Mme la présidente. Je suis saisie de deux amendements identiques.
L'amendement n° 12 est présenté par MM. Grand, Carle et Huré, Mme Micouleau, MM. Mayet, Charon et Milon, Mme Gruny et MM. Houel, Reichardt et Laménie.
L'amendement n° 107 rectifié est présenté par MM. Mézard, Amiel, Arnell, Barbier, Bertrand, Castelli, Collin, Collombat, Esnol, Fortassin et Guérini, Mmes Jouve, Laborde et Malherbe et MM. Requier et Vall.
Ces deux amendements sont ainsi libellés :
Supprimer cet article.
La parole est à M. André Reichardt, pour présenter l’amendement n° 12.
M. André Reichardt. Il est défendu.
Mme la présidente. La parole est à M. Jacques Mézard, pour présenter l'amendement n° 107 rectifié.
M. Jacques Mézard. Il s’agit d’un problème important. À la lecture de l’excellent rapport de notre collègue Yves Détraigne, on apprend que, en matière de défaut de permis de conduire, quelle que soit la procédure utilisée, la condamnation oscille entre 289 et 469 euros.
Comme les sanctions actuelles sont extrêmement faibles, on nous propose de les alourdir un peu en optant pour le système de l’amende forfaitaire tout en conservant le caractère délictuel, ce qui est un léger progrès par rapport au texte initial.
Je constate l’absence de politique pénale dans notre pays. Les sanctions pour stationnement gênant ou pour des infractions routières qui ne sont pas gravissimes ne sont pas tellement inférieures à celles qui sont prévues pour le défaut de permis ou d’assurance, alors que l’on compte encore 3 200 morts par an sur les routes et que l’on nous dit, à juste titre, que c’est beaucoup trop ! Il n’est pas raisonnable de banaliser ainsi l’infraction de défaut de permis de conduire ou de défaut d’assurance !
Pour couronner le tout, dans l’excellent rapport du non moins excellent rapporteur, on peut lire que les députés ont modifié le texte pour permettre, comme le prévoit l’article 530-4 du code de procédure pénale pour les amendes forfaitaires contraventionnelles, à la personne devant payer une amende forfaitaire pour des faits qu’elle ne conteste pas de demander des délais de paiement ou une remise gracieuse au Trésor public. C’est le comble ! Ce n’est pas ainsi que l’on va inciter nos concitoyens à passer le permis…
Mme la présidente. Quel est l’avis de la commission ?
M. Yves Détraigne, rapporteur. La procédure décrite à l’article 15 bis A relative à la lutte contre les infractions routières de conduite sans permis ou sans assurance me semble de nature à apaiser les craintes que nous avions exprimées voilà un an et qui avaient conduit le Sénat à supprimer l’article 15 du projet de loi.
Le présent article maintient le caractère délictuel de ces infractions, mais permet l’extinction de l’action publique par le paiement d’une amende forfaitaire. Je précise que le recours à cette procédure serait exclu en cas de récidive légale des délits concernés ou de commission simultanée d’une infraction à sanction non forfaitisée.
Certes, ce dispositif a pour objet de désengorger nos juridictions d’un contentieux de masse, mais, au-delà, il permet, nous semble-t-il, d’être plus répressif et plus efficace : la sanction tombera plus rapidement qu’actuellement.
M. Pierre-Yves Collombat. Elle est minime !
M. Yves Détraigne, rapporteur. Pour le délit de conduite sans permis, l’amende forfaitaire serait fixée à 800 euros, éventuellement minorée à 640 euros ou majorée à 1 600 euros. Pour le délit de conduite sans assurance, l’amende forfaitaire serait fixée à 500 euros, le cas échéant minorée à 400 euros ou majorée à 1 000 euros. Cela constitue un accroissement sensible de la répression au regard des décisions prises actuellement par les juridictions répressives. La réforme proposée ne conduit donc pas à une politique laxiste en matière de sécurité routière.
Cela dit, peuvent peut-être se poser des difficultés de mise en œuvre de cette mesure pour certains véhicules, tels des véhicules de société, dont on ne connaît pas forcément le conducteur.
Quoi qu’il en soit, la commission a émis un avis défavorable sur ces deux amendements identiques.
Mme la présidente. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. Jean-Jacques Urvoas, garde des sceaux. Le Gouvernement est défavorable à ces deux amendements.
Lors du débat que vous avez déjà eu sur ce sujet, avait été soulevée la question de la contraventionnalisation. Les associations de lutte contre la violence routière sont très hostiles à l’idée de dépénaliser les infractions routières et de les contraventionnaliser, quand bien même la contraventionnalisation se traduirait par des sanctions plus fortes que celles qui sont aujourd'hui prononcées, ainsi que vient de l’indiquer le rapporteur.
C'est la raison pour laquelle j’ai délibérément modifié le dispositif. Sans changer le droit existant, je propose dorénavant au Sénat de donner aux procureurs la possibilité de prononcer une amende forfaitaire. L’automobiliste délictueux pourra parfaitement refuser cette voie. (MM. Jacques Mézard et Pierre-Yves Collombat rient.) Dans ce cas, il passera devant le tribunal.
Que ceux qui pensent que la comparution devant le tribunal revêt une dimension très symbolique et donne de la force à la sanction soient donc rassurés ! Mais je rejoins tout à fait les propos du rapporteur : une sanction rapide et financièrement lourde sera, à mon sens, beaucoup plus dissuasive qu’une sanction hypothétique, retardée et, au final, moins importante que l’amende forfaitaire.
Mme la présidente. La parole est à M. Pierre-Yves Collombat, pour explication de vote.
M. Pierre-Yves Collombat. Ce dispositif me paraît tout à fait incohérent avec ce qui me semblait être la volonté de ce gouvernement et d’autres l’ayant précédé, à savoir lutter contre la délinquance routière, en installant des radars partout, en instaurant des limitations de vitesse à 30 kilomètres à l’heure partout… Un défaut de permis de conduire et d’assurance, ce n’est tout de même pas rien ! Pourtant, on prévoit une petite amende de 500 euros ! C’est moins cher que de passer le permis de conduire… Tout cela est totalement incohérent.
Mme la présidente. La parole est à M. Alain Marc, pour explication de vote.
M. Alain Marc. Je suis entièrement d’accord avec notre collègue Collombat.
Monsieur le garde des sceaux, il est illusoire de penser que les contrevenants vont refuser la sanction automatique. Les sanctions prévues sont modiques, alors qu’un défaut de permis de conduire ou d’assurance est un délit gravissime !
M. Alain Marc. Pour inciter les contrevenants à passer le permis ou à prendre une assurance, il faudrait que les sanctions prévues soient multipliées par trois ou quatre. C’est pourquoi je voterai avec mes collègues en faveur de la suppression de cet article.
Mme la présidente. La parole est à M. Jacques Mézard, pour explication de vote.
M. Jacques Mézard. Monsieur le garde des sceaux, si le contrevenant peut choisir entre le paiement d’une amende forfaitaire de 400 ou 600 euros proposée par le procureur et un passage devant le tribunal, il est fort probable, comme cela s’est vu pour d’autres procédures, qu’il préférera faire un chèque ou éventuellement demander un délai de paiement, voire la remise gracieuse de l’amende.
Un tel recours à des amendes forfaitaires au motif que les tribunaux ne prononcent que des sanctions extrêmement modestes pour ce type d’infraction démontre le problème de politique pénale que nous avons dans notre pays. Ce n’est pas raisonnable !
De plus, je le rappelle, le défaut de permis entraîne automatiquement le défaut d’assurance.
Mme la présidente. Je mets aux voix les amendements identiques nos 12 et 107 rectifié.
(Les amendements sont adoptés.)
Mme la présidente. En conséquence, l'article 15 bis A est supprimé.
Article 15 bis B
I. – Le code de la route est ainsi modifié :
1° Après le chapitre III du titre II du livre II, il est inséré un chapitre III bis ainsi rédigé :
« Chapitre III bis
« Points affectés au conducteur titulaire d’un permis de conduire délivré par une autorité étrangère
« Art. L. 223-10. – I. – Tout conducteur titulaire d’un permis de conduire délivré par une autorité étrangère circulant sur le territoire national se voit affecter un nombre de points. Ce nombre de points est réduit de plein droit si ce conducteur a commis sur le territoire national une infraction pour laquelle cette réduction est prévue.
« II. – La réalité d’une infraction entraînant un retrait de points, conformément au I du présent article, est établie dans les conditions prévues à l’avant-dernier alinéa de l’article L. 223-1.
« Le retrait de points est réalisé dans les conditions prévues à l’article L. 223-2 et aux deux premiers alinéas de l’article L. 223-3. Il est porté à la connaissance de l’intéressé dans les conditions prévues au dernier alinéa du même article L. 223-3.
« En cas de retrait de la totalité des points affectés au conducteur mentionné au I du présent article, l’intéressé se voit notifier par l’autorité administrative l’interdiction de circuler sur le territoire national pendant une durée d’un an. Au terme de cette durée, l’intéressé se voit affecter un nombre de points dans les conditions prévues au même I.
« III. – Le fait de conduire un véhicule sur le territoire national malgré la notification de l’interdiction prévue au dernier alinéa du II du présent article est puni des peines prévues aux III et IV de l’article L. 223-5.
« L’immobilisation du véhicule peut être prescrite dans les conditions prévues aux articles L. 325-1 à L. 325-3.
« IV. – Le conducteur mentionné au I du présent article peut se voir affecter le nombre maximal de points ou réattribuer des points dans les conditions prévues aux premier à troisième et dernier alinéas de l’article L. 223-6.
« Il peut obtenir une récupération de points s’il suit un stage de sensibilisation à la sécurité routière dans les conditions prévues à la première phrase de l’avant-dernier alinéa de l’article L. 223-6.
« V. – Les informations relatives au nombre de points dont dispose le conducteur mentionné au I du présent article ne peuvent être collectées que dans les conditions prévues à l’article L. 223-7.
« VI. – Un décret en Conseil d’État fixe les modalités d’application du présent article.
« Art. L. 223-11. – Sans préjudice du deuxième alinéa de l’article L. 223-1, le permis de conduire national délivré par l’autorité administrative à un conducteur mentionné au I de l’article L. 223-10 ayant sa résidence normale en France est affecté d’un nombre de points équivalent à celui dont dispose ce conducteur à la date d’obtention du permis de conduire. » ;
2° Le I de l’article L. 225-1 est complété par un 8° ainsi rédigé :
« 8° Du nombre de points affectés au conducteur mentionné au I de l’article L. 223-10 lorsque ce conducteur a commis une infraction entraînant un retrait de points, de toute modification de ce nombre et des décisions administratives dûment notifiées portant interdiction de conduire sur le territoire national. » ;
3° La première phrase de l’article L. 225-3 est ainsi rédigée :
« Le titulaire du permis de conduire et le conducteur mentionné au I de l’article L. 223-10 ont droit à la communication du relevé intégral des mentions qui les concernent. » ;
4° À l’article L. 225-4, après la première occurrence du mot : « code », sont insérés les mots : « , les agents spécialement habilités des observatoires et des établissements publics chargés de réaliser des études statistiques sur les accidents de la route pour le compte du ministre chargé de la sécurité routière » ;
5° L’article L. 225-5 est ainsi modifié :
a) Au 1°, après le mot : « permis », sont insérés les mots : « ou au conducteur mentionné au I de l’article L. 223-10 » ;
b) Il est ajouté un alinéa ainsi rédigé :
« Pour le conducteur mentionné au I de l’article L. 223-10, les informations mentionnées au premier alinéa du présent article comprennent celles relatives aux décisions dûment notifiées portant interdiction de conduire sur le territoire national enregistrées en application du 8° du I de l’article L. 225-1. » ;
6° Le chapitre Ier du titre Ier du livre III est complété par un article L. 311-2 ainsi rédigé :
« Art. L. 311-2. – À l’occasion des contrôles des véhicules et de leurs conducteurs effectués dans les conditions prévues au code de procédure pénale ou au présent code, les agents compétents pour effectuer ces contrôles, dont la liste est fixée par voie réglementaire, sont autorisés à procéder aux opérations leur permettant d’accéder aux informations et aux données physiques et numériques embarquées relatives à l’identification et à la conformité du véhicule et de ses composants, afin de vérifier le respect des prescriptions fixées au présent livre III et de vérifier si ce véhicule ou tout ou partie de ses équipements n’ont pas été volés ou recelés.
« Les informations et données embarquées du véhicule autres que celles mentionnées au premier alinéa ne peuvent être utilisées comme preuve de la commission d’autres infractions prévues par le présent code. » ;
7° Après l’article L. 322-1, il est inséré un article L. 322-1-1 ainsi rédigé :
« Art. L. 322-1-1. – Lorsqu’une personne physique propriétaire d’un véhicule effectue une demande de certificat d’immatriculation, ce certificat est établi à son nom si cette personne est titulaire d’un permis de conduire correspondant à la catégorie du véhicule considéré.
« Si la personne physique propriétaire du véhicule n’est pas titulaire d’un permis de conduire correspondant à la catégorie du véhicule considéré, le certificat d’immatriculation est établi au nom d’une personne titulaire du permis de conduire requis, désignée par le propriétaire ou, si celui-ci est mineur, par son représentant légal. Dans ce cas, la personne désignée est inscrite en tant que titulaire du certificat d’immatriculation au sens des articles L. 121-2 et L. 121-3. Le propriétaire est également inscrit sur le certificat d’immatriculation.
« Les conditions d’application du présent article sont fixées par décret en Conseil d’État. »
II. – Les 1° à 5° du I du présent article entrent en vigueur à une date fixée par décret en Conseil d’État et, au plus tard, un an après la promulgation de la présente loi.
Mme la présidente. L'amendement n° 67, présenté par MM. Leconte, Bigot, Sueur et les membres du groupe socialiste et républicain, est ainsi libellé :
Alinéas 25 à 27
Supprimer ces alinéas.
La parole est à M. Jean-Yves Leconte.
M. Jean-Yves Leconte. Sous une rédaction relativement anodine, les alinéas 25 à 27 de l’article 15 bis B posent une difficulté réelle, puisqu’il s’agit de permettre l’accès aux données physiques et numériques embarquées dans les véhicules par l’autorité administrative, et cela sans garanties suffisantes quant au respect de la vie privée des usagers.
La rédaction actuelle ne vise a priori qu’à permettre de vérifier la conformité du véhicule au livre III du code de la route et à s’assurer que tout ou partie des équipements n’ont pas été volés ou recelés.
Toutefois, les équipements électroniques des véhicules évoluent rapidement. Les progrès de la connectique permettent la multiplication des expérimentations en matière de véhicules autonomes, si bien que beaucoup de véhicules sont déjà quasiment contrôlables à distance et possèdent des « boîtes noires » contenant des données privées relatives aux conducteurs et aux usagers du véhicule. Or contrairement à ce que semble supposer la rédaction actuelle, celles-ci ne se résument pas à quelques données techniques.
À défaut des garanties suffisantes quant à l’exploitation et à la conservation de ces données, le dispositif susvisé serait dangereux pour le droit au respect de la vie privée. Il donnerait accès à des données comparables à celles que contiennent un ordinateur privé ou un téléphone.
Le 19 février dernier, le Conseil constitutionnel a censuré des dispositions donnant accès à des données stockées dans un système informatique et qui étaient prévues par la loi prorogeant l'application de la loi relative à l'état d'urgence ; en effet, cet accès n’était pas conditionné à l’autorisation du juge, ni assorti des garanties suffisantes. Il me semble donc que l’accès aux données physiques et numériques embarquées dans un véhicule ne devrait pouvoir intervenir sans le contrôle du juge.
Mme la présidente. Quel est l’avis de la commission ?
M. Yves Détraigne, rapporteur. Cet amendement vise à supprimer des dispositions permettant aux agents chargés des contrôles des véhicules et de leurs conducteurs d’accéder aux données et informations du véhicule, notamment aux systèmes de diagnostic embarqués, dans le cadre du contrôle du respect des prescriptions techniques liées aux véhicules.
Permettez-moi d’apporter quelques précisions sur ce point. L’accès aux données du véhicule ne pourra se faire qu’à l’occasion des contrôles de véhicules préventifs ou judiciaires qui sont déjà prévus par la loi, mais il ne constituera pas un nouveau motif de contrôle. Sa finalité est uniquement de vérifier le respect des prescriptions techniques concernant les véhicules, notamment de s’assurer que tout ou partie de leur équipement n’ont pas été volés ou recelés.
Les seules données auxquelles il pourra être accédé seront celles qui sont relatives à l’identification et à la conformité des véhicules et de leurs composants, ce qui permettra la prise de diagnostic dit « On-Board Data », montrant si le véhicule est ou non conforme, et la lecture du numéro d’identification, le Vehicle Identification Number, ainsi que des différents calculateurs présents sur le véhicule, montrant si certaines pièces n’ont pas été frauduleusement remplacées.
Il est donc clair que toutes les autres informations et données embarquées du véhicule, comme celles qui sont relatives à la circulation et à la géolocalisation, ne pourront être utilisées comme preuve de la commission d’autres infractions prévues par le code de la route, ce qui interdira notamment toute possibilité de constater a posteriori des excès de vitesse ou le non-respect d’un feu rouge. Or c’est précisément ce que les automobilistes craignent le plus.
Si les précisions que je viens de livrer sont de nature à rassurer les auteurs de cet amendement, je leur demanderai de bien vouloir le retirer. À défaut, la commission émettra un avis défavorable.
Mme la présidente. Quel est l’avis du Gouvernement ?
Mme la présidente. Monsieur Leconte, l'amendement n° 67 est-il maintenu ?
M. Jean-Yves Leconte. J’ai bien compris les propos de notre rapporteur, mais rien n’est dit sur la manière dont ces données seront exploitées. Nous en arrivons sur ce dossier à la même question que sur le renseignement, la pêche au chalut ou la pêche à la ligne !
Compte tenu de la révolution numérique qui est à l’œuvre dans les véhicules aujourd'hui, l’on ne peut empêcher l’accès à d’autres informations que celles qui sont visées par l’alinéa 26. Or la rédaction actuelle ne dit rien sur l’encadrement de l’exploitation ni sur la conservation éventuelle de ces données. La loi prorogeant l'application de la loi relative à l'état d'urgence, qui était plus précise, a été censurée.
Du reste, même si des garanties étaient prévues, je doute que nous ayons la possibilité technique de circonscrire l’accès aux données visées à la fin de l’alinéa 26. Cette disposition présente donc de gros risques en termes de respect de la vie privée.
Je maintiens donc mon amendement, madame la présidente.
Mme la présidente. La parole est à M. Jean-Pierre Sueur, pour explication de vote.
M. Jean-Pierre Sueur. Cette explication de vote sera pour moi l’occasion de poser deux questions.
La première s’adresse à M. le rapporteur. Monsieur le rapporteur, j’ai compris que vous apportiez des garanties relatives à l’accès aux données physiques et numériques embarquées dans un véhicule, en précisant notamment que celles-ci ne pourraient être utilisées d’une manière qui pourrait être négative ou néfaste pour les usages des véhicules, mais je ne comprends pas bien : comment ce que vous dites se déduit-il de la lettre du texte ?
Ma seconde question s’adresse à M. le garde des sceaux. L’alinéa 26 précise que pourront procéder à ces investigations « les agents compétents pour effectuer ces contrôles, dont la liste est fixée par voie réglementaire ». Monsieur le garde des sceaux, pourriez-vous nous éclairer sur la nature de ces agents compétents ? De qui s’agit-il ?
Mme la présidente. La parole est à M. le rapporteur.
M. Yves Détraigne, rapporteur. L’alinéa 27 précise que « les informations et données embarquées du véhicule autres que celles mentionnées au premier alinéa ne peuvent être utilisées comme preuve de la commission d’autres infractions prévues par le présent code. »
M. Jean-Yves Leconte. Mais qu’en est-il d’infractions prévues par d’autres codes ?
M. Jean-Pierre Sueur. Et quel est ce premier alinéa ?
M. Yves Détraigne, rapporteur. . Je cherche…
Mme la présidente. Mes chers collègues, de grâce, évitons de nous livrer à un travail de commission.
La parole est à M. le garde des sceaux.
M. Jean-Jacques Urvoas, garde des sceaux. Monsieur Sueur, les agents compétents en la matière sont ceux de la police et de la gendarmerie. Le renvoi au règlement visera à préciser que sont compétents les services de sécurité publique et non, par exemple, de police judiciaire.
Mme la présidente. La parole est à M. le rapporteur.
M. Yves Détraigne, rapporteur. Pour répondre à M. Sueur, il s’agit de l’alinéa 26, qui précise que seules les « données physiques et numériques embarquées relatives à l’identification et à la conformité du véhicule et de ses composants » pourront faire l’objet d’un contrôle.
Mme la présidente. Je mets aux voix l'article 15 bis B.
(L'article 15 bis B est adopté.)
Chapitre V
Dispositions relatives à la procédure devant la Cour de cassation
Article 15 bis
(Suppression maintenue)
Mme la présidente. L'amendement n° 108 rectifié, présenté par MM. Mézard, Amiel, Arnell, Barbier, Bertrand, Castelli, Collin, Collombat, Esnol, Fortassin et Guérini, Mmes Jouve, Laborde et Malherbe et MM. Requier et Vall, est ainsi libellé :
Rétablir cet article dans la rédaction suivante :
Le code de procédure pénale est ainsi modifié :
1° L’article 370 est complété par un alinéa ainsi rédigé :
« Lorsque la cour d’assises statue en appel, le président informe également l’accusé que, pour la défense de son pourvoi, le ministère d’un avocat à la Cour de cassation est obligatoire, cet avocat étant choisi par lui ou, à sa demande, désigné par le président de l’ordre, et il indique à l’intéressé que les frais seront à sa charge sauf s’il remplit les conditions d’accès à l’aide juridictionnelle. » ;
2° L’article 567 est complété par deux alinéas ainsi rédigés :
« Sauf en ce qui concerne la déclaration de pourvoi prévue aux articles 576 et 577, le ministère d’un avocat à la Cour de cassation est obligatoire pour le demandeur au pourvoi et les autres parties.
« Cet avocat est choisi par le demandeur au pourvoi ou par la partie ou, à sa demande, désigné par le président de l’ordre : la désignation intervient dans un délai maximal de huit jours lorsque le pourvoi porte sur les matières dans lesquelles la chambre criminelle est tenue de statuer dans un délai légal en application des articles 567-2, 574-1 et 574-2 ; les frais d’avocat sont à la charge du demandeur ou de la partie, sauf si les conditions d’accès à l’aide juridictionnelle sont remplies. » ;
3° À la première phrase du deuxième alinéa des articles 567-2, 574-1 et 574-2, les mots : « ou son avocat » sont supprimés ;
4° Les articles 584 et 585 sont abrogés ;
5° L’article 585-1 est ainsi rédigé :
« Art. 585-1. – Sauf dérogation accordée par le président de la chambre criminelle, et sous réserve des articles 567-2, 574-1 et 574-2, la déclaration de l’avocat qui se constitue au nom d’un demandeur au pourvoi doit parvenir au greffe de la Cour de cassation un mois au plus tard après la date du pourvoi. » ;
6° À la fin de la première phrase de l’article 586, les mots : « , une expédition de l’acte de pourvoi et, s’il y a lieu, le mémoire du demandeur » sont remplacés par les mots : « et une expédition de l’acte de pourvoi » ;
7° L’article 588 est ainsi rédigé :
« Art. 588. – Le conseiller rapporteur fixe un délai pour le dépôt des mémoires entre les mains du greffier de la chambre criminelle. »
La parole est à M. Jacques Mézard.
M. Jacques Mézard. Monsieur le garde des sceaux, vous ne serez pas surpris que je récidive, en proposant de nouveau cette disposition adoptée en 2007 par le Sénat, sur l’initiative de notre ancien collègue Robert Badinter et de Pierre-Yves Collombat.
Je rappelle que lors de la première lecture de ce projet de loi, le Sénat a de nouveau voté cet amendement, qui vise à rendre obligatoire le recours au ministère d’avocat aux conseils devant la chambre criminelle de la Cour de cassation. Je rappelle également qu’un tel recours est obligatoire dans toutes les autres matières, y compris dans le domaine social, où les échos que nous en avons, notamment des syndicats, montrent que cela se passe dans d’excellentes conditions.
Quelle est la situation actuelle ? En matière pénale, la représentation par les avocats aux conseils n’étant pas obligatoire, quelque 41 % des pourvois formés devant la chambre criminelle ne sont pas soutenus par un mémoire et sont rejetés. Par ailleurs, faute de moyens sérieux, près de 32 % des pourvois soutenus par un mémoire donnent lieu à une non-admission.
Le seul argument développé devant l’Assemblée nationale pour réduire cela en miettes a consisté à dire que cette mesure écarterait les plus démunis. C’est absolument faux, puisque c’est exactement le contraire qui se produira si nous adoptons cet amendement.
La réalité, je tiens à le dire en séance publique, est que le lobbying du barreau de Paris, en particulier de certains avocats du barreau de Paris, qui veulent continuer à faire directement les pourvois, a convaincu certains députés de motiver leur rejet sur l’accès des plus démunis à la justice. Pourtant, nous le savons, monsieur le garde des sceaux, c’est exactement le contraire qui se passe. Et j’aurai l’occasion d’en remettre une couche, si j’ose dire, à l’occasion des explications de vote.
Le Sénat doit être cohérent avec lui-même. Il a déjà voté le recours obligatoire à la représentation par un avocat aux conseils en 2007 et en 2015. Cette mesure sert l’intérêt des justiciables, car elle contribuera à désencombrer la Cour de cassation de toute une série de pourvois auxquels elle ne peut donner de suite favorable, faute de mémoire ou de motivation sérieuse.