M. le président. Je suis saisi de deux amendements faisant l'objet d'une discussion commune.

L'amendement n° 29 rectifié, présenté par MM. D. Dubois, Pellevat, L. Hervé, Chatillon, Bonnecarrère, Canevet, Guerriau, Gremillet et Vanlerenberghe, Mmes Gatel et Billon, M. Longeot, Mme Doineau, MM. Tandonnet, Marseille et Delcros, Mme N. Goulet et MM. Kern, Détraigne et Lasserre, est ainsi libellé :

Alinéas 53 à 58

Supprimer ces alinéas.

La parole est à M. Jean-François Longeot.

M. Jean-François Longeot. Il s’agit ici de revenir à l’écriture de cette section telle qu’elle avait été adoptée à la fois par l’Assemblée nationale et par le Sénat lors de la deuxième lecture du texte, en mai dernier.

L'article 18 prévoit que toute nouvelle utilisation à but commercial de la même ressource génétique et par le même utilisateur fasse l’objet d’une nouvelle demande d’autorisation.

Il n’est pas satisfaisant que cette obligation, déjà lourde pour nos entreprises, s’applique aux ressources génétiques déjà en collection avant l’entrée en vigueur de la loi.

M. le président. L'amendement n° 46, présenté par Mme Blandin, MM. Dantec, Labbé, Poher et les membres du groupe écologiste, est ainsi libellé :

Alinéa 58

Remplacer les mots :

le domaine d’activité se distingue de celui précédemment couvert

par les mots :

les objectifs et le contenu se distinguent de celle précédemment menée

La parole est à M. Ronan Dantec.

M. Ronan Dantec. Cet amendement, qui a déjà fait l’objet de nombreux débats, est technique mais important. Il vise à préciser la rédaction issue des travaux de l’Assemblée nationale en établissant une obligation pour une entreprise de se conformer au dispositif d’accès aux ressources génétiques et de partage juste et équitable des avantages liés à leur utilisation, ou APA, lorsqu’elle utilise une même ressource génétique ou une connaissance traditionnelle associée pour une nouvelle utilisation dont les objectifs et le contenu se distingueraient de l’utilisation précédente.

Lors de la précédente lecture au Sénat, des craintes avaient été exprimées sur le caractère rétroactif de cette disposition, si elle était adoptée. Nous tenons à vous rassurer, chers collègues : après vérification, il n’en est rien.

Cette disposition s’appliquera pour les connaissances associées uniquement si une nouvelle utilisation – j’y insiste – en est faite après la promulgation de la loi.

Nous pensons qu’il est nécessaire de prévoir une procédure d’accès et de partage des avantages pour les ressources génétiques et les connaissances traditionnelles associées déjà en collection avant l’entrée en vigueur de la loi, qui feraient donc l’objet d’une utilisation extérieure.

Il nous semble cependant plus pertinent et plus précis dans la rédaction que cette disposition s'applique aux objectifs et au contenu de l’utilisation plutôt qu’au domaine d’activité.

Cet amendement intègre donc les discussions que nous avons eues précédemment dans cette enceinte.

M. le président. Quel est l’avis de la commission ?

M. Jérôme Bignon, rapporteur. Avis défavorable sur les deux amendements. L’un a pour objet de restreindre le champ de la nouvelle utilisation, l’autre de l’élargir. C’est l’esprit même de Nagoya qui est en cause, spécialement sur la restriction, moins sur l’élargissement, puisque j’imagine que personne n’y verrait d’inconvénient dans les populations autochtones.

Il me semble que nous avons atteint un point d’équilibre, tant à l’Assemblée nationale qu’au Sénat, qui serait rompu si nous adoptions l’un ou l’autre de ces amendements.

M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?

Mme Barbara Pompili, secrétaire d'État. Je partage les observations de M. le rapporteur. Aussi, j’émets un avis défavorable sur les deux amendements.

M. le président. La parole est à Mme Sophie Primas, pour explication de vote.

Mme Sophie Primas. Les consultations que j’ai pu mener démontrent qu’un équilibre a été trouvé sur cet article 18. Personne n’a envie qu’il soit remis en question. Pour ma part, je voterai contre les amendements.

M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 29 rectifié.

(L'amendement n'est pas adopté.)

M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 46.

(L'amendement n'est pas adopté.)

M. le président. Je suis saisi de deux amendements identiques.

L'amendement n° 15 est présenté par MM. Barbier, Arnell, Castelli, Collin, Collombat, Esnol, Fortassin et Hue, Mme Laborde et MM. Mézard, Requier et Vall.

L'amendement n° 80 rectifié est présenté par MM. Chasseing, Nougein, Danesi et J. Gautier, Mme Morhet-Richaud, MM. Doligé, Houpert et de Raincourt, Mme Deroche, M. Trillard, Mme Deromedi, M. Charon et Mme Lamure.

Ces deux amendements sont ainsi libellés :

Alinéa 79

Remplacer le taux :

5 %

par le taux :

1 %

La parole est à M. Jean-Claude Requier, pour présenter l’amendement n° 15.

M. Jean-Claude Requier. Le présent amendement vise à rétablir le plafond de 1 % du chiffre d’affaires net mondial réalisé grâce aux produits ou aux procédés obtenus à partir de la ressource génétique faisant l’objet de l’autorisation, conformément à ce qui a été adopté par le Sénat en première et en deuxième lecture.

En effet, le taux de 5 %, confirmé par la commission de l’aménagement du territoire et du développement durable au Sénat, est disproportionné par rapport aux avantages réellement procurés par la ressource génétique et constitue un frein à la recherche.

M. le président. La parole est à Mme Jacky Deromedi, pour présenter l’amendement n° 80 rectifié.

Mme Jacky Deromedi. Les fabricants français d’ingrédients cosmétiques, notamment, sont favorables aux projets et textes internationaux visant à protéger la diversité biologique et à partager de façon juste et équitable les avantages résultants de l’accès et de l’utilisation des ressources génétiques, ainsi que de l’utilisation des connaissances traditionnelles.

Ils reconnaissent la nécessité d'un cadre juridique stable, clair et harmonisé, dans un objectif partagé de compétitivité et de préservation de la biodiversité.

Cependant, afin de conserver le dynamisme et la compétitivité de l’industrie française des ingrédients cosmétiques, l’une des plus créatives et productives à l’échelle européenne et mondiale, il est vital de ne pas introduire de distorsion de concurrence en imposant aux fournisseurs français d’ingrédients cosmétiques des obligations et des charges importantes que n’auront pas leurs concurrents.

Le taux de contributions financières fixé à 5 % du chiffre d’affaires réalisé grâce aux produits et procédés obtenus à partir de ressources génétiques paraît disproportionné et risque de mettre en danger de nombreuses entreprises françaises, notamment des PME.

C’est pourquoi, à travers cet amendement, je propose de ramener ce pourcentage à 1 % du chiffre d’affaires.

M. le président. Quel est l’avis de la commission ?

M. Jérôme Bignon, rapporteur. Avis défavorable sur les deux amendements.

L’essence même de la négociation, c’est un contrat, mais, dans un contrat, personne n’oblige l’autre à signer. Si une des parties prenantes n’y trouve pas son intérêt, elle ne signe pas, un point c’est tout. Un montant doit être indiqué, et, s’il est jugé inintéressant, le contrat ne sera pas signé. Je le répète, personne n’est obligé à contracter.

M. le président. Quel est l’avis de la commission ?

Mme Barbara Pompili, secrétaire d'État. M. le rapporteur a parfaitement raison. Je serai même un peu plus précise. J’ai rencontré un certain nombre d’entreprises, dont la société Yves Rocher, qui travaille beaucoup sur la base d’ingrédients et de recettes entrant dans le cadre du protocole de Nagoya.

Manifestement, il y avait sur cet article une incompréhension, que je voudrais lever, car elle a suscité beaucoup d’inquiétude. En effet, beaucoup ont cru que les 5 % portaient sur le chiffre d’affaires annuel sur le produit dans lequel il y a un procédé ou un ingrédient concerné par le partage des avantages. Or en l’occurrence tel n’est pas le cas : il s’agit de 5 % sur le pourcentage que représente dans le produit l’ingrédient en question, donc c’est 5 % de 1 % ou de 0,5 %, par exemple. Nous ne sommes donc pas du tout sur le même ordre de grandeur. Les représentants d’Yves Rocher ont d’ailleurs été très soulagés et rassurés d’entendre mes explications.

De toute façon, comme l’a dit M. le rapporteur, nous nous situons dans le cadre d’un contrat, donc chacun fait ce qu’il veut. Nous proposons juste un plafond.

M. le président. La parole est à M. Ronan Dantec, pour explication de vote.

M. Ronan Dantec. Bien qu’étant d’un caractère placide, je dois dire que le message véhiculé par cet amendement me met en colère.

Dans la plupart des domaines, quand on parle de propriété intellectuelle et de droit d’auteur – en l’occurrence, il s’agit bien d’une forme de droit d’auteur –, on se situe à 8 % ou 10 % Ici, certains voudraient voir la rémunération du partage d’avantage réduite à 1 %. Celle-ci concerne un groupe humain très particulier, qui est porteur de connaissances traditionnelles, mais on considère que ce groupe humain doit être moins payé que les autres pour l’invention intellectuelle et la conservation de la connaissance. Je trouve que le message qui revient à dire que ces gens-là ne méritent pas plus que 1 % est véritablement insupportable et détestable !

Par ailleurs, il s’agit d’un plafond, ce qui signifie, en économie libérale, que celui qui proposera le meilleur contrat remportera le marché. Aussi, je ne comprends pas bien l’argument qui consiste à dire que cette contribution nuira à la compétitivité, puisque ce dispositif concernera des entreprises libérales en concurrence les unes avec les autres pour faire la meilleure proposition.

M. le président. La parole est à Mme Sophie Primas, pour explication de vote.

Mme Sophie Primas. Comme je l’ai déjà dit, je souhaiterais qu’on ne touche pas à l’article 18, donc je voterai contre ces amendements.

Cependant, madame la secrétaire d’État, j’aimerais que vous reprécisiez bien votre explication, qui peut être déterminante pour la jurisprudence. Pour ma part, je n’ai pas la même lecture que vous en ce qui concerne l’application des 5 % au pourcentage de l’ingrédient. Je lis peut-être mal le texte, mais il me semble important que vous repreniez votre explication.

M. le président. La parole est à Mme la secrétaire d'État.

Mme Barbara Pompili, secrétaire d'État. De toute façon, comme vous le savez, si le texte n’est pas assez précis, son esprit, tel qu’il ressort des débats, permettra de l’éclairer. Aussi, je vous confirme qu’il s’agit bien de ce que représente l’ingrédient concerné dans le produit. C’est bien de cela qu’il s’agit. Je suis consciente de la nécessité de lever les doutes en la matière, pour que personne ne s’inquiète sans raison. Simplement, il faut que les gens soient justement rémunérés et que les entreprises paient leur part dans des conditions normales.

M. le président. La parole est à M. le rapporteur.

M. Jérôme Bignon, rapporteur. Je veux juste compléter ce qui vient d’être dit de façon très précise par Mme la secrétaire d’État. La formulation est la suivante : « perçus grâce aux produits ou aux procédés obtenus ». C’est dans le texte. Il n’y a aucun doute sur ce point.

M. le président. Je mets aux voix les amendements identiques nos 15 et 80 rectifié.

(Les amendements ne sont pas adoptés.)

M. le président. Je mets aux voix l'article 18.

(L'article 18 est adopté.)

Article 18 (Texte non modifié par la commission)
Dossier législatif : projet de loi pour la reconquête de la biodiversité, de la nature et des paysages
Article 27 A (Texte non modifié par la commission)

Article 19

(Pour coordination)

L'article L. 415-1 du même code est ainsi modifié :

1° Au début du premier alinéa, est ajoutée la mention : « I. - » ;

2° Il est ajouté un II ainsi rédigé :

« II. - Outre les agents mentionnés au I du présent article, sont habilités à rechercher et à constater des infractions aux articles L. 412-5 à L. 412-13, ainsi qu'aux obligations prévues à l'article 4 du règlement (UE) n° 511/2014 du Parlement européen et du Conseil, du 16 avril 2014, relatif aux mesures concernant le respect par les utilisateurs dans l'Union du protocole de Nagoya sur l'accès aux ressources génétiques et le partage juste et équitable des avantages découlant de leur utilisation et aux textes pris pour leur application :

« 1° Les agents de la concurrence, de la consommation et de la répression des fraudes, qui disposent à cet effet des pouvoirs prévus au livre II du code de la consommation ;

« 2° Les agents assermentés désignés à cet effet par le ministre de la défense ;

« 3° Les agents assermentés désignés à cet effet par le ministre chargé de la recherche ;

« 4° Les agents mentionnés aux L. 1421-1, L. 1435-7 et L. 5412-1 du code de la santé publique;

« 5° (nouveau) Les agents assermentés des parcs naturels régionaux ;

« 6° (nouveau) Les agents assermentés et commissionnés des collectivités territoriales et de leurs groupements ;

« 7° (nouveau) Les agents assermentés désignés à cet effet par le ministre chargé de l'agriculture. »

M. le président. L'amendement n° 89, présenté par M. Bignon, au nom de la commission, est ainsi libellé :

Alinéa 5

Remplacer la référence :

II

par la référence :

V

La parole est à M. le rapporteur.

M. Jérôme Bignon, rapporteur. Il s’agit d’un amendement de coordination.

M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?

Mme Barbara Pompili, secrétaire d'État. Favorable.

M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 89.

(L'amendement est adopté.)

M. le président. Je mets aux voix l'article 19, modifié.

(L'article 19 est adopté.)

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TITRE V

ESPACES NATURELS ET PROTECTION DES ESPÈCES

Article 19 (pour coordination)
Dossier législatif : projet de loi pour la reconquête de la biodiversité, de la nature et des paysages
Article 27

Article 27 A

(Non modifié)

Pour contribuer à la préservation et à la reconquête de la biodiversité et préserver son rôle dans le changement climatique, l’État se fixe comme objectif de proposer, dans un délai de six mois à compter de la promulgation de la présente loi, un dispositif prévoyant un traitement de la fiscalité sur les huiles végétales destinées, en l’état ou après incorporation dans tous produits, à l’alimentation humaine qui, d’une part, soit simplifié, harmonisé et non discriminatoire et, d’autre part, favorise les huiles produites de façon durable, la durabilité étant certifiée sur la base de critères objectifs.

M. le président. L'amendement n° 79, présenté par M. Dantec, Mme Archimbaud, MM. Gattolin et Labbé, Mme Blandin, M. Poher et les membres du groupe écologiste, est ainsi libellé :

Rédiger ainsi cet article :

I. – La section III du chapitre Ier bis du titre III de la deuxième partie du livre Ier du code général des impôts est ainsi modifiée :

1° À l’intitulé, les mots : « des prestations d’assurance maladie, invalidité et maternité » sont remplacés par les mots : « de certaines prestations d’assurance » ;

2° L’article 1609 unvicies est rétabli dans la rédaction suivante :

« Art. 1609 unvicies. – I. – Il est institué une contribution additionnelle à la taxe spéciale prévue à l’article 1609 vicies sur les huiles de palme, de palmiste et de coprah effectivement destinées, en l’état ou après incorporation dans tous produits, à l’alimentation humaine.

« Est exempté de la contribution mentionnée au I du présent article le redevable qui fait la preuve que le produit taxé répond à des critères de durabilité environnementale vérifiés préalablement par un organisme tierce partie et indépendant.

« II. – Le taux de la contribution additionnelle est fixé à 30 € par tonne en 2017, à 50 € en 2018, à 70 € en 2019 et à 90 € en 2020.

« III. – Cette contribution est due :

« 1° Pour les huiles fabriquées en France, sur toutes les ventes ou livraisons à soi-même de ces huiles par les producteurs ;

« 2° Pour les huiles importées en France, lors de l’importation ;

« 3° Pour les huiles qui font l’objet d’une acquisition intra-européenne, lors de l’acquisition.

« IV. – Pour les produits alimentaires, la taxation est effectuée selon la quantité d’huiles mentionnées au I entrant dans leur composition.

« V. – Les huiles mentionnées au même I ou les produits alimentaires les incorporant exportés de France continentale et de Corse, qui font l’objet d’une livraison exonérée en application du I de l’article 262 ter ou d’une livraison dans un lieu situé dans un autre État membre de l’Union européenne en application de l’article 258 A ne sont pas soumis à la contribution.

« VI. – La contribution est établie et recouvrée selon les modalités, ainsi que sous les sûretés, garanties et sanctions applicables aux taxes sur le chiffre d’affaires.

« Sont toutefois fixées par décret les mesures particulières et prescriptions, notamment d’ordre comptable, nécessaires pour que la contribution ne porte que sur les huiles effectivement destinées à l’alimentation humaine, pour qu’elle ne soit perçue qu’une seule fois et pour qu’elle ne soit pas supportée en cas d’exportation, de livraison exonérée en application du I de l’article 262 ter ou de livraison dans un lieu situé dans un autre État membre de l’Union européenne en application de l’article 258 A.

« VII. – Cette contribution est perçue au profit des organismes mentionnés à l’article L. 723-1 du code rural et de la pêche maritime et son produit finance le régime d’assurance vieillesse complémentaire obligatoire institué à l’article L. 732-56 du même code. »

II. – Le livre VII du code rural et de la pêche maritime est ainsi modifié :

1° Au 9° de l’article L. 731-2, après la référence : « 1609 vicies », est insérée la référence : « , 1609 unvicies » ;

2° Après le deuxième alinéa de l’article L. 732–58, il est inséré un alinéa ainsi rédigé :

« – par le produit de la contribution additionnelle à la taxe spéciale sur les huiles mentionnée à l’article 1609 unvicies du code général des impôts ; ».

La parole est à M. Ronan Dantec.

M. Ronan Dantec. C’est le retour d’un sujet sur lequel le Sénat a déjà longuement débattu au fond, pour finalement adopter dès la première lecture un dispositif de taxation de l’huile de palme. Néanmoins, avec cet amendement, nous nous contentons de demander la restauration de la rédaction d’équilibre trouvée à l’Assemblée nationale en deuxième lecture. Cette version n’a pas survécu à la nouvelle lecture, puisque les députés sont revenus en arrière lors de la discussion en séance publique.

Pourtant, un vrai travail avait été fait entre l’Assemblée nationale et le Sénat, qui avait ouvert la brèche, même si, je le reconnais, nous avions eu la main un peu lourde en première lecture. Ensuite, à l’occasion de la navette, nous avions pu trouver un équilibre à partir d’un postulat très simple : il n’est pas logique que l’huile de palme soit moins taxée que les huiles françaises, notamment l’huile d’olive, y compris pour des raisons de santé.

En effet, les pourcentages d’acides gras saturés comparés de l’huile de palme, de l’huile d’olive et de l’huile de tournesol laissent apparaître que les deux dernières catégories sont clairement meilleures pour la santé. Y compris en termes de santé publique, nous avons donc intérêt à favoriser la consommation d’huiles que nous produisons localement.

Nous n’avons pas la prétention de donner des leçons à d’autres dans le monde et de remettre en cause leur souveraineté, mais nous nous préoccupons d’abord de nous. Nous parlons de nos filières et de notre santé.

Il y a aussi un enjeu environnemental, qui, je le rappelle, est intégré dans le préambule de l’accord instituant l’OMC. Il est donc tout à fait possible, aujourd’hui, dans le cadre des échanges internationaux, d’intégrer les grandes régulations environnementales. Nous nous en servons peu, car les chantages fonctionnent à plein lors négociations – si vous me taxez tel produit, je ne vous achète plus tel autre – et bloquent l’ensemble du système.

M. Charles Revet. Ce n’est pas sérieux !

M. Ronan Dantec. Si nous acceptons cela, nous n’aurons plus jamais aucune régulation, que ce soit sur le climat ou sur tout autre sujet.

Mon amendement semble être de bon sens. Ce dispositif avait d’ailleurs été accepté dans un premier temps, au plus haut niveau, par les autorités indonésiennes, qui comprenaient bien que nous ne pouvions pas accepter une sous-taxation de l’huile de palme par rapport à l’huile d’olive. Un retournement a malheureusement eu lieu dans un second temps.

Selon moi, il importe que le Sénat confirme ce qu’il a déjà voté précédemment. Tel est l’objet de cet amendement de restauration.

M. le président. Quel est l’avis de la commission ?

M. Jérôme Bignon, rapporteur. La commission a, dans un premier temps, adopté le texte proposé par l’Assemblée nationale, car il lui semblait préférable de préserver le compromis auquel nos collègues députés étaient parvenus.

Ce matin, nous avons examiné les amendements déposés pour la séance publique, et la commission a majoritairement donné un avis favorable à l’amendement que vient de défendre M. Dantec.

À titre personnel, je reste cohérent avec ma position initiale et donne un avis défavorable sur cet amendement.

M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?

Mme Barbara Pompili, secrétaire d'État. Nous voilà de nouveau sur un sujet qui a beaucoup occupé les esprits pendant les différentes lectures.

Je ne reviendrai pas sur toutes les questions soulevées au cours des débats parlementaires sur cet article.

J’ai moi-même défendu, au moins à l’Assemblée nationale, le principe d’une taxe additionnelle, qui permettait d’en finir avec l’avantage fiscal dont bénéficiait l’huile de palme, avantage qui n’est effectivement pas justifié.

J’avais aussi proposé, ce qui était absolument essentiel pour moi, de travailler sur la question des certifications, car je suis persuadée que c’est par ce biais que nous allons réussir dans le temps – ces choses-là prennent un peu de temps ! – à travailler avec les entreprises et les pays producteurs pour avoir une production d’huile de palme plus respectueuse de l’environnement, notamment en évitant au maximum les déforestations qui créent des dégâts considérables et ont une influence partout dans le monde.

Cela étant dit, je le concède, nous nous sommes retrouvés à l’Assemblée nationale dans une situation difficile. Bien sûr, il est inutile de le nier, des pressions se sont exercées, mais jamais le Gouvernement n’a voulu vous orienter en fonction de pressions.

Les difficultés sont surtout liées au fait qu’un rapport parlementaire élaboré conjointement par Razzy Hammadi et Véronique Louwagie est sorti le jour même du débat à l’Assemblée nationale. Selon ses auteurs, le système de taxation à l’importation de nos huiles alimentaires ne fonctionne pas bien, car il est complètement obsolète, avec des taux qui se sont empilés au cours de l’histoire et qui n’ont plus aucun sens. Ce rapport préconisait donc une remise à plat totale de ce système de taxation.

Nous nous trouvions donc dans la situation suivante : un rapport recommandait une remise à plat totale, tandis qu’un article du projet de loi allait appuyer la taxation de l’huile de palme sur ces taxations obsolètes. Il était évident qu’un tel dispositif ne fonctionnerait pas.

J’aurais pu demander à laisser l’article en l’état, afin de « faire joli » dans la loi, mais la prochaine loi de finances ou une loi de finances rectificative serait immanquablement revenue sur ce dispositif. Il n’aurait pas été sérieux de se moquer du monde ainsi en faisant semblant de ne rien voir.

J’ai voulu être honnête et prendre acte qu’une remise à plat était nécessaire, tout en prenant l’engagement que celle-ci ait lieu dans une prochaine loi de finances, soit dans celle-ci, soit, si le temps nous manque, dans une loi de finances rectificative, mais en tout cas dans un délai de six mois.

Mme Odette Herviaux. Cela sera fait !

Mme Barbara Pompili, secrétaire d'État. C’est ce que nous avons proposé. J’ai évidemment insisté pour que la question de la certification demeure centrale dans le processus.

Voilà pourquoi l’Assemblée nationale a adopté ce compromis, qui, j’en suis bien consciente, est frustrant, car on n’avance pas tout de suite. Il permet néanmoins de partir sur des bases saines et nous évite de légiférer sur des éléments instables et fragiles.

C’est la raison pour laquelle je suis défavorable à cet amendement, même si, sur le fond, je partage ses objectifs. Monsieur Dantec, vous savez pouvoir compter sur moi pour que cette affaire ne s’arrête pas là et que nous travaillions vraiment pour harmoniser le régime de taxation de nos huiles, de sorte que ne perdurent plus, en dépit du bon sens, des avantages ne correspondant à rien. (M. Jean-François Husson s’exclame.)

M. le président. La parole est à M. Jacques Gautier, pour explication de vote.

M. Jacques Gautier. Je voudrais conforter la position que vient d’exprimer Mme la secrétaire d’État, qui correspond à la première position de la commission, qui tendait au rejet de cet amendement, et ce pour plusieurs raisons. Outre celle qui vient d’être présentée, j’en ajouterai trois autres.

Premièrement, nous ne vivons pas en vase clos, et la France, qui est une puissance de l’océan Pacifique, comme l’a rappelé le Président de la République, doit travailler avec les nations majeures que sont l’Indonésie et la Malaisie, toutes deux impactées par cet amendement. Vous devez avoir une réflexion politique !

Deuxièmement, il y a une dimension économique. Les États que je viens de citer sont deux partenaires majeurs de la France au niveau du détroit de Malacca. Il s’agit de grands clients en matière civile comme en matière militaire. Nous ne pouvons pas nous abstraire de ces relations économiques en donnant des leçons aux uns et aux autres.

Troisièmement – c’est peut-être le volet le plus important –, nous ne nous contentons pas de parler depuis un hémicycle, nous sommes allés sur place avec Jean-Jean Lozach, du groupe socialiste et républicain, Jean-Léonce Dupont, du groupe UDI-UC, et Catherine Procaccia, du groupe Les Républicains. Nous avons bien entendu rencontré des personnalités d’État à Jakarta, mais nous avons également pris deux jours pour écumer Sumatra. En parcourant, les pieds dans la pente, les plantations d’huile de palme, nous avons constaté qu’un effort était fait en matière de développement durable.

Le gouvernement indonésien a fait appel au CIRAD, qui est un laboratoire français disposant d’une expertise mondialement reconnue en matière d’agriculture et de développement durable. Ont été identifiées trois catégories d’intervenants dans la filière de l’huile de palme : les grands groupes, qui obtiennent 7 tonnes d’huile de palme à l’hectare et qui respectent tous les jours de grands engagements durables ; les petits paysans, eux, font 1,5 tonne à l’hectare, consomment du terrain, font du brûlis et détruisent de la forêt, toutes choses qu’il faut combattre ; enfin, l’État indonésien a proposé à ces petits paysans la création de coopératives, à qui il offre 2,5 hectares de terrain et l’accompagnement en conseil et expertise, et qui réussissent à atteindre de 4,5 tonnes à 5 tonnes à l’hectare.

L’État indonésien a donc réglé le problème. Il n’y a plus ce brûlis permanent et ces destructions de forêts. De surcroît, cela est accompagné par des mesures durables : dans le sous-sol, avec la récupération de tous les déchets pour en faire des engrais ; la création de canaux pour éviter les incendies. C’est vous dire que l’Indonésie a véritablement entrepris une démarche. Dans ces conditions, donnons-nous du temps pour agir tous ensemble.