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Rappel au règlement

Mme la présidente. La parole est à M. Jean-Pierre Sueur, pour un rappel au règlement.

M. Jean-Pierre Sueur. Madame la présidente, durant cette lecture des conclusions de la conférence des présidents, dont je vous remercie, nous avons eu l’honneur de vous voir en trois exemplaires (Sourires.), ainsi que les deux éminents hauts fonctionnaires qui vous entourent, grâce aux écrans nouvellement installés dans l’hémicycle. Je salue cette mise en scène tout à fait frappante, véritable hymne aux technologies de l’époque ! (Nouveaux sourires.)

Néanmoins, la gestion de l’emploi du temps du Sénat est susceptible de poser quelques problèmes.

Madame la présidente, un certain nombre d’entre nous sont membres de la commission spéciale qui doit examiner demain quelque 600 amendements au projet de loi relatif à l’égalité et à la citoyenneté. Nous sommes appelés à nous réunir le matin, l’après-midi et le soir.

Demain matin siègent également les commissions permanentes. Or tous les membres de la commission spéciale sont membres d’une commission permanente. Et chaque commission traitera de questions importantes.

Par ailleurs, nous devons examiner demain après-midi les conclusions de la commission mixte paritaire sur le projet de loi pour une République numérique, avant de poursuivre le débat sur les amendements au projet de loi de modernisation de la justice du XXIe siècle.

Madame la présidente, comment devons-nous faire ? Pour remplir nos obligations, nous devrons sans doute faire des allers et retours dans l’escalier ou l’ascenseur, entre les amendements divers et variés ! Peut-être serait-il utile de rationaliser cet agenda ?

Mme la présidente. Mon cher collègue, étant moi-même tout à la fois membre de la commission spéciale que vous évoquez et de la commission de la culture, qui se réunira en même temps, je me pose également la question !

M. Roland Courteau. C’est un problème !

Mme la présidente. Acte vous est donné de votre rappel au règlement.

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Article 15 sexies (interruption de la discussion)
Dossier législatif : projet de loi de modernisation de la justice du XXIème siècle
Article 15 septies (supprimé)

Justice du XXIe siècle

Suite de la discussion en nouvelle lecture d’un projet de loi dans le texte de la commission

Mme la présidente. Nous reprenons la discussion, en nouvelle lecture, du projet de loi de modernisation de la justice du XXIe siècle.

Dans l’examen du texte de la commission, nous en sommes parvenus à l’amendement n° 48 tendant à rétablir l’article 15 septies.

Discussion générale
Dossier législatif : projet de loi de modernisation de la justice du XXIème siècle
Article 15 octies

Article 15 septies

(Supprimé)

Mme la présidente. L'amendement n° 48, présenté par MM. Bigot, Richard, Sueur, Leconte et les membres du groupe socialiste et républicain, est ainsi libellé :

Rétablir cet article dans la rédaction suivante :

I. – Le titre V du livre IV du code de l’organisation judiciaire est ainsi modifié :

1° Le chapitre unique devient le chapitre Ier et est intitulé : « Révision et réexamen en matière pénale » ;

2° À l’article L. 451-2, après le mot : « réexamen », sont insérés les mots : « en matière pénale » ;

3° Il est ajouté un chapitre II ainsi rédigé :

« Chapitre II

« Réexamen en matière civile

« Art. L. 452-1. – Le réexamen d’une décision civile définitive rendue en matière d’état des personnes peut être demandé au bénéfice de toute personne ayant été partie à l’instance et disposant d’un intérêt à le solliciter, lorsqu’il résulte d’un arrêt rendu par la Cour européenne des droits de l’homme que cette décision a été prononcée en violation de la convention européenne de sauvegarde des droits de l’homme et des libertés fondamentales ou de ses protocoles additionnels, dès lors que, par sa nature et sa gravité, la violation constatée entraîne, pour cette personne, des conséquences dommageables auxquelles la satisfaction équitable accordée en application de l’article 41 de la même convention ne pourrait mettre un terme. Le réexamen peut être demandé dans un délai d’un an à compter de la décision de la Cour européenne des droits de l’homme. Le réexamen d’un pourvoi en cassation peut être demandé dans les mêmes conditions.

« Art. L. 452-2. – Le réexamen peut être demandé :

« 1° Par la partie intéressée ou, en cas d’incapacité, par son représentant légal ;

« 2° Après la mort ou l’absence déclarée de la partie intéressée, par son conjoint, le partenaire lié à elle par un pacte civil de solidarité, son concubin, ses enfants, ses parents, ses petits-enfants ou arrière-petits-enfants ou ses légataires universels ou à titre universel.

« Art. L. 452-3. – La demande en réexamen est adressée à la cour de réexamen. Celle-ci est composée de treize magistrats de la Cour de cassation, dont le doyen des présidents de chambre, qui préside la cour de réexamen. Les douze autres magistrats sont désignés par l’assemblée générale de la Cour de cassation pour une durée de trois ans, renouvelable une fois.

« Chacune des chambres de la Cour de cassation y est représentée par deux de ses membres.

« Douze magistrats suppléants sont désignés dans les mêmes conditions. Le président de chambre le plus ancien après le doyen des présidents de chambre est désigné suppléant de celui-ci.

« Art. L. 452-4. – Lorsque la demande est manifestement irrecevable, le président de la cour de réexamen peut la rejeter par une ordonnance motivée non susceptible de recours.

« Art. L. 452-5. – Le parquet général près la Cour de cassation assure les fonctions du ministère public devant la formation de jugement.

« Ne peuvent siéger au sein de la formation de jugement ou y exercer les fonctions du ministère public les magistrats qui, dans l’affaire soumise à la cour de réexamen, ont, au sein d’autres juridictions, soit assuré les fonctions du ministère public, soit participé à une décision sur le fond.

« Art. L. 452-6. – La cour de réexamen rejette la demande si elle l’estime mal fondée. Si elle estime la demande fondée, elle annule la décision mentionnée à l’article L. 452-1, sauf lorsqu’il est fait droit à une demande en réexamen du pourvoi du requérant.

« La cour de réexamen renvoie le requérant devant une juridiction de même ordre et de même degré, autre que celle qui a rendu la décision annulée. Toutefois, si le réexamen du pourvoi du requérant, dans des conditions conformes à la convention européenne de sauvegarde des droits de l’homme et des libertés fondamentales, est de nature à remédier à la violation constatée par la Cour européenne des droits de l’homme, elle renvoie le requérant devant l’assemblée plénière de la Cour de cassation. »

II. – Le I du présent article entre en vigueur à une date fixée par décret en Conseil d’État, et au plus tard six mois après la promulgation de la présente loi.

III. – À titre transitoire, les demandes de réexamen présentées en application des articles L. 452-1 à L. 452-6 du code de l’organisation judiciaire et motivées par une décision rendue par la Cour européenne des droits de l’homme rendue avant l’entrée en vigueur du I du présent article peuvent être formées dans un délai d’un an à compter de cette entrée en vigueur. Pour l’application des mêmes articles L. 452-1 à L. 452-6, les décisions du Comité des ministres du Conseil de l’Europe rendues, après une décision de la Commission européenne des droits de l’homme, en application de l’article 32 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l’homme et des libertés fondamentales ou du paragraphe 6 de l’article 5 de son protocole n° 11, sont assimilées aux décisions de la Cour européenne des droits de l’homme.

La parole est à M. Jacques Bigot.

M. Jacques Bigot. Il s’agit, par cet amendement, de rétablir dans le texte une disposition introduite à juste titre à l’Assemblée nationale.

Cette disposition met en place en matière d’état des personnes une procédure de révision devant les juridictions françaises de décisions dont l’examen par la Cour européenne des droits de l’homme, la CEDH, a débouché sur une condamnation de la France.

Lorsque la Cour européenne des droits de l’homme, appliquant la convention que nous avons ratifiée et que nous saluons tous les jours – le Strasbourgeois que je suis sans doute plus que d’autres ! –, dit à un des États signataires qu’une décision prise à son plus haut niveau de juridiction n’est pas conforme à la Convention européenne des droits de l’homme, il est tout à fait choquant pour le justiciable individuel concerné que cette décision reste sans effet, sinon la réparation éventuelle d’un préjudice. Elle ne donne notamment lieu à aucune modification de l’état des personnes, ainsi que nous l’avons constaté dans des contentieux d’état civil que nous connaissons.

C’est à tort, selon moi, monsieur le rapporteur, que vous avez supprimé par amendement cette possibilité introduite par l’Assemblée nationale, laquelle me paraît conforme au respect que nous devons avoir des décisions de la Cour européenne des droits de l’homme.

Mme la présidente. Quel est l’avis de la commission ?

M. Yves Détraigne, rapporteur de la commission des lois constitutionnelles, de législation, du suffrage universel, du règlement et d'administration générale. Pour la commission, une telle réforme mérite une certaine réflexion, qui n’a pu être menée dans le cadre de ce projet de loi.

L’impact de cette mesure ne peut être évalué aujourd’hui. En matière de filiation, par exemple, en particulier en ce qui concerne la reconnaissance de la filiation d’un enfant né de gestation pour autrui pratiquée à l’étranger, pour laquelle la France a été condamnée par la CEDH dans deux arrêts du 26 juin 2014, quelles pourraient être les conséquences d’un tel réexamen ? Nous n’en savons rien aujourd’hui.

La commission maintient donc sa position et émet un avis défavorable sur cet amendement.

Mme la présidente. Quel est l’avis du Gouvernement ?

M. Jean-Jacques Urvoas, garde des sceaux, ministre de la justice. Je rappelle que cette possibilité de réexamen existe en matière pénale depuis la loi du 15 juin 2000 renforçant la protection de la présomption d’innocence et les droits des victimes et qu’elle a été reconnue de façon prétorienne en matière administrative.

Il est donc tout à fait légitime d’envisager cette procédure concernant l’état des personnes, une matière où l’on sait bien que la satisfaction équitable n’est pas toujours suffisante.

Cette proposition, qui vise à modifier le code de l’organisation judiciaire pour lever l’obstacle résultant de l’autorité de la chose jugée, paraît donc légitime. Cela avait été fait, notamment, dans le code de procédure pénale par l’article 622–1.

L’action en réexamen pourra ainsi être exercée par la partie intéressée ou son représentant légal, ainsi que ses ascendants, descendants ou légataire.

Le Gouvernement est tout à fait favorable à cet amendement.

Mme la présidente. La parole est à M. le rapporteur.

M. Yves Détraigne, rapporteur. J’ai bien écouté ce que vient de dire M. le garde des sceaux. En effet, une telle disposition existe dans le domaine pénal, et heureusement d'ailleurs, car il s’agit là de privations de liberté !

Dans le domaine dont nous parlons, cette évolution interviendra sûrement un jour, mais la commission considère qu’elle ne dispose pas aujourd’hui des éléments qui lui permettraient de donner un avis favorable sur cet amendement.

Mme la présidente. La parole est à M. Jean-Yves Leconte, pour explication de vote.

M. Jean-Yves Leconte. Monsieur le rapporteur, il s’agit du respect de la Convention européenne des droits de l’homme.

Vous dites que, en matière pénale, il est normal qu’une telle disposition existe, car il s’agit de privation de liberté. Ici, nous parlons d’état civil, c’est-à-dire de ce qui permet à des gens d’exister dans tous leurs droits, tels qu’ils ont été définis par la Cour européenne des droits de l’homme. Nous avons ratifié la Convention, mais nous devrions évaluer les conséquences du respect de cet engagement avant de l’appliquer à l’existence des personnes concernées ? C’est incroyable !

Ces personnes auront donc subi toutes les procédures judiciaires en France, puis fait valoir leurs droits devant la Cour européenne des droits de l’homme, mais nous ne pourrions pas respecter la décision leur permettant d’exister dans l’état civil ? Si l’on voulait défendre cette position, il fallait le faire avant de signer la Convention européenne des droits de l’homme ! Maintenant que c’est fait, ce dont je me réjouis, nous ne pouvons pas refuser à ces gens d’exister et d’obtenir un état civil.

Mme la présidente. La parole est à M. Jacques Bigot, pour explication de vote.

M. Jacques Bigot. Je m’étonne, monsieur le rapporteur, de votre position. Vous venez de reconnaître que, en matière pénale, une telle disposition était juste, en raison de l’atteinte à la liberté. Les valeurs dont il est ici question sont toutefois aussi fortes : il s’agit de l’état des personnes, souvent des enfants, dont nous devons reconnaître les droits et la filiation. Ce n’est pas anodin !

Il est important, dans la République, qui reconnaît la liberté, légalité et la fraternité, de se soumettre à l’orientation donnée par la Cour européenne. Il est inadmissible que nous nous contentions de répondre à ces gens qu’ils pourraient obtenir un effet équivalent, mais pas le droit dont le principe a été posé par la CEDH.

Je comprends votre hésitation. Vous admettez que le sujet existe, mais que la réflexion n’est pas mûre. Vous signifiez sans doute par là que certains ne sont pas prêts psychologiquement à accepter les décisions de la Cour européenne… J’entends ainsi parfois que l’on remet en cause les traités internationaux que nous avons signés.

Mme la présidente. Je mets aux voix l’amendement n° 48.

(L’amendement n’est pas adopté.)

Mme la présidente. En conséquence, l’article 15 septies demeure supprimé.

Article 15 septies (supprimé)
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Article 16 quater

Article 15 octies

(Supprimé)

TITRE IV

RECENTRER LES JURIDICTIONS SUR LEURS MISSIONS ESSENTIELLES

Chapitre Ier

Dispositions relatives aux successions

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Article 15 octies
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Article 17 (supprimé)

Article 16 quater

(Non modifié)

Au premier alinéa de l’article 809-1 du code civil, après le mot : « patrimoine, », sont insérés les mots : « d’un notaire, ». – (Adopté.)

Chapitre II

Unions et séparations

Article 16 quater
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Article 17 bis

Article 17

(Supprimé)

Mme la présidente. Je suis saisie de deux amendements identiques.

L'amendement n° 49 est présenté par MM. Bigot, Richard, Sueur et les membres du groupe socialiste et républicain.

L'amendement n° 104 rectifié est présenté par MM. Mézard, Amiel, Arnell, Barbier, Castelli, Collin, Collombat, Esnol, Fortassin et Guérini, Mmes Jouve et Laborde et MM. Requier et Vall.

Ces deux amendements sont ainsi libellés :

Rétablir cet article dans la rédaction suivante :

I. – Le code civil est ainsi modifié :

1° À la seconde phrase du premier alinéa de l’article 461, les mots : « au greffe du tribunal d’instance » sont remplacés par les mots : « devant l’officier de l’état civil » ;

2° À la seconde phrase du deuxième alinéa de l’article 462, les mots : « au greffe du tribunal d’instance » sont remplacés par les mots : « devant l’officier de l’état civil » ;

3° L’article 515-3 est ainsi modifié :

a) Le premier alinéa est ainsi rédigé :

« Les personnes qui concluent un pacte civil de solidarité en font la déclaration conjointe devant l’officier de l’état civil de la commune dans laquelle elles fixent leur résidence commune ou, en cas d’empêchement grave à la fixation de celle-ci, devant l’officier de l’état civil de la commune où se trouve la résidence de l’une des parties. » ;

b) Au deuxième alinéa, les mots : « le greffier du tribunal d’instance » sont remplacés par les mots : « l’officier de l’état civil » ;

c) Le troisième alinéa est ainsi rédigé :

« À peine d’irrecevabilité, les personnes qui concluent un pacte civil de solidarité produisent la convention passée entre elles à l’officier de l’état civil, qui la vise avant de la leur restituer. » ;

d) Au début du quatrième alinéa, les mots : « Le greffier » sont remplacés par les mots : « L’officier de l’état civil » ;

e) À l’avant-dernier alinéa, les mots : « au greffe du tribunal » sont remplacés par les mots : « à l’officier de l’état civil » ;

4° À la fin de la deuxième phrase du premier alinéa de l’article 515-3-1, les mots : « au greffe du tribunal de grande instance de Paris » sont remplacés par les mots : « au service central d’état civil du ministère des affaires étrangères » ;

5° L’article 515-7 est ainsi modifié :

a) Au début du deuxième alinéa, les mots : « Le greffier du tribunal d’instance » sont remplacés par les mots : « L’officier de l’état civil » ;

b) Au quatrième alinéa et à la seconde phrase du cinquième alinéa, les mots : « au greffe du tribunal d’instance » sont remplacés par les mots : « à l’officier de l’état civil » ;

c) Au début du sixième alinéa, les mots : « Le greffier » sont remplacés par les mots : « L’officier de l’état civil » ;

d) Au neuvième alinéa, les mots : « au greffier du tribunal d’instance » sont remplacés par les mots : « à l’officier de l’état civil » ;

6° L’article 2499 est abrogé.

II. – À la première phrase du premier alinéa de l’article 14-1 de la loi n° 99-944 du 15 novembre 1999 relative au pacte civil de solidarité, les mots : « tribunaux d’instance » sont remplacés par les mots : « officiers de l’état civil ».

III. – Les modalités d’application du présent article sont définies par décret en Conseil d’État.

La parole est à M. Jacques Bigot, pour présenter l’amendement n° 49.

M. Jacques Bigot. Cet amendement vise à reconnaître que le système mis en place par la loi, qui prévoit une inscription de l’existence du PACS au tribunal d’instance, n’est pas le plus cohérent.

La logique voudrait que cette tâche soit renvoyée devant l’officier d’état civil en mairie. On se marie en mairie, on va voir le maire pour obtenir un certificat d’union libre, et il paraît normal que le pacte civil de solidarité soit également inscrit en mairie.

Ce débat a eu lieu en première lecture, car cette mesure était présente dans le texte initial. Nous étions alors très soucieux de la baisse de la dotation globale de fonctionnement, la DGF, et les interventions avaient soulevé la charge nouvelle que cela risquait de créer pour les communes.

Je sais gré à M. le rapporteur d’avoir dit en commission que, à titre personnel, il était persuadé que cela n’entraînerait pas de frais ni de complications supplémentaires dans nos communes.

Après tout, le Gouvernement a réduit la baisse de la DGF. Il a donc fait un effort et entendu les revendications de l’Association des maires de France… (Sourires.) Entendons aussi la revendication de M. le garde des sceaux, pour soulager les greffes des tribunaux d’instance et faciliter la vie des gens qui nouent un PACS et qui ne comprennent pas qu’il faille le déposer au tribunal.

Tout à l’heure, nous verrons qu’il ne sera plus nécessaire d’aller au tribunal pour divorcer. Soyons logiques et faisons tout cela en mairie !

Mme la présidente. L'amendement n° 104 rectifié n’est pas soutenu.

Quel est l’avis de la commission sur l'amendement n° 49 ?

M. Yves Détraigne, rapporteur. Nous nous trouvons dans une situation quelque peu particulière en matière de procédure. Le Sénat avait supprimé cet article en première lecture en raison du surcroît d’activité et de la charge financière que ce transfert entraînerait pour les communes, sans compensation prévue de la part de l’État. Lors de l’établissement du texte, la commission a maintenu cette position.

Ce matin, en commission, je me suis permis, en sortant, peut-être, des limites du rôle d’un rapporteur, de dire qu’il ne me semblait pas que cette mesure aggraverait la situation financière des communes.

M. Yves Détraigne, rapporteur. J’avais sans doute mal estimé mon influence, puisque la commission s’est finalement rangée à cette considération personnelle. Elle a émis un avis favorable sur cet amendement.

Mme la présidente. Quel est l’avis du Gouvernement ?

M. Jean-Jacques Urvoas, garde des sceaux. Le Gouvernement est naturellement favorable à cet amendement. Cette évolution avait d’ailleurs été recommandée en 2014 dans un rapport du Sénat, rédigé par les ministres Michel Mercier et Catherine Tasca.

En 1999, il avait été décidé que les PACS seraient déposés aux greffes par crainte de confusion avec les mariages. De l’eau a coulé sous les ponts, les deux institutions sont maintenant connues et l’une ne fait pas concurrence à l’autre. Les rapporteurs ont donc considéré qu’il était temps de faire litière de cette divergence et de confier le PACS aux officiers d’état civil, ce qui avait été initialement envisagé par le législateur. D’autres rapports ont repris par la suite cette proposition, notamment un travail effectué sur l’office du juge par M. Delmas-Goyon, qui suggérait la même évolution.

Le Gouvernement émet donc naturellement un avis favorable sur cet amendement.

Mme la présidente. La parole est à M. François Pillet, pour explication de vote.

M. François Pillet. J’en suis désolé, mais je ne partage pas l’avis de la commission.

On envisage de transférer les PACS aux maires, afin d’alléger le travail de la justice. Or je dispose de très bonnes informations, tirées des statistiques de la justice, selon lesquelles, en une année, 148 000 PACS sont enregistrés et 76 000 annulés. Ce sont donc 250 000 écritures, avec des entretiens et des conseils, qui passeraient de la justice aux collectivités locales. Ce qui est aquilon pour la justice ne devient pas zéphyr pour les collectivités locales ! Il y a là un premier point, que chacun appréciera.

Un second argument me semble plus important encore. Lorsque les personnes déposent un PACS chez le greffier, ils s’adressent à un juriste. Lorsque l’on se marie sans contrat, le code civil a tout prévu : la filiation, les suites patrimoniales et la contribution aux charges du mariage entre les époux. Quand ceux-ci ne veulent pas de ces dispositions spécifiques, ils sont obligés de faire un contrat authentique devant notaire.

Un PACS est un document qui peut avoir été écrit quelques minutes auparavant sur un coin de table, avec l’aide de n’importe quel conseiller, y compris dénué de compétence juridique… Aujourd’hui, lorsque les gens déposent une requête conjointe, le greffier regarde les documents et, même s’il n’y a pas de convention, ce qui équivaut à un régime de séparation de biens, il indique aux gens ce qui va se passer et donne donc un conseil.

Or les maires ne donneront pas de conseil. Je leur conseillerai même dans mon département de s’en abstenir strictement, afin de ne pas engager leur responsabilité.

Au-delà du fait que l’on transfère 250 000 actes aux collectivités locales, on assure donc une bien moindre protection des intérêts des justiciables.

C’est la raison pour laquelle je ne suivrai pas l’avis de la commission.

Mme la présidente. La parole est à M. Henri Tandonnet, pour explication de vote.

M. Henri Tandonnet. J’irai dans le même sens que mon collègue François Pillet. Le pacte civil de solidarité est purement conventionnel, quand l’officier d’état civil s’attache à l’état des personnes. Nous risquons donc de mélanger des domaines très différents.

Le notaire ou le greffier porte un regard de juriste sur les personnes, qui accompagnent souvent leurs déclarations d’une convention ne réglant avec que des problèmes patrimoniaux.

Que l’on ne prétende pas que l’on va décharger les juges, puisque ceux-ci ne sont pas du tout concernés par ces formalités ! Ce sont les greffiers qui s’en chargent au sein des tribunaux d’instance, tribunaux de proximité. Telle est même la raison d’être du greffier : enregistrer des déclarations, en l’occurrence des conventions.

Par ailleurs, il faut garder à l’esprit que l’on peut mettre fin à un PACS par déclaration unilatérale à tout moment : en d’autres termes, on peut se pacser un lundi et se « dépacser » le vendredi suivant, par simple déclaration. Or ces déclarations entraînent des conséquences importantes, qui justifient le conseil d’un juriste.

Dans les mairies, qui recueillerait les déclarations de résiliation ? Dans quelles conditions celles-ci seraient-elles faites ? Enregistrer des conventions à caractère purement patrimonial n’est pas le rôle des officiers d’état civil !

Pour ces raisons, dans leur grande majorité, les membres du groupe UDI-UC voteront contre cet amendement.

Mme la présidente. La parole est à M. Jean-Pierre Sueur, pour explication de vote.

M. Jean-Pierre Sueur. En écoutant les deux dernières interventions, je songeais : « Finalement, c’est toujours pareil, il y a à l’égard du PACS une sorte de réticence ».

On trouve des manières de parler qui sont spécifiques. Ainsi, M. le rapporteur prend beaucoup de précautions pour expliquer que la situation est particulière. En réalité, la commission des lois s’est prononcée en faveur d’un amendement, de surcroît à une large majorité ; je ne vois là rien d’extraordinaire… Certes, cette position est différente de la précédente ; c’est parce que la réflexion s’est poursuivie, voilà tout.

Au départ, on avait imaginé que le PACS serait enregistré auprès des tribunaux, parce que, comme l’a rappelé M. le garde des sceaux, on ne voulait pas qu’il fût assimilé au mariage. Aujourd’hui, chacun sait ce que sont le mariage et le PACS, et il paraît naturel à nos concitoyens d’aller à la mairie.

J’ajoute que, aujourd’hui, le rôle du tribunal est seulement d’enregistrer le PACS ; il n’est pas de recevoir les personnes, de les confesser et de leur demander si elles ont bien réfléchi, si elles ont pris les conseils d’un juriste et si leur document est bien écrit.

Preuve qu’il y a toujours vis-à-vis du PACS cette espèce de préjugé, l’un de nos collègues de la majorité sénatoriale a dit : « Le PACS, on peut le rédiger sur un coin de table ». Pourquoi cette idée ? Nos concitoyens qui décident de conclure un PACS y réfléchissent, comme ceux qui décident de se marier.