504 rectifié a pour objet d’affiner les règles énoncées dans le présent article. Mais, à ce stade, une telle précision ne semble pas utile : par définition, les modalités de publication incluent le classement et le référencement des avis. Voilà pourquoi je demande également le retrait de cet amendement.
Enfin, l’amendement n° 74 rectifié tend à remplacer la référence faite au « contrôle » par celle de la « modération ».
Son I ne pose aucun problème. Bien au contraire, il s’agit là d’une précision bienvenue, qui constitue précisément les dispositions de l’amendement n° 672.
En revanche, son II ne saurait être adopté : il conduirait à affaiblir les obligations pesant sur les plateformes qui publient des avis en ligne. En effet, les contrôles exercés sur les avis ne se limitent pas à la modération.
En s’assurant que l’auteur d’un avis a bien testé le produit commenté, l’on effectue un contrôle et, plus précisément, un contrôle de la preuve d’achat. Mais ce n’est pas, en tant que telle, une modération. Cette dernière action vise simplement la suppression des avis diffamatoires, injurieux ou illicites.
Dès lors, si le II de cet amendement était voté, les plateformes pourraient se contenter d’une simple modération, sans prendre le soin de vérifier, par exemple, que le consommateur ayant « assassiné » un restaurant par son avis en ligne y a réellement déjeuné.
Voilà pourquoi je sollicite une rectification de l’amendement n° 74 rectifié, consistant en la suppression de son II. Si M. Chaize s’y refuse, je demanderai un vote par division.
M. le président. Monsieur Chaize, acceptez-vous de rectifier votre amendement dans le sens indiqué par M. le rapporteur ?
M. Patrick Chaize. Très volontiers, monsieur le président. Ainsi, mon amendement sera identique à l’amendement n° 672.
M. le président. Je suis donc saisi d’un amendement n° 74 rectifié bis, présenté par MM. Chaize, Mandelli, de Nicolaÿ et Calvet, Mme Cayeux, MM. Bignon, Bizet, de Legge, Mouiller, B. Fournier, Kennel et Masclet, Mmes Garriaud-Maylam, Deromedi et Micouleau, MM. Grand, Cornu, Vaspart, Rapin et P. Leroy, Mme Estrosi Sassone, M. Pellevat, Mme Procaccia, MM. Lemoyne, Vasselle et Delattre, Mme Deroche et MM. Husson, Laménie, Trillard et Magras, est ainsi libellé :
Alinéa 3
Remplacer le mot :
contrôle
par le mot :
traitement
Quel est l’avis du Gouvernement ?
Mme Axelle Lemaire, secrétaire d'État. Monsieur Maurey, l’amendement n° 99 rectifié tend à ce que les sites internet considérés mentionnent leur respect ou leur absence de respect de la norme AFNOR NF Z74 501.
Ce dispositif, d’application volontaire, repose sur un référentiel privé. Que l’on ne se méprenne pas : le Gouvernement a soutenu le développement de cette norme, y compris par un appui financier, puisque l’AFNOR reçoit des subventions publiques. Néanmoins, en droit, il n’est pas possible d’imposer le respect de cette norme en ordonnant, via les hébergeurs, la vérification des contenus mis en ligne par les internautes.
Une telle démarche est applicable à l’encontre de contenus illicites, par exemple dans le cadre de la prévention du terrorisme, pour sanctionner des propos racistes ou antisémites, pour réprimer des infractions, des délits ou des crimes très graves. En dehors de ces situations, le droit, qu’il soit français ou européen, interdit aux fournisseurs de services en ligne d’aller vérifier les contenus qui y sont postés.
De surcroît, il n’appartient pas au législateur d’imposer une norme de nature privée, favorisant un prestataire particulier. En l’occurrence, nous sommes face à un environnement concurrentiel. Ce constat est d’autant plus vrai que la norme AFNOR est d’application volontaire : naturellement, rien n’interdit au site qui la suit de mettre son respect en valeur, pour éclairer les consommateurs. Ces derniers pourront, ensuite, choisir en connaissance de cause. Sans doute estimeront-ils qu’un site répondant aux exigences de cette norme garantit une vérification de qualité, quant à l’authenticité des avis publiés en ligne.
Enfin, je me permets cette remarque : c’est sur l’initiative des élus du groupe auquel vous appartenez qu’a été adopté un amendement tendant à supprimer l’obligation de publication des normes AFNOR. Vous suggérez à présent que l’AFNOR impose à d’autres ce qu’elle refuse de s’imposer à elle-même… Cette situation me semble assez paradoxale !
Mme Éliane Assassi. Voilà !
M. Yves Rome. Très bien !
Mme Axelle Lemaire, secrétaire d'État. J’émets donc un avis défavorable sur l’amendement n° 99 rectifié.
L’amendement n° 504 rectifié appelle également, de la part du Gouvernement, un avis défavorable.
Je souscris tout à fait au but visé au travers de l’amendement de M. Chaize. Telles qu’elles ont été initialement présentées, ces dispositions restreignaient le champ d’application de l’article 24, mais elles ont fait l’objet d’une rectification bienvenue. J’émets donc un avis favorable sur l’amendement n° 74 rectifié bis, ainsi que sur l’amendement n° 672, qui lui est identique.
M. le président. Monsieur Maurey, l’amendement n° 99 rectifié est-il maintenu ?
M. Hervé Maurey. Non, je le retire, monsieur le président.
M. le président. L’amendement n° 99 rectifié est retiré.
Monsieur Requier, l’amendement n° 504 rectifié est-il maintenu ?
M. Jean-Claude Requier. Non, je le retire également, monsieur le président.
M. le président. L’amendement n° 504 rectifié est retiré.
Je mets aux voix les amendements identiques nos 74 rectifié bis et 672.
(Les amendements sont adoptés.)
M. le président. Je suis saisi de sept amendements faisant l'objet d'une discussion commune.
L'amendement n° 81 rectifié, présenté par MM. Commeinhes et Chatillon, n’est pas soutenu.
L'amendement n° 100 rectifié, présenté par MM. Bonnecarrère et Luche, Mme N. Goulet et MM. Médevielle, L. Hervé, Maurey, Cigolotti, Longeot, Tandonnet, Kern et Gabouty, est ainsi libellé :
Alinéa 6
Après les mots :
faisant l'objet d'un avis en ligne de
rédiger ainsi la fin de cet alinéa :
disposer d’un droit de réponse en ligne systématique et facilité.
La parole est à M. Hervé Maurey.
M. Hervé Maurey. Les dispositions de cet amendement participent du même esprit que précédemment : assurer une plus grande sincérité et un meilleur contrôle des avis exprimés sur les plateformes. Il s’agit plus précisément d’instituer, pour les opinions ainsi émises, un droit de réponse systématique.
M. le président. L'amendement n° 505 rectifié, présenté par MM. Requier, Arnell, Barbier, Bertrand, Castelli, Collin, Collombat, Esnol, Fortassin, Guérini et Hue, Mmes Jouve, Laborde et Malherbe et MM. Mézard et Vall, est ainsi libellé :
Alinéa 6
Compléter cet alinéa par une phrase ainsi rédigée :
Elle installe un droit de réponse en ligne systématisé.
La parole est à M. Jean-Claude Requier.
M. Jean-Claude Requier. Afin de lutter contre les faux avis publiés sur internet, le présent amendement tend à mettre en œuvre une procédure systématisée de droit de réponse aux commentaires en ligne.
Ce dispositif serait appliqué par les opérateurs exerçant une activité de collecte, de modération ou de diffusion des avis en ligne provenant des consommateurs.
M. le président. Les trois amendements suivants sont identiques.
L'amendement n° 86 rectifié bis est présenté par MM. Bouchet et Charon, Mme Deromedi, MM. Chasseing, Houel et Laménie, Mme Lamure, MM. Laufoaulu, Lefèvre, Mayet, Mouiller, Savary et Vasselle, Mme Cayeux et M. Husson.
L'amendement n° 143 est présenté par M. Navarro.
L'amendement n° 387 est présenté par M. Bouvard.
Ces amendements ne sont pas soutenus.
L'amendement n° 101 rectifié, présenté par MM. Bonnecarrère et Luche, Mme N. Goulet et MM. Médevielle, Marseille, Cigolotti, Longeot, Tandonnet, Kern et Gabouty, n’est pas non plus soutenu.
Quel est l’avis de la commission sur les amendements nos 100 rectifié et 505 rectifié ?
M. Christophe-André Frassa, rapporteur. Ces divers amendements, assez nombreux à l’origine, et dont deux restent en discussion, tendaient tous à suivre la même inspiration : imposer de nouvelles obligations aux plateformes diffusant des avis de consommateurs en ligne, comme l’identification des auteurs des avis ou l’ouverture d’un droit de réponse.
Aussi ces dispositions divergent-elles de la logique suivie par le présent projet de loi : s’attacher uniquement à garantir l’information loyale et transparente des consommateurs, sans imposer aux opérateurs des plateformes d’autres types d’obligations ou le respect de certaines procédures.
Certes, il est tentant de vouloir réguler ce secteur et imposer de bonnes pratiques, comme le droit de réponse ou l’absence d’anonymat. Mais, à mon sens, ces mesures risquent fort d’être jugées contraires à la directive sur le commerce électronique. Surtout, elles risquent de ne pouvoir être appliquées.
Or il est de notre responsabilité de proposer un dispositif efficace. Donner au consommateur l’information la plus transparente qui soit, c’est lui fournir les moyens de sanctionner les acteurs les moins vertueux. La régulation proposée repose ainsi sur l’incitation et l’émulation. Elle a l’avantage d’être conforme à nos exigences européennes et compatible avec le mode de fonctionnement de l’économie numérique.
En conséquence, je sollicite le retrait des amendements nos 100 rectifié et 505 rectifié. À défaut, j’émettrai un avis défavorable.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
Mme Axelle Lemaire, secrétaire d'État. Il s’agit là d’un débat intéressant, que MM. Maurey et Requier ont le mérite d’ouvrir.
Ces deux amendements tendent à ce que les professionnels visés par ce qu’ils estiment être de faux avis en ligne disposent d’un droit de réponse. On peut penser, par exemple, à un restaurateur victime de critiques assez virulentes de la part de prétendus consommateurs qui sont, en réalité, des concurrents.
Le Gouvernement souscrit donc tout à fait à l'objectif, qui est d’ailleurs celui du présent article, de transparence de l’information octroyée au consommateur.
Toutefois, ces amendements tendent à aller plus loin, en imposant aux plateformes qu’elles offrent la possibilité systématique de publier les droits de réponse. Ces dispositions sont plus strictes que l’alinéa 6 de cet article, qui oblige les plateformes à mettre à disposition une fonctionnalité gratuite pour signaler un doute quant à l’authenticité d’un avis. Or, à mon sens, il n’est pas opportun d’aller plus loin.
Tout d’abord, ces mesures ouvrent la question de la modération : comment juger véritablement de l’identité, de l’authenticité et du bien-fondé d’un avis ? Cette problématique relève davantage de la liberté d’expression que de la transparence de l’information proposée au consommateur.
Ensuite, ces dispositions pourraient freiner la publication des témoignages et des avis et, partant, avoir un effet contre-productif, si la plateforme décide de conserver certains commentaires et d’en supprimer d’autres, au motif qu’ils enfreignent la liberté d’expression.
Dans le cadre du décret d’application associé à cet article, nous pourrions débattre de cette question, mais ce avec les principaux intéressés, à savoir les entreprises. La France abrite diverses places de marché, divers sites de vente en ligne qui se révèlent très performants. Seuls les représentants de ces structures seront à même d’indiquer s’il est opportun, ou non, de déployer de telles fonctionnalités, et si ces dernières sont tout simplement possibles sur le plan technologique.
Je m’engage à ce que nous travaillions cette question lors de l’élaboration du décret d’application. Et, pour l’heure, je sollicite le retrait de ces deux amendements.
M. le président. Monsieur Maurey, l’amendement n° 100 rectifié est-il maintenu ?
M. Hervé Maurey. Non, je le retire, monsieur le président.
M. le président. L’amendement n° 100 rectifié est retiré.
Monsieur Requier, l’amendement n° 505 rectifié est-il maintenu ?
M. Jean-Claude Requier. J’en suis persuadé, nous posons là de bonnes questions ! Néanmoins je vais écouter les promesses qui nous sont faites – on ne sait jamais, elles seront peut-être tenues ! (Sourires.) –, et retirer également mon amendement, monsieur le président.
M. Christophe-André Frassa, rapporteur. Sage décision !
M. le président. L’amendement n° 505 rectifié est retiré.
L'amendement n° 506 rectifié, présenté par MM. Requier, Arnell, Barbier, Bertrand, Castelli, Collin, Collombat, Esnol, Fortassin, Guérini et Hue, Mmes Jouve, Laborde et Malherbe et MM. Mézard et Vall, est ainsi libellé :
Après l’alinéa 6
Insérer un alinéa ainsi rédigé :
« Elle affiche la date de l’avis et les éventuelles mises à jour.
La parole est à M. Jean-Claude Requier.
M. Jean-Claude Requier. Afin de lutter contre les avis obsolètes publiés sur internet, le présent amendement tend à rendre obligatoire l’affichage de la date à laquelle le commentaire a été émis, et les éventuelles mises à jour effectuées.
M. le président. Quel est l’avis de la commission ?
M. Christophe-André Frassa, rapporteur. Monsieur Requier, les promesses sont parfois entendues et exaucées ! (Sourires.)
M. Christophe-André Frassa, rapporteur. Cette obligation d’indiquer les dates auxquelles les avis ont été énoncés et mis à jour est tout à fait pertinente. Néanmoins, je vous suggère une légère rectification. Il s’agit simplement de déplacer cette précision après le quatrième alinéa du présent article.
Sous réserve de cette modification, j’émets un avis favorable sur cet amendement.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
Mme Axelle Lemaire, secrétaire d'État. Pour les raisons que j’ai précédemment exposées, cette question me semble relever du champ réglementaire. Elle pourra, elle aussi, être débattue lors de la rédaction du décret d’application.
Je sollicite donc, dans l’immédiat, le retrait de cet amendement.
M. le président. Monsieur Requier, qu’en est-il de l’amendement n° 506 rectifié ?
M. Jean-Claude Requier. Je maintiens mon amendement, tout en le rectifiant dans le sens indiqué par M. le rapporteur.
M. le président. Je suis donc saisi d’un amendement n° 506 rectifié bis, présenté par MM. Requier, Arnell, Barbier, Bertrand, Castelli, Collin, Collombat, Esnol, Fortassin, Guérini et Hue, Mmes Jouve, Laborde et Malherbe et MM. Mézard et Vall, et ainsi libellé :
Après l'alinéa 4
Insérer un alinéa ainsi rédigé :
« Elle affiche la date de l’avis et les éventuelles mises à jour.
Je le mets aux voix.
(L'amendement est adopté.)
M. le président. L'amendement n° 37 rectifié bis, présenté par MM. Marseille, Lasserre, Bonnecarrère, Cigolotti, Bockel et Kern, Mme Doineau et M. Guerriau, n’est pas soutenu.
Je mets aux voix l'article 24, modifié.
(L'article 24 est adopté.)
Article additionnel après l'article 24
M. le président. L'amendement n° 19 rectifié bis, présenté par MM. Grand, Milon, Calvet, Perrin, Raison, Laufoaulu, Huré, Laménie et Lefèvre, Mmes Duchêne, Garriaud-Maylam et Gruny, MM. Pellevat, Rapin, Gremillet, Chasseing, Charon, Lemoyne et Houel et Mme Deroche, n’est pas soutenu.
Article 25
I. – L’article L. 224-30 du code de la consommation, dans sa rédaction résultant de l’ordonnance n° 2016-301 du 14 mars 2016 précitée, est ainsi modifié :
1° Après le 2°, il est inséré un 3° ainsi rédigé :
« 3° Les explications prévues au d du 1 de l’article 4 du règlement (UE) 2015/2120 du Parlement européen et du Conseil du 25 novembre 2015 établissant des mesures relatives à l’accès à un internet ouvert et modifiant la directive 2002/22/CE concernant le service universel et les droits des utilisateurs au regard des réseaux et services de communications électroniques et le règlement (UE) n° 531/2012 concernant l’itinérance sur les réseaux publics de communications mobiles à l’intérieur de l’Union ; »
2° Le 7° est complété par les mots : « , de protection de la vie privée et des données à caractère personnel, ainsi que l’impact des limitations de volume, de débits ou d’autres paramètres sur la qualité de l’accès à internet, en particulier l’utilisation de contenus, d’applications et de services, y compris ceux bénéficiant d’une qualité optimisée » ;
3° (nouveau) Les 3° à 13° deviennent les 4° à 14°.
II. – L’article L. 224-30 du code de la consommation, dans sa rédaction résultant du I, est applicable aux contrats conclus ou reconduits après la publication de la présente loi.
M. le président. L'amendement n° 518 rectifié, présenté par MM. Requier, Arnell, Bertrand, Castelli, Collin, Collombat, Esnol, Fortassin et Hue, Mmes Jouve, Laborde et Malherbe et MM. Mézard, Vall et Guérini, est ainsi libellé :
I. – Après l’alinéa 1
Insérer un alinéa ainsi rédigé :
…° Le 2° est complété par les mots : « y compris les débits minimums, moyens, maximums montants et descendants fournis lorsqu’il s’agit de services d’accès à internet fixe et une estimation des débits maximums montants et descendants fournis dans le cas de services d’accès à internet mobile ; »
II. – Après l’alinéa 3
Insérer deux alinéas ainsi rédigés :
…° Le 4° est ainsi rédigé :
« 4° Les compensations et formules de remboursement applicables lorsque le niveau de qualité de services ou les débits prévus dans le contrat, ou annoncés dans les publicités ou les documents commerciaux relatifs à l’offre souscrite ne sont généralement pas atteints, de façon continue ou récurrente ; »
La parole est à M. Jean-Claude Requier.
M. Jean-Claude Requier. Tout consommateur a droit à une information claire et honnête, et il est important que les opérateurs investissant dans les réseaux performants puissent voir leurs efforts récompensés.
À cet égard, l’article 25 améliore l’information des consommateurs en complétant l’article L. 224-30 du code de la consommation, modifié récemment, par l’ordonnance du 14 mars 2016. Cet article dresse la liste des informations que doit contenir tout contrat de service de communications électroniques souscrit par le consommateur.
Le présent amendement tend à rendre obligatoire la mention des débits minimums, moyens, maximums montants et descendants de service d’accès à internet fixe, ainsi qu’une estimation des débits maximums montants et descendants des services internet mobiles.
Il vise également à mentionner les compensations et formules de remboursement applicables lorsque le niveau de qualité de service ou le débit prévu dans le contrat ou annoncé dans les publicités ne sont pas atteints, et cela de manière continue et récurrente.
M. le président. Quel est l’avis de la commission ?
M. Christophe-André Frassa, rapporteur. Cet amendement, comme, d’ailleurs, le suivant, vise à étendre l’obligation d’information énoncée au travers de cet article.
Avant tout, veillons à ce que les nouvelles obligations d’information introduites pour les contrats de service d’accès à internet soient conformes au droit européen ! C’est dans cet esprit que je sollicite l’avis du Gouvernement.
M. le président. Quel est donc l’avis du Gouvernement ?
Mme Axelle Lemaire, secrétaire d'État. Monsieur Requier, vous souhaitez que certaines informations très spécifiques figurent dans les contrats de communications électroniques, autrement dit dans les contrats de consommation conclus avec des opérateurs téléphoniques.
Ces informations seraient relatives aux différents débits et aux compensations, lorsque la qualité ou les débits annoncés ne sont pas atteints.
Pour des offres qui se révèlent souvent complexes, dans un environnement concurrentiel très affirmé, cette transparence est on ne peut plus souhaitable. Au reste, le Gouvernement a tout récemment pris un arrêté clarifiant l’information relative aux technologies employées pour fournir des offres fixes à très haut débit. Ces dispositions peuvent être imposées aux opérateurs de télécommunications.
Toutefois, pour ce qui est de l’information des consommateurs, le socle des règles en vigueur est déjà très étendu.
À ce titre, il me semble nécessaire de distinguer deux ensembles parmi les informations dont vous demandez la communication.
D’une part, pour les données relatives au débit, le présent article transcrit, dans le droit national, les dispositions figurant dans le règlement européen sur un internet ouvert – il s’agit là du règlement relatif à la neutralité de l’internet, dont nous avons déjà eu l’occasion de débattre.
Le Gouvernement français a choisi de s’en tenir à la lettre de ce document. Nous en avons l’obligation : dans les négociations de ce règlement, conclu à Bruxelles en décembre dernier, la France s’est montrée très active. Il serait délicat qu’elle revienne, trois mois plus tard, et de manière unilatérale, sur le contenu de ces dispositions.
Nous nous sommes donc contentés de donner aux régulateurs des télécoms les moyens d’imposer, par le biais de contrôles et de sanctions, les obligations contenues dans ce règlement.
D’autre part, pour les compensations, le code de la consommation prévoit, dans le principe, des informations de cette nature. Toutefois, nous avons déjà couvert un large domaine par la voie législative. Faut-il à présent atteindre le degré de technicité que vous suggérez ? Les informations dont vous sollicitez la transmission sont extraordinairement complexes. À mon sens, elles relèvent davantage du domaine du contrat. Elles entrent, à la rigueur, dans le champ réglementaire. Il ne me semble pas que la loi doive s’en charger.
À titre plus général, j’observe que nous nous focalisons souvent sur la qualité de l’information transmise aux consommateurs et sur les contrats que ceux-ci signent avec les opérateurs de télécommunications. Cependant, on néglige parfois la réalité suivante : si la réception est mauvaise, c’est dans bien des cas parce que la qualité de réception des téléphones dits « intelligents » est mauvaise.
Plus les téléphones deviennent « intelligents », plus ils se miniaturisent, plus s’étend le panel de leurs fonctionnalités et, dans certains cas, plus la qualité de leur réception décline.
M. Yves Rome. Il y a aussi le problème des réseaux !
Mme Axelle Lemaire, secrétaire d'État. Aussi, j’énonce cette piste de travail pour l’avenir : s’il fallait améliorer l’information du consommateur sur un point, ce serait plutôt celui-là.
Pour les raisons que je viens d’exposer, je sollicite le retrait de cet amendement. À défaut, j’émettrai un avis défavorable.
M. le président. Monsieur Requier, l’amendement n° 518 rectifié est-il maintenu ?
M. Jean-Claude Requier. Mon précédent amendement ayant été adopté, j’accepte de retirer celui-ci, monsieur le président.
M. Philippe Dallier, rapporteur pour avis. C’est un beau geste ! (Sourires.)
M. Philippe Bas, président de la commission des lois. Une bonne comptabilité !
M. le président. L’amendement n° 518 rectifié est retiré.
L'amendement n° 519 rectifié, présenté par MM. Requier, Arnell, Bertrand, Castelli, Collin, Esnol, Fortassin et Hue, Mmes Jouve, Laborde et Malherbe et MM. Mézard, Vall et Guérini, est ainsi libellé :
Après l’alinéa 5
Insérer deux alinéas ainsi rédigés :
…° Après le 14°, il est inséré un alinéa ainsi rédigé :
« …° Les architectures de réseaux et technologies employées. »
La parole est à M. Jean-Claude Requier.
M. Jean-Claude Requier. Dans le même esprit que le précédent, cet amendement vise à rendre obligatoire, dans les contrats de services électroniques souscrits par le consommateur avec un opérateur, la mention des architectures de réseaux et des technologies employées.
M. le président. Quel est l’avis de la commission ?
M. Christophe-André Frassa, rapporteur. Je sollicite, derechef, l’avis du Gouvernement.
M. le président. Quel est donc l’avis du Gouvernement ?
Mme Axelle Lemaire, secrétaire d'État. Pour les raisons précédemment mentionnées, le Gouvernement demande le retrait de cet amendement. Il émettra, à défaut, un avis défavorable.
M. le président. Monsieur Requier, l’amendement n° 519 rectifié est-il maintenu ?
M. Jean-Claude Requier. Non, je le retire, monsieur le président.
M. le président. L’amendement n° 519 rectifié est retiré.
Je mets aux voix l'article 25.
(L'article 25 est adopté.)
Articles additionnels après l'article 25
M. le président. L'amendement n° 639, présenté par M. Frassa, au nom de la commission des lois, est ainsi libellé :
Après l'article 25
Insérer un article additionnel ainsi rédigé :
Les articles 22, 23, 23 quater et 25 entrent en vigueur le 1er juillet 2016 ou le lendemain de la publication de la présente loi si cette date est postérieure à celle du 1er juillet 2016.
La parole est à M. le rapporteur.
M. Christophe-André Frassa, rapporteur. Il s’agit là d’un amendement de coordination, par lequel nous entendons tirer les conséquences de l’entrée en vigueur du nouveau code de la consommation.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
Mme Axelle Lemaire, secrétaire d'État. Monsieur le rapporteur, je me réjouis de l’empressement avec lequel vous attendez l’entrée en application de ce texte : vous prévoyez que ses dispositions seront en vigueur le 1er juillet 2016. C’est parfait, nous sommes d’accord ! (Sourires.)
J’émets, bien entendu, un avis favorable sur cet amendement.
M. le président. En conséquence, un article additionnel ainsi rédigé est inséré dans le projet de loi, après l'article 25.
L’amendement n° 405, présenté par MM. Leconte, Rome, Sueur et Camani, Mme D. Gillot, MM. F. Marc, Assouline, Guillaume et les membres du groupe socialiste et républicain, est ainsi libellé :
Après l’article 25
Insérer un article additionnel ainsi rédigé :
La plateforme coopérative regroupe une communauté de personnes physiques ou morales qui décident de mettre et utiliser en commun une ou plusieurs ressources matérielles ou immatérielles. Chacune de ces personnes est appelée contributeur.
Les contributeurs règlent la manière de disposer ensemble des ressources dans un contrat de coopération. Ce contrat fixe notamment les règles pour administrer, entretenir et partager les ressources. Les contributeurs peuvent convenir entre eux d’une rétribution en nature ou en valeur, en fonction de la participation de chacun à la constitution des ressources, leur entretien ou leur enrichissement.
Les contributeurs désignent la personne physique et morale qui assume, au regard de la plateforme coopérative, la responsabilité légale d’un éditeur de service de communication en ligne au sens de la loi n° 2004-575 du 21 juin 2004 pour la confiance dans l’économie numérique, ainsi que plus généralement, les modalités de la gouvernance de la plateforme dans le contrat de coopération.
La parole est à M. Jean-Yves Leconte.
M. Jean-Yves Leconte. Cet amendement vise à reconnaître une nouvelle génération de communautés permettant à des contributeurs de se regrouper pour partager des compétences, des savoir-faire, des matériels, via une plateforme coopérative, contribuant ainsi à créer de la valeur.
Inciter les plateformes coopératives à formaliser leurs échanges, c’est reconnaître la création de valeur qui résulte de ce partage des savoirs, ainsi que les liens de solidarité qui peuvent s’y développer. En proposant un modèle nouveau, on encourage également l’inventivité et la création.
Donner un statut aux plateformes coopératives permettrait de mettre en place un écosystème favorable à leur développement. Elles pourraient ainsi exister juridiquement et s’organiser.
Les usages montrent que ces communautés fonctionnent aujourd’hui sans structure ad hoc. Il s’agit donc de les inciter à contractualiser leurs pratiques : obligations des contributeurs, modes de leurs rétributions éventuelles, participation à la gouvernance de la plateforme.
Alors que les communautés ne peuvent pas porter collégialement la responsabilité d’éditeur de plateforme, faute de statut juridique, les plateformes coopératives pourront désigner un responsable de la plateforme au regard de la loi et, ainsi, mieux assumer leurs responsabilités.
Nous proposons donc une première étape de reconnaissance de cette nouvelle forme de contribution collective, qui a toute sa place dans la République numérique que nous souhaitons construire, car elle s’appuie sur notre très ancienne tradition coopérative.
M. le président. Quel est l’avis de la commission ?
M. Christophe-André Frassa, rapporteur. Cet amendement tend à créer une nouvelle forme de société, la plateforme coopérative, appuyée sur la mise en commun et l’utilisation d’une ressource.
Tout comme de nombreux autres membres de la commission des lois, je m’interroge sur l’intérêt d’un tel dispositif.
M. Philippe Dallier, rapporteur pour avis. La commission des finances se pose également la question !
M. Christophe-André Frassa, rapporteur. Pourquoi cette mise en commun ne pourrait-elle pas être réalisée à travers une simple association, voire une société, si le but est lucratif ? Notre droit civil est visiblement en avance sur son temps, puisqu’il permet, d’ores et déjà, d’accueillir l’innovation numérique que constituerait cette plateforme coopérative ! (Sourires sur les travées du groupe Les Républicains.)
Plus sérieusement, le dispositif proposé ne présente aucune utilité juridique par rapport aux formes sociales déjà existantes. Cher collègue, je vous suggère donc de retirer cet amendement, faute de quoi je ne pourrais qu’émettre un avis défavorable.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
Mme Axelle Lemaire, secrétaire d’État. Le Gouvernement se distingue de la commission en ce que je perçois tout l’intérêt de la question que vous soulevez, monsieur le sénateur. Toutefois, je considère votre proposition comme un amendement d’appel.
Vous avez identifié une problématique, voire un problème : vous suggérez de conférer un statut juridique à des communautés de personnes ou d’entités qui se regroupent pour mutualiser des ressources, des locaux, comme des espaces de travail partagé, en anglais de coworking, des ressources matérielles – postes informatiques, accès à internet, téléphone… – et des réseaux, notamment l’accès à des investisseurs.
Il peut également s’agir de l’accès aux ressources immatérielles que sont les données. On le sait, leur partage est un enjeu de plus en plus fondamental, qui pose des questions en matière de propriété intellectuelle. Lorsque l’on encourage l’innovation ouverte entre les start-up, des entreprises innovantes, d’une part et les grands groupes, de l’autre, quel type d’informations relatives aux données doit être partagé et rémunéré ?
Tout cela soulève des problèmes très concrets, liés à l’essor de l’économie collaborative. De surcroît, le recours aux technologies numériques a permis de donner une nouvelle dimension à l’économie sociale et solidaire, qui, désormais, rassemble des entrepreneurs sociaux, des jeunes très enthousiastes porteurs de projets d’intérêt général, parfois à but lucratif, mais fondés sur des modèles innovants.
Certains pays, notamment les États-Unis, ont créé des statuts correspondant à l’objectif de ces structures : valoriser le partage à des fins lucratives.
La création d’un équivalent juridique à ce statut en France, qui n’existe pas aujourd’hui, est revendiquée par HelloAsso, organisateur, chaque année, de la « Social Good Week », par le mouvement Maker, ces « bidouilleurs du numérique » qui se réunissent ce week-end Porte de Versailles à l’occasion de la Maker Faire, à laquelle je me rendrai, et par des acteurs de la France qui s’engage. Tous revendiquent cette ambition de collaboration et de partage des ressources matérielles et immatérielles et relèvent que le droit est en retard sur ces pratiques nouvelles.
Vous soulevez donc une question légitime. À ce stade, nous n’avons pas encore trouvé de réponse juridique et votre proposition n’offre pas de distinction claire de ce nouveau statut spécifique par rapport au dispositif déjà existant.
Des travaux ont été engagés par le député Pascal Terrasse. Je mène également ma propre réflexion et j’aimerais que nous continuions à explorer cette piste, afin d’aboutir à la création d’un nouveau statut juridique, si le besoin s’en fait réellement sentir.
Monsieur le sénateur, je suis donc à votre disposition, mais, pour l’heure, je vous suggère de retirer votre amendement.
M. le président. Monsieur Leconte, l’amendement n° 405 est-il maintenu ?
M. Jean-Yves Leconte. Je remercie Mme la secrétaire d’État de cette plaidoirie, qui me semble aller dans notre sens. Nous partageons le sentiment qu’émerge un besoin nouveau chez les contributeurs à ce type de regroupements et de mises en commun de données et d’actions. Il faut poursuivre la réflexion pour répondre à cette attente.
Le numérique offre des possibilités inédites. Il serait dommage de ne pas faire évoluer les formes du droit pour répondre aux besoins nouveaux de regroupement des capacités. La République numérique mérite de l’audace juridique !
Cela dit, je retire cet amendement, monsieur le président.
M. le président. L’amendement n° 405 est retiré.
Article 25 bis (nouveau)
Au 4° du II de l’article 27 de la loi n° 78-17 du 6 janvier 1978 relative à l’informatique, aux fichiers et aux libertés, après les mots : « téléservices de l’administration électronique », sont insérés les mots : « tels que définis à l’article 1er de l’ordonnance n° 2005-1516 du 8 décembre 2005 relative aux échanges électroniques entre les usagers et les autorités administratives et entre les autorités administratives, ».
M. le président. L’amendement n° 640, présenté par M. Frassa, au nom de la commission des lois, est ainsi libellé :
Supprimer cet article.
La parole est à M. le rapporteur.
M. Christophe-André Frassa, rapporteur. Cet amendement vise à supprimer cet article, par coordination avec son déplacement après l’article 18 du présent texte, qui découle de l’adoption, hier, d’un amendement de Jean-Pierre Sueur.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. le président. En conséquence, l’article 25 bis est supprimé.
Chapitre II
Protection de la vie privée en ligne
Section 1
Protection des données à caractère personnel
Article additionnel avant l’article 26
M. le président. L’amendement n° 471, présenté par Mme Assassi, MM. Bosino, Abate et les membres du groupe communiste républicain et citoyen, est ainsi libellé :
Avant l’article 26
Insérer un article additionnel ainsi rédigé :
Après le deuxième alinéa de l’article 2 de la loi n° 78-17 du 6 janvier 1978 relative à l’informatique, aux fichiers et aux libertés, il est inséré un alinéa ainsi rédigé :
« Constitue un réseau indivisible de données, les données à caractère personnel relatives à plusieurs personnes physiques identifiées ou qui peuvent être identifiées, directement ou indirectement, et qui sont liées entre elles dans un ou des systèmes de traitement informatique. »
La parole est à Mme Brigitte Gonthier-Maurin.
Mme Brigitte Gonthier-Maurin. Cette présentation vaudra également pour l’amendement n° 472.
Par cet amendement d’appel, nous entendons reprendre la discussion qui avait été amorcée en séance publique à l’Assemblée nationale par notre collègue députée Delphine Batho.
Les données personnelles sont les informations renseignant, directement ou indirectement, sur un individu identifié. Comme telles, elles appellent la mise en place d’un droit individuel, afin de protéger, notamment, la vie privée. C’est pourquoi les réflexions juridiques en cours tendent à renforcer et à confirmer le droit exclusif de chacun sur les données qui lui sont relatives.
Il en est ainsi de l’article 26, qui consacre le droit de toute personne à contrôler l’usage des données personnelles qui la concernent, sans aller toutefois vers la reconnaissance d’un droit de propriété sur celles-ci.
Toutefois, nous restons enfermés dans une conception individuelle des données, qui ignore la nécessité d’une dimension collective de leur protection. En effet, tous les dispositifs juridiques se fondent sur le présupposé que la donnée personnelle est autonome et qu’elle ne renseigne que sur un seul individu. Elle serait ainsi indépendante et formerait une entité en soi, soumise au droit d’un seul.
Or cela n’est pas toujours vrai. Les données personnelles ne sont pas isolables. Ainsi, donner accès à sa liste de contacts, à ses photos, à son agenda, à son courrier et à sa position engage mécaniquement les données personnelles d’autrui, sur lesquelles on ne dispose d’aucun droit.
Très concrètement, l’utilisation des données personnelles par les géants de l’internet ne se fait, justement, qu’en les croisant massivement avec celles de millions d’anonymes. Google ou Facebook privilégient les approches en réseau quand ils écrivent leurs algorithmes. Pour cette raison, la donnée personnelle prise isolément n’a que peu de valeur dans les faits pour ces entreprises.
Ainsi que cela a été très justement souligné par Delphine Batho lors des débats à l’Assemblée nationale, nous passons à côté de ce qui pose aujourd’hui problème : « En clair, nos données personnelles sont certes anonymisées, mais elles sont agrégées massivement par des programmes informatiques qui modélisent et prévoient collectivement nos comportements. »
Il est donc nécessaire de réfléchir également à une protection de ce réseau de données. Tel est l’objet de cet amendement.
M. le président. Quel est l’avis de la commission ?
M. Christophe-André Frassa, rapporteur. Cet amendement vise à définir la notion de « réseau indivisible de données ». Si j’en comprends la finalité et la conception qui la sous-tend, je ne suis pas certain de la portée normative de cette notion, ni de son intérêt pour définir des règles de droit.
En outre, les dispositions de cet amendement présentent une difficulté en ce que la définition d’un réseau indivisible de données pourrait s’appliquer à un très grand nombre de systèmes de traitement de données, dès lors qu’un lien indirect est établi.
Il me semble comprendre que cet amendement a pour objet de définir comme réseau indivisible de données Facebook, Google et autres grands opérateurs et grands réseaux. Or une telle définition est susceptible de s’appliquer à tous les systèmes de données indirectement connectées. Nous allons donc diverger quant à la conclusion : une telle proposition pose problème à la commission des lois.
Chère collègue, je vous demande donc de bien vouloir retirer cet amendement, même si j’en comprends l’esprit.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
Mme Axelle Lemaire, secrétaire d’État. Madame la sénatrice, vous posez une bonne question, et nous visons le même objectif, voire le même idéal, en utilisant des mots différents.
Vous vous appuyez sur la notion de réseau indivisible de données personnelles, qui n’est pas juridique et qui me paraît un peu absconse. Ce qu’elle recouvre n’apparaît pas très clairement. Je considère, en revanche, que votre objectif est pleinement satisfait par le titre II de ce projet de loi.
Face à la massification de la collecte des données, de leur réutilisation et de leur exploitation, il est essentiel de réaffirmer la place de l’individu et de ses données dans l’environnement numérique. Tel est l’objet du principe d’ordre général de libre disposition des données, principe qui sera ensuite décliné de manière opérationnelle par la jurisprudence.
Il s’agit de partir du particulier et de ses données personnelles, mais aussi de ses données d’usage. Cette loi se distingue ainsi de la loi de 1978, car ces données dont la nature n’est plus seulement personnelle donnent lieu à la création de valeur informationnelle et économique.
À partir du principe général de libre disposition des données, nous créons, par exemple, le droit à la portabilité des données, qui s’étend des données personnelles jusqu’aux données d’usage. Nous ne parlons donc plus seulement de consommateurs, mais bien d’utilisateurs.
Quant aux pratiques de mutualisation que vous souhaitez faire connaître, nous en avons débattu à l’occasion des amendements défendus par M. Leconte. L’histoire va en effet dans ce sens et nous devrons sans doute définir de nouveaux contours juridiques.
Tel est l’objet, par exemple, de la meilleure articulation entre la CNIL et la CADA que nous prônons. Le mélange de données personnelles, privées, commerciales, publiques ou d’usage est de plus en plus fréquent. Il importe donc d’édicter des principes généraux, afin que les particuliers puissent conserver la maîtrise des données qu’ils produisent, au-delà des données personnelles.
Enfin, nous refusons d’introduire dans ce texte le principe de propriété de la donnée. Il peut sembler séduisant d’affirmer le droit de propriété de chaque individu sur ses données, mais, en contrepartie, ce qui relève de la propriété privée peut faire l’objet de commerce, ce que nous ne souhaitons pas.
Le Gouvernement demande donc le retrait de cet amendement.
M. le président. Madame Gonthier-Maurin, l’amendement n° 471 est-il maintenu ?
Mme Brigitte Gonthier-Maurin. Je ne suis pas convaincue que le titre II de ce texte suffise à offrir la sécurité nécessaire.
Il s’agissait ici pour nous d’amorcer un débat, car, la donnée restant bien entendu individuelle, la sécurisation l’est également. Il n’est pas certain, à mon sens, que les informations nées de l’interconnexion bénéficient de la même protection.
Quoi qu'il en soit, je retire mon amendement, monsieur le président.
M. le président. L’amendement n° 471 est retiré.
Article 26
(Non modifié)
L’article 1er de la loi n° 78-17 du 6 janvier 1978 précitée est complété par un alinéa ainsi rédigé :
« Toute personne dispose du droit de décider et de contrôler les usages qui sont faits des données à caractère personnel la concernant, dans les conditions fixées par la présente loi. »
M. le président. L’amendement n° 472, présenté par Mme Assassi, MM. Bosino, Abate et les membres du groupe communiste républicain et citoyen, est ainsi libellé :
Alinéa 2
Compléter cet alinéa par une phrase ainsi rédigée :
Les données à caractère personnel, lorsqu’elles forment un réseau indivisible de données liées qui concernent plusieurs personnes physiques, constituent un bien commun qui n’appartient à personne et dont l’usage est commun à tous, dont la protection et le contrôle des usages sont régis par la présente loi.
Cet amendement a été précédemment défendu.
Quel est l’avis de la commission ?
M. Christophe-André Frassa, rapporteur. La commission demande le retrait de cet amendement, pour les raisons évoquées précédemment.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. le président. Madame Gonthier-Maurin, l’amendement n° 472 est-il maintenu ?
Mme Brigitte Gonthier-Maurin. Non, je le retire, monsieur le président.
M. le président. L’amendement n° 472 est retiré.
Je mets aux voix l’article 26.
(L’article 26 est adopté.)
Articles additionnels après l’article 26
M. le président. Je suis saisi de trois amendements identiques.
L’amendement n° 46 rectifié bis est présenté par MM. Grand et Milon, Mmes Garriaud-Maylam et Giudicelli, MM. Vasselle, Gilles, Rapin et Pellevat, Mme Micouleau, MM. Lefèvre, Bizet, Masclet, Chasseing, Charon et Laménie, Mme Deroche et M. Husson.
L’amendement n° 109 rectifié est présenté par Mme Morin-Desailly et M. L. Hervé.
L’amendement n° 234 est présenté par MM. Rome, Sueur, Raoul, Leconte et Camani, Mme D. Gillot, MM. F. Marc, Assouline, Guillaume et les membres du groupe socialiste et républicain.
Ces trois amendements sont ainsi libellés :
Après l’article 26
Insérer un article additionnel ainsi rédigé :
À la première phrase du 1° du I de l’article 5 de la loi n° 78-17 du 6 janvier 1978 relative à l’informatique, aux fichiers et aux libertés, après les mots : « le responsable », sont insérés les mots : « ou son sous-traitant ».
Les amendements nos 46 rectifié bis et 109 rectifié ne sont pas soutenus.
La parole est à M. Yves Rome, pour présenter l’amendement n° 234.
M. Yves Rome. Les dispositions de cet amendement nous placent au cœur de la question de la loyauté des plateformes, de l’information des consommateurs et de la protection des données à caractère personnel.
Le e-commerce s’est fortement développé ces dernières années, et plus de quatre cinquièmes des transactions en ligne sont payées par carte bancaire. Comment cela se passe-t-il concrètement ?
La CNIL, sur le fondement de l’article 7 de la loi Informatique et libertés de 1978, a fixé la règle suivante : une plateforme peut conserver le numéro de carte bancaire de son client à condition d’avoir recueilli le consentement préalable du client, qui doit être explicite, et de lui donner la possibilité de retirer sans frais son consentement à la conservation de ses données bancaires.
Comme nous l’a indiqué récemment la FNAC, cela ne se passe pas ainsi en pratique. Si, sur le site de cette entreprise française, une sauvegarde des données bancaires est soumise au consentement explicite et préalable du client, il n’en va pas de même sur le site d’une autre grande plateforme. Amazon, en effet, effectue une sauvegarde automatique, sans consentement préalable du client.
Cette différence de traitement s’explique par le fait que le traitement des données personnelles de la multinationale Amazon est opéré au Luxembourg et relève donc de la législation de cet État, et non du droit français, seul un sous-traitant étant installé dans notre pays.
L’objet de cet amendement est donc de répondre à ce problème, qui porte atteinte à la protection des données personnelles des consommateurs : l’article 5 de la loi « informatique et libertés » dispose que sont soumis à la loi française les traitements de données dont le responsable est établi sur le territoire national.
Par ailleurs, il me semble important de défendre nos entreprises françaises face aux oligopoles des multinationales qui s’exonèrent de nos législations. Il s’agit également de répondre aux craintes de nombre de nos concitoyens, qui ont aujourd’hui peur du e-commerce et qui ne souhaitent pas laisser leurs coordonnées bancaires sur des plateformes sans que leur consentement leur soit demandé.
M. le président. Quel est l’avis de la commission ?
M. Christophe-André Frassa, rapporteur. Cet amendement vise à appliquer les obligations de la loi relative à l’informatique, aux fichiers et aux libertés aux sous-traitants d’un traitement automatisé de données établis sur le territoire français.
La pertinence de cet amendement au regard du droit existant me semble toutefois difficile à percevoir. Par son article 5, la loi Informatique et libertés soumet d’ores et déjà à son application « les traitements de données à caractère personnel […] dont le responsable est établi sur le territoire français », mais aussi ceux « dont le responsable, sans être établi sur le territoire français ou sur celui d’un autre État membre de la Communauté européenne, recourt à des moyens de traitement situés sur le territoire français ».
Cette disposition me semble couvrir la situation d’une entreprise établie à l’étranger et dont ce que vous appelez le « sous-traitant » se trouverait en France. La loi s’applique naturellement à ces traitements de données à caractère personnel.
De plus, pour tous ces traitements, la loi dispose également d’ores et déjà que pour l’exercice de ses obligations des représentants établis sur le territoire français doivent être nommés.
Mon cher collègue, cet amendement me semblant satisfait, je vous suggère de le retirer.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
Mme Axelle Lemaire, secrétaire d’État. Monsieur le sénateur, le sujet que vous évoquez est important. Vous souhaitez que la loi Informatique et libertés soit applicable aux sous-traitants en France lorsque le responsable du traitement des données collectées n’est pas situé sur le territoire national.
M. Yves Rome. C’est cela.
Mme Axelle Lemaire, secrétaire d’État. La FNAC étant entièrement domiciliée en France, la loi s’applique entièrement à elle. Vous souhaitez que personne n’échappe aux exigences de cette loi par un détournement de son applicabilité.
M. Yves Rome. Voilà !
Mme Axelle Lemaire, secrétaire d’État. Il est en effet très difficile de justifier qu’une simple domiciliation juridique dans un autre pays européen permette à une grande entreprise d’échapper à l’application de la loi française, alors que la qualification de sous-traitant se fait en France.
Or la France a porté ce sujet très fermement à Bruxelles. Vous savez que nous avons débattu de l’extension du règlement européen sur les données personnelles aux sous-traitants. L’enjeu était l’harmonisation forte du droit à la protection des données personnelles à l’échelle de toute l’Union européenne, applicable à l’ensemble de ses vingt-huit pays. La position du gouvernement français l’a emporté.
Nous connaissons tous le dumping fiscal ou social, mais le data dumping, c'est-à-dire le dumping des données, est encore inconnu du grand public, et il ne m’était guère familier. Des entreprises se domicilient ainsi dans un pays afin de bénéficier de la loi la moins protectrice des données personnelles. Pour lutter contre ce phénomène, il était important d’adopter un règlement européen harmonisant la protection des données personnelles à l’échelle de l’Union. Or nous avons réussi : le règlement a été adopté et sera publié dans quelques jours ou quelques semaines.
Alors qu’il est difficile de faire avancer l’Europe dans d’autres domaines, fiscaux et sociaux, les intérêts en jeu ici ont suffi à provoquer une prise de conscience dans l’ensemble des pays européens quant à l’importance d’harmoniser la réglementation en matière de données.
L’article 3 de ce règlement confère ainsi au sous-traitant une responsabilité dont celui-ci ne dispose pas aujourd’hui et dispose que le règlement s’applique aux « activités […] d’un responsable du traitement de données ou d’un sous-traitant sur le territoire de l’Union. »
Je vais demander le retrait de cet amendement, parce que, avant la mise en œuvre concrète de ce règlement dans notre pays, je crains que l’adoption immédiate d’une disposition à caractère exclusivement national ne donne lieu à des effets de bord, peut-être pas pour la FNAC, mais pour d’autres entreprises françaises de l’économie numérique, qui sont performantes et qui respectent la loi, et qui seraient placées en position de concurrence déloyale par rapport à des entreprises situées dans d’autres pays. Ce serait contre-productif, mais, vous l’aurez compris, nous sommes très engagés sur ce sujet au niveau européen.
Le Gouvernement demande donc le retrait de cet amendement.
M. le président. Monsieur Rome, l’amendement n° 234 est-il maintenu ?
M. Yves Rome. J’ai été convaincu par les explications de Mme la secrétaire d’État, bien plus d'ailleurs que par celles de M. le rapporteur.
M. Christophe-André Frassa, rapporteur. Oh ! Vous m’étonnez. (Sourires.)
M. Yves Rome. Je retire donc cet amendement, monsieur le président.
M. le président. L’amendement n° 234 est retiré.
L’amendement n° 473 rectifié, présenté par Mme Assassi, MM. Bosino, Abate et les membres du groupe communiste républicain et citoyen, est ainsi libellé :
Après l’article 26
Insérer un article additionnel ainsi rédigé :
L’article 6 de la loi n° 78-17 du 6 janvier 1978 relative à l’informatique, aux fichiers et aux libertés est complété par un 6° ainsi rédigé :
« 6° Elles sont stockées dans un centre de données situé sur le territoire de l’un des États membres de l’Union européenne, et, sans préjudice des engagements internationaux de la France et de l’Union européenne, ne peuvent faire l’objet d’aucun transfert vers un État tiers. »
La parole est à Mme Brigitte Gonthier-Maurin.
Mme Brigitte Gonthier-Maurin. Avec la globalisation des échanges et l’utilisation croissante des nouvelles technologies, le nombre de transferts de données hors de France ne cesse de croître.
Or, comme le rappelle la CNIL, les transferts de données à caractère personnel hors du territoire de l’Union européenne sont en principe interdits, à moins que le pays ou le destinataire n’assure un niveau de protection suffisant.
Pour les transferts de données personnelles vers ces pays, plusieurs outils ont été développés, afin de permettre aux acteurs d’apporter un niveau de protection suffisant. La loi prévoit également des exceptions permettant de transférer des données vers des pays tiers, sans pour autant que le niveau de protection soit suffisant.
Nous proposons par cet amendement d’imposer le stockage des données personnelles des citoyens français sur le territoire européen, afin de s’assurer de l’applicabilité des dispositions législatives prises au niveau européen en matière de protection des données personnelles.
Cet amendement est notamment conforté par les décisions de la Cour de justice de l’Union européenne du 6 octobre 2015, qui a invalidé le mécanisme d’adéquation Safe Harbor permettant le transfert de données vers des entreprises adhérentes aux États-Unis.
Cet accord très controversé a notamment été mis à mal par les révélations d’Edward Snowden sur les programmes de surveillance de masse de la NSA en 2013.
Les adversaires du Safe Harbor avaient alors déposé plusieurs plaintes contre Facebook, estimant que ces révélations montraient que les données personnelles des Européens n’étaient en fait pas protégées lorsqu’elles étaient stockées aux États-Unis. Ils ont obtenu gain de cause, la Cour de justice ayant considéré que les programmes de surveillance de masse des États-Unis étaient incompatibles avec une protection adéquate des droits des citoyens européens.
En écho à cette évolution, nous proposons de protéger les données personnelles de nos concitoyens en prévoyant une obligation de stockage sur le territoire européen, dans le respect des accords internationaux.
M. le président. Le sous-amendement n° 661, présenté par M. Requier, Mme Laborde et M. Mézard n’est pas soutenu.
Quel est l’avis de la commission sur l'amendement n° 473 rectifié ?
M. Christophe-André Frassa, rapporteur. Madame Gonthier-Maurin, vous proposez un amendement très intéressant sur un sujet important. Il vise à imposer que toute donnée à caractère personnel d’un citoyen français soit stockée dans un centre de données situé dans l’un des États membres de l’Union européenne. Une telle disposition contribuerait à affirmer notre souveraineté numérique.
Cet amendement tend également à empêcher tout transfert de données personnelles vers un État tiers, sauf en application des engagements internationaux de l’Union européenne.
La commission avait émis un avis favorable sur cet amendement, sous réserve d’une rectification visant à exclure également les engagements internationaux de la France, ce que vous avez bien voulu faire.
Sur cet amendement ainsi rectifié, la commission émet donc un avis favorable.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
Mme Axelle Lemaire, secrétaire d'État. Madame Gonthier-Maurin, je vous remercie de soulever la question fondamentale de la localisation du stockage et du transfert des fichiers de données personnelles. Il n’est pas possible de parler de numérique en 2016 sans aborder ces sujets.
Faut-il toutefois les traiter au niveau national seulement, et non, a minima, au niveau européen ? À titre personnel, j’aurais tendance à vouloir aller plus loin. Je crois que nous aurions besoin d’un traité international en la matière.
À l’heure actuelle, le droit interdit le transfert de données en dehors de l’Union européenne. Il faut bien distinguer la circulation des données au sein de l’Union européenne, ces dernières faisant, comme les personnes, l’objet d’une libre circulation, et le transfert de données européennes en dehors de l’Union européenne.
Pourquoi encourager la libre circulation des données au sein de l’Union européenne ? Parce que, grâce au règlement européen susvisé qui vient d’être adopté, nous disposerons d’un cadre sécurisé et harmonisé en matière de législation protectrice des données personnelles.
L’enjeu est donc d’appliquer les standards européens au transfert de données en dehors de l’Union européenne. C’est l’objet de l’annulation par la Cour de justice de l’Union européenne de l’accord Safe Harbor entre l’Europe et les États-Unis.
La Commission européenne a récemment fait connaître le nouvel accord, nommé Privacy Shield, c'est-à-dire « bouclier de la vie privée », dans une mauvaise traduction, négocié pour remplacer l’accord précédemment annulé par la Cour de justice de l’Union européenne. Or le groupe dit « des vingt-neuf », qui réunit l’ensemble des homologues européens de la CNIL et qui est placé sous la présidence de cette dernière, a rendu un avis assez mitigé sur le contenu de cet accord, dont je précise qu’il est encore en cours de discussion.
Vous aurez compris que la portée d’un article visant à rendre obligatoire dans la loi française la localisation de l’ensemble des données sur le territoire français serait très limitée.
J’ajouterai que cette obligation existe déjà concernant certains types de données dites « sensibles », telles que les données de santé, les données biométriques, par exemple liées à l’ADN des personnes, les données liées à des infractions commises ou au casier judiciaire, sans compter naturellement les informations liées à la défense nationale et à la sécurité publique.
Un certain nombre d’exceptions sont ainsi prévues pour des données dites « sensibles », y compris pour les transferts de données au sein de l’Union européenne. Peut-être pourrions-nous discuter de l’opportunité d’allonger cette liste. Le débat existe par exemple pour les données scolaires. En tout cas, les données concernant des mineurs devraient être localisées sur le territoire national.
Si la France veut peser, il me semble que c’est dans le cadre des négociations européennes, vis-à-vis notamment des États-Unis, qu’elle peut le faire. Pour avoir un impact plus important, peut-être le Parlement pourrait-il se prononcer officiellement et publiquement sur l’état des discussions en cours concernant l’accord Privacy Shield ?
Mesdames, messieurs les sénateurs, j’espère vous avoir convaincus que la disposition proposée par l’amendement n° 473 rectifié n’apporte pas de réponse adaptée à ce problème très important.
Le Gouvernement sollicite donc le retrait de cet amendement. À défaut, il émettra un avis défavorable.
M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 473 rectifié.
J'ai été saisi d'une demande de scrutin public émanant du groupe CRC.
Je rappelle que l'avis de la commission est favorable et que celui du Gouvernement est défavorable.
Il va être procédé au scrutin dans les conditions fixées par l'article 56 du règlement.
Le scrutin est ouvert.
(Le scrutin a lieu.)
M. le président. Personne ne demande plus à voter ?…
Le scrutin est clos.
J'invite Mmes et MM. les secrétaires à procéder au dépouillement du scrutin.
(Il est procédé au dépouillement du scrutin.)
M. le président. Voici, compte tenu de l’ensemble des délégations de vote accordées par les sénateurs aux groupes politiques et notifiées à la présidence, le résultat du scrutin n° 208 :
Nombre de votants | 303 |
Nombre de suffrages exprimés | 287 |
Pour l’adoption | 287 |
Le Sénat a adopté.
En conséquence, un article additionnel ainsi rédigé est inséré dans le projet de loi, après l’article 26
Article 26 bis
(Supprimé)
Article 26 ter
(Non modifié)
Au premier alinéa de l’article 31 de la loi n° 78-17 du 6 janvier 1978 précitée, après le mot : « public », sont insérés les mots : « , dans un format ouvert et aisément réutilisable, ». – (Adopté.)
M. le président. Mes chers collègues, nous allons maintenant interrompre nos travaux ; nous les reprendrons à quatorze heures trente.
J’attire votre attention sur le fait qu’il nous reste 209 amendements à examiner et que, si nous continuons à ce rythme, nous allons devoir prendre des dispositions pour poursuivre l’examen de ce texte au-delà de lundi soir.
La séance est suspendue.
(La séance, suspendue à douze heures quarante, est reprise à quatorze heures trente.)
M. le président. La séance est reprise.
Nous reprenons la discussion du projet de loi, adopté par l’Assemblée nationale après engagement de la procédure accélérée, pour une République numérique.
Dans la discussion du texte de la commission, nous en sommes parvenus à l’amendement n° 378 rectifié bis tendant à insérer un article additionnel après l’article 26 ter.
Article additionnel après l’article 26 ter
M. le président. L'amendement n° 378 rectifié bis, présenté par Mme D. Gillot, M. Sueur et les membres du groupe socialiste et républicain, est ainsi libellé :
Après l’article 26 ter
Insérer un article additionnel ainsi rédigé :
L’article 58 de la loi n° 78-17 du 6 janvier 1978 relative à l’informatique, aux fichiers et aux libertés est ainsi rédigé :
« Art. 58. – Sont destinataires de l’information et exercent les droits prévus aux articles 56 et 57 les titulaires de l’exercice de l’autorité parentale, pour les mineurs, ou le représentant légal pour les personnes faisant l’objet d’une mesure de tutelle.
« Par dérogation au premier alinéa, pour les traitements de données à caractère personnel réalisés dans le cadre de recherches mentionnées au 2° et au 3° de l’article L. 1121-1 du code de la santé publique ou d’études ou d’évaluations dans le domaine de la santé, ayant une finalité d’intérêt public et incluant des personnes mineures, l’information préalable prévue au I de l’article 57 peut être effectuée auprès d’un seul des titulaires de l’exercice de l’autorité parentale, s’il est impossible d’informer l’autre titulaire ou s’il ne peut être consulté dans des délais compatibles avec les exigences méthodologiques propres à la réalisation de la recherche, de l’étude ou de l’évaluation au regard de ses finalités. Le présent alinéa ne fait pas obstacle à l’exercice ultérieur, par chaque titulaire de l’exercice de l’autorité parentale, des droits d’accès, de rectification et d’opposition.
« Pour les mêmes traitements, le mineur âgé de quinze ans ou plus peut s’opposer à ce que les titulaires de l’exercice de l’autorité parentale aient accès aux données le concernant recueillies au cours de la recherche, de l’étude ou de l’évaluation. Le mineur reçoit alors l’information prévue aux articles 56 et 57 et exerce seul ses droits d’accès, de rectification et d’opposition.
« Pour les traitements mentionnés au deuxième alinéa du présent article, le mineur âgé de quinze ans ou plus peut s’opposer à ce que les titulaires de l’exercice de l’autorité parentale soient informés du traitement de données si le fait d’y participer conduit à révéler une information sur une action de prévention, un dépistage, un diagnostic, un traitement ou une intervention pour laquelle le mineur s’est expressément opposé à la consultation des titulaires de l’autorité parentale en application des articles L. 1111-5 et L. 1111-5-1 du code de la santé publique ou si les liens de famille sont rompus et que le mineur bénéficie à titre personnel du remboursement des prestations en nature de l’assurance maladie et maternité et de la couverture complémentaire mise en place par la loi n° 99-641 du 27 juillet 1999 portant création d’une couverture maladie universelle. Il exerce alors seul ses droits d’accès, de rectification et d’opposition. »
La parole est à M. Roland Courteau.
M. Roland Courteau. Cet amendement vise à aligner le droit issu de la loi Informatique et libertés sur celui du code de la santé publique concernant l’exercice de l’autorité parentale lorsque des mineurs participent à certaines études ou à des enquêtes en santé publique ne présentant aucun risque pour les mineurs.
Les dispositions de cet amendement font suite à un courrier de la présidente de la CNIL à Marisol Touraine en janvier 2016 demandant une modification des dispositions de la loi Informatique et libertés. Ce dernier texte exige aujourd'hui l’autorisation systématique des deux parents pour le traitement des données relatives aux mineurs participant à des études ou enquêtes, y compris lorsque le code de la santé publique prévoit que l’autorisation d’un seul parent est requise, champ limité aux études ne présentant aucun risque ou un risque minime pour le mineur.
Les mineurs peuvent recevoir des soins tels qu’une interruption volontaire de grossesse, ou IVG, ou la prescription de contraceptifs, sans autorisation de leurs parents. À l’heure actuelle, une mineure peut par exemple recourir à la contraception sans autorisation de ses parents, mais elle ne peut participer à une enquête ou à une étude nationale sur la contraception sans que ses parents autorisent le traitement des données et soient informés des réponses données par leur enfant.
Autre exemple : un enfant dont le père ou la mère aurait rompu avec le foyer ne pourrait être inclus dans une étude nationale, puisque l’autorisation de ce dernier ou de cette dernière ne pourrait être obtenue.
Je précise que l’INSERM, l'Institut national de la santé et de la recherche médicale, est particulièrement attentif au sort que le Sénat réservera à cet amendement. Il permettra en effet à la CNIL d’autoriser l’inclusion des mineurs dans les études en cours pour lesquelles l’autorisation des deux parents est impossible à obtenir ou entraîne un biais dans les réponses fournies, par exemple pour des études sur le tabac, l’usage de drogues ou, entre autres, les comportements à risque.
Jusqu’à l’année dernière, la CNIL autorisait de manière exceptionnelle et encadrée les recherches de ce type sans l’autorisation des deux parents. Ce changement de jurisprudence justifie la disposition que vise à introduire cet amendement.
M. le président. Quel est l’avis de la commission ?
M. Christophe-André Frassa, rapporteur. Monsieur Courteau, l’article 58 de la loi Informatique et libertés prévoit que l’autorisation d’utilisation des données d’un mineur à des fins de recherche en santé est donnée par les titulaires de l’autorité parentale.
L’amendement que vous proposez vise à préciser ce régime juridique, afin, premièrement, de lever la difficulté qui se pose lorsqu’un des parents n’est pas joignable dans le temps de l’étude, puisque l’autorisation d’un seul suffirait – en revanche, dans le cas d’une opposition attestée de l’autre parent, celle-ci ne pourrait être vaincue que par un recours au juge aux affaires familiales ; et, deuxièmement, de donner plus de droits au mineur âgé de plus de quinze ans : il pourrait donc s’opposer à ce que les titulaires de l’autorité parentale aient accès aux données collectées, voire, dans le cas d’un dépistage, à ce qu’ils en soient informés.
Mon cher collègue, le dispositif que vous avez rectifié à la demande de la commission des lois étant désormais équilibré, j’émets un avis favorable sur cet amendement.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
Mme Axelle Lemaire, secrétaire d'État. Cette disposition permettra de faire évoluer le droit dans le sens d’une plus grande protection des mineurs et elle permettra des politiques de santé publique plus efficaces.
Le Gouvernement émet donc un avis favorable sur cet amendement.
M. le président. En conséquence, un article additionnel ainsi rédigé est inséré dans le projet de loi, après l’article 26.
Article 27
Après le 7° du I de l’article 32 de la loi n° 78-17 du 6 janvier 1978 précitée, il est inséré un 8° ainsi rédigé :
« 8° De la durée de conservation des catégories de données traitées ou, en cas d’impossibilité, des critères utilisés permettant de déterminer cette durée. » – (Adopté.)
Article 28
I (Non modifié). – La section 2 du chapitre V de la loi n° 78-17 du 6 janvier 1978 précitée est complétée par un article 43 bis ainsi rédigé :
« Art. 43 bis. – Sauf dans le cas prévu au 1° du I de l’article 26, lorsque le responsable de traitement a collecté des données à caractère personnel par voie électronique, il permet à toute personne d’exercer par voie électronique les droits prévus au présent chapitre.
« Lorsque le responsable du traitement est une autorité administrative au sens du I de l’article 1er de l’ordonnance n° 2005-1516 du 8 décembre 2005 relative aux échanges électroniques entre les usagers et les autorités administratives et entre les autorités administratives, le principe énoncé au premier alinéa du présent article est mis en œuvre dans les conditions fixées aux articles L. 112-7 et suivants du code des relations entre le public et l’administration. »
I bis (nouveau). – Le I entre en vigueur en même temps que la proposition 2012/0011/COD de règlement du Parlement européen et du Conseil relatif à la protection des personnes physiques à l’égard du traitement des données à caractère personnel et à la libre circulation de ces données (règlement général sur la protection des données).
II (Non modifié). – L’article L. 112-10 du code des relations entre le public et l’administration est complété par un alinéa ainsi rédigé :
« Le premier alinéa du présent article s’applique lorsque, en application de l’article 43 bis de la loi n° 78-17 du 6 janvier 1978 relative à l’informatique, aux fichiers et aux libertés, l’autorité administrative doit permettre à toute personne d’exercer par voie électronique les droits prévus au chapitre V de la même loi. »
M. le président. L'amendement n° 236, présenté par MM. Sueur, Leconte, Rome et Camani, Mme D. Gillot, MM. F. Marc, Assouline, Guillaume et les membres du groupe socialiste et républicain, est ainsi libellé :
Alinéa 4
Supprimer cet alinéa.
La parole est à M. Yves Rome.
M. Yves Rome. La commission des lois propose de faire coïncider l’entrée en vigueur de l’article 43 bis nouveau introduit dans la loi du 6 janvier 1978 par l’article 28 du projet de loi et celles du futur règlement européen sur la protection générale des données personnelles.
L’article 43 bis permettra aux personnes d’exercer par voie électronique leurs droits reconnus par la loi Informatique et libertés. Il constitue une mesure de simplification et une avancée en matière de protection des droits.
Il n’est donc ni souhaitable ni justifié d’en reporter l’application jusqu’à celle de l’entrée en vigueur du règlement européen sur la protection des données à caractère personnel, cette dernière devant intervenir seulement dans le courant de l’année 2018. D’ici là, il importe que les personnes puissent exercer les droits prévus par la loi Informatique et libertés de façon souple et aisée, notamment par voie de communication en ligne.
M. le président. Quel est l’avis de la commission ?
M. Christophe-André Frassa, rapporteur. Cet amendement tend à revenir sur une modification apportée par la commission, qui avait fait coïncider l’entrée en vigueur des dispositions relatives à l’exercice des droits reconnus par la loi Informatique et libertés avec l’entrée en vigueur du règlement européen sur protection des données personnelles.
En effet, les dispositions prévues à l’article 28 permettent à toute personne dont les données ont été collectées par voie électronique d’exercer les droits d’information, d’accès, d’opposition et de rectification des données par internet. Cette mesure est potentiellement une source de simplification indéniable.
Or, contrairement à ce qu’affirme l’étude d’impact, cette mesure n’est pas « sans impact financier » pour les personnes morales responsables des traitements de données à caractère personnel. Par exemple, toutes ne disposent pas d’un mécanisme permettant l’exercice des droits en ligne.
Imposer une telle mesure susceptible de susciter des demandes massives sans aucune préparation n’est simplement pas sérieux. La désignation d’un correspondant « informatique et libertés » n’est pas rendue obligatoire dans le texte proposé par le Gouvernement, mais l’on imposerait à tout responsable d’un traitement de données à caractère personnel de gérer l’exercice des droits par internet. Cette mesure est une bonne mesure, mais elle demande que les acteurs s’y préparent, d’où une entrée en vigueur différée.
Enfin, lors des auditions, ont notamment été soulevées les difficultés liées à la sécurisation de l’envoi de pièce d’identité. En effet, un tel envoi est nécessaire pour prouver son identité afin d’exercer le droit d’accès. Et sans préparation, il faut craindre des envois massifs, peut-être simplement sous forme de pièce jointe dans un e-mail, avec un risque important de détournement par un tiers. Ce problème exige que soit élaborée une solution permettant facilement à tout demandeur de prouver son identité sans risque.
Vous le voyez, mon cher collègue, une telle mesure doit être préparée et anticipée par les personnes morales concernées. Pour toutes ces raisons, la commission sollicite le retrait de cet amendement.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
Mme Axelle Lemaire, secrétaire d'État. Je suis en désaccord avec M. le rapporteur sur ce sujet. Je ne vois franchement aucune raison de différer l’entrée en vigueur de cette mesure à 2018.
Il s’agit de demander à des fournisseurs de services en ligne qui collectent des données personnelles de nos concitoyens d’offrir une solution dématérialisée pour le droit d’opposition au traitement de leurs données personnelles. Il est étonnant que ce ne soit pas déjà possible !
Aujourd'hui, quand on veut saisir la CNIL ou une entreprise concernant le traitement de données, il faut envoyer un courrier papier, avec un timbre, sans autre possibilité d’obtenir un accusé de réception que sous la forme de courrier papier, avec là encore un timbre.
Ce texte propose de préparer l’avenir tout en prenant acte des réalités du présent. Il doit être en phase avec la réalité quotidienne de nos concitoyens. Je trouverais absurde que cette obligation d’offrir une voie dématérialisée concernant les requêtes en matière de données personnelles ne soit pas introduite dans notre droit et appliquée dès que possible.
Le Gouvernement émet donc un avis favorable sur cet amendement.
M. le président. Je mets aux voix l'article 28, modifié.
(L'article 28 est adopté.)
Article 29
I. – Le 4° de l’article 11 de la loi n° 78-17 du 6 janvier 1978 précitée est ainsi modifié :
1° Le a est ainsi modifié :
a) La première phrase est ainsi rédigée :
« Elle est consultée sur tout projet de loi ou de décret ou toute disposition de projet de loi ou de décret relatif à la protection des personnes à l’égard des traitements automatisés. » ;
b) La seconde phrase est ainsi rédigée :
« L’avis de la commission sur un projet de loi est rendu public. » ;
c) Est ajoutée une phrase ainsi rédigée :
« Outre les cas prévus aux articles 26 et 27, lorsqu’une loi prévoit qu’un décret ou un arrêté est pris après avis de la commission, cet avis est publié avec le décret ou l’arrêté ; »
1° bis (Supprimé)
2° Après le d, est inséré un e ainsi rédigé :
« e) Elle promeut, dans le cadre de ses missions, l’utilisation des technologies protectrices de la vie privée, notamment les technologies de chiffrement des données. »
II (nouveau). – Après l’article 5 de la loi n° 78-17 du 6 janvier 1978 relative à l’informatique, aux fichiers et aux libertés, il est inséré un article 5-1 ainsi rédigé :
« Art. 5-1. – Le Comité consultatif national d’éthique, défini aux articles L. 1412-1 à L. 1412-6 du code de la santé publique, a également pour mission de conduire une réflexion sur les problèmes éthiques et les questions de société soulevés par l’évolution des technologies numériques, en impliquant des personnalités qualifiées et en organisant des débats publics.
« Les modalités d’application du présent article sont déterminées par un décret en Conseil d’État. »
M. le président. Je suis saisi de quatre amendements faisant l’objet d’une discussion commune.
L'amendement n° 352 rectifié, présenté par M. L. Hervé, n'est pas soutenu.
L'amendement n° 237, présenté par MM. Sueur, Leconte, Rome et Camani, Mme D. Gillot, MM. F. Marc, Assouline, Guillaume et les membres du groupe socialiste et républicain, est ainsi libellé :
Alinéa 4
Compléter cet alinéa par les mots :
ou comportant des dispositions relatives à la protection des données à caractère personnel ou au traitement de telles données
La parole est à M. Yves Rome.
M. Yves Rome. Selon le IV de l’article 11 de la loi du 6 janvier 1978, la CNIL est consultée sur tout projet de loi ou décret relatif à la protection des personnes à l’égard des traitements automatisés.
Le I de l’article 29 du projet de loi tend à compléter cette mission, afin de prévoir la consultation de la CNIL également sur toute disposition ou tout projet de loi ou de décret relatif à la protection des données à caractère personnel. Cette précision étend significativement le champ des textes sur lesquels la CNIL doit préalablement être consultée.
La commission des lois a limité, et je le regrette, l’obligation de consultation de la CNIL sur les projets de loi ou de décret à ceux qui comportent des dispositions relatives à la protection des personnes à l’égard des traitements automatisés.
La rédaction actuelle de la loi Informatique et libertés n’est pas complètement satisfaisante, d’une part, parce qu’elle exclut les traitements non automatisés pour lesquels la CNIL est cependant compétente, et, d’autre part, parce qu’elle donne lieu à interprétation, notamment dans le cas de textes comportant des dispositions relatives au traitement des données personnelles, mais dont l’objectif n’est pas la protection des personnes à l’égard de ces traitements.
Il convient donc d’étendre clairement la consultation de la CNIL à tous les textes comportant des dispositions relatives au traitement de données à caractère personnel.
M. le président. L'amendement n° 238, présenté par MM. Sueur, Leconte, Rome et Camani, Mme D. Gillot, MM. F. Marc, Assouline, Guillaume et les membres du groupe socialiste et républicain, est ainsi libellé :
Alinéa 9
Rétablir le 1° bis dans la rédaction suivante :
1° bis Après le a, il est inséré un a bis ainsi rédigé :
« a bis) Elle peut être consultée par le président d'une assemblée parlementaire sur une proposition de loi relative à la protection des personnes à l'égard des traitements automatisés ou comportant des dispositions relatives à la protection des données à caractère personnel ou au traitement de telles données et déposée par l'un des membres de cette assemblée, sauf si ce dernier s'y oppose, sans préjudice des prérogatives de la commission qui en est saisie.
« La commission dispose d'un délai de trois semaines à compter de la saisine pour rendre son avis. Ce délai est reconductible une fois par décision du président de la commission.
« À défaut de délibération dans les délais, l'avis de la commission est réputé avoir été rendu.
« L'avis de la commission est adressé au président de l'assemblée qui l'a saisie, qui le communique à l'auteur de la proposition et le rend public ; »
La parole est à M. Yves Rome.
M. Yves Rome. Cet amendement vise à rétablir une disposition, supprimée par la commission des lois, qui permettait aux présidents des assemblées parlementaires de saisir la CNIL pour avis sur une proposition de loi.
Cette disposition était pertinente, car elle prenait en compte l’initiative parlementaire dans le cadre de la procédure législative, au moment même où les propositions de loi comportent de plus en plus de dispositions intéressant la protection des données personnelles ou le traitement de telles données.
Elle s’inspire directement de la saisine pour avis du Conseil d'État sur une proposition de loi, mais contrairement au Conseil d'État, la CNIL est une autorité administrative indépendante. Dans ces conditions, si elle n’a pas jugé utile de solliciter directement le Parlement et de se prononcer de sa propre initiative, elle sera invitée à le faire lorsque le Parlement jugera utile de la saisir, ce qui constitue un renforcement des prérogatives du Parlement.
Nous proposons de rétablir le mécanisme de consultation de la CNIL par le président d’une assemblée parlementaire sur toute proposition de loi relative à la protection des personnes à l’égard des traitements automatisés ou comportant des dispositions relatives à la protection des données à caractère personnel ou au traitement de telles données, mais en prenant en considération les observations présentées par M. le rapporteur.
En effet, la CNIL disposerait pour rendre son avis d’un délai de trois semaines, et non de six, comme le prévoyait le texte adopté par l’Assemblée nationale. Nous convenons avec la commission des lois que le délai de six semaines reconductible une fois, prévu par les députés et particulièrement long, était peu compatible avec le droit et les pratiques parlementaires.
Je souligne que ce n’est pas une obligation, mais une faculté qu’il s’agit d’instaurer. Pour assurer le bon ordonnancement du dispositif, il est normal de prévoir un délai maximal ; c’est pourquoi, à défaut de délibération dans les six semaines, l’avis de la commission serait réputé rendu.
Par ailleurs, la commission des lois a considéré à juste titre que le droit d’opposition reconnu par les députés à l’auteur de la proposition de loi constituait un obstacle à l’exercice par la commission et son rapporteur de leur rôle constitutionnel dans l’examen d’un texte. Nous proposons donc que ce droit s’exerce sans préjudice des prérogatives de la commission saisie.
M. le président. L’amendement n° 239, présenté par MM. Leconte, Sueur, Rome et Camani, Mme D. Gillot, MM. F. Marc, Assouline, Guillaume et les membres du groupe socialiste et républicain, est ainsi libellé :
I. – Après l’alinéa 10
Insérer un alinéa ainsi rédigé :
« …) Elle conduit une réflexion sur les problèmes éthiques et les questions de société soulevés par l’évolution des technologies numériques, en impliquant des personnalités qualifiées et en organisant des débats publics ;
II. – Alinéas 12 à 14
Supprimer ces alinéas.
La parole est à M. Yves Rome.
M. Yves Rome. Cet amendement vise à confier à la CNIL la conduite d’une mission de réflexion éthique sur les questions de société soulevées par l’évolution des technologies numériques, en impliquant des personnalités qualifiées et en organisant des débats publics.
La CNIL, la plus ancienne des autorités administratives indépendantes, a été instituée dans un contexte particulier : sa création illustre la première prise de conscience par les pouvoirs publics des conséquences des traitements numérisés sur notre vie quotidienne et de la nécessité d’assurer la préservation des libertés individuelles. Bien identifiée par les citoyens, mais aussi par les professionnels, qui la consultent régulièrement, elle occupe dans notre paysage institutionnel une place singulière, qui lui a valu de ne pas être fusionnée avec le Défenseur des droits.
La défense de la liberté numérique relève bien de la compétence de la CNIL. D’ailleurs, dans le cadre de son activité d’innovation et de prospective, cette commission a mis en place une veille destinée à détecter et à analyser les technologies ou les mauvais usages pouvant avoir une incidence grave sur la vie privée ; ce travail touche nécessairement à la dimension éthique des technologies du numérique.
Je regrette que la commission des lois ait préféré confier cette mission de réflexion éthique au Comité consultatif national d’éthique, le CCNE, nonobstant la définition précise que donne le code de la santé publique des compétences de cet organisme : « Le Comité consultatif national d’éthique pour les sciences de la vie et de la santé a pour mission de donner des avis sur les problèmes éthiques et les questions de société soulevés par les progrès de la connaissance dans les domaines de la biologie, de la médecine et de la santé ».
Il est évident qu’il existe des recoupements entre les réflexions de la CNIL et du CCNE, le numérique pouvant avoir des conséquences sur la médecine et la santé.
Reconnaissez toutefois, mes chers collègues, qu’il serait beaucoup plus approprié qu’une réflexion sur l’éthique des technologies du numérique soit confiée à la première, qui est chargée de veiller à ce que le numérique soit au service des citoyens et ne porte atteinte ni à l’identité humaine, ni aux droits de l’homme, ni à la vie privée, ni aux libertés individuelles ou publiques. À la vérité, cette réflexion fait partie de son cœur de mission. Confortons donc le rôle de la CNIL et la dimension éthique de ses missions !
M. le président. Quel est l’avis de la commission sur les amendements nos 237, 238 et 239 ?
M. Christophe-André Frassa, rapporteur. Je dois dire, monsieur Rome, que je saisis mal l’intérêt de l’amendement n° 237, dans la mesure où le texte de la commission sur l’article 29 prévoit, à son alinéa 4, la consultation de la CNIL « sur tout projet de loi ou de décret ou toute disposition de projet de loi ou de décret relatif à la protection des personnes à l’égard des traitements automatisés ».
Je vous renvoie à cette disposition que, j’imagine, vous avez lue minutieusement. Convenez que votre amendement n’y apporterait pas grand-chose, sinon une redite. Je vous serais donc reconnaissant de bien vouloir le retirer.
En ce qui concerne l’amendement n° 238, vous n’ignorez pas qu’il est contraire à la position de la commission, puisqu’il vise à rétablir le mécanisme de saisine de la CNIL par les présidents des assemblées parlementaires sur une proposition de loi.
La commission maintient son opposition à ce dispositif, tel qu’il est proposé : c’est à tort, en effet, qu’il s’inspire des dispositions législatives relatives à la saisine pour avis du Conseil d’État sur une proposition de loi, puisque cette instance se trouve dans une situation tout à fait différente de celle de la CNIL vis-à-vis du Parlement et du Gouvernement.
M. Philippe Bas, président de la commission des lois. Tout à fait !
M. Christophe-André Frassa, rapporteur. Le Conseil d’État étant le conseiller du Gouvernement et la CNIL une autorité administrative indépendante, libre de répondre à toutes les sollicitations du Parlement, on ne peut pas transposer à la seconde la procédure de saisine du premier.
Au reste, les limites de cet exercice apparaissent à l’avant-dernier alinéa de l’amendement : « À défaut de délibération dans les délais, l’avis de la commission est réputé avoir été rendu ». En effet, si le Gouvernement est obligé de consulter le Conseil d’État sur tout projet de loi, le Parlement, lui, n’est aucunement tenu de consulter la CNIL avant le dépôt d’une proposition de loi.
Surtout, il n’est nullement nécessaire d’inscrire dans la loi la possibilité pour le Parlement de consulter une autorité administrative indépendante. D’ailleurs, la CNIL est très régulièrement consultée par les commissions permanentes des assemblées parlementaires, sur les projets de loi comme les propositions de loi, sans que la loi prévoie un avis formalisé.
De plus, le droit d’opposition qu’il est proposé de reconnaître à l’auteur de la proposition de loi semble faire obstacle à l’exercice par la commission et son rapporteur de leur rôle constitutionnel dans l’examen du texte. La commission est libre de solliciter l’avis de qui elle veut !
J’ajoute que le délai envisagé, particulièrement long – jusqu’à douze semaines –, paraît peu compatible avec le droit parlementaire.
Dernière objection, qui est la principale : les dispositions proposées n’ont pas leur place dans le projet de loi sur le numérique, ni dans la loi relative à l’informatique, aux fichiers et aux libertés. En effet, comme l’a souligné le Conseil d’État dans son avis sur l’avant-projet de loi, de telles dispositions, relatives à la procédure législative, nécessitent de modifier l’ordonnance du 17 novembre 1958 relative au fonctionnement des assemblées parlementaires.
Monsieur Rome, j’espère vous avoir convaincu, cette fois, de retirer votre amendement !
S’agissant enfin de l’amendement n° 239, qui tend à confier à la CNIL plutôt qu’au Comité consultatif national d’éthique une mission de réflexion sur les problèmes éthiques, il est, hélas, contraire à la position de la commission des lois.
S’il est légitime que la CNIL prenne en compte la dimension éthique dans ses missions, nous considérons qu’il est plus approprié de charger de cette mission un organisme habitué aux consultations – je parle bien de consultations – et qui a déjà une expérience en matière de réflexions éthiques.
Certes, comme vous l’avez signalé, monsieur Rome, le Conseil consultatif national d’éthique est, depuis sa création, orienté plutôt vers les sciences de la vie et la médecine. Toutefois, il ne tient qu’au législateur, c’est-à-dire à nous-mêmes, mes chers collègues, d’étendre son champ de compétences.
La composition du CCNE est d’ores et déjà pluridisciplinaire, et tous les ministères concernés par le numérique, directement ou indirectement, nomment une personnalité qualifiée en son sein. Il suffirait que le pouvoir réglementaire, dont c’est la compétence, organise le CCNE, par exemple, en deux collèges : l’un consacré aux sciences de la vie, l’autre aux sciences techniques et aux technologies du numérique.
Dans ces conditions, monsieur Rome, je ne puis que vous inviter à retirer également l’amendement n° 239.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
Mme Axelle Lemaire, secrétaire d'État. Je suis en désaccord avec M. le rapporteur sur ces trois amendements. Je regrette, d’ailleurs, qu’il oppose un refus quelque peu systématique aux amendements présentés, dont beaucoup vont dans le sens du renforcement de la protection des données personnelles (M. Yves Rome opine.), qui est, si j’ai bien compris, l’aspiration générale des parlementaires.
M. Christophe-André Frassa, rapporteur. J’essaie simplement de rendre la loi lisible !
Mme Axelle Lemaire, secrétaire d'État. L’amendement n° 237 vise à étendre la saisine obligatoire de la CNIL à tous les textes de loi comportant des dispositions relatives à la protection ou au traitement de données à caractère personnel. Ce n’est pas la nature du texte qui est considérée, mais le champ des sujets traités.
Un tel élargissement est utile, car la loi du 6 janvier 1978 est trop restrictive : elle vise uniquement la protection des personnes à l’égard des traitements automatisés – c’est un langage daté, correspondant à une époque bien antérieure à la massification des données, de leur circulation, de leur collecte et de leur réutilisation.
Nous savons quelle ampleur prend aujourd’hui l’utilisation de données à des fins qui dépassent de loin les traitements automatisés. Il est donc souhaitable d’étendre la procédure de consultation de la CNIL à toutes les dispositions touchant aux données à caractère personnel et aux différents types de traitements.
En la matière, il faut faire preuve d’exemplarité. C’est tout l’esprit du projet de loi que de permettre une ouverture et une circulation plus grandes des données, car il y a de l’innovation à la clef. Mais cette évolution doit être encadrée par des règles adaptées, actualisées par rapport à celles établies en 1978. Je suis donc favorable à l’amendement n° 237.
Il est plus délicat pour moi de me prononcer sur l’amendement n° 238, dans la mesure où il s’agit d’étendre la possibilité pour le Parlement de saisir la CNIL sur les propositions de loi. Nous parlons bien d’une faculté, non d’une obligation. En réalité, cette mesure correspond à la transposition du règlement européen sur les données personnelles, qui vise tout projet législatif, sans égard pour la distinction, toute française, entre les propositions et les projets de loi.
De mon point de vue, il s’agit donc à la fois de renforcer les pouvoirs du Parlement et d’adapter le droit national aux règles européennes. Toujours est-il que, compte tenu du sujet, je m’en remets à la sagesse de la Haute Assemblée.
Enfin, je suis favorable à l’amendement n° 239, relatif à la réflexion éthique sur l’usage des données personnelles et les traitements appliqués aux données personnelles et aux données d’usage, mais aussi, plus largement, à toutes les réflexions sur les libertés numériques et l’arbitrage entre liberté et sécurité, ainsi que sur la collecte et le stockage des données, donc sur les fichiers.
Il me semble plus naturel de confier ce travail à la CNIL, qui s’apparente à une Haute Autorité en matière de libertés numériques et de protection de la vie privée, qu’au Comité consultatif national d’éthique, qui, depuis la naissance en 1982 du premier bébé-éprouvette, Amandine, se prononce sur les enjeux d’innovation médicale – une mission très importante, certes, mais qui ne lui donne pas d’expertise en ce qui concerne les data.
Ce qu’il faut, en revanche, c’est que la CNIL organise les débats éthiques de manière très ouverte. En fin de compte, sa mission consistera à organiser un débat public auquel devront être associés des chercheurs et des instituts de recherche aussi nombreux que possible, y compris, très probablement, des chercheurs en sciences médicales.
M. le président. La parole est à M. le rapporteur.
M. Christophe-André Frassa, rapporteur. Je conçois, madame la secrétaire d’État, que nous divergions au sujet des amendements nos 238 et 239.
Néanmoins, pour ce qui est de l’amendement n° 237, soit vous n’avez pas lu le texte de commission, ce que je puis comprendre – cela arrive à tout le monde –, soit nous ne parlons pas du tout la même langue, qui est le français. En effet, si cet amendement est adopté, l’article 29 sera totalement illisible, incompréhensible et inapplicable !
M. Philippe Bas, président de la commission des lois. C’est vrai !
M. Christophe-André Frassa, rapporteur. Certainement pas, madame la secrétaire d’État, et veuillez d'abord à ne pas m’interrompre quand j’ai la parole. (Murmures sur les travées du groupe socialiste et républicain, du groupe écologiste et du groupe CRC.)
Permettez-moi de vous donner lecture de l’alinéa 4 de cet article, tel qu’il serait rédigé si l’amendement était adopté : la CNIL « est consultée sur tout projet de loi ou de décret ou toute disposition de projet de loi ou de décret relatif à la protection des personnes à l’égard des traitements automatisés ou comportant des dispositions relatives à la protection des données à caractère personnel ou au traitement de telles données ». Franchement, qui pourra appliquer un tel charabia ? (Mme la secrétaire d'État proteste.)
Madame la secrétaire d’État, c’est uniquement pour faire plaisir à votre majorité que vous soutenez cette proposition !
M. le président. Je mets aux voix l’amendement n° 238.
J’ai été saisi d'une demande de scrutin public émanant de la commission.
Je rappelle que l’avis de la commission est défavorable et que le Gouvernement s'en remet à la sagesse du Sénat.
Il va être procédé au scrutin dans les conditions fixées par l'article 56 du règlement.
Le scrutin est ouvert.
(Le scrutin a lieu.)
M. le président. Personne ne demande plus à voter ?…
Le scrutin est clos.
J'invite Mmes et MM. les secrétaires à procéder au dépouillement du scrutin.
(Il est procédé au dépouillement du scrutin.)
M. le président. Voici, compte tenu de l’ensemble des délégations de vote accordées par les sénateurs aux groupes politiques et notifiées à la présidence, le résultat du scrutin n° 209 :
Nombre de votants | 344 |
Nombre de suffrages exprimés | 343 |
Pour l’adoption | 155 |
Contre | 188 |
Le Sénat n’a pas adopté.
Je mets aux voix l'amendement n° 239.
(L'amendement n'est pas adopté.)
M. le président. Je mets aux voix l’article 29, modifié.
(L'article 29 est adopté.)
Article 30
Le g du 2° de l’article 11 de la loi n° 78-17 du 6 janvier 1978 précitée est ainsi rétabli :
« g) La Commission nationale de l’informatique et des libertés peut certifier ou homologuer et publier des référentiels ou des méthodologies générales aux fins de certification de la conformité à la présente loi de processus d’anonymisation des données à caractère personnel, notamment en vue de la réutilisation d’informations publiques mises en ligne dans les conditions prévues au chapitre II du titre Ier de la loi n° 78-753 du 17 juillet 1978 portant diverses mesures d’amélioration des relations entre l’administration et le public et diverses dispositions d’ordre administratif, social et fiscal.
« Il en est tenu compte, le cas échéant, pour la mise en œuvre des sanctions prévues au chapitre VII de la présente loi. »
M. le président. L’amendement n° 652, présenté par M. Frassa, au nom de la commission des lois, est ainsi libellé :
Alinéa 2
Après les mots :
conditions prévues
rédiger ainsi la fin de cet alinéa :
au titre II du livre III du code des relations entre le public et l'administration.
La parole est à M. le rapporteur.
M. Christophe-André Frassa, rapporteur. Il s’agit d’un amendement de coordination avec le code des relations entre le public et l’administration, le CRPA, entré en vigueur le 1er janvier dernier.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
Mme Axelle Lemaire, secrétaire d'État. Je suis très heureuse d’émettre un avis favorable sur cet amendement.
M. le président. L’amendement n° 641, présenté par M. Frassa, au nom de la commission des lois, est ainsi libellé :
Alinéa 3
Supprimer cet alinéa.
La parole est à M. le rapporteur.
M. Christophe-André Frassa, rapporteur. Pourquoi préciser que la CNIL, lorsqu’elle envisage de sanctionner un responsable de traitement pour défaut d’anonymisation de données, tient compte, le cas échéant, du fait qu’elle a certifié des dispositifs d’harmonisation ? S’agit-il d’atténuer la sévérité de la sanction ou au contraire de l’aggraver ?
En tout état de cause, la précision ne semble pas nécessaire. Du reste, la CNIL elle-même, dans son avis sur le projet de loi, juge que cet alinéa « traduit légalement un état de fait préexistant ». Cet amendement vise donc à supprimer l’alinéa 3 de l’article 30.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
Mme Axelle Lemaire, secrétaire d'État. Je suis très triste de ne pas pouvoir émettre un avis favorable sur cet amendement. (Sourires.)
M. Christophe-André Frassa, rapporteur. Je m’en remettrai, madame la secrétaire d’État ! (Nouveaux sourires.)
Mme Axelle Lemaire, secrétaire d'État. La CNIL pourra accorder des certificats de conformité à des entreprises. L’alinéa 3 de l’article 30 prévoit qu’elle pourra en tenir compte au moment de prononcer des sanctions pour non-respect de la législation en matière de données personnelles.
Il s’agit de prendre acte de la massification en cours de la collecte et de la circulation des données, sous l’effet de laquelle les données attachées à un seul individu tendent à devenir des données d’usage. Cette évolution impose de se situer non plus sur le seul plan du respect de la vie privée, mais davantage sur le plan, plus économique, de l’utilisation que font les entreprises de ces données.
Tout en alourdissant les sanctions pouvant être prononcées par la CNIL, nous avons voulu, car il vaut mieux parfois prévenir que guérir, instaurer une procédure qui ressemble au rescrit, auquel je sais que la majorité sénatoriale est favorable en matière fiscale.
Il s’agit de sécuriser l’environnement juridique dans lequel les entreprises exercent leurs activités, en l’occurrence des traitements de données. Pour cela, il faut que la CNIL puisse accorder des certificats de conformité, ce qui est tout à fait en phase avec les attentes des entreprises et avec la modernité numérique.
Le Gouvernement émet donc un avis défavorable.
M. le président. Je mets aux voix l’article 30, modifié.
(L'article 30 est adopté.)
Article 30 bis
(Non modifié)
I. – L’article L. 135 du code des postes et des communications électroniques est complété par un alinéa ainsi rédigé :
« L’Autorité de régulation des communications électroniques et des postes peut saisir pour avis la Commission nationale de l’informatique et des libertés de toute question relevant de la compétence de celle-ci. »
II. – Avant le dernier alinéa de l’article 11 de la loi n° 78-17 du 6 janvier 1978 relative à l’informatique, aux fichiers et aux libertés, il est inséré un alinéa ainsi rédigé :
« La Commission nationale de l’informatique et des libertés peut saisir pour avis l’Autorité de régulation des communications électroniques et des postes de toute question relevant de la compétence de celle-ci. »
M. le président. L’amendement n° 647, présenté par M. Frassa, au nom de la commission des lois, est ainsi libellé :
I. – Alinéa 2
Remplacer les mots :
L'Autorité de régulation des communications électroniques et des postes
par les mots :
L'autorité
II. – Alinéa 4
Remplacer les mots :
Commission nationale de l'informatique et des libertés
par les mots :
commission
La parole est à M. le rapporteur.
M. Christophe-André Frassa, rapporteur. Il s’agit d’une harmonisation rédactionnelle.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. le président. Je mets aux voix l’article 30 bis, modifié.
(L'article 30 bis est adopté.)
Article 31
Le quatrième alinéa de l’article 36 de la loi n° 78-17 du 6 janvier 1978 précitée est complété par les mots suivants : « ou en vertu de ses directives, formulées dans les conditions définies à l’article 40-1 ; ». – (Adopté.)
Article 32
La loi n° 78-17 du 6 janvier 1978 précitée est ainsi modifiée :
1° L’article 40 est ainsi modifié :
a) Au début du premier alinéa, est ajoutée la mention : « I. – » ;
b) Après le cinquième alinéa, il est inséré un II ainsi rédigé :
« II. – Sur demande de la personne concernée, le responsable du traitement est tenu d’effacer dans les meilleurs délais les données à caractère personnel qui ont été collectées dans le cadre de l’offre de services de la société de l’information lorsque la personne concernée était mineure au moment de la collecte. Lorsqu’il a transmis les données en cause à un tiers lui-même responsable de traitement, il accomplit toutes les diligences pouvant raisonnablement être attendues, en l’état de la technologie et compte tenu du coût prévisible, afin d’informer ce dernier de la demande d’effacement.
« En cas de non-exécution ou d’absence de réponse du responsable du traitement dans un délai d’un mois à compter de la demande, la personne concernée peut saisir la Commission nationale de l’informatique et des libertés, qui se prononce sur cette demande dans un délai de quinze jours à compter de la date de réception de la réclamation.
« Les deux premiers alinéas du présent II ne s’appliquent pas lorsque le traitement de données à caractère personnel est nécessaire :
« 1° Pour exercer le droit à la liberté d’expression et d’information ;
« 2° Pour respecter une obligation légale qui requiert le traitement de ces données ou pour exercer une mission d’intérêt public ou relevant de l’exercice de l’autorité publique dont est investi le responsable du traitement ;
« 3° Pour des motifs d’intérêt public dans le domaine de la santé publique ;
« 4° À des fins d’archivage dans l’intérêt public ou à des fins scientifiques, statistiques ou historiques ;
« 5° À la constatation, à l’exercice ou à la défense de droits en justice. » ;
c) Les deux derniers alinéas sont supprimés ;
2° Après l’article 40, il est inséré un article 40-1 ainsi rédigé :
« Art. 40-1. – Toute personne peut définir des directives relatives à la conservation, à l’effacement et à la communication de ses données à caractère personnel après son décès. Ces directives sont générales ou particulières.
« Les directives générales concernent l’ensemble des données à caractère personnel se rapportant à la personne concernée et peuvent être enregistrées auprès d’un tiers de confiance numérique certifié par la Commission nationale de l’informatique et des libertés.
« Les références des directives générales et le tiers de confiance auprès duquel elles sont enregistrées sont inscrites dans un registre unique dont les modalités et l’accès sont fixés par décret en Conseil d’État, pris après avis motivé et publié de la Commission nationale de l’informatique et des libertés.
« Les directives particulières concernent les traitements de données à caractère personnel visées par ces directives. Elles sont enregistrées auprès des responsables de traitement concernés. Elles font l’objet du consentement spécifique de la personne concernée et ne peuvent résulter de la seule approbation par celle-ci des conditions générales d’utilisation.
« Les directives générales et particulières définissent la manière dont la personne entend que soient exercés, après son décès, les droits mentionnés à la présente section. Le respect de ces directives est sans préjudice des dispositions applicables aux archives publiques comportant des données à caractère personnel.
« Lorsque les directives prévoient la communication de données qui comportent également des données à caractère personnel relatives à des tiers, cette communication s’effectue dans le respect de la présente loi.
« La personne peut modifier ou révoquer ses directives à tout moment.
« Les directives mentionnées au premier alinéa peuvent désigner une personne chargée de leur exécution. Celle-ci a alors qualité, lorsque la personne est décédée, pour prendre connaissance des directives et demander leur mise en œuvre aux responsables de traitement concernés. À défaut de désignation, les personnes suivantes ont qualité, lorsque la personne est décédée, pour prendre connaissance des directives et demander leur mise en œuvre aux responsables de traitement concernés, dans l’ordre suivant :
« 1° Les descendants ;
« 2° Le conjoint non divorcé ;
« 3° Les héritiers autres que les descendants qui recueillent tout ou partie de la succession ;
« 4° Les légataires universels ou donataires de l’universalité des biens à venir.
« Toute clause contractuelle des conditions générales d’utilisation d’un traitement portant sur des données à caractère personnel limitant les prérogatives reconnues à la personne en vertu du présent article est réputée non écrite.
« En l’absence de directives, les héritiers de la personne concernée, dans l’ordre mentionné aux 1° à 4°, peuvent exercer après son décès les droits mentionnés à la présente section. Il en va de même lorsqu’elle n’a pas exprimé une volonté contraire dans les directives mentionnées au premier alinéa.
« Tout prestataire d’un service de communication au public en ligne informe l’utilisateur du sort des données qui le concernent à son décès et lui permet de choisir de communiquer ou non ses données à un tiers qu’il désigne. » ;
3° (nouveau) Le 6° de l’article 32 est complété par les mots : « dont celui de définir des directives relatives au sort de ses données à caractère personnel après sa mort » ;
4° (nouveau) Au premier alinéa de l’article 67, les mots : « 39, 40 et » sont remplacées par les mots : « et 39, le I de l’article 40 et les articles ».
M. le président. Je suis saisi de deux amendements faisant l’objet d'une discussion commune.
L’amendement n° 240 rectifié, présenté par MM. Sueur, Leconte, Rome et Camani, Mme D. Gillot, MM. F. Marc, Assouline, Guillaume et les membres du groupe socialiste et républicain, est ainsi libellé :
I. – Alinéas 5 à 7
Remplacer ces alinéas par deux alinéas ainsi rédigés :
« II. – En cas de non-exécution de l’effacement des données à caractère personnel demandé sur le fondement du paragraphe 1 f) de l’article 17 de la proposition de règlement du Parlement européen et du Conseil relatif à la protection des personnes physiques à l'égard du traitement des données à caractère personnel et à la libre circulation de ces données ou en cas d’absence de réponse du responsable du traitement à l’expiration dans les meilleurs délais et au plus tard à l’expiration d'un délai d’un mois à compter de la demande, la personne concernée peut saisir la Commission nationale de l’informatique et des libertés, qui se prononce sur cette demande dans un délai de trois semaines à compter de la date de réception du dossier complet de la réclamation.
« Le premier alinéa du présent II ne s’applique pas lorsque le traitement de données à caractère personnel est nécessaire :
II. – Alinéa 11
Rédiger ainsi cet alinéa :
« 4° À des fins archivistiques dans l’intérêt public, à des fins de recherche scientifique et historique, ou à des fins statistiques, dans la mesure où le droit visé au présent II est susceptible de rendre impossible ou de compromettre gravement la réalisation des objectifs du traitement à des fins archivistiques dans l’intérêt public, à des fins de recherche scientifique et historique ou à des fins statistiques ;
La parole est à M. Yves Rome.
M. Yves Rome. Le règlement européen relatif à la protection des personnes physiques à l’égard des traitements de données à caractère personnel et à la libre circulation des données a été adopté définitivement le 14 avril dernier, comme Mme la secrétaire d’État l’a souligné. Il paraît opportun de mettre en conformité avec ce règlement les dispositions de l’article 32 devant figurer à l’article 40 de la loi du 6 janvier 1978 et adoptées par l’Assemblée nationale voilà quelques années.
Plus précisément, il s’agit de tirer les conséquences de la rédaction définitive de l’article 17 du règlement européen, qui prévoit le principe du droit à l’oubli numérique pour les mineurs, ainsi que les exceptions corrélatives. L’amendement vise ainsi à préciser l’exception à des fins archivistiques dans l’intérêt public, à des fins de recherches scientifiques et historiques ou à des fins statistiques.
Par ailleurs, il nous semble pertinent d’harmoniser le délai imposé aux responsables de traitement avec le considérant 59, qui dispose que le responsable de traitement devrait être tenu de répondre à la personne concernée dans les meilleurs délais, et au plus tard dans un délai d’un mois.
S’agissant du délai imposé à la CNIL, nous proposons de le mettre en conformité avec les dispositions du règlement européen relatives à la coopération entre l’autorité-chef de file et l’autorité locale saisie de la demande d’exercice du droit à l’oubli pour les mineurs.
L’article 56-3 du règlement prévoit que l’autorité de contrôle saisie d’une plainte doit en informer sans tarder l’autorité-chef de file, qui dispose d’un délai de trois semaines pour faire savoir si elle s’estime ou non compétente pour traiter de la plainte.
Le présent amendement vise à fixer ce délai à trois semaines, afin que le délai pour la décision de la CNIL reste compatible avec les obligations résultant du règlement européen envers d’éventuelles autorités-chefs de file relevant d’autres États membres de l’Union européenne.
M. le président. L’amendement n° 75 rectifié, présenté par MM. Chaize, Mandelli, de Nicolaÿ et Calvet, Mme Cayeux, MM. Bignon, Bizet, de Legge, Mouiller, B. Fournier, Kennel et Masclet, Mmes Deromedi, Micouleau et Gruny, MM. Cornu et Vaspart, Mme Estrosi Sassone, MM. Bouchet, Vasselle, P. Leroy, Delattre et Rapin, Mme Deroche et MM. Husson, Laménie, Trillard et Magras, est ainsi libellé :
Alinéa 6
Rédiger ainsi cet alinéa:
« La non-exécution de l’effacement des données à caractère personnel ou l’absence de réponse du responsable du traitement dans un délai d’un mois à compter de la demande est puni d’une amende de 10 000 € ainsi que d’intérêts de retard journaliers jusqu’à la mise en œuvre de la demande. Un décret en Conseil d’État précise les conditions et les modalités d’application du présent alinéa.
La parole est à M. Patrick Chaize.
M. Patrick Chaize. Cet amendement a pour objet d’aggraver les sanctions en cas de non-respect par un responsable de traitement de ses obligations.
Dans sa rédaction actuelle, l’alinéa 6 de l’article 32 prévoit seulement la saisine de la CNIL, qui devra se prononcer sur la demande dans un délai de quinze jours. Il est important de prévoir une sanction plus lourde pour pousser les responsables de traitement à agir rapidement, s’agissant de situations qui peuvent être urgentes du point de vue du respect des droits des personnes mineures.
M. le président. Quel est l’avis de la commission ?
M. Christophe-André Frassa, rapporteur. Cette fois, monsieur Rome, c’est vous qui voulez retarder et moi qui veux avancer… (Sourires.)
Deux raisons me conduisent à vous demander de retirer votre amendement.
En premier lieu, son adoption aurait pour conséquence de retarder d’au moins un an l’entrée en vigueur du dispositif de protection des mineurs pour le droit à l’oubli. En effet, si l’on vise le règlement européen, on subordonne l’entrée en vigueur de l’article 32 à celle du futur règlement. Je souhaite que l’on évite ce retard.
En second lieu, la mention du règlement européen rendrait la loi française illisible. Je pense au II de votre amendement, qui vise à modifier l’alinéa 11 de l’article 32. Pardonnez-moi de vous le dire : il s’agit d’un cas d’espèce, car, plus je lis cette disposition, plus je trouve que c’est un moment d’anthologie, comme souvent les rédactions européennes…
Pour ce qui concerne l’amendement n° 75 rectifié, qui tend à créer une sanction spécifique en cas de non-exécution d’une demande d’effacement de données personnelles, la CNIL tient de l’article 45 de la loi Informatique et libertés le pouvoir de sanctionner tout contrevenant aux dispositions de ladite loi. La sanction d’un refus d’exécution d’une demande de mise en œuvre du droit à l’oubli existe donc déjà et, à ce stade, il semble inutile d’en ajouter une autre.
Aussi, je sollicite le retrait de cet amendement.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
Mme Axelle Lemaire, secrétaire d'État. Je suis favorable à l’amendement n° 240 rectifié, qui vise à prévoir, dans la loi française, des délais de réponse plus courts pour la CNIL, lorsque celle-ci est saisie pour qu’elle demande à une plateforme ou à un réseau social de retirer des informations personnelles concernant un mineur.
Le règlement européen étant muet à ce sujet, nous avons travaillé étroitement avec la Commission européenne pour obtenir l’autorisation d’intégrer dans le droit français une telle disposition procédurale. Comme il s’agit de procédure, cette autorisation nous a été accordée.
Très concrètement, cela concerne, par exemple, une adolescente qui veut demander le retrait d’images compromettantes d’elle-même postées sur un réseau social.
Aujourd'hui, la loi française est silencieuse sur le délai de réponse de la CNIL. En pratique, en dépit de tous les efforts opérés par la commission, ces délais sont parfois trop longs. Il s'agit donc de fixer un délai maximal de réponse.
Je comprendrais donc mal que cette disposition ne refasse pas surface dans notre droit, parce qu’il me semble qu’elle répond à un besoin précis et urgent des jeunes Françaises et Français, qui utilisent massivement les réseaux sociaux, et il faut s’en réjouir.
Monsieur Chaize, vous aurez compris que je partage tout à fait l’objectif et l’esprit de l’amendement n° 75 rectifié, puisqu’il s’agit, là aussi, de donner davantage de force exécutoire au droit à l’effacement.
Effectivement, le garde des sceaux et moi-même avons œuvré à Bruxelles pour que le droit à l’oubli soit reconnu dans le règlement européen sur les données personnelles. C’est désormais chose faite.
Cependant, procédure accélérée ne veut pas dire procédure bâclée !
Le droit à l’effacement des données personnelles n’est pas absolu. Il interfère avec d’autres droits fondamentaux, comme la liberté d’expression et la liberté d’information ; c’est là tout l’équilibre à trouver, et l’exercice est difficile. Dans certains cas, la demande d’effacement peut mettre à mal d’autres intérêts publics supérieurs, comme l’exercice d’actions en justice, les missions des archives publiques… Il est donc important que la CNIL puisse se prononcer sur ces questions avant d’envisager qu’une sanction soit prononcée à l’encontre du responsable de traitement.
Je crois qu’en ce domaine tout est question d’équilibre. Oui, l’arbitrage qui a de tout temps existé entre liberté, d’une part, et sécurité, de l’autre, trouve des formes nouvelles à l’ère numérique, mais il faut toujours l’aborder avec une main prudente.
M. le président. L'amendement n° 29 rectifié ter, présenté par M. Commeinhes, Mmes Hummel et Deromedi, M. Lefèvre, Mmes Lopez et Gruny et MM. Gremillet, Trillard, Houel, Vasselle et Husson, n'est pas soutenu.
L'amendement n° 242, présenté par MM. Sueur, Leconte, Rome et Camani, Mme D. Gillot, MM. F. Marc, Assouline, Guillaume et les membres du groupe socialiste et républicain, est ainsi libellé :
Alinéa 28
Remplacer cet alinéa par cinq alinéas ainsi rédigés :
« En l'absence de directives, les droits mentionnés à la présente section s'éteignent avec le décès de leur titulaire. Toutefois, par dérogation :
« a) Les héritiers peuvent, lorsque la personne est décédée, avoir accès aux données contenues dans les traitements de données à caractère personnel de la personne lorsque celles-ci sont nécessaires à la liquidation et au partage de la succession.
« Lorsqu'un notaire a été désigné dans ce cadre, il peut demander l'accès à ces informations s'il joint à sa demande un mandat l'autorisant à agir au nom des ayants droit ;
« b) Les héritiers de la personne décédée justifiant de leur identité peuvent, si des éléments portés à leur connaissance leur laissent présumer que des données à caractère personnel la concernant faisant l'objet d'un traitement n'ont pas été actualisées, exiger du responsable de ce traitement qu'il prenne en considération le décès et procède aux mises à jour qui doivent en être la conséquence ainsi qu'à la clôture du compte.
« Lorsque les héritiers en font la demande, le responsable du traitement doit justifier, sans frais pour le demandeur, qu'il a procédé aux opérations exigées en application du premier alinéa du présent b.
La parole est à Mme Hélène Conway-Mouret.
Mme Hélène Conway-Mouret. Avec le présent amendement, nous souhaitons rétablir la rédaction issue des travaux de l’Assemblée nationale, car elle respecte un principe fondamental, qui, jusqu’à présent, s’est toujours appliqué concernant les données personnelles : le fait que le droit sur ces données est un droit subjectif, un droit de la personnalité, c'est-à-dire attaché à la personne.
Ce droit étant considéré comme strictement personnel, la famille n’a pas la possibilité d’avoir accès aux données du défunt concernant l’émission, la consultation et la manipulation de ces dernières.
De ce fait, le droit sur les données personnelles n’est pas un droit transmissible pour cause de mort, sauf considération particulière et strictement limitée.
Il en est de même concernant une potentielle atteinte à la vie privée du défunt.
Comme a pu l’indiquer la jurisprudence, le droit d’agir pour le respect de la vie privée s’éteint au décès de la personne concernée, seule titulaire de ce droit.
Dans ces conditions, il convient d’éviter toute assimilation hasardeuse avec le droit pour les héritiers de faire respecter la mémoire du défunt.
En rétablissant une forme de continuité entre les successions physiques et les successions numériques, la position de la commission des lois refuse de prendre en considération la spécificité du monde numérique, qui ne peut être identifié au monde physique, ces deux espaces évoluant selon des modalités et une temporalité différentes.
On peut gérer de manière identique des photos ou du courrier papier et des images ou des écrits numérisés et figurant dans un traitement de données.
La situation actuelle n’est pas satisfaisante – il faut en convenir –, et le rapporteur de la commission des lois a soulevé plusieurs inconvénients pouvant apparaître en cas d’absence de directive.
Mais la spécificité du cyberspace est qu’on ne peut y évoluer sans laisser de traces de son passage dont on ne maîtrise pas complètement la destinée.
Cette situation appelle un changement de culture et une prise de conscience que, de fait, nous produisons un capital numérique, qu’il est nécessaire de gérer.
À ce stade, approfondissons la réflexion pour trouver des solutions avec tous les acteurs concernés – citoyens, pouvoirs publics, professions du droit des successions, responsables des traitements –, de manière à répondre aux difficultés, que nous ne devons pas méconnaître, tout en restant fidèles aux principes qui fondent le droit des données personnelles.
M. le président. Quel est l’avis de la commission ?
M. Christophe-André Frassa, rapporteur. En fait, deux conceptions différentes de ce que l’on peut appeler communément « la succession numérique » s’opposent, deux visions que traduisent, d’un côté, le texte de la commission des lois et, de l’autre, l’amendement présenté, qui rétablit le texte de l’Assemblée nationale.
En commission, nous avons déjà très longuement débattu de ces deux visions, lors de l’établissement du texte.
La succession numérique doit-elle être différente d’une succession « normale » ? Doit-on traiter différemment ce qui a été mis en ligne sur les réseaux et les biens que l’on retrouve dans l’appartement d’un défunt ? Conserve-t-on tout simplement une vie privée après la mort ?
M. Philippe Bas, président de la commission des lois. Il faut l’organiser !
M. Christophe-André Frassa, rapporteur. Ce qui est clair, c’est que le code civil dispose que la vie privée s’arrête avec la vie.
M. Roger Karoutchi. Allons bon ! (Sourires.)
M. Christophe-André Frassa, rapporteur. Pour certains, il doit en aller autrement. C’est l’esprit dans lequel a été adopté le texte de l’Assemblée nationale. De son côté, la commission du Sénat a retenu une autre vision des choses.
Cet amendement pose plusieurs problèmes de fond.
Son adoption priverait les héritiers du droit d’accès aux comptes numériques du défunt, au nom du droit au respect de la vie privée. Or, comme je viens de le dire, il n’y a plus de vie privée une fois que l’on est mort. (M. Yves Rome hoche la tête en signe de doute.)
Le principe constant du droit civil est que le droit au respect de la vie privée cesse à la mort de l’intéressé, dont les héritiers ont alors le devoir de veiller à protéger la mémoire, ce qui est tout à fait différent.
Le dispositif proposé remet totalement en cause cette construction et crée une césure complète entre la succession numérique et la succession physique. Alors que, dans le monde physique, il appartient à chacun de protéger, par anticipation, ses secrets, dans le monde numérique, le principe serait celui du secret.
Les difficultés pratiques posées par ce dispositif sont nombreuses : par exemple, si le défunt a stocké ses photos de famille sur le nuage – le cloud –, les héritiers n’y auront plus accès, alors que, dans une succession physique, le partage des albums de famille est, bien entendu, possible. De la même manière, le courrier électronique sera inaccessible, alors que les courriers papier sont remis sans problème aux héritiers.
Finalement, à qui profitera cette disposition ? Tout simplement aux opérateurs numériques, qui n’auront plus personne pour surveiller l’usage qu’ils continueront à faire des données personnelles de celui qui n’aura pas pris la précaution de rédiger des directives précises.
Les dérogations prévues en faveur des héritiers seront largement ineffectives : pour demander à accéder à une donnée personnelle susceptible d’être nécessaire pour la liquidation de la succession, encore faut-il savoir que cette donnée existe, ce qui nécessite de pouvoir consulter plus largement le traitement, afin d’identifier ce qui peut être utile. Or les héritiers n’auront pas le droit de procéder à cette consultation plus large…
Le dispositif proposé par les députés débouche sur une impasse, et je regrette que certains veuillent le reprendre ici.
J’ajoute, enfin, que se pose aussi la question du devenir des biens numériques : faut-il estimer que la propriété cesse à la mort de l’intéressé et que rien ne passe alors aux héritiers ?
Réfléchissons bien ici et, surtout, maintenant aux conséquences de ce que nous risquons de voter : rien ne justifie de traiter différemment la mort physique de la mort numérique.
M. Philippe Bas, président de la commission des lois. Très bien !
M. Christophe-André Frassa, rapporteur. C’est pourquoi je sollicite le retrait de cet amendement ; à défaut, j’émettrais un avis défavorable.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
Mme Axelle Lemaire, secrétaire d'État. Voilà un débat passionnant. J’espère que chacun s’exprimera sur le fond, et que cette question ne sera pas tranchée en fonction des appartenances politiques.
Ce débat porte sur la mort numérique. Monsieur le rapporteur, vous parlez, vous, de « succession numérique ». Pourquoi pas ? Toujours est-il qu’il s’agit de savoir ce que l’on fait des données liées à un individu après le décès de celui-ci.
Dans le monde physique, que se passe-t-il en cas de décès ? Les héritiers ont le droit d’accéder aux informations personnelles du défunt. Comme l’a décidé la Cour de cassation, « la vocation successorale est étrangère au respect de la vie privée ». Voilà la règle. En cas de succession, si aucun vœu n’a été précisément exprimé, le rôle du notaire, en particulier, est de rechercher les biens du défunt, y compris ceux qui étaient liés à sa vie privée, et de les transmettre ensuite aux héritiers qu’il aura identifiés.
Pourquoi cette question se pose-t-elle ici ? Parce que l’on sent bien que le patrimoine, dans la vie physique, diffère du patrimoine dans la vie numérique. Le patrimoine numérique, ce sont les traces que l’on laisse. C’est, par exemple, sur un compte personnel ou un réseau social, des messages que l’on rédige, des photos postées par des amis, des photos personnelles mais pas forcément identifiantes, des achats que l’on effectue, des préférences que l’on émet sur des sites de vente, des avis que l’on écrit… Tout cela, finalement, est lié à la vie personnelle.
Cependant, les héritiers doivent-ils pouvoir accéder à ce patrimoine sans aucune restriction ?
Ce que vise l’amendement, c’est un principe d’interdiction à l’accès aux données personnelles en ligne, assorti d’exceptions. En cela, effectivement, il opère un renversement, aboutissant à une plus grande protection de la vie privée et des données personnelles dans le monde numérique que dans le monde physique, pour les raisons que je viens de décrire.
Ces exceptions sont tout de même liées à la succession. Au moment de liquider la succession, il faut naturellement que les héritiers puissent avoir accès aux informations personnelles liées au défunt et à la fermeture des comptes utilisés couramment par celui-ci.
Pour ma part, je considère que la boîte à chaussures que l’on retrouvait dans le grenier du défunt n’équivaut pas à ce que l’on trouve dans le nuage informatique – le cloud. À moins que la boîte à chaussures n’ait les dimensions d’un container maritime… Il faut donc actualiser la loi Informatique et libertés.
La question qui se pose aussi est celle de notre vision du droit : celui-ci doit-il être statique ou évolutif ? Doit-il, de manière générale, intégrer les pratiques nouvelles ?
Quoi qu’il en soit, il faut encourager les utilisateurs des réseaux sociaux à expliciter leurs intentions. Il faut les encourager à avoir ce que l’on appelle de l’« hygiène numérique », c'est-à-dire à faire le tri dans leurs propres informations, à les supprimer lorsque c’est nécessaire, et, finalement, et c’est le sens de cet amendement, limiter le champ des informations personnelles qui peuvent être transmises aux héritiers au moment de la mort.
M. le président. La parole est à M. le président de la commission des lois.
M. Philippe Bas, président de la commission des lois. Se pose à nous une question de principe essentielle, que notre rapporteur a, de mon point de vue, parfaitement formulée.
Vous avez raison, madame la secrétaire d'État : cette question ne doit nullement être tranchée en fonction de nos appartenances politiques.
Les nouvelles technologies de l’information font naître une sorte de vertige prométhéen, qui nous conduit à réinterroger les règles les plus fondamentales de la vie en société, comme si ces technologies avaient pour effet de les périmer du seul fait que nos contemporains y ont recours massivement. Les générations qui se les sont appropriées plus que les autres ont aussi le sentiment que tout est à construire, que nous sommes entrés dans un monde nouveau qui ne ressemble à aucun des mondes antérieurs.
Je crois, au contraire, que les règles fondamentales de la vie en société, que les droits fondamentaux de la personne humaine, d’une part, n’ont pas eu besoin des nouvelles technologies pour être affirmés et, d’autre part, ne sont pas invalidés par celles-ci. J’en tire la conclusion que dissocier deux régimes distincts de succession en fonction du support matériel de l’objet de la succession introduit une brèche extrêmement dangereuse dans notre droit et un doute interstitiel sur ce que sera le droit de l’avenir.
Je ne pense pas qu’en fixant toutes les règles qui touchent au secret de la vie privée nos anciens aient posé des règles contingentes, qui, aujourd'hui, seraient dépassées par les nouveaux instruments ; au contraire, je les considère comme étant indépendantes de ces instruments.
Chacun d’entre nous a ses secrets. Il lui appartient de les défendre par ses propres moyens.
La règle veut que, à notre décès, tout secret que nous n’avons pas confiné de telle manière que nul ne puisse y accéder soit accessible à nos héritiers. Je ne vois pas pourquoi cette règle pourrait être modifiée pour les seuls secrets conservés sur internet et maintenue, en revanche, pour ceux qui le seraient sur des supports différents des supports électroniques. Il n'y a strictement aucune raison tenant aux droits fondamentaux de la personne d’introduire cette différenciation. Je crains fort que, si nous entrions dans cette voie, nous n’entraînions une dissociation de nos règles fondamentales… Pourquoi ne pas modifier, demain, la Déclaration des droits de l’homme et du citoyen, en considérant qu’internet l’a périmée ? (Exclamations sur les travées du groupe CRC.) Je mets en garde contre des remises en cause parfaitement latérales de droits fondamentaux.
En l’occurrence, il ne s’agit plus de régir internet ; il s’agit de régir le secret de la vie privée et les règles de la succession, dont je ne vois pas pourquoi elles devraient changer. C'est la raison pour laquelle je souscris totalement à l’exposé très brillant de notre rapporteur.
M. le président. La parole est à M. Roger Karoutchi, pour explication de vote.
M. Roger Karoutchi. N’étant pas membre de la commission des lois, je n’ai pas assisté à ce débat passionnant sur ce que l’on devient quand on est mort. (Sourires. – M. Philippe Dallier, rapporteur pour avis, s’exclame.) Moi qui espérais des obsèques tranquilles, je constate qu’il n’en sera rien…
Je n’ai pas de boîte à chaussures, madame la secrétaire d'État, je ne sais pas trop ce qui adviendra lors de mon décès. Au reste, je ne suis pas un internaute surdoué…
Quoi qu’il en soit, je ne comprends pas très bien le débat. Si l’on possède des documents papier que l’on ne tient pas à montrer à ses héritiers, qu’on les détruise ! Sur ce point, je suis tout à fait d’accord avec le rapporteur et le président de la commission. Après tout, personne n’est tenu de vouloir que ses héritiers sachent tout de ce qu’ont été les turpitudes de son existence… Bien évidemment, mes chers collègues, je ne parle pas de mon cas personnel : vous savez que je suis irréprochable. (Nouveaux sourires.)
Ce qui me gêne, dans le dispositif de l’amendement et dans la vision qui l’inspire, c’est ce qu’il adviendra des données personnelles si ce ne sont pas les héritiers qui les récupèrent.
Bien évidemment, l’idéal est de pouvoir faire le ménage avant sa mort, si l’on en a le temps. Sauf que l’on ne reçoit pas forcément de préavis !
M. Philippe Dallier, rapporteur pour avis. Un accident est si vite arrivé… (Sourires.)
M. Roger Karoutchi. Mon successeur sur la liste en serait ravi, mais je crains pour lui que ce ne soit pas encore le moment ! (Nouveaux sourires.)
Sincèrement, je ne sais pas forcément qui sera mon héritier le moment venu, mais, compte tenu du lien qui m’unira nécessairement à lui, je préfère que ce soit lui qui défende mon image et ma mémoire, plutôt que les réseaux sociaux. Pardon de le dire ainsi, mais, une fois que je serai mort, les réseaux sociaux se ficheront éperdument de savoir qui je suis et, si ce qu’ils peuvent récupérer leur permet de faire du buzz, ils le feront à mes dépens ! De cela, je ne veux pas.
Par conséquent, je suis sur la ligne du rapporteur et du président de la commission.
Si l’on reçoit un préavis, il faut faire de l’« hygiène numérique », pour reprendre votre très jolie expression, madame la secrétaire d'État. Sinon, il faut faire confiance à ses successeurs : il est quand même probable qu’ils soient plus favorablement disposés à notre égard que les réseaux sociaux !
M. le président. La parole est à Mme la secrétaire d'État.
Mme Axelle Lemaire, secrétaire d'État. Monsieur le rapporteur, monsieur le président de la commission, monsieur Karoutchi, je vous remercie beaucoup de vos interventions, qui permettent d’éclairer le débat.
Je ne suis pas certaine qu’il faille accorder à cet amendement des effets aussi importants que ceux que vous avez mentionnés, monsieur le président Bas. Au reste, il n’est pas ici question de modifier la Déclaration des droits de l’homme et du citoyen !
Il s’agit de tenir compte de la réalité numérique pour respecter la mémoire du défunt, au-delà de son décès, lorsque cette personne ou ses héritiers n’ont pas été en capacité de contrôler les informations qui ont pu le concerner.
Pour ma part, je trouve le dispositif de l’amendement protecteur de la mémoire dans l’espace numérique – ce que n’est pas, aujourd'hui, le code civil.
Plusieurs notaires nous ont fait remarquer cette inadéquation entre le droit et les pratiques et demandent qu’y soit mis un terme. Aujourd'hui, ces professionnels se trouvent confrontés à des conflits de conscience : faut-il permettre l’accès à certaines informations que la personne défunte aurait très certainement détruites s’il s’était agi de documents papier ? Quid des informations qui figurent sur les réseaux sociaux, dans un message électronique envoyé parmi des dizaines de milliers d’autres, sur un relevé bancaire dématérialisé, faisant état, par exemple, d’un versement mensuel à un enfant non reconnu et non connu des héritiers ? Autant de situations que la personne défunte aurait pu délibérément cacher de son vivant, ce qu’elle n’a pas été en mesure de faire du fait de la dimension potentiellement « multiplicative » de l’identité individuelle dans l’ère numérique. Il me semble donc fondamental d’adapter notre droit pour répondre à cette situation nouvelle.
Sur ce sujet, nous avons naturellement eu des discussions très abouties avec la Chancellerie, laquelle est favorable à l’introduction de dispositions spécifiques, notamment l’obligation, pour les plateformes, de proposer aux personnes qui s’inscrivent en ligne, notamment sur un réseau social, la possibilité d’exprimer leurs vœux avant le décès physique, ce qui est plutôt une très bonne chose.
La Chancellerie souhaitait ajouter aux exceptions mentionnées, notamment la succession – cet amendement répond donc complètement à la préoccupation que vous avez exprimée, monsieur Karoutchi –, une autre exception, liée aux « souvenirs de famille », pour reprendre l’expression jurisprudentielle éprouvée, que l’on pourrait donc étendre à l’univers numérique.
Je pourrais déposer un sous-amendement visant à permettre aux héritiers d’accéder à toutes les informations nécessaires à la décision la plus éclairée possible concernant l’héritage et les successions, puisque c’est, finalement, le but.
Mais faut-il hériter de la totalité de la mémoire du défunt ? Faut-il que le numérique emporte une transparence absolue de la vie après la mort ?
M. le président. La parole est à M. le rapporteur.
M. Christophe-André Frassa, rapporteur. Madame la secrétaire d'État, comme vous l’avez dit en introduction de votre propos, ce débat n’est pas de nature politique. C’est en tant qu’être humain que chacun témoigne de ce qu’il ressent et expose sa conception du sujet.
Tout à l'heure, vous avez utilisé l’expression de « mort numérique », affirmant la préférer à celle de « succession numérique ». Cependant, j’ai noté que, dans vos propos, vous avez mentionné au moins à cinq reprises le mot « succession » !
En fait, ce qui est le plus important dans la mort numérique, ce sont les héritiers numériques, les héritiers de tout ce bien immatériel que l’on lègue – parce qu’il y a, selon moi, un héritage numérique.
Sur ce point, il n’y a pas de combat à mener. Il y a vraiment deux conceptions, qui ne sont pas en opposition, mais entre lesquelles il faut choisir aujourd'hui et qui sont peut-être, à terme, lourdes de conséquences.
Ce qui m’a non pas choqué mais dérangé dans la conception de l’Assemblée nationale, c’est qu’il faille, de son vivant, autoriser l’accès de ses futurs héritiers à tout ce que l’on a mis dans le cloud ou sur un réseau social.
Or, dans le monde physique, ils y auront accès, quoi qu’il arrive. Pour prendre un exemple simple, le jour de mon décès – le plus tard possible, ce à quoi je m’emploie quotidiennement (Sourires.) –, mes héritiers ne me demanderont pas l’autorisation d’aller farfouiller dans mes papiers ni de regarder mes photos qu’ils se partageront entre eux. Et c’est justement la question du partage qui pose problème avec le cloud.
La jurisprudence à laquelle vous faites référence, madame la secrétaire d’État, parle de l’accès aux données numériques, mais ne dit rien du partage. Est-ce à moi, futur défunt, de régler cette question ?
C’est pour cette raison qu’il vaut mieux en rester à notre version, que je préfère à celle de l’Assemblée nationale qui interdit aux héritiers l’accès aux données du défunt, sauf déclaration expresse.
M. Christophe-André Frassa, rapporteur. Si, madame la secrétaire d’État. Le texte des députés dispose bien que les héritiers n’ont pas accès aux données personnelles du défunt, à ses photos et à tout ce qu’il a pu placer dans le nuage, sauf déclaration expresse contraire.
Mme Axelle Lemaire, secrétaire d'État. La question est de savoir ce que l’on fait quand le défunt n’a pas laissé de dispositions !
M. Christophe-André Frassa, rapporteur. Dans ce cas, madame la secrétaire d’État, les héritiers n’ont pas accès à ces données. C’est bien le sens de la rédaction retenue par l’Assemblée nationale. (Mme la secrétaire d’État marque son désaccord.)
La conception de la commission s’oppose à celle de nos collègues députés. Cette nouvelle rédaction de l’article 32 dispose que les héritiers ont accès à toutes les données personnelles du défunt, sauf directive contraire.
Le code civil précise que le droit à la vie privée cesse au moment où l’on s’éteint. Dès lors, si je ne veux pas que mes héritiers aient accès aux données que j’ai placées dans le cloud, je dois m’y opposer de mon vivant en prenant les dispositions nécessaires par anticipation.
La rédaction proposée par les auteurs de l’amendement n° 242 dit exactement l’inverse, à savoir que les héritiers peuvent avoir accès à ces données si le défunt les y a autorisés. Et c’est cette disposition qui me dérange.
Il s’agit vraiment de deux conceptions totalement opposées. Nous souhaitons aligner les successions numériques sur le modèle des successions physiques.
M. Philippe Bas, président de la commission des lois. Il s’agit d’établir un régime unique !
M. Christophe-André Frassa, rapporteur. J’en veux pour preuve le fait que les réactions des internautes – je plaide coupable, madame la secrétaire d’État : j’ai jeté un œil sur les réseaux sociaux pendant que vous parliez… – traduisent une certaine incompréhension.
Je ne dis pas qu’une de ces deux conceptions est meilleure et que l’autre est mauvaise. Je dis simplement qu’elles correspondent à des logiques différentes. Nous souhaitons aligner les règles des successions numériques sur celles des successions physiques, ce qui sera aisément compréhensible pour les familles. Nous rapprochons la mort numérique de la mort physique, les règles applicables aux biens immatériels du défunt de celles applicables à ses biens matériels…
La conception retenue par l’Assemblée nationale sera source de problèmes, de malentendus pour les familles. En outre, elle revient à laisser les opérateurs, les plateformes, les réseaux sociaux décider de qui aura droit à quoi, ce qui me met mal à l’aise.
M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 242.
J'ai été saisi d'une demande de scrutin public émanant de la commission.
Je rappelle que l'avis de la commission est défavorable et que celui du Gouvernement est favorable.
Il va être procédé au scrutin dans les conditions fixées par l'article 56 du règlement.
Le scrutin est ouvert.
(Le scrutin a lieu.)
M. le président. Personne ne demande plus à voter ?…
Le scrutin est clos.
J'invite Mmes et MM. les secrétaires à procéder au dépouillement du scrutin.
(Il est procédé au dépouillement du scrutin.)
M. le président. Voici, compte tenu de l’ensemble des délégations de vote accordées par les sénateurs aux groupes politiques et notifiées à la présidence, le résultat du scrutin n° 210 :
Nombre de votants | 346 |
Nombre de suffrages exprimés | 346 |
Pour l’adoption | 136 |
Contre | 210 |
Le Sénat n'a pas adopté.
Je mets aux voix l'article 32, modifié.
(L'article 32 est adopté.)
Article 33
(Non modifié)
I. – L’article 45 de la loi n° 78-17 du 6 janvier 1978 précitée est ainsi modifié :
1° Le I est ainsi rédigé :
« I. – Lorsque le responsable d’un traitement ne respecte pas les obligations découlant de la présente loi, le président de la Commission nationale de l’informatique et des libertés peut le mettre en demeure de faire cesser le manquement constaté dans un délai qu’il fixe. En cas d’extrême urgence, ce délai peut être ramené à vingt-quatre heures.
« Si le responsable du traitement se conforme à la mise en demeure qui lui est adressée, le président de la commission prononce la clôture de la procédure.
« Dans le cas contraire, la formation restreinte de la commission peut prononcer, après une procédure contradictoire, les sanctions suivantes :
« 1° Un avertissement ;
« 2° Une sanction pécuniaire, dans les conditions prévues à l’article 47, à l’exception des cas où le traitement est mis en œuvre par l’État ;
« 3° Une injonction de cesser le traitement, lorsque celui-ci relève de l’article 22, ou un retrait de l’autorisation accordée en application de l’article 25.
« Lorsque le manquement constaté ne peut faire l’objet d’une mise en conformité dans le cadre d’une mise en demeure, la formation restreinte peut prononcer, sans mise en demeure préalable et après une procédure contradictoire, les sanctions prévues au présent I. » ;
1° bis Le II est ainsi modifié :
a) À la fin du premier alinéa, les mots : « peut, après une procédure contradictoire, engager une procédure d’urgence, définie par décret en Conseil d’État, pour » sont remplacés par les mots : « , saisie par le président de la commission, peut, dans le cadre d’une procédure d’urgence définie par décret en Conseil d’État, après une procédure contradictoire » ;
b) Au 2°, la référence : « premier alinéa » est remplacée par la référence : « 1° » ;
2° Au III, les mots : « de sécurité » sont supprimés.
II. – Après la première phrase du deuxième alinéa de l’article 46 de la même loi, est insérée une phrase ainsi rédigée :
« Elle peut ordonner que les personnes sanctionnées informent individuellement de cette sanction, à leur frais, chacune des personnes concernées. »
III. – Au second alinéa de l’article 226-16 du code pénal, la référence : « 2° » est remplacée par la référence : « 3° ». – (Adopté.)
Article additionnel après l'article 33
M. le président. L'amendement n° 548 rectifié, présenté par MM. Requier, Arnell, Barbier, Bertrand, Castelli, Collin, Esnol, Fortassin, Guérini et Hue, Mmes Jouve, Laborde et Malherbe et MM. Mézard et Vall, n’est pas soutenu.
Article 33 bis A
(Supprimé)
M. le président. Je suis saisi de six amendements faisant l'objet d'une discussion commune.
Les deux premiers sont identiques.
L'amendement n° 122 rectifié est présenté par MM. Cigolotti, Luche, Guerriau et Bonnecarrère, Mme Micouleau, M. Roche, Mme Joissains, MM. Médevielle et Canevet, Mme Loisier et MM. Lasserre, Longeot, Gabouty et Pellevat.
L'amendement n° 135 est présenté par M. Navarro.
Ces deux amendements identiques ne sont pas soutenus.
L'amendement n° 243, présenté par MM. Sueur, Leconte, Rome et Camani, Mme D. Gillot, MM. F. Marc, Assouline, Guillaume et les membres du groupe socialiste et républicain, est ainsi libellé :
Rétablir cet article dans la rédaction suivante :
La section 2 du chapitre V de la loi n° 78-17 du 6 janvier 1978 précitée est complétée par un article 43 ter ainsi rédigé :
« Art. 43 ter. – Lorsque plusieurs personnes, placées dans une situation similaire, subissent un dommage causé par le même responsable de traitement de données personnelles, ayant pour cause commune un manquement de même nature à ses obligations légales, une action collective de protection des données personnelles peut être exercée en justice au vu des cas individuels présentés par le demandeur.
« Cette action peut être exercée en vue soit de la cessation du manquement mentionné au premier alinéa, soit de l’engagement de la responsabilité de la personne ayant causé le dommage afin d’obtenir la réparation des préjudices individuels subis, soit de ces deux fins.
« Seules les associations ayant pour objet la protection de la vie privée et des données personnelles ainsi que les associations de défense des consommateurs représentatives au niveau national et agréées en application de l’article L. 411-1 du code de la consommation, lorsque le traitement de données personnelles affecte des consommateurs peuvent exercer l’action mentionnée au premier alinéa.
« L’exercice de l’action collective de protection des données personnelles est subordonné à l’accomplissement de démarches préalables auprès du responsable de traitement afin qu’il fasse cesser la violation. »
La parole est à M. Pierre Camani.
M. Pierre Camani. L’article 33 bis A, qui prévoyait la possibilité de procéder à une action collective afin de faire cesser un manquement en matière de données personnelles, a été supprimé par la commission des lois au motif que le dispositif n’était ni légalement assuré ni opportun.
Or nous pensons exactement le contraire. Nous sommes d’autant plus confortés dans cette démarche que nous proposons une rédaction différente de celle qui a été initialement retenue par l’Assemblée nationale afin de tenir compte des observations de notre commission des lois.
Cet amendement rétablit la faculté d’exercer une action collective de protection des données personnelles devant une juridiction civile en vue de faire cesser une violation à la loi Informatique et libertés.
Seules les associations ayant pour objet la protection de la vie privée et des données personnelles, ainsi que les associations de défense des consommateurs représentatives au niveau national et agréées en application de l’article L. 411–1 du code de la consommation, lorsque le traitement de données personnelles affecte des consommateurs, pourront exercer l’action mentionnée au premier alinéa.
Il s’agit de répondre à la préoccupation de la commission des lois, qui souhaite éviter les procédures abusives. Nous visons bien une atteinte collective, c’est donc un intérêt collectif qui motive l’action.
L’action de groupe est particulièrement indiquée en matière de données personnelles, puisque c’est l’agrégation des données de plusieurs milliers de consommateurs qui en fait la valeur pour les responsables de traitement.
Afin que les actions en justice soient équitables, il est indispensable que le rapport de force entre les parties soit équilibré.
Enfin, cette disposition est soutenue par la CNIL, elle est se révèle complémentaire des prérogatives de cette dernière et elle reprend les recommandations du Conseil national du numérique et du Conseil d’État.
M. le président. Les trois amendements suivants sont identiques.
L'amendement n° 123 rectifié est présenté par MM. Cigolotti, Guerriau, Bonnecarrère et Luche, Mme Micouleau, M. Roche, Mme Joissains, MM. Médevielle et Canevet, Mme Loisier et MM. Lasserre, Longeot, Gabouty et Pellevat.
L'amendement n° 136 est présenté par M. Navarro.
L'amendement n° 474 est présenté par Mme Assassi, MM. Bosino, Abate et les membres du groupe communiste républicain et citoyen.
Ces trois amendements sont ainsi libellés :
Rétablir cet article dans la rédaction suivante :
La section 2 du chapitre V de la loi n° 78-17 du 6 janvier 1978 précitée est complétée par un article 43 … ainsi rédigé :
« Art. 43 … – Les personnes suivantes peuvent exercer devant une juridiction civile une action collective de protection des données personnelles afin d'obtenir la cessation d'une violation de la présente loi :
« 1° Les associations ayant pour objet la protection de la vie privée et des données personnelles ;
« 2° Les associations de défense des consommateurs représentatives au niveau national et agréées en application de l'article L. 411-1 du code de la consommation, lorsque le traitement de données personnelles affecte des consommateurs ;
« 3° Les organisations syndicales de salariés, lorsque le traitement affecte des salariés ;
« 4° Toute association formée aux seules fins d'entreprendre l'action collective concernée.
« L'exercice de l'action est subordonné à l'accomplissement de démarches préalables auprès du responsable de traitement afin qu'il fasse cesser la violation. »
Les amendements nos 123 rectifié et 136 ne sont pas soutenus.
La parole est à Mme Brigitte Gonthier-Maurin, pour présenter l’amendement n° 474.
Mme Brigitte Gonthier-Maurin. Cet amendement vise à réintroduire la possibilité pour les associations citées de mener des actions de groupe pour faire cesser une violation à la loi Informatique et libertés.
J’ajouterai un point évoqué par un contributeur, lors de la consultation. Ces derniers mois, expliquait-il, est apparue, dans les conditions générales d’utilisation de plusieurs prestataires situés aux États-Unis, une clause très particulière prévoyant que les utilisateurs, en cas de litige, ont l’interdiction d’intenter une action de groupe et doivent porter l’affaire devant un tribunal d’arbitrage.
Pour l’heure, cette clause ne s’applique qu’aux utilisateurs américains. En adoptant cet amendement, et donc en inscrivant dans la loi la possibilité, pour des associations, de mener des actions de groupe afin de faire cesser une violation à la loi Informatique et liberté, nous nous prémunirons en ne permettant pas que de telles clauses puissent être imposées en France.
M. le président. Quel est l’avis de la commission sur les amendements restant en discussion ?
M. Christophe-André Frassa, rapporteur. Ces amendements visent à instaurer un dispositif pour l’action de groupe en matière de protection des données personnelles qui ne paraît a priori – comme a posteriori – ni légalement assuré, ni opportun.
En effet, l’action pourrait être engagée par toute association spécialement créée à cette fin, ce qui ne constitue pas une garantie suffisante pour éviter les procédures abusives.
Surtout, l’action serait recevable pour tout manquement, que celui-ci soit individuel ou collectif. Or une action collective ne devrait être acceptée que lorsqu’il est porté atteinte à un intérêt collectif.
On doit aussi s’interroger sur l’intérêt d’une telle action dans le champ de la protection des données personnelles, alors qu’échoit à la CNIL une mission générale de contrôle de la bonne application de la loi Informatique et libertés. Il sera toujours plus efficace de s’adresser à l’autorité de régulation pour faire cesser le trouble plutôt qu’au juge civil.
Enfin, et surtout, la question des actions collectives est débattue dans le cadre d’un autre texte, en cours d’examen à l’Assemblée nationale : il ne serait pas de bonne méthode législative de traiter cette question indépendamment de ce dernier. Tout le monde l’aura compris, je veux parler du projet de loi portant application des mesures relatives à la justice du XXIe siècle, dit « J21 ».
Pour prendre un exemple, la rédaction proposée dans l’amendement de notre collègue Jean-Pierre Sueur et défendu par M. Camani ne dit strictement rien des conditions dans lesquelles le juge évalue le préjudice et répartit la réparation entre toutes les personnes membres du groupe. Or cette question est essentielle et centrale.
C'est la raison pour laquelle je demanderai à Mme Gonthier-Maurin et à M. Camani de retirer leurs amendements ; à défaut, je me verrai contraint d’émettre un avis défavorable.
M. Yves Rome. Le retrait n’est pas la chose la plus aisée à faire !
M. Christophe-André Frassa, rapporteur. Je vous laisse pourtant le soin de le faire !
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
Mme Axelle Lemaire, secrétaire d'État. Je demande également à M. Camani et à Mme Gonthier-Maurin de retirer leurs amendements.
Pour ma part, je suis favorable à l’action de groupe – plus précisément, à l’action collective – pour faire cesser les manquements en cas de violation de la législation relative aux données personnelles.
Là aussi, la massification induite par l’ère numérique, la dimension « data », nous oblige à adapter nos processus. Un individu qui décide, seul, de poursuivre un réseau social parce qu’il considère que la législation sur les données personnelles le concernant n’a pas été respectée a beaucoup moins de poids que des dizaines de milliers d’utilisateurs dénonçant ensemble cette violation du droit.
Le but d’une telle action n’est d’ailleurs pas forcément la réparation du préjudice, la compensation financière. Le but principal de l’action collective en matière numérique, c’est la cessation immédiate du manquement.
Pour ma part, je considère que nous avons besoin d’instaurer une action collective en ce domaine. Si je demande le retrait de ces amendements, c’est parce que – j’en ai reçu confirmation hier – le Gouvernement a l’intention de déposer un amendement dans le cadre du projet de loi « justice du XXIe siècle ». Ce texte, dont l’intitulé exact est « projet de loi relatif à l’action de groupe et à l’organisation judiciaire », est le réceptacle naturel des débats sur cette question.
M. le président. Monsieur Camani, l'amendement n° 243 est-il maintenu ?
M. Pierre Camani. Non, je le retire, monsieur le président.
M. le président. L'amendement n° 243 est retiré.
Madame Gonthier-Maurin, qu’advient-il de l'amendement n° 474 ?
Mme Brigitte Gonthier-Maurin. Je le retire également, monsieur le président.
M. le président. L'amendement n° 474 est retiré.
En conséquence, l’article 33 bis A demeure supprimé.
Article 33 bis B
Les deux premiers alinéas de l’article 47 de la loi n° 78-17 du 6 janvier 1978 précitée sont ainsi rédigés :
« Le montant de la sanction pécuniaire prévue au I de l’article 45 est proportionné à la gravité du manquement commis et aux avantages tirés de ce manquement. La formation restreinte de la Commission nationale de l’informatique et des libertés prend notamment en compte le caractère intentionnel ou de négligence du manquement, les mesures prises par le responsable du traitement pour atténuer les dommages subis par les personnes concernées, le degré de coopération avec la commission afin de remédier au manquement et d’atténuer ses effets négatifs éventuels, les catégories de données à caractère personnel concernées et la manière dont le manquement a été porté à la connaissance de la Commission.
« Le montant de la sanction ne peut excéder 1,5 million d’euros. »
M. le président. Je suis saisi de cinq amendements identiques.
L'amendement n° 124 rectifié est présenté par MM. Cigolotti, Guerriau, Bonnecarrère et Luche, Mme Micouleau, M. Roche, Mme Joissains, MM. Médevielle et Canevet, Mme Loisier et MM. Lasserre, Marseille, Longeot, Gabouty et Pellevat.
L’amendement n° 137 est présenté par M. Navarro.
L'amendement n° 244 est présenté par MM. Sueur, Leconte, Rome et Camani, Mme D. Gillot, MM. F. Marc, Assouline, Guillaume et les membres du groupe socialiste et républicain.
L'amendement n° 475 est présenté par Mme Assassi, MM. Bosino, Abate et les membres du groupe communiste républicain et citoyen.
L'amendement n° 574 rectifié est présenté par MM. Gremillet, Commeinhes et Milon, Mmes Morhet-Richaud, Micouleau, Cayeux, Deromedi et Duranton et MM. Vaspart, Cornu, Rapin, Doligé, G. Bailly et Vogel.
Ces cinq amendements sont ainsi libellés :
Alinéa 3
Rédiger ainsi cet alinéa :
« Le montant de la sanction ne peut excéder 20 millions d'euros ou, dans le cas d'une entreprise, 4 % du chiffre d'affaires annuel total au niveau mondial réalisé lors de l'exercice précédant l'exercice au cours duquel le manquement a été commis, si ce montant est plus élevé. Toutefois, pour la méconnaissance du chapitre IV ainsi que des articles 34 à 35 de la présente loi, le montant maximal est de 10 millions d'euros ou, s'agissant d'une entreprise, de 2 % du chiffre d'affaires annuel total au niveau mondial réalisé lors de l'exercice précédant l'exercice au cours duquel le manquement a été commis, si ce montant est plus élevé. »
Les amendements nos 124 rectifié et 137 ne sont pas soutenus.
La parole est à M. Roland Courteau, pour présenter l’amendement n° 244.
M. Roland Courteau. Il s’agit ici de rétablir le texte de l’Assemblée nationale.
La commission des lois a revu à la baisse le montant des sanctions pouvant être prononcées par la CNIL. Il s’agit d’un montant maximal, afin d’être dissuasif.
Cette rédaction permet de s’aligner exactement sur le règlement européen, notamment concernant les critères précisément définis que les autorités de contrôle doivent prendre en compte pour fixer le niveau de la sanction.
Cette anticipation permettra à nouveau de modifier les règles au moment de l’entrée en vigueur du règlement européen tout en rendant notre législation crédible en matière de sanction.
M. le président. La parole est à Mme Brigitte Gonthier-Maurin, pour présenter l’amendement n° 475.
Mme Brigitte Gonthier-Maurin. Cet amendement est défendu, monsieur le président. Comme vient de l’expliquer M. Courteau, il s’agit d’aligner le régime français sur celui qui vient d’être adopté à l’échelle européenne.
M. le président. L'amendement n° 574 rectifié n’est pas soutenu.
Quel est l’avis de la commission sur les amendements identiques nos 244 et 475 ?
M. Christophe-André Frassa, rapporteur. Monsieur Courteau, madame Gonthier-Maurin, je comprends votre démarche puisque le règlement européen prévoit cette augmentation des sanctions.
En revanche, en rétablissant la rédaction de l’Assemblée nationale sur les sanctions de la CNIL et en transposant prématurément le règlement européen relatif à la protection des données personnelles, vous définissez un montant maximal valable uniquement lorsque la CNIL agit en tant que guichet unique, au nom de tous ses homologues européens.
Or une telle augmentation des sanctions apparaît disproportionnée en l’absence d’harmonisation européenne. Je pense qu’il faut d’abord attendre l’entrée en vigueur du règlement.
À ce stade, je vous demande de retirer ces amendements dans la mesure où la CNIL agit aujourd’hui en tant que régulateur national et non en tant que guichet unique pour tous ses homologues européens. Les sanctions qu’elle pourrait prononcer sur le fondement de vos amendements, s’ils étaient adoptés, seraient donc disproportionnées.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. Roland Courteau. Favorable !
Mme Axelle Lemaire, secrétaire d'État. Le Gouvernement est en effet favorable à ces amendements relatifs au montant des sanctions prononcées par la CNIL en cas de violation massive, par une entreprise, de la réglementation sur les données personnelles.
À l’heure actuelle, le plafond des sanctions est fixé à 150 000 euros, autant dire une cacahuète, comme j’ai déjà eu l’occasion de le souligner, pour les géants de l’internet. (Marques d’approbation sur les travées du groupe CRC.)
Mme Corinne Bouchoux. Effectivement !
M. Roland Courteau. C’est vrai ! Ce n’est rien du tout !
Mme Axelle Lemaire, secrétaire d'État. Ce n’est pas une telle somme qui permettra de modifier certains comportements commerciaux.
Il faut donc à la fois faire plus de prévention auprès des entreprises – c’est le rôle du mécanisme des certificats de conformité, qui permettent de valider des traitements de données personnelles en amont – et, en cas de non-respect de la réglementation, alourdir les sanctions.
M. Roland Courteau. Bien sûr !
Mme Axelle Lemaire, secrétaire d'État. C’est le raisonnement qui a été suivi par les députés, alors que le Gouvernement y était tout d’abord rétif pour des raisons d’articulation avec le règlement européen sur les données personnelles. Ce règlement n’étant applicable aux entreprises que dans un délai de deux ans suivant son adoption, il était à craindre que ces sanctions ne s’appliquent qu’aux entreprises françaises et non aux autres.
Les députés ont décidé d’augmenter le niveau des sanctions et le Gouvernement s’est finalement rangé à leur avis.
Votre commission des lois a également décidé d’augmenter le montant maximal en le portant à 1,5 million d’euros, contre 20 millions d’euros à l’Assemblée nationale ! Une telle baisse du plafond n’est plus du tout en ligne avec les dispositions prévues dans le règlement européen.
C'est la raison pour laquelle je suis favorable aux amendements présentés, qui permettent de coller complètement au texte européen et d’éviter de devoir réécrire notre droit dans deux ans. Ces dispositions sont aussi l’occasion d’envoyer dès à présent un message assez fort aux entreprises qui décideraient de ne pas respecter notre réglementation en matière de données personnelles.
J’ajouterai que la CNIL, dans son avis sur ce projet de loi, a officiellement demandé l’augmentation du plafond des sanctions qu’elle peut prononcer.
M. le président. Je mets aux voix les amendements identiques nos 244 et 475.
(Les amendements ne sont pas adoptés.)
M. le président. Je mets aux voix l'article 33 bis B.
(L'article 33 bis B est adopté.)
Article 33 bis
(Non modifié)
Le chapitre VII de la loi n° 78-17 du 6 janvier 1978 précitée est complété par un article 49 bis ainsi rédigé :
« Art. 49 bis. – La Commission nationale de l’informatique et des libertés peut, à la demande d’une autorité exerçant des compétences analogues aux siennes dans un État non membre de l’Union européenne, dès lors que celui-ci offre un niveau de protection adéquat des données à caractère personnel, procéder à des vérifications dans les mêmes conditions que celles prévues à l’article 44, sauf s’il s’agit d’un traitement mentionné aux I ou II de l’article 26.
« Le président de la commission ou la formation restreinte peuvent, à la demande d’une autorité exerçant des compétences analogues aux leurs dans un État non membre de l’Union européenne, dès lors que celui-ci offre un niveau de protection adéquat des données à caractère personnel, prendre les mesures mentionnées aux articles 45 à 47, dans les conditions prévues aux mêmes articles, sauf s’il s’agit d’un traitement mentionné aux I ou II de l’article 26.
« La commission est habilitée à communiquer les informations qu’elle recueille ou qu’elle détient, à leur demande, aux autorités exerçant des compétences analogues aux siennes dans des États non membres de l’Union européenne, dès lors que ceux-ci offrent un niveau de protection adéquat des données à caractère personnel.
« Pour la mise en œuvre du présent article, la commission conclut préalablement une convention organisant ses relations avec l’autorité exerçant des compétences analogues aux siennes. Cette convention est publiée au Journal officiel. »
M. le président. L'amendement n° 620, présenté par le Gouvernement, est ainsi libellé :
Alinéa 3
Supprimer cet alinéa.
La parole est à Mme la secrétaire d'État.
Mme Axelle Lemaire, secrétaire d'État. Il s’agit d’un amendement quelque peu technique.
Les autorités administratives indépendantes, les AAI, lorsqu'elles envisagent des sanctions, doivent satisfaire aux exigences de l’article 6 de la Convention européenne des droits de l'homme qui offre à chacun le droit d'accéder à un tribunal impartial, statuant dans un délai raisonnable et au terme d'un procès équitable.
L'arrêt rendu le 11 juin 2009 par la Cour européenne des droits de l’homme en faveur de la société Dubus impose une stricte séparation des fonctions d’instruction, de poursuite et de jugement.
Une réforme menée en 2011 a permis de consolider la conformité du régime de poursuite et de sanction de la CNIL aux stipulations de la Cour européenne des droits de l’homme.
Dès lors, la séparation des fonctions de poursuite, d’instruction et de sanction se traduit par une stricte répartition des pouvoirs entre le président de l’autorité et la formation restreinte.
Le président instruit, décide de l’opportunité des poursuites, en toute indépendance. La formation restreinte, quant à elle, est seule habilitée à sanctionner.
Dès lors, il importe de maintenir strictement l’indépendance et la séparation de ces deux fonctions.
La formation restreinte ne saurait être saisie par une tierce autorité et ne dispose pas du pouvoir de décider de l’examen d’un dossier, fût-ce à la demande d’une autorité de protection des données d’un pays offrant un niveau de protection adéquat.
De même, la possibilité pour une autorité tierce de saisir le président de l’autorité nationale d’une demande tendant à l’engagement de poursuites est de nature à remettre en cause l’indépendance de la fonction.
Pour ces raisons, le Gouvernement propose la suppression de cet alinéa.
M. le président. Quel est l’avis de la commission ?
M. Christophe-André Frassa, rapporteur. Cet amendement vise à mettre en conformité les dispositions relatives aux sanctions pouvant être prononcées par le seul président de la CNIL avec les règles relatives à la séparation des pouvoirs, notamment entre l’instruction – décision de contrôle – et l’opportunité des poursuites – désignation d’un rapporteur. Je suis naturellement favorable à cette disposition.
Je me permets toutefois de signaler que cet alinéa a été introduit dans le texte par un amendement de la commission des lois de l’Assemblée nationale qui avait reçu un avis de sagesse du Gouvernement…
M. Roger Karoutchi. Allons bon !
M. le président. Je mets aux voix l'article 33 bis, modifié.
(L'article 33 bis est adopté.)
Article 33 ter A
(Supprimé)
Article 33 ter
(Supprimé)
M. le président. Je suis saisi de quatre amendements faisant l'objet d'une discussion commune.
Les deux premiers sont identiques.
L'amendement n° 138 rectifié est présenté par M. Navarro.
L'amendement n° 476 est présenté par Mme Assassi, MM. Bosino, Abate et les membres du groupe communiste républicain et citoyen.
Ces deux amendements sont ainsi libellés :
Rétablir cet article dans la rédaction suivante :
Après l’article 2-23 du code de procédure pénale, il est inséré un article 2-24 ainsi rédigé :
« Art. 2-24. – Toute association régulièrement déclarée depuis au moins deux ans à la date des faits et se proposant, par ses statuts, de protéger les données personnelles ou la vie privée peut exercer les droits reconnus à la partie civile en ce qui concerne les infractions prévues aux articles 226-16 à 226-24 du code pénal. Toutefois, quand l’infraction a été commise envers des personnes considérées individuellement, l’association n’est recevable dans son action que si elle justifie avoir reçu l’accord de ces personnes. »
L’amendement n° 138 rectifié n’est pas soutenu.
La parole est à Mme Brigitte Gonthier-Maurin, pour présenter l’amendement n° 476.
Mme Brigitte Gonthier-Maurin. Nous souhaitons réintroduire la possibilité pour les associations prévoyant dans leurs statuts la protection des données personnelles d’agir en cas d’atteinte à la personne résultant de traitement de données personnelles.
Je préciserai simplement, à cet instant du débat, notre attachement à la réintroduction de cet article dans le texte. Il s’agit en effet, en sus de tous les arguments déjà développés, de rééquilibrer la relation asymétrique entre l’internaute et les sites marchands, plateformes ou réseaux sociaux.
Monsieur le rapporteur, vous avez présenté en commission un amendement de suppression de cet article au motif qu’il ne serait pas pertinent de permettre à une association n’ayant que deux ans d’existence d’exercer les droits de l’action civile – il me semble d’ailleurs que vous avez utilisé de nouveau ce type d’argument voilà quelques instants.
Nous pensons au contraire que ce délai de deux ans est pertinent : puisqu’il s’agit de répondre à de nouvelles menaces, les associations concernées sont nouvellement créées.
M. le président. L'amendement n° 339, présenté par Mme Bouchoux et les membres du groupe écologiste, est ainsi libellé :
Rétablir cet article dans la rédaction suivante :
Après l'article 2–23 du code de procédure pénale, il est inséré un article 2–24 ainsi rédigé :
« Art. 2–24. - Toute association régulièrement déclarée depuis au moins cinq ans à la date des faits et se proposant, par ses statuts, de protéger les données personnelles ou la vie privée peut exercer les droits reconnus à la partie civile en ce qui concerne les infractions prévues aux articles 226–16 à 226–24 du code pénal. Toutefois, quand l'infraction a été commise envers des personnes considérées individuellement, l'association n'est recevable dans son action que si elle justifie avoir reçu l'accord de ces personnes. »
La parole est à Mme Corinne Bouchoux.
Mme Corinne Bouchoux. Cet amendement va dans le même sens que celui qui a été présenté à l’instant par Mme Gonthier-Maurin.
Nous nous efforçons de faire preuve de pédagogie et nous anticipons les remarques de la commission des lois.
À travers cet amendement, nous voulons rétablir la disposition adoptée à l’Assemblée nationale, tout en entendant les réserves de la commission des lois quant à l’apparition spontanée de certaines associations, même si nous ne partageons pas ce point de vue.
Nous voudrions que soit instaurée une habilitation à agir en justice pour les associations de défense des données personnelles et de la vie privée, concernant les délits prévus par la loi Informatique et libertés.
Il nous semble que cette disposition serait relativement utile dans les cas où les personnes victimes ne peuvent être représentées à l'audience, alors même qu’il s’agit d’une cause importante pour tous.
S’agissant de la genèse de ces associations, monsieur le rapporteur, nous nous sommes dit que si deux ans vous posaient problème, le fait d’être déclarées depuis cinq ans – même si cela va à l’encontre de nos principes – vous rassurerait et permettrait de consolider quelque chose vis-à-vis d’associations qui attendent un signal. Il s’agit en quelque sorte d’un amendement de repli par rapport au précédent, beaucoup plus ambitieux.
M. le président. L'amendement n° 245, présenté par MM. Sueur, Leconte, Rome et Camani, Mme D. Gillot, MM. F. Marc, Assouline, Guillaume et les membres du groupe socialiste et républicain, est ainsi libellé :
Rétablir cet article dans la rédaction suivante :
Après l'article 2-23 du code de procédure pénale, il est inséré un article 2-24 ainsi rédigé :
« Art. 2-24. – Toute association régulièrement déclarée depuis au moins deux ans à la date des faits et se proposant, par ses statuts, de protéger les données personnelles ou la vie privée peut, si elle a été agréée à cette fin, exercer les droits reconnus à la partie civile en ce qui concerne les infractions prévues aux articles 226-16 à 226-24 du code pénal. Toutefois, lorsqu’il existe des victimes qui ont personnellement souffert du dommage directement causé par l’infraction, l’association n’est recevable dans son action que si elle justifie avoir reçu l’accord de ces personnes.
« Un décret en Conseil d’État fixe les conditions dans lesquelles les associations mentionnées au premier alinéa peuvent être agréées. »
La parole est à M. Yves Rome.
M. Yves Rome. Le présent amendement a pour objet d’habiliter les associations qui souhaitent assurer la représentation des intérêts collectifs des victimes d’infractions liées aux atteintes à la réglementation sur les données personnelles.
De telles habilitations sont déjà prévues dans le code pénal pour permettre une meilleure protection de certains intérêts collectifs, tels que la lutte contre le racisme, la lutte contre les violences sexuelles ou contre les violences exercées sur un membre d’une famille ou encore la lutte contre la toxicomanie et le trafic de stupéfiants.
Enfin, il faut le noter, une condition également prévue par le texte est imposée pour s’assurer du sérieux et de l’engagement réel de l’association, afin d’éviter toute instrumentalisation de la justice pénale.
M. le président. Quel est l’avis de la commission sur les amendements restant en discussion ?
M. Christophe-André Frassa, rapporteur. La position des auteurs de ces amendements est contraire à celle de la commission des lois, qui a supprimé l’article 33 ter.
Ces amendements entrent en contradiction avec le principe essentiel posé à l’article 2 du code de procédure pénale, selon lequel, au cours d’un procès pénal, l’action civile n’est recevable qu’en cas de souffrance personnelle d’un dommage directement causé par l’infraction. Il nous est proposé de contrecarrer ce principe par une habilitation législative des associations de plus de deux ans.
Au-delà du principe, les modalités de l’habilitation font débat puisqu’il s’agit d’accorder à une association d’une existence de seulement deux ans, ce qui n’est tout de même pas beaucoup, la faculté d’exercer des droits considérables de l’action civile.
Enfin, l’objet, en l’occurrence la protection des données personnelles ou la vie privée, est particulièrement large. Certes, le législateur a déjà habilité des associations à se porter partie civile, en dérogation aux principes cardinaux du code de procédure pénale. Mais c’était seulement pour des thématiques très particulières, circonscrites à certaines infractions énumérées. En plus, cela concernait seulement des associations d’une durée d’existence supérieure à cinq ans ou certaines associations agréées.
Il me paraît préférable d’en rester au droit existant. Au demeurant, les amendements visent non la capacité d’action en justice des associations, qui existe, mais bien leur capacité à agir au pénal sur toute affaire ayant un rapport, même indirect, avec leur objet.
La commission sollicite donc le retrait de ces trois amendements, faute de quoi l’avis serait défavorable.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
Mme Axelle Lemaire, secrétaire d'État. Le Gouvernement sollicite le retrait des amendements nos 476 et 339 au profit de l’amendement n° 245, dont la rédaction me semble plus équilibrée.
Nous sommes favorables au fait de donner la possibilité d’engager une action devant le juge pénal aux associations agissant pour la protection des données personnelles des individus.
Simplement, cette capacité d’action doit être conditionnée à un délai de deux ans – c’est le choix que nous faisons – et à l’obtention d’un agrément dans les conditions fixées en Conseil d'État pour les autres types d’actions au pénal.
Mme Corinne Bouchoux. Je retire l’amendement n° 339, monsieur le président !
M. le président. L'amendement n° 339 est retiré.
Je mets aux voix l'amendement n° 476.
(L'amendement n'est pas adopté.)
M. le président. En conséquence, l’article 33 ter demeure supprimé.
Article additionnel après l’article 33 ter
M. le président. L'amendement n° 246, présenté par MM. Courteau, Sueur, Leconte, Rome et Camani, Mme D. Gillot, MM. F. Marc, Assouline, Guillaume et les membres du groupe socialiste et républicain, est ainsi libellé :
Après l'article 33 ter
Insérer un article additionnel ainsi rédigé :
Le code de l’éducation est ainsi modifié :
1° Le chapitre II du titre Ier du livre III de la deuxième partie est complété par une section 12 ainsi rédigée :
« Section 12 :
« Lutte contre le cyber-harcèlement
« Art. L. 312-20. – Une information consacrée à la détection et la lutte contre le cyber-harcèlement est dispensée à tous les stades de la scolarité. Les établissements scolaires, y compris les établissements français d’enseignement scolaire à l’étranger, peuvent s’associer à cette fin avec des associations et des personnels concourant à la prévention et à la répression du cyber-harcèlement. » ;
2° À la deuxième phrase de l’avant-dernier alinéa de l’article L. 721-2, après les mots : « la lutte contre les discriminations », sont insérés les mots : « et le cyber-harcèlement. »
La parole est à M. Roland Courteau.
M. Roland Courteau. Selon nous, le comportement des mineurs sur l’internet mobile rend urgente la prise de mesures préventives et éducatives, afin d’aider les jeunes en difficulté.
Certes, l’internet mobile participe à la construction de l’identité et de la personnalité de nos enfants. Mais les jeunes Français doivent souvent faire face à des menaces virtuelles aux conséquences bien trop réelles. Je signale que 40 % des élèves disent avoir été victimes d’une agression en ligne.
Du fait de leurs différences ou de rumeurs sur leur activité sexuelle, certains adolescents deviennent la cible d’un lynchage, conduisant certains d’entre eux à mettre fin à leurs jours.
D'ailleurs, le problème ne concerne pas que les jeunes ; il va bien au-delà. Les conséquences du cyber-harcèlement n'en sont pas moins graves.
La prévention me semble être le premier moyen de lutter contre toutes formes de harcèlement. Ainsi, toute personne doit être initiée à la protection de ses informations personnelles et à la gestion de ses paramètres de confidentialité. Et l’utilisation du téléphone mobile au sein des établissements scolaires doit être encadrée. La prévention du cyber-harcèlement doit faire partie intégrante de la politique de gestion du harcèlement et de la violence à l’école comme sur le lieu de travail.
Afin de sensibiliser les élèves dès leur plus jeune âge, un module relatif à la lutte contre le cyber-harcèlement doit être intégré dans la formation des élèves comme des enseignants.
Ainsi, à travers cet amendement, il est proposé de compléter la définition de l’enseignement d'éducation civique, prévue à l'article L. 312–15 du code de l'éducation, ainsi que les missions des instituts universitaires de formation des maîtres, fixées à l'article L. 721–1 du code de l'éducation. Les personnels enseignants pourront s’adjoindre des intervenants extérieurs pour les aider à dispenser un tel enseignement.
M. le président. Quel est l’avis de la commission de la culture ?
Mme Colette Mélot, rapporteur pour avis de la commission de la culture, de l'éducation et de la communication. Cet amendement vise à introduire une information sur la détection du cyber-harcèlement et la lutte contre ce phénomène.
Je ne suis évidemment pas opposée à une telle proposition sur le principe. Mais je tiens à signaler qu’il existe déjà deux textes réglementaires sur le sujet : la circulaire du 13 août 2013 relative à la prévention et à la lutte contre le harcèlement à l’école et la circulaire du 26 novembre 2013 relative à la prévention et au traitement de la cyber-violence entre élèves.
Le Gouvernement semble conscient du danger ; il a entrepris plusieurs actions pour lutter contre le cyber-harcèlement. Il ne nous paraît donc pas nécessaire d’introduire une disposition législative à cet égard.
Par conséquent, la commission de la culture émet un avis défavorable sur cet amendement.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
Mme Axelle Lemaire, secrétaire d'État. Informer pour prévenir le cyber-harcèlement est une priorité de l’action du Gouvernement.
Les enfants ou jeunes adolescents doivent le comprendre : faire circuler des photos de camarades nus, par exemple, par SMS ou sur les réseaux sociaux, ce n’est pas anodin ; cela peut blesser profondément. Des jeunes gens peuvent être très impressionnés par des propos ou des images qu’ils voient circuler ou reçoivent. Le phénomène évoqué par l’auteur de cet amendement est une réalité. Il est effectivement nécessaire d’éduquer les publics concernés.
Pour autant, il n’est pas certain que cela soit de nature législative et qu’il faille l’intégrer dans le code de l’éducation. Le principe d’égalité entre les femmes et les hommes y figure déjà. Des circulaires réglementaires sont parues. Surtout, je crois qu’il faut mener des actions de sensibilisation sur le terrain.
Des mesures normatives ont été adoptées ou sont sur le point de l’être. L’infraction de cyber-harcèlement a été créée par la loi du 4 août 2014 pour l’égalité réelle entre les femmes et les hommes, et le présent projet de loi introduit la nouvelle infraction de « revanche pornographique », afin de répondre à des situations très concrètes.
Cependant, comme toute déclaration d’intention est bonne à prendre sur le sujet, je m’en remets à la sagesse du Sénat.
M. le président. La parole est à Mme Brigitte Gonthier-Maurin, pour explication de vote.
Mme Brigitte Gonthier-Maurin. Vous le savez, le sujet nous tient particulièrement à cœur, y compris au sein de la délégation aux droits des femmes.
Pour ma part, je crois qu’il n’est pas indifférent d’introduire ou non un tel principe dans la loi. J’ai bien entendu que des circulaires avaient été prises. Mais je pense que nous devons affirmer notre exigence dans la loi. Cela lui donnera plus de force, plus d’amplitude. La loi, c’est tout de même autre qu’une circulaire…
Je sais bien que le principe de l’égalité entre les femmes et les hommes figure déjà dans le code de l’éducation. Mais je pense qu’il est également important d’y mentionner le cyber-harcèlement, car c’est une vraie cause de violences, notamment à l’égard des femmes.
Je soutiens donc fermement cet amendement.
M. le président. La parole est à M. Roland Courteau, pour explication de vote.
M. Roland Courteau. Si les circulaires qui ont été prises avaient fait la démonstration de leur efficacité, cela se saurait !
Mme Brigitte Gonthier-Maurin. Voilà !
M. Roland Courteau. Pour ma part, je préférerais qu’une telle mesure figure dans la loi.
Je le rappelle, en 2010, j’ai fait adopter une disposition similaire lors de l’examen du texte sur les violences faites aux femmes. Le code de l’éducation nationale prévoit désormais qu’une « information consacrée à l’égalité entre les hommes et les femmes, à la lutte contre les préjugés sexistes et à la lutte contre les violences faites aux femmes et les violences commises au sein du couple » est « dispensée à tous les stades de la scolarité ». Il s’agit de sensibilisation, de prévention, d’éducation. Je peux en attester, dans les établissements scolaires, cette information, lorsqu’elle est dispensée, porte ses fruits. Tous les chefs d’établissement jugent positivement la démarche.
Je demande simplement une mesure similaire pour lutter contre le fléau du cyber-harcèlement, qui est une forme de violence tout aussi dévastatrice.
Je le précise, en 2010, le Sénat avait adopté la disposition concernée à l’unanimité. Pourquoi en serait-il autrement aujourd'hui sur un sujet semblable et tout aussi préoccupant ? Je propose simplement de compléter le dispositif qui avait été voté alors.
Je vous avoue mon incompréhension. Pourquoi une vérité de 2010 serait-elle une erreur en 2016 ? Il serait très regrettable, me semble-t-il, que le Sénat rejette une telle disposition.
Le cyber-harcèlement est un véritable fléau ! Encore une fois, des jeunes menacent parfois de mettre fin à leurs jours ! Il faut avoir conscience de l’enfer qu’ils vivent !
Certains préfèrent se contenter de simples circulaires… Je pense que ce sera bien plus efficace si le dispositif est gravé dans le marbre de la loi et entre réellement en application dans les faits. Croyez-moi, cela en vaut la peine !
Mme Brigitte Gonthier-Maurin. Oh oui !
M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 246.
(Après une épreuve à main levée déclarée douteuse par le bureau, le Sénat, par assis et levé, adopte l’amendement.)
M. Roland Courteau. Très bien !
M. le président. En conséquence, un article additionnel ainsi rédigé est inséré dans le projet de loi, après l'article 33 ter.
Article 33 quater
L’article 226-1 du code pénal est ainsi modifié :
1° Au dernier alinéa, les mots : « les actes mentionnés au présent article ont été accomplis » sont remplacés par les mots : « la captation, la fixation, l’enregistrement de paroles ou d’une image ont été accomplis » ;
2° Il est complété par un alinéa ainsi rédigé :
« Les peines sont portées à deux ans d’emprisonnement et 60 000 euros d’amende lorsque sont captés, fixés, enregistrés, transmis des paroles ou une image, à caractère sexuel, prises dans un lieu public ou privé. »
M. le président. La parole est à Mme Hélène Conway-Mouret, sur l'article.
Mme Hélène Conway-Mouret. Le présent projet de loi pose prioritairement le droit à internet pour tous et à un égal accès pour garantir l’insertion, la vie professionnelle et sociale. Aujourd’hui, pour toutes les générations, les liens passent aussi par les réseaux sociaux et la communication virtuelle. Ces nouveaux usages appellent de nouvelles règles pour prévenir – nous venons d’en discuter avec Roland Courteau il y a un instant – et combattre les risques qu’ils entraînent, à commencer par le développement des cyber-violences.
L’article 33 quater, qui a été ajouté à l’Assemblée nationale, concerne une forme particulière de cyber-violence : le revenge porn, c’est-à-dire, littéralement, la vengeance pornographique. Cette pratique consiste à diffuser, par dépit ou par vengeance, le plus souvent sur internet, des images intimes de son ex-compagne ou de son ex-compagnon sans l’accord de l’intéressé.
Je veux souligner la qualité du travail effectué sur ce point par la délégation aux droits des femmes de l’Assemblée nationale. Dans un rapport d’information, elle a dressé un état des lieux du phénomène, beaucoup moins marginal qu’il n’y paraît. J’en retiens particulièrement un chiffre, selon une enquête réalisée au mois d’avril 2014, en France, un homme sur dix n’exclurait pas de se livrer à de tels actes. Cette statistique est inquiétante ; elle démontre combien la gravité de ces faits est sous-estimée.
Le rapport met en lumière le désarroi des victimes, qui sont dans la très grande majorité des femmes et des jeunes filles, mais il s’agit parfois aussi d’hommes. Il donne aussi de précieux renseignements sur la complexité des procédures pour obtenir, notamment, le retrait des contenus diffusés sur internet sans le consentement des victimes.
L’article 33 quater vise à aggraver les peines susceptibles d’être prononcées à l’encontre de celles et de ceux qui se livrent à de tels agissements. Selon les dispositions en vigueur, en l’occurrence l’article 226–1 du code pénal, la peine pour toute atteinte à l’intimité de la vie privée est d’un an d’emprisonnement et de 45 000 euros d’amende.
Le présent article porte à deux ans d’emprisonnement et à 60 000 euros d’amende le fait de transmettre ou de diffuser sans le consentement exprès de la personne son image ou sa voix, prise dans un lieu public ou privé, dès lors que cela présente un caractère sexuel.
L’exposition de leur intimité à un large public pousse certaines victimes jusqu’au suicide. Nous ne pouvons pas rester insensibles à leur humiliation et à leur détresse. La confirmation de la pénalisation expresse des vengeances pornographiques est attendue par nos collègues de l’Assemblée nationale, mais aussi, bien plus largement, par nos concitoyens, que l’ampleur du phénomène inquiète.
M. le président. Je suis saisi de deux amendements faisant l'objet d'une discussion commune.
L'amendement n° 651, présenté par M. Frassa, au nom de la commission des lois, est ainsi libellé :
Rédiger ainsi cet article :
Le code pénal est ainsi modifié :
1° L'article 226–2 est ainsi modifié :
a) Après le premier alinéa, il est inséré un alinéa ainsi rédigé :
« Est puni des mêmes peines le fait, en l’absence d’accord de la personne pour la diffusion, de porter à la connaissance du public ou d’un tiers tout enregistrement ou document obtenu à l’aide de l’un des actes prévus à l’article 226–1. » ;
b) Au dernier alinéa, les mots : « l’alinéa précédent » sont remplacés par les mots : « le premier alinéa » ;
2° Après l’article 226–2, il est inséré un article 226–2–1 ainsi rédigé :
« Art. 226–2–1. – Lorsque les délits prévus aux articles 226–1 et 226–2 portent sur des paroles ou des images présentant un caractère sexuel prises dans un lieu public ou privé, les peines sont portées à deux ans d’emprisonnement et 60 000 € d’amende.
« Est puni des mêmes peines le fait, en l’absence d’accord de la personne pour la diffusion, de porter à la connaissance du public ou d’un tiers tout enregistrement ou tout document portant sur des paroles ou des images présentant un caractère sexuel, obtenu, avec le consentement exprès de la personne ou par elle-même, à l’aide de l’un des actes prévus à l’article 226–1. » ;
3° À l’article 226–6, la référence : « et 226–2 » est remplacée par la référence : « à 226–2–1 ».
La parole est à M. le rapporteur.
M. Christophe-André Frassa, rapporteur. Nous abordons à présent ce que l’on appelle communément le revenge porn.
Cet amendement de la commission des lois vise à rédiger intégralement l’article 33 quater, afin d’améliorer à la fois qualitativement et quantitativement le dispositif de répression de la diffusion sans consentement de la personne d'images ou de paroles à caractère sexuel.
Pour une meilleure intelligibilité de la loi, nous proposons de clarifier le texte que la commission avait adopté, en déplaçant dans un nouvel article spécifique du code pénal la circonstance aggravante liée au revenge porn. Nous voulons également compléter le texte en réprimant la rediffusion d’images à caractère sexuel même lorsqu’elles ont été diffusées par la personne elle-même. Cela concerne notamment les selfies.
Mon amendement est très proche de l’amendement n° 247, que Mme Conway-Mouret présentera dans quelques instants. Il y a simplement quelques différences rédactionnelles et d’organisation des articles du code pénal.
D’une part, il me semble important de prendre acte de l’arrêt du 16 mars 2016 de la Cour de cassation pour l’ensemble des diffusions d'images portant atteinte à la vie privée, et pas seulement pour les images à caractère sexuel.
D’autre part, dans un souci de conformité au principe d’interprétation stricte de la loi pénale, je souhaite également modifier l’article 226–2 du code pénal pour qu’aucune présomption de consentement prévue à l’article 226–1 du code pénal n’empêche de poursuivre pénalement la diffusion d’images portant violation de l’intimité d’autrui.
M. le président. L'amendement n° 247, présenté par Mme Conway-Mouret, MM. Courteau, Sueur, Leconte, Rome et Camani, Mme D. Gillot, MM. F. Marc, Assouline et Guillaume, Mmes Lepage, Blondin, Monier, Génisson, Meunier et les membres du groupe socialiste et républicain, est ainsi libellé :
Rédiger ainsi cet article :
Le code pénal est ainsi modifié :
1° Après l’article 226-2, il est inséré un article 226-2-1 ainsi rédigé :
« Art. 226-2-1. – Lorsque les délits prévus par les articles 226-1 et 226-2 portent sur des paroles ou des images présentant un caractère sexuel prises dans un lieu public ou privé, les peines sont portées à deux ans d’emprisonnement et 60 000 € d’amende.
« Dans ce cas, le délit prévu par l’article 226-2 est également constitué lorsque les actes mentionnés à l’article 226-1 ont été accomplis avec le consentement exprès ou présumé de la personne ou par elle-même, dès lors que ces paroles ou images sont diffusées sans son accord. » ;
2° À l’article 226-6, la référence : « et 226-2 » est remplacée par la référence : « à 226-2-1 ».
La parole est à Mme Hélène Conway-Mouret.
Mme Hélène Conway-Mouret. Ainsi que M. le rapporteur l’a souligné, le 16 mars 2016, la Cour de cassation a jugé, par une interprétation exagérément restrictive de l’article 226–2 du code pénal, que si l’enregistrement de photos sans le consentement de la personne concernée était bien interdit, il n’en allait pas de même de leur diffusion.
Autrement dit, en l’état du droit actuel, quelqu’un qui a donné son accord à la réalisation d’une photo ou d’un film ne peut pas s’opposer ultérieurement à sa diffusion, notamment sur internet.
Une telle décision montre bien l’urgence qu’il y a à modifier le code pénal pour l’adapter à la réalité du cyber-harcèlement et de la vengeance pornographique. Pour autant, si cet objectif ne peut qu’être pleinement partagé, il apparaît que les modifications proposées de l’article 226–1 du code pénal ne sont pas adaptées. Je me réjouis que la commission et son rapporteur se soient saisis de cette difficulté.
En effet, en maintenant dans l’article 226–1 la présomption de consentement, donc l’absence de délit, en cas d’enregistrement d’images ou de paroles, le texte adopté par la commission ne permet pas de réprimer leur diffusion ultérieure. Nous le voyons bien, la lutte contre le cyber-harcèlement suppose que la diffusion d’une image ou d’un film soit interdite quand bien même l’enregistrement initial aurait été fait avec le consentement de la personne concernée. En effet, on peut être d’accord avec la réalisation d’un film ou d’une image sans pour autant approuver sa diffusion ultérieure.
Mon amendement vise au maintien du principe du consentement implicite prévu au deuxième alinéa de l’article 226–1 du code pénal, assorti de la création d’une nouvelle infraction. Le nouvel article 226–2–1 du code pénal aggraverait les peines en cas d’enregistrement de paroles ou d’images à caractère sexuel, ainsi qu’en cas de diffusion de celles-ci sans le consentement de la personne, quand bien même l’enregistrement initial aurait été fait avec son accord exprès ou présumé.
Nous prévoyons également que le délit soit également constitué lorsque l’enregistrement initial est un autoportrait, une pratique très répandue, plus connue sous le nom de selfie.
M. le président. Quel est l’avis de la commission sur l’amendement n° 247 ?
M. Christophe-André Frassa, rapporteur. Nous partageons évidemment l’objectif de Mme Conway-Mouret : inscrire les dispositions relatives au revenge porn dans un cadre juridique spécifique.
Cela étant, l’amendement de notre collègue me paraît satisfait par le mien, qui reprend toutes ses dispositions, mais est plus large et plus complet. Mon amendement vise à mettre en place un dispositif global prenant acte de la jurisprudence de la Cour de cassation – ce n’est pas le cas de l’amendement n° 247 – pour toutes les atteintes à la vie privée, et pas seulement les images à caractère sexuel.
Je sollicite donc le retrait de l’amendement n° 247, au profit de celui de la commission.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement sur ces deux amendements ?
Mme Axelle Lemaire, secrétaire d'État. Pour ma part, j’aurais tendance à suggérer le retrait de l’amendement de la commission au profit de celui de Mme Conway-Mouret.
Je voudrais d’abord me féliciter que nous cherchions tous à atteindre le même objectif. Nous voulons tous créer une nouvelle infraction pénale pour appréhender les phénomènes de revanche pornographique que l’on constate parfois sur internet, via les réseaux sociaux ou l’utilisation de smartphones. Plusieurs pays, comme le Royaume-Uni, ont fait évoluer leur législation en ce sens. C’était aussi une nécessité pour la France, comme la Cour de cassation l’a indirectement rappelé dans son arrêt du 16 mars 2016.
Mais j’ai une interrogation quant à la rédaction proposée par la commission. Je viens juste de prendre connaissance de l’amendement n° 651, compte tenu de son dépôt tardif. (M. le rapporteur s’exclame.) J’ai le sentiment que cet amendement couvre moins de situations – c’est sans doute juste un problème de rédaction juridique – que celui qui est proposé par Mme Conway-Mouret.
En effet, l’idée est de couvrir toutes les situations, par exemple si le consentement a été donné de manière expresse ou implicite lors de l’enregistrement de photos, mais n’a pas été recueilli lors de leur diffusion au public. Il est donc très important que cette notion de consentement exprès ou implicite n’apparaisse plus au moment de la diffusion. C’est tout l’intérêt de créer une nouvelle infraction.
À mon sens, le fait de renvoyer à l’article 226–1 au lieu de tout concentrer au sein d’un seul et unique article crée une confusion. Sur le fond, nous sommes évidemment d'accord.
Je suggère donc le retrait de l’amendement de la commission, afin de couvrir le maximum de situations possible. Je m’engage à retravailler avec vous la rédaction de l’article dans la perspective de la commission mixte paritaire.
M. le président. La parole est à M. le rapporteur.
M. Christophe-André Frassa, rapporteur. Je précise que mon amendement reprend l’intégralité des dispositions figurant dans celui de Mme Conway-Mouret. Si l’on peut me reprocher quelque chose, c’est d’en avoir mis plus !
La seule différence, mais elle est de taille, c’est que j’ajoute une disposition permettant de prendre acte de la décision de la Cour de cassation du 16 mars 2016. Mon amendement va donc plus loin.
M. le président. En conséquence, l'article 33 quater est ainsi rédigé et les amendements nos 247 et 306 n’ont plus d'objet.
Toutefois, pour la bonne information du Sénat, je rappelle les termes de l’amendement n° 306.
L'amendement n° 306, présenté par M. Courteau, est ainsi libellé :
Alinéa 4
Compléter cet alinéa par les mots :
sans le consentement exprès de la personne
Articles additionnels après l'article 33 quater
M. le président. L'amendement n° 249, présenté par MM. Courteau, Sueur, Leconte, Rome et Camani, Mme D. Gillot, MM. F. Marc, Assouline et Guillaume, Mmes Lepage, Blondin, Monier, Génisson, Meunier et les membres du groupe socialiste et républicain, est ainsi libellé :
Après l'article 33 quater
Insérer un article additionnel ainsi rédigé :
Les avant-dernier et dernier alinéas de l’article 222-33-2-2 du code pénal sont remplacés par quatre alinéas ainsi rédigés :
« Les faits mentionnés au premier alinéa sont punis de trois ans d’emprisonnement et de 45 000 € d’amende :
« a) Lorsqu’ils sont commis dans deux des circonstances mentionnées aux 1° à 3° ;
« b) Lorsqu’ils ont été commis par l’utilisation d’un service de communication au public en ligne.
« Les faits mentionnés au premier alinéa sont punis de cinq ans d’emprisonnement et de 75 000 € d’amende lorsqu’ils ont été suivis du suicide de la personne harcelée. »
La parole est à M. Roland Courteau.
M. Roland Courteau. Tout comme les harceleurs en chair et en os, les cyber-harceleurs font intrusion dans les vies de leurs victimes de manière imprévisible et menaçante. Ce harcèlement a des conséquences sur tous les aspects de la vie et de la réputation d’une personne, notamment sa santé physique et psychique. Le plus souvent, le harceleur n’est pas identifié et demeure inconnu de sa victime. L’imprévisibilité qu’ajoute l’anonymat rend encore plus difficile pour la victime d’évaluer les risques au quotidien, ce qui peut accroître son degré d’anxiété et de peur.
L’univers numérique implique qu’un harceleur ait accès aux informations à tout moment. Non seulement cela nourrit son obsession, mais cela lui fournit aussi les outils dont il a besoin pour surveiller, contacter, intimider ou humilier sa victime. Les harceleurs n’ont plus besoin d’être physiquement présents, ni de faire l’effort de poster une lettre pour importuner une victime. Il leur suffit de se servir de leur ordinateur ou de leur téléphone portable pour se livrer à de tels agissements.
C’est donc bien la publicité donnée à cette présentation déformée et peu flatteuse de la victime qui explique l’importance du préjudice, fonde la gravité du comportement et justifie l’importance de la sanction.
Au cours des travaux préparatoires à l’élaboration de la loi du 4 août 2014 pour l’égalité réelle entre les femmes et les hommes, le Sénat avait introduit par amendement un article incriminant spécifiquement le cyber-harcèlement. Cette initiative n’a finalement pas vu le jour. Aujourd’hui, la répression du cyber-harcèlement est assurée par référence au délit général de harcèlement prévu à l’article 222–33–2–2 du code pénal. Mais, j’y insiste, ces faits sont moins sévèrement punis que le vol à l’étalage ou le recel d’une bicyclette. Remédier à une telle situation, c’est aussi reconnaître les victimes dans leurs droits.
Aussi, à travers cet amendement, je propose de porter la peine encourue à trois ans lorsqu’il est fait usage d’un réseau de communication au public en ligne et à cinq ans lorsque les faits ont été suivis du suicide de la victime.
M. le président. Quel est l’avis de la commission ?
M. Christophe-André Frassa, rapporteur. Monsieur Courteau, je salue votre travail. Je sais que c’est un sujet qui vous tient à cœur puisque vous avez déjà défendu une proposition de loi pour renforcer la prévention et la lutte contre le cyber-harcèlement.
Votre amendement vise à accroître les peines contre le cyber-harcèlement, notamment lorsqu’il est suivi du suicide de la personne visée. À ce stade, il ne me semble pas nécessaire d’augmenter les peines. En effet, depuis l’entrée en vigueur de la loi 4 août 2014 relative à l’égalité réelle entre les femmes et les hommes, qui permet d’incriminer spécifiquement les faits de cyber-harcèlement, la Chancellerie m’a confirmé qu’une seule condamnation avait été prononcée sur le fondement de cette loi. Je comprends parfaitement votre intention, qui est d’envoyer un message très clair et très fort. Je partage cette ambition.
Néanmoins, la portée même de l’incrimination existante, qui est extrêmement spécifique, est d’ores et déjà sujette à précaution. Je m’en explique : des dispositifs plus généraux semblent être utilisés sans qu’il ne soit pertinent de recourir au délit très précis de cyber-harcèlement.
Pour des raisons similaires, je ne peux être favorable à l’aggravation des peines du cyber-harcèlement lorsqu’il est suivi, et non lorsqu’il entraîne, le suicide de la personne visée ou concernée. D’une part, le suicide peut ne pas être la conséquence directe et certaine du fait du harcèlement. D’autre part, il semble difficile de créer une circonstance aggravante à ce délit très précis, qui ne dépend qu’indirectement du comportement de l’auteur présumé.
Je rappelle, monsieur Courteau, que la responsabilité pour la mort d’autrui est plus efficacement réprimée sur la base d’autres délits, notamment l’homicide involontaire.
Nous avons tous, hélas ! dans nos connaissances des personnes qui nous rapportent des cas de cyber-harcèlement. De nombreux exemples sont également rapportés dans la presse. Néanmoins, l’état actuel du droit nous permet de pouvoir poursuivre ces cas de cyber-harcèlement sans qu’il ne soit besoin d’ajouter une incrimination supplémentaire.
C’est pourquoi je demande le retrait de cet amendement.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
Mme Axelle Lemaire, secrétaire d'État. Le Gouvernement fera la même réponse que la commission. M. le rapporteur a bien décrit les incertitudes quant au niveau d’exigence élevé de précision de la loi pénale.
Pour des situations de cette nature, ce qui importe, surtout une fois que l’infraction a été créée et qu’elle fait l’objet de possibles circonstances aggravantes, c’est la rapidité de la réponse apportée par les pouvoirs publics et par les fournisseurs de services en ligne. C’est en effet l’aspect viral qui rend cette situation d’autant plus préjudiciable à la personne victime. Il faut donc stopper le plus rapidement cette possibilité de viralité, et par conséquent demander au réseau social du jeune auteur de l’infraction de ne pas rediffuser les textes ou les images.
La réponse réside à la fois dans la rapidité, notamment en ce qui concerne le retrait de l’information, et dans la sensibilisation des jeunes concernés.
M. le président. Monsieur Courteau, l’amendement n° 249 est-il maintenu ?
M. Roland Courteau. Je souhaite envoyer un signal par rapport à ce fléau. Je comprends les arguments qui ont été avancés par M. le rapporteur et par Mme la secrétaire d’État. Cependant, est-il juste que ces faits de cyber-harcèlement soient moins sévèrement punis que le vol à l’étalage ou le recel d’une bicyclette ?
J’ai tout à l’heure souligné que le cyber-harcèlement donnait lieu à un véritable lynchage. Ne convient-il pas d’accroître les sanctions pour des faits bien autrement plus graves, en termes de conséquences, que le recel d’un vélo ?
Je maintiens donc mon amendement, monsieur le président.
M. le président. Je suis saisi de trois amendements faisant l'objet d'une discussion commune.
Les deux premiers sont identiques.
L'amendement n° 43 rectifié est présenté par Mme Jouanno, M. Cadic, Mmes Joissains, Gatel et Loisier, MM. Bockel, L. Hervé, Lasserre, Cigolotti, Maurey, Marseille, Longeot, Gabouty, Guerriau, Chaize et Pellevat, Mme Deromedi et M. Laménie.
L'amendement n° 340 est présenté par Mme Bouchoux et les membres du groupe écologiste.
Ces deux amendements sont ainsi libellés :
Après l'article 33 quater
Insérer un article additionnel ainsi rédigé :
Après l’article 226-2 du code pénal, il est inséré un article 226-2-… ainsi rédigé :
« Art. 226-2-… – Est puni d’un an d’emprisonnement et de 45 000 euros d’amende, le fait de menacer une personne des actes mentionnés aux articles 226-1 et 226-2 lorsque l’enregistrement ou le document concerne une parole ou une image à caractère sexuel.
« Les articles 312-10, 312-11 et 312-12 s’appliquent sans préjudice de l’alinéa précédent. »
La parole est à M. Patrick Chaize, pour présenter l’amendement n° 43 rectifié.
M. Patrick Chaize. Le présent amendement participe à la création du dispositif juridique clair permettant la répression pénale des pratiques dites de « revanches pornographiques ». Il consiste à créer un nouvel article au sein du code pénal afin de couvrir des situations liées aux pratiques de revanches pornographiques, à savoir : le fait de menacer une personne de diffuser des images ou paroles à caractère sexuel la concernant obtenues avec ou sans le consentement de cette dernière ; le fait de recourir au chantage tel que défini à l’article 312–10 du code pénal à l’égard d’une personne en usant d’images ou de paroles à caractère sexuel la concernant avec ou sans le consentement de cette dernière.
M. le président. La parole est à Mme Corinne Bouchoux, pour présenter l'amendement n° 340.
Mme Corinne Bouchoux. Cet amendement est identique à celui que vient de défendre M. Chaize et qui avait été cosigné par Mme Jouanno et un certain nombre d’autres membres de la délégation aux droits des femmes et à l’égalité des chances entre les hommes et les femmes. Sa philosophie a été suggérée par l’audition de seize associations et collectifs féministes, qui souhaitent utiliser cette loi pour attirer l’attention sur un point précis.
Nous avons légiféré pour prévoir la répression pénale de la diffusion d’images ou de vidéos à caractère sexuel sans le consentement de la personne.
Il convient peut-être d’aller plus loin et de renforcer encore la répression en matière de pratiques violentes dites de « vengeances pornographiques ».
Par exemple, en matière de divorce, ce qui peut concerner tout le monde, de nombreux hommes ou femmes, mais plus souvent des femmes, sont victimes de menaces ou de chantage à la diffusion de telles images.
Il est donc important de pouvoir réprimer de façon plus sévère la diffusion d’images ou de paroles à caractère sexuel en créant un nouvel article dans le code pénal, même si le véhicule législatif que constitue le présent projet de loi peut sembler quelque peu éloigné d’une cause qui nous paraît juste.
M. le président. L'amendement n° 248, présenté par MM. Courteau, Sueur, Leconte, Rome et Camani, Mme D. Gillot, MM. F. Marc, Assouline et Guillaume, Mmes Lepage, Blondin, Monier, Génisson, Meunier et les membres du groupe socialiste et républicain, est ainsi libellé :
Après l'article 33 quater
Insérer un article additionnel ainsi rédigé :
Après l’article 226-2 du code pénal, il est inséré un article 226-2-… ainsi rédigé :
« Art. 226-2-… – Est puni d’un an d’emprisonnement et 45 000 € d’amende, le fait de menacer une personne de recourir aux actes mentionnés aux articles 226-1 et 226-2 lorsque l’enregistrement ou le document concerne une parole ou une image à caractère sexuel.
« Les articles 312-10, 312-11 et 312-12 s’appliquent sans préjudice de l’alinéa précédent. »
La parole est à M. Roland Courteau.
M. Roland Courteau. Le présent amendement, quasi identique à ceux qui viennent d’être défendus par mes collègues, participe à la création d’un dispositif juridique clair permettant la répression pénale des pratiques dites de « revanches pornographiques ».
M. le président. Quel est l’avis de la commission ?
M. Christophe-André Frassa, rapporteur. Je comprends tout à fait la démarche de mes collègues. Il s’agit de créer un nouveau délit de menace de « revanches pornographiques ».
Ces amendements visent à punir, au sein d’un délit autonome, le fait de menacer une personne de diffuser des images intimes à caractère sexuel.
Ces dispositions ne semblent néanmoins pas souhaitables au regard de l’organisation actuelle de la répression des menaces.
En effet, les menaces sont visées dans un chapitre autonome du code pénal : le paragraphe 3 de la section 1 du chapitre II du titre II du livre II. Surtout, ces dispositions semblent satisfaites par l’article 222–17 du code pénal, de portée générale, qui incrimine le fait de menacer de commettre un délit dont la tentative est punissable, ce qui est le cas du délit d’atteinte à la vie privée.
Enfin, il n’est pas nécessaire de préciser tous les articles du code pénal qui s’appliquent sans préjudice des autres articles.
Créer un nouveau délit autonome alors qu’existe l’article 222–17 ne paraît pas utile. Aussi, je demande le retrait de ces amendements.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
Mme Axelle Lemaire, secrétaire d'État. Le Gouvernement demande également de retrait de ces trois amendements, car, à mes yeux, ils sont satisfaits.
Il ne pourra pas être reproché au Gouvernement, monsieur Chaize, de ne pas soutenir une vision progressiste du code civil et du code pénal. Mais quand un texte est déjà applicable et qu’aucun vide juridique n’est constaté, il n’est à mon sens nul besoin d’ajouter une disposition spécifique.
En l’occurrence, le chantage, tel qu’il est prévu dans le droit pénal commun, et la menace sont des outils suffisants pour répondre à la situation liée au cyber-harcèlement que vous souhaitez couvrir.
J’ajoute que les peines encourues à l’heure actuelle sont plus lourdes que celles qui sont prévues dans vos amendements. Pour le chantage, les peines sont de cinq ans et pour la menace elles sont de trois ans, contre un an dans ces amendements.
M. le président. La parole est à M. le président de la commission des lois.
M. Philippe Bas, président de la commission des lois. Je suis parfaitement rassuré par les explications de notre rapporteur et de Mme la secrétaire d’État. Je pense que les auteurs de ces trois amendements le sont également – il leur appartiendra de le dire.
Les choses sont simples : il y a le délit et il y a la menace de délit. Le délit, nous venons de le poser et nous l’avons voté à l’instant pour cette pratique au sujet de laquelle nous n’avons pas trouvé de meilleure expression que celle de « revanche pornographique » inspirée de l’anglais revenge porn.
Après avoir créé le délit, nous nous demandons à juste titre – et je remercie les auteurs de ces amendements – s’il ne faudrait pas que la simple menace de commettre le délit soit réprimée également. Heureusement, nous avons trouvé la réponse : c’est l’article 222–17 du code pénal. Chaque fois que le Parlement introduit un nouveau délit, nous savons que, grâce, à cet article la menace de commettre le délit est déjà réprimée.
On nous reproche parfois, à nous parlementaires, dans nos départements d’ajouter sans cesse des dispositions qui gonflent les codes. C’est vrai pour le code du travail, c’est également vrai pour le code général des impôts, mais aussi pour le code pénal. Soyons simples si nous voulons être efficaces pour permettre aux magistrats de sanctionner, car le code contient plusieurs centaines de délits. Si chaque fois qu’un délit est modifié ou ajouté il fallait prévoir la répression de la menace de ce délit, on n’en sortirait pas. Il est donc de bonne rédaction pour le code pénal de s’en tenir à la formulation actuelle.
Je demande, moi aussi, le retrait de ces amendements. À défaut, notre assemblée ne pourra que les repousser dans le souci de permettre à la justice de fonctionner sans qu’il n’y ait trop de « kystes » dans le code pénal.
M. le président. La parole est à Mme Brigitte Gonthier-Maurin, pour explication de vote.
Mme Brigitte Gonthier-Maurin. Mon souci était rigoureusement identique. La préoccupation émise est très salutaire. Je souhaitais demander de viser mieux, en me référant à l’article 222–17 ou à l’article 222–18 du code pénal.
M. le président. Monsieur Courteau, l’amendement n° 248 est-il maintenu ?
M. Roland Courteau. J’ai été convaincu et rassuré : je retire mon amendement, monsieur le président.
M. le président. L’amendement n° 248 est retiré.
Monsieur Chaize, qu’advient-il de l’amendement n° 43 rectifié ?
M. Patrick Chaize. Devant cette unanimité dans l’argumentaire, je ne peux que retirer mon amendement, en insistant sur le fait que notre objectif est à la fois fort et partagé.
M. Bruno Sido. Il est louable !
M. Patrick Chaize. Je remercie le Sénat de nous suivre au moins sur l’idée.
M. le président. L'amendement n° 43 rectifié est retiré.
Madame Bouchoux, qu’en est-il de l’amendement n° 340 ?
Mme Corinne Bouchoux. Je vais le retirer, monsieur le président.
On parle tout le temps, et on le fait assez bien, de ce qui nous oppose, de ce qui ne va pas. En l’occurrence, il est important d’acter que notre assemblée, sur toutes ses travées, est d’accord. Qu’il s’agisse de Brigitte Gonthier-Maurin, ancienne présidente de la délégation aux droits des femmes, de Chantal Jouanno ou de Patrick Chaize, nous avons tous consacré du temps à cette question. Certes, il serait peut-être superflu d’ajouter la menace au délit qui est déjà prévu.
Néanmoins, toutes les associations féministes qui ont passé des heures à convaincre tout le monde auront entendu qu’il s’agit d’un combat que nous menons tous, car la cause est noble.
M. Bruno Sido. Tout à fait !
Mme Corinne Bouchoux. Ce véhicule législatif n’était pas le meilleur et ces amendements risquaient de faire plus de dégâts que de bien, mais il était important de poser le débat à travers leur examen.
Je retire l’amendement.
M. le président. L'amendement n° 340 est retiré.
Je suis saisi de trois amendements identiques.
L'amendement n° 179 rectifié ter est présenté par M. Grand, Mme Garriaud-Maylam, MM. Mandelli, Revet et Raison, Mmes Deromedi et Hummel, MM. Laménie et Charon, Mme Gruny et MM. de Nicolaÿ et Husson.
L'amendement n° 296 rectifié ter est présenté par MM. Détraigne et Bonnecarrère, Mme Férat et MM. Kern, Marseille, Guerriau et Maurey.
L'amendement n° 361 rectifié est présenté par M. Yung.
Ces trois amendements sont ainsi libellés :
Après l'article 33 quater
Insérer un article additionnel ainsi rédigé :
L’article 9 de la loi n° 78-17 du 6 janvier 1978 relative à l'informatique, aux fichiers et aux libertés est complété par un alinéa ainsi rédigé :
« …° Les personnes publiques ou morales agissant dans le cadre de recherches à des fins de prévention ou de développement de l’écoconduite subventionnées par des fonds publics. »
La parole est à M. Louis-Jean de Nicolaÿ, pour présenter l'amendement n° 179 rectifié ter.
M. Louis-Jean de Nicolaÿ. L’article 9 de la loi Informatique et libertés réserve le traitement des données relatives aux infractions, condamnations et mesures de sûreté à des personnes morales détentrices de mission de service public.
Parmi ces infractions figurent les excès de vitesse, le franchissement de ligne continue ou le bouclage de ceinture de sécurité.
Par conséquent, seules des personnes morales détentrices de mission de service public peuvent faire des recherches à partir de données publiques relatives aux infractions sur la vitesse instantanée, le franchissement des lignes continues et le bouclage des ceintures.
De plus en plus fréquemment, dans le domaine de la recherche, la collecte et le traitement de certaines données d’infraction sont indispensables à la compréhension des mécanismes étudiés. Dans de tels cas, les données collectées et traitées le sont uniquement à des fins de recherche et sont conservées pour une durée non supérieure à ce qui est strictement nécessaire pour atteinte des objectifs de l’étude.
L’utilisation de ces données est notamment indispensable dans le domaine de la recherche en matière de sécurité routière ou dans le développement de la conduite écoresponsable.
Plusieurs pays européens autorisent la collecte et le traitement de ces données sous certaines conditions. La France, elle, l’interdit au titre de l’article 9 de la loi Informatique et libertés.
Afin de permettre ces recherches d’intérêt général et d’éviter que certains projets de recherche n’échappent aux laboratoires français, il est proposé de lever ce frein en inscrivant dans le droit la possibilité pour les personnes publiques ou morales d’effectuer des recherches à partir des données d’infraction. Cet amendement vise à permettre une réponse rapide.
M. le président. La parole est à M. Hervé Maurey, pour présenter l'amendement n° 296 rectifié ter.
M. Hervé Maurey. Cet amendement est défendu, monsieur le président.
M. le président. L'amendement n° 361 rectifié n'est pas soutenu.
Quel est l’avis de la commission sur les deux amendements restant en discussion ?
M. Christophe-André Frassa, rapporteur. Ces amendements visent à permettre aux personnes publiques ou morales de mettre en œuvre des traitements de données à caractère personnel relatives aux infractions, condamnations et mesures de sûreté, lorsqu’elles concourent à la recherche à des fins de prévention ou au développement de l’écoconduite.
Je perçois mal la pertinence de cette disposition. Pourquoi une personne morale devrait-elle avoir accès à un traitement de données à caractère personnel et non à de simples données agrégées pour des fins de recherche en matière de prévention ?
Actuellement, n’ont accès à ces fichiers d’infractions pénales que les juridictions, les autorités publiques et les personnes morales gérant un service public, agissant dans le cadre de leurs attributions légales, ainsi que les auxiliaires de justice et certaines personnes morales spécifiquement visées, notamment les sociétés de perception et de répartition des droits, pour la défense des droits d’auteurs et de la propriété intellectuelle.
On ne saurait ouvrir trop largement l’accès à ces fichiers, qui contiennent des informations sensibles puisqu’elles sont relatives à des infractions pénales. Le Conseil constitutionnel est très vigilant sur cette question « en raison de l’ampleur que pourraient revêtir les traitements de données personnelles ainsi mis en œuvre et de la nature des informations traitées » qui pourrait affecter « le droit au respect de la vie privée et les garanties fondamentales accordées aux citoyens pour l’exercice des libertés publiques ».
Aussi le Conseil constitutionnel a-t-il censuré dans une décision du 29 juillet 2004 une disposition de la loi relative à la protection des personnes physiques à l’égard des traitements de données à caractère personnel et modifiant la loi du 6 janvier 1978 relative à l’informatique, aux fichiers et aux libertés.
Cette disposition visant à permettre à certaines personnes morales d’accéder à ces traitements a été jugée par le Conseil constitutionnel « ambiguë » puisqu’elle laissait « indéterminée la question de savoir dans quelle mesure les données traitées pourraient être partagées ou cédées, ou encore si pourraient y figurer des personnes sur lesquelles pèse la simple crainte qu’elles soient capables de commettre une infraction ; qu’elle ne dit rien sur les limites susceptibles d’être assignées à la conservation des mentions relatives aux condamnations ».
L’absence de définition de garanties par le législateur alors même qu’il donnait un accès à une personne morale a été jugée comme étant entachée d’incompétence négative.
Je ne crois pas que la rédaction de cet amendement réponde à toutes les exigences du Conseil constitutionnel en la matière.
À titre d’exemple, ces amendements, s’ils étaient adoptés, permettraient à un constructeur automobile d’avoir accès au fichier des personnes ayant provoqué un accident de voiture. Je ne comprends pas quelle serait la finalité de tout cela pour un constructeur automobile, ou plutôt je ne la saisis que trop bien.
Je suis donc extrêmement réservé sur ces deux amendements. Je demande leur retrait ; à défaut, j’émettrai un avis défavorable.
M. Philippe Bas, président de la commission des lois. Très bien !
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
Mme Axelle Lemaire, secrétaire d'État. Le Gouvernement émet également un avis défavorable, bien que plus nuancé dans la mesure où il ne s’agit pas de transmettre des fichiers de police, notamment à des constructeurs automobiles, relatifs à des infractions, mais bien de communiquer des données relatives à des infractions : je pense à la possibilité d’installer des capteurs sur les voitures pour transmettre automatiquement les informations en cas de franchissement d’une vitesse maximale autorisée.
J’imagine parfaitement qu’il peut être intéressant pour des constructeurs, afin de développer des systèmes plus préventifs à intégrer dans les automobiles, de connaître les conditions dans lesquelles un véhicule est amené à franchir une vitesse supérieure à 130 kilomètres à l’heure.
Je perçois d’autant mieux l’intérêt d’une telle mesure que le texte prévoit déjà d’autoriser l’appariement de fichiers par l’intermédiaire du « NIR statistique » pour les chercheurs. Par ailleurs, nous avons également permis l’accès pour les chercheurs à des bases nationales afin d’utiliser au mieux les données publiques.
Néanmoins, il s’agit tout de même d’ouvrir à des entreprises privées l’accès à des données sensibles. Il convient donc d’élaborer un régime concerté et très protecteur, avec des garde-fous. Le dispositif proposé n’a pas pu faire l’objet d’une analyse approfondie, d’autant que des exceptions relatives aux données sensibles sont prévues expressément dans le règlement européen sur les données personnelles. Il conviendrait d’étudier l’articulation entre un tel dispositif et les dispositions du règlement européen.
À ce stade, il me paraît trop prématuré de donner un blanc-seing en adoptant ces amendements. En revanche, je suis disposée à travailler avec les personnes intéressées pour étudier l’opportunité et la faisabilité d’un dispositif permettant d’avancer sur ce sujet.
M. le président. Je mets aux voix les amendements identiques nos 179 rectifié ter et 296 rectifié ter.
(Les amendements ne sont pas adoptés.)
M. le président. L'amendement n° 542 rectifié bis, présenté par Mme Laborde, MM. Requier, Arnell, Barbier, Bertrand, Castelli, Collin, Esnol, Fortassin, Guérini et Hue, Mmes Jouve et Malherbe et MM. Mézard et Vall, n'est pas soutenu.
L'amendement n° 587, présenté par le Gouvernement, est ainsi libellé :
Après l'article 33 quater
Insérer un article additionnel ainsi rédigé :
Dans les conditions prévues à l'article 38 de la Constitution, le Gouvernement est autorisé à prendre par voie d'ordonnance, dans un délai de dix-huit mois à compter de la promulgation de la présente loi, les mesures relevant du domaine de la loi nécessaires :
1° À la mise en conformité de la législation française à la proposition 2012/2011/COD de règlement du Parlement européen et du Conseil relatif à la protection des personnes physiques à l'égard du traitement des données à caractère personnel et à la libre circulation de ces données (règlement général sur la protection des données), ainsi que les éventuelles mesures d'adaptation nécessaires pour l’application de cette proposition de règlement ;
2° Pour adapter aux caractéristiques et contraintes particulières des collectivités régies par l'article 73 de la Constitution, les dispositions prises en application du 1° ;
3° Pour adapter à Saint-Barthélemy, à Saint-Martin et à Saint-Pierre-et-Miquelon les dispositions prises en application du 1° ;
4° Pour étendre, avec les adaptations nécessaires, à la Nouvelle-Calédonie, à la Polynésie française, à Wallis-et-Futuna et aux Terres australes et antarctiques françaises les dispositions prises en application du 1°, sous réserve des compétences dévolues à ces collectivités.
Un projet de loi de ratification est déposé devant le Parlement dans un délai de trois mois à compter de la publication de l’ordonnance.
La parole est à Mme la secrétaire d'État.
Mme Axelle Lemaire, secrétaire d'État. J’ai beaucoup parlé du règlement européen relatif à la protection des personnes physiques à l’égard du traitement des données à caractère personnel et à la libre circulation de ces données, qui a été adopté tout récemment par l’ensemble des vingt-huit États membres de l’Union européenne et par les institutions communautaires. Il sera applicable dans le courant du second semestre de 2018.
Ce règlement aura pour effet de s’appliquer directement, et donc un certain nombre de dispositions de la loi Informatique et libertés de 1978 deviendront obsolètes ou nécessiteront d’être mises à jour.
Certaines dispositions nationales ont notamment vocation à disparaître du fait de l’effet direct du règlement. En revanche, certains articles du règlement permettent au droit national de prévoir des mesures spécifiques.
La mise en conformité et l’adaptation du droit national soulèvent des questions techniques. Tous les sujets identifiés par le Gouvernement comme relevant de choix liés à l’intérêt général, de choix politiques, ont été inscrits dans le projet de loi pour une République numérique. Cependant, le travail d’adaptation de la loi Informatique et libertés au contenu du règlement européen sera très technique et assez fastidieux.
C’est pourquoi, à travers le présent amendement, le Gouvernement demande au Sénat une habilitation législative pour prendre par voie d’ordonnance les dispositions permettant de finaliser la mise en conformité de la législation française avec le règlement européen.
C’est la méthode que j’avais décrite dès le départ à l’Assemblée nationale. Finalement, c’est une façon proactive d’essayer de construire notre droit, qui est très articulé avec le droit européen sur ces sujets. Nous tentons d’influer sur l’issue des négociations à Bruxelles, parfois avec succès puisque certaines des positions françaises ont été intégrées dans le règlement européen tel qu’il a été adopté.
Nous anticipons, lorsque les marges de manœuvre nous sont données, l’intégration de ce règlement dans notre droit national. Nous allons au-delà lorsque c’est possible, parce que nous y sommes autorisés. Dans ce projet de loi, le Parlement a décidé un travail d’intégration immédiate sur certains sujets, notamment en ce qui concerne les sanctions de la CNIL. Néanmoins, ce travail d’intégration devra être poursuivi sur des points très techniques jusqu’à l’entrée en vigueur effective du règlement européen dans le droit français. Telle est l’objet de cette demande d’habilitation.
M. le président. Quel est l’avis de la commission ?
M. Christophe-André Frassa, rapporteur. Le Gouvernement souhaite être habilité à procéder à la mise en conformité du droit français avec le règlement européen sur la protection des données personnelles.
Il sera effectivement nécessaire d’adapter notre législation au futur règlement européen qui entrera en vigueur, au mieux, courant 2018.
Toutefois, cette adaptation ne pourra se limiter à un simple toilettage : il faudra certainement revoir toute la loi Informatique et libertés. Le chantier étant plus vaste qu’il n’y paraît, il est préférable de demander au Gouvernement de préparer un projet de loi sur le sujet, ce qui lui permettra d’être beaucoup plus ambitieux.
La commission émet donc un avis défavorable.
M. le président. La parole est à Mme la secrétaire d'État.
Mme Axelle Lemaire, secrétaire d'État. En tant qu’ancienne députée et ancienne secrétaire de la commission des lois de l’Assemblée nationale, je comprends tout à fait votre réticence à accepter des habilitations législatives.
Tous les grands principes du règlement européen sont dans ce projet de loi. Il s’agit d’un règlement et non d’une directive. Aucune loi ne sera donc nécessaire pour le transposer dans le droit français. Si vous souhaitez perdre du temps à supprimer tous les articles de la loi Informatique et libertés – ils sont au nombre de soixante-dix – pour vous assurer, à la virgule près, que le code est conforme au règlement, pourquoi pas. Il me semble néanmoins que, dans son ambition politique pour la défense de l’intérêt général, le Sénat a d’autres chantiers prioritaires !
M. le président. La commission des lois m’a fait savoir qu’elle souhaitait reprendre l’amendement n° 542 rectifié bis, qui n’a pas été soutenu.
Je suis donc saisi d’un amendement n° 673, présenté par M. Frassa, au nom de la commission des lois, et ainsi libellé :
Après l'article 33 quater
Insérer un article additionnel ainsi rédigé :
Le deuxième alinéa du III de l’article 22 de la loi n° 78–17 du 6 janvier 1978 relative à l'informatique, aux fichiers et aux libertés est complété par une phrase ainsi rédigée :
« La désignation d’un correspondant est obligatoire pour les personnes morales de droit privé dont le personnel est supérieur à 250 personnes ou dont les activités consistent en des traitements de données qui, en raison de leur nature, de leur portée ou de leur finalité, exigent un suivi régulier et systématique de personnes. »
Vous avez la parole pour défendre cet amendement, monsieur le rapporteur.
M. Christophe-André Frassa, rapporteur. Cet amendement vise à rendre obligatoire la désignation d’un correspondant informatique et libertés, ou CIL.
Cette proposition anticipe une disposition du règlement européen concernant la désignation obligatoire d’un CIL dans les entreprises traitant des données à caractère personnel de manière régulière et à une échelle importante, et dans les entreprises de plus de 250 salariés.
Cette anticipation permettrait de faciliter la préparation de l’entrée en vigueur des dispositions du règlement européen. J’entendais d’ailleurs émettre un avis favorable sur l’amendement initial de Mme Laborde et de ses collègues du groupe du RDSE. C’est la raison pour laquelle j’ai souhaité le reprendre, au nom de la commission des lois.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
Mme Axelle Lemaire, secrétaire d'État. Cet amendement a un champ beaucoup plus large que celui du règlement européen sur les données personnelles, lequel s’applique aux entreprises de plus de 250 salariés dont les activités consistent à traiter des données.
Ici, les deux critères – nombre de salariés supérieur à 250, d’une part, activités liées au traitement de données, d’autre part – sont exclusifs l’un de l’autre. Seul est exigé l’un ou l’autre de ces critères.
Le champ est donc infiniment large. Il comprend notamment le réseau des très petites entreprises, ou encore les commerçants et artisans qui décideraient – et ce serait heureux ! – de manier les données afin d’établir des stratégies commerciales.
L’une des raisons pour lesquelles nos entreprises, en particulier les petites et moyennes, accusent un retard dans le domaine du numérique réside dans le fait qu’elles n’ont pas encore embrassé toutes les possibilités de l’économie de la donnée. Je crains que cette proposition ne constitue un frein, certes relatif, à l’essor de nos TPE-PME dans ce domaine.
L’avis est défavorable.
M. le président. En conséquence, un article additionnel ainsi rédigé est inséré dans le projet de loi, après l’article 33 quater.
Mes chers collègues, nous allons interrompre nos travaux quelques instants.
La séance est suspendue.
(La séance, suspendue à dix-sept heures quinze, est reprise à dix-sept heures trente.)
M. le président. La séance est reprise.
Section 2
Confidentialité des correspondances électroniques privées
Article 34
Le code des postes et des communications électroniques est ainsi modifié :
1° L’article L. 32 est complété par deux alinéas ainsi rédigés :
« 21° Fournisseur de services de communication au public en ligne
« On entend par fournisseur de services de communication au public en ligne toute personne assurant la mise à disposition de contenus, services ou applications relevant de la communication au public en ligne au sens de l’article 1er de la loi n° 2004-575 du 21 juin 2004 pour la confiance dans l’économie numérique. Sont notamment considérées comme des fournisseurs de services de communication au public en ligne les personnes qui éditent un service de communication au public en ligne, mentionnées au deuxième alinéa du II de l’article 6 de la même loi, ou qui assurent le stockage de signaux, d’écrits, d’images, de sons ou de messages de toute nature mentionnés au 2 du I du même article. » ;
2° L’article L. 32–3 est ainsi rédigé :
« Art. L. 32-3. – I. – Les opérateurs, ainsi que les membres de leur personnel, sont tenus de respecter le secret des correspondances. Le secret couvre le contenu de la correspondance, l’identité des correspondants ainsi que, le cas échéant, l’intitulé du message et les documents joints à la correspondance.
« II. – Les personnes qui éditent un service de communication au public en ligne, au sens du deuxième alinéa du II de l’article 6 de la loi n° 2004-575 du 21 juin 2004 pour la confiance dans l’économie numérique, permettant à leurs utilisateurs d’échanger des correspondances, ainsi que les membres de leur personnel, respectent le secret de celles-ci. Le secret couvre le contenu de la correspondance, l’identité des correspondants ainsi que, le cas échéant, l’intitulé du message et les documents joints à la correspondance.
« II bis. – Le traitement automatisé d’analyse, à des fins publicitaires ou statistiques, du contenu de la correspondance en ligne, de l’intitulé ou des documents mentionnés aux I et II est interdit, sauf si le consentement exprès de l’utilisateur est recueilli à une périodicité fixée par voie réglementaire, qui ne peut être supérieure à un an.
« III. – Les opérateurs et les personnes mentionnés aux I et II sont tenus de porter à la connaissance de leur personnel les obligations résultant du présent article. »
M. le président. Je suis saisi de deux amendements identiques.
L’amendement n° 20 rectifié bis est présenté par MM. Grand, Milon, Calvet, Laufoaulu, Huré, Laménie et Lefèvre, Mmes Duchêne et Gruny, MM. Pellevat, Gremillet, Charon et Houel, Mme Deroche et M. Husson.
L’amendement n° 477 est présenté par Mme Assassi, MM. Bosino, Abate et les membres du groupe communiste républicain et citoyen.
Ces deux amendements sont ainsi libellés :
Alinéa 6, seconde phrase
Après la première occurrence du mot :
correspondance
insérer les mots :
, les données de connexion
La parole est à Mme Marie-Annick Duchêne, pour présenter l’amendement n° 20 rectifié bis.
Mme Marie-Annick Duchêne. Il s’agit de préciser que le secret couvre également les données de connexion. Celles-ci sont définies par l’article 6 de la loi pour la confiance dans l’économie numérique et le décret n° 2011–219 du 25 février 2011 qui lui est rattaché.
M. le président. La parole est à Mme Brigitte Gonthier-Maurin, pour présenter l’amendement n° 477.
Mme Brigitte Gonthier-Maurin. En juillet dernier, le Conseil d’État a transmis au Conseil constitutionnel la question prioritaire de constitutionnalité soulevée par la Quadrature du Net et le fournisseur d’accès associatif French Data Network, qui portait sur le périmètre de la surveillance des réseaux et, corrélativement, sur la définition des données de connexion.
Le Conseil d’État jugeait alors que ces questions présentaient bien un caractère sérieux quant à leur conformité face à l’ensemble des droits et libertés garantis par la Constitution, « en particulier au droit au respect de la vie privée, au droit à un procès équitable et à la liberté de communication ».
Cette QPC ciblait une partie précise d’un texte très critiqué lors de son adoption en 2013 : la loi de programmation militaire.
Cette loi autorise en effet le ministère de l’intérieur, le ministère de la défense ou les ministères de Bercy à aspirer sur « sollicitation du réseau » tous les « documents » et « informations » dans les serveurs ou les tuyaux des « opérateurs de télécommunication électronique ».
De plus, en juillet 2015, le projet de loi relatif au renseignement amplifiait plus encore les mesures de surveillance, et donc les doutes soulevés ici.
Car les sondes, les IMSI-catchers, les boîtes noires, bref tout l’attirail de techno-surveillance, s’appuient sur cette notion d’« informations et documents ». C’est l’essence du moteur « renseignement » ! Les problématiques sont donc répliquées et amplifiées davantage avec la dernière loi antiterroriste et le renforcement de l’arsenal sécuritaire.
Pour toutes ces raisons, nous proposons d’inclure les données de connexion dans le champ du secret des correspondances. Cette inclusion est logique, car de telles données donnent parfois autant, voire plus, d’indications que le contenu lui-même.
De fait, les données de connexion constituent une sorte d’identité « virtuelle », soit une part déterminante de notre individualité.
M. le président. Quel est l’avis de la commission ?
M. Christophe-André Frassa, rapporteur. Ces amendements visent à inclure les données de connexion dans le champ du secret des correspondances. Cette position est contraire à celle qui a été adoptée par la commission.
Les données de connexion ne relèvent pas, par définition, du contenu des correspondances. Si l’on se référait aux correspondances postales, cela reviendrait à soumettre au secret des correspondances les éléments écrits sur l’extérieur d’une enveloppe…
Je demande donc le retrait de ces amendements ; à défaut, j’émettrai un avis défavorable.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. le président. Je mets aux voix les amendements identiques nos 20 rectifié bis et 477.
(Les amendements ne sont pas adoptés.)
M. le président. L’amendement n° 648, présenté par M. Frassa, au nom de la commission des lois, est ainsi libellé :
Alinéa 7, première phrase
Remplacer les mots :
Les personnes qui éditent un service de communication au public en ligne, au sens du deuxième alinéa du II de l’article 6 de la loi n° 2004–575 du 21 juin 2014 pour la confiance dans l’économie numérique
par les mots :
Les fournisseurs de services de communication au public en ligne
La parole est à M. le rapporteur.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. le président. Je suis saisi de deux amendements identiques.
L’amendement n° 139 est présenté par M. Navarro.
L’amendement n° 613 rectifié est présenté par MM. Cigolotti, Guerriau, Bonnecarrère et Luche, Mme Micouleau, M. Roche, Mme Joissains, MM. Médevielle et Canevet, Mme Loisier et MM. Marseille, Gabouty et Pellevat.
Ces deux amendements identiques ne sont pas soutenus.
L’amendement n° 79 rectifié, présenté par MM. Chaize, Mandelli, de Nicolaÿ et Calvet, Mme Cayeux, MM. Bignon, Bizet, de Legge, Mouiller, B. Fournier, Kennel et Masclet, Mme Gruny, MM. Grand, Cornu et Vaspart, Mme Estrosi Sassone, MM. Bouchet, Vasselle, P. Leroy, Delattre et Rapin, Mme Deroche et MM. Husson, Laménie, Trillard et Magras, est ainsi libellé :
Après l'alinéa 7
Insérer un alinéa ainsi rédigé :
« … – Lorsque la fonctionnalité permettant aux utilisateurs d’échanger des correspondances est purement accessoire au service principal fourni par un opérateur de plateforme en ligne mentionné au 2° de l’article L. 111–7 du code de la consommation, et est uniquement destinée à assurer la bonne utilisation du service principal, lesdites correspondances ne sont pas couvertes par le secret défini au II du présent article.
La parole est à M. Patrick Chaize.
M. Patrick Chaize. Certaines plateformes de mise en relation entre particuliers offrent à ceux-ci une fonctionnalité leur permettant d’échanger des messages entre eux.
L’objectif est uniquement de faciliter la conclusion ou l’exécution de la transaction entre ces particuliers. Il peut s’agir pour eux, par exemple, de communiquer afin de convenir d’un lieu et d’une heure de rendez-vous, ou de préciser l’état exact d’un objet de seconde main mis en vente. Cette fonctionnalité de messagerie ne peut être utilisée en dehors de la plateforme, et en général elle est utilisée uniquement pour la durée nécessaire à la conclusion ou à l’exécution de la transaction.
En pratique, et afin de sécuriser les échanges, les plateformes se trouvent dans l’obligation de modérer le contenu de ceux-ci. Il s’agit notamment de s’assurer que les utilisatrices féminines de leurs services ne puissent être victimes de harcèlement, que les messages ne contiennent pas d’insultes ou que, par ce biais, un fraudeur ne cherche pas à contourner la plateforme, privant ainsi l’autre partie des protections offertes par ladite plateforme.
En conséquence, et dans la mesure où ces messages n’ont pas le caractère de correspondance personnelle et sont circonscrits à l’utilisation d’un service principal, il convient de les exclure du champ d’application du secret des correspondances.
M. le président. Quel est l’avis de la commission ?
M. Christophe-André Frassa, rapporteur. Cet amendement vise à exonérer des obligations du secret des correspondances les opérateurs de plateforme en ligne fournissant comme service accessoire un service de messagerie.
Néanmoins, une protection effective du secret des correspondances exige qu’il s’impose même aux correspondances « accessoires ».
Enfin, la notion de service accessoire semble trop large et trop peu définie pour permettre une application effective.
Je vois ce que vous cherchez à protéger, mon cher collègue, mais à ce stade je ne peux que vous inciter à retirer votre amendement. À défaut, l’avis sera défavorable.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
Mme Axelle Lemaire, secrétaire d'État. Même avis. Je crains que cet amendement, dont je comprends désormais mieux l’objectif, n’atténue en réalité la portée de l’article 34.
Comment déterminer, par exemple, que le service de messagerie ou de correspondance privée est accessoire par rapport à un service principal ? Comment déterminer que le service est destiné uniquement à assurer la bonne utilisation du service principal, comme cela est prévu dans l’amendement ?
Il serait trop facile de contourner la règle que vous suggérez d’adopter. Je souhaite, pour ma part, maintenir un principe fort de secret des correspondances privées, sans que ne soit ajoutée d’exception supplémentaire.
M. le président. Monsieur Chaize, l’amendement n° 79 rectifié est-il maintenu ?
M. Patrick Chaize. J’entends les arguments qui viennent de m’être opposés, et je les accepte bien volontiers.
Je pense néanmoins qu’il faut avoir en tête cette difficulté et je souhaite, dans la continuité de mes précédents amendements, que nous puissions trouver une solution à ce problème.
Je retire donc cet amendement, monsieur le président.
M. le président. L’amendement n° 79 rectifié est retiré.
L’amendement n° 48 rectifié bis, présenté par MM. Grand et Milon, Mme Giudicelli, MM. Vasselle, Gilles, Rapin, Pellevat, Lefèvre, Bizet, Chasseing, Charon et Laménie et Mme Deroche, n’est pas soutenu.
M. Christophe-André Frassa, rapporteur. Je le reprends, monsieur le président.
M. le président. Je suis donc saisi d’un amendement n° 674, présenté par M. Frassa, au nom de la commission des lois, et ainsi libellé :
Alinéa 8
Remplacer les mots :
ou statistiques
par les mots :
, statistiques ou d’amélioration du service apporté à l’usager
Vous avez la parole pour défendre cet amendement, monsieur le rapporteur.
M. Christophe-André Frassa, rapporteur. Cet amendement vise à interdire le scannage du contenu de la correspondance à des fins d’amélioration du service, sauf consentement exprès de l’utilisateur.
La commission est favorable à cette interdiction, raison pour laquelle j’ai souhaité reprendre cet amendement.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
Mme Axelle Lemaire, secrétaire d'État. Je crains que la notion d’amélioration du service rendu aux usagers ne vide complètement la portée de l’article 34, qui vise à instaurer le principe du secret des correspondances.
Si cet amendement était adopté, les opérations publicitaires et statistiques qu’un opérateur pourrait réaliser à partir d’une analyse du contenu des correspondances ne seraient pas interdites.
Prévoir une catégorie aussi vaste et des possibilités d’interprétation aussi extensives revient pratiquement à supprimer l’article 34.
L’avis est donc défavorable.
M. le président. L’amendement n° 78 rectifié, présenté par MM. Chaize, de Nicolaÿ, Mandelli et Calvet, Mme Cayeux, MM. Bignon, Bizet, de Legge, Mouiller, B. Fournier, Kennel et Masclet, Mme Gruny, MM. Grand, Cornu et Vaspart, Mme Estrosi Sassone, MM. Rapin, Pellevat, P. Leroy, Dallier, Bouchet et Vasselle, Mme Deroche et MM. Husson, Laménie, Trillard et Magras, est ainsi libellé :
Après l'alinéa 8
Insérer un alinéa ainsi rédigé :
« … – Est autorisée l’analyse du contenu de la correspondance en ligne, de l’identité des correspondants, ainsi que, le cas échéant, de l’intitulé du message ou des documents joints à la correspondance lorsque ce traitement a pour fonction les questions de sécurités, la détection de contenus non sollicités, de programmes informatiques malveillants.
La parole est à M. Patrick Chaize.
M. Patrick Chaize. La rédaction initiale du texte présenté à l’Assemblée nationale prohibait tout traitement automatisé d’analyse de contenu de correspondance en ligne, sauf si ce traitement avait pour objectif la « détection de contenus non sollicités ou de programmes malveillants », cela s’effectuant au bénéfice des utilisateurs.
L’Assemblée nationale a modifié cet alinéa afin de prévoir le consentement exprès de l’utilisateur avant la mise en œuvre de traitement automatisé d’analyse, mais la nouvelle rédaction ne prévoit plus explicitement la possibilité de recourir à un tel traitement à des fins légitimes liées à la sécurité des utilisateurs.
Or, si l’analyse des correspondances à des fins de publicité est maintenant légitime sous réserve du consentement de l’utilisateur, l’analyse à des fins de sécurité bénéficiant à l’utilisateur doit également l’être. En effet, le traitement des spams et des programmes malveillants pourrait de facto être interdit, qu’importe que le consommateur y consente ou non.
Afin de permettre aux opérateurs d’assurer un niveau de qualité de service optimal sur leurs réseaux, d’éviter aux usagers d’être submergés par une quantité astronomique de courriels non sollicités ou d’être exposés à des programmes malveillants, il importe que la loi explicite la possibilité pour les opérateurs de recourir à des traitements automatisés pour ces cas spécifiques. Un retour à la rédaction initiale du texte est en ce sens approprié.
M. le président. Quel est l’avis de la commission ?
M. Christophe-André Frassa, rapporteur. L’amendement n° 674 ayant été adopté, je préfère m’en tenir à la rédaction ainsi obtenue.
Je demande donc à M. Chaize de bien vouloir retirer son amendement.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
Mme Axelle Lemaire, secrétaire d'État. Vous proposez, monsieur Chaize, d’élargir les possibilités d’intervention de l’opérateur en ajoutant l’objectif de sécurité à celui de détection de contenus non sollicités ou de programmes informatiques malveillants.
On peut comprendre l’objectif, mais cette notion générale de sécurité me semble beaucoup trop vaste, et ce d’autant que l’amendement s’exonère de la condition fixée par le texte issu des travaux de la commission aux termes duquel les dérogations au secret des correspondances ne sont admises que sous condition de consentement exprès de l’usager. Or vous n’avez pas prévu cette condition dans votre amendement.
Il me semble donc que l’amendement ouvre une brèche trop importante au principe du secret des correspondances.
M. Patrick Chaize. Je retire cet amendement, monsieur le président !
M. le président. L'amendement n° 78 rectifié est retiré.
Je mets aux voix l'article 34, modifié.
(L'article 34 est adopté.)
Articles additionnels après l’article 34
M. le président. L'amendement n° 118 rectifié, présenté par Mme Morin-Desailly et M. L. Hervé, n'est pas soutenu.
L'amendement n° 21 rectifié bis, présenté par MM. Grand, Milon et Laufoaulu, Mme Deromedi, MM. Revet et Rapin, Mme Estrosi Sassone, M. Pellevat, Mme Lamure, MM. Béchu et Charon, Mme Hummel, M. Gremillet, Mme Giudicelli, MM. Calvet, Perrin, Raison, Huré, Laménie et Lefèvre, Mmes Duchêne, Garriaud-Maylam et Gruny, MM. Chasseing, Lemoyne et Houel et Mme Deroche, est ainsi libellé :
Après l’article 34
Insérer un article additionnel ainsi rédigé :
Le premier alinéa de l’article 65 de la loi du 29 juillet 1881 sur la liberté de la presse est complété par une phrase ainsi rédigée :
« Ce délai est porté à un an si ces infractions ont été commises au moyen d’un service de communication au public en ligne. »
La parole est à Mme Marie-Annick Duchêne.
Mme Marie-Annick Duchêne. Le présent amendement a pour objet d’augmenter le délai de prescription des délits de presse sur internet.
S’agissant des injures et de la diffamation, la loi de 1881 prévoit un délai de prescription de trois mois, même si les faits ont lieu sur internet.
En 1881, avec un journal papier, il n’y avait plus de trace du délit trois mois après. Dans le cadre de la réforme de la procédure pénale en 1993, le Parlement a débattu de l’opportunité d’un délai de prescription différencié pour internet. Mais il n’existait alors ni web ni réseaux sociaux pour injurier et diffamer, ni Google faisant que la victime est durablement atteinte par l’utilisation à son insu de ces données la concernant.
Avec la multiplication des litiges, il est temps de reprendre la réflexion sur les différences entre les supports et de ne pas priver plus longtemps de moyens d’action les victimes de diffamation.
M. le président. Quel est l’avis de la commission ?
M. Christophe-André Frassa, rapporteur. L’amendement vise à allonger à un an la durée de prescription de tous les délits de presse lorsqu’ils ont été commis sur internet.
Cet amendement, qui avait déjà été déposé par M. Grand lors de l’élaboration du texte en commission, avait été écarté par la commission des lois. En effet, la durée de prescription est un débat complexe, qui demande une réflexion approfondie préalable. Une mission d’information concernant les délits de presse de la loi du 29 juillet 1881 est actuellement en cours à la commission des lois ; elle est menée par nos collègues Thani Mohamed Soilihi, présent dans cet hémicycle, et François Pillet.
Enfin, plusieurs textes prochainement inscrits à l’ordre du jour de nos travaux seraient des véhicules plus appropriés, notamment la proposition de loi portant réforme de la prescription en matière pénale de MM. Tourret et Fenech, mais également le projet de loi Égalité et citoyenneté, qui entend modifier la loi de 1881, notamment pour y faire sortir les délits de presse liés au racisme à la xénophobie.
Pour ces raisons, je souhaiterais le retrait de cet amendement.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
Mme Axelle Lemaire, secrétaire d'État. Les arguments juridiques et techniques du rapporteur sont convaincants et mon avis sera le même.
J’ajouterai que l’article 65 de la loi de 1881 prévoit pour les délits de presse une prescription abrégée de trois mois qui court à compter du jour où les délits ont été commis. S’il existe ce délai de prescription dérogatoire très court, c’est parce qu’une telle mesure est considérée comme faisant partie des garanties accordées de façon historique à la liberté d’expression. L’article XI de la Déclaration des droits de l’homme et du citoyen cite cette liberté comme étant l’un des droits les plus précieux de l’homme.
M. le président. La parole est à Mme Brigitte Gonthier-Maurin, pour explication de vote.
Mme Brigitte Gonthier-Maurin. L’injure et la diffamation publique se définissent comme des délits de presse, soumis au régime de la loi du 29 juillet 1881 sur la liberté de la presse.
L’article 29 de cette loi dispose en effet que « Toute allégation ou imputation d’un fait qui porte atteinte à l’honneur ou à la considération de la personne ou du corps auquel le fait est imputé est une diffamation. La publication directe ou par voie de reproduction de cette allégation ou de cette imputation est punissable, même si elle est faite sous forme dubitative ou si elle vise une personne ou un corps non expressément nommés, mais dont l’identification est rendue possible par les termes des discours, cris, menaces, écrits ou imprimés, placards ou affiches incriminés. »
Son alinéa 2 précise : « Toute expression outrageante, termes de mépris ou invective qui ne renferme l’imputation d’aucun fait est une injure. »
Il est important de préciser que la 17e chambre du tribunal de grande instance de Paris, dans un jugement du 18 mars 2013, a rappelé qu’« une nouvelle mesure de publication du même texte fait courir un nouveau délai de prescription puisque le délit est à nouveau commis […] il en va de même pour des propos figurant sur le réseau internet, de la création d’un lien dit hypertexte permettant d’accéder directement à un article plus ancien, […] la création d’un tel lien doit être analysée comme une nouvelle mise en ligne du texte auquel ce lien hypertexte renvoie ».
La loi prévoit un délai rallongé à un an dans le cas où la diffamation publique a été proférée en raison d’une discrimination spécialement interdite : il en sera ainsi d’une diffamation publique portant sur l’origine, le sexe, l’ethnie, la race, la religion, le handicap, un crime contre l’humanité. Le délai d’un an court du jour où l’écrit sera porté à la connaissance du public et mis à sa disposition.
Le délai d’un an prévu par cet amendement est donc en partie satisfait pour l’éventail des cas de diffamation ou d’injures que je viens de citer. S’agissant des messageries instantanées, telles WhatsApp et Snapchat, qui sont des messageries privées, cela ne relève donc pas d’un service de communication au public en ligne.
Nous sommes donc plutôt défavorables à cet amendement.
Mme Marie-Annick Duchêne. Je retire cet amendement, monsieur le président !
M. le président. L'amendement n° 21 rectifié bis est retiré.
L'amendement n° 250 rectifié, présenté par MM. Gorce, Sueur, Leconte, Rome et Camani, Mme D. Gillot, MM. F. Marc, Assouline, Guillaume et les membres du groupe socialiste et républicain, est ainsi libellé :
A. – Après l’article 34
Insérer un article additionnel ainsi rédigé :
I. – Après le II de l’article 25 de la loi n° 78-17 du 6 janvier 1978 relative à l’informatique, aux fichiers et aux libertés, il est inséré un II bis ainsi rédigé :
« II bis. – Pour l’application du 8° du I, ne peuvent être autorisés que les traitements dont la finalité est la protection de l’intégrité physique des personnes, la protection des biens ou la protection d’informations dont la divulgation, le détournement ou la destruction porterait un préjudice grave et irréversible et qui répondent à une nécessité excédant l’intérêt propre de l’organisme les mettant en œuvre. »
II. – Les responsables de traitements de données à caractère personnel dont la mise en œuvre est régulièrement intervenue avant l’entrée en vigueur de la présente loi disposent, à compter de cette date, d’un délai de trois ans pour mettre leurs traitements en conformité avec les dispositions de la loi n° 78-17 du 6 janvier 1978 relative à l’informatique, aux fichiers et aux libertés, dans leur rédaction issue de la présente loi.
Les dispositions de la loi n° 78-17 du 6 janvier 1978 précitée, dans sa rédaction antérieure à la présente loi, demeurent applicables aux traitements qui y étaient soumis jusqu’à ce qu’ils aient été mis en conformité avec les dispositions de la loi n° 78-17 du 6 janvier 1978 précitée, dans leur rédaction issue de la présente loi, et, au plus tard, jusqu’à l’expiration du délai de trois ans prévu au premier alinéa du présent article.
B. – Faire précéder cet article d’un chapitre et de son intitulé ainsi rédigé :
Chapitre III
Limitation de l’usage des techniques biométriques.
La parole est à M. Thani Mohamed Soilihi.
M. Thani Mohamed Soilihi. Cet amendement porte sur l’usage des données biométriques, en particulier pour contrôler l’accès à des services ou à des locaux professionnels, commerciaux, scolaires ou de loisirs. À la mutation technique, qui n’en est qu’à son commencement, s’ajoute une volonté de diversification des usages, afin de répondre à des enjeux soit de contrôle social, soit de simple confort commercial.
Encadrée par un régime d’autorisation confié à la CNIL, cette évolution appelle une clarification législative, dans la mesure où elle met en jeu des principes fondamentaux au regard de la protection de la vie privée et du corps humain. En effet, sommes-nous prêts à consentir à une banalisation de l’usage de données tirées du corps humain ? Ou préférons-nous que cet usage soit limité à des situations exceptionnelles ?
La donnée biométrique, si elle ne se confond pas avec le corps humain, en est néanmoins le prolongement direct, ce qui conduit, naturellement, à n’accepter qu’une utilisation stricte et contrôlée de ces données. De ce point de vue, il semble que seules des exigences de sécurité devraient conduire à autoriser ces pratiques.
D’autant que, au-delà du souci d’assurer la protection des personnes, cette limitation du recours à la biométrie vise à traduire notre volonté de garantir la dignité des personnes, à laquelle cette technologie est susceptible de porter d’indiscutables atteintes.
Or, aujourd’hui, la loi ne tire pas toutes les conséquences de ces principes : si elle soumet à autorisation la collecte et le traitement des données biométriques, elle ne les conditionne nullement à une finalité particulière.
C’est en ce sens que cet amendement vient compléter la loi du 6 janvier 1978 relative à l’informatique et aux libertés, en réservant l’usage des données biométriques à des traitements visant à garantir la sécurité des personnes et des biens, ainsi que la protection des informations dont la divulgation, le détournement ou la destruction porterait un préjudice grave et irréversible.
Cette limitation de l’usage des données biométriques est renforcée par une exigence de proportionnalité entre, d’une part, la nature de l’information ou du site à sécuriser et, d’autre part, la technologie utilisée.
Il est, enfin, utile de préciser que cet amendement est inspiré d’une proposition de loi adoptée par le Sénat le 27 mai 2014 et qui visait, de la même manière, à encadrer l’usage des techniques biométriques.
M. le président. Quel est l’avis de la commission ?
M. Christophe-André Frassa, rapporteur. Cet amendement pose la restriction de l’usage de la biométrie à une stricte nécessité de sécurité. En fait, il reprend une proposition de loi présentée par M. Gorce et que le Sénat a adoptée le 27 mai 2014.
Lorsqu’il a été déposé pour l’examen en commission des lois, j’avais suggéré à son auteur une rectification, ce qui a été fait. C’est la raison pour laquelle j’émets un avis favorable.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
Mme Axelle Lemaire, secrétaire d'État. Monsieur le sénateur, le Gouvernement est défavorable à cet amendement, bien que je comprenne tout à fait les raisons qui ont pu pousser à le déposer.
Vous souhaitez autoriser les traitements de données biométriques uniquement dans certains cas, s’ils tendent à la protection de l’intégrité physique des personnes, à la protection des biens et à la protection de certaines informations.
Je trouve que ce champ du possible est beaucoup trop limité, notamment au regard des innovations à attendre en matière de biométrie aujourd’hui et peut-être surtout demain.
Je ne nie pas que le recours à des techniques biométriques suscite des interrogations parfois d’ordre éthique qu’il faut continuer à se poser au fur et à mesure qu’évoluent les technologies. Mais il ne s’agit pas de graver les choses une bonne fois pour toutes dans le marbre de la loi.
Les technologies biométriques posent des questions en termes de respect de la vie privée. C’est d’autant plus vrai que ces techniques sont irrévocables, ce qui signifie qu’une empreinte biométrique ne peut être modifiée. C'est le cas des empreintes digitales et de la captation de l’iris ou de la forme du visage. Cela explique notamment les raisons pour lesquelles le recours à des traitements utilisant ces données est extrêmement encadré et régulé, puisqu’elles sont considérées comme des données dites « sensibles ». Il est très important de continuer à veiller à ce que ce type de données ne soit pas invasif.
C’est la raison pour laquelle, lors de nos discussions dans cet hémicycle, notamment avec M. Gorce, nous avions abouti à des conclusions communes, conscients de la gravité des enjeux et avec la volonté d’aboutir à la définition d’un cadre législatif commun.
C’est exactement ce qui a été fait avec le règlement européen sur les données personnelles, qui a été adopté il y a quelques jours. Je ne savais pas à l’époque qu’il comprendrait un volet sur les données biométriques, qui est inscrit « en dur » dans le règlement : c'est l’article 9, qui pose le principe de l’interdiction des traitements de données biométriques et décline ensuite une série d’exceptions.
Il me semble que nous pouvons nous appuyer sur cette règle claire, unifiée, qui permettra en plus de développer des technologies applicables de manière uniforme à l’échelle de l’Union européenne, donc des vingt-huit pays, et non pas uniquement la France.
Je souhaiterais que nous nous contentions de l’application prochaine du règlement européen plutôt que de rouvrir ce débat en droit français.
M. le président. En conséquence, un article additionnel ainsi rédigé est inséré dans le projet de loi, après l'article 34.
TITRE III
L’ACCÈS AU NUMÉRIQUE
Chapitre Ier
Numérique et territoires
Section 1
Compétences et organisation
Article 35
Après le premier alinéa de l’article L. 1425-2 du code général des collectivités territoriales, il est inséré un alinéa ainsi rédigé :
« Ils peuvent comporter une stratégie de développement des usages et services numériques. Cette stratégie vise à favoriser l’équilibre de l’offre de services numériques sur le territoire ainsi que la mise en place de ressources mutualisées, publiques et privées, y compris en matière de médiation numérique ».
M. le président. La parole est à M. Hervé Maurey, sur l'article.
M. Hervé Maurey. Avec cet article, nous commençons l’examen du titre III qui porte sur l’accès au numérique dans les territoires. Ce titre concerne très directement la commission de l’aménagement du territoire et du développement durable que j’ai l’honneur de présider. La commission des lois a d’ailleurs accepté de nous déléguer l’examen d’un certain nombre d’articles. Mais, je le sais, le Sénat tout entier, qui représente les territoires et les collectivités, est également mobilisé sur cette question.
Nous attendons beaucoup – je l’ai dit dans la discussion générale – de l’examen de ce projet de loi. En matière de couverture numérique du territoire, il n’y a pas eu, me semble-t-il, de texte législatif examiné depuis la proposition de loi que nous avions adoptée ici même en février 2012 et qui avait été ensuite malheureusement rejetée, à la demande du gouvernement de l’époque, par l’Assemblée nationale.
Personne n’est responsable de la situation, mais je regrette que nous commencions l’examen de ce titre assez tardivement : son examen sera sans doute interrompu par la fin de la séance à dix-neuf heures trente. J’espère que nous allons pouvoir profiter de ce véhicule législatif pour améliorer la situation de nos territoires. Au-delà des effets d’annonce ou de l’autosatisfaction des uns ou des autres, il faut bien être conscient qu’il y a encore aujourd’hui de véritables difficultés dans nos territoires, que ce soit pour le numérique fixe ou la téléphonie mobile.
Je l’ai rappelé dans la discussion générale, sur les zones AMII – zones dites d’appel à manifestation d’intentions d’investissement –, il faut que les opérateurs tiennent les engagements qu’ils ont eux-mêmes pris. Ils ont fixé le périmètre de ces engagements en toute liberté. La moindre des choses est de les tenir ! Sur les réseaux d’initiative publique, il faut assurer la pérennité des financements, ce qui n’est pas le cas aujourd’hui. Accessoirement, il faudrait que les engagements de l’État au niveau du FSN, le Fonds national pour la société numérique, se traduisent par des chèques, car, pour le moment, très peu de financements de l’État ont été décaissés.
Sur la téléphonie mobile, j’ai rappelé que j’avais soutenu le Gouvernement lorsqu’il a rouvert le dossier et lancé une nouvelle opération pour les zones blanches. Mais ne nous y trompons pas ! Nous le savons bien, c’est tout à fait insuffisant par rapport à la réalité de ce que nous vivons sur le terrain. Je rappellerai simplement que, dans le programme retenu par le Gouvernement, 268 communes ont été identifiées. Au niveau national, on le sait bien, il y a malheureusement bien plus de 268 communes qui connaissent des problèmes de couverture. Je citerai simplement les chiffres du département dont je suis élu : le conseil départemental avait identifié à peu près 200 communes, seulement une quinzaine d’entre elles ont été retenues.
Pour terminer, je réaffirmerai mon souhait que notre assemblée suive les propositions qui seront formulées par notre rapporteur pour avis Patrick Chaize, y compris – je le dis au président Bas et au rapporteur de la commission des lois – les propositions qui n’ont pas été retenues par cette dernière. En effet, parmi les amendements de notre commission, figuraient des amendements qui sont tout à fait nécessaires pour l’aménagement numérique du territoire.
M. le président. La parole est à Mme Éliane Assassi, sur l'article.
Mme Éliane Assassi. Le texte a largement évolué dans cette partie, souvent dans le bon sens, grâce aux travaux des rapporteurs s’appuyant notamment sur le rapport de novembre 2015 de la commission du développement durable.
Pour autant, et alors que ce rapport allait très loin dans la critique de l’organisation du secteur des télécommunications, les dispositions de ce projet de loi ne semblent pas à la hauteur, s’apparentant plus à des correctifs qu’à de véritables innovations.
Les collectivités, qui souffrent de la baisse drastique des dotations, sont toujours appelées à intervenir, en zone non rentable ou périurbaine, c’est-à-dire à financer les réseaux, pour être déclarées « zone fibrée » et ainsi espérer que certains opérateurs privés viendront s’implanter. Parfois, en vain, faut-il le souligner…
Nous sommes clairement dans un schéma où l’on socialise les pertes et où l’on privatise les profits. Ce schéma ne fonctionne pas, mais permet aux entreprises du secteur de réaliser des profits importants. Orange, notamment, a vu son bénéfice net multiplié par quasiment trois en 2015 par rapport à 2014, atteignant 2,65 milliards d’euros.
Une question reste posée sur l’architecture de ce marché. Pourquoi permettre aux opérateurs privés d’être propriétaires des infrastructures dans les zones denses et rentables et les exonérer de cette obligation en zone non rentable ? Pourquoi ne pas avoir séparé partout les infrastructures et les activités d’opérateurs, à l’image par exemple du rail, et conservé un modèle unifié qui aurait permis de basculer, grâce à la rente du cuivre, au fibrage de l’ensemble des territoires. Nous sommes aujourd’hui dans un modèle hybride inopérant pour remplir ces missions d’intérêt général.
Nous considérons qu’il est nécessaire de créer un opérateur national, propriétaire des réseaux et dont le financement serait assuré par les entreprises du secteur et l’État. Il s’agit de doter cet opérateur de ressources mutualisées. Pourquoi pas à travers un fonds dédié que serait le Fonds d’aménagement numérique des territoires, jamais mis en œuvre ?
Le rapporteur pour avis Patrick Chaize propose un financement mutualisé, payé par les usagers eux-mêmes sur leur abonnement ; nous préférons, pour notre part, que les entreprises s’y engagent sur leurs bénéfices, souvent assez considérables. Nous préférons également que l’État assume aussi financièrement ses missions de service public relevant de l’intérêt général.
Voilà, mes chers collègues, l’esprit dans lequel les élus de mon groupe abordent l’examen de ce chapitre du projet de loi.
M. le président. La parole est à M. Yves Rome, sur l'article.
M. Yves Rome. Je ne souhaitais pas allonger les débats, mais l’intervention de notre collègue Hervé Maurey, qui, d’ailleurs, vient de quitter l’hémicycle, m’incite à lui répondre.
Je suis très étonné des propos qu’il vient de tenir. En effet, madame la secrétaire d'État, avec le Gouvernement, vous avez accéléré le plan France très haut débit. Effectivement, comme vient de le dire Mme Assassi, on aurait pu renverser la table et oublier ce qui avait été fait avant, mais ce n’est pas le choix qui a été effectué, par crainte de risques juridiques et financiers trop importants.
Aujourd’hui, ce sont 98 départements qui sont engagés dans le plan France très haut débit, avec un soutien significatif de l’État, puisque près de 3 milliards d’euros ont été mobilisés, avec l’application de ce fameux coefficient de ruralité, qui revient à quasiment doubler les aides autrefois octroyées aux collectivités territoriales pour développer leurs réseaux d’initiative publique.
Je considère que nous sommes à la moitié du chemin ; néanmoins, un vaste chantier a été lancé. Aujourd’hui, je l’ai déjà dit, le déploiement a atteint une échelle industrielle : ce sont près de 10 000 emplois qui vont être mobilisés à l’horizon de 2020 par les réseaux d’initiative publique. Bien entendu, il reste de nombreux domaines à améliorer. On peut se féliciter qu’aujourd’hui, avec ce titre III, nous allons procéder à une amélioration significative du plan France très haut débit, qui est un véritable succès et qui fera de notre pays très certainement la nation la plus fibrée d’Europe dans très peu de temps, à l’horizon qui avait été arrêté, soit en 2022.
M. le président. Je suis saisi de deux amendements identiques.
L'amendement n° 367 est présenté par M. Bonnecarrère.
L'amendement n° 559 rectifié est présenté par MM. Husson et Pellevat, Mme Deroche, M. Milon, Mmes Micouleau, Deromedi et Duranton et MM. Lefèvre et Laménie.
Ces deux amendements identiques ne sont pas soutenus.
Je suis saisi de trois amendements faisant l'objet d'une discussion commune.
Les deux premiers sont identiques.
L'amendement n° 509 rectifié est présenté par MM. Requier, Arnell, Bertrand, Castelli, Collin, Esnol, Fortassin, Guérini et Hue, Mmes Jouve, Laborde et Malherbe et MM. Mézard et Vall.
L'amendement n° 568 rectifié est présenté par MM. Gremillet, Commeinhes et Milon, Mmes Morhet-Richaud, Micouleau, Cayeux, Deromedi et Duranton, MM. Vaspart, Cornu, Rapin, Doligé, Mouiller, G. Bailly, Vogel et Lemoyne, Mmes Lopez et Garriaud-Maylam et M. Savary.
Ces deux amendements sont ainsi libellés :
Rédiger ainsi cet article :
Le chapitre V du titre II du livre IV de la première partie du code général des collectivités territoriales est complété par un article L. 1425–3 ainsi rédigé :
« Art. L. 1425–3 – Dans les domaines de compétence que la loi leur attribue ou qui leur ont été transférés, les conseils départementaux, syndicats de communes ou syndicats mixtes d'échelle au moins départementale et les conseils régionaux établissent des stratégies de développement des usages et services numériques existants sur leur territoire. Ces stratégies favorisent la cohérence des initiatives publiques, ainsi que la mise en place de ressources partagées et mutualisées afin de doter l’ensemble des territoires d’un maillage équilibré de services numériques. Elles sont établies en cohérence avec les schémas régionaux de développement économique et les schémas directeurs territoriaux d’aménagement numérique. »
La parole est à M. Guillaume Arnell, pour présenter l'amendement n° 509 rectifié.
M. Guillaume Arnell. L’article 35 du présent projet de loi prévoit que les schémas directeurs territoriaux d’aménagement numérique, les SDTAN, peuvent comporter une stratégie de développement des usages et services numériques, afin de favoriser l’équilibre de l’offre de ces services sur le territoire et aboutir à une mutualisation des ressources.
Or les SDTAN ont été établis à diverses échelles – anciennes régions, départements, syndicats mixtes ouverts ou syndicats de communes – et ne sont pas forcément en cohérence avec les domaines de compétences. Il peut donc être inadapté d’intégrer les nouvelles stratégies de développement des usages et services numériques au sein des SDTAN.
Le présent amendement prévoit par conséquent de consacrer entièrement ces stratégies à part entière, tout en prévoyant qu’elles doivent être établies en cohérence avec les schémas régionaux de développement économique et les SDTAN.
M. le président. L'amendement n° 568 rectifié n'est pas soutenu.
L'amendement n° 317, présenté par M. Navarro, n'est pas non plus soutenu.
Quel est l’avis de la commission sur l’amendement n° 509 rectifié ?
M. Christophe-André Frassa, rapporteur. Au total, treize amendements ont été déposés à l’article 35 pour définir les relations entre les schémas directeurs territoriaux d’aménagement numérique et les nouvelles stratégies des usages et services.
Pour mémoire, le texte initial séparait ces deux documents, mais prévoyait que la stratégie « usages et services » était un volet du SDTAN. La commission des lois a cherché à simplifier le dispositif et ne pas multiplier les documents de planification, documents qui sont déjà nombreux et parfois peu lisibles. Elle a donc intégré la stratégie « usages et services » dans le SDTAN, car ces deux éléments portent sur des problématiques complémentaires, dans la mesure où les infrastructures numériques – SDTAN – doivent prendre en compte les usages et services – stratégie – et réciproquement.
Les amendements déposés, en particulier le vôtre, monsieur Arnell, démontrent que des inquiétudes portent sur la prise en compte des besoins des communes et des intercommunalités dans le SDTAN. Il faut donc répondre à ces inquiétudes, et je souhaiterais le faire en donnant un avis favorable aux amendements nos 369 et 562 rectifié, que nous allons examiner dans la discussion commune suivante. En revanche, je sollicite le retrait de l'amendement n° 509 rectifié.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
Mme Axelle Lemaire, secrétaire d'État. Le Gouvernement est défavorable à l’ensemble de ces amendements qui portent sur la suppression de l’article 35.
Peut-être y a-t-il là une mauvaise compréhension de l’objectif recherché par cet article. Nous devons faire le constat que tous nos territoires sont aujourd’hui mobilisés autour du chantier du déploiement d’internet en haut et en très haut débit. M. Yves Rome l’a mentionné, ce sont la quasi-totalité aujourd’hui des départements qui ont préparé des dossiers pour être intégrés au plan France très haut débit. Bien que l’impatience soit très grande, qu’elle est entendue et que le Gouvernement y répond – nous aurons l’occasion de revenir sur ce sujet –, la dynamique est engagée pour que notre pays soit d’ici à quelques années l’un des pays les mieux connectés du continent européen.
Mais je suis frappée de constater à quel point les actions locales continuent de porter sur les infrastructures, sur les tuyaux, sans toujours – il y a une très grande diversité de situations au niveau local – prendre en compte à la mesure de son importance la question de la stratégie en matière d’usages.
Résultat, on s’inquiète beaucoup d’apporter internet, mais sans s’interroger sur ce que l’on mettra dans les tuyaux, sur le contenu. Aussi, nous sommes en train de construire un pays composé de consommateurs passifs d’une culture internet que nous ne produisons pas.
M. Philippe Dallier. Il ne faut peut-être pas trop en demander non plus !
Mme Axelle Lemaire, secrétaire d'État. Mes propos sont très schématiques. Je relève que les besoins en matière d’usages numériques dans les territoires sont croissants : la télémédecine, l’e-éducation pour les écoles, les universités, la formation continue et l’apprentissage en ligne par les MOOC, les massiv open online courses. Vous avez d’ailleurs fait voter une disposition pour renforcer ces dispositifs dans le présent projet de loi.
C’est également vrai pour l’e-administration, et ce d’autant que, à mesure que la dématérialisation des services publics, à la demande de nos concitoyens, se confirme, le besoin d’accompagnement des Français pour les aider à s’approprier les outils numériques est plus grand.
En effet, on ne peut pas leur dire que nous dématérialisons les déclarations d’impôt sur le revenu, l’inscription à Pôle emploi et les démarches auprès des caisses d’allocations familiales – avec toutes les traductions que cela peut avoir dans la mise en œuvre des politiques locales – sans s’interroger par ailleurs sur la manière dont nous devons accompagner les personnes qui n’ont pas un accès facile aux outils ni une grande littératie numérique.
Cet enjeu de la médiation numérique est pour moi fondamental. Nous avons ainsi créé un réseau national où sont inclus tous les centres de médiation numérique, non seulement les espaces publics numériques mais également les espaces de travail partagé ou encore les maisons de services au public. L’inclusion de la stratégie des usages dans les schémas départementaux d’organisation des territoires en matière numérique vise justement à créer une impulsion, une incitation à peu près aussi forte que celle que nous pouvons désormais constater en matière de déploiement des infrastructures.
J’espère vous avoir convaincus qu’il ne faut pas voir d’objectif caché dans cet article mais au contraire une revendication émanant des territoires, de ceux qui animent les politiques de médiation et qu’on entend peut-être moins parce que leurs enjeux financiers sont moindres, mais qui sont au cœur de la réussite de la transition numérique de notre pays.
M. le président. La parole est à M. Bruno Sido, pour explication de vote.
M. Bruno Sido. Je veux rebondir sur ce que vient de dire Mme la secrétaire d’État ; je suis tout à fait d’accord avec ce qu’elle affirme, mais je veux indiquer qu’un vrai problème, qui a d’ailleurs été fort justement souligné par le Défenseur des droits, va se poser.
Je ne me fais pas de souci sur le contenu, sur tout ce qui passera dans la fibre.
M. Philippe Dallier. S’il n’y a pas de fibre, il n’y a pas de contenu !
M. Bruno Sido. L’État, la SNCF, bref tout le monde dématérialise tout ; il n’y a aucun problème, aucun sujet et je ne vois pas pourquoi on se pose encore des questions sur le contenu.
M. Philippe Dallier. Tout à fait !
M. Bruno Sido. En revanche, il y en a sur l’usage. Certaines personnes ne sont pas informatisées ou, si elles le sont, ne savent pas vraiment se servir des outils, sauf pour aller chercher leur courrier. Cela posera de vrais problèmes et il va falloir réinventer ce que l’on appelait autrefois les écrivains publics. (Mme la secrétaire d’État opine.) D’ailleurs, les maisons de services au public serviront également à cela, madame la secrétaire d’État.
Il faudra donc financer tout cela. Ainsi, M. le Défenseur des droits et moi-même proposons que les 60 millions d’euros d’économies que le Gouvernement attend, paraît-il, de la dématérialisation et de la quasi-fermeture, soit dit entre nous, des services préfectoraux au public – ce que dénoncent d’ailleurs un certain nombre de syndicats – soient utilisés en partie pour financer ces écrivains publics et aider les personnes qui ne sont pas informatisées ou qui ont du mal à s’y retrouver à bénéficier du service dématérialisé.
On m’opposera l’irrecevabilité au titre de l’article 40 de la Constitution, je le sais, mais il ne s’agit pas ici de déposer un amendement ni un sous-amendement, il s’agit de souligner le problème et de dire qu’il faudra bien, un jour, régler cette question.
M. le président. La parole est à Mme la secrétaire d’État.
Mme Axelle Lemaire, secrétaire d’État. J’insiste un peu longuement sur ce sujet, parce qu’il me paraît absolument prioritaire.
Je me réjouis de vous entendre partager ma vision sur ce point, monsieur Sido. C’est cette raison qui nous a incités à renforcer les moyens et la vision stratégique de l’Agence du numérique, créée l’année dernière, en lui confiant la mission « Société numérique ».
Nous avons donc désormais trois pôles au sein de cette agence rattachée au ministère de l’économie, de l’industrie et du numérique : la mission « France très haut débit », qui s’occupe du déploiement d’internet en très haut débit dans les territoires, la mission « French Tech », qui s’occupe des écosystèmes des entreprises très innovantes, et la mission « Société numérique », qui prend en compte tous les enjeux liés à la médiation numérique. Les écrivains numériques dont vous parlez, monsieur le sénateur, s’insèrent dans le cadre de cette médiation.
J’ai lu le rapport de la Cour des comptes et celui du Défenseur des droits, ils sont intéressants et je me réjouis que des responsables publics pointent cet enjeu. Vous trouverez toujours le Gouvernement à vos côtés quand il s’agira de définir une stratégie commune sur ces questions.
M. Bruno Sido. Merci, madame la secrétaire d’État !
M. le président. La parole est à M. Philippe Dallier, pour explication de vote.
M. Philippe Dallier. Faisons d’abord en sorte qu’il y ait des tuyaux partout ; ensuite, le problème des contenus sera, je pense, très vite réglé.
Quant au rôle que l’on veut faire jouer aux collectivités territoriales, il est important, mais je n’ai pas vraiment entendu de réponse à la question posée par notre collègue à travers l’amendement n° 509 rectifié. Il parle du problème du périmètre de ces schémas.
Vous avez insisté, madame la secrétaire d’État, sur la nécessité d’inclure les collectivités territoriales dans la démarche, mais quel est l’avis du Gouvernement sur cet amendement ? Je ne sais plus ce qu’il en est, finalement…
M. le président. La parole est à Mme la secrétaire d’État.
Mme Axelle Lemaire, secrétaire d’État. Je vous prie de m’excuser si je n’ai pas été claire. Mon avis est défavorable, dans la mesure où l’objet même de l’article 35 était d’inclure dans les schémas directeurs territoriaux d’aménagement numérique cette question des usages. Or ces schémas ne règlent aujourd’hui que la question des infrastructures et je crois que ce sont eux, mais pas uniquement, bien sûr, qui ont permis de donner l’impulsion et la dynamique sur l’ensemble des territoires en matière d’infrastructure.
Dès lors que, au sein d’un document commun, il faut rapprocher des équipes pour définir une vision stratégique commune en matière d’infrastructure et d’usage, cela permet de faire prendre conscience des enjeux.
En outre, encore une fois, il s’agit très souvent d’une demande des collectivités locales. Le problème que j’ai constaté sur le terrain au cours de mes nombreux déplacements, c’est que certaines d’entre elles sont très en pointe sur ces sujets tandis que d’autres sont très en retard. Il faudrait essayer d’aider et d’accompagner les collectivités qui ont déjà pris un certain retard dans la vision qu’elles peuvent porter en matière de déploiement des usages.
M. le président. Je suis saisi de cinq amendements faisant l’objet d’une discussion commune.
Les deux premiers sont identiques.
L’amendement n° 368 est présenté par M. Bonnecarrère.
L’amendement n° 560 rectifié est présenté par MM. Husson et Pellevat, Mme Deroche, M. Milon, Mme Micouleau, M. Karoutchi, Mmes Deromedi et Duranton et MM. Lefèvre, Lemoyne et Laménie.
Ces deux amendements identiques ne sont pas soutenus.
L’amendement n° 561 rectifié, présenté par MM. Husson et Pellevat, Mme Deroche, M. Milon, Mmes Micouleau, Deromedi et Duranton et MM. Lefèvre et Laménie, n’est pas non plus soutenu.
Les deux amendements suivants sont identiques.
L’amendement n° 369 est présenté par M. Bonnecarrère.
L’amendement n° 562 rectifié est présenté par MM. Husson et Pellevat, Mme Deroche, MM. D. Laurent et Milon, Mme Micouleau, M. Karoutchi, Mmes Deromedi et Duranton et MM. Lefèvre, Lemoyne et Laménie.
Ces deux amendements identiques ne sont pas davantage soutenus.
M. Christophe-André Frassa, rapporteur. Je reprends le texte des amendements identiques nos 369 et 562 rectifié, au nom de la commission des lois, monsieur le président.
M. le président. Je suis donc saisi d’un amendement n° 676, présenté par M. Frassa, au nom de la commission des lois, et ainsi libellé :
Compléter cet article par un alinéa ainsi rédigé :
« Cette stratégie prend en compte les stratégies des collectivités et leurs groupements en matière de développement des usages et des services numériques. »
Vous avez la parole pour défendre cet amendement, monsieur le rapporteur.
M. Christophe-André Frassa, rapporteur. Je serai très bref. Cet amendement a pour objet la prise en compte des stratégies des différentes collectivités dans l’élaboration de la stratégie des usages et services. La commission des lois avait émis un avis favorable sur les amendements nos 369 et 562 rectifié, c’est pourquoi elle en a repris le texte.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement sur cet amendement ?
Mme Axelle Lemaire, secrétaire d’État. Défavorable.
L’élaboration du schéma directeur territorial d’aménagement numérique, le SDTAN, fait déjà l’objet d’une concertation avec les collectivités et les groupements de collectivités puisque, en application de l’article L. 1425-2 du code général des collectivités territoriales, que vous connaissez par cœur, j’en suis persuadée, tant il occupe votre quotidien comme sénateurs, les collectivités autres que celles qui sont à l’initiative du schéma « sont associés, à leur demande, à l’élaboration » de ce document.
Ainsi alignée sur le régime du SDTAN, l’élaboration de la stratégie de développement des usages et services numériques pourra elle-même donner lieu à une concertation avec les collectivités territoriales. En fait, je suis défavorable à cet amendement parce que je considère qu’il est satisfait.
M. le président. L’amendement n° 497 rectifié, présenté par MM. Bertrand, Arnell, Castelli, Collin, Esnol, Fortassin, Guérini et Hue, Mmes Jouve, Laborde et Malherbe et MM. Mézard, Requier et Vall, est ainsi libellé :
Alinéa 2
Compléter cet alinéa par une phrase ainsi rédigée :
Cette stratégie est obligatoire dans les zones rurales et hyper-rurales.
La parole est à M. Guillaume Arnell.
M. Guillaume Arnell. L’article 35 du projet de loi introduit la possibilité d’intégrer une stratégie de développement des usages et services numériques dans les schémas directeurs territoriaux d’aménagement numérique.
Dans les territoires ruraux et hyper-ruraux – je me fais en l’occurrence l’avocat de mon collègue Alain Bertrand –, cette stratégie est indispensable : elle ne doit donc pas être facultative mais obligatoire. En effet, la faiblesse de la couverture numérique constitue aujourd’hui le principal handicap de ces territoires, notamment dans l’hyper-ruralité.
D’une part, elle dissuade les entreprises et les individus de s’y installer ; d’autre part, elle pousse les jeunes à partir vers les zones urbaines.
Il est indispensable de donner enfin des garanties à ces territoires afin de mettre un terme au système de creusement des inégalités territoriales d’accès à des services universels.
M. le président. Quel est l’avis de la commission ?
M. Christophe-André Frassa, rapporteur. L’amendement de M. Bertrand, que vous venez de défendre, monsieur Arnell, revient à créer de nouvelles charges pour les collectivités, en rendant cette stratégie obligatoire.
Mme Brigitte Gonthier-Maurin. Eh oui !
M. Christophe-André Frassa, rapporteur. La commission des lois ne peut donc que vous inciter à le retirer et, à défaut, elle émet un avis défavorable.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
Mme Axelle Lemaire, secrétaire d’État. Défavorable.
Le Gouvernement a volontairement retenu une approche souple, non dirigiste, pour la mise en place d’une stratégie des usages. Cette approche est justifiée par le fait que le développement des services numériques n’est pas une compétence exclusive des collectivités territoriales, vous le savez, mais ressortit également à la compétence de l’État et des entreprises privées.
J’ai déjà parlé de l’État, notamment pour tout ce qui concerne le chantier de la dématérialisation des services publics et de l’accompagnement des territoires par une politique de médiation, mais il faut aussi mentionner les entreprises privées, dont tout l’enjeu, pour le développement d’usages innovants, consiste à généraliser des expérimentations parfois menées à l’échelon local mais qui ont du mal à passer à l’échelle supérieure, à trouver une demande au niveau national.
C’est pourquoi l’exercice de cette compétence doit demeurer facultatif. Il s’agit d’un outil d’incitation plutôt que de contrainte. Vous soulignez l’importance de la stratégie des usages dans les zones rurales et hyper-rurales. Naturellement, vous avez raison quant à l’objectif, nous le partageons totalement – ces stratégies d’usage sont plus importantes encore dans les zones très rurales –, mais nous ne partageons pas l’avis selon lequel ces schémas devraient être obligatoires.
M. le président. L’amendement n° 608, présenté par M. Chaize, au nom de la commission de l’aménagement du territoire et du développement durable, est ainsi libellé :
Compléter cet article par un paragraphe ainsi rédigé :
… – Le même article est complété par un alinéa ainsi rédigé :
« Un document-cadre intitulé “Orientations nationales pour le développement des usages et services numériques dans les territoires” est élaboré, mis à jour et suivi par l’autorité compétente de l’État. Ce document-cadre comprend une présentation des choix stratégiques de nature à contribuer au développement équilibré des usages et services numériques dans les territoires et un guide méthodologique relatif à l’élaboration des stratégies de développement des usages et services numériques mentionnées au deuxième alinéa du présent article. »
La parole est à M. Patrick Chaize, rapporteur pour avis.
M. Patrick Chaize, rapporteur pour avis de la commission de l'aménagement du territoire et du développement durable. Cet amendement vise à prévoir l’élaboration par l’État d’un document de cadrage pour les stratégies de développement des usages et services numériques. J’ai bien entendu l’affirmation de votre attente, madame la secrétaire d’État, d’un succès des stratégies de développement des usages et services, les SDUS, à l’image de ce qui s’est fait pour les SDTAN.
Pour cela, il faut un accompagnement de l’État et un cadrage est nécessaire. L’article 35, en l’état, est peu normatif, car rien n’empêche les collectivités d’élaborer dès maintenant de tels documents ; d’ailleurs, certaines d’entre elles, à divers échelons, l’ont déjà fait. En l’absence d’accompagnement de l’État, ces stratégies très hétérogènes et le manque de cadrage risquent toutefois de dissuader les collectivités de s’engager dans cette démarche volontaire.
Dans notre rapport d’information sur la couverture numérique des territoires, publié en 2015, nous avions regretté l’absence de l’État sur certaines questions relatives au réseau, malgré l’existence de la mission Très haut débit et du plan France très haut débit. Si rien n’est mis en place pour les usages et services, notre constat sur ce volet sera plus sévère encore. L’État ne peut renvoyer aux collectivités le soin de développer les usages et services sans leur proposer au minimum un cadre stratégique et méthodologique.
Par ailleurs, il serait souhaitable qu’une démarche d’appels à projets financée par l’État soit mise en place, à l’instar du subventionnement apporté par le plan France Très haut débit pour les réseaux, dont chacun se félicite.
Compte tenu de l’importance des usages et services numériques pour le développement des territoires et pour la modernisation des politiques publiques, un tel cadrage est indispensable. Nous devons donner aux collectivités territoriales les moyens de construire la République numérique que le projet de loi appelle de ses vœux.
Le présent amendement vise ainsi à mettre en place des orientations nationales, comprenant un volet stratégique et un volet méthodologique, afin d’accompagner les collectivités dans l’élaboration des stratégies locales de développement des usages et services numériques.
M. le président. Quel est l’avis de la commission ?
M. Christophe-André Frassa, rapporteur. Comme je m’y étais engagé en commission, notre avis est favorable sur l’amendement n° 608, défendu par M. Chaize, qui tend à prévoir un appui national à l’élaboration des stratégies d’usages et services.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
Mme Axelle Lemaire, secrétaire d’État. Après les propos que je viens de tenir, vous comprendrez qu’il me serait difficile de ne pas avoir le même objectif que vous, monsieur le rapporteur pour avis.
Il est nécessaire de mettre en œuvre une vision stratégique à l’échelle nationale, fondée sur l’accompagnement des collectivités locales et non sur la prescription. En effet, nous ne sommes plus à l’heure des trente glorieuses, où les politiques industrielles étaient définies depuis un bureau de Bercy ; la méthode en matière numérique consiste à partir du terrain, des territoires, et de faire remonter les meilleures pratiques pour les diffuser dans les territoires qui n’auraient pas les mêmes initiatives. L’État est donc ici un accompagnateur des stratégies mises en œuvre dans les territoires.
Sous réserve de cette précision, je partage totalement l’idée qu’il faille publier une stratégie nationale, peut-être pour définir les orientations prioritaires du Gouvernement en ce domaine.
En revanche, l’expression « document-cadre » implique peut-être la définition de lignes budgétaires dédiées.
Mme Brigitte Gonthier-Maurin. Mais oui !
Mme Axelle Lemaire, secrétaire d’État. Aussi, à cet égard, vous comprendrez que je ne peux pas m’avancer au détour d’un amendement.
Quant aux lancements d’appels à projets, ceux-ci existent déjà. J’ai eu l’occasion de préciser au sujet du titre Ier du présent projet de loi que nous préparons le lancement d’un appel à projets sur l’open data, sur l’ouverture des données publiques, notamment dans les collectivités territoriales, avec pour effet de soutenir financièrement les meilleures initiatives.
Nous avons aussi signé des conventions avec des partenaires privés qui déploient leurs activités dans les territoires, avec par exemple Emmaüs Connect. Ainsi, si je peux m’engager sur la signature d’un document stratégique, d’un cadrage national, je ne peux en revanche pas m’y engager au nom du Gouvernement si cela implique des financements dédiés. Je m’y engage donc en mon nom propre.
M. le président. La parole est à M. Yves Rome, pour explication de vote.
M. Yves Rome. Cette proposition est tout à fait pertinente dans la mesure où elle valide – M. Chaize a entamé son propos en le mentionnant – les aides importantes au titre du Fonds national pour la société numérique apportées au déploiement et au financement des schémas départementaux d’aménagement numérique. Je ne peux donc que partager sa préoccupation concernant l’accompagnement du développement des usages et je me rallie à son amendement.
M. le président. Je mets aux voix l’article 35, modifié.
(L’article 35 est adopté.)
Article 36
(Supprimé)
M. le président. Je suis saisi de trois amendements faisant l’objet d’une discussion commune.
Les deux premiers sont identiques.
L’amendement n° 406 rectifié est présenté par MM. Camani, Roux, Leconte et Rome, Mme D. Gillot, MM. F. Marc, Assouline, Guillaume et les membres du groupe socialiste et républicain.
L’amendement n° 609 est présenté par M. Chaize, au nom de la commission de l’aménagement du territoire et du développement durable.
Ces deux amendements sont ainsi libellés :
Rétablir cet article dans la rédaction suivante :
Après le deuxième alinéa du I de l’article L. 1425-1 du code général des collectivités territoriales, sont insérés deux alinéas ainsi rédigés :
« Par dérogation au premier alinéa de l’article L. 5721-2, un syndicat mixte relevant du titre II du livre VII de la cinquième partie peut adhérer, jusqu’au 31 décembre 2021, à un autre syndicat mixte exerçant, par transfert ou délégation, tout ou partie des compétences mentionnées au premier alinéa du présent I.
« L’adhésion d’un syndicat mixte qui exerce ses compétences par délégation à un autre syndicat mixte n’est possible que si ce dernier comprend au moins une région ou un département. »
La parole est à M. Pierre Camani, pour présenter l’amendement n° 406 rectifié.
M. Pierre Camani. L’article 36, supprimé par la commission des lois, permettait le regroupement de syndicats mixtes ouverts, numériques, en créant ce que l’on peut appeler un syndicat de syndicats. En effet, afin de parvenir à mieux remplir les objectifs de couverture numérique, déterminés par le plan France très haut débit, cet article autorise, à titre dérogatoire, un syndicat mixte ouvert, un SMO, à adhérer à un autre syndicat, sans que cela n’entraîne sa dissolution.
L’enjeu de cette disposition, vous l’aurez compris, est de permettre aux réseaux d’initiative publique, les RIP, d’atteindre une taille plus importante et de les rendre ainsi plus attractifs lors de la phase de commercialisation auprès des fournisseurs d’accès à internet. Cela est en effet très important parce que la taille du marché permet de rééquilibrer le rapport de force en faveur des collectivités territoriales.
J’entends bien les arguments de la commission des lois en faveur de la suppression de cet article mais plusieurs motifs pragmatiques justifient son rétablissement. D’abord, ce type de structure correspond à un besoin ponctuel et clairement identifié dans certains territoires. Il n’est donc pas question de le généraliser et il n’y a pas de risque de complexification du paysage institutionnel, conformément à ce qui est prévu par la loi du 7 août 2015 portant nouvelle organisation territoriale de la République, dite « loi NOTRe ».
Par ailleurs, la possibilité de création de ces structures est limitée dans le temps jusqu’au 1er janvier 2022. En outre, la mise en œuvre opérationnelle de solutions alternatives, notamment la société publique locale, est longue et complexe.
Faisons donc confiance à l’intelligence des territoires et permettons aux élus d’avoir recours à un outil efficace, qu’ils connaissent bien et qui permettra à un nombre finalement limité de collectivités d’accélérer le déploiement des RIP.
M. le président. La parole est à M. Patrick Chaize, rapporteur pour avis, pour présenter l’amendement n° 609.
M. Patrick Chaize, rapporteur pour avis. J’ai la satisfaction de constater, monsieur le président, que mes collègues sur les travées socialistes ont repris à l’identique l’amendement que j’avais déposé. Les arguments qui viennent d’être exposés par M. Pierre Camani sont tout à fait dans la ligne de ce que j’ai à dire.
Cet amendement vise à rétablir l’article 36 dans sa rédaction initiale, afin de permettre aux collectivités territoriales qui le souhaitent de constituer un syndicat mixte de syndicats mixtes pour l’établissement ou l’exploitation des réseaux de communications électroniques.
Cette facilité est tout à fait adaptée à ce secteur d’activité, dont l’échelle diffère entre la constitution et l’exploitation des réseaux d’infrastructure. On peut ainsi avoir des syndicats mixtes pertinents à l’échelle départementale pour réaliser ces réseaux et un syndicat mixte à une échelle plus importante pour les commercialiser.
Je ne serai pas plus long ; je renvoie aux arguments de mon collègue M. Camani. Je vous demande, mes chers collègues, de voter en faveur de cet amendement.
M. le président. L’amendement n° 318, présenté par M. Navarro, n’est pas soutenu.
Quel est l’avis de la commission sur les amendements identiques nos 406 rectifié et 609 ?
M. Christophe-André Frassa, rapporteur. Les amendements identiques de nos deux collègues visent à rétablir l’article 36 sur la création de SMO de SMO, sans fixer une date butoir à laquelle ceux-ci devraient se dissoudre. C’est une convergence.
Cela dit, en commission, cet article 36 a été supprimé, en cohérence avec la position de la Haute Assemblée lors de la discussion de la loi NOTRe. (M. Yves Rome s’exclame.) Souvenez-vous, monsieur Rome ! En séance, le rapporteur du texte, Jean-Jacques Hyest, appelé depuis à d’autres fonctions, avait dit « À quand les syndicats mixtes de syndicats mixtes de syndicats mixtes ? »
M. Philippe Dallier. Oui, je m’en souviens !
M. Christophe-André Frassa, rapporteur. « Franchement, on cherche la difficulté ! La situation va devenir incompréhensible. » La commission des lois partage cette analyse – c’est la raison pour laquelle elle a supprimé l’article 36 –, à l’heure où les réformes territoriales cherchent plutôt à simplifier l’organisation institutionnelle des collectivités territoriales pour accroître sa lisibilité. (M. Philippe Dallier, rapporteur pour avis, s’exclame.)
En outre, je rappelle que quatre solutions institutionnelles plus simples existent déjà pour les syndicats mixtes souhaitant mutualiser leurs efforts : création d’un groupement de commandes, constitution d’une société publique locale, dissolution puis création d’un nouveau SMO et fusion au sein d’un SMO unique. En commission, notre collègue M. Alain Richard a même ajouté une cinquième solution : la contractualisation entre SMO.
Le Gouvernement a fait l’effort – enfin ! – de citer quelques cas de collectivités intéressées par un SMO de SMO en mentionnant, par exemple, les Pays de la Loire. Mes chers collègues, si vous considérez que les SMO de SMO sont une formule magique permettant le déploiement des réseaux…
M. Yves Rome. Mais non !
M. Christophe-André Frassa, rapporteur. … – ce que la commission des lois ne croit pas –, alors il vous appartient d’adopter ces amendements.
Néanmoins, la commission des lois maintient l’avis défavorable qu’elle a émis lors de l’établissement du texte en commission.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
Mme Axelle Lemaire, secrétaire d’État. À ce sujet, je fais le choix de faire confiance aux élus de terrain, très impliqués dans le déploiement des réseaux, et ce depuis des années. Ils ont constaté un besoin réel, un vide juridique, nécessitant l’autorisation de la création de SMO de SMO. Il ne s’agit pas d’ajouter une complexité – c’est une lecture théorique, celle du code général des collectivités territoriales –, mais d’introduire une faculté ayant une visée à la fois de gouvernance et économique.
Elle a une visée de gouvernance, parce qu’il faut pouvoir rapprocher des structures qui ont du mal à trouver un mode de travail en commun. Je ne suis pas d’accord avec vous, monsieur le rapporteur, il faut du temps pour créer une société publique locale, c’est juridiquement complexe (MM. Yves Rome et Pierre Camani opinent.) et ce n’est pas accessible à toutes les collectivités territoriales.
Il y a aussi une visée économique, parce que l’une des principales difficultés des collectivités territoriales est celle de la commercialisation de leur réseau, notamment auprès des opérateurs. Or, pour cela, il faut que l’offre soit attractive et donc il faut un marché large. C’est d’ailleurs la raison pour laquelle dans le plan France très haut débit, le cahier des charges inclut une incitation financière supplémentaire au regroupement de départements, conformément à l’idée selon laquelle il faut faire masse pour commercialiser les réseaux.
Je ne peux donc que faire confiance au rapporteur pour avis et aux sénateurs qui ont déposé ces amendements identiques visant à recréer la possibilité – ce n’est pas une obligation – de créer des SMO de SMO.
Aussi, j’émets un avis favorable.
M. le président. La parole est à M. Yves Rome, pour explication de vote.
M. Yves Rome. Mme la secrétaire d’État vient d’exprimer très clairement les véritables fondements de cet amendement, qui vise à la réussite du plan France très haut débit. Je crains en effet que bon nombre de collectivités territoriales qui ont développé des réseaux d’initiative publique ne soient aujourd’hui confrontées à une difficulté importante : les fournisseurs d’accès à internet, notamment les majors, ne se précipitent pas pour commercialiser leurs offres sur ces RIP.
En outre, cet amendement est en pleine cohérence avec les aides que déploie le Gouvernement au titre du Fonds national pour la société numérique, puisque l’État incite à la création de syndicats beaucoup plus vastes en valorisant de 10 % à 15 % les aides à destination des collectivités territoriales. On le voit bien, même si ce n’est pas encore complètement satisfaisant aujourd’hui, un syndicat à l’échelle régionale fédérant plusieurs départements – celui de Bretagne – a bénéficié d’une offre de l’opérateur historique, pour ne pas le citer, qui a décidé d’équiper en fibre le territoire ainsi créé.
Je ne comprends donc pas, monsieur le rapporteur, votre entêtement. (M. Bruno Sido sourit.) Vous raisonnez avec un modèle ancien sur des sujets qui dépassent totalement les frontières étroites des départements, qui s’étaient initialement engagés. Plus les collectivités se regrouperont, plus elles feront venir sur leur territoire les exploitants nécessaires au fonctionnement de ces réseaux.
M. le président. La parole est à M. Bruno Sido, pour explication de vote.
M. Bruno Sido. Je le précise d’emblée, je n’ai rien contre le SMO de SMO. Cela étant dit, je crois tout de même qu’il faut simplifier le plus possible les choses pour que, au moins, les opérateurs s’y retrouvent.
On vient tout de même d’inventer des super-régions, regroupant je ne sais combien de départements. J’ajoute donc une sixième solution à celles qui ont été évoquées, après celle de M. Alain Richard : demander aux régions de s’occuper de cela, pas forcément sur la totalité de leur territoire, d’ailleurs, mais au moins sur une partie regroupant deux ou trois départements.
M. Yves Rome. Mais oui, pourquoi pas ?
M. Bruno Sido. L’essentiel en la matière, c’est d’avancer.
M. Chaize et moi-même siégeons au comité de France très haut débit et, très honnêtement, on voit de drôles de choses, des choses trop petites…
M. Yves Rome. Voilà !
M. Bruno Sido. … et qui auront bien du mal à fonctionner ; nous sommes bien d’accord.
M. Yves Rome. Bien sûr !
M. Bruno Sido. Il faut donc se regrouper.
Néanmoins, je crois que l’on peut se regrouper autour de structures qui existent déjà sans avoir besoin d’en créer d’autres.
Pour toutes ces raisons, j’en appelle à la sagesse de chacun.
M. le président. La parole est à M. le rapporteur.
M. Christophe-André Frassa, rapporteur. Monsieur Rome, je ne sais pas ce qui vous fait dire que je fais preuve d’entêtement, mais je vous appelle à un peu plus de mesure dans vos propos ! (M. Yves Rome s’exclame.)
M. le président. Je mets aux voix les amendements identiques nos 406 rectifié et 609.
(Les amendements sont adoptés.)
M. le président. En conséquence, l'article 36 est rétabli dans cette rédaction.
Article 36 bis
L’article L. 33–11 du code des postes et des communications électroniques est ainsi modifié :
1° La dernière phrase du premier alinéa est supprimée ;
2° Le second alinéa est remplacé par trois alinéas ainsi rédigés :
« Le ministre chargé des communications électroniques fixe, sur proposition de l’Autorité de régulation des communications électroniques et des postes et dans un délai de six mois à compter de la promulgation de la loi n° … du … pour une société numérique, les modalités et conditions d’attribution du statut de “zone fibrée” ainsi que les obligations pouvant être attachées à l’attribution de ce statut.
« Le statut de “zone fibrée” est attribué par l’Autorité de régulation des communications électroniques et des postes. La décision d’attribution précise les obligations pesant sur le demandeur. Elle est communiquée au ministre chargé des communications électroniques.
« Un décret en Conseil d’État, pris dans un délai de six mois à compter de la promulgation de la loi n° … du … pour une société numérique, détermine les modalités d’application du présent article, notamment les obligations réglementaires pouvant être adaptées en raison de l’attribution de ce statut. »
M. le président. L'amendement n° 407, présenté par MM. Rome, Sueur, Leconte et Camani, Mme D. Gillot, MM. F. Marc, Assouline, Guillaume et les membres du groupe socialiste et républicain et apparentés, est ainsi libellé :
Alinéa 6
Compléter cet alinéa par les mots :
ainsi que les dispositions facilitant la transition vers le très haut débit
La parole est à M. Yves Rome.
M. Yves Rome. Il s’agit, là aussi, d’un encouragement pour consolider le rôle éminent que les collectivités territoriales ont joué dans la mise à haut débit et très haut débit de leurs territoires.
En effet, à la suite d’une mission à laquelle j’avais eu l’insigne privilège de participer, la mission Champsaur, nous avons obtenu le statut de « zone fibrée », qui a d’ailleurs été inscrit dans la loi. Certes, cela constitue déjà une avancée considérable, mais la loi ne mentionne pas très précisément ce que comporte le label « zone fibrée ».
C’est pourquoi nous voulons insister, à travers cet amendement, sur les conséquences qu’emporterait ce statut pour les collectivités territoriales. Si vous me le permettez, il en est une qui s’impose à mes yeux : une fois que l’investissement réalisé par les collectivités territoriales a été reconnu et estampillé, il me paraît indispensable, sinon obligatoire, que les principaux fournisseurs d’accès à internet puissent fournir leurs services sur ces territoires. Cela constituerait un formidable encouragement à l’égard des collectivités territoriales pour leurs capacités d’investissement et le volontarisme dont elles ont fait preuve en la matière.
M. le président. Quel est l’avis de la commission de l’aménagement du territoire et du développement durable ?
M. Patrick Chaize, rapporteur pour avis. Cet amendement vise à préciser que le décret pris pour l’application du dispositif de zone fibrée en complément des conditions d’attribution du statut prévoit des dispositions facilitant la transition vers le très haut débit. Or il est satisfait, monsieur Rome.
En effet, l’esprit même du mécanisme de zone fibrée est de soutenir cette transition technologique. L’article L. 33–11 du code des postes et des communications électroniques dispose : « Il est institué un statut de ″zone fibrée″, qui peut être obtenu dès lors que l’établissement et l’exploitation d’un réseau en fibre optique ouvert à la mutualisation sont suffisamment avancés pour déclencher des mesures facilitant la transition vers le très haut débit. »
M. Yves Rome. Quelles mesures ?
M. Patrick Chaize, rapporteur pour avis. « Les modalités d’application du présent article sont définies par décret. »
La précision que vous souhaitez introduire ne semble donc pas nécessaire. C’est pourquoi je vous demande de bien vouloir retirer votre amendement, mon cher collègue.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
Mme Axelle Lemaire, secrétaire d'État. J’ai tendance à partager l’avis du rapporteur : le décret a précisément pour objet d’assurer cette transition vers le très haut débit en octroyant le statut de zone fibrée à certaines zones.
C’est un sujet qui, je le sais, vous tient à cœur, monsieur Rome, et l’AVICCA, l’Association des villes et collectivités pour les communications électroniques et l’audiovisuel, y accorde une importance particulière. J’ai suivi de près les travaux de la mission Champsaur. Je considère que cet amendement est satisfait, mais si vous y tenez, car vous estimez que l’article visé n’est pas assez explicite, je m’en remets à la sagesse de la Haute Assemblée.
M. le président. Monsieur Rome, l'amendement n° 407 est-il maintenu ?
M. Yves Rome. Je veux bien entendre les arguments de Patrick Chaize, qui m’a succédé à la présidence de l’AVICCA, fort élégamment d’ailleurs, je le souligne au passage, mais les mesures favorables sont loin d’être actées.
Je tiens à attirer l’attention de mes collègues sur les risques qu’encourent les collectivités territoriales. Jusqu’à ce jour, on n’a pas beaucoup vu sur l’ensemble des réseaux d’initiative publique, hormis récemment en Bretagne, les grands opérateurs nationaux fournir leurs services aux collectivités territoriales. M. Chaize lui-même, qui a fait partie des pionniers, devrait le savoir, il lui a fallu attendre des lustres et des lustres, ce qui aurait pu mettre en danger l’exploitation de son propre réseau. Qu’il s’agisse d’Orange ou de SFR, aucun des deux ne venait fournir ses services sur les réseaux d’initiative publique.
Je plaide beaucoup pour que les mesures incitatives soient adressées une fois la zone fibrée reconnue afin que les opérateurs aient quasi-obligation de fournir leurs services sur ces réseaux, faute de quoi les collectivités territoriales seraient condamnées à l’échec. Or je ne veux pas que cet échec ait un impact sur le plan France très haut débit.
M. le président. La parole est à M. Patrick Chaize, rapporteur pour avis.
M. Patrick Chaize, rapporteur pour avis. Monsieur Rome, nous partageons sans aucune difficulté la même position. J’estime que cet alinéa est un petit peu bavard,…
M. Yves Rome. Il faut parfois l’être !
M. Patrick Chaize, rapporteur pour avis. … mais, sur le principe, je veux bien émettre un avis de sagesse sur votre amendement pour vous donner satisfaction.
Encore une fois, je considère qu’il n’apporte pas grand-chose dans la rédaction : le statut de zone fibrée a bel et bien pour objet de donner une impulsion afin d’effacer les problèmes que l’on peut rencontrer dans nos territoires.
M. Yves Rome. Merci, mon cher collègue !
M. le président. Je mets aux voix l'article 36 bis, modifié.
(L'article 36 bis est adopté.)
Section 2
Couverture numérique
Article 37 A
(Non modifié)
L’article L. 1615-7 du code général des collectivités territoriales est complété par un alinéa ainsi rédigé :
« Les collectivités territoriales et leurs groupements bénéficient des attributions du Fonds de compensation pour la taxe sur la valeur ajoutée au titre de leurs dépenses d’investissement réalisées sur la période 2015-2022, sous maîtrise d’ouvrage publique, en matière d’infrastructures passives intégrant leur patrimoine dans le cadre du plan d’action relatif à l’extension de la couverture du territoire par les réseaux de téléphonie mobile. »
M. le président. La parole est à Mme Brigitte Gonthier-Maurin, sur l'article.
Mme Brigitte Gonthier-Maurin. Voilà clairement la démonstration de ce que nous dénoncions il y a quelques instants, notamment par la voix de notre collègue Éliane Assassi.
Bien sûr, nous sommes favorables au fait que les collectivités territoriales et leurs groupements bénéficient des attributions du FCTVA, le Fonds de compensation pour la taxe sur la valeur ajoutée, au titre de leurs dépenses d’investissement en matière de téléphonie mobile, comme c’était le cas jusqu’au 31 décembre 2014.
Cependant, posons-nous la question suivante : est-ce vraiment aux collectivités de faire ces investissements ? (M. Bruno Sido s’exclame.) Nous ne le pensons pas, vous l’aurez compris, mes chers collègues.
Les collectivités, dont les moyens diminuent, pourront de moins en moins intervenir, alors même que les besoins sont immenses, notamment dans les zones rurales où l’accès aux nouvelles technologies est l’une des clefs du désenclavement et du développement économique.
Dans les campagnes où les territoires sont très vastes, l’investissement sera particulièrement coûteux et lourd pour les collectivités. Pourtant, dans le cadre du plan France très haut débit, l’État attend des collectivités un engagement de 14 milliards d’euros à l’horizon de 2020. L’équation semble impossible alors que les dotations sont en berne et que les collectivités peinent à assurer leurs compétences.
À l’image de ce que nous avons préconisé en matière de numérique, il semble souhaitable de dégager les collectivités de cette responsabilité et de créer un opérateur unique national en matière d’infrastructures téléphoniques, ce qui nous permettrait, je le signale – ce n’est pas une question annexe ! –, de limiter le bain d’ondes en zone très urbanisée où se superposent les infrastructures des différents opérateurs. Le principe de sobriété en matière d’ondes pourrait ainsi être mis en œuvre.
M. le président. La parole est à M. Bruno Sido, sur l'article.
M. Bruno Sido. Je veux répondre à ma collègue. Vous avez raison, madame Gonthier-Maurin, on peut poser la question, mais il faut être pragmatique et regarder ce qui se passe.
En France, un certain nombre de départements ont tenu ce raisonnement et n’ont rien fait. D’autres, qui connaissent peut-être mieux la vie, se sont dit : aide-toi et le ciel t’aidera ! Agissons avec les moyens dont on dispose et à la vitesse à laquelle on pourra aller.
Lorsque je siège aux côtés de M. Chaize à l’AVICCA, dont M. Rome était membre, je constate que les départements qui ont tenu le raisonnement que vous soutenez notent qu’il ne s’est rien passé en cinq ans (M. Yves Rome opine.) et qu’ils doivent faire face à un retard important…
Mme Brigitte Gonthier-Maurin. Je ne propose pas de ne rien faire ! Je veux que la Nation prenne ses responsabilités !
M. Bruno Sido. … dans la mesure où il n’y a pas d’obligation ni d’opérateur national.
D’une façon pragmatique, il faut bien que les collectivités, les syndicats mixtes, les syndicats de syndicats et autres s’engagent.
Mme Éliane Assassi. Avec quels moyens ?
M. Bruno Sido. Derrière tout cela, nos concitoyens attendent et réclament que le haut débit et le très haut débit arrivent jusqu’à eux.
Mme Brigitte Gonthier-Maurin. Il faut en avoir les moyens !
M. Bruno Sido. C’est ce que nous essayons modestement de faire.
M. le président. Je mets aux voix l'article 37 A.
(L'article 37 A est adopté.)
Articles additionnels après l'article 37 A
M. le président. Je suis saisi de quatre amendements faisant l'objet d'une discussion commune.
Les trois premiers sont identiques.
L'amendement n° 15 rectifié ter est présenté par MM. Vasselle, de Legge, D. Laurent, Grosdidier, Reichardt, Commeinhes, Raison, Bizet, Bignon, Danesi et Dufaut, Mme Deromedi, MM. Lefèvre et Vaspart, Mme Hummel, MM. César, Perrin et Longuet, Mmes Morhet-Richaud et Lopez, M. Rapin, Mme Cayeux, MM. Savin, Mayet, Béchu, G. Bailly et Pellevat, Mme Gruny, MM. B. Fournier, D. Robert, Gremillet, Masclet et Chasseing, Mmes Keller et Lamure et MM. de Raincourt, Houel, Laménie et Lemoyne.
L'amendement n° 145 est présenté par M. Navarro.
L'amendement n° 351 rectifié ter est présenté par M. Luche, Mme Loisier, M. L. Hervé, Mme Morin-Desailly, MM. Cigolotti et Détraigne, Mmes Doineau et Férat, MM. Gabouty, Kern, Longeot, Maurey, Médevielle, Pozzo di Borgo, Roche, Tandonnet et Bonnecarrère, Mme Gatel et MM. Bockel et Delcros.
Ces trois amendements identiques ne sont pas soutenus.
L'amendement n° 408 rectifié bis, présenté par MM. Camani, Roux, F. Marc, Sueur, Leconte et Rome, Mme D. Gillot, MM. Assouline, Guillaume, Montaugé, Cabanel, Courteau et les membres du groupe socialiste et républicain et apparentés, est ainsi libellé :
I. - Après l’article 37 A
Insérer un article additionnel ainsi rédigé :
Après l’article L. 1615-7 du code général des collectivités territoriales, il est inséré un article L. 1615-7-… ainsi rédigé :
« Art. L. 1615-7-… – Par dérogation aux articles L. 1615-2 et L. 1615-7, les collectivités territoriales et leurs groupements bénéficient des attributions du fonds de compensation pour la taxe sur la valeur ajoutée au titre des dépenses exposées pour créer des infrastructures dont ils conservent la propriété, lors de l’enfouissement des réseaux de communications électroniques, dès lors que ces dépenses n’ouvrent pas droit à déduction de la taxe sur la valeur ajoutée par la voie fiscale. »
II. - La perte de recettes résultant pour l'État du I est compensée, à due concurrence, par la création d'une taxe additionnelle aux droits prévus aux articles 575 et 575 A du code général des impôts.
La parole est à M. Pierre Camani.
M. Pierre Camani. Cet amendement s’inscrit dans la lignée des différents élargissements du FCTVA mis en œuvre conjointement par le Gouvernement et par le Parlement au cours des derniers mois.
En l’occurrence, il s’agit de rendre éligibles au remboursement de la TVA les dépenses d’enfouissement des réseaux électriques et de communications électroniques lorsque la collectivité ne peut bénéficier du droit à la déduction de la TVA par voie fiscale, c'est-à-dire dans la plupart des cas.
En effet, la faiblesse des redevances d’occupation des fourreaux, payées par les opérateurs à l’occasion d’enfouissements conformes aux accords-cadres existants, ne permet pas la récupération de la TVA par voie fiscale.
L’enfouissement des réseaux électriques et de communications électroniques permet d’améliorer l’esthétique, mais surtout la sécurisation de ces réseaux, qui sont de plus en plus indispensables à l’activité économique et aux services publics. Les collectivités ont la charge du déploiement du très haut débit sur 85 % du territoire national et sont directement concernées par la qualité de l’infrastructure pour leur réseau.
Cette mesure concourt donc à la réussite du plan France très haut débit sur le long terme. Plus largement, elle s’inscrit dans le cadre des différentes mesures ayant été prises ces derniers mois en soutien à l’investissement local des collectivités, notamment via des extensions du FCTVA à hauteur de plusieurs centaines de millions d’euros.
Ainsi, et à la suite de l’adoption, l’automne dernier, de plusieurs amendements émanant du groupe socialiste, les remboursements au titre du FCTVA avaient pu être étendus aux dépenses réalisées dans le cadre du plan France très haut débit par les collectivités en matière d’infrastructures passives pour la période 2015–2022.
M. le président. Quel est l’avis de la commission des finances ?
M. Philippe Dallier, rapporteur pour avis de la commission des finances. La commission souhaite entendre l’avis du Gouvernement pour savoir s’il faut préciser les choses.
Le Gouvernement avait répondu à deux reprises à des questions écrites sur ce sujet, en précisant que la TVA était fiscalement récupérable. Il semble qu’il y ait des difficultés. Si tel est le cas, pourquoi en effet ne pas recourir au FCTVA ?
Nous aimerions donc, je le répète, connaître l’avis du Gouvernement sur ce point : soit on précise les choses, soit il y a une impossibilité et les collectivités pourraient bénéficier du FCTVA.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
Mme Axelle Lemaire, secrétaire d'État. Je demande le retrait de cet amendement, considérant qu’il est satisfait.
Vous proposez, monsieur le sénateur, de limiter le bénéfice du FCTVA, donc la déduction de la TVA par voie fiscale, aux seuls réseaux nouvellement créés, qui sont donc, pour l’essentiel, des réseaux inscrits dans le cadre du plan France très haut débit.
J’ai vérifié, votre amendement me semble satisfait par l’article L. 1615–7 du code général des collectivités territoriales, qui avait été modifié lors des débats relatifs à la loi de finances pour 2016, pour lequel j’ai milité et dont je vous donne lecture, afin de vous en convaincre : « Les collectivités territoriales et leurs groupements bénéficient des attributions du Fonds de compensation pour la taxe sur la valeur ajoutée au titre de leurs dépenses d’investissement réalisées sur la période 2015-2022, sous maîtrise d’ouvrage publique, en matière d’infrastructures passives intégrant leur patrimoine dans le cadre du plan “France très haut débit”. »
Dès lors que ces investissements entrent dans le cadre de ce plan, ils sont éligibles au FCTVA.
Je rappelle également que, lors du débat à l'Assemblée nationale, le FCTVA a été étendu à la couverture mobile. À cet égard, permettez-moi de citer un chiffre. Le FCTVA relatif aux dépenses d’entretien des bâtiments publics et de voirie et aux infrastructures passives dans le cadre du plan représentera d’ici à la fin de l’année 2016 plus de 260 millions d’euros de dépenses.
Cet amendement étant satisfait, il peut être retiré.
M. Pierre Camani. Je le retire, monsieur le président !
M. le président. L'amendement n° 408 rectifié bis est retiré.
Article 37 B
L’article L. 48 du code des postes et des communications électroniques est ainsi modifié :
1° Au a, après le mot : « Sur », sont insérés les mots : « les bâtiments d’habitation et sur » ;
2° Le c est ainsi modifié :
a) Les mots : « Au-dessus » sont remplacés par les mots : « Sur et au-dessus » ;
b) Après le mot : « privées », sont insérés les mots : « , y compris à l’extérieur des murs ou façades donnant sur la voie publique, » ;
b bis) (nouveau) Après les mots : « bénéficiant de servitudes », sont insérés les mots : « ou de droits de passage définis par convention avec le propriétaire » ;
c) Est ajoutée une phrase ainsi rédigée :
« En cas de contrainte technique, l’installation est déployée à proximité de celle bénéficiant de la servitude ou du droit de passage en suivant au mieux le cheminement de cette servitude ou de ce droit de passage. » ;
3° Le sixième alinéa est ainsi modifié :
a) La première phrase est ainsi modifiée :
– après les mots : « bénéficiaire de servitude », sont insérés les mots : « ou d’un droit de passage défini par convention avec le propriétaire » ;
– après les mots : « bénéficiaire de la servitude », sont insérés les mots : « ou du droit de passage » ;
b) L’avant-dernière phrase est ainsi modifiée :
– les mots : « qu’elle résulte du partage d’une installation déjà autorisée au titre d’une autre servitude et » sont supprimés ;
– les mots : « à l’article L. 45-9 » sont remplacés par les mots : « au c du présent article ». – (Adopté.)
Article 37 C
I (nouveau). – Le II de l’article 1er de la loi n° 66-457 du 2 juillet 1966 relative à l’installation d’antennes réceptrices de radiodiffusion est ainsi modifié :
1° Le premier alinéa est ainsi modifié :
a) Le début de l’alinéa est ainsi rédigé : « À la demande d’un ou plusieurs propriétaires, locataires ou occupants de bonne foi, le propriétaire ou le syndicat des copropriétaires ne peut, nonobstant toute convention contraire… (le reste sans changement) » ;
b) Après le mot : « équipements nécessaires », la fin de l’alinéa est ainsi rédigée : « , y compris dans les parties communes, à la desserte de chacun des logements. Cette installation est réalisée aux frais de l’opérateur dans les conditions fixées par l’article L. 34-8-3 du code des postes et des communications électroniques et fait l’objet d’une convention dans les conditions fixées à l’article L. 33-6 du même code, après avis du conseil syndical lorsque celui-ci est institué. » ;
2° Le deuxième alinéa est ainsi modifié :
a) Au début de la première phrase, le mot : « constitue » est remplacé par le mot : « constituent » ;
b) Après le mot : « ouvert », la fin de cet alinéa est ainsi rédigé : « au public : » ;
3° Après le deuxième alinéa, il est inséré un a ainsi rédigé :
« a) La préexistence de lignes de communications électroniques en fibre optique permettant de répondre aux besoins spécifiques du demandeur ; »
4° Le troisième alinéa est ainsi modifié :
a) Le début de cet alinéa est ainsi rédigé :
« b) La décision prise par le propriétaire, dans un délai de six mois… (le reste sans changement) » ;
b) La deuxième phrase est supprimée ;
5° Après le troisième alinéa, il est inséré un alinéa ainsi rédigé :
« c) L’immeuble ne dispose pas des infrastructures d’accueil adaptées ;
6° Le quatrième alinéa est supprimé.
II. – Le h de l’article 25 de la loi n° 65-557 du 10 juillet 1965 fixant le statut de la copropriété des immeubles bâtis est complété par les mots : « et à l’exception des dispositions du II de l’article 1er de la loi n° 66-457 du 2 juillet 1966 relative à l’installation d’antennes réceptrices de radiodiffusion ».
III. – Au début de l’article L. 33–6 du code des postes et des communications électroniques, les mots : « sans préjudice du II de l’article 1er de la loi n° 66-457 du 2 juillet 1966 relative à l’installation d’antennes réceptrices de radiodiffusion, » sont supprimés.
M. le président. L'amendement n° 588, présenté par le Gouvernement, est ainsi libellé :
Rédiger ainsi cet article :
L'article 24-2 de la loi n° 65-557 du 10 juillet 1965 fixant le statut de la copropriété des immeubles bâtis est complété par deux alinéas ainsi rédigés :
« Lorsqu'une demande de raccordement à un réseau de communications électroniques à très haut débit en fibre optique est effectuée par le propriétaire, locataire ou occupant de bonne foi d'un logement d'un immeuble comportant plusieurs logements ou d'un immeuble à usage mixte dans les conditions prévues à l'article 1er de la loi n° 66-457 du 2 juillet 1966 relative à l'installation d'antennes réceptrices de radiodiffusion, le syndicat des copropriétaires ne peut s'opposer, nonobstant toute convention contraire, sans motif sérieux et légitime conformément au II du même article 1er, à l'installation de telles lignes dans les parties communes de l'immeuble de manière à permettre la desserte de chacun des logements, sous réserve que l'immeuble dispose des infrastructures d'accueil adaptées.
« Cette installation, réalisée aux frais de l'opérateur conformément à l'article L. 34-8-3 du code des postes et des communications électroniques, fait l'objet d'une convention conclue dans les conditions prévues à l'article L. 33-6 du même code avec le syndicat des copropriétaires, après avis du conseil syndical lorsque celui-ci a été institué. »
La parole est à Mme la secrétaire d'État.
Mme Axelle Lemaire, secrétaire d'État. J’ai regretté que, lors de ses débats, la commission des lois du Sénat ait souhaité réécrire l’article 37 C initialement proposé par le Gouvernement, considérant que le dispositif s’insérerait mieux dans la loi de 1966 et permettrait d’exclure les occupants sans titre du droit à la fibre créé, sur le modèle du droit à l’antenne. Nous sommes dans la problématique de la création d’un nouveau dispositif, celui du droit à la fibre, sur le modèle de ce qu’a fait l’Espagne il y a deux ans. Aujourd'hui, l’Espagne est le pays qui déploie le plus rapidement la fibre optique dans ses agglomérations.
En privilégiant une modification de la loi relative aux copropriétés, la rédaction initiale ne modifiait que l’article 24–2. Le choix de passer au principal par la loi de 1966 relative à l’installation d’antennes réceptrices de radiodiffusion implique de modifier cette dernière, mais également la loi relative aux copropriétés, ainsi que l’article L. 33–6 du code des postes et des communications électroniques.
La rédaction issue des travaux de la commission perd donc en lisibilité du droit, puisqu’elle implique un renvoi vers trois articles de code et de lois différents, et fragilise, à mon sens, le dispositif dans son ensemble.
À travers cet amendement, le Gouvernement entend revenir à la rédaction initiale, tout en prenant en compte l’objectif exprimé par la commission des lois d’exclure du bénéfice du droit au très haut débit les occupants sans titre, ce qui est un objectif légitime.
Pour que ce dispositif soit solide, clair et lisible, le droit à la fibre, qui consiste à autoriser les opérateurs à déployer la fibre sans l’autorisation collective et lourde du syndicat de copropriété lorsqu'aucune dépense n’est demandée aux copropriétaires domiciliés dans l’immeuble, devrait être déployé de la manière la plus facile et la plus simple possible.
M. le président. Quel est l’avis de la commission ?
M. Christophe-André Frassa, rapporteur. À cette heure-ci, je crois que nous n’allons pas nous entendre, madame la secrétaire d'État : chacun d’entre nous estime que le texte proposé par l’autre manque de lisibilité.
Je le concède, le Gouvernement a pris en compte les remarques de la commission des lois en incluant uniquement dans le dispositif prévu à l’article 37 C les occupants de bonne foi et non les occupants sans titre, et je le porte à votre crédit.
Toutefois, subsiste toujours – cela est vrai – une divergence rédactionnelle.
Le Gouvernement propose de modifier la loi de 1965 sur la copropriété, mais se pose là encore un problème d’enchevêtrement de dispositifs, qui, à mon sens, ne rend toujours pas cet article lisible. Subsistent, d’une part, le droit à la fibre prévu par la loi du 2 juillet 1966 et, d’autre part, le dispositif prévu à l’article 37 C.
Or ces deux mécanismes ont un objet commun : développer la fibre optique dans les immeubles. Il convient de mieux les articuler, comme le prévoit le texte présenté par la commission.
C’est pourquoi la commission maintient son avis défavorable sur l’amendement que vous proposez. Mais nous pourrons sans doute faire évoluer la rédaction d’ici à la réunion de la commission mixte paritaire.
M. le président. Je mets aux voix l'article 37 C.
(L'article 37 C est adopté.)
Article 37 D
(Non modifié)
La seconde phrase du 7° du I de l’article 39 decies du code général des impôts est remplacée par trois phrases ainsi rédigées :
« En cas de cession de droits d’usage portant sur les biens mentionnés à la première phrase du présent 7°, le montant des investissements éligibles est égal à la différence entre le montant total des investissements effectués et le montant des droits d’usage cédés à une entreprise tierce. Par dérogation au premier alinéa du présent I, les entreprises titulaires d’un droit d’usage portant sur ces biens peuvent déduire une somme égale à 40 % du montant facturé au titre de ce droit d’usage. Par dérogation au même premier alinéa, la déduction s’applique aux droits d’usage et aux biens mentionnés au présent 7° qui sont acquis ou fabriqués par l’entreprise à compter du 1er janvier 2016 et jusqu’au 31 décembre 2016. »
M. le président. La parole est à Mme Éliane Assassi, sur l'article.
Mme Éliane Assassi. Cet article, qui revient sur un avantage fiscal consenti en faveur des entreprises investissant dans la fibre optique, nous donne une nouvelle fois l’occasion de revenir sur le caractère ubuesque de la construction de ce marché dit « concurrentiel », alors que les risques sont pour le moins limités, les opérateurs privés étant libres de n’intervenir qu’en zone rentable.
En l’occurrence, il est proposé de partager de manière égale les bénéfices de cet avantage fiscal entre l’opérateur historique, Orange, et les autres opérateurs. Il s’agit en fait de reconnaître la notion de « droits d’usage cédés ».
Nous sommes, pour notre part, très réservés sur ce mode d’intervention en général. Nous préférons le plus souvent une intervention directe par l’État plutôt que l’instauration de dispositifs fiscaux, très difficiles à contrôler et à limiter.
Les investissements pour la fibre optique devraient être non pas simplement encouragés fiscalement par la puissance publique, mais bien planifiés par elle, dans le cadre d’un plan qui ne dépendrait pas uniquement de la bonne volonté des opérateurs privés ou des collectivités territoriales.
La vision stratégique du numérique mérite mieux.
Nous proposons, vous le savez, mes chers collègues, d’étendre le service universel au très haut débit. Malheureusement, un tel amendement est systématiquement jugé irrecevable. Pourtant, nous considérons que donner cet objectif d’intégration du très haut débit au service universel serait un immense progrès de la société, le gage sur l’ensemble du territoire de l’accès égal à un service public devenu essentiel pour les populations. Une telle intégration permettrait également à l’État de financer ce service sans craindre de l’Union européenne.
M. le président. L'amendement n° 634, présenté par le Gouvernement, est ainsi libellé :
Rédiger ainsi cet article :
I. – L’article 39 decies du code général des impôts est ainsi modifié :
A. Le I est ainsi modifié :
1° Au premier alinéa, l’année : « 2016 » est remplacée par l’année : « 2017 » ;
2° Au 6°, la date : « 31 décembre 2016 » est remplacée par la date : « 14 avril 2017 » ;
3° Au 7°, la seconde phrase est remplacée par quatre phrases ainsi rédigées :
« Ces biens peuvent bénéficier de la déduction quelles que soient leurs modalités d’amortissement. En cas de cession de droits d'usage portant sur les biens mentionnés à la première phrase du présent 7°, le montant des investissements éligibles est égal à la différence entre le montant total des investissements effectués, hors frais financiers, et le montant ouvrant droit à la déduction des droits d'usage cédés à une entreprise tierce. Par dérogation au premier alinéa du présent I, les entreprises titulaires d'un droit d'usage portant sur ces biens peuvent déduire une somme égale à 40 % du montant facturé au titre de ce droit d'usage pour sa fraction afférente au prix d’acquisition ou de fabrication des biens, y compris par dérogation à la première phrase du présent 7°, lorsque ces biens font partie de réseaux ayant fait l’objet d’une aide versée par une personne publique. Par dérogation au même premier alinéa, la déduction s'applique aux biens mentionnés au présent 7° qui sont acquis ou fabriqués par l'entreprise à compter du 1er janvier 2016 et jusqu'au 14 avril 2017 et aux droits d’usage des biens acquis ou fabriqués au cours de la même période qui font l’objet d’une cession avant le 15 avril 2017. »
4° Après le huitième alinéa, sont insérés deux alinéas ainsi rédigés :
« 8° Les logiciels qui contribuent à des opérations industrielles de fabrication et de transformation. Par dérogation au premier alinéa, la déduction s’applique aux biens mentionnés au présent 8° quelles que soient leurs modalités d’amortissement ;
« 9° Les appareils informatiques prévus pour une utilisation au sein d’une baie informatique acquis ou fabriqués par l’entreprise et les machines destinées au calcul intensif acquises de façon intégrée, à compter du 12 avril 2016 et jusqu’au 14 avril 2017. Par dérogation au premier alinéa, la déduction s’applique aux biens mentionnés au présent 9° quelles que soient leurs modalités d’amortissement. » ;
5° Le dixième alinéa est ainsi modifié :
a) À la première phrase, les mots : « , conclu à compter du 15 avril 2015 et jusqu’au 14 avril 2016, » sont supprimés ;
b) Après la première phrase, est insérée une phrase ainsi rédigée :
« Ces contrats sont ceux conclus à compter du 15 avril 2015 et jusqu’au 14 avril 2017 pour les biens mentionnés aux 1° à 6° et au 8°, à compter du 1er janvier 2016 et jusqu’au 14 avril 2017 pour les biens mentionnés au 7° et à compter du 12 avril 2016 et jusqu’au 14 avril 2017 pour les biens mentionnés au 9°. » ;
c) À la deuxième phrase, le mot : « huitième » est remplacé par le mot : « onzième ».
B. Le II est ainsi modifié :
1° Le premier alinéa est ainsi modifié :
a) La deuxième occurrence du mot : « les » est remplacée par le mot : « des » ;
b) L’année : « 2016 » est remplacée par les mots : « 2017, d’une part au titre des biens affectés exclusivement à des opérations exonérées, d’autre part au titre des biens affectés à la fois à des opérations exonérées et à des opérations taxables au prorata du chiffre d’affaires des opérations exonérées rapporté au chiffre d’affaires total » ;
2° Au deuxième alinéa, les mots : « , déterminée à proportion » sont remplacés par les mots : « ainsi déterminée égale à la proportion ».
II. – Le B du I s’applique aux biens acquis, fabriqués ou pris en crédit-bail ou en location avec option d’achat par les coopératives à compter du 26 avril 2016.
La parole est à Mme la secrétaire d'État.
Mme Axelle Lemaire, secrétaire d'État. Avant toute chose, j’aimerais vous répondre très brièvement, madame Assassi, et vous rappeler que la définition du service universel, telle qu’elle existe dans le code des postes et des communications électroniques, provient de la transposition d’une directive européenne consacrée au sujet. Je rappellerai également que le Gouvernement français demande avec beaucoup d’insistance à la Commission européenne et à ses partenaires européens, dans le cadre de la révision du « paquet Télécom » engagée à Bruxelles, que cette définition soit modifiée.
En effet, madame la sénatrice, je vous l’accorde : la définition actuelle du service universel ne correspond plus du tout à la réalité des usages de nos concitoyens. C’est pourquoi je demande avec tant de fermeté que cette définition intègre notamment une dimension relative à internet. D’ailleurs, j’ai encore eu cette discussion voilà quelques jours avec mon homologue britannique, pour ne citer que lui.
J’en viens à l’amendement du Gouvernement. Celui-ci vise à soutenir l’investissement des entreprises, dans sa dimension numérique plus particulièrement bien sûr, mais aussi l’investissement considéré dans un sens plus large.
Nous défendons l’idée que, pour faire repartir la production industrielle en France, il faut non seulement aider nos entreprises à développer leurs marges, mais aussi faire en sorte que cette amélioration contribue à relancer l’investissement productif, entendu comme un investissement en faveur de l’innovation. C’est en effet la compétitivité-qualité que nous devons encourager dans nos entreprises.
L’an dernier, il y a un an plus exactement, nous avons pris une série de mesures pour favoriser l’investissement des entreprises. Ces mesures ont produit des résultats très concrets, puisque tous les chiffres démontrent que la reprise de l’investissement des entreprises a enfin lieu en France.
Parmi ces mesures, on trouve la disposition consacrée au suramortissement fiscal introduite dans la loi pour la croissance, l’activité et l’égalité des chances économiques, qui permet aux entreprises de pratiquer un suramortissement de 40 % pour leurs investissements productifs. Concrètement, cela signifie que 13 % du montant des investissements réalisés par une entreprise qui acquitte un niveau normal d’impôt sur les sociétés peut être déduit de cet impôt.
Initialement destinée à durer jusqu’au 15 avril dernier, cette mesure a très bien fonctionné. Depuis son annonce, l’investissement dans les biens concernés par le champ d’application du dispositif a été dynamique puisqu’il a connu une hausse de 1,9 % au deuxième trimestre de l’année dernière et de 2,2 % au troisième trimestre de la même année. Il faut remonter au début de l’année 2011 pour observer une progression aussi rapide.
À titre d’illustration, l’INSEE a noté une forte progression des ventes de machines-outils et de la fourniture d’équipements industriels, biens qui sont particulièrement concernés par le suramortissement et qui ont respectivement augmenté de 6 % et de 5,4 %. Nous agissons donc bien en faveur d’une politique proactive de ré-industrialisation de notre pays !
Dans le même temps, les investissements dans les produits qui n’étaient majoritairement pas éligibles au suramortissement, comme les biens d’équipement de l’information et de la communication, ont moins progressé, voire reculé. Globalement, les estimations de l’INSEE montrent que cette mesure de suramortissement rehausse l’investissement sur tous les produits manufacturés de 0,2 point à 0,4 point par trimestre.
Compte tenu de ces résultats, le Gouvernement a décidé de prolonger cette disposition dans le temps et de l’adapter pour faire entrer dans son champ d’application des investissements qui n’y figuraient pas jusqu’alors. Vous vous doutez, mesdames, messieurs les sénateurs, qu’une partie de ces investissements concernent le secteur du numérique.
Je vous prie de m’excuser d’être un peu longue, mais il me semble primordial de détailler le contenu exact de l’amendement que je vous propose.
Celui-ci a plus précisément pour objet de proroger jusqu’au 14 avril 2017 la déduction exceptionnelle en faveur de l’investissement productif, et ce pour l’ensemble des investissements déjà concernés, et d’en étendre le champ d’application à certains équipements informatiques, en appui de la démarche engagée pour la numérisation de l’ensemble de notre tissu productif, notamment au travers du plan « Industrie du futur ».
Il vise également à rendre applicable l’extension de la déduction exceptionnelle aux réseaux de fibre optique. Sur ce point, il faut noter que l’article 37 D prévoit déjà que cette extension puisse bénéficier non seulement aux entreprises qui construisent ou acquièrent un tel réseau, et qui en sont propriétaires, mais aussi aux opérateurs qui cofinancent un réseau et qui sont à ce titre titulaires d’un droit d’usage de celui-ci.
Il s’agit là d’une mesure qui favorise un maillage plus fin du territoire et qui assure donc une couverture numérique qui réponde davantage aux besoins exprimés, en particulier dans les zones les moins denses sur le plan démographique.
L’amendement du Gouvernement a aussi pour objet de préciser les modalités d’application de la déduction exceptionnelle accordée aux opérateurs titulaires de droits d’usage sur un réseau de fibre optique. Cette déduction ne porte que sur le montant du droit d’usage facturé, étant entendu que, dans le cas où ce montant comprendrait une composante représentative de l’entretien, cette fraction ne bénéficierait pas de ladite déduction.
Je rappelle en outre que les frais financiers sont également exclus du coût éligible des investissements.
S’agissant des co-investisseurs sur un réseau de fibre optique et à la différence des constructeurs de réseaux, la déduction exceptionnelle est étendue aux réseaux qui font l’objet d’une aide publique, ce qui correspond à une demande légitime, exprimée à plusieurs reprises par les membres de la Haute Assemblée. En effet, l’existence d’une aide attribuée par une personne publique n’est pas de nature à modifier les conditions de marché, sans lesquelles les cofinanceurs souscrivent leur droit d’usage au titre d’un réseau.
Pour finir, l’amendement tend à prévoir que la déduction s’applique au droit d’usage cédé avant le 15 avril de l’année prochaine au titre de réseaux eux-mêmes construits ou acquis entre le 1er janvier de cette année et le 15 avril de l’année prochaine.
J’ajoute que la rédaction actuelle de l’article 37 D introduit une ambiguïté qui pourrait éventuellement laisser penser que la déduction s’applique à des droits d’usage qui ne portent pas uniquement sur les biens précités. Or il n’est pas envisageable d’avantager les cofinanceurs par rapport aux opérateurs qui sont propriétaires de réseaux.
Enfin, et j’en terminerai là, j’indique que le dispositif proposé vient compléter une instruction fiscale qui a été déjà publiée.
Je vous invite donc, mesdames, messieurs les sénateurs, à soutenir cet amendement afin d’accélérer encore davantage l’investissement numérique et la couverture numérique de nos territoires.
M. le président. Quel est l’avis de la commission des finances ?
M. Philippe Dallier, rapporteur pour avis. Monsieur le président, je serai bien en peine de vous donner l’avis de la commission. En effet, celle-ci n’a pas pu se réunir à temps, dans la mesure où l’amendement a été déposé il y a peu.
Toutefois, je suis presque certain que la commission aurait émis un avis très favorable sur cet amendement, puisque nous avions voté la prolongation d’une année du suramortissement Macron lors de la dernière loi de finances, et ce contre l’avis du Gouvernement. Ce dernier a manifestement changé de position, ce dont nous nous réjouissons !
Je rappelle du reste que ce suramortissement était à l’origine une idée de la majorité sénatoriale, qui a elle-même été reprise par Emmanuel Macron l’an dernier.
Ce rappel est uniquement destiné à confirmer le fait que nous ne pouvons qu’être favorables à un tel dispositif. Aussi, nous nous réjouissons de constater que celui-ci donne des résultats !
S’agissant de l’extension de son champ d’application, nous y sommes là encore favorables. À titre personnel, je trouve toutefois que l’élargissement de la mesure aux appareils informatiques utilisés dans le cadre d’une baie informatique répond à un drôle de critère. Je le dis simplement pour l’anecdote, mais où va-t-on si le fait de pouvoir « racker » un équipement le rend désormais éligible au dispositif ? (Sourires.) Quoi qu’il en soit, la mesure est intéressante.
J’aurais tout de même deux questions à poser. En tant que membre de la commission des finances, je souhaiterais tout d’abord savoir, madame la secrétaire d’État, si vous êtes capable de nous donner une estimation du coût de l’amendement que vos proposez ? Après tout, si tout cela fonctionne aussi bien et, pourquoi pas, mieux encore demain qu’aujourd’hui, il faudra trouver l’argent nécessaire !
Ma seconde question porte davantage sur le fond du sujet : il est tout à fait exact que les dispositions ciblées dans le temps produisent un fort effet incitatif. Leur but est d’ailleurs bien d’accélérer l’investissement et de le relancer. Dès lors que votre amendement tend à repousser le dispositif en vigueur d’un an, que se passera-t-il selon vous à l’issue de cette prorogation, madame la secrétaire d’État ? (Sourires.)
M. le président. En conséquence, l’article 37 D est ainsi rédigé et les amendements nos 175 rectifié et 372 rectifié n’ont plus d'objet.
Toutefois, pour la bonne information du Sénat, je rappelle les termes de ces amendements.
L'amendement n° 175 rectifié, présenté par MM. Bizet, G. Bailly, Cantegrit, Chasseing, Chatillon, Cornu et Danesi, Mme Duranton, M. Emorine, Mme Garriaud-Maylam, MM. Grand et Gremillet, Mme Gruny, MM. Houel, Husson, Laménie, D. Laurent, Lefèvre, Lemoyne et Mandelli, Mme Morhet-Richaud et MM. Mouiller et Vaspart, est ainsi libellé :
I. - Au début
Insérer un paragraphe ainsi rédigé :
… – À la première phrase du 7° du I de l’article 39 decies du code général des impôts, les mots : « ne faisant pas l’objet d’une aide versée par une personne publique » sont supprimés.
II. - La perte de recettes résultant pour l'État du I est compensée, à due concurrence, par la création d'une taxe additionnelle aux droits prévus aux articles 575 et 575 A du code général des impôts.
L'amendement n° 372 rectifié, présenté par MM. Chaize, Mandelli, Bignon, Commeinhes, B. Fournier, de Nicolaÿ, Vaspart, P. Leroy et Bizet, Mme Deroche, MM. Laménie, Lefèvre, de Legge, Husson, Doligé et Lemoyne, Mme Cayeux et MM. Mouiller, Rapin et Pointereau, est ainsi libellé :
I. – Compléter cet article par un paragraphe ainsi rédigé :
… – Après le 7° du I du même article, il est inséré un alinéa ainsi rédigé :
« Par dérogation au premier alinéa du présent I, les entreprises soumises à l'impôt sur les sociétés ou à l'impôt sur le revenu selon un régime réel d'imposition, titulaires d’un droit d’usage portant sur des réseaux ouverts au public à très haut débit en fibre optique établis dans les conditions prévues à l’article L. 1425-1 du code général des collectivités territoriales, peuvent déduire de leur résultat imposable une somme égale à 40 % du montant facturé au titre de ce droit d’usage. Par dérogation au même premier alinéa, la déduction s’applique aux droits d’usage mentionnés au présent alinéa qui sont acquis par l’entreprise à compter du 1er janvier 2017 et jusqu’au 31 décembre 2017. »
II. – Pour compenser la perte de recettes résultant du I, compléter cet article par un paragraphe ainsi rédigé :
… – La perte de recettes résultant pour l’État du présent article est compensée, à due concurrence, par la création d’une taxe additionnelle aux droits prévus aux articles 575 et 575 A du code général des impôts.
Article additionnel après l’article 37 D
M. le président. Je suis saisi de deux amendements identiques.
L’amendement n° 373 rectifié est présenté par MM. Chaize, de Nicolaÿ, Mandelli, Bignon, Commeinhes, B. Fournier, Vaspart, P. Leroy et Bizet, Mme Deroche, MM. Laménie, Lefèvre, de Legge, Husson et Doligé, Mme Cayeux et MM. Mouiller, Rapin et Pointereau.
L’amendement n° 409 rectifié est présenté par MM. Camani, Roux, F. Marc, Sueur, Leconte et Rome, Mme D. Gillot, MM. Assouline, Guillaume et les membres du groupe socialiste, républicain et apparentés.
Ces deux amendements sont ainsi libellés :
Après l’article 37 D
Insérer un article additionnel ainsi rédigé :
Lorsque des collectivités territoriales cèdent des droits permanents, irrévocables et exclusifs d’usage de longue durée de réseaux de communications électroniques, ceux-ci peuvent être comptabilisés, en totalité, l’année de leur encaissement, en section d’investissement.
Lorsque des collectivités territoriales acquièrent des droits permanents, irrévocables et exclusifs d’usage de longue durée de réseaux de communications électroniques, ceux-ci peuvent être comptabilisés en section d’investissement.
La parole est à M. Patrick Chaize, pour présenter l’amendement n° 373 rectifié.
M. Patrick Chaize. Le présent amendement vise à remédier à une difficulté comptable qui affecte l’ensemble des parties prenantes au déploiement des réseaux d’initiative publique en inscrivant en section d’investissement les dépenses et les recettes liées au droit d’usage sur des réseaux de communication électronique.
Afin de répartir le bénéfice du dispositif de suramortissement des investissements entre opérateurs privés, l’article 37 D du projet de loi appréhende les droits d’usage acquis par les opérateurs privés sur ces réseaux comme des investissements. Or les droits d’usage acquis ou cédés par les collectivités territoriales ne bénéficient pas d’un traitement comptable similaire et restent considérés comme des dépenses ou des charges de fonctionnement.
Il est pourtant fondamental pour l’économie des réseaux d’initiative publique que les droits irrévocables d’usage de réseaux de communications électroniques, acquis ou vendus par une collectivité territoriale, puissent être imputés en section d’investissement. Cela contribuera à équilibrer plus facilement les budgets annuels des réseaux d’initiative publique en limitant leurs besoins en trésorerie et en facilitant le financement des coûts liés à l’acquisition des droits d’usage.
Cette évolution est d’autant plus souhaitable que le cahier des charges du plan « France très haut débit » contraint les collectivités territoriales à acquérir de tels droits d’usage sur certains segments du réseau, pour ne pas dupliquer les infrastructures existantes.
M. le président. La parole est à M. Pierre Camani, pour présenter l'amendement n° 409 rectifié.
M. Pierre Camani. Il est défendu, monsieur le président.
M. le président. Quel est l’avis de la commission des finances ?
M. Philippe Dallier, rapporteur pour avis. La commission s’en remettra à l’avis du Gouvernement. Il aurait peut-être fallu entrer davantage dans le détail, car, dès lors qu’il s’agit de recettes, je ne comprends pas ce que cela change d’inscrire les droits d’usage en section d’investissement plutôt qu’en section de fonctionnement.
M. Patrick Chaize. Si, c’est très important pour l’amortissement !
M. Philippe Dallier, rapporteur pour avis. Effectivement, vous avez raison, c’est essentiel pour l’amortissement. Dans ce cas, nous attendons l’avis du Gouvernement, mais nous sommes plutôt favorables à l’amendement.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
Mme Axelle Lemaire, secrétaire d'État. Je remercie les membres de la Haute Assemblée d’avoir attiré l’attention du Gouvernement sur un sujet important, qui traduit la volonté de simplifier et de faciliter la réalisation des projets de réseaux d’initiative publique par les collectivités territoriales, et plus précisément leur montage financier.
L’objectif est très largement partagé. Même si le dispositif de votre amendement ne relève pas du domaine de la loi, monsieur le sénateur, il a le mérite d’avoir contribué à porter ce débat au niveau interministériel et au sein de l’administration même de Bercy, qui s’est engagée à modifier sa doctrine fiscale sur le sujet.
Il s’agit donc d’une affaire à suivre et c’est pourquoi je vous demanderai à ce stade, messieurs les sénateurs, de bien vouloir retirer vos amendements.
M. le président. La parole est à M. Yves Rome, pour explication de vote.
M. Yves Rome. Personnellement, je souhaite que les amendements soient maintenus, ce qui permettrait de sécuriser la volonté exprimée par Bercy et de pleinement nous rassurer.
M. le président. Je mets aux voix les amendements identiques nos 373 rectifié et 409 rectifié.
(Les amendements sont adoptés.)
M. le président. En conséquence, un article additionnel ainsi rédigé est inséré dans le projet de loi, après l’article 37 D.
Article 37 E
L’article L. 34-8-3 du code des postes et des communications électroniques est ainsi modifié :
1° Après le troisième alinéa, il est inséré un alinéa ainsi rédigé :
« Lorsque la personne qui fournit l’accès met en œuvre une péréquation tarifaire à l’échelle de la zone de déploiement, elle peut réserver l’application de cette péréquation aux seuls opérateurs qui ne déploient pas de lignes à très haut débit en fibre optique permettant de desservir des logements situés dans cette zone. » ;
2° (nouveau) Au dernier alinéa, après le mot : « proportionnée », sont insérés les mots : « notamment dans le temps en fonction des coûts de déploiement, ».
M. le président. La parole est à Mme Brigitte Gonthier-Maurin, sur l’article.
Mme Brigitte Gonthier-Maurin. L’article 37 E vise à lutter contre l’implantation sélective de réseaux par les opérateurs numériques et la création de réseaux concurrents en zone rentable, alors même que ces réseaux seraient mutualisés à d’autres endroits. Nous souscrivons parfaitement à l’objectif d’une meilleure régulation du secteur, comme nous l’avons déjà dit.
Pour autant, nous aurions souhaité des mesures plus audacieuses que la simple faculté offerte à un opérateur de réseaux de fibre optique de réserver le bénéfice de la péréquation tarifaire aux opérateurs qui ne déploient pas une infrastructure particulière sur une partie seulement de ce réseau. Si une telle mesure va dans le bon sens, pensez-vous vraiment, mes chers collègues, qu’elle sera réellement dissuasive ?
Il faut instaurer des règles bien plus strictes en matière d’implantation d’infrastructures. Le dédoublement des réseaux devrait tout simplement être interdit, car il est coûteux, inefficace et inutile pour les usagers.
Je le répète : les infrastructures devraient être la propriété de la puissance publique et n’être qu’à la disposition des différents opérateurs. On s’éviterait ainsi bien des ennuis administratifs et juridiques !
Que nous le voulions ou non, il existe un problème de financement en la matière, car, monsieur Sido, le simple pragmatisme ne va pas remplir les caisses ! Là encore, il nous semble que les réseaux devraient être mutualisés sur l’ensemble du territoire national et financés non seulement par les opérateurs dont les marges sont considérables, mais également par la puissance publique en tant que telle, parce qu’il s’agit, à l’évidence, d’un service public essentiel pour nos concitoyens !
M. le président. L’amendement n° 349 rectifié, présenté par M. L. Hervé, Mme Morin-Desailly, M. Cigolotti, Mmes Doineau et Férat, MM. Gabouty et Kern, Mme Loisier et MM. Longeot, Luche, Médevielle, Pozzo di Borgo, Roche et Tandonnet, et l’amendement n° 346 rectifié, présenté par M. L. Hervé, Mme Morin-Desailly, MM. Bonnecarrère, Cigolotti, Delcros et Détraigne, Mmes Doineau et Férat, MM. Gabouty et Kern, Mme Loisier et MM. Longeot, Luche, Marseille, Médevielle, Pozzo di Borgo, Roche et Tandonnet, ne sont pas soutenus.
L’amendement n° 590, présenté par le Gouvernement, est ainsi libellé :
Alinéa 4
Supprimer cet alinéa.
La parole est à Mme la secrétaire d'État.
Mme Axelle Lemaire, secrétaire d'État. La modification introduite à l’article 37 E par la commission des lois remet en cause l’exigence de complétude des déploiements de réseaux à très haut débit pour couvrir l’intégralité du territoire. Rien ne serait pire en effet que le déploiement incomplet de réseaux dans une commune, comme le déploiement limité d’un réseau à un centre-ville plus dense et donc plus rentable à couvrir, qui aurait alors seul accès au très haut débit.
Cette modification permet de moduler dans le temps les obligations de déploiement en fonction des coûts. Si elle résulte d’un souhait que je comprends parfaitement, elle est contre-productive. En effet, il est impossible de faire une distinction entre la zone d’initiative publique et le reste du territoire puisque, vous le savez, le cadre réglementaire s’applique sans distinction à tout opérateur. La distinction réalisée risque donc d’aboutir au relâchement du calendrier de déploiement des opérateurs privés dans les zones d’appel à manifestation d’intention d’investissement, les zones AMII, à rebours de l’objectif d’accélération du plan « France très haut débit ».
M. le président. Quel est l’avis de la commission de l'aménagement du territoire et du développement durable ?
M. Patrick Chaize, rapporteur pour avis. L’amendement vise effectivement à revenir sur la modification adoptée en commission et qui porte sur le principe de complétude. Cette modification a pour objet de permettre l’ajustement des délais dans lesquels la couverture complète des logements doit être réalisée à l’échelle de l’unité de base des déploiements, appelée zone arrière de point de mutualisation.
À deux reprises déjà, l’Autorité de régulation des communications électroniques et des postes, l’ARCEP, a envisagé des ajustements à ce principe de complétude. La difficulté à concilier les différents objectifs fixés par le code des postes et des communications électroniques n’a en revanche pas conduit l’Autorité à revoir le délai dans lequel la complétude est imposée, soit de deux à cinq ans.
Ce délai, s’il est adapté aux zones moyennement denses qui sont couvertes par les opérateurs privés, est très contraignant pour les collectivités territoriales qui déploient des réseaux d’initiative publique dans des zones de faible densité, où la dispersion de l’habitat et le nombre de logements isolés rendent irréaliste techniquement et financièrement la complétude dans le délai prévu par l’ARCEP. Il risque surtout de les obliger à engager des investissements dans des secteurs qui ne souhaitent pourtant pas disposer d’un réseau à très haut débit à très court terme.
L’idée n’est donc pas de limiter la desserte du réseau, mais bien de prévoir un déploiement conforme aux besoins réels.
Par ailleurs, les évolutions techniques proposées par l’Autorité sur la notion de logements raccordables sur demande ne donnent pas toute la souplesse nécessaire aux collectivités territoriales.
C’est pourquoi l’article 37 E, tel qu’il a été modifié en commission, vise à permettre à l’ARCEP de moduler l’obligation de complétude dans le temps, en fonction des coûts du déploiement. Ces coûts structurent l’essentiel de la répartition entre zone d’initiative privée et zone d’initiative publique. Il s’agit donc de donner aux collectivités territoriales qui déploient des réseaux les moyens de lisser leurs investissements dans le temps, en tenant compte de la spécificité des zones où ces déploiements sont réalisés.
J’ai malheureusement le regret de terminer sur une note négative, madame la secrétaire d’État, puisque la commission émettra un avis défavorable sur l’amendement du Gouvernement.
M. le président. Je mets aux voix l'article 37 E.
(L'article 37 E est adopté.)
Article additionnel après l’article 37 E
M. le président. L’amendement n° 176 rectifié bis, présenté par MM. Marseille, Delcros et Bonnecarrère, Mme Joissains, MM. Cigolotti, Bockel et Kern, Mme Doineau et M. Guerriau, n’est pas soutenu.
Mes chers collègues, nous avons examiné 158 amendements au cours de la journée ; il en reste 125.
La suite de la discussion est renvoyée à la prochaine séance.
3
Ordre du jour
M. le président. Voici quel sera l’ordre du jour de la prochaine séance publique, précédemment fixée au lundi 2 mai 2016, à dix heures, à quinze heures trente, le soir et, éventuellement, la nuit :
Suite du projet de loi, adopté par l’Assemblée nationale après engagement de la procédure accélérée, pour une République numérique (n° 325, 2015-2016) ;
Rapport de M. Christophe-André Frassa, fait au nom de la commission des lois (n° 534, 2015-2016) ;
Texte de la commission (n° 535, 2015-2016) ;
Avis de M. Philippe Dallier, fait au nom de la commission des finances (n° 524, 2015-2016) ;
Avis de Mme Colette Mélot, fait au nom de la commission de la culture, de l’éducation et de la communication (n° 525, 2015-2016) ;
Avis de M. Patrick Chaize, fait au nom de la commission de l’aménagement du territoire et du développement durable (n° 526, 2015-2016) ;
Avis de M. Bruno Sido, fait au nom de la commission des affaires économiques (n° 528, 2015-2016).
Personne ne demande la parole ?…
La séance est levée.
(La séance est levée à dix-neuf heures vingt-cinq.)
Direction des comptes rendus
GISÈLE GODARD